Sommaire

Présidence de M. Guy Fischer

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Anne-Marie Payet.

1. Procès-verbal

2. Désignation d'un sénateur en mission

3. Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

4. Loi de finances pour 2009. – Suite de la discussion d'un projet de loi.

Justice

MM. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Pierre Fauchon, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Laurent Béteille, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Jean-Pierre Sueur, Alain Anziani, Mme Virginie Klès.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

État B

Amendement n° II-1 de M. Roland du Luart. – M. le rapporteur spécial, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mme le garde des sceaux.

Amendements nos II-52 rectifié et II-53 rectifié de M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. – MM. Yves Détraigne, rapporteur pour avis ; le rapporteur spécial, Mme le garde des sceaux. – Retrait des deux amendements.

M. le président de la commission des finances, Mme le garde des sceaux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Adoption des crédits.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

Travail et emploi

MM. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances ; Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Mmes Annie David, Françoise Henneron, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean Desessard.

MM. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ; Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

État B

Amendement no II-165 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur spécial, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. le président de la commission des finances. – Adoption.

Amendement no II-125 rectifié de Mme Annie Jarraud-Vergnolle. – Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement no II-126 rectifié de Mme Annie Jarraud-Vergnolle. – Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jean-Pierre Godefroy. – Rejet.

Mme Annie David.

Adoption des crédits modifiés.

Article 79

Amendements identiques nos II-127 de Mme Annie Jarraud-Vergnolle et II-149 de Mme Annie David ; Amendement no II-148 rectifié de M. Paul Blanc. – Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Annie David, MM. Paul Blanc, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Godefroy, Michel Mercier, le président de la commission des finances. – Retrait de l’amendement no II-148 rectifié ; rejet des amendements nos II-127 et II-149.

Adoption de l'article.

Article 80

Amendements identiques nos II-128 de Mme Annie Jarraud-Vergnolle et II-150 de Mme Annie David. – Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Annie David, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 81 (supprimé)

Article additionnel après l'article 81

Amendement no II-38 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

fense

MM. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial de la commission des finances ; Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances ; Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. André Dulait, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Jean-Pierre Chevènement, Didier Boulaud.

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

M. Joseph Kergueris, Mme Michelle Demessine.

M. Josselin de Rohan, le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Hervé Morin, ministre de la défense.

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le ministre.

Questions et réponses

MM. Christian Cambon, le ministre.

MM. Philippe Madrelle, le ministre.

MM. Yves Détraigne, le ministre.

Mme Michelle Demessine, M. le ministre.

MM. Jacques Gautier, le ministre.

Mme Josette Durrieu, M. le ministre.

MM. René Beaumont, le ministre.

MM. Daniel Reiner, le ministre.

MM. Jean-Pierre Godefroy, le ministre.

MM. Jean-Louis Carrère, le ministre.

État B

Amendement no II-14 rectifié de la commission. – MM. Charles Guené, rapporteur spécial ; le ministre, le président de la commission des finances. – Retrait.

Adoption des crédits.

Article 59 decies

Amendement no II-22 de la commission. – MM. Charles Guené, rapporteur spécial. – Retrait.

Amendement no II-24 de la commission. – MM. Charles Guené, rapporteur spécial ; le ministre, le président de la commission. – Adoption.

Amendement no II-30 de la commission. – MM. Charles Guené, rapporteur spécial ; le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles 59 undecies et 59 duodecies. – Adoption

5. Dépôt d'une question orale avec débat

6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Guy Fischer

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Godefroy,

Mme Anne-Marie Payet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Désignation d'un sénateur en mission

M. le président. Par courrier en date du 28 novembre, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L. O. 297 du code électoral, Mme Sylvie Desmarescaux, sénateur du Nord, en mission temporaire auprès de M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Cette mission portera sur l’évolution des droits sociaux attachés au statut de bénéficiaire de minima sociaux dans le cadre de la création du revenu de solidarité active.

Acte est donné de cette communication.

3

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce rappel au règlement porte sur l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, fondement de la Constitution et, par conséquent, du règlement du Sénat.

M. Vittorio de Filippis, journaliste et ancien directeur de la publication du journal Libération, a été interpellé le vendredi 28 novembre 2008 à son domicile, à six heures quarante du matin, à la suite d’un mandat d’amener délivré par un juge. Il a été interpellé devant ses enfants, menotté, conduit au commissariat de police du Raincy.

Le journal Libération du 29 novembre a publié le témoignage de M. de Filippis. M. Laurent Joffrin, directeur de Libération, écrit que cette interpellation était « volontairement humiliante ». À lire les récits qui ont paru dans la presse, madame la ministre, j’ajouterai que c’est le moins que l’on puisse dire !

M. Vittorio de Filippis a relaté dans le journal Libération, dans un témoignage repris par le journal Le Monde, que lors de l’interpellation un fonctionnaire aurait déclaré devant son fils : « Vous êtes pire que la racaille ! »

Je rappelle que l’affaire qui a donné lieu aux faits précités est une plainte en diffamation au sujet d’un commentaire hébergé par le site de Libération et publié le 27 octobre 2006. L’avocat du journal Libération, Me Jean-Paul Lévy, déclare : « C’est la première fois que je vois un juge délivrer un mandat d’amener dans une affaire de diffamation. En matière de presse, la détention n’existe pas. Le traitement qui a été réservé à Vittorio de Filippis est invraisemblable. »

Me Baudelot, avocat du journal Le Monde, a déclaré : « C’est invraisemblable et inacceptable, si on permet des […] interpellations de cette nature, on contourne la loi. »

La Société civile des personnels de Libération a dénoncé « des méthodes judiciaires intolérables » et a demandé, à l’instar de nombreuses personnalités politiques qu’une enquête soit ouverte.

Le Syndicat national des journalistes a dénoncé « la démesure avec laquelle sont désormais instruits certains délits de presse ».

Reporters sans frontières a jugé ces faits « intolérables ».

Madame la ministre, devant l’intense et justifiée émotion suscitée par les faits que je viens de rappeler, j’ai l’honneur de vous poser trois questions.

Premièrement, une plainte relative à la présence sur un site d’un commentaire considéré comme diffamatoire vous paraît-elle justifier le traitement qui a été infligé à M. Vittorio de Filippis ?

Deuxièmement, considérez-vous que ces méthodes sont compatibles avec le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes que vous avez défendu ici même ?

M. Jean-Pierre Sueur. Troisièmement, madame la ministre – et nous attendons une réponse très précise sur ce dernier point –, avez-vous demandé une enquête sur les faits précités ? Sinon, allez-vous le faire ? Rendrez-vous publiques les conclusions de cette enquête ?

M. le président. Mon cher collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement. Mme la ministre vous répondra tout à l’heure.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, avec votre indulgence, je reprends la parole pour m’étonner du mutisme du Gouvernement. En tant que parlementaire, j’ai posé des questions précises, à la faveur d’un rappel au règlement qui porte sur une affaire concernant les libertés fondamentales : ce n’est pas par hasard que j’ai cité l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je m’associe aux propos de notre collègue et souhaite que nous obtenions une réponse, puisque Mme la garde des sceaux est présente dans l’hémicycle.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, si elle le souhaite.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, j’avais l’intention de répondre aux questions qui viennent de m’être posées après les orateurs à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Justice » : à aucun moment je n’ai envisagé de garder le mutisme !

Je voudrais d’abord apporter deux précisions. D’une part, la procédure dont il s’agit est une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d’instruction, et non une action dont le Gouvernement ou le ministère public aurait pris l’initiative, par exemple à la demande du garde des sceaux. D’autre part, la délivrance d’un mandat d’amener fait partie des décisions qu’un juge d’instruction peut être conduit à prendre dans le cadre d’une procédure, en particulier lorsque la personne n’a pas déféré à plusieurs convocations.

Je n’ai donc aucun jugement à porter, ni même aucun commentaire à faire sur un acte de procédure qui relève du juge d’instruction. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes dans un État de droit, où l’indépendance de la justice est respectée ! Ce point a même été placé au cœur de nos débats lors de l’examen de plusieurs projets de loi que j’ai défendus devant vous.

Que, conformément aux prérogatives attachées à ma fonction, je puisse donner des instructions au parquet, c’est une chose. Mais je n’en ai jamais donné à un juge d’instruction ! Au demeurant, les membres de l’opposition sont souvent revenus sur cette question et se sont très longtemps émus des risques d’atteinte à l’indépendance de la justice que comporterait une telle pratique, à laquelle il n’a jamais été recouru.

Le mandat d’amener a donc été délivré en toute indépendance par le juge d’instruction. Il faut, dans cette affaire, distinguer deux éléments : l’arrestation, d’une part, la procédure menée par le juge d’instruction, d’autre part.

Je rappelle que, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, le Président de la République avait souhaité que le déroulement et les conditions des interpellations soient nettement améliorés, ce qu’il a fait, notamment, en limitant les fouilles à corps pour éviter les atteintes à la dignité de la personne.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez lu la presse, madame la ministre !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Par ailleurs, lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, le Président de la République a pris l’engagement d’améliorer la protection du secret des sources en en faisant un principe général inscrit dans la loi de 1881. Tel est l’objet du projet de loi dont nous avons débattu récemment et dont l’adoption permettra à la fois de mieux garantir le secret des sources et d’encadrer plus strictement les procédures mettant en cause un journaliste.

Enfin, pour répondre sur le dernier point évoqué par M. Sueur, j’ai demandé au parquet de se faire communiquer le dossier de la procédure. Il n’a pas encore été transmis. Bien entendu, nous n’avons rien à cacher, et le ministre de la justice ne se réfugie pas dans le mutisme, mais les juges sont indépendants ! Nous avons fait en sorte de pouvoir disposer de plus d’éléments, que vous serez à même d’avoir en temps utile.

Bref, non seulement les conditions de la garde à vue ont été nettement améliorées, mais nous tenons particulièrement à la liberté d’expression, notamment à la liberté de la presse ; et je rappelle que le Président de la République est le premier à avoir fait en sorte que, pour les journalistes, soient mises en œuvre plus de garanties et plus de protection, ce qui était réclamé depuis longtemps. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

4

Article 35 et état B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Deuxième partie

Loi de finances pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Justice

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 98 et 99).

Justice

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Justice ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la mission « Justice » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2009, de 6,654 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 2,6 %.

Dans un contexte budgétaire globalement tendu, cette progression des crédits illustre l’importance attachée à la justice et la priorité accordée à ses moyens, et cela depuis plusieurs années.

Le programme « Justice judiciaire » compte 2,83 milliards d’euros en crédits de paiement, en hausse de 3,8 %.

Au sein de ce programme, il convient de souligner les progrès remarquables réalisés en termes de maîtrise des frais de justice. Grâce aux efforts conjugués des magistrats et de la Chancellerie, la dynamique à la hausse de ces frais est désormais contenue. En 2009, une dotation de 409 millions d’euros est prévue pour les couvrir, contre 405 millions d’euros en 2008.

Un autre problème récurrent reste toutefois à résoudre : celui de l’insuffisance de greffiers au sein des juridictions, je l’ai souligné à de nombreuses reprises.

Le ratio actuel de 2,5 fonctionnaires de greffe par magistrat traduit une réelle faiblesse du soutien logistique susceptible d’être apporté aux magistrats, tant pour le rendu des décisions de justice que pour la gestion des juridictions. Les efforts afin d’accroître les effectifs de magistrats, en conformité avec la loi d’orientation et de programmation pour la justice, la LOPJ, au cours de la période 2003-2007, méritent d’être salués. Mais ils n’ont de sens que s’ils s’accompagnent d’un effort encore plus important en faveur des greffiers.

Le projet de loi de finances pour 2009 permet également de faire le point sur la réforme de la carte judiciaire et sur son coût.

Depuis de nombreuses années, chacun convenait de la nécessité de réformer la carte judiciaire, mais aucune réorganisation n’avait été entreprise depuis 1958. En dépit des évolutions démographiques, économiques et sociales de notre pays, la carte judiciaire n’avait fait l’objet depuis cette date que d’adaptations ponctuelles.

Elle avait ainsi fini par devenir un frein à la modernisation de la justice et une entrave à sa nécessaire lisibilité pour les citoyens.

Toutefois, cette réforme présente un coût initial.

Pour 2009, le budget qui lui sera consacré s’élève à 37 millions d’euros, supportés par le programme « Justice judiciaire ». Encore faut-il ajouter à cette somme 55 millions d’euros mobilisés sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », provenant essentiellement des produits de cessions de bâtiments appartenant à l’État.

Au total et sur cinq ans, le coût de la réforme de la carte judiciaire est désormais chiffré par la Chancellerie à 427 millions d’euros, soit un montant très inférieur à celui qui était annoncé initialement, c'est-à-dire 800 millions d’euros.

Il faut toutefois préciser que ce coût n’intègre pas l’opération de réaménagement du tribunal de grande instance de Paris, qui pourrait s’élever, à elle seule, à près d’un milliard d’euros.

Le programme « Administration pénitentiaire » comporte 2,467 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une progression de 4 %.

Faut-il le rappeler ? En France, les conditions de détention sont inacceptables. La vétusté de la plupart des prisons y est pour beaucoup, mais surtout l’insuffisance de places est accablante. Le taux de surpopulation carcérale atteignait ainsi 126,5 % au 1er juillet 2008 et ce taux, qui n’est qu’un taux moyen, peut même aller jusqu’à plus de 200 % dans certains établissements…

On ne peut donc que se réjouir de la création nette de 4 588 places en établissements pénitentiaires en 2009, parmi lesquels figure la maison d’arrêt du Mans, ce que je note avec satisfaction. Cependant, à supposer que le nombre de détenus reste au niveau actuel et que les prévisions en matière de créations nettes de places en détention soient respectées, il s’agit de 11 569 places à créer entre 2009 et 2012, le nombre de places n’égalera pas le nombre de personnes détenues au terme de la programmation…

En 2009, la création d’emplois au sein de l’administration pénitentiaire suivra ces ouvertures de places. Le programme enregistrera un nouvel accroissement de ses effectifs de 894 équivalents temps plein travaillé.

S’agissant des conditions de vie et d’accueil dans les établissements pénitentiaires, je souhaite tout particulièrement insister sur la prise en charge défaillante des cas de psychiatrie en milieu carcéral. Notre système souffre d’une grave insuffisance de moyens en la matière, notamment en ce qui concerne le nombre des psychiatres intervenant en établissement pénitentiaire. Je demande instamment que l’on crée des postes, notamment dans les nouveaux établissements.

La question des transfèrements de détenus pose également problème. Une « remise à plat » de la charge de ces missions, qui incombent actuellement à la police et à la gendarmerie, me paraît indispensable. Je reviendrai d’ailleurs sur cette question lors de la présentation de l’amendement proposé par la commission des finances du Sénat sur les crédits de la mission « Justice ».

Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » s’appuie sur une enveloppe de 787,1 millions d’euros en crédits de paiement, en baisse de 2,1 %.

Il sera marqué par une évolution stratégique notable en 2009 : son recentrage sur la prise en charge des mineurs délinquants.

Au regard de la performance de ce programme, il faut souligner que les taux d’occupation des établissements enregistrent des progrès significatifs. Ainsi, ce taux est-il passé de 71 % pour les centres éducatifs fermés en 2007 à 75 % en prévision actualisée pour 2008, avec une cible de 80 % en 2011.

Un résultat de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, ne doit pas nous échapper : 66 % des jeunes pris en charge au pénal n’ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l’objet de nouvelles poursuites dans l’année qui a suivi la clôture de la mesure. À lui seul, ce chiffre suffirait à justifier l’importance de l’action de la PJJ.

Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » diminuent de 4,3 % en crédits de paiement, en passant de 334,3 millions d’euros à 320 millions d’euros.

Au sein de ce programme, l’aide juridictionnelle voit sa dotation passer de 314,4 millions d’euros en 2008 à 300 millions d’euros en 2009. Cette baisse de 4,6 % doit toutefois être relativisée, dans la mesure où elle pourrait être compensée par un rétablissement de crédits à hauteur de 13 millions d’euros au titre du recouvrement de l’aide juridictionnelle. Par ailleurs, l’hypothèse sur laquelle s’appuie cette prévision budgétaire se fonde sur un non-accroissement du nombre d’admissions à l’aide en 2009, soit 886 000 bénéficiaires.

Il n’en reste pas moins qu’une réforme de ce dispositif s’impose. La commission des finances a déjà eu l’occasion de formuler des recommandations dans ce domaine. Elle souhaite que 2009 puisse être une année de prise de décisions fortes.

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus » constitue une nouveauté relative au sein de la mission « Justice ».

Sa création s’explique par la mise en œuvre, au sein du ministère de la justice et à compter du 1er janvier 2009, du logiciel Chorus, qui doit gérer à terme l’ensemble de la dépense des recettes non fiscales et de la comptabilité de l’État.

Ce programme comporte 238 millions d’euros de crédits de paiement.

Il faut noter, le concernant, que la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, qui était rattachée jusqu’en 2008 au programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés », est transférée en direction du programme « Défense des droits des citoyens » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Ce transfert de la CNIL sur un programme permettant de mieux individualiser et de mieux « sanctuariser » ses crédits correspond à la satisfaction d’un souhait plusieurs fois émis par la commission des finances du Sénat.

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice », enfin, n’a plus qu’une vocation transitoire. Il disparaîtra le 31 décembre 2009, date à laquelle la totalité des crédits de la mission « Justice » seront gérés dans l’application financière Chorus.

En conclusion, mes chers collègues, l’année 2009 sera, pour la justice, une année de continuité. Continuité, tout d’abord, dans les efforts budgétaires consentis pour rattraper des retards trop longtemps accumulés. Continuité, ensuite, dans la volonté de moderniser l’institution judiciaire, pour la rendre plus proche du justiciable et plus lisible par nos concitoyens. Continuité, enfin, dans le souci d’apporter une réponse au problème posé par la surpopulation carcérale et les conditions de détention, trop souvent indignes de notre République.

Dans ces conditions, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de la mission et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le programme « Administration pénitentiaire », qui constitue l’un des six programmes de la mission « Justice », représente 37 % de cette mission, soit une enveloppe de 2,467 milliards d’euros.

Les crédits de paiement augmentent de 4 % par rapport aux crédits ouverts en 2008, après une hausse de 6,4 % entre 2007 et 2008, et les autorisations d’engagement progressent de 30,2 % en raison du renouvellement des marchés des établissements à gestion déléguée et de la notification des nouveaux établissements dont la livraison est prévue pour 2010.

Le plafond d’autorisations d’emplois en 2009 s’élève à 33 020 équivalents temps plein travaillé contre 32 126 en 2008, soit une augmentation de 894 emplois. Cette évolution s’explique principalement pour les personnels de surveillance, plus 775 emplois, par la livraison des premiers établissements issus du programme « 13 200 », et pour les personnels d’insertion et de probation, plus 104 emplois à partager avec les métiers du greffe et de l’éducatif, par le développement des mesures d’aménagement de peine et plus particulièrement du placement sous surveillance électronique.

Le budget de fonctionnement de l’administration pénitentiaire devrait ainsi augmenter de 5,6 % entre 2008 et 2009. Afin de prendre en compte les besoins liés au recrutement supplémentaire de personnels, la subvention pour charge de service public versée à l’École nationale d’administration pénitentiaire, l’ENAP, devrait être abondée de 5 millions d’euros.

Au cours des trente dernières années, les gouvernements successifs ont engagé trois programmes immobiliers d’envergure afin d’augmenter le nombre de places de détention opérationnelles : en 1987, le programme Chalandon de 13 000 places avec la construction de vingt-cinq établissements ; en 1994, le programme Méhaignerie de 4 000 places, avec la construction de six établissements ; enfin, la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 prévoit la création de 13 200 places avec la construction d’une quinzaine d’établissements pénitentiaires et de sept établissements pour mineurs.

Ces derniers ont été les premiers à ouvrir dès 2007, tandis que la livraison des établissements pour majeurs a débuté cet automne.

Le solde des ouvertures-fermetures de places sur les exercices 2007 et 2008 s’élève à 1 497 places supplémentaires, mais le mouvement s’accélère puisque ce sont 4 590 places nouvelles qui devraient être opérationnelles en 2009 avec les ouvertures des centres pénitentiaires de Rennes, Bourg-en-Bresse, Béziers, Poitiers-Vivonne et Nancy-Maréville, du centre de détention du Havre, de la maison d’arrêt de Le Mans-Coulaines et du quartier courte peine de Seysses.

Si ces différentes observations ne peuvent qu’amener la commission des lois à émettre un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire », votre rapporteur pour avis souhaiterait cependant attirer tout particulièrement votre attention sur deux points.

Tout d’abord, l’année 2009 devrait être marquée par l’adoption longtemps attendue du projet de loi pénitentiaire.

À l’instigation de son président, la commission des lois a pris l’initiative d’examiner ce texte le 17 décembre prochain afin de permettre son inscription rapide à l’ordre du jour. Or l’évolution des crédits pour 2009, dont la progression significative résulte pour l’essentiel de la livraison des premiers établissements pénitentiaires du programme « 13 200 », n’anticipe guère les effets financiers du projet de loi pénitentiaire.

Si ces conséquences sont difficiles à mesurer, l’étude d’impact accompagnant le texte ne demandant guère d’éléments d’appréciation sur ce point, elles n’en sont pas moins inéluctables.

Certes, le projet de budget ne peut présumer des votes et des choix du législateur, mais comment ne pas craindre que l’irrecevabilité financière appliquée en vertu de l’article 40 de la Constitution n’interdise au Parlement de débattre utilement de certaines options fondamentales pour une réforme pénitentiaire ambitieuse ?

Aussi avais-je souhaité, par exemple, proposer un amendement afin de dégager une enveloppe d’un montant limité permettant aux assemblées de discuter, lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire, de la mise en place éventuelle d’un minimum carcéral ou d’une allocation carcérale de réinsertion.

L’étroitesse des marges de manœuvre de ce programme m’a amené à y renoncer, mais je forme le vœu, comme on a bien voulu me le laisser entendre, que ce ne soit pas au prix d’une mise à l’écart du Parlement sur des sujets qui doivent fondamentalement relever de sa responsabilité.

Ensuite, je m’interroge sur la modestie des ambitions de certains indicateurs de performance. Ainsi, alors que le taux de détenus bénéficiant d’une formation professionnelle était de 9,3 % en 2008, la cible pour 2011 demeure identique.

J’aurais également pu prendre l’exemple du taux de détenus bénéficiant d’une activité rémunérée, qui n’évolue guère dans les objectifs 2011 par rapport aux réalités de 2008 et qui s’inscrit même en baisse sensible au regard des objectifs de la précédente loi de finances.

Ces prévisions apparaissent-elles bien conformes, mes chers collègues, à l’obligation de mobiliser les moyens au service d’une politique de réinsertion ?

Vous ayant ainsi associés à mes préoccupations, je n’en suis que plus à l’aise pour rappeler l’avis favorable de la commission des lois et de votre rapporteur pour avis sur l’adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2009 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 marquent un coup d’arrêt à la progression des crédits alloués à la protection judiciaire de la jeunesse depuis quelques années.

Après avoir augmenté de 8,6 % en 2007, puis de 1,6 % en 2008, les crédits de paiement diminueront de 2,2 % en 2009, pour s’établir à un peu plus de 787 millions d’euros en 2009, représentant ainsi 11,8 % de l’ensemble des crédits de la mission « Justice ». Ils diminueront ensuite de 1 % en 2010 et de 1,4 % en 2011.

Au-delà de cette diminution globale, le projet de loi de finances pour 2009 opère, comme M. le rapporteur spécial l’a souligné, un important redéploiement des moyens, afin de recentrer l’action de la protection judiciaire de la jeunesse sur les mineurs délinquants. Ainsi, les crédits de paiement alloués à la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs diminueront de 40 %, tandis que ceux qui sont consacrés à la prise en charge des mineurs délinquants augmenteront de 18 %.

Pour ce qui concerne les effectifs, ce redéploiement concernera 805 équivalents temps plein travaillé, le plafond d’autorisation d’emplois étant fixé à 8 951 équivalents temps plein travaillé, contre 9 027 en 2008. D’ici à un an ou deux ans, seules les mesures judiciaires d’investigation concernant les mineurs en danger et les jeunes majeurs seront encore prises en charge par l’État. Cette évolution prolonge la réduction significative des crédits destinés à la prise en charge des jeunes majeurs qui a été engagée depuis quelques années. Elle est présentée comme la conséquence de la réaffirmation, par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, de la compétence des conseils généraux en matière de protection des mineurs en danger et des jeunes majeurs.

Enfin, elle devrait s’accompagner, sur le plan juridique, d’une réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, que vous aviez annoncée, madame le garde des sceaux, et qui a été confirmée par la récente conférence de presse donnée par le recteur Varinard, et de l’abrogation du décret du 18 février 1975 relatif à la prise en charge des jeunes majeurs que vous avez laissé entendre.

Sans doute cette évolution va-t-elle dans le sens des recommandations de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs mise en place en 2002, en vertu desquelles le secteur public devait se consacrer exclusivement à la prise en charge des mineurs délinquants et le secteur associatif devait être habilité à s’investir davantage au pénal. Mais elle n’en suscite pas moins, par son ampleur, des interrogations et des inquiétudes exprimées notamment par l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, par l’Assemblée des départements de France et par l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, quant à la continuité et à l’homogénéité du suivi des mineurs en danger et des jeunes majeurs.

La commission des lois souhaite souligner la nécessité de veiller à ce que les jeunes en danger, comme les jeunes majeurs, puissent bénéficier d’un même niveau de protection sur l’ensemble du territoire national. Parallèlement, il convient de noter que la modernisation de la protection judiciaire de la jeunesse se poursuit suivant trois axes : la diversification des modes de prise en charge, la rationalisation des moyens et le développement de l’évaluation.

À cet égard, je ne ferai que quelques brèves remarques, inspirées par les déplacements que j’ai effectués cette année.

Si les structures de prise en charge des mineurs ont été diversifiées afin de permettre l’élaboration d’un véritable « parcours éducatif », il importe aujourd’hui de veiller à leur bonne articulation sur le plan tant géographique que fonctionnel.

À titre d’exemple – et je vous ai d’ailleurs posé cette question en commission –, on peut déplorer qu’aucun centre éducatif fermé n’ait été créé dans les Bouches-du-Rhône et que la région d’Île-de-France n’en compte qu’un, à Savigny-sur-Orge.

Ce centre, que j’ai visité avec M. Lecerf, est l’un des cinq centres éducatifs fermés ayant bénéficié en 2008, à titre expérimental pour améliorer la prise en charge des mineurs atteints de troubles mentaux, de moyens supplémentaires, qui devaient se traduire par le recrutement de deux infirmiers, d’un second psychologue et d’un psychiatre.

Dans le centre que nous avons visité, un second psychologue à temps plein avait bien été embauché, mais l’équipe ne bénéficiait du concours d’un psychiatre qu’à raison d’une vacation d’une demi-journée par semaine et n’avait pu recruter aucun infirmier, faute de candidatures valables. L’équipe du centre a salué l’intervention et l’implication des psychologues dans la prise en charge des mineurs. En revanche, elle a attiré notre attention sur la nécessité de ne pas considérer les cinq centres éducatifs fermés retenus pour l’expérimentation comme des centres spécialisés dans l’accueil de jeunes atteints de troubles psychiatriques graves en provenance de toute la France.

Il nous a été indiqué qu’un jeune, à peine placé dans le centre par un magistrat qui souhaitait mettre un terme à son séjour en hôpital psychiatrique, avait séquestré et menacé le personnel de direction. Cet exemple ainsi que la tentative de suicide d’un mineur placé dans le centre, la veille de notre venue, témoignent des efforts considérables qui restent à accomplir pour améliorer la prise en charge des jeunes atteints de troubles mentaux.

Le bilan d’ensemble des quelque 37 centres éducatifs fermés, les CEF, n’en est pas moins satisfaisant, puisque 66 % des mineurs qui y sont accueillis ne commettent pas de nouvelle infraction dans l’année de leur sortie.

L’un de ceux que j’ai rencontrés à Savigny-sur-Orge venait d’effectuer, avec succès, un stage dans une chocolaterie. Le CEF, nous a-t-il confié, constitue un point d’arrivée pour un nouveau départ. Pour ma part, j’y vois là un motif d’espoir.

En conclusion, je formulerai quelques observations personnelles.

Il faut considérer les crédits alloués à la mission « Justice » dans la durée et les mettre en perspective sur quelques années. En dehors de toute considération partisane dans un secteur aussi sensible que celui de la justice, notamment celui de la protection de la jeunesse, je tiens à rendre un hommage particulier aux éducateurs des centres éducatifs fermés, ces fonctionnaires un peu oubliés de la société civile, qui ne s’intéresse qu’à des questions médiatiques et ignore le travail permanent qu’ils accomplissent jour et nuit au contact de personnes extrêmement difficiles à gérer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Un hommage mérité !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits du Programme « Protection judiciaire de la jeunesse » au sein de la mission « Justice », qu’elle vous demande d’approuver, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les grandes lignes des crédits de la mission « Justice » alloués pour 2009, qui ont été présentées par M. le rapporteur spécial notamment.

Cependant, je relève que le nombre total d’équivalents temps plein travaillé du programme « Justice judiciaire » est en baisse de 54, notamment en raison du transfert de la Cour nationale du droit d’asile vers la justice administrative. Mais, par un « effet » de la LOLF en quelque sorte, cette baisse cache en fait des créations d’emplois : 59 emplois de magistrats, 9 de greffiers en chef et 50 de greffiers. Le nombre d’équivalents temps plein travaillé de magistrats s’établira donc à près de 7 900  en 2009, ce qui peut être considéré comme un effectif satisfaisant.

Toutefois, il convient de regarder les choses de manière plus détaillée, et je reviendrai sur la question des effectifs.

Mon propos sera axé sur trois points : l’application de la LOLF à la justice, la réforme de la carte judiciaire et l’accès au droit et, enfin, l’indispensable et nécessaire révision de l’état civil à Mayotte.

Après trois années d’application de la LOLF à la justice, le bilan est contrasté.

Tout d’abord, la justice n’était pas le domaine où la mise en œuvre d’une logique de performance apparaissait la plus naturelle. D’ailleurs, les indicateurs de performance en la matière doivent être considérés avec prudence.

Ainsi, s’agissant des délais de jugement, toutes les procédures n’obéissent pas aux mêmes délais, …

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. … et la mesure d’un délai moyen doit donc être interprétée avec prudence.

La question de la définition des indicateurs se pose également si l’on observe celui qui porte sur le nombre d’utilisations de la visioconférence.

La commission des lois comprend bien sûr les économies qui peuvent être réalisées grâce au recours à la visioconférence et à son développement. Mais l’utilisation de ce procédé doit-il, pour autant, devenir un objectif de performance à part entière de l’action judiciaire ?

Certes, la visioconférence doit être un moyen pour les magistrats de faire des économies, et il est très utile de promouvoir son déploiement. Mais elle ne saurait s’imposer de façon systématique, en dehors de considérations d’opportunité que seul le juge peut apprécier.

Pour les chefs de cour, la perspective de bénéficier de marges de manœuvre supplémentaires s’ils réalisaient des économies constituait, en 2006, une véritable incitation à la mise en œuvre de la LOLF. Or, se confirme aujourd’hui une déception que l’on sentait poindre depuis deux ans : la LOLF semble plutôt avoir permis à l’administration centrale d’étendre son emprise sur la gestion des juridictions.

Pourtant – et c’est un point très positif –, les magistrats ont opéré un véritable changement de culture avec la mise en œuvre de la LOLF, comme l’illustre le succès du plan de maîtrise des frais de justice.

Après avoir augmenté de 42,7 % entre 2003 et 2005, les frais de justice connaissent, depuis 2007, une progression oscillant autour de 2 % par an. Des efforts de rationalisation importants ont donc été réalisés, par exemple avec la passation de marchés publics pour les analyses génétiques. Mais les magistrats prescripteurs ont également eu un rôle déterminant, intégrant pleinement le caractère désormais limitatif des crédits.

En dépit de ces efforts, on dénote un risque de détournement de l’esprit de la LOLF. La fongibilité reste l’apanage du responsable de programme ; les services administratifs régionaux semblent excessivement accaparés par la production de statistiques financières, qui se sont multipliées, et les crédits délégués sont encore trop souvent « fléchés » par l’administration centrale.

Les progrès de l’informatisation du ministère de la justice permettront, je l’espère, de réduire la part des activités de reporting des services administratifs régionaux, les SAR, du moins lorsque les applications en cours de développement auront fait leurs preuves, ce qui n’est pas encore le cas.

À cet égard, les perturbations engendrées par la mise en place de Cassiopée, nouvelle application de gestion de la chaîne pénale, montrent qu’il faut apporter aux juridictions pilotes un soutien logistique plus adapté qu’il ne l’est aujourd'hui.

J’en viens maintenant aux profondes transformations que connaît votre ministère, madame le garde des sceaux, avec la réorganisation de l’administration centrale et de la formation des magistrats et la réforme de la carte judiciaire.

Pour la commission des lois, il s’agit, vous le savez, d’une réforme nécessaire.

Un rapport d’information de MM. Jolibois et Fauchon prônait d’ailleurs, dès 1996, une réforme pour une carte judiciaire « réaliste » ; notre collègue Pierre Fauchon l’avait d’ailleurs rappelé l’an dernier. Il faut dire que l’organisation judiciaire n’avait pas subi de modifications substantielles depuis la réforme engagée par Michel Debré en 1958.

Madame le garde des sceaux, vous avez choisi de suivre un calendrier de mise en œuvre accéléré. La future carte judiciaire, qui devrait être achevée en 2011, comprendra 863 juridictions, contre 1 190 aujourd’hui.

Comme vous l’avez expliqué, elle permettra aux magistrats et fonctionnaires de la justice d’avoir le niveau de technicité requis en appartenant à des juridictions jugeant un nombre suffisant d’affaires chaque année. Les exigences de collégialité et de continuité du service public de la justice en seront mieux respectées.

La philosophie générale de la réforme, à défaut de la méthode, ne peut donc qu’être approuvée.

Cependant, la réforme de la carte judiciaire ne doit pas aboutir à transposer la pénurie de personnels des tribunaux supprimés vers les tribunaux d’accueil, car le regroupement des tribunaux ne fera pas disparaître les dossiers. La question se pose en particulier pour les tribunaux d’instance, qui sont confrontés à la mise en œuvre de la réforme des tutelles, adoptée en 2007. L’un des amendements de la commission des lois vise d’ailleurs à répondre à cette préoccupation.

J’ajoute que les 100 000 heures supplémentaires recensées chez les greffiers démontrent que les greffes n’ont pas encore atteint un effectif pléthorique, loin s’en faut !

En outre, la réforme de la carte judiciaire doit s’accompagner d’une réflexion approfondie sur la politique d’accès au droit et à la justice. La suppression de plusieurs tribunaux d’instance conduit à s’interroger sur les moyens, pour une population vulnérable et démunie, d’accéder à la justice, par exemple en matière de surendettement.

Le développement des maisons de la justice et du droit, auquel vous consacrez des moyens, madame le garde des sceaux, apparaît donc indispensable et va de pair avec la réforme de la carte judiciaire et l’éloignement physique de certains tribunaux. Encore faudrait-il assurer le fonctionnement des maisons de la justice et du droit existantes ! Une vingtaine d’entre elles sont aujourd’hui fermées ou n’ouvrent qu’à mi-temps, par manque de personnel.

Par ailleurs, la mise en place de points de conférence visio-public sera-t-elle réellement adaptée à un public qui était auparavant celui des petits tribunaux d’instance ? Il me semble que, sur un certain nombre de questions complexes et difficiles à formaliser pour une personne sans formation juridique, rien ne peut remplacer le dialogue direct.

Pour terminer, je souhaite évoquer la situation de l’état civil à Mayotte. Une délégation de la commission des lois, dont je faisais partie, s’y est rendue en septembre dernier, sous la direction du président Jean-Jacques Hyest.

Les Mahorais, en raison de la faiblesse des moyens alloués à la commission de révision de l’état civil, la CREC, depuis 2001, se trouvent étrangers en France, étrangers chez eux. Le délai de délivrance d’un acte par la CREC étant au minimum de deux ans et demi, ils ne peuvent obtenir de papiers pour aller étudier en métropole ou se rendre à l’étranger.

Que dirions-nous si nous devions attendre deux, trois ou quatre ans pour obtenir un extrait d’acte de naissance, lui-même nécessaire à l’établissement d’un passeport ?

Du fait du sous-effectif du tribunal de première instance de Mayotte, le dernier magistrat nommé au sein de la collectivité n’a pu être affecté à la présidence de la CREC. Pourtant, 14 000 dossiers attendent d’être traités depuis décembre 2007. La commission des lois recommande donc la nomination d’un vice-président de cette commission, afin de multiplier le nombre d’audiences et d’accélérer le traitement des demandes.

La question de l’état civil à Mayotte engage – n’en doutons pas ! – la crédibilité de l’État envers ses citoyens et le respect du principe d’égalité. La commission des lois vous demande donc, madame la garde des sceaux, d’y accorder la plus grande attention.

Pour conclure mon propos, j’indique que, compte tenu de ces précisions, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits consacrés aux services judiciaires et à l’accès au droit. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’examen d’un budget ne saurait se limiter à un exercice purement comptable, malgré l’importance que ce dernier revêt, surtout lorsqu’il est effectué par des personnalités aussi remarquables que celles que nous venons d’entendre.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C’est une pierre dans mon jardin !

M. Pierre Fauchon. Ce point est d’autant plus valable que nous traitons aujourd’hui de la justice et que ce troisième pouvoir, si réel en dépit des controverses théoriques, est dépositaire de responsabilités essentielles.

L’intensité et la complexité des missions judiciaires n’ont d’égal que la difficulté rencontrée, par l’appareil judiciaire, pour les traiter d’une manière convenable, c’est-à-dire apporter sans retard les réponses appropriées aux innombrables questions qui lui sont posées dans un contexte extraordinairement difficile. Il s’agit effectivement d’appliquer une loi, laborieusement et incessamment modifiée, à des réalités, dans le contexte général de remise en cause quasi systématique des valeurs, des droits et des obligations.

Le temps de parole qui m’est imparti ne m’autorise que quelques réflexions, qui ont pour seul objet d’évoquer les problèmes, sans prétendre apporter les réponses.

Le premier de ces problèmes reste, en dépit de budgets qui sont, en eux-mêmes, relativement satisfaisants, celui des moyens de la justice.

Notre commission des lois n’a jamais cessé d’apporter la plus grande attention à cette question primordiale, depuis le rapport d’information que j’ai présenté, avec M. Charles Jolibois, au siècle dernier – on a bien voulu me rappeler qu’il datait de 1996. Elle a effectivement conscience que notre société n’a pas le droit d’attendre de sa justice des résultats que l’insuffisance des moyens ne permet pas d’obtenir, en dépit du dévouement d’un grand nombre de magistrats – mais non de tous, avouons-le ! – et de leurs auxiliaires, auxquels, avant tout, je tiens à rendre hommage.

Toutefois, il ne suffit pas de rendre hommage. Il faut aussi comprendre que l’exigence de résultat qui, de plus en plus, doit marquer nos réflexions ne peut être atteinte en ignorant cette insuffisance de moyens.

Dans le rapport auquel je viens de faire allusion, nous avions inscrit, en priorité de nos propositions, la réforme de la carte judiciaire, point de passage obligé avant toute autre considération. À cette époque où l’on ne parlait pas encore de spécialisation des juridictions, il ne s’agissait que de mieux faire coïncider les volumes de contentieux, relativement stables, avec le positionnement et les moyens de ces dernières. Cette démarche visait à corriger des disproportions ou des singularités historiques, parfois considérables et que les magistrats ne manquaient pas de déplorer à chacune de nos visites.

Je me souviens, en particulier, du débat qu’avait engendré une comparaison surprenante entre la situation de Meaux et celle de Nancy. Cette évocation me donne l’occasion de dire bien haut combien nous nous réjouissons de voir qu’il s’est enfin trouvé un garde des sceaux, plutôt une garde des sceaux – ceci explique peut-être cela ! – …

Mme Nathalie Goulet. C’est sûr !

M. Pierre Fauchon. …pour s’attaquer résolument à ce problème.

Puis-je ajouter à ce compliment un souhait et un regret ?

Tout d’abord, je souhaiterais que les cartes comparées de l’appareil judiciaire, tel qu’il est, et des volumes de contentieux, tels qu’ils sont, soient établies et publiées, si ce n’est déjà fait. II me semble que le simple rapprochement de ces deux cartes serait fort éloquent. Il devrait faciliter la compréhension et, peut-être, relativiser les plaintes sur l’insuffisance de concertation préalable. Ces plaintes peuvent être justifiées, comme M. Yves Détraigne l’a rappelé, mais elles masquent aussi parfois l’absence d’une justification sérieuse de certaines résistances.

Ensuite, je regrette que les cours d’appel ne semblent pas concernées par la présente démarche. Nous sommes quelques-uns à nous en inquiéter. En effet, leur dispositif relève quelquefois d’un passé d’ancien régime, certes émouvant, pittoresque et sympathique, mais ne correspondant guère aux problèmes actuels.

Enfin, il faudrait que le recours systématique aux audiences foraines permette de préserver une certaine proximité. Il est assez facile d’organiser de telles audiences, et ce point me semble très important.

Mais la réforme de la carte judiciaire est en cours, voire, semble-t-il, très avancée. Elle n’est donc pas au premier plan de l’actualité judiciaire, qui, en revanche, est marquée par un climat psychologique relativement tendu. Cette tension se traduit inévitablement par l’importance, sans doute excessive, qui est accordée à certains événements ou certaines initiatives, avec l’aide d’une presse dont la nature – il faut le reconnaître – est de mettre de l’huile sur le feu plus volontiers que du baume sur les irritations.

Mme Nathalie Goulet. C’est certain !

M. Pierre Fauchon. Précisons immédiatement que cette problématique concerne l’action gouvernementale. Par conséquent, il ne nous appartient pas de la commenter et, moins encore, de nous en mêler.

Toutefois, certains de ses aspects touchent, de manière plus ou moins directe, à des questions institutionnelles et, à ce titre, concernent notre assemblée, soit qu’elles rouvrent un débat ancien au cours duquel nous avons naguère avancé des propositions qui méritent d’être rappelées, je veux parler de la question du statut du parquet ; soit qu’elles viennent enrichir et stimuler le travail législatif suscité par la révision récente de la Constitution, pour ce qui est du Conseil supérieur de la magistrature.

S’agissant du statut du parquet, il est permis de penser que certaines difficultés, qui sont récemment survenues, trouvent une partie de leur explication dans la confusion toujours entretenue entre la fonction de procureur et celle de juge.

Nos traditions font sans doute que les uns et les autres sont des magistrats et que leurs carrières sont en quelque sorte fondues. Il n’en demeure pas moins que les juges sont seuls chargés de rendre la justice. Cette responsabilité leur confère une dignité particulière dont les procureurs ne sauraient se prévaloir.

J’ai l’impression que cette distinction, si fondamentale, est quelque peu oubliée. Je pense, par exemple, au cas de convocation à la Chancellerie, encore que, selon moi, une telle convocation ne mérite d’être interprétée par personne comme un abus d’autorité. Ce n’est pas le tribunal de l’Inquisition, que je sache ! Cette démarche ne peut être critiquée, si ce n’est par ceux qui n’admettent en réalité aucune autorité, confondant ainsi l’indépendance, qui est le propre des juges, avec l’autonomie, qui n’a pas lieu d’être dans un service public. En effet, nous n’en sommes plus au temps où les magistrats étaient propriétaires de leurs charges.

Je trouve ici l’occasion de rappeler que notre assemblée a voté naguère une réforme du parquet qui faisait relever celui-ci d’une autorité indépendante, un procureur général de la République n’appartenant pas au Gouvernement et, donc, à l’abri de toutes suspicions politiques. Malheureusement, le processus législatif dans lequel cette disposition s’inscrivait s’est interrompu.

Il faudra peut-être revenir, un jour, à cette idée qui permettrait une gestion de l’action publique convenablement hiérarchisée, à l’abri précisément du soupçon de politisation dont on abuse, bien sûr, mais que l’on ne peut ignorer. Nous ne renoncerions pas pour autant aux exigences de la cohérence et de l’efficacité qui doivent caractériser l’exercice de l’action publique.

Ma dernière réflexion sera pour exprimer la surprise de beaucoup d’entre nous, ayant pris connaissance de la critique à laquelle le Conseil supérieur de la magistrature a cru pouvoir se livrer à l’égard d’une initiative très particulière de la Chancellerie, qu’il a qualifiée de « précipitée ». II ne me semble pas que de telles appréciations entrent dans ses attributions. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

Je suis content de vous faire rire, madame Borvo Cohen-Seat, car je vais vous citer dans un instant. Sans doute tout magistrat, comme toute personnalité, a-t-il le droit d’être assisté et même défendu dès lors qu’il est mis en cause. Mais cette mission peut incomber à des organisations professionnelles ou aux parlementaires. Ce matin, j’ai entendu avec plaisir M. Jean-Pierre Sueur, d’ailleurs soutenu par vous, madame Nicole Borvo Cohen-Seat, évoquer un cas particulier sur ce sujet. J’estime que, dans ce cas, nous étions tout à fait dans nos responsabilités.

La raison d’être et la responsabilité du Conseil supérieur de la magistrature ne sont pas de cette nature. Elles sont d’une portée et d’une dignité suffisante pour que l’institution n’ait rien à gagner d’initiatives particulières qui leur sont étrangères et qui ont comme un parfum de « remontrances » qu’aucun républicain ne devrait admettre.

Il conviendra, monsieur le président de la commission des lois, de se souvenir de cette question quand nous aurons à examiner la loi organique mettant en œuvre la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Est-il nécessaire de le rappeler ? Cette loi a été votée à Versailles, en juillet dernier, par deux voix de majorité.

Ainsi, tout en respectant les responsabilités et prérogatives propres au Gouvernement et sans rien oublier des égards dus à ceux qui portent la lourde charge de poursuivre et, plus encore, de juger, nous apporterons notre contribution à l’œuvre de justice dans le seul souci de rendre celle-ci plus conforme aux attentes des Français. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le temps m’étant compté, je ne polémiquerai pas avec M. Fauchon qui m’a pourtant interpellée.

Je signalerai simplement, madame la garde des sceaux, que le budget que vous nous présentez est en augmentation de 2,65 % par rapport à celui de 2008. Il s’élève à 6,66 milliards d’euros et il convient d’en souligner l’ampleur modeste. Alors que l’État supprime 30 600 emplois de fonctionnaires en 2009, le ministère de la justice créerait 952 emplois nouveaux.

Puisque nous devons nous conformer à la loi organique relative aux lois de finances que je n’ai pas votée, je précise qu’il s’agit, en réalité, de 22 équivalents temps plein pour les magistrats et d’un glissement d’emplois pour les greffiers. Celui-ci est bénéfique, puisqu’il augmente leur nombre de 150 greffiers, mais il diminue d’autant le nombre d’agents de catégorie C. Par conséquent, cette évolution, bien que positive, ne fait pas progresser les effectifs globaux alors même que ceux-ci sont très insuffisants.

Je remarque d’ailleurs que les rapporteurs pour avis, même s’ils appellent à adopter les crédits de cette mission, sont assez critiques dans leurs propos.

Je ne m’appesantirai pas davantage sur les chiffres ; il y aurait beaucoup à dire mais je viens, à l’instant, de dire l’essentiel.

Madame le garde des sceaux, l’une de vos priorités est de dépenser mieux, et non de dépenser plus. Mais que veut dire au juste « dépenser mieux » ? Cela signifie-t-il incarcérer davantage ? Cela veut-il dire supprimer des tribunaux d’instance, et rendre ainsi l’accès au droit plus difficile ?

Vous l’aurez compris, nous désapprouvons l’affectation des moyens au sein de ce projet de budget pour 2009. Votre politique pénale nous paraît vouée à l’échec en ce qu’elle est parfois incohérente et qu’elle continue de provoquer des drames humains insupportables.

La lutte contre la récidive illustre notamment cet échec. La politique menée à l’encontre des mineurs délinquants et l’explosion carcérale actuelle montrent à l’évidence que les résultats ne sont pas ceux que l’on pourrait attendre d’une amélioration de la politique pénale.

Les peines planchers, instituées par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, devaient avoir un effet dissuasif. Elles aboutissent en fait à une augmentation du nombre de détenus alors que vous vous plaisez à dire que les actes de délinquance diminuent ; ce constat s’avère par ailleurs douteux car, s’il est peut-être vrai que les vols de portables diminuent, la délinquance violente augmente. Cet accroissement du nombre de condamnations montre en tout cas que l’effet dissuasif des peines plancher ne fonctionne pas. C’est l’exact opposé de ce que vous avez présenté comme un bilan positif.

En outre, à vous entendre, les juges n’auraient pas dû voir leur liberté d’appréciation remise en cause par cette loi. Pourtant, fin septembre, la Chancellerie, jugeant insuffisante l’application des peines plancher, a donné pour instruction aux procureurs de faire appel des jugements écartant la peine minimale. En conséquence, la liberté du juge du siège a, de fait, disparu puisque ses décisions sont systématiquement remises en cause.

La politique menée à l’encontre des mineurs délinquants ne recueille pas, non plus, notre approbation. Nous nous attendions au pire avec les conclusions de la commission Varinard sur la justice des mineurs, et nous avions malheureusement raison : l’objectif est de remettre en cause la primauté de l’éducatif dans le texte qui fonde la spécificité de la justice des mineurs.

Déjà, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse enjoint aux éducateurs de se concentrer sur les missions de contrôle, de probation, d’aménagement des peines et d’accompagnement de l’incarcération. Les crédits alloués à la protection judiciaire de la jeunesse pour 2009 traduisent cette logique. En baisse de 2,1 %, ils sont prioritairement affectés à la mise en œuvre des mesures pénales.

Les mesures éducatives, dont les crédits accusent une chute importante, seront progressivement abandonnées et laissées sous la responsabilité des départements et des associations, ce qui pose de très graves problèmes du point de vue de l’égalité des citoyens sur tout le territoire. La précédente défenseure des enfants avait en effet signalé que, selon les départements, les principes et les philosophies étaient très différents, ce qui n’avait d’ailleurs pas plu à tout le monde.

L’incarcération des mineurs ne cesse d’augmenter, de même que leur enfermement au travers des centres éducatifs fermés, les CEF. Franchement, eu égard aux tentatives de suicide et aux suicides que nous connaissons actuellement, l’accroissement de l’enfermement des mineurs ne saurait être traité en termes de flux. C’est, au contraire, une question de fond. Je constate que les procureurs ont reçu pour instruction de recourir systématiquement à la présentation des mineurs devant la justice et d’interjeter appel lorsque leurs réquisitions de placement en détention provisoire ne sont pas suivies.

Lorsqu’un adolescent s’est suicidé en octobre à la maison d’arrêt de Metz-Queuleu – c’est le quatrième suicide depuis le début de l’année dans cette prison pourtant présentée comme modèle –, il vous a bien fallu réagir tant l’émotion suscitée par cette affaire fut grande. C’est pourtant le procureur, qui n’avait fait qu’appliquer vos instructions, qui a été désigné comme responsable d’une décision qualifiée d’« injuste ».

De même, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, vient de rendre un rapport accablant après le suicide, en février dernier, d’un adolescent à la prison de Meyzieu, estimant que ce drame fait suite à de graves lacunes de l’administration pénitentiaire.

Dans ces conditions, il serait provocateur de reprendre la proposition de la commission Varinard qui vise à abaisser l’âge de la majorité pénale à douze ans, et qui permettrait donc d’incarcérer un enfant dès cet âge.

Les adultes ne sont pas plus épargnés : quatre-vingt-dix suicides ont été enregistrés depuis le début de l’année, et, ce week-end, il faut encore déplorer le suicide d’un jeune homme de vingt-sept ans qui accomplissait une courte peine.

De tels drames seraient pourtant évitables si le corps judiciaire n’était pas soumis à des tensions insupportables entraînées par une politique pénale centrée sur l’emprisonnement.

Votre priorité reste le renforcement du parc pénitentiaire, avec l’ouverture programmée en 2009 de sept établissements et, évidemment, l’augmentation du nombre de places en prison ce qui, eu égard à la surpopulation actuelle, paraît l’évidence même. Toutefois, chacun sait que l’augmentation du nombre de places disponibles en prison est vouée à se poursuivre indéfiniment. Nous avons connu un nouveau record au 1er juillet 2008, avec 64 250 détenus recensés à cette date. Et l’on prévoit que le nombre de détenus pourrait s’élever à 80 000 en 2017, un chiffre suffisamment sérieux pour avoir été repris par le centre d’analyse stratégique dans sa note du 17 septembre 2007, intitulée Contrôle des lieux d’enfermement : les enjeux internationaux. Je ne sais pas où nous allons…

Pour résumer, nous sommes pris dans un cercle vicieux que le Gouvernement refuse délibérément d’arrêter, en faisant adopter des lois toujours plus répressives. Dès qu’une voix s’élève pour critiquer votre politique pénitentiaire, à l’instar de celle de Martine Herzog-Evans, qui vient de démissionner de la commission chargée d’accorder un label européen à certaines prisons, des pressions sont exercées afin qu’aucun cheveu ne dépasse, si vous me permettez d’employer cette expression.

Les rapports successifs du commissaire européen aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ne suscitent pas la moindre émotion à la Chancellerie. Ce devrait pourtant être le cas tant ils dénoncent une situation intolérable, que les parlementaires français avaient déjà, par le passé, jugée insupportable et qui, depuis, ne s’est pas améliorée, loin s’en faut.

Je crois vraiment qu’il est temps de changer de politique pénale. Dans ce contexte, nous ne pouvons approuver ce projet de budget. Je dois dire également que le projet de loi pénitentiaire, que vous avez présenté en conseil des ministres le 28 juillet dernier, apparaît, d’une part, en total décalage avec vos actions et, d’autre part, terriblement insuffisant en termes de moyens alloués aux administrations.

À mon tour, je veux m’associer à l’hommage qui a été rendu à tous les personnels – magistrats, personnels de l’administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse –, qui accomplissent un travail très difficile mais sont sans cesse attaqués d’une façon ou d’une autre, y compris par le Gouvernement, qui est censé les protéger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Madame le garde des sceaux, le budget qui nous est présenté est à la hauteur des ambitions et des objectifs que vous vous êtes assignée depuis votre arrivée au Gouvernement.

Alors que nous sommes, et c’est peu de le dire, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, le budget de la justice augmente de 2,6 % en crédits de paiement. J’y vois le signe que la justice constitue bien l’une des priorités du Gouvernement, ce dont le groupe UMP se félicite.

Ce budget est l’un des seuls, si ce n’est le seul, à enregistrer des créations d’emplois alors que le budget de l’État prévoit plus de 30 000 suppressions d’emplois sur l’ensemble des missions. Ce sont, au total, 952 emplois supplémentaires qui permettront, notamment, de faire face à l’ouverture des 5 130 nouvelles places de prison prévues dans le cadre du programme dit des « 13 200 » issu de la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, présentée à l’époque par Dominique Perben.

Ce budget est volontaire et particulièrement cohérent avec les grandes réformes que vous avez récemment entreprises, madame le garde des sceaux, ainsi qu’avec celles qui vont être prochainement mises en œuvre afin de moderniser notre justice.

Il permet, tout d’abord, de renforcer la lutte contre la récidive, conformément à la loi du 10 août 2007. Nous savons que, sur le fondement de cette loi, 14 000 récidivistes ont déjà été condamnés, dont 50 % à des peines planchers.

Toutefois, la lutte contre la récidive ne consiste pas uniquement en une politique pénale plus ferme ; elle passe aussi par une politique pénitentiaire plus ambitieuse, en termes non seulement de nombre de places disponibles, mais aussi de conditions de détention et d’actions de réinsertion à l’égard des détenus, ces dernières devant être renforcées à travers une politique d’aménagement de peine dynamique.

Une politique pénale n’est en effet légitime que si elle repose sur le strict respect de la personne humaine en détention. Cela a déjà été dit, à juste titre.

Nous sommes nombreux dans cette assemblée à dénoncer depuis longtemps la situation dans les prisons françaises. Une telle situation ne date pas d’hier. En 2002, le Gouvernement avait décidé de s’y attaquer au travers de la loi de programmation dont je parlais à l’instant et qui commence, aujourd’hui, à porter ses fruits. Nous savons que les conditions de détention en France ne sont pas acceptables, que le taux de surpopulation carcérale, qui a atteint 126,5 % au 1er juillet 2008 et peut aller jusqu’à 200 % dans certains établissements, n’est pas admissible.

Pour autant, votre projet de budget répond à cette préoccupation majeure puisqu’il tend à permettre la poursuite du programme immobilier lancé en 2002 et que sept établissements pénitentiaires nouveaux ouvriront leurs portes en 2009, ce qui représentera 5 130 places nouvelles. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Toutefois, on observe trop souvent que les investissements publics sont livrés avec retard. Aussi, je souhaiterais, madame le garde des sceaux, que vous puissiez nous rassurer quant à la réalisation effective de ces nouveaux établissements pénitentiaires en 2009.

Le groupe UMP est également satisfait de l’augmentation de plus de 4 % des crédits de paiement du programme « Administration pénitentiaire », laquelle mérite d’être soulignée et permettra de poursuivre les efforts engagés pour rendre les prisons françaises plus dignes et les mettre en conformité avec les normes européennes, ce qui constitue l’une des préoccupations du Gouvernement.

À cet égard, nous appelons de nos vœux, comme l’a indiqué Jean-René Lecerf tout à l’heure, l’inscription rapide à l’ordre du jour du Parlement du projet de loi pénitentiaire, qui doit apporter un certain nombre d’améliorations s’agissant notamment de la réinsertion des détenus.

Il est grand temps effectivement d’accorder toute leur place aux impératifs d’insertion et de réinsertion à la sortie de prison, afin d’assurer un meilleur respect des droits fondamentaux des personnes détenues.

Madame le garde des sceaux, vous pouvez d’ores et déjà compter sur notre soutien pour mener à bien cette réforme nécessaire et urgente, que nous souhaitons ambitieuse.

Ce projet de budget est animé par une véritable volonté de modernisation que nous saluons avec force. Pierre Fauchon et d’autres orateurs avant lui ont évoqué la carte judiciaire. Elle constitue, me semble-t-il, la première étape de cette modernisation. Elle se met actuellement en place et permettra à la justice de gagner en cohérence, en qualité, en efficacité et en crédibilité, tout en restant proche des citoyens. Rappelons qu’il s’agit d’un engagement qu’avait pris le Président de la République, avec la réforme de l’organisation judiciaire.

Comme certains, je considère qu’un certain nombre de juridictions spécialisées doivent effectivement voir le jour. Nous l’avions d’ailleurs dit à l’occasion de l’examen dans cet hémicycle du projet de loi de lutte contre la contrefaçon, dont j’étais rapporteur.

Maintes fois reportée, cette réforme de la carte judiciaire a été lancée par votre ministère avec courage et détermination, madame le garde des sceaux. C’est une réforme de bon sens et de responsabilité, qui est dans l’intérêt même du justiciable.

Avec la nouvelle carte, un tiers des juridictions seront regroupées. Les moyens nécessaires sont au rendez-vous, puisque près de 427 millions d’euros sont prévus pour financer cette importante réforme.

Une justice qui se modernise, c’est aussi une justice qui se met à l’heure du numérique, surtout en matière civile, tant il est vrai qu’en matière pénale il faut savoir rester quelque peu prudent.

À l’heure des nouvelles technologies, la justice doit être capable de dématérialiser et de fluidifier la transmission des pièces. L’informatisation des juridictions a longtemps été lacunaire. Aussi, madame la ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez le calendrier de mise en service des principaux projets informatiques de la Chancellerie et que vous nous précisiez quelles améliorations ils apporteront au fonctionnement de la justice.

Enfin, je voudrais saluer la priorité que vous accordez à la prise en charge des mineurs délinquants.

À ce sujet, madame la ministre, vous avez créé, à titre expérimental, des centres éducatifs fermés « psychiatriques » pour les mineurs. Pouvez-vous nous dresser un bilan de l’expérimentation de ces centres et nous dire si vous entendez la poursuivre ?

Sous réserve de ces observations, et pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera les crédits de cette mission, qui porte la marque de votre détermination à œuvrer pour une justice ferme, humaine, ouverte à tous et modernisée. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Justice » constitue un moment fort de la discussion du projet de loi de finances dans la mesure où ce ministère, sans doute plus que d’autres, revêt une dimension symbolique, dont la connotation est double : d’un côté, la justice incarne une des missions les plus régaliennes de l’État ; de l’autre, elle est le rempart protecteur dont chaque citoyen peut et doit bénéficier, y compris le plus modeste.

En conséquence, l’examen des crédits de la mission « Justice » ne saurait se résumer à un simple alignement de chiffres ou à un froid commentaire de texte sur les dépenses de fonctionnement ou sur ses actions, mais doit être bel et bien une confrontation d’idées, dans le respect des règles d’éthique qui sont celles de la nature même de la République, ce ministère gérant non pas des productions, mais des destins humains.

C’est pourquoi je voudrais aborder, ce matin, la question de l’incarcération, qui, depuis un certain nombre d’années, est, ici ou là, au centre de toutes les discussions relatives à la justice.

En ce début du xxie siècle, cette question atteint son paroxysme en raison de la surpopulation carcérale, indigne d’une démocratie moderne. Comment accepter que, dans certaines maisons d’arrêt – je pense à celle de Rodez, que je connais bien –, les condamnés se retrouvent à sept ou à huit dans une cellule prévue pour cinq personnes, avec, pour résultat, une promiscuité insoutenable entre les personnes en détention provisoire et celles qui purgent de courtes peines ?

Certes, nous n’en sommes pas revenus au temps du bagne de Cayenne, dont la France –  je ne l’oublie pas – doit la suppression à une éminente figure du groupe auquel j’appartiens, Gaston Monnerville, à l’époque où, peu avant la guerre, celui-ci exerçait les fonctions de sous-secrétaire d’État aux colonies, avant de devenir plus tard le charismatique président de la Haute Assemblée.

Du reste, comment oublier, madame la ministre, que ce fut dans ce même hémicycle, à quelques mètres de nous, qu’un pair de France, sous la Monarchie de Juillet, un jour qu’il se rendait au palais du Luxembourg, fut si frappé par le spectacle d’un forçat enchaîné conduit par les gendarmes qu’il imagina aussitôt en séance son personnage de Jean Valjean, des Misérables ? Vous l’avez reconnu, je fais référence à Victor Hugo, qui fut sénateur de la Seine et grand militant de l’abolition de la peine de mort.

Partageant une idée chère au grand public et à un certain nombre de juristes, les rédacteurs du code pénal napoléonien ont vu dans la peine privative de liberté une panacée contre la délinquance, avec pour double objectif l’élimination des condamnés mis à l’écart de la société, et, de ce fait, ne pouvant plus lui faire courir de risques, et la dissuasion pour ceux qui voudraient imiter leur exemple.

Mais cette idée était bien antérieure au xixe siècle, conforme à toute une tradition répressive qui faisait de la justice un instrument punitif et non éducatif.

Les choses ont aujourd’hui évolué, et force est de constater que l’emprisonnement n’a pas rempli ces deux rôles qu’on espérait lui voir jouer, et ce pour deux raisons essentiellement : le contexte de surpopulation carcérale et le caractère criminogène avéré de la prison.

La prison n’a donc pas empêché la délinquance de progresser et n’a nullement guéri les condamnés libérés, puisque les récidivistes sont nombreux, et même trop nombreux. Cela nous conduit naturellement à chercher, au moins pour les petits délinquants, toutes les solutions possibles pour favoriser les peines substitutives à l’incarcération.

Pour parvenir à cet objectif, certes sans verser dans l’angélisme mais en demeurant fidèle aux valeurs humanistes, il ne suffit pas d’élargir les possibilités de recours à des mesures de substitution, mais aussi de renforcer leur efficacité.

Tout d’abord, il serait bon d’améliorer la prise en charge des condamnés, afin d’inciter les magistrats à prononcer, dans des délais utiles, c’est-à-dire avant que le prévenu n’arrive en fin de peine, des peines autres que l’incarcération, au sens large du terme : peines de substitution à l’emprisonnement, conversions de peine, placements sous le régime de la semi-liberté.

Les peines de substitution ne trouvent leur pleine crédibilité que par une meilleure prise en charge des condamnés par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, ou par l’intensification des liens entre les services du milieu ouvert et ceux du milieu fermé.

Dans le même esprit, on peut encore tenter de relancer un certain nombre de mesures insuffisamment prononcées, comme l’ajournement du prononcé de la peine avec mise à l’épreuve, qui paraît adapté à la petite délinquance, ou la peine de jour-amende, qui est trop peu utilisée. Ne pourrait-on envisager, enfin, de donner à cette peine son plein caractère de solution de remplacement à l’emprisonnement en prévoyant que le condamné devra procéder spontanément au paiement de la somme fixée ?

C’est l’une des pistes qu’il convient d’explorer, en conservant à l’esprit que la semi-liberté est toujours préférable à l’incarcération totale, puisqu’elle évite la rupture des liens sociaux, professionnels et familiaux, et qu’elle constitue ainsi un réel outil de préparation à la sortie.

L’élargissement du champ d’application des solutions de remplacement à l’incarcération englobe donc l’ensemble des peines et des mesures s’exécutant en milieu dit « ouvert ». Il concerne de ce fait non seulement les peines de substitution à l’emprisonnement, mais encore les mesures susceptibles d’être prises par le juge de l’application des peines, qu’il s’agisse des conversions de peine ou de l’exécution de celle-ci en milieu ouvert : suppression du consentement du condamné, remplacement de la contrainte par corps par un travail d’intérêt général, ou TIG, autorisation de prononcé d’un TIG pour les mineurs de treize à seize ans, création de la possibilité d’une libération conditionnelle avec TIG.

Dans la même logique, il conviendrait d’accroître les compétences du juge d’application des peines, qui est le magistrat le plus souvent au contact des condamnés, et de lui confier de nouveaux pouvoirs d’exécution des peines, tout en renforçant ses prérogatives en la matière.

Alors, et alors seulement, l’amélioration de l’efficacité d’une peine pourrait constituer un instrument de réinsertion sociale.

Nous sommes sans doute nombreux ici à considérer que la prévention vaut mieux que la répression, et qu’une bonne politique judiciaire n’a pas seulement pour but d’éviter la surpopulation carcérale. Le renforcement de l’aspect pédagogique de la peine doit être toujours recherché en priorité, tout autant que l’amélioration de la prise en charge des délinquants.

Si, tous, nous nous donnions les moyens d’y réfléchir, le Gouvernement comme le Parlement, l’administration comme le monde associatif, les magistrats comme les avocats, cela constituerait sans nul doute un réel progrès dans la prévention de la récidive.

Repensons les procédures, revisitons la réglementation, laissons les parties concernées s’exprimer, et nous pourrons dépoussiérer l’attirail des peines et les rendre plus efficaces.

À titre d’exemple, les projets individualisés d’exécution de la peine devraient associer davantage les détenus ; c’est une des voies, parmi d’autres, qui permettraient l’amélioration de l’individualisation administrative et judiciaire des peines.

Sous l’impulsion de son président de l’époque, Guy Cabanel, le groupe RDSE, en digne garant des traditions humanistes de la République radicale, s’est longtemps consacré à la recherche de solutions novatrices pour répondre aux diverses questions que je viens d’évoquer.

L’inexorable augmentation de la population carcérale impose non seulement de conduire une réflexion approfondie sur les améliorations susceptibles d’être apportées, mais encore de rechercher des solutions trop timidement envisagées jusqu’ici. En un mot, il nous faut innover.

À cet égard, la surveillance électronique demeure probablement la solution d’avenir. Les progrès techniques, en effet, permettent d’envisager un nouveau mode de contrôle des délinquants en milieu ouvert, de nature à améliorer leurs chances de réinsertion. C’est là une solution de substitution fiable qui, du reste, a fait ses preuves là où les expérimentations ont été mises en œuvre et qui inverse de façon constructive le « tout-prison », que l’administration pénitentiaire ne parvient guère à gérer.

J’ai noté avec intérêt les souhaits que vous avez exprimés, madame le garde des sceaux, en matière de mesures d’aménagement des peines d’emprisonnement : le placement sous surveillance électronique mobile, la semi-liberté, le placement extérieur, le recours à la libération conditionnelle ou aux suspensions de peine, autant de mesures que je ne puis qu’approuver si elles deviennent effectives.

Mais il faudra sans doute bien davantage que des formules pour changer les mentalités, et seule une réelle volonté politique, comme celle qu’avait naguère manifestée notre très estimé collègue Robert Badinter dans son combat pour l’abolition de la peine de mort, pourra venir à bout d’un système dont on mesure aujourd’hui les limites et dont les conséquences pour la réinsertion des détenus sont désastreuses.

Au terme de mon intervention, je mesure l’effort budgétaire particulier programmé par votre ministère. Je ne peux y être insensible, mais, je le répète, l’enjeu est bien plus vaste. Il est d’abord celui du devenir de destins humains ; il est ensuite celui de la dignité d’hommes et de femmes, parfois d’enfants, que nous devons remettre debout, même si la tâche n’est pas facile, j’en conviens ; il est enfin celui d’un équilibre à trouver entre la répression des crimes et l’éducation des peines, c’est-à-dire la définition même de la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, avant de parler des crédits de la mission « Justice », permettez-moi de revenir sur le contexte particulier de cette matinée.

Madame le garde des sceaux, je ne peux me satisfaire des éléments de réponse que vous avez apportés tout à l’heure à la suite de la grave affaire mettant en cause les libertés publiques et le droit de la presse, qui vient de survenir.

Je formulerai cinq observations.

Première observation : l’adresse et les coordonnées précises du journaliste, de son journal et de son avocat figuraient au dossier. Par conséquent, était-il bien nécessaire de l’interpeller à six heures quarante du matin, de le menotter, de lui interdire d’appeler son avocat et de lui infliger les traitements qui ont été décrits dans la presse ?

Deuxième observation : un fonctionnaire a-t-il réellement déclaré que ce journaliste est « pire que la racaille » ? Si les faits sont avérés, une enquête s’impose ; s’ils ne le sont pas, que le Gouvernement défende alors ce fonctionnaire !

Troisième observation : le porte-parole de l’UMP, le député Frédéric Lefebvre, a déclaré que le traitement réservé à ce journaliste est « surréaliste ». Il a ajouté que la « méthode utilisée dans une simple affaire de diffamation semble tellement disproportionnée qu’elle nous paraît devoir donner lieu à une enquête ». Le porte-parole de l’UMP viole-t-il l’indépendance des magistrats ?

Quatrième observation : votre collègue Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a fait part de son souhait « que toute la lumière soit faite sur les circonstances dans lesquelles ce journaliste a été présenté devant la justice ». Mme Albanel demande donc une enquête. Viole-t-elle le principe de l’indépendance des magistrats ?

Cinquième et dernière observation : ce qui est en cause dans cette affaire, c’est la liberté de la presse. Certes, chaque juge d’instruction est libre de recourir aux moyens qui sont à sa disposition ; pour autant, il doit rester dans le cadre de la loi et des principes de la Constitution.

Permettez-moi de rappeler les termes de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »

Il n’y a jamais eu de mandat d’amener pour une affaire de diffamation. Une affaire de diffamation ne peut en aucun cas entraîner l’emprisonnement d’une personne en vertu de la loi. Par conséquent, il s’agit d’une grave menace aux principes de la liberté de la presse et aux principes fondamentaux qui fondent notre droit.

Madame la ministre, je ne comprendrais pas qu’en votre qualité de garde des sceaux vous ne demandiez pas une enquête précise sur ces faits.

Je reviendrai brièvement sur d’autres éléments du contexte judiciaire qui ont déjà été évoqués par de précédents intervenants.

On constate une perte de confiance de nombre de magistrats et de fonctionnaires dans leur ministre. Elle résulte des incohérences de votre politique pénale, madame le garde des sceaux. Ainsi, par exemple, vous réclamez plus de sévérité pour les mineurs et, dans le même temps, vous fustigez les magistrats ayant décidé l’incarcération d’un mineur qui s’est suicidé durant sa détention.

Je ne reviendrai pas sur les positions prises par le Conseil supérieur de la magistrature le 27 novembre dernier. Il y a eu la forte mobilisation du 23 octobre. Il y a eu le texte signé par 534 magistrats pour dénoncer l’« incohérence des politiques pénales », « les injonctions paradoxales », une politique qui développe les peines planchers tout en demandant des aménagements de peines. Il y a la tutelle sur les procureurs, les mutations de procureurs contre leur gré et contre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature, lorsque ces procureurs, voire des procureurs généraux, ne sont pas priés de solliciter leur mutation ! Je pense ne pas inventer.

Dans sa décision du 13 juillet 2008, la Cour européenne des droits de l’homme écrit que, en France, « le procureur de la République n’est pas une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion ».

Eu égard à ce contexte, ma question est très simple, madame le garde des sceaux : le temps presse, le malaise existe, que comptez-vous faire pour rétablir tout simplement la confiance ?

J’en viens au projet de budget proprement dit.

Mes collègues évoqueront tout à l’heure la politique pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse. Je m’en tiendrai à quelques réflexions sur les actions relevant de la justice.

Comme l’ont souligné les rapporteurs, le nombre de magistrats diminue de 22 cette année par rapport à l’année dernière, et il y aura 217 départs à la retraite en 2009.

Le nombre de recrutements à l’École nationale de la magistrature passera de 250 en 2009, à 140 en 2011 et à 40 en 2012.

En ce qui concerne les fonctionnaires de justice, le déficit est flagrant.

Madame le garde des sceaux, vous annoncez la promotion de 150 agents de catégorie C en greffiers de catégorie B. En fait, et vous le savez parfaitement, il s’agit d’un tour de passe-passe, car ces postes sont non pas créés mais déplacés, 150 fonctionnaires de catégorie C devenant des agents administratifs.

Les effectifs des fonctionnaires de catégorie B subiront cette année une perte sèche de huit postes et 280 départs à la retraite.

Le nombre de greffiers de catégorie B et de secrétaires administratifs sera également en baisse.

M. Vincent Lamanda a rédigé, à la demande de M. Nicolas Sarkozy, un rapport intitulé Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnés dangereux. Il préconise, dans sa recommandation n° 15, de renforcer les secrétariats des services de l’application des peines des juridictions : « Chaque cabinet de juge de l’application des peines devrait comprendre un greffier et un agent administratif. » Nous en sommes très loin.

Ma seconde question, après celles qui concernent l’affaire du journaliste de Libération, est simple : comment faire une meilleure justice avec moins de personnels, moins de magistrats, comment réduire les délais de jugement qui sont, encore aujourd’hui, très importants ? Et je ne dis pas cela dans cet hémicycle par hasard.

J’en viens à la carte judiciaire. Les crédits alloués aux opérations immobilières du fait de la réforme de la carte judiciaire n’apparaissent pas très clairement dans votre projet de budget.

Il est indiqué que 14 millions d’euros seront alloués à la carte judiciaire sans que l’on sache s’il s’agit de crédits destinés à indemniser les personnels des juridictions ou de crédits alloués aux aménagements immobiliers. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point, madame la ministre ?

Dans le titre « Dépenses d’investissements », il est indiqué que 15 millions d’euros seront alloués en crédits de paiement au titre des dépenses d’investissement liés à la carte judiciaire pour réaliser les travaux immobiliers. Les autorisations d’engagement s’élèveront à 80 millions d’euros. Or, ces sommes sont largement insuffisantes au regard des investissements qu’impose cette réforme.

Madame le garde des sceaux, en septembre 2007, la direction des services judiciaires a considéré que la seule suppression des tribunaux de grande instance nécessitait 247 millions d’euros pendant une durée de six ans.

Dans mon département, deux tribunaux d’instance – Pithiviers et Gien – seront supprimés à compter du 1er janvier 2010. Selon vos représentants, cette décision n’aura pas de conséquences dommageables puisque des maisons de justice et du droit seront créées. Mais pour que les maisons de justice et du droit aient de la crédibilité, il faut qu’au moins un greffier, membre de l’administration du ministère de la justice y soit affecté. Comment pouvez-vous, après avoir supprimé des tribunaux d’instance, créer des maisons de justice et du droit alors que les postes qui seraient nécessaires à leur fonctionnement sont en diminution ? C’est impossible, sauf à demander aux collectivités locales de payer, mais je crains que ce ne soit difficile pour elles. Par ailleurs, cela ne relève pas de leurs compétences. J’ajoute que la justice est par excellence une prérogative régalienne.

Enfin, les crédits de l’aide judiciaire sont en baisse de 14,45 millions d’euros en crédits de paiement. Le plafond de ressources reste de 884 euros, ce qui est bien bas pour de nombreux justiciables.

J’aurais souhaité aborder d’autres sujets, mais je ne peux le faire faute de temps.

Madame le garde des sceaux, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Justice » pour des raisons qui tiennent à trois mots simples.

Tout d’abord, les moyens : on ne peut pas faire une meilleure justice sans moyens complémentaires.

Ensuite, la cohérence : elle manque à votre politique pénale.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, la confiance, qui fait malheureusement défaut. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites, et je m’efforcerai donc de ne pas les répéter.

J’évoquerai les crédits de l’administration pénitentiaire avec la gravité qu’imposent les événements survenus ces derniers mois dans les prisons françaises.

Madame le garde des sceaux, une politique pénitentiaire est nécessairement une politique de sanction à l’égard des personnes qui n’ont pas respecté les règles sociales et qui ont causé un préjudice, parfois irréversible, à leurs victimes.

Une fois ce principe est posé, le débat est ouvert. Il s’agit de déterminer quel sort nous devons réserver aux détenus. Je répondrai par une formule : un juste sort.

Or, aujourd’hui, ce juste sort n’est pas acquis. Trop souvent, les détenus subissent une double peine. Une peine publique prononcée par le juge, conformément à la loi, à laquelle s’ajoute une peine secrète, peut-être plus difficile, qui est l’humiliation, l’abaissement de la personne, l’abandon à la violence et à la loi du plus fort, au fond, une peine de négation de l’homme dans le prisonnier.

Les suicides, notamment les suicides de mineurs, fournissent un exemple dramatique de cette réalité qui a valu à la France diverses condamnations de la part d’instances internationales, ce dont nous ne pouvons pas être fiers. Nous avons notamment été condamnés par le Comité européen de prévention de la torture en 2004 et en 2007, par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies cet été, ou encore dans le récent rapport du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Dans ce dernier rapport, Thomas Hammarberg dénonce « les conditions de vie inacceptables de nombreux détenus, qui doivent faire face à une surpopulation, une absence de vie privée, des locaux vétustes, et une hygiène pauvre » ou encore « le haut niveau de suicides dans les prisons françaises [...] symptôme des défaillances structurelles du système pénitentiaire ».

Tout est dit ! Face à ce constat, que faire ?

Nous pourrions d’abord poser un principe simple, inspiré du même Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe : « Le plein respect des droits de l’homme ne doit pas souffrir des considérations sécuritaires ».

Malheureusement, les choix qui ont été faits dans ce projet de budget sont très éloignés de cette préoccupation.

Bien sûr, nous saluons la hausse des crédits de l’administration pénitentiaire, même si elle reste insuffisante. Nous savons combien elle est nécessaire pour les personnels comme pour les détenus, et, finalement, pour améliorer les conditions d’une réinsertion réussie à laquelle nous devons toujours penser.

Pour les personnels de l’administration pénitentiaire, il s’agit d’un budget en trompe-l’œil. Vous avez certes prévu des effectifs supplémentaires pour les prochaines années, mais, parallèlement, le parc pénitentiaire sera agrandi et de nouvelles missions seront confiées à cette administration. Nous pouvons donc craindre que les conditions de travail ne continuent à se dégrader.

Et surtout, madame le garde des sceaux, comment ne pas relever une incohérence qui prive votre effort budgétaire de son efficacité ? Vous refusez en effet de lier votre politique criminelle et ses conséquences pénitentiaires.

Votre politique répressive, notamment l’instauration des peines planchers, a provoqué une augmentation du nombre de détenus, comme l’ont rappelé plusieurs intervenants, notamment Mmes Escoffier et Borvo Cohen-Seat. Au 1er octobre 2008, cette augmentation était de 2 122 en un an, et même un peu plus à en croire certains propos. Au total, 63 185 personnes étaient emprisonnées en France au 1er octobre 2008, pour 51 000 places disponibles.

La misère pénitentiaire de notre pays trouve certainement là une de ces causes.

M. le rapporteur spécial a rappelé tout à l’heure que le taux d’occupation de nos prisons atteint en moyenne 126 % et que dans certains établissements, réputés pour leur vétusté, ce pourcentage, qui est déjà inadmissible, était dépassé.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Il peut atteindre 200 % !

M. Alain Anziani. Madame le garde des sceaux, votre obsession répressive vous conduit à remplir des prisons sans prévoir la création des places supplémentaires nécessaires, avec comme conséquences mécaniques une dégradation des conditions de vie des détenus, voire, pour les plus fragiles d’entre eux, des suicides. Les chances de réinsertion des autres sont compromises, et le risque de récidive augmente.

Le projet de budget de la mission « Justice » ainsi que le futur projet de loi pénitentiaire n’apportent pas les réponses que nous attendrions.

Une réforme pénitentiaire d’ampleur est indispensable – le groupe socialiste à l’Assemblée nationale a d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens –, et elle doit se fonder sur le sens de la peine, sur son contenu et sur sa mise en œuvre. Mais quel peut être le sens de la peine lorsque la prison devient un lieu d’injustice, voire l’école du crime ? Quelle est l’efficacité de la politique pénale lorsque l’homme qui retrouve sa liberté est détruit ou parfois rempli de haine par ses conditions de détention et, finalement, encouragé à la récidive ?

Le projet de loi pénitentiaire que vous nous présenterez prochainement ne va ni dans le sens de la réhabilitation ni dans celui de la réinsertion. Vous vous limitez à une gestion du flux par le jeu des peines alternatives ou des aménagements de peine.

Certes, vous améliorerez les statistiques, évitant peut-être ainsi une nouvelle condamnation de notre pays. Mais notre société ne disposera pas encore d’une politique pénitentiaire ambitieuse et humaine.

D’autres voies, notamment en faveur des plus fragiles, peuvent être explorées. C’est notamment le cas du suivi psychiatrique des détenus.

Là encore, comment ne pas noter que 30 % des détenus souffrent de troubles mentaux, et 15 % de pathologies lourdes ?

L’un des responsables de la section française de l’Observatoire international des prisons affirmait récemment ceci : « Les suicides au mitard de détenus ayant des troubles psychiatriques sont fréquents. » D’ailleurs, la France a récemment été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme sur ce sujet, dans un arrêt « Renolde contre France » du 16 octobre 2008, avec des considérations très sévères pour notre pays.

Madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il s’agit là d’avertissements importants qui doivent nous inciter à envisager des créations de places d’internement psychiatrique adaptées. Nous devons faire en sorte que notre politique pénitentiaire à l’égard des plus fragiles, notamment les psychotiques, ne mette pas en place des « mouroirs psychiatriques ».

Voilà quelques années, Michel Foucault avait dénoncé la confusion qui était déjà entretenue entre folie et criminalité. Il est temps aujourd'hui de trouver des solutions.

Je terminerai en saluant le courage de notre collègue Jean-René Lecerf, qui avait déposé devant la commission des lois un amendement tendant à instituer un revenu minimum carcéral. Il s’agit là d’un projet d’autant plus courageux qu’il est peu susceptible d’apporter à ses promoteurs des gains de popularité ou des suffrages. Malheureusement, cet amendement a été retiré en commission.

Le Gouvernement nous a apporté des assurances à cet égard. J’espère qu’il tiendra ses engagements et qu’il n’invoquera pas l’irrecevabilité financière prévue par l’article 40 de la Constitution lorsque le Parlement sera de nouveau saisi d’une telle proposition. Encore une fois, cette idée ne procurera aucun bénéfice électoral à ses auteurs, mais elle traduit la vision que nous avons de notre pays et de notre mandat.

En tout état de cause, madame le garde des sceaux, pour les raisons que j’ai indiquées, le groupe socialiste votera contre le projet de budget de la mission « Justice ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Madame le garde des sceaux, de mon point de vue, le projet de budget de la mission « Justice » est décevant à plusieurs titres, et ce malgré l’autosatisfaction affichée par vous-même et par votre majorité en raison de l’augmentation globale des crédits de paiement de 2,6 % et de la création de 952 emplois.

Mes critiques envers vos orientations budgétaires sont nombreuses, justifiées et argumentées, même si je n’espère malheureusement pas vous convaincre.

Tout d’abord, je tiens à rappeler un élément. C’est bien le Conseil de l’Europe, et non l’opposition parlementaire française, qui a classé la France au trente-cinquième rang des quarante-trois pays membres en matière de budget annuel de la justice par habitant. À mon sens, notre retard en ce domaine est inadmissible pour un pays qui se présente comme la patrie des droits de l’homme.

Or, loin de commencer à combler un tel retard, le projet de budget qui nous est aujourd'hui présenté permettra à peine de faire face à l’aggravation de la surpopulation carcérale et de financer les objectifs du Gouvernement en termes de construction de places supplémentaires « à confort amélioré ».

Pourtant, alors que vous êtes aujourd’hui aux responsabilités, il devrait vous revenir d’agir pour remédier à cette situation de surpopulation carcérale, pour améliorer notre classement et pour présenter un budget cohérent, efficace et ambitieux. Or la lecture de votre projet semble montrer que vous n’empruntez pas la meilleure voie pour y parvenir.

À titre d’illustration, je voudrais insister sur deux exemples.

D’une part, les moyens et les ambitions affichés en matière de protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, affichent un affaiblissement dangereux des mesures éducatives en faveur de la prévention de la primo-délinquance et de la lutte contre la récidive.

D’autre part – je m’exprime en tant qu’élue locale soucieuse de l’exercice de la justice sur l’ensemble du territoire avec une efficacité accrue, de mutualisations cohérentes et de dépenses maîtrisées –, je trouve inquiétant le coût de la réforme de la carte judiciaire qui est aujourd'hui annoncé. Cela a d’ailleurs été évoqué. Et je n’aborderai même pas les fortes réticences qui sont exprimées par des élus de toutes tendances politiques, y compris au sein de la majorité parlementaire, quant au fonctionnement et à l’organisation territoriale imposés.

Madame le garde des sceaux, en ce qui concerne la protection judiciaire de la jeunesse, votre projet de budget ne déroge pas à la tradition établie par le gouvernement précédent et perpétuée par vous l’an dernier.

En effet, le financement des mesures rééducatives et des actions en milieux ouverts pâtit de la priorité accordée au problème des mineurs délinquants, auquel vous apportez d’ailleurs seulement des réponses strictement pénales. Ce dernier volet perçoit ainsi environ 60 % des crédits, contre moins de 20 % pour l’aide aux mineurs ou aux jeunes majeurs en danger.

La protection judiciaire de la jeunesse connaît un net recentrage de ses activités. Les crédits alloués à l’action « Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants » augmentent de 20 %. Parallèlement, les moyens attribués à l’action « Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs » baissent de 40 %, soit une diminution de 96 millions d’euros. L’écart entre ces deux volets est déjà suffisamment flagrant. Mais il ne cesse de se creuser. L’an dernier, ces deux actions bénéficiaient respectivement de 50 % et de 30 % des crédits.

Le Gouvernement justifie de telles orientations budgétaires par l’évolution de la délinquance des mineurs, en s’appuyant sur des chiffres contestables et contestés.

Madame le garde des sceaux, je ne sais pas de quelles sources vous disposez pour affirmer que les mineurs délinquants sont toujours plus nombreux, plus jeunes et plus violents. Pour ma part, j’ai consulté les statistiques de la police et de la justice, et je n’ai pas fait les mêmes constats.

Selon ces chiffres, la part des mineurs dans l’ensemble des personnes mises en cause par la police et la gendarmerie est passée de 22 %, maximum atteint en 1998, à 18 % en 2007.

En outre, et contrairement à ce que vous affirmez, la répartition des condamnations prononcées par la justice selon les classes d’âge, c'est-à-dire les jeunes âgés de treize à seize ans, les mineurs âgés de seize à dix-huit ans et les adultes, est parfaitement stable.

Enfin, parmi les 203 700 adolescents mis en cause par la police, qui ne représentent que 5 % de l’ensemble de la population mineure française, seulement 1,3 % était impliqué dans des actes criminels.

Madame le garde des sceaux, vous avez à juste titre invoqué devant l’Assemblée nationale les difficultés de la gestion d’une politique pénale face à l’opinion publique.

Certes, il est difficile de lutter contre l’émotion télévisuelle. Mais c’est précisément là un piège dans lequel nous devons nous garder de tomber. Le devoir des politiques n’est-il pas justement de ramener chaque dossier, chaque question, chaque problème à ses justes proportions et de ne pas se laisser entraîner vers la dérive de la gestion émotionnelle du fait divers ? Cette forme de gestion est affective et subjective, surtout lorsqu’il s’agit de victimes et d’auteurs d’actes de délinquance qui sont des enfants et des adolescents, c'est-à-dire des adultes en devenir.

Alors, soyons précis et soucieux des chiffres que nous affichons. Posons les problèmes tels qu’ils sont et non tels que les techniques de communicants en tout genre nous suggèrent de les commenter.

Le désengagement de l’État de la protection judiciaire de la jeunesse en général – les crédits baissent de 4,2 % –, et de ses missions civiles en particulier, me semble inquiétant. La circulaire d’orientation budgétaire de rentrée de l’administration centrale de la PJJ impose ainsi le positionnement de ses services exclusivement au pénal.

À terme, le projet de budget qui nous est présenté renvoie aux collectivités territoriales, sans nulle précision chiffrée, toutes les mesures relevant des secteurs civil, éducatif, de la santé ou de l’insertion sociale. Voilà qui est préoccupant.

Bien évidemment, en tant qu’élue locale, je m’alarme du nouveau transfert prévisible par l’État de ses responsabilités financières vers les collectivités territoriales dans le cadre de la nouvelle prise en charge de la protection des mineurs en danger.

Les charges pesant sur les collectivités locales doivent-elles encore s’accroître au moment où leur budget est obéré par l’aggravation de leurs dépenses sociales obligatoires, qui sont encore appelées à augmenter à l’avenir, compte tenu de la situation économique ?

Comme nous sommes nombreux à le ressentir, pour le Gouvernement, en particulier pour votre ministère, le primat de l’éducatif sur le répressif n’est plus qu’un lointain souvenir ! Pourtant, Victor Hugo proclamait autrefois ceci : « Ouvrez une école, vous fermerez une prison ! »

Loin de toute considération angélique, je m’interroge et vous interroge, madame le garde des sceaux. Où sont envisagées, chiffrées et budgétées les nécessaires coopérations, synergies ou mutualisations entre la PJJ, l’éducation nationale, la santé, la cohésion sociale et la réduction de la pauvreté ? Cela me semble pourtant indispensable à la cohérence, la rationalisation et l’efficacité de la dépense publique en la matière.

Où en sont les grands « plans banlieues » et autres dispositifs de prévention de la délinquance annoncés par le gouvernement auquel vous appartenez à grands renforts d’effets de manche, de budgets gelés sitôt votés et de coopérations interministérielles fantômes, dont nous attendons toujours l’embryon d’un début de mise en place ? Qu’en est-il des dizaines de milliers de places promises dans les dispositifs dits de « deuxième chance » ? Je pense aux écoles de la deuxième chance, aux centres ouverts de l’Établissement public d’insertion de la Défense, aux cadets de la police ou au service civil volontaire dans les associations ou collectivités locales.

Quels sont les liens, fonctionnels, organisationnels et budgétaires entre la justice, la PJJ, et ces dispositifs vers lesquels des milliers de jeunes pourraient être adressés avec une réelle chance d’insertion familiale, sociale et professionnelle, si seulement le Gouvernement respectait ses engagements ? Je tiens à le souligner, cela aurait un coût d’encadrement moindre que dans les centres fermés, dont le Gouvernement prône pourtant le seul développement. À cet égard, compte tenu de la diversité des parcours des jeunes qui y sont envoyés, la nécessité de tels centres reste encore à prouver, y compris aux yeux des professionnels y travaillant. Pour ma part, j’ai la conviction intime et profonde qu’il s’agit d’orientations vouées à l’échec. C’est même une spirale ascendante de dépenses injustifiées, au regard de la réalité de la délinquance des mineurs, de ses causes, qui ne seront en aucun cas traitées efficacement avec les seules mesures affichées.

Notre exigence de cohérence et de vision durable du budget de la justice est également nécessaire à l’organisation territoriale. J’en viens donc au deuxième point que je souhaitais aborder : la gestion immobilière de la réforme de la carte judiciaire.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont été mentionnés par mon collègue Jean-Pierre Sueur.

Mais, madame le garde des sceaux, le coût global et le plan de financement prévus pour les investissements immobiliers induits par la réforme de la carte judiciaire viennent gravement compromettre les possibilités d’une politique judiciaire ambitieuse. D’ailleurs, en matière de délai de traitement des dossiers et de coût de revient, l’efficacité de cette démarche ne sera pas, me semble-t-il, au rendez-vous sans une réflexion approfondie et concertée sur la répartition des charges entre les tribunaux. Encore une fois, il y va de l’efficacité de la dépense publique.

Madame le garde des sceaux, vous avez répété à l’envi que vous n’improvisiez rien en matière de réformes et que plus de dix textes ont été publiés depuis votre arrivée à la Chancellerie.

Hélas ! un tel empilement de textes, conjugué à votre projet de budget, provoque une désorganisation massive de l’institution judiciaire et assombrit son avenir et ses rapports avec nos concitoyens.

Au-delà des chiffres, en apparence globalement en hausse, il faut se plonger dans les détails, car c’est là que se nichent souvent les failles. Or, pour 2009, elles sont nombreuses.

Une réforme vraiment utile de notre justice exigerait des moyens qui sont absents dans ce projet de budget. C’est pourquoi nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Tout d’abord, je souhaite répondre à la question qui m’a été posée par M. Sueur – cela me donnera également l’occasion de répondre à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat – sur l’interpellation de M. Vittorio de Filippis.

Dans un souci de clarté et de précision, je voudrais vous rappeler quelle a été la procédure suivie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes, comme moi, attachés au principe d’indépendance de la justice. En l’occurrence, dans cette affaire, il s’agit d’une constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction, donc d’une initiative tout à fait indépendante du parquet ou du garde des sceaux.

Dans cette affaire, il y a une personne qui est mise en cause. À trois reprises, on lui envoie une convocation. Elle ne défère pas aux convocations à trois reprises. Le juge d’instruction, en toute indépendance – et je suis attachée, tout comme vous, madame Borvo Cohen-Seat, à l’indépendance de la justice – délivre un mandat d’amener, ce qui est tout à fait possible dans le cadre des procédures.

C’est une procédure qui s’applique à tous nos concitoyens : lorsqu’une personne ne défère pas aux convocations d’un juge, ce dernier a la possibilité d’émettre un mandat d’amener à son encontre.

Je rappelle que, depuis la loi du 15 juin 2000, votée sous un gouvernement socialiste, la notification de la mise en examen ne peut plus se faire par voie postale comme c’était le cas auparavant. Cette disposition vise à préserver la présomption d’innocence en permettant à la partie mise en cause de s’expliquer. Il est donc de l’intérêt de cette dernière de déférer aux convocations.

Lorsqu’un citoyen ne défère pas aux convocations, on lui envoie un mandat d’amener. Cela ne veut pas dire qu’il est coupable. Il s’agit aussi de le protéger et de préserver ses droits. Il doit pouvoir venir s’expliquer.

Lorsque le mandat d’amener est délivré, la police va chercher cette personne. Il n’y a pas de procédure de garde à vue. La personne est directement dirigée au commissariat et emmenée au tribunal de grande instance de Paris.

M. Jean-Pierre Sueur. Où on la traite de « pire que la racaille » !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous n’en savez rien, vous n’y étiez pas !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est une citation parue dans la presse !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, vous m’avez demandé des précisions ; je vous rappelle simplement la procédure. Elle est valable pour tout le monde ! Je le répète, la loi du 15 juin 2000 préserve vos droits, et, si vous ne déférez pas aux convocations, on vous envoie un mandat d’amener avant de vous mettre en examen, s’il y a lieu.

Le juge d’instruction émet son mandat d’amener dans le cadre d’une procédure tout à fait régulière avec des outils juridiques qu’il est parfaitement autorisé par la loi à utiliser.

Sauf à ce que vous vouliez remettre en cause l’indépendance de ce magistrat dans cette affaire, la délivrance du mandat d’amener relève du pouvoir d’appréciation du juge.

Je vous l’ai dit, le parquet de Paris a demandé officiellement la communication de la procédure ce matin même.

S’agissant des journalistes, permettez-moi de vous rappeler deux éléments.

D’une part, le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes répond à l’engagement pris par le Président de la République de consacrer le principe de la liberté d’expression pour les journalistes en renforçant les droits et les garanties dont ils disposent dans l’exercice de leurs fonctions.

D’autre part, le rapport Guinchard que j’ai demandé voilà quelques mois préconise la dépénalisation de la diffamation en matière de presse.

Mme Nathalie Goulet. C’est dommage !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Par conséquent, la procédure que nous évoquons ne pourra plus être appliquée à un journaliste ou à un directeur de rédaction mis en cause pour diffamation.

Ne mélangez donc pas tout, monsieur le sénateur : les instructions au parquet, l’indépendance, le climat de confiance… J’ai beaucoup trop de respect pour vous pour penser que vous aimez la polémique ou la caricature.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce sont deux choses distinctes !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Président de la République a été élu par les Français, notamment pour appliquer une politique pénale. Dès lors, il est normal que le garde des sceaux, en vertu de ses prérogatives statutaires et constitutionnelles, puisse donner au procureur des instructions pour l’application de la politique pénale souhaitée par les Français.

À aucun moment, le Gouvernement n’a donné d’instruction ou n’a remis en cause des décisions de justice prononcées par des juges, lesquels sont indépendants. Et nous tenons à leur indépendance.

S’il existe des cas d’atteinte à l’indépendance des juges, ce serait alors une violation des principes de l’État de droit ; mais il faudrait citer des exemples précis, afin de ne pas en rester à des choses un peu brumeuses et laisser la rumeur enfler.

Nous sommes dans un État de droit, et j’y tiens ; je suis très attachée à l’indépendance de la justice, car elle garantit l’application de la même justice pour tous sur le territoire.

Par conséquent, je le répète, jamais le Gouvernement ni moi-même n’avons porté atteinte en aucune manière à l’indépendance des magistrats, à laquelle nous sommes très attachés.

J’espère avoir répondu précisément sur la procédure et sur ses effets.

J’en reviens à présent à la présentation du budget du ministère de la justice.

Pour la deuxième année consécutive, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial, la justice est une priorité du Gouvernement.

Dans un contexte économique difficile, c’est un budget ambitieux qui tient compte de la « vigilance financière » défendue notamment par le rapporteur général, M. Philippe Marini.

En 2009, les crédits du ministère de la justice progressent de 177 millions d’euros pour atteindre 6,66 milliards d’euros, soit une augmentation de 2,65 %.

La justice pourra financer un millier d’emplois supplémentaires, 952 très exactement. D’ailleurs, je le rappelle, le ministère de la justice est le seul à bénéficier de créations d’emplois,…

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C’est exact !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. …puisque, dans l’ensemble des services de l’État, 30 600 départs à la retraite ne seront pas remplacés.

Cet effort budgétaire s’accompagne d’une profonde réforme de la justice. C’était une véritable attente des Français, parce que, pendant trop longtemps, on a considéré qu’un service public qui fonctionnait avait besoin de toujours plus de moyens.

La réalité a montré que ce n’est pas forcément avec plus de moyens que l’on apporte plus de protection aux Français. C’est d’abord en modernisant la justice et en l’adaptant aux enjeux de notre société. C’est ce que nous faisons depuis dix-neuf mois.

En adoptant le projet de budget pour 2009 du ministère de la justice, vous permettrez à notre justice de mieux remplir ses missions essentielles : protéger, sanctionner et, également, être au service de nos concitoyens.

Nous avons déjà fait beaucoup pour que les victimes retrouvent leurs droits et leur dignité.

D’abord, le juge des victimes a été créé le 1er janvier dernier. Il enregistre aujourd’hui plus de trois cents saisines.

Ensuite, le service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions est opérationnel depuis le 1er octobre dernier. Force est de constater que 72 000 victimes qui se voient allouer des dommages et intérêts ne sont pas prises en compte par la commission d’indemnisation des victimes d’infractions. Elles doivent effectuer elles-mêmes les démarches. Nous considérons qu’il n’est pas normal qu’une victime qui a été restaurée dans sa dignité et ses droits ait encore des démarches à accomplir pour obtenir une totale réparation. Ce n’est pas notre conception de la justice.

En 2009, les crédits d’aide aux victimes s’établiront à 11 millions d’euros, soit une progression de 15,8 % par rapport à 2007.

Nous réformerons l’aide juridictionnelle, comme il nous l’a été demandé, pour qu’elle réponde mieux aux besoins des justiciables les plus modestes. La réforme prendra en compte les propositions formulées par la commission des finances, sur l’initiative du rapporteur spécial, Roland du Luart, mais également par la commission Darrois.

En réponse à M. Sueur, j’indique que, en 2009, dix points d’accès au droit seront ouverts dans les quartiers les plus en difficulté. La justice agit également pour l’égalité des chances. Nous avons ouvert dans toutes les écoles du ministère de la justice des classes préparatoires intégrées, destinées à aider les étudiants les plus modestes ou socialement défavorisés, n’ayant pas démérité sur le plan scolaire ou universitaire, à se présenter aux concours.

La protection, c’est aussi une prise en charge plus digne des détenus.

Nous avons mis en place une politique pénitentiaire extrêmement ambitieuse.

Elle passe par des conditions de détention améliorées. C’est ce que nous faisons en construisant des prisons modernes. En 2008, nous avons ouvert huit établissements pénitentiaires, dont trois pour les mineurs. Le 20 novembre dernier, j’ai inauguré le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan. C’est un établissement pénitentiaire d’une nouvelle génération qui porte un regard neuf sur la détention.

En 2009, sept établissements ouvriront, dont celui du Mans. Monsieur le rapporteur spécial, je vous précise qu’ils représenteront 5 130 places neuves. Elles permettront d’améliorer les conditions de travail des personnels et les conditions de vie des détenus.

Monsieur Béteille, tout comme vous, je souhaite que le calendrier des ouvertures soit respecté. Je veux vous rassurer, il l’est à ce jour. C’est l’un des grands avantages du partenariat public-privé que nous avons lancé voilà près d’un an. Les entreprises sont incitées à livrer en avance et sans défaut, ce qui est un grand progrès.

L’administration pénitentiaire sera donc renforcée par 1 087 agents, dont 917 surveillants.

La politique pénitentiaire a aussi des effets contre la récidive à travers les actions qui favorisent la réinsertion des détenus.

C’est le sens de la dynamique donnée à la politique d’aménagement des peines : 2 000 peines aménagées en moyenne par an entre 2002 et 2007, plus de 6 000 aujourd’hui.

Les efforts se poursuivront en 2009. Il est prévu de créer 500 emplois de conseillers d’insertion et de probation d’ici à 2012, dont 170 en 2009.

En 2009 également, 2 500 bracelets électroniques seront mis en service, ce qui portera leur nombre à 6 500. En 2012, il y en aura 12 000 au total.

Avec les 63 000 places disponibles en détention, nous nous donnons les moyens d’en finir avec le problème de la surpopulation carcérale. Monsieur Anziani, c’est le premier élément pour améliorer la situation des prisons françaises.

Je rappelle que, entre 1997 et 2002, 4 % des places de prison ont été fermées sans compensation en termes de mesures alternatives à l’incarcération. Dans la même période, nous avons assisté à une augmentation sans précédent de la délinquance.

Le projet de loi pénitentiaire que nous présenterons à la commission des lois le 10 décembre renforcera encore la dignité des personnes détenues.

Je souhaite également rassurer à cet égard M. Lecerf. Le Parlement aura toute sa place dans l’élaboration de cette loi qui est attendue depuis très longtemps, comme vous l’avez dit, et nous discuterons notamment de la réinsertion des détenus. Le Gouvernement considère que cette réinsertion passe d’abord par l’activité professionnelle.

Madame Escoffier, vous avez évoqué des pistes intéressantes en matière d’aménagement des peines. Comme vous, le Gouvernement souhaite qu’il n’y ait plus de sorties sèches, car c’est le meilleur moyen de prévenir la récidive. C’est l’objet de toute une série de mesures au sein du projet de loi pénitentiaire qui vise, comme vous le souhaitez, à développer l’usage du bracelet électronique.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C’est nécessaire !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souhaite que nous puissions en discuter lors de l’examen de ce texte.

Monsieur Lecerf, vous avez évoqué la question de la formation professionnelle des détenus. C’est un sujet que nous avons régulièrement évoqué. Il est vrai que notre indicateur est stable. Cependant, compte tenu de l’évolution de la population carcérale, l’administration pénitentiaire devra renforcer l’incitation à cette formation professionnelle. Pour aller au-delà, il faudra en changer les modalités. C’est pour cette raison que le Gouvernement propose d’expérimenter la formation professionnelle de manière plus incitative avec les régions.

De la même manière, selon l’indicateur dont nous disposons, le nombre de personnes ayant une activité rémunérée augmente. En 2008, 40,8 % des détenus exerçant une activité rémunérée, contre moins de 35 % l’année précédente. En 2009, notre objectif sera de 41,5 %.

La deuxième mission de la justice est de sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi. Je considère que la première des libertés est de pouvoir vivre en sécurité ; il s’agit non pas d’avoir une position sécuritaire, mais simplement de protéger nos concitoyens.

C’est l’objet de la loi du 10 août 2007 : plus de 16 000 récidivistes ont déjà été condamnés, dont 50 % à des peines plancher.

La loi est claire : elle est applicable aux récidivistes. Nous n’admettons pas que des multirécidivistes n’aient aucune sanction et à aucun moment.

Madame Borvo Cohen-Seat, contrairement à ce que vous indiquez, les résultats se font sentir sur le terrain, puisque, en un an, la délinquance générale a diminué de près de 5 %, les atteintes aux biens ont baissé de 7 %, et le nombre d’agressions contre les personnes enregistre une stabilisation, après une baisse constante – pour la première fois depuis 1995 – entre mars et septembre 2008.

Contrairement à ce que vous indiquiez, madame le sénateur, l’indépendance des juges n’a pas été restreinte. Vous semblez considérer que les parquets ne devraient pas faire appel lorsque des décisions prises ne sont pas conformes à leurs réquisitions. Pour avoir été magistrat, je peux vous dire que les décisions rendues ne sont pas toujours conformes aux réquisitions du procureur, auquel cas le parquet, avec un pouvoir d’appréciation, peut faire appel. Ce sont des voies de recours parfaitement légitimes dans un État de droit. Tout le monde pourrait faire appel, sauf le parquet ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ai pas dit ça, madame la ministre !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce serait une véritable atteinte à l’État de droit !

Vous avez affirmé que les parquets étaient obligés de faire appel lorsque les peines plancher n’étaient pas prononcées. Le parquet a une possibilité de faire appel comme toutes les autres parties : les voies de recours sont ouvertes à tout le monde, y compris au parquet ! C’est l’État de droit !

C’est aussi l’objet de la refonte de la justice des mineurs. Nous allons créer un code pour les mineurs adapté aux jeunes et aux actes de délinquance de 2009. Le texte actuel date de 1945 et contient des dispositions qui, parfois, ne sont pas très cohérentes ou peuvent paraître obsolètes.

Je rappelle également que l’ordonnance de 1945 ne regroupe pas toutes les dispositions applicables aux mineurs, l’ensemble de la procédure concernant ces derniers étant dispersée entre plusieurs codes et divers textes. Toute la difficulté pour les magistrats est donc d’avoir la mesure la plus appropriée pour réprimer la délinquance des mineurs.

Nous disposerons par conséquent, pour la première fois, d’un code pénal pour les mineurs qui regroupera tous les textes, ce qui permettra aux magistrats de pouvoir rendre une justice pour les mineurs beaucoup plus efficace.

La commission présidée par le recteur Varinard me rendra son rapport le 3 décembre. Je remercie tout particulièrement les sénateurs ayant participé à ses travaux.

L’objectif est d’améliorer la prise en charge des mineurs délinquants pour mieux protéger notre société et pour donner toute leur efficacité aux mesures de suivi des jeunes délinquants.

Nous utiliserons toute la gamme des mesures disponibles pour apporter une réponse adaptée à chaque mineur délinquant.

Madame Klès, vous citez des chiffres globaux. Vous passez sous silence l’évolution inquiétante du nombre des criminels de treize à seize ans. Ils représentaient 30 % des mineurs criminels en 1997. Ils en représentent aujourd’hui 60 %. C’est la réalité.

Pour les mineurs ancrés dans la délinquance, les centres éducatifs fermés ont fait la preuve de leur efficacité : 61 % des mineurs ne récidivent pas au bout d’un an, après un passage en centre éducatif fermé, et 84 % réintègrent un cursus scolaire.

Le 14 novembre dernier, j’ai inauguré à Mulhouse le trente-septième centre éducatif fermé. Le programme se poursuivra en 2009 avec l’ouverture de sept centres éducatifs fermés supplémentaires.

J’ai souhaité également, comme M. Laurent Béteille l’a rappelé, expérimenter une prise en charge pédopsychologique dans cinq centres éducatifs fermés.

Pour beaucoup de jeunes délinquants ayant commis des faits extrêmement graves, le suivi éducatif ne suffit plus. Ils ont de réels problèmes de comportement. Dans ces centres éducatifs fermés, les postes de psychologue, de psychiatre et d’infirmier sont doublés par rapport aux centres éducatifs fermés classiques.

Monsieur Béteille, vous m’avez interrogée sur la poursuite de cette expérimentation. L’évaluation de ces cinq centres éducatifs fermés est prévue avec la direction de l’hospitalisation du ministère de la santé. D’ores et déjà, nous savons que ces cinq centres éducatifs fermés répondent à un vrai besoin. Ils seront consolidés, et d’autres seront mis en place si nécessaire.

En 2009, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse disposera d’un budget de 787 millions d’euros. Elle se recentrera sur la prise en charge des mineurs délinquants.

Monsieur Alfonsi, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse assumera son rôle d’aide à la décision auprès des magistrats pour la protection des mineurs en danger et renforcera sa mission d’audit et de conseil pour s’assurer de l’égalité de la prise en charge des mineurs en danger sur l’ensemble du territoire, en collaboration avec les conseils généraux. Nous avons, vous le savez, un problème d’articulation avec la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, qui dévolue cette mission aux conseils généraux.

Madame Klès, le recentrage de la PJJ sur les mineurs délinquants correspond à l’application des principes de la loi du 5 mars 2007 votée par le Parlement.

La troisième mission de la justice est de servir les Français. La justice doit être un service public moderne et performant.

Nous avons commencé par réformer la carte judiciaire. M. Fauchon l’a rappelé, il s’agissait d’une réforme nécessaire et attendue depuis longtemps. Il a également évoqué le travail qu’il a fait avec son ancien collègue Charles Jolibois. Il aurait aussi pu évoquer le travail du président de la commission des finances, Jean Arthuis, sur ce sujet.

Les moyens étaient dispersés entre près de 1 200 juridictions : les juges étaient souvent isolés et l’accueil des justiciables n’était pas garanti de façon satisfaisante.

Avec la nouvelle carte judiciaire, les juges pourront travailler ensemble, les services seront regroupés de façon cohérente, les conditions de travail des personnels seront améliorées. Nous répondrons ainsi beaucoup mieux aux attentes des justiciables en termes de délais et de compréhension de la justice.

La réforme de la carte, c’est un tiers des juridictions regroupées. Les moyens sont là puisque la réforme coûtera au total 427 millions d’euros : 385 millions d’euros pour l’immobilier, 21,5 millions d’euros pour les primes de restructuration et 20 millions d’euros pour les avocats.

Je souhaite rassurer M. Sueur sur ce point. Il y aura 385 millions d’euros d’autorisations d’engagement sur cinq ans. Il est normal que la traduction budgétaire de ces opérations soit étalée, car, en matière immobilière, les opérations connaissent plusieurs phases. Le ministère de la justice bénéficiera de crédits de paiement à la fois sur son budget et sur le compte d’affectation spéciale alimenté par les cessions immobilières.

Le calendrier de la réforme de la carte judiciaire sera tenu. Il sera même anticipé dans certains cas. Le terme prévu reste le 31 décembre 2010, mais nous irons plus vite – c’est ce que nous avons déjà commencé à faire – là où les personnels des juridictions seront prêts.

Au 1er janvier 2009, la réforme de la carte judiciaire aura déjà mis en œuvre toute la première partie du programme, puisque nous avons regroupé les tribunaux de commerce, passant de 185  à 135 tribunaux de commerce. Il en a été de même pour les conseils de prud’hommes. Si tel n’avait pas été le cas, les élections prud’homales actuellement en cours ne se dérouleraient pas de façon aussi satisfaisante.

L’organisation territoriale, qui vous est chère, sera plus claire, et la justice sera plus efficace au service de nos concitoyens.

Parallèlement, nous développons une nouvelle génération de maisons de justice et du droit : cinq de ces nouvelles maisons de justice et du droit seront expérimentées en 2009 dans des zones particulièrement éloignées d’une juridiction. Elles disposeront de moyens de communication modernes, sur le modèle de ce qui est déjà expérimenté dans le Loiret, département cher à M. Sueur.

Monsieur Détraigne, je vous rendrai compte de cette expérimentation pour être sûre qu’elle réponde aux questions légitimes que vous avez posées.

Le deuxième volet de la réforme de la justice mis en œuvre est celui de la réforme des contentieux, comme je m’y étais engagée.

Des infractions et des actes civils de la vie courante seront déjudiciarisés : le divorce par consentement mutuel sans audience, la médiation obligatoire pour les conflits familiaux de l’après-divorce, les procédures simplifiées pour les primo-délinquants et les petits délits routiers.

La proposition de loi de M. le sénateur Béteille, ainsi que celle de M. le député Jean-Luc Warsmann s’inscrivent pleinement dans cette volonté de simplifier notre justice.

Les tribunaux utilisent maintenant de plus en plus les nouvelles technologies. Le justiciable est le premier gagnant de cette modernisation.

Les personnels sont aussi les grands bénéficiaires des nouvelles technologies, avec la numérisation, la dématérialisation des procédures, ainsi que la visioconférence.

Cette modernisation se poursuivra en 2009 grâce à Cassiopée et à d’autres applications qui permettront d’accélérer les procédures et d’avoir des décisions de justice plus rapides et plus lisibles.

Le budget informatique du ministère de la justice augmentera de 7,6 %. Le fonctionnement des juridictions sera renforcé, conformément aux souhaits de M. le rapporteur spécial et de M. Détraigne, rapporteur pour avis. Nous renforcerons les juridictions par le recrutement de 59 magistrats et de 150 greffiers. Contrairement à ce qu’a dit M. Sueur, il ne s’agit pas de tours de passe-passe ! C’est une réalité !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous verrons !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les priorités sont la mise en œuvre de la réforme des tutelles et le développement des aménagements de peines.

Nous bénéficierons également des premiers effets de la carte judiciaire.

La réforme de la carte des tribunaux de commerce et des conseils de prud’hommes permettra de redéployer 247 emplois.

Je souhaite à cet égard vous indiquer que le tribunal supérieur d’appel de Mamoudzou verra son effectif accrû de deux magistrats, pour renforcer le contrôle de l’état civil à Mayotte.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous travaillons également, avec mes collègues ministre de l’intérieur et secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, à la simplification de l’état du droit à Mayotte, ce qui permettra d’accélérer le traitement du dossier.

La réorganisation ne concerne pas que les juridictions. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, nous rendons la Chancellerie beaucoup plus performante. Depuis le 1er septembre, nous avons une nouvelle organisation de l’administration centrale, plus rationnelle. Deux directions ont en effet été supprimées.

L’administration centrale disposera, en 2009, d’un budget de 249 millions d’euros, et les départs en retraite n’y seront pas remplacés.

La réforme s’appuie également sur de nouvelles relations entre la Chancellerie et la justice sur le terrain. Je remercie M. Pierre Fauchon d’avoir indiqué qu’être convoqué à la Chancellerie ne signifiait pas devoir se présenter devant le tribunal de la Sainte Inquisition !

M. Pierre Fauchon. C’est un plaisir !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La création d’un service des ressources humaines au ministère de la justice constitue une première. Jusqu’à présent, des magistrats pouvaient effectuer toute leur carrière sans jamais rencontrer qui que ce soit de la Chancellerie ! Il est important de mieux prendre en compte les demandes, les besoins, mais aussi l’évaluation des magistrats dans le cours de leur carrière. La création de ce service des ressources humaines y pourvoira. Aujourd'hui, un peu plus de 500 entretiens avec des magistrats ont eu lieu en moins d’un an d’activité de cette direction.

Nous avons également organisé les services déconcentrés : nous rapprochons les cartes des directions et les moyens de gestion pour créer des synergies. Aujourd’hui, il y a neuf directions régionales de l’administration pénitentiaire et quatorze directions régionales de la protection judiciaire de la jeunesse. Au 31 décembre 2008, l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse auront neuf directions régionales qui coïncideront.

Enfin, la réforme de la justice passe nécessairement par la rénovation de la formation. La réforme de l’École nationale de la magistrature a été adoptée par son conseil d’administration.

Avant cela, la formation des magistrats était essentiellement technique. Elle sera désormais plus ouverte aux qualités humaines, aux compétences essentielles du métier de magistrat et plus tournée vers la société et l’international. Nous nous sommes beaucoup inspirés des rapports du Sénat dont les auteurs, depuis bien longtemps, demandent la réforme de la formation des magistrats.

Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, vous disiez ne pas vouloir voter ce budget, considérant qu’il est sécuritaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ai pas employé ce mot !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous affirmiez que l’objectif visé était uniquement d’incarcérer des personnes. Je considère que réinsérer des personnes détenues, c’est d’abord respecter leur dignité. La justice est aussi là pour donner une deuxième chance.

Nous avons également un objectif clair, qui est de lutter contre la récidive, car nos concitoyens ont le droit de vivre en toute liberté et en toute sécurité.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Quand nous avons proposé cette avancée démocratique majeure qu’est le poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté, vous n’avez pas voté en faveur du texte !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je l’ai voté, madame !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je trouve regrettable que la création de cette nouvelle autorité n’ait pas fait consensus !

M. Alain Gournac. Eh oui, c’est bien dommage !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable ! Je l’ai voté !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà les points sur lesquels il me semblait essentiel d’insister.

Le budget pour 2009 du ministère de la justice est donc un budget ambitieux. Il correspond à une nouvelle façon de gouverner. Réformer l’État, ce n’est pas toujours dépenser plus. C’est d’abord mettre les bons moyens aux bons endroits.

C’est un budget d’action. Je sais que vous avez toujours eu à cœur de veiller à ce que les politiques publiques conduites par le ministère de la justice soient en phase avec les préoccupations concrètes de notre société.

Vous le savez, c’est le même objectif fondamental qui guide mon action. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. De bonnes réponses !

Justice
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Travail et emploi

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

état b

(En euros)

Justice

8 304 925 601

6 637 839 016

Justice judiciaire

2 869 904 377

2 825 104 377

Dont titre 2

1 951 454 683

1 951 454 683

Administration pénitentiaire

4 018 844 116

2 461 824 137

Dont titre 2

1 605 214 704

1 605 214 704

Protection judiciaire de la jeunesse

782 688 523

784 681 917

Dont titre 2

417 523 247

417 523 247

Accès au droit et à la justice

385 329 520

317 869 520

Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus

236 825 520

237 025 520

Dont titre 2

97 506 826

97 506 826

Conduite et pilotage de la politique de la justice

11 333 545

11 333 545

Dont titre 2

2 950 000

2 950 00

L'amendement n° II-1, présenté par M. du Luart, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont Titre 2

2.000.000

2.000.000

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

2.000.000

2.000.000

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus

Dont Titre 2

Conduite et pilotage de la politique de la justice 

Dont Titre 2

TOTAL

2.000.000

2.000.000

2.000.000

2.000.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Cet amendement est à double détente.

Il vise, d’une part, à traiter le problème trop bien connu du transfèrement des détenus.

Il permet, d’autre part, d’évoquer le problème du palais de justice de Paris.

Le transfèrement des détenus est actuellement essentiellement assuré par les forces de gendarmerie et de police. Ces missions mobilisent des effectifs importants, soit près de 1 000 équivalents temps plein pour la gendarmerie et de 2 700 équivalents temps plein pour la police.

La situation actuelle organise donc, de fait, un transfert indu de charges de la mission « Justice » vers la mission « Sécurité ».

La difficulté liée à ce transfert est parfaitement bien identifiée. Les conclusions de la révision générale des politiques publiques l’ont d’ailleurs une nouvelle fois mise en évidence en 2008.

Pourtant, des solutions existent, qui vont de la refacturation entre l’administration pénitentiaire, la police et la gendarmerie, à une plus grande mobilité des magistrats, qui pourraient se déplacer dans certains cas dans les établissements pénitentiaires plutôt que de mobiliser des effectifs pour assurer le transfèrement des détenus entre la prison et leur cabinet.

L’amendement n° II-1 privilégie une autre piste prometteuse, celle de la visioconférence : il s’agit de doter le programme « Administration pénitentiaire » de 2 millions d’euros supplémentaires afin de compléter l’équipement des établissements pénitentiaires en matériel de visioconférence. Les nouvelles technologies doivent en effet être pleinement mises à profit pour le bon fonctionnement de l’institution judiciaire et la rationalisation de la dépense.

Ces 2 millions d’euros sont prélevés sur le programme « Justice judiciaire » et correspondent à la subvention pour charges de service public accordée à l’établissement public du palais de justice de Paris. Le projet de réaménagement de ce palais de justice tend en effet à devenir un « serpent de mer » de la gestion de l’institution judiciaire. Le tribunal de grande instance de Paris souffre de l’exiguïté de ses locaux, mais le choix d’un nouveau site tourne à la valse-hésitation depuis plusieurs années : aussi peut-on s’interroger sur l’utilité d’une subvention de 2 millions d’euros affectée à un établissement public dont la raison d’être s’amenuise au fil du temps. L’inertie de ce projet est d’autant plus regrettable qu’un site paraît recueillir l’assentiment tant des avocats parisiens que des magistrats ou des fonctionnaires du TGI, l’Hôtel-Dieu, situé à deux pas du palais de justice (Mme Nathalie Goulet et M. Nicolas Alfonsi acquiescent.)

M. Pierre Fauchon. Exactement !

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. En conclusion, cet amendement présente une cohérence forte mais paradoxale : limiter les déplacements de détenus en finançant partiellement la mesure grâce la suppression du déplacement du TGI de Paris !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur spécial, les établissements dotés d’équipements de visioconférence accueilleront plus de 80 % des détenus à la fin de l’année 2008. Vous avez raison de rappeler que cette technologie économise les postes d’agents chargés de procéder à ces extractions. Une autre considération doit également être prise en compte : la sécurité. En effet, la visioconférence réduit les risques d’évasion et d’incident avec le personnel pénitentiaire.

À la fin de 2008, 84 % des détenus sont internés dans des établissements équipés ; cette proportion devrait s’élever à 90 % d’ici à la fin de l’année 2009, les nouveaux établissements qui ouvriront pendant l’année étant équipés. La Chancellerie s’est engagée à réduire d’au moins 5 % le nombre d’extractions en 2009, et encore de 5 % en 2010. Le budget de la direction de l’administration pénitentiaire s’élève à 2,47 milliards d’euros, mais il permet d’affecter plus de moyens, si nécessaire, au développement des équipements de visioconférence.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez abordé la question du déménagement du tribunal de grande instance de Paris. Vous avez raison, la question de l’emplacement du nouveau tribunal à Paris est importante : nous n’avons pas le droit de nous tromper dans notre choix. Les négociations, avec la mairie de Paris notamment, ont repris, et toutes les options sont expertisées. Nous allons déterminer quel sera le bon site, notamment en fonction de sa capacité, mais réduire les crédits de l’établissement public du palais de justice de Paris reviendrait à renoncer à un projet. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement n° II-1 est-il maintenu ?

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Les précisions apportées par Mme le garde des sceaux sur le problème de la visioconférence me satisfont pleinement, car cette évolution répond au bon sens ; d’ailleurs, le jour même où la commission des finances a adopté cet amendement, une évasion s’est produite pendant un transfert de détenu. Cela démontre le bien-fondé de la position de la commission des finances. Je donne donc acte à Mme le garde des sceaux de l’augmentation des moyens alloués au développement de cette nouvelle technologie.

J’observe toutefois, madame le ministre, que vous ne m’avez pas répondu sur un autre point : la nécessité d’encourager les déplacements des magistrats dans les établissements pénitentiaires afin de réduire les extractions de détenus ; mais il me semble que c’est une conséquence logique de ce qui vient d’être dit.

En ce qui concerne le tribunal de grande instance de Paris, le dossier devrait avancer en 2009 puisque vous dites que la négociation a repris avec le maire de Paris et les maires d’arrondissement, et – c’est le plus important – que toutes les pistes seront examinées. Compte tenu de ces précisions, je veux bien retirer l’amendement de la commission à titre exceptionnel ; mais nous suivrons avec une attention extrême ce qui se passera au cours de l’année 2009 : la décision d’implantation du nouveau TGI de Paris ne peut pas être indéfiniment renvoyée aux calendes grecques ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne fait jamais que vingt ans qu’on en parle!

M. le président. L’amendement n° II-1 est retiré.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame le garde des sceaux, je voudrai revenir sur la problématique du transfèrement. Lorsque nous allons discuter le budget de la mission « Sécurité », plusieurs amendements posant le problème du transfèrement des détenus et de son coût seront examinés. Ils posent en fait la question de savoir s’il appartient à cette mission de prendre en charge ces dépenses qui pourraient incomber à la mission « Justice ».

Nous connaissons les qualités gestionnaires de votre ministère, madame le garde des sceaux ; la démonstration en a été faite avec les frais de justice. Nous nous demandons donc s’il ne serait pas judicieux de confier la gestion des transfèrements de détenus au ministère de la justice. Le coût de ces opérations, aujourd’hui à la charge de la police et de la gendarmerie, devrait donc être mieux identifié au sein de la mission « Sécurité » afin que les crédits afférents soient transférés à la mission « Justice ». En effet, lorsque les magistrats se saisissent de problèmes de gestion, ils font une démonstration éclatante de leur capacité à maîtriser les coûts ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le président de la commission des finances, le transfert de charge devrait s’accompagner du transfert des moyens correspondants !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Or, pour l’instant, tel n’est pas le cas !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est une question d’arbitrage interministériel !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je pense que la visioconférence va déjà permettre une révolution culturelle, comme je l’ai déjà dit à M. le rapporteur spécial.

Pour compléter mon propos précédent, j’indique que nous allons mettre en place la notification d’actes par visioconférence, qui représentera une avancée importante. En effet, les transfèrements et les extractions interviennent souvent pour des problèmes de notification d’actes. Par exemple, on est souvent obligé d’extraire un détenu pour le faire comparaître devant le magistrat qui lui notifie la réception du rapport d’expertise. La visioconférence va donc permettre de notifier les actes. Il reste encore à régler le problème de l’authentification des signatures, point sur lequel nous travaillons notamment avec la Caisse des dépôts et consignations ; la signature électronique devrait offrir des solutions fiables.

Le développement de la visioconférence nous amènera à déterminer quels transferts de détenus restent encore absolument nécessaires. Mais si la responsabilité de ces opérations doit incomber au ministère de la justice, il faudra également allouer à ce dernier les moyens correspondants : c’est un vrai débat, qui me paraît encore un peu difficile !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous remercie de cette réponse, madame le garde des sceaux, et je souhaite dissiper tout malentendu. Dans l’esprit de la commission des finances, il ne s’agit pas d’autre chose que de transférer à votre ministère les moyens budgétaires correspondants, afin de vous permettre de conserver les plus-values résultant de l’effet de synergie entre la mise en place de la visioconférence et la réduction du nombre de transfèrements de détenus.

J’exprime donc le souhait de la commission de voir la réflexion avancer dans cette voie.

M. le président. L’amendement n° II-52 rectifié, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont Titre 2

1 786 278

1 786 278

1 786 278

1 786 278

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

1 786 278

1 786 278

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus

Dont Titre 2

Conduite et pilotage de la politique de la justice 

Dont Titre 2

TOTAL

1 786 278

1 786 278

1 786 278

1 786 278

SOLDE

0

0

La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. Monsieur le président, avec votre accord, je présenterai en même temps les amendements nos II-52 rectifié et II-53 rectifié, qui ont tous deux pour objet le renforcement des moyens en personnel du ministère de la justice.

M. le président. L’amendement n° II-53 rectifié, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont Titre 2

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

213 722

213 722

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

213 722

213 722

Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus

Dont Titre 2

Conduite et pilotage de la politique de la justice 

Dont Titre 2

TOTAL

213 722

213 722

213 722

213 722

SOLDE

0

0

La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. L’amendement n° II-52 rectifié a pour objet de permettre aux tribunaux d’instance de faire face à la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs et d’affecter aux maisons de justice et du droit, les MJD, les effectifs dont elles ont besoin pour fonctionner.

Je rappelle que la loi du 5 mars 2007 fait obligation à l’ensemble des tribunaux d’instance de revoir tous les dossiers de protection juridique des majeurs d’ici à 2012. Or pratiquement aucun tribunal d’instance n’a pu se mettre à la tâche, car ces juridictions sont débordées par les autres missions qu’elles doivent accomplir.

Pour entrer dans le détail, il s’agit de prélever 1 786 278 euros du programme « Administration pénitentiaire », plus précisément de l’action « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice », pour alimenter le programme « Justice judiciaire ». La majoration de crédits de ce programme est imputée de la façon suivante : 1 281 350  sur l’action 01, « Traitement et jugement des contentieux civils », pour créer dix emplois de magistrats et vingt emplois de greffiers qui renforceraient les effectifs des tribunaux d’instance ; 504 928 euros sur l’action 08, « Support à l’accès au droit et à la justice », pour la création de seize emplois de greffiers de catégorie B, destinés à compléter les effectifs des maisons de justice et du droit qui, selon les indications de la Chancellerie, sont actuellement déficitaires.

Les crédits sont prélevés sur le programme « Administration pénitentiaire » – je conviens que ce n’est pas tout à fait dans l’air du temps… –, plus particulièrement sur les dépenses liées à la sécurisation des établissements pénitentiaires, dans l’action 01 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice ». En effet, le taux d’évasion de ces établissements est, en France, l’un des plus faibles d’Europe, et il ne paraît pas indispensable d’appliquer de façon indifférenciée à tous les détenus d’un établissement pénitentiaire les règles de sécurité visant une minorité d’entre eux.

L’amendement n° II-53 rectifié a également pour objet de renforcer les moyens alloués à l’accès au droit et à la justice en transférant 213 722 euros du programme « Administration pénitentiaire » au programme « Accès au droit et à la justice ».

Ces crédits sont prélevés, pour les mêmes motifs que précédemment, sur l’action 01, « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice », et affectés au programme « Accès au droit et à la justice », à l’action 02, « Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité », afin d’assurer l’ouverture de nouvelles maisons de justice et du droit et d’améliorer l’équipement des MJD existantes. Certes, le projet de loi de finances prévoit l’ouverture de nouvelles maisons de justice et du droit, mais on sait qu’un certain nombre des MJD déjà existantes ne fonctionnent pas, ou seulement à temps partiel ou encore avec des moyens mis à disposition par les collectivités locales.

L’adoption de ces deux amendements déplacerait des crédits d’un montant total de 2 millions d’euros et permettrait de « boucler » le dispositif des MJD, si vous me permettez l’expression, notamment dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire qui rend leur rôle d’autant plus important.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. J’ai beaucoup de considération pour mon collègue et ami Yves Détraigne…

M. Jean-Pierre Sueur. Ça commence mal ! (Sourires.)

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Je voulais affecter 2 millions supplémentaires à l’administration pénitentiaire, mais les deux amendements déposés par M. Détraigne tendent à prélever 2 millions d’euros sur les crédits de cette même administration. Si nos amendements avaient tous été adoptés, leur effet aurait donc été nul !

Sur le fond, la loi d’orientation et de programmation pour la justice a permis – il faut le reconnaître en toute honnêteté intellectuelle – un rattrapage des crédits affectés aux emplois de magistrats sur la période 2003-2007. Mais, nous l’avons souligné, les effectifs de greffiers restent en revanche très insuffisants, comme l’illustre le ratio actuel de 2,5 greffiers par magistrat.

La réforme de la protection juridique des majeurs est assurément à l’origine d’une montée en charge des tâches pesant sur les tribunaux d’instance, mais cet accroissement des charges reste difficilement mesurable aujourd’hui.

La question posée au détour de l’amendement de notre éminent collègue est bien celle, essentielle, de l’évaluation en amont de l’impact budgétaire d’une réforme de la justice avant son vote par le Parlement.

Or cet amendement est gagé sur des crédits – 1,7 million d’euros – prélevés sur l’administration pénitentiaire, et l’on connaît les besoins cruciaux de cette administration face à la crise de la surpopulation carcérale.

Aussi, vous comprendrez que je sollicite l’avis du Gouvernement avant de me prononcer sur cet amendement.

J’en viens à l’amendement n° II-53 rectifié.

Les maisons de justice et du droit tiennent, certes, une place importante dans la justice dite de proximité. Elles constituent un lieu où le justiciable peut bénéficier d’un accueil, d’une écoute, d’une information sur ses droits et obligations et, le cas échéant, d’une orientation vers un service compétent.

Toutefois, le projet annuel de performances pour 2009 témoigne déjà d’un niveau excellent de satisfaction pour les usagers des maisons de justice et du droit puisque l’enquête de satisfaction fait ressortir que 95 % des personnes sont satisfaites de la qualité du service rendu.

Mais l’amendement étant également gagé sur des crédits prélevés à l’administration pénitentiaire, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement avant de me prononcer définitivement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le projet de loi de finances prévoit la création de cinquante-neuf emplois de magistrats et de cinquante-neuf emplois de greffiers. L’essentiel de ces emplois sera consacré aux tutelles et aux aménagements de peine.

En effet, la réforme des tutelles, qui sera en vigueur à compter du 1er janvier 2009, nécessitera des emplois de magistrats supplémentaires, de même que les aménagements de peine puisque nous avons engagé une politique volontariste en ce domaine.

Il faut aussi rappeler que nous ne recourons plus aux grâces collectives, qui ont longtemps été un outil de régulation de la population carcérale, avec d'ailleurs des effets désastreux en termes de sortie. Le caractère automatique des réductions de peine et les lois d’amnistie, qui étaient utilisées comme variables d’ajustement sur la population carcérale, ne jouent plus.

Nous avons misé sur l’aménagement des peines justement pour faire diminuer la récidive et pour faciliter la réinsertion des personnes détenues.

Cent cinquante postes de secrétaires administratifs sont prévus, et cette augmentation permettra aux greffiers de se concentrer sur leurs vraies missions.

La réforme de la carte judiciaire, qui sera déjà en grande partie mise en œuvre à compter du 1er janvier 2009, permettra de libérer des emplois, lesquels pourront être redéployés.

Ainsi, 247 emplois de fonctionnaires seront libérés par la réduction du nombre de tribunaux de commerce et de centres provisoires d’hébergement, les CPH, ainsi que dix emplois de magistrats. Ces effectifs seront donc redéployés dans le cadre des juridictions en fonction des besoins.

Une nouvelle génération de maisons de justice et du droit va voir le jour, avec la création de cinq nouvelles maisons, dotées des derniers perfectionnements technologiques, puisqu’on y trouvera des bornes interactives. Il sera possible d’y déposer des requêtes pénales et même des dossiers aux affaires familiales, qu’il s’agisse d’une demande en divorce ou de mesures concernant des enfants.

On y disposera d’un accès au greffe du tribunal de grande instance compétent dans le ressort, et la visioconférence permettra une meilleure compréhension des affaires traitées. Un guichet universel de greffe sera également créé.

Par ailleurs, il est prévu dans le projet de loi de finances une augmentation de plus de 85 % des crédits en faveur de l’accès au droit. Ces crédits ont été doublés depuis 2007. En 2009, 2,3 millions d’euros seront destinés à l’ouverture de ces maisons de justice et du droit de nouvelle génération.

Monsieur Détraigne, une réduction de 2 millions d’euros des crédits consacrés à l’administration pénitentiaire empêcherait l’ouverture d’un certain nombre d’établissements pénitentiaires, car ce montant correspond à 85 emplois de surveillants. Peut-être serions-nous obligés de fermer la prison du Mans, monsieur le rapporteur spécial ! Dans le contexte actuel, on ne peut pas se permettre de réduire les crédits de l’administration pénitentiaire, en particulier ceux qui sont destinés à l’ouverture de nouveaux établissements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Madame Borvo Cohen-Seat, l’administration pénitentiaire comprend l’insertion et la probation, qu’il faut aussi maintenir dans le contexte actuel.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis d’accord avec vous, il ne faut pas diminuer ces crédits !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vous demande donc, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir retirer ces amendements.

M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Même Mme Borvo Cohen-Seat soutient le garde des sceaux ! Je suis maintenant convaincu que M. Détraigne devrait retirer ses amendements. (Sourires.)

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, les amendements nos II-52 rectifié et II-53 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. Même si mon collègue Roland du Luart ne s’était pas exprimé aussi clairement, j’aurais compris qu’il penchait plutôt vers le retrait, compte tenu des explications qui ont été données par Mme le garde des sceaux.

J’insiste bien évidemment sur le fait que ces maisons de justice et du droit doivent réellement fonctionner, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui. Il est inutile d’annoncer la création de nouvelles maisons de la justice et du droit si c’est pour qu’elles ne soient pas opérationnelles !

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut des greffiers !

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. Par ailleurs, je souligne que le ratio entre les magistrats et les greffiers n’est pas adéquat. M. le rapporteur spécial a même commencé son propos en insistant sur le fait que la charge de travail des greffiers était trop importante.

Enfin, j’ai bien noté que les maisons de justice et du droit de nouvelle génération allaient être équipées de moyens de visioconférence, de bornes informatiques qui permettront de communiquer avec le greffier en chef du tribunal de grande instance auquel ces maisons seront rattachées. Toutefois, comme je l’ai déjà souligné dans mon intervention à la tribune tout à l’heure, je ne suis pas certain qu’un point visio-public permette de clarifier les choses. Ce ne sera peut-être pas une aide suffisante pour une personne qui n’est pas juriste, qui veut prendre contact avec des professionnels du droit sur un dossier qui la préoccupe mais qui ne sait pas formuler ses questions en termes juridiques, ni même de manière claire.

Il faudra donc être très vigilant dans la mise en œuvre de ces maisons de justice et du droit de nouvelle génération afin de s’assurer qu’elles apportent bien le service qu’on est en droit d’attendre d’elles. Si le taux de satisfaction de 95 % qu’a rappelé mon collègue M. du Luart chute dangereusement, il faudra revoir le format et le mode de fonctionnement. Sinon, les justiciables risquent de ne voir, dans la réforme de la carte judiciaire, qu’un recul de l’accès au droit, ce qui n’est assurément pas notre but.

Bien entendu, si l'amendement n° II-1 de la commission des finances avait été maintenu, un parfait équilibre entre les crédits de la justice judiciaire et ceux de l’administration pénitentiaire aurait été trouvé. Dans le contexte actuel, j’aurais des remords à maintenir mes amendements qui sont financés par 2 millions d’euros prélevés sur le programme de l’administration pénitentiaire. Par conséquent, je les retire.

M. Jean-Pierre Sueur. À titre exceptionnel ! (Sourires.)

M. le président. Les amendements n° II-52 rectifié et II-53 rectifié sont retirés.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les deux plateaux de la balance des amendements étaient également chargés de manière à assurer un parfait équilibre et une totale neutralité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Puisqu’on a évoqué la performance des greffes, je voudrais revenir, madame le garde des sceaux, sur les systèmes d’information mis en place dans les juridictions, et plus globalement au sein de votre ministère.

Voilà quelques semaines, nous avons pris connaissance d’un rapport de la Cour des comptes qui faisait suite à une requête de M. Roland du Luart sur le fonctionnement des CARPA, les caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats.

À cette occasion, nous avons pu constater que des marges de progression assez significatives existaient dans les interfaces entre les différents systèmes, ceux qui sont mis en œuvre au sein des CARPA et ceux qui sont mis en œuvre au sein des greffes.

Voilà peu, la commission des finances était en mission de contrôle sur pièces et sur place dans l’importante juridiction du tribunal de grande instance du Mans, et le constat a été fait de l’existence de ruptures de chaînes.

Nous avions été impressionnés par l’encombrement d’un bureau du greffe où étaient enregistrées les affaires pénales. On nous a expliqué que deux mois au moins étaient nécessaires pour enregistrer ces affaires compte tenu de l’incompatibilité entre, d’une part, les logiciels utilisés par les officiers de police judiciaire, gendarmes et policiers, et, d’autre part, les logiciels du greffe.

On peut faire les mêmes observations sur la notification des jugements et sur les liens entre la trésorerie générale et le ministère pour la mise en recouvrement d’amendes.

Madame le garde des sceaux, de notre point de vue, il y a donc un immense effort d’investissement à accomplir pour unifier et rendre compatible l’ensemble des systèmes d’information. Cela donnerait certainement aux greffiers une plus grande efficacité dans leurs travaux, et sans doute y gagnerait-on également en termes de délais.

Sur ce point, pouvez-vous nous confirmer que votre ministère a inscrit des crédits suffisants, en termes d’investissement, qu’il s’agisse des équipements, de la formation des greffiers et, dans certains cas peut-être, de celle des magistrats ? La question dépend sans doute moins du nombre d’agents que de l’efficience des systèmes d’information.

Votre ministère, à une époque déjà ancienne, avait tenté de préserver son indépendance en demandant aux magistrats de devenir informaticiens ; on a constaté qu’il valait mieux recourir aux compétences des uns et des autres. On peut rester indépendant tout en faisant appel à de bons praticiens de l’informatique.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez raison de le rappeler, lors de ma prise de fonctions, j’ai voulu développer l’informatisation. Les greffiers ou les fonctionnaires qui font fonction de greffiers passent leur temps à faire les photocopies nécessaires à la constitution de dossiers et d’archives, et l’oubli d’une seule pièce les oblige à tout recommencer le lendemain !

Par conséquent, le premier respect que l’on doit à ces fonctionnaires tient à l’amélioration de leurs conditions de travail. J’ai donc souhaité la numérisation des documents, la dématérialisation des procédures, de manière que les greffiers n’aient plus d’archives à gérer et ne passent plus des journées entières à photocopier les pièces de dossiers d’instruction qui peuvent comporter jusqu’à quarante-sept tomes, voire cent vingt pour certains dossiers très lourds.

On m’a alors expliqué qu’une telle réforme était compliquée à mettre en place rapidement. Déjà, en 1999, puis en 2005, me semble-t-il, un décret avait rendu possible cette informatisation. Mais cette dernière n’avait jamais pu être mise en œuvre compte tenu du fonctionnement autonome de chaque direction au sein de la Chancellerie. Chaque direction possédait en effet des services informatiques, des services immobiliers, l’ensemble des fonctions « support » étant dispersées dans chacune d’entre elles. C’est d'ailleurs l’une des raisons qui ont justifié la réorganisation des directions.

Je me suis rendu compte qu’il s’agissait en fait d’un problème de communication entre personnes, les directeurs étant réticents à s’entendre afin de faire progresser cette informatisation. On m’a alors expliqué qu’il fallait leur laisser un peu de temps, afin qu’ils se parlent et puissent mettre leurs services en commun. Un peu d’autorité a fait avancer les choses, et j’ai voulu qu’au 1er janvier 2008 tous les services soient équipés de matériels de numérisation et de dématérialisation.

J’ai passé une convention avec la Caisse des dépôts et consignations, qui est une fonction support pour le ministère de la justice. Cela permet de former non seulement les magistrats, mais également les greffiers à l’utilisation de ces outils.

Depuis le 1er janvier 2008, toutes les juridictions sont équipées en matériel de numérisation et de dématérialisation. L’expérimentation a été lancée à Angoulême, et s’est poursuivie à Narbonne. Aujourd'hui, tous les TGI sont équipés du matériel de numérisation et de dématérialisation, et plus d’une cinquantaine d’entre eux l’utilisent de manière totalement opérationnelle. Les greffiers ne passent plus leur temps à faire des photocopies et à chercher dans les archives, mais donnent des CD-Rom et consultent leurs microfiches.

Les barreaux se sont attelés à mettre en place cet outil avec un peu de retard, car ils ont d’abord laissé passer la réforme de la carte judiciaire. Aujourd'hui, tous les barreaux rattachés à la cinquantaine de TGI équipés sont connectés. Par exemple, à Narbonne, on mobilisait auparavant des greffiers, des fonctionnaires et des magistrats pendant des demi-journées entières pour des audiences de mise en état qui servaient à insérer les pièces au dossier et à vérifier que les conclusions avaient bien été remises. Dorénavant, tout est transféré informatiquement, ce qui permet de boucler le dossier et de le renvoyer pour audiencement, sans passer par cette audience de mise en état. On gagne du temps et on améliore la qualité du travail effectué !

Nous allons continuer ce travail, notamment grâce à la généralisation du logiciel Cassiopée en 2009. L’un des aspects de la réforme de la carte judiciaire était de permettre aux avocats de ne plus avoir à se déplacer : ils peuvent désormais vérifier à distance, en un seul clic, l’état d’avancement de la procédure. Aujourd'hui, notre souhait est que tous les jugements civils et pénaux puissent être accessibles en ligne à compter de 2009.

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

J’ai été saisi d’une demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite, de la part de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaitais intervenir !

M. le président. Je vous rappelle que, s’agissant de l’examen du projet de loi de finances, les demandes d’explication de vote doivent être communiquées la veille de la séance !

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voterai contre les crédits de la mission « Justice », mais l’intervention de Mme le garde des sceaux m’incite à expliquer mon vote.

Madame le garde des sceaux, vous défendez avec fougue la politique que vous menez et à laquelle, bien évidemment, vous croyez, mais cela ne vous autorise pas pour autant à dire des inexactitudes.

Tout à l’heure, j’ai mis en cause non pas le rôle du Parquet, mais les pressions exercées sur ce dernier, et vous savez parfaitement ce que je veux dire…

J’aurais qualifié, selon vous, votre politique de « sécuritaire ». Mais la sécurité est à double tranchant. C’est, de mon point de vue, un droit fondamental pour tous les citoyens. Quant à vous, vous privilégiez une politique d’enfermement – vous ne pouvez tout de même pas dire le contraire ! –, que je déplore. Nous sommes donc malheureusement très loin de ma vision des choses, et nous pourrions sans doute discuter longtemps de nos conceptions respectives des causes de l’insécurité.

Par ailleurs, j’ai voté des deux mains en faveur de la création d’un contrôleur général des lieux de privation de liberté, poste confié à M. Delarue, que je réclamais depuis de nombreuses années. Le problème réside dans les moyens dont il dispose. J’espère en tout cas qu’il ne sera pas absorbé par le futur défenseur des droits, pour la création duquel je n’ai pas voté, malgré mon amour des droits, ses fonctions me paraissant être pour l’instant complètement floues.

En ce qui concerne les jeunes, vous n’êtes pas la première à dire, madame le garde des sceaux, que les jeunes d’aujourd'hui ne sont pas ceux d’hier. Mais cette constatation est valable pour tout le monde : ainsi, le garde des sceaux d’aujourd’hui n’est pas celui de la Libération…

Mais les enfants sont toujours des enfants, en application des droits qui leur sont reconnus au niveau international. Que ce soit clair, je m’oppose à leur enfermement. Je constate d’ailleurs que les enfants de la bourgeoisie restent enfants de plus en plus tard : ils vivent jusqu’à un âge très avancé chez leurs parents, lesquels les protègent et les nourrissent, alors qu’on voudrait que les enfants du peuple soient adultes de plus en plus tôt ! Cette différence de traitement serait, selon moi, très préjudiciable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Sueur, un document rappelant les règles de la discussion du projet de loi de finances pour 2009 a été transmis à chaque groupe. Il est ainsi prévu…

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas nécessaire, monsieur le président ! Pas de moyens, pas de cohérence, pas confiance ! C’est clair !

M. Pierre Fauchon. Il y a la responsabilité !

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Justice ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Justice ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.

Travail et emploi

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi » (et articles 79 à 81).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2009 s’élèvent à 11,8 milliards d’euros, en baisse de 5,2 % par rapport à l’an dernier.

La mission « Travail et emploi » est désormais composée de quatre programmes.

Le programme 102 « Accès et retour à l’emploi », qui coûte 6,34 milliards d’euros, a pour objet de lutter contre le chômage et l’exclusion durable du marché de l’emploi, en subventionnant les emplois non marchands à hauteur de 1,21 milliard d’euros et les emplois marchands pour seulement 158 millions d’euros.

Les autres dépenses sont destinées, d’une part, à la réussite de la fusion de l’Agence nationale pour l’emploi, l’ANPE, et de l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, l’UNEDIC, pour un montant de 1,7 milliard d’euros – les coûts supplémentaires de fusion sont estimés à 350 millions d’euros – et, d’autre part, aux allocations de solidarité pour un montant de 1,4 milliard d’euros, soit une baisse de 200 millions d’euros, qui, il faut bien le reconnaître, créent peu d’emplois.

Je tiens au passage à faire remarquer que l’annonce de créer 100 000 emplois aidés supplémentaires au coût de 250 millions d’euros me laisse perplexe, car ce chiffre me semble un peu sous-évalué, non pour la première année, mais pour les suivantes qui seront des années pleines. En effet, si l’on divise 250 millions d’euros par 100 000, on obtient 2 500 euros par personne et par an. Cela fait moins de 200 euros par mois en année pleine !

Le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », qui est doté de 5,81 milliards d’euros, vise à prévenir l’impact des restructurations et à permettre aux personnes, aux entreprises et aux territoires de s’adapter au mieux à leur nécessaire reconversion.

Je tiens à le préciser, le plan de cohésion sociale a fixé un objectif ambitieux en matière d’apprentissage : 500 000 apprentis d’ici à la fin de l’année 2009. C’est un bon objectif, mais il est difficilement applicable en raison du manque de CFA, les centres de formation d’apprentis, de la réticence des chefs d’entreprise à prendre des apprentis – ce qu’il faudrait corriger, peut-être en les y obligeant – et surtout de la faible motivation des jeunes à entrer en apprentissage. En effet, le maintien du collège unique pousse les jeunes à passer un bac qui trop souvent ne les mène à rien d’autre qu’au chômage. L’enseignement au collège devrait être profondément rénové pour faciliter l’enseignement des métiers.

Par ailleurs, on ne connaît ni les résultats d’embauche de ce programme ni combien de jeunes ont trouvé un emploi. Heureusement, un rapport annuel de performances devra désormais être établi à la fin de chaque exercice. On devrait en savoir plus l’année prochaine.

Je tiens également à préciser que la formation professionnelle a souffert jusqu’à présent d’un système de financement trop complexe et trop lourd. Il faut rationaliser la structure de la formation professionnelle, qui reste trop éclatée en de multiples organismes, et surtout intégrer la formation professionnelle au collège dès quatorze ans, et ne pas s’en remettre à la formation continue qui coûte trop cher.

Au sein de ce programme, l’action « Développement de l’emploi » s’articule autour d’un réseau d’aides, d’allégements de charges sociales et de déductions fiscales, dont l’efficacité devrait, elle aussi, être mesurée. Elle augmente de 14 %, avec 1,5 milliard d’euros de crédits. Mais une véritable statistique serait là aussi bien utile, car les objectifs les plus coûteux ne sont pas forcément les plus utiles.

Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » coûte peu, soit 86 millions d’euros. Il tend à améliorer les conditions d’emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel. Il s’appuie sur la nouvelle direction générale du travail, la DGT, créée au mois de mars 2006 dans le cadre de la modernisation de l’inspection du travail.

Le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », qui s’élève à 792 millions d’euros, est un programme support. Il augmente de 8,3 %, mais il ne regroupe que partiellement l’ensemble des moyens humains et matériels dévolus aux autres programmes de la mission « Travail et emploi ».

En outre, il convient de prendre en compte les emplois des principaux opérateurs. Leur nombre excède 44 000, soit près de quatre fois plus que les emplois requis par la mission. L’augmentation de près de 700 emplois s’explique par la fusion des inspections du travail, des transports et de l’agriculture. En tout, plus de 50 000 personnes sont mobilisées pour mettre en œuvre ce budget. Il serait utile de savoir, par un contrôle systématique qui n’existe pas encore, si elles sont toutes vraiment indispensables, car il y a certainement beaucoup d’économies à faire dans ce domaine que personne ne contrôle.

La fusion ANPE-ASSEDIC, dont il convient de féliciter le Gouvernement et que j’avais moi-même souhaitée, entraîne la création d’un nouvel opérateur appelé « Pôle emploi ». Celui-ci comptera 42 000 personnes et 1 500 locaux. Cette fusion coûtera quand même 350 millions d’euros, dont il faut espérer quelques gains de productivité.

Mentionnons également la fusion des contrats aidés regroupés sous le nom de « contrat unique d’insertion », dont le contrat d’accompagnement dans l’emploi, le CAE, pour le secteur non marchand et le contrat initiative-emploi, le CIE, pour le secteur marchand. Cependant, il faut souligner le coût élevé de leur prise en charge par l’État, qui atteint 95 % des salaires versés pour les CAE, et surtout le faible taux de réinsertion dans l’emploi, soit 30 % dans le secteur non marchand et un peu plus de 50 % dans le secteur marchand.

Tout cela montre que l’efficacité de ces emplois aidés est plus que relative et qu’il y a des économies à faire dans ce domaine.

Ce n’est pas tout ! Le coût réel du budget de l’emploi est bien supérieur au montant de celui de la mission « Travail et emploi », qui ne reflète qu’un quart des dépenses globales de l’État au titre de la politique de l’emploi. Ces dépenses s’élèvent en fait à près de 55 milliards d’euros, et non à 11,8 milliards d’euros. En effet, un certain nombre de dépenses ont été supprimées de ce budget et doivent être prises en compte.

Ainsi, il faut intégrer 10,24 milliards d’euros de dépenses fiscales, dont près de 4 milliards d’euros pour la prime pour l’emploi, qu’il faudra un jour supprimer ou réduire. Certes, cette prime incite les chômeurs à travailler, mais on pourrait parvenir au même résultat par d’autres moyens. De plus, 1,5 milliard d’euros de réduction d’impôts sont accordés pour les emplois de salariés à domicile. C’est vrai que cette mesure crée des emplois, mais elle coûte aussi fort cher à l’État.

Il est également nécessaire d’intégrer les allégements généraux de cotisations patronales comptabilisés au titre de la loi de financement de la sécurité sociale. Leur montant estimatif est de 26,5 milliards d’euros, dont 23,4 milliards d’euros servent à réduire les charges jusqu’à 1,6 SMIC sans limitation de durée, ce qui semble une lourde erreur, chaque nouvel allégement s’ajoutant aux autres, selon le principe de l’échelle de perroquet.

Que l’État décide d’accorder des allégements sociaux, oui, mais à condition d’en limiter la durée ! Or il ne le fait pas. C’est anormal, voire dangereux, car chaque aide nouvelle, je le répète, s’additionne aux autres. Tout cela est payé par des emprunts qui accroissent sans fin notre déficit budgétaire et notre dette.

Le cumul de tous les allégements de charges représente 33 milliards d’euros par an, ce qui équivaut au budget de la défense. On pourrait utiliser cette somme autrement.

En quinze ans, ces allégements auront représenté plus de 200 milliards d’euros, c’est-à-dire presque autant qu’un budget annuel. Songeons aux impôts que l’on aurait pu supprimer !

Il serait temps de commencer à diminuer ces charges, quelles que soient les éventuelles conséquences pour l’emploi. C’est vrai qu’elles peuvent permettre de maintenir des emplois, mais il faut choisir entre la dette qui nous mine et le chômage que l’on peut combattre autrement, plus efficacement et pour moins cher.

Cette politique coûte donc 55 milliards d’euros, c’est-à-dire presque autant que le budget de l’éducation nationale, dont il y aurait aussi beaucoup à dire, mais ce n’est pas le moment.

Je suis persuadé que les dépenses énormes qui sont prévues dans ce budget pour favoriser l’emploi pourraient être considérablement réduites et avec beaucoup plus d’efficacité si l’on prenait le problème autrement.

En effet, on oublie que le problème de l’emploi est constitué de deux éléments complémentaires : les chômeurs d’une part, que l’on peut aider, mais surtout les entreprises, d’autre part, qui n’embaucheront que si elles ont des produits à vendre et pas seulement parce que l’’Etat paiera à leur place les charges sociales et une partie des salaires, ce qui n’est pas son rôle.

Il serait donc beaucoup plus efficace qu’au lieu de payer leurs charges de fonctionnement, ce qui est peu efficace et ce qui l’endette, l’État accorde aux entreprises des crédits d’investissement pour leur permettre de développer leurs activités, de créer de nouveaux produits, de rechercher de nouveaux marchés. Ces dispositions les conduiraient tout naturellement à embaucher et à payer elles-mêmes leurs charges, sans que cela coûte à la collectivité.

Les emplois n’existent pas naturellement et ne poussent pas dans les champs comme les asperges. Il faut les créer, d’autant qu’ils ont plutôt tendance à diminuer en raison de la réduction de notre production en France et de la multiplication des délocalisations. En outre, compte tenu des difficultés d’obtention de crédits que connaissent les banques actuellement, des financements d’investissement garantis par l’État seraient les bienvenus pour toutes les entreprises.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Je termine, madame la présidente.

Mes chers collègues, vous rendez-vous compte du nombre d’emplois réels qui seraient créés si, au lieu de financer des allégements de charges pour 30 milliards d’euros – dépense qui ne crée aucun emploi et qui est supérieure au budget de la défense –, l’État accordait 5 milliards ou 10 milliards d’euros de crédits en avances remboursables aux entreprises pour investir ?

Cela permettrait à l’État de moins s’endetter et de créer de vrais emplois. Dès lors, plus besoin d’emplois aidés, d’allégements de charges ou de réduction des déficits !

Si nous adoptions en outre la « flexsécurité » pour faciliter les embauches, si nous améliorions la formation scolaire et professionnelle, si nous supprimions le financement de la sécurité sociale par les salaires sans que ce soit l’État qui les paie, nous aurions alors une véritable politique de l’emploi, efficace, tout en réduisant les dépenses de l’État. Cela vaudrait la peine d’y réfléchir, pour commencer à l’appliquer, si possible, dès l’année prochaine.

Voilà ce que je vous propose, au nom de la commission des finances.

En attendant, je vous demande, mes chers collègues, de voter ce budget, non sans solliciter une évaluation de l’efficacité des allégements de charges. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de budget pour 2009 nous est présenté dans un contexte économique difficile. Après cinq années de baisse du chômage, le nombre de demandeurs d’emploi est reparti à la hausse depuis le deuxième trimestre de l’année. Cette évolution défavorable devrait se poursuivre en 2009.

Face à ces difficultés, je voudrais saluer la réactivité et le pragmatisme du Gouvernement, qui a pris ces dernières semaines, et qui en annoncera d’autres prochainement, plusieurs initiatives de nature à soutenir l’activité et à atténuer les conséquences de la crise pour nos concitoyens les plus modestes.

M. Guy Fischer. Alors ça !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Lorsque la commission des affaires sociales s’est réunie pour examiner les crédits de la mission, certains de nos collègues ont estimé que le projet de budget était indigent, au motif que son montant diminue légèrement par rapport à l’an dernier.

Je voudrais dire avec force que je ne partage absolument pas cette vision des choses, selon moi un peu dépassée. (Mme Annie David proteste.)

Un bon budget, mes chers collègues, n’est pas nécessairement un budget en augmentation. L’essentiel est de savoir fixer des priorités et de procéder aux réformes de structure…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. … qui améliorent durablement l’efficacité des crédits employés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Sur ce point, je souligne que le Président de la République et son gouvernement ont décidé d’accélérer les réformes pour répondre à la dégradation de la conjoncture. D’autres auraient pu être tentés de tirer prétexte de la crise pour retarder les changements nécessaires. Ce n’est pas le choix qui a été fait, et nous nous en félicitons.

Pour vous en convaincre, je voudrais vous rappeler rapidement quels sont les principaux chantiers de réforme en cours.

Il s’agit, tout d’abord, de la fusion de l’Agence nationale pour l’emploi et des ASSEDIC pour former un nouvel opérateur, le Pôle Emploi, qui disposera l’an prochain d’un budget considérable, de l’ordre de 4,5 milliards d’euros.

M. Guy Fischer. L’ANPE est en grève !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Il s’agit, ensuite, de la réforme de la formation professionnelle. Les partenaires sociaux auront jusqu’à la fin de l’année pour trouver un accord ambitieux qui rende notre système de formation plus efficace mais aussi plus équitable. Pour cela, ils doivent le cibler davantage sur les publics prioritaires, à défaut de quoi le Gouvernement se réserve le droit de reprendre l’initiative. (M. Guy Fischer proteste.)

Mentionnons également la réorganisation en cours des administrations déconcentrées de l’État. Les directions régionales et départementales du travail vont être fusionnées avec celles qui interviennent dans le domaine économique afin que les entreprises disposent d’un interlocuteur unique, aux compétences élargies.

Permettez-moi, enfin, d’évoquer la mise en place du dispositif « Nouvelle aide à la création d’entreprise », NACRE, issu de la fusion des dispositifs « Encouragement au développement d’entreprises nouvelles », EDEN, et chèques conseils. NACRE soutiendra créateurs et repreneurs d’entreprise.

En outre, pour répondre aux conséquences immédiates de la crise, le projet de budget doit jouer sur deux leviers.

Premier levier : un plus large recours aux contrats aidés dans le secteur non marchand. L’Assemblée nationale a adopté un amendement qui majore de 250 millions d’euros les crédits de la mission pour financer 100 000 contrats supplémentaires l’an prochain. Cette décision n’est pas contradictoire avec l’orientation qui a été la nôtre ces dernières années. Il est effectivement logique d’augmenter le nombre des contrats aidés en période de « basses eaux » économiques et de le réduire quand le nombre des créations d’emplois est satisfaisant.

Deuxième levier : l’extension du contrat de transition professionnelle, le CTP, à de nouveaux bassins d’emploi. Il serait souhaitable, à ce propos, que le Gouvernement nous indique quelles mesures il compte prendre pour traduire en termes budgétaires les annonces faites la semaine dernière par le Chef de l’État.

Je souhaite enfin rappeler que la politique de l’emploi repose aussi, dans notre pays, sur l’allégement des charges sociales sur les bas salaires. Je sais que notre collègue Serge Dassault doute de l’efficacité de ces allégements et propose de les réduire. Ces critiques sont relayées par la Cour des comptes, qui propose de réserver les allégements aux petites entreprises ou de les concentrer sur les salaires inférieurs à 1,3 smic.

Le souci, légitime, de trouver de nouvelles recettes pour équilibrer les comptes sociaux doit cependant être mis en balance avec l’impact négatif qu’aurait, très certainement, une diminution des allégements de charges sur l’emploi peu qualifié. La limitation des allégements de charges aux petites entreprises engendrerait un fort effet de seuil, préjudiciable à l’embauche, tandis que la concentration des allégements sur les plus basses rémunérations découragerait les hausses de salaire.

Or nous souhaitons, au contraire, dynamiser la politique salariale – la récente adoption du projet de loi en faveur des revenus du travail l’a encore montré.

C’est pourquoi tout réaménagement de l’allégement général de cotisations doit – me semble-t-il – être envisagé avec prudence. Il est certainement possible, en revanche, de revoir et de simplifier le régime des nombreuses exonérations ciblées, en évaluant précisément le rapport coût-efficacité de chacune d’entre elles.

Pour conclure, je ferai part de l’impatience de la commission des affaires sociales à pouvoir examiner la grande réforme de la formation professionnelle annoncée pour 2009. Elle approuve les initiatives prises par le Gouvernement en matière de sécurisation des parcours professionnels.

Aussi a-t-elle émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2009, considérant qu’ils constituent déjà une première réponse à la crise. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre économie connaît une crise mondiale que ni le plan américain ni le plan européen, si tant est qu’il existe réellement, ne semblent pouvoir arrêter et dont les premières victimes sont, une fois de plus, les salariés.

Dans ce contexte de crise, les crédits de la mission « Travail et emploi » s’inscrivent clairement dans un mouvement constant de réduction des dépenses, sous couvert de restriction budgétaire et de caisses vides, alors que, voilà quelques semaines, le gouvernement a su trouver les ressources nécessaires pour garantir la pérennisation du système bancaire.

Ainsi, alors que le nombre de demandeurs d’emploi dépasse désormais la barre tristement symbolique des deux millions et que l’année 2009 s’annonce difficile en matière d’emploi, vous nous présentez une mission dont les crédits sont, de l’aveu même de la majorité comme du Gouvernement, en baisse d’un peu plus de 5 %. Ce ne sont pas les exonérations sociales ou fiscales que vous voulez inclure dans notre débat qui tromperont les salariés !

C’est bien simple, presque tous les programmes connaissent une diminution de leurs ressources. La seule hausse que l’on peut relever concerne le Pôle Emploi, fruit de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC. En effet, même l’action n° 1 du programme 102 subit une diminution de crédits de l’ordre de 6,7 %. C’est clair, la nouvelle institution ne disposera pas des moyens nécessaires, particulièrement en termes de conseillers, pour co-élaborer avec chaque salarié privé d’emploi, le projet personnalisé que vous vantiez tant il y a peu, monsieur le ministre.

Par ailleurs, ce que nous dénoncions lors du débat portant sur la création de cette nouvelle institution se confirme : comme cette mesure, pour l’instant, coûte plus à l’État qu’elle ne lui rapporte, vous entendez vendre le patrimoine immobilier des deux établissements fusionnés. Cela se traduira par une fermeture d’établissements et un éloignement du service public de l’emploi des personnes qui en ont pourtant un très grand besoin et qui en auront encore plus besoin dans les prochains mois.

En ce qui concerne ce programme 102, je déplore également la baisse du montant des crédits destinés à l’insertion des publics les plus éloignés de l’emploi. Lors de l’examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active, le RSA, mes collègues et moi-même avions déjà dénoncé l’insuffisance des moyens consacrés à l’insertion des publics les plus en difficulté. Votre budget confirme la pertinence de notre point de vue, que M. Hirsch prétendait alarmiste.

La question que nous devons nous poser, que votre gouvernement aurait dû se poser, est la suivante : les crédits alloués à la mission « Travail et emploi » au titre de 2009 permettront-ils de lutter efficacement contre la crise financière et pour le maintien de l’emploi ? En toute sincérité, compte tenu de l’enjeu et de ses conséquences sur l’emploi, particulièrement dans sa dimension industrielle, je ne crois pas que votre budget en diminution y suffira. Tout juste permettra-t-il un accompagnement social du chômage.

J’en veux pour exemple l’augmentation du nombre de contrats aidés. Le Président de la République l’avait annoncée lors de l’une de ses visites en Loraine, et nous compterons effectivement, à la suite de l’adoption de l’amendement ad hoc à l’Assemblée nationale, 100 000 contrats aidés de plus. Or, il ne peut s’agir là que d’une mesure temporaire, vous le savez bien.

En outre, si le nombre de ces contrats augmente, vous décidez de diminuer de manière considérable les crédits alloués au Fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes, créé par la loi de finances pour 2005. Pourtant, vous présentiez alors la création de ce fonds comme une mesure emblématique.

S’agissant de cette aide, 15 millions d’euros seront perdus au seul motif de l’utilisation partielle de ces crédits. Si ces crédits n’ont pas été pleinement utilisés, c’est que les publics concernés n’ont pas été suffisamment informés, ou qu’il faut les repenser afin de les rendre plus utiles car, vous le savez, ils s’adressent à celles et ceux de nos jeunes qui rencontrent le plus de difficultés. Vous ne pouvez ainsi réduire les moyens dont ils disposent pour atteindre leur objectif : trouver un emploi.

Les contrats de transition professionnelle ne constituent pour leur part qu’une mesure d’accompagnement social du chômage. En effet, s’ils permettent aux salariés concernés de conserver, douze mois durant, 80% de leur salaire, ils ne leur garantissent nullement de conserver leur emploi. De tels contrats débouchent en effet souvent sur l’inscription à l’ANPE pour leurs bénéficiaires.

On voit mal par ailleurs de quelle manière vous comptez étendre ce dispositif à d’autres bassins d’emploi, alors que, de l’aveu même du rapporteur spécial de la commission des finances, « les crédits de paiement correspondants pour 2009 sont en forte baisse par rapport au budget pour 2008, passant de 22,5 millions à 8,2 millions d’euros. »

En outre, l’annonce faite par le Président de la République le 26 novembre dernier, ne nous satisfait pas. Pour lui, un chômage partiel vaut toujours mieux qu’un chômage « total ». Cette déclaration traduit un renoncement inacceptable de sa part. Il baisse la garde et laisse les vagues de licenciements laminer les salariés.

Le chômage partiel est encore une manière de faire peser sur les salariés le poids de la crise économique. Porter de quatre à six semaines consécutives la durée d’activité réduite n’est pas la réponse qu’ils attendent : ces femmes et ces hommes veulent pouvoir garder leur emploi ! C’est pourquoi je me joins à eux pour exiger que les entreprises qui font des bénéfices et dont certaines ont profité de subventions publiques ne puissent pas procéder à des licenciements boursiers et pour demander que le Gouvernement exige des actionnaires et des grands patrons des entreprises concernées qu’ils réintroduisent dans l’entreprise le montant des millions qu’ils se partagent, plutôt que de laisser licencier les salariés.

Enfin, vous savez que le chômage partiel ne protège pas les salariés embauchés par les entreprises sous-traitantes ni les personnels intérimaires. Votre proposition ne leur sera d’aucune utilité. Il suffit de regarder ce qui se passe actuellement dans l’industrie automobile.

S’agissant de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, je ne peux que dénoncer ici, avec force, la décision de réduire de 40% la dotation qui lui est allouée par l’État. Toutes et tous, nous savons que seul l’accès à la formation sera de nature à permettre aux victimes de la crise de retrouver un emploi. Par « formation », j’entends une formation qualifiante et reconnue comme telle. Or l’AFPA accomplit cette mission de formation.

C’est pourquoi nous comprenons mal la raison qui vous conduit à organiser le démantèlement de cette structure et de ses missions.

En nous proposant un désengagement en matière de formation qui représentera, en 2009, un peu plus de 112 millions d’euros, en supprimant l’AFF, l’allocation de fin de formation, destinée aux demandeurs d’emploi arrivés en fin de droit, ou encore en réduisant les crédits alloués à la VAE, la validation des acquis de l’expérience, vous ne donnez pas la possibilité aux partenaires sociaux de conclure dans de bonnes conditions la négociation engagée depuis le mois de septembre. La feuille de route est déjà tracée : « Circulez, il n’y a plus rien à dire ! » C’est ce message que vous leur faites passer.

Quant à la participation du service public de l’emploi à la formation professionnelle, nous savons de quoi il retourne : il s’agit de confier ces missions au secteur privé lucratif – j’y reviendrai lors de l’examen des amendements.

Là encore, ce seront les salariés, notamment celles et ceux qui sont privés d’emplois, qui auront à subir les conséquences d’une crise économique qui sert de prétexte au Gouvernement pour mener une politique de rigueur.

Enfin, comment ne pas conclure mon intervention sur le formidable scandale que constituent les exonérations de cotisations sociales.

Celles-ci devraient représenter, en 2009, 33 milliards d’euros. Selon notre rapporteur spécial, le montant cumulé de ces exonérations depuis dix ans atteindrait la somme faramineuse de 200 milliards d’euros.

Pourtant, ces exonérations ne constituent pas un rempart face à la perte d’emploi. Les vagues de licenciements que subissent nos compatriotes l’attestent : les exonérations de cotisations sociales ne favorisent ni le maintien ni la création d’emplois. Il convient en outre d’ajouter les dépenses fiscales, pour un montant de 10,24 milliards d’euros.

Ces exonérations, sociales ou fiscales, sont un poids à la charge des comptes sociaux et, en raison de leur compensation partielle, un poids à la charge du budget de l’État. C’est pourquoi nous considérons qu’il faut conditionner certaines d’entre elles à des pratiques salariales différentes et en supprimer d’autres. Je pense notamment aux exonérations prévues par la loi TEPA, à commencer par celles qui sont liées aux heures supplémentaires et qui coûtent à l’État plus de 3 milliards d’euros : elles ne créent pas d’emploi, elles restreignent même le nombre de leur création, tout en ne permettant pas d’accroître considérablement le revenu des salariés qui en bénéficient.

Ces sommes exorbitantes sont à mettre en parallèle avec les 50 millions d’euros que vous souhaitez ponctionner à l’AGEFIPH, l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, sous prétexte que cette dernière disposerait d’un confortable matelas… Vous auriez pourtant d’autres solutions pour augmenter vos recettes ! J’y reviendrai lors de la défense d’un amendement que nous avons déposé sur ce sujet.

Ainsi, considérant que nous ne pouvons cautionner un budget qui ne permet pas de protéger l’emploi ou d’instaurer une réelle sécurité des parcours professionnels, la « sécurité emploi-formation » qu’attendent les organisations syndicales pour l’ensemble des salariés – ce qui est radicalement différent de votre « flexisécurité » –, nous voterons contre cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Jean Desessard. Bravo, madame David : très bonne intervention !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Henneron.

Mme Françoise Henneron. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces derniers mois, notre pays a connu une baisse exceptionnelle du chômage, puisque le pourcentage de demandeurs d’emplois, qui était encore de 8,9 % en 2004, a pu être ramené à 7,2 % au second trimestre de cette année. Ce niveau n’avait pas été atteint depuis vingt-cinq ans. L’action résolument réformatrice du Gouvernement a rendu possible cette évolution.

La mission « Travail et emploi » maintient la priorité donnée à l’emploi, avec des crédits de 11,7 milliards d’euros.

Toutefois, nous abordons une période de crise bancaire et financière mondiale, qui se traduit déjà par des difficultés sur le marché du travail.

Le Chef de l’État et le Gouvernement ont immédiatement réagi pour garantir la liquidité du système financier et trouver une stratégie européenne.

Puis, le 28 octobre dernier, le Président de la République a présenté un plan gouvernemental de mobilisation pour l’emploi. Il a annoncé la poursuite de l’ensemble des réformes engagées, avec notamment la généralisation des contrats de transition professionnelle, de nouvelles règles pour l’indemnisation des chômeurs, le recours à 100 000 contrats aidés supplémentaires et l’accélération de la mise en œuvre du Pôle Emploi.

Je voudrais, dans mon intervention, évoquer plus précisément deux points.

Le premier a trait au renforcement de l’efficacité du service public de l’emploi.

Le service public de l’emploi va connaître une profonde rénovation grâce à la loi votée le 13 février dernier, qui a opéré la fusion de l’ANPE et du réseau de l’assurance chômage. Il est prévu dans le projet de loi de finances pour 2009 d’allouer une subvention de 1,36 milliard d’euros au nouvel opérateur né de cette fusion, le Pôle Emploi.

La semaine dernière, monsieur le ministre, vous avez présenté une communication en conseil des ministres à ce sujet. Vous avez rappelé les trois objectifs visés par cette fusion : simplifier les démarches des demandeurs d’emploi, rénover l’offre de service et déployer plus d’agents au service des usagers. Il s’agit d’une réforme majeure, déterminante pour lutter contre le chômage.

Jusqu’à présent, le demandeur d’emploi avait plusieurs interlocuteurs et devait souvent passer plusieurs entretiens identiques. Avec la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, il sera possible de trouver au même endroit l’ensemble des services : l’accueil, l’inscription comme demandeur d’emploi, l’indemnisation, la formation et l’accompagnement dans la recherche. Les formalités administratives, sources de découragement, seront sensiblement simplifiées.

Par ailleurs, on compte près de 2 millions de demandeurs d’emploi, alors que plus de 400 000 offres d’emploi ne sont pas satisfaites. Il y a donc un problème de rapprochement des offres et des demandes.

La rénovation du service public de l’emploi va être utile à la fois aux chômeurs et aux entreprises, en permettant de mieux mettre en relation l’offre et la demande de travail, à l’image de ce qui existe déjà dans d’autres États européens : on peut citer les Jobcentres Plus en Grande-Bretagne ou l’Institut national pour l’emploi en Espagne.

En France, la durée moyenne du chômage des personnes âgées de 25 à 54 ans est de plus de seize mois, contre douze mois en moyenne pour les pays de l’OCDE et moins de neuf mois pour les pays du G7. Pourtant, la France est l’un des pays de l’OCDE qui consacre le plus de moyens à l’accompagnement des demandeurs d’emploi, ce qui montre qu’il fallait une réorganisation, et pas seulement une augmentation des moyens.

Cette réorganisation est complexe. Nous vous faisons toute confiance, monsieur le secrétaire d’État, pour mener à bien cette tâche.

Je souhaiterais vous interroger sur la place de l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, dans le nouveau service de l’emploi.

À côté de son activité traditionnelle de formation, l’AFPA a développé des prestations relevant directement des missions du service public de l’emploi : par exemple, elle oriente environ 200 000 demandeurs d’emploi par an dans une optique de reconversion ; elle assure le pilotage de l’expérimentation du contrat de transition professionnelle. Elle bénéficie d’une subvention de 109 millions d’euros pour 2009.

L’AFPA n’est pas directement visée par les dispositions de la loi du 13 février 2008, qui se borne à prévoir sa présence au Conseil national de l’emploi. Cependant, un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat a permis d’ouvrir le débat sur le transfert au nouvel opérateur des activités d’orientation jusqu’ici assurées par l’Association.

J’élargirai mon propos à la question de la formation professionnelle dans son ensemble.

Le Président de la République a annoncé que la réforme de la formation professionnelle serait l’un de ses grands chantiers, expliquant que notre système de formation professionnelle est « à bout de souffle, dans son organisation comme dans son financement » et que la formation ne va pas à « ceux qui en ont le plus besoin ».

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Guy Fischer. Certains veulent récupérer les fonds !

Mme Françoise Henneron. C’est également le constat fait par une mission commune d’information présidée par notre collègue Jean-Claude Carle, dont le rapport, publié en juillet 2007, a souvent été cité depuis.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Remarquable rapport !

Mme Françoise Henneron. Nous devrions voir aboutir cette réforme en 2009. Pourriez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, où en sont les négociations et dans quels délais vous pourrez présenter un texte législatif ?

J’en viens au second point de mon intervention : les contrats aidés, passerelles vers un emploi durable.

Les contrats aidés permettent de construire un retour durable à l’emploi en mettant le demandeur d’emploi en situation de travail dans le secteur marchand ou non marchand.

Ces contrats connaîtront une profonde réforme cette année, car la loi généralisant le RSA que nous venons d’adopter a prévu la mise en place d’un contrat unique d’insertion.

Le contrat pourra prendre deux formes : le contrat d’accompagnement dans l’emploi pour les employeurs du secteur non marchand et le contrat initiative-emploi pour le secteur marchand.

Il s’agira d’un outil mobilisable de façon indifférenciée pour toutes les personnes en difficulté sur le marché du travail, quel que soit leur statut. Il permettra un meilleur accompagnement du parcours d’insertion.

Les possibilités de renouvellement des contrats sont assouplies. La rigidité qui caractérisait les anciens contrats aidés disparaît, il est dorénavant tenu compte de la diversité des difficultés d’insertion des personnes. Le système sera par ailleurs modulable dans sa durée, selon qu’il concernera un salarié âgé de plus de cinquante ans, un travailleur handicapé ou un bénéficiaire de minima sociaux.

Le projet de loi de finances prévoit actuellement près de 1,62 milliard d’euros de crédits de paiement pour financer en 2009 l’ensemble des coûts générés par les contrats aidés.

À ces crédits s’ajoutera une enveloppe pour mettre en place les 100 000 contrats aidés supplémentaires annoncés par le Président de la République, le 28 octobre dernier. Les bénéficiaires auront droit à un suivi personnalisé pour une offre d’emploi et une formation, immédiatement à la sortie du contrat aidé. Je me réjouis de cet effort budgétaire, qui portera à 330 000 le nombre de bénéficiaires des contrats aidés.

Au total, la politique de l’emploi mobilisera près de 55 milliards d’euros pour 2009. Par rapport aux prévisions pour 2008, l’augmentation atteint 10 %.

Le présent budget traduit une politique ambitieuse et tournée vers l’avenir. Notre groupe apportera son soutien à cette politique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le secrétaire d’État, il est loin le temps où vous vous en donniez à cœur joie, vociférant sur la « dame des 35 heures », l’accusant de tous les maux économiques de la France travailleuse, la rendant presque responsable de la crise qui nous guettait !

Il vous a fallu le temps de prendre du recul sur une réforme fondamentale et culturelle – travailler mieux pour vivre mieux –, que vous aviez réussi à faire passer pour un infamant débauchage des valeurs « travail » et « profit », le temps de prendre du recul pour voir que la plupart de ceux qui ont eu la chance d’y goûter semblent s’être laissé convaincre des vertus de cette façon de vivre. Comme, en leur temps, les congés payés avaient été décriés avant de marquer un tournant décisif dans le progrès social de la société contemporaine, on s’habitue aux 35 heures et, ne vous déplaise, à une autre façon de travailler, travailler pour vivre et non pas vivre pour travailler.

Il vous a fallu prendre le temps du recul, le temps pour la nouvelle majorité de détricoter cet ouvrage au lieu de l’adapter et de l’améliorer, distribuant au passage quelques deniers supplémentaires, monnaies sonnantes et trébuchantes, boucliers et parachutes et, pendant ce temps, une crise secouait le monde entier, tombant à point nommé pour que vous changiez de refrain.

Parce que la rengaine des 35 heures, origine de nos maux, du recul de la France, du chômage et de la morosité générale, démantelée au nom de la valeur travail et du pouvoir d’achat par une batterie de lois toutes aussi prometteuses mais quelque peu inefficaces… les Français, lassés, commençaient à en douter sérieusement !

Heureusement, avec la crise provoquée par de méchants banquiers et de vilains capitalistes dépourvus d’éthique, on dispose de quoi opérer un bon transfert d’un bouc émissaire vers un autre. Avec la crise, on va pouvoir justifier l’échec des mesures précédentes et, en bon père de famille, serrer la ceinture et faire trimer davantage. On n’a plus le choix ; il n’est plus temps de travailler plus pour gagner plus, de faire des heures supplémentaires pour augmenter son pouvoir d’achat… Foin de toutes ces fadaises d’avant la crise : il s’agit désormais de gérer de façon responsable, rationnelle, objective ! Désormais, la valeur travail et, a fortiori, l’emploi redeviennent des variables d’ajustement d’un budget fragilisé par un contexte… « de crise ».

C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement s’est d’abord obstiné à ne pas revoir à la baisse ses prévisions de croissance avant la livraison du projet de loi de finances. Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, cette année encore vous avez en toute logique décidé de promouvoir la valeur travail en diminuant les crédits de la mission « Travail et emploi » de 630 millions d’euros, soit 5,8 % de moins qu’en 2008 – baisse qui s’ajoute à celle de 412 millions d’euros qui est intervenue entre 2007 et 2008 –, et en faisant passer, depuis l’an dernier, la majorité des articles de la mission « Travail et emploi » sous la houlette des finances… J’ironise, mais ce sont bien deux visions du monde qui s’opposent, et la mission « Travail et emploi » de ce projet de loi de finances en est une illustration magnifique.

Votre vision, monsieur le secrétaire d’État, est celle d’un gouvernement qui, sous couvert de responsabilité, est « comptable apothicaire » quand il s’agit de revaloriser les salaires ou le SMIC, de grappiller quelques millions d’euros sur des allocations utiles, de stigmatiser de vilains profiteurs, de justifier la suppression de dispositifs qui ont fait la preuve qu’ils étaient d’utilité publique.  Dites-nous donc, monsieur le secrétaire d’État, ce qu’il adviendra des 169 millions d’euros que coûte l’allocation de fin de formation lorsque vous l’aurez supprimée ! Ensuite, vous nous direz qui paiera cette note : les partenaires sociaux, les conseils régionaux ? Enfin, vous nous direz comment les Français concernés financeront les périodes de fin de formation, habituellement couvertes par cette allocation : peut-être pourront-ils prétendre au RSA ?… Vous nous direz tout cela !

En fin de compte, les crédits du fonds de solidarité passent de 1,668 milliard d’euros en 2008 à 1,473 milliard en 2009. Il est vrai que la crise touche surtout les banquiers : pour eux, pour éteindre le feu qu’ils ont allumé, on trouve des milliards sans délai ; pour la mission « Travail et emploi », dès le second trimestre 2008, dès avant la crise, alors même qu’on enregistrait une destruction nette d’emplois, que les plans sociaux s’enchaînaient, que les délocalisations se poursuivaient et que l’emploi intérimaire fléchissait, vous envisagiez déjà, monsieur le secrétaire d’État, de diminuer les crédits.

Ensuite, concrètement, vous procédez à l’extension des contrats de transition professionnelle, les CTP, à vingt-cinq bassins d’emploi touchés par la crise sans, pour l’instant, aucune traduction budgétaire.

Enfin, en ce qui concerne l’assouplissement de l’accès au chômage technique pour les industriels, je rappelle qu’après un mois de chômage la totalité de l’allocation est versée par l’ASSEDIC : il y a donc bien un transfert de charges vers l’UNEDIC – et nous l’avons repéré !

Quant au plan d’action pour l’emploi annoncé par le Président de la République, il ne s’agit guère que de redéploiements de crédits. Avec 100 000 contrats aidés supplémentaires, il n’y a pas de quoi pavoiser ! Ces 100 000 contrats s’ajoutent aux 230 000 qui étaient initialement prévus pour 2009, contre 308 000 en 2008. La progression n’atteint pas l’ampleur affichée !

En conséquence, et compte tenu de la situation critique de 2008, les excédents seront vraisemblablement en baisse pour l’assurance chômage : en 2009 et en 2010, l’excédent prévisionnel passera de 2,4 milliards d’euros à 1 milliard d’euros.

En effet, au-delà de l’indemnisation d’un nombre toujours croissant de chômeurs, l’UNEDIC est amenée à aider les entreprises par un report de l’appel à cotisations. Ce sont au total 1,5 million de PME qui peuvent opter pour ces reports. Si toutes en profitent, l’UNEDIC devra emprunter 1,5 milliard d’euros et supporter la charge des 12 millions d’euros d’intérêts ainsi engendrés. L’UNEDIC doit-elle se substituer aux banques ?

Par ailleurs, vous n’hésitez pas à puiser dans la sémantique de la gauche, fût-ce au mépris du sens. Ainsi a-t-on pu vous entendre répéter à l’envi une formule qui nous est chère : la « sécurisation des parcours professionnels ». On regrette seulement que, de ce bel engagement, il ne reste qu’une vision financière ; car, à l’heure de la multiplication des CDD et de la précarisation des emplois, on se demande bien de quelle sécurisation il retourne ! À n’en pas douter, cette formule n’est pas employée dans son acception qualitative. La fusion du congé individuel de formation et du droit individuel à la formation, réclamée par le patronat, réduira la maîtrise par le salarié de son droit à la formation.

En ce qui concerne le devenir de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, monsieur le secrétaire d’État, vous avez clairement exposé la doctrine gouvernementale devant les préfets, le 9 septembre dernier. Sous couvert de règles communautaires et nationales d’ouverture à la concurrence et de décentralisation se profile, entre autres, la préoccupante question du transfert du patrimoine foncier, dont la rénovation et l’entretien seront finalement à la charge des régions,…

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Surtout pas !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. … ainsi que la non moins préoccupante question du démantèlement progressif de l’AFPA avec, d’une part, des centres de profit pour les formations immédiatement profitables, confiées au secteur privé, et, d’autre part, les formations de remise à niveau, subventionnées parce que non rentables.

Pour terminer, j’aborderai la question de l’insertion, qui a vu ses crédits de 2008 reconduits pour 2009.

Dans le projet de loi de finances pour 2009, le nombre de postes d’insertion attribués aux entreprises d’insertion est identique à ce qu’il était en 2008 ; il est en diminution pour les entreprises de travail temporaire d’insertion. Paradoxalement, aucun budget complémentaire n’est prévu, alors que le nombre des entreprises d’insertion augmente.

Je rappelle que les entreprises d’insertion sont des entreprises à part entière, soumises aux mêmes contraintes sociales et fiscales que toute entreprise ; elles ont fait le pari d’embaucher des personnes en situation précaire, dépourvues d’emploi et présentant des difficultés d’insertion. Ancrées territorialement, elles interviennent généralement dans des secteurs en tension : bâtiment, travaux publics, environnement, restauration, déchets et récupération…, et ont développé tout un partenariat économique et social. Elles sont le plus souvent innovantes : en recrutant des personnes jugées improductives, elles s’obligent à des techniques de production originales qui leur permettent de trouver une place sur le marché économique, de former leurs salariés à un savoir-faire professionnel et de trouver des débouchés afin de favoriser l’insertion de ces travailleurs.

Pour l’État, l’aide accordée représente un effort relativement modeste au regard du service rendu : 1 euro investi en entreprise d’insertion lui « rapporte » 2,10 euros. De plus, Claude Alphandéry avait évalué le coût social et médical évité, en 1990, à une moyenne de 12 000 euros par an et par personne.

À l’issue du Grenelle de l’insertion, les entreprises d’insertion, les groupements des employeurs pour l'insertion et la qualification, ou GEIQ, et le MEDEF ont choisi de collaborer afin de renforcer l’emploi et l’insertion des personnes en difficulté par l’économique. Le Gouvernement devait s’y associer. J’imagine que vous étiez présent, monsieur le secrétaire d’État : où en est-on ?

Aujourd’hui, malgré la crise, un certain nombre d’entreprises d’insertion ont leurs carnets de commandes pleins, ont des besoins de main-d’œuvre et ne peuvent plus embaucher sur des postes d’insertion. Depuis plusieurs mois, le Comité national des entreprises d’insertion interpelle le Gouvernement pour qu’il engage un plan de développement de l’offre d’insertion et donne ainsi au plus grand nombre de salariés en situation de précarité la possibilité de bénéficier d’un parcours d’insertion en entreprise. Ces entreprises ont pourtant prouvé leur efficacité, puisque plus de 53 % de leurs salariés retrouvent un emploi durable à l’issue de leur parcours d’insertion.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous, sans pénaliser les autres structures de l’insertion par l’activité économique, dégager dans ce projet de loi de finances les moyens de favoriser l’emploi dans ces entreprises socialement responsables ? Si tel était le cas, il deviendrait possible d’envisager la mission « Travail et emploi » sous un angle différent. Il serait alors question d’encourager l’excellence de la formation autant que le perfectionnement, la mixité par l’insertion, l’alternance, la mobilité, la variété, le nomadisme et même… la relocalisation, après les années sombres que nous avons connues et dont nous souhaitons tous sortir. Mais pour cela, monsieur le secrétaire d’État, il faut des crédits !

M. Alain Gournac, rapporteur. Toujours plus !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il ne faut pas se tromper : au lieu de vous entêter, il faut revenir sur les exonérations aux grandes entreprises, sur la TEPA – qui, vous en conviendrez, ne sont pas adaptées à la crise que nous traversons –, avant que la crise financière, devenue crise économique, ne se transforme en crise sociale. C’est aux petits patrons qu’il faut donner la main, monsieur le secrétaire d’État ; les grands connaissent très bien le chemin, ils n’ont pas besoin de vous pour la confiance.

Les travailleurs, au contraire, les forces vives, les acteurs quotidiens de cette économie réelle qui ne devrait pas souffrir de la crise financière, les chômeurs jeunes et moins jeunes, les employés précaires, à temps partiel, les allocataires de toutes sortes, les « en fin de droits », mais aussi tous ceux qui pensent leur vie professionnelle autrement parce qu’ils n’ont pas le choix, ou simplement parce que le monde a changé, c’est auprès d’eux qu’il faut investir ! C’est là qu’il faudrait injecter des crédits et concentrer les efforts de la force publique, parce que c’est là que la mutation économique opère ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Mme Annie Jarraud-Vergnolle ayant dit l’essentiel, je me bornerai à évoquer quelques points et, surtout, quelques questions qui n’ont pas encore été abordés.

Alors que notre pays s’apprête à affronter une longue et probablement sévère crise économique, je dois avouer que j’ai été particulièrement frappé par l’indigence – mais oui, monsieur le rapporteur, et je maintiens ce terme ! – de la mission « Travail et emploi », dont les crédits sont en baisse de 5,3 %.

Le ralentissement économique était sensible dès le début de l’année 2008. Depuis cet été, la crise s’est accélérée, et tous les experts prédisent que l’année 2009 sera très probablement une année de récession. Les chiffres du chômage ont logiquement commencé à remonter : depuis le deuxième semestre 2008, les courbes se sont inversées et la situation s’aggrave dangereusement. Ainsi, au mois d’octobre, on atteint une nouvelle fois, et officiellement, les 2 millions de chômeurs ; si l’on comptabilise la totalité des chômeurs indemnisés, on obtient le nombre de 3 099 300, soit, à la fin du mois de septembre, une augmentation de 1,8 % en un an.

De façon très traditionnelle, monsieur le secrétaire d’État, ce sont les moins de 25 ans qui sont les plus touchés : avec une hausse de 2,5 %, le taux de chômage atteint 21 % pour cette catégorie d’âge ; plus grave, toujours pour les moins de 25 ans, ce taux s’établit à 25 % dans les DOM et autour de 40 % dans les zones dites en difficulté. Quant au sous-emploi, c’est-à-dire le travail à temps partiel imposé à des personnes souhaitant travailler plus, il concerne 1,4 million de personnes, dont une majorité de femmes.

L’année prochaine, la situation ne s’améliorera pas. Ainsi, l’OCDE prévoit une augmentation du chômage à 8,2 % en 2009 et 8,7 % en 2010. Déjà, les plans sociaux liés à la crise ou utilisant le prétexte de la crise pour accélérer les délocalisations sont annoncés, touchant à la fois les grandes entreprises et les nombreux sous-traitants : Hewlett-Packard annonce 9 330 suppressions d’emplois en Europe, dont 580 en France ; Renault, 4 900 suppressions d’emplois ; Caisses d’Épargne, 4 500 ; PSA, 1 750 ; Sanofi-Aventis, 927 ; la CAMIF, 920 ; La Redoute, 672 ; Doux, 647 ; Tyco Electronics, 620 ; Adecco, 600 ; Crédit agricole, 500 ; SFR-Cegetel, 450 ; Sonas automotive, 400 ; Altadis, 358 ; Amora, 296… Je m’arrête là pour ne pas y employer tout mon temps de parole, qu’au demeurant la question mériterait qu’on lui consacre.

M. Jean Desessard. Absolument ! Bravo !

M. Jean-Pierre Godefroy. Face à ces sombres perspectives, le Président de la République a donc annoncé un plan d’action pour l’emploi. On aurait pu raisonnablement penser que les crédits budgétaires de la mission « Travail et emploi » en seraient le bras armé ; il n’en est rien.

Une fois de plus, le budget diminue et procède par redéploiements. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez reconnu en commission qu’avoir un budget en diminution ne vous gênait pas ; néanmoins, et même si tout ne peut pas être mesuré à l’aune des crédits budgétaires, il s’agit là d’un signe, immédiatement perçu comme très mauvais, à l’adresse, notamment, des personnes les plus éloignées de l’emploi.

Il nous faut aussi nous inquiéter des conséquences de cette crise sur l’assurance chômage. En 2007, les comptes de l’assurance chômage avaient commencé à se redresser, avec un excédent, hors fonds de réserve, de 3,2 milliards d’euros. La situation ayant brutalement évolué, les excédents prévus pour 2008, qui devaient s’élever à 4,47 milliards d’euros, doivent forcément être revus à la baisse : on estime qu’ils atteindront au mieux 2 milliards d’euros.

Tenant compte de la crise, l’UNEDIC a établi de nouvelles prévisions financières intégrant une croissance nulle en 2009. En cas de scénario noir, avec une contraction du PIB de 1 % en 2009, le chômage augmenterait d’environ 250 000 personnes, et l’excédent de l’UNEDIC ne serait plus que de 2,4 milliards d’euros en 2009 et de 1 milliard en 2010.

Dans ces conditions, on peut se demander s’il est vraiment judicieux de supprimer l’allocation de fin de formation versée aux demandeurs d’emploi en fin de droits qui sont engagés dans une action de formation devant déboucher sur une embauche dans un secteur « en tension ».

Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais également attirer une nouvelle fois votre attention sur la question de l’aide au secteur des hôtels, cafés, restaurants, les HCR, puisque 550,345 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 au titre de l’aide à ce secteur.

Cette somme fait suite aux 392 millions d’euros de 2005, aux 534 millions d’euros de 2006, aux 587 millions d’euros de 2007 et aux 556 millions d’euros inscrits dans la loi de finances de 2008. Il est à noter que les sommes inscrites en 2006 et 2007 ont été chaque fois dépassées. On peut donc dire à ce jour que, de 2005 à 2007, la promesse non tenue du président Jacques Chirac de baisser la TVA à 5,5 % a coûté 1,5146 milliard d’euros, plus au minimum 556 millions d’euros en 2008.

Au total, sur cinq ans, on arrive à une hypothèse basse de 2,621 milliards d’euros, ce qui est déjà certainement beaucoup plus que le différentiel de TVA sur ce secteur.

Par ailleurs – c’est là le plus grave –, la contrepartie promise se fait toujours attendre. Force est de constater que ce secteur, où règnent notoirement travail illégal, travailleurs clandestins, bas salaires, conditions de travail déplorables, ne se réforme pas.

S’agissant notamment des salaires, l’augmentation constatée est de 9,8 % entre 2004 et 2007, contre 8,4 % dans le reste des services. Elle ne se différencie donc pas notablement, alors même que le secteur bénéficie également très largement des allégements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires ainsi que de la réduction « avantage en nature nourriture » prévue par l’article L. 241-14 du code de la sécurité sociale, soit un coût de 150 millions d’euros pour les organismes de sécurité sociale.

Cela fait donc 3 milliards d’euros ; c’est ce que souhaitait M. Hirsch pour le RSA et il n’a obtenu que 1,25 milliard d’euros.

Quand allons-nous enfin mettre fin à cette situation et exiger des résultats en matière d’emploi et de conditions de travail ? C’est un discours que le Gouvernement doit entendre puisqu’il le préconise partout.

Que les choses soient claires, il ne s’agit pas de ne pas aider un secteur à se réformer. Mais là, on arrive à des sommes colossales pour un résultat tout à fait nul.

Autre sujet que je souhaite évoquer : le devenir de l’AFPA et le financement de la formation professionnelle– ma collègue Annie Jarraud-Vergnolle en a parlé tout à l’heure.

Dès le 1er janvier prochain, certaines activités de l’AFPA seront désormais soumises à appel d’offres. En conséquence, la subvention de l’État à l’association diminuera de 150 millions d’euros en 2009. Nous sommes surpris de cette précipitation alors même que vous nous avez annoncé une grande loi sur la formation professionnelle au début de l’année prochaine. On aurait peut-être pu faire tout cela en même temps.

À dire vrai, nous craignons que l’on ne se dirige doucement vers une AFPA démantelée…

M. Guy Fischer. Une AFPA assassinée !

M. Jean-Pierre Godefroy. … avec, d’une part, comme l’a dit Mme Jarraud-Vergnolle, des « centres de profit » pour les formations immédiatement profitables qui seront confiées au secteur privé ou à certaines branches, par exemple l’UIMM, et, d’autre part, des formations de remise à niveau qui continueront à être subventionnées parce que non rentables.

Au moment où se profile une augmentation massive du chômage, il serait plus efficace dans l’immédiat, nous semble-t-il, de laisser l’AFPA en mesure d’exercer ses missions.

M. Guy Fischer. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Godefroy. Enfin, avant de conclure, je voudrais revenir sur un dernier point que j’ai abordé en commission, monsieur le secrétaire d’État, et auquel vous n’avez pas répondu. Je tente donc de nouveau ma chance en rappelant que, sur l’initiative de M. Jégou, la majorité du Sénat a adopté en première partie un amendement n° I-115, prévoyant la fiscalisation des indemnités journalières perçues par les accidentés du travail.

Comme l’ensemble de mes collègues du groupe socialiste, je suis opposé à cette fiscalisation qui constitue une atteinte au principe général de non-fiscalisation des indemnisations de réparation du préjudice corporel, ainsi qu’au droit à réparation des victimes du travail, lesquelles ne bénéficient encore, je le rappelle, que d’une réparation forfaitaire de leurs préjudices contrairement à toutes les autres victimes, notamment d’accidents de la route, d’accidents médicaux, voire de l’amiante.

À la fiscalisation de l’indemnité journalière s’ajoute le fait que le Gouvernement s’est toujours refusé à exonérer ces victimes des franchises médicales. Elles seront donc soumises à une double peine : Victimes, elles auront en plus à payer les franchises médicales, et leurs indemnités journalières vont être fiscalisées. J’estime que c’est anormal.

Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État : comptez-vous demander une seconde délibération ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. J’ai déjà clairement répondu : je suis opposé à cette mesure !

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n’est pas ce que j’ai entendu en commission, on vérifiera dans le compte rendu, mais, si vous me le confirmez tout à l’heure, je serai satisfait parce que certaines secondes délibérations nous sont demandées pour des choses beaucoup moins « défendables ».

Indéniablement, les crédits de la mission « Travail et emploi » ne sont pas à la hauteur des enjeux présents et futurs. L’unique fondement de la politique du Gouvernement demeure encore et toujours la diminution du coût du travail et le transfert sur les ménages du financement de la protection sociale au travers des exonérations de cotisations sociales patronales qui constituent la majeure partie des crédits.

Telle est la raison pour laquelle, comme l’a indiqué ma collègue Annie Jarraud-Vergnolle, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je pourrais ironiser sur les déclarations optimistes, voire fanfaronnes du Gouvernement, lors de l’examen du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dit « loi TEPA », sur les effets bénéfiques, a-t-on dit alors, du « paquet fiscal » pour l’emploi, si la situation du marché du travail n’était pas aujourd’hui si préoccupante.

En effet, après une hausse record du nombre de demandeurs d’emploi en août, la montée du chômage se poursuit pour dépasser les 2 millions de chômeurs à la fin de cette année.

Je pourrais ironiser également sur les prévisions économiques du Gouvernement pour 2009, optimistes hier, alarmistes aujourd'hui, si ces perspectives n’étaient pas aussi inquiétantes pour les salariés de notre pays.

Le ministère des finances a déjà revu à la baisse le taux de croissance, mais il reste encore relativement optimiste au regard des conjectures de la Commission européenne, qui prévoit une croissance nulle en 2009.

Or, d’après l’UNEDIC, ce scénario d’une croissance nulle aboutirait à une augmentation du nombre de demandeurs d’emploi de 74 000 l’an prochain.

Je pourrais ironiser aussi sur votre politique d’exonération de charges sociales dont le but serait de lutter contre les délocalisations, mais qui profite, en fait, surtout à la grande distribution, activité par nature non délocalisable puisqu’elle se situe là où sont ses clients, je pourrais ironiser si cela ne révélait un gaspillage des fonds publics et une atteinte au commerce de proximité.

Je pourrais ironiser encore sur la faible capacité d’un parlementaire à peser sur les choix budgétaires du Gouvernement, par rapport à un Président de la République omniprésent dont nous ne savons pas encore ce qu’il compte faire pour enrayer les effets de la crise, puisqu’il n’ annoncera le contenu de son « plan » que le 4 décembre, quand nous aurons presque terminé l’examen du budget !

Je pourrais ironiser enfin sur le fait que votre seule réponse à la hausse du chômage est de rétablir dans ce budget les 100 000 contrats aidés que vous aviez supprimés l’an dernier,…

M. Jean Desessard. … contrats qui avaient été mis en place sous le gouvernement de Lionel Jospin et qui avaient subi depuis 2002 une réduction drastique pour des raisons purement idéologiques.

Aujourd’hui, pour faire face à l’urgence et masquer son imprévoyance, le Gouvernement ressort de son chapeau ces 100 000 emplois aidés. Quel aveu d’impuissance ! Voilà l’alpha et l’oméga de votre politique de l’emploi : faire le dos rond face à la crise en traitant le chômage par des contrats aidés et attendre que cela passe. Ce n’est pas ce que j’appellerai « une politique tournée vers l’avenir » !

M. le rapporteur pour avis a défendu cette politique du yo-yo :…

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Mais oui !

M. Jean Desessard. … on rétablit les contrats aidés quand les choses vont mal et on les supprime quand cela va bien.

Monsieur le rapporteur pour avis, ces contrats aidés sont gérés par des associations. Comment peuvent-elles s’organiser si tout d’un coup vous dites : cela va bien, on arrête tout…

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Mais non, pas tout, ne soyez pas excessif !

M. Jean Desessard. … ou, au contraire, cela ne va pas, on en rétablit 100 000.

Dans quelles conditions comptez-vous accueillir ces personnes ?

Je prendrai un exemple pour illustrer cette politique aberrante et incohérente du Gouvernement, exemple qui a d’ailleurs déjà été cité, celui des entreprises d’insertion, entreprises dynamiques sur le plan économique, efficaces pour la réinsertion des « sans-travail » et utiles pour l’environnement.

Lors du Grenelle de l’insertion, le Gouvernement s’est engagé à encourager l’insertion par l’activité économique en doublant le nombre de postes dans les entreprises d’insertion en cinq ans.

Et que fait le Gouvernement cette année ? Il réduit les crédits consacrés à l’aide au poste qui sont en diminution par rapport à 2008.

M. Guy Fischer. De 20 % !

M. Jean Desessard. En outre, l’aide au poste, auparavant entièrement consacrée aux entreprises d’insertion, a été généralisée aux ateliers et aux chantiers d’insertion, créant une confusion injustifiée entre l’insertion par l’activité dans le secteur non-concurrentiel et l’insertion par l’activité économique des entreprises d’insertion. M. Soisson, qui l’a mise en place, en dénonce les effets pervers du fait de cette confusion.

Il faudrait au contraire dissocier ces deux formules, certes complémentaires mais différentes dans leur conception, sur deux lignes de crédits bien distinctes. En effet, la fongibilité des crédits alloués aux chantiers d’insertion et ceux qui sont consacrés aux entreprises d’insertion risque de conduire les directeurs départementaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle à attendre, à ne pas choisir, à jouer de prudence entre les deux dispositifs.

Je rappelle que plus de la moitié des salariés dans les entreprises d’insertion retrouvent un emploi à l’issue de leur CDD d’insertion, contre moins d’un tiers pour les bénéficiaires de contrats aidés.

Monsieur le secrétaire d’État, lorsque je vous ai interrogé en commission sur la diminution des crédits de l’aide au poste dans les entreprises d’insertion, vous m’avez répondu que le budget prévu pour 2009 correspondait au niveau des crédits réellement utilisés en 2008.

Comment voulez-vous débloquer la situation ?

Les entreprises d’insertion sont aujourd’hui demandeuses de main-d’œuvre pour honorer les nombreux contrats qu’elles remportent, et elles auraient pu utiliser l’intégralité de ces crédits si elles n’avaient eu à subir des lourdeurs administratives, que vous allez renforcer puisque vous mettez moins de postes à disposition.

Pourtant, ce sont des entreprises qui remplissent une mission d’utilité publique en agissant pour la formation professionnelle et l’action sociale auprès des salariés en difficulté et les plus éloignés de l’emploi.

Enfin, ce sont des entreprises qui agissent très souvent en faveur de la protection de l’environnement, dans le domaine de l’entretien des espaces verts, du recyclage des déchets, notamment les appareils électroménagers, comme les entreprises du réseau Envie.

Monsieur le secrétaire d’État, vous devriez encourager la création des entreprises d’insertion plutôt que de les soumettre à des procédures d’agrément et de conventionnement extrêmement lourdes et complexes.

Au final, votre gouvernement, depuis un an et demi, n’a pris aucune mesure concrète en faveur de l’emploi. La défiscalisation des heures supplémentaire n’est en rien une mesure en faveur de l’emploi, comme l’a très justement fait observer la commission des finances dans son rapport. Bien au contraire, elle a conduit à augmenter la masse de travail des salariés déjà en poste au détriment de l’emploi des « sans-travail ».

Les heures supplémentaires concentrent les emplois alors que nous devrions au contraire partager le travail, ce qui permettrait de réduire le chômage et de diminuer l’empreinte écologique.

Nous devons sortir du dogme productiviste selon lequel l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés passerait par un accroissement exponentiel de la production. La vraie question qui doit être posée aujourd’hui est plutôt celle du partage des richesses et – je le revendique – du partage du travail pour tous, car nous vivons dans un monde aux ressources limitées.

En ce vingtième anniversaire de la création du RMl, laissez-moi vous rappeler cette phrase qui ponctuait les campagnes publicitaires de l’époque : « Ne fermons pas la porte à ceux qui sont dehors. ».

Notre pays a plus que jamais besoin d’une véritable politique de soutien à l’emploi et à l’insertion, durable et ambitieuse. Votre politique favorise au contraire l’exploitation de ceux qui ont déjà un emploi, y compris en les obligeant à accepter de travailler le dimanche, tard le soir ou jusqu’à 70 ans,…

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. C’est normal !

M. Jean Desessard. … ce qui aboutit aujourd’hui à fermer la porte de l’emploi à plus de 2 millions de chômeurs !

Voilà pourquoi les sénatrices et les sénateurs Verts ne voteront pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget qui vous est présenté traduit trois priorités majeures de la politique du travail ; Laurent Wauquiez insistera davantage, pour sa part, sur la politique de l’emploi.

La première priorité, qui constitue le fondement de ce budget, a trait au développement du dialogue social et à la recherche de l’effectivité du droit. C’est ainsi que nous avons consacré 90 millions d’euros ces dernières années au financement des élections prud’homales, qui se tiendront, comme vous le savez, mercredi prochain. Avec ces élections déterminantes, les salariés exprimeront leur volonté de conforter et de renforcer les syndicats, car nous avons toutes et tous besoin de syndicats plus forts encore.

Pour le moment, 78 654 personnes ont déjà voté par internet et, avec l’ensemble des partenaires sociaux, nous avons tout mis en œuvre pour que ces élections soient un succès, grâce au service sur mesure que nous proposons, en laissant le choix entre le vote physique à l’urne et le vote par correspondance, en plus du vote internet à Paris.

Outre le financement des élections proprement dites, nous avons prévu une augmentation de près de 30 % des crédits liés à la formation des nouveaux conseillers prud’homaux, qui seront élus le 3 décembre prochain, afin de leur permettre de prendre leurs fonctions dans les meilleures conditions possibles.

La mise en œuvre de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail se traduira par un effort important dans notre budget. Ce texte instaure une appréciation de la représentativité des syndicats de salariés en fonction de leur audience électorale à tous les niveaux.

L’application informatique qui permettra de compiler les résultats électoraux dans les entreprises, afin de les consolider au niveau des branches et au niveau interprofessionnel, sera conçue et déployée grâce à une dotation de 2 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement pour l’année 2009. Une dotation annuelle de 7 millions d’euros au titre des crédits de paiement a d’ores et déjà été prévue sur les exercices 2010 et 2011.

Enfin, nous garantissons la préservation des moyens dédiés à la formation syndicale, prévus par les conventions triennales passées avec les partenaires sociaux, pour un montant de 80 millions d’euros environ, soit près de 25 millions d’euros par année.

La deuxième priorité de notre action concerne la santé et la sécurité au travail.

À cet égard, je veux rappeler à M. Godefroy la position du Gouvernement sur l’amendement de M. Jégou tendant à fiscaliser les indemnités journalières d’AT-MP. Cette position n’a pas changé : le Gouvernement n’y était pas favorable, il ne l’est toujours pas ! (M. Jean-Pierre Godefroy approuve.) Place maintenant à la commission mixte paritaire, puisque le vote du Sénat ne correspond pas à celui de l'Assemblée nationale.

Les moyens des agences, ceux de l’AFSSET, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, et de l’ANACT, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, seront préservés, et leurs dépenses seront maintenues à leur niveau actuel.

Le FACT, le Fonds pour l’amélioration des conditions de travail, a par ailleurs vu sa gestion réformée : elle est désormais confiée à l’ANACT et à son réseau, pour être plus proche du terrain. Ses moyens seront accrus, puisqu’ils passeront de 1,3 million d’euros en 2008 à 2 millions d’euros en 2009, pour atteindre 4 millions d’euros en 2011, comme je m’y étais engagé devant les partenaires sociaux lors de la première conférence du 4 octobre 2007 consacrée aux conditions de travail.

La troisième priorité, indispensable aux deux premières, est le renforcement et la modernisation de l’intervention de nos services pour mettre en œuvre et contrôler la politique du travail.

Comme vous l’avez relevé, monsieur le rapporteur spécial, ce budget traduit fidèlement les engagements pris au titre du plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail – lancé par un ministre du travail se nommant Gérard Larcher ! (Sourires.) –, avec la création de 160 postes d’agents de contrôle, ce qui permet de respecter les 700 postes prévus en 2010, au terme de sa mise en œuvre.

Outre des moyens renforcés, ce plan met en avant une approche innovante de la gestion des services de l’inspection du travail. Chaque année, depuis 2006, des appels à projets sont lancés auprès des directions régionales pour qu’elles conçoivent, en concertation avec les agents et leurs représentants, des programmes régionaux de modernisation et de développement de l’inspection du travail destinés à répondre aux différents enjeux de la politique du travail en fonction du contexte local.

Ensuite, comme vous l’écrivez dans votre rapport, monsieur le rapporteur spécial, « la révision générale des politiques publiques est à l’œuvre ». La fusion des services des inspections du travail dont on parle depuis longtemps devient enfin réalité. Cette réforme simplifiera l’accès des salariés et des employeurs à l’information sur le droit du travail et permettra également d’assurer une meilleure couverture du territoire.

Comme vous le savez, le budget que nous vous proposons d’adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, inclut l’intégration dans le ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité de 387 emplois en provenance des transports et de 296 emplois en provenance de l’agriculture, soit 683 emplois au total. Le regroupement physique des agents au sein des mêmes locaux interviendra rapidement.

Enfin, la modernisation de nos services passe aussi par la création des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, qui regrouperont l’ensemble des services en contact avec les entreprises et les salariés. Comme vous le savez, une préfiguration a été lancée dans cinq régions, et des retours d’expérience, positifs, sont en cours.

Sur le terrain, les agents nous demandent de leur tracer des perspectives précises sur l’avenir de nos services. Message bien reçu ! De la même façon, les Français attendent des administrations qu’elles s’adaptent à leurs besoins. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, messieurs les rapporteurs, d’accélérer le rythme en anticipant d’un an le calendrier de la réforme pour le faire aboutir au 1er janvier 2010.

Toutes ces mesures témoignent de l’ambition réformatrice du Gouvernement, que je vous remercie d’avoir reconnue, monsieur le rapporteur pour avis.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Xavier Bertrand, ministre. En somme, ce budget permettra d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour mener une politique du travail moderne, adaptée à notre temps. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre attention et de votre confiance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, après la présentation aussi vigoureuse que dynamique de Xavier Bertrand sur la politique du travail, je vous exposerai les orientations principales de la politique de l’emploi et répondrai aux différentes questions qui ont été soulevées.

Considérant la crise actuelle que nous ne saurions dissimuler mais que nous devons, au contraire, assumer et qui met nombre de nos compatriotes dans des situations difficiles, nous devons parvenir à concilier deux exigences.

Tout d’abord, nous devons être capables de répondre aux situations d’urgence, en apportant soutien et réconfort, notamment dans les territoires les plus durement touchés.

Ensuite, il nous faut résister à la tentation de ne pas engager les réformes de structure dont nous avons besoin en termes de service public de l’emploi pour ne faire que de l’artifice conjoncturel et jeter de la poudre aux yeux !

Le budget qui vous est proposé cherche donc bel et bien à concilier ces deux enjeux.

À cet égard, permettez-moi de souligner l’analyse très juste réalisée tant par M. le rapporteur pour avis sur les enjeux importants du contrat de transition professionnelle, que par M. le rapporteur spécial sur la question des allégements de charges.

Si vous me le permettez, mesdames, messieurs les sénateurs, je présenterai en trois temps les principales orientations du budget de l’emploi : quelles réponses devons-nous apporter aux situations d’urgence ? Quelles priorités retenons-nous dans ce budget au titre de la politique de l’emploi ? Enfin, quelles réformes de structure ne devons-nous pas perdre de vue ?

Tout d’abord, je tiens à saluer le travail remarquable réalisé par M. le rapporteur pour avis sur les réponses conjoncturelles à apporter en cette période de crise, ainsi que son implication en tant qu’élu local dans toutes les politiques de l’emploi.

Le budget qui vous est proposé tend à apporter trois éléments de réponse, qui procèdent du même raisonnement.

Dans la période actuelle, le plus grave n’est pas seulement de perdre son emploi ; c’est de ne pas avoir la possibilité, ou l’espoir, d’en retrouver un. La politique que nous mettons en œuvre consiste non pas à créer des sécurités illusoires, visant à faire reculer le chômage ou à faire semblant de lutter contre la perte d’un emploi, qui peut être parfois, inéluctable, mais à tout faire pour aider une personne ayant perdu son emploi à rebondir.

De ce point de vue, trois dispositifs nous semblent essentiels.

D’abord, j’évoquerai les mesures qui relèvent de ce que j’appelle « l’assurance professionnelle », pour permettre précisément à la personne qui a perdu son emploi de rebondir.

La convention de reclassement personnalisé constitue le premier étage de la politique proposée à toutes les personnes victimes d’un licenciement pour les faire bénéficier d’un accompagnement plus important qui, couplé avec des actions de formation, leur permettra de sortir de cette situation. Cela étant, ce dispositif n’est pas suffisamment efficace : le taux d’adhésion volontaire des licenciés économiques est relativement faible et le taux de retour à l’emploi trop faible.

Dans le même temps, nous proposons aux territoires les plus durement touchés un contrat de transition professionnelle ; je pense notamment à Valenciennes, Sandouville ou Niort, des villes qui connaissent des crises de l’emploi particulièrement aiguës.

En la matière, les sept contrats de transition professionnels qui ont été expérimentés permettent de répondre efficacement à des situations d’urgence. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 80 % des salariés de ces secteurs ont choisi d’adhérer volontairement aux contrats de transition professionnelle ; plus de 6 salariés sur 10 ont retrouvé un emploi en moins d’un an.

La meilleure démonstration nous a été donnée, à Valenciennes, alors que nous y étions en déplacement aux côtés du Président de la République, par l’un des licenciés économiques.

Cette personne, qui avait été licenciée d’une entreprise de fruits et légumes, avait le projet de retrouver un emploi dans le secteur du bâtiment. Il nous a très simplement expliqué qu’il n’est pas facile de vouloir passer d’un métier à un autre sans aide ni formation, car cela demande du temps. Dans ces conditions, et pour repartir de bon pied, une main tendue est bienvenue. Pour lui, cela a été déterminant.

L’objectif du contrat de transition professionnelle est précisément de permettre à une personne licenciée de retrouver un emploi le plus rapidement possible, grâce à la mobilisation de tous les acteurs de la formation professionnelle et aux outils prévus, telle l’évaluation en milieu de travail, dans des secteurs qui peuvent être porteurs d’emplois sur le même bassin géographique.

Ainsi que le Président de la République l’avait annoncé, nous nous sommes engagés dans cette voie. Or, dans la période actuelle, aucun retard ne peut être pris sur ces dispositifs qui visent à protéger nos concitoyens. L'Assemblée nationale a pérennisé les sept contrats de transition professionnelle existants, et nous vous proposons, mesdames, messieurs les sénateurs, un abondement budgétaire pour les conforter.

Monsieur le rapporteur pour avis, ce sujet vous tient, je le sais, particulièrement à cœur.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. En conséquence, le Gouvernement vous proposera un amendement à l’article 54 bis, qui sera examiné avec les articles non rattachés. De ce point de vue, je vous remercie de votre soutien.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Oui, parce que j’y crois !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ces mesures nous permettront d’être en ordre de bataille dès le 1er janvier 2009 pour faire bénéficier les personnes licenciées d’un outil ayant fait ses preuves au cours des années écoulées et aider les bassins géographiques les plus durement touchés.

Le deuxième dispositif concerne l’activité partielle.

En la matière, je commencerai par donner quelques mots d’ordre ou dresser un constat de bon sens : tout vaut mieux que d’être licencié ou de voir disparaître une entreprise ! Une PME qui fait faillite ne reviendra pas ; des emplois perdus ne seront pas recréés ! Si nous pouvons permettre à une entreprise et à ses salariés de traverser, sans trop de peine, une période de faible activité ou de surstock, alors faisons-le !

Dans ce cadre, l’enveloppe dédiée à l’indemnisation du chômage partiel est doublée, passant de 19 millions d’euros à très précisément 39 millions d’euros.

Par ailleurs, nous avons demandé aux partenaires sociaux de se saisir de cette question, afin d’apporter une plus grande souplesse d’utilisation à ce dispositif – j’y reviendrai – et d’améliorer l’indemnisation.

Le troisième outil de la politique de l’assurance professionnelle a trait aux contrats aidés, qui font l’objet d’une relance, avec 100 000 contrats aidés supplémentaires et un abondement budgétaire de 250 millions d’euros. En la matière, soyons clairs sur notre philosophie !

Les contrats aidés ont deux composantes.

Toute d’abord, les contrats aidés sont destinés à accompagner ceux de nos concitoyens qui ne peuvent pas accéder, quelle que soit la conjoncture économique, à un emploi dans le secteur compétitif. Ils répondent à un devoir de solidarité national au sein de la société, qui a toujours été assumé.

Ensuite, dans une période de tension sur le marché de l’emploi, il vaut mieux proposer un contrat aidé à une personne au chômage plutôt que de la laisser dériver vers un chômage de longue durée, dont elle ne pourra pas sortir. Dans ces périodes de crise, il est donc normal, monsieur Desessard – et je l’assume parfaitement ! – de relancer les contrats aidés.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Bien sûr ! Il n’y a aucune honte à le faire !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je serai un peu plus précis.

Nous avons même anticipé cette relance puisqu’en juillet dernier, alors même que nous ne disposions pas encore précisément des chiffres de l’emploi, qui se dégradaient, nous avions commencé à proposer plus de 60 000 contrats aidés. Cette anticipation en souplesse nous permet aujourd'hui de monter progressivement en puissance.

Toutefois, je n’ai pas l’intention de suivre la politique du gouvernement de Lionel Jospin, qui avait créé 550 000 contrats aidés, alors même que la France connaissait un taux de croissance extrêmement élevé.

En effet, l’objectif final n’est pas de faire du chiffre. Il ne s’agit pas de placer des personnes au chômage sur une voie de garage en leur proposant un emploi pendant huit mois pour les extirper des statistiques du chômage. Mon but est de proposer un vrai accompagnement dans la recherche d’un emploi durable. Telle est ma seule et vraie satisfaction !

C’est pour cette raison que j’ai demandé aux services de Pôle Emploi de laisser de côté leurs anciennes habitudes consistant à ne plus suivre la personne une fois le contrat aidé terminé, celle-ci se retrouvant de nouveau ensuite dans la galère du chômage. Il nous faut au contraire anticiper et réfléchir à l’étape suivante, à la formation dont elle aura besoin pour s’insérer dans un emploi durable. Telle est la vision des contrats aidés que nous avons dans cette situation de crise.

Au-delà de ces éléments de réponse sur les situations d’urgence, il me reste à expliquer quelles sont les priorités du budget de l’emploi pour cette année 2009. Dans un premier temps, je souhaite revenir un peu sur les grandes tendances.

Effectivement, ce budget comporte des diminutions budgétaires qui sont notamment dues aux décisions prises, l’année dernière, sur des dossiers tels que les préretraites et les contrats de professionnalisation. Pour le reste, il fait l’objet d’un abondement au titre de mesures nouvelles. Cet abondement a été renforcé, en particulier depuis les annonces faites par le Président de la République, et aboutit à un budget conforté de 400 millions d’euros.

Je me permets également d’attirer votre attention sur les points suivants : 26 milliards d’euros sont consacrés à la formation professionnelle et le budget de Pôle Emploi, qui se monte à environ 4,5 milliards d’euros, est en croissance.

Cela dit, je ne pense pas que l’efficacité d’une politique se mesure uniquement à une ligne budgétaire. Un budget n’est pas bon parce qu’il se contente d’afficher une augmentation mesurable en millions d’euros, mais parce qu’il cible les besoins et surtout, comme M. Dassault l’a souligné, qu’il évalue chacune des mesures qui ont été adoptées.

Nous avons donc fourni un réel effort afin de pouvoir répondre à l’une des exigences du président Arthuis et vous proposer dès l’an prochain une vraie évaluation de l’efficacité et de la pertinence des politiques de l’emploi dans leur ensemble.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Dans ce domaine, nous nous soumettons trop facilement à une forme d’approche automatique. Celle-ci consiste à considérer que, sous prétexte qu’il s’agit de la politique de l’emploi, aucune évaluation n’est nécessaire. C’est exactement l’inverse ! Parce que ce budget s’adresse à ceux de nos compatriotes qui sont dans le besoin et dans la difficulté, nous sommes tenus d’évaluer chacun des euros que nous consacrons à cette politique. Nous devons nous assurer que toutes ces sommes parviennent bien à ceux qui en ont besoin et avec toute l’efficacité nécessaire.

Je voudrais également revenir sur la politique des allégements de charge, sujet sur lequel nos avis divergent. Je crois profondément à cette politique dans la mesure où la France enregistre un des coûts les plus élevés de l’OCDE pour les salaires les plus modestes.

La politique d’allégement de charge, pour le coup, a fait l’objet de très nombreuses évaluations, notamment par la DARES et par l’INSEE, mais également par différents instituts économiques. Toutes ont conclu que les allégements de charge avaient permis soit de créer, soit de préserver près de 800 000 emplois. Je laisse de côté ici, pardonnez-moi, les trente-cinq heures. Je ne ferai pas plus l’apologie de cette politique que je n’évoquerai la totalité des emplois qui ont été détruits à cette occasion ou l’argent considérable qui a dû être mis sur la table pour en compenser le surcoût.

Cela dit, regardons sur qui se concentrent ces allégements de charge : 90 % d’entre eux sont consacrés à des salariés percevant un salaire compris entre 1 et 1,35 SMIC. De ce fait, le débat encourageant un recentrage en la matière est-il véritablement le bon ? Si l’on opte pour une trop forte concentration, des effets de seuil extrêmement lourds apparaîtront. Ces effets seraient redoutables pour notre politique de l’emploi ; ils aboutiraient à créer des trappes à bas salaire, parce que la limite de 1,35 SMIC serait plus difficilement franchie.

Madame David, j’ai écouté votre intervention sur ce sujet. Ces allégements de charge bénéficient en priorité aux salariés modestes, percevant de faibles rémunérations.

M. Jean Desessard. Pourquoi ne les augmentez-vous pas ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ils concernent, en particulier, ceux qui travaillent dans les PME, voire les toutes petites entreprises. Ainsi, plus de 30 % de ces allégements de charge sont octroyés pour des salariés d’entreprises de moins de dix personnes.

Je comprends notre divergence sur ce point. Mais je reste attaché à cette politique qui permet de préserver des emplois, notamment pour ceux de nos compatriotes qui sont les plus fragilisés. Pour eux, une hausse du coût du salaire aurait l’impact le plus catastrophique en termes d’emploi.

J’en viens maintenant aux autres questions qui ont été évoquées.

Je ne reviens pas sur le sujet de la fiscalité des indemnités journalières pour arrêt de travail. J’ai largement répondu à cette question au sein de la commission et je vous renvoie au compte rendu de mon intervention à ce sujet. Comme M. le ministre Xavier Bertrand l’a indiqué, elle sera désormais tranchée dans le cadre de la commission mixte paritaire. Le Gouvernement maintient sa position qui est défavorable à la fiscalisation de ces indemnités.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Par ailleurs, différentes priorités sont affichées dans ce budget. La première d’entre elles concerne la politique en faveur des jeunes. Madame David, cette politique fait bien l’objet d’un financement supplémentaire pour un budget total de 340 millions d’euros.

Ce budget permettra notamment de financer la mise en place des contrats d’autonomie. Nous commençons à recevoir les premiers retours sur ce dispositif qui est un bon dispositif. Il s’adresse aux jeunes les plus éloignés du marché de l’emploi non pas par le biais d’une espèce de contrat pseudo-efficace visant à caser le bénéficiaire dans une voie satellite, mais par le biais d’un réel accompagnement. On lui tend la main et on effectue, avec lui, la recherche d’emploi.

Les résultats en termes d’accès à l’emploi sont extrêmement convaincants sur les premiers territoires où la démarche a été expérimentée.

La deuxième priorité, sur laquelle nous reviendrons, notamment au travers d’un débat avec M. Paul Blanc, concerne l’attention à porter aux personnes en situation de handicap. En particulier, nous budgétisons 20 000 aides au poste.

La dernière priorité est celle du Pôle Emploi. Vous y avez fait référence, Madame Henneron, et je reviendrai sur votre intervention à ce sujet.

Enfin, permettez-moi d’évoquer les entreprises d’insertion. Monsieur Desessard, Madame Jarraud-Vergnolle, aucune baisse n’est enregistrée dans ce domaine. Je connais l’attention que vous portez à ce sujet que je ne sous-estime pas. Il s’agit bien d’un levier important dans la politique de l’emploi.

La seule baisse de crédits concerne le remboursement de l’État à la Sécurité sociale. En effet, après examen des remboursements effectués par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, nous avons constaté que celle-ci ne les avait pas bien ciblés. Ses demandes dépassant le périmètre normal de ce qui impartissait à l’État en termes de remboursement, nous lui avons simplement demandé d’assumer ses responsabilités, sans que cela vienne pénaliser les entreprises d’insertion.

Pour le reste, vous avez raison : nous devons nous donner un peu plus de souplesse en matière de recours aux entreprises d’insertion, qui offrent souvent un tremplin extrêmement précieux pour accéder, ensuite, à un emploi durable. Je l’ai moi-même expérimenté, à de nombreuses reprises, dans mon département de la Haute-Loire.

J’en viens enfin au dernier volet, celui des réformes structurelles. La réforme de Pôle Emploi en constitue un premier pan. Comme vous le savez tous, il est temps que nous nous dotions d’un service public de l’emploi efficace et je vous remercie, madame Henneron, d’avoir souligné à quel point cette réforme était fondamentale.

Je tiens à le dire, nous demandons actuellement de gros efforts aux agents de l’Agence nationale pour l’emploi et des Assedic, et l’accélération souhaitée de la réforme les oblige à fournir des efforts supplémentaires. J’en suis conscient. Mais je précise aussi que, dans cette période de crise, tout le monde doit œuvrer à améliorer le service rendu aux demandeurs d’emploi et aux entreprises.

Nous avons besoin que le service public de l’emploi soit en ordre de bataille et capable d’apporter le meilleur support, le meilleur service. Nous en aurons besoin ! Nos agents sont exemplaires et je sais qu’ils sont motivés. Nous devons conduire cette réforme en les écoutant et en prenant en compte les remontées du terrain. Mais nous avons également besoin de la faire progresser. Dans cette période de crise, il ne saurait être question de ralentir ou de poursuivre au même rythme. Nous devons accélérer la réforme car beaucoup de citoyens comptent sur nous.

Un deuxième volet des réformes a également été évoqué, celui de la formation professionnelle.

Effectivement, les outils et les crédits de la formation professionnelle ne vont pas suffisamment à ceux qui en ont besoin. Effectivement, les salariés modestes ne bénéficient pas suffisamment de la formation professionnelle. Effectivement, les PME ne peuvent pas profiter de manière efficace des outils de la formation professionnelle. Effectivement, les demandeurs d’emploi n’ont pas la possibilité de s’appuyer correctement sur les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle. Enfin, il y a effectivement trop de désordre et de compétences éclatées.

À cet égard, j’estime que les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle relèvent, avant tout, d’une compétence nationale. Il est donc hors de question de confier la moindre compétence à l’AFPA ou d’envisager le moindre éclatement supplémentaire. Nous avons besoin d’un outil de la formation professionnelle capable d’un rayonnement et d’une vision à l’échelle nationale. L’échelle régionale serait trop réduite si nous devions faire éclater l’AFPA en autant de structures régionales.

Les crédits de fonctionnement sont exactement maintenus à 169 millions d’euros, à périmètre comparable par rapport à 2008, somme à laquelle il convient d’ajouter les 75 millions d’euros destinés aux appels d’offres pour la formation des dispositifs spécifiques.

Pour le dernier chantier, celui de l’indemnisation du chômage, nous attendons les résultats des concertations entre les partenaires sociaux. De nombreux sujets sont sur la table, que ce soit, comme je l’évoquais, l’activité partielle, l’accompagnement des jeunes ou la question des parcours, notamment au travers des contrats à durée déterminée, permettant d’articuler une politique plus active de retour à l’emploi avec une démarche d’aide à destination de nos concitoyens qui, du fait de la crise, traversent une période de chômage.

Enfin, permettez-moi d’indiquer que nous ne pouvons pas nous contenter d’énumérer les secteurs rencontrant des difficultés. Nous devons aussi aller chercher les emplois de demain. Vous avez raison de le dire, monsieur Godefroy.

Nous devons compter sur eux dans les territoires qui sont touchés. Il s’agit des emplois verts, des emplois de service. Pour ma part, je crois également aux emplois du secteur de l’hôtellerie, café, restauration. Je sais que vous ne déniez pas l’intérêt de ces emplois. Essayons de poursuivre la démarche engagée, notamment en répondant aux attentes existantes en termes d’amélioration de la qualité de ces emplois.

Je terminerai par une réflexion. Par le passé, en période de chômage et de crise, nous avons trop souvent eu recours à des expédients consistant à dispenser les seniors de recherche d’emploi afin de les sortir des statistiques du chômage, à payer des préretraites ou à se contenter d’une gestion statistique de l’indemnisation du chômage. Ne retombons pas dans cette ornière !

Je préfère que nous utilisions l’argent que nous avons englouti dans les préretraites pour soutenir les dispositifs en faveur du retour à l’emploi des seniors.

Je préfère que, plutôt qu’allonger la durée des études de nos étudiants dans des filières qui ne débouchent pas, nous puissions véritablement aider ces derniers à créer leur première entreprise, leur proposer des aides à la mobilité ou un véritable accompagnement personnalisé.

Je préfère que, plutôt que nous contenter d’une gestion passive au niveau de l’Agence nationale pour l’emploi, nous puissions aider nos agents à avoir une politique active de soutien au retour à l’emploi.

C’est donc bien d’une autre politique de l’emploi que nous avons besoin, autant dans cette période de crise que lorsque nous en serons sortis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, mes chers collègues, je voudrais rendre hommage à monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi et lui dire combien j’ai été heureux de l’entendre proclamer ses convictions à propos des charges sociales et de la nécessité d’en réduire le coût pour améliorer la compétitivité du travail, des entreprises et des territoires en France.

Pendant toute la discussion budgétaire, nous aurons d’autres occasions d’aborder la question des allégements des charges sociales. Je pense au budget des sports, par exemple. Nous pourrons constater que, pour les sportifs de haut niveau, ces allégements sont rendus nécessaires par l’attractivité des clubs voisins.

M. Jean Desessard. Incroyable !

M. Guy Fischer. Vous évoquez des footballeurs qui sont rémunérés 250 000 euros par mois !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons débattu, en première partie, d’un dispositif tendant à cadrer les charges sociales, le régime d’imposition à l’impôt sur le revenu des gérants des fonds communs de placements à risque et des sociétés de capital-risque. Puisqu’il y a compétition internationale, nous courrons un risque de les voir se délocaliser à Londres, Dubaï ou New-York et, pour éviter ce risque, nous prenons des dispositions.

Monsieur le ministre, cela est vrai également pour les salariés de l’automobile ou de nombreux autres secteurs qui sont confrontés à la concurrence internationale.

Dans cet esprit, je pense qu’il serait judicieux, puisque nous devons maintenant imaginer la sortie de crise, de prendre des dispositions sans doute structurelles pour financer autrement certaines branches de la protection sociale. Je pense à la santé et à la politique familiale. Je sais que certains thèmes sont tabous dans le débat politique. Ce n’est pas en reconnaissant ces tabous et en nous y soumettant que nous résoudrons les difficultés auxquelles nous allons être confrontées.

Je me permets donc d’insister sur ce point. Je souhaite que nous levions ce tabou et que nous osions imaginer un autre financement pour notre protection sociale. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Travail et emploi
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 79

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Travail et emploi

12 029 489 526

12 115 850 886

Accès et retour à l’emploi

5 977 104 824

6 030 646 184

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

5 199 734 914

5 207 934 914

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

48 687 336

86 107 336

Dont titre 2

1 998 000

1 998 000

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

803 962 452

791 162 452

Dont titre 2

588 245 035

588 245 035

Mme la présidente. L'amendement n° II-165, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

 

 

 

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

46 000 000

 

46 000 000

 

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

46 000 000

 

46 000 000

 

SOLDE

+ 46 000 000

+ 46 000 000

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Cet amendement, auquel j’ai fait référence dans mon intervention précédente, est destiné à conforter, pour un montant de 46 millions d’euros, ce que j’appelle l’assurance professionnelle, notamment sur les deux volets que sont le contrat de transition professionnelle, d’une part, et l’augmentation des dépenses d’activité partielle, d’autre part.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Je ne suis pas opposé à cette extension. C’est même une excellente chose. Vous parlez toutefois de vingt-cinq bassins d’emplois, en lieu et place des sept qui existent actuellement. Pouvez-vous d’ores et déjà nous préciser quels seront ces nouveaux bassins d’emplois, monsieur le secrétaire d’État ?

Vous évoquez le chiffre de 46 millions d’euros. Je suis heureux que vous abondiez ainsi les crédits de la mission dont je suis le rapporteur spécial. J’aimerais néanmoins savoir d’où provient cette somme. Car il faut bien prendre l’argent quelque part ! Je me permets donc de vous poser la question, monsieur le secrétaire d’État, au nom de la commission des finances.

En tout état de cause, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote sur l'amendement n° II-165.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous aimerions savoir sur quels critères seront retenues ces dix-huit zones qui doivent bénéficier de l’extension du CTP. Au demeurant, nous voterons également en faveur de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur spécial, vous m’avez interrogé sur l’origine de cette majoration de crédits. Elle ne trouve pas sa source dans un transfert opéré entre différents programmes de la mission « Travail et emploi » mais dans un prélèvement effectué sur la mission « Provisions ». Il s’agit donc d’un abondement complémentaire du budget de l’emploi.

S’agissant de l’autre question que vous m’avez posée, j’attire votre attention sur la rapidité de réaction dont nous avons fait preuve. Les sept contrats de transition professionnelle qui existent d’ores et déjà sont confortés – je pense notamment à Valenciennes, Saint-Dié-des-Vosges ou Vitré. Par ailleurs, pour les dix-huit autres qui seront créés, nous aurons l’occasion de vous soumettre, vraisemblablement la semaine prochaine, en fonction du déroulement de vos travaux, un amendement qui précisera très clairement les critères retenus. Ces critères seront simples : il s’agira de prendre en compte l’importance des restructurations et des pertes d’emplois sur un bassin géographique donné.

Si le Parlement nous confortait sur ce sujet, nous nous doterions alors d’un instrument nous permettant de réagir dans l’urgence. Jusqu’à présent, en cas « d’incendie » sur un territoire, il nous fallait impérativement passer par le Conseil d'État, le Conseil des ministres, l'Assemblée nationale et le Sénat, même si l’on n’entendait mettre en place qu’un seul dispositif. Autant vous dire que, lorsque le dispositif voyait enfin le jour, les salariés licenciés étaient depuis longtemps dans une situation plus que difficile.

Si cet amendement était adopté, nous disposerions d’un outil et d’une force de réaction beaucoup plus rapide, qui nous permettrait de répondre immédiatement aux situations difficiles sur le terrain, mais avec des critères objectifs. Je vous remercie d’ailleurs de votre soutien à ce propos, mesdames, messieurs les sénateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si nous vous comprenons bien, monsieur le secrétaire d’État, il n’y aura pas de dégradation du solde budgétaire puisque vous nous proposerez un prélèvement sur la mission « Provisions ». (M. le secrétaire d'État marque son approbation.)

S’agissant des bassins d’emplois à créer, il eût été plus confortable pour le Sénat d’avoir connaissance de ces bassins. Nous pouvons toutefois imaginer que, dans les mois à venir, la situation sur le terrain évoluera. Dès lors, il ne serait peut-être pas opportun de nous cantonner à une liste préétablie. Je pense plutôt qu’à l’occasion d’un article non rattaché de la seconde partie du projet de loi de finances, vous aurez l’occasion de préciser les critères de création de ces bassins, ce qui permettra de nous adapter en permanence aux circonstances. Est-ce bien cela que nous devons comprendre, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. C’est exactement cela, monsieur le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien ! Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-165.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-125 rectifié, présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Godefroy, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

0

0

0

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

75 000 000

0

75 000 000

0

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2

0

0

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2

0

75 000 000

0

75 000 000

TOTAL

75 000 000

75 000 000

75 000 000 

75 000 000 

SOLDE

0

0

 

 

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cet amendement a pour objet d’affecter à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, les 75 millions d’euros supplémentaires qui seront mis en concurrence et qui n’iront donc pas tous à cette association. En effet, comme vous l’avez dit tout à l’heure, l’AFPA est un établissement public et, à ce titre, les missions d’audit lui ont été retirées, ainsi que le Pass-emploi, qui concerne les publics les plus fragiles.

En effet, la situation est aujourd’hui confuse. Plutôt que de poursuivre ce qui, aux yeux de nombre d’observateurs, passe pour un démembrement à la hussarde de l’AFPA, il serait nettement préférable de prendre un peu de temps : du temps pour que soit négocié un nouveau contrat de progrès avec l’État ; du temps pour éclairer les personnels sur l’avenir ; enfin, du temps pour que les régions ne soient pas mises devant le fait accompli et surtout devant des frais considérables de rénovation à engager.

Le procédé employé en l’occurrence est largement utilisé : transférer à des collectivités territoriales des compétences sans les moyens correspondants. Cela entraîne un alourdissement insupportable des charges. II est alors facile de dénoncer la mauvaise gestion des collectivités en oubliant que le problème de gestion est antérieur au transfert et que les collectivités doivent en assumer les conséquences.

Il faudrait prendre également du temps pour que la position de l’AFPA au regard de la concurrence soit éclaircie. Le Gouvernement se retranche derrière un avis du Conseil de la concurrence et une réglementation européenne qui obligerait à mettre en concurrence la totalité de l’activité de l’AFPA.

Si l’on y regarde de plus près, on voit que cette réglementation européenne est beaucoup plus nuancée que le Gouvernement ne le prétend. En effet, le paquet « Monti-Kroes » prévoit que les services économiques d’intérêt général – c'est-à-dire les services publics en bon français – peuvent bénéficier de subventions et donc ne pas être soumis à la concurrence sur l’exécution de ceux-ci.

Nul ne conteste la mission de service public accomplie par l’AFPA. Vous l’avez-vous-même rappelée tout à l’heure, monsieur Wauquiez. Cette association n’a donc pas à faire les frais d’une politique idéologique empreinte de libéralisme, qui se traduit par le désengagement de l’État et par la réduction des crédits budgétaires et, surtout, qui va totalement à contre-courant des nécessités de l’heure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission se ralliera à l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. L’avis est défavorable pour deux raisons.

En premier lieu, cela fait maintenant trois ans que nous avons indiqué clairement qu’il fallait aider l’AFPA à se réorienter. De ce point de vue, nous avons vraiment voulu tenir compte du droit existant, notamment le droit de la concurrence. Nous avons, tout d’abord, essayé de saisir et d’évaluer les positions de la Commission européenne ; nous avons ensuite sollicité l’Inspection générale des finances, la Cour des comptes et le Conseil de la concurrence. Les trois avis sont convergents pour dire qu’on ne peut pas soustraire, en l’état actuel du droit européen, les appels d’offres en matière de formation professionnelle à la mise en concurrence. On peut en penser ce que l’on veut, mais c’est l’état du droit ! Si jamais l’on rapatriait ces 75 millions d’euros, ces crédits seraient immédiatement annulés et feraient l’objet d’une sanction immédiate, qui pourrait être prononcée dans le cadre d’une saisine éventuelle du Conseil constitutionnel sur la loi de finances, et nous ne pourrions plus ensuite bénéficier de ces sommes qui, en revanche, si elles sont employées dans le cadre d’un appel d’offres, pourront bénéficier à l’AFPA.

En second lieu, nous avons toute une série de recours pendants, qui ont notamment été introduits par la fédération de la formation professionnelle, et qui risquent de mettre en péril, si nous ne respectons pas ces règles, la pérennité du financement de l’AFPA. Je vous l’ai dit, le financement du budget de fonctionnement de l’AFPA a été maintenu à périmètre constant. On peut espérer que ces 75 millions d’euros, en fonction de l’issue des appels d’offres, bénéficieront également à l’AFPA. Mais les flécher de cette manière aurait un impact catastrophique.

J’ajouterai que, si l’amendement était adopté tel quel, il se traduirait par une diminution des crédits du programme 155, qui correspondent à des dépenses de personnels et des moyens de fonctionnement. Or, je ne pense pas que vous ayez envie, mesdames et messieurs les sénateurs, de tailler ainsi dans les effectifs des services de l’État, lesquels le prendraient fort mal.

M. Jean-Louis Carrère. Vous vous en chargez ! C’est votre spécialité !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-125 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-126 rectifié, présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Godefroy, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

 

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

0

0

0

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

0

0

0

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2

10 000 000

0

10 000 000

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2

0

10 000 000

0

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000   

10 000 000 

SOLDE

0

0

 

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je vais encore soumettre un amendement qui tend à diminuer les crédits du programme 155. Ce budget est si serré qu’il est difficile de trouver des marges de manœuvre. C’est dommage !

Cet amendement a pour objet d’appeler l’attention sur les crédits de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, et de proposer leur doublement.

Nous relevons en effet un certain nombre de contradictions dans la politique du Gouvernement et de sa majorité en matière de reconnaissance de la pénibilité et d’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

La majorité sénatoriale s’est récemment illustrée avec la fiscalisation des indemnités journalières consécutives à un accident du travail, qui soulève un tollé entièrement justifié et dont nous avons parlé tout à l’heure. Nous espérons que cette disposition scandaleuse disparaîtra en commission mixte paritaire et, à cet égard, nous comptons sur vous, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d’État.

Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, le signe du peu de considération que le Gouvernement porte aux victimes d’accidents et aux salariés qui, sur leur lieu de travail, courent le risque de l’accident ou de la maladie. Ainsi, la négociation sur la pénibilité, que le patronat faisait traîner depuis de nombreux mois, n’a évidemment pas abouti, sans que le Gouvernement s’en émeuve.

La prévention des accidents et des maladies professionnelles a fait l’objet, en octobre 2007 et en juin 2008, de deux conférences sur les conditions de travail qui se sont penchées sur les troubles musculo-squelettiques, le stress au travail, le harcèlement et les risques psycho-sociaux, dans le cadre de l’accord signé par les partenaires sociaux le 12 mars 2007.

Nous ne reviendrons pas ici sur la question de la réparation, qui a déjà été traitée dans le cadre du PLFSS pour 2009.

Notre souci est plutôt d’éviter la réparation par un effort significatif sur la prévention. Or nous constatons que, depuis les grandes directives européennes des années quatre-vingt-dix, cet effort s’est profondément dilué.

La prévention est d’abord une affaire de formation des employeurs et des salariés, mais aussi de moyens, tant pour assurer cette formation que pour améliorer concrètement les conditions de travail, par exemple au travers de nouveaux équipements.

Nous souhaitons donc que des fonds importants soient dégagés pour améliorer les conditions de travail, particulièrement dans les PME et les TPE dépourvues de représentants du personnel et de Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT -, dans lesquelles les risques avérés sont les plus importants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Des crédits de 10 millions d’euros sont déjà prévus pour l’ANACT dans le projet de budget pour 2009. Cet amendement tend à doubler le montant de cette subvention, pour la porter à 20 millions d’euros, au détriment du programme 155, qui finance, notamment, l’inspection du travail. L’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est défavorable.

D’une part, nous nous sommes engagés, dans le cadre du contrat de progrès en cours, à maintenir en euros constants la dotation de cette agence.

D’autre part, comme vous le savez, la gestion des crédits du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail, le FACT, a été confiée à l’ANACT et à son réseau. À ce jour, 830 000 euros ont été engagés au titre du fonds, sur un total de 1,8 million d’euros pour 2008. Il est prévu une montée en puissance de ces crédits dans les trois ans à venir, pour atteindre les sommes de 3 millions d’euros en 2010 et de 4 millions d’euros en 2011. Attendons de voir comment cette nouvelle enveloppe sera dépensée avant d’allouer davantage de crédits à l’ANACT.

Aujourd’hui, mon objectif, à la suite de la conférence sur les conditions de travail, est de faire en sorte que tous les crédits soient consommés. C’est la première marche que nous devons franchir. C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° II-126.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais profiter de cet amendement qui traite, par ricochet, des indemnités journalières pour rappeler qu’en effet Mme Lagarde s’était opposée, dans cet hémicycle, à l’amendement tendant à fiscaliser les indemnités journalières. Après la discussion que nous venons d’avoir, je tenais à le dire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-126 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. J’ai été saisie, dans le délai limite, d’une demande d’explication de vote de la part de Mme Annie David.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de donner les raisons politiques de notre opposition à cette mission « Travail et emploi », permettez-moi de vous faire part de quelques remarques.

Elles portent, en premier lieu, sur l’organisation de nos débats, qui nous prive d’un travail en profondeur. En effet, le PLFSS, dont nous terminons à peine l’examen, nous a beaucoup occupés, de même que nos collaboratrices et collaborateurs ainsi que celles et ceux de la commission des affaires sociales. En conséquence, le rapport écrit de notre collègue Alain Gournac n’a été disponible que samedi dans la matinée.

En outre, je ne peux que regretter le manque de lisibilité de cette mission, par exemple l’absence de comparatif des actions prévues d’une année sur l’autre. Cela n’aide pas, monsieur le président de la commission des finances, à la compréhension de cet exercice déjà bien compliqué.

J’en viens au contenu de cette mission qui, après votre texte abusivement intitulé « en faveur du travail » et celui sur la généralisation du revenu de solidarité active, s’inscrit dans votre logique de désengagement de l’État en matière de politique sociale et de soutien de l’emploi. Tout juste prévoyez-vous un accompagnement social du chômage !

Malgré la situation catastrophique de l’emploi, la persistance des annonces de licenciements de masse, de délocalisations au nom du profit – je ne citerai pas ici toutes les entreprises concernées – vous maintenez votre politique libérale de réduction des coûts de l’État au profit d’une politique d’exonérations toujours plus généreuse, alors que chacun peut constater à quel point cette politique est inefficace pour l’emploi !

Maintenir cette mission en baisse d’environ 5 % est, en soi, la preuve que le souci de ce Gouvernement n’est pas la satisfaction des besoins du plus grand nombre de nos concitoyens mais bien la satisfaction du capital et de ceux de vos amis qui en tiennent les rênes.

Chômage, précarité, flexibilité, temps partiels subis, horaires atypiques, bientôt le travail du dimanche, voilà tout ce que vous proposez aux salariés de notre pays, pendant que les managers empochent des parachutes dorés ! Nous vivons ainsi un retour au XVIIIe siècle, époque où les enfants, les femmes et les hommes salariés n’avaient aucun droit, sauf celui de remercier leur patron de leur donner un emploi et un logement !

Je croyais cette époque révolue, je pensais qu’au xxie siècle chaque enfant, chaque femme et chaque homme pouvait s’appuyer sur la valeur « respect », et que cette valeur se conjuguait dans les deux sens, du bas vers le haut, mais aussi du haut vers le bas.

Quant à la multiplication des contrats aidés ou encore l’extension du chômage partiel, qui vous paraît préférable au chômage, ce ne sont pas les réponses dont notre économie a besoin. En effet, là encore, ce sont les salariés qui assumeront une partie de leur situation, alors qu’ils la subissent de plein fouet, sans compter que les intérimaires et les sous-traitants ne bénéficieront pas même du chômage partiel !

Notre pays a besoin de la relance de l’économie. Celle-ci passe par une hausse réelle du pouvoir d’achat, donc par une hausse des salaires, des pensions et des minima sociaux !

Ce n’est pas le budget que vous nous proposez qui va faire évoluer cette situation de manière positive. Aussi, comme nous l’avons indiqué dans notre intervention générale, nous voterons résolument contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 79 à 81 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi que les amendements portant articles additionnels également rattachés.

Travail et emploi

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 80

Article 79

I. – Il est institué en 2009, au bénéfice du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, une contribution de 50 millions d’euros à la charge de l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, assise sur les ressources du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés, mentionné à l’article L. 5214-1 du code du travail, en vue du financement de la rémunération des stagiaires de formation professionnelle handicapés.

Cette contribution est versée en deux échéances semestrielles, la première avant le 1er juin 2009 et la seconde avant le 1er décembre 2009. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à cette contribution sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.

II. – Au 3° de l’article L. 6222-2 du code du travail, les mots : « et dont l’âge maximal, fixé par décret, ne peut être supérieur à trente ans » sont supprimés.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements nos II-127 et II-149 sont identiques.

L'amendement n° II-127 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Godefroy, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° II-149 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Notre amendement a pour objet de supprimer l’article 79, qui prévoit un nouveau prélèvement de 50 millions d’euros sur les finances de l’association de gestion des fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH.

Ce prélèvement est maintenant une habitude, l’AGEFIPH étant devenue, pour les gouvernements, une sorte d’annexe budgétaire, une structure où puiser de la trésorerie.

Comme le montrent les documents budgétaires, le Gouvernement a augmenté la rémunération des stagiaires handicapés du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, mais n’a pas affecté les crédits correspondants. À la manière du coucou, il vient chercher sa pitance dans le budget de l’AGEFIPH ! Le budget de cette association ne doit d’ailleurs sa relative prospérité qu’au refus des entreprises d’embaucher des personnes handicapées.

Tout cela n’est pas très glorieux !

Le besoin de formation des publics concernés, particulièrement en vue d’une insertion en milieu ordinaire est considérable. Le Gouvernement a même signé un accord avec l’AGEFIPH pour développer son activité. Or on nous dit que l’on se contentera de la maintenir au même niveau, précisément en raison de cette ponction !

Une fois de plus, cette politique n’est pas cohérente et elle va à l’encontre des intérêts des citoyens les plus faibles. C’est pourquoi nous demandons le maintien des fonds de l’AGEFIPH dans leur intégralité.

Pour ne pas allonger le débat, j’interviens également un instant sur l’amendement de nos collègues Paul Blanc et Marie-Thérèse Hermange. Cet amendement reflète une préoccupation en faveur des personnes handicapées analogue à la nôtre, à ceci près que nos collègues s’efforcent de trouver un moyen terme en allant puiser ailleurs, d’une manière qui leur semble plus logique, un complément à des fonds que le Gouvernement refuse de dégager.

Nous nous demandons d’ailleurs s’il est bien prudent d’attirer l’attention du Gouvernement sur les 260 millions dont dispose le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP.

Que l’on ponctionne une structure ou une autre, cela ne fait que refléter l’absence, au-delà des discours, d’une politique nationale d’envergure en faveur des personnes handicapées. Cela nous interpelle tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° II-149.

Mme Annie David. Nous proposons également la suppression de l’article 79 du projet de loi de finances, qui prévoit de prélever 50 millions du budget du FIPH, géré par l’AGEFIPH, au bénéfice du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles.

En effet, ce prélèvement viendrait minorer la charge de rémunération des stagiaires handicapés de la formation professionnelle assumée par l’État pour 2009, transformant ces moyens en dépense passive, sans formation supplémentaire, alors que cette somme aurait permis de former 28 000 demandeurs d’emploi handicapés supplémentaires.

Selon le Gouvernement, il s’agirait toujours de fonds publics, à destination de populations porteuses de handicap, cette mesure ne constituant qu’un nouveau fléchage. Pour la justifier, vous recourez à un argument surprenant : la situation excédentaire de l’AGEFIPH. C’est d’ailleurs ce même argument que vous avancez concernant la taxation des mutuelles complémentaires, contestée par notre groupe au moment du PLFSS.

Cela tend à nous faire croire que l’objectif poursuivi n’est pas seulement celui qui est affiché mais que vous cherchez également à affecter la situation de l’AGEFIPH. Derrière ce transfert se cache un désengagement de l’État concernant le financement de la rémunération des stagiaires, faisant ainsi supporter à l’AGEFIPH cette charge nouvelle.

Cette charge est d’autant plus importante que ces 50 millions représentent tout de même près de 10 % du budget annuel de l’association, ce qui limitera de fait une partie de ses propres actions.

Le transfert que vous proposez correspond donc en fait à une technique devenue habituelle qui revient à faire financer une partie de vos missions par des fonds extérieurs à ceux de l’État : à charge au nouveau financeur d’opérer lui-même des arbitrages auxquels vous avez vous-même renoncé.

Mais si le fond est contestable, la forme l’est tout autant. En effet, il y a de cela six mois, votre Gouvernement, considérant que l’AGEFIPH pouvait faire un effort supplémentaire en direction de la formation des publics concernés, a engagé une négociation avec l’association. Celle-ci s’est conclue, et nous nous en félicitons, par une nouvelle convention triennale d’objectifs pour l’insertion et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap.

Avec cet article, vous faites fi de la négociation passée, et l’application unilatérale de cette ponction constitue un manquement grave de l’État au regard de ses engagements conventionnels et des objectifs légaux assignés à l’AGEFIPH.

Vous adressez ainsi un très mauvais signal à l’encontre des partenaires sociaux, leur disant en somme : la parole de l’État ne vaut que pour quelques mois !

En agissant ainsi, c’est toute la politique de programmation pluriannuelle du fonds qui se trouve compromise. En outre, l’incertitude est incompatible avec la programmation à moyen terme décidée par le conseil d’administration de l’association.

Bref, monsieur le ministre, nous ne pouvons accepter votre démarche, qui consiste à reprendre une partie des sommes négociées avec un partenaire pour financer une mission qui n’est pas de sa compétence directe, puisque cela a pour effet de porter atteinte au principe de spécialisation qui fait la force et la transparence des organisations en question.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Jean Desessard. Excellent !

Mme la présidente. L'amendement n° II-148 rectifié, présenté par M. P. Blanc, Mmes Hermange, Debré, Procaccia et Bout, MM. Gilles et Cantegrit, Mmes Goy-Chavent, Giudicelli et B. Dupont, M. Milon, Mme Henneron et MM. Juilhard et Lardeux, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer le montant :

50 millions

par le montant :

25 millions

La parole est à M. Paul Blanc.

M. Paul Blanc. Mme Jarraud-Vergnolle a déjà fait allusion à mon amendement.

Je propose donc de réduire de moitié, soit de 25 millions d’euros, la contribution de l’AGEFIPH versée au CNASEA.

Il est tout à fait normal que l’AGEFIPH participe, y compris par le biais du CNASEA, au financement de tout ce qui a trait à la formation, à l’insertion et à l’emploi des travailleurs handicapés : cela relève à l’évidence de ses missions.

En revanche, je ne suis pas d’accord pour que l’on prélève 25 millions de plus sur le FDIPH, le fonds de développement pour l’insertion des personnes handicapées, sous prétexte que l’AGEFIPH dispose là d’un « bas de laine » bien garni. J’ai été l’un des premiers à m’élever contre la non-consommation de certains crédits, mais l’AGEFIPH n’est pas seule à ne pas dépenser la totalité des crédits qui lui sont accordés !

En fait, mon amendement est un amendement d’appel : je demande au Gouvernement de répartir le financement des travailleurs handicapés relevant du CNASEA entre le FIPH-FP, le fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, et l’AGEFIPH. C’est une affaire de justice.

En vertu de la réforme de la Constitution, que j’ai votée, les parlementaires doivent assurer le suivi des lois qu’ils ont votées. J’assume pleinement cette responsabilité : ayant été le rapporteur de la loi du 11 février 2005, je m’impose d’effectuer un « service après-vote » !

Il y a dix jours, je me trouvais à Millau pour intervenir sur des problèmes liés à l’application de cette loi du 11 février 2005. Je me suis rendu dans un centre de rééducation professionnelle où l’on nous a présenté trois exemples, dont un particulièrement significatif. Il s’agissait d’une personne devenue paraplégique à la suite d’un accident, qui se destinait à la boulangerie et qui n’a pas pu poursuivre sa formation. Or, grâce à ce centre, cette personne a suivi une formation pour devenir contrôleur des impôts et entrer ainsi dans la fonction publique.

J’estime donc que le FIPH-fonction publique doit participer au financement de la rémunération des stagiaires de ces centres ; cela me semble logique.

J’espère que le Gouvernement m’entendra et qu’il établira, peut-être en déposant lui-même un amendement, une répartition équilibrée du financement des 50 millions de crédits nécessaires au CNASEA entre l’AGEFIPH et le FIPH-FP. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission des finances est défavorable aux amendements nos II-127 et II-149, qui sont des amendements de suppression de l’article.

Quant à l’amendement n °II-148 rectifié, elle en demande le rejet parce qu’il est contraire à sa position.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Madame Jarraud-Vergnolle, madame David, supprimer purement et simplement la contribution de l’AGEFIPH pour ce qui relève de la formation des travailleurs handicapés serait déraisonnable et je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur vos amendements.

J’en viens à la question posée par M. Paul Blanc, que je connais bien et dont j’apprécie l’engagement dans le domaine qui nous occupe en cet instant, y compris au sein des instances regroupant pour les élus de la montagne où nous nous retrouvons régulièrement.

Vous avez reconnu, monsieur le sénateur, et je vous en remercie, la justification de l’inclusion dans le champ de l’AGEFIPH des dépenses de formation.

Vous souhaitez que l’effort soit équitablement réparti entre le FDIPH et le FIPH-fonction publique. J’ai donc demandé un bilan de l’état précis des efforts demandés à chacun des deux organismes pour vérifier si, oui ou non, la répartition était équitable.

Aujourd’hui, l’AGEFIPH dispose d’un fonds de trésorerie, d’un « bas de laine » de 415 millions d’euros, ce qui est considérable. Cela représente, en effet, à peu près un an complet d’action de cette association. Je pense que nous sommes tous d’accord ici pour considérer que l’argent destiné aux personnes en situation de handicap n’a pas vocation à dormir sur un compte en banque.

Le FIPH-FP dispose, lui aussi, du fait du surcroît de collecte, d’un fonds de trésorerie, mais il n’est que de 230 millions d’euros, soit deux fois moins.

Il est demandé cette année à l’AGEFIPH de fournir un effort de 50 millions d’euros au titre du financement des dépenses de formation des personnes en situation de handicap. L’exemple que vous avez cité, monsieur le sénateur, illustre parfaitement l’utilité de ces dépenses.

Le FIPH-FP est également sollicité, à hauteur de 35 millions d’euros – 15 millions d’euros pour Cap Emploi, 15 millions d’euros pour les actions de formation et 5 millions d’euros en faveur des actions de sensibilisation sur l’emploi des personnes en situation de handicap –, au titre du financement de mesures en faveur des travailleurs handicapés, dont certains vont finalement, par la suite, être employés dans le secteur privé.

Votre intervention, parfaitement légitime, nous a permis de faire le point sur cette question et de nous assurer que l’effort ne pèse pas seulement sur l’AGEFIPH. L’an passé, celle-ci n’avait pas été mise à contribution, cependant que le FIPH-FP l’était à hauteur de 70 millions d’euros.

Les efforts qui sont demandés à l’AGEFIPH et au FIPH-FP me semblent fondés dès lors que ces organismes ont accumulé d’importants fonds de trésorerie, qui résultent de l’excédent structurel de leurs collectes par rapport aux actions qu’ils ont engagées. La somme de 50 millions d’euros que le Gouvernement propose de prélever sur l’AGEFIPH est parfaitement acceptable dans la mesure où les besoins de celui-ci ont été de 400 millions d’euros en 2008. S’agissant du FIPH-FP, le prélèvement de 35 millions d’euros est à rapprocher des 230 millions d’euros de sa trésorerie disponible.

Pour ces différentes raisons, monsieur le sénateur, je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement. En contrepartie, je m’engage à faire régulièrement le point avec vous au cours de l’année et à veiller, d’une part, à ce que le fonctionnement et les actions de l’AGEFIPH ne soient pas mis en péril et, d’autre part, à ce que le financement des actions de formation des travailleurs en situation de handicap soit bien fléché, de façon à leur permettre un réel retour à l’emploi.

Mme la présidente. Monsieur Blanc, l'amendement n° II-148 rectifié est-il maintenu ?

M. Paul Blanc. Oui, madame la présidente.

Monsieur le ministre, j’entends vos arguments, mais vous me permettrez de ne pas y souscrire totalement.

Certes, le FIPH-FP participe au financement de Cap Emploi, mais, en l’espèce, c’est l’AGEFIPH qui fournit le plus gros effort puisqu’elle est le principal contributeur !

En définitive, si le financement d’actions de formation permet à de plus nombreux travailleurs handicapés d’intégrer la fonction publique au moyen d’une convention de reclassement personnalisé, cela signifie que, à terme, la contribution de la fonction publique sera moindre.

Du reste, ce qu’il faut souhaiter, c’est une disparition rapide tant du FDIPH que du FIPH-FP ; tel est bien le véritable objectif ! En effet, le jour où la proportion des travailleurs handicapés sera d’au moins de 6 % aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, ces fonds n’auront plus de ressources : cela signifiera qu’ils auront rempli leur office. Or, aujourd’hui, il me semble qu’on a plutôt tendance à vouloir pérenniser ces fonds.

C’est en ce sens, monsieur le secrétaire d'État, que je considère vos arguments comme contraires à l’esprit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je regrette que vous mainteniez votre amendement, même si je comprends ce qui motive votre décision.

Je précise que le financement par le FIPH-FP d’actions de formation et de sensibilisation dans le cadre de Cap Emploi se situe en dehors de son périmètre de compétences. Il s’agit donc bien d’un effort supplémentaire de sa part.

Je le répète, je m’engage à examiner avec vous les conséquences de ce prélèvement de 50 millions d’euros sur le fonctionnement de l’AGEFIPH, et surtout sur ses actions de formation, dont vous avez fort justement souligné l’utilité.

C’est une raison supplémentaire de ne pas amputer de 25 millions d’euros notre marge de manœuvre en la matière.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Blanc.

M. Paul Blanc. Monsieur le secrétaire d'État, je vais retirer mon amendement. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) En contrepartie, je vous demande de vous engager solennellement…

M. Guy Fischer. Ça ne joue pas ! (Sourires.)

M. Paul Blanc. … à étudier la situation du FIPH-FP. Il est inacceptable que celui-ci consacre 7,5 millions d’euros à ses frais de fonctionnement et 1 million d’euros à ses dépenses publicitaires ! C’est tout de même extraordinaire ! Je préférerais que ce million d’euros finance des actions en faveur des travailleurs handicapés.

C’est donc contraint et forcé, et avec beaucoup d’amertume, que je retire mon amendement, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. La mort dans l’âme !

Mme la présidente. L'amendement n° II-148 rectifié est retiré.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j’estime à sa juste valeur l’effort que vous consentez en retirant votre amendement. Nous nous connaissons bien, nous travaillons ensemble dans des structures où la parole donnée est une parole tenue, et nos fréquentes rencontres nous ont permis de nouer des liens personnels, de nous estimer.

Je renouvelle mon engagement solennel de procéder avec vous, en toute transparence, à une évaluation très précise du FIPH-FP et de la manière dont il est utilisé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote sur les amendements identiques nos II-127 et II-149.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Pour une fois, je suis d’accord avec M. Paul Blanc : il a raison de dire que la pénalité de 6 % à laquelle sont assujetties les entreprises ne remplissant pas leurs obligations en matière d’emploi des personnes handicapées est appelée à disparaître. Lorsque ce sera le cas, c’est à l’État qu’il reviendra de prendre en charge la formation des travailleurs handicapés.

Le prélèvement de 50 millions d’euros prélevés sur les réserves de l’AGEFIPH au bénéfice du CNASEA a pour seul objet de pallier les défaillances qu’enregistre celui-ci dans la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle. Rien n’est dit du contenu pédagogique des formations.

Il est bien dommage que le FIPH-FP demeure relativement opaque et qu’il n’ait pas été associé au fonds géré par l’AGEFIPH. Une telle mesure aurait permis d’offrir une vision sensiblement plus claire de l’utilisation de ces fonds et d’éviter qu’ils soient utilisés essentiellement pour pallier les défaillances de l’État, ce qui est déplorable.

Nombre de travailleurs handicapés ont besoin de voir leur parcours professionnel sécurisé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Cet échange est tout à fait intéressant, et je rejoins notre collègue Annie Jarraud-Vergnolle pour considérer, moi aussi, que ces fonds devraient disparaître. Malheureusement, au fil des textes que nous examinons, il se trouve toujours une disposition permettant de s’écarter de l’esprit de la loi censée permettre aux handicapés d’accéder à l’emploi comme tous les autres citoyens. C’est ainsi que, par exemple, les stagiaires sont inclus dans le champ d’application de la loi ou encore que, dans l’éducation nationale, les personnels accompagnant les élèves handicapés sont comptabilisés dans les 6 % de travailleurs handicapés que sont tenues d’employer les administrations publiques.

Bien du chemin reste à parcourir pour une véritable reconnaissance du travail des personnes handicapées et pour que leur soit faite une vraie place dans notre société.

Notre collègue Paul Blanc a retiré son amendement, mais il avait avancé des arguments qui méritent d’être pris en compte, monsieur le secrétaire d'État. C’est pourquoi j’espère que vous vous assurerez effectivement, ainsi que vous vous y êtes engagé, que ce fonds est utilisé conformément à son objet.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes tous d’accord pour considérer que les sommes versées à l’AGEFIPH doivent être utilisées conformément à leur objet ; à défaut, rien ne justifie leur prélèvement puisqu’elles proviennent des pénalités acquittées par les employeurs qui ne respectent pas leur quota d’emploi de personnes handicapées.

Lors de l’examen de la loi de février 2005, nous avions prévu que les entreprises dérogeant à cette règle se verraient appliquer une majoration au bout de trois ans. Or, si ces entreprises respectaient la loi, l’AGEFIPH ne dégagerait pas d’excédent, faute d’être alimentée par les pénalités en question.

Dans le secteur public, dont vous avez à juste titre pris la défense, monsieur le secrétaire d'État, l’éducation nationale montre le mauvais exemple puisque, l’année dernière, elle a estimé que les assistants de vie, c'est-à-dire les personnes qui accompagnent les personnes handicapées, devaient être comptabilisés parmi les personnes handicapées qu’elle emploie. C’est incompréhensible ! (Mme Annie David approuve.) Ces personnes ne doivent évidemment pas être comptabilisées parmi les personnes handicapées employées dans la fonction publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Je comprends très bien les arguments de notre collègue Paul Blanc et les propos qu’ont tenus les uns et les autres sur l’emploi des travailleurs handicapés. Toujours est-il que la fonction publique au sens large est confrontée à bien des difficultés.

Autant j’approuve que des pénalités soient appliquées si un corps ayant réellement la capacité d’accueillir en son sein des personnes handicapées, par exemple parmi les personnels administratifs, ne respecte pas son obligation légale en la matière, autant je considère que cette règle est inapplicable dans d’autres cas. Ainsi, le service départemental d’incendie et de secours de mon département va devoir payer un million d’euros pour ne pas l’avoir respectée. Mais comment pourrait-on embaucher des personnes handicapées en qualité de sapeur-pompier professionnel ?

Mme Catherine Procaccia. À moins de les affecter au standard téléphonique ! Je ne vois pas comment ils pourraient être employés autrement !

M. Michel Mercier. Il vaudrait sans doute mieux instaurer une taxe ou un impôt en lieu et place de cette pénalité.

J’ajoute que 180 de nos pompiers ne pouvant pas intervenir sur les sinistres sont en voie de reclassement, sans pour autant être considérés comme des personnes handicapées. Le cumul de ces deux situations n’est pas sans conséquences.

Puisque vous avez pris l’engagement de remettre de l’ordre, monsieur le secrétaire d'État, il serait bien que vous vous penchiez sur les cas que je viens d’évoquer.

M. Alain Gournac. C’est la même chose dans les Yvelines !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne sous-estime pas l’intérêt de la discussion générale, mais les échanges que nous avons en cet instant l’attestent, l’examen des amendements constitue un moment fort du débat budgétaire. C’est à cette occasion que nous pouvons évoquer concrètement un certain nombre de difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Nous sommes tous d’accord pour considérer que le maximum doit être fait pour les personnes handicapées. Pour autant, suffit-il de graver dans la loi un certain nombre de dispositions en leur faveur ? Je ne le crois pas. Le cas cité par Michel Mercier est significatif. Comment la fonction publique peut-elle recruter par voie de concours tout en réservant un certain nombre de postes aux personnes handicapées ? Ce n’est pas si simple !

De même, me vient à l’esprit l’exemple d’un maître d’ouvrage public responsable de l’aménagement d’une salle de sports contraint de respecter les diverses normes d’accessibilité aux personnes handicapées, et ce alors que, manifestement, elles ne pourront pas pratiquer les sports pour lesquels cette salle est conçue. Il est absurde, dans ce cas précis, d’engager de telles dépenses publiques.

Faisons preuve d’un peu de discernement si l’on veut rendre compatibles nos objectifs de solidarité et notre souci de préserver les deniers publics.

La discussion des amendements déposés sur l’article 79 a permis d’apporter un éclairage particulier sur ces fonds d’un montant total de 650 millions d’euros. Les cotisations qui les alimentent sont un facteur de renchérissement du coût du travail et, dans certains cas, peuvent accélérer la délocalisation d’emplois. Veillons à la cohérence des dispositions que nous votons.

Je remercie Paul Blanc d’avoir soulevé ce problème, mais c’est l’usage des fonds publics qui est en cause. Il ne suffit pas de prévoir des dispositions d’ordre punitif, consistant à infliger des sanctions à un employeur dès lors que celui-ci ne respecte pas loi lui faisant obligation d’employer au moins 6 % de personnes handicapées.

Soyons solidaires de nos compatriotes handicapés. Tout doit être fait pour eux, mais pas nécessairement au prix de contraintes légales. Espérons qu’au moins la trésorerie de ces fonds est placée en bons du trésor et contribue ainsi au financement du déficit public…

Cela étant dit, les amendements tendant à supprimer l’article 79 ne sont pas justifiés. C’est pour cette raison qu’il faut les repousser.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-127 et II-149.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 79.

(L'article 79 est adopté.)

Article 79
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 81

Article 80

I. – La sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est abrogée à compter du 1er janvier 2009.

II. – Les allocataires qui, à la date mentionnée au I, bénéficient de l’allocation prévue par l’article L. 5423-7 du code du travail continuent à la percevoir jusqu’à l’expiration de leurs droits. Les coûts afférents au maintien du bénéfice de cette allocation restent à la charge du fonds de solidarité mentionné à l’article L. 5423-24 du même code.

Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-128 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Godefroy, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° II-150 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l’amendement no II-128.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L’article 80 vise à supprimer la prise en charge par l’État de l’allocation de fin de formation, l’AFF, qui avait été créée en 2001. L’année dernière, un prélèvement de 200 millions d’euros sur le fonds unique de péréquation en avait permis le financement. Cette année, le Gouvernement opte pour sa suppression afin d’économiser 169 millions d’euros.

Le motif avancé par le Gouvernement est que certains chômeurs seraient tentés de retarder leur entrée en formation parce que l’allocation de fin de droits permet de toucher 57,4 % du salaire antérieur au lieu de ne percevoir que l’allocation spécifique de solidarité.

Cette suppression, je le rappelle, est consécutive à celle de l’allocation équivalent retraite, qui permettait aux chômeurs en fin de droits ayant validé cent soixante trimestres mais n’ayant pas soixante ans de bénéficier d’une allocation supérieure de moitié à l’allocation spécifique de solidarité.

J’indique au Sénat que l’ASS simple « s’élève », si j’ose dire, à 442 euros par mois. Comme vous pouvez le constater, nous sommes assez loin des montants remboursés au titre du bouclier fiscal !

Au moment où se déclenche une vague considérable de plans sociaux, le Gouvernement prend les devants pour limiter de toutes les façons possibles ses engagements et pour les transférer soit sur l’assurance chômage, via l’allocation d’aide au retour à l’emploi, la formation et un dispositif qui devient purement assurantiel, soit sur les régions qui relaient déjà l’AFF après quatre mois.

Nous nous opposons donc à ce nouveau désengagement de l’État.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement no II-150.

Mme Annie David. L’article 80 prévoit un nouveau désengagement de l’État, toujours en matière de formation professionnelle.

Monsieur le secrétaire d’État, vous entendez mettre fin à l’allocation de fin de formation, l’AFF, qui est destinée aux demandeurs d’emploi en fin de droits poursuivant une formation.

Dans un contexte de crise et d’explosion du chômage, ce désengagement nous apparaît comme une très mauvaise mesure. Elle était néanmoins prévisible dans la mesure où, en décembre 2006, vous aviez limité le versement de cette allocation aux seules formations concernant les métiers en tension.

À ce propos, les sommes théoriquement incluses dans le budget du Pôle emploi en direction de la formation seront-elles réservées aux seules formations relatives aux métiers en tension ou respecterez-vous les choix faits par les salariés dans leur projet personnalisé ?

Par ailleurs, nous craignons qu’il ne s’agisse que d’une diminution de crédits et que le Pôle emploi ne satisfasse pas l’intégralité des demandes de formation.

En réalité, c’est bien à toute la formation professionnelle que vous entendez vous attaquer et votre acharnement à l’encontre de l’AFPA en est la preuve. Vous commencez par diminuer son budget de 40 %, même s’il ne s’agit pas de crédits de fonctionnement. Pour autant, nous savons que la direction de l’AFPA proposera bientôt une multiplication du nombre de formations de courte ou de très courte durée, au détriment de ce qui faisait sa force, c’est-à-dire des formations qualifiantes de longues durées.

Nous savons également que, malgré une demande forte, certains modules de formation seront supprimés, d’autres réduits, ce qui provoque l’inquiétude des petites et très petites entreprises, notamment.

Je suis membre de la mission sénatoriale sur la formation professionnelle. À ce titre, j’ai rencontré, avec M. Jean-Claude Carle, les artisans de la vallée de l’Arve. Spécialisés dans le décolletage, ils s’inquiètent de la fermeture annoncée des formations de l’AFPA dans ce domaine.

Parallèlement à cette diminution des crédits, on assiste à un désengagement du ministère du travail dans la certification. Cela permettra d’offrir aux entreprises privées ne disposant pas de la capacité de proposer des formations certifiées la possibilité de concurrencer l’AFPA. Car l’objectif est bien la mise en concurrence de l’AFPA, comme l’atteste votre volonté de procéder à des appels d’offres.

Vous nous répondrez sans doute que la législation européenne vous y oblige puisque, dans un avis du 18 juin 2008, le Conseil de la concurrence a estimé que la formation professionnelle était une activité économique, dans toutes ses composantes. L’AFPA doit donc être qualifiée d’entreprise au sens du droit communautaire.

Il est grand temps de cesser de vous cacher derrière une Europe libérale qui prend les mesures que vous l’avez autorisée à prendre en adoptant les traités de Maastricht, de Nice, ou de Lisbonne.

Pourtant, vous le savez, aucune structure ne peut concurrencer l’AFPA. Elle est la seule à proposer des formations de longue durée, qualifiantes et reconnues comme telles, offrant tout à la fois une formation, des services gratuits associés – l’hébergement, par exemple –, un suivi médical, la restauration, mais aussi un accompagnement personnalisé des stagiaires.

Les résultats sont là : sept stagiaires sur dix accèdent à un emploi dans les six mois qui suivent leur formation, 74 % considèrent avoir atteint l’objectif qu’ils s’étaient assignés, 73 % des entreprises clientes estiment que le projet contracté a été réussi, 81 % des stagiaires obtiennent un titre professionnel à l’issue de leur formation.

Il ne s’agit donc pas tant pour vous de mettre les missions en concurrence que de partager les financements publics avec le privé.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite avoir des précisions sur les 220 sites de l’AFPA, qui sont dans des situations très diverses. Si l’État est en général propriétaire des bâtiments, les terrains appartiennent parfois aux communes, parfois à l’État, parfois à l’AFPA elle-même. Il semble que l’on envisage de transférer la propriété des biens immobiliers et des terrains à l’AFPA. Or, selon l’intersyndicale, avec qui je me suis entretenue et que M. Guy Fischer a rencontrée à Vénissieux, si ce transfert ne s’accompagne pas d’une augmentation substantielle de la dotation de l’État, l’AFPA ne sera pas en mesure de financer les frais d’entretien, de rénovation et de maintenance qui lui incomberont.

Je voudrais donc savoir où en sont ces projets et si vous entendez doter l’AFPA des moyens financiers supplémentaires correspondant à ce nouveau poste de dépenses ?

Il est clair que la suppression de l’AFF aurait des conséquences sur la poursuite des activités de l’AFPA et sur la mise en œuvre de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Défavorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

Je rappelle que le financement de l’AFF a été pris en charge par l’État en 2001, alors que l’UNEDIC était déficitaire. Il apparaît légitime d’en revenir à un partage des tâches raisonnable, dans lequel chacun assume sa part de responsabilité. Il n’appartient pas à l’État de financer des dispositifs de formation destinés aux demandeurs d’emploi.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-128 et II-150.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 80.

(L'article 80 est adopté.)

Article 80
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article additionnel après l'article 81

Article 81

Mme la présidente. L’article 81 a été supprimé par l’Assemblée nationale.

Article 81
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Défense

Article additionnel après l'article 81

Mme la présidente. L'amendement n° II-38, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport évaluant l'efficacité des allégements généraux et ciblés de cotisations sociales au regard de la politique de l'emploi.

Ce rapport s'attachera notamment à exposer :

a) le bilan et le coût de ces dispositifs depuis leur mise en œuvre ;

b) les méthodes envisageables pour en réduire la charge sur les finances publiques ;

c) les dispositifs alternatifs de soutien à l'emploi et aux entreprises.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances. L’efficacité des allégements généraux de cotisations sociales au regard de la politique de l’emploi doit faire l’objet d’une évaluation par le Gouvernement. Il faut en effet savoir combien d’emplois sont effectivement créés grâce à ces dispositifs.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, en quinze ans, les exonérations générales de cotisations sociales auront représenté un total de plus de 200 milliards d’euros, ce qui est considérable.

Or l’efficacité de ce dispositif au regard de la politique de l’emploi n’est pas mesurée. On donne beaucoup d’argent, mais on ne sait pas toujours à quoi il sert ni quels sont les résultats réels des dispositifs que l’on finance.

De plus, l’effet sur l’emploi de la politique d’exonération de charges sur les bas salaires fait l’objet d’un débat qui n’est pas tranché. Cette politique est-elle utile ou non et, dans l’affirmative, combien d’emplois ont-ils été créés ou maintenus ?

Je rappelle que les études disponibles du Conseil d’orientation pour l’emploi, de la révision générale des politiques publiques ainsi que l’avis de la Cour des comptes n’aboutissent pas à des résultats convergents quant à l’intérêt économique des allégements généraux de charges.

Toutes les mesures que nous décidons coûtent de l’argent. Cet argent, nous l’empruntons. En empruntant, nous augmentons la dette, donc le poids du service de la dette. À terme, c’est tout le budget de l’État qui pourrait être dédié au service de la dette !

On ne peut pas faire n’importe quoi ! On décide qu’il ne faut pas travailler plus de 35 heures ; c’est bien joli, mais quelles sont les conséquences d’une telle décision sur l’emploi et sur l’efficacité économique ? Nous vivons tout de même sur une planète où l’on ne peut pas multiplier les dépenses sans qu’il y ait, en regard, des recettes pour les financer !

Mme Annie David. Sur cette planète, il y a surtout des hauts revenus d’un côté et le SMIC de l’autre !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Si l’on supprime les recettes, je vous laisse imaginer ce que va se passer ! Il faut garder les pieds sur terre, mes chers collègues !

Mme Annie David. Mais bien sûr !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Nous ne serons jamais d’accord parce que vous ne savez pas comment cela fonctionne ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Annie David. Ben voyons !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Vous croyez qu’il y a de l’argent disponible et qu’il suffit de s’en servir pour tout payer, mais ce n’est pas vrai ! Ayez un peu le sens des finances !

M. Jean Desessard. Et les banquiers, ils savent comment ça marche ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Les banquiers, ils n’ont plus d’argent, vous le savez bien ! (Rires sur les mêmes travées.)

Je propose donc que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport évaluant l’efficacité des allégements généraux et ciblés de cotisations sociales au regard de la politique de l’emploi.

Prenons un exemple. On dépense 55 milliards d’euros pour l’emploi et les allégements de cotisations. C’est une somme importante. Parallèlement, nous discutons pendant une demi-heure d’une mesure évaluée à 30 millions d’euros. C’est l’histoire du garage à vélos : on dépense 30 millions d’euros pour le garage et on oublie le financement de l’usine qui fabrique les vélos !

On dépense parfois beaucoup d’argent pour peu de chose alors que l’on n’en consacre pas suffisamment à des actions utiles. Il faut savoir à quoi sert l’argent que nous dépensons.

Dans ce rapport que je propose, le Gouvernement s’attacherait notamment à exposer le bilan et le coût de ces dispositifs depuis leur mise en œuvre, les méthodes envisagées pour réduire la charge sur les finances publiques – ce qui leur ferait le plus grand bien – et présenterait les dispositifs alternatifs de soutien à l’emploi et aux entreprises.

Le soutien à l’emploi ne se limite pas à une aide aux chômeurs. Pour qu’il y ait des emplois, encore faut-il qu’il y ait des entreprises capables d’embaucher. Or, si les entreprises supportent des coûts de travail exorbitants, si elles ne vendent plus, elles ne pourront pas embaucher. Il faut donc les aider à investir pour développer des produits nouveaux : elles embaucheront des salariés qui fabriqueront ces produits. Si ma société fabriquait le même avion qu’il y a vingt ans, elle n’en vendrait plus. Il faut investir pour développer des produits nouveaux et être compétitif sur le marché international.

Cela fera certes un rapport supplémentaire, mais l’importance des montants en jeu justifie une évaluation claire de cette politique.

Je souhaite par ailleurs que le Gouvernement se décide un jour à fixer une échéance aux dispositifs qu’il prévoit. Pour l’heure, on ne fait qu’additionner les mesures et on ne précise jamais combien de temps elles vont s’appliquer. On pourrait fort bien décider que tel allégement s’appliquera deux ou trois ans. Mais, dans les faits, on n’ose pas fixer un terme.

Je souhaite que le Gouvernement étudie la suppression d’un certain nombre d’allégements. Cela permettrait de transférer ces sommes sur d’autres actions et de réduire le recours à l’endettement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Cet amendement vise à demander au Gouvernement d’élaborer un rapport évaluant l’efficacité des allégements de charges.

Nous avons, pour notre part, souligné l’importance d’une évaluation des crédits de la politique de l’emploi, a fortiori en matière d’allégements de charges. Il faut en effet raisonner à partir de données objectives.

Dans cet esprit, je soumettrai au Parlement, à la rentrée, un programme d’évaluation chiffrée sur l’ensemble des crédits de la politique de l’emploi. Cela me permettra, je l’espère, de présenter l’année prochaine à la commission des finances des résultats sur l’efficacité des différentes mesures que nous prenons, dont les allégements de charges.

M. Jean Desessard. L’année prochaine, vous aurez changé de ministère et nous n’aurons rien du tout !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-38.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 81.

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».

Défense

Article additionnel après l'article 81
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense » (et articles 59 decies, 59 undecies, et 59 duodecies).

La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.

M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2007, j’avais qualifié le projet de budget de la mission « Défense » pour 2008 de « budget de transition », de « budget d’attente ».

En effet, nous attendions les conclusions de la révision des programmes et du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Aujourd'hui, nous attendons la restructuration des armées et la prochaine loi de programmation militaire, qui amèneront forcément des changements considérables dans l’organisation générale de nos forces.

En 2007, je saluais, et je salue toujours, une professionnalisation réussie. À mes yeux, c’est un très bon travail. C’est surtout le témoignage renouvelé de la qualité de nos militaires et de la persévérance dont ils savent faire preuve pour accomplir les tâches les plus difficiles. Nous nous réjouissions alors tous de voir enfin une loi de programmation militaire « respectée de bout en bout ».

Mais répéter que la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 était « respectée » revenait à évacuer deux preuves pourtant manifestes du contraire.

Je pense au non-respect de la programmation à la fois des effectifs – l’exécution de tous les budgets a systématiquement conduit à des sous-effectifs constants et importants – et des engagements en termes de matériel militaire, ce qui est encore plus grave.

Chaque année, le financement des opérations extérieures, les OPEX, opérait des prélèvements massifs sur les crédits du titre 5, qui n’étaient, dès lors, pas exécutés. En outre, des crédits ont fait l’objet de reports, voire d’annulations pures et simples. Aussi, au terme de deux lois de programmation successives, est apparue une « bosse » programmatique de matériel correspondant à un besoin de financement massif, mais impossible à atteindre, de 21 milliards d’euros.

Le montant des sous-exécutions s’est élevé à 13 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 1997-2002 et à 8 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 2003-2008.

Monsieur le ministre, une telle bosse programmatique, ingérable, des investissements militaires de matériel constituait à elle seule une raison majeure d’une révision drastique de la programmation.

Par conséquent, je souhaite poser les questions suivantes. Comment avez-vous pu, dans de telles conditions, aboutir à reprogrammer une bosse de 1,7 milliard, pour la seule période 2009-2010 ? Cette mesure résoudra-t-elle définitivement le problème ?

Ce regard difficile, pénible et préoccupant dans le rétroviseur est indispensable si nous voulons comprendre les raisons qui ont conduit le Gouvernement à nous proposer une révision draconienne du format de nos armées et de son organisation.

Pour nous – je parle en l’occurrence de ceux d’entre nous qui soutiennent la politique du Gouvernement –, approuver les crédits de la mission « Défense » pour 2009 revient à comprendre, par anticipation, les orientations du projet de loi de programmation militaire qui nous sera bientôt présenté.

La révision des programmes est aujourd’hui achevée. Le Livre blanc a repris l’essentiel des conclusions qui s’imposaient : nous devons réviser notre stratégie, pour en adopter une plus moderne, en admettant que le « modèle d’armée 2015 » n’est pas à notre portée compte tenu des moyens prévus pour l’atteindre.

Monsieur le ministre, la restructuration des armées que vous conduisez avec une détermination indispensable et digne d’éloges est la traduction des contraintes issues de ces textes et des réalités.

Je ne dis pas que la France n’est plus en mesure de financer les actions prévues, ni même que ses moyens ont diminué. Simplement, voilà quelques années, en visant un modèle pour 2015 et en affichant de grandes ambitions en termes d’effectifs, d’achats de matériels et de capacités de projection, les gouvernements n’ont pas été réalistes. Leurs programmes dépassaient, et de très loin, les capacités financières du pays. Aujourd'hui, c’est à nous qu’il appartient de rectifier le tir.

Pouvait-on maintenir les effectifs de la programmation militaire au niveau où ils étaient auparavant ? Pouvait-on atteindre un taux du maintien en condition opérationnelle des matériels supérieur à 50 %, sachant que, pour l’instant, seuls les matériels destinés aux OPEX bénéficient d’un taux suffisant ? Pouvait-on conserver tous les programmes majeurs de matériel, alors même que leurs coûts de fabrication et de possession croissent d’une manière incoercible, car ils sont entraînés par la sophistication elle aussi croissante de ces équipements ? Pouvait-on s’obstiner à vouloir détenir dans tous les domaines la meilleure qualité, et en abondance ? La réponse est non !

Un tel chemin n’était plus praticable. Monsieur le ministre, vous avez le mérite de vous être engagé sur la voie difficile d’une révision majeure.

Pour autant, comme vous le soulignez, et comme le Président de la République l’a garanti, la masse des crédits mis à la disposition de votre ministère est considérable et ne diminue pas cette année.

Avec 30,4 milliards d’euros de ressources budgétaires, auxquels s’ajoutent – je vais y revenir – 1,6 milliard d’euros de ressources exceptionnelles, votre budget atteint 32 milliards d’euros, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à l’année dernière.

Ces crédits considérables font du budget de la défense le troisième en importance du présent projet de loi de finances et absorbent 1,6 % du produit intérieur brut.

Vous comptez donc sur 1,6 milliard d’euros de ressources exceptionnelles sans lesquelles – il faut bien le dire – votre budget boiterait bas.

Ces ressources proviennent, pour 1 milliard d’euros, des cessions immobilières de sites dont le ministère de la défense n’a plus besoin. À titre dérogatoire, le produit de ces cessions est laissé à la disposition du budget propre de la défense, ce qui est rare et précieux.

Toutefois, comme les programmes de cessions de cette nature ne peuvent pas avoir d’effet immédiat sur le plan financier, le financement est également assuré par un montage mettant en jeu plusieurs intervenants, dont la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, la Caisse des dépôts et consignations et une autre structure de portage restant à créer. C’est elle qui empruntera et qui assurera le financement relais vous permettant de disposer des valeurs de cession dans le courant de l’année 2009.

Monsieur le ministre, ce système est ingénieux, mais n’est-il pas fragile ? Êtes-vous assuré de son bon fonctionnement ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Sans problème !

M. François Trucy, rapporteur. L’autre partie des ressources exceptionnelles, soit 600 millions d’euros, provient de la vente de fréquences hertziennes, en particulier de celles du réseau Félin, dont vous nous assurez que l’armée n’avait plus besoin.

Êtes-vous également assuré de recevoir ces paiements en 2009 ? Quels sont les acheteurs éventuels ?

Notre deuxième préoccupation majeure concerne les effectifs.

La restructuration des armées, telle qu’elle est décidée, prévoit une baisse considérable des effectifs de 54 000 emplois à temps plein entre 2009 et 2014.

En 2009, cette réduction tire son origine, pour les deux tiers, de la révision générale des politiques publiques et, pour le troisième tiers, du Livre blanc.

Cette diminution progressive touchera toutes les armes et s’effectuera d’une manière linéaire. Ainsi, en 2009, seront supprimés 8 250 emplois, dont 8 000 pour la seule mission « Défense ».

Il est extrêmement difficile pour les armées de gérer de telles réductions tout en maintenant, comme chacun l’exigera évidemment, les disponibilités opérationnelles, la formation permanente, les effectifs des OPEX et la qualité des recrutements.

Chacun peut donc imaginer l’extraordinaire difficulté de cette opération, pourtant essentielle à la réussite de la restructuration.

Monsieur le ministre, si les armées parviennent à gérer année après année cette réforme des effectifs, elles le feront – vous le savez bien – à flux tendu, sans aucune marge de manœuvre. Toute exigence supplémentaire de réduction des effectifs en cours de route venant du Gouvernement causerait une atteinte directe et dramatique à la disponibilité et au caractère opérationnel de nos troupes.

Nul ne peut laisser les armées sous la menace d’une exigence de réductions supplémentaires, qu’il serait impossible de réaliser sans conséquences graves. Monsieur le ministre, le Sénat sera extrêmement vigilant sur ce point.

Quelle garantie pouvez-vous nous apporter que ces engagements seront respectés ?

La création et la mise en place des bases de défense, qui représentent une très importante innovation dans le système d’organisation de nos armées, nous intéressent vivement. Mais, monsieur le ministre, nous aimerions vous entendre nous rappeler aujourd’hui ce que vous en attendez et comment vous pourrez mener cette « réforme dans la réforme ».

Si nous désirons conserver une armée jeune, moderne, bien équipée, disponible et opérationnelle, comment faut-il s’y prendre ? Quelle est la méthode ? Plus de départs et des recrutements constants ? Ou des départs inchangés et de fortes réductions des recrutements ? Il y a là, sous-jacente, une option fondamentale. Quelle est la vôtre, monsieur le ministre ?

Telles sont, monsieur le ministre, les principales réflexions et interrogations sur le projet de budget pour 2009 de la mission « Défense », que partagent de manière très cohérente les trois co-rapporteurs spéciaux de la commission des finances. À présent, mes collègues Jean-Pierre Masseret et Charles Guené vont traiter plusieurs problèmes qu’ils ont étudiés avec grand soin dans le cadre de la répartition des rôles que nous avons élaborée entre nous.

Monsieur le ministre, nous attendons beaucoup de vos réponses. Toutefois, je vous informe d’ores et déjà que la commission des finances a, sur notre proposition, émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2009. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial.

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’exprimer sur le programme 146 « Équipement des forces », qui concerne essentiellement, comme son intitulé l’indique, les moyens en équipement qui sont affectés à nos armées.

À titre de préambule, je souhaite faire un rappel. Dans le cadre du Livre blanc, le Gouvernement a revu à la baisse deux grands programmes d’armement.

D’une part, le programme des frégates multi-missions, dites FREMM, passe de dix-sept à onze unités. D’autre part, le nombre d’appareils devant être commandés dans le cadre du programme Rafale, initialement fixé à 294, a été ramené à 286 unités. Mais il faut surtout retenir que le volume global des livraisons Rafale sur les deux prochaines lois de programmation militaire doit être réduit de l’ordre de 40 appareils par rapport à ce qui était envisagé jusqu’à présent.

Ces questions devront être abordées plus en détail lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire 2009-2014, dont nous serons saisis l’année prochaine.

Pour tenir les engagements pris, le ministère a besoin de financements exceptionnels – François Trucy l’a dit –, au-delà des crédits budgétaires. Pour 2009, le chiffre a été fixé à 1,6 milliard d’euros, qui se répartissent ainsi. D’abord, il y a 600 millions d’euros pour atteindre la norme du zéro volume. Ensuite, 1 milliard d’euros doivent s’ajouter au zéro volume pour effacer le différentiel de financement entre besoins réels et crédits budgétaires au sens strict.

Au sein du ministère, ce différentiel est appelé la « bosse ». Utilisons donc ce vocabulaire !

M. Didier Boulaud. C’est une « bosse » de chameau, et non de dromadaire, vu qu’il y en a deux !

M. Jean-Louis Carrère. Et nous ne sommes même pas sûrs qu’elles nous porteront chance ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial. Comme nous l’avons vu, en 2009, 1,6 milliard d’euros de ressources exceptionnelles sont nécessaires. Ce chiffre passera à 1,3 milliard en 2010 et à 600 millions en 2011. Au total, ce sont 3,5 milliards d’euros de ressources qui seront nécessaires sur la période 2009-2011.

Comme l’a souligné François Trucy, ces 1,6 milliard d’euros proviendront, pour 600 millions d’euros, des ventes de fréquences hertziennes et, pour 1 milliard d’euros, des cessions de biens immobiliers sur le compte d’affectation spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

Toutefois, je voudrais rappeler un élément au Sénat. Sur l’initiative, d’une part, de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et, d’autre part, de notre collègue Nicole Bricq, la commission des finances a adopté deux amendements visant à affecter 15 % des cessions immobilières au désendettement de l’État.

Si ces mesures sont appliquées à la défense, sans report sur les autres ministères, la mission « Défense » recevra non pas 1 milliard d’euros, mais 850 millions d’euros. Qu’en sera-t-il exactement, monsieur le ministre ?

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Vous datez !

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est réglé !

M. François Trucy, rapporteur spécial. Pour la défense, l’affaire est réglée !

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Ce sera 1 milliard d’euros !

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial. Fort bien !

Quelle est l’origine de ce milliard d’euros supplémentaires ?

En prenant pour base le projet annuel de performances, le PAP, pour 2009, les principales augmentations de crédits de paiement prévues concernent par ordre décroissant, les frégates multimissions, pour 310 millions d’euros, le Rafale, pour 220 millions d’euros, et le missile balistique M51, pour 120 millions d’euros.

À ce point de mon rapport, il convient de déterminer si ces crédits de paiement supplémentaires concernent des engagements antérieurs à 2009, c’est-à-dire des engagements « contraints », ou s’il s’agit de ressources véritablement nouvelles demandées par la mission « Défense ». Sur le fondement des trois exemples que je viens de citer, la moitié de l’augmentation des crédits demandés découle de nouveaux engagements prévus pour 2009.

Dans le cas des FREMM, l’augmentation des crédits demandés n’a quasiment rien à voir avec la commande de trois nouvelles unités en 2009. Dans le cas du Rafale, l’augmentation des crédits demandés dépend pour moitié d’engagements antérieurs à 2009, alors que, s’agissant du missile M51, l’augmentation de 120 millions d’euros de crédits supplémentaires demandés repose en totalité sur des engagements devant être pris en 2009.

Donc, la « bosse » de besoins de financement en 2009 correspond essentiellement à des « coups déjà partis ». Il faut y voir une conséquence de la rigidification croissante des dépenses de défense.

Or le présent projet de loi de finances aggrave probablement ce phénomène, en prévoyant en 2009 un niveau d’engagements sans précédent au cours des dernières années. Alors que les autorisations d’engagement sont normalement de l’ordre de 10 milliards d’euros par an, elles sont portées à 20 milliards d’euros en 2009.

Quelle est l’origine de ce doublement des autorisations d’engagement ?

Il s’agit, d’abord, pour 4 milliards d’euros, de la commande de 60 Rafale supplémentaires qui, s’ajoutant aux 120 Rafale déjà engagés, portent le nombre de Rafale commandés à 180. Sur les 286 Rafale devant être commandés et que j’ai évoqués précédemment, le nombre total de Rafale devant avoir été livrés à la fin de 2008 s’élève, quant à lui, à 68 unités.

Il s’agit, ensuite, de la commande de trois FREMM supplémentaires, pour un montant global de 2 milliards d’euros. Ils correspondent au solde des attentes puisque, sur les onze FREMM nécessaires à notre défense, huit unités ont déjà été commandées.

Il s’agit, enfin, de la commande d’un deuxième sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda, pour un montant de 1 milliard d’euros. Un sous-marin ayant déjà été commandé, il faudra en construire encore quatre pour atteindre l’objectif de six.

Le doublement des autorisations d’engagement correspond, en réalité, à des dépenses d’équipement qui sont prévues depuis longtemps.

En résumé, en matière d’équipement, le projet de loi de finances pour 2009 dégage une « bosse » de crédits de paiement et de ressources exceptionnelles de l’ordre de 1 milliard d’euros découlant de « coups partis » et une « bosse » d’autorisations d’engagement de 10 milliards d’euros provenant, pour près de la moitié de la commande, de 60 nouveaux Rafale.

Globalement, la « bosse » des autorisations d’engagement non couvertes par des crédits passe de 35 milliards d’euros à 40 milliards d’euros.

Certes, je le sais bien, nous nous situons au début d’une nouvelle période. Vous allez me dire que tout va se dérouler comme prévu. Dont acte. Toutefois, je me demande si nous ne nous retrouvons pas en présence de ces fameuses « bosses » que nous avions repoussées devant nous au cours des années précédentes.

M. Didier Boulaud. C’est Sisyphe !

M. Hervé Morin, ministre. Mais qui était ministre de la défense voilà quelques années ?

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial. Cependant, à un moment donné, n’arrivant plus à les pousser, nous revenons sur ce que nous avons fait précédemment, fort judicieusement d’ailleurs ! Mais ne sommes-nous pas ainsi en train d’inventer une nouvelle bosse ?

En tout état de cause, la commission des finances, dans sa majorité, recommande d’approuver les propositions de dépenses contenues dans le projet de loi de finances pour 2009, notamment celles figurant dans le programme 146 « Équipements des forces».

Par ailleurs, je vous indique, monsieur le ministre, que j’entamerai très prochainement, avec mon collègue Jacques Gautier, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, un contrôle relatif au programme A-400M, qui devrait s’achever avant la fin du mois de janvier 2009. (Applaudissements.)

M. Jean-Louis Carrère. Nous n’en avons pas encore délibéré en commission !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’instar de mes collègues, je m’en tiendrai à l’essentiel, vous recommandant, pour le détail, de vous reporter au rapport spécial.

À titre liminaire, je rappelle que les crédits de la mission « Défense » doivent être proches de 40 milliards d’euros en 2009 – recettes exceptionnelles comprises –, dont plus de 10 milliards d’euros sont des dépenses d’investissement. Les dépenses de fonctionnement, que je rapporte, sont donc de l’ordre de 30 milliards d’euros.

Sur ces dépenses, environ 20 milliards d’euros représentent des dépenses de personnel, dont environ 5 milliards d’euros correspondent aux pensions.

Le fait marquant en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement de la mission « Défense » en 2009 est, bien entendu, le début de la restructuration des armées, prévue par le projet de loi de programmation militaire 2009-2014, qui doit être examiné en 2009, mais mis en œuvre avec la loi de finances pour 2009.

Si l’on raisonne par masses financières, la masse salariale de la mission « Défense » devrait passer de 11,4 milliards d’euros en 2008 à 9,8 milliards d’euros à l’horizon de la prochaine loi de programmation militaire, sous l’effet de la réduction des effectifs, ce qui représente une économie de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an.

Cela me conduira à insister, d’abord, sur le caractère très ambitieux de la réduction des effectifs, puis sur les dispositifs d’accompagnement prévus à l’occasion de cette restructuration.

Les objectifs de réduction des effectifs sont, en effet, très ambitieux. Ce ne sont pas moins de 54 000 emplois qu’il s’agit de supprimer de 2008 à 2014, soit 8 000 emplois par an, et ce, dès 2009. Même si l’on prend en compte le fait que ce chiffre de 54 000 suppressions d’emplois intègre les 5 000 suppressions prévues en 2008, l’effort reste très important.

Ces 54 000 suppressions d’emplois, sur un effectif total de 300 000 personnes, proviendraient pour les deux tiers – soit environ 36 000 emplois – de la RGPP, c’est-à-dire en quelque sorte de gains de productivité, et pour un tiers – soit environ 18 000 emplois – de la révision des contrats opérationnels, c’est-à-dire des objectifs fixés à l’armée conformément au Livre blanc.

Au départ, dans le cadre de la RGPP, il était proposé de supprimer 52 000 emplois, et non 36 000. L’écart vient, semble-t-il, du fait que la RGPP prévoyait de nombreuses externalisations.

À cet égard, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, pourquoi les préconisations initiales de la RGPP en matière de réductions d’effectifs n’ont pas été entièrement suivies ? S’agit-il de la crainte que les externalisations ne remplissent pas toutes leurs promesses d’économies ?

Concrètement, pour économiser ces 36 000 emplois, il faut réaliser des gains de productivité sur les fonctions de soutien. De ce point de vue, il convient de distinguer les deux principaux domaines concernés, correspondant à des économies évaluées à environ 10 000 emplois dans chaque cas. Il s’agit, d’abord, de regrouper le maintien en condition opérationnelle – MCO – du matériel le plus lourd, dit « industriel », sur quelques sites présentant des équipements importants, donc une productivité élevée, au lieu de faire réaliser cet entretien sur les bases. Il s’agit, ensuite, de la gestion du personnel et la formation.

Ces gains de productivité doivent être réalisés, en particulier, par la création des fameuses quatre-vingt-cinq bases de défense, qui doit permettre une plus grande mutualisation des fonctions de soutien. Selon les estimations faites dans le cadre de la RGPP, les bases de défense doivent comprendre au moins 1 800 personnes, l’optimum se situant entre 2 500 et 4 000 personnes.

À ces 36 000 emplois supprimés dans le cadre de la RGPP, qui ne réduisent pas l’efficacité opérationnelle, s’ajoutent 18 000 réductions d’emplois qui résultent du Livre blanc et qui, quant à elles, réduisent a priori les capacités opérationnelles.

Il faut insister sur le fait que ces 18 000 emplois supprimés ne réduisent pas la capacité de projection de l’armée de terre. Certes, la loi de programmation militaire actuelle prévoit que l’armée de terre doit pouvoir projeter 50 000 personnes dans des circonstances exceptionnelles. Cependant, non seulement cet objectif n’a jamais été atteint, mais on n’a jamais cherché à l’atteindre. En effet, l’objectif réellement fixé à l’armée de terre était de projeter « seulement » 30 000 personnes, ce qui correspond à l’objectif retenu par le projet de loi de programmation militaire 2009-2014.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment il se fait que les capacités de projection de l’armée de terre soient inchangées, malgré une diminution globale des effectifs « hors RGPP » de 18 000 emplois ?

À ce stade, il me paraît opportun de m’arrêter sur la répartition de l’effort entre les trois armées : en ce qui concerne l’armée de terre, le nombre d’emplois serait réduit d’environ 25 000 emplois sur 150 000 ; pour l’armée de l’air, d’environ 15 000 emplois sur 65 000 ; pour la marine, d’environ 6 000 emplois sur 50 000.

En proportion des effectifs initiaux, arithmétiquement parlant, l’armée de l’air devrait fournir le double de l’effort demandé à la marine. L’effort de la marine est cependant considérable si l’on prend en compte le fait que la RGPP prévoyait initialement une réduction d’effectifs inférieure – de 2 000 emplois –, ce qui implique de faire des gains de productivité supérieurs à ceux qui avaient été identifiés au départ. Ce n’est pas du parti pris, monsieur le ministre : j’ai fait mon service militaire dans l’armée de l’air !

M. Hervé Morin, ministre. Vous n’avez pas de marine chez vous ! (Sourires.)

M. François Trucy, rapporteur spécial. Pas encore ! (Nouveaux sourires.)

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, êtes-vous certain que la marine est capable de réaliser de tels gains de productivité, sans que cette diminution d’effectifs se ressente sur sa capacité opérationnelle ?

J’en viens maintenant au dispositif d’accompagnement des restructurations des armées.

Il convient, à cet égard, de distinguer l’accompagnement de l’impact local et celui qui touche à la politique des personnels.

Tout d’abord, à l’échelon local, en raison du report à 2009 de l’examen du projet de loi de programmation militaire, plusieurs dispositions législatives qui devaient y figurer doivent être adoptées dans le cadre de la présente discussion budgétaire, afin d’entrer en vigueur dès 2009. Certaines de ces dispositions concernent spécialement l’accompagnement de l’impact local des restructurations.

L’article 32 bis du présent projet de loi de finances, qui a été adopté en première partie assorti de deux précisions sur l’initiative du rapporteur général, Philippe Marini, prévoit notamment la possibilité de cessions à l’euro symbolique d’immeubles du ministère de la défense au profit de la vingtaine de communes faisant l’objet d’un « contrat de redynamisation de site de défense ».

L’article 72 du présent projet de loi de finances, annexé à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » – qui doit être examinée ce vendredi 5 décembre et dont notre collègue Pierre Jarlier est le rapporteur spécial –, prévoit la création d’un « Fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées », doté de 5 millions d’euros en 2009, afin d’apporter une aide au fonctionnement.

Par ailleurs, il est prévu d’étendre, dans le prochain collectif budgétaire, deux dispositifs d’exonération fiscale et sociale existant actuellement : d’une part, le dispositif dit de « crédit de taxe professionnelle », créé par l’article 28 de la loi de finances de 2005, pour les zones d’emplois en grande difficulté ; d’autre part, les mesures d’exonération bénéficiant aux « bassins d’emploi à redynamiser », dit « dispositif Warsmann », instauré par l’article 28 de la loi de finances de 2004.

Au total, les moyens devant être mis en œuvre par le Gouvernement pour l’accompagnement territorial des restructurations sont de l’ordre de 150 millions d’euros par an.

Sur ce montant, une cinquantaine de millions d’euros correspondent, pour deux tiers, à la mission « Défense », par le biais du fonds de restructuration de la défense, ou FRED, et, pour le tiers restant, à la mission « Politique des territoires ».

Une centaine de millions d’euros d’exonérations fiscales et sociales correspondent aux extensions de dispositifs existants que j’ai déjà évoqués.

La cinquantaine de millions d’euros de crédits budgétaires serait consacrée aux vingt-quatre « contrats de redynamisation de site de défense », correspondant environ à une vingtaine de communes, et, dans une moindre mesure, ils seraient consacrés aux «plans locaux de redynamisation », moins importants financièrement, dont doivent bénéficier certains départements.

Je constate, monsieur le ministre, que la circulaire du Premier ministre aux préfets en date du 25 juillet 2008, relative, notamment, aux vingt-quatre « contrats de redynamisation de site de défense », d’une part, fixe la liste des communes concernées et les montants devant leur être alloués, la multiplication des deux facteurs aboutissant à un total de 135 millions d’euros, et, d’autre part, prévoit que le montant total de ces contrats sera de 225 millions d’euros. Comment expliquer ces 90 millions d’euros d’écart ? Cela signifie-t-il que 90 millions d’euros supplémentaires doivent encore être répartis ? (M. le ministre fait un signe d’acquiescement.)

Pour terminer, je m’attacherai à l’accompagnement en matière de politique du personnel.

Sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels à la mission « Défense », les articles 59 decies et 59 undecies.

L’article 59 decies, sur lequel la commission des finances vous proposera trois amendements, instaure un pécule pour les militaires quittant l’armée entre 2009 et la fin de 2014.

L’article 59 undecies instaure une nouvelle « indemnité de départ volontaire » pour les ouvriers d’État.

Monsieur le ministre, ne craignez-vous pas que la réduction planifiée des effectifs de la défense et les redéploiements territoriaux ne réduisent les vocations à devenir ou à rester militaire et ne suscitent certaines difficultés de recrutement ?

Ma dernière question est un « marronnier » puisqu’elle concerne les OPEX. Les crédits inscrits à ce titre seraient de seulement 510 millions d’euros en 2009, alors que la moyenne annuelle est supérieure à 600 millions d’euros et que les dépenses devant être réalisées en 2008 sont actuellement estimées à 852 millions d’euros. Monsieur le ministre, ce montant de 510 millions d’euros vous semble-t-il réaliste ?

En tout état de cause, ainsi que l’a précisé M. François Trucy, ce budget nous paraît satisfaisant. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », la commission des affaires étrangères a tout d’abord souligné la progression significative des dotations de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE.

Nous y voyons une première traduction des orientations arrêtées par le Livre blanc en vue de renforcer les moyens de la fonction « connaissance et anticipation ».

Cet effort était devenu indispensable, car la France figurait parmi les pays qui n’avaient pas particulièrement accentué les moyens de leurs services de renseignement après le 11 septembre 2001, ce que nous avions d’ailleurs regretté les années précédentes.

Nous souhaitons, bien entendu, que cet effort soit prolongé dans la durée, conformément aux objectifs affichés par le projet de loi de programmation militaire, notamment en ce qui concerne la progression de 15 % en six ans des effectifs de la DGSE. Cette progression doit lui permettre de couvrir ses besoins en analystes, ingénieurs, techniciens et linguistes, et d’assurer la poursuite des programmes d’investissement dans le renseignement technique.

Nous souhaitons également que la nouvelle organisation annoncée autour du futur Conseil national du renseignement et du coordinateur du renseignement se traduise réellement par des avancées en matière de direction de la politique du renseignement, de coordination des différents services et de planification des moyens, sans oublier le nécessaire contrôle que le Parlement devra exercer sur cette nouvelle organisation, qui ne doit pas rester concentrée entre les seules mains du Président de la République.

Toujours au sujet du programme 144, qui couvre également la recherche de défense, je constate que les crédits d’études-amont progressent légèrement et sont portés à 660 millions d’euros, sans pour autant marquer de véritable « rupture » susceptible de nous rapprocher, au cours des prochaines années, de l’objectif de 1 milliard d’euros, régulièrement pris pour référence dans l’optique d’un maintien, à moyen terme, de nos capacités technologiques.

De même, les crédits de recherche duale demeurent inchangés alors qu’il y a là, à mon sens, un axe d’effort à développer. Et ce ne sont pas les premières informations sur le projet de loi de programmation militaire à venir qui vont nous rassurer !

Je souhaite également dire un mot au sujet des études stratégiques, pour appuyer une remarque effectuée lors de nos travaux en commission par le président de la commission des affaires étrangères, Josselin de Rohan, qui souhaite une réflexion plus poussée de la France sur l’OTAN. Une telle réflexion nous semble, en effet, particulièrement nécessaire au moment où s’engage une révision du concept stratégique de l’alliance, révision qui fait naître beaucoup d’interrogations, a fortiori si notre pays prétend accroître son implication au sein de l’OTAN.

En ce qui concerne le programme 212 « Soutien de la politique de défense », second volet de mon rapport pour avis, il apparaît que la politique immobilière sera, en 2009 et les années suivantes, une variable extrêmement déterminante pour l’équilibre financier de la future loi de programmation.

Monsieur le ministre, vous attendez l’an prochain 1 milliard d’euros de recettes exceptionnelles sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », grâce à une contribution de la Société nationale immobilière et, pour l’essentiel, au produit de la vente à une société de portage de la plupart des immeubles parisiens destinés à être libérés en 2014, lors du transfert à Balard des états-majors et des services centraux.

Je voudrais souligner le caractère tout à fait inédit et exceptionnel de cette procédure pour financer des opérations qui, quant à elles, ne sont pas exceptionnelles et résultent de la programmation courante des travaux d’infrastructure.

La bonne exécution de cette opération est absolument indispensable à l’équilibre de gestion non seulement du programme 212, mais également de l’ensemble de la mission « Défense ». Il faudra pour cela que le principe de l’affectation intégrale du produit des cessions ne soit pas remis en cause. Il faudra également que l’ensemble des procédures nécessaires soient mises en œuvre très rapidement, à savoir la constitution de la société de portage ainsi que la conclusion d’un accord sur le périmètre concerné et le prix de vente. Enfin, il faut souhaiter que cette vente puisse s’effectuer dans de bonnes conditions financières pour la défense, ce qui n’est pas évident dans la conjoncture actuelle.

Nous serons très attentifs, monsieur le ministre, à toutes les précisions que vous pourrez nous apporter à ce sujet au cours du débat.

Je ne vous cache pas que nous nous interrogeons sur la possibilité de réunir les recettes attendues, au montant annoncé et en temps opportun, pour faire face aux besoins de paiements de l’année 2009. Mais j’ai cru comprendre que la commission des finances se posait les mêmes questions que nous. Il s’agit là, incontestablement, d’un facteur de fragilité pour le programme « Soutien de la politique de défense » et pour l’équilibre financier de l’ensemble de votre budget en 2009.

Monsieur le ministre, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a cependant émis un avis favorable sur les crédits des programmes « Environnement et prospective de la politique de défense » et « Soutien de la politique de défense ». (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez raison d’applaudir vos amis de Gironde : ils en ont bien besoin, après le résultat de l’élection partielle d’hier ! (Sourires.)

M. Henri de Raincourt. C’était un simple encouragement !

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de programmation qui s’achève a réalisé un effort de redressement très important en faveur de l’équipement militaire.

Les dépenses effectives en matière d’équipement sont passées d’environ 12 milliards d’euros par an au cours de la période 1998-2001 à plus de 15,5 milliards d’euros par an au cours des trois dernières années, ce qui représente une progression de l’ordre de 30 %.

Le projet de loi de programmation que vous avez déposé le 29 octobre dernier, monsieur le ministre, engage une nouvelle étape dans l’accentuation de cet effort puisqu’il prévoit de porter progressivement l’annuité d’équipement à 18 milliards d’euros en 2014, soit à un niveau supérieur de 17 % à celui de 2008.

Cette augmentation doit permettre d’atteindre les nouveaux objectifs fixés par le Livre blanc, qui ont néanmoins été sensiblement réduits par rapport au « modèle 2015 », qui avait été élaboré en 1996.

Le projet de loi de finances pour 2009 traduit cette évolution, avec toutefois une particularité importante, à savoir le recours à des recettes exceptionnelles sur lesquelles reposera la majoration des ressources sur les années 2009, 2010 et 2011.

En effet, sur ces trois années, l’enveloppe prévue pour les équipements représente une majoration cumulée de 3,3 milliards d’euros par rapport au niveau actuel, soit exactement le montant des recettes exceptionnelles attendues au cours de la même période.

Une partie de ces recettes, tirée de la vente de fréquences hertziennes, doit financer directement des dépenses d’équipement liées aux systèmes de communication.

L’autre partie de ces recettes, tirée des ventes immobilières, contribue indirectement à l’effort d’équipement en permettant des redéploiements entre programmes au profit du programme « Équipement des forces ».

Ma première interrogation, monsieur le ministre, porte sur la possibilité de créditer à hauteur des 600 millions d’euros prévus dès 2009 le compte « fréquences ».

M. Hervé Morin, ministre. Rassurez-vous !

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. Je ne doute pas que les armées seront prêtes à libérer rapidement des fréquences, mais votre ministère est-il maître de la procédure et du calendrier ? Qui, au nom de l’État, traitera avec les opérateurs et décidera des conditions de vente ? Dans quels délais cette opération pourra–t-elle être réalisée ? Nous souhaiterions avoir des précisions à ce sujet.

Ma deuxième question concerne la fin de l’exercice 2008. Pourrez-vous utiliser le volant des crédits reportés des gestions précédentes pour amortir l’impact des annulations de crédits d’équipement prévues et de l’absence de financement complémentaire des frégates multi-missions ? C’est un point important pour le démarrage de la future loi de programmation dans de bonnes conditions.

J’en viens aux actions du programme 146 « Équipement des forces » que j’ai particulièrement étudiées, les autres actions de ce programme ayant été traitées par mon collègue Daniel Reiner.

S’agissant de la dissuasion, son rôle fondamental dans notre stratégie de défense a été réaffirmé par le Livre blanc, de même que le maintien de ses deux composantes, le format des forces aériennes stratégiques étant, lui, réduit d’un tiers.

Nous constatons que le renouvellement de nos moyens de dissuasion se trouve actuellement dans une phase très active, avec deux échéances majeures : l’arrivée de l’ASMP/A l’an prochain et celle du M51 en 2010.

Dans le domaine spatial, le Livre blanc a tracé des perspectives claires, à moyen terme, qui étaient attendues, avec la pérennisation de nos capacités actuelles et l’acquisition de capacités nouvelles dans le domaine de l’écoute, tout d’abord, puis, ultérieurement, dans celui de la surveillance de l’espace et de l’alerte avancée.

La priorité est, désormais, de préparer sans plus tarder le système successeur de notre satellite d’observation Helios. Il est d’ailleurs heureux de constater que le programme Musis sera mené dans un cadre européen, bien que l’Italie n’ait pas pour l’instant statué sur sa participation.

M. Hervé Morin, ministre. Ça viendra !

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. Bien !

Le projet de budget pour 2009 prévoit également un renforcement de nos capacités de télécommunications spatiales. La coopération franco-italienne sur le satellite militaire Sicral 2 est, semble-t-il, confirmée.

La commission des affaires étrangères souhaiterait toutefois avoir, monsieur le ministre, quelques précisions sur la démarche d’externalisation de nos télécommunications spatiales, qui est à l’étude.

M. Hervé Morin, ministre. Ce n’est pas qu’à l’étude !

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. En particulier, la cession de tout ou partie du système Syracuse II a-t-elle d’ores et déjà été intégrée dans les prévisions de recettes exceptionnelles pour les trois années à venir ?

M. Hervé Morin, ministre. Eh bien non !

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. J’ai donc ma réponse ! (Sourires.)

Compte tenu de l’effort programmé pour l’équipement, tout en gardant à l’esprit le défi que représente l’obtention de toutes les ressources attendues au cours de l’exercice 2009, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a émis un avis favorable sur les crédits du programme « Équipement des forces » comme sur ceux de l’ensemble de la mission « Défense ».(Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je limiterai mon propos à quelques observations. Pour le reste, je vous renvoie au rapport pour avis que j’ai rédigé avec notre collègue Xavier Pintat, et dont nous avons la faiblesse de penser qu’il contient toutes les informations utiles sur le programme 146 « Équipement des forces ».

Je parlerai de la partie qui concerne les équipements conventionnels et de la délégation générale pour l’armement, la DGA.

Ce budget présente deux caractéristiques essentielles, que la commission a considérées comme positives.

Premièrement, ce budget marque la fin de présentations budgétaires souvent flatteuses, mais parfois trompeuses, visant à faire accroire que nos armées bénéficieront d’équipements que nos finances ne pourraient plus leur accorder.

En effet, j’observe que, dans le même temps, les crédits de paiement augmentent de 7,7 % et les autorisations d’engagement doublent d’une année sur l’autre – c’est peut-être même voir un peu grand –, dans le cadre d’un budget global de la défense lui-même en augmentation de près de 5,4 %, et ce grâce à des recettes exceptionnelles. C’est naturellement cette constatation qui a conduit la majorité de la commission des affaires étrangères à recommander l’adoption de ces crédits.

Parallèlement, toutes les cibles, ou presque, des programmes conventionnels à effet majeur diminuent très sensiblement : le nombre de Rafale a été ramené de 294 à 286 ; celui des FREMM, de 17 à 11 ; celui des véhicules blindés de combat d’infanterie, les VBCI, de 700 à 630 et, enfin, les missiles de croisière tirés à partir de la mer ont été ramenés de 250 à 200 unités. Dans le même ordre d’idées, le programme de l’avion de transport stratégique multirôle transport tanker, ou MRTT, n’est pas lancé. Enfin et surtout, la décision de lancer le second porte-avions, qui était gagée par 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement dans le projet de loi de finances pour 2008, est reportée à 2011 ou 2012.

Des cibles qui diminuent, des crédits qui augmentent : c’est la fameuse « bosse » de 35 milliards d’euros – c'est-à-dire la grosse bosse – de programmes non financés qu’il a fallu ainsi solder. De ce point de vue, ce budget assume donc une harmonisation entre nos ambitions et nos moyens, ce qui est plutôt louable en soi.

Second aspect positif de ce budget : il traduit une conception nouvelle de nos forces armées. En effet, envisagées globalement, l’augmentation des crédits d’équipements, la diminution des effectifs et la réduction du nombre des implantations manifestent un réel changement d’organisation. L’armée française qui verra le jour sera certes d’un format réduit,…

M. Jean-Pierre Chevènement. Sérieusement réduit !

M. Daniel Reiner. … mais elle devrait être ainsi mieux équipée, plus réactive et, partant, plus efficace.

De ce point de vue, ce budget est un budget de commencement : il marque, dix ans après, le vrai début de la professionnalisation. C’est une mutation considérable pour nos militaires et nous devons tous, ici, saluer les efforts considérables qu’elle les oblige à consentir.

J’observe, au passage, que ce budget marque également l’abandon de l’idée selon laquelle les forces armées participaient à l’aménagement du territoire. Nous l’avons redit en commission, des contreparties adéquates devront être trouvées, afin de ne pas fragiliser davantage les territoires le plus lourdement mis à contribution. Je pense là, en particulier, à ceux de l’est de la France, vous comprenez bien pourquoi : je viens de Lorraine ! (Sourires.)

Je dois néanmoins relever, s’agissant de ce projet de budget, des hypothèques, des parts d’ombre, des zones d’incertitude. J’en relèverai principalement trois.

Premièrement, le financement des FREMM pour 2008 n’est pas assuré, à concurrence de 420 millions d’euros, et rien n’est prévu à cet effet dans le projet de loi de finances rectificatives. Comment le Gouvernement entend-il s’y prendre ? Beaucoup se posent la question.

Deuxièmement, le besoin de financement des opérations extérieures pour 2008 reste non financé à hauteur de 380 millions d’euros. La loi de finances rectificative pour 2008 prévoit certes l’ouverture de 259 millions d’euros de crédits – nous le savons depuis la semaine dernière –, mais il reste 121 millions d’euros à trouver. J’ai cru comprendre que les ministères civils seraient mis à contribution : il serait bon que vous nous le confirmiez, monsieur le ministre.

Troisièmement, les ressources exceptionnelles des comptes d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien  » et « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » s’élèvent à un montant cumulé de 1,6 milliard d’euros. Il est évident que, si ces ressources ne sont pas au rendez-vous, les équipements militaires et, en particulier, les équipements conventionnels en pâtiront.

Ainsi, les incertitudes portent sur un total de 2,1 milliards d’euros, alors que le budget des équipements conventionnels – hors crédits de la DGA, qui sont obligatoires – est de l’ordre de 6 milliards d’euros : je ne voudrais pas que ce budget devienne la variable d’ajustement.

Une telle incertitude ne serait sans doute pas admise pour une collectivité locale. Mais le budget de l’État n’est pas celui d’une collectivité locale !

Cela étant, la majorité du Sénat considère qu’il faut voir le bon côté des choses et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées demande donc au Sénat de voter les crédits de cette mission. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.

M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2009 marquera le début de la mise en œuvre des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et de la révision générale des politiques publiques, articulées dans une réforme globale de notre outil de défense.

Nous attendons beaucoup de cette réforme : une armée resserrée mais mieux équipée, des personnels moins nombreux mais mieux rémunérés grâce à la mise en œuvre des statuts particuliers, un outil de défense recentré sur ses missions opérationnelles grâce à des soutiens rationalisés.

Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, « la réforme nourrit la réforme » : les économies de personnels doivent être réinvesties dans la défense et elles doivent provenir des réorganisations et des mutualisations. Nous sommes tous conscients que, si l’on diminuait les effectifs sans réformer l’organisation en profondeur, c’est l’outil militaire dans sa globalité qui serait mis en péril.

Sur la période 2009-2011, le ministère prévoit en moyenne une baisse de 8 400 équivalents temps plein par an par régulation des flux, reclassement dans la fonction publique ou attribution de pécule.

Pour 2009, en dépit de cette baisse d’effectifs programmée, le programme 178 « Préparation et emploi des forces », que j’ai l’honneur de vous présenter, est placé sous forte tension. Dans l’immédiat, les suppressions d’effectifs ne dégagent pas de marges de manœuvre suffisantes pour compenser les facteurs d’augmentation que sont le point d’indice, la mise en œuvre des statuts particuliers ou encore la contribution employeur au compte d’affectation spéciale « Pensions ».

L’équilibre des dépenses de personnel repose pour beaucoup sur un effet « glissement vieillesse technicité » fortement négatif, ce qui suppose, monsieur le ministre, que les baisses d’effectifs s’opèrent en premier lieu par des départs importants et non par un moindre recrutement. Il faut noter que les diminutions d’effectifs ont été plus importantes que prévu en 2008 et que, pour autant, les crédits de rémunération des personnels ont été intégralement consommés.

Il est vrai que le signal adressé aux candidats potentiels au recrutement est actuellement brouillé : on annonce des suppressions d’effectifs très importantes, mais les armées ont toujours besoin de recruter. Si la déflation d’effectifs s’opérait au détriment des recrutements, cela se traduirait par le vieillissement des armées, un déséquilibre de la pyramide des grades, un embouteillage des carrières et, vraisemblablement, un gonflement des services de soutien. Ces évolutions, à l’opposé de ce que nous recherchons, induiraient une désorganisation des structures opérationnelles. Nous devons donc être très vigilants et nous sommes certains que vous le serez également, monsieur le ministre.

J’évoquerai rapidement, comme l’ont fait mes prédécesseurs à la tribune, les surcoûts des opérations extérieures. Notre commission se félicite de la progression de la dotation de la loi de finances initiale à 510 millions d’euros pour 2009. Elle rappelle son attachement à une budgétisation la plus complète possible : en 2008, ces surcoûts atteignent 832 millions d’euros.

Les opérations extérieures relèvent désormais du fonctionnement normal de nos armées. Elles ne sont plus ni imprévisibles ni ponctuelles. Comme l’a indiqué le chef d’état-major des armées, elles se caractérisent par leur durée, leur durcissement, leur dispersion géographique et leur diversité. Elles doivent donc être prévues, autant que possible, en construction budgétaire dès la loi de finances initiale.

Notre commission pense aussi qu’une revue des différents théâtres pourrait être envisagée, en liaison avec le ministère des affaires étrangères, pour examiner toutes les marges de manœuvre disponibles.

Le programme 178 se caractérise par une construction budgétaire tendue, notamment en raison de la question récurrente des opérations extérieures. Elle fait peser deux types de risques : une déflation d’effectifs plus importante que prévue pour rester dans l’enveloppe et une mise en cause des programmes d’équipements par des annulations de crédits sur le titre 5 pour compenser les déficits du titre 2. Or la loi de programmation militaire l’exclut précisément. Aussi notre commission souhaiterait-elle, monsieur le ministre, que vous lui exposiez précisément selon quelles modalités vous envisager d’éviter cet écueil.

Mes chers collègues, consciente de la tâche immense qui s’annonce pour le ministère de la défense, tout comme des chances et des risques qui s’attachent à cette réforme, votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable quant à l’adoption des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous présente maintenant les crédits de fonctionnement du programme 178, c’est-à-dire, pour l’essentiel, ceux qui sont affectés au maintien en condition opérationnelle des matériels, ou MCO, et au soutien de l’homme.

En 2009, le titre 3 reçoit 6,31 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 5,752 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une croissance des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de, respectivement, 17,8 % et 4,7 % par rapport à 2008. Cette forte croissance des autorisations d’engagement est destinée au financement des marchés de MCO à tranches pluriannuelles, dont les quatre cinquièmes iront à l’entretien programmé des matériels aéronautiques et terrestres et le cinquième restant à l’entretien des matériels de dissuasion.

Je me réjouis qu’un apport financier substantiel soit accordé à l’entretien des matériels, mais je regrette, à ce sujet, que nous soyons conduits à examiner le projet de loi de finances pour 2009, qui constituera la première année de la future loi de programmation 2009-2014, avant même d’avoir pu examiner celle-ci.

La restructuration en cours du budget de la défense s’appuie sur une maîtrise des coûts « des fonctions sans lien avec l’activité opérationnelle des armées, notamment la logistique, les transports, les achats, la communication et l’informatique », selon vos propres termes, monsieur le ministre, et vise à renforcer les crédits consacrés aux missions opérationnelles. Ces fonctions de support relèvent toutes du titre 3, dont les composantes font l’objet d’une réflexion d’ensemble, sous la direction de l’état-major des armées. J’ai pu rencontrer les responsables de ce projet et je salue la qualité de leur engagement dans la mission qui leur est assignée.

L’amélioration des financements affectés au MCO des équipements a permis de redresser des taux de disponibilité parfois inférieurs à 50 %. Une rationalisation des modalités du MCO a été entreprise avec la création, en 2000, du service de soutien de la flotte, puis, en 2002, de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense, dont l’action est prolongée par celle du service industriel de l’aéronautique.

L’armée de terre évolue en ce sens, avec la création, en 2009, d’un service unique de soutien à caractère industriel, la structure interarmées de maintenance des matériels terrestres, qui se substituera à la direction centrale du matériel de l’armée de terre. Cette création s’ajoutera à la politique d’emploi et de gestion des parcs rationalisant l’utilisation de ces matériels lourds, pour en réduire le coût de soutien.

J’en viens aux restructurations des implantations militaires qui toucheront particulièrement l’armée de terre. Sur 82 unités supprimées et 33 autres transférées d’ici à 2014, elle en perdra une cinquantaine, l’armée de l’air une dizaine, et la marine abandonnera le site aéronaval de Nîmes-Garons. Parallèlement, 80 à 90 bases de défense interarmées seront créées, regroupant les moyens administratifs et de soutien qui relèveront directement de l’état-major des armées.

Ce resserrement des infrastructures sera accompagné d’une évolution des commissariats propres à chacune des armées pour les fondre, à l’horizon 2011, au sein d’un service d’administration générale et des soutiens communs.

Les crédits et l’organisation du soutien des armées appellent deux remarques principales.

Premièrement, le poste de dépense le plus important, le MCO, notamment aéronautique, a fait l’objet depuis 2002 d’une forte restructuration ; il faut cependant constater que ces efforts ne parviennent pas à juguler les coûts, qui restent orientés à la hausse.

Deuxièmement, les coûts entraînés par la sous-traitance d’activités non militaires pèsent fortement sur les dépenses courantes de fonctionnement. Il faut donc espérer que le resserrement des implantations permettra de réduire l’ampleur des tâches sous-traitées et d’en améliorer la qualité.

L’enjeu constitué par la refonte de la carte militaire et la réforme en cours visant à la mutualisation des soutiens sous l’égide de l’état-major des armées est donc majeur.

Il faut donner à nos forces les moyens nécessaires pour passer à une autre étape de leur professionnalisation.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté les crédits affectés à la préparation et à l’emploi des forces par le projet de loi de finances pour 2009, à la majorité de ses membres, monsieur le ministre. (Applaudissements.)

M. Hervé Morin, ministre. Pas à l’unanimité ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis. Non, à la majorité.

M. Hervé Morin, ministre. Le groupe socialiste n’a pas eu la même attitude à l’Assemblée nationale !

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas à l’Assemblée nationale !

M. Didier Boulaud. Ils ne connaissaient pas le décret d’annulation !

Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes aux groupes UMP, socialiste, UC, CRC-SPG et RDSE et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Le Gouvernement répondra aux orateurs.

Ensuite, un certain nombre de nos collègues poseront des questions, le Gouvernement répondant immédiatement à chacune. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes, réparties de la manière suivante : deux minutes trente pour la question, deux minutes trente pour la réponse, et, s’il le souhaite, l’auteur de chaque question dispose d’une minute pour la réplique éventuelle.

La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Dans la suite du débat, la parole est à M. André Dulait.

M. André Dulait. Monsieur le ministre, je prends une nouvelle fois la parole, mais c’est pour m’exprimer, cette fois-ci, au nom du groupe UMP.

Le budget que nous nous apprêtons à voter est particulièrement important ; les années 2008 et 2009 marqueront en effet un tournant pour nos armées comme pour la vie des hommes et des femmes qui s’y sont engagés.

Ce budget traduit avant tout la mise en œuvre des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, présenté par le Président de la République le 17 juin dernier.

Je me réjouis, au nom de mon groupe, de l’effort important qui est consenti cette année, notamment pour ce qui concerne l’équipement de nos forces, qui devrait enregistrer une hausse de 10%.

À cet égard, nous pouvons saluer l’augmentation de 5,4 % des crédits pour l’année 2009, preuve de la détermination du Gouvernement de poursuivre la réforme de nos forces armées. Ce budget est réaliste et sincère.

De plus, la programmation triennale 2009-2011 permettra, d’une part, au ministère d’avoir une visibilité accrue sur ses actions et, d’autre part, de garantir les montants alloués.

Notre pays doit faire face à des menaces de plus en plus diffuses et de plus en plus difficiles à identifier, car non étatiques. Plus que jamais, nous avons besoin d’une armée mieux équipée et encore mieux formée. L’ère de la guerre dite classique semble révolue.

À ce titre, le Livre blanc est novateur, car il instaure un continuum entre les problèmes de sécurité et la politique de défense, dont les axes majeurs doivent être la réactivité et l’anticipation.

Sur ce point, je tiens à souligner l’avancée fondamentale que constituent les « crash programmes », en particulier le système FELIN, fantassins à équipement et liaisons intégrés. Il était temps que « la panoplie du soldat du futur » dépasse le stade du projet.

II nous faut également, monsieur le ministre, acheter « sur étagère » ; les besoins du temps réel ne peuvent souffrir l’attente des livraisons de matériels qui seront honorées dans des délais de huit à douze mois. C’est là un des points forts de ce budget.

Permettez-moi, mes chers collègues, de profiter de ces quelques minutes pour insister sur certains points, à mon sens, primordiaux.

Je souhaite rappeler devant le Sénat que les forces armées connaissent aujourd’hui leur deuxième réforme. En effet, la professionnalisation des personnels militaires constitua la première étape de la restructuration. Peu de corps de la fonction publique peuvent se prévaloir de s’être réformés en profondeur comme l’ont fait ceux du ministère de la défense.

M. Hervé Morin, ministre. En effet !

M. André Dulait. Les sénateurs de l’UMP ne peuvent qu’être favorables à cette réorganisation et à cette restructuration, qui doivent concourir à de meilleurs résultats, mais ce, à une seule condition : garder à l’esprit la spécificité de l’armée, son essence même, qui va jusqu’au sacrifice de la vie des hommes qui la composent.

M. Jean-Louis Carrère. Comme pour la gendarmerie !

M. Alain Gournac. Oui, et alors ?

M. André Dulait. Comme pour la gendarmerie, en effet !

L’émotion de la nation devant les cercueils est bien normale, mais ne parlons pas d’« inexpérience » : cela résonne comme un outrage fait à nos armées ainsi qu’à ceux qui continuent à combattre et qui ont à cœur d’honorer leur mission.

C’est précisément à cet instant que se concrétise le lien entre l’armée et la nation. Il est temps que les Français redeviennent fiers de leurs soldats au quotidien et non pas uniquement pendant les périodes de deuil. Depuis trop longtemps, le rapport des Français à leurs armées a été empreint d’une certaine indifférence.

Je souhaitais attirer votre attention sur ce sujet, monsieur le ministre, car, à l’heure où plus de 54 000 postes militaires vont être supprimés à l’horizon de 2014, il est aussi très important d’anticiper le retour à la vie civile des soldats. Si la reconversion est garantie par le statut général des militaires, elle constitue un axe majeur de la politique du ministère de la défense.

À cet égard, le plan d’accompagnement des restructurations doit demeurer à la hauteur de la réforme qui a été entreprise. La reconversion des personnels militaires nécessite une politique de formation engagée bien plus en amont, suivie d’un accompagnement spécifique.

Aussi, monsieur le ministre, devons-nous souhaiter que le dispositif rénové d’accès aux emplois réservés mis en place en mai dernier porte ses fruits et que des passerelles soient établies avec d’autres corps de la fonction publique. Lors de leur intégration dans l’armée, ces personnels y ont appris le service de l’État. En conséquence, leur affectation dans d’autres corps de fonctionnaires civils est susceptible de revêtir un sens fort.

Ainsi, et j’en terminerai par là, je pense sincèrement que les soldats peuvent apporter beaucoup à la société civile. Au cours de leur expérience unique sur les théâtres d’opération, ils ont pu s’imprégner de valeurs telles que le dépassement et la maîtrise de soi, valeurs qui doivent être transmises aux futures générations, pour lesquelles elles constituent des vecteurs humains indispensables. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le général de Gaulle a dit : « Il n’est de richesse que d’hommes ». Nous sommes collectivement très fiers de ces hommes et de ces femmes pour qui le sens du devoir n’est pas un vain mot et qui sont prêts à aller dans leur dévouement à l’intérêt général jusqu’au sacrifice suprême. Je tenais à leur rendre ici hommage.

Mais il faut bien aussi donner à ces hommes et à ces femmes les moyens de leur mission et nous ne pouvons que nous réjouir du projet de budget que vous nous présentez pour 2009, dans un contexte budgétaire extrêmement difficile.

L’augmentation des ressources totales progresse de plus de 5 %. La mission « Défense » disposera de 47 798 milliards d’euros, répartis sur différents programmes et, avec l’ensemble de mes collègues du groupe UMP, je salue cet effort considérable.

Trop souvent, en effet, le budget de la défense a été considéré comme une variable d’ajustement.

Ce budget témoigne de l’engagement du Président de la République selon lequel nos armées doivent enfin pouvoir bénéficier des moyens appropriés à la mission de sécurité qu’elles ont à assumer.

Ce budget est aussi la juste traduction du Livre blanc et de la réforme engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Vous me permettrez cependant de regretter, monsieur le ministre, que les réserves - je pense en particulier à la réserve citoyenne, qui, malgré son jeune âge, a largement fait ses preuves en matière de lien armée-nation - ne soient pas mieux associées à la montée en puissance de notre défense et aux problématiques afférentes.

Dans le cadre de sa présidence à la tête de l’Union européenne, la France a réaffirmé son ambition de relancer l’Europe de la défense, notamment dans le règlement des conflits. Ainsi, l’Europe renoue avec l’une des raisons de sa création et nous ne pouvons que nous en réjouir.

L’exemple du Darfour et celui de l’opération EUFOR, au Tchad, sont caractéristiques. La résolution 1778 du Conseil de sécurité autorisant le déploiement d’un volet militaire européen de sécurisation et de protection préfigure le rôle croissant de notre pays au sein de la Communauté européenne. Sur place, nous avons plus de 1 700 hommes, qui travaillent en coordination avec les forces des Nations unies, les forces de sécurité tchadiennes et centrafricaines.

Ce type d’opération n’est qu’un exemple parmi d’autres. Face à l’insécurité grandissante et à la multiplication des menaces, c’est à l’échelle multinationale qu’il nous faut agir et nous devons exiger de nos partenaires européens des efforts soutenus en matière d’engagement et de moyens.

Force est de rappeler, en effet, que la France est le quatrième contributeur sur le plan financier, le cinquième s’agissant des effectifs engagés en opération et qu’elle est un acteur majeur de la force de réaction de l’OTAN sur les plans tant quantitatif que qualitatif.

À ce titre, il est primordial que les pays géographiquement concernés soient non seulement associés, comme c’est le cas avec la force hybride de l’Union africaine des Nations unies ou dans le cadre de l’opération PAMIR en Afghanistan, mais qu’ils soient aussi responsabilisés.

Au moment même où la France procède à une véritable restructuration de ses forces, il n’est plus concevable que nous nous positionnions toujours et encore dans le seul rôle de pacificateur, qui suscite parfois des réactions d’incompréhension ou de violence de la part des populations locales, alors que la vie de nos hommes est en jeu.

Alors que nous mettons en œuvre une politique de sécurisation dans ces zones, d’autres pays s’implantent massivement dans un but économique, sans se soucier d’autres considérations. Nous pensons, bien évidemment, au recul de l’influence française en Afrique, alors que l’on y trouve pourtant une très forte attente à l’égard de la France, de la francophonie et de l’Europe.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous devons promouvoir le développement de capacités structurantes qui donneront à l’Europe de la défense, mais aussi à l’Europe politique, puisque les deux sont intimement liées, les moyens de ses ambitions.

La mise en place d’une stratégie européenne de sécurité est indissociable de la réforme que nous engageons. Il nous faut prendre en compte les nouveaux défis, les nouvelles menaces d’un monde fragmenté, de plus en plus dangereux, et parvenir à un équilibre entre notre politique de gestion des crises extérieures et notre politique de sécurité intérieure, les deux étant d'ailleurs interdépendantes.

Par ailleurs, si ce budget concourt à renforcer les performances de notre industrie de défense, je souhaiterais, à titre personnel, attirer votre attention sur notre action en termes de désarmement.

Ces politiques ne sont pas incompatibles, loin de là. Dans moins de deux jours, la France signera à Oslo la convention visant à l’abolition des armes à sous-munitions. Je tiens sincèrement à vous remercier, monsieur le ministre, des initiatives courageuses que vous avez prises en ce domaine avec votre collègue des affaires étrangères. Plusieurs de nos soldats ont déjà été victimes de mines antipersonnel ; d’autres auraient pu l’être de ces armes abominables, qui sont une honte pour l’humanité. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce budget est donc le premier budget d’application d’une loi de programmation que nous n’avons pas encore examinée ; c’est regrettable.

M. Hervé Morin, ministre. Cela s’est déjà produit !

M. Jean-Pierre Chevènement. Peut-être, mais pourquoi continuer sur cette mauvaise pente ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, des présentations flatteuses, comme l’augmentation très forte des autorisations d’engagement en matière d’équipement, occultent la réduction globale de l’effort de défense du pays, que les rapporteurs ont parfaitement mis en lumière : 1,6 % – en norme OTAN, hors gendarmerie et pensions – de notre PIB consacré à la défense, c’est très peu !

Si j’en crois les rapporteurs, et au vu d’ailleurs des indications contenues dans le projet de loi de programmation triennale des finances publiques, la part des dépenses de défense dans le PIB sera de 1,5 % en 2012 et de 1,4 % en 2020.

Nous sommes loin de l’effort britannique, et surtout loin des engagements pris par Nicolas Sarkozy, alors qu’il était candidat à la Présidence de la République, de maintenir à 2 % du PIB notre effort de défense.

Au surplus, ce budget est soumis à de nombreux aléas, qui pèsent principalement sur le programme 146 « Équipement des forces ». Il s’agit tout d’abord du poids des charges afférentes aux exercices antérieurs ; ensuite, de l’évaluation pour le moins aléatoire du montant des cessions, cessions réalisées à « l’euro symbolique » pour les villes éprouvées par les restructurations et prélèvement prévu à hauteur de 15 % pour le désendettement de l’État ; enfin, de la budgétisation des OPEX – 510 millions d’euros dans ce projet de loi de finances –, qui restera inférieure au surcoût de 850 millions d’euros observé dès cette année, et dont tout donne à penser qu’il pourrait continuer de croître.

Les rapporteurs spéciaux font valoir que, en matière d’équipement, la France peut être comparée avec la Grande-Bretagne. Il n’y a pourtant pas lieu de pavoiser si l’on tient compte de l’obsolescence ou de la faible disponibilité de beaucoup de nos matériels.

J’en viens à la question de fond : notre modèle d’armée, que nous sommes en train de « recalibrer » en forte baisse – 5 600 postes supprimés en 2009 et 54 000 sur toute la durée de la loi de programmation –, correspond-il véritablement à l’intérêt de la défense nationale ? J’en doute sérieusement.

Si je mets à part la dissuasion, qui est convenablement dotée et dont les programmes s’exécutent sans trop de retard, nous sommes en train de constituer une petite armée de métier, essentiellement dédiée à des opérations de projection lointaine.

Quand le Président Jacques Chirac a suspendu le service national, en 1996, je n’y étais pas favorable.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Moi non plus !

M. Jean-Pierre Chevènement. Je considère qu’il permettait d’établir un lien étroit avec la nation, de disposer d’une réserve de puissance et de mobilisation en cas de circonstances exceptionnelles et, enfin, de bénéficier d’une ressource abondante, diversifiée et peu chère. C’est grâce au service national que nous avons pu maintenir pendant plusieurs décennies un effort d’équipement supérieur à 60 % de notre effort global de défense, contre un peu plus de 40 % aujourd'hui.

J’observe que les objectifs du « modèle d’armée 2015 » n’ont pu être atteints. Le Président Sarkozy en a pris acte. Conscient des insuffisances de l’équipement, il a décidé une très forte déflation des effectifs pour pouvoir les équiper correctement. Telle est la logique de la loi de programmation. Mais correspond-elle aux besoins de la défense nationale ? Je ne le crois pas.

Nous sommes en dessous de l’effort nécessaire pour parer aux risques de tensions, de crises, de conflits, dont l’horizon est chargé.

Le siècle qui commence comporte pour la France un grave risque d’effacement, présent dans l’esprit de nos concitoyens. Cet effacement peut résulter de notre absorption dans un empire : c’est l’idéologie « occidentalitaliste » théorisée par Édouard Balladur, dans un petit livre trop peu lu, intitulé Pour une Union occidentale entre l’Europe et les États-Unis. L’effacement de la France peut aussi résulter du triomphe des communautarismes, antichambre de la guerre civile.

La France est en Europe, et gardons-nous d’oublier que l’Europe n’est pas à l’abri de conflits – on l’a vu dans les Balkans ou dans le Caucase –, qui peuvent dégénérer si nous ne sommes pas capables de développer un véritable partenariat avec la Russie. À cet égard, la responsabilité de la France est essentielle.

Outre l’effacement de la France, le second risque réside dans la mondialisation, qui rétrécit la planète et peut nous entraîner dans toutes sortes de conflits d’intensité faible ou forte, dans lesquels le ressentiment accumulé, au fil des derniers siècles, contre les Européens peut se cristalliser de manière soudaine et irrationnelle.

Nous ne devons pas céder à l’idéologie occidentaliste, ou entrer dans le schéma, théorisé par Samuel Huntington, du « choc des civilisations ». Au contraire, nous devons maintenir l’idée des valeurs universelles : le Nord est pluriel, le Sud aussi, mais l’humanité est une ; tel devrait être le message de la France, qui a toujours été contre les empires.

C’est pourquoi le choix de rejoindre l’organisation militaire intégrée de l’OTAN est une grave erreur. À quoi sert cette organisation depuis la disparition de l’Union soviétique ? Monsieur le ministre, il faudrait que vous nous le disiez ! L’institut John Hopkins a été chargé de réfléchir sur un « nouveau concept stratégique de l’OTAN ». Pourriez-vous nous éclairer sur les fruits de cette réflexion, monsieur le ministre.

L’élargissement à l’Est de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie et au cœur même de l’espace russophone est contraire à l’intérêt de la France, et contraire à l’intérêt européen bien compris. Le Président de la République a soutenu à Bucarest la mise en place de systèmes antimissiles en Tchéquie et en Pologne. Cela ne me paraît pas très cohérent avec le souci qu’il a par ailleurs manifesté, et que j’approuve, de maîtriser le conflit géorgien.

Le Président de la République dit vouloir développer parallèlement une « Europe de la défense efficace ». Monsieur le ministre, quelles en sont donc les manifestations ?

Il n’y a rien à gagner à revenir dans la structure militaire intégrée de l’OTAN, sinon une implication toujours plus grande dans les OPEX et un accroissement de 10 % cette année de notre contribution financière à l’OTAN, ce qui représente 115 millions d’euros.

À long terme, notre défense est confrontée à deux risques.

Le premier est celui du contournement de notre dissuasion, qui peut s’opérer de deux manières.

D’en haut, par le développement du bouclier spatial américain, qui mettra les autres pays européens, voire le nôtre, à la merci d’informations et surtout de décisions dont il serait illusoire de penser qu’elles ne seraient pas exclusivement américaines. Nous devons donc nous doter de nos propres moyens d’observation et perfectionner sans cesse la capacité de pénétration de nos propres missiles,…

M. Hervé Morin, ministre. C’est ce que nous faisons.

M. Jean-Pierre Chevènement. … car le glaive, en dernier ressort, l’a toujours emporté sur le bouclier.

M. Hervé Morin, ministre. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Pierre Chevènement. D’en bas, en raison des guerres asymétriques et du terrorisme. Nos intérêts vitaux ne sont pas aisés à définir précisément, et nous ne cherchons d’ailleurs pas à le faire. Mais la puissance même de nos armes nucléaires peut être un obstacle à leur efficacité dissuasive. Le général de Gaulle, qui n’avait pas d’œillères, aurait sans doute préservé toutes les possibilités de riposte éventuelle à une agression caractérisée, y compris par des charges que la précision des vecteurs permet de réduire.

J’avance en terrain miné, car il est évident qu’il ne faut pas se placer dans un schéma de guerres préventives, a fortiori nucléaires, comme cinq anciens chefs d’état-major de pays membres de l’OTAN, dont le nôtre, se sont hasardés à le faire. Cette attitude porte préjudice à notre politique déclarée de lutte contre la prolifération nucléaire.

Au contraire, il est préférable de perfectionner nos capacités de frappe précise à distance : SCALP aéroporté, armement air-sol modulaire, missile de croisière naval. Je n’insiste pas. Mais, dans ce domaine comme dans d’autres, force est de constater l’étirement des programmes dans le temps et les réductions de cibles, par exemple pour le missile de croisière naval. En réalité, nous n’aurons pas de véritable capacité de frappe conventionnelle à distance avant le milieu de la prochaine décennie.

Le second risque est celui de la dispersion dans les opérations extérieures.

Bien sûr, il est logique que la France remplisse les obligations qu’elle tient de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies – nul ne le conteste, ou ne devrait le contester. Bien sûr, il est normal que nous soyons présents en Afrique. L’opération Licorne a sans doute permis d’éviter une guerre civile ravageuse et ruineuse en Côte d’Ivoire. Du reste, je ne suis pas de ceux qui pensent que la réduction de nos bases en Afrique soit une bonne chose : il n’est que d’ouvrir les yeux pour constater que les pays d’Afrique de l’Ouest avec lesquels nous avons conservé des liens étroits n’ont pas eu à subir ces massacres épouvantables qu’a connus l’Afrique anciennement sous domination britannique ou belge. La présence militaire de la France est un facteur de stabilité et d’affermissement des jeunes États, sans lesquels il n’y aura ni démocratie ni développement.

Cela dit, à côté d’une présence utile au Liban ou en Afrique, je m’interroge sur le Kosovo, où nous maintenons à grand prix des forces destinées à soutenir un micro-État non viable, et cela dans la perspective d’une adhésion à l’Union européenne rejetée dans un avenir indéfini ! Pourquoi ne pas renverser les termes de cette équation et subordonner toute perspective d’adhésion à des efforts d’intégration régionale ?

Au Tchad, nos forces structurent une opération plus humanitaire que militaire. Je veux bien vous l’accorder, monsieur le ministre, l’initiative en revient plus à M. Kouchner qu’à vous-même. Mais peut-on traiter un problème politique à travers le seul prisme de l’humanitaire ? Je ne le crois pas.

Enfin, en Afghanistan, nous nous sommes laissé progressivement entraîner par les États-Unis dans un conflit dont les données essentielles nous échappent. L’intervention de 2001, qui pouvait être légitime, a très vite été « délégitimée » par l’invasion de l’Irak. L’intention du futur président Obama de renforcer les effectifs des États-Unis en Afghanistan peut nous entraîner dans un enlisement encore plus profond, car chacun voit bien que le problème se situe surtout au Pakistan : c’est celui de la jeune, très jeune démocratie pakistanaise, aux prises avec son armée.

M. Sarkozy devrait se souvenir de son premier mouvement, qui était le bon, quand, au printemps 2007, candidat à la Présidence de la République, il avait déclaré que la présence des troupes françaises en Afghanistan n’était pas déterminante à ses yeux.

Je termine sur le surcoût des OPEX, qui s’élève à 850 millions d’euros cette année, dont 100 millions d’euros au Kosovo, 230 millions d’euros au Tchad pour l’opération Darfour et 270 millions d’euros en Afghanistan. Notons au passage que leur coût réel – nous aimerions d’ailleurs le connaître ! – est très supérieur. Il retentit sur le taux de disponibilité de nos matériels et sur l’avancement de nos programmes d’armement majeurs.

Je ne souhaite pas m’étendre sur ces questions, qui ont été évoquées par les rapporteurs. Tout de même, je signale que les crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle des matériels sont consommés à 60 % par sept régiments, les soixante-quatorze autres régiments se contentant des 40 % restants. Cela pose un réel problème !

Le NH90 – nouvel hélicoptère des années quatre-vingt-dix, que j’ai lancé, il y a bien longtemps – n’est toujours pas entré en service. La cible de l’hélicoptère Tigre a été ramenée de 250 à 80 appareils. Le nombre de frégates multimissions a été réduit de 17 à 11. En matière de drones, des choix devront être effectués.

Enfin, nous n’accomplissons pas l’effort nécessaire en ce qui concerne la maîtrise de l’espace. Le projet de programme de coopération européen Musis laisse trop de questions en suspens, à commencer par l’architecture générale du système et la participation de l’Italie et de l’Allemagne.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Je termine, madame la présidente.

S’il y a pourtant un domaine où l’idée d’une politique européenne de défense et de sécurité aurait de bonnes raisons de prendre corps, ce serait bien celui de l’espace.

Au total, monsieur le ministre, ce projet de budget pour 2009, même s’il comporte quelques éléments positifs, s’inscrit dans le cadre d’une programmation qui sacrifie les nécessités à long terme de la défense nationale à la constitution d’une petite armée de projection. Je ne puis donc le voter.

Nous reprendrons ce débat quand le projet de loi de programmation militaire, qu’il eût été logique d’examiner avant le projet de loi de finances, viendra en discussion devant le Parlement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous vivons dans un monde d’une complexité redoutable, où les incertitudes stratégiques rendent la tâche plus difficile quand il s’agit de préparer la défense de demain.

La France se doit bien évidemment de faire face à ses responsabilités vis-à-vis de la communauté internationale, de ses alliés, de nos compatriotes.

Notre pays est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies : cela nous crée certes des droits, mais aussi des devoirs. Ce statut nous conduit à nous impliquer sans relâche au service de la paix et de la sécurité internationale.

Je veux profiter de cet instant pour rendre à nouveau hommage aux soldats français qui, sans relâche, continuent de protéger nos compatriotes partout où ils sont menacés. Et je n’aurai garde d’oublier le dévouement avec lequel ils remplissent toutes les missions que le pays leur confie, non seulement à l’intérieur de nos frontières, mais aussi, très souvent, loin du sol national.

Mes pensées, et celles de l’ensemble des sénateurs du groupe socialiste, sont tournées vers ces femmes et ces hommes qui sont actuellement engagés en opérations extérieures, notamment en Afghanistan.

En fonction de nos engagements internationaux, des missions de nos soldats, les socialistes estiment que la France doit, plus que jamais, soutenir son effort de défense et de prévention des menaces.

Pour ma part, je suis convaincu qu’une extrême rigueur est indispensable pour affronter les défis du monde actuel, défendre nos intérêts et surtout apporter à nos compatriotes la sécurité qui leur est due.

Or, monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez ne se caractérise malheureusement pas par la rigueur qu’on était en droit d’espérer. Il ne nous prépare à affronter efficacement ni les menaces ni les périls en gestation !

Je dirais même que ce budget est en quelque sorte un pari. Hélas ! ce pari n’est pas audacieux, il est seulement téméraire tant il repose, à l’évidence, d’abord sur une architecture fragile, ensuite sur des hypothèses douteuses, et surtout sur un héritage calamiteux.

Je commencerai par le dernier point.

Monsieur le ministre, l’héritage du gouvernement précédent, qui était soutenu par la même majorité que le gouvernement actuel, même si j’ai compris depuis longtemps que vous mettiez beaucoup de pudeur à n’en point trop parler pour assumer une solidarité gouvernementale obligée, pèse lourd à l’heure de faire les comptes et de préparer l’avenir.

Nous déplorons encore aujourd’hui – après l’avoir fait sans relâche pendant les cinq années précédentes, avec, souvent, le sentiment de prêcher dans le désert, mais en prenant date malgré tout – que la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 n’ait pas été respectée, tant en ce qui concerne les effectifs que les programmes d’armement. Et les cris d’orfraie qui ont été poussés à nos oreilles pendant toutes ces années n’y ont rien changé !

La méthode Coué employée par vos amis et par celle qui vous a précédé rue Saint-Dominique n’a rien changé non plus, à l’évidence. Que faisiez-vous au temps chaud, aurait pu dire la fourmi. Vous chantiez? Eh bien, dansez maintenant ! Malheureusement, le sujet est trop sérieux pour que, ensemble, avec les Français, nous ayons désormais à cœur de danser.

Monsieur le ministre, le passif de la gestion précédente – Chirac, Alliot-Marie, Sarkozy – et de sa programmation militaire conditionnent les possibilités actuelles d’avoir un budget cohérent et à la hauteur des besoins de notre défense.

Votre prédécesseur, en faisant preuve de son habituel entêtement – je peux même parler de mauvaise foi, tant la réalité était aveuglante –, en niant que la programmation allait dans le mur, avec un « modèle d’armée 2015 » éculé, qui sombrait sous nos yeux dans le néant, et un carnet de commandes militaires pharaonique et hors d’atteinte, vous a conduit au bord du précipice. Votre bonne volonté ne saurait, hélas, nous en tirer. L’exemple le plus frappant est le deuxième porte-avions, promis juré par la ministre de la défense, qui n’a pas survécu, pour ne pas dire qu’il a coulé, malgré les crédits d’études en trompe-l’œil jetés à l’aveuglette pour amuser la galerie en toute fin de vie de loi de programmation.

Nous avons dit et répété qu’il fallait redresser le tir et revenir à la dure réalité. Nous n’avons nullement été écoutés, voire même entendus. La majorité parlementaire d’alors, la même qu’aujourd’hui, celle qui fait encore semblant de ne rien entendre, a approuvé, année après année, des budgets confortant l’illusion.

II n’empêche que les dégâts de ces années d’aveuglement financier vont coûter cher, très cher, à notre défense.

Des retards ont été pris qui ne sont plus rattrapables, ou alors à des coûts prohibitifs. Nos soldats n’ont parfois même pas pu compter sur les matériels nécessaires. L’armée l’a d’ailleurs reconnu en ce qui concerne les drones, qui ont été l’une des principales victimes, mais, hélas, pas la seule de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Et je ne fais que mentionner pour mémoire la situation devenue on ne peut plus critique en matière de transport et de ravitaillement, éléments pourtant indispensables au soutien de nos forces sur des théâtres d’opération éloignés des principales voies d’accès maritime.

Or, il faudra bien que vous l’admettiez, votre budget, désormais encadré par la RGPP et avec la perspective d’une prochaine programmation militaire qui revoit à la baisse les mirages de la précédente, est devenu le prisonnier de ce lourd héritage.

Quant à la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, soit dit en passant, elle aurait dû être débattue et votée avant notre discussion actuelle.

Est-ce là une nouvelle marque d’impréparation, l’improvisation qui continue son chemin ou tout simplement une autre preuve d’incohérence ? En tout cas, c’est une nouvelle mauvaise manière faite au Parlement ; ce Parlement dont le pouvoir actuel ne cesse de vouloir faire croire aux Français qu’il le tient en si haute estime qu’il a révisé la Constitution pour lui garantir un rôle de premier plan dans les institutions de la République !

Vous allez devoir, encore plus qu’hier, travailler d’arrache-pied pour réparer les dégâts de la bosse financière alimentée par vos propres amis entre 2002 et 2007. L’un des ministres importants du gouvernement d’alors, je veux parler de l’actuel Président de la République, est sans doute l’un des mieux placés pour vous aider à réparer les dégâts commis puisqu’il fut l’un des ministres des finances ayant cautionné les dérives constatées aujourd’hui.

Votre projet de budget pour 2009 est un budget à l’architecture fragile, construit sur des hypothèses douteuses. En effet, c’est un trompe-l’œil qui ne tient pas compte de la catastrophique situation de nos finances. Il annonce d’ores et déjà des engagements qui ne pourront pas être tenus.

Il s’engage avec la RGPP et la « carte militaire » dans une démarche qui ne semble pas pouvoir compter sur les financements nécessaires à sa réussite. La fermeture de quatre-vingt-deux unités, le transfert de trente-trois autres, la suppression totale de 54 000 emplois militaires et civils d’ici à 2014 et, dans le même temps, le renforcement opérationnel de soixante-cinq régiments et bases militaires afin d’atteindre la masse critique recherchée constituent un effort sans équivalent dans les autres administrations françaises.

Nous doutons fort que les financements prévus suffisent à la réussite de la manœuvre. J’espère simplement que les calculs financiers de cette vaste réforme n’ont pas été faits par ceux-là mêmes qui nous avaient promis des « économies à réaliser » avec la mise en œuvre de la professionnalisation.

J’attends sincèrement que ces restructurations, qui seront réalisées dans les cinq à six années à venir et qui devraient aboutir à une réduction globale du format des effectifs de 54 000 postes, répondent au contrat opérationnel résultant du Livre blanc. Je ne voudrais pas que, chemin faisant, on reproduise la mauvaise expérience du fameux « modèle d’armée 2015 ».

Par ailleurs, permettez-moi d’y insister, j’ai les plus grandes inquiétudes quant à l’exécution du budget en cours, tant il est évident que la bonne exécution du budget de 2009 dépendra d’abord de celle du budget de 2008 : c’est là un fait incontournable. Il semblerait que le niveau des reports de charges, autour de 2,6 milliards d’euros, jette d’ores et déjà une ombre funeste sur le tableau idyllique présenté par le ministère de la défense. Nous avons auditionné les quatre chefs d’état-major, et leur inquiétude quant à l’exécution du budget 2008 résonne encore à nos oreilles comme une antienne attristée.

À quelques heures du débat parlementaire sur les crédits de la mission « Défense », le Gouvernement a fait paraître un décret portant ouverture et annulation de crédits. Voilà qui nous éloigne du climat optimiste et consensuel, dont vous parliez tout à l’heure, monsieur le ministre, qui prévalait à l’Assemblée nationale lors de l’examen de ces mêmes crédits. Plusieurs députés de l’UMP, dont les rapporteurs, avaient alors vanté un budget qui n’a pas subi d’annulations de crédits en 2008. Ainsi, le prochain projet de loi de finances rectificative viendra corriger sérieusement le budget voté en 2008 et, par la même occasion, alourdir le projet de budget pour 2009.

Malheureusement, le document du Gouvernement n’explique pas le détail de l’annulation concernée. On peut simplement remarquer que l’équipement des forces, les programmes d’armement seront bel et bien touchés ainsi que le soutien de la politique de défense.

Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous donniez le détail des programmes concernés. On peut aussi se demander s’il s’agit du dernier décret d’annulation ou s’il y aura encore des motifs de désespérer.

Une autre question s’impose donc dès à présent : le ministère sera-t-il autorisé à consommer tout ou partie des crédits de paiement reportés sur le programme « Équipement des forces » ?

En théorie, le projet de budget tend à améliorer le rapport entre dépenses opérationnelles et dépenses administratives. Leurs parts respectives de 40 % et de 60 % devraient donc s’inverser. C’est une bonne chose, mais nous aurons à cœur de procéder aux vérifications nécessaires en fin de programmation.

Avec 30,4 milliards d’euros de crédits de paiement et 1,6 milliard d’euros de ressources exceptionnelles, ce projet de budget semble, lors d’un examen rapide, raisonnablement ambitieux. Or ces fameuses ressources exceptionnelles – 1,6 milliard d’euros tout de même ! – se décomposent entre 0,6 milliard d’euros de cessions de fréquences hertziennes et 1 milliard d’euros de cessions immobilières du ministère de la défense.

Nous ferons nôtre la formule du président Jean Arthuis pour considérer que ce montage traduit « une débudgétisation difficilement supportable et un manque de sincérité ».

Des points importants dépendent de cette insincérité budgétaire : les emplois supprimés vont-ils réduire les capacités opérationnelles de nos armées ? Comment surmonterons-nous alors la déjà trop faible disponibilité opérationnelle de certains matériels, comme les aéronefs ? Comment faire pour que la France puisse assumer sans risque de rupture ou de surchauffe ses nombreuses implications dans des opérations extérieures ? Comment faire face à l’augmentation prévisible du coût des OPEX en 2009 ?

Les rapporteurs évoquent plusieurs hypothèses budgétaires dont dépend la réalisation du projet.

Nous avons parlé des « ressources exceptionnelles ». Je m’autorise pour ma part à les considérer comme exceptionnellement aléatoires.

Autre hypothèse dangereuse : la croissance du coût des OPEX, estimé à 1 milliard d’euros pour 2009. Or nous savons que les crédits inscrits dans le projet de loi de finances ne correspondent déjà probablement qu’à la moitié des dépenses réelles des opérations extérieures.

Compte tenu des engagements extérieurs de la France, en particulier de la guerre menée en Afghanistan, nous insistons pour considérer qu’il y a, en urgence, deux problèmes à résoudre en 2009 : l’amélioration de l’entraînement de nos forces et le maintien en condition opérationnelle de nos matériels.

Je souhaite aussi que, dès 2009, on prête la plus grande attention à la façon dont le Gouvernement compte aborder la question de la réduction des effectifs. Ajouter du chômage au chômage n’est sans doute pas ce que l’on peut faire de mieux au moment où notre économie nationale est mise en péril de toutes parts par les soubresauts de la crise de l’ultralibéralisme et du capitalisme débridé et à une époque où les files d’attente s’allongent aux portes de l’ANPE.

Cette restructuration exigera le déploiement d’importants dispositifs d’accompagnement des personnels. Aussi importe-t-il de maintenir un recrutement attractif, en particulier pour les militaires du rang.

Les suppressions de postes, militaires et civils, ne seront acceptées que si elles s’inscrivent dans le cadre d’une redéfinition des missions et d’un accompagnement social adapté. On ne pourra pas demander indéfiniment à nos armées de faire plus et mieux avec moins de personnel et moins de moyens.

Le projet de budget pour 2009 se fixe des objectifs très ambitieux, pour ne pas dire trop ambitieux. C’est pourquoi je vous appelle à faire montre d’un peu plus de réalisme, pour plus d’efficacité aussi.

Monsieur le ministre, les sénateurs socialistes ne sauraient cautionner votre budget, trop fragile et, à l’évidence, par trop insincère.

Il s’inscrit en effet dans une logique politique caractérisée par un alignement atlantiste irraisonné et difficilement justifiable après huit années d’une calamiteuse politique « bushiste », même si un peu d’espoir est revenu dans le monde avec la victoire du président Obama.

Il est la traduction de la seule volonté présidentielle d’un retour hasardeux dans toutes les structures de l’OTAN, sans justification réelle, hormis l’alignement idéologique évoqué ci-avant.

Il cautionne l’engagement accru en Afghanistan, que nous dénonçons encore et encore.

Enfin, il est la traduction du peu d’entrain que la présidence française a développé pour soutenir la défense européenne, malgré beaucoup d’agitation médiatique, agitation médiatique qui aura, hélas, caractérisé l’ensemble de la présidence française de l’Union au cours du semestre écoulé.

Aussi ne voterons-nous pas votre projet de budget pour 2009, en attendant de pouvoir débattre du projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, dont il aurait pourtant dû être la première traduction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Roger Romani remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La parole est à M. Joseph Kergueris.

M. Joseph Kergueris. Sans être impertinent, monsieur le ministre, et au risque de répéter ce qu’a dit notre collègue Jean-Pierre Chevènement, je pense que, en nous proposant de nous prononcer sur les crédits de la mission « Défense », vous nous conviez à un exercice un peu paradoxal. Voilà en effet le Sénat invité à voter la première année de mise en œuvre d’une loi de programmation militaire qui n’a pas encore été soumise à son approbation !

Considérant que ce projet de loi s’inspirera du Livre blanc de la défense et de nos débats du 26 juin dernier, il reste possible d’examiner le projet de budget que vous nous soumettez. Toutefois, nous vous saurons gré de bien vouloir déposer rapidement le projet de loi de programmation afin de nous sortir de cet embarras.

En attendant, je limiterai mon propos à quelques observations générales concernant les grandes lignes du projet de budget.

Il y a tout juste cinquante ans, en décidant d’instaurer une force nucléaire qui n’est plus vraiment contestée, le général de Gaulle a donné à notre pays une garantie ultime contre l’agression majeure d’un État étranger, sans doute, pense-t-on, peu imaginable de nos jours, mais toujours possible.

Aujourd’hui, la France demeure une puissance nucléaire. Il ne faut pas renoncer à ce choix. Quelles qu’en soient les modalités, c’est encore une priorité. Les crédits de la mission ne remettent pas en cause cette option, et c’est un élément tout à fait positif.

Pour ce qui concerne nos forces aériennes, le Gouvernement n’a pas perdu de vue leur indispensable modernisation. Nous maintenons en vol 300 avions de combat permettant la mise en ligne de 270 appareils, sans parler des systèmes de détection et de contrôle de type Awacs ou de notre flotte de ravitaillement et de transport.

Cependant, pour 2009, nous ne passerons commande que de 286 Rafale alors que le programme en prévoyait 294. C’est sans doute regrettable, car nous devons demeurer attentifs à l’évolution de notre armée de l’air. Elle reste une arme majeure des guerres modernes.

Permettez à l’élu breton que je suis d’en venir à notre marine. Ces jours derniers m’a été rappelée fort à propos cette phrase du cardinal de Richelieu : « Les larmes des souverains sont remplies des souvenirs de la marine oubliée. » À mon tour, je forme le vœu que la nôtre ne le soit pas.

Pourtant, avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et six sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, nous avons atteint une limite en deçà de laquelle nous ne pouvons pas descendre, sauf à mettre en jeu notre crédibilité. Il est donc souhaitable de revenir à un schéma de six sous-marins lanceurs d’engins, conformément au triptyque missions, réserves et réparation.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons nous contenter d’un seul groupement aéronaval. Un Charles-de-Gaulle, si illustre soit-il, ne peut à lui seul remplacer un Foch et un Clemenceau(Sourires.) Nous ne pouvons avoir, dix-huit mois durant, un porte-avions en cale sèche pour révision.

Puis-je vous dire que, selon des modalités à déterminer, et je sais que l’exercice est difficile, les chantiers navals bretons sont impatients de voir la France se doter d’un second porte-avions ?

Devrais-je ajouter que votre projet de budget revoit à la baisse le nombre de nos frégates multi-missions, qui passent de dix-huit à onze, ce qui est regrettable ?

Certes, même si nous, Bretons, avons le pied marin, nous avons aussi l’obligation de garder les pieds sur terre. (Sourires.) C’est pourquoi je dois reconnaître, monsieur le ministre, que vous avez engagé une indispensable modernisation de notre armée terrestre.

Nous devons nous protéger avec une force professionnelle, équipée, mobile et capable de s’engager fortement et avec efficacité.

Ne négligeons pas pour autant ce qui fait la richesse de notre armée, à savoir sa diversité. Je me souviens du débat qui a eu lieu sur la force alpine ; celle-ci a besoin d’être partie prenante à la modernisation. Nous voyons en Afghanistan à quel point la guerre de montagne demeure une réalité. À mon sens, l’entraînement à la guerre alpine constitue un élément important pour un corps expéditionnaire projetable.

Ne négligeons pas non plus l’éventualité d’un conflit conventionnel de type classique, toujours possible en Europe, comme nous l’avons vu l’été dernier avec le conflit en Géorgie. Le char Leclerc demeure un fleuron de notre arme blindée, une réussite de notre industrie d’armement. Nous devons veiller à son maintien en capacité dans notre armée de terre.

Cependant, monsieur le ministre, laissez-moi vous dire que l’objectif louable de rééquilibrage de nos finances publiques ne peut se faire de façon excessive au détriment de notre effort de défense.

Hors pensions et gendarmerie, nous ne dépensons que 1,65 % de notre PIB à la défense, contre 2,33 % pour le Royaume-Uni, même si notre effort en dépenses d’équipement est comparable.

Nous devons nous rappeler que la France demeure une puissance continentale en Europe ; cela lui crée de réelles obligations en matière de défense.

Certes, des économies sont nécessaires. Essayons de les réaliser, comme vous avez commencé à le faire, en mutualisant les services et les dépenses d’administration. Cependant, continuons à être attentifs à la situation des personnels, c’est-à-dire à celles et ceux qui donnent de leur temps, toujours, et leur vie, parfois, à la mise en œuvre de la mission « Défense » dont nous débattons aujourd’hui.

Respectons, honorons leur choix : accompagnons humainement ces femmes et ces hommes dans l’exercice de leur métier, et dans leur parcours en cas de retour prématuré à la vie civile, compte tenu de l’évolution des effectifs.

Pour conclure, monsieur le ministre, dans les contraintes financières actuelles, vos propositions budgétaires sont en deçà de ce que pouvait nous laisser espérer le Livre blanc, singulièrement en matière d’équipement des forces. Nous en prenons acte, mais nous le déplorons. Nous veillerons, avec vous j’en suis sûr, à ce que les programmes engagés soient effectivement exécutés.

Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le ministre, notre groupe soutiendra le budget de la défense. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de la défense qui nous est soumis pour 2009 est un budget ambigu, qui suscite de notre part quelques interrogations et de fortes oppositions.

D’un strict point de vue de technique budgétaire, on pourrait dire, comme vous l’affirmez, monsieur le ministre, que c’est un bon budget.

M. Hervé Morin, ministre. C’est sûr !

Mme Michelle Demessine. En effet, dans un environnement contraint, vous prévoyez de réaliser des économies et d’obtenir ainsi des marges de manœuvre qui vous permettraient de mieux équiper nos forces et d’améliorer la condition des personnels.

Toutefois, en y regardant de plus près et, de façon plus réaliste, en resituant les choses dans leur contexte, cette logique, qui a l’apparence de l’évidence, est tout à fait contestable. Il apparaît ainsi clairement que votre budget repose sur des hypothèses incertaines et, surtout, qu’il traduit une politique à laquelle nous nous opposons dans ses principales orientations.

Votre budget est également ambigu car on comprend mal sa place dans la chronologie budgétaire qui structure la défense nationale. Un grand nombre des mesures que nous examinons aujourd’hui sont directement issues de la révision générale des politiques publiques, mais elles sont surtout issues de la mise en place des orientations stratégiques et capacitaires du Livre blanc par la prochaine loi de programmation militaire dont nous n’avons pas encore discuté.

Avec 47,8 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, 37,4 milliards d’euros de crédits de paiement et 5,4 % d’augmentation des ressources totales, hors pensions, la mission « Défense » est l’un des premiers budgets du Gouvernement. En matière d’équipement des forces, avec 10 % d’augmentation, c’est aussi le premier budget d’investissement de l’État.

Cependant, on ne peut qu’être sceptique sur les possibilités réelles d’application de ce budget, dans la mesure où il a été élaboré avant que la crise financière mondiale bouleverse toutes les données.

Certes, vous avez défini des objectifs d’équipement plus réalistes, conformément au nouveau modèle d’équipement issu du Livre blanc, et vous avez revu à la baisse les contrats opérationnels de nos armées.

Mais vous faites surtout le pari de financer les équipements nouveaux par la réduction draconienne des dépenses de fonctionnement qui résultera de la suppression de 54 000 postes d’ici à 2015, dont 8 390 pour la seule année 2009.

Avec cette saignée, vous escomptez faire 2,7 milliards d’euros d’économies, auxquels s’ajouterait un milliard d’euros provenant de la restructuration de nos implantations.

C’est dire à quel prix seront, dans un premier temps, réalisées ces économies : des territoires sinistrés par la suppression ou le départ de certaines unités, des emplois supprimés sur ces territoires et, sur le plan industriel, des programmes annulés ou étalés, comme le second porte-avions, les véhicules blindés de combat d’infanterie, les hélicoptères Tigre ou bien encore les frégates multi-missions.

Vous le savez parfaitement, monsieur le ministre, la restructuration de la carte de nos implantations induit d’abord des coûts importants en dépenses d’infrastructures et en accompagnement social et territorial. Je crains donc que les économies espérées ne se traduisent l’année prochaine par des surcoûts.

En tout état de cause, toutes les économies qui sont attendues de la réorganisation et de la réforme de votre ministère auront automatiquement des incidences, souvent négatives, à tous les niveaux : sur le volume et la structure des forces, sur les équipements et la situation des personnels, tant civils que militaires, sur le soutien, ou encore sur le maintien en condition opérationnelle.

C’est la raison pour laquelle nous serons particulièrement vigilants, au cours de l’exécution de ce budget, sur les économies que vous nous annoncez et nous vérifierons qu’elles sont bien là et qu’elles sont totalement réinvesties dans les équipements, comme vous vous y êtes engagé à la suite des promesses du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Nous serons également vigilants sur les mesures d’accompagnement des territoires et d’accompagnement social et nous vérifierons qu’elles correspondent réellement aux besoins et aux promesses annoncées.

Je comprends la grande inquiétude des personnels civils, particulièrement touchés par la restructuration des implantations. Leur reclassement est beaucoup plus difficile que pour les militaires. Une priorité de maintien sur les sites, auprès des armées ou dans la fonction publique territoriale, doit vraiment leur être garantie.

Les ressources exceptionnelles extrabudgétaires me semblent également aléatoires et incertaines. Il est, en effet, aventureux de prétendre résorber la « bosse » budgétaire engagée par votre prédécesseur sur des programmes non financés en faisant reposer son financement sur des cessions d’actifs calculées avant la crise du marché immobilier !

Il en va de même de la cession des fréquences électromagnétiques à des opérateurs de téléphonie mobile. Je souhaite que l’on ne brade pas ces fréquences et que cette opération ne se transforme pas ainsi en aubaine pour des groupes avides de rentabiliser immédiatement leurs investissements.

Au-delà de l’aspect technique de l’utilisation de vos crédits, monsieur le ministre, nos critiques portent sur la politique que vous mettez en œuvre à travers ce budget. Parmi les aspects que nous critiquons particulièrement se trouve la trop grande place accordée à la dissuasion nucléaire. Nous admettons qu’il est nécessaire d’assurer le niveau de crédibilité de notre système de dissuasion, mais nous pensons que votre politique, en ce domaine, n’est pas conforme au principe de stricte suffisance.

Vous ne vous contentez pas de moderniser nos armements nucléaires : à l’instar de vos prédécesseurs, vous continuez à les développer.

Ainsi, les crédits destinés à la dissuasion représentent 23 % des crédits d’équipement de nos forces et progressent fortement en raison de la conclusion de plusieurs contrats résultant de décisions prises au cours des années antérieures.

C’est pourquoi nous restons opposés à la construction d’un quatrième sous-marin nucléaire lance-engins, ainsi qu’aux missiles M51 qui l’équiperont en 2010.

Sur le fond, nous pensons que, dans les conditions actuelles, la dissuasion nucléaire n’est plus la clef de voûte de notre sécurité et que les armes nucléaires ne sont plus adaptées aux menaces du monde d’aujourd’hui. Elles sont, par exemple, inefficaces pour lutter contre les terroristes et les États qui les protègent.

La politique de développement des armements nucléaires que vous menez est encore moins pertinente pour lutter contre la prolifération. Elle incite, au contraire, à la course aux armements, alors que celle-ci doit être combattue de façon multilatérale par la diplomatie, en prenant des initiatives fortes auprès des instances internationales de concertation que sont le Conseil de sécurité de l’ONU ou son organisme de contrôle, l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons fortement que la France fasse des propositions ambitieuses de désarmement lors de la prochaine conférence de révision du traité de non-prolifération nucléaire, prévue à New York en 2010.

Être vraiment crédible et efficace dans la lutte contre le terrorisme et la prolifération nucléaire nécessiterait, au contraire, d’augmenter beaucoup plus sensiblement que vous ne le faites les crédits affectés à la recherche et à l’espace militaire, pour développer nos capacités autonomes de renseignement et d’observation.

Pour assurer l’autre pilier de nos armées à côté de la dissuasion, le modèle issu du Livre blanc fait des forces projetables sur des théâtres d’opérations extérieures une priorité. Cela explique certainement que le coût des OPEX ait explosé en 2008, pour atteindre plus de 800 millions d’euros, alors que vous aviez initialement prévu 460 millions d’euros.

Nous apprécions que vous ayez obtenu une augmentation plus réaliste de la provision pour 2009 et, surtout, que le financement de ces opérations soit désormais assuré par une réserve interministérielle, qui mettra fin à un financement par le seul budget de la défense.

Cependant, face à cette inflation, il convient d’élargir la réflexion sur le sens et la légitimité de nos interventions, car elles risquent, comme en Afghanistan, de se transformer en actions de guerre contre un ennemi difficilement identifiable et de ne plus se limiter au maintien de la paix. C’était le sens de notre refus de voter le renforcement de notre contingent dans ce pays, parce que nous considérions que vous acceptiez sans aucune condition les demandes américaines qui changeaient la nature de cette opération.

Nous continuerons à refuser que notre pays participe à des interventions extérieures sans un mandat explicite de l’ONU. Sinon, ce sont des opérations qui portent atteinte aux valeurs de la Charte des Nations unies et au multilatéralisme qui est aujourd’hui, plus que jamais, une condition nécessaire pour régler les conflits.

Il devient donc urgent et impératif de déterminer si le coût de toutes nos interventions extérieures est en adéquation avec des priorités politiques définies en concertation avec la représentation nationale. Nous ne pensons pas qu’une telle adéquation existe. Aussi, nous vous demandons d’associer étroitement le Parlement à la réflexion que vous menez actuellement sur les redéploiements et la réduction de notre présence sur ces théâtres d’opération.

Concernant l’OTAN et l’Europe de la défense, l’affirmation du Président de la République, aux termes de laquelle un retour dans le commandement militaire intégré de l’OTAN est conditionné à des résultats tangibles dans la relance de l’Europe de la défense, nous paraît être un leurre pour masquer un alignement de fond sur la politique extérieure des États-Unis.

L’OTAN est en effet devenue une organisation sans doctrine, servant uniquement les intérêts stratégiques des Américains. C’est flagrant au vu de la politique d’élargissement effréné menée par cette organisation en direction des anciens pays du bloc soviétique, qui, vous le savez, est vécue par la Russie comme une véritable provocation.

On pourrait dire la même chose en ce qui concerne le projet de bouclier antimissile, qui est loin de faire consensus au sein des pays de l’Alliance atlantique.

Le bilan de la relance de l’Europe de la défense, qui était l’une des quatre priorités de la présidence française de l’Union, risque tout compte fait d’être bien mince à la fin du mois de décembre.

L’annonce de nombreux projets, faite à la suite de la réunion informelle des ministres européens de la défense à Deauville, cache mal l’absence de réels progrès politiques : ceux-ci ne seront pas possibles tant que vous n’aurez pas réussi à convaincre les Britanniques de l’utilité de la PESD, et d’autres pays de s’affranchir de l’OTAN pour assurer leur défense.

Dans le domaine des industries de l’armement, vos progrès sont d’une autre nature puisqu’ils visent essentiellement à préserver les intérêts financiers des grands groupes.

Le rôle de l’Agence européenne de défense, qui devrait impulser la coopération entre les industries de défense, restera malheureusement mineur. En revanche, vous poussez à une recomposition de ces industries sur une base essentiellement financière en favorisant les regroupements, les fusions et les prises de participation, ce qui aboutira à briser leur identité ainsi que leur cohérence industrielle et à abandonner notre maîtrise publique et nationale sur celles-ci. Nous en avons des exemples concrets et inquiétants avec ce que vous préparez dans le domaine de la construction navale avec DCNS, dans celui de l’armement terrestre avec Nexter, ou encore avec les combustibles fabriqués par la Société nationale des poudres et explosifs, la SNPE.

Ainsi, je suis tout particulièrement inquiète de l’avenir de DCNS. Certes, le plan de charge semble assuré pour plusieurs années. Mais n’oublions pas que, par exemple, les contrats de construction des sous-marins comportent plus de 80 % de transferts de technologie, ce qui aura à terme des répercussions sur l’emploi en France. De plus, lors du dernier comité d’entreprise, plusieurs scénarios d’étalement des programmes ont été présentés par la direction ; ils auront aussi des conséquences sur l’emploi. Enfin, et surtout, la privatisation de DCNS est clairement inscrite dans la prochaine loi de programmation militaire. La proposition de modifier son statut pour autoriser la création de filiales et permettre ainsi à l’État de ne plus être majoritaire est bien la preuve que vous avez abandonné toute volonté de souveraineté nationale sur nos industries d’armement. À cet égard, vous pouvez d’ores et déjà être assuré de notre ferme opposition à ces mesures lorsque nous examinerons la nouvelle loi de programmation militaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, puisqu’un budget est la traduction d’une politique, le groupe CRC-SPG s’opposera à la vôtre en votant contre les crédits de la mission « Défense » pour 2009.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, je voudrais réagir aux interventions de mes collègues, que j’ai écoutées avec beaucoup d’attention et d’intérêt. Je me concentrerai sur deux d’entre elles, celle de mon ami Jean-Pierre Chevènement et celle de Didier Boulaud, avant d’indiquer la conclusion que m’inspire notre débat.

Monsieur Chevènement, je vous le dis en toute amitié, je crois que l’on ne peut pas parler d’une « petite armée » destinée à faire des OPEX.  Lorsque, dans les années à venir, nos forces seront engagées, je pense qu’elles le seront nécessairement à l’extérieur de notre territoire : c’est l’« arc de crise », comme on dit maintenant, qui nous y contraindra.

Monsieur Boulaud, nous sommes présents en Afghanistan,…

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. …à la suite d’une intervention qui a été décidée conjointement, sous la cohabitation, par le Premier ministre de l’époque…

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. …et par le Président de la République, et que d’ailleurs les assemblées ont ratifiée récemment. Je ne voudrais pas, mon cher collègue, déformer votre propos en vous demandant s’il faut en déduire que, ce que vous nous demandez, c’est le retrait de nos troupes de l’Afghanistan ; au fond, cela aurait sa logique ! Mais, si elles y sont, c’est pour mener la mission qui leur a été confiée…

M. Jean-Louis Carrère. Elle a changé !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. …et qui est de se battre pour mettre en place un État afghan, pour créer des conditions qui, demain, nous permettront effectivement de nous retirer. La cause que nous défendons là-bas, c’est tout de même celle de la lutte contre le terrorisme, contre le totalitarisme et contre l’obscurantisme rétrograde, soit dit en passant.

Les opérations extérieures ont de l’importance pour nous, car, cela a été rappelé, elles sont la conséquence de notre responsabilité en tant que membre du Conseil de sécurité. Et je crains bien, cher Jean-Pierre Chevènement, que nous n’en ayons encore un certain nombre à mener, parce que le monde dans lequel nous vivons nous y contraindra !

Reste à savoir s’il faut les mener partout et, sur ce point, je vous suis : que ce soit en Côte d’Ivoire ou au Kosovo, j’espère que nous pourrons réduire la voilure le plus vite possible. Pour autant, vous ne savez pas, ni moi non plus, si nous ne serons pas amenés, compte tenu de l’instabilité qui existe en Afrique, à intervenir de nouveau dans ces contrées pour y maintenir la paix. En tout cas, la mission que nous menons au Tchad est nécessaire, je le crois, pour éviter des affrontements beaucoup plus graves.

S’agissant de l’armée de conscription, j’ai vécu la même expérience que vous, mon cher collègue : vous et moi avons fait un service militaire, même si ce n’était pas exactement dans les mêmes conditions. Je n’ai pas gardé de la conscription l’idée qu’elle puisse, aujourd’hui, être compatible avec l’armée. En effet, l’armée de 2008 est une armée de spécialistes, une armée qui requiert l’utilisation d’armes extrêmement sophistiquées. Je ne crois pas que la conscription soit en mesure d’y répondre.

Au demeurant, mon cher collègue, vous avez participé à un gouvernement : lorsque a été décidée l’expédition en Irak, il n’a pas été question d’y envoyer des conscrits. Il me semble qu’aucun chef de l’État, aujourd’hui, ne pourrait envoyer en opération extérieure des hommes issus de la conscription.

Monsieur Boulaud, vous avez évoqué un « héritage calamiteux ». Cher collègue, je n’aime pas beaucoup la polémique en matière de défense nationale. La défense nationale, c’est notre bien commun, c’est notre sécurité, et je souhaiterais que nous puissions, d’une certaine manière, avoir un consensus le plus large possible et le plus durable possible. Vous m’obligez malheureusement, quand vous mentionnez l’héritage calamiteux du quinquennat précédent,…

M. Hervé Morin, ministre. Parlons du leur !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. …à vous rappeler que, s’il y a eu un moment calamiteux,…

M. Jean-Louis Carrère. …À cause du Front populaire !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. …c’était bien sous le gouvernement de M. Jospin !

M. Alain Gournac. Voilà la vérité !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Et cet inventaire, je vous le promets, sera fait lors de l’examen de la loi de programmation militaire.

M. Alain Gournac. Nous le ferons !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Nous nous livrerons à cet exercice, et nous analyserons comment ont été exécutées les lois de programmation précédentes.

Si, aujourd’hui, la « bosse » est assez considérable, c’est que durant cinq ou six années les budgets de la défense ont été laminés et les programmes reportés, si bien que la loi de programmation militaire n’a pu être exécutée dans le respect des ambitions qui avaient été fixées. Les retards que nous avons alors accumulés atteignent tout de même près de 8 milliards d’euros !

Mon cher collègue, il faut être extrêmement prudent quand on dresse des réquisitoires et être sûr que l’on n’a absolument rien à se reprocher. Ce gouvernement-là, mon cher ami, vous l’avez soutenu de vos votes, comme j’ai soutenu de mes votes les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin. Et si, aujourd’hui, le retard est loin d’être comblé, vous me concéderez que ces deux gouvernements ont consenti un effort considérable pour œuvrer en ce sens.

J’aurais également aimé que l’on rappelle ce que le ministre de la défense a obtenu, et qui n’est pas négligeable : toutes les économies qui seront réalisées par son ministère dans le cadre de la RGPP seront consacrées à l’exécution du budget de la défense. Aucun de ses prédécesseurs n’avait obtenu de résultat de cette nature !

J’espère, monsieur le ministre, que ces ressources exceptionnelles vous permettront de réaliser les programmes d’équipement, puisque c’est à cela qu’elles sont affectées – encore une innovation ! Nous savons néanmoins que la conjoncture est incertaine et qu’il n’est pas exclu que cela ne se réalise pas. Je souhaite de tout mon cœur que ce sera possible.

L’objectivité me conduit à dire que le budget que vous nous présentez est un budget lucide, un budget courageux. C’est pourquoi, pour ma part, je souhaite que nous le votions. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, il apparaît que, si nous poursuivions maintenant l’examen des crédits de la mission « Défense » – le ministre n’y serait pas hostile –, le vote pourrait intervenir aux environs de vingt et une heures quarante-cinq. S’il n’y a pas d’opposition, nous procéderons ainsi. Dans le cas contraire, bien sûr, je suspendrai la séance.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Dans ces conditions, je donne la parole à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2009 s’inscrit dans un contexte rendu difficile par la crise financière internationale et ses conséquences économiques, et certains observateurs expriment des doutes sur l’adéquation du projet de budget de la défense pour 2009 à cette nouvelle situation économique.

Je voudrais tout d’abord indiquer au Sénat que la mission « Défense » dont il examine aujourd’hui les crédits est une mission qui participe à la relance de l’activité économique et que je vois plutôt dans ce projet de budget la confirmation des choix que nous avons faits en faveur de l’équipement, au prix d’un immense effort sur le fonctionnement. M. de Rohan l’a rappelé, nous avons obtenu un résultat exceptionnel – je crois pouvoir affirmer que cela ne s’était encore jamais produit dans l’histoire de la Ve République – puisque les économies que nous effectuons sur le fonctionnement sont réaffectées en totalité à l’investissement ou à l’amélioration de la condition du personnel.

L’impact de la mission « Défense » est important. En effet, l’industrie de défense représente 165 000 emplois directs et au moins autant d’emplois indirects, et un chiffre d’affaires de 15 milliards à 16 milliards d’euros. Ses sites de production sont implantés sur le territoire français, ce qui signifie que l’intégralité de la dépense publique va soutenir l’économie nationale. La défense dépense également environ 1,2 milliard d’euros par an pour les infrastructures, ce qui irrigue, sur tout le territoire, les grands groupes du BTP, certes, mais aussi des PME.

L’investissement de défense est donc une composante déterminante de l’investissement public dont le dynamisme doit permettre, en 2009, d’atténuer les effets de la crise. Ces flux profitent à de grands donneurs d’ordre, mais aussi à un tissu très important de petites et moyennes entreprises, directement ou au titre de la sous-traitance ; ils irriguent d’autres secteurs que l’armement, ne serait-ce que par le biais des crédits de recherche duale : on sait bien qu’une grande partie des crédits de recherche consacrés aux sujets relevant de la défense ont aussi des conséquences sur les programmes civils. Je l’affirme devant le Sénat, la défense est en mesure de participer au plan de relance que le Président de la République et le Gouvernement annonceront très prochainement.

Avant d’aborder le projet de budget lui-même, je rappellerai le contexte et les étapes de l’élaboration du budget triennal, ce qui me donnera l’occasion de répondre à certaines observations.

Le Livre blanc a marqué la première de ces étapes. En définissant les missions, les formats et les contrats opérationnels des armées, il a reconfiguré nos besoins et les a hiérarchisés pour une période de douze à quinze ans. Vous affirmez, monsieur Chevènement, que nous sommes en train de mettre sur pied « une petite armée de projection », pour reprendre vos termes. Pourtant, et le Président de la République lui-même l’a souligné, le contrat opérationnel précédent était virtuel ! Celui qui a été fixé dans le Livre blanc, au contraire, permet à la France de rester une grande puissance militaire : une capacité de projection de l’armée de terre de 30 000 hommes sur un théâtre majeur, 5 000 hommes sur un théâtre secondaire, 70 avions de combat sur le long terme sur un théâtre extérieur, un groupe aéronaval, un groupe amphibie…

Jamais depuis 1945 – c’est un fait historique – la France n’a déployé 30 000 hommes sur un théâtre d’opération extérieur.

M. Jean-Louis Carrère. Elle ne le peut pas !

M. Jean-Pierre Chevènement. En Indochine et en Algérie !

M. Hervé Morin, ministre. Si vous comparez les guerres coloniales avec des interventions de ce type, le débat peut encore continuer longtemps, monsieur Chevènement.

M. Alain Gournac. L’Algérie, c’était la France à l’époque !

M. Hervé Morin, ministre. Nous avons donc encore une capacité militaire majeure.

Ce contrat opérationnel, parfaitement comparable à celui de l’armée britannique, fait de la France une des quatre grandes puissances militaires globales.

Deuxième étape, nous avons fixé une trajectoire de ressources dite de « zéro volume » jusqu’en 2011, c’est-à-dire qui progresse comme l’inflation, puis augmentant de 1 % en volume à partir de 2012. Le Livre blanc a aussi établi le principe du financement des besoins, et notamment de la « bosse », monsieur Boulaud, c'est-à-dire du pic de besoins d’équipements sur la période 2009-2011, par des ressources exceptionnelles qui s’ajoutent aux crédits budgétaires.

Sans vouloir politiquer, parce que cela n’a jamais été le sens de nos débats, en dix-huit mois – M. de Rohan a raison – la loi de programmation 1997-2002, élaborée par un gouvernement que vous souteniez, a été si mal exécutée que c’est une année de budget entière qui est passée aux oubliettes !

M. Didier Boulaud. Qui était le chef des armées ?

M. Jean-Louis Carrère. Il ne s’en souvient pas !

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Alain Richard !

M. Hervé Morin, ministre. Le budget a été présenté par un Gouvernement au Parlement et il a été voté par une majorité !

Par ailleurs, même si, en effet, –  et je vais aller un peu dans votre sens – les évolutions de dépenses étaient difficilement soutenables sur le long terme, l’effort qui a été réalisé entre 2002 et 2007, dans un contexte budgétaire et économique difficile, mérite d’être souligné, parce qu’il a permis, sur nombre de sujets, d’effectuer un rattrapage considérable. Dois-je rappeler, par exemple, l’état de disponibilité opérationnelle du matériel au début des années 2000, notamment des sous-marins nucléaires d’attaque ?

Troisième étape, dans le même temps, la réforme du ministère portant principalement sur notre dispositif d’administration et de soutien, qui se traduit, en effet, par d’importantes réductions d’effectifs, 54 000 au total, nous a donné des marges de manœuvre supplémentaires pour financer la condition des personnels et l’équipement des forces. Ces marges de manœuvre représenteront, en dépit du coût des restructurations, entre 3 milliards et 3,5 milliards d’euros cumulés sur la période de la loi de programmation.

Monsieur Guené, ce chiffre de 54 000 suppressions de postes est bien la somme des 36 000 suppressions de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, sans celles qui sont associées aux externalisations, et des 18 000 du Livre blanc liées à la réduction du format et au nouveau contexte géostratégique.

Nous procéderons à ces externalisations sur des fonctions de soutien, et essentiellement sur les fonctions alimentation et infrastructures, dans la deuxième partie de la loi de programmation militaire, après avoir mené un certain nombre d’expérimentations.

Par ailleurs, l’armée de terre ne représente que 11 000 des 18 000 postes du Livre blanc et ces chiffres englobent eux aussi une part de soutien, ce qui explique que leur impact sur le volume des forces projetables soit limité.

Enfin, l’effort demandé à la marine, comme aux autres armées, est important, mais les perspectives de rationalisations fonctionnelles, notamment issues du regroupement à Balard de l’ensemble des états-majors, rendent l’objectif atteignable pour une armée qui a toujours fait preuve d’agilité et d’imagination en matière d’administration et de soutien.

Je connais le discours de l’état-major de la marine selon lequel la réorganisation et la restructuration ayant déjà été menées, on ne peut pas en demander autant.

M. Hervé Morin, ministre. D’ailleurs, on en demande moins à la marine qu’à l’armée de l’air, par exemple,…

M. Jean-Louis Carrère. On en demande trop !

M. Hervé Morin, ministre. …qui n’avait pas pu mener les restructurations qu’elle souhaitait, à la suite de la réduction du format de notre aviation de combat.

Monsieur Trucy, c’est cette réévaluation systématique des contrats opérationnels, des formats, des programmes d’armement et de notre organisation administrative qui permet de diminuer nos besoins de financement et donc de réduire la fameuse bosse.

Vous m’avez interrogé sur la façon dont nous avions procédé. Cette bosse, qui était de 5 à 6 milliards d’euros sur la prochaine loi de programmation militaire, a été réduite par l’effort conjugué portant sur tous ces sujets.

Quels sont les traits caractéristiques du budget triennal ? C’est une priorité de l’État, la masse salariale a été contenue et, enfin, ce budget marque un effort d’équipement considérable.

En effet, la loi de programmation militaire n’est pas votée alors que ce budget correspond à sa première année d’exécution. Néanmoins, ce projet de loi de programmation militaire a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale et il peut donc être consulté. Par ailleurs, nous nous n’inscrivons désormais dans des budgets de trois ans et, quoi qu’il arrive, le cap est fixé par ce budget 2009.

Première caractéristique : la défense est une priorité du budget de l’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, la trajectoire financière définie par le Livre blanc déroge à la norme appliquée aux autres ministères puisque, compte tenu de la progression de la charge de la dette et des pensions, c’est plutôt le maintien en valeur qui est la référence, voire la baisse des crédits pour certains d’entre eux.

Au-delà de cette trajectoire, la défense bénéficiera aussi d’un financement complémentaire pour le pic de besoins relatifs aux équipements, la fameuse bosse résiduelle, d’un montant de 1,7 milliard d’euros sur trois ans, dont un peu plus de 1 milliard d’euros sur l’année 2009.

Les ressources totales de la mission « Défense » hors pensions augmenteront en 2009 de 1,6 milliard d’euros, soit 5,4 %, pour atteindre un total dépassant légèrement 32 milliards d’euros, contre 30,4 milliards d’euros en 2008, à structure de budget totalement comparable.

Monsieur Chevènement, votre norme OTAN n’est pas la mienne. Nous ne sommes en effet pas à 1,6 %...

M. Jean-Pierre Chevènement. Parce que vous prenez les pensions !

M. Hervé Morin, ministre. Oui, mais le système de pensions britannique n’est pas le même que le système français.

M. Jean-Pierre Chevènement. Raisonnons hors pensions !

M. Hervé Morin, ministre. Raisonnons hors pensions et hors charges salariales. Si vous examinez la part respective consacrée à l’équipement des forces au Royaume-Uni et en France, vous constaterez qu’elle est équivalente, à quelques centaines de millions d’euros près, parce que le volume des rentes de conjoints survivants, les RCS, au Royaume-Uni est nettement plus important qu’en France. Par conséquent, la différence d’effort en matière d’équipement entre le Royaume-Uni et la France est de 500 à 600 millions d’euros, ce qui, reconnaissons-le, n’est pas considérable.

L’augmentation des ressources totales de la mission « Défense » hors pensions proviendra, en partie, de recettes exceptionnelles émanant de cessions d’actifs immobiliers ainsi que de cessions de fréquences résultant du réaménagement du spectre électromagnétique au titre du dividende numérique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces recettes – j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises – sont parfaitement sanctuarisées, parce qu’elles sont inscrites dans deux comptes d’affectation spéciale et qu’elles peuvent être reportées d’une année sur l’autre si elles ne sont pas consommées en totalité et, comme l’indique la LOLF – je parle sous le contrôle du président de la commission des finances du Sénat –, ces comptes d’affectation spéciale ne peuvent pas faire l’objet de mesures de régulation.

Par conséquent, avec cette somme de 1,6 milliard d’euros, qui est identifiée et sanctuarisée et avec le système de financement qui a été prévu, c’est-à-dire avec un portage nous permettant de bénéficier dès maintenant de la trésorerie, nous avons les moyens de mener les programmes.

Quant aux fréquences, monsieur Pintat, la crise ne modifie pas les perspectives de développement de moyen terme de la téléphonie et de l’internet mobile et ce sont bien ces tendances de fond qui conduisent à réaménager le spectre et la défense à valoriser au mieux ses actifs.

Il est exact que la maîtrise de ce processus appartient non pas au ministère de la défense, mais au Premier ministre, compte tenu de la forte dimension interministérielle de ce dossier, et c’est précisément un arbitrage du Premier ministre qui a déterminé ce montant de 600 millions d’euros en 2009. Je suis donc confiant et serein, nous pourrons bénéficier de ressources exceptionnelles pour les années suivantes.

Quant au partenariat public-privé éventuel dans les satellites de télécommunication, il ne s’agit pour l’instant que d’études. Je souhaite précisément savoir quelles en seront les conséquences et c’est à partir de ces études que nous prendrons les décisions. Cependant, les ressources exceptionnelles ont été actées en conseil de défense par le Président de la République et elles seront donc inscrites au fur et à mesure des besoins.

Je remercie au passage le Sénat d’avoir exonéré de contribution au désendettement les produits de cessions immobilières de la défense jusqu’au 31 décembre 2014, car cette ponction, de l’ordre de 150 millions d’euros, aurait été très préjudiciable à la réalisation du plan d’infrastructures prévu par la loi de programmation militaire.

Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas gagné !

M. Hervé Morin, ministre. Je le dis par anticipation, si d’autres amendements venaient à être déposés dans la suite de la discussion budgétaire, toute cession à titre gratuit au-delà du dispositif proposé par le Gouvernement aurait un impact sur la réalisation de la loi de programmation militaire, vous devez en avoir conscience.

La deuxième caractéristique majeure de ce budget, c’est la maîtrise de la masse salariale.

Pour la première fois dans l’histoire récente du ministère, vous l’avez dit, monsieur Dulait, la masse salariale ne progressera pas. S’agissant de la mission « Défense », elle va même diminuer, pour s’établir à 11,7 milliards d’euros, tout en permettant un effort exceptionnel sur la condition des personnels civils et militaires. En effet, les quelque 8 400 suppressions d’emplois auxquelles nous procéderons vont nous permettre de mener un plan d’amélioration de la condition militaire sans précédent : 74 millions d’euros pour les militaires et 15 millions d’euros pour les civils, à due proportion de ce qu’ils représentent dans le ministère.

Ces mesures permettront un repyramidage des rémunérations et une amélioration de la condition militaire. Je prendrai un exemple : pour un capitaine, cela représentera au début de l’année 2011 entre deux et trois mois de solde supplémentaires par an et pour les grades les moins avantagés dans le cadre de ce repyramidage, cela équivaudra à au moins un mois de solde. C’est loin d’être négligeable et c’est assez rare pour être souligné.

Nous financerons aussi le plan d’accompagnement social des réformes à hauteur de 140 millions d’euros en 2009. Monsieur Dulait, 550 emplois seront réservés au titre du ministère de la défense et 11 000 seront ouverts dans le cadre de l’interministériel.

Monsieur Dulait, vous avez raison, les réductions d’effectifs ne doivent pas nous empêcher de continuer à recruter afin de pouvoir bénéficier des compétences dont nous avons besoin sur le long terme. En 2009, le ministère de la défense recrutera 21 000 militaires et environ 1 300 civils.

Troisième caractéristique, vous l’avez tous souligné, notre effort d’équipement sera considérable, puisqu’il atteindra 17 milliards d’euros en 2009, contre 15,4 milliards d’euros en 2008. En outre, nous disposerons d’autorisations d’engagement pour passer 10,2 milliards d’euros de nouvelles commandes globales : 60 rafales, 3 FREMM, 332 VBCI. Ces commandes globales permettent de donner de la visibilité aux entreprises et sont aussi la conséquence de la révision des contrats que nous avons engagée. Cette visibilité est intéressante pour les industriels et elle nous permet de négocier dans les meilleures conditions l’ensemble de ces contrats. En outre, sur le programme Rafale, nous faisons en sorte que l’industriel soit en mesure d’avoir les commandes minimales lui permettant de maintenir sa ligne de production.

La priorité accordée à la fonction « connaissance et anticipation » et à l’espace se concrétisera dès 2009 par le lancement de la phase de conception du système successeur d’Hélios, le programme européen Musis. J’ai signé la lettre d’intention avec mes collègues européens le 10 novembre dernier à Bruxelles.

J’en profite pour ajouter que, contrairement à ce que certains d’entre vous ont pu prétendre, le bilan de la présidence française est extrêmement positif. Tous mes homologues européens le reconnaissent : elle aura marqué une réelle relance de la politique européenne de sécurité et de défense. Nous avons décidé des avancées extrêmement significatives sur toute une série de sujets concrets : capacité militaire, programmes de recherche, Erasmus militaire, plans d’évacuation des ressortissants européens.

Nous progressons même avec les Britanniques. Je me permets d’observer qu’une opération européenne sera menée pour la première fois sous commandement britannique à partir du centre de commandement de Northwood, sur le sol britannique.

M. François Trucy, rapporteur spécial. Ah oui !

M. Hervé Morin, ministre. Cela prouve que l’Europe de la défense avance partout…

M. François Trucy, rapporteur spécial. …même en Grande-Bretagne !

M. Hervé Morin, ministre. …même chez nos partenaires traditionnellement les plus réticents.

La prochaine loi de programmation militaire sera également l’occasion d’un effort sans précédent en faveur du renseignement, qu’il s’agisse du renseignement humain, avec 700 créations d’emploi, du renseignement image, avec Musis, ou du renseignement électromagnétique, avec le programme Capacité de renseignement électromagnétique spatiale, CERES.

J’ajoute, monsieur Kergueris, qu’il n’aurait pas été raisonnable de lancer maintenant le groupe aéronaval. Cela aurait forcément affaibli d’autres programmes. Il nous faut raisonner en termes de capacité militaire globale. La décision sera prise le moment venu, en 2011 ou en 2012, en fonction des capacités budgétaires du pays. Lancer un tel programme aujourd’hui ne pourrait que nuire aux autres actions.

S’agissant du nucléaire, je préciserai à Mme Demessine, en répondant par la même occasion à M. Chevènement, que les programmes développés aujourd’hui – vous comprendrez que je n’entre pas dans les détails – nous offrent une souplesse incomparable. Je me permets de vous signaler que nous disposerons des missiles M51 à compter de 2010. Ils équiperont notamment Le Terrible, qui sera admis au service actif cette année-là. Nous poursuivons par ailleurs le programme « Tête nucléaire océanique », TNO, qui sera admis au service actif en 2015. Avec le programme du missile « air-sol moyenne portée amélioré », programme ASMPA, nous continuons également nos efforts sur la composante aéroportée.

La France continue donc toujours d’améliorer sa capacité de dissuasion grâce à toute une série de programmes de nature à lui offrir en termes d’options cette souplesse que vous réclamez. Comme vous, je pense effectivement que le glaive finit toujours par l’emporter sur le bouclier.

Je soulignerai également nos efforts en matière de maintien en condition opérationnelle, le MCO. Comme M. Carrère l’a remarqué, l’amélioration des taux de disponibilité du matériel passe par un effort budgétaire – cet effort se concrétise par une progression de 8 % en 2009 – mais également par des réformes de structure, engagées notamment sur le MCO terrestre.

Je soulignerai enfin l’importance de l’engagement de nos forces. En témoignent le nombre et le format des opérations extérieures, les OPEX : 13 000 femmes et hommes représentent la France dans des régions parfois très dangereuses. Comme M. Dulait, je pense que certains commentaires entendus à la suite du drame de la vallée d’Uzbin étaient particulièrement déplacés.

M. François Trucy, rapporteur spécial. Oui !

M. Hervé Morin, ministre. J’estime également qu’ils démontrent probablement une méconnaissance du sens de l’engagement et de ce que représente aujourd’hui le monde militaire.

M. Alain Gournac. Effectivement !

M. François Trucy, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Hervé Morin, ministre. Le financement de ces OPEX est un sujet récurrent – vous en avez tous beaucoup parlé. Comme vous l’avez constaté, nous continuons à augmenter la provision prévue. Elle passera effectivement de 460 millions à 510 millions d’euros entre 2008 et 2009. Je vous confirme que cette provision augmentera encore de 60 millions d’euros par an en 2010 et 2011 et que j’ai obtenu du Premier ministre la mise en place, pour la prochaine loi de programmation militaire, d’un mécanisme de financement interministériel qui mettra fin au financement des OPEX par les crédits d’équipement.

Chacun mesurera ici ce que représente cette avancée. Je vous le rappelle : voilà dix ans, la totalité des OPEX était financée sur les crédits d’équipement par redéploiement en fin d’année.

Dès le collectif de fin d’année 2008, monsieur Reiner, dont vous allez bientôt débattre, la contribution des crédits d’équipement sera fortement réduite par rapport aux années précédentes, monsieur Boulaud. Elle s’élèvera en effet à moins de 100 millions d’euros, contre 272 millions d’euros en 2007, alors même que le coût des OPEX a augmenté de 25 % entre 2007 et 2008.

S’agissant des reports de crédits, il est aujourd’hui trop tôt pour répondre, monsieur Pintat. Je pense cependant que nous aurons d’assez bonnes nouvelles.

Je ferai prochainement des propositions au Président de la République afin de réduire notre empreinte et notre dispersion sur certains théâtres. Faut-il maintenir un tel niveau d’engagement en Côte d’Ivoire ? Faut-il maintenir un tel niveau d’engagement au Kosovo ? Faut-il encore maintenir l’opération Althéa en Bosnie ? Faut-il, enfin, maintenir des forces – quelques dizaines de personnes – dans le Sinaï ?

M. Hervé Morin, ministre. Il me semble que la France pourrait significativement réduire sa présence sur un certain nombre de théâtres sans remettre en cause ses engagements internationaux. Cet ajustement se fera en concertation avec nos partenaires européens, comme le préconise Mme Garriaud-Maylam. Je souhaite qu’un débat se tienne à ce propos au Parlement en janvier prochain, pour que vous puissiez vous prononcer sur l’ensemble de nos engagements extérieurs, comme le prévoit la Constitution.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tous ces efforts de redéploiement et de réforme n’ont qu’un seul but : garantir à nos armées les moyens d’assumer leurs missions, qui comptent parmi les plus nobles mais aussi les plus exigeantes. Je sais pouvoir compter sur votre soutien dans cette entreprise difficile mais indispensable de réorganisation de notre outil de défense. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Prolongeant très brièvement les propos de M. le ministre, qui nous a éclairés sur le budget 2009 et les grandes options, je voudrais simplement revenir un instant sur les modalités de financement et, plus particulièrement, sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

La sanctuarisation des ressources provenant de la vente des immeubles me paraît effectivement judicieuse. Je ne vous cacherai cependant pas, monsieur le ministre, que la commission des finances s’est longuement interrogée à propos de la société de portage. Nous ne voudrions pas qu’elle serve à transférer la dette à une institution périphérique.

Certes, des subtilités et certains habiles procédés sont possibles, mais il ne faut pas se cacher derrière son doigt. L’État n’aura effectivement réalisé ses actifs immobiliers que lorsqu’un tiers indépendant se sera porté acquéreur. En attendant, la société de portage peut effectivement contracter et l’on peut considérer qu’il s’agit bien d’une vente.

Nous ne contestons pas les investissements que votre ministère doit réaliser. Nous voulons simplement être sûrs que cela ne créera pas demain de nouvelles dettes de l’État. Au fond, nous n’aurions pas vu d’inconvénient, monsieur le ministre, à ce que l’État choisisse de s’endetter dans la clarté pour faire face aux besoins de votre ministère, plutôt que de passer par cette société de portage, qui, dans certains cas de figure, pourrait apparaître comme quelque peu artificielle.

Nous serions donc heureux que vous puissiez nous éclairer sur ce que sera cette société de portage et nous préciser quels en seront les actionnaires ainsi que le degré d’indépendance de ces derniers par rapport à l’État. Il serait peut-être excessif de dire que nous attendons que vous apaisiez nos inquiétudes. Du moins pourrez-vous répondre à nos interrogations.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Contrairement à vous, monsieur le président Arthuis, j’estime que cette solution certes innovante…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. …très innovante !

M. Hervé Morin, ministre. …présente le mérite de la plus totale transparence.

Nous faisons appel à une société de portage dont l’un des actionnaires sera la Caisse des dépôts et consignations pour acheter nos immeubles au prix estimé par le service des domaines. Nous bénéficions ainsi dès 2009 du fruit de la vente d’immeubles dont, compte tenu du contexte économique, la vente sur le marché serait difficile, à moins d’importantes moins-values. Ensuite, le ministère de la défense les louera, mais cette location est déjà inscrite dans le budget. Comme vous le savez, le prix de la location des immeubles dont nous sommes propriétaires est déjà inscrit dans notre budget – la loi organique relative aux lois de finances l’impose.

En somme, il s’agit d’une opération financièrement neutre – elle n’affecte pas l’équilibre budgétaire – qui nous procure immédiatement l’argent dont nous avons besoin pour financer nos équipements. Les conditions économiques dans lesquelles l’État vend ses immeubles lui sont souvent reprochées, les ventes étant parfois trop rapides et ne permettant pas toujours de tirer le meilleur prix des biens vendus. La solution choisie nous donne au contraire le temps de céder ces immeubles dans les meilleures conditions tout en nous donnant l’argent dont nous avons besoin pour financer les équipements, et notamment la bosse budgétaire.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’ai bien compris le mécanisme. L’État pourrait vendre tous ses immeubles, empocher de ce fait quelques centaines de milliards d’euros et s’engager à verser des loyers. Cela s’appelle du lease back.

Cela dit, quelle convention régit les rapports entre votre ministère et la société de portage au moment de la réalisation de la véritable vente ? Si la société de portage réalise une plus-value en vendant le bien pour un montant supérieur à celui pour lequel elle l’a acheté, votre ministère empochera-t-il la plus-value ? En cas de moins-value, votre ministère – ou l’État – viendra-t-il au secours de cette société de portage pour neutraliser cet effet de marché ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Tout n’est pas complètement précisé pour l’instant. Il est cependant certain que le risque est transféré à la société de portage. (Sourires au banc des commissions.)

questions et réponses

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à un échange de questions et réponses.

Je tiens à vous rappeler que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente. Pour lui répondre, le ministre dispose également de deux minutes trente. L’auteur de la question dispose enfin, s’il le souhaite, d’une minute pour la réplique.

La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la communauté internationale assiste depuis 2007 à une recrudescence des actes de piraterie maritime, notamment au large des côtes somaliennes. Quatre-vingts attaques ont été répertoriées en 2008, dont certaines concernaient directement les intérêts français de la zone. Nous conservons à l’esprit les cas du Ponant et du Carré d’As.

De plus, force est de constater que ces pirates sont de mieux en mieux organisés. Capables d’opérer à plus de 450 miles des côtes, à partir de bateaux mères, ils s’attaquent désormais à des cibles toujours plus importantes par la taille et par la valeur financière des matériaux transportés.

Par ailleurs, le nombre de kidnappings augmente, de même que le montant des rançons, qui, une fois versées, constituent un fonds d’investissement permettant aux pirates d’acquérir de véritables arsenaux.

Qu’il s’agisse de bâtiments tels que le Sirius Star dont la cargaison est estimée à 100 millions de dollars, des navires du Programme alimentaire mondial à destination des populations démunies ou encore des navires transportant des armements et des équipements militaires – c’était le cas du Faïna –, les conséquences économiques, financières, humanitaires et écologiques de tels actes sont de plus en plus lourdes et débordent les seuls champs du commerce maritime et du droit de la mer.

Depuis le mois d’octobre, la France a pris l’initiative, et nous ne pouvons que nous en féliciter, de proposer au Conseil de sécurité des Nations unies, d’une part, d’ouvrir un droit de suite automatique en cas de flagrance aux marines qui en auraient reçu l’accord et, d’autre part, d’autoriser le développement de patrouilles maritimes dans les zones dangereuses à des fins dissuasives.

L’adoption des résolutions 1814, 1816 et 1838 ainsi que les déclarations conjointes de la France et de l’Espagne en novembre dernier prouvent la détermination de notre pays. À la tête de l’Union européenne, la France souhaite mettre en place une véritable coordination entre les moyens des États membres et ceux de l’Alliance atlantique afin de protéger le trafic maritime.

L’installation d’une cellule européenne antipiraterie à Bruxelles et l’annonce d’opérations militaires telles que EuNav et Atalanta constituent des signaux forts, fondateurs de la concrétisation d’une véritable politique européenne de défense. C’est la première fois que la Grande-Bretagne dirigera une opération navale dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense.

Monsieur le ministre, ma question est double. Compte tenu de la problématique posée, les moyens militaires déployés – trois frégates, un bâtiment de soutien, trois avions de reconnaissance et les hélicoptères embarqués – seront-ils renforcés dans les mois à venir ?

De plus, lorsque la France quittera la présidence de l’Union européenne, quel sera son rôle quant à la poursuite de ce type d’opérations et quels moyens mettrons-nous alors à disposition ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez procédé à une description absolument complète et remarquable du dispositif prévu.

Nous avons d’ores et déjà la certitude que le processus de « génération de forces » nous permettra de poursuivre cette opération en 2009, qui n’est pas uniquement menée, dans le cadre de la PESD, par l’Union européenne, puisque nous y intégrons aussi des bâtiments appartenant à des marines dont les États ne sont pas membres de l’Union. En outre, l’Alliance atlantique y est partie prenante jusqu’au 15 décembre prochain, et elle continuera par la suite à y engager des moyens. De nombreux pays participent à cette opération, tels que la Russie, la Corée et la Malaisie.

L’Union européenne disposera de cinq ou six bâtiments au cours de l’année 2009, qui seront complétés par des moyens militaires provenant d’autres pays.

Comme vous le savez, cette opération se déroule sur un vaste espace. Il nous faut donc des moyens maritimes et des avions de patrouille maritime en nombre suffisant si nous voulons que cette opération joue son rôle de prévention et de dissuasion. À travers cette opération, nous démontrons que l’Europe est capable de prendre l’initiative. C’est grâce à la volonté européenne, notamment celle de la France et de l’Espagne qui ont été à l’origine de cette initiative, que nous pourrons assurer la sécurité du trafic maritime dans cette région stratégique qu’est le golfe d’Aden.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, la réorganisation en cours du ministère de la défense constitue un véritable bouleversement.

Depuis les années soixante, nos armées n’avaient pas connu une telle déflation de leurs effectifs. La réduction sera nettement supérieure à celle qui découlait de la professionnalisation.

Par ailleurs, nos territoires seront aussi rudement mis à contribution. De très nombreuses unités de l’armée de terre seront déplacées et l’abandon d’une trentaine de garnisons en métropole est envisagé.

Or, à l’évidence, ces mesures auront un impact important sur les collectivités locales.

Nous savons d’ores et déjà que certains territoires seront cruellement touchés, avec des centaines d’emplois perdus et des zones d’activité condamnées.

Cette réorganisation suscite de profondes inquiétudes aussi bien chez les personnels civils et militaires qu’au sein des populations concernées.

On nous dit que les économies réalisées avec la suppression de 54 000 postes devraient être intégralement réinvesties soit au profit des équipements, soit pour revaloriser la condition des personnels. Nous veillerons à ce qu’il en soit ainsi.

La restructuration des armées sur le territoire commencera par coûter avant, éventuellement, de rapporter ! Notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées devrait créer au plus vite un outil de suivi de la réforme de la défense et de ses conséquences sur le plan local.

Monsieur le ministre, ma question qui doit être courte, et donc précise, concerne la « nouvelle carte militaire », et plus particulièrement la méthode utilisée pour faire avancer cette réforme.

Le Gouvernement est censé dialoguer en amont avec les élus, évaluer les conséquences financières de ses décisions et, si celles-ci sont négatives, prévoir des compensations. Si certaines ont été programmées dans le cadre de la nouvelle carte militaire, elles risquent d’être insuffisantes.

Monsieur le ministre, pouvez-vous détailler les compensations envisagées ? Comment comptez-vous améliorer la concertation avec les élus, laquelle semble défaillante aux yeux des intéressés ? (Mme Josette Durrieu et M. Jean-Louis Carrère applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, si vous estimez que la concertation est défaillante, je vous invite dès demain matin à m’appeler pour prendre rendez-vous.

Durant toute la période de présentation du plan de restructuration, nous avons engagé une concertation, et j’ai rencontré tous les élus qui l’ont souhaité ; je suis toujours prêt à le faire si besoin est. Par ailleurs, j’ai demandé aux préfets de mettre en place dans leur département des comités chargés de la restructuration. Si tel n’est pas le cas, vous devez me prévenir immédiatement.

Pour ce qui concerne les moyens, le financement est important : 300 millions d’euros, auxquels il faut ajouter 20 millions d’euros pour l’outre-mer et 100 millions d’euros par an au titre des exonérations fiscales et sociales pour les territoires les plus affectés, je pense notamment au dispositif dit Warsmann, soit un total de 700 millions d’euros.

Sur le plan de la méthode, par le biais des contrats de redynamisation des sites de défense, nous mettrons en place l’ensemble des moyens d’accompagnement des restructurations pour favoriser la reconversion des sites. Le Président de la République a annoncé que vingt-quatre emprises militaires seront cédées pour l’euro symbolique. Des mesures d’aide aux entreprises sont prévues ; un programme de délocalisation des services d’administration centrale est également mis en œuvre. En outre, un grand plan Nord-Est est en cours d’élaboration pour cette partie du territoire national qui est la plus touchée par les restructurations.

Des moyens absolument considérables sont mis en œuvre.

Pour ne prendre qu’un seul exemple, j’ajoute que, la semaine dernière, en dépit des incertitudes qui pèsent sur notre économie, une grande entreprise m’a assuré qu’elle investirait massivement – à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros –, et créerait plusieurs centaines d’emplois Nous avons toute une série de contacts avec d’autres entreprises.

En toute sincérité, l’État n’a jamais fait autant pour ces territoires, ce qui est somme toute normal. Il était important que nous menions cette réorganisation pour permettre l’adaptation de notre outil de défense, mais, parallèlement, nous ne devions pas abandonner les territoires qui ont largement participé à la solidarité nationale, notamment à la solidarité « des armes ».

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. J’ai bien entendu votre invitation, monsieur le ministre, et je ne manquerai pas de venir vous rencontrer.

Toutefois, les conditions de fermeture de l’école de gendarmerie de Libourne n’illustrent pas du tout…

M. Hervé Morin, ministre. Cela relève du ministère de l’intérieur !

M. Philippe Madrelle. Oui, mais vous êtes encore responsable !

M. Hervé Morin, ministre. Non !

M. Philippe Madrelle. Je disais donc que les conditions de fermeture de cette école n’illustrent pas du tout l’esprit de concertation que vous avez mis en avant. On est vraiment dans le brouillard, on ne sait rien des compensations. En la matière, la concertation n’a pas été exemplaire !

M. Jean-Louis Carrère. Peut-être est-ce dû au nom du maire…

M. Didier Boulaud. C’est MAM qui s’en occupe ! Elle avait pourtant juré que cette école ne serait jamais rattachée au ministère de l’intérieur !

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, et à lui seul.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, le projet de budget pour 2009 de la défense comprend les premières mesures relatives à la mise en œuvre de la restructuration des armées annoncée le 24 juillet dernier.

Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, que cette restructuration de grande envergure préoccupe au plus haut point les élus de notre pays et ne manquera pas d’avoir des effets très importants sur l’aménagement des territoires et l’économie de plusieurs régions.

La crise économique et financière, dans laquelle le monde occidental est plongé et qui se traduira par des plans sociaux dans plusieurs secteurs économiques – je pense notamment au secteur automobile –, risque, dans certaines régions, d’être aggravée par le départ d’un certain nombre d’unités militaires.

C’est notamment le cas de la Marne, et plus spécialement de la région de Reims, où la sous-traitance automobile est particulièrement présente, l’une des entreprises de ce secteur ayant d’ores et déjà annoncé un plan social qui touchera plus d’une centaine de salariés.

La fermeture de la base aérienne 112, qui emploie directement près de 1 600 personnes et fait travailler de nombreuses entreprises du secteur civil, avec des retombées économiques pour le département de l’ordre de 50 millions d’euros à 60 millions d’euros, risque fort d’accélérer la crise, surtout si la fermeture intervient dès 2011, comme cela a été annoncé initialement.

Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, que les élus du secteur, toutes tendances politiques confondues, ne comprennent pas pourquoi cette date a été annoncée alors que le Mirage F1 CR de reconnaissance dont cette base est équipée doit rester en service dans l’armée française au moins jusqu’en 2014.

Vous allez d’ailleurs recevoir dans quelques jours les élus du secteur rémois, qui réclament le maintien de la base jusqu’en 2014, date de fin de service des Mirages F1 CR prévue avant l’annonce de la restructuration militaire.

Dans le même temps, la presse se fait régulièrement l’écho de contacts pris avec un certain nombre d’États étrangers en vue de leur vendre des avions Rafale, dont une partie est censée remplacer, sur la base de Mont-de-Marsan, la flotte des F1 CR stationnée à Reims.

Monsieur le ministre, où en sont les contacts engagés sur l’exportation des Rafale ? Quel impact pourrait avoir la signature des premiers contrats de vente à l’étranger de cet avion sur le rythme d’équipement de l’armée française avec le Rafale et, spécialement, avec le Rafale dédié aux missions de reconnaissance ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, nous avons eu l’occasion de nous rencontrer lors de l’annonce de la fermeture de la base aérienne 112 de Reims, laquelle est tout simplement liée au fait qu’il ne restera plus qu’un escadron de Mirage F1 CR à partir de 2011, regroupé à Mont-de-Marsan.

D’abord, les mesures de restructuration que nous menons actuellement sur les bases aériennes auraient pu être prises depuis des années ! Cela fait vingt-cinq ans que le programme Rafale a été lancé. À l’époque, l’armée de l’air comptait 450 avions de combat et on savait que nous commanderions moins de 300 Rafale. La conséquence directe de la réduction du nombre d’avions, liée à la polyvalence du Rafale, était, un jour ou l’autre, la fermeture de bases aériennes.

Le travail que nous effectuons devait être mené. En effet, il n’y a aucune raison de maintenir autant de plateformes alors que nous aurons, aujourd'hui, et demain plus encore, moins d’avions en ligne, d’une part, parce que nous avons réduit le contrat opérationnel et, d’autre part, et surtout, parce que nous avons décidé de nous équiper d’un avion polyvalent capable de réaliser toutes les missions, et pas simplement, pour certains, une mission de reconnaissance ; pour d’autres, la défense aérienne ou, pour d’autres encore, l’attaque au sol.

Par ailleurs, il n’y a aucune connexion entre la problématique de la restructuration et l’exportation du Rafale.

S’agissant de l’exportation de cet avion, nos contacts progressent bien et nous avons bon espoir. Toutefois, vous me permettrez de ne pas en dire plus, afin de ne pas favoriser la concurrence.

M. Jean-Louis Carrère. C’est comme pour les champignons ! (Sourires.)

M. Hervé Morin, ministre. Plus on se tait, mieux c’est ! Mais je suis bien entendu disposé à en parler avec vous en privé.

J’insiste sur ce point, monsieur le sénateur, la fermeture de la base aérienne de Reims est liée au fait qu’il ne restera plus qu’un escadron de Mirage F1 CR. Je suis tout à fait prêt à discuter des conditions dans lesquelles nous pourrions fermer cette base et de ses conséquences. J’ai d’ailleurs lu dans la presse locale que la position des élus n’était pas forcément la même que celle des personnels et des syndicats de la base.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Je ne prétendrai pas que la réponse de M. le ministre me satisfait, d’autant plus qu’il nous a toujours été annoncé qu’il n’y avait rien à craindre pour la base de Reims tant que le Mirage F1CR était en service. Je prends néanmoins acte de cette réponse et nous aurons l’occasion d’en discuter avec les élus du secteur dans quelques jours.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Nous n’allons pas maintenir deux bases aériennes alors qu’il n’y a plus qu’un escadron ! Ce ne serait pas raisonnable.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, ma question ira dans le même sens que celle de mes collègues.

Au mois de juillet dernier, vous avez présenté votre plan de restructuration des implantations militaires sur le territoire national.

Dans ce plan figurait l’annonce de la fermeture, pour 2011, de la base aérienne 103 Cambrai, située sur la commune d’Haynecourt et qui emploie 1 364 personnes.

La base aérienne pèse un poids important dans la vie économique et sociale du Cambrésis.

Cette décision aura bien évidemment des conséquences négatives sur la vie des personnels et des familles de la base, mais aussi sur celle des populations de l’agglomération qui connaissent déjà une situation économique et des conditions d’emploi difficiles.

2011, c’est demain pour ces familles et pour la population !

Pourriez-vous donc préciser comment est envisagée, pour les personnels de la base, la mise en œuvre des mesures d’accompagnement social, en particulier celles qui concernent la mobilité géographique et fonctionnelle ainsi que celles qui visent à faciliter les projets de reconversion professionnelle pour ceux qui souhaiteraient quitter l’armée de l’air ou des services civils.

Par ailleurs, l’étude sur une nouvelle affectation des terrains de la base, dont nous avions entendu parler, est-elle déjà engagée ?

Enfin, la décision d’implanter à Cambrai la Direction centrale du commissariat de l’armée de terre est-elle confirmée ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Madame la sénatrice, je tiens à vous assurer que cette restructuration sera accompagnée d’un contrat de redynamisation de site de défense, qui sera doté, dans un premier temps, de 10 millions d’euros. Nous pourrons toujours augmenter cette dotation si cela s’avère nécessaire. Cette évolution dépendra aussi des projets des collectivités.

Les communes sur le territoire desquelles la base est installée bénéficieront de surcroît de la cession de l’emprise foncière à l’euro symbolique. Le Cambrésis bénéficiera du dispositif Warsmann d’exonération fiscale et sociale que j’ai évoqué précédemment. Enfin, le Gouvernement est engagé dans un vaste mouvement de relocalisation d’emplois publics dont la ville de Cambrai bénéficiera à travers l’installation de la Direction centrale du commissariat de l’armée de terre.

M. François Trucy, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Compte tenu des interventions précédentes sur le projet de loi de finances, notamment sur les programmes 146 et 178, je limiterai mon intervention aux besoins de nos troupes déployées en Afghanistan auxquelles je tiens à rendre hommage.

Monsieur le ministre, permettez-moi également de saluer votre réactivité et celle du Gouvernement dans le cadre de la mise en place des « crash programmes », qu’il s’agisse des tourelleaux sur VAB, des brouilleurs et systèmes de leurrage anti-IED, des équipements Félins et matériels individuels, de l’amélioration des protections et surblindage, ou encore de l’achat de cinq véhicules Buffalo. Vous savez que nos soldats en avaient réellement besoin.

De même, je me réjouis de plusieurs avancées. Un troisième hélicoptère Caracal et deux hélicoptères Gazelle Viviane sont arrivés. L’installation de trois drones males de l’escadron Adour est annoncée, pour le mois de décembre, à Bagram, c’est-à-dire à proximité de la zone opérationnelle de nos soldats de la force Kapisa. Enfin, l’arrivée d’un système d’artillerie Caesar du 68e régiment d’artillerie est envisagée, probablement pour le prochain mois de janvier.

Cependant, il reste des efforts importants à faire, notamment dans le domaine de l’appui des troupes au sol, du renseignement tactique et de l’aéromobilité.

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser trois questions précises.

D’abord, allons-nous enfin déployer en Afghanistan, si possible à Bagram et avant l’été prochain, les premiers hélicoptères de combat Tigre ? Leur canon de trente millimètres gyrostabilisé apporterait une précision et une efficacité redoutables pour l’appui de nos troupes au sol.

Il semble que l’escadrille Corsaires du 5e régiment d’hélicoptères de combat ait testé avec succès ce matériel et que l’intégration de « combat tank » apporte quatre heures de vol à ces machines, ce dont nous avons besoin.

Ensuite, en complément des trois drones males, allons-nous affecter aux unités sur le terrain, même à titre expérimental, des équipes de deux opérateurs avec des minidrones de type Drac pour éclairer, à quelques kilomètres et en prise directe avec elles, la progression de nos troupes au sol ? J’évoque, monsieur le ministre, le niveau du capitaine et de la compagnie.

Enfin, il apparaît indispensable de déployer au moins deux hélicoptères Caracal supplémentaires, également à Bagram si cela s’avère possible, pour disposer d’une réelle aéromobilité. Ces hélicoptères devraient de surcroît – et je suis précis – voir le remplacement de leur petite mitrailleuse 7,62 millimètres par une mitrailleuse 12,7 millimètres ou par un canon de 20 millimètres. Je sais que les expérimentations ont eu lieu. Cela permettrait de passer de la simple autoprotection à un véritable appui des troupes au sol. Vous savez que les équipages qui sont sur place demandent cette modification.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, nous attendons des déploiements forts et des achats massifs de matériels adaptés à ce théâtre d’opération très particulier et au durcissement des combats.

Disposerez-vous de ces moyens et de ces crédits ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir souligné les efforts considérables que nous avons fournis en lançant des « crash programmes », dès lors que le Président de la République, en janvier ou février 2008, a décidé de renforcer notre présence en Afghanistan. Les crash programmes que vous avez énumérés représentent un important effort d’équipement, à savoir près de 100 millions d’euros.

S’agissant de votre première question, je ne vous cache pas que nous poursuivons bien l’idée d’un déploiement d’hélicoptères de combat Tigre pour le courant de l’année prochaine. Mais, cet hélicoptère vient d’arriver dans nos forces et un certain nombre d’expérimentations étaient encore nécessaires.

Par ailleurs, nous avons déjà envoyé des drones sur place. Il n’est pas impossible que nous y envoyions aussi des minidrones de type Drac dans les mois qui viennent.

Quant aux hélicoptères Caracal, je ne suis pas capable de répondre à votre question concernant les mitrailleuses. En revanche, il faut garder à l’esprit que, compte tenu du nombre d’appareils dont nous disposons – une douzaine, me semble-t-il, entre l’armée de terre et l’armée de l’air –, nous avons besoin de maintenir un certain nombre de moyens en France, pour d’autres missions ou pour assurer la formation.

En effet, si une grande partie de nos équipages et de nos moyens sont en opération extérieure, nous ne sommes plus en mesure de former les équipages dont nous aurons besoin dans les années qui viennent. Il faut donc préserver un juste équilibre. De ce fait, nous ne prévoyons pas pour l’instant de renforcer en Afghanistan nos moyens en hélicoptères Caracal.

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, à ce stade de notre débat concernant les opérations extérieures de la France, je ne répéterai pas tout ce que les uns et les autres ont dit, y compris à propos de la question récurrente des surcoûts.

S’agissant du financement des opérations extérieures de l’Europe, nous constatons également une grande diversité dans les engagements des différents États. La répartition des coûts communs fait effectivement apparaître un engagement très fort de l’Allemagne, supérieur à 20 %, du Royaume-Uni, plus de 17 %, ainsi que de la France, 15,57 %. Par conséquent, trois pays portent l’essentiel de cette charge.

En comparant les budgets de la défense, on se rend compte, de la même façon, que la diversité est grande et que les dépenses militaires n’occupent pas la même place pour chacun des États d’Europe. La Grèce, curieusement, vient largement en tête, devant la France et le Royaume-Uni, en consacrant 3,73 % de son PIB à ce budget. Mais certains pays européens s’engagent à moins de 1 % de leur PIB : l’Autriche, le Luxembourg, l’Irlande et Malte.

Monsieur le ministre, ma première question, qui est très précise, porte sur la défense européenne. Celle-ci progresse-t-elle ?

Vous indiquiez tout à l’heure que les Britanniques sont pratiquement acquis à cette défense européenne. Selon un sondage assez significatif et intéressant, ils le sont effectivement à plus de 60 % et les Européens à plus de 80 %.

Plus précisément, peut-on espérer un « accord » sur « la stratégie de sécurité révisée » ? Peut-on espérer un renforcement réel des capacités militaires disponibles, l’interopérabilité des forces européennes ? Peut-on espérer le développement d’une base de capacité industrielle et technologique, seule condition d’une réelle autonomie ?

Les faits nous y encouragent. Incontestablement, les initiatives de la France lors de la crise géorgienne ont été positivement perçues. Mais je voudrais rappeler deux faits assez significatifs : en 2007, la prise d’alerte de la France, dans le cadre de l’OTAN, pour la défense de l’espace aérien des pays baltes ; en 2008, dans le même cas de figure, la prise d’alerte de la France, toujours dans le cadre de l’OTAN, pour la défense de l’espace aérien islandais.

Je vous pose donc une seconde question. La Russie constitue-t-elle une menace pour l’Europe et, pour reprendre l’intervention précédente de M. Jean-Pierre Chevènement, dans quelles conditions pourrait-elle devenir un partenaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Madame la sénatrice, il est très difficile de répondre à vos questions en deux minutes et demie.

Toutefois, je vous confirme que l’Europe de la défense avance. Depuis l’année 1998, qui marque ses débuts, nous avions constaté qu’elle prenait corps, mais que, sur bien des sujets, elle était encore balbutiante. Sous la présidence française, elle aura fait des progrès considérables.

En voici quelques exemples.

Le premier, c’est l’Agence européenne de défense. Créée en 2004, elle avait, force est de le reconnaître, un plan de charge et de travail extrêmement limité. Grâce à la présidence française, nous allons lancer toute une série de programmes de recherche au niveau européen : déminage maritime, programme satellitaire à travers le segment sol du programme Musis, programme de rénovation des hélicoptères, ou encore programme relatif à un hélicoptère lourd que nous allons probablement lancer avec les Allemands en début d’année prochaine.

L’Agence européenne de défense est née d’une volonté exprimée dans le cadre du sommet de Saint-Malo. Jusqu’à présent, elle avait peu de chose à faire. Elle a désormais un programme de travail important pour les années à venir.

Le développement d’une série de projets autour de la prise de conscience d’une identité européenne constitue un deuxième exemple. Nous avons lancé, à vingt-sept pays, le programme Erasmus, qui permettra à des officiers d’effectuer une partie de leur formation dans un autre pays que leur pays d’origine. Cette magnifique démarche améliorera l’interopérabilité des forces quand les hommes qui y auront participé travailleront ensemble sur un théâtre d’opérations extérieures. Elle permettra également de développer l’idée selon laquelle il existe une citoyenneté européenne, au-delà de la citoyenneté de chacun. Elle permettra, enfin, aux Européens d’apprendre à travailler ensemble.

Troisième exemple, nous avons décidé de mettre en place un plan d’évacuation des ressortissants européens, ce qui permettra d’agir avec une planification anticipée en cas de crise, qu’il s’agisse d’une crise politique ou d’une situation de catastrophe naturelle.

L’Europe de la défense, sur toute une série de sujets, a donc beaucoup progressé. En matière de capacités militaires, nous avons lancé le programme Musis, dont je viens de parler à l’instant. Nous avons également décidé de constituer un groupe aéronaval européen : ainsi, lorsqu’un porte-avions européen sera à la mer, les bâtiments d’escorte pourront provenir de différents pays. En résumé, nous avons avancé de façon pragmatique, concrète, mais aussi très volontariste et, aujourd’hui, le bilan est très positif.

Concernant la Russie, vous avez également évoqué, madame la sénatrice, la défense aérienne que nous assurons pour l’Islande ou pour les pays baltes. Il s’agit d’engagements dans le cadre de l’Alliance atlantique, et ce n’est pas nouveau. Comme vous le savez, lorsque nos forces armées font de la défense aérienne, elles sont aussi amenées à assurer, en permanence, la sécurité de toute une série d’aéronefs qui, pour des raisons diverses, ont besoin d’assistance. Nous assumons donc cette défense aérienne dans le cadre de nos accords, et nullement dans le cadre de la perception de la Russie comme une puissance belliqueuse. Je crois, au contraire, que nous aurons besoin de créer un vrai partenariat stratégique entre l’Europe et la Russie. L’Europe ne pourra pas se priver de créer les conditions d’un dialogue de confiance avec la Russie. C’est important pour la stabilité de notre continent.

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Effectivement, monsieur le ministre, on peut se poser des questions sur la Russie. Mais celle de savoir si elle est belliqueuse ne se pose pas : à l’évidence, je crois qu’elle l’est, au moins dans l’immédiat.

Malgré tout, dans la perspective de la paix en Europe, la reconnaissance par la Russie de l’indépendance de deux États, l’Abkhasie et l’Ossétie du Sud, constitue incontestablement un élément nouveau. Bien qu’elle soit unilatérale, cette démarche ouvre néanmoins une brèche sérieuse. Et peut-être a-t-elle été ouverte parce que, dans l’accord signé entre la Russie et la Géorgie sous les auspices du Président de la République française, il manquait l’idée, qui était essentielle, de respect de l’intégrité et de la souveraineté d’un pays. Je pense que les Russes ont utilisé cette défaillance pour, sans doute, aller trop loin.

M. le président. La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en décembre 2006, le ministère de la défense a annoncé la notification du contrat de réalisation de sous-marins nucléaires d’attaque de type Barracuda aux entreprises DCNS et Areva TA. Des livraisons de sous-marins nucléaires d’attaque – SNA – s’échelonneront donc entre 2016 et 2027.

Le programme Barracuda permettra le remplacement des six sous-marins d’attaque de type Rubis et répond au besoin primordial du renouvellement de notre escadre de sous-marins nucléaires d’attaque. J’ai pu personnellement en vérifier l’urgente nécessité en janvier dernier, lors d’un stage passionnant de soixante-douze heures en immersion en méditerranée à bord de l’Améthyste.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, les quatre cinquièmes du globe sont recouverts d’eau. Le trafic maritime s’intensifiant chaque jour un peu plus, il est capital que notre pays puisse assurer la sécurité de ses échanges tant économiques que stratégiques. Le SNA constitue donc une composante clé de notre capacité de dissuasion à différentes échelles.

Nous ne saurions prétendre à un statut de grande puissance, dans un espace aéromaritime globalisé où les menaces présentent désormais un visage transnational et non plus étatique, si notre marine nationale ne dispose pas de capacités opérationnelles réelles et effectives.

La sécurisation de nos approvisionnements et de nos ressortissants en mer est un défi majeur tant pour nos intérêts nationaux que pour nos ambitions au sein de la politique européenne de défense. Je rappelle d’ailleurs que l’Europe engagera bientôt des bâtiments dans le golfe d’Aden.

Le SNA a une vocation stratégique, mais joue aussi un rôle de base arrière de soutien essentiel pour nos troupes dans des opérations spéciales comme le largage ou la récupération de commandos. Il s’avère également indispensable pour accompagner les sous-marins nucléaires lance-engins, les SNLE.

De par sa conception, il constitue également un élément moteur de la politique de recherche et développement de la France, comme l’attestent les innovations acoustiques et écologiques importantes mises au point par le CEA avec le « passeport vert ». C’est aussi un élément moteur pour notre économie : rappelons que DCNS dépend pour plus de 70 % de son activité du budget français de la défense, et que plus de cent sous-traitants et PME sont impliqués dans le programme Barracuda. Outre sa traduction économique en milliers d’emplois sur plusieurs sites – Ruelle, Toulon, Indret, etc. –, ce programme est aussi un enjeu stratégique pour le maintien d’un savoir-faire français dans le domaine de la dissuasion nucléaire et de sa composante navale.

Monsieur le ministre, dans le cadre de la réforme des armées et dans l’optique de la future loi de programmation militaire, pouvez-vous nous confirmer que les crédits de la mission concernant le programme Barracuda seront maintenus et respectés et que ce programme, à l’impact stratégique et économique évident, sera mené à bien dans les délais prévus ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Vous avez fait, monsieur le ministre, une description complète du Barracuda et du rôle majeur joué par les SNA.

Ceux-ci constituent, selon le Livre blanc, une priorité stratégique. Des crédits extrêmement importants sont donc consacrés au programme Barracuda dans la loi de programmation militaire. Mes services viennent de notifier la tranche conditionnelle correspondant à la commande complète du premier SNA. L’année 2009 verra le lancement de la production du second. Le financement de la production d’un SNA tous les deux ans est programmé sur plus de deux lois de programmation militaire, pour un coût global de 8 milliards d’euros. En effet, dès 2016, le premier équipage de conduite pourra procéder aux essais du premier de la série, et la cadence de livraison sera ensuite de deux ans entre chaque SNA jusqu’en 2027.

Je peux donc vous rassurer, monsieur le sénateur : ce programme est inscrit dans la loi de programmation militaire, et il en constitue une priorité.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, ma question est d’ailleurs abordée dans le rapport sur le programme n° 146 « Équipement des forces ».

La question de la mobilité et de la projection de nos forces vers un théâtre d’opérations se pose, le Livre blanc nous faisant l’obligation d’être présents.

Les contrats opérationnels ainsi que nos retours d’expérience montrent aujourd’hui très clairement que nos capacités aériennes de projection sur un théâtre d’opérations sont tout à fait insuffisantes. On pallie donc comme on peut.

La loi de programmation militaire va évidemment mettre en avant le programme majeur A-400 M, élaboré en coopération avec six pays d’Europe. Ce programme devait aboutir à la première livraison d’un appareil en 2009 mais on voit bien que ce programme est pour le moins hésitant, et c’est le moins que l’on puisse dire. On recule en effet d’année en année la livraison du premier appareil. C’est pourtant un enjeu essentiel.

Je voudrais donc, monsieur le ministre, vous poser deux questions à ce sujet. Premièrement, où en est ce programme ? Deuxièmement, quelles mesures palliatives devons-nous prendre – la capacité opérationnelle est aujourd’hui satisfaite de manière autonome à 41 %, ce qui est tout à fait insuffisant – et en attendant une éventuelle flotte européenne de transport ? Vous évoquiez tout à l’heure les avancées de l’Europe de la défense, monsieur le ministre. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur cette flotte européenne de transport, qui pourrait être essentielle.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. J’ai oublié de le dire tout à l’heure, la création d’une capacité militaire européenne de transport figure parmi les projets arrêtés dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. Celle-ci prendrait comme base l’A-400 M, mais pourrait aussi être complétée par d’autres avions disponibles dans les forces armées européennes. L’idée est de posséder une capacité européenne de transport tactique qui nous permettrait de compléter les moyens dont nous disposons, en cas de besoin.

Vous connaissez tous les difficultés, très sérieuses, du programme A-400 M. Pour l’instant, l’industriel est incapable de nous donner une date. J’ai rencontré à plusieurs reprises le président Gallois. J’ai organisé, en marge d’une réunion des ministres européens de la défense, une réunion des ministres concernés par ce programme. En premier lieu, nous sommes convenus, sur mon initiative, que nous étions prêts à revoir certaines spécifications de l’avion. Il faut en effet préciser que cet avion contenait des spécifications en tout genre comme la capacité de charger et de décharger avec un seul homme la totalité de la cargaison d’un avion ou celle de pouvoir ravitailler un hélicoptère à basse altitude. En second lieu, nous avons également décidé que nous étions prêts à revoir une partie des sanctions financières qui pèsent sur le groupe EADS compte tenu des retards de programmes. Mais nous ne le ferons que lorsque ce groupe sera capable de nous fixer un calendrier et une date de livraison.

De leur côté, les délégués généraux pour l’armement travaillent aussi sur les spécifications avec les états-majors. On essaye de remettre le programme en ligne, si je puis m’exprimer ainsi. Il nous faudra, de toute façon, prendre une mesure transitoire. Plusieurs solutions sont possibles : l’affrètement ou l’acquisition d’A-330, ainsi que le recours à des CASA pour ce qu’on appelle le brouettage, c’est-à-dire le transport sur de petites distances. Ces différentes solutions sont actuellement à l’étude.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, chacun s’accorde à dire que ce projet de budget pour 2009 signe un retour à la réalité, qui vous a conduit à prendre des décisions. Certains programmes ont ainsi été étalés ou supprimés. Par exemple, pour la marine nationale, cela se traduit par l’abandon, pour l’instant, du second porte-avions et par la réduction et l’étalement du programme FREMM. Le maintien des six sous-marins Barracuda comme priorité constitue cependant un bon point, notre collègue Beaumont venant d’en parler. Je rappelle d’ailleurs que ces sous-marins sont construits à Cherbourg.

Ces décisions ne sont pas sans conséquences sur les entreprises industrielles qui fournissent ces équipements, parmi lesquelles DCNS.

Cela m’inquiète d’autant plus que l’on ne comprend pas quel avenir vous réservez à cette entreprise. En 2004, le Gouvernement avait choisi de concentrer l’industrie navale militaire française de défense, par le rapprochement entre DCN et Thalès. Cette opération, baptisée « Convergence », a été réalisée en 2006, non sans mal d’ailleurs, surtout sur le plan financier. Aussi, monsieur le ministre, quelle ne fut pas notre surprise – mais peut-être avez-vous été vous-même surpris… – lorsque nous avons entendu le Président de la République dire récemment qu’il était favorable à un rapprochement entre les Chantiers de l’Atlantique et DCNS, c’est-à-dire à un rapprochement entre construction navale civile et militaire ? Il faut bien l’avouer : personne, je suppose, n’a vraiment compris sur quelle synergie industrielle reposerait un tel rapprochement. En effet, le chiffre d’affaires de DCNS repose à 40 % sur les services, les équipements et la propulsion nucléaire ; le reste, c’est-à-dire la conception de navires armés, se décompose entre les sous-marins – 35 % – et les bâtiments de surface – 25%. Seul ce dernier segment pourrait profiter des moyens d’un chantier civil, et encore de manière incomplète puisque l’électronique y tient une part importante. À moins que l’objectif ne soit en réalité de sécuriser les activités cycliques – donc risquées – des chantiers de Saint-Nazaire en les rapprochant de celles, beaucoup plus stables, de DCNS…

Dès lors, quel est le lien entre cette annonce et la décision de remettre en cause l’unicité de DCNS en favorisant, via l’article 10 de la future loi de programmation militaire, la filialisation et la privatisation de l’entreprise ? Lors du changement de statut de DCN – que je n’ai pas voté –, l’État s’était engagé à préserver le statut de société de plein exercice de l’entreprise. Vous décidez aujourd’hui de rompre cet engagement en organisant « la vente à la découpe » de DCNS. Selon moi, vous ouvrez une véritable boite de Pandore, qui, en favorisant les transferts d’activités et de personnels, pourrait conduire à l’éclatement du groupe.

Ma question est donc à la fois simple et compliquée, monsieur le ministre : quels sont votre stratégie et votre projet industriel concernant DCNS ? Car toutes ces annonces, vous le comprenez bien, ont jeté le trouble parmi les personnels, qui souhaitent une réponse la plus précise possible. (M. Didier Boulaud applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, je ne l’oublie pas, je suis normand, comme vous, et nous sommes, l’un et l’autre, attachés à la réunification de la Normandie, que nous pourrons effectuer bientôt, grâce à la réforme institutionnelle en cours.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Hervé Morin, ministre. Vous aurez noté comme moi que le Président de la République a lui-même, lors du Congrès des maires de France, indiqué que la réunification de la Haute-Normandie et de la Basse-Normandie s’imposait avec évidence.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Hervé Morin, ministre. Nous aurons donc, monsieur Godefroy, au moins un point de convergence ce soir. Notre sénatrice de l’Orne se joint également à nous ; elle aussi est favorable à ce retour à l’histoire, pour refaire de la Normandie cette grande et puissante région qu’elle a été.

Concernant DCNS, monsieur le sénateur, je formulerai deux remarques.

D’une part, vous n’êtes pas juste lorsque vous affirmez qu’il s’agit de privatiser DCNS. Ce n’est absolument pas l’objet des dispositions que nous inscrivons dans la loi de programmation militaire. Notre objectif est de permettre à DCNS de nouer des partenariats industriels en Europe pour renforcer l’entreprise.

Pour cela, nous avons une chance extraordinaire : grâce à l’effort d’équipement colossal que nous effectuons – M. Boulaud le juge pourtant insuffisant –, cette entreprise dispose d’un plan de charge garanti sur quinze à vingt ans, sans compter les succès à l’exportation que nous ne manquerons pas d’obtenir. C’est un atout considérable.

Je souhaite que DCNS puisse établir des partenariats industriels par le biais de filiales dans lesquelles l’entreprise n’est pas forcément majoritaire.

Aujourd’hui, la problématique est d’ordre statutaire : le personnel de DCNS ne peut pas travailler dans des filiales où l’entreprise n’est pas majoritaire. Or, lorsqu’on passe des accords pour réaliser, par exemple, un MBDA de la torpille, nos partenaires européens ne considèrent pas que dans la filiale créée à cet effet l’entreprise française doit être systématiquement majoritaire. Si on imposait une telle condition, on ne pourrait plus faire grand-chose !

Notre seul objectif est de permettre à des salariés de DCNS et à des ouvriers d’État de mettre leurs compétences extraordinaires – vous le savez bien, à Cherbourg, la compétence des ouvriers d’État sur les coques de sous-marins est unique en Europe – au service du développement de DCNS, qui pourra conclure des accords avec un certain nombre de partenaires européens.

Cette disposition ne change pas le statut du personnel, celui-ci peut revenir dans la maison mère quand il le souhaite. Nous sommes là dans une logique de bon sens.

Vous qui êtes en outre européen, monsieur Godefroy, vous devriez comprendre : compte tenu de son positionnement et de ses atouts, DCNS doit pouvoir s’ouvrir à des discussions avec des partenaires européens. Une incroyable guerre industrielle est menée en Europe, entre TKMS, Navantia et l’ensemble des chantiers navals de différents pays européens.

Mon objectif est que DCNS soit en mesure de conclure des partenariats industriels avec nos grands partenaires européens, afin que l’industrie européenne de défense – que vous appelez de vos vœux, tout comme moi, et qui doit se constituer – puisse trouver, dans le domaine naval, de nouvelles perspectives, avec ce magnifique fleuron industriel que représente DCNS.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Tout d’abord, je voudrais marquer mon adhésion totale à la réunification de la Normandie (Sourires), et c’est un point sur lequel nous serons toujours d’accord, monsieur le ministre. Je me réjouis d’ailleurs que le Président de la République en ait parlé publiquement au Congrès des maires, cela nous servira à convaincre nos collègues.

Mme Nathalie Goulet. C’est déjà bien avancé !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela étant, vous n’avez pas répondu à ma question portant sur les Chantiers de l’Atlantique. Nous souhaiterons savoir quelle est la raison de cette annonce concernant un rapprochement entre les Chantiers de l’Atlantique et DCNS. Mais passons.

Quant à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, au sujet de la compétence des ouvriers d’État et de la nécessité de s’allier pour conclure des marchés, je ne suis pas en désaccord avec vous.

Cependant, force est de constater que les ouvriers à statut d’État sont assez mal traités pour l’instant (M. le ministre est dubitatif), et je vais vous expliquer les raisons de leur inquiétude.

Il y a peu de temps, j’ai interrogé M. Xavier Bertrand concernant le décret, qui sera publié prochainement, sur la participation des entreprises et notamment des entreprises à statut particulier comme la SNCF. En commission, il m’avait répondu qu’il était tout à fait d’accord pour inclure dans le décret les ouvriers à statut particulier de DCNS. Or, en séance, le Gouvernement a fait marche arrière.

Je ne comprends pas pourquoi on refuse à ces salariés l’accès à la participation alors qu’on l’accorde aux salariés du privé. À moins qu’à travers tout cela il n’y ait la volonté de faire disparaître le plus vite possible le statut d’ouvrier d’État, qui dérange beaucoup. On aimerait sans doute passer outre, mais les ouvriers à statut d’État sont encore nombreux !

Nous ne sommes pas opposés aux partenariats, mais il faudrait que les ouvriers à statut d’État y trouvent leur compte. Ils contribuent en effet à la créativité et à la réussite de l’entreprise.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Au sein du projet de loi de finances, concernant la mission « Défense », nous discutons de la première annuité d’une loi qui n’existe pas : le projet de loi de programmation militaire, qui est certes déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, n’a été ni débattu ni voté !

Le projet de budget pour 2009 entérine des décisions concernant la gendarmerie et son rattachement – ou plutôt son annexion – au ministère de l’intérieur. Or le projet de loi sur la gendarmerie n’a été ni débattu, ni voté !

Sur le thème de la sécurité et donc de la gendarmerie, le projet de budget pour 2009 comprend d’ores et déjà des moyens qui seraient prévus dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation de la performance de la sécurité intérieure, LOPPSI. Or ce projet de loi n’a même pas été présenté en conseil des ministres. Il n’a donc été ni débattu, ni voté !

Ainsi, le Parlement se trouve dans la situation baroque qui consiste à discuter d’une première année budgétaire contenue dans des projets de loi virtuels, ou tout du moins ni débattus ni votés.

Cette situation, qui révèle une mauvaise méthode de gouvernement, est d’une grande désinvolture par rapport au Parlement et dénote le peu de cas que l’on fait des travaux parlementaires.

Quelle distance, monsieur le ministre, entre l’esprit de la révision constitutionnelle, vos beaux discours de l’époque et votre méthode de gouvernement qui, selon moi, déconsidère le Parlement !

Nous allons, l’année prochaine, si tout va bien, débattre d’une programmation militaire 2009-2014 purement franco-française.

Voici le message, que nous adressons à nos partenaires européens : après le Livre blanc franco-français, voici la programmation militaire franco-française !

À mon avis, le Gouvernement n’a pas profité suffisamment de la présidence européenne pour stimuler un nouvel essor de la défense européenne. Pourquoi ?

En réalité, le seul geste fort envoyé en direction de l’Europe a été l’intégration à l’OTAN voulue par le Président de la République. Tout un symbole de nos ambitions européennes !

C’est ça le contexte du projet de budget qui nous occupe aujourd’hui !

Nous ne voulons pas, nous ne pouvons pas, cautionner cette dérive qui ne correspond pas aux intérêts et aux ambitions internationales et européennes de la France.

Je vous poserai donc une seule question à deux niveaux, monsieur le ministre : quand allez vous changer de méthode ? Et quelle méthode sera celle du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. J’ai déjà eu l’occasion de répondre.

D’une part, ce n’est pas la première fois que les choses se déroulent ainsi.

M. Jean-Louis Carrère. Alors, c’était quand la première fois ?

M. Hervé Morin, ministre. Cela avait déjà eu lieu au moins en 1993.

M. Jean-Louis Carrère. C’est faux !

M. Hervé Morin, ministre. Et il y a 2002.

M. Jean-Louis Carrère. Les circonstances étaient différentes !

M. Hervé Morin, ministre. Je ne vois pas en quoi ! Là aussi, nous avons un nouveau Président de la République et un nouveau Gouvernement. Je ne vois pas de différence ! (M. Jean-Louis Carrère proteste.)

Par ailleurs, le projet de loi de programmation militaire a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale ; vous avez donc largement de quoi examiner ce budget. D’ailleurs, je vous le rappelle, il est non plus annuel mais triennal. En conséquence, il trace par lui-même la perspective de la loi de programmation militaire, sans se limiter à un exercice annuel comme auparavant.

Quant à l’Europe de la défense, nous avons fait des progrès considérables sur ce sujet-là. Nous avons un programme de travail qui va nous permettre d’avancer sur de nombreux points. Aujourd’hui, les Tchèques, les Suédois et les Espagnols, lorsqu’ils évoquent leur future présidence de l’Union, déclarent que, compte tenu des chantiers lancés par la présidence française, leur mission sera de mener à bien ces projets. C’est le plus bel hommage que l’on puisse rendre aux nombreux travaux qui ont été engagés durant la présidence française !

M. François Trucy, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. J’aurais pu commencer mon propos en vous soulignant les efforts faits par votre ministère pour l’équipement des troupes en Afghanistan. Vous le savez, nous y sommes très attachés. Ayant été en mission avec un collègue de la majorité sénatoriale, nous vous avions produit un rapport. Nous vous remercions de ce qui a été fait.

Néanmoins, s’agissant de la réponse à ma question, je vous demande de bien vouloir vérifier si cette situation, qui consiste à mettre la charrue avant les bœufs, c’est-à-dire voter une loi de finances avant d’avoir débattu d’une loi de programmation, avait déjà eu lieu.

Pour ma part, j’ai vérifié avant de vous poser la question. En 2002, les circonstances étaient différentes, monsieur le ministre : la loi de programmation a été initiée, puis il y a eu un changement de Gouvernement, ce qui a empêché la poursuite de l’examen du texte. Ce sont les circonstances qui ont empêché la poursuite des débats. Mais je vous laisse le soin de vérifier.

Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas le cas aujourd’hui. Vous auriez tout à fait pu mener d’abord le débat sur le projet de loi de programmation. En effet, le texte ayant été déposé, il aurait suffit qu’il soit inscrit à l’ordre du jour avant le projet de loi de finances. Il est regrettable que tel n’ait pas été le cas !

Cependant, je ne m’étendrai par sur ce point, d’une part, parce que je ne dispose que d’une minute pour m’exprimer et, d’autre part, parce que, lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, nous vous dirons ce que nous en pensons.

En revanche, au niveau européen, monsieur le ministre, vous m’avez donné un embryon de réponse à mes questionnements. Le Président de la République a, certes, été occupé sur d’autres fronts, mais je crains que les démarches entreprises ne soient pas celles que nous aurions souhaité voir accomplir pendant cette période pour enfin nous diriger vers un système de défense européen.

Vous les premiers, le laissez entendre, vous seriez favorables à un deuxième porte-avions qui pourrait être européen. Mais pourquoi ne pas avoir engagé ce processus vers une défense européenne pendant que le Président de la République française était le président de l’Europe ?

Défense
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 59 decies

M. le président. Ce court échange de questions-réponses est terminé. Il a été plus plaisant que l’habituel défilé des orateurs qui existait auparavant, n’est-ce pas, monsieur Godefroy ? (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.)

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense » figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Défense

47 772 877 897

37 368 616 039

Environnement et prospective de la politique de défense

1 856 250 916

1 735 925 916

Dont titre 2

520 842 893

520 842 893

Préparation et emploi des forces

22 397 004 052

21 844 655 984

Dont titre 2

15 503 227 489

15 503 227 489

Soutien de la politique de la défense

2 567 890 947

1 573 494 596

Dont titre 2

807 220 027

807 220 027

Équipement des forces

20 951 731 982

12 214 539 543

Dont titre 2

1 866 529 800

1 866 529 800

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° II-14 rectifié, présenté par MM. Trucy, Masseret et Guené, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

 

Modifier comme suit les crédits des programmes : 

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2

 

40.00040.000

 

40.00040.000

Préparation et emploi des forcesDont Titre 2

140.000140.000

 

140.000140.000

 

Soutien de la politique de la défenseDont Titre 2

 

50.000

50.000

 

50.000

50.000

Équipement des forcesDont Titre 2

 

50.00050.000

 

50.00050.000

TOTAL

140.000 

140.000

140.000 

140.000 

SOLDE

0

0

 

La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de modifier les crédits de programmes pour renforcer la sincérité en matière de prévision des dépenses liées aux opérations intérieures.

Comme vous vous en souvenez, à l’origine, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement n’ont pas été associés aux opérations intérieures. Aussi, votre commission avait déjà, en 2007 et en 2008, obtenu que la loi de finances puisse inscrire des crédits. Nous avions ainsi inscrit 90 000 euros en 2007 et nous avions porté l’estimation de ces crédits à 360 000 euros en 2008. Le présent projet de loi de finances retient une nouvelle fois cette somme de 360 000 euros.

Vos rapporteurs spéciaux vous proposent de porter cette somme à 500 000 euros, soit une augmentation de 140 000 euros.

Nous réduirions de 50 000 euros les crédits du titre 2 « Dépenses de personnel » de l’action 4 « Politique immobilière » du programme 212 « Soutien de la politique de la défense », de 50 000 euros les crédits du titre 2 de l’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement » du programme 146 « Équipement des forces » et de 40 000 euros les crédits de l’action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » du programme 144 « Environnement et perspective de la politique de défense », au profit de l’action 7 « Surcoûts liés aux opérations intérieures » du programme 178.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le rapporteur, sur le fond, je partage votre préoccupation. Néanmoins, je préférerais qu’il soit procédé à un redéploiement des crédits au sein du programme 178, afin de ne pas pénaliser les programmes 144 et 212.

Je rappelle que la politique publique du programme n° 144 définit notamment les orientations relatives à la recherche du renseignement de défense à l’extérieur et à l’intérieur du territoire.

Aussi, monsieur le rapporteur spécial, je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement. En contrepartie, je m’engage à ce qu’il soit tenu compte, dans la présentation de la loi de finances, du souhait que vous avez exprimé.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Puisque la commission et vous-même, monsieur le ministre, êtes d’accord sur le fond, il conviendrait de rectifier cet amendement afin qu’il tienne compte du souhait que vous avez exprimé, mais en préservant les crédits en faveur des OPINT.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le président de la commission, l’engagement que je prends sera tenu. Il pourra être procédé à une ventilation des crédits entre les différentes actions.

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° II-14 rectifié est-il maintenu ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Non, je le retire, monsieur le président, puisque les crédits sont portés, d’une manière différente, à 500 000 euros.

M. le président. L'amendement n° II-14 rectifié est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense » figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 59 decies, 59 undecies et 59 duodecies, qui sont rattachés, pour leur examen, aux crédits de la mission « Défense ».

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 59 undecies

Article 59 decies

I. – Peuvent prétendre, à compter du 1er janvier 2009 et jusqu’au 31 décembre 2014, sur demande agréée et dans la limite d’un contingent annuel fixé par arrêté du ministre de la défense, au versement d’un pécule modulable d’incitation à une seconde carrière déterminé en fonction de la solde budgétaire perçue en fin de service :

1° Le militaire de carrière en position d’activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d’âge de son grade pouvant bénéficier d’une solde de réserve au titre de l’article L. 51 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou mis à la retraite avec le bénéfice d’une pension liquidée dans les conditions fixées aux articles L. 24 ou L. 25 du même code ;

2° Le militaire engagé en position d’activité rayé des contrôles avant quinze ans de service.

Le pécule est attribué en tenant compte notamment des nécessités du service, de l’ancienneté de service du militaire et de sa situation par rapport à la limite d’âge de son grade.

Ce pécule est versé en deux fois, le second versement étant conditionné par l’exercice d’une activité professionnelle.

Le montant du pécule perçu est remboursé par tout bénéficiaire qui, dans les cinq années suivant sa radiation des cadres ou des contrôles, souscrit un nouvel engagement dans les armées ou est nommé dans un corps ou cadre d’emploi de l’une des fonctions publiques.

Le remboursement est effectué dans le délai d’un an à compter de l’engagement ou de la titularisation.

Un décret détermine, pour chaque catégorie de militaires mentionnée aux 1° et 2°, les conditions d’attribution ainsi que les modalités de calcul, de versement et, le cas échéant, de remboursement du pécule.

II. – Le 30°  de l’article 81 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 30° Le pécule modulable d’incitation des militaires à une seconde carrière, versé en application du I de l’article 59 decies de la loi n°               du                de finances pour 2009 ; ».

III. – Le dernier alinéa de l’article 2 de la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996 relative aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées est supprimé.

M. le président. L'amendement n° II-22, présenté par MM. Trucy, Masseret et Guené, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter le sixième alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cette disposition ne s'applique pas aux anciens militaires admis dans un emploi au sein de l'Établissement public d'insertion de la défense.

La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Le pécule visé au présent article, tout comme l’ancien pécule, doit être remboursé si l'ancien militaire est admis dans un emploi public.

Dans le cas de l'ancien pécule, à la suite d'une disposition insérée dans la loi du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, sur l’initiative, notamment, de notre collègue Josselin de Rohan, nous avions accepté que les anciens militaires admis dans un emploi au sein d’un Établissement public d'insertion de la défense, un ÉPIDe, dont notre collègue François Trucy a souligné l’efficacité dans un excellent rapport, ne reversent pas leur pécule.

Cet amendement a pour objet de préciser que tel est également le cas pour les anciens militaires ayant perçu le pécule visé au présent article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Morin, ministre. L’observation de reversement du pécule est déjà strictement encadrée par la loi. Elle concernera les seuls bénéficiaires d’un pécule nommés dans un corps ou cadre d’emploi de l’une des fonctions publiques. Or telle ne pourra pas être la situation des anciens militaires employés dans les ÉPIDe, puisque ces personnels ayant un statut de contractuel, ils ne seront donc pas nommés. En conséquence, ils ne seront pas soumis à l’obligation de remboursement du pécule qu’ils auront perçu.

Ayant répondu à votre préoccupation, monsieur le rapporteur spécial, je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. M. le rapporteur spécial, l'amendement n° II-22 est-il maintenu ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-22 est retiré.

L'amendement n° II-24, présenté par MM. Trucy, Masseret et Guené, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du I de cet article, après le mot :

agréée

insérer les mots :

par le ministre de la défense

La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à préciser que la demande de versement du pécule doit être agréée par le ministre de la défense, comme c’est le cas dans le droit actuel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Morin, ministre. Avis favorable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Formidable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-30, présenté par MM. Trucy, Masseret et Guené, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer le III de cet article.

La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement de « technique juridique » qui ne modifie pas le droit en vigueur.

Le III du présent article n'a pas d'effet juridique dans la mesure où l'ensemble des dispositions relatives à l'ancien pécule sont déjà caduques, si l'on excepte celle qui est relative à son reversement.

C'est pourquoi, à travers cet amendement, nous vous proposons sa suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Morin, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-30.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 59 decies, modifié.

(L'article 59 decies est adopté.)

Article 59 decies
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59 duodecies (début)

Article 59 undecies

I. – Une indemnité de départ volontaire peut être attribuée, à compter du 1er janvier 2009 et jusqu’au 31 décembre 2014, dans des conditions définies par décret, aux ouvriers de l’État du ministère de la défense, lorsqu’ils quittent le service dans le cadre d’une restructuration ou d’une réorganisation.

II. – Après le 30° de l’article 81 du code général des impôts, il est inséré un 30° bis ainsi rédigé :

« 30° bis  L’indemnité de départ volontaire versée en application du I de l’article 59 undecies de la loi n°                du                de finances pour 2009 ; ».

III. – L’octroi de l’indemnité de départ volontaire mentionnée au I ouvre droit à une indemnisation au titre du chômage dans les conditions prévues à l’article L. 5424-1 du code du travail.

IV. – Pour l’application du présent article, la liste des services et fonctions considérés comme faisant l’objet d’une restructuration ou d’une réorganisation est arrêtée par le ministre de la défense. – (Adopté.)

Article 59 undecies
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59 duodecies (interruption de la discussion)

59 duodecies

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2008, un rapport sur le régime de retraite des marins-pompiers de Marseille et des sapeurs-pompiers de Paris ainsi que sur l’application de l’article 84 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. – (Adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ».

59 duodecies (début)
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Discussion générale

5

Dépôt d'une question orale avec débat

M. le président. J’informe le Sénat que j’ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

N° 23 - Le 4 décembre 2008 - Mme Muguette Dini appelle l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur l’urgence sociale que constitue le surendettement.

Près de six millions de Français déclarent, aujourd’hui, avoir des difficultés à rembourser leurs dettes. Plus d’un million de Français ont eu recours aux procédures de surendettement depuis leur création. Le nombre des dossiers soumis aux commissions de surendettement ne cesse d’augmenter, au rythme de 180 000 dossiers par an.

Si le traitement du surendettement a été amélioré ces dernières années, aucune démarche sérieuse n’a été entreprise pour le prévenir et anticiper les situations de profonde détresse, et ce en dépit des nombreuses consultations et concertations avec les professionnels du crédit.

Le surendettement est souvent lié à l’attribution abusive de crédits à la consommation.

Les chiffres tirés d’une étude de la Banque de France de 2002 en attestent. En effet, 80 % des dossiers de surendettement comportent plus de quatre crédits revolving, accordés bien souvent sans étude approfondie de la situation des souscripteurs.

Pour enrayer le surendettement, il apparaît urgent d’imposer aux établissements de crédit une obligation de sensibilisation des emprunteurs aux risques de surendettement, ainsi que l’étude en amont de la solvabilité de ces derniers. À cette fin, il convient de créer un répertoire des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels.

De plus, n’y aurait-il pas lieu d’envisager, à tous les niveaux, la gestion d’un budget familial ?

Elle souhaite donc qu’elle lui fasse connaître sa position sur ces différents points.

(déposée le 1er décembre 2008 – annoncée en séance publique le 1er décembre 2008)

Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

6

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Initiative du Royaume des Pays-Bas en vue de l’adoption d’une décision du Conseil modifiant la décision du Conseil du 28 novembre 2002 relative à la création d’un réseau européen de protection des personnalités.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4126 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant la mise sur le marché, conformément à la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, d’un œillet (Dianthus caryophyllus L., lignée 123.8.12) génétiquement modifié pour changer la couleur de la fleur.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4127 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 87/372/CEE du Conseil concernant les bandes de fréquence à réserver pour l’introduction coordonnée de communications mobiles terrestres publiques cellulaires numériques paneuropéennes dans la Communauté.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4128 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil fixant, pour la campagne de pêche 2009, les prix d’orientation et les prix à la production communautaire pour certains produits de la pêche conformément au règlement (CE) n° 104/2000.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4129 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil adaptant, à partir du 1er juillet 2008, le taux de la contribution au régime de pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4130 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4131 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant la position de la Communauté au sujet de la décision n° 1/2008 du Comité mixte vétérinaire institué par l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles, concernant la modification des appendices 2, 3, 4, 5, 6 et 10 de l’annexe 11.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4132 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil établissant la position à adopter au nom de la Communauté européenne à l’égard des propositions de modification de la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine et de son annexe.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4133 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil autorisant la République tchèque et la République fédérale d’Allemagne à appliquer des mesures dérogeant à l’article 5 de la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4134 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 74/2004 du 13 janvier 2004 instituant un droit compensateur définitif sur les importations de linge de lit en coton originaire de l’Inde.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4135 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1628/2004 instituant un droit compensateur définitif sur les importations de certains systèmes d’électrodes en graphite originaires de l’Inde et le règlement (CE) n° 1629/2004 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains systèmes d’électrodes en graphite originaires de l’Inde.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4136 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4137 et distribué.

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 2 décembre 2008, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008 2009).

Rapport (n° 99, 2008 2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Examen des missions :

Sécurité

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 27) ;

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Sécurité – Gendarmerie nationale – avis n° 102, tome IX).

MM. Jean-Patrick Courtois et François-Noël Buffet, rapporteurs pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (avis n° 104, tome XI) ;

Sécurité civile

M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 28) ;

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (avis n° 104, tome X).

Solidarité, insertion et égalité des chances (+ articles 74, 75, 76 et 76 bis)

MM. Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux (rapport n° 99, annexe n° 29) ;

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome VI).

Outre-mer (+ articles 64 et 65)

MM. Marc Massion et Éric Doligé, rapporteurs spéciaux (rapport n° 99, annexe n° 18) ;

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome IV) ;

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome II) ;

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (avis n° 104, tome VII).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures cinquante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD