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Dossier législatif : projet de loi en faveur des revenus du travail
Discussion générale (suite)

Revenus du travail

Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi en faveur des revenus du travail
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des revenus du travail (n° 76).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.

Mme Isabelle Debré, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 novembre dernier, est parvenue à un accord sur le projet de loi en faveur des revenus du travail.

Ce projet de loi, que nous avons examiné en urgence au cours du mois d’octobre dernier, se compose de trois volets. Le premier porte sur l’intéressement, la participation et l’épargne salariale, le deuxième sur la procédure de fixation du SMIC, qui fera intervenir désormais un groupe d’experts, et le dernier sur la conditionnalité des allégements de charges. Toutefois, il vise un seul et même objectif : soutenir le pouvoir d’achat de nos concitoyens, en jouant à la fois sur la dynamisation de la politique salariale, sur les primes d’intéressement et sur la participation.

La discussion parlementaire a permis d’enrichir considérablement le projet de loi présenté par le Gouvernement : alors que ce texte ne comportait à l’origine que cinq articles, il en comptait quinze à l’issue de son examen à l’Assemblée nationale et vingt-huit après son passage au Sénat.

L’Assemblée nationale lui a adjoint plusieurs mesures destinées à encourager la diffusion de la participation dans les entreprises ainsi que le développement de l’épargne retraite.

Le Sénat a conforté ces orientations, par exemple en créant le COPIESAS, le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, qui remplacera le CSP, le Conseil supérieur de la participation, et sera directement rattaché au Premier ministre, ou en favorisant le développement de l’actionnariat salarié dans les PME.

Sur l’initiative du Gouvernement, nous avons aussi conditionné l’attribution de stock-options aux mandataires sociaux à la présence, dans l’entreprise ou dans le groupe de sociétés, d’un dispositif associant l’ensemble des salariés aux profits de l’entreprise.

Enfin, pour laisser toutes ses chances à la négociation, nous avons subordonné l’entrée en vigueur de l’article 5, aux termes duquel il est prévu de sanctionner les entreprises lorsque leur branche n’a pas réussi à porter ses minima salariaux à un niveau au moins égal au SMIC, à l’absence d’amélioration significative sur ce point d’ici à la fin de l’année 2010.

Avant de présenter les modifications introduites par la commission mixte paritaire, je souhaite saluer la riche contribution au débat de la commission des finances, notamment de son rapporteur, Serge Dassault, qui est à l’origine de plusieurs améliorations techniques très opportunes.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai ! Nous regrettons d’ailleurs son absence.

Mme Isabelle Debré, rapporteur. La commission mixte paritaire a eu à se prononcer sur la vingtaine d’articles qui restaient en discussion. Elle a adopté seize articles dans la rédaction du Sénat, est revenue une fois à la rédaction de l’Assemblée nationale et a élaboré une rédaction commune sur les trois articles restants.

La commission mixte paritaire a tout d’abord décidé de supprimer l’« abondement de fidélisation » que nous avions introduit afin d’inciter les salariés à bloquer leur épargne plus longtemps que ce que la loi leur impose. Il lui est finalement apparu que cette disposition risquait d’introduire une forme de concurrence entre le plan d’épargne d’entreprise, le PEE, et le plan d’épargne pour la retraite collectif, le PERCO, qui est le véhicule naturel de l’épargne longue.

La commission mixte paritaire a ensuite supprimé un article additionnel que nous avions adopté pour dispenser les fonds communs de placement d’entreprises d’actionnariat salarié mis en place par les PME de l’agrément préalable de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF.

L’intention initiale du Sénat était excellente – comme d’habitude ! (Sourires.) – puisque nous entendions alléger le formalisme des procédures. Cependant, nous avons appris que l’AMF venait de se doter d’une procédure d’agrément simplifiée, plus rapide et tout aussi fiable : il a donc semblé à la commission mixte paritaire que l’objectif premier du Sénat était atteint et qu’il ne fallait pas prendre le risque de réduire les garanties offertes aux salariés.

En ce qui concerne l’article relatif aux stock-options, la CMP a choisi d’assouplir le dispositif adopté au Sénat, afin de le rendre plus opérationnel.

Comme le périmètre d’un groupe de sociétés évolue constamment, il lui est apparu difficile d’exiger que la totalité des salariés du groupe soient couverts en permanence par un dispositif les associant aux résultats de l’entreprise. Il lui a semblé plus réaliste de prévoir que 90 % au moins des salariés du groupe devraient être couverts avant que des stock-options ne puissent être attribuées aux mandataires sociaux.

Tel est le bilan des travaux de la commission mixte paritaire. Dans un contexte de ralentissement économique et de critique généralisée contre le capitalisme, ce projet de loi, qui s’inscrit dans la tradition gaullienne d’association du capital et du travail, nous paraît plus nécessaire que jamais et je vous invite donc, mes chers collègues, à l’approuver dans sa rédaction élaborée par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le président, madame le rapporteur, chère Isabelle Debré, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi est le fruit d’un long travail de concertation avec le Parlement.

Il s’agit d’un texte destiné à revaloriser le travail dans notre pays – il vise surtout les classes moyennes et modestes –, et cela en agissant sur l’ensemble des leviers de la politique salariale.

Il a été préparé conjointement avec M. Xavier Bertrand et Mme Christine Lagarde et s’adresse à ceux qui ont été pendant trop longtemps les oubliés de nos politiques.

Je souhaite, à cet égard, à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre contribution importante à ce texte sur les aspects où il présentait des lacunes. Je tiens à souligner tout particulièrement le travail d’Isabelle Debré sur des points que je relèverai au fur et à mesure, travail qui a permis d’enrichir tant le volet relatif à la participation et à l’intéressement que celui qui a trait à la conditionnalité des allégements.

Je tiens, d’une manière générale, à rendre hommage au travail de la commission des affaires sociales : c’est toujours un plaisir, pour les membres du Gouvernement, de travailler avec elle !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je salue également l’implication de Serge Dassault, qui est particulièrement attaché à la diffusion de l’épargne salariale.

S’agissant de l’opposition, je tiens à saluer les contributions de Mme Annie Jarraud-Vergnolle et de Mme Annie David, laquelle est toujours très présente lorsqu’il s’agit de ces sujets,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. …ainsi que celle de l’ensemble des groupes.

J’en viens maintenant à l’ensemble du dispositif tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire.

S’agissant de l’intéressement, le projet de loi met en place un crédit d’impôt qui permettra, notamment, d’en encourager le développement dans les PME. L’objectif est de doubler les sommes de l’intéressement d’ici à 2012.

En matière de participation, la règle sera désormais celle du libre choix pour les salariés : soit disposer de la somme tout de suite, soit la bloquer.

Les débats parlementaires ont, de ce point de vue, sensiblement élargi le champ des bénéficiaires de ces mécanismes : salariés des groupements d’employeurs, agents généraux d’assurance et agents commerciaux, sur l’initiative de Mme Catherine Procaccia, dont je me plais à souligner la contribution, mais aussi chefs d’entreprise et conjoints collaborateurs pour les entreprises de moins de 250 salariés.

Enfin, Isabelle Debré a tenu avec raison à ce que l’ensemble de ces mesures puissent être évaluées : ainsi a été décidée la mise en place du COPIESAS, qui remplacera le CSP. Il s’agit, non pas de créer une usine à gaz supplémentaire, mais bien de disposer d’un conseil effectif et efficace, permettant d’avoir une juste évaluation de ces dispositifs.

Le Gouvernement tenait, surtout dans la période actuelle, à ce que ce projet de loi comporte un volet relatif à la moralisation et à la rémunération des dirigeants. Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ce souhait est devenu réalité.

J’en viens au second axe de ce projet de loi, qui a trait aux salaires.

Un groupe d’experts indépendants sera amené à se prononcer chaque année sur l’évolution du SMIC. Il sera ainsi mis fin aux actuelles pratiques démagogiques, qui consistaient à donner des « coups de pouce » au SMIC, d’une façon totalement déconnectée des attentes des salariés et de la réalité de l’économie.

Par ailleurs, la conditionnalité des allégements de cotisations permettra de stimuler les négociations de salaires, de manière à recréer des perspectives salariales pour toutes celles et tous ceux dont le salaire est aujourd’hui plafonné au niveau du SMIC.

Je le redis : il n’est pas acceptable que, dans près d’une entreprise sur quatre, l’obligation de négocier annuellement sur les salaires ne soit pas respectée.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Désormais, les entreprises qui ne joueront pas le jeu verront leurs allégements diminuer de 10 % la première année et la deuxième année, et ils pourront être supprimés à partir de la troisième année.

Parallèlement, nous avons souhaité que les branches qui restent en retrait puissent s’aligner sur des minima qui commencent à partir du SMIC et qu’il ne reste plus aucun minima de branche inférieur au SMIC en 2010.

Je remercie Isabelle Debré de sa contribution à cet égard : elle a tenu à ce que cette dynamique puisse prendre en compte la réalité des branches et la bonne articulation entre le niveau de l’entreprise et le niveau de la branche.

L’échange que nous avons eu nous a permis de trouver une solution équilibrée. Nous pourrons faire le point ensemble à la fin de l’année 2009 et de l’année 2010, afin d’évaluer le mouvement qui a été enclenché.

Ce texte vise à mettre en œuvre de façon pragmatique tous les leviers nécessaires à une revalorisation du travail en direction des salariés modestes et des classes moyennes et à ouvrir, malgré la crise, des perspectives salariales. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur le banc de la commission.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David. (Mme le rapporteur et M. Guy Fischer applaudissent.)

Mme Isabelle Debré, rapporteur. J’applaudis par solidarité féminine. Dites la vérité, ma chère collègue, sans agressivité !

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous parvenons aujourd’hui au terme de nos échanges sur ce texte abusivement intitulé « projet de loi en faveur des revenus du travail ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ça commence fort !

Mme Annie David. Ce texte, censé répondre à l’ambition de mettre en place un « cadre plus favorable à la dynamisation des revenus du travail » marque en réalité la volonté du Gouvernement de rompre avec les aspirations légitimes de nos concitoyennes et concitoyens, à savoir l’augmentation leur pouvoir d’achat, dont nous savons pourtant toutes et tous ici que c’est l’une des premières de leurs préoccupations, après l’emploi, et pour cause : les prévisions pour octobre en matière de chômage sont plus qu’alarmantes. Mme Lagarde et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, parlez de plus de 40 000 demandeurs d’emploi supplémentaires en octobre, et confirmez que le chômage devrait encore augmenter pendant plusieurs mois.

En ce qui concerne leur pouvoir d’achat, et malgré vos propos qui se veulent rassurants, un nombre de plus en plus grand de femmes et d’hommes, salariés du public comme du privé, salariés privés d’emplois, retraités, peinent à faire face aux dettes qui s’accumulent, aux fins de mois difficiles, malgré les différents textes adoptés en quelques mois.

Ainsi, face à la crise, et bien que l’urgence aujourd’hui soit la nécessité d’augmenter considérablement les retraites, les aides sociales et, bien sûr, le SMIC, le Gouvernement préfère organiser la revalorisation de ce dernier au 1er janvier plutôt qu’au 1er juillet, et en modifier le mode de calcul – il sera fondé dorénavant sur des critères techniques – en attendant de le supprimer complètement, s’appuyant, pour ce faire, sur un rapport du Conseil d’analyse économique qui doit faire rêver le MEDEF.

Face à cette situation, je réaffirme, au nom des sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, la nécessité de relever immédiatement l’ensemble des pensions, des salaires, des indemnités et de tous les salaires de remplacement.

J’en viens au cœur de ce projet de loi, qui, selon mon groupe, ne permet pas aux ménages d’augmenter leur pouvoir d’achat, mais donne l’occasion au Gouvernement d’accorder aux employeurs de nouveaux cadeaux fiscaux tout en organisant durablement le gel des salaires, répondant, là encore, à une autre des attentes du MEDEF.

En effet, l’intéressement, tout comme la participation salariale, deux points forts de ce texte, sont par nature des mécanismes individualisés, inégalitaires, discriminants et souvent, au final, inintéressants pour les salariés de notre pays.

Mme Isabelle Debré, rapporteur. C’est dur, ça !

Mme Annie David. Oui, madame le rapporteur, parce que le Gouvernement et sa majorité entendent ainsi faire varier la rémunération de l’ensemble des salariés de manière individualisée. Et les critères sur lesquels est assise cette rémunération sont profondément discriminants, car, après tout, comme ce fut le cas avec l’instauration de la prime exceptionnelle de 1 000 euros, l’employeur n’est pas tenu de l’accorder uniformément.

Face au principe simple et égalitaire de la rémunération collective, vous promouvez des règles toujours plus individuelles, espérant trouver là les outils nécessaires à la déconstruction d’une solidarité salariale.

Avec cette méthode, comme avec la suppression des horaires collectifs du travail, vous répondez, encore une fois, à une commande patronale : l’individualisation des relations entre employés et employeurs, afin, notamment, de réduire le poids des premiers dans leur rapport de force avec les seconds.

Ces mécanismes sont, en outre, dépourvus d’intérêt pour les salariés parce que ces primes permettent aux employeurs de contourner leur exigence légitime de voir croître leurs salaires, au motif que la compétitivité française – en fait, avant, les résultats des entreprises – rend l’augmentation collective des salaires impossible.

Pourtant, certaines et certains voient croître considérablement leurs rémunérations. Ainsi, selon une enquête publiée par le magazine Capital dans le courant du mois d’octobre 2008, la rémunération moyenne mensuelle des dirigeantes et dirigeants industriels de notre pays serait de 383 000 euros, soit plus de 310 SMIC. Toujours selon cette étude, les rémunérations des employeurs ont connu une hausse moyenne de plus de 20 %.

À cet égard, le deuxième patron le mieux payé de notre pays est un cas d’école : sa rémunération a bondi, entre 2007 et 2008, de 32 %, alors même que le profit de sa société n’augmentait que de 8 %.

Pour M. Pierre-Henri Leroy, président et fondateur de Proxinvest, société privée de conseils en direction des investisseurs, « ces rémunérations ne sont pas choquantes », et, toujours selon lui, « la hausse des profits des sociétés en 2007 légitime cette progression modérée ». À ses yeux, une hausse de 20 % est donc une hausse modérée ! À ce compte, les salariés de notre pays sauraient se satisfaire d’une « augmentation modérée » de leurs salaires, tout comme les salariés privés d’emploi sauraient se contenter d’une « augmentation modérée » de leurs indemnités et les retraités, de leur pension.

J’en viens à la disposition, introduite en cours de débat parlementaire, tendant à conditionner l’octroi d’actions à titre gratuit aux employeurs à des mécanismes d’intéressement ou de participation, voire à la distribution de stock-options à l’ensemble des salariés. Dans le contexte de crise que nous traversons, c’est une véritable provocation !

Tout d’abord, vous généralisez la règle de l’actionnariat salarié, sans l’encadrer par des mesures de protection des salariés. Vous faites ainsi de chaque salarié détenteur d’actions le responsable de son propre licenciement.

Nous le voyons bien, la recherche effrénée du profit pour ne servir que quelques bénéficiaires, c'est-à-dire les actionnaires majoritaires, ceux qui sont notamment présents dans les conseils de surveillance, conduit à la compression des salaires et à la réduction des coûts, dont les salariés sont toujours les victimes. Or la détention d’actions de leurs entreprises ne les protégera aucunement des licenciements boursiers.

De plus, quelle serait la situation des salariés de notre pays si, comme vous entendez le faire ici, une partie de leurs rémunérations était assise sur les placements boursiers ? Pour répondre à cette question, il suffit, me semble-t-il, de regarder les effets de la crise boursière, notamment l’effondrement des actions. Aux États-Unis, les retraités qui ont été contraints de placer une partie de leurs pensions sur des fonds spéculatifs en actions, le regrettent amèrement. Et pourtant, au cœur de la crise, vous entendez transposer cette mesure catastrophique à nos salariés, en généralisant la distribution d’actions gratuites.

De plus, je ne vois pas en quoi l’obligation d’adhésion des salariés à un PERCO est de nature à augmenter leur pouvoir d’achat. En revanche, vous pouvez en être sûrs, différents fonds de placement y trouveront leur compte ! Et je parle bien d’« obligation d’adhésion », car le mécanisme habituel et logique, qui consiste à offrir la possibilité d’adhérer, est inversé : le salarié est présumé vouloir adhérer à ces mécanismes de retraite par capitalisation. Tout est fait pour mêler plus encore, dans la tête de nos concitoyennes et de nos concitoyens, retraite par répartition, assise sur la solidarité nationale, et retraite par capitalisation, assise sur la capacité d’épargne de chacun et sur la spéculation.

Par ailleurs, une telle modification, opérée très discrètement par le Sénat, ouvre une brèche dans le droit en vigueur : la question du PERCO ne doit pas être retirée du champ global des négociations collectives, qui portent sur les questions salariales, l’épargne salariale, l’intéressement et, donc, le PERCO. Or les partenaires sociaux n’ont pas été consultés sur ce point.

En outre, votre proposition visant à autoriser le déblocage permanent de l’épargne salariale prouve l’inefficacité du texte. Nicolas Sarkozy y avait déjà eu recours lorsqu’il était ministre d’État, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Plus récemment, le Gouvernement nous l’a resservie au travers de la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat, avec le succès que l’on sait !

Mais vous ne convaincrez personne, surtout pas les salariés, en leur assurant qu’en piochant dans leur épargne ils gagneront durablement du pouvoir d’achat.

Par ailleurs, pour Ephraïm Marquer, membre du comité de direction de l’Association française de la gestion financière, la crise financière pourrait peser sur l’épargne salariale et conduire, en cas de déblocage, à des moins-values. Toujours selon lui, « l’évolution de l’encours d’épargne salariale montre que le phénomène ne devrait pas être rare. Le 30 juin 2007, on fêtait les quarante ans de la participation sur un record historique de l’épargne salariale, lequel affichait, au total, près de 94 milliards d’euros détenus par près de 11 millions de porteurs. À la fin décembre, la valeur de cet encours aurait perdu 9 milliards d’euros. » Et il ne s’agissait là que d’une estimation, alors que nous n’étions encore pas au cœur de la crise actuelle. M. Marquer considérait pourtant, à l’époque, que « les systèmes d’épargne salariale ne sont pas des systèmes sur lesquels il faut faire des interventions conjoncturelles pour régler des questions de pouvoir d’achat ».

Il est bien dommage, monsieur le secrétaire d'État, que vous ne l’ayez pas alors entendu !

Enfin, je m’étonne de l’adoption, par la commission mixte paritaire, d’un amendement déposé par un député. Lorsque nous vous proposions de rendre obligatoire la tenue de réelles négociations sur les conditions salariales, vous nous répondiez qu’il était impossible, pour le Gouvernement, de s’immiscer dans la relation contractuelle liant l’employeur au salarié. Comme si l’augmentation générale des salaires obtenue en mai 1968 n’avait pas résulté de l’implication directe de l’État, sous la pression des organisations syndicales et des manifestants ! Pourtant, la commission mixte paritaire a décidé de créer le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, présidé par le Premier ministre, qui sera chargé de promouvoir l’intéressement et la participation auprès des employeurs et, sans doute, des salariés.

Dès lors qu’il s’agit de favoriser votre conception de la rémunération, l’immersion dans une relation privée, contractuelle, ne vous effraie plus. Je vois là une contradiction de plus ; c’est bien regrettable !

Ce projet de loi ne sera donc pas bénéfique pour les salariés. En revanche, il s’avérera utile au patronat, qui se voit offrir un nouvel outil de pression pour maintenir les bas salaires, en privilégiant les primes, et qui profitera en outre – comme si les quelque 42 milliards d’exonérations sociales ne suffisaient pas ! – d’un nouveau crédit d’impôt, bref, d’une nouvelle exonération fiscale.

M. le président. Veuillez conclure, madame David.

Mme Annie David. Je termine, monsieur le président.

Et ce ne sont pas les deux derniers articles qui prétendent relancer la négociation dans l’entreprise, par les grilles salariales ou les NAO, les négociations annuelles obligatoires, qui me feront changer d’avis. Bien au contraire, ces articles légitiment l’inacceptable, à savoir l’existence de grilles de salaires au-dessous du SMIC – le rajout du Sénat en la matière est des plus contestables – et le non-accord dans le cadre des NAO.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais de nouveau vous faire part de notre opposition à ce projet de loi, qui ne répond pas à la vraie question, celle qui nous réunit aujourd’hui et que vous n’assumez pas, celle de la répartition des richesses, du partage de la plus-value entre le travail et le capital.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il fallait voter l’amendement Dassault !

Mme Annie David. Le partage que vous proposez jouera nécessairement contre l’intérêt des salariés de notre pays, car, pour vous, le juste partage, c’est 10 % pour le travail, 90 % pour le capital.

C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Bien envoyé !

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le secrétaire d'État, le moins que l’on puisse dire, c’est que vous rencontrez des difficultés pour améliorer le pouvoir d’achat des Français !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas simple !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous aurions presque envie de vous encourager, si nous ne vous soupçonnions pas d’avoir moins le souci d’aboutir à des résultats tangibles que de permettre au Président de la République de devenir le « Président du pouvoir d’achat », comme il nous l’avait promis.

M. Guy Fischer. Mensonges !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Permettez-moi de vous le dire, et ce sans esprit de contradiction ni souci d’opposition frontale,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Un peu tout de même ! (Sourires.)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. … l’irréalisme de ce projet de loi en faveur des revenus du travail renforce notre inquiétude.

Monsieur le secrétaire d'État, avec ce texte, vous réitérez, en vain, votre remue-ménage habituel, comme vous le fîtes, sans succès, avec la loi TEPA en 2007, dont les dispositions sur la majoration des heures supplémentaires et les exonérations fiscales n’ont convaincu personne. Leur extrême complexité, doublée d’allégements généraux, a provoqué la réticence des employeurs, puis de nombreux effets d’aubaine – quelle ironie, et quel aveu d’échec ! –, avec les conséquences que l’on connaît, le tout pour plusieurs milliards d’euros à la charge de l’État.

Au début de l’année, le Gouvernement revenait avec le projet de loi pour le pouvoir d’achat, visant, notamment, à permettre le rachat des RTT.

Je vous épargnerai les commentaires qu’inspire un tel désaveu – seule une entreprise sur cinq propose le rachat des jours de RTT, et peu de salariés le demandent –, pour ne retenir qu’un volet du texte, à savoir le déblocage de la participation jusqu’à 10 000 euros pour les demandes formulées avant le 30 juin dernier, qui annonce le projet de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis.

Avec votre promesse, vous vouliez nous faire croire que cela favoriserait la consommation. Pas de chance, le miracle ne s’est pas produit ! Les sommes débloquées ont été principalement placées en assurance vie.

De plus, le déblocage de la participation est totalement contradictoire et, partant, fortement critiquable. En effet, il est difficile de prôner une épargne de longue durée en vue d’une retraite par capitalisation, par ailleurs facteur de stabilité pour le financement des entreprises, et, dans le même temps, de multiplier les mesures de déblocage pour inciter les salariés à soutenir la consommation en dépensant immédiatement ladite épargne !

Enfin, en enfonçant le clou avec le RSA, vous prétendez, une fois de plus, vous occuper du pouvoir d’achat des Français, en l’occurrence des plus démunis, mais sans vraiment convaincre. D’ailleurs, convaincu, l’êtes-vous vous-même ? Sans doute pas assez puisque, au même moment, vous envisagez de créer un comité d’observation du SMIC – ce bon vieux SMIC ! –, afin d’apprécier la nécessité ou non de revaloriser le revenu établi par un dispositif pérenne, qui n’a pas à prouver son utilité et son importance.

C’est à n’y rien comprendre !

Le bon sens eût voulu que l’on cessât ces gesticulations.

Entre-temps, la crise que l’on connaît est survenue. Loin de vous persuader de l’urgence qu’il y avait à revoir vos copies, toutes vos copies, elle a au contraire fait germer dans votre esprit une nouvelle idée : réinventer le capitalisme. Et vous voilà avec le projet de loi en faveur des revenus du travail !

Avant d’entrer dans le détail des dispositions qui suscitent la réticence de mes collègues du groupe socialiste et la mienne, je souhaite attirer votre attention sur la dimension symbolique d’une telle coïncidence.

Monsieur le secrétaire d'État, pour entrer dans le vif du sujet, je me suis simplement interrogée sur le sens de la formule « en faveur des revenus du travail ». Figurez-vous qu’en ouvrant simplement un dictionnaire mon pressentiment s’est confirmé. Il y a au mieux une confusion, au pire de l’imposture, dans le titre même de ce projet de loi.

Mme Annie David et M. Guy Fischer. C’est de l’imposture !