Sommaire

Présidence de M. Roland du Luart

1. Procès-verbal

2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

3. Protection du secret des sources des journalistes. – Discussion d'un projet de loi.

Discussion générale : Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Jacques Legendre, Antoine Lefèvre, François Zocchetto, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Michel Charasse.

Mme le garde des sceaux.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 1 de la commission et sous-amendements nos 24 rectifié, 26 rectifié à 28 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur,  17 à 20, 22 et 23 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements nos 40 à 43 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 25 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. le rapporteur, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Josiane Mathon-Poinat, Claudine Lepage, M. Jean-Pierre Sueur.

4. Souhaits de bienvenue à M. Dimitris Sioufas, président du Parlement hellénique

5. Protection du secret des sources des journalistes. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi.

Article 1er (suite)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Bernard Frimat, François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Bernard Saugey, Mme Josiane Mathon-Poinat. – Rejet des sous-amendements nos 24 rectifié, 17, 20, 22, 27 rectifié, 28 rectifié, 23, 18, 19 et, par scrutin public, du sous-amendement no 26 rectifié ; adoption de l’amendement no 1, les autres amendements devenant sans objet.

Amendement n° 2 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 2

Amendements nos 3 de la commission, 29 de M. Jean-Pierre Sueur et 44 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – MM. le rapporteur, Jean-Pierre Sueur, Mmes Josiane Mathon-Poinat, le garde des sceaux. – Adoption de l’amendement no 3, les autres amendements devenant sans objet.

Amendements nos 4 de la commission et 45 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – M. le rapporteur, Mmes Josiane Mathon-Poinat, le garde des sceaux. – Adoption de l’amendement no 4, l’amendement no 45 devenant sans objet.

Amendement n° 5 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 6 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 30 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Amendement n° 7 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 8 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 9 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 10 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 11 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 2

Amendement n° 12 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 32 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 3

Amendements nos 33 de M. Jean-Pierre Sueur, 13 et 14 de la commission. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet de l’amendement no 33 ; adoption des amendements nos 13 et 14.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 3

Amendements nos 34 et 35 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet de l’amendement no 34 et, par scrutin public, de l’amendement no 35.

Amendement n° 21 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – MM. Jacques Muller, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 36 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Michel Boutant, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 3 bis

Amendement n° 15 de la commission ; amendements identiques nos  37 de M. Jean-Pierre Sueur et 46 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – MM. le rapporteur, Jean-Pierre Sueur, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. – Retrait des amendements nos 37 et 46 ; adoption de l’amendement no 15.

Adoption de l'article modifié.

Article 3 ter

Amendement n° 38 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Michel Boutant, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendement n° 16 de la commission ; amendements identiques nos 39 de M. Jean-Pierre Sueur et 47 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait des amendements nos 39 et 47 ; adoption de l’amendement no 16.

Adoption de l'article modifié.

Article 4. – Adoption

Vote sur l'ensemble

Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Muller, Jean-Pierre Sueur, Nicolas Alfonsi.

Adoption du projet de loi.

M. le rapporteur, Mme la ministre.

6. Nomination de membres d’une mission commune d’information

7. Dépôt de projets de loi

8. Transmission d'un projet de loi

9. Renvoi pour avis

10. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

11. Dépôt d'un rapport

12. Dépôt d'un avis

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 85 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, le rapport évaluant la mise en œuvre de la réforme de la taxe professionnelle.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.

3

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
Discussion générale (suite)

Protection du secret des sources des journalistes

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la protection du secret des sources des journalistes (nos 341 et 420, 2007-2008).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
Article 1er (début)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui est la réalisation de l’engagement pris par Nicolas Sarkozy pendant la campagne pour l’élection présidentielle d’assurer une véritable protection du secret des sources des journalistes.

Comme le remarque très justement M. François-Noël Buffet dans son rapport, notre droit n’a jamais consacré aucun principe garantissant le secret des sources. C’est pourtant une garantie démocratique fondamentale, le gage d’une information éclairée, pluraliste et indépendante.

Je n’ignore pas que cette question a déjà fait l’objet de nombre de réflexions et de nombreux débats. Je pense en particulier aux travaux de vos anciens collègues Paul Girod en 1989, Charles Jolibois en 1995 et, plus récemment, Louis de Broissia en 2007. Le Gouvernement s’en est largement inspiré.

L’actualité, plus ou moins récente, démontre qu’une intervention du législateur est aujourd’hui nécessaire en cette matière.

Le rapporteur, en sa qualité de membre du groupe sénatorial d’études Nouvelles technologies, médias et société, avait toutes les qualités requises pour examiner ce texte. Il l’a fait – je tiens à le souligner pour lui rendre hommage – avec la compétence du fin juriste qu’il est en sa qualité d’avocat et de parfait connaisseur du monde des médias et de ses enjeux.

Le rapporteur et la commission des lois ont été soucieux de respecter l’équilibre que traduit ce projet de loi. François-Noël Buffet a, en particulier, parfaitement démontré la complexité de la relation entre la justice et la presse, chacune en quête de vérité et gardienne de son propre secret : celui de l’enquête et l’instruction dans le premier cas et celui de ses sources dans le second.

Ces deux logiques, aussi légitimes l’une que l’autre, doivent pouvoir coexister dans un cadre juridique qu’il nous appartient aujourd’hui de définir.

Notre droit actuel est insuffisant et limité. La loi ne garantit en effet nullement le secret des sources. La justice peut notamment, sans aucune restriction, rechercher comment un journaliste a été informé, par qui et dans quelles conditions.

Un magistrat, un enquêteur ou un tribunal peuvent exiger d’un journaliste qu’il leur livre sa source. Le journaliste s’expose même à une amende de 3 750 euros s’il refuse de remettre un document qui permettrait de remonter à sa source.

La seule disposition protectrice, nous la devons à Michel Vauzelle quand il était garde des sceaux. Elle résulte d’une loi du 4 janvier 1993. Elle autorise le journaliste, entendu comme témoin par un juge d’instruction, à refuser de livrer une information. Cette loi a constitué une amélioration significative. Toutefois, compte tenu de sa portée limitée, elle ne suffit plus.

C’est pourquoi le projet de loi affirme un principe clair : il consacre la protection du secret des sources comme un principe général de notre droit, valable en tous domaines. Par ailleurs, il décline les garanties qui en découlent. Il assure ainsi un plus juste équilibre en encadrant l’intervention de l’autorité judiciaire.

Le droit au secret des sources figurera désormais dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. C’est l’article 1er du projet de loi.

Pour pleinement mesurer la portée de ce principe, il faut rappeler les trois questions essentielles qui sont au cœur du débat.

Première question : quelles informations doivent être couvertes par le secret des sources ?

Pour définir l’information protégée, le projet de loi reprenait purement et simplement la formulation employée par la Cour européenne des droits de l’homme depuis l’arrêt Goodwin de 1996. La Cour de Strasbourg considère en effet que le secret des sources des journalistes doit être protégé « afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général ».

Cette formulation a suscité des interrogations, voire des critiques.

La commission des lois du Sénat, sur proposition de son rapporteur, a donc modifié le texte. Dans son amendement n° 1, elle retient une rédaction plus neutre et moins sujette à interprétation. Seraient ainsi protégées toutes les informations recueillies par les journalistes dans « l’exercice de leur mission d’information du public ».

Cette formulation correspond parfaitement à l’esprit du projet de loi. Elle devrait lever toute réserve de la part des journalistes. Le Gouvernement sera donc favorable à cet amendement.

Deuxième question essentielle : comment définir le journaliste ? Là encore, le Gouvernement a retenu une définition issue de la recommandation du Conseil de l’Europe du 8 mars 2000 sur le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information.

Cette définition a en effet paru plus satisfaisante et plus protectrice que celle qui est retenue par notre code du travail. Un critère qui reposerait sur les ressources tirées d’une activité de presse aurait été aléatoire et ne répondait pas à l’objectif poursuivi.

La définition large retenue dans le projet de loi répond donc aux préoccupations exprimées par les professionnels de la presse.

Le secret des sources s’applique aux informations obtenues par tout professionnel qui recueille et diffuse de l’information au public, quel que soit le média pour lequel il travaille – presse écrite, orale ou par internet, agences de presse – et qui exerce régulièrement cette activité en étant rémunéré pour cela.

Sont donc concernés tous les journalistes, mais aussi les directeurs de rédaction et les correspondants de presse réguliers.

La troisième et dernière question, tranchée dans l’article de principe introduit dans la loi de 1881, découle de la question précédente : la protection du secret des sources couvre-t-elle exclusivement le journaliste ? Le Gouvernement a toujours clairement affirmé que ce texte protège le secret des sources, quelle que soit la personne qui le détient.

L’Assemblée nationale entendait donner une garantie supplémentaire sur ce point. Elle a donc précisé les conditions dans lesquelles il peut être porté atteinte au secret des sources « directement ou indirectement ». Cette précision visait à englober tous les collaborateurs du journaliste ainsi que ses proches, qui peuvent également détenir le secret de ses sources.

Là encore, l’amendement n° 1 adopté par la commission des lois apporte plus de précision. Il définit l’atteinte indirecte au secret des sources pour viser expressément « toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources ».

La réponse apportée à ces trois questions permet de mesurer pleinement l’avancée sans précédent que constitue ce texte. Il donne – et c’est la première fois – une véritable assise juridique au secret des sources. Il consacre un nouveau principe général dans notre droit.

Ce principe est par ailleurs complété par des garanties destinées à préserver le secret des sources contre toute atteinte injustifiée.

De manière générale, le projet de loi limite les atteintes pouvant être portées au secret des sources. Ces atteintes doivent intervenir à titre exceptionnel et si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie. Cette règle vaudra en tous domaines.

La commission des lois propose d’ajouter une autre condition : que ces atteintes soient limitées aux mesures strictement nécessaires et qu’elles restent proportionnées au but que l’on cherche légitimement à atteindre. Le Gouvernement sera également favorable à cette précision complémentaire.

Dans le cadre d’une affaire pénale, le texte ajoute des conditions particulières – et c’est normal – permettant à la justice de remonter à la source d’information du journaliste. Il faut que la nature et la particulière gravité du crime ou du délit le justifient et que cela soit absolument nécessaire à l’enquête. La commission des lois propose une rédaction plus précise de ces conditions.

En revanche, il convient de se garder de vouloir établir une liste exhaustive de faits graves. Il faut impérativement laisser aux juges le soin d’apprécier au cas par cas s’il est justifié de savoir comment un journaliste a été informé et d’identifier sa source. Sans cette faculté d’appréciation, on empêcherait la justice d’agir dans des affaires a priori de moyenne gravité, mais dont les enjeux peuvent être importants.

Une atteinte au secret des sources serait évidemment disproportionnée dans le cadre d’une enquête portant sur de simples vols, sur de petites fraudes ou des escroqueries, sur des cercles de jeux clandestins ou sur des infractions au code de la route. La gravité des faits n’est évidemment pas suffisante.

De même, a priori, aucun impératif prépondérant d’intérêt public ne justifie que soit levé le secret des sources dans le cadre d’une affaire de contrefaçon. Toutefois, l’appréciation serait différente si la contrefaçon portait sur des produits de santé ou sur de simples vêtements, mais qu’un reportage révélait que c’est un moyen de financement de mouvances radicales, d’un réseau de criminalité organisée, voire de terroristes.

La loi belge de 2005 est parfois citée en exemple. Elle ne permet de lever le secret des sources que pour prévenir la commission d’infractions constituant une menace grave pour l’intégrité physique.

Je prendrai un exemple pour démontrer la rigueur excessive d’un texte aussi restrictif. Un meurtre odieux émeut la France, une enquête est ouverte, mais on ne dispose d’aucun indice pour identifier l’auteur. Un journaliste dispose d’une lettre anonyme qui pourrait permettre de remonter au meurtrier. Ces éléments peuvent être déterminants pour l’enquête.

Que doit-on faire dans ce cas ? Faut-il s’interdire de demander au journaliste comment lui est parvenue la lettre ? Doit-on s’interdire de lui demander de remettre le courrier ? S’il refuse, faut-il tout de même saisir ce document ou, au contraire, s’en abstenir afin de protéger la source du journaliste, au risque de laisser libre quelqu’un qui pourrait commettre un nouveau meurtre ?

La Belgique est allée très au-delà de ce qu’impose la Cour européenne des droits de l’homme après sa condamnation en 2003. Elle répond clairement que le secret des sources dans ce cas est absolu : parce que le crime est commis, il n’est plus nécessaire de lever le secret.

Je pose la question à la Haute Assemblée : dans cette hypothèse, accepterait-on en France de se priver d’identifier un meurtrier au nom de la protection du secret des sources ? Doit-on renoncer à éviter peut-être d’autres victimes ?

Nous consacrons enfin le secret des sources, mais ce n’est pas notre tradition de sacrifier à un principe, aussi important soit-il, tout autre intérêt légitime. Une société démocratique a besoin d’une justice efficace, qui garantit la sécurité de tous et qui protège.

Un équilibre est nécessaire entre la protection des sources et ce que la Cour européenne des droits de l’homme appelle « un impératif prépondérant d’intérêt public », de la même façon que l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit des limites à la liberté d’information.

Le projet de loi encadre l’intervention de l’autorité judiciaire. Seules les affaires les plus graves justifient une atteinte au secret des sources.

La justice, pour remplir sa mission, doit pouvoir obtenir certaines informations ou pouvoir y accéder.

Dans les affaires les plus graves, le projet de loi permet sous certaines conditions à la justice pénale de lever le secret des sources.

Tous les actes d’enquête et d’instruction seront soumis aux conditions restrictives qui permettent, à titre exceptionnel, d’identifier la source d’un journaliste. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, les enquêteurs et les magistrats devront chercher à résoudre l’affaire sans passer en aucune façon par le journaliste. À défaut, leurs actes seront disproportionnés et annulés.

Le principe général posé dans la loi sur la liberté de la presse est décliné dans le code de procédure pénale. Le secret des sources est ainsi préservé lors des divers actes d’enquête et d’instruction qui peuvent être réalisés.

Le projet de loi encadre les perquisitions, les retranscriptions d’écoutes téléphoniques et toutes les réquisitions, y compris celles qui sont adressées aux opérateurs téléphoniques ou aux fournisseurs d’accès à internet.

Actuellement, le code de procédure pénale prévoit que les perquisitions dans les entreprises de presse ou de communication audiovisuelle sont effectuées par un magistrat. Le projet de loi va plus loin et étend cette garantie aux agences de presse, aux véhicules professionnels et au domicile des journalistes. Le texte tient ainsi compte des spécificités du travail journalistique.

Le magistrat effectuant la perquisition devra respecter les mêmes règles protectrices – voire plus protectrices – que celles qui s’appliquent aux perquisitions au cabinet ou au domicile d’un avocat. Il devra également s’assurer que ni la perquisition ni ce qu’il saisit ne portent une atteinte disproportionnée au secret des sources.

Le journaliste – ce n’est pas le cas pour les avocats – pourra s’opposer, durant la perquisition, à la saisie d’un document qui permettrait d’identifier l’une de ses sources. Il appartiendra alors au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la nécessité de saisir ce document et de le verser au dossier pénal.

De même, le projet de loi exclut, en principe, toute atteinte au secret des sources résultant d’écoutes téléphoniques ou de réquisitions, par exemple pour obtenir le relevé des communications du journaliste. Seules des infractions particulièrement graves permettront, à titre exceptionnel, une atteinte au secret des sources.

Il convient enfin de préciser que le projet de loi va bien au-delà des exigences de la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, il empêche de contraindre un journaliste à livrer sa source. Cela vaut même dans les hypothèses les plus graves. Dans ces cas, la loi permettra aux enquêteurs de passer outre le refus du journaliste de coopérer en utilisant leurs moyens d’investigations. Le journaliste ne pourra être ni poursuivi ni sanctionné pour avoir refusé son aide, contrairement au droit en vigueur. Le projet de loi consacre ainsi un droit au silence absolu du journaliste, comme cela avait été demandé durant la campagne pour l’élection présidentielle et comme Nicolas Sarkozy en avait pris l’engagement.

Un journaliste entendu comme témoin pourra invoquer le secret des sources à tous les stades de la procédure pénale : lors de l’enquête initiale, qu’il s’agisse de l’enquête préliminaire ou de l’enquête de flagrance, lors de l’information judiciaire devant le juge d’instruction ou lors de l’audience devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises. Je rappelle que, aujourd'hui, le journaliste ne peut invoquer le secret des sources que lorsqu’il est entendu en qualité de témoin par le juge d’instruction.

Le journaliste n’encourra plus d’amende s’il se tait. Il en sera de même s’il refuse de fournir un document pour protéger ses sources. Les journalistes ne seront donc jamais contraints à livrer eux-mêmes leurs sources.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi tel qu’il résulte de son examen en première lecture par l’Assemblée nationale constitue une avancée sans équivalent. Il assure aux journalistes l’information nécessaire à l’exercice d’une libre information. Les journalistes sont mis en mesure de remplir pleinement le rôle de gardien de la démocratie que la Cour européenne des droits de l’homme leur confère.

C’est un projet de loi équilibré, qui concilie ce principe nouveau avec les nécessités d’action de l’autorité judiciaire.

Je connais votre attachement à la liberté de la presse. Je sais aussi que vous aurez à cœur de ne pas entraver plus que nécessaire l’action judiciaire. En soutenant ce projet de loi, je l’espère unanimement, vous contribuerez à un grand progrès démocratique, conforme à notre tradition républicaine. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat est saisi du projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes, qui a été adopté en première lecture le 15 mai dernier par l’Assemblée nationale.

Le quasi-silence du législateur sur un sujet aussi essentiel pour la liberté d’expression, et la liberté de la presse en particulier, ne laisse pas d’étonner. L’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 pose le principe de la liberté de communication et laisse à la loi la responsabilité d’en fixer les limites, afin de concilier l’exercice de cette liberté avec d’autres objectifs de valeur constitutionnelle, comme la sauvegarde de l’ordre public ou le respect de la vie privée.

La loi du 29 juillet 1881 encadre à cet égard la liberté de la presse. Elle définit en particulier les délits de diffamation, d’injure, d’outrage, d’incitation à commettre un crime, de propagation de fausses nouvelles, mais elle reste silencieuse sur le secret des sources, question évidemment cruciale au cœur de la relation existant entre la justice et la presse.

En effet, la justice et la presse revendiquent toutes les deux la recherche de la vérité. Et toutes les deux s’appuient sur le secret – le secret de l’instruction pour la première et le secret des sources pour la seconde – afin de découvrir la vérité.

Ces deux légitimités dans une société démocratique sont évidemment amenées à se heurter dès lors que la recherche de la vérité par l’une passe précisément par la connaissance, voire la divulgation, des informations couvertes par le secret de l’autre.

Ce texte, vous l’avez rappelé, madame le garde des sceaux, traduit un engagement de M. Nicolas Sarkozy pendant la campagne pour l’élection présidentielle. Il constitue également une réponse aux condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment pour violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce texte constitue aussi un pas en avant important pour les journalistes eux-mêmes, qui attendaient depuis longtemps cette évolution législative. L’article 1er affirme un grand principe, celui de la protection des sources. Il se veut d’abord un principe simple et limpide, afin de ne pas poser de problème particulier d’interprétation.

Tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale, l’article 1er du projet de loi prévoit que « le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général ». Cette rédaction ayant fait débat lors de mes auditions, j’ai déposé un amendement tendant à la modifier. Je propose que le secret des sources des journalistes soit protégé non pas « afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général » mais « dans l’exercice de leur mission d’information du public ». Cette formulation semble faire l’unanimité, peut-être pas sur les travées de cet hémicycle, mais au moins chez les journalistes.

Il nous semble également nécessaire de préciser et de clarifier la rédaction de l’Assemblée nationale concernant la définition du journaliste.

Nous avons aussi travaillé, pour répondre à une préoccupation des professionnels, sur une meilleure protection des sources de l’ensemble de la chaîne de l’information. Il était effectivement important que les journalistes aient, en la matière, un signe fort, garant d’une réelle efficacité de la sécurité que l’on veut apporter.

Nous avons également, à travers les amendements que nous discuterons tout à l’heure, essayé de redéfinir de façon plus précise cette notion de chaîne de l’information, notamment en ce qui concerne les atteintes directes ou indirectes au secret des sources.

Tel est le principe affirmé par rapport au texte d’origine, qui est amélioré. Mais, comme pour tout principe, il faut s’interroger sur sa limite.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Autrement dit, et c’est une question essentielle, à quel moment ou dans quelles conditions peut-on porter atteinte à ce principe ?

Il y a deux façons d’aborder le sujet.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Soit on retient la logique suivie, par exemple, en Belgique, et l’on va très loin dans le dispositif, estimant que seule une menace sur l’intégrité physique des personnes autorise à porter atteinte au secret des sources.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Soit on se positionne par rapport à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, en prévoyant, pour le juge, la possibilité d’apprécier les situations au cas par cas et en considérant qu’il doit exister un impératif prépondérant d’intérêt public pour qu’il puisse être porté atteinte à ce principe.

M. Jean-Pierre Sueur. Qu’est-ce qui est prépondérant ?

M. Michel Charasse. Le juge décidera !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois propose de se caler sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Autre point abordé dans ce texte : en matière de procédure pénale, il est possible de porter atteinte au secret des sources, mais sous condition. Nous avons précisé les choses, ajoutant à l’existence d’un impératif prépondérant d’intérêt public l’exigence que la mesure d’investigation soit indispensable à la manifestation de la vérité. La protection du secret des sources est donc renforcée.

Par ailleurs, le texte évolue également sur les conditions dans lesquelles les perquisitions sont effectuées. L’objectif a été de caler la procédure des perquisitions au sein d’organismes de presse sur celle qui est mise en place pour les avocats, avec l’intervention du bâtonnier.

S’il n’existe pas l’équivalent des bâtonniers pour les journalistes, il est, en revanche, possible d’assortir cette procédure de garanties, notamment par la présence de témoins et, surtout, par la saisine du juge des libertés et de la détention, qui sera le garant permanent des procédures menées. Est ainsi créé un moyen nouveau pour protéger les journalistes dans l’exercice de leur profession.

C’est porteur de ces principales évolutions que ce texte vient aujourd’hui en discussion devant nous. J’ai déposé, au nom de la commission des lois, seize amendements, dont quatre me paraissent fondamentaux.

D’abord, j’ai proposé de supprimer la disposition limitant aux seules questions dites d’intérêt général le bénéfice de la protection du secret des sources, d’étendre explicitement la protection de ce secret à l’ensemble de la chaîne de l’information, de compléter les conditions requises afin de pouvoir porter atteinte au secret des sources dans le cadre d’une procédure pénale et de préciser qu’une réquisition ou une écoute judiciaire est nulle si elle est prise en violation de ces conditions sans qu’il soit nécessaire que l’atteinte au secret soit disproportionnée. Autant de points majeurs en termes d’évolution sur ce sujet.

Reste en suspens l’une des demandes des journalistes, celle qui consistait à pouvoir revenir sur l’infraction de recel de violation du secret de l’instruction.

Nous le savons, lorsqu’un journaliste fait l’objet d’une procédure en diffamation, il peut, au titre de l’exceptio veritatis, donner tous les documents qu’il détient pour être en mesure de justifier que ce qu’il a écrit correspond à la vérité. Donc, il peut parfaitement produire un document qu’il a obtenu « sous le manteau ». (M. Michel Charasse s’exclame.) Dans cette hypothèse, le journaliste est bien sûr protégé et on ne peut pas lui reprocher de détenir ce document pour assurer sa propre défense.

En revanche, en dehors de la procédure de diffamation, il reste susceptible d’être poursuivi pour recel de violation du secret de l’instruction. Beaucoup de journalistes m’ont demandé de faire disparaître cette infraction du texte.

Je considère qu’accéder à cette demande constituerait une remise en cause très claire du principe du secret de l’instruction, lequel s’applique à un certain nombre de parties au procès.

De deux choses l’une : ou bien on dit que l’on supprime le secret de l’instruction – et je pense sincèrement que cela doit faire l’objet d’un débat spécifique parce que c’est un sujet en soi, qu’il n’est pas concevable d’aborder lors de la discussion de ce texte et c’est la raison pour laquelle je n’ai pas donné aux journalistes une réponse favorable à leur demande – ; ou bien on considère que le secret de l’instruction est quelque chose d’essentiel et de majeur et il faut effectivement maintenir le texte.

Ce projet de loi constitue-t-il une finalité ? Je dirai sincèrement qu’il constitue une évolution majeure pour la profession de journaliste, comme pour les relations entre la presse et la justice.

Ce texte ouvre des perspectives nouvelles. Il a permis de soulever un certain nombre de questionnements qui méritent d’être résolus et qui, faute de l’être dès maintenant, pourront trouver réponse dans les années à venir.

En revanche, la question de fond reste l’équilibre entre la protection proposée et la limite de celle-ci. La comparaison avec des professions réglementées comme celle d’avocat n’est pas pertinente dans la mesure où cette dernière, comme d’autres professions, s’exerce dans le cadre d’une organisation professionnelle qui, en contrepartie des droits, exige des devoirs.

Dans ces conditions, il serait intéressant pour les journalistes de poursuivre la réflexion consistant à revoir leur organisation professionnelle…

M. Michel Charasse. On peut rêver !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. …selon une structure sans doute différente de celle des avocats. Cela ne fait pas l’unanimité chez eux. Il n’empêche que le débat est ouvert. C’est l’une des pistes qui permettra de rouvrir, à un moment ou à un autre, cette discussion sur la protection totale demandée. Elle me paraît en l’état encore un peu prématurée, alors même que ce texte constitue une incontestable avancée. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je m’exprime sur le temps de parole de mon groupe. On comprendra toutefois que la commission des affaires culturelles se soit également sentie concernée par le débat qui a lieu cet après-midi.

Nous nous réjouissons que le droit des journalistes à la protection du secret de leurs sources fasse enfin l’objet d’une inscription claire et sans ambiguïtés dans le droit positif français. C’est là l’aboutissement d’une préconisation déjà formulée dans le rapport d’information sur la crise de la presse de notre ancien et excellent collègue Louis de Broissia, et approuvée par la commission des affaires culturelles de notre assemblée voilà plus d’un an.

À travers ce rapport, la commission avait en effet appelé de ses vœux une consolidation du statut des journalistes afin qu’il ne soit porté atteinte à la protection du secret de leurs sources qu’à titre exceptionnel et lorsque la nature de l’infraction, sa particulière gravité, le justifie. Elle soulignait également la nécessité d’étendre au domicile des journalistes les règles spécifiques applicables aux perquisitions effectuées dans une entreprise de presse, en les rapprochant autant que faire se peut des garanties accordées aux avocats.

C’est pourquoi je me réjouis que ces deux garanties soient reprises par le présent projet de loi. Il s’agit là d’un signe fort à l’endroit d’une profession en perte de repères et dont le secteur d’activité, la presse, doit, plus que jamais, dans un contexte économique délicat, mettre l’accent sur la qualité de l’information, sa pluralité, son indépendance et sa réactivité.

La protection de la confidentialité des sources est un devoir autant qu’un droit. Elle est au cœur des obligations éthiques du métier de journaliste. Mais sa garantie est également une condition nécessaire de la liberté de la presse : l’assurance pour une source que son identité ne sera pas divulguée est l’indispensable corollaire de la mission d’information des journalistes, c’est-à-dire de leur devoir de rendre publics des éléments auxquels le citoyen n’a pas, seul, les moyens d’avoir accès. Cette confidentialité est donc une exigence capitale dans leur mission d’investigation, dans leur recherche constante de la vérité.

Je souhaite insister, en particulier, si vous le permettez, sur le lien entre la protection des sources journalistiques et la crédibilité de l’information, parce que ce lien est, à mon sens, d’une importance capitale pour la confiance que le lecteur accorde à la presse écrite. De la multiplicité des sources des journalistes, premier critère d’une information plurielle et indépendante, dépend la confiance que le citoyen place dans la qualité de l’information. Cette confiance est une garantie de la fidélité du lecteur à son quotidien, qui conditionne, en dernier ressort, la bonne santé du secteur de la presse écrite.

Or, nous le savons, la confiance de nos concitoyens dans la qualité de l’information s’est considérablement érodée.

M. Jacques Legendre. Selon une enquête TNS Sofres de janvier 2008, moins de la moitié des Français pense que « les choses se sont passées vraiment ou à peu près comme la presse écrite le montre ». Il y a évidemment à cette situation des causes multiples. Cela dépasse le problème de la vérification et de la connaissance des sources. Mais il est bon de le savoir…

Dès lors, face à une information dont la pluralité et l’indépendance sont régulièrement mises en doute, le renforcement de sa crédibilité est un premier pas essentiel pour sortir le secteur de la presse écrite de la crise qu’il connaît depuis trop longtemps. Le présent projet de loi, en confortant le statut des journalistes, y contribue donc pleinement.

En remédiant aux insuffisances de notre droit positif sur la protection du secret des sources des journalistes, le projet de loi satisfait également aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme qui, sur le fondement de l’article 10 de la convention l’instituant, a érigé le principe de la liberté du journaliste de ne pas révéler ses sources comme la « pierre angulaire de la liberté de la presse ».

Par ailleurs, je souhaite saluer la vigilance dont ont fait preuve les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat sur les limites qu’il convient de poser à la confidentialité des sources des journalistes, qui ne saurait être absolue.

À ce titre, je me félicite de la nouvelle rédaction du deuxième alinéa du texte proposé par l’article 1er pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, introduite par l’Assemblée nationale préférant l’« impératif prépondérant d’intérêt public » à l’expression initiale encore trop incertaine d’« intérêt impérieux ».

Je souscris, en outre, aux précisions que souhaite apporter la commission des lois de notre Haute Assemblée, par voie d’amendement, au projet de loi : ces modifications visent essentiellement à lever les risques de malentendu sur la définition du principe de protection du secret des sources que faisait peser la rédaction initiale du projet de loi.

Ces amendements permettent, d’une part, de mieux définir le périmètre du principe consacré, en rappelant que la protection du secret des sources des journalistes intervient dans « l’exercice de leur mission d’information du public ». Ils visent, d’autre part, à étendre explicitement le bénéfice de la protection du secret des sources à l’ensemble de la chaîne de l’information. Il s’agit là d’une précision indispensable dès lors qu’au sein des rédactions l’information est appelée à circuler entre plusieurs personnes, notamment les directeurs de publication responsables à l’extérieur de ce qui est publié.

Par l’ensemble de ces modifications, le Parlement met en place un cadre légal suffisamment précis pour conférer au journaliste des garanties proches de celles qui sont accordées aux professions réglementées astreintes au secret professionnel. Dans ces circonstances, le journaliste se trouve renforcé dans le double rapport de confiance qu’il doit entretenir aussi bien avec ses sources qu’avec ses lecteurs.

Enfin, je partage l’analyse de la commission des lois du Sénat selon laquelle la consécration du principe général de protection du secret des sources, par l’article 1er du projet de loi, suffit à couvrir du sceau de la confidentialité les sources dématérialisées. En effet, les données téléphoniques des journalistes archivées par les opérateurs téléphoniques ne peuvent, en toute logique, être communiquées au juge d’instruction qu’à la condition que celui-ci avance l’existence d’un « motif prépondérant d’intérêt public » à l’appui d’une telle mesure.

En conclusion, je me réjouis que le législateur accède enfin à une revendication exprimée de longue date par les journalistes.

Ce projet de loi va, en effet, dans le sens d’une plus grande crédibilité de l’information et d’une indépendance accrue des journalistes dans leur mission d’investigation. Il ouvre la voie à une forme originale de « secret professionnel » longtemps souhaité par la profession de journaliste, qui a démontré, par là, qu’elle envisageait le secret des sources comme un devoir autant qu’un droit.

Le dispositif, équilibré, réserve aux seuls journalistes le choix de dévoiler ou de taire leurs sources. C’est précisément l’évolution que recommandait le groupe de travail sur l’avenir de la presse, installé par notre commission l’année dernière et qui avait permis d’associer à cette réflexion l’ensemble des partis politiques.

C’est pourquoi j’espère que notre Haute Assemblée parviendra à un large accord sur un texte propre à conforter le statut des journalistes. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vous remercie.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, dans toute société démocratique, les journalistes jouent un rôle capital dans l’information des citoyens.

La possibilité pour eux de garder le secret quant à l’origine de leurs informations est nécessaire afin de ne pas tarir leurs sources et de garantir la liberté d’information des citoyens.

La protection du secret des sources apparaît dès lors comme le corollaire direct du droit à l’information.

Or, notre droit actuel reste insuffisant. Il n’assure qu’une protection partielle du secret des sources, ne reconnaissant pas aux journalistes le droit au secret professionnel.

Certes, la loi du 4 janvier 1993 a constitué une avancée sur ce point, en leur reconnaissant le droit de taire leurs sources lorsqu’ils sont entendus comme témoins. Mais il s’agit d’un droit de non-divulgation, qui laisse au journaliste la liberté de révéler ou de ne pas révéler.

De plus, ce droit au silence est aujourd’hui limité à la phase d’instruction : il ne s’applique pas à la phase de jugement.

La loi de 1993 a, en outre, introduit dans le code de procédure pénale un article 56-2 relatif aux perquisitions dans les entreprises de presse.

Cet article prévoit que de telles perquisitions ne peuvent être réalisées que par un magistrat chargé de veiller à ce que les investigations « ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession de journaliste ».

Ces garanties apparaissent insuffisantes.

Enfin, notre législation en la matière n’est pas conforme à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’interprétation très extensive qu’en a faite la Cour de Strasbourg au fil des ans, notamment par l’arrêt Goodwin contre Royaume-Uni de mars 1996.

Par sa jurisprudence, la Cour a établi que la protection du secret des sources des journalistes constitue « l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse » et qu’elle doit être garantie, car, si ce principe n’était pas respecté, la presse pourrait être « moins à même de jouer son rôle indispensable de “chien de garde” de la démocratie ».

La Cour ajoute que les journalistes doivent pouvoir ne pas révéler leurs sources à l’autorité judiciaire, sauf si l’atteinte au secret est justifiée par « un impératif prépondérant d’intérêt public ».

Il était donc urgent et nécessaire de remédier aux insuffisances de notre droit au regard de la jurisprudence européenne en conférant une véritable assise juridique au secret des sources.

Tel est l’objet du projet de loi qui nous est soumis.

Je tiens, au nom de l’ensemble de mes collègues du groupe UMP, à saluer l’engagement du Président de la République, qui avait promis, durant la campagne pour l’élection présidentielle, de réformer le droit en vigueur pour renforcer la liberté d’information (M. Michel Charasse s’exclame) et, ainsi, consolider la démocratie.

C’est donc avec satisfaction que nous examinons aujourd’hui ce projet de loi attendu qui montre l’importance accordée par le Gouvernement à la liberté d’information et à l’indépendance des journalistes.

Ce texte comporte des avancées considérables. Il ne s’agit ni d’une petite réforme ni d’une simple adaptation de nos règles de droit.

Au contraire, il s’agit d’un texte majeur qui pose un nouveau principe au service de la liberté d’informer et de notre démocratie. Pour la première fois en effet, le principe de protection du secret des sources est véritablement garanti.

Le principe général posé dans la loi de 1881 s’appliquera dans tous les domaines, notamment devant les juridictions répressives, et cela même en l’absence de dispositions particulières.

Tous les actes d’enquête et d’instruction seront soumis aux conditions restrictives, qui permettent, à titre exceptionnel seulement, d’identifier la source d’un journaliste.

Les journalistes se voient par ailleurs reconnaître un droit au silence absolu, un droit de taire leurs sources en toutes circonstances.

Entendus comme témoins, ils pourront invoquer le secret des sources à tous les stades de la procédure pénale.

Le projet de loi les protège également davantage en cas de perquisition.

Il encadre, en outre, de façon plus rigoureuse l’intervention de l’autorité judiciaire, car, comme vous le souligniez à juste titre, madame le garde des sceaux, « le secret des sources doit pouvoir être levé dans certaines conditions très encadrées. Il ne peut être absolu. ».

Il doit, en effet, exister un juste équilibre entre la protection des sources et ce que la Cour européenne des droits de l’homme appelle « un impératif prépondérant d’intérêt public ».

Ainsi, il ne pourra être porté atteinte au secret des sources qu’à titre exceptionnel et lorsqu’un intérêt impérieux l’imposera.

Cette atteinte devra être strictement nécessaire et proportionnée. Ainsi, il sera possible à un juge d’exiger qu’un journaliste révèle l’identité de ses sources dans une affaire de terrorisme ou de crime organisé.

Ce projet de loi nous paraît donc parfaitement équilibré. Il est protecteur pour les journalistes tout en permettant, néanmoins, une intervention encadrée du juge.

Le rapporteur, M. François-Noël Buffet, proposera à notre assemblée des amendements qui tendent à renforcer davantage les garanties apportées par ce projet de loi et que nous soutiendrons.

Sans en modifier l’équilibre, ces amendements opèrent une clarification utile du texte afin d’écarter tout malentendu et tout risque d’interprétation restrictive de la protection du secret des sources.

Avant de conclure, je souhaiterais abonder dans le sens de M. le rapporteur : il nous semble nécessaire que puisse être menée une vraie réflexion sur l’organisation de la profession de journaliste, notamment en matière de déontologie.

En effet, dans la mesure où ce projet de loi vise à reconnaître de nouveaux droits et à faire bénéficier les journalistes de procédures dérogatoires au droit commun habituellement réservées à des professions réglementées, il n’est pas illégitime d’envisager des contreparties garantissant que les journalistes n’abuseront pas de ces nouveaux droits.

Pour l’ensemble de ces raisons et sous réserve de ces observations, le groupe UMP votera en faveur de ce projet de loi tel qu’enrichi par les pertinentes propositions de M. le rapporteur. (Vifs applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, attendue depuis fort longtemps – il s’agit, on l’a dit, de l’une des plus anciennes revendications des journalistes –, la protection des sources des journalistes sera, si le Parlement en décide ainsi, consacrée par le présent projet de loi.

Les relations entre la presse et la justice sont complexes. L’équilibre entre la liberté de la presse, le droit des victimes et le secret de l’instruction est souvent difficile à trouver.

Toutefois, sans méconnaître le principe de l’égalité de tous devant la loi, il est incontestable que notre législation est aujourd’hui silencieuse sur la protection du secret des sources des journalistes.

Cette situation est d’autant plus regrettable que certaines affaires, comme celle qui, récemment, a opposé le magazine Auto Plus et l’entreprise Renault, ont montré que les atteintes à la liberté de la presse pouvaient atteindre des proportions très regrettables.

L’affaire que je viens de citer est l’illustration parfaite des sérieuses lacunes qu’accuse notre droit et montre que celui-ci est peu protecteur du secret des sources.

Or cette protection est nécessaire, non seulement parce que c’est une garantie fondamentale de la liberté de la presse, mais aussi parce que la France a été à plusieurs reprises condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme sur le fondement de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est particulièrement libérale et protectrice des journalistes et il est instructif de s’arrêter sur l’état d’esprit qui a présidé à son élaboration.

Ainsi, dans le célèbre arrêt Goodwin contre Royaume-Uni du 27 mars 1996, arrêt de référence en la matière, la Cour européenne affirme le droit des journalistes à protéger leurs sources.

Cependant, elle ne se limite pas à consacrer cette protection : elle saisit cette occasion pour également affirmer le rôle déterminant des journalistes dans nos sociétés démocratiques contemporaines.

Partant de diverses considérations, la Cour de Strasbourg décline également sa doctrine sur la protection des sources : « La protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse. L’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général. »

Au fil de sa jurisprudence, la Cour a reconnu que trois motifs pouvaient porter atteinte à ce principe : l’existence d’un impératif prépondérant d’intérêt public ; la nécessité de l’atteinte, c’est-à-dire l’importance de la recherche pour réprimer ou prévenir l’infraction ; la proportionnalité de l’atteinte, et notamment l’existence d’autres mesures qui permettent d’arriver aux mêmes résultats.

Dans un arrêt récent de novembre 2007, Tillack contre Belgique, elle va jusqu’à considérer que le « droit des journalistes de taire leurs sources ne saurait être considéré comme un simple privilège qui leur serait accordé ou refusé en fonction de la licéité ou de l’illicéité des sources, mais comme un véritable attribut du droit à l’information, à traiter avec la plus grande circonspection ».

Il est à noter également que, quelques années après l’arrêt Goodwin, le comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation invitant les États à prendre les mesures nécessaires à la protection des sources des journalistes.

Force est de constater que la France, contrairement à d’autres pays européens comme la Belgique, est aujourd’hui très en retard.

Les seules mesures actuellement en vigueur permettant de protéger à minima les journalistes datent de la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, qui autorise le journaliste à ne pas divulguer ses sources lorsqu’il est entendu comme témoin devant un juge d’instruction, et de la loi du 9 mars 2004, dite « Perben II », laquelle protège le journaliste en cas de réquisition judiciaire.

Notre pays a donc une législation extrêmement parcellaire et se trouve de plus en plus en opposition avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui l’a d’ailleurs condamné à plusieurs reprises, principalement en 1999 et en 2007.

Dans ces affaires, la Cour de Strasbourg a d’ailleurs eu à se prononcer sur un deuxième sujet majeur et typiquement français : la condamnation pour délit de recel de violation du secret de l’instruction ou du secret professionnel. En effet, les juges français ont eu de plus en plus tendance ces dernières années à condamner les journalistes sur le fondement de ces deux infractions et donc à autoriser dans le cadre de l’enquête des perquisitions. Dans l’affaire Fressoz et Roire notamment, il s’agissait du secret fiscal, après la publication de la déclaration de revenus de M. Calvet.

M. Michel Charasse. Pas la déclaration de revenus, l’avis d’imposition !

M. François Zocchetto. Cet état de la jurisprudence française place les journalistes dans une situation d’insécurité juridique (M. Michel Charasse s’exclame), d’autant plus ennuyeuse que les affaires ont eu tendance à se multiplier.

Il était donc nécessaire et même urgent qu’une loi intervienne et nous saluons le Gouvernement pour avoir pris l’initiative de ce projet de loi qui relaye une disposition annoncée par le Président de la République.

M. le rapporteur a excellemment exposé les dispositions du texte et je me bornerai donc à quelques remarques. Il me semble en effet que son approche très perspicace nous permet de revenir utilement sur certains aspects du texte, en particulier pour apporter des précisions sur des termes flous laissant une trop grande marge d’appréciation aux juges, qui risquent de ce fait de rendre des décisions s’éloignant des principes de la jurisprudence européenne.

Ainsi, je salue l’amendement de réécriture du rapporteur qui précise la notion d’« information du public » et sa finalité. La commission a en effet jugé utile que cette information du public ne porte pas seulement sur des questions d’intérêt général, ce qui est une bonne chose.

La commission propose également de définir la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte en cas de procédure pénale, ce qui est également une bonne chose.

Toujours dans le même esprit, la commission apporte des précisions nécessaires sur la définition de l’atteinte indirecte.

Pour certains, le projet de loi aurait dû aller plus loin en supprimant le délit de recel de violation du secret de l’instruction ou du secret professionnel.

Pour ma part, je partage totalement la position de M. le rapporteur sur cette question qui se pose avec pertinence, car il arrive fréquemment que, pour contourner les difficultés liées à la protection des sources, les journalistes soient mis en examen sur le fondement de ces infractions.

Toutefois, comme l’écrit à juste titre M. le rapporteur, la suppression pure et simple de ces infractions « aurait pour effet de signer en pratique la fin du secret de l’instruction, puisqu’aucun frein ne pourrait plus y être opposé. Certes, d’ores et déjà, le secret de l’instruction est très affaibli. Mais l’existence du délit de recel a malgré tout pour effet d’obliger les journalistes à adopter une attitude responsable et à ne pas céder systématiquement à la facilité de publier des pièces protégées par le secret de l’instruction. »

M. Michel Charasse. On peut toujours rêver !

M. François Zocchetto. J’en conviens, la question reste entière, mais elle pourra faire l’objet d’une réflexion plus approfondie dans le cadre des États généraux de la presse.

Pour finir, je crains que notre débat de cet après-midi ne débouche pas sur un consensus. J’ai cru comprendre que certains, au motif que les dispositions proposées étaient insuffisantes, ne voteraient pas le texte, même amendé. Je le regrette, car je pense sincèrement que toutes les mesures qui nous sont soumises aujourd’hui sont d’une importance majeure : elles visent à protéger les journalistes et donc à garantir la liberté et le pluralisme de la presse.

Chacun prendra ses responsabilités ! La liberté de la presse est un principe fondamental, garant d’une libre expression et garant des sociétés démocratiques. Nous devons donc tous, en tant que parlementaires, nous faire un devoir de la protéger.

C’est pourquoi, même si des questions demeurent, je crois qu’il est fondamental que nous adoptions ce projet de loi. Il est attendu depuis trop longtemps pour que nous tardions encore à consacrer dans la loi le principe du secret des sources des journalistes. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes, cinq jours seulement après son inscription à l’ordre du jour par le Gouvernement.

En préambule, je ne peux donc que déplorer les conditions d’examen de ce texte, avant d’en aborder le fond. Le Gouvernement a décidément bien du mal à traduire dans la pratique le discours qu’il nous a inlassablement répété durant l’examen de la révision constitutionnelle sur la revalorisation du rôle du Parlement, censé être davantage associé à la fixation de l’ordre du jour, et sur le temps nécessaire pour légiférer en toute quiétude. Je le regrette, mais je n’en suis guère étonnée.

Le sujet du jour est le principe de la protection du secret des sources des journalistes, qui attendait une reconnaissance législative.

La loi de 1881 a constitué, sous la IIIRépublique, une avancée considérable pour la liberté d’expression et la liberté de la presse, mais elle ne reconnaît pas le principe de la protection des sources.

La Charte des devoirs professionnels des journalistes français adoptée en 1918 dispose : « Un journaliste, digne de ce nom, [...] garde le secret professionnel ; [...] ne confond pas son rôle avec celui du policier. »

Plus tard, le principe fut repris dans la Déclaration des droits et devoirs des journalistes de 1971 : « Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le commentaire des événements sont : [...]

« Garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement ; ».

Dans le cas plus précis de la France, seule la loi Vauzelle du 4 janvier 1993 modifie l’article 109 du code de procédure pénale : « Tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine. »

Mais, depuis cette date, la législation française n’a pas spécifiquement consacré le principe de la protection du secret des sources, bien que celui-ci soit reconnu au niveau international et européen. Cependant, la Cour européenne des droits de l’homme l’a proclamé comme étant un élément essentiel de la liberté d’expression dans plusieurs de ses arrêts, allant même jusqu’à le considérer, dans son arrêt Roemen et Schmit contre Luxembourg de février 2003, comme étant « l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse. »

Le secret des sources fait partie intégrante de la liberté d’information et de la liberté d’expression C’est sur ce fondement que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme le 7 juin 2007, estimant que la condamnation de deux journalistes qui avaient refusé de révéler leurs sources constituait une violation de la liberté d’expression.

Les journalistes français se trouvent donc confrontés à une problématique sinon insoluble, du moins insatisfaisante : soit ils révèlent leurs sources, soit ils doivent faire face à des condamnations judiciaires. Dans les deux cas, la liberté d’information est mise en danger : les sources, se sachant identifiables, finiront par se raréfier, voire par disparaître, et les journalistes, menacés de sanctions judiciaires, hésiteront avant de publier une information. Enfin, le public risque de connaître, progressivement, une presse uniforme, lisse et qui s’autocensure.

La situation est d’autant plus critique aujourd’hui que les grands groupes de presse n’appartiennent qu’à quelques personnes, telles que Lagardère, Bouygues, Bolloré ou Dassault, toutes proches, voire intimes, du pouvoir exécutif en place.

Reconnaître la protection du secret des sources constitue une exigence démocratique, afin de garantir une presse libre et indépendante, protégée des pressions.

C’était l’objectif attendu de la profession, soumise de plus en plus fréquemment à des procédures judiciaires destinées à remonter leurs sources : multiplication des mises en examen ou encore des perquisitions visant les rédactions et leurs membres.

Je citerai simplement les perquisitions au Canard Enchaîné, la mise en examen de Denis Robert dans l’affaire Clearstream, les perquisitions au Point et à L’Équipe dans l’affaire Cofidis, et la garde à vue récente du journaliste Guillaume Dasquié, pigiste au Monde, pour la divulgation de documents provenant de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE.

Le présent projet de loi est-il de nature à dissiper les craintes des journalistes et à assurer le droit à l’information ? Le texte initial ne contient pas les traductions de ces exigences. En effet, il se situe en retrait par rapport à la jurisprudence européenne et au droit européen. Le 8 mars 2000, le comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation sur le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information, réaffirmant « que le droit à la liberté d’expression et d’information constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique ».

Le texte se situe également en retrait par rapport à d’autres législations d’États membres, telle la Belgique, dont la fameuse loi d’avril 2005 accorde une protection très étendue du secret des sources non seulement des journalistes, mais aussi de leurs collaborateurs.

Or si l’on regarde attentivement et dans le détail le projet de loi, force est d’admettre qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux et qu’il n’est pas aussi protecteur que le Gouvernement voudrait nous le faire croire. Les deux premiers articles concentrent l’essentiel des critiques.

L’article 1er crée un nouvel article 2 pour la loi du 29 juillet 1881. Il était très contestable dans sa présentation initiale pour trois raisons principales.

Tout d’abord, il prévoyait que le secret des sources des journalistes était protégé « afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général. » Cette formulation, reprise de la recommandation de juillet 2000, laisse toutefois perplexe. Est-ce à dire que, dans les autres cas, le secret des sources ne serait pas protégé ? On peut légitimement le craindre.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Quels seraient ces cas et comment seraient-ils définis ? Ce texte risque donc d’introduire un clivage entre différentes formes de presse.

Ensuite, le principe énoncé était aussitôt tempéré par une exception. Trois conditions étaient ainsi définies pour encadrer les pouvoirs du juge : « Il ne peut être porté atteinte à ce secret que lorsqu’un intérêt impérieux l’impose […] si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit […] ainsi que les nécessités des investigations le justifient. »

Enfin, la définition donnée de la personne protégée ne prenait pas en compte l’ensemble des professionnels, à commencer par les collaborateurs, c’est-à-dire les personnes gravitant autour des journalistes, pas plus que n’était définie la notion de source.

Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale n’a pas levé toutes les ambiguïtés de l’article 1er : il ne revient pas, notamment, sur la question de l’« intérêt général » devant caractériser l’information du public.

Dans les trois conditions définies pour encadrer les pouvoirs du juge, la notion d’« intérêt impérieux » a été remplacée par celle d’« impératif prépondérant d’intérêt public », qui est une reprise des termes de la Cour européenne des droits de l’homme, et l’atteinte au secret reste possible « si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations rendent cette atteinte strictement nécessaire. »

Si la notion d’« intérêt impérieux » a heureusement été abandonnée, parce qu’elle était trop floue, les imprécisions du texte initial n’ont pas été levées : comment apprécier « l’impératif prépondérant d’intérêt public » ou encore la « particulière gravité du crime » ? Ces notions sont subjectives ; elles risquent de dépendre de l’humeur de l’opinion publique à un moment donné.

La question des collaborateurs des journalistes a été réglée par le rapporteur de l’Assemblée nationale un peu trop rapidement, me semble-t-il, en prévoyant que l’atteinte portée au secret des sources peut être directe ou indirecte. Mais cette précision est incomplète ; elle ne permet pas une protection suffisante de la chaîne de diffusion de l’information. Par ailleurs, la définition de ce qu’est une source fait toujours défaut.

Je prendrai l’exemple de la loi belge de 2005 : la protection accordée par l’article 2 aux collaborateurs est explicite ; ils sont protégés au même titre que les journalistes, dont la définition est également plus satisfaisante que celle qui figure dans le présent projet de loi.

La loi belge définit également les informations et documents susceptibles d’identifier une source, ce que prévoyait la recommandation du Comité des ministres du 8 juillet 2000.

Le projet de loi reste muet sur la question des sources et des informations susceptibles de les identifier.

L’article 2, quant à lui, modifie le code de procédure pénale afin d’encadrer les perquisitions dans une entreprise de presse ou au domicile du journaliste. Mais le texte initial présentait quelques lacunes, comblées par les députés : les perquisitions dans les entreprises de communication au public en ligne ou encore dans les véhicules professionnels des journalistes, oubliées à l’origine, sont désormais elles aussi encadrées.

Les éléments saisis seront mis sous scellés et le juge des libertés et de la détention décidera s’ils doivent ou non être pris en compte dans la procédure, après débat avec le journaliste concerné, celui-ci pouvant en effet s’opposer à la saisie s’il l’estime irrégulière.

L’objectif visé est de calquer les garanties relatives aux perquisitions dans les locaux des journalistes sur celles dont bénéficient les avocats, mais à une différence près, et pas des moindres : en cas de perquisition dans un cabinet d’avocats, le bâtonnier est présent, ce qui constitue une garantie supplémentaire qui n’existe pas pour les journalistes.

Enfin, les articles 3 bis et 3 ter ont été insérés par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur : le premier porte sur les réquisitions et le second sur les écoutes téléphoniques.

Il faut saluer le fait que les députés aient abordé la question des réquisitions, mais notre optimisme s’arrête à la lecture de l’article 3 bis. En effet, celui-ci prévoit que toute réquisition judiciaire qui porterait illégalement atteinte au secret des sources serait nulle. Le problème des réquisitions, notamment en ce qui concerne celles qui sont destinées à obtenir la liste des appels émis ou reçus par un journaliste auprès de son opérateur téléphonique, est soulevé de façon récurrente par les journalistes.

Si les perquisitions bénéficient d’un encadrement malgré tout assez strict, les réquisitions constituent, quant à elles, un réel danger pour les sources des journalistes. En effet, la police peut tout à fait envoyer une réquisition aux opérateurs téléphoniques et ainsi obtenir la liste des appels reçus ou émis par le journaliste, sans même que celui-ci en soit informé. Or rien ne sert de poser le principe de la protection du secret des sources si la police ou le juge peuvent obtenir la liste des numéros émis ou reçus par un journaliste.

L’article 3 bis ne règle que partiellement la question, puisque la nullité est une sanction qui intervient a posteriori. Le policier ou le juge pourront toujours avoir connaissance des sources. De plus, cet article atténue la portée de la protection, puisque, pour que la nullité soit reconnue, il faut que l’atteinte ait été « disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction ».

Quant à l’article 3 ter, mes remarques seront du même ordre : il tend à sanctionner de nullité la transcription des écoutes judiciaires lorsque celles-ci portent atteinte de façon disproportionnée au secret des sources.

En conclusion, j’aurais souhaité que ce projet de loi offre une réelle protection du secret des sources des journalistes. Mais l’imprécision des formulations retenues par l’article 1er, tant dans le principe de protection que dans les dérogations prévues, traduit une sorte de méfiance à l’égard de la profession journalistique.

J’ai l’impression que le Gouvernement a cherché davantage à se donner les moyens de pouvoir contourner le secret des sources qu’à le protéger véritablement.

Nous attendons le débat sur les amendements – les nôtres, bien sûr, mais aussi ceux de M. le rapporteur et de nos collègues – pour voir si le Gouvernement a le courage de consacrer réellement le principe de la protection du secret des sources des journalistes. Si tel n’était pas le cas, nous ne pourrions voter en faveur de ce texte. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il va de soi qu’un large accord se dégage sur les principes qui fondent ce texte. Toutefois – et c’est là tout le problème – le diable se cache souvent dans les détails et les habiletés sémantiques aboutissent à ce que les meilleurs principes soient en quelque sorte dépourvus des effets que l’on veut leur assigner.

Ce texte se caractérise par un certain nombre de trompe-l’œil et de clairs-obscurs. Notre rôle est de les débusquer et de les montrer. Mes chers collègues, soyez convaincus que si nous parvenions à rendre ce texte plus transparent, nous serions très nombreux à avoir le plaisir de le voter.

Le présent projet de loi prévoit de modifier une grande loi de la République, une loi fondatrice, cette loi de 1881 sur la liberté de la presse à laquelle nous ne devons toucher qu’avec vigilance, scrupule et respect tant son rôle et son aura sont grands.

Il y a la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle nous reproche, à nous Français, d’être en retard dans l’application des principes qu’elle a édictés. Et puis, il y a ce que j’appellerai la simplicité, cette beauté dans l’écriture législative : ainsi, la loi de 1881, en son article 1er, dispose : « L’imprimerie et la librairie sont libres. » On aimerait parvenir à une telle clarté dans l’expression. Tout le monde comprend immédiatement de quoi il s’agit.

De même, l'article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme est ainsi rédigé : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. »

Il n’est pas question pour nous de délibérer sur ce sujet sans citer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, notamment ces phrases si belles et si fortes : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement,...

M. Michel Charasse. Sauf s’il y a abus !

M. Jean-Pierre Sueur. …sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi. » Monsieur Charasse, vous savez très bien que les abus sont susceptibles d’être sanctionnés seulement dans les cas prévus par la loi. Je pense que vous serez d’accord avec moi sur ce point, car je connais votre esprit républicain.

Madame la ministre, mes chers collègues, cela ne vous a pas échappé, ce texte se situe dans un contexte qui appelle de notre part une grande vigilance.

On ne peut pas dire que l’indépendance des médias soit aujourd'hui totale. (Exclamation sur les travées de lUMP.)

M. Marcel-Pierre Cléach. Et voilà, c’est parti !

M. Jean-Pierre Sueur. Qui possède les médias dans ce pays sinon le pouvoir politique, le pouvoir financier et le pouvoir économique ?

M. Jean-Pierre Sueur. Cela n’a-t-il pas de conséquences sur la mise en œuvre du pluralisme ?

Les exemples foisonnent : le projet de nomination par le Gouvernement, voire par le Président de la République, du président de France Télévisions ; la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, qui aura de lourdes conséquences en termes financier et en matière de programmes, donc sur la capacité à informer et à créer dans les semaines ou les mois à venir ; les critiques adressées à l’Agence France-Presse, coupable de ne pas avoir publié tel ou tel communiqué – mes chers collègues, nous savons tous que les communiqués des différentes formations politiques ne sont pas toujours d’un intérêt considérable – ;…

M. Michel Charasse. Elle est financée par l’argent des contribuables !

M. Alain Gournac. Oui, c’est nous qui la payons !

M. Jean-Pierre Sueur. …la multiplication des perquisitions au Canard enchaîné, à L’Équipe, au Point – Mme Mathon-Poinat a rappelé l’affaire Cofidis – ; la garde à vue du journaliste et écrivain Guillaume Dasquié ; les pratiques que l’on a pu constater à France 3, en particulier dans la région Centre, à France 3 Orléans, où des journalistes ont été sommés de produire les rushes de certains de leurs reportages. Tout cela est, à notre sens, totalement contraire au secret des sources, que cette loi a justement pour objet de garantir.

M. Michel Charasse. Même s’il y a eu crime ?

M. Jean-Pierre Sueur. Il n’y a pas eu crime, en l’espèce, monsieur Charasse ; j’y reviendrai tout à l’heure.

Madame la ministre, j’ai pris connaissance avec la plus grande attention de votre déclaration sur Europe 1 du 10 février 2008, dont les termes ont été rappelés lors du débat à l'Assemblée nationale : « Nous sommes sur la protection des sources s’agissant de la révélation ou de l’origine d’une information, pas de la révélation d’une calomnie, d’une contre-vérité ou d’un mensonge. »

Je sais que, dans les émissions radiodiffusées, on est toujours pris par le feu du dialogue et de l’action. Pour autant, qu’est-ce qu’une contre-vérité ?

M. Michel Charasse. C’est ce que dit un journaliste et qui n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Dans nos débats politiques, il arrive très souvent que les uns considèrent les dires des autres comme des contre-vérités, et inversement.

Les sources des journalistes ne seraient garanties que s’il ne s’agit pas d’une contre-vérité. Qui sera juge de la contre-vérité ou de la vérité ?

M. Michel Charasse. Contrairement à ce que dit la presse, les sénateurs n’ont pas chacun une voiture ! Voilà une contre-vérité !

M. Alain Gournac. Vous vouliez un exemple, en voilà un !

M. Jean-Pierre Sueur. Par ailleurs, il nous faut replacer ce projet de loi dans le contexte des grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, l’arrêt Goodwin contre le Royaume-Uni consacre le principe de la protection des sources des journalistes. Dans l’arrêt Ernst et autres contre la Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme juge que des « perquisitions ayant pour objet de découvrir la source d’information des journalistes – même si elles restent sans résultat – constituent un acte encore plus grave qu’une sommation de divulgation de l’identité de la source ». L’arrêt Roemen et Schmit contre le Luxembourg consacre le secret des sources comme l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse. Enfin, dans l’arrêt Dupuis et Pontaut contre la France du 7 juin 2007, la Cour européenne des droits de l’homme invite à la plus grande prudence « concernant l’incrimination de recel de violation du secret de l’instruction ».

Il a beaucoup été dit que la législation belge, notamment la loi du 27 avril 2005, atteignait un degré de protection des sources des journalistes digne d’être cité en exemple. Il en est de même pour ce qui est de la définition du journaliste et de ses collaborateurs, des fortes restrictions aux condamnations de journalistes pour recel et, surtout, de la définition de l’exception, sur laquelle je reviendrai dans un instant.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons travaillé sur ce texte ; nous avons dialogué avec les organisations représentatives des journalistes, avec les syndicats, les associations. Nous en sommes arrivés à la conclusion suivante : pour que nous puissions voter ce texte, il faut qu’il soit amélioré et clarifié sur plusieurs points ; j’en citerai sept, qui sont repris dans les amendements que nous avons déposés.

Premièrement, il convient de revenir sur la référence à « l’intérêt général ». À cet égard, je tiens à saluer l’initiative de François-Noël Buffet, rapporteur : son amendement visant à supprimer cette mention est le bienvenu. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons son adoption.

Nous préférerions toutefois, par souci de clarté et pour éviter toute ambiguïté, la formulation que nous proposons dans l’un de nos amendements, qui est simple et que tout le monde comprend : « Le droit au secret des sources d’information est protégé par la loi. » Je ne vois pas quelles objections vous pourriez soulever ! Mais si des dénégations ou des doutes nous étaient opposés, je souhaiterais savoir sur quel fondement. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen de cet amendement.

Deuxièmement, nous estimons que la réécriture de l'article 2 de la loi de 1881, issue des travaux de l'Assemblée nationale, ne peut absolument pas être acceptée en l’état. En effet, il est précisé : « Il ne peut être porté atteinte […] au secret des sources » ; l’expression n’est pas très heureuse pour fonder un droit. Puis on indique aussitôt après les conditions dans lesquelles il peut être porté atteinte à ce secret des sources. On aurait pu adopter une autre formulation.

Dans un premier temps, le Gouvernement avait fait référence à un « intérêt impérieux » Qu’est-ce qu’un intérêt impérieux ? Tout ne peut-il devenir, au regard de certaines circonstances, un intérêt impérieux ? L'Assemblée nationale a préféré l’expression « impératif prépondérant ». Là encore, de quoi s’agit-il ? De quelque chose plus important qu’autre chose. Finalement, cela ne veut pas dire grand-chose : c’est très général ! Si quelqu’un ici pense que cette formulation est suffisamment précise, je serais très heureux d’entendre son argumentation. Dans le cas contraire, je ne vois pas pourquoi elle serait maintenue.

J’en viens aux réserves émises par Michel Charasse. L’un de nos amendements vise à prévoir une limite au secret des sources, en tenant très précisément compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la législation de plusieurs pays, en particulier celle de la Belgique : « sauf si la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d’un crime ou d’un délit constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes ». Dans ces cas-là, et dans ces cas-là seulement, il pourra être porté atteinte au secret des sources.

M. Michel Charasse. Dans ces conditions, je suis d’accord !

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, et je rejoins Michel Charasse, il serait irresponsable de ne pas prévoir cette exception dans la loi.

À partir du moment où nous fixons de manière très précise les limites au secret des sources – c’est tout l’enjeu de ce débat –, les expressions « intérêt impérieux » ou « impératif prépondérant » n’ont plus lieu d’être. Laissons de côté ces formulations qui sont sources de confusion et qui détournent la loi de son objet.

Troisièmement, nous proposons une définition plus large du journaliste et des personnes protégées au nom de la loi : est visée toute personne qui contribue directement ou indirectement à la collecte, à la rédaction, à la production, au stockage ou à la diffusion de l’information. Nous ne sommes pas d’accord pour que ne soient visés que les collaborateurs réguliers, car il existe des collaborateurs irréguliers : hélas ! chacun n’a pas l’opportunité de travailler autant qu’il le souhaiterait !

Par ailleurs, nous émettons quelques doutes sur l’idée consistant à ne prendre en considération que les journalistes rémunérés, parce qu’il faut avoir à l’esprit qu’il existe une presse militante très abondante. Un certain nombre de sénateurs présents dans cet hémicycle, dont je fais partie, ont produit de nombreux écrits moyennant une rémunération nulle. Ce fait doit également être pris en compte.

Quatrièmement, s’agissant des perquisitions, nous pensons que les lieux concernés doivent être définis avec plus de précision. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les agences de presse. Or, aujourd'hui, des médias pour lesquels travaillent des journalistes rémunérés sont hébergés sur des sites internet. Il nous semble que l’on ne peut plus faire comme si cela n’existait pas. Par conséquent, nous proposons d’ajouter les opérateurs de communications électroniques, les hébergeurs de contenu et les personnes visées au 2 de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Cinquièmement, s’agissant des magistrats et de leurs décisions en cas de perquisition, nous ne sommes pas favorables au fait d’édicter un principe interdisant toute perquisition. De la même manière, nous pensons que dès lors que la garde à vue existe, aucun fondement ne justifie qu’une profession, les journalistes en l’espèce, en soit exclue.

Mais s’agissant des perquisitions, madame la ministre, si les dispositions législatives sont claires, je ne vois vraiment pas pourquoi il est indiqué à trois reprises dans le projet de loi que le juge veille à ce que les investigations ne portent pas atteinte de façon disproportionnée à la protection du secret des sources. Car si l’on reconnaît l’existence d’un secret des sources, sauf en cas de crime ou d’atteinte à l’intégrité physique, aucune perquisition ne peut avoir pour effet de le remettre en cause. Si l’on suit ce raisonnement – et je vous invite à le suivre, mes chers collègues –, qui me paraît très clair, il n’y a pas lieu de juger que l’atteinte au secret des sources est ou n’est pas proportionnée : soit elle existe parce qu’il y a une menace de crime ou d’atteinte à l’intégrité d’une personne, soit elle n’existe pas.

Sixièmement…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sueur !

M. Alain Gournac. Vous parlez depuis dix minutes !

M. Jean-Pierre Sueur. Mon cher collègue, vous savez que, dans sa grande sagesse, le Sénat n’a pas organisé ce débat. D'ailleurs, afin de ne pas allonger inutilement nos propos, nous nous sommes privés d’un rappel au règlement. Nous avons tous appris de manière inopinée l’inscription de ce texte à l’ordre du jour. Ce débat n’ayant pas été organisé, aucune limite de temps de parole n’est prévue. Mais je vous rassure, monsieur le président, je n’en ai plus que pour quelques instants.

Sixièmement, donc, dans le cas où une perquisition a lieu, ceux qui assistent la personne mise en cause peuvent s’opposer à ce que certains documents soient saisis. Un procès-verbal est alors établi. Aux termes du projet de loi, ce procès-verbal n’est pas joint au dossier ; nous ne comprenons pas pourquoi, madame la ministre. Nous demandons donc tout simplement que ce procès-verbal soit joint au dossier.

Le septième et dernier point concerne la garde à vue. À partir du moment où ce que vous dites sur le respect du secret des sources est appliqué, aucune garde à vue ne peut avoir pour effet de permettre à la personne qui y procède de se procurer les sources, d’une façon ou d’une autre, puisque ces dernières sont garanties par le secret.

Il faut inscrire dans la loi que la garde à vue ne peut en aucun cas avoir pour cause ou pour conséquence de rechercher ou de découvrir la source du journaliste, faute de quoi tout ce qui précède est incohérent.

Mes chers collègues, nous vous proposons des mesures claires, de bon sens, qui permettent de garantir ce droit essentiel à la protection des sources des journalistes. Nous plaidons pour la clarté, pour la rigueur, pour la transparence, pour la pleine mise en œuvre de ce droit, protecteur de nos libertés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, savez-vous que la Cour européenne des droits de l’homme a pour habitude de qualifier les journalistes de « chiens de garde de la démocratie » ? En réalité, derrière cette expression se trouve le fondement même du principe de la liberté d’expression : le droit de s’exprimer, qui est le corollaire immédiat du droit à l’information.

Sans une protection renforcée de l’activité d’information des journalistes, il n’y a pas de démocratie.

Sans respect scrupuleux de la liberté de la presse, une démocratie est condamnée à n’être qu’un simulacre, une parodie de démocratie, où le « muselage » nourrit et entretient l’arbitraire. C’est d’ailleurs à ce titre que la Cour européenne des droits de l’homme considère la protection des sources journalistiques comme l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse.

Par rapport aux pays voisins, par exemple la Belgique, sur ce point, la France fait preuve d’une timidité manifeste.

Plusieurs fois condamné par la cour susvisée, notre pays a dû adapter graduellement son droit à cette exigence de protection des sources journalistiques. La loi Vauzelle de 1993, qui en a consacré le principe dans notre droit pénal, a constitué sans conteste une étape importante, mais reste tout de même insuffisante.

La consécration du « droit au silence » des journalistes dans le cadre de l’instruction n’est pas suffisante. En effet, il ne sert à rien de poser le principe de la protection des sources journalistiques sans en tirer toutes les conséquences du point de vue de notre procédure pénale.

Protéger les sources d’un journaliste dans le cadre d’une déposition ne sert à rien si, par ailleurs, une simple perquisition permet de confondre son informateur.

Protéger les sources d’un journaliste dans le cadre d’une déposition ne sert à rien si, par ailleurs, il est possible d’intercepter ses correspondances.

Madame la ministre, à une époque où le principe fondamental de la liberté de la presse est battu en brèche par les incursions politiques ou menacé par une politique pénale toujours plus répressive, il devient impérieux que la protection des sources journalistiques soit inscrite au cœur de la loi de 1881, qui, si elle reste l’un des piliers de notre République, a besoin aujourd’hui d’être adaptée aux nouvelles situations.

Je ne reviendrai pas sur les affaires qui ont nourri ces dernières années la presse judiciaire. Cependant, toutes démontrent à quel point le droit existant est incomplet et inefficace.

Ainsi, il est inacceptable qu’un juge demande à un directeur de rédaction l’organigramme complet de la société avec les numéros de téléphones portables de tous ses collaborateurs.

Il est tout aussi intolérable que la justice contourne le principe du droit du journaliste au silence en exerçant, dans le cadre d’une garde à vue, des pressions psychologiques sur lui durant trente-six heures, jusqu’à ce qu’il craque et qu’il soit acculé à dénoncer un collègue. Cela est très mal vécu par la profession !

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, nous aurions souhaité voter ce texte permettant de donner plus de protection aux journalistes. En effet, au-delà de la consécration du principe de la protection des sources, il offre un dispositif permettant de mieux prendre en compte cette garantie tout au long de la chaîne pénale.

La plupart des amendements proposés par M. le rapporteur et adoptés par la commission des lois sont de nature à donner une nécessaire garantie. Ainsi, ils tendent à apporter des précisions importantes concernant la définition du champ de la protection des sources. Leurs auteurs rappellent, avec raison, que ce sont non pas les journalistes qui sont protégés, mais leurs sources. Il ne s’agit pas de créer un droit d’exception pour les journalistes : l’objectif est simplement de leur garantir une protection circonstanciée et large du secret de leurs sources dans l’exercice de leur mission d’information.

Ainsi modifié, le projet de loi tend à établir un délicat équilibre, celui d’une protection des sources journalistiques effective, étroitement contrôlée par le juge, et fournissant aux journalistes la sérénité nécessaire à l’exercice de leur mission fondamentale.

Dans l’intérêt de la profession, nous avions vraiment envie d’adopter ce texte, madame la ministre, mais nous ne pouvons pas le voter en l’état. Qu’il soit bon ne suffit pas : il faut aller plus loin ! En effet, nous considérons que, sur plusieurs points, le projet de loi qui nous est présenté peut être amélioré et peut être plus audacieux afin de favoriser ce droit d’expression incontournable pour un droit à l’information.

Premièrement, nous aurions souhaité que la notion de source soit définie avec plus de précision. Ce terme, qui apparaît pourtant plus de six fois dans l’article 1er, n’est à aucun moment défini.

Mes chers collègues, sans vouloir dresser une liste exhaustive, nous aurions pu prendre exemple sur nos voisins. Il n’est pas dit que le juge belge, qui statue sur le fondement d’une définition large de la source en droit belge, sera demain moins protecteur des sources journalistiques que le juge français qui n’en dispose pas. Parfois, la souplesse dans le droit produit des effets contraires à ceux qui sont attendus.

La construction prétorienne d’une définition des sources journalistiques peut être accélérée aujourd’hui pour favoriser le plus rapidement possible un cadre lisible d’action pour les journalistes.

En effet, définir les sources, c’est également rendre cette loi prévisible. Ce texte a même vocation à intégrer la charte déontologique des journalistes dans l’exercice de leur mission. Il faut comprendre que les journalistes, en sachant ce qui ne relève pas de la source journalistique, sauront au moins clairement ce qui ne ressort pas du champ de la protection.

Pour cette raison essentielle, je crois qu’une telle définition, aussi générale soit-elle, doit trouver sa place dans ce texte. Nous vous proposerons donc des amendements à cet égard.

Deuxièmement, nous regrettons que ne soit pas non plus définie l’atteinte directe aux sources. Là encore, l’absence de définition est supposée permettre d’englober des situations variées ou peut-être encore inconnues à ce jour.

Mais alors, pourquoi définir une atteinte indirecte ? Pourquoi laisser le juge déterminer une atteinte directe lorsqu’on lui soumet un critère précis et restrictif pour définir l’atteinte indirecte au secret des sources ? Le texte gagnerait en lisibilité et en efficacité. Nul besoin, là encore, d’attendre une construction jurisprudentielle pour obtenir une réponse précise et prévisible.

Troisièmement, un autre point mériterait, me semble-t-il, d’être discuté : la définition du journaliste.

Madame la ministre, dès lors que l’on ne souhaite pas reprendre la définition stricte du journaliste donnée par le code du travail, il faut en tirer toutes les conséquences : la nature économique de l’activité de journaliste ne doit pas demeurer avec autant de rigueur et ne peut pas être le seul critère retenu pour définir le journalisme, car cela ne correspond pas à la réalité.

Aujourd’hui, des journalistes exercent une mission d’information du public sans considérer qu’il s’agit de leur profession ou sans participer à titre régulier ou rémunéré à une rédaction.

La définition du journaliste qui est donnée par ce texte, allant un peu plus loin que celle du code du travail, s’arrête malheureusement en cours de chemin.

Quid des journalistes militants, des radios libres ou des revues associatives existant grâce au travail des bénévoles ?

Quid des stagiaires, qui aujourd’hui exécutent des missions aussi importantes qu’un journaliste ayant sa carte de presse ?

Quid de ces jeunes journalistes en formation, plein de zèle et de bonne volonté, parfois téméraires, mais toujours soucieux d’apporter une contribution constructive à la mission d’information du public ?

Nous pensons qu’il ne faut pas les oublier, pas plus qu’il ne faut oublier ceux qui collaborent de manière irrégulière à une rédaction, en qualité d’experts, par exemple.

Ainsi, un juriste qui collabore à titre exceptionnel avec une rédaction pourrait-il être protégé lorsque, commentant une affaire judiciaire, il serait amené à révéler une information intéressant la justice ? Malheureusement, il n’en serait rien ! Pourtant, ce juriste agit dans le même dessein qu’un journaliste professionnel, et souvent avec la même rigueur. Pourquoi ne serait-il pas protégé ?

Aussi, mes chers collègues, nous vous soumettrons plusieurs amendements tendant à mieux appréhender ces situations que le texte exclut a priori.

Ma conclusion portera sur un dernier point du projet de loi, et pas le moindre, à savoir la protection du secret des sources dans le cadre de la garde à vue.

Nous accueillons avec satisfaction l’intégration, dans le texte, de l’interdiction des interceptions des correspondances des journalistes. Toutefois, il n’est pas tolérable de laisser, dans le cadre de la procédure pénale, des zones de non-droit où la protection des sources ne serait pas garantie.

Cela dit, nous nous devons d’étendre encore cette protection, dans des situations en principe encadrées par le droit. Je prendrai pour exemple la situation d’un journaliste placé en garde à vue. Certes, celui-ci bénéficie du « droit de se taire », comme du reste tout citoyen. Mais quel outil permet de le protéger, spécifiquement, contre la révélation de ses sources ?

L’objet de ce projet de loi est de protéger les sources des journalistes, sauf, comme l’affirme la Cour européenne des droits de l’homme, en cas d’« impératif prépondérant d’intérêt public ». Pourquoi ne pas étendre cette protection sous condition à la garde à vue ? Pourquoi, comme pour les correspondances, les informations recueillies dans le cadre d’une garde à vue, en violation du principe posé par ce projet de loi, ne pourraient-elles pas être écartées, à peine de nullité ?

Nous resterons attentifs à la manière dont vous accueillerez ces amendements. De cet accueil dépendra notre adhésion à un texte qui, en l’état, je vous l’avoue, reste encore loin de nos espérances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Éric Doligé. Ainsi, on va y voir plus clair !

M. Michel Charasse. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, ce débat n’étant pas organisé, comme l’a souligné Jean-Pierre Sueur, j’en ai donc profité pour m’inscrire à la fin de la discussion générale, ce qui m’évitera d’avoir à intervenir sur les articles et nous permettra ainsi de gagner du temps. Je m’efforcerai d’être extrêmement bref.

Mes chers collègues, pour ma part, je n’aime pas beaucoup délibérer sous la contrainte. Or c’est bien ce que nous sommes en train de faire pour mettre le droit pénal français en conformité avec les règles définies par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.

Je rappelle d'ailleurs que nous n’avons ratifié cette convention européenne que parce qu’elle n’est pas contraire à notre Constitution, et en particulier aux textes les plus sacrés qui constituent le fondement de la République française.

Parmi ces textes figurent – plusieurs orateurs l’ont rappelé, notamment M. Sueur et M. le rapporteur – la liberté de la presse, garantie largement par l’article 11 de la Déclaration de 1789 à la condition – le terme est employé expressément par nos glorieux prédécesseurs d’août 1789 – que ses « abus » puissent être sanctionnés.

M. Jean-Pierre Sueur. Dans les cas déterminés par la loi !

M. Michel Charasse. Or on constate que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg est de plus en plus réticente à réprimer les « abus », tandis que, parallèlement, la presse actuelle ressemble de moins en moins à celle de 1789, puisque l’objectif de diffuser la pensée se trouve peu à peu remplacé par celui, purement commercial, qui porte la marque de ces grands groupes de presse d’aujourd'hui évoqués tout à l'heure par M. Sueur.

Entre nous, mes chers collègues, il ne faut pas fournir un très gros effort intellectuel pour donner une large diffusion aux extraits les plus croustillants d’un document volé dans le cabinet d’un juge d’instruction, quand on n’en a pas tout simplement hérité directement par une bienveillance coupable ! Et je ne parle même pas de l’interprétation de plus en plus restrictive de la loi de 1881 par nos tribunaux nationaux, manipulés par la presse, qui rend la répression des « abus » quasiment impossible.

J’en viens au texte, à propos duquel je voudrais soulever deux ou trois points.

Tout d'abord, mes chers collègues, nous posons un principe, celui de la protection des sources, dont l’exception sera l’atteinte à cette protection. À l’évidence, l’interprétation juridique de cette disposition sera forcément restrictive dès lors qu’il s'agit d’un principe et de ses exceptions.

D’où la très large marge d’appréciation qui sera laissée au juge, sous le contrôle naturellement de la Cour de cassation, mais à partir d’une définition très générale, qui sera toujours interprétée strictement, et parfois d'ailleurs dans une ambiance difficile de polémique et de pression médiatique.

Mes chers collègues, dans ce débat, nos travaux préparatoires ont une importance particulière, car on doit savoir précisément à l’issue de cette discussion ce que recouvre exactement la notion d’ « impératif prépondérant d’intérêt public » ; je rejoins largement sur ce point M Sueur et ses amis, qui ont posé les bonnes questions. Puisque la majorité refuse d’amender ce texte pour le rendre plus précis, nous devons au moins faire en sorte que les travaux préparatoires affirment clairement ce qu’a voulu faire et dire le législateur, étant entendu qu’une énumération des exceptions à la protection du secret des sources serait dangereuse, car elle risquerait d’être trop générale et incomplète.

Mes chers collègues, je pose simplement des questions, auxquelles j’espère obtenir des réponses à un moment ou à un autre du débat.

Les intérêts fondamentaux de la nation, au sens du code pénal, sont-ils un « impératif prépondérant d’intérêt public » ? Qu’en est-il de la sécurité intérieure et extérieure, de l’ordre public et de la défense nationale, des grands trafics internationaux, comme la drogue, les armes, le blanchiment d’argent et, d’une façon plus générale, de tout ce qui est lié au respect et à l’application des traités auxquels la France est partie ?

Peut-on considérer comme un « impératif prépondérant d’intérêt public » le fait, pour un particulier, de demander la levée du secret des sources afin d’éviter d’ « écoper » de trente ans de réclusion en cour d’assises ? Cette restriction est-elle indispensable pour assurer la liberté des citoyens dans le cas, qu’aurait pu évoquer notre collègue Jean-Pierre Sueur, où quelqu'un affirmerait : « si ce journaliste parle, on aura la vérité et on verra que je suis innocent ! »

Je citerai également, pour mémoire, le cas des menaces pesant sur la vie d’une ou de plusieurs personnes, qu’envisageait Jean-Pierre Sueur tout à l'heure.

Je viens de faire une énumération, et elle n’est pas complète, mais j’ai cité ces domaines pour que l’on ne se retrouve pas demain dans une situation où le droit de la presse pèserait plus lourd que les intérêts de la nation. Après tout, selon la jurisprudence ancienne, il est plus dangereux de commettre un délit financier, jamais prescrit, qu’un crime de sang prescrit en dix ans.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On pourrait ajouter les affaires de terrorisme !

M. Michel Charasse. Oui, c’est un élément de la sécurité intérieure et extérieure !

Sur ces points-là, au moins, je souhaiterais vraiment que l’on me réponde.

Quant au régime des perquisitions, le texte, si j’ai bien compris, est inutilement compliqué, puisque c’est un magistrat qui décidera lui-même, sur place, quels seront les documents que l’on prendra et ceux que l’on ne prendra pas. Je relève qu’on ne sait pas si c’est un magistrat du siège ou du parquet.

Mais après ce tri, que se passera-t-il ? Eh bien ! ce magistrat donnera tout simplement les papiers saisis à la police judiciaire et à d’autres juges, on les mettra dans le dossier, auquel les parties ont accès, et tout sera donc rapidement sur la place publique !

Mes chers collègues, ne faudrait-il pas prévoir, tout de même, de tirer les conséquences de cette divulgation si la vie du journaliste se trouve, de ce fait, en danger, par exemple dans une sale affaire de drogue ou de trafic d’armes ? Je me pose la question.

Pour ma part, je considère que nous sommes confrontés à une situation où le magistrat qui réalise la perquisition devrait conserver par-devers lui en permanence ces éléments, qui garderaient systématiquement un caractère secret, ce qui pose évidemment le délicat problème de l’accès des parties au dossier.

Madame le garde des sceaux, je crois qu’il faudrait aussi trouver le moyen d’expliciter clairement quelles sont les professions concernées. La commission des lois s’y est essayée, et d’autres collègues ont évoqué ce problème tout à l'heure, notamment Mme  Boumediene-Thiery, me semble-t-il.

Il doit être entendu que tous ceux qui collaborent, de près ou de loin, à l’élaboration et à la rédaction d’un journal ou d’un organe de presse écrite, parlée ou télévisée sont concernés par ce texte. Il serait mieux qu’on en ait l’assurance très claire !

Voilà, monsieur le président, les quelques brèves remarques que je voulais faire. En ce qui me concerne, sans être, comme d’autres ici, faussement béat d’admiration devant la presse, je suis tout prêt à donner aux journalistes les moyens d’exercer librement leur métier, dès lors que les droits de la société sont préservés. Car aucun corporatisme ne saurait exiger que ces droits passent avant tout ce qui concerne la nation, le pays, l’État, bref, la société au sens de 1789, qui constitue le centre de la Déclaration la plus fondamentale de la République. (Applaudissements sur les travées du RDSE, sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souhaite tout d’abord remercier M. Legendre du soutien qu’il a bien voulu apporter à ce texte, au nom de son groupe mais aussi en qualité de président de la commission des affaires culturelles.

Il est exact que ce projet de loi est très attendu ; les journalistes et leurs représentants professionnels l’appellent de leurs vœux depuis longtemps. Je me souviens d'ailleurs que, pendant la dernière campagne présidentielle, ils ont fait état de demandes qui se trouvent aujourd'hui satisfaites dans ce texte.

Monsieur Zocchetto, comme vous l’avez souligné, la France était très en retard en la matière. J’espère donc que ce texte recueillera le soutien de la Haute Assemblée, sur l’ensemble des travées.

Monsieur Lefèvre, je partage votre avis : ce projet de loi contribue à renforcer notre démocratie. La protection des sources constitue l’une des pierres angulaires de la liberté d’expression, mais c’est aussi une condition d’exercice de la liberté de la presse et de la démocratie : nous savons tous, et d'ailleurs M. Charasse vient de le rappeler, qu’il ne peut y avoir de liberté de la presse sans une véritable protection des sources.

Madame Mathon-Poinat, j’ai bien entendu votre critique sur l’inscription, que vous estimez tardive, de ce texte à l’ordre du jour du Sénat. Toutefois, la commission des lois, en particulier son rapporteur, a examiné ce projet de loi de façon approfondie et avec le plus grand sérieux.

On ne peut affirmer que la réflexion a été hâtive ou que nous découvrons la question de la protection des sources : celle-ci a été longuement débattue à l’Assemblée nationale et au sein de la commission des lois du Sénat, notamment.

Monsieur Sueur, vous considérez que ce texte ne va pas assez loin. Voilà des années que l’on parle de la protection des sources, et la seule avancée que l’on doit à la gauche en la matière fut la loi du 4 janvier 1993, dont le dispositif était extrêmement limité. Cette loi a constitué une avancée timide : elle concernait simplement l’audition du journaliste comme témoin devant le juge d’instruction. C’était le seul stade de la procédure où le journaliste bénéficiait d’une protection des sources : il pouvait invoquer le droit au silence.

Aujourd'hui, le Gouvernement va plus loin et propose un texte global, qui garantit véritablement le secret des sources. Toutefois, quand on touche aux libertés publiques, il faut maintenir un équilibre. La surenchère ne sert pas la cause de la liberté, et encore moins celle de la démocratie. Du reste, la Cour européenne des droits de l’homme n’en demande pas tant ! Le projet de loi va bien au-delà des recommandations formulées par ladite cour dans les décisions que celle-ci a pu rendre.

Monsieur Sueur, je ne peux pas non plus laisser dire que ce texte serait une « coquille vide ».

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai pas dit cela !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous avez affirmé que, finalement, ce projet de loi ne comportait pas de dispositions importantes et qu’il faudrait aller plus loin !

Vous avez soutenu également que ce texte se limitait à poser un principe fondamental, ce qui est inexact. En modifiant la loi de 1881, nous instituons un principe général du droit, qui produira des effets juridiques extrêmement importants.

Ce projet de loi s’applique donc à des situations concrètes et répond à des préoccupations réelles, qui d'ailleurs ont été exprimées par les journalistes eux-mêmes. Il protège le secret des sources au sens le plus large de l’expression. Il bénéficie aux journalistes, mais aussi à leurs collaborateurs, comme la Cour européenne des droits de l’homme l’a souhaité, et aux proches qui peuvent partager avec eux ce secret.

Enfin, ce texte encadre tous les actes d’investigation : il étend la protection du secret des sources à tous les stades de la procédure et à tous les actes d’investigation, en particulier les perquisitions, les écoutes téléphoniques …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On n’a pas évoqué le cas du terrorisme !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. …et l’identification des correspondants du journaliste par voie de réquisition. Tous ces actes sont désormais extrêmement contrôlés, ce qui constitue une avancée sans pareille.

Mme Boumediene-Thiery, vous souhaitez que la loi soit plus précise. Je pense que les amendements de la commission des lois, notamment, répondront à l’essentiel des préoccupations que vous avez exprimées. Mais je tiens à rappeler que la loi est faite pour offrir des éléments d’appréciation aux magistrats. Il faut donc faire confiance à ces derniers, …

M. Michel Charasse. Point trop n’en faut !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … dans le cadre de leur pouvoir d’interprétation.

M. Michel Charasse. Ils ne doivent pas faire la loi à notre place !

M. Jean-Pierre Sueur. La loi doit être claire !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La loi est claire, monsieur Sueur, mais elle laisse une marge d’appréciation.

M. Michel Charasse. Qui ne doit pas être trop grande !

M. Jean-Pierre Sueur. Quid de « l’impératif prépondérant d’intérêt public » ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je rappelle que les magistrats sont aussi les gardiens des libertés individuelles.

M. Michel Charasse. Le Conseil constitutionnel a toujours censuré les textes qui laissaient une marge d’interprétation trop grande !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ils disposent de pouvoirs importants, qu’ils exercent dans les limites fixées par la loi.

Le droit doit être souple pour que les magistrats puissent rester au contact des réalités et des besoins.

Le présent projet de loi est donc un bon texte : des limites claires sont posées, sans qu’il soit procédé à des énumérations restrictives. S’engager dans de telles énumérations restreindrait le pouvoir d’appréciation du magistrat et, si un cas non prévu se présentait, risquerait de poser une difficulté d’interprétation, tout au moins d’application. La loi ne peut pas tout prévoir ! Notre devoir est de fixer des limites, dans le cadre qui vous est aujourd’hui proposé.

Monsieur Charasse, effectivement, ce projet de loi tend à mettre notre droit en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme. Certains font sans doute dire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg plus qu’elle n’impose. Le présent texte va déjà beaucoup plus loin que ce qu’elle préconise.

Les limites que nous posons à la protection des sources sont raisonnables et clairement définies. Les intérêts fondamentaux de la nation sont indiscutablement des impératifs prépondérants d’intérêt public. Des cas précis ont été cités, mais la liste ne peut en être arrêtée.

M. Jean-Pierre Sueur. Tout peut faire partie de l’intérêt de la nation !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Quand la sécurité publique sera directement en jeu, notamment lorsqu’il s’agira d’assurer la protection de sites sensibles, il appartiendra au juge d’apprécier au cas par cas.

Je le répète : il faut faire confiance aux magistrats pour qu’ils exercent leur pouvoir d’appréciation dans les limites fixées par le texte. J’insiste sur le fait que, des limites strictes étant fixées, la procédure pourra être annulée si la mesure est disproportionnée.

Les magistrats devront donc se prononcer avec raison et dans des limites clairement définies. Car aller trop loin dans l’interprétation emporterait nullité de la procédure, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Ce texte marque donc une avancée importante. Le débat et les amendements de la commission permettront de l’améliorer. Je souhaite que tous les sénateurs, en adoptant ce texte, contribuent à ce réel progrès pour les journalistes, pour la démocratie et pour les libertés individuelles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Acceptez quelques-uns de nos amendements !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

1° L'article 2 devient l'article 3 ;

2° L'article 2 est ainsi rétabli :

« Art. 2. - Le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l'information du public sur des questions d'intérêt général.

« Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret qu'à titre exceptionnel et lorsqu'un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie. Au cours d'une procédure pénale, il ne peut y être porté atteinte que si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations rendent cette atteinte strictement nécessaire. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

« Est considérée comme journaliste, au sens du premier alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public. » ;

 L'article 35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le prévenu peut produire pour les nécessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, les pièces d'une procédure pénale couvertes par le secret de l'enquête ou de l'instruction si elles sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires. »

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 :

« Art. 2..- Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public.

« Est considéré comme journaliste au sens du précédent alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public.

« Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

« Est considérée comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources.

« Au cours d'une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d'investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est incontestablement le plus important, puisqu’il vise à réécrire l’ensemble de l’article.

En effet, un certain nombre de critiques ont été formulées, à tort ou à raison, d’ailleurs : d’une part, des notions trop floues et générales laissent perdurer une insécurité juridique et un aléa judiciaire important ; d’autre part, l’ensemble de la chaîne de l’information ne serait pas protégé, seul le journaliste proprement dit bénéficiant de la protection du secret des sources.

À la suite des auditions auxquelles elle a procédé et afin de lever toutes ces incertitudes, la commission propose donc de réécrire cet article.

Concernant tout d’abord la protection de la chaîne de l’information dans son intégralité, je tiens à souligner qu’il s’agit manifestement d’un malentendu. Le projet de loi pose un principe général et protège le secret des sources, pas les journalistes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est là un point extrêmement important !

Pour lever ce malentendu, l'Assemblée nationale a précisé qu'il ne pouvait être porté atteinte au secret des sources « directement ou indirectement », le mot « indirectement » devant précisément couvrir l'ensemble de la chaîne de l'information.

Cette précision ne semblant pas avoir atteint son objectif, la commission propose d'expliciter ce qu'il faut entendre par « atteinte indirecte au secret des sources ». Serait considéré de la sorte « le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources ».

S'agissant ensuite des critiques sur le flou des conditions permettant de porter atteinte au secret des sources, la commission juge possible d'améliorer la rédaction et de la préciser, sans toutefois remettre en cause l'esprit du dispositif.

Au premier alinéa, une première difficulté porte sur la notion d’« information du public sur des questions d'intérêt général ». J'ai constaté que l'ensemble des syndicats et associations de journaliste entendus s'étaient déclarés gênés, voire heurtés par cette notion. L’émotion passée, la distinction ainsi introduite entre une grande presse dite d'investigation, qui bénéficierait seule de la protection du secret des sources, et une presse « de second ordre », comprenant en particulier la presse people, est rejetée par toute la profession.

Par ailleurs, les personnes entendues regrettent le flou de cette notion, susceptible d'interprétations variables par les juges. En effet, cette notion mal délimitée vient s'ajouter à d'autres notions du projet de loi aux contours incertains, comme celle d'impératif prépondérant d'intérêt public.

En définitive, cette notion n'apporte pas grand-chose. Dans le cas de la presse people, en pratique, la justice ne décide pas de mesures d'investigations pour connaître la source d'un journaliste. Le journal sera directement condamné à une amende et à des dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée, sans qu'il soit nécessaire de connaître l'informateur.

Je souligne également que le fait que le journaliste bénéficie ou non de la protection de ses sources n'a pas pour effet de le déresponsabiliser : il reste entièrement responsable de ses écrits et peut donc faire l’objet de poursuites pour diffamation, éventuellement, ou atteinte à la vie privée. Il doit vérifier la fiabilité de ses sources et étayer ses affirmations.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission propose de prévoir que le secret des sources des journalistes est protégé « dans l'exercice de leur mission d'information du public ». Cette formule, plus neutre et moins susceptible d'interprétation divergente, permet néanmoins d'exclure l'invocation du secret des sources en cas de mise en cause d'un journaliste dans une affaire étrangère à l'exercice de sa profession.

L’idée est bien de protéger le secret des sources des journalistes au cours de l’exercice de leur profession, et non de leur assurer une protection totale et sans limite qui leur permettrait peut-être quelques dérapages.

De même, si un journaliste s'abritait derrière son statut pour régler des comptes strictement personnels, sa qualité de journaliste ne pourrait plus être invoquée et, par conséquent, le secret des sources non plus.

Une seconde difficulté concerne la définition des situations dans lesquelles une autorité administrative ou judiciaire pourrait porter atteinte au secret des sources.

Au cours des auditions, l'ensemble des représentants des journalistes ou des entreprises de presse ont proposé de fixer a priori une liste d'infractions ou un quantum minimum de peine à partir duquel pourrait être porté atteinte au secret des sources.

Séduisante en apparence en ce qu’elle semble plus sécurisante, cette solution pose malheureusement plusieurs problèmes.

Tout d'abord, il est impossible d'imaginer l'ensemble des situations où il pourrait être légitime de porter atteinte au secret des sources, à moins de prévoir une liste d'infractions si longue ou un quantum de peine si bas que l'intérêt même de fixer a priori les cas d'atteinte au secret des sources disparaîtrait.

La Cour européenne des droits de l'homme, malgré sa jurisprudence très favorable au secret des sources, se refuse d'ailleurs à dresser une liste a priori. Elle s’en tient à une action au cas par cas et fixe des conditions générales, sur lesquelles nous reviendrons sans doute.

Toutefois, il est possible de préciser la rédaction du projet de loi en la rapprochant, notamment, de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

La commission propose d'affirmer que, de manière générale, les mesures susceptibles de porter atteinte au secret des sources lorsqu'un impératif prépondérant d'intérêt public existe doivent être « strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi ».

La précision est d’importance et répond à l’inquiétude de Michel Charasse : si, dans les cas qu’il a évoqués, il est évident que le secret des sources pourra être levé, il n’empêche que, avant que soit acceptée la levée de ce secret, le critère de proportionnalité de l’atteinte, notamment, devra être respecté.

La Cour européenne des droits de l’homme, en particulier, vérifie donc si d’autres mesures n’auraient pas permis de parvenir au même résultat : atteindre le stade où il est besoin de lever le secret des sources signifie qu’ont été épuisées – cela doit pouvoir être justifié – toutes les autres mesures susceptibles de faire connaître la vérité des choses. Il s’agit de cas extrêmement limités.

Dans la rédaction du projet de loi, la condition de stricte nécessité n'est prévue que si l'atteinte intervient dans le cadre d'une procédure pénale. En revanche, la condition de proportionnalité n'est pas prévue.

Certes, en pratique, les atteintes au secret des sources sont essentiellement le fait du juge pénal, mais il semble préférable et plus logique de l'inscrire au niveau des principes généraux.

Dans le cadre d'une procédure pénale, la commission propose également de mieux définir l'interprétation qui doit être faite des conditions de nécessité et de proportionnalité. Outre la gravité du crime ou du délit, il devrait être tenu compte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte, de l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction, et du fait que les mesures d'investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. Le juge devra donc s'assurer que d'autres moyens ne permettent pas d'aboutir au même résultat.

J’espère avoir rassuré Michel Charasse sur les conditions de levée du secret des sources : le principe est bien la protection des sources et non pas celle du journaliste, et la levée de cette protection est soumise à des conditions telles qu’elle n’interviendra qu’à l’issue d’un processus qui n’aura pas pu permettre à la vérité d’être révélée.

M. le président. Le sous-amendement n° 17, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Est considérée comme source au sens du présent article :

« 1° L'identité de toute personne qui fournit des informations à un journaliste ;

« 2° Les informations, documents et objets permettant d'identifier la nature ou la provenance des informations fournies à un journaliste ;

« 3° Le contenu des informations, documents et objets permettant d'identifier la personne qui a fourni des informations à un journaliste.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement a pour objet de revenir sur la définition de la source.

Je vous soumets une définition que je n’ai pas inventée : elle découle de l’article 3 de la loi du 7 avril 2005 relative à la protection du secret des sources journalistiques en Belgique.

Je ne pense pas que l’on puisse reprocher à la Belgique un quelconque laxisme dans le domaine de la protection des sources journalistiques : le texte de la loi présente toutes les garanties de conformité avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et fournit une protection large et efficace des sources. Beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, ont d’ailleurs fait allusion à ce droit belge.

Par ce sous-amendement, je vous propose donc de reprendre in extenso la définition qui est donnée par ce texte, laquelle est suffisamment large pour ne pas figer le droit en la matière.

M. le président. Le sous-amendement n° 20, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est considérée comme source au sens du présent article, toute personne qui fournit des informations, documents, ou objets à un journaliste, ainsi que toute information, document ou objet permettant d'identifier cette personne.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement vise à préciser la notion de source journalistique de manière aussi solennelle qu’est affirmé le principe de protection de cette source.

En effet, une source n’est pas seulement une personne. Pour reprendre la définition qui en est donnée par la recommandation n° R/2000/7 du Conseil de l’Europe, la source journalistique est non seulement la personne qui fournit des informations à un journaliste, mais également les informations permettant d’identifier cette personne.

Dans la mesure où la notion d’information elle-même semble restrictive, il convient d’élargir la notion de source à tout document ou objet permettant d’identifier la personne qui fournit des informations à des journalistes.

Cette définition a le mérite d’intégrer tous les moyens susceptibles d’entrer dans la chaîne permettant de remonter à la source : nom et données personnelles de la source proprement dite, mais également tout enregistrement ou objet permettant d’identifier la personne.

C’est la raison pour laquelle je vous propose, par ce sous-amendement, d’énoncer une définition extensive de la source journalistique. Il serait en effet absurde de dire que l’identité d’un informateur est protégée sans indiquer que les supports susceptibles de permettre de le reconnaître ne le sont pas également.

Cette définition est en totale harmonie avec les dispositions du code de procédure pénale, notamment les articles 56-1 et 56-2, tels que modifiés par le présent projet de loi.

M. le président. Le sous-amendement n° 22, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

exerçant sa profession

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit d’un sous-amendement d’appel. Nous souhaiterions savoir si la référence à la profession renvoie indirectement à la détention d’une carte de presse.

Personnellement, j’en doute dans la mesure où, dans le projet de loi, n’est pas reprise la définition du journaliste donnée dans le code du travail, précisément pour éviter de réduire le champ des bénéficiaires de ces dispositions aux seuls journalistes professionnels. Cela étant dit, nous nous interrogeons sur la pertinence du maintien de la référence à la profession.

L’amendement de la commission prévoit : « Est considérée comme journaliste au sens du précédent alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, … ». Nombre d’intervenants réguliers n’exercent pas de profession « dans une ou plusieurs entreprises de presse ». Certains travaillent dans des revues ou des radios libres associatives. Ils recueillent et diffusent des informations au public sans que, pour autant, leur pratique puisse être rattachée à la profession de journaliste ou, d’ailleurs, à quelque autre profession. Ils doivent malgré tout être protégés.

Nous demandons donc, pour la clarté de la définition, de s’en tenir aux trois critères énoncés : l’exercice d’une activité de recueil et de diffusion de l’information au public, le caractère régulier de cette activité, la rétribution pour cette activité. La référence à la profession nous semble, pour le reste, superfétatoire.

M. le président. Le sous-amendement n° 23, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice de l'alinéa précédent, est également considéré comme journaliste au sens du premier alinéa, le travailleur non rémunéré effectuant un stage dans une entreprise de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou dans une agence de presse et contribuant, à titre régulier, au recueil et à la diffusion d'informations au public. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite aborder la situation des journalistes stagiaires.

Qu’ils effectuent un stage d’observation ou un stage de journalisme à proprement parler, dans le cadre d’un cursus en école de journalisme, les stagiaires sont souvent au cœur de l’activité d’un média ou d’une agence de presse. Assez rapidement, ils acquièrent une autonomie vis-à-vis de leur tuteur de stage, ce qui, à plusieurs égards, leur permet de se sentir aussi journalistes que ceux qui sont rémunérés par la rédaction.

Ces stagiaires sont extrêmement nombreux. Le stage est une étape essentielle, parfois même obligatoire, dans la formation des journalistes. Souvent, certains passent plusieurs mois dans une rédaction sans être rémunérés.

Or ce projet de loi définit le journaliste sur un critère de rétribution. Il inclut donc toute personne qui pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public. Cependant, bien qu’ils ne soient pas rémunérés, les stagiaires exercent la fonction de journaliste. Ils sont donc exclus du dispositif tel qu’il est aujourd’hui créé. Or un stagiaire peut se retrouver dans une situation nécessitant la protection de ses sources : sans la garantie de cette protection, il verra ses sources se tarir.

La situation dont je parle n’est pas un cas d’école. Depuis le 2 février 2008, un stage de plus de trois mois consécutifs fait d’ailleurs l’objet d’une gratification. Cette dernière est-elle considérée comme une rétribution ou une rémunération au sens de l’article 2 ? Je ne le pense pas ! Les stagiaires ni gratifiés ni indemnisés effectuant des stages d’une durée inférieure à trois mois sont-ils concernés par cette disposition ?

Afin de lever toute ambiguïté sur cette question, je vous propose d’inscrire au bénéfice des stagiaires la protection du secret des sources. Ainsi les stagiaires seront-ils protégés de la même manière que les journalistes avec qui ils travaillent.

M. le président. Le sous-amendement n° 19, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 par l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est considérée comme une atteinte directe au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir, au moyen d'investigations, l'identité d'une personne ayant fournie à un journaliste une information, ainsi que le fait de tenter de se procurer des informations, documents ou objets permettant d'identifier cette personne.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Lorsqu’on aborde la question de l’atteinte au secret des sources des journalistes, nous devons définir au préalable non seulement ce que sont ces sources, mais également ce qui constitue une atteinte à ces sources.

À la lecture du quatrième alinéa de l’amendement n°1 de la commission des lois, on imagine que vont être déclinées les deux voies possibles d’atteinte au secret des sources : directe ou indirecte. Or seule l’atteinte indirecte est définie dans le texte, au cas où le contenu d’une telle atteinte ne ferait pas l’objet d’un consensus.

Je constate en revanche que l’atteinte directe au secret des sources n’est pas mentionnée. Pourquoi ? J’en déduis que cette atteinte directe est développée tout au long du projet de loi. Elle découlerait, j’imagine, d’une lecture combinée de toutes les dispositions du texte. Il me paraîtrait cependant utile de mentionner ce qu’il faut entendre, de manière extensive, par atteinte au secret des sources.

J’ai conscience que la nécessité de rendre cette loi applicable à des situations variées est incompatible avec des définitions trop poussées, qui risqueraient de déborder les cas habituels. Mais s’agissant de l’atteinte directe au secret des sources, nous sommes tous plus ou moins d’accord pour dire qu’il s’agit du fait de chercher à découvrir, au moyen d’investigations, l’identité d’une personne ayant fourni à un journaliste une information, ainsi que du fait de tenter de se procurer des informations, documents ou objets permettant d’identifier une telle personne. Le présent sous-amendement a donc pour objet d’inscrire cette définition dans le texte de loi.

M. le président. Le sous-amendement n° 18, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, remplacer le mot :

recherchée

par les mots :

, du document ou de l'objet recherchés

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est un amendement de coordination avec l’amendement d’appel que j’ai présenté tout à l’heure. Nous proposons de donner une définition de l’atteinte directe au secret des sources journalistiques.

Comme nous avons avancé tout à l’heure l’idée qu’une atteinte directe au secret des sources est constituée lorsque l’on tente de se procurer non seulement l’identité d’une personne, mais également les informations, documents ou objets permettant d’identifier cette personne, il nous a semblé logique et coordonné de mieux définir, dans le sixième alinéa de l’amendement n° 1 de la commission des lois, ce qu’il faut entendre par « information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction ».

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par deux alinéas ainsi rédigés :

« Au nom de la liberté de la presse et du droit public à l'information, le secret des sources des journalistes est garanti par la loi.

« Nul ne peut contraindre un journaliste à divulguer ses sources, ni chercher, par quelque moyen que ce soit, à en connaître la teneur.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement a pour objet de reformuler l’énoncé du principe de la protection du secret des sources. Je l’ai déjà évoqué dans mon intervention, la référence à la question de l’intérêt général nous pose quand même problème.

Vous avez souhaité reprendre la formulation de la recommandation du 8 mars 2000 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Cette formulation n’en demeure pas moins ambiguë. Comment, en effet, déterminer ce qu’est une information d’intérêt général ? Que devient la protection des sources si des intérêts privés sont en jeu ?

Par souci de clarté et afin de ne pas introduire dans la loi une notion qui serait sujette à interprétation, nous proposons de poser le principe selon lequel le secret des sources est garanti par la loi, et d’affirmer qu’un journaliste ne peut être contraint de divulguer ses sources.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

« - Le droit au secret des sources d'information est protégé par la loi.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. La Cour européenne des droits de l’homme considère que la protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse.

L’article 1er complète la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin d’y inscrire le principe de la protection des sources en en fixant aussitôt les limites. En effet, le projet de loi n’admet le secret de sources que pour autant que le travail du journaliste a pour finalité l’information du public sur des questions d’intérêt général.

Cette atténuation du principe a suscité de nombreuses critiques de la part des journalistes : ils dénoncent à la fois le caractère flou de l’expression « intérêt général » et une divergence avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Par cet amendement, nous entendons affirmer le droit au secret des sources d’information, en le posant comme un principe ne souffrant aucune restriction. Nous souhaitons que ce droit soit protégé par la loi.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Bénéficient de la protection des sources :

« 1° Toute personne qui contribue directement à la collecte, à la rédaction, à la production, au stockage ou à la diffusion d'informations par le biais d'un média ou d'un ouvrage au profit du public ;

« 2° Le directeur de la publication, les collaborateurs de la rédaction et toute personne qui, par l'exercice de ses fonctions ou de sa profession, est amenée à prendre connaissance d'informations permettant d'identifier une source.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Le projet de loi ne définit pas ce qu’est une source, comme l’a dit Mme Boumediene-Thiery. En revanche, l’article 1er définit ce qu’est un journaliste au sens de la protection des sources. Cette définition est importante, car elle détermine les personnes pouvant invoquer le secret des sources dont il est question dans ce projet de loi. : « Est considérée comme journaliste, au sens du premier alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public. »

Cette définition appelle plusieurs critiques de notre part. Les notions trop floues et générales qu’elle contient laisseront perdurer une insécurité juridique et un aléa judiciaire important. Par ailleurs, l’ensemble de la chaîne de l’information ne sera pas protégé, seul le journaliste proprement dit bénéficiant de la protection du secret des sources.

Il s’agit de contourner ces difficultés, qui sont réelles, car il est arrivé que la personne ayant dû ouvrir la porte lors d’une perquisition et se trouvant ainsi impliquée soit la secrétaire, l’assistante ou l’assistant, tel ou tel collaborateur qui travaille dans l’entreprise de presse. Notre amendement prévoit donc de définir non pas le journaliste, mais les catégories de personnes qui doivent être protégées en raison de leur activité professionnelle régulière ou occasionnelle.

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’étendre le champ des personnes bénéficiant du droit au secret des sources d’information, de façon à viser celles qui disposent d’informations protégées recueillies directement ou indirectement en raison de leurs fonctions à l’intérieur de l’entreprise de presse ou parce qu’elles leur ont été confiées à titre professionnel.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. - Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Bénéficient de la protection du secret des sources :

« 1° les journalistes, soit toute personne qui contribue à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d'informations, par le biais d'un média, au profit du public ;

« 2° les collaborateurs de la rédaction, soit toute personne qui, par l'exercice de sa fonction, est amenée à prendre connaissance d'informations permettant d'identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations.

II. - En conséquence, supprimer le troisième alinéa du même texte.

L'amendement n° 43, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le mot :

secret

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

, dans les conditions prévues à l'article 56-2 du code de procédure pénale, que lorsque la divulgation de ce secret peut prévenir la commission d'infractions constituant une menace grave pour l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes et ceci seulement si le renseignement recherché est d'un intérêt crucial pour la prévention de ces infractions et ne peut être obtenu d'aucune autre matière.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il est vrai que le projet de loi comporte une lacune, à laquelle nous tentons de remédier : il s’agit en effet de définir expressément les personnes qui sont protégées.

D’ailleurs, l’article 1er prend un peu le problème à l’envers puisqu’il donne une définition du journaliste qui, à peu de chose près, reprend celle du code du travail. Ainsi, nous nous retrouvons avec une petite catégorie de personnes effectivement protégées, alors que c’est l’ensemble de la chaîne d’information qu’il faut considérer.

À cet égard, le projet de loi se situe bien en deçà du droit européen. Selon les termes de la recommandation du 8 mars 2000, à laquelle nous faisons sans cesse référence, le terme « journaliste » désigne toute personne physique ou morale pratiquant à titre régulier ou professionnel la collecte et la diffusion d'informations au public. En prévoyant que seuls les journalistes professionnels seraient bénéficiaires de la protection, ce projet de loi en restreint de facto la portée.

Les collaborateurs des journalistes doivent donc être explicitement mentionnés. La protection doit également bénéficier à toute personne impliquée dans le processus journalistique. Comme les journalistes travaillent en équipe, les membres de leur équipe peuvent eux aussi avoir connaissance de l’identité des personnes avec lesquelles les journalistes sont en contact.

Nous avons choisi de nous inspirer, pour cet amendement, de la loi belge : elle comporte une bien meilleure définition et offre une bien meilleure protection.

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le mot :

secret

rédiger comme suit la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

qu'à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d'aucune autre manière

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je souhaite transformer les amendements nos 26, 27 et, avec votre indulgence, l’amendement n° 24 en sous-amendements à l’amendement n° 1 de la commission. Nous aurons ainsi le plaisir de voter sur ces dispositions.

Donc, le sous-amendement °26 rectifié vise à préciser les conditions dans lesquelles on peut faire exception au principe de protection des sources. En effet, le projet de loi prévoit : « Au cours d’une procédure pénale, il ne peut y être porté atteinte que si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations » le justifient. Cette délimitation nous paraît vague ; nous l’avons maintes fois souligné.

Notre position sur le sujet est très claire. Nous tenons d’autant plus à ce sous-amendement que les débats qui viennent d’avoir lieu montrent que la formulation « impératif prépondérant » est tout à fait floue.

Nous estimons, pour notre part, qu’une possibilité d’exception au principe de protection du secret des sources doit être prévue. Nous proposons donc d’écrire qu’il ne peut être fait exception au principe de la protection des sources « qu'à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d'aucune autre manière ».

Nous sommes parfaitement responsables ! Nous pensons que lorsque l’intégrité physique des personnes est menacée ou qu’un crime risque d’être commis il est tout à fait légitime de porter atteinte au secret des sources. La vie humaine, l’intégrité physique des personnes doivent être protégées. Nous sommes donc très clairs !

Madame la ministre, c’est parce que nous sommes très clairs sur le périmètre de l’exception que nous disons que, pour tout le reste, nous devons abandonner les formulations floues. Notre position, parfaitement responsable, aboutit à vous proposer une définition rigoureuse et logique du secret des sources des journalistes.

M. le président. Les amendements nos 24 et 26 et 27 sont donc transformés en sous-amendements à l’amendement n° 1 de la commission.

Le sous-amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l’amendement n° 1 de la commission pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

« Le droit au secret des sources d’information est protégé par la loi.

Le sous-amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

secret des sources

rédiger comme suit la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l’amendement n° 1 de la commission pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

qu’à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d’un crime ou d’un délit constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d’aucune autre manière

Je donne lecture de l'amendement n° 27, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

régulier et

Cet amendement est également transformé en sous-amendement à l’amendement n° 1 de la commission.

Il s’agit donc du sous-amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l’amendement n° 1 de la commission pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

régulier et

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Ce sous-amendement tend à préciser la définition du journaliste, pour laquelle le sixième alinéa de l’article 1er du projet de loi prévoit : « Est considérée comme journaliste, au sens du premier alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public. »

Notre sous-amendement a pour objet de supprimer la référence au caractère régulier. En effet, nous le savons tous, aujourd’hui, il n’est pas toujours possible pour les personnes qui sont amenées à exercer les métiers de l’information de le faire à titre régulier. Il nous semble donc utile d’adopter une définition plus conforme à la réalité.

M. le président. L’amendement n° 28, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

et rétribué

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je souhaite également transformer cet amendement en sous-amendement à l’amendement n° 1 de la commission.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 28 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l’amendement n° 1 de la commission pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

et rétribué

Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame le garde des sceaux, il s’agit, par ce sous-amendement, de vous soumettre un cas qui va sans doute beaucoup vous intéresser, celui de la presse militante.

Nous sommes en effet nombreux, dans cet hémicycle, à avoir produit des articles pour la presse bénévole, militante et associative.

J’ai moi-même, dernièrement, perçu une rémunération pour un article que j’avais envoyé à une revue. J’en ai été quelque peu étonné, tant il m’arrive de publier des articles sans jamais recevoir de rémunération. D’ailleurs, je n’en demande pas ! Si j’écris dans des revues et des journaux, c’est pour y exprimer des convictions. Nous sommes très nombreux à faire de même dans le champ politique, syndical ou associatif.

C’est pourquoi nous souhaitons que la rémunération ne constitue pas un critère absolu à prendre en compte dans la définition proposée dans ce projet de loi.

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par un alinéa ainsi rédigé :

« Est considérée comme source toute personne qui fournit des informations à un journaliste et, par extension, le nom et les données personnelles ainsi que la voix et l’image d’une source, les circonstances concrètes de l’obtention d’informations par un journaliste auprès d’une source, la partie non publiée de l’information fournie par une source à un journaliste et les données personnelles, documents et objets des journalistes et de leurs employeurs liés à leur activité professionnelle. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le projet de loi recèle une autre lacune dans la mesure où il ne définit pas ce qu’est une source. Nous nous efforçons d’y remédier par cet amendement.

Le mot « source » est ambigüe et, par conséquent, motif d’insécurité pour les journalistes, mais aussi pour les juges.

La notion de « source » est définie par le Conseil de l’Europe comme étant « toute personne qui fournit des informations à un journaliste ». Mais celui-ci ne s’est pas contenté d’en donner une définition, puisqu’il a également défini les informations permettant d’identifier une source et qui sont, elles aussi, protégées par le secret.

Ainsi, selon la recommandation du 8 mars 2000, le terme « source » recouvre non seulement tous les éléments d’identification – le nom, l’adresse, l’image et la voix –, mais aussi les circonstances concrètes de l’obtention de l’information, la partie non publiée de l’information et les données personnelles des journalistes et de leurs employeurs liées à leur activité professionnelle, bref, tout ce qui permet de remonter jusqu’à cette source.

Nous avons donc repris la définition figurant dans cette recommandation, en y ajoutant, afin que la protection soit la plus étendue possible, les mots : « documents et objets des journalistes et de leurs employeurs liés à leur activité professionnelle ».

La protection des sources ne doit donc pas porter sur la seule identité de la personne qui fournit l’information. Les pays ayant adopté une loi relative à la protection des sources des journalistes ont, dans leur grande majorité, d’ailleurs, étendu cette protection aux informations pouvant conduire à l’identification.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je tiens à le rappeler, la modification proposée par la commission dans son amendement n° 1, qui vise à supprimer la notion d’intérêt général pour y substituer la protection du secret des sources des journalistes « dans l’exercice de leur mission d’information du public », constitue tout de même une précision très importante.

Par conséquent, la commission peut difficilement se rallier au sous-amendement n° 24 rectifié, qui appelle d’ailleurs plusieurs critiques.

Tout d’abord, ce sous-amendement tend à affirmer un droit au secret des sources. Or il s’agit non pas d’un droit, mais d’une condition nécessaire à l’existence d’une presse d’investigation.

Ensuite, il y est fait référence au secret des sources d’information. Là encore, mieux vaut, en réalité, viser le secret des sources « des journalistes ». À défaut, quiconque possédant une information sera en droit de revendiquer ce secret.

Enfin, à la différence de l’amendement de la commission, ce sous-amendement n’a pas pour objet de limiter le secret des sources à l’exercice d’une mission d’information du public. Or ce secret ne mérite d’être protégé que dans le cadre d’une telle mission, et non pour poursuivre éventuellement la défense d’intérêts personnels ou, en tout cas, pour détourner le rôle des journalistes.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Par le sous-amendement n° 17, Mme Boumediene-Thiery souhaite insérer dans le texte la définition d’une source journalistique, en reprenant celle qui est inscrite dans la législation belge.

La Belgique a effectivement choisi de dresser une liste exhaustive, et nous nous sommes interrogés sur la possibilité de faire de même. Or, il faut bien le reconnaître, les professionnels sont extrêmement partagés sur la pertinence d’une telle exhaustivité dans la définition de la notion de source.

En outre, je me méfie toujours de la multiplication des énumérations et des listes à rallonge, censées offrir une protection optimale. On risque finalement d’oublier certains éléments et de créer des situations qui s’avéreront, à un moment ou à un autre, inextricables. Je préfère en rester à un principe suffisamment clair, applicable à l'ensemble de la chaîne de l’information, afin qu’une liberté totale puisse être conservée dans l’exercice de la protection des sources.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.

La commission est également défavorable au sous-amendement n° 20, qui, comme le sous-amendement n° 17, tend à définir ce qu’est une source.

Le sous-amendement n° 22 a pour objet de supprimer de la définition du journaliste les mots : « exerçant sa profession ». Or, à mon sens, le projet de loi retient déjà une définition plus large que celle qui est définie par le code du travail. Par ailleurs, les correspondants et les pigistes sont également couverts.

En l’état, il me semble donc difficile d’aller au-delà, sachant, je le redis, que l’idée première est tout de même de protéger les sources des journalistes. Il n’est pas utile d’apporter des précisions supplémentaires quant aux personnes qui contribuent ou qui rédigent occasionnellement des articles.

La commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, de même que sur le sous-amendement n° 27 rectifié, lequel vise à supprimer la condition de régularité dans l’exercice de la profession.

Au fond, l’objectif est toujours le même, à savoir se référer au statut de journaliste. On peut débattre de ce que l’on entend par l’adjectif « régulier » : s’applique-t-il à une activité pratiquée tous les jours, toutes les semaines, tous les quinze jours, tous les trois mois, voire tous les six mois ? Mais, au moins, en précisant que le statut de journaliste se définit par rapport à une activité pratiquée « à titre régulier », on dispose d’un élément de référence : ainsi, quelqu’un qui écrit régulièrement, ne serait-ce que tous les deux mois, et qui, par ailleurs, est affilié à un organe de presse, correspond à la définition du journaliste telle qu’elle est conçue dans le texte.

Cela a le mérite de nous doter d’un cadre précis, faute de quoi nous risquons d’aller beaucoup trop loin dans la définition et, partant, de ne pas prévoir suffisamment de limites.

L’idée défendue par les auteurs du sous-amendement n° 23 est d’assimiler à des journalistes les stagiaires non rémunérés. Ce n’est pas possible, et ce pour les raisons que je viens d’avancer en évoquant la notion de régularité.

Le journaliste prend des engagements, respecte une certaine éthique, une certaine déontologie, adopte un certain comportement. Dans ces conditions, on ne peut pas, me semble-t-il, élargir son statut à des personnes présentes de manière tout à fait provisoire, quand bien même celles-ci apprennent le métier.

Par conséquent, la commission est défavorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement n° 28 rectifié tend à supprimer la référence à la rétribution, pour étendre la protection des sources à ceux qui travaillent dans la presse militante. Certes, on peut être journaliste à titre régulier, publier des articles et ne pas être rétribué, et ce notamment grâce au développement de nouveaux médias.

Faut-il pour autant élargir encore davantage la définition donnée par le code du travail et la référence au statut du journaliste à laquelle nous tenons ? En l’état, il me paraît difficile de cerner très précisément les conséquences qu’entraînerait l’adoption de ce sous-amendement. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

Le sous-amendement n° 26 rectifié tend à préciser les cas dans lesquels il est porté atteinte au secret des sources. Nous nous sommes déjà suffisamment expliqués sur cette question tout à l’heure, notamment lors de la discussion générale, en précisant la position des uns et des autres et celles, entre autres, de la législation belge et de la Cour européenne des droits de l’homme. Je ne reviendrai donc pas sur les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement n° 19 a pour objet de définir ce qu’est une atteinte directe au secret des sources. Or cela me paraît évident : c’est le fait de demander à un journaliste de révéler sa source. Ce qui l’est moins, c’est de définir l’atteinte indirecte, pour pouvoir mieux la cerner. C’est ce que la commission a fait dans son amendement, lequel vise à protéger la chaîne de l’information et à définir ce qu’est une source indirecte.

À mon sens, il était tout de même plus important de clarifier ce qu’est une source indirecte que de définir ce qu’est une source directe, dans la mesure où celle-ci, si j’ose dire, coule de source ! (Sourires.) C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

Le sous-amendement n° 18 est un sous-amendement de coordination qui me semble superflu. En effet, à l’article 2, la mention des documents et objets se justifie parce qu’il s’agit d’une procédure de saisie, laquelle porte nécessairement sur un support matériel. En revanche, l’article 1er pose le principe général de la protection du secret des sources et vise toute information recherchée, quelle que soit la nature du support. Au bénéfice de ces explications, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 40 vise à prévoir une protection absolue du secret des sources. Je ne reviendrai pas sur les explications que nous avons données. Cet amendement est d’ailleurs en partie satisfait par l’amendement de la commission, puisque nous avons supprimé la notion d’intérêt général pour faire référence à la mission d’information du public.

Mais, nous le savons tous, en l’état actuel, il est nécessaire d’établir un certain nombre de limites et de prévoir un périmètre précis pour l’application du dispositif. Il y a un principe, et une exception : tout est clairement énoncé. La commission émet donc un avis défavorable.

L’amendement n° 25 tend à faire bénéficier de la protection du secret des sources toute personne participant au recueil ou à la diffusion d’informations à destination du public. En réalité, son adoption aboutirait à étendre considérablement le champ de cette protection.

J’y insiste, il faut conserver au texte une certaine cohérence : il s’agit de s’inscrire dans la logique du statut des journalistes, de la chaîne de l’information, donc des personnes ou des moyens avec lesquels ceux-ci travaillent. En l’état, il est impossible de prévoir une extension de la mesure à tout le monde, sauf à considérer que n’importe qui puisse, sans aucune contrepartie et sans avoir à respecter les règles déontologiques, faire n’importe quoi et être protégé.

C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement, tout comme à l’amendement n° 41, dont l’objet est similaire.

L’amendement n° 43 ayant le même objet que le sous-amendement n° 26 rectifié, la commission y est défavorable.

Enfin, sur l’amendement n° 42, qui vise à définir ce qu’est une source, la commission émet le même avis défavorable que sur le sous-amendement n° 17.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
Discussion générale

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Souhaits de bienvenue à M. Dimitris Sioufas, président du Parlement hellénique

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, de M. Dimitris Sioufas, président du Parlement hellénique, venu en visite en France pour rencontrer le président du Sénat et celui de l’Assemblée nationale.

M. Dimitris Sioufas est accompagné par notre collègue M. Marc Massion, président du groupe d’amitié France-Grèce du Sénat.

Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que M. Dimitris Sioufas porte à notre institution.

Au nom du Sénat de la République, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des vœux pour que son séjour en France contribue à renforcer les liens d’amitié entre nos deux pays. (Mme le garde des sceaux, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
Article 1er

Protection du secret des sources des journalistes

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion des articles du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la protection du secret des sources des journalistes.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
Article 2

Article 1er (suite)

M. le président. Je rappelle que, sur l’article 1er, les amendements et les sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune ont été présentés.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. L’amendement n° 1 répond aux inquiétudes exprimées par les journalistes.

Tout d’abord, c’est l’activité journalistique elle-même qui motive la protection des sources : l’information du public est centrale. Il n’est donc pas indispensable de rappeler l’objectif d’intérêt général ajouté par la Cour européenne des droits de l’homme.

La définition proposée par la commission des lois, plus neutre et plus objective, évitera tout malentendu.

Ensuite, la protection du secret des sources peut concerner notamment les collaborateurs et les proches du journaliste. M. le rapporteur a eu raison de rappeler qu’il s’agissait de protéger le secret des sources, quelle que soit la personne qui détient ce secret : ce sont les sources d’information qui sont protégées, non les personnes.

De même, la définition des atteintes indirectes lève définitivement les dernières incertitudes.

Enfin, s’agissant des atteintes exceptionnelles au secret des sources dans les affaires pénales, les critères qui figurent dans la loi sur la liberté de la presse seront précisés dans ce texte afin de permettre un meilleur encadrement de la pratique judiciaire.

Ces précisions rédactionnelles proposées par la commission sont indiscutablement de nature à rassurer les journalistes.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

S’agissant du sous-amendement n° 17, il ne me paraît pas indispensable de définir la notion de « source », et ce d’autant moins que cette question n’a pas soulevé de difficulté lors des débats.

Certes, la définition que vous proposez est intéressante et traduit bien la conception que nous partageons, mais elle présente aussi plusieurs inconvénients

Tout d’abord, cette définition fige la notion de source.

En outre, elle confond la protection de la source et la protection de l’anonymat d’un informateur, qui sont pourtant deux considérations différentes. Ce qui nous intéresse, c’est la protection de la source – bien plus complexe, comme on a pu le voir dans des affaires récentes ! –, et non celle de l’informateur. Il suffit parfois de savoir comment un journaliste a été informé pour savoir qui l’a informé. Certains documents sont, pour ainsi dire, signés !

Autre inconvénient, cette définition ne prend pas en compte le cas où la source du journaliste est une lettre anonyme. Or un journaliste peut ne pas vouloir que l’on sache qu’il a été informé par ce moyen. Aucune réponse n’est apportée dans l’amendement pour ce cas d’espèce.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 17, ainsi que sur le sous-amendement n°22, pour les mêmes raisons.

Le sous-amendement n° 19 prévoit une définition des atteintes « directes » au secret des sources. Cette précision paraît inutile puisque l’article 1er, en donnant une définition de l’activité journalistique et du secret des sources, interdit déjà les atteintes indirectes au secret. Cette disposition est donc de nature à rassurer les journalistes, qui souhaitaient obtenir davantage de garanties que ce que leur laissaient augurer les explications du rapporteur de l’Assemblée nationale.

Comme je l’ai déjà dit à propos du sous-amendement n° 17, définir les atteintes directes au secret des sources, c’est définir la notion de source. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Plusieurs amendements de la commission tendent à ajouter la notion d’ « objet » à celle de « document » s’agissant des perquisitions ou des saisies. Même si la notion d’information est plus générale, il peut paraître cohérent de compléter sur ce point la loi de 1881, comme cela est proposé dans le sous-amendement n° 18. Sur cette proposition, le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

L’amendement n° 43 et le sous-amendement n° 26 rectifié tendent à limiter la possibilité de lever le secret des sources dans les cas d’affaires pénales, comme c’est le cas en Belgique. Nous en avons débattu et M. le rapporteur vient de nous faire part de ses observations. La loi belge autorise en effet la levée du secret des sources lorsque la divulgation de ce secret peut prévenir des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes. Or ces atteintes ne sont pas les seules à être condamnables et d’autres cas, comme la révélation d’un site secret ou de faits pouvant porter atteinte à la dignité, peuvent aussi être extrêmement graves et justifier la levée du secret des sources.

Le Gouvernement considère que la loi belge est trop restrictive et qu’elle ne saurait être transposée dans notre droit. J’émets donc un avis défavorable.

Les sous-amendements nos 27 rectifié et 28 rectifié visent à étendre le champ d’application du présent texte aux journalistes occasionnels non rétribués.

M. Jean-Pierre Sueur. Les militants !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si vous voulez !

Je rappelle que ce projet de loi vise à protéger le secret des sources des journalistes professionnels. Or les personnes qui informent le public sans exercer la profession de journaliste ne sont pas forcément confrontées aux mêmes problèmes. Nous préférons, pour notre part, protéger les journalistes professionnels.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces sous-amendements, car ils étendraient trop largement le champ d’application du présent texte.

Les amendements nos 40, 25, 41 et 42 ainsi que le sous-amendement n° 24 rectifié étant satisfaits par l’amendement n° 1 de la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 24 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes pour notre part très attachés à la rédaction proposée dans cet amendement, car elle a l’avantage de la simplicité et de la clarté, contrairement à l’amendement n° 1 de M. le rapporteur, qui n’est pas vraiment limpide.

« Le droit au secret des sources d’information est protégé par la loi. » Il va de soi qu’il s’agit d’un texte qui concerne les journalistes. En son article 1er, la loi de 1881 prévoit : « L’imprimerie et la librairie sont libres ». Nous ne faisons que proposer une formulation générale du même type. La liberté de communication est reconnue et le secret des sources d’information est protégé par la loi.

Cette rédaction permettrait d’éviter quelques arguties juridiques. J’entends dire, en effet, que nos motifs d’exception sont trop restrictifs. Il faut donc entendre, je le crains, que l’on pourra invoquer, au contraire, un très grand nombre de ces motifs, ce qui fera perdre beaucoup de son efficacité à ce texte. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 24 rectifié.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 17.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 20.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 22.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 27 rectifié.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 28 rectifié.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 23.

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai pas compris pourquoi M. le rapporteur et Mme la ministre s’étaient opposés à ce sous-amendement, ce qui m’amène à une remarque plus générale.

L’opposition a déposé quinze amendements et sous-amendements sur cet article 1er. Or aucun d’entre eux n’a reçu un avis favorable de M. le rapporteur ou de Mme la ministre. Cela me semble quelque peu systématique !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends, monsieur le président de la commission des lois, que vous ayez une haute idée de votre conception de la vérité et des travaux de la commission des lois, mais nous pouvons, nous aussi, avoir quelques idées et faire des suggestions qui peuvent ne pas être totalement inutiles !

Le fait que toutes nos propositions sur ce sujet soient « retoquées » en bloc traduit une conception quelque peu différente de celle dont se prévaut le nouveau président du Sénat, M. Gérard Larcher, lui qui se dit très attentif aux idées avancées par l’opposition. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Sans doute certaines de ces propositions ne sont-elles pas parfaites, mais il ne nous semble pas convenable qu’elles soient toutes retoquées, et j’emploie le mot à dessein.

Je prendrai l’exemple du sous-amendement de Mme Boumediene-Thiery concernant les stagiaires.

Pourquoi un stagiaire qui travaille pendant trois mois, six mois ou un an dans un journal, et qui rédige des articles, ce qui est un cas fréquent, ne bénéficierait-il pas des mêmes garanties de protection de ses sources d’information ? Je comprends d’autant moins ce refus que nous avons voté récemment une loi pour protéger les stagiaires, pour éviter qu’ils ne soient cantonnés à des tâches subalternes comme les photocopies, et pour que le stage s’inscrive dans un véritable apprentissage professionnel.

Dans ces conditions, pourquoi les stagiaires ne bénéficieraient-ils pas de la garantie du secret des sources ? Je ne comprends décidément pas l’hostilité de M. le rapporteur et de Mme la ministre à l’égard de ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Sueur, vous avez une curieuse conception de l’opposition ! Ainsi donc, parce que vous en faites partie, vous auriez le droit de voir un certain nombre de vos amendements retenus.

En commission, nous étudions attentivement chaque amendement. À cet égard, je souhaite faire une remarque concernant nos méthodes de travail et votre participation aux travaux de notre commission. Il arrive, en effet, que vous ne vous prononciez pas sur les amendements que propose le rapporteur mais que vous déposiez, ultérieurement, vos propres amendements. Nos débats seraient bien plus riches si nous pouvions plutôt confronter nos amendements respectifs. Mais nous reviendrons plus tard sur cette question ...

M. Jean-Pierre Sueur. Avec plaisir !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons examiné vos amendements un par un et aucun ne nous a paru satisfaisant. Nous avons tout de même le droit de ne pas être d’accord avec vous !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous en avez le droit constitutionnel !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez également le droit de présenter des amendements.

Vous vous demandez pourquoi nous n’avons pas accepté l’amendement de Mme Boumediene-Thiery sur les stagiaires. Décidément, vous nous donnez du fil à retordre, monsieur Sueur ! (Sourires.) Vous savez parfaitement que cet amendement, transformé maintenant en sous-amendement, est inutile !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous pensez que je suis de mauvaise foi, en quelque sorte ?

M. Bernard Saugey. Mais non ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout, mais vous n’êtes pas non plus complètement naïf. Cela se saurait ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Je défends les stagiaires !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dès lors qu’ils sont sous l’autorité d’un journaliste, les stagiaires sont compris dans la chaîne de l’information, qu’ils soient rémunérés ou pas. Il n’est donc pas nécessaire de le préciser, on l’a dit et répété – cela figure désormais dans les travaux préparatoires – ils sont déjà couverts.

Monsieur Sueur, convenons tous ensemble que l’on ne peut pas tout énumérer dans la loi, sinon, ce n’est plus une loi.

Vous avez évoqué la loi sur la presse. Quand on dit que l’imprimerie et l’édition sont libres, on pose un principe. Mais quand on affirme, dans la loi, que la protection des sources doit être prévue par la loi, on ne pose rien sinon une redondance : c’est évident puisqu’on légifère pour cela !

Revenons-en à des principes sains en matière de législation.

J’avoue que j’ai quelquefois envie de « sabrer » non pas seulement les propositions de lois ou les amendements des parlementaires, mais aussi les textes du Gouvernement, à 90 % parfois, car ils sont souvent de nature réglementaire. (Mme le garde des sceaux sourit.)

Ce n’est pas le cas, bien sûr, des textes émanant du ministère de la justice qui sont forcément, naturellement de nature législative, mais je pense à beaucoup d’autres que l’on pourrait supprimer dans d’autres domaines. Dans ce cas-là, monsieur Sueur, la tentation est grande d’amender et d’amender encore. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.)

L’opposition a certes des droits, mais pas celui d’avoir un quota d’amendements acceptés.

M. Jean-Pierre Sueur. J’observe qu’ils sont tous refusés !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. J’ai trouvé mon collègue Jean-Pierre Sueur un peu sévère, puisqu’un sous-amendement a recueilli un avis de sagesse de la part du Gouvernement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Bernard Frimat. Je tenais à le faire remarquer et saluer cette avancée : le Gouvernement n’a pas émis trente avis défavorables sur trente amendements et sous-amendements, il en a émis vingt-neuf sur trente, et un avis de sagesse ; il est vrai que, vu l’état d’esprit, on peut se demander ce qu’il va devenir…

J’écoute toujours avec beaucoup d’intérêt M. le président de la commission des lois.

Monsieur Hyest, le droit d’un parlementaire, c’est de déposer des amendements, de les défendre…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n’ai pas dit autre chose !

M. Bernard Frimat. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le président de la commission des lois.

Le droit d’un parlementaire, c’est de déposer des amendements, de les défendre et d’essayer de convaincre.

Jean-Pierre Sueur a cette faculté de croire qu’il peut encore convaincre et que la qualité de ses arguments sera telle que vous changerez de position.

En outre, le sous-amendement en question n’a pas été déposé par un membre du groupe socialiste, il s’agit d’un sous-amendement de Mme Alima Boumediene-Thiery.

Vous répondez, en gros, que c’est implicite. Est-il dramatique ou est-il « réglementaire » de préférer, de temps en temps, que l’explicite se substitue à l’implicite ?

Je pense ici à tous les stagiaires des écoles de journalisme qui vont de plus en plus sur le terrain où ils effectuent un vrai travail de journaliste.

Au-delà de ces considérations, accepter ce sous-amendement aurait manifesté un réel esprit d’ouverture, ce qui est suffisamment rare au Sénat pour être salué lorsque cela se produit.

M. Alain Fouché. Nous ne pouvons pas laisser dire cela !

M. Bernard Frimat. Nous n’avons pas l’outrecuidance d’exiger que nos amendements soient adoptés même contre votre avis, monsieur le président de la commission des lois. Nous demandions hier que les articles puissent être discutés, mais cela semblait insupportable. Nous demandons de même aujourd’hui que le débat s’instaure, qu’il aille jusqu’au bout et que le droit d’amendement soit plein et entier.

Quant aux autres problèmes que vous avez évoqués, nous aurons peut-être l’occasion d’en discuter, mais chaque fois qu’il s’agira de faire progresser les droits de l’opposition, vous nous trouverez à vos côtés en espérant que cette occasion se produira au moins une fois !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je ne veux pas allonger le débat, mais nous sommes ici pour essayer de construire un dispositif cohérent, compréhensible, simple, qui ne soit pas entaché de tous les défauts de certains textes dont on a voulu à tout prix qu’ils soient exhaustifs, alors que le principe suffit à garantir le droit.

De quoi s’agit-il ? Vous souhaitez que les stagiaires non rémunérés soient assimilés à des journalistes et qu’ils bénéficient de la protection ici prévue. Ce projet de loi a pour objet, je le rappelle, de protéger les sources des journalistes et l’alinéa relatif à la protection directe ou indirecte vise toute la chaîne de l’information. Par conséquent, un stagiaire non rémunéré qui travaillerait avec un journaliste professionnel sur une affaire suscitant une levée du secret des sources serait protégé au titre de toute la chaîne de l’information.

M. Jean-Pierre Sueur. Et s’il travaille seul ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Si l’on commence à introduire des précisions pour les uns, il en faudra pour les autres, et l’on aboutira à un texte extrêmement compliqué en oubliant l’essentiel, c'est-à-dire la véritable protection des sources des journalistes.

M. le président. La parole est à M. Bernard Saugey, pour explication de vote.

M. Bernard Saugey. Je souhaite faire une mise au point concernant les stagiaires.

J’ai commencé ma carrière de journaliste le 1er mars 1961 et j’ai occupé tous les postes jusqu’à la direction, puisque j’ai notamment été à la tête des quotidiens Le Dauphiné Libéré et Le Progrès, qui ne sont pas des journaux négligeables, car il s’agit des deuxième et quatrième titres de la presse française. Je connais donc très bien la profession.

Le problème soulevé ne se pose pas pour les stagiaires. En effet, quand un jeune stagiaire arrive dans une rédaction, il n’a pas à protéger de sources, car il ne fait pas d’investigations. Ce sont les journalistes confirmés, les grands journalistes qui font des enquêtes et qui doivent vérifier leurs sources.

M. Jean-Pierre Sueur. Merci pour les autres !

M. Bernard Saugey. En général, les jeunes journalistes stagiaires font un travail de « localier ». Ils suivent les assemblées générales des petites associations, par exemple, et on leur demande d’écrire trente lignes. Et c’est bien, trente lignes.

M. Jean-Pierre Sueur. Merci pour les localiers, ils apprécieront !

M. Bernard Saugey. Les autres, les « faits-diversiers » s’occupent, comme leur nom l’indique, des faits divers, des vols à la roulotte, par exemple, et pour cela font la tournée des commissariats, mais pas les stagiaires.

À mon avis, le problème du secret des sources ne se pose absolument pas pour les stagiaires.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 23.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 26 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous demandons un scrutin public sur ce sous-amendement, parce qu’il nous paraît être véritablement au cœur du sujet. Tout découlera, nous semble-t-il, du sort qui lui sera réservé.

Mes chers collègues, que se passera-t-il si le sous-amendement n° 26 rectifié est adopté ? Les mots « impératif prépondérant » disparaîtront du texte ; nous pensons avoir assez démontré qu’ils sont particulièrement flous et peuvent viser n’importe quoi. Un « impératif », c’est mal défini, et « prépondérant », c’est très général et très peu explicite. Nous sommes tous d’accord sur ce point.

Madame le garde des sceaux, vous avez évoqué les intérêts de la nation. Si les intérêts de la nation conçus par telle ou telle fraction de la nation, tel parti, tel gouvernement, peuvent être invoqués pour porter atteinte aux secrets des sources, il n’y a plus de secret des sources, parce que la formule « intérêts de la nation » est trop générale.

Vous avez également parlé des sites sensibles. Il ne faut pas confondre.

La publication suppose un directeur de la publication qui répond devant la justice des informations diffusées, tout comme l’auteur de l’article.

Madame le garde des sceaux, nous ne sommes pas contre l’existence du secret défense, qui a pour objet de défendre les impératifs de la sécurité du pays, notamment d’empêcher la divulgation de certaines informations. Les choses sont claires.

Il existe de même des règles en matière de diffamation. Heureusement, on ne peut pas publier n’importe quoi dans un journal ! Il y a tous les jours des procès et les objections que vous avez formulées à l’encontre de notre sous-amendement ressortissent à cela.

Autre chose est la question du secret des sources et, si l’on en affirme le principe, les exceptions doivent être clairement définies.

Nous proposons de le faire avec le sens de la responsabilité qui est le nôtre en disant que l’atteinte à la protection de la source peut être licite, si elle est de nature à prévenir la commission d’un crime ou d’un délit constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes.

Cela a le mérite d’être clair, précis et de bien circonscrire l’exception à des faits très graves, en effet, c'est-à-dire les crimes ou les atteintes à l’intégrité des personnes.

Dès lors que vous n’acceptez pas cette définition précise, vous entrez dans le flou et dans la théorie des « impératifs prépondérants ». Or, l’impératif n’est pas défini et le prépondérant non plus. Non défini plus non défini égale non défini ! C’est clair, tout le monde le comprend. Dès lors, votre projet de loi souffre d’un défaut majeur : il est contradictoire avec les principes affirmés.

Tout découle de ce choix et c’est la raison pour laquelle nous demandons un scrutin public, car l’adoption de ce sous-amendement éclairerait la suite de nos débats.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 26 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 31 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l’adoption 139
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 19.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 18.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 1.

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, avant que vous n’adoptiez, comme je le crains, l’amendement n° 1, il serait sage de porter une attention toute particulière à la rédaction de certains de ses alinéas.

Ainsi, le quatrième alinéa du texte présenté au 2° de l’article 1er pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit qu’« il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant – impératif dont j’ai déjà parlé tout à l'heure – d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi ». Nous aurons l’occasion de revenir sur la question de la proportionnalité.

Cela étant, je tiens surtout à appeler votre attention sur le dernier alinéa, dont la rédaction n’est pas d’une clarté limpide.

Je vous en donne lecture : « Au cours d’une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l’atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est pourtant clair !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne doute pas que vous compreniez, monsieur Hyest !

Permettez-moi cependant de décortiquer cette phrase quelque peu complexe : si mon analyse est bonne, selon « la gravité du crime ou du délit », il sera possible ou non de porter atteinte au secret des sources. Est-ce bien de cela qu’il s’agit ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Il sera également tenu compte, dans cette perspective, « de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction » et « du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ». Sur ce dernier point, la formulation retenue me semble malvenue : il aurait été préférable, à mon sens, d’écrire que sera prise en considération « la mesure dans laquelle les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ».

Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. D’une façon plus générale, réfléchissons bien, mes chers collègues, à la portée de la rédaction actuelle de l’alinéa considéré : le dernier membre de phrase ouvre tout à fait la possibilité de porter atteinte au secret des sources au seul motif que cela permettra la manifestation de la vérité.

Cette syntaxe quelque peu contournée est source de confusion. Je crains fort que, en se fondant sur le présent texte, l’on puisse à l’avenir invoquer la loi, quasiment en toute circonstance, pour justifier une atteinte au secret des sources dès lors que cela permettra la manifestation de la vérité. En effet, la juxtaposition de trois membres de phrase mis sur le même plan rendra suffisante cette seule condition, ce qui conduira en réalité à affaiblir très largement la protection du secret des sources.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. Telle est mon interprétation, monsieur Hyest ! Elle figurera dans le compte rendu de nos débats, et chacun pourra s’y référer !

Cela dit, je tiens à féliciter le Gouvernement de n’avoir pas déclaré l’urgence sur ce texte, car la navette nous permettra peut-être d’améliorer quelque peu la rédaction retenue.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Un texte peut certes donner lieu à toutes sortes de suppositions et d’interprétations, mais il y a tout de même des limites…

En l’occurrence, le dernier alinéa, tel qu’il est rédigé, énumère un certain nombre de conditions à caractère cumulatif devant être respectées pour que puisse être levée, dans le cadre d’une procédure pénale, la protection du secret des sources.

Mme Jacqueline Gourault. Nous sommes d’accord : ces conditions sont coordonnées par la conjonction « et » !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je veux bien que l’on nous soumette une rédaction plus précise, qui renforcerait encore ce caractère cumulatif, mais il est nécessaire, pour introduire celui-ci, de maintenir la conjonction de coordination « et ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cela contribue précisément à renforcer la protection des sources des journalistes. Quel est votre objectif, mes chers collègues ? En l’espèce, les choses sont, à mon sens, suffisamment claires.

Vous avez défendu tout à l'heure un sous-amendement visant à autoriser l’atteinte au secret des sources pour prévenir les atteintes à l’intégrité physique des personnes. Cela signifie que, s’il avait été adopté, il n’aurait pas été possible de lever le secret des sources dans le cas d’un crime ou d’un délit déjà commis, ayant entraîné des décès ou des blessures. Cela ne tient pas !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous parlions d’une « menace » !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les choses me semblent ici parfaitement claires.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le rapporteur, on sent bien que la rédaction initiale de ce projet de loi ne vous satisfait pas entièrement, même si l'Assemblée nationale l’a déjà légèrement améliorée. De fait, vous avez tenté de remédier à ses lacunes.

Le groupe CRC, le groupe socialiste et les Verts ont eux aussi essayé d’apporter leur contribution, notamment en formulant des propositions de nature à poser le principe du secret des sources,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas un droit absolu !

Mme Josiane Mathon-Poinat. … en se fondant sur la définition même du journaliste, tout en prévoyant des exceptions. Les formulations que nous avons présentées sur ce point étaient beaucoup plus pertinentes et plus claires que celles qui ont été adoptées. Il aurait été sage de les retenir.

Tel n’a pas été le cas, aussi m’abstiendrai-je sur l’amendement n° 1.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 40, 25, 41, 43 et 42 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 2, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :

les pièces d'une procédure pénale couvertes par le secret de l'enquête ou de l'instruction si elles

par les mots :

des éléments provenant d'une violation du secret de l'enquête ou de l'instruction ou de tout autre secret professionnel s'ils

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Par cohérence, cet amendement tend à ajouter à la liste des documents pouvant être produits, sans encourir de poursuites pour recel, au titre de la défense d’un prévenu poursuivi pour diffamation ceux qui proviennent d'une violation du secret professionnel.

En effet, la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’il n’existe pas de différence de nature entre ce qui relève du secret professionnel et ce qui relève du secret de l'instruction.

Je précise que l’adoption de cet amendement n'empêcherait évidemment pas de poursuivre la personne ayant directement violé le secret professionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
Articles additionnels après l'article 2

Article 2

L'article 56-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 56-2. - Les perquisitions dans les locaux d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, dans les véhicules professionnels, ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, ne peuvent être effectuées que par un magistrat. Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application de l'article 57. Aucune saisie ne peut concerner des documents relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans cette décision. Les dispositions du présent alinéa sont édictées à peine de nullité. Le magistrat et la personne présente en application de l'article 57 ont seuls le droit de prendre connaissance des documents découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie. 

« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste. Il veille à ce qu'elles ne portent pas atteinte de façon disproportionnée, au regard de la nature et de la gravité de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse  et qu'elles ne constituent pas un obstacle ou n'entraînent pas de retard injustifiés à la diffusion de l'information.

« La personne présente lors de la perquisition en application de l'article 57 du présent code peut s'opposer à la saisie d'un document ou du matériel de toute nature utilisé, dans l'exercice de ses fonctions, par le journaliste pour recueillir, conserver ou transmettre les informations, à laquelle le magistrat a l'intention de procéder si elle estime que cette saisie serait irrégulière au regard de l'alinéa précédent. Le document doit alors être placé sous scellé fermé. Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections de la personne, qui n'est pas joint au dossier de la procédure. Si d'autres documents ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l'article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l'original ou une copie du dossier de la procédure.

« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.

« À cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que la personne en présence de qui la perquisition a été effectuée. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes. Si le journaliste chez qui la perquisition a été réalisée n'était pas présent lorsque celle-ci a été effectuée, notamment s'il a été fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 57, le journaliste peut se présenter devant le juge des libertés et de la détention pour être entendu par ce magistrat et assister, si elle a lieu, à l'ouverture du scellé.

« S'il estime qu'il n'y a pas lieu à saisir le document, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure.

« Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n'exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l'instruction. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les perquisitions dans les locaux d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences, ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, ne peuvent être effectuées que par un magistrat.

« Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application de l'article 57.

« Le magistrat et la personne présente en application de l'article 57 ont seuls le droit de prendre connaissance des documents ou des objets découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans cette décision.

« Ces dispositions sont édictées à peine de nullité. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

d'une entreprise de communication au public

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale :

, d'une agence de presse, d'un opérateur de communication électronique visé à l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques, d'une personne visée au II de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique dans un lieu de stockage d'informations protégées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, sont interdites.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 2 tend à accroître les garanties procédurales en cas de perquisition dans une entreprise de presse ou au domicile d’un journaliste, afin que les atteintes au secret des sources soient évitées ou réduites au strict nécessaire. Ces règles s’appliqueront aussi bien dans le cadre d’une enquête de flagrance ou d’une enquête préliminaire que dans celui d’une information judiciaire.

Au travers de ce projet de loi, le Gouvernement prétend aligner autant que possible les garanties relatives aux perquisitions dans les locaux des journalistes sur celles dont bénéficient les avocats.

Notre amendement vise à étendre la protection accordée aux entreprises éditrices en cas de perquisition aux locaux des prestataires techniques, hébergeurs de contenus, fournisseurs d’accès à internet ou opérateurs de télécommunications, qui détiennent, eux aussi, des informations protégées par le secret.

Nous devons élaborer une loi qui tienne compte de la réalité de la presse d’aujourd'hui. Dans cet esprit, il nous paraîtrait imprudent de ne pas prendre en considération le développement croissant du journalisme sur internet.

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

ou au domicile d'un journaliste

par les mots :

au domicile d'un journaliste ou dans un tout autre lieu de vie et de travail du journaliste

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à étendre la protection du secret des sources du journaliste, en cas de perquisition, à tout lieu de vie et de travail, au-delà du seul domicile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 29, il n’y a pas d’ambiguïté : le monde des médias et de l’internet est couvert par la protection du secret des sources.

Étendre le champ de cette protection à des lieux où il n’y a pas de journalistes – je pense notamment aux locaux des opérateurs de téléphonie – paraîtrait cependant quelque peu excessif.

Au demeurant, pour procéder à une perquisition, il faut, par définition, avoir obtenu au préalable l’autorisation d’un juge. Vouloir élargir dans une telle mesure la protection du secret des sources ne semble donc pas utile.

J’indique en outre que le texte permet de protéger l’ensemble des lieux de travail des journalistes : leur domicile, leur véhicule personnel, voire leur chambre d’hôtel. Il s’agit donc d’une protection déjà très étendue.

S’agissant des lieux visés par le présent amendement, le juge autorise les perquisitions éventuelles en veillant au respect des libertés.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 29.

Elle est également défavorable à l’amendement n° 44, qui tend à étendre la procédure de perquisition à tous les lieux de vie et de travail du journaliste. Une telle disposition paraît inutile, puisque le projet de loi vise déjà, je le répète, le lieu de travail, les véhicules professionnels, le domicile du journaliste et, si celui-ci est en déplacement, sa chambre d’hôtel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement rédactionnel n° 3.

En ce qui concerne l’amendement n° 29, les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs ne sont pas, en fait, détenteurs du secret des sources. Or l’objet de ce texte est de protéger les sources, et non pas les médias.

Si la source envoie au journaliste des messages électroniques, les fournisseurs d’accès à internet peuvent savoir de qui provient l’information, mais cela relève des atteintes indirectes au secret des sources. Il n’est pas utile d’adopter les dispositions prévues dans cet amendement, sur lequel le Gouvernement émet un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 44, la notion de domicile, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, est entendue de façon très large en procédure pénale. Il n’est donc pas utile d’énumérer les différents lieux concernés. Par conséquent, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 29 et 44 n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 4, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale :

« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste, ne portent pas atteinte au secret des sources en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et ne constituent pas un obstacle ou n'entraînent pas un retard injustifiés à la diffusion de l'information. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. - Après le mot :

respectent

rédiger ainsi la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale :

les dispositions de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881.

II. -  Supprimer la seconde phrase du même alinéa.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 2 prévoit que le magistrat qui effectue la perquisition devra veiller à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste et à ce qu’elles ne portent pas atteinte de façon disproportionnée, au regard de la nature et de la gravité de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources.

Cet amendement prévoit que les dispositions du code de procédure pénale applicables aux perquisitions doivent être conformes aux principes énoncés à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881.

Il vise en outre, et ce point nous paraît fondamental, à supprimer la mention selon laquelle les investigations ne doivent pas porter atteinte de façon disproportionnée au secret des sources.

Les perquisitions visant les journalistes sont considérées par la Cour européenne des droits de l’homme comme des actes extrêmement graves. La CEDH a ainsi jugé que des perquisitions ayant pour objet de découvrir la source d’un journaliste constituent, même si elles restent sans résultat, un acte plus grave qu’une sommation de divulgation de l’identité de la source.

Par conséquent, le principe de protection du secret des sources des journalistes ne doit souffrir d’aucune atténuation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 45, car il est satisfait par l’amendement n° 4 qu’elle a présenté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 4, défavorable à l’amendement n° 45.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 45 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 5, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

du matériel de toute nature utilisé, dans l'exercice de ses fonctions, par le journaliste pour recueillir, conserver ou transmettre les informations, à laquelle le magistrat a l'intention de procéder

par les mots :

de tout objet

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après le mot :

document

insérer les mots :

ou l'objet

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la troisième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

n'est pas

par le mot :

est

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Être ou ne pas être, c’est un vrai sujet ! (Sourires.)

L’article 2 du projet de loi prévoit qu’une personne présente lors de la perquisition peut s’opposer à la saisie d’un document à laquelle le magistrat a l’intention de procéder, si elle estime que cette saisie poserait des problèmes. Dans cette hypothèse, un procès-verbal mentionnant les objections de cette personne est rédigé.

Or, très bizarrement, le projet de loi précise que ce procès-verbal n’est pas joint au dossier de la procédure. Quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi il en irait ainsi ?

Notre amendement a pour objet de prévoir, au contraire, que les objections de la personne à la saisie seront jointes au dossier de la procédure. En effet, ces objections peuvent être importantes ou utiles, s’agissant notamment des raisons pour lesquelles la personne s’est opposée à la saisie.

Nous pensons vraiment qu’il est de l’intérêt de tous, tant du juge que des parties, que le procès-verbal soit joint. C’est la raison pour laquelle nous proposons de donner à la phrase visée une tournure résolument affirmative !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Dans le cadre de la procédure, le procès-verbal établi est transmis au juge des libertés et de la détention, qui statue. Certes, il n’est pas joint au dossier de la procédure, mais au moment où le juge prend sa décision, il a connaissance de son contenu.

Adopter cet amendement reviendrait à créer un droit nouveau, qui n’existe pas pour d’autres professions ou d’autres procédures : je pense en particulier aux avocats, dont il est souvent question dans ce débat.

Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Sueur, la procédure de perquisition est beaucoup plus protectrice pour les journalistes que pour les avocats. En effet, le journaliste ou une personne qui l’assiste peut s’opposer à la saisie d’un document, d’un objet ou d’une pièce, fût-ce un ordinateur, ce qui n’est pas le cas pour les avocats.

Votre amendement va d’ailleurs à l’encontre de ce que vous souhaitez. Selon vous, le procès-verbal mentionnant les objections de la personne s’opposant à la saisie doit être versé au dossier de la procédure. Or si le juge des libertés et de la détention décide finalement de ne pas verser la pièce ou le document en question à la procédure, il serait dommage que les raisons ayant poussé cette personne à s’opposer à la saisie figurent au dossier de la procédure et que toutes les parties puissent en avoir connaissance, la procédure étant contradictoire ! En effet, il pourrait arriver que les motivations de cette opposition donnent des éléments d’information sur les sources du journaliste…

Certes, l’autorité judiciaire, quant à elle, apprécie de pouvoir disposer du maximum d’éléments, mais je ne crois pas que cela corresponde à votre objectif en l’occurrence !

Le Gouvernement va donc dans votre sens, monsieur Sueur, en émettant un avis défavorable sur cet amendement. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, vous connaissez l’ouverture d’esprit qui est la nôtre. Nous pensons que le débat doit permettre de s’acheminer vers la vérité. Or, le Gouvernement ayant eu l’excellente idée de ne pas recourir à la procédure d’urgence, la navette nous laisse le temps de la réflexion. Dans ces conditions, et eu égard aux propos pertinents que vient de tenir Mme le garde des sceaux, nous retirons cet amendement. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

M. le président. L’amendement n° 30 est retiré.

L'amendement n° 7, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la quatrième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après le mot :

documents

insérer les mots :

ou objets

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après le mot :

document

insérer les mots :

ou l'objet

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit là aussi d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la dernière phrase du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

chez qui

par les mots :

au domicile duquel

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après les mots :

le document

insérer les mots :

ou l'objet

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

ou à son contenu

par les mots :

, à son contenu ou à cet objet

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est également un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste vote contre.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3

Articles additionnels après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 56-1 du même code est ainsi modifié :

1° Dans les troisième et quatrième phrases du premier alinéa, après le mot : « documents », sont insérés les mots : « ou des objets » ;

2° Dans la première phrase du troisième alinéa, les mots : « à laquelle le magistrat a l'intention de procéder » sont remplacés par les mots : « ou d'un objet » ;

3° Dans la deuxième phrase du même alinéa, après le mot : « document », sont insérés les mots : « ou l'objet » ;

4° Dans la quatrième phrase du même alinéa, après le mot : « documents », sont insérés les mots : « ou d'autres objets » ;

5° Dans la dernière phrase du même alinéa, après le mot : « document », sont insérés les mots : « ou l'objet » ;

6° Dans le sixième alinéa, après les mots : « le document », sont insérés les mots : « ou l'objet » ;

7° Dans le même alinéa, les mots : « ou à son contenu » sont remplacés par les mots : «, à son contenu ou à cet objet ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

L'amendement n° 32, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 57 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les perquisitions relevant de l'article 56-2, les deux témoins sont requis par le magistrat; ils ont la qualité de journalistes au sens de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 56-2 du code de procédure pénale, relatif aux perquisitions au cabinet ou au domicile d’un avocat, prévoit que ces perquisitions sont effectuées en présence du bâtonnier de l’ordre des avocats.

Or les journalistes ne sont pas organisés en une profession réglementée, ce qui empêche de transposer la procédure applicable aux avocats.

Notre amendement a donc pour objet de prévoir que les deux témoins présents lors de la perquisition aient la qualité de journaliste. Ainsi, ils seront en mesure d’apprécier la nature des documents faisant l’objet de la perquisition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 32, doutant que la disposition présentée se révèle pratique à mettre en œuvre, notamment lorsque la perquisition aura lieu au domicile du journaliste.

Qui pourrait jouer le même rôle que le bâtonnier de l’ordre des avocats en la matière ? La réponse à cette question est assez complexe, faute de l’existence d’une organisation professionnelle structurée et organisée pour faire face à ce type d’obligations.

C’est la raison pour laquelle, après avoir suivi plusieurs pistes et imaginé différentes solutions, dont aucune n’était véritablement satisfaisante, la commission a considéré que prévoir la présence de deux témoins, sans autre précision, permettrait à chacun de s’organiser en fonction des circonstances.

Toutefois, si un jour la profession s’organisait différemment, il pourrait alors être intéressant que quelqu’un puisse jouer le même rôle que le bâtonnier lors d’une perquisition menée chez un avocat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La règle générale veut qu’il y ait toujours deux témoins lors d’une perquisition. Ils ne sont pas parties à la procédure, leur rôle étant de vérifier la régularité de celle-ci, en veillant par exemple à ce qu’aucune pièce ne soit apportée de l’extérieur ou à ce que les objets saisis lors de la perquisition l’aient bien été sur place.

À cet égard, le fait de vouloir imposer la présence de deux témoins journalistes n’apportera rien de plus. Au contraire, cela risque de compliquer la procédure, d’allonger sa durée, voire de la bloquer.

C’est pourquoi, dans la procédure classique, aucune qualité n’est requise de la part des témoins. Le fait de déroger au droit commun en imposant que les témoins répondent à une certaine qualité créerait un précédent qui, demain, pour d’autres types de faits ou de perquisitions, pourrait conduire à exiger la présence d’une certaine catégorie de témoins.

Par ailleurs, s’agissant des avocats, la situation est différente. Alors que le seul rôle des témoins est de veiller à la régularité de la procédure, la présence du bâtonnier lors d’une perquisition constitue une garantie spécifiquement liée à la profession d’avocat.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Exactement ! Le secret professionnel de l’avocat !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Voilà pourquoi nous sommes opposés à cet amendement. J’espère vous avoir convaincu, monsieur le sénateur.

M. le président. Monsieur Sueur, maintenez-vous l'amendement n° 32 ou avez-vous été séduit par les arguments de Mme le garde des sceaux ?

M. Jean-Pierre Sueur. Pas par les arguments, monsieur le président ! (Sourires.) Je maintiens l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 2
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Articles additionnels après l'article 3

Article 3

I. - L'article 326 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. »

II. - L'article 437 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 33, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. - L'article 326 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout journaliste ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité professionnelle est libre de ne pas révéler ses sources. »

II. - L'article 427 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout journaliste ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité professionnelle est libre de ne pas révéler ses sources. »

III. - Dans le deuxième alinéa de l'article 109 du même code, après le mot : « journaliste » sont insérés les mots : « ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ».

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 3 du projet de loi étend le droit des journalistes à taire leurs sources aux cas où ils sont cités à comparaître en tant que témoins devant une cour d’assises ou un tribunal correctionnel.

Notre amendement vise à étendre la garantie offerte aux journalistes entendus comme témoins aux directeurs de publication et aux collaborateurs de la rédaction.

Par ailleurs, le champ d’application de l’article 109 du code de procédure pénale doit être précisé et harmonisé avec celui des précédents articles du même code que nous venons de modifier.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - Le deuxième alinéa de l'article 326 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'obligation de déposer s'applique sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et de la faculté pour tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité de ne pas en révéler l'origine. »

L'amendement n° 14, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. - L'article 437 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 437. - Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ce sont des amendements de cohérence, dont l’objet est d’éviter des interprétations a contrario.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 33 ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Le projet de loi, tout comme la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, pose le principe d’un droit absolu des journalistes à taire leurs sources lorsqu’ils sont entendus comme témoins.

Ce droit au silence continue d’ailleurs à jouer même lorsque les circonstances permettent au juge de porter atteinte légalement au secret des sources. Il est également reconnu aux personnes soumises au secret professionnel.

En prévoyant d’étendre ce droit au silence à l’ensemble de la chaîne de l’information, c’est-à-dire aux personnes qui, en raison de leurs relations professionnelles ou personnelles avec un journaliste, peuvent détenir une information permettant d’identifier la source, cet amendement va encore un peu plus loin.

Le droit au silence des journalistes évite qu’ils ne soient placés en porte-à-faux au regard de leur déontologie professionnelle ou de leur éthique. C’est une disposition extrêmement importante.

Cela étant, il semble difficile d’aller plus loin, d’autant que les personnes qui peuvent avoir connaissance d’un secret professionnel, sans y être elles-mêmes soumises, ne bénéficient pas du même droit à se taire. On ne voit d’ailleurs pas pourquoi des personnes ayant connaissance de la source d’un journaliste disposeraient de ce droit, alors qu’elles ne sont pas directement soumises aux mêmes règles déontologiques et éthiques que le journaliste.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements nos 13 et 14.

En revanche, il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 33. Le droit absolu au secret a déjà été largement étendu : l’extension supplémentaire préconisée par les auteurs de cet amendement nous paraît quelque peu excessive.

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut étendre ce droit à toute la chaîne de l’information !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce projet de loi traite de la protection des sources, et non de celle du journaliste. D’ailleurs, les professionnels ne demandent rien d’autre : ils souhaitent l’extension du droit au silence et la protection des sources à tous les stades de la procédure, mais pas leur élargissement dans la mesure préconisée au travers de votre amendement, monsieur le sénateur. C’est pourquoi je suis défavorable à celui-ci.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 3 bis

Articles additionnels après l'article 3

M. le président. L’amendement n° 34, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, les personnes visées à l'article 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ont le droit de taire leurs sources et de n'en faire état en aucune manière dans des conditions prévues par ledit article. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai simultanément l’amendement n° 35, dont l’objet est connexe.

M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° 35, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Après l'article 3 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

I. - Avant le dernier alinéa de l'article 63, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une mesure de garde à vue ne peut en aucun cas être prise à l'encontre d'un journaliste ou de toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour tout acte ressortissant de l'exercice de son activité lorsque cette mesure a pour objet ou pour effet la mise à disposition des sources. »

II. - Après le troisième alinéa de l'article 77, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une mesure de garde à vue ne peut en aucun cas être prise à l'encontre d'un journaliste visé aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour tout acte commis dans l'exercice de sa profession lorsque cette mesure a pour objet ou pour effet la mise à disposition des sources. Dans tous les autres cas, ces mêmes personnes ne pourront être gardées à vue pour des raisons liées à l'exercice de leur profession que pour une durée de 24 heures non renouvelable. »

Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’amendement n° 34 vise à encadrer strictement la garde à vue des journalistes.

Nous ne sommes pas d’accord avec ceux qui voudraient que les journalistes ne puissent pas être placés en garde à vue. En effet, nous considérons que, dès lors que la garde à vue existe, elle doit pouvoir s’appliquer à tous les citoyens, dans les conditions prévues par la loi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quand même !

M. Jean-Pierre Sueur. Cependant, puisque nous sommes en train d’élaborer une loi relative au secret des sources, nous tenons à ce qu’elle indique très clairement que la garde à vue ne doit jamais avoir pour effet ou pour objet d’amener le journaliste à livrer ses sources. Sinon, elle n’aura pas de véritable portée.

Il s’agit là pour nous, madame le garde des sceaux, d’une question très importante. C’est pourquoi nous demanderons que le Sénat s’exprime par scrutin public sur l’amendement n° 35.

Je voudrais rappeler, à cet instant, l’affaire Dasquié, qui est grave et ne doit pas se reproduire.

M. Dasquié, qui travaillait pour le journal Le Monde, a été placé en garde à vue, pour des motifs liés à son activité professionnelle, pendant trente-six heures, dans des conditions telles que les pressions psychologiques qu’il a subies l’ont amené à « craquer » et à livrer aux enquêteurs le nom que ces derniers voulaient obtenir.

C’est pour éviter le renouvellement d’une affaire de ce genre que nous avons rédigé avec beaucoup de soin l’amendement n° 35, qui tend à préciser qu’une mesure de garde à vue ne pourra en aucun cas être prise à l’encontre d’un journaliste ou de toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour tout acte ressortissant de l’exercice de son activité lorsque cette mesure aura pour objet ou pour effet la mise à disposition des sources.

En outre, l’amendement prévoit qu’une mesure de garde à vue ne pourra en aucun cas être prise à l’encontre d’un journaliste visé par le même texte pour tout acte commis dans l’exercice de sa profession lorsque cette mesure aura pour objet ou pour effet la mise à disposition des sources.

Nous tenons absolument à ce que la procédure de garde à vue ne puisse en aucun cas être utilisée, directement ou indirectement, pour conduire un journaliste à révéler ses sources. Ce serait en effet contradictoire avec l’objet même de ce projet de loi, qui est de protéger lesdites sources.

Nous gardons en mémoire certains événements récents : si l’on veut garantir le secret des sources, il faut exprimer explicitement cette garantie dans la loi, comme le prévoit cet amendement, pour lequel nous demandons donc un scrutin public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 34, l’avis de la commission est défavorable.

De manière générale, il n’existe aucune obligation de déposer dans le cadre d’une procédure, a fortiori pour les journalistes et leurs collaborateurs. La seule obligation que prévoit l’article 62 du code de procédure pénale est une obligation de comparaître, mais la personne qui comparaît peut très bien dire au juge qu’elle n’a rien à déclarer, et le juge devra alors en prendre acte.

S’agissant maintenant de l’amendement n° 35, l’avis de la commission est également défavorable.

Aucune profession ne bénéficie de règles particulières, notamment en matière de garde à vue. On ne saurait mettre en place de système dérogatoire dans ce domaine.

Imaginons en effet qu’un journaliste commette une infraction grave, par exemple une violation du secret de la défense nationale, de nature d’ailleurs à faire lever le secret des sources : il faut bien que l’auteur de l’infraction puisse être placé en garde à vue et comparaître.

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a une loi sur le secret-défense !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Néanmoins, une fois placé en garde à vue, il aura la possibilité de ne rien dire, comme tout un chacun.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Avant de donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements, je préciserai que, dans l’affaire Dasquié, c’était le recel du secret-défense qui était en jeu, et non la protection des sources.

S’agissant des amendements nos 34 et 35, leur rédaction révèle le peu de confiance que leurs auteurs ont dans les policiers et l’autorité judiciaire ! La garde à vue est déjà extrêmement réglementée par le code de procédure pénale, qui énonce des conditions strictes pour pouvoir placer une personne dans cette situation.

Si l’on prévoit une disposition spécifique pour les journalistes, il faudra faire de même pour les avocats et pour toute une série de professions. Par exemple, il faudra inscrire dans la loi que l’on ne pourra pas placer un commerçant en garde à vue afin de le contraindre à révéler le secret de fabrication d’un produit !

S’agissant des journalistes, on ne place pas quelqu’un en garde à vue pour obtenir la divulgation d’une source. Ce n’est pas un motif valable !

M. Jean-Pierre Sueur. Notre idée, c’est justement d’inscrire ce que vous venez de dire dans la loi.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cela figure dans le code de procédure pénale. Si l’on vous suivait, on créerait un régime dérogatoire pour les journalistes, ce que nous ne souhaitons pas.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce serait en effet invraisemblable !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si un journaliste est placé en garde à vue, c’est que des indices concordants de sa participation présumée à la commission d’une infraction ont été réunis. Ces éléments ne sont pas nécessairement liés à la révélation d’une source.

Par ailleurs, si un journaliste est placé en garde à vue, il n’est pas obligé de parler. Il n’y a aucune contrainte à cet égard. De plus, il est assisté de son avocat, parfois dès la première heure.

Enfin, la procédure est placée sous le contrôle du procureur de la République et du juge d’instruction dans le cadre d’un acte d’instruction.

Toutes les garanties nécessaires figurent donc déjà dans le code de procédure pénale, et celles que vous proposez au travers de cet amendement apparaissent redondantes, monsieur le sénateur.

Voilà pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à l’instauration d’un régime dérogatoire pour les journalistes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 32 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 139
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 21, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa de l'article 63, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus, dans le cadre d'une garde à vue, en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. » ;

2° Après le troisième alinéa de l'article 77, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus, dans le cadre d'une garde à vue, en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement relève de la même logique que celui qui a été précédemment défendu.

Bien évidemment, il ne vise pas à soustraire complètement les journalistes à toute mesure de placement en garde à vue. La motivation des auteurs de cet amendement est claire : elle s’inspire de l’observation des faits survenus dans l’affaire Dasquié. Ce journaliste, après trente-six heures de garde à vue, a fini par « craquer » et par révéler ses sources, sous la pression psychologique.

Fondamentalement, il ne sert à rien d’affirmer que le journaliste peut choisir de ne pas révéler ses sources si, par ailleurs, aucune disposition législative ne vise à prévenir toute tentative de lui extorquer des informations dans le cadre d’une garde à vue.

Protéger les sources, c’est non seulement garantir au journaliste le droit de ne pas les dévoiler, mais c’est également garantir que, au cours d’une garde à vue, il ne sera pas soumis à des pressions psychologiques ayant pour objet de l’amener à les révéler.

Il s’agit, me semble-t-il, d’un amendement de bon sens, qui, je le répète, ne vise pas à interdire le placement en garde à vue des journalistes, non plus qu’à empêcher l’audition d’un journaliste à propos de ses activités.

En revanche, s’il est considéré qu’une garde à vue a porté une atteinte disproportionnée à la protection due au secret des sources, la procédure pourra être annulée. Cela me semble essentiel pour assurer cette protection.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il est dangereux de vouloir multiplier les procédures dérogatoires au droit commun ou les dispositions spécifiques pour une catégorie professionnelle, en l’occurrence celle des journalistes.

D’une part, on risque de créer des différences de traitement injustifiées par rapport à d’autres professions soumises au secret professionnel, lesquelles pourraient légitimement prétendre à bénéficier des mêmes dispositions.

D’autre part, le principe général de protection du secret des sources s’impose à tous et doit normalement suffire pour garantir des atteintes à ce secret, sauf évidemment à considérer que les magistrats et la police judiciaire ne respectent pas la loi, en particulier les dispositions de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 !

En tout état de cause, si l’on veut affermir un principe, il faut à tout prix éviter de l’affaiblir par des systèmes dérogatoires.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Tout un chacun a le droit de garder le silence durant sa garde à vue, y compris en présence de son avocat.

Vous dites, monsieur Muller, qu’il peut arriver que des pressions psychologiques amènent le gardé à vue à parler contre sa volonté et que, dans un tel cas, ses déclarations ne doivent pas être versées au dossier de la procédure. Mais nous sommes dans un État de droit, monsieur le sénateur, ce qui apporte des garanties ! Ainsi, il est illégal de recourir à la contrainte pour obtenir une déclaration. Rien n’empêche alors le gardé à vue d’indiquer à son avocat qu’il a parlé sous la contrainte, les policiers ou les gendarmes étant passibles de poursuites.

Adopter votre amendement reviendrait en fait à reconnaître dans la loi l’existence de manœuvres illégales pour amener un journaliste à révéler ses sources, et à prévoir que dans ce cas les déclarations du gardé à vue ne seront pas versées au dossier ! Nous sommes dans un État de droit, je le redis !

Si des manœuvres illégales sont attestées, le procureur ou le juge d’instruction est saisi et peut engager des poursuites contre les policiers ou les gendarmes concernés. Dans le cas contraire, les déclarations sont normalement versées au dossier, ne serait-ce que pour respecter le principe du contradictoire et les droits de la défense.

Comment pourrait-on accepter qu’un texte de loi reconnaisse implicitement que les policiers ou les gendarmes sont amenés à exercer des contraintes pour obtenir des informations ? Cela reviendrait en quelque sorte à se résigner à ce que des infractions soient commises au cours des gardes à vue. Ce n’est pas possible ! Au-delà du cas des seuls journalistes, c’est un problème de fond.

Cet amendement contrevenant à des principes fondamentaux, le Gouvernement y est tout à fait opposé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le dernier alinéa de l'article 100-7 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune interception ne peut avoir lieu sur un service téléphonique ou sur un service de communications électroniques d'un journaliste, ou de toute autre personne visée aux troisième et quatrième alinéas de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, y compris à son domicile pour un acte ressortissant de son activité professionnelle. »

La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Cet amendement vise à accorder aux journalistes les mêmes garanties, en matière d'interceptions téléphoniques, que celles dont bénéficient les parlementaires, les avocats et les magistrats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour la simple et bonne raison qu’aucune profession, y compris celles qui ont été visées par notre collègue, ne bénéficie aujourd’hui de ce type de protection.

S’agissant des parlementaires, existe seulement une obligation d’informer le président de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat, selon le cas, d’une mise sur écoute. Pour les avocats, c’est le bâtonnier qui est informé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souscris entièrement aux propos de M. le rapporteur : il n’est pas envisageable de mettre en place un régime dérogatoire au bénéfice d’une profession. Même les avocats, dont les relations avec leurs clients sont confidentielles, peuvent faire l’objet d’écoutes téléphoniques.

Le présent amendement a pour objet d’exclure toute écoute visant un journaliste pour un acte ressortissant de son activité professionnelle. Or un journaliste peut avoir commis une infraction dans le cadre de son activité professionnelle. Par conséquent, on ne peut accorder à une profession un privilège qui confinerait à l’immunité.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 3
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Article 3 ter

Article 3 bis

I. - L'article 60-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus par une réquisition portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

II. - Les articles 77-1-1 et 99-3 du même code sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du dernier alinéa de l'article 60-1 sont également applicables. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 15, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application

par les mots :

prise en violation des dispositions

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’expression « de façon disproportionnée », qui laisse à penser qu’une condition supplémentaire à celles qui sont prévues à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 est créée pour apprécier la légalité d’une atteinte au secret des sources.

M. le président. Les amendements nos 37 et 46 sont identiques.

L'amendement n° 37 est présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 46 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le second alinéa du I de cet article, supprimer les mots :

de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection qui est due

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 37.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 3 bis tend à affirmer que toute réquisition judiciaire qui porterait illégalement atteinte « de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources » des journalistes serait nulle.

La notion d’atteinte « disproportionnée » nous paraît une nouvelle fois particulièrement floue et de nature à restreindre de manière significative la portée effective du droit posé à cet article.

Par conséquent, nous proposons de supprimer cette qualification, qui introduit une fois de plus dans ce texte du clair-obscur, du flou, du vague, de l’imprécis, ce qui pourrait conduire à l’inverse de ce qui est recherché, à savoir la protection du secret des sources.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 46.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cette référence à la « disproportion » de l’atteinte atténuera considérablement la protection dont bénéficieront les sources. On peut d’ailleurs se demander selon quels critères objectifs une réquisition sera considérée comme portant une atteinte « proportionnée » à la protection due au secret des sources et n’encourra pas la nullité…

Les réquisitions sont des actes assez graves, à l’instar des perquisitions. Nul n’ignore en effet que c’est un moyen efficace et discret, pour la police et le juge, de remonter aux sources d’un journaliste sans l’en tenir informé.

En outre, cet article 3 bis, quand bien même notre amendement serait adopté, n’aura qu’un effet limité en termes de protection des sources, puisque la nullité de la procédure ne sera prononcée qu’a posteriori.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements identiques étant satisfaits par celui de la commission, je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Sueur, l'amendement n° 37 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Sueur. M. le rapporteur a raison, monsieur le président. Aussi, pour la deuxième fois cet après-midi, je retire mon amendement ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 37 est retiré.

Madame Mathon-Poinat, l'amendement n° 46 est-il maintenu ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 46 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 15 ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement qui, comme l’amendement n° 4, rappelle de manière plus précise le principe général posé à l’article 2 de la loi de 1881.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.

(L'article 3 bis est adopté.)

Article 3 bis
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Article 4

Article 3 ter

L'article 100-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, après le mot :

correspondances

insérer les mots :

ou communications de toute nature

La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. L'article 3 ter, qui tend à frapper de nullité la transcription des écoutes judiciaires lorsque celles-ci portent atteinte au secret des sources des journalistes, ne vise que les correspondances. Par cet amendement, nous souhaitons inclure dans le champ du dispositif les communications de toute nature, y compris celles qui transitent par internet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Dans la mesure où l’article 100 du code de procédure pénale vise les « correspondances émises par la voie des télécommunications », cet amendement n’est pas nécessaire. En conséquence, la commission y est défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur. Votre explication sera utile !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Cet amendement paraît en effet inutile, puisque les dispositions du code de procédure pénale sur les écoutes visent les « correspondances émises par la voie des télécommunications », c’est-à-dire toutes les formes de correspondances, même dématérialisées : mails, SMS, fax.

Cette précision risquerait en outre, si elle était introduite dans ce seul article, d’induire des a contrario avec les dispositions du code de procédure pénale dans lesquels elle ne figure pas.

En tout état de cause, dans les débats parlementaires, il sera très clair que la notion de correspondance s’entend bien de la manière la plus large.

M. le président. Monsieur Boutant, l’amendement n° 38 est-il maintenu ?

M. Michel Boutant. Après les précisions de M. le rapporteur et de Mme la ministre, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 38 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 16, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :

portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application

par les mots :

permettant d'identifier une source en violation

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a le même objet que l’amendement n° 15, adopté tout à l’heure.

En premier lieu, il vise à supprimer l’expression « portant atteinte de façon disproportionnée ». J’ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles la commission souhaitait cette suppression, je n’y reviens donc pas.

En second lieu, il tend à corriger une erreur matérielle. En effet, c’est non pas la correspondance elle-même, mais la transcription à laquelle elle donne lieu, qui porte atteinte au secret des sources.

M. le président. Les amendements nos 39 et 47 sont identiques.

L'amendement n° 39 est présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 47 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le second alinéa de cet article, supprimer les mots :

de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 39.

M. Jean-Pierre Sueur. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 39 est retiré.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 47.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je le retire également.

M. le président. L’amendement n° 47 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 16 ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 ter, modifié.

(L'article 3 ter est adopté.)

Article 3 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

La présente loi est applicable sur tout le territoire de la République française. – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Malgré les tentatives de M. le rapporteur d’améliorer ce texte, celui-ci laisse subsister de trop nombreuses possibilités d’atteinte à la protection du secret des sources des journalistes.

Bien que la commission ait, par son amendement n° 1, supprimé la référence à l’intérêt général, le champ des exceptions au principe de protection du secret des sources reste beaucoup trop imprécis, s’agissant par exemple d’un impératif prépondérant d’intérêt public, la rédaction retenue par la commission laissant tout de même planer le doute sur la portée effective de la protection.

Par ailleurs, la définition des personnes pouvant être couvertes par ce principe de protection, très restrictive, n’est pas sans soulever des difficultés. L’encadrement légal des perquisitions concernant des journalistes ne nous satisfait pas non plus.

Nous regrettons de n’avoir pas été entendus. Nos amendements reflétaient les légitimes interrogations des journalistes quant à l’avenir de leur profession, dans un contexte, il faut le dire, particulièrement tendu.

Il ressort de l’examen de ce texte une impression de méfiance à l’encontre d’une profession qui s’efforce d’exercer ses missions de façon indépendante du pouvoir politique et qui est de plus en plus malmenée. L’adoption des amendements de la commission ne nous rassure pas vraiment à cet égard.

La France était déjà très en retard en matière de protection du secret des sources des journalistes. Le présent texte ne lui permettra pas de se mettre en conformité avec les principes du droit européen ni avec la jurisprudence européenne.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi, en espérant que la navette nous permettra d’aboutir à un texte digne de notre pays en matière de protection du secret des sources des journalistes.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Nous ne pouvions que nous réjouir d’avoir enfin l’occasion d’examiner un texte tendant à protéger les sources des journalistes. Hélas, une fois de plus, cela semble être un rituel, aucun de nos amendements n’a été accepté, comme si ceux qui détiennent le monopole du pouvoir au sein de la Haute Assemblée détenaient aussi le monopole de la vérité !

À plusieurs reprises, on nous a opposé des arguments reposant sur le postulat qu’il ne faut pas traiter les journalistes comme une catégorie à part. Or je considère au contraire que les « chiens de garde » de la démocratie et leurs sources d’information méritent d’être protégés par des dispositions particulières.

C’est la raison pour laquelle nous voterons contre ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Lors de la discussion générale, nous avions énoncé les points importants qui détermineraient notre vote à l’issue de l’examen de ce texte. Malheureusement, sur certains de ces points, aucune évolution n’a pu être obtenue.

Certes, et je tiens à le souligner, M. le rapporteur a proposé la suppression de la référence aux « questions d’intérêt général », ce qui est un progrès.

Cependant, il subsiste quatre points sur lesquels ce texte doit, à notre sens, évoluer de manière significative. Les troisième et quatrième points revêtant une importance toute particulière, nous avons souhaité que le Sénat se prononce sur les amendements correspondants par scrutin public.

Premier point : il convenait de définir quels seront les personnes et les professionnels concernés, les journalistes stricto sensu n’étant pas seuls en cause. Nous n’avons pu obtenir l’élargissement du champ de la protection des sources. De ce point de vue, des lacunes évidentes et importantes apparaissent dans le texte tel qu’il résulte de nos travaux.

Deuxième point : des lacunes existent également en ce qui concerne les perquisitions et les lieux dans lesquels elles peuvent avoir lieu, avec les protections prévues. Il faudra y remédier.

Troisième point : on nous a objecté qu’il serait redondant de prévoir de manière explicite dans la loi que la garde à vue ne peut avoir pour objet ou pour effet d’aller à l’encontre de ce que le texte vise à inscrire dans le droit. Je n’ai pas compris pourquoi cela nous a été refusé. Le problème s’est déjà posé et il continue de se poser, on le sait bien. Il s’agit donc d’une réalité tout à fait concrète.

Enfin, le quatrième point est à nos yeux le plus lourd de conséquences : le texte comporte un grand nombre d’imprécisions sémantiques, qui ne sont pas dues à des difficultés de rédaction, mais procèdent d’un dessein consistant à donner à la protection des sources une valeur très relative.

Nous n’avons pu obtenir la suppression de la référence à l’« impératif prépondérant ». Nous avons pourtant démontré que le concept d’« impératif » ne signifiait pas grand-chose, non plus que le qualificatif « prépondérant ». À ma connaissance, personne n’a rien objecté à cette démonstration.

Alors pourquoi maintenir cette expression dans le projet de loi ? Le corollaire en est que l’on nous refuse que les exceptions au principe de protection des sources soient précisément définies. Nous avons proposé une définition des menaces de commission d’un crime ou de mise en cause de l’intégrité physique des personnes. Certes, et nous ne le contestons pas, il revient au juge d’apprécier quels éléments peuvent revêtir le caractère d’une menace. Il ne s’agit pas de quelque chose d’automatique.

Il faut également, nous le savons, prendre en compte la protection du secret-défense et la répression de la diffamation. On ne peut pas tout publier dans un journal. Il existe des voies de recours, et, en tout état de cause, le directeur de la publication et les auteurs des articles doivent respecter le droit qui leur est applicable. Cela ne soulève pas de difficulté.

Toutefois, dès lors que vous refusez de définir ce qui est susceptible de donner lieu à exception et que vous utilisez, de façon tout naturellement complémentaire, des formules sémantiques volontairement floues et vagues, le présent projet de loi ne peut permettre d’atteindre l’objectif fixé dans son intitulé.

Nous soumettons ces réflexions au Sénat, en espérant vivement que les choses évolueront à la faveur des prochaines lectures, car nous souhaitons que ce projet de loi fasse l’objet d’un large accord. Nous avons précisé sur quels points il est à nos yeux essentiel de progresser pour parvenir à un tel accord.

Dans l’immédiat, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, nous voterons contre ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Il est rare que l’unanimité se fasse au sein du groupe du RDSE. Je me réjouis donc aujourd’hui que l’ensemble de notre groupe s’accorde à voter en faveur de l’adoption de ce projet de loi.

Si nous avons pu être sensibles aux arguments qu’a exposés M. Sueur, notamment à l’occasion de l’examen des articles, je considère pour ma part que les principes du droit transcendent les cas particuliers de telle ou telle profession. (Mme la ministre approuve.)

M. François Trucy. Très bien !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je souhaite remercier les membres de la commission des lois et tous ceux de nos collègues qui ont pris part à ce débat, ainsi que les membres du Gouvernement qui sont intervenus dans cet hémicycle.

Je reprendrai les propos que j’ai tenus dans la discussion générale : si je suis tout à fait favorable à ce que l’on aille très loin dans la protection de certains droits, j’apprécie que, en regard des droits, on place des obligations et des devoirs, sauf, me semble-t-il, à faire fausse route.

Ce projet de loi constitue à l’évidence une avancée importante pour les journalistes, et tous ceux que nous avons auditionnés l’ont souligné. Sans doute, ils auraient aimé que nous allions encore plus loin, mais je pense que la balle est maintenant dans leur camp et qu’il leur appartient désormais, comme un certain nombre d’entre eux le souhaitent, de s’organiser sur le plan professionnel, de façon qu’il soit possible, le moment venu, de parvenir à étendre encore les droits, mais également de définir ensemble des devoirs, ce qui me paraîtrait constituer un juste équilibre. J’insiste sur cette idée, même si je n’ignore pas qu’elle n’est pas facile à mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Au nom de la garde des sceaux et en mon nom propre, je voudrais remercier le Sénat de la qualité du débat sur cet important projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes.

Je veux tout spécialement remercier la commission des lois, son président, M. Jean-Jacques Hyest, son rapporteur, M. François-Noël Buffet, de la qualité particulière de leur travail et des améliorations qu’ils ont apportées au texte. Tous les amendements de la commission des lois ont d’ailleurs été adoptés par la Haute Assemblée, avec l’accord du Gouvernement.

Ce projet de loi apporte des garanties nouvelles et considérables en matière de liberté de diffusion de l’information par les journalistes. Il mettra notre pays en conformité totale avec les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Certains auraient voulu aller plus loin, mais nous nous devions, avec ce texte, de parvenir à un équilibre entre la liberté de l’information et les exigences de l’action de la justice dans un État de droit. Tel a été l’objectif du Gouvernement et du Parlement, et cet objectif a été atteint.

Désormais, les atteintes au secret des sources, qu’elles soient directes ou indirectes, ne seront possibles qu’en cas d’impératif prépondérant d’intérêt public, donc dans des situations très exceptionnelles.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas évident !

Mme Christine Albanel, ministre. Les perquisitions dans les entreprises de presse ou assimilées seront strictement encadrées et réglementées. Il en sera de même des écoutes téléphoniques et des réquisitions concernant les journalistes. Le droit pour le journaliste de taire ses sources en toute hypothèse et à toutes les phases de la procédure est solennellement affirmé. Enfin, les journalistes poursuivis pour diffamation pourront toujours librement se défendre sans risquer d’être condamnés pour recel du secret de l’instruction ou – cela a été ajouté par la commission – pour recel du secret professionnel.

Notre pays affirme ainsi sans ambiguïté son attachement à la liberté d’expression, avec un texte qui fait honneur à notre démocratie. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
 

6

Nomination de membres d’une mission commune d’information

M. le président. La commission des finances et la commission des affaires sociales ont désigné respectivement Mme Michèle André et M. Gilbert Barbier pour faire partie de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque.

7

Dépôt de projets de loi

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay sur l’emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 81, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J’ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2008-810 du 22 août 2008 et n° 2008-811 du 22 août 2008 relatives à la conformité des denrées avec la législation alimentaire et à la sécurité générale des produits.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 82, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

Transmission d'un projet de loi

M. le président. J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 80, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi (n° 80, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

10

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Avant-projet de budget rectificatif n° 10 au budget général 2008 - État des dépenses par section – Section III - Commission.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3770 (annexe 10) et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Proposition de virement de crédits n° DEC27/2008 – Section III - Commission - du budget général pour 2008 (DNO).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4059 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Proposition de virement de crédits n° DEC36/2008 – Section III – Commission - du budget général pour 2008 (DNO).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4060 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Proposition de virement de crédits n° DEC34/2008 – Section III - Commission - du budget général pour 2008 (DO/DNO).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4061 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Proposition de virement de crédits n° DEC38/2008 – Section III - Commission - du budget général 2008 (DNO).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4062 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Proposition de décision du Conseil autorisant la mise sur le marché de produits contenant du colza T45 (ACS-BN008 2) génétiquement modifié ou produits à partir de celui-ci, à la suite de sa commercialisation dans des pays tiers jusqu’en 2005, en application du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4063 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Position commune du Conseil renouvelant les mesures restrictives instituées à l’encontre de la Côte d’Ivoire.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4064 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Décision du Conseil mettant en œuvre l’action commune 2007/369/PESC relative à l’établissement de la Mission de police de l’Union européenne en Afghanistan (EUPOL AFGHANISTAN).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4065 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Projet de décision mettant en œuvre l’action commune 2007/749/PESC concernant la Mission de police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie-Herzégovine.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4066 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Action commune du Conseil modifiant l’action commune 2007/107/PESC modifiant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne pour l’Asie centrale.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4067 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Projet d’action commune modifiant et prorogeant l’action commune 2005/797/PESC du Conseil concernant la mission de police de l’Union européenne pour les territoires palestiniens (EUPOL COPPS).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4068 et distribué.

11

Dépôt d'un rapport

M. le président. J’ai reçu de MM. Alain Vasselle, Dominique Leclerc, André Lardeux, Gérard Dériot et Mme Sylvie Desmarescaux un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 80, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n° 83 et distribué.

12

Dépôt d'un avis

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Jacques Jégou un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 80, 2008-2009).

L’avis sera imprimé sous le n° 84 et distribué.

13

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 6 novembre 2008 à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :

– Discussion du projet de loi (n° 55, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur les prélèvements obligatoires ;

Rapport (n° 78, 2008-2009) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation ;

Avis (n° 71, 2008-2009) de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD