Sommaire

Présidence de M. Roland du Luart

1. Procès-verbal

2. Dépôt de rapports du Gouvernement

3. Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques. – Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence.

Discussion générale : MM. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale ; Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jean-Claude Carle, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Muguette Dini, M. Serge Lagauche, Mme Jacqueline Gourault, M. Yannick Bodin, Mme Marie-Christine Blandin, M. Pierre-Yves Collombat.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Exception d'irrecevabilité

Motion n° 1 de M. Serge Lagauche. – MM. Serge Lagauche, le rapporteur, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. le ministre. – Rejet.

Question préalable

Motion no 18 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Article 1er

Amendements nos 38 de M. Serge Lagauche, 19 et 20 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – M. Serge Lagauche, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l'article.

Article 2

Amendements identiques nos 21 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et 39 de M. Serge Lagauche ; amendements nos 2 et 3 de la commission. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Yannick Bodin, le rapporteur, le ministre, Pierre-Yves Collombat. – Rejet des amendements nos 21 et 39 ; adoption des amendements nos 2 et 3.

Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

4. Questions d'actualité au Gouvernement

déremboursement des médicaments

M. Guy Fischer, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

tour de france

MM. François Fortassin, Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

maintien du commerce de proximité

M. Joël Billard, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

carte scolaire

MM. Yannick Bodin, Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

statut des coopératives européennes

M. Marcel Deneux, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

classement Natura 2000 des zones entourant les ports

MM. Charles Revet, Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.

centre de rétention à vincennes

Mme Catherine Tasca, M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

bénéficiaires du bouclier fiscal

MM. Dominique Mortemousque, Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

carte militaire

MM. Claude Domeizel, Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.

risques sur la santé liés aux incinérateurs de déchets

MM. Alain Vasselle, Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.

5. Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat du Chili

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

6. Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d’urgence.

Article 3

Amendements identiques nos 22 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et 41 de M. Serge Lagauche ; amendement n° 4 de la commission. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Serge Lagauche, Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. – Rejet des amendements nos 22 et 41 ; adoption de l’amendement no 4.

Adoption de l'article modifié.

Article 4

Amendements identiques nos 23 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et 42 de M. Serge Lagauche ; amendements nos 5, 6 de la commission, 53 de M. Philippe Arnaud et 37 rectifié bis de M. Pierre-Yves Collombat. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Serge Lagauche, le rapporteur, Mme Muguette Dini, MM. Pierre-Yves Collombat, le ministre, Jean-François Voguet, Claude Domeizel. – Retrait de l’amendement no 53 ; rejet des amendements nos 23, 42 et 37 rectifié bis ; adoption des amendements nos 5 et 6.

Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

Article 5

M. Ivan Renar.

Amendements nos 44 de M. Serge Lagauche, 17 de M. Jean-Claude Carle, 7, 8 de la commission, 36 rectifié de M. Yves Détraigne et 45 de M. Serge Lagauche. – MM. Serge Lagauche, Jean-Claude Carle, le rapporteur, Mme Muguette Dini, MM. le ministre, Ivan Renar. – Rejet des amendements nos 44 ; adoption des amendements nos 17, 7 et 8, les amendements nos 36 rectifié et 45 devenant sans objet.

M. Pierre-Yves Collombat.

Adoption de l'article modifié.

Article 6

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. le ministre.

Adoption de l'article.

Article 7

Amendements identiques nos 24 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et 47 de M. Serge Lagauche ; amendement n° 9 de la commission. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-François Voguet, Jacques Gautier, Pierre-Yves Collombat. – Rejet des amendements nos 24 et 47 ; adoption de l’amendement no 9.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 7

Amendement n° 10 rectifié de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre, Mme Marie-Christine Blandin, M. Pierre-Yves Collombat. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 8

M. Ivan Renar, Mme Nicole Bricq.

Amendements identiques nos 11 de la commission et 54 de M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur, Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances ; le ministre. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 57 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur, Jean-Claude Carle, Pierre-Yves Collombat, Mme Nicole Bricq. – Adoption.

Amendement no 50 rectifié de M. Serge Lagauche. – Adoption.

Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 8

Amendements nos 12 de la commission et 48 rectifié de M. Serge Lagauche. – MM. le rapporteur, Serge Lagauche, le ministre, Pierre-Yves Collombat, Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Adoption de l'amendement no 12 insérant un article additionnel, l’amendement no 48 rectifié devenant sans objet.

Article 9

Amendements nos 51 de M. Serge Lagauche, 13 de la commission et 55 rectifié de M. Ambroise Dupont. – MM. Serge Lagauche, le rapporteur, Ambroise Dupont, le ministre, Pierre-Yves Collombat. – Rejet de l’amendement no 51 ; adoption des amendements nos 13 et 55 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 10

Amendements nos 52 de M. Serge Lagauche et 14 de la commission. – Rejet de l’amendement no 52 ; adoption de l'amendement no 14 rédigeant l'article.

Intitulé du projet de loi

Amendement n° 15 de la commission. – Adoption de l’amendement modifiant l’intitulé.

Vote sur l'ensemble

MM. Jean-Claude Carle, Serge Lagauche, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Muguette Dini, M. le ministre.

Adoption du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

7. Commission mixte paritaire

8. Livre blanc sur la défense. – Débat sur une déclaration du Gouvernement.

MM. Hervé Morin, ministre de la défense ; Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Mme Michelle Demessine, MM. André Boyer, Yves Pozzo di Borgo, Didier Boulaud, André Dulait, Georges Othily.

M. le ministre, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Clôture du débat.

9. Conventions internationales. – Adoption définitive de deux projets de loi en procédure d'examen simplifié.

Accord multilatéral sur la création d’un espace aérien commun européen. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi

Accord avec Madagascar relatif aux services de transport aérien. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi

10. Transmission de projets de loi

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

3

Dépôt de rapports du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 28 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, la liste des régimes d’aides relevant du règlement de la Commission européenne n° 1998/2006 du 15 décembre 2006 relatif aux aides de minimis.

M. le président du Sénat a également reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 126 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, le rapport dressant le bilan des modalités de mise en œuvre du recensement des équipements sportifs, de son actualisation ainsi que de l’exploitation de ses résultats.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.

Ils seront transmis tous deux à la commission des finances, et, pour le second, à la commission des affaires culturelles, et seront disponibles au bureau de la distribution.

4

 
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Discussion générale (suite)

Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (nos 389 et 408).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Bravo et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Exception d'irrecevabilité

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France aime passionnément son école. Elle a le plus grand respect pour ceux qui, chaque jour, dans les classes, sont les artisans opiniâtres de la liberté des individus et du progrès social. Elle observe, attentive, la façon dont notre système éducatif parvient à relever les nouveaux défis que lui pose la société et veille à ce qu’il continue de porter l’espoir des Condorcet, des Guizot, des Ferry, de tous ceux qui ont pensé un jour que la première des libertés était celle de savoir.

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

M. Xavier Darcos, ministre. C’est la raison pour laquelle la France place l’intérêt de l’enfant, la liberté de sa famille et les droits de ses professeurs au-dessus des contingences que peuvent entraîner les discussions, les polémiques, voire les conflits liés aux évolutions de l’institution scolaire. L’école est avant tout un lieu où l’on apprend à respecter les libertés, toutes les libertés, et à concilier l’intérêt des uns avec celui des autres.

Il était donc fort illogique que cet enseignement fondamental transmis par l’école fût démenti à chaque mouvement de grève d’ampleur des personnels enseignants, leur légitime liberté à cesser leur travail dans le cadre d’un préavis de grève entrant alors en conflit avec la liberté des familles de poursuivre leur propre activité professionnelle, si elles le désirent. Car c’est bien aux familles que revient le soin de trouver, souvent dans l’urgence, une solution de garde pour leurs enfants, lorsque l’école n’est plus en mesure de le faire, solution qui, bien souvent, n’est autre que l’interruption forcée de l’activité professionnelle, parfois sans solde, avec des conséquences souvent durables sur les relations avec l’employeur.

Cette situation est d’autant moins acceptable qu’elle pèse particulièrement sur les familles les plus modestes et pénalise singulièrement les structures monoparentales. (M. Jean-Claude Carle acquiesce.)

Elle révèle une très forte inégalité des Français face aux mouvements de grève, selon le taux de conflictualité habituel dans l’école où leurs enfants sont scolarisés, selon leur capacité à financer un mode de garde ou selon les formes d’aide familiale dont elles disposent.

L’accueil des enfants durant le temps scolaire habituel, condition de la stabilité professionnelle des parents, n’est pas un simple service qui peut être offert aux familles et varier en fonction des circonstances. C’est un droit qui doit pouvoir s’exercer de façon permanente et immédiate dans le temps. Tel est le sens de la volonté exprimée par le Président de la République, qui a voulu que la nature et les modalités d’application de ce droit soient définies par le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter devant la Haute Assemblée.

Le projet de loi qu’il vous revient d’examiner pose le principe de ce droit. Il garantit à tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique le droit de pouvoir y être accueilli pendant le temps scolaire obligatoire, pour recevoir les enseignements prévus par les programmes.

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre. En temps ordinaire, ce droit à l’accueil relève de la responsabilité de l’État lui-même, qui doit notamment veiller à ce que les enseignants absents soient rapidement remplacés en dehors des cas où leur absence s’inscrit dans le cadre d’un préavis de grève.

Pour y parvenir, j’ai décidé de moderniser en profondeur l’ensemble de la politique du remplacement conduite par le ministère de l’Éducation nationale et de créer à cet effet une Agence nationale chargée d’organiser le remplacement des professeurs absents. Elle aura, parmi ses objectifs, le souci d’optimiser constamment l’utilisation de tous les moyens de remplacement afin de limiter au maximum les conséquences d’une absence sur le bon déroulement de la scolarité des écoliers.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Philippe Richert, rapporteur. C’est essentiel !

M. Xavier Darcos, ministre. En cas de mouvement de grève, les enseignements suspendus ne sauraient être remplacés, sauf à prendre des mesures qui seraient contraires au droit de grève des salariés. (M. Serge Lagauche s’exclame.)

Les élèves pourront cependant continuer à être accueillis durant le temps scolaire, ce qui permettra ainsi à leurs parents de poursuivre normalement leur activité professionnelle. L’État pourra continuer à organiser l’accueil des élèves en les répartissant dans les classes existantes jusqu’à un certain seuil, dont vous souhaitez, je l’ai noté, que la définition soit revue.

En cas de mouvement de grève plus important, la mise en place d’un véritable dispositif d’accueil s’impose. Le projet de loi en confie la mise en œuvre aux communes, avec la participation financière de l’État.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous préciser d’emblée que, contrairement à ce que j’ai lu ou entendu à ce sujet, ce projet de loi ne porte pas atteinte à la libre administration des communes.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !

M. Xavier Darcos, ministre. En effet, la création d’une nouvelle compétence pour les communes, accompagnée de moyens financiers pour l’assurer, est parfaitement conforme aux exigences constitutionnelles qui découlent des articles 72 et 72-2 de la Constitution.

Cet accueil pourra être organisé par les communes sans contrainte.

En effet, je ne souhaite imposer aux collectivités ni contraintes superflues ni normes nouvelles. Au contraire, je veux que ces dernières puissent disposer de la plus grande souplesse pour organiser ce service : je sais que les membres du groupe de l’Union centriste, notamment Yves Détraigne, sont particulièrement sensibles à cette question.

Cette souplesse doit d’abord pouvoir trouver sa pleine expression dans le choix du lieu où la commune organise l’accueil. Ce peut être au sein même de l’école, si elle est fermée, mais aussi si elle est partiellement ouverte. Dans ce dernier cas, ce sera bien sûr, dans les locaux inutilisés pour faire la classe. Tel est d’ailleurs le sens de l’article 7 de ce texte, car ce serait bien le comble que la commune, propriétaire des locaux scolaires, ne puisse les utiliser pour assurer le service d’accueil. Mais l’accueil peut également être organisé ailleurs, par exemple dans un centre de loisirs.

Cette souplesse doit ensuite se manifester dans la manière dont plusieurs communes peuvent s’entendre pour organiser le service : le projet de loi permet aux communes de conventionner librement pour confier à l’une d’entre elles l’organisation du service. C’est, je crois, une solution adaptée en milieu rural, dans les regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI, qui d’ailleurs ne sont pas toujours adossés à un établissement public de coopération intercommunale.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C’est très important !

M. Xavier Darcos, ministre. Ainsi, trois ou quatre communes membres d’un regroupement pédagogique intercommunal diffus pourront confier à l’une d’entre elles l’organisation du service.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Oui !

M. Xavier Darcos, ministre. Cette souplesse enfin existe dans le choix des intervenants que la commune décidera de mobiliser pour assurer l’accueil : il pourra s’agir des assistantes maternelles, ou agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, qui travailleraient ce jour-là, d’autres fonctionnaires municipaux, mais aussi des associations gestionnaires de centres de loisirs ou des associations familiales, des mères de famille, voire des enseignants retraités ou des étudiants, etc. Nous laissons là le libre choix aux communes.

Je rappelle à cette occasion que le code de l’action sociale et des familles n’exige pas de qualification spécifique, ni n’impose de normes en termes d’encadrement, tant que l’accueil ne dépasse pas quatorze jours.

C’était d’ailleurs une des demandes de l’Association des maires de France, l’AMF, en 2006, lorsque la réglementation sur l’encadrement des mineurs a vu le jour.

Par ailleurs, la bonne organisation de ce nouveau service d’accueil suppose, d’une part, que l’État et les représentants des personnels aient pris toutes leurs responsabilités pour prévenir le déclenchement de la grève, d’autre part, que l’État puisse transmettre aux communes, dans un délai raisonnable, le nombre d’enseignants ayant déclaré leur intention de se mettre en grève.

C’est pourquoi le projet de loi prévoit d’instaurer un dispositif d’alerte sociale, novateur dans la fonction publique, en créant une obligation de négociation pour l’employeur, c'est-à-dire l’État, et les organisations syndicales représentatives pendant une période ne pouvant excéder huit jours. Par organisations représentatives, il faut entendre celles qui sont reconnues comme telles au regard des critères classiques du droit commun de la fonction publique.

Il s’agit en fait d’anticiper le dépôt d’un préavis et de permettre l’émergence d’un véritable dialogue social conduit dans la sérénité sur des bases claires : la procédure mise en place, qui sera précisée dans le décret d’application, garantit à la fois cette transparence et la parfaite information des personnels. Pour que ce dialogue social soit un véritable instrument de prévention des conflits, il faut également que l’échange soit conduit au bon niveau, c’est-à-dire à l’échelle des autorités déconcentrées lorsque le sujet concerne l’échelon local, et à l’échelle des autorités nationales lorsque la question est d’ampleur nationale. C’est ce que prévoit explicitement le projet de loi.

Par ailleurs, le projet de loi fait obligation aux personnes ayant l’intention de participer à une grève d’en informer leur autorité administrative au plus tard quarante-huit heures avant la date de déclenchement prévue par le préavis.

Je le répète – mais qui en doute ? –, il ne s’agit bien évidemment pas d’une mesure contre les syndicats ou contre le droit de grève : ce délai est réellement nécessaire à la mise en place de l’accueil par les communes. Je rappelle d’ailleurs que d’aucuns pensaient que ce délai était trop bref.

Si le délai est nécessaire, la procédure de déclaration à l’autorité administrative l’est tout autant. On ne peut se contenter d’une information des familles, car l’accueil deviendrait alors difficile à organiser.

Le projet de loi précise les garanties propres à assurer la confidentialité des informations recueillies sur les personnes.

Enfin, il prévoit naturellement le dispositif de financement dont bénéficieront les communes pour l’exercice de cette nouvelle compétence.

Protéger la liberté de travailler sans rien retirer au droit de grève : tel est l’objet et l’esprit de ce texte, qui marque une étape nouvelle dans les relations entre l’école, la famille et les personnels enseignants.

Soucieux de donner son entière extension à ce droit nouveau et sa pleine efficacité au dispositif que je vous ai présenté, j’ai engagé depuis plusieurs semaines un travail de fond avec les élus de toutes les sensibilités.

Ainsi, j’ai rencontré à plusieurs reprises des sénateurs, des députés, des maires et de nombreuses associations d’élus, comme l’Association des maires de France, l’Association des maires de grandes villes de France, l’Association nationale des élus de montagne ou encore l’Association des maires de l’Île-de-France.

Je veux souligner publiquement la qualité des discussions qui ont été engagées, en particulier des débats qui ont eu lieu dans le cadre de la commission des affaires culturelles du Sénat. Je tiens donc à remercier l’ensemble des sénateurs qui y ont contribué, à commencer bien sûr par Philippe Richert, rapporteur au fond de ce texte, et Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, de leur travail, de leurs propositions et de leurs conseils. Je leur témoigne ici toute ma gratitude.

Ce travail de concertation mené avec l’ensemble des élus concernés par la mise en place du droit d’accueil a permis de clarifier un certain nombre de points. Il a ainsi dissipé nombre de malentendus et apporté des réponses concrètes aux interrogations des collectivités locales. Il a surtout contribué à aller au fond des choses et à obtenir des avancées concrètes, ce dont je ne peux que me féliciter.

Je tiens surtout à vous dire combien j’ai été attentif aux observations et aux propositions qui se sont exprimées, aussi bien lors du travail préliminaire qu’au cours de la discussion avec la commission des affaires culturelles. Sans entamer le débat proprement dit, je souhaite vous apporter d’ores et déjà un éclairage sur cinq de ces éléments.

Le premier sujet concerne le délai de quarante-huit heures que les enseignants doivent respecter pour déclarer leur intention de participer à une grève. Certains sénateurs se sont demandé comment faire si ces quarante-huit heures correspondaient à un week-end.

M. Xavier Darcos, ministre. L’expérience a montré qu’au sein de l’éducation nationale les grèves importantes se déroulaient toujours les mardis et les jeudis, quasiment jamais les lundis et les vendredis. (Sourires.)

Pour autant, et pour rassurer les maires sur ce point, je soutiendrai l’amendement à l’article 5 présenté par Jean-Claude Carle, qui vise à préciser que le délai de quarante-huit heures doit comprendre au moins un jour ouvré. (M. Yannick Bodin manifeste son approbation.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bravo !

M. Philippe Richert, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, monsieur le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Vous voyez, monsieur Carle, cela commence bien, puisque même M. Bodin y est favorable ! (M. Jean-Claude Carle rit.)

Le deuxième sujet concerne les modalités négociées de déclaration des grévistes auprès de l’autorité administrative.

La commission des affaires culturelles a présenté un amendement à l’article 5 pour permettre à l’État de s’entendre avec une organisation syndicale sur les modalités selon lesquelles les enseignants qui souhaitent faire grève en informent l’autorité administrative.

Je soutiens très fermement cet amendement, qui rencontre d’ailleurs l’assentiment de l’une des grandes centrales syndicales et qui permettra de diffuser la culture de la négociation au sein de la fonction publique.

En prévoyant que les modalités par lesquelles les enseignants qui souhaitent faire grève en informent l’autorité administrative pourront être définies par voie conventionnelle à l’occasion de la négociation préalable, l’amendement de la commission souligne tout l’intérêt d’avoir fait coexister dans ce texte deux volets : l’organisation du service d’accueil et la mise en place d’un mécanisme de négociation préalable.

Le troisième sujet touche à la question de la responsabilité des maires, qui préoccupait beaucoup d’acteurs locaux que j’ai rencontrés.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire devant votre commission, je soutiendrai, sur cette question, l’amendement qu’elle présente. Il a pour objet de substituer la responsabilité administrative de l’État à celle de la commune dans tous les cas de dommages causés aux enfants liés à l’organisation ou au fonctionnement du service d’accueil.

Je soutiens d’autant plus fermement cette proposition que j’en avais très tôt annoncé le principe. Il me semble très important, car il apporte une réponse claire aux inquiétudes des élus et des collectivités locales.

Le quatrième sujet concerne le financement du dispositif. Le projet de loi que je vous présente prévoit que ce dernier sera calculé en fonction du nombre d’élèves accueillis, à l’image de ce qui a été fait durant l’expérimentation. Le montant sera précisé dans un texte réglementaire dont la promulgation conditionne l’entrée en vigueur de ce projet de loi.

Lors de l’expérimentation organisée en janvier et en mai, les communes ont reçu un financement s’élevant à 90 euros par groupe de un à quinze élèves, pour deux fois trois heures d’accueil. Comment a été calculé ce montant de 90 euros ? Il correspond au montant moyen de la rémunération journalière d’un enseignant du premier degré, sachant que la taille moyenne d’une classe est de vingt-cinq élèves.

En outre, dans le cadre du travail que nous avons conduit avec l’Association nationale des élus de montagne, nous avons voulu que le dispositif financier prévu soit encore plus juste financièrement pour les communes, notamment pour les petites communes rurales.

C’est la raison pour laquelle, pour des questions de recevabilité, j’ai repris au nom du Gouvernement l’amendement déposé par M. le sénateur Jean-Claude Carle et qui prévoit que l’État verse à toute commune ayant mis en place le service d’accueil une contribution minimale quel que soit le nombre des enfants accueillis.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelle. Quel succès !

M. Xavier Darcos, ministre. Cette contribution minimale par commune s’élèvera à 200 euros, même si le nombre d’élèves accueillis est extrêmement faible.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Yannick Bodin. Vive la grève !

M. Xavier Darcos, ministre. C’est également dans le même esprit de justice et d’équité que j’ai également repris la proposition tendant à indexer le financement apporté par l’État aux collectivités.

Le cinquième sujet concerne les interrogations qui se sont exprimées sur la nature et la qualification des personnes chargées d’accueillir les enfants. J’adhère donc sans réserve à la proposition de la commission tendant à ce que la commune établisse, en lien avec l’inspecteur de circonscription, la liste des personnes susceptibles d’intervenir.

L’établissement de ce vivier présente manifestement deux intérêts : il permet à l’État de vérifier qu’un intervenant pressenti n’est pas déjà connu par le fichier national des infractions sexuelles ; il est également l’occasion de réfléchir par anticipation à l’organisation du service.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que je viens de vous présenter a fait l’objet d’une véritable concertation avec des élus de toutes les sensibilités politiques. À n’en pas douter, vos propositions et les échanges que nous allons avoir permettront encore d’en renforcer la portée. Je suis convaincu que, au terme du travail parlementaire, nous parviendrons à nous entendre sur un texte équilibré qui répondra pleinement aux attentes des familles comme aux interrogations légitimes des élus et des collectivités locales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à ceux qui voudraient ne voir dans ce texte qu’une provocation à l’égard des syndicats d’enseignants, à ceux qui voudraient minimiser les difficultés réelles que rencontrent les familles les plus modestes pour faire garder leurs enfants les jours de grève,…

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce n’est pas bien !

M. Xavier Darcos, ministre. … à ceux qui voudraient exagérer les contraintes que représentera pour les communes cette mission nouvelle,…

M. Philippe Richert, rapporteur. Pas le Sénat !

M. Xavier Darcos, ministre. … je réponds qu’il y a un temps pour la polémique et un temps pour la politique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La polémique est utile à la politique !

M. Xavier Darcos, ministre. Le temps de la polémique est désormais derrière nous : il s’agit non plus de savoir si le fait de vouloir aider les familles est une concession faite à la droite, une trahison faite à la gauche ou un hommage rendu au centre, mais de chercher, de bonne foi, par quel moyen nous pouvons permettre à notre dialogue social de se moderniser dans l’intérêt de l’État, de ses salariés et des usagers des services publics.

Cette ambition politique, au sens le plus noble, c’est une ambition moderne. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est désormais sur vous qu’elle repose aujourd’hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les mémoires de chacun de nous sont profondément gravés les trois attributs de l’école républicaine, qui ne peut être que gratuite, laïque et obligatoire.

À nos yeux, ces caractères sont d’une telle évidence que nous ne parvenons plus à imaginer ce que pouvait être la vie des enfants et des familles de notre pays avant que la loi du 28 mars 1882 ne vienne imposer à chaque jeune de rejoindre les bancs de l’école communale pour y suivre les enseignements qui allaient faire de lui un esprit libre et éclairé et un citoyen réfléchi et responsable.

Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi et jusqu’aux grandes lois de Jules Ferry, les enfants vivaient et grandissaient encore au milieu de leurs familles. Dans une France encore très largement rurale et agricole, il n’y avait là rien que de très naturel.

Depuis lors, notre société a bien changé et rares sont à présent les parents qui ne travaillent pas à l’extérieur du domicile familial. Ce changement, appelé par la naissance d’une France commerciale et industrielle tout autant qu’agricole, a été rendu possible par la scolarisation obligatoire et l’allongement continu de sa durée. Au moment même où les parents travaillent, les enfants sont à l’école et le problème de leur garde ne se pose ainsi plus qu’aux premiers mois de leur existence.

De fait, l’école publique n’est donc pas seulement un lieu d’enseignement ; c’est aussi un lieu d’accueil. Chaque grève ou absence non remplacée d’un professeur le prouve, puisque les enfants se trouvent alors privés d’enseignement et de structure d’accueil pour la journée. Nombreuses sont alors les familles qui éprouvent les plus grandes difficultés à trouver une solution de garde pour leurs enfants. Certaines peuvent s’appuyer sur les solidarités familiales ou de voisinage, M. le ministre l’a dit. Quant aux autres, elles n’auront d’autre solution que de prendre un jour de congé ou de RTT, lorsqu’il y en a encore, en comptant sur la compréhension et la bienveillance de leurs employeurs.

Mais, chacun le sait, mes chers collègues, tel n’est pas toujours le cas et de telles absences répétées, même lorsqu’elles sont le fait d’obligations familiales indiscutables, peuvent indisposer les employeurs et éroder la confiance qu’ils placent dans tel ou tel de leurs salariés.

Cela explique pourquoi les familles sont si nettement favorables à la création d’un service d’accueil dans les écoles primaires publiques lorsqu’elles sont interrogées à ce sujet. D’après un sondage réalisé par PEEP-BVA, 78 % des parents soutiennent ce projet, parce qu’il répond à un vrai besoin, dont elles mesurent l’acuité à chaque interruption du service public de l’enseignement.

Mme Jacqueline Gourault. Le contraire serait étonnant !

M. Philippe Richert, rapporteur. C’est pourquoi, bien avant que ce projet de loi ne soit déposé, de nombreuses communes avaient décidé, de leur propre initiative et en assumant les conséquences à la fois juridiques et financières de cette décision d’offrir un tel service d’accueil aux écoliers scolarisés sur leur territoire et à leurs familles.

Pour cette même raison, entre 2 000 et 2 900 communes ont souhaité participer à l’expérimentation du service d’accueil que leur proposait le ministre de l’éducation nationale.

Loin d’être le fruit d’une décision inattendue ou d’une volonté inexplicable, le texte que nous examinons aujourd’hui prend donc la suite d’une série d’initiatives locales et gouvernementales dont le point commun est de chercher, par-delà toute considération idéologique, à apporter une réponse concrète à un besoin indiscutable des familles.

C’est dans le même esprit de pragmatisme, marqué par le souci de permettre la mise en œuvre de ce nouveau service que la commission a examiné ce projet de loi instituant un nouveau droit pour les élèves et leurs familles.

En cas de grève ou d’absence non remplacée des professeurs, les écoliers se verront systématiquement offrir un service d’accueil. Il ne s’agit pas là d’un service minimum au sens propre du terme, puisque celui-ci supposerait que des enseignements soient délivrés.

Par principe, ce service d’accueil doit être assuré par l’État, sauf dans un cas : lorsque l’ampleur de la grève est telle que les services de l’éducation nationale ne sont plus en mesure de l’organiser dans des conditions satisfaisantes.

Il revient alors à la commune ou à la structure intercommunale de le prendre en charge. Je n’ignore pas les réticences que cette compétence nouvelle fait naître chez certains maires, qui se refusent à assurer en lieu et place de l’État l’organisation du service d’accueil. J’ai eu l’occasion de discuter à de nombreuses reprises avec les représentants des élus locaux afin de trouver les meilleures solutions face aux inquiétudes qui avaient été exprimées.

Mais, en l’espèce, l’État ne se défausse pas sur les communes de l’une de ses compétences, il tire simplement toutes les conséquences de l’impossibilité matérielle de mettre en œuvre le service quand un nombre substantiel d’enseignants est en grève.

Dans ces circonstances, les communes sont à l’évidence les seules à pouvoir offrir dans des conditions satisfaisantes le service d’accueil. Leur légitimité est au demeurant indiscutable, puisque c’est bien elles qui, depuis le xixe siècle, ont accompagné pas à pas le développement de l’école primaire républicaine.

À mes yeux et par souci de pragmatisme, il semble donc naturel de confier à la commune l’organisation du service d’accueil lorsque l’État n’est plus en mesure de l’assurer.

De la même manière, il serait à l’évidence impossible d’organiser le service d’accueil sans connaître en amont d’un mouvement de grève le nombre des professeurs absents et des élèves qui devront en conséquence être accueillis.

C’est pourquoi, en prévoyant que les enseignants du primaire qui souhaitent participer au mouvement devront déclarer leur intention quarante-huit heures à l’avance, le projet de loi ne porte pas une atteinte excessive au droit de grève, mais organise simplement la conciliation nécessaire de ce droit et du principe de continuité du service public, qui sont tous deux protégés et garantis par la Constitution.

Dans ses principes mêmes, le cadre général proposé par le projet de loi apparaît donc bien fondé : il est indispensable que les communes puissent intervenir lorsque l’État n’est plus en mesure de le faire, et cela serait impossible sans une déclaration d’intention préalable de la part des enseignants.

Une fois ces principes posés, il reste toutefois à permettre leur mise en œuvre dans les meilleures conditions possible, ce qui suppose tout à la fois d’alléger la charge pesant sur les communes et de simplifier les modalités de déclaration demandées aux enseignants. La commission s’est donc attachée à ce que l’on puisse aller le plus loin possible dans cette direction.

Dans ce but, la commission vous soumettra donc plusieurs amendements, dont l’adoption permettrait de faciliter l’organisation du service par les communes et de garantir un exercice apaisé du droit de grève par les enseignants.

S’agissant de l’organisation du service, tout d’abord, la commission vous proposera notamment de confier aux communes le soin de déterminer, en accord avec l’inspecteur de l’éducation nationale, la liste des personnes qui pourront assurer le service d’accueil – cela permettra notamment de vérifier qu’aucune d’entre elles n’a d’antécédents judiciaires problématiques – ; de transférer à l’État la responsabilité administrative à laquelle s’exposent les communes en organisant le service d’accueil ; de refondre le mode de calcul du seuil d’intervention de la commune, afin de garantir que cette dernière n’organise le service d’accueil que lorsque cela est devenu manifestement impossible pour l’État ; enfin, de faire de la subvention versée par l’État une compensation et non une simple contribution, vous le comprendrez aisément.

Toutes ces propositions semblent à la commission de nature à simplifier très largement l’organisation du service d’accueil par les communes et à leur garantir que la mise en œuvre de cette nouvelle compétence ne fera pas naître de difficultés insurmontables.

S’agissant de l’exercice du droit de grève – je m’adresse aux enseignants –, la commission a, de plus, souhaité que les enseignants puissent déclarer de la manière la plus simple et la plus apaisée possible leur intention de faire grève, et je remercie M. le ministre de sa réponse. Cela suppose de lever leurs craintes d’être définitivement « marqués » aux yeux de leurs supérieurs hiérarchiques dont ils dépendent, notamment les inspecteurs de l’éducation nationale, en se déclarant auprès d’eux.

La commission vous proposera donc d’autoriser les organisations syndicales à tirer le plein parti de la procédure de négociation préalable obligatoire instituée par le projet de loi avant tout dépôt de préavis, en convenant avec le ministère de l’éducation nationale des modalités pratiques que pourrait revêtir cette déclaration.

Rien ne serait au demeurant plus fidèle à l’esprit de ce texte, car celui-ci, loin d’avoir pour conséquence de priver d’effet les mouvements sociaux et d’affaiblir le dialogue social en limitant le droit de grève et en réduisant les perturbations que son exercice induit, s’efforce au contraire d’instaurer une vraie culture de la concertation dans l’éducation nationale.

Une journée de garderie ne remplacera jamais une journée de cours, c’est l’évidence même. Toute journée de grève se traduit donc, pour les élèves, par un préjudice certain. Aussi la grève ne doit-elle être qu’un dernier recours, lorsque les négociations achoppent. Mais encore faut-il qu’il y ait négociation ! Ce n’est pas toujours le cas, les organisations syndicales étant loin d’en être toujours les seules responsables.

C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles ne peut qu’être favorable au principe, consacré dans le projet de loi, d’une négociation obligatoire organisée avant tout recours à la grève.

Certains y voient une formalité inutile compliquant l’exercice du droit de grève. Ce n’est pas mon sentiment, car la reconnaissance de ce principe conduit à accorder aux syndicats d’enseignants un droit d’accès au ministre en cas de conflit.

Comme vous le savez, mes chers collègues, je vis en Alsace. De l’autre côté du Rhin, en Allemagne, aucune grève n’est lancée d’un jour à l’autre lorsque telle catégorie n’est pas satisfaite. En amont, de véritables négociations entre les syndicats et les représentants de l’État sont systématiquement engagées. Nous devons nous orienter vers une telle concertation. Or ce projet de loi oblige l’État à ouvrir le dialogue avec les syndicats. C’est un point positif. Je ne sais pas si les partenaires sociaux mesurent tous pleinement les conséquences de ce nouveau droit. Pour ma part, j’estime qu’il s’agit d’un progrès considérable vers l’écoute et le dialogue social qui contribuera à rapprocher notre pays de ses voisins européens, dans lesquels le souci de la concertation est une règle absolue.

Loin d’être de l’ordre de la régression, monsieur le ministre, le présent projet de loi constitue bien une avancée, non seulement pour les élèves et les familles, mais aussi pour les enseignants et les syndicats. C’est pourquoi, mes chers collègues, sous réserve des amendements qu’elle a déposés afin de garantir les droits des communes et des enseignants, la commission des affaires culturelles vous demande d’adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des finances, dont j’ai l’honneur de vous présenter l’avis sur ce projet de loi, ne s’est pas exprimée sur le fond, souscrivant dans sa majorité à la quasi-totalité des conclusions de notre excellent rapporteur, Philippe Richert. Elle s’est demandé si ce texte avait des conséquences sur les finances publiques de l’État et des collectivités locales. Nous disposons d’une expérimentation, un dispositif d’accueil ayant déjà fonctionné à trois reprises, les 24 janvier, 15 et 22 mai derniers.

Le 22 mai, à peine 3 000 communes ont organisé un système d’accueil ayant bénéficié à une population globale représentant entre 2 millions et 2,5 millions de nos compatriotes. Statistiquement, cette expérimentation a permis de toucher, en moyenne, un Français sur trente. C’est à la fois significatif du point de vue du fonctionnement du dispositif et très insuffisant par rapport aux besoins de l’ensemble des familles françaises.

En termes de finances publiques, l’équilibre du projet de loi paraît pertinent. Comme Philippe Richert l’a indiqué, les conséquences financières de la mise en œuvre du dispositif envisagé sont réelles, car l’accueil n’est pas assuré par les mêmes personnels que pour l’enseignement.

Il s’agit donc d’assurer un droit d’accueil et non une continuité de l’enseignement. Seules sont visées les écoles maternelles et primaires parce que, vous le savez, mes chers collègues, dans les collèges et dans les lycées, l’enseignement est dispensé par une multiplicité d’enseignants. Le chef d’établissement – principal de collège ou proviseur de lycée – a les moyens d’organiser l’accueil des élèves, les enseignants n’étant pas tous statistiquement en grève au même moment. Il lui appartient de faire en sorte que les élèves soient accueillis dans le cadre, soit de cours en horaires décalés, soit de permanences. Tel n’est pas le cas des écoles maternelles et primaires, où l’enseignant unique place l’élève dans la situation binaire d’avoir ou de ne pas avoir un interlocuteur en face de lui. C’est une raison supplémentaire, d’ordre financier, qui justifie la mise en place du dispositif qui nous est soumis.

De plus, le seuil de déclenchement prévu par le projet de loi, que notre débat conduira peut-être à modifier, est fixé à 10 % de grévistes. C’est intéressant pour les écoles maternelles et primaires, notamment en milieu rural, qui souvent ont moins de dix classes. Se pose la question de la libre organisation communale et de la libre coopération intercommunale pour faire face aux problèmes de la taille des écoles, du nombre d’enseignants concernés et de la prise en compte du seuil de déclenchement.

Je ne reviendrai pas sur les modalités qui ont été évoquées par Philippe Richert. La mise en œuvre du dispositif est prévisible. En effet, le projet de loi prévoit une déclaration d’intention de grève dans les quarante-huit heures précédant le mouvement, un seuil du déclenchement et, point très important, la responsabilité de la commune ou de l’intercommunalité pour ce qui concerne les modalités d’organisation de l’accueil. Il s’agit de l’application du principe constitutionnel de libre administration des communes et, surtout, d’une simple question de bon sens, tant le système des écoles maternelles et primaires est diversifié, pour des raisons démographiques.

Avant d’entrer dans le vif du sujet du financement, je rappelle tout d’abord pour le plaisir de l’érudition juridique que l’enseignement public scolaire est laïc, gratuit et obligatoire et que la présence scolaire, c’est la forme quasi-universelle de l’instruction, mais elle n’est pas la seule forme.

L’État est astreint à une obligation non pas d’accueil, mais d’enseignement. C’est donc une nouvelle compétence que le projet de loi tend à créer. Dans les relations entre l’État et les collectivités locales, l’accueil des enfants en période de grève constitue non pas un transfert de compétence, mais une nouvelle compétence. L’État entend faire assumer l’accueil par les collectivités locales, qui ont la responsabilité de l’organisation pratique de l’enseignement primaire.

Selon l’article 72-2 de la Constitution, modifié en 2003, l’État doit mettre à leur disposition des moyens déterminés par la loi pour assurer cette prestation nouvelle. Encore faut-il que la loi fixe des ressources qui soient suffisantes dans le cadre de la libre administration des communes. Je rappelle que, aux termes de la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2005, la commune doit garder une maîtrise dans l’organisation et l’adaptation d’une obligation nationale.

En ce qui concerne les relations entre l’État et les communes, monsieur le ministre, il conviendra de trouver le point d’équilibre le plus juste entre la liberté communale et la participation de l’État.

La commission des finances a déposé un amendement, en apparence sémantique, mais qui va au-delà, consistant à remplacer le mot « contribution », certes sympathique, par le mot « compensation », plus rassurant pour les collectivités locales.

Les impôts, qui sont des contributions républicaines volontaires, représentent un effort national. Une longue expérience républicaine de plus de deux siècles a amené la commission des finances à préférer une compensation à une contribution.

Monsieur le ministre, si les communes ont la liberté d’organisation, vous faites des propositions très attractives. Vous suggérez que les locaux scolaires soient mis à disposition pour assurer l’accueil, sans que cela soit obligatoire. De ce fait, les communes pourront tenir compte des réalités locales et rechercher le système le mieux adapté. Ainsi seront respectées à la fois l’obligation d’accueil et la liberté d’organisation des communes, qui ont la responsabilité d’assurer cet accueil.

Quant au respect de l’équilibre financier des dépenses communales, la première expérimentation qui a été menée n’est pas totalement concluante.

Monsieur le ministre, vous avez accueilli favorablement la proposition de M. Carle, ce dont la commission des finances se réjouit. Il y a des effets d’échelle à prendre en compte pour les petites communes, le coût des élèves accueillis n’étant pas strictement proportionnel au nombre total d’élèves pouvant être accueillis.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C’est évident !

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Un peu de souplesse ne nuit pas. Vous nous la proposez. La commission des finances ne peut que s’en féliciter.

Je souhaite terminer mon intervention par une observation quelque peu malicieuse, relative au coût pour l’État de cette contribution – qui deviendra peut-être une compensation, si le Sénat l’accepte – à la mise en place d’un service d’accueil scolaire.

La grève est un acte courageux, responsable, qui doit succéder à une période de débats, de négociations, d’explications, d’approfondissements. Philippe Richert et vous-même, monsieur le ministre, l’avez évoqué. Rappelons que le gréviste consent un sacrifice important. Depuis quelques années, à chaque jour de grève, une retenue sur salaire équivalente au trentième indivisible du salaire mensuel est pratiquée.

Si l’on prend l’année 2007 comme année type, les retenues pour fait de grève ont représenté, pour l’État, une économie involontaire ou, plus exactement, un report de dépenses de l’ordre de 62 millions d’euros. La mise en place systématique du système qui nous est proposé lui coûterait 34 millions d’euros. En quelque sorte, plus les enseignants font grève, plus l’État gagne de l’argent !

Mme Annie David. C’est un appel à la grève !

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. En réalité, ce n’est pas tout à fait exact.

La différence correspond au coût supporté par les familles, qui, jusqu’à présent, devaient prendre en charge et financer par tout moyen approprié, y compris le renoncement à des jours de RTT ou de travail, la garde de leurs enfants en l’absence de service d’accueil.

À juste titre, l’État retient un certain pourcentage du salaire des grévistes. La mise en place d’un système d’accueil, dans son principe, lui coûtera, mais moins que prévu, parce que ce dispositif sera limité aux écoles maternelles et primaires, alors que les retenues pratiquées concernent l’ensemble du système scolaire. Ainsi les retenues faites sur les salaires des enseignants grévistes du secondaire financeront, en quelque sorte, les frais d’accueil.

Je n’irai pas plus loin dans ma démonstration parce que quelques années de pratique seront nécessaires pour savoir si elle est justifiée.

En réalité, monsieur le ministre, l’État ne gagne pas d’argent. En fait, il a l’obligation non pas d’accueillir les enfants, mais de les éduquer. Il faudra bien, d’une façon ou d’une autre, rattraper les heures d’enseignement perdues. Les parents, très attachés à la réussite de leurs enfants, le demanderont expressément.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bien sûr !

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. La commission des finances ne procède pas seulement à un examen comptable pour savoir si à un moment déterminé l’État a les moyens de financer cette structure d’accueil. Elle a aussi une mission républicaine, celle de considérer la mission générale d’enseignement dans sa globalité, et se doit à ce titre de demander que l’économie comptable apparente réalisée soit consacrée au rattrapage des heures d’enseignement perdues, pour assurer la réussite scolaire de nos jeunes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUC-UDF.)

M. Ivan Renar. Il faut arrêter de supprimer des postes !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. « Qu’allons-nous faire de nos enfants ? » Telle est la question que tous les parents d’enfants scolarisés en maternelle ou en primaire se posent les jours de grève.

Dans les conditions actuelles, ils sont systématiquement obligés de trouver des solutions de dernière minute, c’est-à-dire poser une journée de congé, faire appel à la famille ou à des amis. Pour les familles monoparentales, la situation est encore plus pénalisante.

Depuis de trop nombreuses années, les familles subissent une double peine qui n’est pas acceptable. Non seulement les enfants n’ont pas cours, mais, en outre, les parents sont obligés de renoncer à une journée de travail, ou même de salaire, lorsqu’ils ne peuvent plus poser de congé. Or le droit au travail n’est-il pas aussi important que le droit de grève ?

C’est pour mettre un terme à cette injustice que nous examinons aujourd’hui, monsieur le ministre, votre projet de loi visant à instaurer un droit à l’accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles et primaires publiques.

Ce texte, voulu par le Président de la République, a pour objectif de concilier deux libertés d’égale importance, la liberté de faire grève, inscrite dans la Constitution, qui est évidemment maintenue, et la liberté de travailler. Il s’agit ainsi de rétablir l’égalité entre tous les parents, ceux qui ont les moyens de faire garder leurs enfants en cas de grève, et ceux dont les revenus ou les conditions de vie les en empêchent. Assurer un égal accès de tous au service public, n’est-ce pas l’un des premiers devoirs de notre République ?

Le dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, a déjà été expérimenté lors du mouvement social de mai dernier. Près de 3 000 communes ont assuré un service minimum d’accueil à l’école. Le déroulement de cette journée s’est avéré satisfaisant, avec une nuance de taille : instauré sur la base du volontariat, le service minimum d’accueil n’a été organisé pratiquement que par des municipalités de la majorité.

Le groupe UMP comprend qu’il faille passer par la loi pour permettre son application équitable. Il ne serait pas supportable que l’accès des familles au service public dépende des positionnements idéologiques de certains élus ou réponde à des consignes politiciennes.

L’école est un service public qui ne doit pas être interrompu de façon systématique et arbitraire. C’est aussi cela le droit à l’école, celle de Jules Ferry !

Le projet que vous nous soumettez, monsieur le ministre, est un instrument de justice sociale parce qu’il s’adresse d’abord à ceux de nos concitoyens qui n’ont pas d’autre choix que d’avoir une activité professionnelle pour assurer l’éducation de leurs enfants. Ce n’est pas un hasard si plus de 60 % des Français souhaitent la mise en place d’un service minimum à l’école. Ce projet de loi apporte une réponse concrète à leurs attentes en permettant un accueil généralisé des élèves sur l’ensemble du territoire.

Que prévoit le projet de loi que nous examinons aujourd’hui ?

Premièrement, le principe du « droit d’accueil » est défini.

Le texte inscrit dans la loi le principe du droit d’accueil dans les écoles publiques maternelles et primaires, et instaure un véritable « service d’accueil » lorsque « les enseignements ne peuvent être dispensés », comme c’est le cas lors des jours de grève.

Il s’agit déjà en soi d’une petite révolution, ne serait-ce que pour les enfants. À défaut d’assister aux cours, ils n’assimileront plus les jours de grève à une vaste pagaille ou à des jours de vacances. La collectivité assurera la contrepartie de l’obligation de présence qu’elle exige des élèves.

Deuxièmement, une « négociation préalable » obligatoire entre l’État et les syndicats est instaurée.

Le projet de loi oblige l’État et les syndicats à mener une « négociation préalable » de huit jours maximum avant tout dépôt d’un préavis de grève. Il s’agit d’une procédure « d’alerte sociale » destinée à favoriser le dialogue entre les parties concernées et à limiter les conflits. Elle s’inspire des dispositions qui ont été mises en place pour le service minimum dans les transports et qui ont, encore récemment, prouvé leur efficacité.

Troisièmement, une déclaration préalable des enseignants grévistes est requise.

Conformément à la volonté du Président de la République et du Gouvernement, le projet de loi prévoit que les enseignants grévistes doivent déposer leur préavis quarante-huit heures à l’avance auprès de l’inspecteur d’académie ou l’inspecteur de circonscription. Ainsi, les communes seront informées du nombre d’enseignants en grève et pourront préparer l’accueil des élèves dans les meilleures conditions. Ces informations resteront évidemment protégées par le secret professionnel et elles le seront encore davantage si les propositions de notre rapporteur sont retenues.

Tout aussi évidemment, et contrairement à ce que prétendent certains syndicats d’enseignants, le droit de grève n’est pas atteint par ce projet de loi. Il est simplement organisé de façon à ne pas pénaliser la vie des parents, qui ont eux aussi un travail et qui ne peuvent pas adapter leur emploi du temps sur celui des grévistes.

Ce projet de loi concilie le droit de grève avec la liberté dont disposent les foyers d’organiser leurs activités professionnelles et familiales. Ainsi, loin de remettre en cause le droit de grève, ce texte peut, en outre, rendre leur popularité aux mouvements de grève en évitant les conséquences désastreuses de ceux-ci sur le quotidien des familles.

Quatrièmement, votre texte organise les modalités de financement.

En contrepartie de la mise en place du dispositif d’accueil, chaque commune concernée recevra de l’État une contribution financière dont le montant et les modalités seront fixés par décret, à la suite de discussions menées avec les collectivités locales.

Certains détracteurs de ce texte affirment que les communes n’ont pas à régler les conflits opposant l’État et ses fonctionnaires et que c’est à l’éducation nationale d’organiser le service minimum dans ses établissements. Or il n’est pas question de substituer les collectivités locales à l’éducation nationale puisqu’il s’agit en l’occurrence, non pas de trouver des remplaçants pour dispenser les cours, mais d’assurer l’accueil physique des enfants, ce qui n’a rien à voir.

J’observe en outre que les collectivités territoriales, notamment les communes, prennent d’ores et déjà en charge les services périscolaires, comme les cantines ou l’accueil des enfants à la garderie avant et après les heures d’enseignement. Cette prise en charge de l’accueil des enfants, distincte des missions d’enseignement, relève bien plus de ces missions que de celles de l’éducation nationale, à laquelle il n’est pas question de substituer les communes.

En ce qui concerne les petites communes situées en zone rurale ou de montagne, je vous remercie, monsieur le ministre, au nom de l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM, et de son président Martial Saddier, que vous avez rencontré, d’avoir repris l’amendement que j’avais déposé avec bon nombre de mes collègues et qui a subi le couperet de l’article 40, comme vient de le rappeler Gérard Longuet. Sans doute avions-nous eu tort d’avoir raison trop tôt !

Cet amendement, très attendu par les maires des petites communes, est destiné à améliorer les conditions de rémunération de ces communes en prévoyant pour elles un forfait minimal. J’y reviendrai lors de la discussion de cet amendement et d’autres visant également à améliorer les conditions d’organisation de l’accueil.

Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur, Philippe Richert, dont les propositions améliorent l’équilibre du dispositif. Il était important d’apporter des précisions, notamment en matière de responsabilité, afin de dissiper les craintes des élus locaux, mais aussi en matière de confidentialité pour les personnels enseignants et de qualification des personnes.

Avant de conclure, je tiens à saluer, monsieur le ministre, l’ensemble de votre action au service de l’école, dont l’instauration du service d’accueil n’est qu’une composante.

Les actions que vous avez mises en place, notamment pour lutter contre le fléau de l’échec scolaire, méritent l’estime de tous. Je rappelle que vous avez hérité d’une situation dans laquelle plus de 15 % des enfants accédant chaque année au collège présentent de graves lacunes en lecture, en écriture ou en calcul. Ce sont souvent des enfants issus de milieux modestes ou défavorisés.

Dois-je rappeler, mes chers collègues, qu’un enfant d’ouvrier a dix-sept fois moins de chances de préparer une grande école qu’un enfant d’enseignant ou de cadre supérieur, mais quatre fois plus de risques de connaître l’échec scolaire ?

Contrairement à ce que veulent faire croire certains, cet état de fait n’est pas dû à un manque de moyens. Le budget de l’éducation a doublé en quinze ans et le nombre d’enseignants a augmenté de 40 %, alors que le nombre d’élèves diminuait dans le même temps.

Pour combattre cette situation préoccupante, il était nécessaire d’entreprendre des réformes de fond, que je vous remercie, au nom du groupe UMP, d’avoir engagées.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Jean-Claude Carle. Je pense notamment à la définition des nouveaux programmes scolaires, qui intègrent les objectifs du socle commun défini par la loi pour l’avenir de l’école, et aux stages de vacances gratuits de remise à niveau dont vous avez eu l’initiative pour les élèves en difficulté de CM1 et de CM2.

Monsieur le ministre, il y a, d’un côté, ceux qui ne cessent d’invoquer dans leur discours l’égalité des chances, l’équité, et qui portent une grande part de responsabilité dans cet échec et, de l’autre, ceux qui, comme vous, agissent sereinement et avec pragmatisme afin d’améliorer la situation. (Mme Jacqueline Gourault sourit.)

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP soutiendra évidemment votre projet de loi et s’efforcera de le perfectionner en proposant des amendements constructifs, comme ceux que j’ai mentionnés tout à l’heure.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, correspond à l’intérêt de tous : des parents, qui auront ainsi la garantie de voir accueillis leurs enfants dans des conditions pérennes ; des enfants, qui prendront conscience que l’obligation scolaire doit être respectée tous les jours, y compris les jours de grève, et je n’insisterai jamais assez sur la nécessaire exemplarité des institutions publiques sur la formation de ces jeunes consciences ; des enseignants eux-mêmes, dont les mouvements de grève seront d’autant mieux compris et acceptés qu’ils n’auront pas de conséquences difficiles pour la vie quotidienne des familles ; enfin, de l’éducation nationale dans son ensemble, car les parents seront d’autant moins tentés d’inscrire leurs enfants dans le privé que le secteur public garantira leur accueil permanent dans des conditions dignes d’un vrai service public.

Mme Jacqueline Gourault. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! C’est n’importe quoi !

M. Jean-Claude Carle. Ainsi, ce projet implique la mobilisation de l’ensemble de la communauté éducative, c’est-à-dire les enseignants, les parents, l’État et les collectivités locales. Dans ce cadre, chacun doit assumer ses responsabilités car, comme le disait Socrate, « le savoir est la seule matière qui augmente lorsqu’on la partage ». Encore faut-il assurer les conditions de ce partage pour en garantir l’accès à tous les enfants !

Votre projet de loi, monsieur le ministre, comme l’ensemble de votre action, y contribuent, et nous vous en remercions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Jacqueline Gourault. Le passage sur l’enseignement privé était vraiment déplacé !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons une nouvelle fois l’examen d’un texte couvert par l’urgence. Il serait plus juste de parler de précipitation.

Il suffit de voir, pour s’en convaincre, le nombre d’amendements de détail – vingt-sept ! – déposés par votre majorité pour « tenter de limiter la casse » et de rendre ce texte présentable, notamment auprès des maires, et ce après le travail pourtant louable effectué par M. le rapporteur.

De la même façon, ce « droit d’accueil », présenté comme une avancée pour les familles, et mis en place si précipitamment, ne s’appliquerait pas, semble-t-il, dans nos départements et territoires d’outre-mer. Est-ce à dire que ce que vous jugez bon pour les familles et les écoliers de métropole ne le serait pas pour ceux de l’outre-mer ?

Il s’agit bien de précipitation lorsque le Président de la République annonce, le 15 mai, le dépôt avant l’été de ce projet de loi. Au même moment, des milliers d’enseignants, de lycéens et de parents d’élèves manifestaient une nouvelle fois contre votre politique de casse du service public de l’éducation.

Cette décision a été prise alors même que les deux expérimentations du « service minimum d’accueil », réalisées sur la base du volontariat des communes, ont été des échecs : 2 023 communes volontaires, le 24 janvier, et 2 837 communes, le 15 mai, sur les 22 500 communes qui comptent des écoles sur leur territoire.

Par ailleurs, cette décision a été prise sans aucune concertation préalable avec les organisations syndicales, auxquelles vous promettiez pourtant depuis un an une négociation. En guise de négociation, elle se sont vu présenter un projet de loi déjà ficelé depuis le 4 juin lors d’un comité technique paritaire ministériel qui a tourné court.

Alors, autant de précipitation, pour quoi faire ?

Ce texte est dangereux pour trois raisons au moins.

Tout d’abord, il instaure, à côté de l’obligation et de la gratuité scolaires, un prétendu droit d’accueil mettant sur le même plan la continuité de l’enseignement et ce qui sera une garderie.

Ensuite, ce texte restreint le droit de grève des enseignants du premier degré.

Enfin, il porte gravement atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Prendre la responsabilité d’introduire dans le code de l’éducation, à côté de l’obligation scolaire et de la gratuité, fondements de notre service public de l’enseignement, ce type de droit d’accueil, constitue une véritable régression. En effet, le droit d’accueil existe déjà de fait, la loi faisant obligation à toute école ouverte d’accueillir les élèves qui s’y présentent. C’est bien pour cette raison que l’usage, en cas de grève, veut depuis toujours que les enseignants avertissent les parents à l’avance, afin de s’assurer qu’aucun élève ne sera laissé sur le trottoir.

Avec ce nouveau « droit d’accueil », vous prétendez garantir aux parents la continuité du service public de l’enseignement. Vous vous appuyez sur l’aspiration bien légitime des parents à vouloir bénéficier de cette continuité et vous prétendez respecter ainsi leur droit au travail : un comble, quand le Gouvernement, dans le même temps, organise la dégradation des droits et des garanties au travail !

Mais peut-être conviendrait-il de s’interroger sur les cas dans lesquels cette continuité n’est plus assurée.

En cas de grève ? Dans le primaire, on ne comptabilise pas plus de trois jours de grève par an, en moyenne, depuis 2000. N’est-ce pas plutôt pour les cas de non-remplacement des maîtres absents que se pose véritablement un problème ? En tout état de cause, c’est sur ce sujet que les parents d’élèves alertent de plus en plus souvent les inspecteurs de l’éducation nationale.

Comment, en effet, ne pas s’inquiéter de la dégradation des conditions de remplacement, liée, notamment, aux suppressions de postes ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous affichez, dans le préambule du projet de loi, la volonté de créer un « droit d’accueil ». Or, dans les dix articles de ce texte, il n’est question que de « service d’accueil ». Il serait d’ailleurs plus juste, vis-à-vis des familles, de parler de « garderie », une garderie qui – et c’est sans doute un des grands dangers que fera courir ce texte, s’il est adopté – sera mise en place dans deux cas de figure : en cas de grève, par les communes, mais aussi, aux termes de l’article 2, par l’État, lorsque les « enseignements ne peuvent pas être dispensés », c’est-à-dire, comme le précise M. le rapporteur, en cas d’impossibilité matérielle de remplacer un enseignant absent.

C’est tout simplement la remise en cause du principe de continuité de la mission de service public de l’école, autrement dit de sa mission d’enseignement.

À l’avenir, dans une même école, des enfants se verront dispenser des enseignements quand leurs camarades dont l’enseignant absent n’a pu être remplacé n’auront plus le droit qu’à être gardés, et évidemment pas par des enseignants.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous inscrivez dans la loi la possibilité d’une école à deux vitesses – quelle source d’inégalités ! –, alors que nous devrions être en train de légiférer sur une grande ambition pour l’école et les élèves.

Cette nouvelle mesure est donc contraire à l’intérêt des élèves. Elle vient s’ajouter à la trop longue liste des réformes qui touchent aujourd’hui le premier degré – suppression de la carte scolaire, diminution des horaires d’enseignement, réécriture des programmes, formation des enseignants –, qui, toutes, ont été prises sans réelle concertation et qui participent du démantèlement du service public de l’éducation.

Une telle logique impose bien sûr de briser toutes les résistances ! Nous arrivons donc à l’organisation de la restriction du droit de grève contenue dans ce texte. Sinon, comment comprendre l’introduction, dans le code de l’éducation, via l’article 3, de dispositions qui relèvent du code du travail ? Voilà en tout cas un bel exemple de cavalier législatif !

L’article 3 n’est en fait qu’un « copier-coller » de l’article 2 de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, qui a instauré un service minimum dans les transports. À l’époque, vous aviez déclaré, monsieur le ministre, que cela ne concernerait pas l’éducation nationale.

Mme Annie David. Je m’en souviens !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien que vous vous abritiez derrière la décision du Conseil constitutionnel du 16 août 2007 concernant les transports, nous pensons que, avec cet article 3, il y a bien atteinte à l’exercice du droit de grève des enseignants du premier degré.

Ce projet de loi tend à créer une procédure « d’alerte sociale ». Ce pourrait être une bonne nouvelle, tant sont ignorées les revendications des organisations syndicales, notamment sur les suppressions de postes et la réforme des programmes. En réalité, ce processus de négociation préalable, qui n’impose aucune obligation de résultat à l’État en termes de prise en compte des revendications, va conduire à un allongement du temps nécessaire pour le dépôt d’un préavis de grève : onze jours.

L’obligation faite ensuite à toute personne exerçant des fonctions d’enseignements de se déclarer nominativement gréviste au moins quarante-huit heures avant une grève ne constitue pas non plus une avancée démocratique. Elle revient même à ignorer l’usage qui est en vigueur dans le premier degré puisque les enseignants informent toujours les parents au moins trois jours à l’avance de leur intention de faire grève.

Je résume : aux onze jours nécessaires pour le dépôt d’un préavis s’ajoutent les cinq jours francs obligatoires entre le dépôt de ce préavis et la grève.

Les enseignants ne pratiquent pas de grèves sauvages et se mobilisent toujours pour défendre une qualité d’enseignement au service de tous les élèves. Votre objectif, monsieur le ministre, est, en réalité, de décourager les enseignants de faire grève en alourdissant la procédure et en accentuant la pression.

C’est tout le sens de l’article 5 de ce projet de loi, qui tend à inverser la procédure de déclaration de grève. Jusqu’à présent, la loi exige des enseignants qu’ils informent le directeur de leur école et les parents de leur intention de faire grève. C’est ensuite à l’inspecteur de l’éducation nationale de leur circonscription de constater l’état de grève. Désormais, aux termes de l’article 5, « toute personne exerçant des fonctions d’enseignement dans une école maternelle ou élémentaire publique » devra informer « l’autorité administrative, au moins quarante-huit heures avant de participer à la grève, de son intention d’y prendre part ».

Cela posera un problème, car informer son autorité administrative de son intention de prendre part à la grève, cela ne veut pas dire faire effectivement grève. En revanche, c’est être déclaré comme gréviste auprès de l’inspecteur de l’éducation nationale dont on dépend. N’est-ce pas là une façon de mettre dans la loi une pratique de plus en plus usitée consistant à opérer systématiquement, en cas de grève, des retenues sur salaire, à charge pour les non-grévistes de prouver qu’ils étaient bien au travail ?

Les maires connaissent le haut niveau de conscience professionnelle des enseignants de leur commune, ces mêmes maires à qui vous voulez imposer la responsabilité de gérer les conséquences des conflits sociaux avec vos fonctionnaires.

Quid, par ailleurs, du droit de grève des agents territoriaux, qui vont se voir proposer d’endosser la casquette de briseurs de grève ?

Les expérimentations l’ont montré : les maires, de droite comme de gauche, ne veulent pas que ce service leur soit imposé. À Saint-Quentin, dans l’Aisne, commune dont M. Xavier Bertrand, grand militant du service minimum, est maire-adjoint, le maire ne pas l’a pas organisé. (Sourires sur les travées du groupe CRC. – M. le rapporteur pour avis sourit également. )

En effet, les maires ont compris que ce texte allait les mettre en danger, financièrement et juridiquement, les deux étant étroitement liés. Le danger financier vient tout simplement du fait que la mise en place de ce « service d’accueil » comporte une inconnue de taille pour les communes : elles seront dans l’incapacité de savoir à l’avance le nombre d’enfants qu’elles auront à accueillir. Elles risquent donc d’engager des dépenses supérieures à la contribution que vous voudrez bien leur accorder.

Retiendrez-vous le forfait de 90 euros par tranche de quinze élèves accueillis, tel qu’il a été appliqué lors de l’expérimentation ? Ce montant est insuffisant, vous le savez : les maires ont rapidement fait le calcul. Nous n’aurons pas le loisir, malheureusement, de débattre réellement de cette « contribution », ainsi nommée dans l’article 8 du projet de loi, puisque son montant, établi en fonction du nombre d’élèves accueillis, et les modalités de son versement seront fixés par décret.

Pourtant, le troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, lequel est le garant de la libre administration des collectivités territoriales, prévoit expressément que « toute création… – et c’est bien de cela qu’il s’agit ici – … ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. », c’est-à-dire ici par nous, sénatrices et sénateurs, conjointement avec les députés.

Pour clarifier les choses, nous avions déposé deux amendements à l’article 8 en faveur du versement d’une « compensation intégrale financière », calculée en fonction du « nombre d’enseignants grévistes ». Ces deux amendements ont été rejetés par la commission des finances au motif, bien pratique, qu’ils étaient irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est bien la preuve, monsieur le ministre, que votre « contribution » ne couvrira pas la dépense que ce service occasionnera aux communes.

Après l’article 89 de la loi du 13 août 2004 faisant obligation aux communes de financer les écoles privées, le Gouvernement impose le service d’accueil : c’est une double peine pour les communes, notamment pour les moins bien dotées et les communes rurales.

Mme Jacqueline Gourault. Décidément, encore la double peine !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. De plus, au prétexte d’une « grande souplesse offerte aux communes », il n’est fait aucune mention d’un taux d’encadrement minimum dans le projet de loi. Cela a une conséquence directe : cet accueil devra se limiter à une activité de pure garderie.

Que feront donc, toute la journée, les enfants ainsi accueillis ? Le simple fait de lire un livre peut être assimilé à de l’enseignement, celui de jouer avec un ballon, aux loisirs.

À l’article R. 227-16 du code de l’action sociale et des familles est prévue la présence, au minimum, d’« un animateur pour dix mineurs âgés de moins de six ans » et d’« un animateur pour quatorze mineurs âgés de six ans ou plus. » Comptez-vous appliquer ce taux d’encadrement minimum ?

Par ailleurs, qui encadrera les enfants ? Des animateurs ? Pourquoi pas, dans les communes qui en emploient déjà pour leurs centres de loisirs ? Mais qu’en ira-t-il dans les autres, notamment les communes rurales qui ne disposent pas de centre de loisirs et n’auront pas de personnels en nombre suffisant ? Sera-t-il fait appel à des chômeurs ayant refusé plus de deux offres raisonnables d’emploi ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Selon quels critères seront recrutés les personnels ? De quelle qualification, de quelle expérience disposeront-ils ? Toute personne qui a un jour encadré des enfants sait combien il est difficile de les occuper sans un minimum de préparation et d’expérience. De surcroît, les personnes qui auront la responsabilité de cet accueil devront s’occuper d’enfants qu’elles ne connaissent pas, dont la tranche d’âge peut aller de deux ans à sept ans.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est mettre ces personnels dans une situation délicate et c’est prendre le risque d’activités mal maîtrisées.

Et dans quels « locaux » seront accueillis les enfants ? Les classes ? Mais il ne s’agit pas de leur dispenser des enseignements. Dans la salle du réfectoire, dans le préau, dans la cour ? Sur ce point, le texte reste évasif : il n’y est question que des « locaux des écoles maternelles et élémentaires publiques ».

Là encore, les communes rurales se trouveront dans l’impossibilité matérielle d’organiser ce service, a fortiori quand elles ne disposent plus d’école en propre sur leur territoire. Cela faisait dire à juste titre à l’ancien président de l’association des maires ruraux de France, Gérard Pelletier, que ce service est tout simplement « inapplicable » dans les petites communes.

Or, faire basculer la mise en place de ce service avec un taux de gréviste de 10 %, voire de 20 %, c’est l’appliquer dans quasiment toutes les écoles.

Enfin, de quels matériels les maires disposeront-ils pour assurer cet accueil ? Ils devront investir !

Sur aucun de ces points il n’est apporté la moindre précision dans le projet de loi. Ils sont pourtant essentiels et ne peuvent être laissés au hasard quand on prétend « instaurer un droit d’accueil ».

Ce taux d’encadrement, que vous refusez de définir dans la loi, va directement mettre en jeu la responsabilité pénale et civile du maire. En effet, en cas d’accident et de mise en cause devant les tribunaux, cette question de l’encadrement se posera, et c’est le juge qui tranchera en s’appuyant sur la jurisprudence.

Les maires ont donc raison à plus d’un titre de s’opposer à ce texte inutile, dangereux, démagogique et attentatoire à ce qui fonde notre service public de l’enseignement. C’est pourquoi le groupe auquel j’appartiens se prononcera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à créer un nouveau droit pour les familles et une nouvelle charge pour les communes.

Tout l’enjeu est de faire en sorte que la mise en œuvre de ce droit et de cette charge s’opère en bon équilibre, sans créer de sentiment de frustration ou d’opposition. Je suis convaincue que cela peut se faire, notamment grâce aux propositions de notre rapporteur, M. Philippe Richert.

Ce service d’accueil des élèves en cas de grève des enseignants des écoles maternelles et élémentaires publiques est, en effet, accueilli favorablement par un grand nombre des familles.

Selon le sondage exclusif réalisé les 6 et 7 mai dernier par le CSA pour le Parisien-Aujourd’hui en France et I-Télé, 60 % des Français estiment qu’il s’agit d’une « bonne » initiative. Ce pourcentage atteint 69 % chez les femmes, celles-ci étant souvent les premières à devoir organiser la garde de leurs enfants.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bien sûr !

Mme Muguette Dini. Les Français ont fait état, çà et là, dans la presse, de leur « soulagement » de n’avoir plus enfin à se poser cette sempiternelle question : « Qui va garder les enfants ? »

Je me permets de reprendre les propos d’une de nos concitoyennes, publiés sur le site d’un quotidien du soir. Ils résument parfaitement bien la position de beaucoup de Français et les problèmes rencontrés par les parents : « Discussions familiales pour savoir qui garde, discussions sur son lieu de travail pour poser un jour de congé, perte d’un vrai jour de vacances choisi, perte de rémunération, perte de contrat, de clients, modification du planning de rendez-vous, rattrapage du retard... À chacun sa liste, mais elle peut être longue. Je suis dans une région où les entreprises sont principalement des TPE et PME et, à la différence des très grandes entreprises, où les absences arrivent à être diluées dans la masse, les absences non planifiées portent, dans les entreprises de petite taille, préjudice aux salariés et aux employeurs. Ce service est indispensable ! ». Tout est dit !

J’irai même plus loin : ce dispositif d’accueil est crucial pour toutes les femmes qui élèvent seules leurs enfants, pour toutes les familles, tout particulièrement pour les familles modestes quand elles ne peuvent compter sur la solidarité familiale.

Les premiers à être conscients de ces difficultés sont bien les maires. « Nous sommes des gens pragmatiques et nous n’apprécions pas d’être confrontés à des parents sur les nerfs », déclare l’un d’eux. « C’est un service que j’aurais rendu de toute façon », indique un autre.

En effet, en cas de grève d’enseignants ou de fermeture d’école, nombreux sont les maires qui, depuis plusieurs années, proposent aux parents des solutions de remplacement telles que l’embauche de vacataires ou l’accueil dans les centres de loisirs et les garderies de la commune.

Le présent projet de loi prévoit donc de généraliser ce service d’accueil à l’ensemble du territoire.

Les maires demandent des garanties juridiques et financières pour assumer, de façon optimale, la mise en place et l’organisation de ce dispositif. Ils ont raison !

Les amendements qui seront défendus par notre rapporteur permettent d’apporter une première réponse à leurs justes revendications. Cinq propositions retiennent plus particulièrement mon attention.

Il s’agit, d’abord, pour l’organisation de ce service d’accueil, de l’affirmation d’une compétence de principe de l’État et d’une compétence par exception pour les communes.

J’évoquerai ensuite le relèvement du seuil d’intervention de la commune – apprécié école par école – pour le porter de 10 % à 20 % de grévistes. Peut-être conviendra-t-il de l’augmenter encore.

Je mentionnerai également la constitution, très en amont, par les communes, d’un fichier de personnels qualifiés pouvant être mobilisés à l’occasion de la mise en place de ce service d’accueil.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bonne initiative !

M. Xavier Darcos, ministre. Absolument !

Mme Muguette Dini. Je citerai encore la subrogation de l’État dans les droits des communes en cas de dommage commis ou subi par un élève du fait de l’organisation ou du fonctionnement du dispositif.

Il s’agit, enfin, du versement par l’État aux communes d’une réelle compensation financière.

Les maires réclament surtout plus de souplesse, une plus grande latitude dans la mise en œuvre de ce dispositif. Là encore, ils ont raison. L’organisation d’un tel service doit être décidée librement par chaque commune ou chaque communauté de communes, en fonction des contingences locales et des besoins de familles, comme c’est déjà le cas dans certaines villes. Telle est la position que défend l’Association des maires de France, par la voix de son président, M. Jacques Pélissard, et nous souhaitons y faire écho.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade de mon intervention, je tiens à dire combien je regrette que nous nous soyons plutôt focalisés sur la création de ce service public et que nous ayons assez souvent passé sous silence celle de la procédure de négociation obligatoire et préalable à tout mouvement de grève.

Cette disposition est extrêmement importante puisque ce n’est qu’en cas d’échec de ces pourparlers qu’il y aurait mouvement de grève, avec l’obligation pour l’enseignant de déclarer à sa hiérarchie, quarante-huit heures avant, son intention d’y participer, de manière que puisse être connue à temps la nécessité d’organiser l’accueil des enfants.

Concernant cette obligation de déclaration préalable, le projet de loi n’innove pas vraiment. En effet, depuis toujours, lorsqu’un enseignant soucieux de la sécurité de ses élèves décide de suivre un mot d’ordre de grève, il en informe généralement les familles à l’avance, pour leur permettre de s’organiser. Il choisit de le faire par un mot dans le carnet de correspondance et vérifie le lendemain que son message a été lu par les parents. Tout cela prend environ quarante-huit heures, soit le délai prévu dans le projet de loi.

Avec ce texte et les propositions de la commission, une situation de grève au sein des écoles publiques du premier degré pourra être abordée de manière plus sereine, et ce pour les deux parties. Surtout, je suis persuadée que les Français, moins « englués » dans leurs problèmes pratiques, porteront, de ce fait, plus d’attention aux revendications du corps enseignant.

Par conséquent, monsieur le ministre, le groupe de l’UC-UDF, dans sa grande majorité, apportera son soutien à votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi démagogique parce qu’inapplicable sur le terrain pour la majorité des communes disposant d’au moins une école publique, sans même parler des regroupements pédagogiques intercommunaux.

Dès le mois de janvier dernier, monsieur le ministre, l’Association des maires ruraux de France vous alertait sur le point suivant : aucune commune rurale ne dispose de personnel communal en réserve pour assurer un service minimum en cas de grève. De même, l’Association des maires de France estime que les 20 000 communes de moins de 2 000 habitants, sur les 22 500 communes abritant une école publique du premier degré, ne seront pas en mesure de mettre en œuvre ce texte.

En réalité, vous prenez les communes en otages, d’autant qu’il s’agit, pour elles, non pas d’une faculté, mais bien d’une obligation. Mais peu vous importe ! Vous avez réussi votre opération de communication : laisser croire aux parents que vous aviez réglé la question. De toute façon, si cela ne fonctionne pas, c’est aux communes, et non au Gouvernement, que les parents demanderont des comptes. C’est tout bénéfice pour vous !

Ce projet de loi est également démagogique parce qu’il vise un objectif tout autre que celui de l’accueil des élèves de maternelles et de primaires les jours de grève. Le Gouvernement a fait preuve d’un enfermement idéologique certain et de visées cachées, pour faire d’un tel accueil le terrain d’un affrontement. Vous avez ainsi opposé parents et enseignants, enseignants et fonctionnaires territoriaux, en laissant entendre que ceux de ces derniers qui assureront le service d’accueil seraient payés par les retenues de salaires des grévistes. Ce faisant, vous avez pris les communes en otages.

Or, bien souvent, en cas de grève, les enseignants s’organisaient entre eux pour accueillir, dans leur propre classe, les enfants pour lesquels les parents n’avaient aucune autre solution. Il s’agit pour moi non pas de nier la gêne subie par les parents, mais de redonner à ce problème sa juste proportion. En effet, lorsqu’on interroge les parents sur les absences les plus gênantes à leurs yeux, ce ne sont pas celles qui sont dues aux grèves qu’ils mentionnent en premier, ce sont bien les jours d’enseignement perdus en raison des non-remplacements d’absences, y compris celles qui étaient pourtant prévues.

Mmes Annie David et Brigitte Gonthier-Maurin. Eh oui !

M. Serge Lagauche. Plus que les jours de grève, ce sont ces remplacements non assurés qui mettent en cause la qualité du service public de l’éducation au quotidien, et les parents y sont particulièrement sensibles.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce n’est pas le sujet !

M. Serge Lagauche. Si l’article 2, en instituant un service d’accueil généralisé en cas d’absence, ne portait pas une atteinte grave à notre service public d’enseignement scolaire, je saluerais la prévoyance du Gouvernement, car ce dernier sait pertinemment qu’il aura de moins en moins de moyens pour assurer les remplacements. Nous avons tous en tête les suppressions massives de postes : 11 200 en 2008, 17 000 annoncées en 2009.

Parallèlement, souvenons-nous de la série de jugements rendus en 2003 sur ce sujet par le tribunal administratif de Versailles, jugements qui l’ont conduit à affirmer qu’il est du devoir de l’État d’assurer le remplacement des professeurs absents. Dans les onze affaires jugées, le tribunal a condamné l’État à verser aux parents d’élèves plaignants des sommes comprises entre 150 et 450 euros, selon le nombre d’heures de cours non dispensées.

Voici ce que, chaque fois, le tribunal a jugé : « La mission d’intérêt général d’enseignement impose [à l’État] l’obligation légale d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes. Le manquement à cette obligation légale [...] est constitutif d’une faute de nature à engager [sa] responsabilité [s’il se poursuit] pendant une période appréciable ». Quant au « manque de crédits budgétaires allégué par le recteur de l’académie de Versailles ou les démarches qu’il aurait mises en œuvre », ils « ne sauraient exonérer l’administration de la responsabilité qui lui incombe », ont estimé les juges.

Voilà bien ce que le Gouvernement entend éviter à l’avenir, en substituant un droit d’accueil, un service de garderie en somme, à la continuité du service public d’enseignement. L’État ne sera plus contraint de remplacer un enseignant par un autre. Ajoutons qu’il n’est nullement précisé dans cet article à qui incombe ce service d’accueil. Dès lors, il n’est pas injustifié d’y voir un nouveau moyen pour le Gouvernement de se défausser de ses responsabilités sur les collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, tel est le réel objectif de ce texte.

La ligne de votre politique, c’est l’habillage de la pénurie. Pour s’en rendre compte, il suffit de remettre vos mesures en perspective.

Vous annoncez l’amputation de deux heures de l’horaire hebdomadaire de travail des élèves. Comment peut-on croire que c’est en travaillant moins que l’on fera mieux ? Comment les enseignants parviendront-ils à réaliser en classe ce qu’ils n’arrivaient pas à faire avec deux heures en moins ?

Vous prônez le recentrage sur les fondamentaux en primaire, caractéristique de cette école du « retour » que votre majorité met en place depuis la publication du rapport Thélot, de cette école d’« avant-mai 68 », d’avant la massification, de cette école d’antan largement mythifiée, alors qu’elle n’était destinée qu’à une élite.

Vous défendez la suppression de l’année de formation professionnelle des futurs enseignants, celle qui justement leur permet de développer et d’adapter leurs capacités pédagogiques, pour pouvoir faire comprendre aux élèves ce qui ne l’a pas été une première fois. Selon vos propres termes, il s’agit « d’en finir avec trente ans de pédagogisme qui a laissé croire qu’on pouvait apprendre en s’amusant ».

Cela va à l’encontre de la professionnalisation des enseignants, et, malgré ce que vous semblez croire, il ne suffit pas d’avoir des connaissances pour savoir les transmettre.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C’est vrai !

M. Serge Lagauche. Vous proposez la création d’une agence de gestion des remplacements des enseignants en faisant appel à des non-fonctionnaires, parce que l’État n’est plus en mesure d’assurer les remplacements avec ses propres personnels du fait des réductions d’effectifs.

Cette gestion de la pénurie est au service d’une idéologie claire, à savoir la mise en œuvre, en totale rupture avec la continuité républicaine française, du libéralisme éducatif : ciblage de l’individu et rejet de la dimension collective ; culte de la performance de l’individu et des établissements avec parution d’un hit-parade dans la presse ; suppression de la carte scolaire et renforcement de la ghettoïsation.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, qui conduit à un affaiblissement des objectifs éducatifs et à un glissement dangereux des missions de l’école, participe de cette orientation. Ce qui est en jeu va bien au-delà de l’idée d’accueil des enfants en cas de grève. On franchit aujourd’hui, subrepticement, une étape supplémentaire avec le dévoiement de la mission d’éducation de l’école. Par là même, vous leurrez les Français sur l’objectif visé.

Lorsqu’un professeur sera absent, et non pas en grève, quel que soit le motif de cette absence, les enfants seront désormais en garderie, et non plus en train d’apprendre en classe avec un enseignant remplaçant parce que, faute de moyens, l’État aura refusé d’assumer sa mission de service public d’éducation.

Monsieur le ministre, si l’on avouait la triste réalité de votre projet aux parents, pas un seul ne le soutiendrait. Vous les avez bien bernés !

M. Philippe Richert, rapporteur. Mais non !

M. Serge Lagauche. Vous concevez l’institution scolaire comme un service dont l’objet est de satisfaire, à court terme, ses usagers, au détriment de sa mission éducatrice, civilisatrice et émancipatrice et de ses valeurs. Ce n’est pas notre conception du service public de l’éducation.

Certes, les travaux menés par la commission l’ont conduite à proposer un certain nombre d’évolutions, mais, pour l’instant, nous nous en tenons aux dispositions du projet de loi et aux perspectives qu’il ouvre. Nous attendons de voir le sort réservé aux amendements par la majorité, car certaines propositions font débat, y compris en son sein, pour nous prononcer définitivement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de mon collègue Yves Détraigne, qui ne peut être présent parmi nous ce matin. Par conséquent, je m’efforcerai de vous présenter le plus clairement possible à la fois son point de vue et le mien !

Je tiens à aborder ce projet de loi de manière positive, sans opposer les particularismes des uns à ceux des autres, la plaine à la montagne, les frontaliers à ceux du centre, et surtout pas le privé au public ! Je regrette d’ailleurs que M. Carle ne soit plus là, car je souhaitais dire en sa présence qu’il faut vraiment nous garder de rallumer, comme c’est trop souvent le cas, et comme lui-même l’a fait tout à l’heure, cette guerre stérile à partir de détails.

Monsieur le ministre, je formulerai plusieurs remarques.

Tout d’abord, cela a été rappelé à plusieurs reprises, il faut avoir bien conscience que les maires ont été choqués par la manière dont cette réforme a été engagée.

Dans de nombreux endroits, le service d’accueil dans les communes existe.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Oui !

Mme Jacqueline Gourault. Voilà longtemps que les maires prennent et assument leurs responsabilités en décidant ou non, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, d’accueillir les élèves les jours de grève des enseignants.

D’ailleurs, si seulement 2 870 maires ont répondu favorablement à votre demande d’expérimentation du service minimum d’accueil lors de la grève de janvier dernier, les communes qui ont assuré un tel service étaient en réalité beaucoup plus nombreuses. En effet, celles qui ont déjà l’habitude de mettre en place ce système ne se sont pas fait connaître ce jour-là.

Par conséquent, le premier élément à souligner, c’est le respect que l’on doit aux collectivités territoriales et aux maires qui savent assumer leurs responsabilités, en cas d’absence d’enseignants, pour ne pas laisser les enfants tout seuls dans la nature. Quoi qu’on en dise, il existe souvent une bonne coordination entre les maires, les directeurs d’école et les enseignants.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bien sûr !

Mme Jacqueline Gourault. Je tenais à le rappeler pour faire un sort à cette idée selon laquelle on aurait inventé là quelque chose d’extraordinaire, de totalement inédit !

Comment s’étonner que les parents d’élèves interrogés sur le point de savoir s’ils sont intéressés par une solution pour faire garder leurs enfants les jours de grève répondent par l’affirmative à 80 % ? Je vous le dis gentiment et posément, monsieur le ministre : si l’on sondait les parents sur la suppression d’une classe, je suis sûre qu’ils seraient contre à 80 % !

Le 17 juin 2008, très récemment donc, Jean-Pierre Raffarin faisait remarquer que nos concitoyens n’acceptent plus que les projets de loi soient préparés dans les cabinets ministériels. Je vous l’accorde bien volontiers, monsieur le ministre, il n’est pas du tout certain que cette idée ait germé dans votre cabinet ! Mais je crois qu’il aurait mieux valu ne pas légiférer sur ce sujet. En vérité, je ne comprends pas pourquoi on légifère pour mettre en place ce système d’accueil !

En effet, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, je considère qu’on déplace la frontière entre le domaine régalien et la sphère d’intervention des collectivités locales. Je m’explique : dès lors qu’on légifère sur le droit de grève, en l’espèce celui des personnels enseignants, on entre dans le domaine régalien. Car de quoi s’occupent les maires ? De la cantine, du périscolaire, de ce qui se situe en amont et en aval de la classe, mais en aucun cas de l’enseignement ! Ils se conforment ainsi aux principes de l’école de la République, si souvent vantée tout à l’heure, l’école de Jules Ferry… aujourd’hui celle de Xavier Darcos. (Sourires.)

Et voici qu’on déplace cette frontière en proposant de faire intervenir les collectivités locales dans le champ de l’enseignant, gréviste ou non-gréviste. C’est un problème de fond, monsieur le ministre !

Cela me rappelle l’époque où Lionel Jospin, ministre de l’éducation nationale, avait décidé qu’une langue étrangère serait enseignée dès le primaire ; cela a d’ailleurs perduré. Le ministère de l’éducation nationale n’ayant pas les moyens de rémunérer tous les enseignants, on avait demandé aux collectivités locales de payer des intervenants.

M. Xavier Darcos, ministre. C’est typiquement socialiste !

Mme Jacqueline Gourault. Bien évidemment, vous vous en souvenez, certaines collectivités pouvaient le faire et d’autres pas. On avait ainsi créé une inégalité entre les écoles.

Il faut toujours veiller à ce que l’État assume ses missions régaliennes et à ce que les collectivités locales assument les leurs.

Voilà pourquoi, moi, je m’interroge sur l’opportunité de légiférer dans ce domaine, et je tenais à le dire.

M. Ivan Renar. Vous avez raison !

Mme Jacqueline Gourault. Si vous aviez engagé une concertation avec les collectivités locales, si vous aviez procédé par voie réglementaire, mon jugement aurait peut-être été différent. Mais, à partir du moment où on légifère, on institue des contraintes, et, en l’occurrence, dans un domaine qui n’est pas celui des collectivités territoriales.

Or, je le redis, à cet égard, les collectivités territoriales savent, le plus souvent, assumer leurs responsabilités. Pourquoi donc changer un système qui a fait ses preuves ? C’est ce qui m’interpelle.

Quant à Yves Détraigne, il souhaitait vous poser, monsieur le ministre, des questions très précises. Comment un maire va-t-il pouvoir s’y prendre ? Avec quels personnels ? Vous avez plus ou moins répondu sur ces aspects. Il voulait cependant évoquer plus particulièrement le cas des petites communes rurales, dans lesquelles le personnel chargé de l’accueil des enfants le matin et le soir occupe souvent un autre métier dans la journée. Où ces communes vont-elles trouver le personnel assurant l’accueil tout au long de la journée ?

Yves Détraigne m’a également chargée de soulever le problème du financement et des compensations par l’État. Êtes-vous sûr, monsieur le ministre, que les 90 euros que vous nous proposez pour quinze enfants accueillis seront suffisants pour faire face à l’ensemble des charges et contraintes que l’État va imposer ?

Quelle est, par ailleurs, la responsabilité des élus en cas de problème dans l’enceinte scolaire aux heures d’école ?

Enfin, le projet de loi fixant le seuil de déclenchement du dispositif à partir de 10 % d’enseignants grévistes, que va-t-il se passer dans les écoles – et ce sont de loin les plus nombreuses ! – qui comptent beaucoup moins de dix enseignants ? Va-t-on demander aux enseignants en grève de mettre en place un service d’accueil, alors que, jusqu’à présent, leurs collègues prenaient en charge leurs élèves ?

Yves Détraigne a en outre déposé un amendement pour rendre ce droit d’accueil facultatif plutôt qu’obligatoire. J’ai noté, monsieur le ministre, que vous n’en aviez pas parlé. Je crois, moi aussi, qu’il faut, dans ce domaine, aborder les choses avec le plus de souplesse possible et laisser plus de liberté aux collectivités territoriales.

En guise de conclusion, puisque nous vous avons, si j’ose dire, « sous la main », je vous pose une question marginale : qu’en est-il de la carte scolaire ? (Applaudissements sur le banc des commissions, ainsi que sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici un texte de loi qui prétend mettre en place un service d’accueil dans les écoles. En fait, voici un texte qui causera, dans le cas où l’on réussirait à l’appliquer dans les communes – et c’est loin d’être gagné, je le montrerai par la suite – un nombre incalculable de contentieux en tous genres.

Voici un texte qui a pour conséquence immédiate d’exploiter le sentiment des parents d’élèves en montrant du doigt les enseignants et en faisant porter sur les communes la responsabilité d’un éventuel échec de la politique d’éducation du Gouvernement. Habile, monsieur le ministre !

Mais gouverner, bien que ce soit la méthode de M. Sarkozy, ce n’est pas dresser les Français les uns contre les autres. Le cynisme du diviser pour régner a quand même ses limites, avouez-le !

La méthode que vous avez choisie est, en effet, démagogique, l’objectif réel est bien éloigné de l’objectif officiel. Je crains que le résultat ne soit largement contre-productif, et d’abord pour les enfants.

Je commencerai par revenir sur la genèse de votre projet.

L’idée de départ, à savoir réutiliser les retenues sur salaires des enseignants grévistes pour les remplacer au pied levé par des personnels non qualifiés et non habilités à enseigner, n’est pas acceptable. Elle est même douteuse et malsaine, tout autant qu’elle est floue et peut-être anticonstitutionnelle, ainsi que nous tenterons de le prouver.

Vous avez commencé, monsieur le ministre, le 8 janvier, par adresser une lettre aux maires leur annonçant qu’ils pourraient à loisir organiser ce service de garderie « sur la base du volontariat ».

Jusqu’à la fin du mois de janvier, vous évoquiez donc le volontariat et la concertation ouverte avec les syndicats d’enseignants. Vous proposiez ainsi aux communes qui le souhaitaient une convention de trois ans moyennant un dédommagement financier, annoncé par décret. Il s’agissait de la phase expérimentale de votre projet de service minimum d’accueil dans les écoles.

Cependant, dès le 24 janvier, cette expérimentation dans les communes volontaires apparaît, il faut bien le dire, comme un échec cuisant. En effet, vous vous félicitez des quelque 2.000 communes qui ont joué le jeu en janvier, mais ce n’est pas sérieux ! Rappelons que, sur les 36 000 que compte la France, cela représente quelque 5 % de communes volontaires. Vous nous dites : ça marche ! Évidemment, puisqu’elles étaient volontaires ! Mais quelle garantie avez-vous concernant les 95 % restants ?

Et, franchement, il n’était pas nécessaire de faire un sondage pour savoir que les parents préfèrent pouvoir faire garder leurs enfants ! Ils sont comme les enseignants, qui préféreraient ne pas être obligés de faire grève !

Devant cet échec, vous décidez d’abandonner, et c’est logique, la méthode du volontariat et de contraindre par la loi. C’est plus sûr, je l’avoue ! En effet, aucune dépense à la charge de l’État ou d’un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu’en vertu d’une loi, selon le code général des collectivités territoriales.

Cependant, au vu de l’ampleur du projet, de la véritable « usine à gaz » que vous proposez aux communes, aux fonctionnaires de l’éducation nationale et aux parents d’élèves, on aurait imaginé qu’entre-temps vous engageriez de véritables concertations, ainsi que des négociations. Une simple consultation aura suffi. Tout est déjà décidé ! Et puis, comme d’habitude, quand il s’agit de légiférer, c’est toujours l’urgence. Pour quelle raison ? Est-ce bien la continuité du service public qui est votre priorité ? N’est-ce pas plutôt la tentative de faire plier les salariés du service public d’éducation en s’attaquant à leur droit de grève ?

Je vous l’ai déjà dit, monsieur le ministre, si vous voulez satisfaire les fédérations de parents d’élèves, les enseignants et leurs syndicats ainsi que les enfants et éviter les conflits, il faut mettre en œuvre une politique qui évite les grèves plutôt que tenter de les contrer.

Rappelons tout de même que, sur une scolarité normale, un enfant perd une année entière du fait de la mauvaise organisation des remplacements d’enseignants et d’absences, dont les causes sont multiples. Sur ce total, le nombre de jours de grève est marginal, vous le savez.

Remplacement de congé maternité, obligations dues aux responsabilités syndicales, maladie, stages pédagogiques... Les absences sont régulières, normales, mais doivent être gérées par l’éducation nationale dans le cadre de la continuité du service public. La voilà, la continuité du service public d’enseignement ! Nous sommes tout à fait d’accord sur ce principe !

Mais que faites-vous pour assurer ces remplacements ? Les non-remplacements augmentent au fur et à mesure que vous supprimez des postes. En cas de grève – mais est-ce uniquement en cas de grève ? -, vous proposez de remplacer le personnel enseignant par un personnel d’urgence, non enseignant et souvent non qualifié, du niveau d’un encadrant de centre de loisirs sans hébergement ou de centre périscolaire. Je vous en prie, ne parlez pas de continuité du service public !

En l’occurrence, vous le remplacez par de la garderie ou de l’animation éducative. Il n’y a pas continuité du service public d’enseignement. Au contraire, il y a rupture !

Votre objectif, malheureusement, est bel et bien de limiter le droit de grève des enseignants. Cependant, lorsque les grèves sont organisées, elles le sont dans le but de préserver, de défendre et d’améliorer le service public et son école. Comment oser prétendre que les enseignants font grève pour autre chose que l’intérêt commun ?

Certes, les enseignants, comme tous les salariés, font aussi grève pour défendre leurs intérêts catégoriels ; mais ils font aussi grève parce qu’ils se préoccupent du contenu de leur mission de service public. Et cela est tout à leur honneur !

S’il y a un service d’accueil à l’école, il doit être de la responsabilité civile et pénale – je dis bien : et pénale ! – de l’État. Pourquoi une défaillance dans le service public de l’État ferait-elle porter de nouvelles charges sur les communes ?

Votre projet de loi est, de surcroît, inapplicable pour de nombreuses communes qui ne disposent pas de personnels suffisants, même non qualifiés. Avez-vous pris conscience du déploiement d’activités que vous allez imposer aux communes dans des délais d’urgence ? Désorganisation des services, embauche de personnels occasionnels. Et les cantines, ouvertes ou fermées ? Et les transports scolaires ?

Bref, cela risque d’être, permettez-moi de le dire simplement, un « joyeux bazar ».

Votre gouvernement prend régulièrement en exemple les modèles nord-européens pour leur faible taux de chômage, leur fort taux de réussite scolaire. Mais, justement, dans ces pays, la syndicalisation de tous les personnels est maximale ! Et c’est dans la concertation permanente que gouvernements et représentants du public et du privé avancent, ensemble.

Il faut le comprendre : vous n’atteindrez pas les mêmes objectifs sans méthode. En optant pour des méthodes de sape et de division du monde syndical, vous n’obtiendrez pas de meilleurs résultats des élèves de l’école publique. Une seule méthode est la bonne, le dialogue. Mais cette méthode, votre gouvernement ne sait pas la pratiquer, ou ne veut pas l’utiliser.

Pour cette raison, monsieur le ministre, nous ne pourrons que nous opposer à votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faire grève, c’est refuser d’accomplir sa mission, collectivement et de façon organisée, en toute visibilité, quitte à entamer sa rémunération mensuelle et au risque de perturber les usagers ou les bénéficiaires du service que l’on assure.

Cette perturbation porte en elle, de la part de ses initiateurs, non pas la volonté de nuire, mais l’espoir que la gêne suscitée mettra en évidence, d’une part, la nature de leur mission et son côté indispensable et, d’autre part, les raisons du conflit ou les causes de leur mécontentement.

Or ce droit, acquis depuis 1946, inscrit dans la Constitution française et utilisé selon les pays avec plus ou moins de goût pour la négociation préalable, a vacillé avec l’émergence de la notion de service minimum.

C’est dans les transports, où les grèves laissent des milliers d’usagers en panne – et les médias s’attachent plus à détailler leur détresse qu’à expliquer les causes précises du débrayage –, qu’a commencé à être mis en œuvre ce principe. Au moins les trains sont-ils encore conduits par des cheminots et non par des quidams recrutés en ville ! (Sourires.) Dans le texte du Gouvernement, en effet, il n’est question que des « personnes chargées de l’accueil », sans autre précision. Certes, en présentant oralement ce texte, vous avez fourni plus de détails à ce sujet, monsieur le ministre, mais c’est sur l’écrit que nous votons !

L’habillage social du texte, après la provocante annonce du Président de la République, au lendemain de la grève des enseignants, pourrait faire illusion : nous avons tous été des parents actifs de jeunes enfants, plus ou moins désemparés à la veille de la fermeture d’une classe pour cause de grève. Et nous n’étions pas de ces fortunés dont la nounou était mobilisable !

Toutefois, nous avons aussi été des parents avertis par des maîtres grévistes soucieux de ne pas nous prendre au dépourvu ; des parents observant les maîtres présents se partager les élèves ; des parents organisés se répartissant les enfants ; des parents solidaires, aussi, qui constataient que les enseignants se mettaient rarement en grève et se mobilisaient plus souvent contre l’alourdissement des effectifs ou la suppression de filières que pour leur propre salaire, pourtant peu élevé.

Monsieur le ministre, quand, dans votre présentation de ce projet de loi, vous affirmez vouloir placer « l’intérêt de l’enfant au-dessus des contingences » – y compris les conflits et les grèves –, vous présentez les mouvements enseignants comme étant de nature exclusivement corporatiste et sous-entendez qu’ils seraient, par définition, opposés aux intérêts de l’enfant. Pour notre part, nous affirmons que les grèves menées pour la sauvegarde d’une classe, par exemple, vont dans le sens des intérêts de l’enfant. La preuve en est que les parents les accompagnent.

Nous avons entendu les orateurs de la majorité évoquer « les parents qui ont les moyens de faire garder leurs enfants » ou souligner que « ce sont les familles qui payent jusqu’à présent ». Or, d'une part, tout service rendu n’est pas marchand et les liens entre voisins sont d’un autre ordre ; d'autre part, dans votre dispositif, ce sont toujours les familles qui payent, à travers leurs impôts.

Qu’observons-nous, aujourd'hui, nous parlementaires ? Que, sous couvert de rendre aux parents un service que vous auriez pu judicieusement confier aux affaires sociales, c’est la mission même de l’école que vous modifiez. Ce ne sera désormais plus seulement d’éducation, mais aussi d’accueil que traitera le code de l’éducation.

Vous envoyez aux parents le message selon lequel, du pilier du savoir initial qu’est l’école, endroit où se partage et se transmet la connaissance, on fait désormais un lieu pratique, où l’on dépose les enfants, que des enseignants soient ou non présents. Ce n’est pas rien !

On aurait pu imaginer que vous organisiez pour les parents un service social commode, mais qui n’émane pas de l’instruction et de l’éducation publiques. Or vous avez préféré étendre de façon subsidiaire le rôle de l’école. Le message n’est pas anodin !

Au passage, bien sûr, vous affaiblissez le mécanisme de la grève, dont la gêne qu’elle suscite, c'est-à-dire l’éducation qui n’est pas dispensée, risque, hélas, pour certains parents – sans doute ceux dont les enfants en auraient le plus besoin – de peser bien peu au regard de la facilité créée par l’accueil.

Il s'agit aussi d’un signal symbolique fort pour les enfants : ceux-ci peuvent aller à l’école pour être simplement « gardés ».

Dans certains pays d’Amérique latine, ce rôle d’accueil est pris au sérieux. Il n’est pas un palliatif, mais une mission permanente, à côté de l’éducation, qui comprend le suivi sanitaire, de modestes apports vestimentaires, le matériel et une nourriture suffisante et équilibrée.

Nous avons bien compris que telle n’était pas l’ambition du Gouvernement, qui a même accusé les collectivités de réaliser des dépenses inutiles quand elles achètent des livres, et qui, dans ce texte, n’a même pas évoqué le problème de la cantine !

Le présent projet de loi reflète bien toutes les motivations qui ont animé le Gouvernement : rendre l’accueil obligatoire, mais en se déchargeant sur les collectivités, au risque que le dispositif ne puisse être mis en œuvre, ou alors à des coûts accrus, et que des problèmes de responsabilité se posent ; susciter, à la hâte, une vague dynamique de négociation préalable, dont l’absence a plus souvent été le fait de l’employeur que des syndicats ; contraindre les enseignants à déclarer de façon anticipée leur intention de faire grève, au risque d’une rupture d’anonymat. Ces deux dernières dispositions risquent d'ailleurs de transgresser la convention n° 87 l’Organisation internationale du travail sur le droit de grève.

Le rapporteur, dont on peut saluer la célérité –  la déclaration d’’urgence est tellement devenue notre lot habituel que je m’étonne que la révision de la Constitution n’en ait pas fait la procédure de droit commun ! –, ainsi que le talent, …

M. Jean-Claude Carle. Le très grand talent !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Merci pour lui !

Mme Marie-Christine Blandin. … tant il s’est attaché à combler par ses propositions toutes les failles du texte, n’est cependant pas parvenu à en faire un projet exempt d’arrière-pensées ultralibérales.

M. Philippe Richert, rapporteur. Ultralibéral, moi ? Jamais ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-Christine Blandin. S’il ne s’agissait que du confort des parents, il y a bien d’autres domaines où le Gouvernement aurait pu s’investir : les crèches, les centres aérés, le budget de la jeunesse et des sports, les animateurs de quartiers ou en milieu ouvert, les lieux de vie culturelle, sportive et sociale.

M. Yannick Bodin. Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin. À la place, c’est un texte à risque qui nous est soumis : dans sa rédaction actuelle, ce projet de loi permettrait à l’État d’ordonner aux maires, sans la garantie d’une juste compensation, de placer les enfants sous la surveillance de personnes choisies au pied levé, pour peu qu’elles soient disponibles, quitte à démobiliser la solidarité parentale ou l’organisation interne de l’école, ou à conduire des étudiants – auxquels on demanderait seulement d’être titulaires du BAFA, le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur – à s’absenter de l’université.

Qui plus est, le texte proposé par l’article 2 de ce projet de loi pour l’article L. 133-1 du code de l’éducation introduit la perspective d’un accueil des élèves en toutes circonstances en cas d’absence du maître, sans même avoir épuisé toutes les voies de la recherche d’un enseignant remplaçant. Faut-il prendre ce texte à la lettre et comprendre que la commune se trouve désormais tenue d’organiser l’accueil lorsque l’enseignant en congé pour maladie n’est pas remplacé ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Pas du tout !

Mme Marie-Christine Blandin. Rien n’est dit de l’organisation du travail des bénévoles sous le même toit que les autres enseignants. Quelle animation sera mise en œuvre ? Et sous quelle autorité hiérarchique ?

Une fois de plus, la spontanéité ultralibérale du Président de la République a déclenché une chaîne de décisions hâtives, au risque d’agir dans la précipitation, avec, pour ce qui est de la communication, le traditionnel habillage social – « aider les parents » –, qui dissimule mal la volonté de fragiliser ceux qui se battent pour la qualité de l’éducation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour des raisons de principe, ce projet de loi n’est pas acceptable pour notre groupe.

Avec ce texte, en effet, on franchit un seuil qualitatif dans le processus bien rodé de défausse de l’État sur les collectivités locales. Il ne s’agit plus seulement de transférer des compétences approximativement compensées ou d’accompagner l’État à la limite de ses missions scolaires, par exemple avec des actions périphériques d’accueil, mais, ni plus ni moins, d’intervenir durant le temps scolaire et dans des locaux scolaires, en même temps qu’y sont délivrés des enseignements, pour remédier à l’incurie d’un ministère incapable de prévenir et de gérer les conflits avec ses fonctionnaires.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : charger les maires, sous leur responsabilité et à prix cassés, de régler les difficultés créées par l’impéritie du ministère, qui est incapable de s’occuper de ses fonctionnaires !

Car comme l’a fait remarquer tout à l'heure Gérard Longuet, l’État y gagne tout de même 28 millions d'euros. Monsieur le ministre, il y a là une piste à creuser pour réaliser des économies ! Peut-être devrait-on envisager de transférer l’enseignement dans son ensemble aux communes ? Voilà un vrai gisement d’économies ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Pauvre Jules Ferry !

Aux questions de principe s’ajoute, pour les petites communes, l’impossibilité pratique d’assurer le service d’accueil que le Gouvernement entend leur imposer. C’est pour cette raison que j’ai déposé avec quelques collègues un amendement visant à exonérer les communes rurales d’une obligation que, de toute manière, elles ne pourront remplir.

Observons tout d’abord que, en raison de la règle qui les oblige à organiser un service d’accueil quand le nombre des grévistes dépasse 10 % d’effectif des enseignants, les petites communes, à la différence des grandes, seront concernées par ce dispositif dès qu’un seul professeur se trouvera en grève. En effet, les communes rurales qui accueillent un groupe scolaire de plus de dix classes sont très rares ! Si le dispositif doit être mis en place dès que 10 % des enseignants sont en grève, il le sera à chaque fois !

Comment financeront-elles ce service ? Certainement pas avec l’aumône de 90 euros par paquet de 15 élèves qui a été annoncée, même si une contribution plancher de quelque 200 euros leur est royalement accordée !

Pour mémoire, le potentiel financier des communes est, par habitant, de 505 euros pour celles qui comptent moins de 500 habitants, de 718 euros pour celles dont la population s’échelonne entre 2 000 et 3 500 habitants, mais de 1 197 euros pour celles qui dépassent les 100 000 habitants. Bien sûr, elles toucheront leurs 200 ou 300 euros ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Surtout, où ces petites communes trouveront-elles le personnel nécessaire ? Ce ne peut être parmi les agents communaux, en nombre notoirement insuffisant, même en mobilisant les cantonniers et les secrétaires ! Ce sont surtout des intérimaires qui seront engagés. Mais où les trouver ? Où recruter, au pied levé, pour six ou sept heures, le personnel qui permettrait d’assurer ce service dans des conditions qui ne soient ni acrobatiques ni dangereuses ?

Il faut n’avoir jamais mis les pieds dans une école pour imaginer qu’une ou deux personnes non qualifiées suffiront à « garder », puisque c’est de cela qu’il s’agit, quinze à trente enfants durant six heures dans leur classe ? Ou que sept personnes pourront s’occuper d’une centaine d’élèves sous un préau, les jours de pluie, ou dans une cour – désormais débarrassée de tout ce qui pourrait conduire le maire en correctionnelle pour mise en danger d’autrui ! –, les jours de soleil ? Le tout, bien entendu, dans l’harmonie, la bonne humeur et sans risque d’accident !

Je fais remarquer à ceux qui suggéreraient d’utiliser les CLSH, les centres de loisirs sans hébergement, c'est-à-dire les centres aérés, que ceux-ci n’existent pas partout, et surtout n’accueillent pas les effectifs d’une école entière. Ces structures ne concernent que quelques élèves. Organiser un tel service pour de nombreux enfants et des écoles entières, poserait un tout autre problème !

J’espère au moins, monsieur le ministre, que vous pousserez l’obligeance jusqu’à remplacer les maires à la barre des accusés lorsqu’ils seront appelés à comparaître devant le tribunal correctionnel pour mise en danger d’autrui, car le problème essentiel est bien plus celui de la responsabilité sur le plan pénal que celui de la responsabilité administrative.

Un maire rural de mes amis, dont la commune scolarise quatre-vingt-quatorze enfants âgés de plus de six ans, a calculé que, pour assurer le nouveau service d’accueil en respectant les normes imposées à son CLSH, il lui faudrait recruter huit personnes, dont au moins quatre titulaires du BAFA.

Mais peut-être ne faut-il pas respecter lesdites normes, dont la fonction n’est que décorative.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues qui représentez largement dans cette enceinte les communes rurales, que les maires ruraux n’acceptent pas de se voir imposer unilatéralement des obligations qu’ils ne peuvent honorer.

Réunie en assemblée générale, le 15 juin dernier, à Lyon, l’Association des maires ruraux de France – qui, visiblement, n’existe pas pour vous, monsieur le ministre ! – …

M. Xavier Darcos, ministre. Bien sûr que si !

M. Pierre-Yves Collombat. … a adopté une motion introduite par la phrase suivante : « L’Association des maires ruraux de France s’oppose à l’instauration d’un service minimum d’accueil obligatoire dans le primaire. ». Elle se termine en ces termes : « Rendre obligatoire ne permet pas de rendre possible ce qui ne l’est pas. Si tel était le cas, les maires ruraux proposeraient volontiers de rendre le bon sens obligatoire pour éviter des projets de loi de cette nature. »

En votant l’amendement que nous défendrons sur ce point, mes chers collègues, vous pourrez rendre le bon sens obligatoire ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque nous allons très bientôt entrer dans le détail des différentes dispositions du texte, je reviendrai simplement sur quelques points qui ont été évoqués par les orateurs, que je remercie de leurs interventions, et rectifier quelques affirmations qui ne correspondent pas complètement à la réalité.

Tout d’abord, plusieurs sénateurs et sénatrices de gauche ont laissé entendre qu’il existait, derrière ce texte instituant un droit d’accueil, une volonté d’imposer aux communes l’obligation de se substituer au service d’enseignement qu’assure l’État. Je leur réponds clairement qu’il n’en est rien. Il s’agit, très précisément, d’accueillir les enfants lorsque, un jour de grève, les enseignements ne sont pas assurés. Ce service pourrait aussi être imaginé dans le cas où un enseignant absent ne peut pas être remplacé et où il est impossible d’accueillir les élèves dans d’autres classes.

Autrement dit, il s’agit d’accueillir, d’encadrer et de surveiller, mais nullement de se substituer, d’une manière ou d’une autre, à des obligations d’enseignement.

Ensuite, en ce qui concerne la question du financement de ce service, M. Collombat a rappelé la faiblesse du potentiel financier des communes. Nous ne souhaitons évidemment pas leur imposer cette dépense nouvelle et nous envisageons le principe du versement d’une contribution par l'État, qui prendra d’ailleurs plutôt la forme d’une compensation, comme l’a suggéré M. Longuet, avec l’instauration d’un minimum.

Madame Gourault, vous avez posé la question de savoir s’il fallait légiférer, en passer par ce texte ? Je crois que c’était nécessaire. Un tel dispositif a déjà été mis en place, en effet, par un certain nombre de communes, mais selon des modalités très diverses. C’est une question d’équité que de faire en sorte que, partout sur le territoire, les familles puissent trouver les mêmes services.

Au demeurant, j’ai entendu votre message, ainsi que celui de Mme Dini, et je partage votre souci d’introduire de la souplesse dans le dispositif et d’éviter d’imposer des normes excessives. Nous avons pris beaucoup de précautions avec ce texte qui, bien que normatif, puisqu’il s’agit d’une loi, vise essentiellement l’équité et nullement la contrainte.

Certains sénateurs du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen ont mis en cause l’intention même de ce projet de loi. Ils l’ont présenté comme un texte démagogique, élaboré par calcul, avec la volonté de monter les parents contre les enseignants. Ils nous ont en fin de compte suspectés d’utiliser cette loi pour servir d’autres buts que celui qu’elle vise vraiment, c'est-à-dire un service rendu aux familles. Il ne s’agit évidemment pas de cela ! Ce texte résulte simplement d’un constat que j’ai eu l’occasion de faire moi-même lors d’un déplacement, en janvier dernier, dans des communes qui avaient mis en place ce service d’accueil : le droit de grève gêne le droit de travailler, en particulier celui des mères de famille ou des familles modestes, qui ont besoin de faire garder leurs enfants.

La combinaison de ces deux droits mérite que le législateur s’en occupe. Tel est le sens du présent texte.

Je veux souligner que cette volonté législative ne dissimule aucune intention maligne d’opposer les familles aux enseignants. Bien au contraire, sachant que les familles reprochent précisément aux enseignants grévistes de leur compliquer la vie, le dispositif proposé constitue le meilleur système pour mettre fin à un tel conflit.

Madame Gonthier-Maurin, le texte ne prévoit pas que les collectivités d’outre-mer soient exclues du bénéfice de ce dispositif. En vertu du principe d’identité législative, l’ensemble de ces collectivités est concerné par le texte.

S’agissant du remplacement d’un enseignant absent, j’ai personnellement souhaité que nous rappelions dans le texte, alors que ce n’était pas son objet principal, que l’État donne l’exemple et s’oblige à trouver des solutions de remplacement plus efficaces afin d’éviter ces successions de journées sans cours que M. Bodin a évoquées. Pour permettre d’assurer la continuité du service public, j’ai donc décidé de proposer une réorganisation du remplacement, en émettant le vœu que le dispositif trouve une application rapide, sachant qu’il faut néanmoins procéder avec prudence, compte tenu de la complexité de sa mise en place.

D’autres sujets ont été effleurés au cours de cette discussion générale, qui ne constituent pas directement le « cœur de cible » du projet de loi, en particulier la question des suppressions d’emploi ou celle de la carte scolaire.

Tout d’abord, je suis extrêmement surpris d’entendre même des orateurs bien informés continuer à dire que le texte cache une quelconque pénurie. Je rappelle que le premier degré ne subit aucune suppression d’emploi. Bien au contraire, dès la rentrée prochaine, 840 emplois supplémentaires seront affectés aux écoles de France, qui ne sont pas touchées par les ajustements budgétaires et les décisions de non-renouvellement de postes.

C’est pourquoi il ne me paraît pas convenable d’invoquer cet argument dans le cadre de la présente la discussion législative.

Ensuite, concernant la carte scolaire, madame Gourault, je persiste à penser que son assouplissement doit permettre à des élèves assignés à résidence dans des quartiers difficiles de tenter leur chance dans d’autres conditions. C’est un service que nous rendons aux familles, en nous fondant sur des critères sociaux, que j’ai moi-même fixés. Il ne s’agit pas d’inciter les bons élèves à fuir. Il s’agit de permettre aux élèves méritants, qui sont titulaires de bourses sociales, qui sont handicapés ou dont les familles connaissent des difficultés particulières, de bénéficier de ce droit nouveau.

Vous avez raison d’évoquer cette question, car elle reflète l’intention constante, chez le législateur comme au sein du Gouvernement, de donner des droits supplémentaires aux familles : le droit de choisir son école, le droit de faire garder son enfant, le droit de bénéficier de la continuité des enseignements.

Telles sont bien les intentions qui inspirent le présent projet de loi, à l’exclusion de toute querelle cachée ou de la création d’une source supplémentaire de conflictualité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par MM. Lagauche, Bodin, Dauge et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (n° 389, 2007-2008) (urgence déclarée).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Serge Lagauche, auteur de la motion.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions du projet de loi sont non seulement inopérantes, comme plusieurs d’entre nous l’ont déjà démontré lors de la discussion générale, mais elles sont également disproportionnées au regard de l’objet du présent projet de loi, remettant en cause sa constitutionnalité.

De ce fait, ce texte comporte au moins deux motifs d’irrecevabilité.

D’abord, il s’agit de l’articulation entre le droit de grève et la continuité du service public.

Ensuite, le texte méconnaît le principe de libre administration des collectivités locales, sans compter qu’il ne prévoit aucune solution au problème de la responsabilité, y compris pénale, ce qui constituera inévitablement une source de contentieux.

Le parallèle entre la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs et le présent projet de loi a déjà été mis en évidence par différents intervenants. Il faut dire que c’est à l’occasion de la discussion du premier texte, en juillet 2007, qu’avait été évoqué, sur l’initiative du Premier ministre, le principe de l’extension de l’obligation d’un service minimum lors des jours de grève dans le service public de l’éducation.

Aujourd’hui, nous y sommes et le dispositif semble a priori calqué sur celui qui a été mis en place dans le secteur des transports en commun. Or la simple comparaison sémantique entre les deux textes se révèle riche enseignements.

Si l’intitulé du premier projet de loi et le cœur même du dispositif mentionnaient explicitement « la continuité du service public », dans le présent texte, s’agissant de l’éducation nationale, ce principe est remplacé par l’expression « droit d’accueil ». Pourquoi ? Tout simplement parce que le projet de loi qui nous est soumis ne vise absolument pas la continuité du service public d’enseignement : il se fixe un objectif beaucoup plus minimaliste, celui d’un service d’accueil, sans lien avec les missions de l’enseignement scolaire.

Il ne s’agit nullement d’assurer l’instruction obligatoire, de dispenser un service d’enseignement en cas de grève. Il est question non pas de transmission des connaissances, de dispense d’une formation, mais de garderie, ce qui implique, d’ailleurs, la possibilité d’accueil dans des locaux autres que les établissements scolaires.

Or, la décision 79-105 DC du 25 juillet 1979 du Conseil constitutionnel a reconnu une valeur égale au droit de grève et au principe de continuité du service public :

« ...en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle ; que ces limitations peuvent aller jusqu’à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ; ».

Dans un considérant de principe de la décision du 11 octobre 1984, le Conseil constitutionnel indique également : « …s’agissant d’une liberté fondamentale, [...] la loi ne peut en réglementer l’exercice qu’en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ; ».

À l’évidence, le texte gouvernemental ne vise pas à rendre plus effectif le droit de grève. Loin de concilier les deux principes de valeur constitutionnelle que sont le droit de grève, d’un côté, et la continuité du service public, de l’autre, il ne prétend garantir que l’un des deux droits, celui de continuité du service public, par l’instauration d’un service minimum, cassant les effets du premier droit – la grève – et durcissant ses conditions d’exercice.

Nous n’avons donc aucunement affaire à un texte de conciliation entre deux principes de valeur constitutionnelle puisqu’il ne garantit pas la continuité de la mission du service public d’enseignement « de transmettre et de faire acquérir connaissances et méthodes de travail », conformément à l’article L. 121-1 du code de l’éducation.

Le dispositif proposé va même à l’encontre des missions éducatives des écoles maternelles et primaires, en leur substituant une simple garderie non pas limitée aux seuls jours de grève, mais étendue au quotidien, à la gestion habituelle des absences d’enseignant.

Reprenons notre comparaison avec le service minimum dans les transports publics de voyageurs au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Les restrictions pouvant être apportées au droit de grève des fonctionnaires ont été limitées par la décision 86-217 du 18 septembre 1986 : « ...les dispositions [...]qui réglementent les modalités de dépôt du préavis de grève, qui indiquent les conditions dans lesquelles doivent être assurées la création, la transmission et l’émission des signaux de radio et de télévision par des sociétés chargées de l’exécution d’une mission de service public, et qui prévoient qu’un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de ces conditions, n’autorisent nullement à ce que, par l’institution d’un service normal et non d’un service minimum, il puisse être fait obstacle à l’exercice du droit de grève dans des cas où sa limitation ou son interdiction n’apparaissent pas justifiées au regard des principes de valeur constitutionnelle… ».

Or c’est bien sûr le fondement de cette jurisprudence, que la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs a été élaborée.

Le Conseil constitutionnel, saisi de cette dernière loi, a estimé, dans sa décision du 16 août 2007, à propos de la mise en œuvre d’un délai de négociation préalable au dépôt du préavis de grève – similaire à celui qui est prévu par le présent projet de loi – que, « en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit des limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle », en précisant que « ce délai n’apporte pas de restriction injustifiée aux conditions d’exercice du droit de grève ».

C’est donc à l’évidence la base du critère de « continuité du service public » qu’il convient, aujourd’hui, de se demander si l’organisation d’un service minimum d’accueil dans les écoles publiques, les jours de grève, est juridiquement fondée.

Dans le cas du présent projet de loi, les conditions de mise en œuvre de la grève avec obligation de négociation préalable au dépôt du préavis correspondent au système validé par le Conseil constitutionnel, en 2007, pour les transports. Mais la continuité du service public invoquée pour justifier cette obligation de négociation préalable n’est pas effective ici puisque, comme je l’ai démontré précédemment, à un service public d’enseignement sera substitué un service d’accueil durant lequel, aux termes du projet de loi, aucun enseignement ne sera dispensé.

Aucun motif de continuité de service public ne saurait donc, dans le cas présent, être invoqué pour autoriser le Gouvernement à durcir les conditions d’exercice du droit de grève dans les établissements publics d’enseignement maternel et élémentaire.

Ce texte a, en réalité, un double objectif, inavoué et non assumé : il vise à durcir les conditions d’exercice du droit de grève par les personnels enseignants du premier degré et parallèlement, à permettre au Gouvernement de se défausser sur les collectivités territoriales de sa responsabilité en matière de gestion des remplacements, pour instaurer un « service d’accueil ».

Concernant les conditions d’exercice du droit de grève, la loi du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de la grève dans les services publics a encadré le droit de grève des agents de l’État, des collectivités territoriales de plus de 10 000 habitants et des personnels des entreprises, établissements et organismes chargés de la gestion d’un service public en soumettant celle-ci à un préavis de cinq jours, déposé par une organisation syndicale, qui précise les motifs de la grève, ses dates et sa durée.

Les grèves roulantes ou tournantes sont interdites dans la fonction publique et les entreprises soumises à cette législation.

De plus, l’article 4 de la loi du 19 octobre 1982 relative aux retenues pour absence de service fait par les personnels de l’État, des collectivités locales et des services publics a institué une obligation de négociation pendant la durée du préavis, obligation que le Gouvernement se garde bien de mettre en œuvre.

Sur le second point, l’article 2, en raison de son imprécision, volontaire ou non, laisse entendre que, lorsqu’un enseignement n’est pas dispensé, et ce quelle qu’en soit la raison, l’enfant bénéficie d’un service d’accueil. Aussi n’est-il pas illégitime de penser que sont visées l’ensemble des absences des enseignants – congé maladie, congé maternité, formation, décharge pour obligation syndicale, etc. –, et non pas seulement les absences pour fait de grève.

En outre, il n’est pas précisé, peut-être à dessein, à qui il revient d’organiser et de financer le service d’accueil. À l’État ou aux communes ? Cette thèse est parfaitement corroborée par la lecture du dispositif visé à l’article 4, qui traite du cas spécifique de l’accueil organisé, les jours de grève, par la commune.

Dans l’impossibilité d’assurer une mission de service public, il semble bien que l’État s’apprête à se désengager largement sur les collectivités territoriales pour organiser un service d’accueil qui, sur le plan légal, n’existe pas actuellement. Seraient ainsi créées de nouvelles compétences pour les collectivités sans qu’aucun fonds correspondant soit prévu. La libre administration des collectivités territoriales s’en trouve compromise, tout comme l’attribution d’une ressource en compensation de la création de cette nouvelle compétence.

C’est pourquoi nous nous interrogeons également sur la compatibilité du dispositif d’accueil imposé aux communes avec le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et, en particulier, avec l’une des déclinaisons de ce principe, à savoir l’attribution de ressources nouvelles déterminées par la loi lorsqu’elles se voient confier une nouvelle compétence.

L’article L. 1614–1–1 du code des collectivités territoriales pose, en effet, le principe de la compensation par l’État de toute charge induite par un transfert de compétences à une collectivité territoriale et précise que les ressources rendues nécessaires par un tel transfert de charges sont « déterminées par la loi ».

Je vous rappelle, chers collègues de la majorité, que c’est sur votre initiative que cette compensation a été consacrée constitutionnellement par la révision qui a eu lieu en 2003. Maintenant, vous êtes prêts à l’oublier ! Mais il est vrai que vous commencez à en avoir l’habitude !

Ainsi, l’article 72-2 de la Constitution prévoit, depuis lors, deux types de garanties financières pour les collectivités territoriales, selon qu’il s’agit d’un transfert, d’une création ou d’une extension de compétences. D’une part, « tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » ; d’autre part, « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

En l’espèce, l’instauration du service minimum par les communes s’analyse comme une création de compétence plutôt que comme un transfert puisqu’un tel service n’existait pas auparavant.

La différence mérite d’être relevée dès lors que, selon la Constitution, les ressources allouées en compensation de cette création de charge devraient être déterminées par la loi, de façon arbitraire et sans aucune possibilité de comparaison avec des dépenses déjà existantes. Or le présent projet de loi ne prévoit concrètement aucune compensation financière, renvoyant au pouvoir réglementaire, autrement dit au décret, le soin de déterminer librement le montant que l’État attribuera aux communes. Il y a fort à parier que cette compensation ne se fera pas à l’euro près !

Ne faut-il pas y voir un nouveau motif d’inconstitutionnalité de ce projet de loi, puisque la Constitution prévoit bien que la compensation doit être déterminée par la loi ? Je le pense ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Parmi les arguments que M. Lagauche a exposés en faveur de son adoption, j’en retiendrai deux.

Tout d’abord, notre collègue affirme que ce projet de loi porte atteinte au droit de grève. Bien entendu, ce n’est pas l’avis de la commission : il ne s’agit pas de mettre en place un service minimum d’éducation, qui supposerait le maintien, pendant la grève, d’une activité d’enseignement, nécessairement assurée par des enseignants. Tel n’est pas le cas puisqu’il ne s’agit que de mettre en place un service d’accueil.

Ensuite, M. Lagauche prétend que ce projet de loi viole le principe de libre administration des collectivités territoriales. Autant je reconnais bien volontiers qu’il y a bien de l’attribution nouvelle d’une compétence, autant je tiens à souligner que les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale organiseront l’accueil des élèves en toute liberté.

En outre, M. le ministre a accepté que la responsabilité administrative de l’État soit substituée à celle de la commune dans tous les cas où celle-ci se trouve engagée dans le cadre de cet accueil. C’est l’objet de l’amendement n° 12, déposé par la commission.

J’ajoute que ce transfert de compétence sera, bien sûr, intégralement compensé, conformément aux textes en vigueur ; il ne s’agira pas simplement d’une dotation, mais bien d’une compensation.

Pour toutes ces raisons, la commission souhaite que soit repoussée cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

M. Ivan Renar. C’est bien dommage !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. M. le rapporteur a parfaitement indiqué les raisons justifiant le rejet de cette motion.

Je rappelle que l’article 72 de la Constitution n’a pas pour objet de figer pour l’éternité les compétences de collectivités territoriales. Précisément, il appartient au législateur, conformément à la Constitution, de leur attribuer des compétences nouvelles dès lors que la situation ou les circonstances le nécessitent.

En outre, il est inexact de prétendre que l’État transfère aux communes l’une de ses compétences propres et qu’il leur demande de se substituer à lui puisque, à ce jour, de fait, il n’assure pas la continuité de l’enseignement ni l’accueil des élèves en cas de grève.

On ne saurait affirmer non plus que cette responsabilité est totalement étrangère aux communes. Je rappelle en effet que, à ce jour, elles prennent en charge la surveillance des élèves avant et après la classe, à la cantine ou le mercredi après-midi.

M. Pierre-Yves Collombat. Certes, mais en dehors du temps scolaire !

M. Xavier Darcos, ministre. Précisément, nous étendons cette compétence ! En tout cas, la compétence propre de la commune n’est pas méconnue.

Enfin, il est faux de prétendre que l’État crée une charge nouvelle qui n’est pas compensée puisque nous nous sommes précisément engagés à apporter une compensation financière.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le rejet de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous voterons en faveur de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Deux motifs, à nos yeux tout à fait fondés, ont été invoqués à l’appui de cette motion : d’une part, l’« inopérabilité » et la « disproportionnalité » du texte ; d’autre part, les risques de contentieux qui en découlent.

Ce projet de loi vise en effet à substituer un service d’accueil à la continuité du service public de l’enseignement. En outre, il restreint le droit de grève en intégrant dans le code de l’éducation des dispositions qui relèvent du code du travail. Enfin, il met à mal la libre administration des collectivités territoriales.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Article 1er

M. le président. Je suis saisi, par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 18, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi instaurant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (n° 389, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Ivan Renar, pour la motion.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en dépit du rejet de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité déposée par nos collègues socialistes, motion que nous soutenions, le groupe communiste républicain et citoyen persiste à considérer que le Sénat doit s’opposer à ce projet de loi parce qu’il est contraire aux principes et à la lettre de notre Constitution.

Il ne respecte ni l’esprit ni la volonté du législateur qui, lors de l’adoption des dernières lois de décentralisation, a tenu à inscrire à l’article 72-2 de notre Constitution que «toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

M. Xavier Darcos, ministre. Ce sera le cas !

M. Ivan Renar. Il n’est question ni de contribution ni de compensation !

Or, chacun en conviendra, rien dans ce texte ne répond à cette exigence constitutionnelle. Sur la base de ce seul motif, si clairement défini, notre assemblée devrait décider qu’il n’y a pas lieu de poursuivre nos délibérations.

Il en est de même de la mise en cause du droit de grève, pourtant garanti par la Constitution. Les nouvelles restrictions prévues ne s’appliqueront qu’à une seule catégorie des fonctionnaires, qui sont pourtant tous régis par le même statut, et même qu’à une seule partie du corps enseignant.

Ainsi, en cas de conflit de l’ensemble de fonctionnaires, les enseignants des écoles maternelles et élémentaires, contrairement à leurs collègues du secondaire et à leurs collègues de la fonction publique, seront tenus de respecter des obligations spécifiques.

Sous couvert d’un « droit d’accueil minimum » pour le bénéfice des parents et des enfants, l’État s’exonère de sa responsabilité d’employeur dans la gestion des conflits qui l’opposent à ses salariés en sommant les maires de gérer les crises à sa place, et cela au prétexte de la gêne occasionnée par une grève des enseignants, gêne qu’il faudrait réduire au nom même des valeurs du service public et de sa continuité.

Plutôt que de légiférer, il serait préférable que l’État-patron développe, dans ce pays, une véritable culture de la négociation.

Ainsi, à vous écouter, le Gouvernement et la majorité se soucieraient enfin de ce que font les enfants quand les parents travaillent ! Mais vous vous arrêtez en cours de route, en fait aussitôt après avoir démarré : seuls quelques jours dans l’année vous intéressent.

Vous préoccupation est très sélective : vous rédigez un projet de loi visant à assurer, en moyenne deux à quatre jours par an, l’accueil des enfants ; en revanche, vous ne manifestez pas le moindre intérêt pour l’accueil des jeunes, le soir après l’école, à midi, entre les cours, le mercredi, le samedi matin et durant toutes les vacances scolaires. Pourtant, il s’agit là d’un casse-tête pour les parents, qui ont du mal à supporter le coût des différents modes de garde et prestations qu’ils doivent assumer, sans même parler du temps passé à essayer de trouver des solutions. Vous ne pouvez ignorer ce qu’est la course quotidienne de ces mères de famille qui doivent arriver en temps et en heure à l’école pour récupérer leur enfant !

Mais vous ne vous sentez pas concernés par le quotidien de millions de familles,…

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Bien sûr que si, sinon nous n’aurions pas à examiner ce texte !

M. Ivan Renar. … ni par les problèmes de garde des enfants de moins de trois ans dont les parents travaillent et à qui l’on offre des services chers et insuffisants. En revanche, quelques jours de grèves par an, ça, c’est insupportable !

Est-ce pour faciliter la vie des familles que vous décidez arbitrairement que les enfants n’iront plus à l’école le samedi matin, et que le Gouvernement envisage de déréglementer le droit du travail en favorisant le travail le dimanche ? Que vont faire les enfants pendant ce temps ? Quelles solutions seront proposées aux parents qui travaillent ? Aucune !

Alors, comment croire que l’objectif du présent projet de loi est de répondre aux besoins, aux inquiétudes des parents ?

Non, votre cible est tout autre ! Après la loi sur le service minimum dans les transports, c’est le droit de grève des enseignants qui est ici visé.

Il est clair qu’il s’agit d’un projet de loi à la fois idéologique – tout est idéologique dans cette affaire ! – et d’affichage politique. La stratégie consiste, une fois de plus, de diviser les Français tout en portant atteinte à l’un des droits les plus fondamentaux de la République.

Vous avez d’abord tenté de mobiliser les maires dans cette espèce de croisade antigrève, mais le résultat fut très décevant. Vous avez alors joué la carte du volontariat et de la mobilisation militante des maires de votre parti, avec incitations financières à la clé, mais le succès ne fut pas davantage au rendez-vous, pas même à Saint-Quentin, comme l’a plaisamment rappelé notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin. À gauche comme à droite, des maires n’ont jugé ni utile ni pertinent de vous suivre.

Aussi ne vous restait-il plus que la loi pour contraindre la quasi-totalité des maires de France, qui refusent de mettre en œuvre vos préconisations. En effet, le texte constitutionnel prévoit que les collectivités locales s’administrent librement. Les maires ont donc le droit de ne pas vouloir suivre votre volonté.

Compte tenu du risque de voir se lever un front du refus, il a donc été décidé de légiférer afin de soumettre les 22 000 maires de France, et ce alors même que, en ce qui concerne la concertation, avec les partenaires sociaux, les associations d’élus et les parents d’élève, vous vous êtes contenté, pour le coup, du service minimum.

Devant la crainte d’une contestation légitime, vous avez pris la décision de présenter ce texte à la fin du mois de juin, de le faire adopter en juillet, lorsque les enfants, les parents, de nombreux élus, bref, la France est en vacances.

En outre, ce texte posant plus de problèmes qu’il n’en résout, vous avez choisi d’utiliser la procédure d’urgence pour réduire le travail parlementaire, y compris celui de vos propres amis.

Pourtant, ce projet de loi a une portée considérable. Il concerne plus de cinq millions d’élèves et leurs familles, 22 000 communes ayant au moins une école sur leur territoire, des centaines de milliers de fonctionnaires territoriaux, sans compter les 330 000 enseignants du premier degré !

M. Xavier Darcos, ministre. C’est pour cela qu’il faut le faire !

M. Ivan Renar. Devant la complexité de cet important dispositif, vous aviez déclaré en début d’année que l’expérimentation devait se dérouler dans le cadre d’un processus de concertation. Qu’en est-il ? Personne n’a établi le bilan de ces expérimentations. Selon la presse, lors des dernières journées de grèves, là où l’accueil a été organisé, moins de 10 % des parents y ont eu recours. Notre excellent collègue Philippe Richert écrit dans son rapport qu’il n’y aurait eu que 31 000 élèves accueillis dans 2 800 communes, soit une moyenne de onze élèves par commune.

Ces chiffres sont tellement ridicules, équivalant à moins d’une demi classe non par école, mais par commune, qu’ils prouvent que cette loi n’est ni urgente ni nécessaire. D’autant que rien n’est prévu dans l’hypothèse où les personnels chargés du service d’accueil se mettraient eux aussi en grève ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Ivan Renar. Après le paquet constitutionnel sur le droit de grève, l’égalité des fonctionnaires, la libre administration des collectivités locales et leur financement pour toute compétence nouvelle, nous considérons, et c’est la deuxième raison de notre question préalable, qu’il n’y a pas lieu de légiférer en ce domaine, et encore moins de cette façon.

Cette nouvelle restriction du droit de grève, la deuxième en moins d’un an, est inquiétante pour tous les salariés de notre pays, qu’ils relèvent du secteur public ou du secteur privé. La grève venant, par définition, perturber un service, une fabrication, il se trouvera toujours de bonnes raisons, ou de bons esprits, pour tenter d’en réduire le droit. Personne n’est à l’abri de nouvelles restrictions !

Mais, par-delà le droit de grève, ce projet est aussi très dangereux pour notre système éducatif. En effet, sous couvert de création d’un service d’accueil à l’occasion de grèves qualifiées d’« importantes » dans l’exposé des motifs du projet de loi, et sous le prétexte de mouvements de grève, vous signez la fin des remplacements des enseignants absents dans les écoles maternelles et élémentaires.

Le danger est bien là, même si, dans le projet initial, la formulation était suffisamment large et peu explicite pour passer sans encombre l’avis du Haut Conseil de l’éducation et du Conseil supérieur de l’éducation.

La commission a déposé un amendement dans lequel elle formule explicitement cet objectif. Ainsi, sous couvert d’un faux argument sur les difficultés, certes réelles, des parents les rares jours de grève, vous réduisez vos responsabilités éducatives. Après le savoir minimum, avec le socle commun de la réforme Fillon, voici le service minimum de garderie, organisée par l’éducation nationale. Vous mettez donc, dans le code de l’éducation, la garderie scolaire au même niveau que les principes de l’éducation nationale que sont l’obligation scolaire et la gratuité.

M. le rapporteur écrit même, dans son rapport que – je résume –, derrière la notion d’obligation scolaire, l’obligation d’accueil serait concomitante à l’élément éducatif, dans l’attente des parents. Dès lors, la puissance publique organisatrice du service d’enseignement devrait prendre cette évolution en compte. C’est grave !

Si ce texte était adopté en l’état, les enseignants pourraient, aux termes du code de l’éducation, ne plus être remplacés. Ainsi, le Gouvernement n’aura-t-il plus l’obligation de prévoir les effectifs de remplacement nécessaires à la continuité du service public d’éducation.

M. le rapporteur propose de supprimer l’obligation de remplacement des maîtres, considérant que, devant les difficultés d’y parvenir, l’accueil est aujourd’hui devenu essentiel.

Il y a là une dérive difficilement acceptable. Elle laisse penser que l’enseignement serait devenu accessoire. C’est la conception même de l’école et de l’instruction publique qui est en jeu.

Rien dans l’exposé des motifs de ce projet de loi ne laissait présager que l’accueil scolaire serait organisé pour pallier l’absence des enseignants, quelle qu’en soit la cause. Certes, la deuxième phrase de l’article L. 133-1 du code de l’éducation, créé par l’article 2 de ce projet de loi, était suffisamment floue pour permettre une interprétation imprécise de la loi. Je remercie le rapporteur d’en expliciter le contenu. Mais le projet de loi prend dès lors une tout autre direction, une tout autre ampleur, une tout autre signification. Il doit donc être réécrit afin de mettre en cohérence son intitulé, ses objectifs, ses motivations et sa rédaction. C’est la troisième raison de notre question préalable, d’autant que la preuve est maintenant faite que ce projet ne répond pas à l’obligation de clarté et d’intelligibilité de la loi.

Enfin, d’autres points contenus dans ce texte manquent pour le moins de précision et les amendements proposés par la commission viennent souvent en brouiller un peu plus la compréhension.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Allons bon !

M. Ivan Renar. Ainsi, le texte dispose que les communes sont les autorités organisatrices des services de garderie les jours de grèves, mais il ne prévoit pas les règles d’encadrement de cette activité afin d’assurer l’égalité, la qualité et la légalité de cette prestation.

Devant les critiques, fondées, de l’Association des maires de France, la commission propose que l’État conserve la responsabilité administrative. Ce faisant, les responsabilités seront diluées, avec tous les risques juridiques qui en découlent. Les maires seront toujours pénalement et civilement responsables, sans qu’aucun cadre ait été fixé quant aux moyens qu’ils sont tenus de mettre en œuvre. Quelle insécurité pour les élus, mais plus encore pour les enfants et leurs parents !

Tous les articles du projet manquent de clarté et de précision… sauf celui qui a trait à la limitation du droit de grève ! Ils portent tous la marque de la précipitation. Seul l’affichage politique et idéologique recherché est finalement assuré. Là, il n’y a pas d’ambiguïté !

Néanmoins, cela ne suffira pas à masquer la contestation grandissante que provoque la politique éducative du Gouvernement, qui limite toujours plus les moyens budgétaires et humains consacrés à l’enseignement.

Mes chers collègues, les critiques, observations et interrogations que je viens d’exposer nous conduisent à demander au Sénat d’adopter la question préalable afin de rejeter l’ensemble de ce texte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Monsieur Renar, votre intervention, que j’ai écoutée toute l’attention qu’elle méritait, appelle quelques observations.

Tout d’abord, je tiens à le rappeler, les représentants des familles d’enfants scolarisés en maternelle et en primaire nous ont dit avec la plus grande clarté que la mise en place du droit d’accueil était une bonne chose. C’est une réalité !

À partir de là, il fallait examiner selon quelles modalités ce droit d’accueil pouvait être mis en œuvre. L’éducation nationale pouvait-elle l’organiser dans chaque commune ? Ce n’était pas possible. Nous avons alors exploré d’autres pistes. Telle fut notre démarche.

Monsieur Renar, dans votre exposé, vous avez fait référence parfois au texte initial, parfois aux amendements de la commission. Vous avez notamment affirmé que le rapporteur proposait que les remplacements ne soient plus effectués, le service d’accueil venant se substituer au remplacement qui est aujourd’hui organisé par le ministère. Mais la commission propose exactement le contraire !

M. Ivan Renar. Vous créez un précédent !

M. Philippe Richert, rapporteur. Dans ses amendements, la commission indique de façon explicite qu’il revient à l’éducation nationale, en cas d’absence de professeurs étrangère à l’exercice du droit de grève, de mettre en place un service de remplacement. Nous l’avons précisé dans le texte de nos amendements afin de bien montrer que le service public de l’éducation et donc le remplacement des enseignants absents constituaient pour nous une priorité. Vous ne pouvez donc pas me reprocher de vouloir amoindrir ce service de remplacement !

Vous avez par ailleurs affirmé une nouvelle fois que nous portions atteinte au droit de grève. C’est faux ! Contrairement à ce que certaines associations auraient d’ailleurs souhaité, nous ne substituons pas, lors d’une grève, un service d’éducation au service d’éducation : nous mettons simplement en place un droit d’accueil qui permet de garantir la sécurité des enfants et de répondre aux besoins des familles. Nous ne proposons pas une réquisition des enseignants, comme d’aucuns auraient pu le souhaiter en allant au bout d’une certaine logique. Ce serait difficile, sauf à ce que M. le ministre propose des mesures allant dans ce sens.

J’en viens à la contribution financière de l’État.

Il est vrai que le texte initial n’évoquait pas la compensation ; la commission a donc décidé d’y introduire cette notion. Nous aborderons ce sujet à l’article 8. Je demanderai alors à M. le ministre de consentir un effort supplémentaire assez important pour aller au-delà du montant envisagé en le portant à 120 euros, au lieu 90 euros, par tranche de quinze élèves.

Telles sont les raisons pour lesquelles je demande au Sénat de ne pas donner suite à la demande de M. Renar et de ses collègues du groupe CRC.

M. le président. La parole est à M. Le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Je ferai trois observations afin de compléter l’excellente argumentation de M. le rapporteur.

Tout d’abord, je ne comprends pas l’idée qui a également été avancée lors de la défense de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, idée selon laquelle le Gouvernement contreviendrait au principe constitutionnel qui impose à l’État de prévoir des compensations financières lorsqu’il crée une charge nouvelle pour les communes.

Cette compensation est prévue dans le projet de loi. Il détermine les modalités de calcul et ne renvoie à un décret que la fixation du montant. Cela ne peut se faire autrement que par la voie réglementaire : fixé dans la loi, ce montant se trouverait nécessairement figé dans le temps. Cette démarche relève donc du bon sens et ne contrevient en rien à la Constitution.

Ensuite, le projet de loi ne porte pas atteinte aux droits de grève des enseignants. Il n’est pas question de réquisition, ni de création d’un service d’enseignement qui se substituerait au service régulièrement assuré par les fonctionnaires. Il s’agit simplement de créer un service pour accueillir les enfants les jours de grève, avec deux cas de figure envisageables : en cas de grève peu intense, on répartit les enfants dans les classes, et donc l’État s’en occupe. Lorsque la grève est plus importante, que cette répartition est impossible, on organise un accueil.

Enfin, monsieur Renar, vous recourez à un argument que je suis tenté de qualifier d’argutie ; nous nous connaissons suffisamment pour que je prenne la liberté d’utiliser ce mot !

Vous nous dites que nous allons trop vite. La preuve en est, dites-vous, que, lors des précédentes grèves, cela concernait finalement peu d’élèves, une demi-classe par commune. Mais à qui la faute ? C’est précisément parce que les communes socialistes et communistes, voulant s’opposer à la proposition du Gouvernement, ont refusé de mettre en place ce dispositif que le nombre d’enfants concernés a été limité.

Mme Annie David. Il n’y avait pas que les communes socialistes et communistes !

M. Xavier Darcos, ministre. On ne peut pas refuser qu’un service soit rendu et s’étonner ensuite qu’un nombre peu élevé de familles en ait bénéficié.

Mme Annie David. Je ne savais pas qu’il y avait autant de communes de gauche ! Celles qui sont sans étiquette seraient donc, en réalité, socialistes ou communistes !

M. Xavier Darcos, ministre. Au demeurant, lorsqu’on cite le nombre de communes, il faudrait aussi mentionner leur taille. Au mois de janvier dernier, 30 % de communes plus de 100 000 habitants ont mis ce dispositif en place.

J’ai donc trouvé le raisonnement astucieux, mais « argutieux » ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne vois pas en quoi !

M. le président. Je mets aux voix la motion no 18, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Question préalable
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Article 2 (début)

Article 1er

I. – L'intitulé du titre III du livre Ier du code de l'éducation est remplacé par l'intitulé suivant :

« TITRE III

« L'OBLIGATION SCOLAIRE, LA GRATUITÉ ET L'ACCUEIL DES ÉLÈVES DES ÉCOLES MATERNELLES ET ÉLÉMENTAIRES ».

II. – Le titre III du livre Ier du code de l'éducation est complété par un chapitre III intitulé :

« CHAPITRE III

« L'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement no 38, présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. L’article 1er crée au titre III du livre Ier du code de l’éducation un chapitre III consacré à « l’accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires ». L’intitulé du titre III est modifié en conséquence et, de « L’obligation et la gratuité scolaires », devient « L’obligation, la gratuité et l’accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires ».

Ainsi, au détour d’un projet de loi ne visant, officiellement, qu’à régler un problème ponctuel, l’accueil des enfants les jours de grève des enseignants, le Gouvernement attribue au service public d’éducation une nouvelle mission, l’« accueil » des élèves du premier degré des écoles publiques, sans en préciser les contours, sauf pour ce qui concerne les jours de grève.

On connaît les difficultés que rencontre le Gouvernement pour remplacer les enseignants et assurer la continuité du service public d’enseignement. Mais lui seul peut en être tenu pour responsable de ces difficultés ! La politique de suppression massive de postes menée depuis 2002 dans l’éducation nationale rend de plus en plus difficile le maintien de ce service public : plus de 30 000 postes ont été supprimés en six ans, et on nous annonce pour 2009 plus de 16 000 nouvelles suppressions de postes dans l’enseignement scolaire !

Dans ces conditions, nous ne saurions accepter de modifier les missions de l’enseignement primaire et nous opposons à l’ajout d’un chapitre consacré, de façon générale, à l’accueil des enfants, sans qu’il soit précisé à qui, dans quel cas et avec quels moyens financiers et humains il incombera d’y pourvoir.

M. le président. L'amendement no 19, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé proposé par le I de cet article pour le titre III du livre Ier du code de l'éducation :

L'obligation scolaire et la gratuité

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En présentant cet amendement, nous marquons notre volonté de refuser de mettre sur le même plan le service d’accueil et les principes qui fondent notre service public, ses objectifs premiers que sont à la fois l’obligation scolaire et la gratuité de l’enseignement public.

Même si vous souhaitez créer le service d’accueil dont il est question dans ce projet de loi, nous vous demandons, mes chers collègues, de ne pas modifier pour autant l’intitulé du titre III du livre Ier du code de l’éducation.

Le livre Ier de ce code définit les principes généraux de l’éducation. Nous considérons que l’on ne peut pas y assimiler l’accueil scolaire, sauf à vouloir transformer les bases même de notre système éducatif. Certes, le rapport de notre collègue Philippe Richert ouvre la porte à cette transformation des missions puisque l’accueil y est considéré comme le premier de ces principes. C’est ce que nous réfutons.

En effet, si l’accueil devenait l’élément premier, a minima, pourrait-on dire, de notre système public d’éducation, les priorités de celui-ci se trouveraient inversées : les pouvoirs publics devraient satisfaire d’abord et avant tout à cette exigence d’accueil, avant même de répondre à la nécessité de dégager les moyens nécessaires à la mise en place des missions d’éducation.

En cette période de révision générale des politiques publiques, de diminution drastique des dépenses publiques et d’affirmation de la volonté de réduire notablement les effectifs de l’éducation nationale, une telle modification ouvrirait la porte à la mise en place d’un nouveau corps d’animateurs de garderie, sans doute de droit privé et totalement précarisé, en lieu et place des services de remplacement des enseignants de nos écoles maternelles et élémentaires. Une telle dérive serait dangereuse pour l’avenir de notre pays.

Nous refusons une telle perspective, qui abaisserait nos ambitions éducatives, et nous espérons, mes chers collègues, que nombre d’entre vous sont, comme nous, trop attachés à notre système d’éducation pour en transformer les principes essentiels, qui font partie de notre pacte social et républicain.

Aussi, nous vous demandons de voter cet amendement. Nous sommes persuadés que, si vous tenez à mettre en place ce type de service d’accueil, il est d’autres endroits du code de l’éducation pour l’inscrire.

M. le président. L'amendement no 20, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le II de cet article.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec le précédent amendement. Il est donc défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Vous ne serez évidemment pas surpris, mes chers collègues, que la commission soit défavorable à ces trois amendements de suppression totale ou partielle.

J’estime en mon âme et conscience qu’il est important, parce qu’absolument nécessaire, de pouvoir accueillir les enfants pendant des grèves. Cela ne signifie évidemment pas que je considère cet accueil comme prioritaire par rapport à la mission d’éducation ! Le rôle premier de l’école, bien entendu, est de transmettre les connaissances, le savoir-faire et le « savoir-être » : c’est l’éducation. Pour autant, nous ne pouvons pas nous voiler la face et faire semblant d’ignorer les difficultés réelles auxquelles peuvent se heurter les familles.

C’est la raison pour laquelle je pense que ce projet de loi est bienvenu : il faut organiser le droit d’accueil pour les élèves en période de grève, seul moment dont nous nous occupons ici.

Ce n’est qu’avec les articles suivants que nous déciderons comment l’organiser. Or vous le refusez dès à présent sous prétexte que vouloir l’instaurer signifierait vouloir lui donner la priorité sur le besoin d’éducation. Mais non !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pourquoi l’inscrire dans l’intitulé du titre III ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Nous estimons que ce n’est pas prioritaire, mais nous estimons également qu’il est nécessaire que les élèves soient accueillis en cas de grève, parce que cela correspond à un vrai besoin des familles. Le nier serait, je crois, aller contre la réalité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Je partage, bien sûr, l’avis du rapporteur. Le Gouvernement ne saurait être favorable à des amendements dont l’objet principal est de supprimer un des éléments essentiels du projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l'amendement no 38.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je tiens à préciser que nos amendements visent seulement à ce que le vocable « accueil » ne soit pas inscrit dans l’intitulé du titre III, de façon qu’il ne soit pas mis sur le même plan que les principes qui guident notre service public de l’éducation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-1. – Tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique est accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour y suivre les enseignements prévus par les programmes. Lorsque ces enseignements ne peuvent pas être dispensés, il bénéficie d'un service d'accueil. »

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement no 21 est présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement no 39 est présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement no 21.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Depuis des mois, les déclarations présidentielles et vos diverses interventions, monsieur le ministre, tendent à faire croire à l’opinion que vous avez la volonté de répondre aux problèmes que les parents rencontrent lors des mouvements de grève des enseignants.

Nous ne reviendrons pas sur l’ensemble de l’argumentation que nous avons développée pour contester cet objectif. Connaissant notre désaccord sur ce projet de loi, vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, que nous vous demandions la suppression de son article 2.

Vous me permettrez toutefois une remarque essentielle, qui renforce encore les raisons de cette demande de suppression.

Monsieur le ministre, l’alibi des grèves est au centre de vos déclarations et de l’exposé des motifs du projet de loi. Or l’article 2 n’y fait nullement allusion. Il s’avère donc que votre argument, déjà contestable en lui-même, est un rideau de fumée destiné à cacher une réforme bien plus grave encore.

En effet, l’article précise que le service d’accueil serait mis en place quand l’enseignement ne pourrait être dispensé, c’est-à-dire : pour quelque raison que ce soit. Si nous refusons qu’un système d’accueil soit mis en place lors des mouvements de grève, nous refusons encore plus qu’un tel service soit instauré en lieu et place du remplacement des enseignants absents.

Pour ces raisons, nous proposons la suppression de cet article et, si nous ne sommes pas suivis par le Sénat, nous demanderons que celui-ci se prononce sur l’article par scrutin public.

M. Ivan Renar. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour présenter l'amendement no 39.

M. Yannick Bodin. L’article 2 prévoit que, lorsqu’un enseignement n’est pas dispensé, et quelle que soit la raison de cette carence, les enfants bénéficient d’un service d’accueil.

Si nous comprenons bien, monsieur le ministre, vous avez commencé par attirer l’attention de l’opinion publique sur l’intérêt et la nécessité de répondre aux parents lorsque des enseignants étaient absents pour fait de grève. Mais qu’en est-il des autres absences ? Votre argument concernant les journées de grève ne serait-il pas le cheval de Troie qui permettra de demander systématiquement aux communes de mettre en place un service d’accueil dès qu’un enseignant est absent ? On peut se poser la question pour les congés de maladie, pour les congés de maternité, pour les stages de formation des maîtres, pour les décharges pour obligations syndicales, etc., et pas seulement pour les absences pour grève !

Nous avons besoin d’un éclaircissement sur cette question, car il faut bien avouer que la lecture de l’article 2 nous laisse penser que sont visés tous les cas d’absence, de quelque nature que ce soit. Or il n’est pas précisé à qui, de l’État ou des communes, il revient alors d’organiser et de financer ce service d’accueil.

Il est donc inopportun de prévoir la mise en place d’un tel service d’accueil tant qu’il reste insuffisamment encadré par la loi.

M. le président. L'amendement no 2, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-1 du code de l'éducation, après les mots :

temps scolaire

supprimer le mot :

obligatoire

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, le texte qui nous est présenté par le Gouvernement indique que le service d’accueil est mis en place « pendant le temps scolaire obligatoire ». Certains ont objecté que l’école maternelle n’est pas obligatoire. C’est exact. En revanche, une fois qu’un enfant y est, le temps scolaire devient obligatoire.

Bien que le texte nous paraisse suffisamment clair, il nous paraît utile, pour éviter le risque de mauvaises interprétations, de supprimer le mot « obligatoire » : certains pensaient que nous voulions rendre l’école maternelle obligatoire, ce qui n’est évidemment pas du tout le cas !

Mmes Annie David et Brigitte Gonthier-Maurin. Nous serions pour !

MM. le président. L'amendement no 3, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-1 du code de l'éducation :

Lorsque par suite de l'absence ou de l'empêchement du professeur habituel de l'élève et de l'impossibilité de le remplacer, ces enseignements ne peuvent lui être délivrés, il bénéficie gratuitement d'un service d'accueil.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Nous souhaitons, pour que personne ne s’y trompe, réécrire la seconde phrase du futur article L. 133-1 de façon à bien préciser les conditions dans lesquelles interviennent les communes, à savoir uniquement lorsque, en période de grève – et nous préciserons de nouveau ce point à l’article 4 –, le service d’enseignement n’a pas pu être organisé, et à rappeler clairement que le rôle de l’éducation nationale est d’organiser le service d’éducation.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Oui, bien sûr !

M. le président. L'amendement no 26 rectifié, présenté par MM. Gélard et Alduy, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-1 du code de l'éducation, après le mot :

dispensés

insérer les mots :

pour cause de grève des enseignants

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement no 33 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Arnaud et Zocchetto, Mmes Payet, Dini et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-1 du code de l'éducation, remplacer le mot :

bénéficie

par les mots :

peut bénéficier

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 21 et 39 ?

M. Philippe Richert, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer tout à l’heure pourquoi je ne souhaite pas la suppression de l’article 2, qui pose le principe de la mise en place de ce service d’accueil pour l’école maternelle et l’école élémentaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n  2 ainsi que sur l’amendement n° 3, qui conforte, me semble-t-il, la philosophie du dispositif : le droit d’accueil est consacré en cas d’absence de l’enseignant, quelle qu’en soit la cause, mais il rappelle aussi que le devoir de l’État est de remplacer les enseignants dans toute la mesure possible, hormis le cas où l’enseignant est gréviste.

Par conséquent, nous nous situons bien dans le cadre des missions qui sont celles de l’État, c'est-à-dire remplacer les enseignants, et non pas dans le cadre de la mission que nous souhaitons confier aux communes et qui consiste à accueillir les enfants lorsque l’enseignement est interrompu. Je pense d’ailleurs que ces dispositions sont de nature à rassurer M. Bodin.

En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable aux amendements de suppression de l’article.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 39.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voudrais pas faire de mauvais esprit, monsieur le rapporteur, mais autant vos explications me paraissent claires, autant, loin de clarifier les choses, me semble-t-il, vos amendements les compliquent.

S’agissant de l’amendement n° 2, en quoi la suppression du mot « obligatoire » signifie-t-elle que la maternelle n’est pas concernée ? À partir du moment où l’on vise « le temps scolaire », puisque les élèves admis à l’école maternelle sont dans le temps scolaire, ils devraient bénéficier de ce service.

Quant à l’amendement n° 3, les explications mises à part, je ne vois pas en quoi il clarifie les choses. Il serait beaucoup plus clair d’écrire que cela ne concerne que les cas de grève. C’est très exactement ce que prévoyait l’amendement no 26 rectifié, et je regrette que nos collègues Patrice Gélard et Jean-Paul Alduy n’aient pas été là pour le défendre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l’amendement n° 3.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous tenons à remercier M. Philippe Richert d’avoir déposé, au nom de la commission, cet amendement n° 3 ! En effet, à la lecture de l’article 2 du projet de loi, nous nous interrogions sur sa signification. Pourquoi aucune référence à la grève ne venait-elle justifier ce service d’accueil, alors que l’exposé des motifs était clair ? Était-ce un oubli des rédacteurs ou une mise en réserve pour un développement ultérieur ?

Grâce à l’amendement de la commission, nous comprenons mieux les objectifs du Gouvernement et de sa majorité. L’accueil les jours de grève n’est qu’un alibi pour, d’une part, restreindre le droit de grève d’une partie des enseignants – pour commencer – et, d’autre part, pour tenter de régler le problème du remplacement des enseignants absents pour cause de maladie ou de formation, et cela sans être obligé de recruter et en faisant même des économies en postes et sur le budget.

Sous prétexte que les parents se plaignent quand un enseignant est absent et qu’ils sont contraints de garder leur enfant, ce texte semble régler une partie du problème. Les enfants seront accueillis en toutes circonstances. Qu’importe que cela mette à mal notre système éducatif et sa qualité.

D’ailleurs, des idéologues bien-pensants…

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ça existe ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … ne proposent-ils pas de supprimer l’école maternelle sous sa forme éducative ? Nous sommes, ne l’oublions pas, les seuls en Europe à posséder une telle structure éducative.

Alors, remplacer un enseignant par un animateur quelques jours par an, cela ne devrait pas poser de problème ! C’est le pragmatisme ambiant… Et si, de surcroît, cette dérive permettait de reposer la question de l’utilité de la maternelle, ce serait une très bonne chose.

C’est la même problématique pour les classes élémentaires : réduire les coûts, tel est le seul objectif. Plus la peine de prévoir cette cohorte d’enseignants remplaçants : des animateurs précaires ou à la retraite devraient suffire !

Mais personne ne soulève la question de la qualité de notre enseignement et des risques pour les enfants les plus en difficulté, et pour les plus dissipés.

L’école ne sera plus le lieu de l’instruction et de l’éducation, ce sera aussi un terrain de jeux et d’aventure, y compris, parfois, quand les copains travaillent.

Ce non-remplacement des maîtres risque d’être désastreux pour l’avenir scolaire de nombreux enfants. Les programmes ne seront pas achevés, les retards s’accumuleront.

Nous ne pouvons accepter qu’au nom de la réduction des dépenses on fasse ainsi des économies sur le dos de notre jeunesse. L’école est un investissement d’avenir pour toute notre population, quelle que soit son origine. Restreindre ses moyens, c’est faire peser un grand risque sur l’avenir des populations les plus fragiles. C’est rompre, ainsi, notre pacte social et républicain.

Pour toutes ces raisons, nous refusons l’amendement de la commission et nous confirmons notre demande de scrutin public sur l’article 2.

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. Il s’agit en fait surtout pour moi, monsieur le président, de demander des explications.

Quand un professeur est absent pour fait de grève, comme nous l’a indiqué M. le ministre tout à l’heure, il y a effectivement rupture du service public d’enseignement. Dès lors, un service d’accueil est mis en place, même si c’est dans des conditions qui ne nous satisfont pas.

Lorsqu’un professeur est absent pour cause de maladie, il s’agit bien d’une rupture du service public d’enseignement et on le remplace par un service d’accueil.

M. Xavier Darcos, ministre. On le remplace par un professeur remplaçant !

M. Yannick Bodin. Il est dit dans l’amendement n° 3 : « Lorsque par suite de l’absence ou de l’empêchement du professeur habituel de l’élève et de l’impossibilité de le remplacer, ces enseignements ne peuvent lui être délivrés, il bénéficie gratuitement d’un service d’accueil. »

Il n’est pas dit que, lorsqu’un professeur est absent pour raison de maladie, l’élève bénéficie gratuitement d’un « service d’enseignement » ! Il n’est pas dit qu’il y a « poursuite du service public d’enseignement » lorsque le professeur est absent pour raison de maladie !

Mme Annie David. Absolument !

M. Yannick Bodin. Quel que soit le motif, en cas de grève comme en cas de maladie, dans les deux cas, c’est l’accueil !

M. Xavier Darcos, ministre. Non !

M. Yannick Bodin. Si je n’ai pas compris, monsieur le ministre, expliquez-moi !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Les choses sont très claires : lorsqu’un professeur est malade ou absent, il est remplacé.

M. Pierre-Yves Collombat. Et si l’on ne peut pas le remplacer ?

M. Xavier Darcos, ministre. Supposons que nous ne sachions que très tardivement qu’un enseignant absent ne pourra pas être remplacé et que, pour une raison inexplicable, et peu probable, cette absence dure. Que fait-on ? Laisse-t-on les enfants à la rue ? Non, ils sont accueillis dans les classes.

S’il ne s’agit que d’un seul professeur, c’est la règle générale qui s’applique, c’est-à-dire que les élèves sont répartis entre les différentes classes et il n’y a pas de problème. Mais s’il s’agit d’un nombre important de professeurs, 10 % ou 20 %, selon un seuil que nous fixerons, nous organiserons cet accueil.

Ne parlons pas des cas extrêmes, rarissimes et finalement peu probables que nous avons évoqués par stricte honnêteté intellectuelle, une grippe, par exemple.

M. Yannick Bodin. Cela arrive tous les hivers !

M. Xavier Darcos, ministre. Le principe est de ne pas laisser les élèves à la rue au cas où le remplaçant qui viendrait pour enseigner, car il s’agit bien d’un remplaçant pour assurer la continuité du service d’enseignement et du service de garde, n’aurait pas pu rejoindre son poste. C’est plutôt une précision en faveur des usagers que nous avons voulu introduire ici. (M. Dominique Mortemousque applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 117 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l’adoption 202
Contre 125

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Article 2 (début)
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Discussion générale

4

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

déremboursement des médicaments

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Madame la ministre, le général de Gaulle (Ah ! sur les travées de lUMP),…

M. Robert Bret. S’il reste des gaullistes, c’est ici !

M. Guy Fischer. …Ambroise Croizat et Pierre Laroque doivent se retourner dans leur tombe !

Le directeur de l’assurance maladie préconise une remise en cause sans précédent du principe de solidarité nationale ! Pour la première fois, il est envisagé de supprimer la prise en charge intégrale des affections de longue durée, les ALD, qui concernent surtout les personnes âgées et les malades gravement atteints ; je pense, par exemple, à la maladie d’Alzheimer, à certains diabètes, ou encore au sida

Ce plan effarant sonne comme une véritable insulte aux fondements de l’assurance maladie. Cette proposition, qui répond en fait à une commande gouvernementale, est sans surprise. Elle s’inscrit dans le processus de privatisation de la protection sociale que votre gouvernement a entamé depuis un an. J’en veux pour preuve les vagues de déremboursement qui ont déferlé depuis 2004, l’instauration, en 2008, des franchises médicales – véritable impôt sur la maladie – et les attaques de plus en plus violentes contre l’hôpital public.

Pour votre gouvernement, la solidarité nationale a vécu ! Place aux assurances privées !

Madame la ministre, nos concitoyens peinent de plus en plus pour boucler leurs fins de mois, et 30 % d’entre eux renoncent aux soins les plus coûteux. Une fois de plus, ce sont les retraités et les salariés, victimes de ressources écrasées, qui paieront l’addition !

Pourtant, des solutions de financement existent pour assurer la pérennité de notre système de santé, qu’il s’agisse de la taxation des revenus spéculatifs et boursiers, des stock-options, ou encore des bénéfices des grands groupes pharmaceutiques.

Ma question est donc simple : entendez-vous, madame la ministre, poursuivre la privatisation de l’assurance maladie que Nicolas Sarkozy accélère depuis son élection à la présidence de la République ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire en un laps de temps aussi court, deux minutes et demie, autant de contrevérités ! (Mme Janine Rozier applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Premièrement, nous sommes attachés, au nom du pacte de 1945, au principe de solidarité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les malades qui paieront pour les malades !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n’est pas question, pour nous, de revenir sur la prise en charge à 100 % des malades atteints d’affections de longue durée, tant pour les traitements qui sont le cœur de cible de la maladie que pour les produits indûment appelés « produits de confort », car ils constituent un accompagnement absolument indispensable pour traiter les effets indésirables liés à des traitements particulièrement lourds.

Deuxièmement, nous sommes attachés au principe d’équité. Il n’est évidemment pas normal, comme l’a fait apparaître la dernière réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, de constater que les comptes de l’assurance maladie vont de nouveau connaître, en 2008, un dérapage, un déficit de 4,1 milliards d’euros, car cela revient à faire payer nos dépenses de santé à nos enfants et à nos petits-enfants.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous devons donc respecter le principe d’équité et le principe de solidarité, un principe irréfragable aux yeux de la ministre de la santé que je suis.

La Caisse nationale d’assurance maladie nous a proposé un certain nombre de pistes,…

M. Robert Hue. Très suggérées !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. …que nous allons bien entendu examiner. Mais celles-ci n’obéissent pas, monsieur Fischer, à une commande du Gouvernement ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Voyons, madame la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce processus protocolisé est rendu obligatoire par la loi.

M. Robert Bret. Que de contrevérités !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Après chaque réunion de la commission des comptes, la Caisse nationale d’assurance maladie doit émettre des préconisations au Gouvernement. Celles-ci seront évaluées et concertées,…

M. Robert Hue. Personne ne vous croit !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. …et, au milieu du mois de juillet prochain,…

M. Robert Hue. Et pourquoi pas maintenant ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. …j’indiquerai lesquelles seront retenues.

M. Guy Fischer. Pendant l’été !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Fischer, 90 % des dépenses d’assurance maladie sont prises en charge par la solidarité nationale.

M. Robert Hue. Ce n’est pas grâce à vous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce qui existait déjà avant !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. De plus, le taux d’avancement des dépenses d’assurance maladie que nous avons fixé cette année à 3,2 % correspond pratiquement au double de la progression de la richesse nationale.

Notre système de soins est empreint de solidarité et d’équité ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Je ne pouvais vous laisser dire autant de contrevérités, monsieur Fischer ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

tour de france

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

Nous sommes à dix jours du départ du Tour de France ! (Ah ! sur les travées de lUMP.) Cet événement a nourri bien des rêves de notre enfance, et les seules évocations des noms de champions tels que Bobet, Anquetil, Poulidor, Merckx, Hinault, Fignon, ou encore Indurain, mais aussi de lieux mythiques, comme le Tourmalet, le Galibier, le mont Ventoux, le Puy-de-Dôme, l’Alpe-d’Huez, par exemple, sont entourées d’un double parfum de légende et d’épopée.

Cette épreuve est aussi une grande fête populaire à laquelle les Français, comme une large majorité de la représentation nationale, sont attachés. Toutefois, cette manifestation est soumise à de vives tensions qui opposent les organisateurs de la Grande Boucle et la Fédération française de cyclisme, la FFC, à l’Union cycliste internationale, l’UCI.

Souhaitant avoir un droit de regard sur les participants afin d’éviter les regrettables incidents de 2007 et d’échapper aux desseins manifestement hostiles de l’UCI, les organisateurs, face à l’intransigeance de la Fédération internationale, ont été contraints de placer le Tour de France sous l’égide de la Fédération française de cyclisme.

La FFC, conformément au droit français, a accédé à cette demande, comme cela avait été le cas pour la course Paris-Nice.

La Fédération internationale s’est alors retournée contre la Fédération française. Après avoir porté plainte contre son président, M. Pitallier, dont l’attitude a pourtant été exemplaire, l’UCI a suspendu la FFC, avec les conséquences négatives et funestes qui en découlent : les dirigeants français ont été écartés des commissions, des comités ainsi que des congrès, et la France a été interdite de postuler à l’organisation des championnats du monde, toutes disciplines cyclistes confondues.

Il en résulte que la voix de la France ne peut plus s’exprimer dans l’organisation d’un sport majeur auquel elle a tant contribué et auquel elle a beaucoup apporté.

Monsieur le secrétaire d'État, que comptez-vous faire pour défendre la Fédération française de cyclisme contre une fédération internationale qui use et abuse de sa position dominante ? Que comptez-vous faire pour préserver le cyclisme français et le Tour de France contre une fédération internationale qui, par des manœuvres dilatoires, semble vouloir nuire gravement à ce monument du patrimoine sportif et populaire français qu’est le Tour de France ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et de lUMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner que le Tour de France fait partie intégrante de notre patrimoine sportif. Il est le troisième événement sportif mondial derrière les jeux Olympiques et la Coupe du monde de football et a été, qui plus est, inventé par un Français, tout comme les deux autres manifestations.

Il existe un conflit réel entre l’UCI, l’Union cycliste internationale, et la FFC, la Fédération française de cyclisme. L’UCI veut, comme en Formule 1, organiser les dix-huit Grands tours, dont le Tour de France, déterminer toutes les équipes participantes et, surtout, maîtriser l’aspect commercial.

M. Robert Hue. Vous parlez en expert !

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État. Or la FFC et, surtout, ASO, Amaury Sport Organisation, l’organisateur du Tour de France, ne veulent pas se voir imposer les équipes participantes et souhaitent, au contraire, inviter celles qui leur conviennent. L’équipe Astana a, comme vous le savez, monsieur le sénateur, posé des problèmes durant deux Tours de France. ASO n’a donc pas voulu l’engager, bien que l’UCI le lui imposait.

Le Gouvernement va défendre le président de la FFC, M. Jean Pitallier, qui n’a fait qu’appliquer la loi. Lors de nos nombreuses conversations téléphoniques, je l’ai d’ailleurs félicité pour avoir eu le courage de prendre cette décision.

Monsieur le sénateur, c’est au Parlement qu’il revient de voter les lois. Or, en vertu de la loi, un organisateur qui décide de mettre en place une manifestation sportive doit s’en référer à la fédération nationale, laquelle juge de son sérieux et de sa compétence pour donner son autorisation. C’est tout simplement ce qu’ont fait ASO et le président de la FFC. Ils n’ont fait qu’appliquer la loi.

Par ailleurs, après le Tour de France, nous renouerons les contacts avec l’UCI, parce que l’intérêt général du cyclisme veut que la fédération internationale et la fédération française se parlent. Mais surtout, nous voulons un grand Tour de France 2008.

L’AMA, l’Agence mondiale antidopage, dont j’ai reçu hier au ministère le nouveau président, M. Fahey, et l’AFLD, l’Agence française de lutte contre le dopage, œuvrent pour contrôler un maximum de coureurs. Elles travailleront beaucoup durant la compétition. Nous espérons tous que le Tour de France sera, cette année, propre et sain, comme nous le souhaitons.

En conclusion, j’espère que, lorsque vous en aurez l’occasion, vous affirmerez que le président de la Fédération française de cyclisme n’a fait qu’appliquer la loi ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et du RDSE.)

maintien du commerce de proximité

M. le président. La parole est à M. Joël Billard. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

M. Joël Billard. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Madame le ministre, le projet de loi de modernisation de l’économie, que le Sénat va examiner la semaine prochaine, inquiète fortement les petits commerçants et les artisans.

Certes, ce texte comporte des avancées dans un grand nombre de domaines, mais une attention toute particulière devra être portée aux dispositions relatives aux artisans et aux commerçants.

En tant qu’élu local, je sais l’importance de préserver les petits commerces de proximité, qui constituent autant de liens sociaux, de lieux de vie et de convivialité pour un quartier ou un village, et apportent des services de proximité aux personnes âgées, par exemple, qui peuvent difficilement se déplacer pour aller dans un grand supermarché situé à plusieurs kilomètres de leur domicile.

Ainsi, la mise en place d’un statut d’auto-entrepreneur et le volet « urbanisme commercial », qui prévoit notamment le relèvement de 300 mètres carrés à 1 000 mètres carrés du seuil déclenchant la procédure administrative d’autorisation pour l’installation de surfaces commerciales, doivent faire l’objet d’un examen attentif et être assortis de garanties pour nos plus petits commerces.

Madame le ministre, quelques jours après les déclarations du Premier ministre du 6 juin dernier sur le commerce de proximité, M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a présenté un « plan d’actions pour le développement du commerce de proximité ».

À la veille de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie par la Haute Assemblée, pouvez-vous nous rassurer, madame le ministre, et nous indiquer les mesures que vous comptez prendre pour préserver l’artisanat et le petit commerce dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, je voudrais bien sûr vous rassurer, mais surtout vous enthousiasmer (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...

M. Robert Bret. Ce sera difficile !

Mme Nicole Bricq. Ce sera même très dur !

M. Robert Bret. Mais vous pouvez toujours essayer !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je ne manquerai pas de le faire !

Dès le 30 juin, nous commencerons l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie. J’espère que nos débats seront fructueux. Je compte sur la Haute Assemblée pour, bien sûr, enrichir le texte (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit) et lui donner toute la portée que nous souhaitons qu’il ait.

Nous voulons d’abord favoriser le développement de notre économie et renforcer la concurrence. Vous avez mentionné un certain nombre des mesures dont nous discuterons, et vous avez particulièrement insisté sur la situation du petit commerce, notamment dans le centre des villes, aussi bien les grandes que les moyennes et les petites.

Je vous rappelle à cet égard que développement de l’activité économique et augmentation du jeu de la concurrence ne sont pas antinomiques. Il ne faut donc pas les concevoir avec un esprit d’affrontement, d’autant qu’il y a place pour tous les commerces et que nous sommes, comme nombre de nos compatriotes, attachés au maintien du commerce de proximité.

Mon secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, M. Hervé Novelli, a d’ailleurs lancé un véritable plan d’actions qu’il a qualifié de « Commerce, cœur de vie », destiné à soutenir le petit commerce.

Ce plan s’oriente autour de trois principes conducteurs.

Le premier, c’est un travail de concertation pour développer des stratégies relatives au commerce de proximité avec la création du Conseil d’orientation du commerce de proximité, la mise en place d’outils statistiques d’observation et d’analyse du commerce de proximité, la publication d’un rapport annuel, l’établissement d’un guide Commerce, cœur de vie et l’incitation à l’établissement de véritables stratégies locales.

Chacun de ces cinq projets est lui-même conçu en concertation étroite avec les élus que vous êtes et les autorités consulaires, c'est-à-dire les chambres de commerce et d’industrie, et les chambres des métiers, qui, elles aussi, sont parties prenantes dans le processus. Voilà pour le premier principe.

Le deuxième principe consiste à réformer les outils d’intervention. Il s’agit, en l’état actuel de nos prévisions, de l’augmentation de plus de 20 % des fonds du FISAC dans la loi de finances pour 2009 et de la modification des critères d’attribution, afin que ces fonds soient plus facilement accessibles dans les opérations de maintien des commerces au cœur de nos villes.

Par ailleurs, un certain nombre d’actions seront entreprises pour revitaliser les zones urbaines en difficulté, les zones franches urbaines, ce qui contribuera aussi à augmenter la place des commerces de proximité.

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je termine, monsieur le président, avec le troisième principe, qui consiste à réaffirmer la priorité du Gouvernement. Pour ce faire, nous lancerons une campagne de communication...

Plusieurs sénateurs socialistes. Encore !

Mme Christine Lagarde, ministre. …destinée à redonner aux commerces de cœur de ville toute l’importance qui leur est due, et ce bien sûr à des conditions financières parfaitement raisonnable. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Charles Gautier. Vive la pub !

carte scolaire

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, votre politique est un échec (Non ! sur les travées de lUMP)

M. Josselin de Rohan. C’est faux !

M. Yannick Bodin. …par la modification de la carte scolaire et la suppression des heures de cours le samedi matin dans l’enseignement primaire.

Un rapport de deux inspecteurs généraux, que vous aviez gardé secret, vient de paraître dans la presse. On y apprend que le « libre choix » des parents d’envoyer leur enfant dans l’établissement qu’ils souhaitent profite surtout aux familles favorisées, et bien informées. Faire croire à tous les parents qu’ils peuvent choisir l’établissement de leur enfant est un leurre.

M. Jean-Luc Mélenchon. Ah ! enfin, c’est dit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah ça, c’est vrai !

M. Yannick Bodin. Les boursiers, vous les aviez déclarés prioritaires. Les demandes ont été généralement faibles et souvent mal traitées. Selon le rapport, ils servent en fait à boucher les trous dans les lycées les plus demandés. Les établissements situés en centre-ville ne peuvent satisfaire toutes les demandes et sont surchargés. Les élèves refusés sont renvoyés dans leur établissement d’origine, lequel périclite en périphérie !

Les établissements sont mis en concurrence, y compris avec l’enseignement privé. Votre méthode d’assouplissement de la carte scolaire renforce la ghettoïsation des établissements dans les quartiers les plus défavorisés, avec le risque d’un regroupement communautaire et d’une stigmatisation accrue des élèves, dont les parents sont souvent issus de l’immigration.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est tout à fait ça !

M. Yannick Bodin. Dans les collèges de nos quartiers en difficulté, la mixité est en baisse.

Votre mesure accentue les inégalités territoriales et sociales, au lieu de les réduire. Les collectivités territoriales sont mises devant le fait accompli. Les transports scolaires sont désorganisés.

Une autre mesure est en train de semer la pagaille : la suppression des heures du samedi matin dans l’enseignement élémentaire.

M. Yannick Bodin. C’est le grand chambardement !

M. Paul Raoult. Effectivement !

M. Yannick Bodin. Les transports scolaires, les heures de gymnase et de piscine, la restauration, les emplois du temps des professeurs, les heures de soutien midi ou soir, la troisième heure de sport, la fin prévisible des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, les activités postscolaires et périscolaires : c’est la désagrégation de l’organisation de l’école,…

M. Josselin de Rohan. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Guy Fischer. Pourtant il a raison !

M. Yannick Bodin. …pour les enseignants, les parents, les communes, et les enfants.

M. Paul Raoult. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est très grave ! Il faut du temps pour apprendre.

M. Yannick Bodin. Il s’agit d’une mesure inapplicable, qui est vouée à l’échec et qui disparaîtra à terme.

M. le président. Posez votre question, monsieur Bodin !

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut prendre du temps pour expliquer, car il s’agit d’un problème très grave, monsieur le président !

M. Yannick Bodin. Bref, deux heures d’enseignement en moins par semaine pour tous les élèves !

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire de la carte scolaire et pour éviter la pagaille dans le primaire, afin d’offrir enfin à tous les élèves de France une réelle égalité des chances à l’école ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, je sais bien qu’il vaut mieux être homme à paradoxes et à préjugés, mais quand même !

Il est en effet paradoxal de dire que le fait d’offrir une nouvelle liberté aux familles de manière transparente (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...

M. David Assouline. Transparente ? Évitez ce genre d’argument !

M. Guy Fischer. Une liberté pour les riches !

M. Xavier Darcos, ministre. …crée une injustice plus grande que lorsque cette liberté n’existait que pour ceux qui, dans l’opacité et grâce à leurs relations personnelles, pouvaient échapper à la carte scolaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Xavier Darcos, ministre. Il est également paradoxal de dire que nous créons des ghettos quand, précisément, nous autorisons les familles à les quitter !

Mme Raymonde Le Texier. Ce n’est nullement paradoxal !

M. Xavier Darcos, ministre. Un ghetto qui s’ouvre est-il toujours un ghetto ? Le ghetto n’est-il pas plus grand lorsqu’on est replié sur soi et assigné à résidence dans son quartier ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Raymonde Le Texier. Ce n’est pas vrai, monsieur le ministre, il n’y a que les familles favorisées qui en sortent ; lisez le rapport !

M. Xavier Darcos, ministre. Il est encore paradoxal, monsieur Bodin, de nous dire que le système est injuste dès lors que les Français l’approuvent et qu’ils s’en servent !

Il est aussi paradoxal de dire que nous faisons perdre des moyens aux établissements qui perdent des élèves ! Comment cela se passait-il avant ? Les établissements perdaient aussi des élèves, bien évidemment, en raison du détournement de la carte scolaire qu’un certain nombre de personnes pouvait obtenir !

M. David Assouline. Comment empêcher cela ?

M. Xavier Darcos, ministre. Dans ce cas-là, à la rentrée, l’établissement perdait des moyens par soustraction d’élèves qu’il n’avait plus !

M. Paul Raoult. Ce n’est pas très convaincant !

M. Xavier Darcos, ministre. Au contraire, aujourd’hui, nous agissons dans la clarté, dans la transparence, et selon des critères que nous avons choisis.

M. David Assouline. Vous avez accentué le problème !

M. Xavier Darcos, ministre. Des familles demandent en effet une nouvelle liberté, mais nous maintenons strictement les moyens aux établissements qui perdent des élèves et nous leur donnons ainsi les moyens de concourir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Efficacité, transparence, justice !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle transparence ?

M. Xavier Darcos, ministre. Vous faites allusion à un rapport que je connais bien, figurez-vous, de deux inspecteurs. Comme par hasard, d'ailleurs, l’un des deux auteurs de ce rapport va publier bientôt un Que sais-je ? sur la question.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On nous prend pour des idiots !

M. Xavier Darcos, ministre. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard si, subitement, cette fuite a été organisée... (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est cela transparence !

M. Robert Bret. Eh oui, c’est la transparence !

M. Paul Raoult. C’est incroyable la transparence !

M. Xavier Darcos, ministre. Ce rapport portait sur la situation au 1er octobre. Comment peut-on décrire la situation de l’évolution de la carte scolaire alors qu’on analyse dans un instantané au 1er octobre une décision prise quelques semaines avant ? Donnons-nous un peu de temps pour voir comment les choses se passent.

M. David Assouline. C’est incroyable !

M. Xavier Darcos, ministre. Nous avons pris toutes les précautions et nous avons choisi des critères.

M. Jean-Pierre Sueur. La suppression des deux heures ?

M. Xavier Darcos, ministre. Toutes les familles pourront demander une dérogation. Lorsque ces dérogations seront trop nombreuses dans un établissement, les seuls critères seront sociaux. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Et la suppression des deux heures !

M. Xavier Darcos, ministre. Est-on boursier ? Est-on boursier au mérite ? Est-on handicapé ? Est-on dans une fratrie ?

Bref, il y a, me semble-t-il, de la transparence et de la justice, infiniment plus qu’avant.

Mme Raymonde Le Texier. Pour ceux qui sont pistonnés ! C’est horrible d’entendre cela !

M. David Assouline. Ce n’est pas la vérité !

M. Jean-Pierre Sueur. Et les deux heures en moins d’enseignement !

M. Xavier Darcos, ministre. Puis-je dire un mot aussi du samedi matin, puisque vous êtes si soucieux à ce sujet ?

Je vous rappelle qu’avant même que ne soit prise la décision de supprimer les cours du samedi matin, 27 % des classes de France ne travaillaient déjà plus ! Or je n’ai pas observé qu’un élève sur quatre soit particulièrement traumatisé par le fait de retrouver sa famille le vendredi soir !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Xavier Darcos, ministre. J’ajoute, enfin, qu’il est un peu étonnant de dire que nous faisons moins à l’école au moment où nous mettons en place l’accompagnement éducatif, le soutien scolaire généralisé,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment ça et avec qui ?

M. Xavier Darcos, ministre. …ce que personne n’avait fait avant. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Adrien Gouteyron. Excellent ! Au moins il sait de quoi il parle !

M. Paul Raoult. Ce n’est pas convaincant !

M. Robert Bret. C’est laborieux !

M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues !

statut des coopératives européennes

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, et à lui seul !

M. Marcel Deneux. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, porte sur le régime fiscal des sociétés coopératives.

Ce régime est en effet aujourd’hui paradoxalement menacé. Je dis « paradoxalement », parce que, à l’heure où les coopératives sont explicitement reconnues par le droit européen, elles pourraient, dans le même temps, être menacées par les institutions communautaires.

Comme vous le savez, les coopératives agricoles françaises font l’objet d’une plainte déposée devant la Commission européenne en 2004 pour « aide d’État illégale ». Les plaignants excipent de la non-conformité du régime fiscal français des coopératives au regard du droit communautaire.

Qu’en est-il exactement ? La possibilité de procéder à des aménagements fiscaux au profit de tel ou tel type de société est expressément affirmée par la Commission, à condition, dit-elle, que ces aménagements soient justifiés par des contraintes juridiques inhérentes à la qualité de coopérative, à la poursuite d’objectifs communautaires déterminés, et qu’ils soient proportionnés.

Dans sa communication de mars 2004, la Commission a donc affirmé que les coopératives remplissaient les deux premières conditions.

Reste la question de la proportionnalité, à propos de laquelle la France a toujours considéré que le régime fiscal des coopératives était une juste contrepartie de contraintes pesant sur ce type de sociétés.

Une décision de la Commission en sens contraire pourrait être totalement dommageable à tous les secteurs de la coopération auxquels nous tenons, étant donné leur rôle dans l’économie.

Voici l’état du dossier : une plainte déposée en 2004, une réponse attendue du gouvernement français. Selon la réponse de Mme le garde des sceaux, « le Gouvernement mettra tout en œuvre pour maintenir les spécificités du régime coopératif français ».

Dès lors, madame la ministre, ma question est très simple : que comptez-vous faire concrètement pour faciliter l’existence des coopératives par le maintien des spécificités de leur régime fiscal ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement décrit le problème. Effectivement, la Commission a été saisie d’une plainte en 2004 sur le fondement du caractère d’aide d’État qu’aurait le régime fiscal particulier attribué aux sociétés coopératives.

Vous l’avez souligné vous-même, le Gouvernement français est très favorable au régime des coopératives, tout simplement parce que ce régime de coopération entre les membres de la coopérative nous paraît tout à fait nécessaire dans ces périodes de tension sur les prix des produits agricoles. Dans ce contexte-là, l’outil fiscal qui leur est favorable doit donc être maintenu.

Comment pouvons-nous le démontrer en l’état de la plainte qui est actuellement à l’instruction ? Nous nous défendons en fournissant un certain nombre d’arguments. Nous avons notamment démontré en 2006 la proportionnalité entre ce régime fiscal dérogatoire et les contraintes particulières auxquelles sont soumises les coopératives agricoles.

Il s’agit, par exemple, du fait qu’elles n’ont pas accès aux marchés financiers et qu’elles ne peuvent pas se partager leurs réserves. Voilà deux contraintes financières majeures qui justifient parfaitement, à nos yeux, qu’un régime fiscal dérogatoire leur soit appliqué.

Nous avons un espoir depuis 2006, puisque la Commission avait refusé la qualification d’aide d’État dans une circonstance qui concernait des coopératives espagnoles. Malheureusement, le tribunal de première instance a rendu une décision défavorable.

Il nous appartient donc maintenant de véritablement alimenter le dossier pour permettre la motivation de cette proportionnalité entre, d’un côté, le désavantage financier qu’elles subissent et, de l’autre, le caractère fiscal dérogatoire avantageux qui résulte notamment d’une exonération d’impôt sur les sociétés pour les transactions qu’elles ont avec leurs membres, étant précisé qu’elles sont soumises à l’impôt sur les sociétés pour les transactions qu’elles font avec des non-membres.

Voilà, monsieur le sénateur, l’esprit dans lequel nous défendons ardemment ce dossier et souhaitons alimenter le caractère de motivation de ce déséquilibre. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

classement Natura 2000 des zones entourant les ports

M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des transports. Elle a trait aux études qui sont conduites actuellement sur la mise en place de zones de protection spéciale et à la conjugaison avec le développement de notre politique portuaire.

Le Sénat a adopté, le 21 mai dernier, le projet de loi portant réforme portuaire, présenté par M. Dominique Bussereau ici présent et qui va me répondre. (Bravo ! sur les travées de lUMP.) Ce même projet a fait l’objet d’un vote conforme à l’Assemblée nationale ce mardi 24 juin.

M. Charles Revet. C’était l’une des priorités voulue par M. le Président de la République et par M. le Premier ministre, afin de redonner à nos grands ports maritimes une meilleure compétitivité et de leur permettre de retrouver un développement similaire à celui que connaissent nos concurrents du nord et du sud de l’Europe.

Bien entendu, pour nous donner les meilleures chances de réussite et par-delà les dispositions qui ont été votées par le Parlement, il faudra compléter les investissements déjà engagés – je pense notamment à Port 2000 et à FOS 2XL – et, surtout, améliorer rapidement, en amont et en aval, les dessertes tant fluviales et ferroviaires que routières.

Cela étant, une autre problématique vient se greffer sur cet ensemble et risque, si l’on n’y prend garde, de remettre en cause, au moins partiellement, tous ces projets de développement. Je veux parler des dispositifs de classement des espaces, qui sont actuellement en cours d’élaboration. Des réunions récentes que nous avons eues en Seine-Maritime, il ressort que pourrait être classée en zone Natura 2000 une très grande partie du littoral côtier, allant de la baie du Mont-Saint-Michel à Dunkerque, en passant par Granville, ville au sujet de laquelle Jean Bizet, je le sais, partage ma préoccupation. Voici une carte, qui illustre d’ailleurs bien la situation. (M. Charles Revet brandit une carte.)

Des études et des demandes de classement sont faites de la même manière en Vallée de Seine. C’est bien sûr dans ce secteur géographique, de part et d’autre de la Seine entre Le Havre et Rouen, que des projets d’aménagement pourraient se trouver remis en cause.

Personne ne conteste la nécessité de protéger certaines zones compte tenu de la richesse de leur faune et de leur flore, mais chacun, me semble-t-il, est favorable à ce qu’une telle démarche se fasse en harmonie avec les projets d’aménagement des zones d’activités, en particulier dans le domaine portuaire.

Ces réflexions, monsieur le secrétaire d’État, m’amènent à vous poser deux questions essentielles.

D’une part, un projet d’aménagement global identifiant les espaces à protéger et les espaces susceptibles d’accueillir des zones d’activités économiques est-il prévu ?

D’autre part, envisagez-vous de donner à vos services, dans un esprit de cohérence et de bon sens, des instructions pour que ne puisse être décidé, sur quelque site que ce soit, un classement définitif qu’à partir du moment où ce projet global aura été établi ? (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Tout d’abord, monsieur Revet, je souhaite vous remercier du travail que vous avez mené au nom du Sénat en tant que rapporteur de la commission des affaires économiques sur le projet de loi portant réforme portuaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

Le Sénat a adopté un certain nombre d’amendements que l’Assemblée nationale, dans sa sagesse, a conservés. Il convient de le souligner, l’un de ces amendements a même été voté à l’unanimité ici même, ce qui était important.

Le Président de la République tient beaucoup à ce que nos ports – Mme Lagarde s’est exprimée récemment sur ce point en conseil des ministres – soient l’un des éléments de la compétitivité de notre économie. Cela suppose une relance des investissements, une politique de transfert modal – reports vers le ferroviaire et le fluvial –, une meilleure gouvernance et une unité de commandement dans les ports entre les entreprises des portiques et les dockers.

Tel est donc l’esprit de la réforme, qui a été adoptée en termes conformes par l’Assemblée nationale à l’issue d’un vote solennel. Je reçois cet après-midi l’ensemble des organisations du monde maritime et nous allons poursuivre la négociation pour la mise en œuvre de ce texte, comme vous l’aviez souhaité, monsieur le sénateur.

Sur la prise en considération des aspects environnementaux, nous avons prévu une représentation des associations environnementales dans les conseils de développement. La Haute Assemblée a également adopté une disposition, maintenue par l’Assemblée nationale, visant à tenir compte des sensibilités environnementales dans la définition des projets, ce qui signifie que les zones spéciales auxquelles vous faisiez allusion, qu’il s’agisse de zones Natura 2000 pour les estuaires, les fleuves ou les bords de mer ou d’aires maritimes protégées, comme celle que Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-Louis Borloo ont annoncée pour une partie de l’estuaire de la Gironde, sont naturellement compatibles avec le développement portuaire.

Quand nous établirons, dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, les projets stratégiques, à savoir le projet du port et sa contractualisation avec l’État et les collectivités, nous intégrerons bien évidemment les contraintes environnementales. Mais, tout en respectant de telles exigences, il s’agit de mener des projets de développement économique : nous attendons ainsi la création de 30 000 emplois supplémentaires dans ces ports.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Cette loi est donc fondamentale pour l’avenir de notre économie. Nous tiendrons compte de ces considérations, mais nous développerons nos ports, comme la Haute Assemblée l’a souhaité. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

centre de rétention à vincennes

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

Monsieur le ministre, le 21 juin dernier, au centre de rétention administrative de Vincennes, un homme de nationalité tunisienne est mort dans des circonstances qui restent à élucider, peut-être par manque de soins. Le lendemain, une révolte et un incendie ont mis en péril la vie de nombreux retenus et de leurs gardiens.

Les centres de rétention administrative, que vous agrandissez bien au-delà du plafond fixé en 2005, se muent en véritables lieux carcéraux où la relation humaine devient impossible. Et ne me dites pas, monsieur le ministre, que les conditions de rétention sont meilleures chez nous qu’ailleurs ! Que ceux qui le pensent aillent passer trente-deux jours à Vincennes, qui vont peut-être se transformer demain, sous l’empire de la directive « Retour », en dix-huit mois.

Les conditions d’arrestation, l’absence totale de perspectives de réinsertion dans le pays d’origine, l’enfermement de très jeunes enfants, tout cela crée dans ces centres une angoisse insurmontable, qui conduit inéluctablement à la révolte ou au désespoir absolu. C’est bien ce qui s’est passé à Vincennes.

De façon tout à fait scandaleuse, un député, porte-parole de l’UMP, a immédiatement déclenché une polémique et mis en accusation les associations de soutien aux étrangers, en particulier RESF, Réseau éducation sans frontière, qui fait sans doute, à ses yeux, encore trop de place à la défense de l’État de droit !

En réalité, monsieur le ministre, c’est votre politique, dont vous vous êtes glorifié tout récemment, qui est responsable de ces drames. L’objectif de 26 000 expulsions est bien plus un gage symbolique que vous donnez à votre « clientèle » qu’une vraie réponse à la présence sur notre sol de 200 000 à 300 000 étrangers en situation irrégulière.

Ne voyez-vous pas que votre politique est dans une impasse, qu’elle déshonore notre pays, patrie des droits de l’homme, et qu’elle ruine notre crédit, en particulier en Afrique francophone ?

Depuis des mois, désormais, votre politique, c’est aussi une politique qui tue.

Monsieur le ministre, dans l’immédiat, que comptez-vous faire pour garantir la sécurité des personnes dans les centres de rétention ?

Quand reconnaîtrez-vous enfin l’absurdité de cette politique de reconduite à la frontière par la contrainte ? Depuis que la circulaire du 13 juin 2006 a avorté, il n’y a plus de politique rationnelle de régularisation.

Quand engagerez-vous enfin une vraie politique d’accueil et d’intégration des étrangers sur des critères justes et clairs ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Madame la sénatrice, vous venez d’évoquer de nombreux sujets.

Tout d’abord, c’est vrai, un homme est décédé le week-end dernier à Vincennes. Une autopsie a montré qu’il n’avait été victime d’aucune brutalité policière. Comme vous, du moins je l’imagine, je souhaite que la justice se saisisse de cette affaire et détermine très exactement les responsabilités directes, mais aussi indirectes, dans les incendies criminels qui ont été déclenchés et qui pouvaient blesser, et même tuer.

Je souhaite remercier les sénateurs qui se sont rendus au centre. Je pense notamment à Mme Borvo Cohen-Seat, à M. Assouline, qui est venu sur place le lundi (M. David Assouline fait un signe de dénégation.), et surtout à M. Cambon, qui était sur les lieux les deux jours consécutifs.

Vous posez ensuite la question des CRA, les centres de rétention administrative, pour lesquels un nombre limite de 140 retenus est effectivement prévu. Il y avait deux modules à Vincennes, pour lesquels on ne peut pas parler de surpopulation, puisque, au lieu des 280 personnes autorisées, il s’en trouvait 249.

Vous me dites de ne pas recourir à des comparaisons étrangères. Or je suis allé visiter, peut-être comme vous-même, un centre installé par le gouvernement travailliste britannique dans la banlieue de Londres. Il est de 500 places et confié au secteur privé !

Mme Catherine Tasca. Ce n’est pas un exemple !

M. Brice Hortefeux, ministre. Vous me dites que la politique française n’est pas comprise à l’étranger. Cela montre à quel point vous ne vous tenez pas au courant de l’actualité. Voilà trois jours, j’étais encore au Cap Vert. Ce n’est pas avec un seul pays que nous avons signé des accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires. C’est avec cinq ! Et, d’ici à la fin de l’année, nous en signerons vraisemblablement quatre ou cinq autres !

Je ne peux pas citer tout ce qui a été dit par les responsables publics étrangers, mais je vous invite à lire les déclarations du président Wade et du président Boni Yayi, élu démocratiquement et qui a engagé un combat contre la corruption. Tous soulignent que ces accords sont honnêtes, transparents, utiles et efficaces pour le pays d’origine comme pour le pays d’accueil ! Ne faites donc pas de procès à la politique du chiffre ! Au contraire, réjouissez-vous qu’on ait interpellé 1 529 passeurs et 775 marchands de sommeil ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Réjouissez-vous qu’à Meaux on ait interpellé un réseau qui faisait payer 5 000 euros à ceux qui voulaient un titre de séjour en Europe, 250 euros par mois pour vivre à 21 personnes dans 70 mètres carrés et 400 euros par mois pour pouvoir prendre une douche ! Alors, cessez vos fantasmes et vos caricatures ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yannick Texier. Ce n’est pas parce que vous parlez fort que vous avez raison, monsieur le ministre !

M. Brice Hortefeux, ministre. Encouragez plutôt une politique cohérente, équilibrée et juste (Applaudissements sur les travées de lUMP), dont l’objectif est, tout simplement, de maîtriser l’immigration, afin de réussir l’intégration. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

bénéficiaires du bouclier fiscal

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Monsieur le ministre, voilà moins d’un an, dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », vous avez renforcé le bouclier fiscal, dispositif qui existe déjà dans de nombreux États européens, notamment dans les pays scandinaves, en Espagne et en Allemagne.

Depuis le début de cette année, aucun contribuable ne peut ainsi se voir prélever plus de 50 % de son revenu sous forme d’impôts directs locaux et nationaux, CSG comprise.

Depuis l’adoption de ce dispositif, que de cris n’ont-ils pas été poussés, y compris au sein de notre Haute Assemblée, par tous les membres, sans exception, de l’opposition, laquelle arguait que le bouclier fiscal ne profite qu’aux riches ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Bricq. Et il coûte cher !

M. Dominique Mortemousque. Force est de constater, au fil des débats politiques, que le paquet fiscal de la loi TEPA, et notamment le bouclier fiscal, est devenu l’argument choc de toute la gauche contre la politique de Nicolas Sarkozy. L’opposition prétend en effet que le Gouvernement a vidé les caisses de l’État pour satisfaire uniquement les riches, au détriment du pouvoir d’achat des foyers les plus modestes.

M. Jean-Pierre Bel. C’est vrai !

M. Dominique Mortemousque. Or, ce matin, un grand quotidien national annonce qu’une étude menée par Bercy prouve que les trois quarts des bénéficiaires du bouclier fiscal sont des foyers modestes, voire très modestes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Des foyers très modestes qui auraient dû payer plus de 50 % d’impôts !

M. Guy Fischer. M. le ministre vous a fourni votre intervention !

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer ce chiffre, en le détaillant, et nous donner des précisions concernant cette étude, afin de confirmer que la politique menée par le Gouvernement que nous soutenons profite bien à l’ensemble de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Paul Raoult. Que de mensonges !

M. le président. Un peu de silence, s’il vous plaît !

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, vous avez mille fois raison, les chiffres sont là pour le montrer. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Bel. Lisez le rapport !

M. Éric Woerth, ministre. Vous voudriez déformer la réalité, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition ! Mais les chiffres sont les chiffres, et ils reflètent la réalité de la situation.

M. Robert Bret. Que signifie « modeste » pour vous ?

M. Éric Woerth, ministre. Au-delà de l’idéologie que vous professez, nous avons aujourd’hui à notre disposition, vous venez de le dire, monsieur Mortemousque, des chiffres concernant le bouclier fiscal appliqué en 2006, et nous aurons bientôt ceux qui ont trait à l’année 2007, lesquels seront presque identiques. Ils sont assez clairs et faciles à interpréter.

Soyons précis : 23 159 demandes sont parvenues, et 99 % d’entre elles ont été traitées, soit 22 918. Au total, 14 981 demandes ont été acceptées, les autres n’ayant pas été retenues par l’administration fiscale. Le montant global de restitution a été de 241 millions d’euros.

Deux grandes catégories de contribuables se dégagent, ce qui correspond d’ailleurs à ce qu’avait dit à l’époque Jean-François Copé, alors ministre délégué au budget.

D’une part, – et vous le contestez par vos cris – ce sont des bénéficiaires disposant de faibles revenus (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), qui possèdent un bien et s’acquittent de la taxe foncière.

M. Éric Woerth, ministre. Certains habitent dans vos départements !

D’autre part, il s’agit de contribuables à fort potentiel, avec un fort revenu et un patrimoine important.

M. Jean-Pierre Bel. Les très riches !

M. Paul Raoult. Ce sont des cadeaux fiscaux !

M. Éric Woerth, ministre. On a trop souvent tendance à oublier la première catégorie. Vous la contestez d’ailleurs à tort. En effet, 84 % des bénéficiaires ont un revenu fiscal inférieur à 42 000 euros.

Mme Raymonde Le Texier. C’est l’arbre qui cache la forêt !

M. Jean-Luc Mélenchon. Et le rapport des sommes ?

M. Paul Raoult. C’est de la manipulation statistique !

M. Jean-Pierre Bel. C’est de l’intox !

M. David Assouline. Ce n’est pas la vérité !

M. Éric Woerth, ministre. Ce sont les chiffres : ils confirment totalement ce qui a été dit et l’objectif de création du bouclier fiscal. La vérité ne se caricature pas facilement, surtout lorsqu’on est confronté à la réalité !

Le bouclier fiscal concerne bien sûr des catégories aisées : il a été conçu pour que les contribuables ne travaillent pas plus d’une journée sur deux pour l’État. Mais il s’adresse également aux contribuables ayant des revenus modestes. Ce qui est vrai pour le bouclier fiscal à 60 % le sera pour le bouclier fiscal à 50 %. Nous en aurons la confirmation au cours de l’année, lorsque l’ensemble des chiffres seront à notre disposition.

Il est moralement inacceptable de demander à quelqu’un de travailler plus d’un jour sur deux pour l’État.

M. Jean-Luc Mélenchon. Pour quelle somme ? Ceux qui gagnent 100 ou 200 millions d'euros ? Quand on gagne de telles sommes, on pourrait même donner un jour et demi sur deux à l’État !

Mme Nicole Bricq. C’est cela, travailler plus !

M. Éric Woerth, ministre. Il serait d’ailleurs irresponsable de rester les bras croisés face aux montants parfois trop excessifs de l’imposition qui pèse sur nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

carte militaire

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense, mais, si j’ai bien compris, c’est M. le secrétaire d'État aux anciens combattants qui me répondra.

M. Josselin de Rohan. M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants !

M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'État, si l’on croit les informations distillées au compte-gouttes, des dizaines d’implantations militaires sont appelées à disparaître.

Mis à part d’officieux communiqués de presse, nous ne connaissons pas les noms des unités ou établissements militaires concernés, et cette incertitude augmente l’angoisse des populations, qui craignent d’être les victimes des mesures annoncées.

Les services du ministère de la défense ont reçu les élus concernés. Ont-ils été entendus ? Seront-ils partie prenante aux consultations à venir ? Ou s’agit-il simplement de les informer du malheur qui les guette ?

Je peux témoigner ici, même si ce n’est pas un cas unique, de l’angoisse éprouvée dans la vallée de l’Ubaye à l’annonce d’une éventuelle et incompréhensible menace de fermeture du Centre d’instruction et d’entraînement au combat en montagne de Barcelonnette, petite commune de 2 700 habitants. Ce serait là une véritable catastrophe qu’aucune compensation financière ne parviendrait à corriger.

Il faut rationaliser, il faut restructurer, nous dit-on. Mais il ne s’agit pas de biffer simplement, d’un trait de plume, une caserne par-ci, une base aérienne par-là.

M. Paul Raoult. Cambrai !

M. Claude Domeizel. Il s’agit de prendre en compte les hommes et les femmes qui y vivent, qui y travaillent et qui, à leur tour, font vivre et travailler tout un pays, ses structures scolaires, ses associations culturelles et sportives, ses commerces et bien d’autres activités encore !

On ne peut pas, comme ça, soustraire ou déplacer des êtres sans se soucier des conséquences sociales et économiques.

M. le Président de la République a déclaré : « La défense n’a pas vocation à faire de l’aménagement du territoire. » Quelle affirmation surprenante, pour ne pas dire déplacée, car l’État a l’obligation d’aménager le territoire, pas de déserter !

M. Josselin de Rohan. Cela n’a rien à voir !

M. Claude Domeizel. Après des abandons de services publics, après les mésaventures de la carte judiciaire, il ne faudrait pas en plus ajouter aujourd’hui les injustices de la carte militaire !

Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande non seulement de vous porter garant du respect du principe d’équité et de transparence afin que tous les sites soient traités de la même façon, mais aussi de nous faire connaître, en cas de disparition d’implantations militaires, les mesures de revitalisation, le plan d’accompagnement social et économique pour les territoires les plus touchés ainsi que les budgets afférents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je suis très heureux, en tant que secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, de vous répondre à la place d’Hervé Morin, lequel participe actuellement à l'Assemblée nationale au débat sur le Livre blanc, débat qui est également prévu ce soir au Sénat. Le Livre blanc sur la défense que le Président de la République a présenté le 17 juin dernier est une nécessité en termes de crédibilité de notre défense. Le monde a changé,...

M. David Assouline. Eh oui, le monde a changé ! S’il n’y avait que le monde qui avait changé !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. ...les menaces aussi, qui, aujourd'hui, sont d’ordre terroriste. Nous sommes désormais confrontés à des enjeux majeurs, notamment énergétiques. Certaines régions du monde constituent de véritables poudrières. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)

Par conséquent, il est important que nous nous adaptions, avec nos partenaires européens, nos autres alliés. C’est l’ensemble de ces données qu’a pris en compte le Livre blanc, pour une armée qui, je le rappelle, a réussi sa professionnalisation. Toutes ces nouvelles mesures se font à budget constant.

M. David Assouline. On sait tout cela !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. En d’autres termes, tous les efforts et toutes les économies liés à la réduction du format des armées qui seront réalisés année après année...

M. Paul Raoult. Cela concerne 1 600 personnes à la base aérienne de Cambrai !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. ...seront affectés à la modernisation de nos équipements, dont certains ont bien besoin, et à l’amélioration de la condition militaire.

M. Claude Domeizel. Répondez à la question !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. La restructuration des armées, c’est d’abord l’adaptation des armées.

M. Charles Gautier. Dans le mépris !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. La question de l’aménagement du territoire, qui nous tient beaucoup à cœur, est la conséquence des décisions que nous prendrons.

Vous l’avez-vous-même reconnu, monsieur le sénateur, une véritable concertation a eu lieu dans tous les départements concernés avec les élus et les parlementaires, et l’écoute a été réelle. (M. Paul Raoult s’exclame.)

Les arbitrages ne sont pas encore rendus. Lorsqu’ils le seront, l’ensemble des restructurations seront annoncées.

M. Paul Raoult. Restrictions économiques plus restrictions budgétaires !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Pour ce qui est du site de Barcelonnette, comme des autres d’ailleurs, tous les arguments avancés seront pris en compte. Dans certains cas, le maintien sera décidé, dans d’autres, la suppression ou le déplacement sera ordonné.

En tout état de cause, en matière d’aménagement du territoire, des mesures projet par projet seront prises sous l’autorité du Premier ministre, au niveau tant du budget du ministère de la défense que du budget du secrétariat d'État chargé de l'aménagement du territoire.

M. Jean-Pierre Bel. C’est dur !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. J’ai moi aussi vécu dans ma région et dans ma ville des restructurations. Des réponses seront apportées et il y aura des soutiens.

La question de l’aménagement du territoire ne conditionne pas la réforme et la modernisation de nos armées. Pour autant, il en sera tenu compte dans la décision, car elle est un élément essentiel de la politique du Gouvernement, afin que les territoires puissent continuer à se développer harmonieusement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. Paul Raoult. Cela fera des chômeurs de plus dans le Nord !

M. David Assouline. C’était laborieux !

risques sur la santé liés aux incinérateurs de déchets

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Ma question s'adressait à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

M. Robert Bret. Il n’est pas là !

M. David Assouline. Tous les autres s’en vont, d’ailleurs !

M. Alain Vasselle. J’aurais pu également la poser à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, puisqu’elle porte sur le traitement des déchets, et, à ce titre, touche à la fois à l’environnement et à la santé publique.

M. Alain Vasselle. Je souhaite aborder le problème, récurrent, des incinérateurs.

Mes chers collègues, je me dois de préciser que cette question doit être replacée dans le contexte de la réflexion que conduit le Gouvernement depuis le Grenelle de l’environnement.

Le Gouvernement s’est fixé trois objectifs ambitieux.

Premièrement, il entend développer la prévention et responsabiliser les producteurs, c'est-à-dire les industriels. J’aimerais bien, d’ailleurs, qu’il pense également à impliquer la grande distribution pour ce qui concerne le traitement des emballages.

Deuxièmement, et c’est là un objectif ambitieux, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a décidé d’améliorer sensiblement le pourcentage de résultats en matière de tri sélectif.

Troisièmement, le Gouvernement compte s’attaquer au problème du traitement des déchets ultimes. Peu de solutions s’offrent à lui. Seules deux possibilités sont autorisées réglementairement sur le territoire national : le centre d’enfouissement technique ou l’incinération.

Le Gouvernement souhaite bien sûr privilégier la valorisation de ces déchets. Le meilleur moyen consiste à les incinérer, non pas uniquement en produisant de l’électricité, mais en favorisant la cogénération.

Cela étant, monsieur le secrétaire d'État, des articles de presse relativement récents, notamment l’un d’entre eux qui est intitulé « Nouvelle alerte médicale sur les incinérateurs » (L’orateur brandit une photocopie de l’article), entretiennent une certaine psychose auprès de nos concitoyens. La Coordination nationale médicale santé et environnement, qui regroupe trois mille médecins, a dénoncé le cocktail polluant des fumées qui sortent de nos incinérateurs. Certes, le rejet des dioxines est maîtrisé en France, puisque les émissions, évaluées à un kilogramme en 1990, sont tombées à huit grammes. Il s’agit donc de résultats sensibles, mais qui ne réussissent pas à rassurer nos concitoyens. Cette coordination évoque le rejet de chrome, de mercure et d’autres métaux lourds, et réclame un moratoire sur les incinérateurs, en vertu tant du Grenelle de l’environnement que du principe de précaution que nous avons voté et introduit dans la Constitution.

Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement entend-il accéder à la demande de ces médecins et décider un moratoire sur les incinérateurs ? Des études scientifiques comparatives ont-elles été menées, qui permettraient de rassurer nos citoyens quant aux risques qu’ils prennent en respirant les fumées rejetées par les incinérateurs ? Existe-t-il, oui ou on, un risque de santé publique ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Paul Raoult. C’est une bonne question !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Jean-Louis Borloo, qui est en déplacement dans le cadre de la préparation de la présidence française de l’Union européenne.

Vous avez raison : Roselyne Bachelot-Narquin aurait très bien pu vous répondre, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, quand elle était ministre de l’écologie et du développement durable, elle a ordonné la fermeture d’un grand nombre d’incinérateurs qui n’étaient pas aux normes ; cela ne s’est pas fait sans difficultés et elle s’est battue courageusement. Ensuite, en tant que ministre de la santé, elle est très attentive à ce dossier.

M. Ladislas Poniatowski. Et pour une troisième raison : parce qu’elle est bonne ! (Sourires.)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Vous l’avez rappelé, monsieur Vasselle, priorité doit être donnée à la prévention, au tri et au recyclage, le meilleur déchet étant évidemment celui que, par nature, on ne produit pas.

Les conclusions du Grenelle de l’environnement ont permis de fixer un objectif de réduction de cinq kilos de déchets par an et par habitant pendant les prochaines années, ainsi qu’un taux de recyclage de 35 % en 2012, puis de 45 % en 2015.

Cette responsabilité incombe aux collectivités et les préfets doivent mettre en œuvre un plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés.

Pour ce qui est des incinérateurs, sur lesquels porte très précisément votre question, monsieur Vasselle, le Grenelle de l’environnement n’a pas retenu de moratoire. En effet, aujourd'hui, les incinérateurs qui restent sur notre territoire réalisent un haut niveau de performance d’épuration pour traiter les déchets, comme d’autres outils de traitement des déchets.

L’arrêté du 20 septembre 2002 a établi les règles de conception, d’exploitation, de surveillance des rejets atmosphériques et aqueux.

La France, plus que tout autre pays européen, a fixé des exigences très lourdes pour les incinérateurs, qui sont plus strictes encore que dans d’autres secteurs d’activité. Une directive européenne relative aux déchets a placé l’incinération avec récupération d’énergie devant les décharges, y compris lorsqu’elles sont contrôlées – désormais, elles sont toutes contrôlées –, dans la hiérarchie des traitements des déchets.

Nous poursuivons cette politique dans le cadre des plans d’élimination, tout en accordant une très grande attention aux problèmes de santé publique que vous avez eu raison de rappeler devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. David Assouline. Une question, mais pas de réponse !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

5

Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat du Chili

M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le plaisir et l’honneur de saluer, au nom du Sénat de la République française, la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation du Sénat du Chili, conduite par son président M. Adolfo Zaldivar. Elle est accompagnée par notre collègue Bernard Angels, qui fut récemment vice-président de notre assemblée.

Je formule des vœux pour que cette visite, qui s’inscrit dans le cadre d’un périple européen, contribue à renforcer les liens, efficacement entretenus par le groupe interparlementaire d’amitié France-Amérique du Sud présidé par notre collègue Roland du Luart, qui unissent nos deux assemblées et nos deux pays.

Ces liens interparlementaires enrichissent une relation bilatérale dense et diversifiée, marquée par une importante coopération, notamment sur la scène internationale, en faveur du maintien de la paix, et par des échanges économiques en développement, et qu’il convient de renforcer encore davantage.

Au nom du Sénat tout entier, je leur adresse mes souhaits de très cordiale bienvenue. (Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Article 3

Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire (Urgence déclarée).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 3.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Article 4

Article 3

Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-2. - I. - Afin de prévenir les conflits, le dépôt d'un préavis de grève par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, concernant les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques, ne peut intervenir qu'après une négociation préalable entre l'État et ces organisations syndicales.

« II. - Les règles d'organisation et de déroulement de cette négociation préalable sont fixées par un décret en Conseil d'État qui détermine notamment :

« 1° Les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l'autorité administrative des motifs pour lesquels elle envisage de déposer un préavis de grève conformément à l'article L. 2512-2 du code du travail ;

« 2° Le délai dans lequel, à compter de cette notification, l'autorité administrative est tenue de réunir les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification. Ce délai ne peut dépasser trois jours ;

« 3° La durée dont l'autorité administrative et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I. Cette durée ne peut excéder huit jours francs à compter de cette notification ;

« 4° Les informations qui doivent être transmises par l'autorité administrative aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies ;

« 5° Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification et l'autorité administrative se déroule ;

« 6° Les modalités d'élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable ainsi que les informations qui doivent y figurer ;

« 7° Les conditions dans lesquelles les enseignants du premier degré sont informés des motifs du conflit, de la position de l'autorité administrative, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.

« III. - Lorsqu'un préavis concernant les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques a été déposé dans les conditions prévues par l'article L. 2512-2 du code du travail par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs qu'à l'issue du délai du préavis en cours et avant que la procédure prévue aux I et II n'ait été mise en œuvre. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 22 est présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 41 est présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 22.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 3, dont nous demandons la suppression, est, en réalité, un véritable cavalier législatif. En effet, le titre et l’exposé des motifs de ce projet de loi visent à créer un service d’accueil. Or cet article met en place une réglementation du droit de grève. Cela n’a rien à voir. D’autant que, comme nous venons de le voir, ce service d’accueil est bien plus large qu’une simple réponse à de rares journées de grève.

Aussi, cet article n’a pas sa place dans ce projet de loi.

De surcroît, son contenu soulève des difficultés. Du point de vue rédactionnel, il reprend quasiment les termes de l’article 2 de la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs instaurant un service minimum. Or les dispositions que nous étudions aujourd'hui concernent un service d’accueil, et non un service minimum d’éducation.

Comment justifier alors qu’une même procédure puisse répondre à des objectifs différents ? Sans doute est-ce parce que, en réalité, l’objectif est le même. Réduire le droit de grève, telle est bien finalement votre volonté.

En effet, vous dites que le processus mis en place par cet article est destiné à favoriser les négociations. Mais telle est déjà, normalement, la raison d’être du préavis. Alors pourquoi instaurer l’obligation de déposer une sorte de nouveau préavis, avant le préavis actuel ?

En fait, ce mécanisme d’alerte ne vise qu’à restreindre le droit de grève, en interdisant tout dépôt de préavis de grève si, quinze jours avant, une alerte n’a pas été déclenchée, et à contraindre les enseignants à se désigner publiquement grévistes, ouvrant ainsi la voie à toutes les pressions possibles.

De plus, avec cet article, vous introduisez un mécanisme que vous allez étendre progressivement. Aujourd’hui, seuls les enseignants des écoles maternelles et élémentaires seront contraints de s’y soumettre. Demain, ce seront tous les enseignants, puis tous les fonctionnaires et, finalement, – pourquoi pas ? – tous les salariés.

C’est un mécanisme pervers, dangereux pour les libertés publiques et individuelles, que nous rejetons. (M. Jean-François Voguet applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 41.

M. Serge Lagauche. L’article que nous examinons n’a absolument rien à faire dans le code de l’éducation, à l’article consacré à l’accueil des élèves des écoles maternelles et primaires de l’enseignement public. Il traite des conditions d’exercice du droit de grève des enseignants du premier degré.

Les dispositions de cet article durcissent considérablement les conditions d’exercice du droit de grève des enseignants. Elles s’inspirent fortement du dispositif retenu par la loi n°2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

Cependant, l’organisation du service minimum dans les transports répond à des réalités très différentes de celles de l’enseignement public. Tout d’abord, l’organisation des transports est très structurée et centralisée, alors que celle de l’enseignement primaire est décentralisée et fait face à des situations locales très différentes. Ensuite, et surtout, le service minimum dans les transports consiste à offrir le même type de prestation – le transport – que celle qui est offerte dans le cadre du service public.

Ainsi, dans l’enseignement public primaire, contrairement au service minimum mis en œuvre dans les transports, la continuité du service public ne sera aucunement assurée car à un service public d’enseignement sera substitué un service de garderie : « l’accueil ».

Le dispositif instaure ainsi un système dit « d’alerte », préalable au dépôt d’un préavis de grève opposable aux organisations syndicales représentatives désireuses de déposer un tel préavis.

Ce dispositif d’alerte porte potentiellement à environ quinze jours, au minimum, le délai entre la prise de décision d’une éventuelle grève par une organisation syndicale et le déclenchement de celle-ci : trois jours pour la réunion, par l’autorité administrative, des syndicats, huit jours pour la négociation, auxquels s’ajoutent cinq jours de préavis, conformément au droit commun s’appliquant à la grève dans les services publics – l’article L. 2512-2 du code du travail. Les conditions d’exercice de la grève sont donc considérablement compliquées par ce dispositif très contraignant.

Comment, à l’avenir, un mouvement de grève justifié par l’agression d’un enseignant pourra-t-il être organisé ? Ce cas de déclenchement d’une grève répond à des faits dont le caractère imprévisible est peu compatible avec un délai de plus de deux semaines...

Vous comprendrez donc que nous demandions la suppression de cet article, qui n’a pas sa place dans le code de l’éducation et qui complique considérablement l’exercice de l’un des droits fondamentaux des enseignants.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-2 du code de l'éducation :

I. - Afin de prévenir les conflits, un préavis de grève concernant les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques ne peut être déposé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives qu'à l'issue d'une négociation préalable entre l'État et ces mêmes organisations.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 22 et 41.

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. L’amendement n° 4, qui est d’ordre rédactionnel, a pour objet d’apporter des précisions utiles à la bonne compréhension de l’article 3.

J’en viens aux amendements identiques nos 22 et 41. Comme vous l’aurez compris, la commission est très intéressée par la procédure de prévention des conflits. Avant le déclenchement des grèves, il est très important qu’une procédure permette de mettre en relation l’employeur, c’est-à-dire le ministère, et les syndicats, afin de discuter des points de litige. Ce matin, je comparais la situation de notre pays avec celle de l’Allemagne. Nous aurions tous à gagner à ce que les syndicats sachent qu’ils auront un interlocuteur attentif à leurs propos et soient amenés à dialoguer avec le ministère avant tout mouvement social. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Le Gouvernement est favorable à l’amendement rédactionnel présenté par M. le rapporteur.

Quant aux amendements nos 22 et 41, qui renvoient à la négociation préalable, je trouve étonnant que l’on veuille durcir les conditions du dialogue, dès lors que, en réalité, il s’agit de mettre en place un dispositif de négociation de nature à éviter un conflit ou, en tout cas, à ne pas recourir systématiquement au droit de grève. C’est également dans l’intérêt des communes que l’on puisse limiter, si un accord est trouvé, le nombre et l’ampleur des interruptions de service.

Il me paraît étrange que, au nom du dialogue social, on veuille supprimer un dispositif qui favorise la négociation et évite l’affrontement. D’ailleurs, les syndicats eux-mêmes ont considéré cette avancée comme importante ; c’est une disposition du projet de loi qu’ils ont approuvée.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 41.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.

M. Serge Lagauche. Ce matin, nous n’avions pas bien compris que les organisations syndicales avaient donné leur accord en ce qui concerne le processus de négociation. Nous prenons acte de vos propos, monsieur le ministre. De ce fait, nous sommes favorables à l’amendement de la commission. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Article 5

Article 4

Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-3. - Les enfants scolarisés dans une école maternelle ou élémentaire publique bénéficient, en cas de grève des enseignants, d'un service d'accueil pendant le temps scolaire obligatoire. La commune organise ce service dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article L. 133-4. »

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 23 est présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 42 est présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 23.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À l’occasion de cette demande de suppression de l’article 4, je ne reviendrai pas sur les raisons, exposées ce matin, qui fondent le désaccord des membres de mon groupe sur ce projet de loi. Je souhaite ajouter un nouvel argument, je veux parler de l’obligation faite aux maires d’organiser l’accueil les jours de grève.

L’Association des maires de France, l’AMF, a fait part de ses réserves et l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, a manifesté son total désaccord. Votre refus d’entendre est d’autant moins compréhensible aujourd’hui que le service d’accueil que tend à créer ce projet de loi pourra être mis en place quels que soient les motifs de l’absence des enseignants. Pourquoi ne pas avoir précisé, comme cela vous a été proposé ce matin, que ce service ne peut être activé qu’en cas de grève ? Pourquoi, de surcroît, en confier l’organisation au maire les jours de grève ?

Ce faisant, vous vous défaussez de votre responsabilité d’employeur dans la gestion d’un conflit qui vous oppose à vos propres salariés et vous introduisez ainsi une forte insécurité juridique, qui, dorénavant, pèsera sur tout maire dont la commune sera concernée.

Responsables pénalement et civilement en cas de difficultés et de problèmes, les maires sont ainsi placés devant de nouvelles et lourdes responsabilités. On leur impose de nouvelles obligations, sans aucun cadre légal défini, et ils ne sont pas assurés du remboursement complet de l’ensemble des frais qu’ils devront engager pour y faire face.

Ce n’est pas un hasard s’ils ont été peu nombreux à mettre en place l’expérimentation de cet accueil. Pour eux, ce dispositif crée plus de problèmes à leur population qu’il n’en résout, comme l’a fort justement dit ce matin Mme Gourault.

Aussi, à notre refus de voir instaurer un service d’accueil les jours de grève, s’ajoute notre opposition au fait que les maires en assurent l’organisation. Rien ne le justifie ! (M. Ivan Renar applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 42.

M. Serge Lagauche. Nous reviendrons, lors de l’examen des articles suivants, sur les détails des difficultés, de divers ordres, que rencontreront les communes lors de la mise en place du service d’accueil les jours de grève.

Pour l’heure, nous demandons la suppression de l’article 4, qui impose une nouvelle obligation aux communes, sans tenir compte des nombreuses difficultés auxquelles elles devront faire face : recherche de personnel compétent, disponible, engagement de responsabilité de la commune, coût de cette nouvelle charge, délais impartis, difficulté pour estimer le besoin d’encadrement. La liste est longue et pourrait être complétée infiniment, compte tenu des difficultés rencontrées dans chaque cas particulier.

Je terminerai mon propos en déplorant qu’une fois encore notre amendement de repli ait été déclaré irrecevable, en vertu de l’article 40 de la Constitution, alors qu’il ne tendait qu’à replacer l’État face à ses responsabilités, en lui confiant l’organisation du service d’accueil des élèves les jours de grève.

M. le président. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Arnaud et Zocchetto, Mmes Payet, Dini et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

 

I. - Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-3 du code de l'éducation, remplacer le mot :

bénéficient

par les mots :

peuvent bénéficier

 

II. - Dans la seconde phrase du même texte, remplacer le mot :

organise

par les mots :

peut organiser

 

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 5, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

À la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-3 du code de l'éducation, supprimer le mot :

obligatoire

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec la modification apportée à l’article 2, qui supprime le mot « obligatoire » s’appliquant au temps scolaire.

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-3 du code de l'éducation :

Sauf lorsque la commune en est chargée en application du troisième alinéa de l'article L. 133-4, ce service est organisé par l'État.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement de précision tend à encadrer la mise en œuvre du service d’accueil des élèves par les communes ou les intercommunalités. Il s’agit d’indiquer explicitement que le service d’accueil est organisé par lesdites communes ou intercommunalités uniquement dans le cas de grève massive.

M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Gélard et Alduy, est ainsi libellé :

Compléter la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-3 du code de l'éducation par les mots :

, sous la responsabilité de l'État

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 53, présenté par M. Arnaud et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 133-3 du code de l'éducation par une phrase ainsi rédigée :

Elle peut le confier à un centre aéré.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Par cet amendement, il s’agit de permettre aux communes de confier le service d’accueil des enfants à un centre aéré, afin, d’une part, de faciliter l’organisation par les communes rurales d’un tel service et, d’autre part, de garantir que les enfants bénéficient d’une garde assurée par des personnels qualifiés.

M. le président. L’amendement n° 37 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Domeizel, Frécon, Krattinger, Repentin et Sueur, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 133-3 du code de l'éducation, par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, cette obligation de service d'accueil n'est pas opposable aux communes de moins de 3 500 habitants.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. L’objet de cet amendement, qui se justifie par son texte même, est clair. M’étant déjà exprimé sur ce sujet lors de la discussion générale, j’irai à l’essentiel et n’aborderai donc pas les problèmes financiers et de responsabilité pénale, qui sont pourtant très importants.

Nous nous heurtons à un problème de fait et non pas d’appréciation des principes : Il n’est matériellement pas possible, pour les communes rurales, les petites communes, d’organiser un service d’accueil des élèves.

On nous a expliqué que ces communes le faisaient déjà, dans la mesure où elles comptaient sur leur territoire des centres aérés et où elles organisaient des dispositifs d’accueil des enfants avant et après la classe. Je voudrais toutefois faire observer à mes collègues, qui connaissent ce sujet aussi bien que moi, qu’il s’agit de situations tout à fait différentes.

En effet, l’accueil avant et après la classe n’est assuré que pendant quelques heures et ne concerne que quelques élèves. Il s’agit, par ailleurs, d’une organisation pérenne, mise en place depuis longtemps et qui fonctionne bien.

Quant aux centres aérés, ils concernent non pas la totalité des enfants scolarisés mais seulement certains d’entre eux, qui sont accueillis dans des locaux spécialement aménagés, par du personnel qualifié, recruté à l’avance pour assurer cette mission et aidé à l’occasion par des étudiants titulaires du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur de centres de vacances et de loisirs, le BAFA, lesquels sont employés à ces postes pendant leurs vacances.

Dans le cas présent, en revanche, il s’agit d’organiser le service d’accueil pour toute une école, pendant une journée entière – ce qui comprend l’accueil avant et après la classe, ainsi que la cantine –, en recourant à des personnels intérimaires recrutés au dernier moment, et donc non qualifiés, dans des locaux qui ne sont pas adaptés. Cela n’a rien de comparable !

Et d’ailleurs, où trouvera-t-on ces personnels ?

On nous parle d’un « vivier » de personnes susceptibles d’assurer cette mission, vivier préalablement débarrassé d’éventuels pédophiles, si j’en crois un amendement que j’ai vu passer. C’est une mauvaise plaisanterie !

Franchement, monsieur le ministre, j’ai peine à comprendre qu’un inspecteur général de l’éducation nationale comme vous puisse laisser croire qu’une ou deux personnes prises dans la rue suffiront à maintenir l’ordre et la discipline dans une classe de vingt-cinq ou trente élèves durant toute une journée. Il suffit de voir les difficultés que nous rencontrons lorsque l’accueil des enfants est assuré pendant quelques heures seulement par des personnels non qualifiés ! Je pense notamment aux maires qui doivent intervenir sans cesse parce que les dames de service sont chahutées par des « mômes » indisciplinés ou impolis. Que se passera-t-il lorsqu’il faudra garder les élèves dans une classe pendant une journée entière ?

J’avoue avoir du mal à saisir l’argumentation de notre rapporteur, quand il nous dit : « Il faut que les communes interviennent quand l’État n’est plus en mesure de le faire ». Je croyais que le principe républicain, c’était l’inverse, l’État devant intervenir quand les communes ne peuvent pas le faire.

Notre rapporteur  tient un deuxième raisonnement, tout aussi étrange, aux termes duquel la mise en place d’un service d’accueil est une bonne chose, réclamée par les Français, et il poursuit en disant que, l’État ne pouvant assurer ce service, les communes doivent le faire à sa place.

M. Philippe Richert, rapporteur. C’est un peu caricatural !

M. Pierre-Yves Collombat. Or je viens de vous démontrer qu’une catégorie de communes ne peut assumer ce dispositif. La mise en place du service d’accueil n’est donc possible ni pour l’État, qui se défausse, ni pour certaines communes, qui devront tout de même s’en accommoder. Ce raisonnement est pour le moins spécieux !

La question n’est pas de savoir si le service d’accueil doit être mis en place ou non, ou s’il est bon ou mauvais. Nous constatons simplement que les communes rurales ne peuvent pas le prendre en charge.

Il s’agit donc d’un amendement de simple bon sens. Je suis certain que les sénateurs, qui connaissent bien les communes rurales, me soutiendront, car les maires ruraux ne comprendraient pas que le Sénat, censé les représenter plus particulièrement, ne fasse pas un geste dans leur direction. (M. Jean-Claude Carle s’exclame.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Richert, rapporteur. La commission est bien sûr défavorable aux amendements de suppression nos 23 et 42.

L’amendement n° 53 est intéressant, mais il est satisfait par un amendement que je présenterai tout à l’heure et qui, comme vous le souhaitez, madame Dini, tend à permettre aux centres aérés ou à leurs personnels d’assurer le service d’accueil des élèves. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Quant à l’amendement n° 37 rectifié bis, il a défendu par M. Collombat, le représentant ès qualités des petites communes rurales… Mon cher collègue, j’ai été pendant vingt-six ans conseiller général d’un canton de 10 000 habitants qui regroupe vingt communes comptant, en moyenne, 500 habitants, c’est-à-dire des petites communes. Je peux vous garantir que, dans ce canton, le service d’accueil sera mis en place sans trop de difficultés.

J’ai personnellement contacté quelques-uns des 1 000 habitants de la commune dans laquelle je réside, afin de réfléchir à la façon de mettre en œuvre ce service. Nous comptons, dans cette commune, des étudiants, et notamment des étudiantes, titulaires du BAFA. Ils seront heureux de gagner 80 euros.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas le problème !

M. Pierre-Yves Collombat. Pendant leur scolarité ou pendant leurs vacances ?

M. Philippe Richert, rapporteur. En dehors de leur scolarité, bien sûr !

Gagner 80 euros en contrepartie d’une ou deux journées dans l’année – pendant lesquelles ils n’auraient pas cours –, je peux vous l’assurer, cela ne leur posera pas de problèmes majeurs !

Ces étudiants, que j’ai encore rencontrés aujourd’hui et avec lesquels j’ai discuté, seront payés 80 euros pour s’occuper de dix ou quinze élèves, travail dont ils ont l’habitude puisqu’ils encadrent déjà des centres aérés ou des centres de loisirs sans hébergement, les CLSH.

M. Pierre-Yves Collombat. Sur la totalité de l’effectif ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Par tranche de quinze élèves ; le ministère attribuera les moyens.

M. Pierre-Yves Collombat. Aurez-vous tous les personnels nécessaires pour assurer le service d’accueil ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Prenons l’exemple d’une commune de 1 000 habitants qui compte une école de six classes dans laquelle deux enseignants sont en grève. La moitié des élèves se présentent à l’école, les autres restant sous la responsabilité de leurs parents : environ vingt-cinq élèves doivent être pris en charge. Deux encadrants, qui s’occuperont d’une douzaine d’élèves chacun, seront donc recrutés.

La commune financera ce dispositif grâce aux crédits mis à disposition par le ministère. Je souhaite que le montant s’élève à un peu plus de 90 euros par encadrant, pour six heures de prise en charge des élèves.

Il y a aussi, dans ma commune, des parents d’élèves, notamment des mamans, qui travaillent dans les CLSH et sont titulaires du BAFA. Ces parents, qui gardent leurs enfants pendant les jours de grève, peuvent également prendre en charge une dizaine d’enfants supplémentaires. Je vous assure que c’est possible ! Et je passe sur les autres catégories de population auxquelles nous pouvons faire appel.

M. Pierre-Yves Collombat. Ça ne tient pas debout !

M. Philippe Richert, rapporteur. Arrêtez de caricaturer ! Nous aussi, monsieur Collombat, nous connaissons la situation des petites communes ! (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) Cher ami, vous avez professé qu’il n’était absolument pas possible de mettre en place ce dispositif et qu’il fallait être réaliste.

Bien sûr, ce sera compliqué ! Mais en établissant des listes de personnels susceptibles de prendre en charge l’accueil – à condition, bien sûr, que l’État nous donne les moyens de financer ce dispositif, comme je le demande et comme le Gouvernement nous en a donné l’assurance ce matin –, nous pourrons organiser le service d’accueil dans des conditions tout à fait acceptables, y compris dans les communes de moins de 3 500 habitants.

Ma commune ne constitue pas un cas unique. Les uns et les autres, nous avons l’habitude de travailler avec les petites communes. Il faut leur donner les moyens de mettre en place le service d’accueil. Le dispositif tel que nous l’avons imaginé permettra, à la fois, de sécuriser le recrutement – l’éducation nationale contrôlera les listes pour en écarter les personnes qui feraient courir un risque aux enfants accueillis – et de laisser les communes, et notamment les maires, établir ces listes en amont afin de pouvoir, le cas échéant, intervenir sans délai.

M. Ivan Renar. C’est tout de même un peu théorique ! C’est « le meilleur des mondes » !

M. Philippe Richert, rapporteur. Aussi, vous l’aurez compris, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 37 rectifié bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Le Gouvernement approuve les amendements rédactionnels nos 5 et 6 de la commission.

Il est défavorable, en revanche, aux amendements identiques nos 23 et 42, qui tendent à supprimer l’objet même du projet de loi. Je tiens à dire à leurs auteurs qu’il ne s’agit pas pour l’État de se défausser sur les communes, mais de chercher le niveau le plus pertinent pour organiser l’accueil.

Je demande à mon tour à Mme Dini de bien vouloir retirer l’amendement n° 53. Nous ne sommes pas opposés à l’idée que des centres aérés puissent servir de lieu l’accueil, mais le spécifier comme tel risquerait de créer une contrainte spécifique et unique qui nous gênerait par la suite.

Monsieur Collombat, vous êtes un élu rural, je comprends que vous défendiez les maires ruraux, mais une loi ne saurait opérer une distinction entre les enfants de ville et les enfants des champs ! (Sourires.) La loi pose une règle générale.

Comme vient de le rappeler brillamment M. le rapporteur, les petites communes pourront recruter sans difficulté, dès lors que l’État leur en aura donné les moyens, des étudiants ou des personnes qualifiées pour encadrer des groupes de dix ou quinze élèves pendant une journée.

L’ambiance sera sans doute quelque peu animée, je veux bien le reconnaître, mais il ne s’agit pas de faire la classe, il est simplement question de garder des enfants ! Ce sera à peu près comparable à la situation qui prévaut durant les autres activités périscolaires, exception faite des activités strictement encadrées par le code de l’action sociale et des familles.

Je ne partage donc pas votre inquiétude, monsieur le sénateur, et je ne conçois pas, pour ma part, qu’une loi puisse établir des distinctions entre les villes moyennes et les communes rurales.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 37 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 23 et 42.

M. Jean-François Voguet. Ce qui est vrai pour les communes rurales l’est aussi pour les communes urbaines. Nous connaissons tous, notamment ceux d’entre nous qui sont maires, l’organisation des centres de loisirs, structures extrêmement sérieuses qui fonctionnent avec un taux d’encadrement précis, des animateurs qualifiés, tous titulaires du BAFA, et des responsables encadrant ces animateurs, titulaires du BEATEP.

Cette organisation comprend à la fois les centres de loisirs, qui ne fonctionnent que le mercredi et pendant les vacances, et ce que l’on appelle les « temps courts », c’est-à-dire les garderies du matin, du midi et du soir.

Lors d’une grève massive dans l’éducation nationale, comment assurer l’accueil des enfants dans de bonnes conditions ? On peut certes assurer l’accueil si on retient le principe d’un taux d’encadrement d’un adulte pour cinquante enfants. Il sera certainement possible de recruter une mère de famille qui a obtenu le BAFA et a été animatrice de colonies de vacances il y a vingt-cinq ans. Mais la sécurité des enfants sera-t-elle assurée ? Et qui sera responsable ? Le maire !

Les animateurs sont en général des étudiants, mais, par définition, ils étudient ; d’ailleurs, M. le ministre ne leur demande-t-il pas d’être assidus à l’université et de ne pas faire grève ?

Imaginons que la grève au sein de l’éducation nationale soit suivie par le mouvement étudiant : qui assurerait la garde des enfants ?

C’est extrêmement difficile à organiser. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.) Je dis cela non pas pour vous mettre des bâtons dans les roues, monsieur le ministre, mais parce que, fort de mon expérience, je sais que la mise en place d’un tel dispositif est très complexe, sauf à faire n’importe quoi, y compris mettre en danger les enfants concernés, ce à quoi je me refuse.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Mon intervention porte sur ces deux amendements identiques, mais également sur l’amendement n° 37 rectifié bis présenté par M. Collombat.

On peut comprendre les problèmes posés aux enfants et aux familles – surtout aux enfants ! – les jours de grève des enseignants, mais il ne faut pas pour autant négliger les questions de responsabilité et de compétence. Ces points ayant déjà été évoqués au cours du débat, je n’y reviens pas.

Reste le problème de la disponibilité : les maires vont disposer soit du personnel communal, soit du personnel extérieur.

Le personnel communal, particulièrement dans les plus petites communes, mis à part les agents spécialisés des écoles maternelles, dont le statut permet d’intervenir dans tous les cas auprès des enfants, est composé d’agents techniques, que je n’imagine pas surveiller et garder les enfants à l’école. Rien, dans la définition de leurs tâches, ne permet que la garde de ces enfants leur soit confiée.

Par ailleurs, le maire, fort de l’obligation d’obéissance hiérarchique, peut-il obliger ces agents à assurer l’accueil et la garde des enfants ? La réponse est bien sûr négative.

Reste la possibilité de faire appel à des personnes extérieures. Monsieur le rapporteur, vous suggérez de solliciter des étudiants titulaires du BAFA, mais figurez-vous que, de temps en temps, ces jeunes gens étudient et ne sont donc pas toujours disponibles !

Les parents, selon vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pourraient être appelés intervenir et participer au vivier de personnes disponibles. Or, avez-vous oublié que si vous souhaitez organiser un service minimum, c’est justement à cause de leur indisponibilité ? Par conséquent, les solliciter ne ferait qu’aggraver la difficulté.

Toutes ces mesures tiennent avec des bouts de ficelle, si je puis dire, et leur efficacité me semble donc douteuse. Ce dont je suis certain, en revanche, c’est que leur mise en œuvre sera extrêmement complexe.

Pour avoir été maire pendant très longtemps, je doute fort qu’il soit aussi facile de trouver des personnels de la fonction publique susceptibles de pouvoir garder les enfants, et encore moins des personnes extérieures.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. On va s’y efforcer !

M. Claude Domeizel. C’est la raison pour laquelle je voterai en faveur des amendements de suppression –  sinon, la question me sera posée : que fait le maire ? – et, bien sûr, l’amendement n° 37 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Je voterai bien entendu en faveur des amendements de suppression. Je ne fais pas de différence entre les grandes collectivités et celles qui comptent moins de 3 500 habitants. Les problèmes sont différents, mais tout aussi difficiles à traiter.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 et 42.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l’amendement n° 6.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit d’un amendement de cohérence en lien avec l’amendement n° 3, défendu par M. le rapporteur à l’article 2.

Cet amendement a le mérite de clarifier avec honnêteté les choses et de redistribuer les rôles de chacun : aux communes la charge d’organiser ce service d’accueil quand le nombre de personnes qui ont déclaré leur intention de participer à la grève représente au moins 10 % du nombre de personnes exerçant des fonctions d’enseignement – autant dire dans toutes les écoles en grève – ; à l’État de se charger d’organiser le service d’accueil, la garderie, lorsque les enseignements prévus par les programmes « ne peuvent pas être dispensés », selon la formulation très générale du projet de loi, pour être clair, quand un enseignant absent ne peut être remplacé.

À un droit à l’enseignement –  et ce hors période de grève – l’État substitue un droit à la garderie.

Nous voterons donc bien évidemment contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 53 est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 37 rectifié bis.

M. Pierre-Yves Collombat. Sur le principe, cette défausse de l’État sur les communes n’est pas recevable.

J’aurai vraiment tout entendu. Monsieur le ministre, comment pouvez-vous nous dire qu’une loi ne peut pas faire de cas particuliers ? Comment expliquez-vous, par exemple, que la loi électorale ne soit pas la même pour les communes de moins de 3 500 habitants et pour les autres ?

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C’est autre chose !

M. Pierre-Yves Collombat. Comment expliquez-vous que les nomenclatures comptables, les obligations budgétaires, la discussion d’orientation budgétaire, les budgets annexes, ne sont pas les mêmes selon la taille des communes ?

Expliquez-moi, monsieur le ministre, pourquoi la loi électorale est différente selon que les communes comptent moins de 3 500 habitants ou plus de 3 500 habitants, puisque la loi doit être unique ?

Vous voulez à tout prix nous convaincre, mais, franchement, ces arguments ne tiennent absolument pas. Il y a un problème spécifique. Je ne comprends pas que vous ne vouliez pas en tenir compte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 118 :

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l’adoption 200
Contre 118

Le Sénat a adopté.

Article 4
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Article 6

Article 5

Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-4. - Dans le cas où un préavis a été déposé dans les conditions prévues par l'article L. 2512-2 du code du travail et en vue de la mise en place d'un service d'accueil, toute personne exerçant des fonctions d'enseignement dans une école maternelle ou élémentaire publique informe l'autorité administrative, au moins quarante-huit heures avant de participer à la grève, de son intention d'y prendre part.

« L'autorité administrative communique sans délai au maire, pour chaque école, le nombre de personnes ayant fait cette déclaration et exerçant dans la commune.

« Le maire met en place ce service d'accueil, lorsque le nombre de personnes qui ont déclaré leur intention de participer à la grève en application du premier alinéa du présent article est égal ou supérieur à 10 % du nombre des personnes exerçant des fonctions d'enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires publiques de la commune. »

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, sur l'article.

M. Ivan Renar. Pour cet article, comme pour tous les autres, nous aurions pu déposer un amendement de suppression, tant son contenu nous semble néfaste.

Il décrit en effet le mécanisme de l’obligation faite aux enseignants de se déclarer grévistes, et celui du transfert de l’information aux maires pour qu’ils mettent en place le service d’accueil.

Or, autant il précise les obligations des enseignants, autant il reste flou pour les autres intervenants.

En premier lieu, qui est l’autorité administrative dont il est question dans cet article ? L’inspecteur de l’éducation nationale ? Si oui, pourquoi ne pas le nommer ? Auprès de qui l’enseignant doit-il se déclarer gréviste ? Ce n’est pas précisé.

En second lieu, quelle est l’autorité administrative qui communique au maire les effectifs de grévistes ? Et quelles informations communique-t-elle ?

Il est en effet important de connaître l’âge des enfants qui devront être accueillis. Les exigences d’encadrement et d’animation varient selon les âges. Ainsi, s’ils ont besoin de faire la sieste, cela pourra poser des problèmes.

En ce qui concerne les délais, s’il est précisé que l’enseignant doit se déclarer quarante-huit heures à l’avance, aucun délai, en revanche, n’est indiqué pour l’information du maire. En effet, « sans délai », est-il écrit, mais cela ne veut rien dire !

Or, les maires ont très souvent une activité professionnelle et, dans les petites communes, le secrétariat n’est pas toujours permanent. Ainsi, dans la plupart des cas, le maire devra mettre en place l’accueil en vingt-quatre heures. Est-ce sérieux ?

Ce délai est en effet très court, si court que nous nous interrogeons sur la possibilité réelle de le respecter, en particulier dans les moyennes et grandes villes, où il faudrait parfois trouver plusieurs dizaines d’animateurs pour accueillir les enfants, ou, à l’inverse, dans les communes rurales, où trouver deux ou trois personnes ne sera pas simple non plus.

Que fera le maire quand, en plus de la grève des enseignants, il devra gérer celle du personnel municipal, en particulier celui qui intervient dans les écoles, y compris le personnel de restauration ? A-t-il une obligation de moyens ou une obligation de résultat ?

Parlons encore des obligations qui ne sont pas précisées et qui sont pourtant essentielles, au nombre desquelles la question du taux d’encadrement.

Ce taux, non précisé, sera pourtant un élément important de l’engagement de la responsabilité des maires. Il faut qu’il soit spécifié dans la loi, pour le cas où un maire devrait passer au tribunal, par exemple.

Les maires connaissent deux types de taux d’encadrement : pour les cantines, le nombre d’adulte est de un pour quarante rationnaires ; pour les centres de loisirs sans hébergement, ce sont ceux de la jeunesse et des sports qui s’appliquent.

Quel encadrement devra-t-il prévoir ? Sans aucun doute devra-t-il appliquer la norme « jeunesse et sports », à savoir, en moyenne, trois adultes pour un enseignant gréviste et un directeur de centre, car, même si le directeur ou la directrice de l’école ne sont pas grévistes, ils n’ont pas autorité sur le personnel communal.

Dans les villes comptant quelques dizaines d’écoles, ce sont très vite plus de cent personnes qu’il va falloir recruter, organiser et gérer. Ce n’est pas une mince affaire.

Enfin, dans cet article est prévue la mise en œuvre de cet accueil scolaire dès que 10 % des enseignants se déclarent grévistes. Compte tenu des effectifs de nos écoles, dans 90 % des cas, dès qu’un enseignant sera en grève, il faudra mettre en place cet accueil.

Comment justifier un si faible taux, quand, dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, il est précisé que cet accueil doit être mis en place en cas « de grève importante » ? Les syndicalistes seront heureux d’apprendre qu’avec 10 % de grévistes une grève est importante !

Monsieur le ministre, vous ne serez donc pas étonné que, compte tenu de tout ce que cet article contient et de tout ce qui n’y est pas précisé, nous ne pourrons que voter contre.

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 44, présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Dans la logique de notre opposition de principe à la création d’une nouvelle charge pour les communes, nous nous opposons aussi à ses modalités de mise en œuvre.

Soulignons que le seuil de 10 % d’enseignants grévistes, au-delà duquel la commune devra organiser le service d’accueil, sera atteint dès lors qu’un seul enseignant fera grève dans de très nombreuses communes, à savoir celles qui disposent de moins de dix classes sur l’ensemble de leur territoire, si l’on exclut le cas des enseignants à temps partiel.

Ainsi, en zone rurale, c’est potentiellement l’ensemble des communes qui devra mettre en œuvre ce service, alors même que c’est dans ce type de municipalités que les maires auront le plus de difficultés à l’organiser dans des conditions acceptables pour maintenir la sécurité et la qualité d’accueil des enfants.

Je le rappelle, selon l’AMF, sur les 22 500 communes possédant une école publique du premier degré, 20 000 ne seront pas en mesure d’assurer ce service d’accueil.

À l’article 5, le Gouvernement – dans sa grande générosité ! – octroie aux maires quarante-huit heures, dans le meilleur des cas, pour organiser un service d’accueil les jours de grève. Autrement dit, il leur faut trouver les personnels à même d’effectuer cet accueil en nombre suffisant, alors même que le nombre d’enfants concernés sera le plus souvent difficile à comptabiliser. On notera aussi la difficulté pour les communes à estimer le nombre réel de grévistes, certains pouvant se rétracter au dernier moment.

À ce titre, nous sommes extrêmement inquiets du manque d’exigence du projet de loi quant à la qualité des personnels qui seront appelés à s’occuper d’enfants.

Des normes drastiques sont imposées aux communes en matière d’accueil en centres de loisirs et lors des activités périscolaires.

En termes de sécurité des élèves accueillis, il aurait été opportun, tout au moins, de prévoir que le personnel assurant ce service d’accueil doit satisfaire aux mêmes exigences que celles qui sont posées pour l’encadrement dans les centres de loisirs sans hébergement et lors des activités périscolaires, à savoir la détention du BAFA ou du BAFD, et ce conformément aux dispositions de l’arrêté du 20 mars 1984.

En outre, en vertu de l’instruction du 23 mai 2003 et de la loi du 17 juillet 2001, les exigences d’encadrement varient en fonction de l’âge des enfants. Je les rappelle : pour les moins de six ans, il faut un animateur pour huit enfants en centres de loisirs et un pour dix en période périscolaire ; pour les six ans et plus, un animateur pour douze enfants en centres de loisirs et un pour quatorze en période périscolaire est requis.

Certes, allez-vous me répondre, monsieur le ministre, le respect des exigences minimales au regard de la sécurité des enfants que je viens d’évoquer rendrait encore plus difficile l’organisation de ce service d’accueil pour la plupart des communes.

Nous avions déposé un amendement de repli destiné à apporter des garanties de qualification des personnels assurant le service d’accueil. Une fois de plus, l’article 40 de la Constitution nous a été opposé, et nous ne pourrons pas défendre notre proposition. L’irrecevabilité financière a bon dos, surtout quand il s’agit de la sécurité des enfants !

À cet égard, je ne résiste pas au désir de vous lire le commentaire de notre collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances, pour justifier l’irrecevabilité : « L’absence de contraintes quant aux qualifications des encadrants permet aux communes de recourir à leurs employés pour assurer le service minimum. » (M. Pierre-Yves Collombat s’esclaffe.) M. Arthuis poursuit : « L’institution d’une contrainte en termes de qualification contraindra les communes, notamment rurales, qui ne disposeraient pas de personnel qualifié à en recruter temporairement, ce qui constitue une charge publique supplémentaire. »

Ainsi, la majorité sénatoriale se satisferait d’un accueil des enfants par le cantonnier, du moins quand la commune en a un ! Telle n’est pas notre conception d’un service d’accueil digne de ce nom.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

M. le président. L’amendement n° 17, présenté par MM. Carle, Valade, Richert, Besse, Billard, J. Blanc, P. Blanc, Bordier, de Broissia, Brun, César, Chauveau, Cornu, Couderc et Demuynck, Mme Descamps, MM. Doublet et Dufaut, Mme Dumas, MM. A. Dupont, Duvernois, Émin, Esneu, Fournier, Garrec, Gérard, Ginésy, F. Giraud et Girod, Mme Henneron, MM. Hérisson et Humbert, Mme Hummel, MM. Huré, Jarlier, Legendre et Leroy, Mme Malovry, M. Martin, Mme Mélot, MM. Miraux, Mortemousque, Murat et Nachbar, Mme Papon et MM. Pointereau, Texier et Souvet, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 133-4 du code de l’éducation, après les mots :

quarante-huit heures

insérer les mots :

comprenant au moins un jour ouvré

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je serai bref, car cet amendement est suffisamment clair et explicite. De surcroît, j’ai eu l’occasion de l’évoquer dans la discussion générale, et vous nous aviez alors annoncé votre intention d’y donner une suite favorable, monsieur le ministre.

Cet amendement vise en effet à améliorer l’information des élus, en prévoyant d’inclure un jour ouvré dans le délai de quarante-huit heures, afin d’assurer le meilleur accueil possible. Il s’agit d’une mesure attendue notamment par un certain nombre d’élus de petites communes qui ne disposent pas de services suffisamment étoffés pour s’organiser au mieux.

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 133-4 du code de l’éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de la négociation préalable prévue à l’article L. 133-2, l’État et la ou les organisations syndicales représentatives des personnels qui ont procédé à la notification prévue au II de ce même article peuvent s’entendre sur les modalités selon lesquelles ces déclarations préalables sont portées à la connaissance de l’autorité administrative. En tout état de cause, cette dernière doit être informée, au plus tard quarante-huit heures avant le début de la grève, du nombre, par école, des personnes ayant déclaré leur intention d’y participer.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Il s’agit d’un amendement important, puisqu’il a trait aux relations entre les enseignants et l’autorité employeur, à savoir le ministère de l’éducation nationale.

En effet, le service d’accueil ne pourra être mis en œuvre si le nombre de grévistes n’est pas connu par avance, au moins approximativement. C’est ce qui justifie la déclaration obligatoire quarante-huit heures à l’avance. Mais le mouvement se sera déclenché treize jours auparavant ! Donc, les communes savent déjà qu’il risque d’y avoir une grève. Elles sont « en veille », si je puis dire.

M. Serge Lagauche. Il faut privilégier la négociation !

M. Philippe Richert, rapporteur. Certes, mais celle-ci a eu lieu alors même que le risque de grève est avéré. La commune peut donc contacter les personnes qui seraient concernées.

Le principe posé par le projet de loi est le suivant : quarante-huit heures avant la grève, les enseignants ayant l’intention d’y participer doivent se déclarer nominativement à leur hiérarchie ; parallèlement, comme le veut la tradition, ils informent les parents.

En réalité, un certain nombre d’enseignants très attentifs à ces questions se sont inquiétés du fait de devoir se déclarer grévistes auprès de leur autorité hiérarchique et ont émis le souhait de pouvoir conserver l’anonymat. La commission comprend de telles inquiétudes. Même si c’est très peu probable, des pressions peuvent en effet toujours avoir lieu. En tout état de cause, ce type de déclaration peut créer un certain malaise.

Par conséquent, la commission a proposé un aménagement des modalités de déclaration, au moment même où certaines organisations syndicales exprimaient un souhait similaire.

De ce dialogue croisé entre le ministre, les syndicats et la commission est né cet amendement, qui permettrait aux syndicats et au ministère de convenir ensemble de modalités de déclaration assouplies, au cours de la négociation préalable instituée par l’article 3 du projet de loi. Il est ainsi tout à fait possible d’imaginer que le directeur d’école puisse recueillir les déclarations d’intention de ses collègues et transmettre à l’autorité académique uniquement le nombre de grévistes déclarés dans l’école, sans préciser le nom des personnes concernées.

Un tel aménagement permettrait, en cas d’accord entre les syndicats et l’autorité employeur, à savoir le ministère, d’éviter le recours à une déclaration nominative. En respectant ainsi une certaine confidentialité, même si l’on saura tout de même qui fait grève, la commission répond à la demande des enseignants.

M. le président. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Gélard et Alduy, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 133-4 du code de l’éducation :

« Lorsque le nombre des enseignants qui ont déclaré leur intention de participer à la grève ne permet pas d’ouvrir les locaux d’une école maternelle ou primaire dans une commune, celle-ci organise le dispositif nécessaire à l’accueil des enfants. Cet accueil est mis en place pendant les heures au cours desquelles les enseignements sont dispensés. Lorsqu’il y a plus d’un enseignant non gréviste, l’établissement scolaire assure l’accueil des enfants qui se présentent sous la responsabilité de l’Éducation nationale. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 8, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 133-4 du code de l’éducation :

« La commune met en place ce service d’accueil à destination des élèves d’une école maternelle ou élémentaire publique située sur son territoire lorsque le nombre des personnes qui ont déclaré leur intention de participer à la grève en application du premier alinéa du présent article est égal ou supérieur à 20 % du nombre de personnes qui exercent des fonctions d’enseignement dans cette école. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Avec cet amendement, nous abordons la question du taux d’enseignants grévistes à partir duquel le processus s’enclenche.

Le Gouvernement a proposé de fixer ce seuil à 10 % de grévistes par commune. Or, dans les municipalités les plus importantes, il peut y avoir, les jours de grève, de grandes variations d’une école à l’autre, avec, par exemple, 50 % de grévistes dans un établissement et aucun dans un autre : au final, si ce seuil était appliqué, un nombre important de grévistes dans une école ne suffirait pas à déclencher le processus.

C’est la raison pour laquelle il nous semble plus raisonnable de mettre en place un dispositif qui prenne en compte la situation école par école, et non plus globalement, commune par commune. Ce faisant, le seuil peut être relevé.

Si le seuil de 10 % a été initialement retenu, c’est parce qu’il était prévu de faire une moyenne sur l’ensemble d’une commune : il convenait alors de prendre en compte la situation des grandes municipalités et de prévoir un taux relativement bas, afin de pouvoir faire face à des cas extrêmes, où certaines écoles pourraient compter un nombre important de grévistes.

De là est née l’idée de la commission de retenir un pourcentage de 20 %, apprécié école par école ; certains, en particulier sur les travées de gauche, mais aussi sur celles de droite, l’ont d’ailleurs déjà évoquée.

Prenons ainsi l’exemple d’une école avec huit classes, c’est-à-dire d’un établissement relativement important : en appliquant un seuil de 10 %, le processus s’enclenche dès qu’un enseignant se déclare gréviste, ce qui serait tout de même quelque peu contre-productif ; avec un seuil de 20 %, on passe à deux enseignants grévistes, ce qui paraît plus raisonnable ; avec 30 %, il faudrait trois grévistes, soit trois classes à répartir dans cinq autres, ce qui semble pour le moins compliqué.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission vous propose ce seuil de 20 %, qui lui paraît plus réaliste.

M. le président. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Arnaud et Zocchetto, Mmes Payet, Dini et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 133-4 du code de l’éducation, remplacer les mots :

met en place

par les mots :

peut mettre en place

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 45, présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

égal ou supérieur

rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 133-4 du code de l’éducation

, par école, à 50 % du nombre des personnes exerçant des fonctions d’enseignement dans cette école

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Nous proposons un seuil de 50 %, mais loin de nous l’idée de faire de la surenchère !

M. le président. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Arnaud et Zocchetto, Mmes Payet, Dini et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 133-4 du code de l’éducation, remplacer le pourcentage :

10 %

par le pourcentage :

30 %

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. J’ai bien entendu les arguments présentés par M. le rapporteur, mais, pour notre part, nous souhaitons faire passer ce seuil de 10 % à 30 %.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Sur l’amendement n° 44 de suppression de l'article 5, je ne reviendrai pas sur le fond, car nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre.

Monsieur Lagauche, le dispositif que l’on a choisi de mettre en place devrait permettre d’éviter les situations que vous avez évoquées, comme le fait de confier la garde des enfants à un cantonnier qui n’aurait aucune compétence en la matière.

C'est la raison pour laquelle nous avons proposé de prévoir la constitution, dans les communes, d’un « vivier » de personnes connues d’avance, capables d’assurer la prise en charge des élèves et à qui l’on pourra faire appel. Grâce, en particulier, à des entretiens individuels, on se sera assuré au préalable que celles-ci ont les compétences, l’expérience et la motivation requises pour faire face à de telles situations.

Par ailleurs, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 17. Il semble en effet important que le délai de quarante-huit heures comprenne au moins un jour ouvré, pour laisser la possibilité de contacter l'ensemble des partenaires et, notamment, ceux qui sont appelés à organiser le service d’accueil des élèves.

Monsieur Lagauche, par l’amendement n° 45, vous nous proposez de retenir finalement le seuil de 50 % d’enseignants grévistes. Or, en pratique, un tel pourcentage risque de n’être que peu souvent atteint. À mes yeux, les situations auxquelles il faut pouvoir faire face sont déjà constatées à un niveau bien inférieur.

Comme cela se fait en général, les élèves d’une classe dont l’enseignant est gréviste sont répartis dans les autres classes. Par conséquent, pour une école de dix classes qui compte 40 % de grévistes, dans l’hypothèse où le service d’accueil n’est pas mis en place, cela suppose que les six enseignants restants prennent en charge les élèves concernés. Très franchement, cela me paraît tout de même très compliqué !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bien sûr !

M. Philippe Richert, rapporteur. C'est la raison pour laquelle, sur ma proposition, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Madame Dini, en ce qui concerne l’amendement n° 36 rectifié, votre proposition de relever le seuil à 30 % me laisse, je dois le reconnaître, quelque peu perplexe. Initialement, le ministère avait prévu un taux de 10 %. Après réflexion, j’ai moi-même proposé un seuil de 20 %, apprécié école par école. M. le ministre pourra en témoigner, j’ai dû batailler pour faire accepter cette idée, mais j’y suis parvenu !

Cela étant, je ne peux pas affirmer catégoriquement qu’un seuil de 30 % est moins pertinent qu’un seuil de 20 %. Néanmoins, au point de la discussion où nous en sommes, mieux vaut à mon sens en rester à 20 % pour le moment, ce qui correspond déjà à un relèvement significatif du seuil. Le texte va repartir à l’Assemblée nationale. Si cette dernière n’est pas d’accord avec notre proposition, nous aurons toujours l’occasion, en commission mixte paritaire, de revenir sur cette question importante.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. L’adoption de l’amendement n° 44 défendu par M. Lagauche aurait pour effet de vider le texte de sa substance. Bien entendu, je ne peux l’accepter.

En ce qui concerne l’amendement n° 17 de M. Carle, l’idée d’inclure un jour ouvré dans le délai de quarante-huit heures fixé pour les déclarations individuelles est très bonne. Cet amendement est d’ailleurs le fruit d’un travail de grande qualité mené par la commission des affaires culturelles, sous la présidence de M. Valade. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

À l’évidence, le Gouvernement est également tout à fait favorable à l’amendement n° 7 de la commission, qui a pour objet de laisser aux organisations syndicales la possibilité de négocier les modalités de déclaration de grève avec l’autorité administrative. Je remercie M. le rapporteur de l’avoir présenté, car il reprend les conclusions des discussions que mes propres services ont conduites avec François Chérèque. Je me réjouis qu’un tel amendement ait pu être repris au Sénat, car cette disposition est véritablement de nature à favoriser le dialogue avec nos personnels.

Madame Dini, avec l’amendement n° 36 rectifié, nous en revenons à la question compliquée du seuil, sur laquelle nous avons longuement hésité. Permettez-moi de le rappeler, dans le premier degré, on considère qu’une grève est très importante lorsqu’il y a 25 % à 30 % de grévistes. Par conséquent, si le seuil était fixé à 30 %, le dispositif ne s’appliquerait que très rarement. Ce pourcentage est trop élevé !

De surcroît, fixer le seuil de déclenchement à un niveau aussi élevé reviendrait à créer une double peine pour les non-grévistes puisqu’ils devraient, en plus de leur classe, prendre en charge près d’un tiers des élèves d’une école.

Donc, madame Dini, même si je comprends que vous vous préoccupiez de l’intérêt général, je souhaiterais que nous nous en tenions finalement à la proposition de M. Richert fixant à 20 % par école le seuil de grévistes.

Je pensais m’en remettre à la sagesse du Sénat, mais, à la réflexion, je vais émettre un avis favorable sur l’amendement de M. Richert.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote sur l'amendement n° 7.

M. Ivan Renar. L’article 5 suscite, à juste titre, l’émotion des organisations syndicales. En effet, il inverse la procédure de déclaration de grève. Jusqu’à aujourd’hui, les enseignants informent simplement le directeur de leur école et les parents de leur intention de faire grève. C’est ensuite à l’inspecteur de l’éducation nationale de constater l’état de grève.

Avec cet article 5, les enseignants vont être obligés de déclarer leur « intention de prendre part à la grève » auprès de leur autorité administrative. Informer son autorité administrative de son « intention de prendre part à la grève », cela ne veut pas dire obligatoirement faire grève au final. D’où votre amendement, monsieur le rapporteur, pour tenter d’arrondir les angles, ce qui est d’ailleurs à votre honneur.

Mais prévoir que l’État et la ou les organisations syndicales « peuvent s’entendre sur les modalités selon lesquelles ces déclarations préalables sont portées à la connaissance de l’autorité administrative » – laquelle n’est, encore une fois, pas précisément nommée – qu’est-ce que cela signifie ? Pas grand-chose : elles peuvent s’entendre, comme elles peuvent ne pas s’entendre. Il n’y a aucune obligation de résultat. Ce n’est pas ce que l’on peut appeler un dialogue social très vivifiant !

Quant à l’idée vague « d’anonymat » que vous laissez entendre, elle me laisse perplexe, à moins que l’autorité administrative que vous visez ne soit pas l’inspection de l’éducation nationale, laquelle sait forcément qui a fait grève puisque c’est elle qui réalise les retenues sur salaire.

Nous voterons donc contre cet amendement, qui ne crée aucun droit ; il ouvre simplement une vague possibilité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 45 et 36 rectifié n'ont plus d'objet.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’article 5.

M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais revenir sur l’argumentation de notre rapporteur. Á l’en croire, si on fixait le seuil à 50 %, les enseignants ne pourraient pas se débrouiller tout seuls.

Or, tout à l’heure, on m’a dit de ne pas m’inquiéter du nombre d’élèves à accueillir en cas de grève, sous prétexte qu’ils ne seraient guère qu’un ou deux parce que les autres enseignants feraient classe.

Donc, quand il y a 50 % de grévistes, les enseignants ne peuvent pas faire face en se répartissant les élèves, mais les maires, eux, peuvent faire face. Comprenne qui pourra !

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-5. - Les informations issues des déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l'organisation durant la grève du service mentionné à l'article L. 133-4. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d'autres fins ou leur communication à toute autre personne que celles qui doivent en connaître est passible des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal. »

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous voterons, bien entendu, contre cet article, mais nous souhaiterions relever l’imprécision et la précipitation qui ont prévalu dans l’élaboration de ce texte.

Il y est question de « déclarations individuelles », en référence à l’article L 133-4, créé par cette loi, alors que, dans ce dernier, la notion même de déclaration individuelle n’existe pas.

Cela voudrait donc dire que l’enseignant devra remplir une « déclaration individuelle de gréviste ». Aussi, une question se pose : ces fiches seront-elles introduites dans un fichier informatisé ? Si oui, quelles sont les garanties pour leurs utilisations ? Cet article dit qu’elles seront utilisées pour l’organisation durant la grève. Qu’est-ce que cela recouvre ? De quelle organisation s’agit-il ? Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que l’organisation du service d’accueil est de la compétence du maire. Que contiendra cette déclaration pour que son contenu soit couvert par le secret professionnel ?

Pourquoi un tel article ? Si nous partageons le souci qui, apparemment, le sous-tend, son existence même nous interpelle. Les grèves existent depuis fort longtemps, vous dites même qu’elles sont insupportablement trop nombreuses. Quelles sont alors les justifications, les craintes qui se font jour, nécessitant de prendre de telles précautions par l’introduction d’un tel article, si peu clair, dans le code de l’éducation ?

Monsieur le ministre, nous souhaiterions vous entendre sur cette question.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Tout d’abord, cet article tend à rappeler la garantie d’anonymat des déclarations de la part des grévistes au nom du secret professionnel. Il s’agit de faire en sorte qu’aucune information ne puisse être utilisée à partir du nom des personnes déclarées grévistes.

Ensuite, cet article vise à permettre d’identifier le taux de déclenchement du système. Si, nous ne connaissons pas le nombre de grévistes potentiels, l’article 5 ne pourra pas s’appliquer. Il est donc absolument indispensable que cet article 6 soit adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Article additionnel après l'article 7

Article 7

Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-6. - La commune peut accueillir les élèves dans les locaux des écoles maternelles et élémentaires publiques y compris lorsque ceux-ci continuent d'être utilisés en partie pour les besoins de l'enseignement. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 24 est présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 29 rectifié est présenté par MM. Gélard et Alduy.

L'amendement n° 47 est présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour défendre l’amendement n° 24.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Certes, nous comprenons la logique de cet article à partir de votre volonté de créer un service d’accueil les jours de grève.

Il vous faut, dans le code de l’éducation, autoriser les communes à utiliser les locaux scolaires sur le temps scolaire.

Mais, ce faisant, l’article, dans sa rédaction, est de portée trop générale. Il peut ouvrir la porte à la mise en place, à tout moment, d’activités municipales sur le temps scolaire. Nous sommes pour le moins réservés sur cette question.

Qui plus est, votre texte prévoit de faire cohabiter, dans une même école et au même moment, des élèves qui suivent des cours et d’autres qui seraient en garderie.

Cela est, vous le savez, source de grandes difficultés. En effet, l’accueil ne pourra être organisé que dans les parties communes, les cours et les préaux.

Or l’architecture de nos écoles ne permet pas, en général, une telle cohabitation sans que cela vienne perturber les classes en activité.

En outre, ces espaces, souvent restreints, ne se prêtent pas à l’accueil d’un grand nombre d’élèves, une journée entière, dans de bonnes conditions. Nous ne sommes donc pas du tout assurés de la qualité de l’accueil ainsi organisé, et il n’y a pas, nous le craignons, de bonnes solutions en ce domaine.

M. le président. L’amendement n° 29 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour défendre l’amendement n° 47.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet article prévoit la possibilité pour la commune d’accueillir les élèves dans les locaux des écoles les jours de grève, « y compris lorsque ceux-ci continuent d’être utilisés en partie pour les besoins de l’enseignement ».

Le dispositif proposé pose problème en termes de responsabilité. En cas de double affectation des locaux d’une école pour le service public d’enseignement assuré par les enseignants non grévistes et pour le service d’accueil assuré par des personnels fournis par la commune, deux types de responsabilités pourraient être engagés : celle de l’État, responsable du service public d’enseignement, et celle de la commune, responsable du service d’accueil.

Plaçons-nous dans la situation des enseignements maintenus dans certaines classes, sous la responsabilité de l’État, alors que des enfants utilisent d’autres locaux pour se livrer à des activités de loisirs pendant ce temps, sous la responsabilité de la commune. Comment se passe le temps de la récréation des enfants soumis aux enseignements lorsque la cour est simultanément occupée par les enfants sous « service d’accueil » ? Imaginons que survienne un accident mettant en cause deux enfants accueillis à l’école sous deux régimes différents. Et que se passera-t-il lors des traditionnels échanges de classe si l’un des deux enseignants est gréviste ? Les contentieux ne manqueront pas d’apparaître.

Nous souhaitons donc, tant par cohérence avec notre opposition globale au service d’accueil comme solution de substitution, que par crainte de mise en place d’une véritable « usine à incidents », que cet article soit supprimé.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Au début du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-6 du code de l'éducation, ajouter les mots :

Pour la mise en œuvre du service prévu au troisième alinéa de l'article L. 133-4,

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 9, et pour donner l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 24 et 47.

M. Philippe Richert, rapporteur. L’amendement n° 9 est un amendement de précision.

La commission est défavorable aux amendements de suppression. Bien entendu, il faut organiser ce service d’accueil dans des locaux qui peuvent – ce n’est pas automatique – être ceux où sont organisés les cours.

Dans ma vie d’élu, j’ai déjà connu des écoles où certaines salles de classe accueillaient des activités qui ne relevaient pas du cursus traditionnel de l’enseignement. Et cela se déroulait dans des conditions tout à fait acceptables. La chose se produit d’ailleurs relativement souvent.

Il serait bon qu’en fin de semaine, le soir, voire dans la journée, nos établissements scolaires puissent s’ouvrir à un éventail d’activités dépassant le cadre strict de l’éducation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Je rejoins évidemment M. le rapporteur sur l’ensemble de ses réponses.

Je suis d'autant plus surpris de l’objection soulevée à la double utilisation de locaux, source, paraît-il, de confusions entre les responsabilités, que cela arrive tous les jours. N’est-ce pas le cas lorsque les enfants vont à la cantine ou suivent des activités d’éveil pendant les horaires de classe ? On est bien en présence de deux types d’activités. Dès lors, les régimes de responsabilité pourraient être différents.

De toute façon, la question ne se pose plus puisque l’État se substitue à la responsabilité du personnel que le maire aura choisi pour effectuer l’accueil. La responsabilité de l’État est également engagée vis-à-vis des fonctionnaires. C’est dire que cette distinction n’a pas lieu d’être.

Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements de suppression nos 24 et 47.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 24 et 47.

M. Jean-François Voguet. Je suis atterré par la méconnaissance du fonctionnement des écoles que révèlent les propos tenus.

Comment peut-on envisager d’utiliser une classe où est mis en place un projet pédagogique ? Ignore-t-on tout ce qui s’articule autour ? Je n’ai jamais entendu dire que le matériel destiné à de tels projets était utilisé par les centres de loisirs ! Si vous avez des exemples à me citer, je serais curieux de les connaître, mais, dans ma commune, ce n’est pas le cas !

Nous sommes trop respectueux de l’instituteur et du travail qu’il programme tout au long de l’année. Il faut donc retirer cette possibilité.

S’agissant des restaurants scolaires, ceux-ci sont en effet polyvalents, mais ils suivent un rythme différent. Ainsi, ils ne peuvent accueillir les élèves entre 10 heures 30 et midi, puisqu’il faut alors mettre les couverts et préparer les plats, ni l’après-midi jusqu’à pratiquement 15 heures, car il faut débarrasser les tables et faire la vaisselle. Pendant tout ce temps, le réfectoire n’est pas utilisable.

Quels lieux reste-t-il, en définitive, pour accueillir les élèves ? Les préaux ? Vous savez bien que, l’hiver, certains d’entre eux ne sont pas chauffés. La cour de l’école ? Soyons sérieux ! Ce dispositif ne peut pas fonctionner.

J’ai la certitude que ce projet de loi est idéologique et nullement réaliste. Tout conduit à penser que le dispositif envisagé ne pourra fonctionner correctement avec un taux d’encadrement aussi faible, avec des animateurs qui ne sont pas qualifiés ou même – car cette proposition a été formulée – avec du personnel communal qui, ordinairement, se trouve affecté à d’autres tâches. D'ailleurs, pendant que ces agents assureront l’accueil des élèves, qui fera leur travail ? Peut-on demander à un médecin du centre de santé municipal de venir faire de la garderie quand les enseignants sont en grève ?

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Oui, s’il en a envie !

M. Jean-François Voguet. Ce projet n’est pas cohérent !

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

M. Jacques Gautier. Je voterai, bien sûr, l’amendement n° 9 de la commission et cet article du projet de loi.

Je voudrais simplement apporter un témoignage. Je viens d’entendre qu’il n’était pas possible de mettre en place un service d’accueil dans les communes. Or voilà dix-neuf ans que je suis maire, et dix-neuf ans que j’ai mis en place un service d’accueil, en parfait accord avec les enseignants et à la grande satisfaction des familles. Mes chers collègues, quand on veut, on peut ! (Applaudissements sur les travées de lUMP – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Ivan Renar. C’est bien la preuve que ce projet de loi n’est pas utile !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Je n’accepte pas le procès qui m’a été fait : je sais ce qu’est une école ! J’ai été maire pendant douze ans d’une commune qui comptait quarante classes. J’ai été inspecteur général de l’éducation nationale pendant de nombreuses années. Je voudrais donc que l’on cesse de m’accuser d’aborder des sujets que je ne connais pas.

Quand je dis que des activités et des flux différents cohabitent chaque jour dans les écoles, je sais de quoi je parle ! C’est ce qui se passe à Paris tous les jours, sans exception !

Nous pouvons avoir des avis différents et en débattre. Mais que l’on ne me fasse pas un procès d’incompétence en prétendant que je dis n’importe quoi quand je parle d’école ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, il faudrait effectivement savoir de quoi nous parlons.

Avec ce projet de loi, on change tout de même d’échelle. Jusqu’à présent, on distinguait l’usage des locaux selon qu’il avait lieu pendant ou en dehors du temps scolaire.

Hors du temps scolaire, il y a déjà fort longtemps que les communes peuvent disposer librement des locaux. Mais pendant les enseignements, toutes les activités qui se déroulent à l’intérieur de l’école se trouvent placées sous la responsabilité des enseignants, ou en tout cas des directeurs ou des directrices. Les ATSEM, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, même si hiérarchiquement ils dépendent du maire, se trouvent placés durant leur service sous la responsabilité du directeur ou de la directrice de l’école, qui organise leurs missions.

De même, les intervenants extérieurs sont sous la responsabilité des enseignants. On leur demande d'ailleurs toutes sortes d’agréments. Pour faire accompagner des élèves à la piscine par une poignée de parents, vous devez faire remplir à ces derniers d’innombrables formalités. Et voilà qu’avec ce projet de loi, plus aucun agrément n’est nécessaire !

Dans la commune dont je suis le maire, un atelier était organisé afin d’encadrer la pratique de la pétanque. Que de démarches n’a-t-il pas fallu accomplir !

M. Xavier Darcos, ministre. C’est dangereux, la pétanque ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Et voilà que, du jour au lendemain, n’importe qui peut s’improviser animateur et encadrer des enfants. Cela n’a rigoureusement aucun sens !

Vous évoquiez tout à l'heure la responsabilité administrative et civile de ceux qui sont chargés de l’accueil des élèves. Mais quid de la responsabilité pénale, qui ne se transfère pas ?

Notre collègue Patrice Gélard, qui sait de quoi il parle, avait déposé un amendement n° 29 rectifié, qui visait à supprimer l’article. Je regrette qu’il ne l’ait pas défendu. Voici quel était l’objet de cet amendement : « Cette disposition n’est pas acceptable car elle superposerait dans le même temps deux responsabilités différentes et exonérerait les enseignants non grévistes, y compris le directeur, de toute responsabilité d’accueil des enfants. La question de la responsabilité en cas d’accident serait inextricable. » Ce n’est pas moi qui le dis : c’est un juriste confirmé !

Ne prétendez donc pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 47.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l'amendement n° 9.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Là encore, il s'agit d’un amendement qui tend à pallier les lacunes du texte.

En effet, tel qu’il est rédigé, l’article 7 – dont la portée, je le répète, est bien trop générale –, se trouve en complète contradiction avec les articles L. 212-15 et L. 216-1 du code de l’éducation définissant clairement les règles d’utilisation des locaux scolaires et les compétences des collectivités territoriales.

Comme nous l’avons expliqué en présentant l’amendement n° 24, cet article se contente de citer les élèves, sans les qualifier. Est-ce à dire que le maire pourra, en même temps, accueillir à sa guise des collégiens ou des lycéens et qu’il disposera des locaux des écoles pendant le temps d’enseignement ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
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Article 8

Article additionnel après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le chapitre III du titre III du livre 1er du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-6-1 - Le maire établit la liste des personnes susceptibles de participer à l'organisation du service d'accueil.

« Cette liste est transmise à l'autorité académique qui s'assure, par une vérification opérée dans les conditions prévues au 3° de l'article 706-53-7 du code de procédure pénale, que les personnes volontaires pour participer à l'organisation de ce service ne figurent pas dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infraction sexuelle ou violente.

« Lorsque l'autorité académique est conduite à écarter à ce titre certaines personnes de la liste, elle en informe le maire sans divulguer les motifs de l'inscription des personnes en cause sur le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infraction sexuelle ou violente. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Cet amendement tend à préciser la façon dont est établie la liste des personnes susceptibles de participer à l’organisation du service d’accueil. Il a pour objet de déterminer les modalités pratiques de ce dispositif.

Mes chers collègues, je puis comprendre ceux qui ne souhaitent pas mettre en place le service d’accueil. Pour notre part, nous cherchons la meilleure façon de le sécuriser, de créer le moins de difficultés aux maires, le moins d’incertitudes pour les parents et la plus grande continuité pour les enfants.

Je ne prétends pas avoir trouvé la solution idéale, à laquelle nous pensions depuis toujours, mais je m’efforce de sécuriser l’école face à des personnes – on peut songer à un pédophile, par exemple – qui figureraient dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infraction sexuelle ou violente, et qui seraient donc susceptibles de causer un grave préjudice.

Grâce à cet amendement, l’éducation nationale aura la possibilité de vérifier que les personnes participant à l’accueil ne font courir aucun danger aux enfants. En même temps, les maires pourront constituer à l’avance la liste de ceux qu’ils peuvent rapidement contacter pour mettre en place ce service.

Comme le soulignait M. Jacques Gautier, certaines communes ont institué un tel dispositif depuis déjà dix ou quinze ans. Mais elles ont agi sans disposer de la sécurité juridique et du financement que ce projet de loi vise précisément à leur offrir. Je pense donc qu’il s'agit d’une avancée tout à fait pragmatique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Non seulement j’émets un avis favorable sur cet amendement, mais je félicite également la commission pour son travail.

Il s'agit d’une excellente proposition qui, d'une part, permet aux communes de constituer un vivier de personnes susceptibles d’accueillir les élèves, et d'autre part, offre une garantie de sécurité tout à fait nécessaire, même si j’imagine qu’elle jouera rarement. Enfin, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, certaines communes ont depuis longtemps mis en place de telles listes. C’est le cas, par exemple, de la ville d’Étampes.

Cette disposition enrichira donc considérablement le projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. La légitime protestation émise par les maires conscients des difficultés locales a conduit M. le rapporteur à présenter cet amendement, qui vise, selon son auteur, à sécuriser le dispositif et à proposer des pistes pour son application.

Toutefois, ce faisant, cette proposition donne à voir les failles et les conséquences du dispositif. C’est ainsi que la constitution d’une « liste » ouvre un nouveau débat et oblige peut-être à des précisions gênantes.

Le premier paragraphe du texte prévu par cet amendement évoque « des personnes susceptibles de ». Cela comprend-il à la fois celles qui sont volontaires et celles qui ne le sont pas, c'est-à-dire des salariés de type ATSEM ? Ces personnes seront-elles libres de leur choix ou réquisitionnées par la mairie pendant des heures où elles ne travaillent pas ? Monsieur le rapporteur, je n’aurai pas la cruauté de vous demander ce qu’elles feront de leurs jeunes enfants non-scolarisés !

Le texte de l’amendement évoque aussi des « personnes volontaires » – l’expression diffère donc de celle que j’ai évoquée plus haut –, et nous imaginons bien qu’il serait impossible de constituer une telle liste à la dernière minute.

Mais de qui s’agit-il ? N’oublions pas que celles et ceux à qui l’on pense spontanément, c'est-à-dire les titulaires du BAFA, sont, pendant l’année scolaire, souvent des étudiants. Compte tenu de leur faible niveau de vie, la tentation sera grande pour eux de gagner quelques dizaines d’euros et de pratiquer l’absentéisme universitaire, à moins que « volontaire » ne signifie « bénévole », mais les dernières réponses de M. le rapporteur plaident plutôt pour un absentéisme rémunéré…

Disposons-nous également de la garantie que ce type de propositions ne sera pas considéré comme une « offre raisonnable d’emploi », puisque nos débats de la nuit dernière sur le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi ont éloigné la notion de statut ?

Enfin, toujours pour rassurer, M. le rapporteur évoque la « bonne précaution » qui consisterait à tenir à l’écart des enfants des auteurs connus d’infractions violentes ou sexuelles. Mais la méthode pratique retenue garantit-elle bien qu’il ne s’agit pas d’un croisement de fichiers, ce que la CNIL ne permet pas ? Une fois de plus, l’urgence apporte son cortège de fausses notes, mais celles-ci ne s’entendront que sur le terrain.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je concède volontiers que cet amendement procède d’une bonne intention, et j’avoue qu’à la première lecture j’étais plutôt d'accord.

L’avantage de cette proposition, c’est qu’elle permet aux maires de se préparer à l’avance, de disposer d’une réserve de personnel et, bien sûr, d’éliminer ceux qu’il vaudrait mieux ne pas laisser en contact avec des enfants.

Cela dit, je poserai tout de même une question à M. le rapporteur et à M. le ministre. Vous indiquez que le maire « établit la liste ». S’agit-il d’une obligation ? Dans l’affirmative, que se passera-t-il si cette obligation n’est pas respectée et si des problèmes se posent ?

Surtout, cet amendement ne vise-t-il pas finalement – peut-être les tribunaux en jugeront-ils ainsi si des problèmes se posent – à créer une procédure d’agrément pour les personnes qui accompliraient ce service ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Je voudrais répondre à quelques interrogations récurrentes, qui montrent d'ailleurs que certains de nos collègues sont réticents, pour ne pas dire opposés, à la mise en œuvre de ce service d’accueil.

Beaucoup affirment que ce dispositif comporte des risques. Mais je vous garantis que c’est également le cas quand des enfants arrivent à l’école, que celle-ci est fermée, et qu’ils se retrouvent dans la nature (Marques d’approbation sur les travées de lUMP.), ce qui, fort heureusement, ne se produit pas systématiquement. Je vous assure que le maire qui n’aurait pas pris de dispositions dans un tel cas de figure aurait des difficultés à expliquer son choix.

M. Robert del Picchia. C’est sûr !

M. Philippe Richert. Je ne comprends pas cet acharnement à vouloir à tout prix démontrer qu’il est impossible d’accueillir des enfants qui se présentent à l’école et trouvent porte close !

Mes chers collègues, il faut prendre en compte cette situation. J’ai rencontré les représentants des associations familiales : je vous assure qu’il s’agit pour eux d’une réelle préoccupation, et qu’ils font de la résolution de ce problème une priorité.

M. Pierre-Yves Collombat. Mais l’établissement de la liste est-il obligatoire ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Dès lors, j’essaie d’y parvenir, quitte à ce que nous débattions ensuite des moyens de surmonter chacun des obstacles qui peuvent se présenter devant nous.

Mme Blandin m’a interrogé à propos du personnel communal qui, au lieu de faire son travail habituel, se rendrait dans l’établissement où l’accueil serait organisé : que feront ces familles de leurs enfants pendant ce temps ? De toute façon, dès lors qu’elles travaillaient, leurs enfants se trouvaient dans la même situation !

Donc, nous recherchons véritablement des solutions pragmatiques pour avancer.

Certes, je le reconnais, le dispositif ne sera pas facile à mettre en place dans les petites communes. Sans doute faudra-t-il procéder à des ajustements lors de sa première application. Pour ma part, je m’efforce de déterminer comment organiser au mieux ce service d’accueil, concrètement

Si vous avez de meilleures solutions à proposer, mes chers collègues, je suis ouvert à toutes vos suggestions ; je l’ai dit lors de nos travaux en commission.

Les seules propositions que j’ai reçues visent à supprimer le texte au motif que le service d’accueil est impossible à mettre en place. En termes de réponse à cette véritable question que les familles nous posent, c’est un peu court ! J’aurais préféré des propositions donnant des pistes pour faire mieux !

M. Ivan Renar. Le dialogue social !

M. Philippe Richert, rapporteur. L’article 4 dispose : « La commune organise ce service » C’est un impératif : le maire est obligé de l’organiser. Donc, il établit une liste des personnes ayant déclaré leur intention de prendre part à la grève et il met en place le service d’accueil. La loi donne compétence aux communes pour l’organiser, au même titre que d’autres compétences sont dévolues aux conseils généraux. Cette responsabilité est créée afin de faire face à la situation.

Si d’autres formes d’organisation étaient proposées, je ne verrais pas d’inconvénient, à titre personnel, à écarter celle que nous examinons. Mais je trouve dommage de ne considérer ce dispositif que sous un aspect négatif, sans effort d’ouverture, compte tenu du fait qu’il s’agit de répondre à un vrai besoin.

M. Ivan Renar. Quelle passion !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le rapporteur, je ne mets pas en doute la pureté de vos intentions. Vous nous dites qu’il s’agit de répondre à une question que les familles nous posent. Mais à qui la posent-elles ? À l'État ! Et c’est au maire d’apporter la réponse ? Très bien !

Au demeurant, j’évoque ce point parce que vous l’avez soulevé, mais je veux en revenir à l’amendement. La mesure proposée est-elle de nature à améliorer les choses et, encore une fois, l’établissement de la liste est-il obligatoire ?

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Oui, c’est une obligation !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Je comprends que ce sujet, qui a été longuement discuté en commission, suscite un débat et je trouve tout à fait légitimes les interrogations qui ont été soulevées, notamment par M. Collombat.

Oui, l’établissement de cette liste est obligatoire ! D’abord, elle constitue une garantie pour le maire d’avoir la certitude de disposer des personnels nécessaires pour le service d’accueil. Ensuite, elle représente une sécurité pour les familles, car on ne peut exclure l’éventualité, même si elle est exceptionnelle, de repérer dans les listes proposées des personnes ayant un casier judiciaire.

Par conséquent, la disposition proposée par la commission, qui n’était pas évidente à trouver, est tout à fait judicieuse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

Mme Marie-Christine Blandin. Le groupe socialiste s’abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.

Article additionnel après l'article 7
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Articles additionnels après l'article 8

Article 8

Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-7. - L'État verse une contribution financière à chaque commune qui a mis en place le service d'accueil au titre des dépenses exposées pour la rémunération des personnes chargées de cet accueil.

« Cette contribution est fonction du nombre d'élèves accueillis. Son montant et les modalités de son versement sont fixés par décret. »

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, sur l'article.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions déposé deux amendements, qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. J’en suis fort contrit et encore tout ébaubi, parce que je ne peux même pas les défendre.

Mais cela ne m’empêchera pas de m’exprimer pour dire que le refus de ces deux amendements confirme nos craintes.

Nous demandions qu’il soit inscrit dans la loi que l’État rembourse la totalité des frais engagés à l’occasion de la mise en place, par une commune, d’un service d’accueil en cas de grève des enseignants.

C’est bien la preuve, qu’il s’agisse de « contribution » ou de « compensation », c’est-à-dire du texte d’origine ou des amendements présentés par les deux commissions, que les maires ont au moins une assurance : ils ne seront remboursés qu’en partie, et non pas en totalité. Au moins les choses sont-elles claires !

Aucun cadre ne réglemente les moyens devant être mis en œuvre pour ces accueils, mais le Gouvernement a déjà décidé de ce qu’il paiera. Aux communes de se débrouiller avec ce qu’on leur donne !

De plus, alors que nous proposions, dans un autre amendement, lui aussi refusé, que ce remboursement s’appuie sur le nombre d’enseignants grévistes, l’article 40 a encore frappé. Là encore, les choses sont claires !

Les maires devront prévoir les effectifs nécessaires à l’encadrement de ces accueils en se fondant sur le nombre de grévistes. Mais si, au final, le service d’accueil n’intéresse pas les parents et si peu d’élèves sont présents, les communes en seront pour leurs frais. Seul le nombre d’enfants accueillis fera se délier la bourse du Gouvernement.

Quant au personnel, en surnombre certes, mais qu’il fallait prévoir et recruter au cas où, il faudra gérer administrativement la prestation et il reviendra aux communes d’en assurer le financement. Ainsi, le dispositif prévu dans cette loi, pour le moins contestable, déclarée d’urgence et mal faite, car élaborée dans la précipitation, à partir d’une expérimentation non concluante, devra être pris en charge par les communes.

D’un côté, le Gouvernement réalise des économies et, de l’autre, il fait payer ses charges par les impôts locaux.

Dans ces conditions, nous voterons bien entendu contre l’article 8.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C’est très bien ainsi !

M. Ivan Renar. Et nous demandons que le Sénat se prononce par scrutin public sur cet article, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.

Mme Nicole Bricq. A ce stade du débat sur l’article 8, qui traite, en l’état actuel, de la contribution financière de l’État, j’aborderai plusieurs points.

En premier lieu, je souhaite poursuivre le débat qui a été engagé hier au sein de la commission des finances à la suite du rapport de notre collègue rapporteur pour avis, M. Longuet

Nous voulions présenter un amendement prévoyant le remboursement intégral des frais engagés par les communes. Le terme « intégral » a subi le couperet de l’article 40 de la Constitution, article que nous ne sommes pas parvenus – pas encore, dirai-je – à supprimer lors de l’examen, voilà peu, du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles, le 18 juin dernier, vous avez dit que le projet de loi créait « une nouvelle compétence au profit des communes » et que, à ce titre, il appartenait « au législateur de fixer le montant et les modalités de la compensation financière attribuée aux collectivités pour l’accomplissement de cette tâche ».

Vous avez donc, ce jour-là, prononcé le mot « compensation », ce qui permet à nos collègues rapporteurs de présenter deux amendements identiques et de substituer au terme « contribution » celui de « compensation ». On avance !

Mais, pour notre part, nous voulions que cette compensation soit intégrale. A la lecture du compte rendu analytique des débats de ce matin, je note que M. Richert a utilisé le terme « intégrale », ce qui veut bien dire que nous étions dans le même esprit que nos collègues en défendant la notion de compensation intégrale.

Notre amendement a été refusé au motif qu’il allait au-delà des intentions du Gouvernement, qui n’avait pas la volonté de rembourser sur facture les collectivités ; M. le ministre s’en expliquera d’ailleurs tout à l’heure, puisque le Gouvernement présente lui-même un amendement relatif à la compensation.

Nous craignons, en tout cas à ce stade, que les communes ne soient pas remboursées à l’euro près de l’intégralité des frais qu’elles auront eu à payer pour l’organisation de cet accueil. Outre les frais concernant le personnel chargé de cet accueil, elles devront supporter les dépenses annexes telles que le chauffage, l’électricité ou le transport scolaire, s’il y a lieu.

Connaissant les mauvaises habitudes de l’État, nous pensons qu’il laissera une partie du coût financier de la mise en place de cet accueil à la charge des communes.

En deuxième lieu, je souhaite attirer l’attention du ministre et des rapporteurs sur la rédaction actuelle de l’article 8, qui reprend celle de la circulaire parue en janvier 2008, quant aux critères de fixation de cette contribution financière : je n’entre pas dans le détail, mais celle-ci est fonction du nombre d’élèves accueillis.

Là encore, nous redoutons le pire, parce que nous souhaitons que le critère retenu soit non pas celui du nombre d’élèves accueillis, mais celui des charges réellement exposées par la commune pour mettre en place ce service minimum.

De toute façon, les communes ne pourraient pas se satisfaire d’une indemnité forfaitaire qui serait d’emblée sous-évaluée.

Je vous rappelle que l’Association des maires de France a jugé, à de nombreuses reprises, que la contribution évoquée jusqu’ici était insuffisante au motif qu’elle ne prendrait en charge qu’une partie des frais.

En troisième lieu, et cet argument est important, l’article 8 nous paraît contraire aux dispositions de l’article 72-2 de la Constitution, qui dispose : « Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

Or l’article 8 du projet de loi renvoie à un décret le soin de fixer le montant et les modalités de versement de cette contribution. Il se pose donc un problème constitutionnel, que je ne développerai pas. Dans votre amendement, monsieur le ministre, vous renvoyez également à un décret le soin de fixer le montant d’une contribution minimale. Nous attendrons donc l’appréciation du Conseil constitutionnel, qui, nous l’espérons, reconnaîtra les pouvoirs du Parlement, car c’est au Parlement qu’il appartient de fixer le montant de cette contribution, et non à l’exécutif.

En dernier lieu, les contributions versées seraient financées par les retenues sur salaire des enseignants grévistes du primaire et du secondaire. Monsieur Longuet, vous avez utilisé cet argument hier et, selon vos calculs, ce mécanisme devrait permettre d’équilibrer les finances de l’État.

Permettez-nous de nous méfier ! Comparaison n’est pas raison, mais nous avons trop l’habitude des calculs qui nous sont présentés par le Gouvernement. Nous en avons notamment un très mauvais exemple avec le bonus-malus vendu par M. Borloo : il ne devait pas coûter un sou à quiconque, mais, dès les quatre premiers mois d’application du dispositif, force est de constater que son coût s’élèvera à environ 200 millions d’euros !

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas laisser le Gouvernement faire porter sur les collectivités locales l’essentiel du rééquilibrage des finances publiques. Il ressort de la présentation faite, hier, par le Premier président de la Cour de comptes, Philippe Séguin, sur l’état des finances publiques et l’orientation prise par rapport à l’objectif de retour à l’équilibre en 2012, que l’État fait porter les deux tiers de cet engagement sur les dépenses des collectivités locales, et nous savons tous que cela n’a aucun caractère de réalité.

Monsieur le ministre, ayant été vous-même maire pendant douze ans, sans doute comprendrez-vous la position non partisane prise par M. Alain Lambert, auteur d’un important rapport sénatorial sur la fiscalité locale, position que nous partageons tous au sein de la commission des finances – vous pouvez en faire part à votre collègue ministre du budget –, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons : il faudrait, dans la dépense publique au titre des collectivités locales, séparer les dépenses relevant de l’autorité délibérante – la commune, le département, la région – et celles qui sont d’origine législative et réglementaire. C’est le cœur de notre débat !

Cela rétablirait la réalité des dépenses engagées par les collectivités locales et cela éviterait au Gouvernement de faire porter sur elles la très grosse responsabilité du déficit des finances publiques.

M. Jean-Claude Carle. Il fallait le dire à M. Jospin lorsqu’il était Premier ministre !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 11 est présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles.

L'amendement n° 54 est présenté par M. Longuet, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa et la première phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-7 du code de l'éducation, remplacer (deux fois) le mot :

contribution

par le mot :

compensation

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 11.

M. Philippe Richert, rapporteur. L’amendement n° 11 tend à substituer le mot « compensation » au mot « contribution », s’agissant de la participation financière de l’État. Il vise ainsi à rendre l’article 8 du projet de loi conforme à l’article 72-2 de la Constitution.

Nous n’avons pas prévu de compensation intégrale. En effet, le service d’accueil devant être organisé et encadré, l'État ne peut financer toutes les dépenses engagées à ce titre par une commune. Cette dernière pourrait décider, par exemple, de mettre en place un encadrement beaucoup plus important que celui qui est envisagé par l’État.

Le Gouvernement engage donc un dialogue en proposant un encadrant pour quinze élèves.

Le Gouvernement reprend un amendement qui avait été initialement déposé par Jean-Claude Carle, aux termes duquel il s’engage à verser une compensation d’un montant minimal à toutes les communes organisant un service d’accueil, en particulier aux plus petites d’entre elles, afin de garantir les dépenses qu’elles engageront à cette fin. Ce point est important.

Il serait peut-être utile, monsieur le ministre, que vous nous précisiez quel sera ce montant minimum, qui sera fixé par décret. Vous nous aviez indiqué précédemment qu’il pourrait être versé entre 80 et 90 euros par tranche de quinze élèves. À cet égard, je dois dire que les entretiens que j’ai eus avec les représentants de l’Association des maires de France ont été très positifs, ceux-ci ayant vraiment eu le sentiment d’être écoutés. Ils ont accueilli avec une grande satisfaction les propositions que je leur ai faites en vue d’améliorer le texte du Gouvernement, notamment l'augmentation du montant minimal de cette compensation de 80 ou 90 euros à 100 ou 120 euros.

Je le répète, monsieur le ministre, il serait utile que vous nous précisiez le montant de la compensation que l’État versera aux communes assurant le service d’accueil des élèves.

Telles sont, exposées très succinctement, les raisons pour lesquelles nous souhaitons, par cet amendement, remplacer le mot « contribution » par le mot « compensation ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l’amendement n° 54.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Sur cette question, la position de la commission des finances est identique à celle de la commission des affaires culturelles.

Monsieur le ministre, nous avons estimé que le mot « contribution » appartenait sans doute au vocabulaire historique des impôts, qu’il fallait l’entendre au sens des contributions républicaines à la vie collective, et qu’il ne satisfaisait pas aux exigences posées notamment par la nouvelle rédaction de l’article 72–2 de la Constitution, adoptée en 2003. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité lui substituer le mot « compensation ».

Madame Bricq, pourquoi cette compensation n’est-elle ni juste ni intégrale ? Parce qu’il s’agit d’ouvrir un dialogue permettant d’en définir le montant pertinent. Il appartient au législateur de décider s’il veut confier ou non aux collectivités locales la mission d’accueillir les élèves en cas de grève. Ce n’est pas le pouvoir exécutif qui la leur impose. Parallèlement, comme il y a toujours veillé jusqu’à présent, le législateur doit respecter le principe de leur libre administration et leur laisser le soin de définir le modèle qui leur paraît le plus approprié aux contraintes qui sont les leurs. Par exemple, si les communes obéissent à des règles d’hygiène pour la construction des écoles primaires, pour autant, il ne leur est imposé aucun modèle architectural centralisé ; elles ont toute liberté pour construire tel ou tel type d’école compte tenu de leurs ressources, de leurs capacités, de leurs perspectives, de leurs projets et de leur évolution démographique.

Monsieur le ministre, nous souhaitons, par ces deux amendements identiques, ouvrir un dialogue avec vous. Nous aimerions que vous nous apportiez des précisions sur le montant, déterminé par décret, de la contribution minimale qui sera versée aux communes et que vous nous entreteniez de l’effet taille. Nous représentons des communes de toute nature, dont les écoles sont de tailles extrêmement diverses. De fait, les frais engagés pour l’accueil des élèves ne sont pas strictement proportionnels aux effectifs, contrairement à ce qui était sous-tendu par la rédaction initiale de l’article 8 du projet de loi.

M. Jean-Claude Carle. Tout à fait !

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. La mise en place d’un service d’accueil induira des frais fixes, et l’on peut simplement espérer que le coût total sera décroissant en fonction du nombre d’enfants qui seront accueillis. (M. Jean-Claude Carle approuve.) C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit fixé un montant minimal à la compensation versée par l’État.

Madame Bricq, c’est le sens du dialogue que nous ouvrons avec le Gouvernement au moment où le législateur s’apprête à demander aux communes d’organiser un service d’accueil des élèves.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces dispositions. J’y reviendrai plus longuement dans quelques instants, en présentant l’amendement n° 57 du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 54.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste s’abstient.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC vote contre.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 133-7 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce décret fixe le montant minimal de la compensation versée à toute commune ayant mis en place le service d'accueil, ainsi que l'indexation de cette dernière. »

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Cet amendement est le fruit d’un travail que nous avons engagé avec les communes, avec les élus, en particulier avec l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM, ainsi qu’avec le sénateur Jean-Claude Carle et le député Martial Saddier, et, évidemment, avec la commission.

Pour des raisons de recevabilité au titre de l’article 40, il appartenait au Gouvernement de le présenter, ce qu’il fait volontiers.

Comme vient de le souligner brillamment M. le rapporteur pour avis, il s’agit indéniablement d’une avancée.

D’une part, il est prévu la création d’une compensation plancher, c'est-à-dire un forfait minimal que toute commune pourra se voir verser, et ce quel que soit le nombre d’enfants qui auront été accueillis, quand bien même celui-ci serait très faible, voire nul. Cette compensation, dont le montant sera fixé par décret, intéressera tout spécialement les petites communes rurales ; c’est sans doute ce qui explique l’abstention du groupe socialiste sur les amendements identiques des deux commissions. À ce stade, nous envisageons de fixer ce forfait à 200 euros par jour.

D’autre part, cet amendement prévoit que cette compensation sera indexée. Là encore, le mode d’indexation sera fixé par décret, le principe étant qu’il ne puisse pas décrocher de l’évolution des coûts liés à la mise en place du service.

Je répondrai maintenant aux objections d’ordre constitutionnel avancées par Mme Bricq. Ce sont là des questions essentielles.

Le projet de loi qualifiait les nouvelles ressources de « contributions de l’État ». La commission des affaires culturelles et la commission des finances ont préféré le terme « compensation ». Pourquoi pas ? Au-delà du simple point de vue juridique, pourquoi cette compensation ne saurait être intégrale, puisque telle est la question qui est posée ?

Premièrement, ce projet de loi visant à créer une compétence de services d’accueil des enfants du premier degré lors de grèves, l’État ne saurait compenser intégralement une dépense qu’il n’avait pas précédemment engagée. En outre, lorsque l’État exerce ses responsabilités au quotidien, cette dépense est proche de zéro. Par conséquent, ce serait une fort mauvaise affaire pour les collectivités que d’être remboursées ou financées sur la base des dépenses qui étaient exposées auparavant par l’État.

Deuxièmement, le financement apporté par l’État ne saurait, en droit et pour des raisons pratiques bien compréhensibles, prendre la forme d’un remboursement sans limite de toutes les factures que pourrait lui présenter chaque commune. Je ne veux par méjuger des intentions des maires, mais on pourrait imaginer que l’un d’entre eux prétende avoir eu besoin de recourir à une dizaine ou à une vingtaine d’adultes pour accueillir les enfants lors de grèves, et présente la facture correspondante.

M. Pierre-Yves Collombat. Et vous confieriez les enfants à de tels irresponsables ? (Sourires.)

M. Xavier Darcos, ministre. Je reconnais que c’est un argument un peu malicieux ! Mais peut-être un collectif de maires pourrait-il avoir cette mauvaise idée pour nous gêner ! (Nouveaux sourires.)

Il ne serait ni raisonnable ni respectueux du contribuable de rendre possible une telle situation.

Pour autant, je le répète, le Gouvernement a bien entendu les attentes et les aspirations des élus, relayées par la Haute Assemblée, qui connaît bien les élus territoriaux et ruraux. C’est pourquoi je prends devant vous deux engagements – ils figureront au compte rendu des débats – qui devraient permettre d’améliorer le financement apporté aux communes.

Premièrement, le forfait minimal de 200 euros pour les petites communes rurales leur sera versé quel que soit le nombre d’élèves accueillis.

Deuxièmement, nous avions, lors de l’expérimentation conduite en janvier et en mai dernier, prévu un financement de 90 euros par groupe de un à quinze élèves pour six heures d’accueil. Nous avions fait ce calcul en fonction du coût du service d’un enseignant pour une journée devant vingt élèves. Certaines communes ont aspiré à un financement supérieur, considérant que le service serait mieux accompli et que les volontaires seraient plus nombreux. Pour cette raison, qui m’a semblé convaincante, nous sommes prêts à ce que le financement de l’État aux communes soit porté à 110 euros, au lieu de 90 euros, par groupe de quinze élèves.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, et M. Philippe Richert, rapporteur. Merci, monsieur le ministre !

M. Xavier Darcos, ministre. Ce geste financier de l’État devrait permettre d’assurer la réussite du nouveau service et de rassurer définitivement les communes.

Telles sont à la fois les réserves d’interprétation, mais aussi les avancées concrètes que je souhaitais vous présenter. S’agissant des amendements identiques présentés par les deux commissions, je m’en remets à la sagesse, bien connue, de votre Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Carle. Comme l’ensemble du groupe UMP, je voterai bien évidemment l’amendement n° 57 du Gouvernement. Comme l’a dit M. le ministre, il est identique à celui que j’avais initialement déposé, mais qui, pour les raisons qu’a énoncées ce matin M. le rapporteur pour avis, a été déclaré irrecevable par la commission des finances.

Cet amendement très important était attendu, en particulier par les petites communes. En effet, il est exact que l’accueil des élèves induira pour elles un certain nombre de frais, dont des frais fixes minimums. Par conséquent, la compensation qu’elles percevront devra tenir compte de ce paramètre. La somme de 90 euros prévue initialement par tranche de quinze élèves accueillis aurait été insuffisante ; sa revalorisation à 110 euros, conformément au vœu exprimé par l’ANEM, va dans le bon sens. De même, le forfait de 200 euros me semble très intéressant.

En outre, il faut saluer le fait que cet amendement prévoie une indexation de la compensation.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Pardonnez-moi ces comptes d’apothicaire, auxquels nous sommes néanmoins habitués dans les communes rurales, mais imaginons le cas d’une commune qui serait obligée de recruter deux personnes pour assurer l’accueil de trente enfants. Si je calcule bien, cela signifie que chacune d’elles sera rémunérée sur la base de six heures de travail, voire de sept heures, si l’on considère qu’elles doivent arriver un peu avant leur prise de service et repartir un peu après. Cela revient à les rémunérer environ 15,50 euros par heure. Faudra-il s’acquitter du paiement des cotisations sociales ? Peut-être faudra-t-il acheter un tube de peinture pour occuper les enfants pendant les six heures… Je n’ai pas l’impression que la compensation se fasse à l’euro près !

Notre collègue Gérard Longuet nous a dit tout à l’heure que, lors d’une grève, l’État économisait environ 24 millions d’euros. Aussi, monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous faire un effort supplémentaire ?

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Il n’économise rien du tout !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. J’ai fait, moi aussi, procéder à des calculs. On connaît grosso modo le coût d’un enfant en maternelle et à l’école élémentaire ; vous savez très bien qu’il est bien plus important dans le second cas que dans le premier. Aussi, l’honnêteté oblige à dire que cette somme de 110 euros est insuffisante.

Mais tel n’était pas le sens de mon intervention. Monsieur le ministre, vous avez annoncé que la compensation s’élèverait à 110 euros par tranche de quinze élèves et fixé un plancher minimal à 200  euros. Je constate que ces décisions sont le fruit d’une concertation. Je suppose que vous associerez aussi nos collègues de la majorité à la rédaction du décret. Je remarque, une fois de plus, que la majorité s’arrange entre elle. Nous sommes membres de l’opposition, de la minorité. Je souhaite néanmoins que M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles et M. le rapporteur pour avis de la commission des finances nous tiennent informés des dernières décisions avant la parution du décret. (Assentiment sur le banc des commissions.) Ce serait la moindre des choses, car nous nous sommes efforcés de faire avancer le dispositif.

Pour autant, comme l’ont indiqué nos collègues ce matin dans la discussion générale, cela ne modifie en rien notre opposition de fond à ce mécanisme. De fait, l’accueil sera financé par les retenues effectuées sur les salaires des grévistes, ce qui est une première dans la République.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen s’abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Gélard et Alduy, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 133-7 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé : 

« Le délai de remboursement par l'État des frais engagés par la commune ou par l'établissement public de coopération intercommunal ne peut être supérieur à un mois après la notification par la commune concernée. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 50 rectifié, présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Bricq, M. Marc et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 133-7 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :

« Le versement de cette contribution intervient au maximum 35 jours après notification par le maire, à l'autorité académique ou à son représentant, des éléments nécessaires au calcul de cette compensation.»

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Il a été défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que l’amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix l'article 8, modifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 119 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 232
Majorité absolue des suffrages exprimés 117
Pour l’adoption 202
Contre 30

Le Sénat a adopté.

Article 8
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Article 9

Articles additionnels après l'article 8

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le chapitre III du titre III du livre 1er du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-7-1. -  La responsabilité administrative de l'État est substituée à celle de la commune dans tous les cas où celle-ci se trouve engagée en raison d'un fait dommageable commis ou subi par un élève du fait de l'organisation ou du fonctionnement du service d'accueil. L'État est alors subrogé aux droits de la commune, notamment pour exercer les actions récursoires qui lui sont ouvertes. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. La responsabilité civile des maires constitue l’une de nos préoccupations majeures. C’est pourquoi la commission a déposé cet amendement, fruit de la concertation engagée avec l’Association des maires de France et les services du ministère.

M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L.133-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-6-1. - La responsabilité administrative de l'État est substituée à celle de la commune lors de l'organisation d'un service d'accueil en substitution au service public d'enseignement, par celle-ci.

« Le maire de la commune organisant un service d'accueil ne peut être tenu pénalement responsable de faits survenus durant ce service d'accueil. »

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Nous souhaitons, par cet amendement, décharger la commune de toute responsabilité, tant administrative que pénale, dans le cadre de la mise en place du service d’accueil. Sur ce point, monsieur le ministre, vous avez affirmé à plusieurs reprises, par le passé, que vous trouveriez un moyen de substituer la responsabilité de l’État à celle de la commune.

En réponse à une question du député Frédéric Lefebvre, le 27 mai 2008, vous déclariez : « Je tiens à vous dire que je travaillerai avec vous pour que le Gouvernement, au moment de la discussion parlementaire, puisse soutenir un amendement qui tendra à ce que la responsabilité administrative de l’État se substitue à celle de la commune qui organise l’accueil des enfants. »

Apparemment, alors que nous débattons de ce problème crucial pour les maires, le Gouvernement n’a pas encore trouvé la solution miracle autorisant la substitution de cette responsabilité. Cette préoccupation est d'ailleurs générale puisque notre rapporteur, par son amendement n° 12, souhaite également substituer la responsabilité administrative de l’État à celle de la commune dans le cadre du service d’accueil.

Néanmoins, le problème reste entier pour la responsabilité pénale. On sait que l’État est la seule personne morale à ne pouvoir être tenue pénalement responsable. Ce serait absurde !

Je souhaite que l’on trouve une solution pour que le maire de la commune ne puisse être tenu pénalement responsable des délits survenus durant un service d’accueil mis en place en remplacement des enseignements.

La loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, élaborée sous l’égide de notre collègue Pierre Fauchon, permet de régler le problème en cas de sanction pénale pécuniaire. Mais l’élu local est néanmoins toujours passible d’une peine de prison que la commune ne peut effectuer à sa place.

J’espère que le Gouvernement trouvera rapidement une solution concrète. Dans cette attente, nous vous demandons d’adopter notre amendement qui vise à dégager le maire de toute responsabilité administrative et pénale dans le cadre de l’organisation du service d’accueil.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Il est difficile d’imaginer un transfert de responsabilité pénale ; cela reviendrait à introduire un principe nouveau dans notre droit.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, non que la préoccupation de ses auteurs ne soit pas réelle, mais il est difficile de créer une immunité pour le maire, quelle que soit la situation.

La responsabilité pénale ne se transfère pas ; je pense que personne ici ne me démentira.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Je soutiens sans réserve le dispositif prévu par l’amendement n° 12 de la commission. J’en avais moi-même énoncé le principe très en amont de ce texte, dans une réponse à une question d’actualité que m’avait posée un député.

Cet amendement tend à apporter une réponse aux inquiétudes tout à fait légitimes des élus, qui craignaient que leur responsabilité administrative ne soit mise en jeu. Je suis donc tout à fait d’accord pour substituer la responsabilité de l’État à celle des communes pour tous dommages qui seraient liés à l’organisation ou au fonctionnement du service d’accueil mis en place par les communes.

En revanche, il m’est difficile d’approuver l’amendement n° 48 rectifié. Il s’agit là de domaines qui ne relèvent pas de ce projet de loi. Aucune responsabilité pénale ne peut se substituer à une autre ! Supposez qu’un maire poursuive des enfants une hache à la main, sa responsabilité pénale ne peut être transférée.

Je rappelle d'ailleurs que le Conseil constitutionnel a délibéré très clairement à ce sujet. Permettez-moi de citer sa décision n° 89-262-DC du 7 novembre 1989 : « Considérant que le principe d’égalité devant la loi pénale ne fait pas obstacle à ce qu’une différenciation soit opérée par le législateur entre agissements de nature différente ; que, toutefois, pour des infractions identiques la loi pénale ne saurait, dans l’édiction des crimes ou des délits ainsi que des peines qui leur sont applicables, instituer au profit de quiconque une exonération de responsabilité à caractère absolu, sans par là même porter atteinte au principe d’égalité ; ».

Je m’en tiens à cet arrêt du Conseil constitutionnel. Je ne peux donc donner un avis favorable à l’amendement n° 48 rectifié, même si, je le reconnais, la préoccupation de M. Lagauche est tout à fait légitime et honorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 12.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous abordons le second point difficile de ce texte, le premier étant de savoir où trouver le personnel.

Transférer la responsabilité administrative, c’est mieux que rien, mais c’est le plus facile. Ce que craignent les maires, c’est que leur responsabilité pénale ne soit engagée.

Que se passera-t-il si un enfant tombe de la fenêtre du premier étage d’un établissement ? On cherchera un responsable pénal ! Dans la mesure où le service est organisé pour l’État, pourquoi ne pas décider que l’organisateur pénalement responsable est une personne en charge d’un service public – le préfet – ou un membre de l’éducation nationale – le recteur ? Car, de fait, c’est bien au nom de l’État que la commune va organiser le service d’accueil.

Mes chers collègues, il semble que vous mesuriez mal la responsabilité que vous faites peser sur les maires ! Lorsque l’un d’eux sera renvoyé devant un tribunal correctionnel pour répondre de l’accusation de mise en danger de la vie d’autrui ou de non-respect d’une obligation réglementaire, vous prendrez alors toute la mesure du poids que vous avez placé sur leurs épaules.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le groupe socialiste s’abstiendra sur l’amendement no 12, bien qu’il soit important de pointer cette responsabilité.

En revanche, nous voterons l’amendement n° 48 rectifié. J’ai bien entendu les arguments concernant l’impossibilité de substituer une responsabilité pénale à une autre. Toutefois, cet amendement a le mérite de poser le problème de la responsabilité pénale du maire. Je n’irai pas jusqu’à reprendre l’exemple caricatural cité par M. le ministre, mais l’éventualité d’un accident ne peut être exclue.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Je comprends bien nos collègues, comme sans doute tous les membres de la Haute Assemblée, car, tous, nous cherchons une solution.

Cela étant, la situation est la même quand un maire organise, par exemple, un centre de loisirs sans hébergement, un CLSH : il est responsable pénalement. Il est vrai que, dans le cas qui nous occupe, il le sera aussi administrativement.

M. Pierre-Yves Collombat. Sauf qu’il n’est pas obligé de le faire !

M. Philippe Richert, rapporteur. Certes, il n’est pas obligé de le faire !

Les communes sont nombreuses à organiser des activités pour les jeunes et, dans chacune, le risque existe, bien sûr, qu’un jour se produise un accident dont le maire pourra être tenu pour pénalement responsable ! Néanmoins, les maires continuent de le faire. Pourquoi ? Parce que, malgré ces risques, leur enthousiasme à s’occuper des affaires de la cité demeure.

Ces risques, nous ne pouvons pas les supprimer, parce que la responsabilité pénale ne se transfère pas. Dans cette limite, nous avons essayé d’aller aussi loin que possible. Mais si vous trouvez une rédaction meilleure, je suis preneur ! Pour ma part, je n’ai pas trouvé mieux.

Notre souhait est de pouvoir mettre en place des sécurités juridiques pour toutes les actions que mènent les maires, parce que, tous, nous avons le sentiment que c’est nécessaire.

La loi Fauchon, on s’en souvient, avait marqué une première étape ; nous avons essayé de poursuivre dans cette voie pour apporter au maire une certaine sécurité, confortée par l’engagement pris aujourd’hui par le ministère, demain par la loi, tout en sachant que, malheureusement, la responsabilité pénale ne peut se transférer.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Évoquer les CLSH n’a pas de sens : ici, il s’agira d’accueillir des journées entières des enfants dans des locaux qui ne seront pas adaptés, avec du personnel qui ne sera pas qualifié.

M. Philippe Richert, rapporteur. Mais si !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ils ne changent pas de locaux !

M. Pierre-Yves Collombat. Tout le monde sait bien ce qui va se passer : ce sera probablement « la foire », donc des débordements sont susceptibles de se produire !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Non !

M. Pierre-Yves Collombat. Le risque est là, et il est vraiment très important ! Je n’insisterai pas pour ne pas prolonger le débat, mais le problème est réel.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 12.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC s’abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8, et l'amendement no 48 rectifié n'a plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 8
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Article 10

Article 9

Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-8. – La commune peut confier par convention à une autre commune ou à un établissement public de coopération intercommunale l'organisation du service d'accueil. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement no 51, présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Il est défendu.

M. le président. L'amendement no 13, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 133-8 du code de l'éducation, après les mots :

l'organisation

insérer les mots :

pour son compte

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement no 55 rectifié, présenté par MM. A. Dupont, Carle, Bordier et Humbert et Mme Papon, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 133-8 du code de l'éducation, par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale, celui-ci exerce de plein droit la compétence d'organisation des services d'accueil en application du troisième alinéa de l'article L. 133-4. »

La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Cet amendement a pour objet de simplifier et de faciliter la mise en œuvre de la compétence d’organisation des services d’accueil par les collectivités locales.

Il s’agit donc de confier de plein droit l'exercice de la compétence d'organisation du service d'accueil aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, lorsque les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques leur ont déjà été transférées. Dans cette hypothèse, en effet, les EPCI ont naturellement vocation à prendre en charge l'organisation du service d'accueil. Leur imposer de recourir à la procédure de transfert de droit commun, avec les lourdeurs qui l'accompagnent, apparaît dès lors inutile. Il importe donc de prévoir que ce transfert est automatique.

En effet, monsieur le ministre, que se passera-t-il sur le terrain ? La communauté de communes qui exerce la compétence scolaire sera obligée de consulter une nouvelle fois toutes les communes membres pour qu’elles lui transfèrent la compétence d’accueil. Les communes devront délibérer, et il n’est pas exclu que, dans certains cas, le transfert soit refusé.

Or les petites communes sont strictement incapables d’exercer la compétence d’accueil : il faudrait pour cela que la communauté de communes, qui gère la compétence scolaire, puisse aviser de la grève dans les établissements scolaires chacun des maires de la communauté de communes et que les parents des enfants soient avertis pour que le maire de leur commune de résidence puisse organiser la compétence d’accueil… Cela me paraît tout à fait surréaliste.

C’est la raison pour laquelle ce transfert me paraît indispensable. Si nous ne le décidons pas, nous ne ferons que déplacer sur le terrain le débat que nous avons eu ici, et toutes les difficultés que nous avons pu rencontrer. Il me semble beaucoup plus simple et beaucoup plus logique, puisque c’est une nouvelle compétence et que nous avons choisi de la conférer au maire, de l’attribuer directement à ceux qui exercent la compétence scolaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Richert. La commission est évidemment défavorable à l’amendement de suppression no 51.

En revanche, elle a émis un avis favorable sur l’amendement no 55 rectifié. Elle a en effet considéré que, lorsque les compétences en matière scolaire sont transférées aux intercommunalités, il est légitime que l’accueil soit également organisé au niveau des intercommunalités.

M. Robert del Picchia. C’est logique !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Indéniablement, l’amendement de M. Ambroise Dupont mérite examen, car il est fondé sur une juste réflexion.

Le Gouvernement a proposé un conventionnement entre communes, adapté en particulier aux regroupements pédagogiques intercommunaux, parce qu’il souhaitait que la coopération intercommunale conserve la plus grande souplesse possible.

Outre ce dispositif, vous suggérez, monsieur le sénateur, de transférer la compétence d’accueil à l’EPCI lorsque celui-ci est compétent pour le fonctionnement des écoles. Il faudra aussi que l’EPCI ait par ailleurs compétence en matière d’accueil

Les situations sont très variables selon les départements. Aussi, je suggère que nous mettions à profit la navette pour étudier cette question.

Dans l’attente, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, et M. Philippe Richert, rapporteur. Merci, monsieur le ministre !

M. le président. Le problème posé est en effet important et mérite examen !

Je mets aux voix l'amendement no 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement no 55 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Une fois n’est pas coutume, nous sommes d’accord avec cette proposition d’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 55 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Article 9
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Intitulé du projet de loi

Article 10

Les articles L. 133-1 et L. 133-3 à L. 133-8 du code de l'éducation entrent en vigueur à compter de la publication du décret prévu à l'article L. 133-7 du même code.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement no 52, présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Il est défendu.

M. le président. L'amendement no 14, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Les articles L. 133-1, L. 133-3 à L. 133-6, L. 133-6-1, L. 133-7 et L. 133-7-1 du code de l'éducation entrent en vigueur à compter de la publication du décret prévu à l'article L. 133-7 du même code et au plus tard le 1er septembre 2008.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. C’est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 52 ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Avis défavorable sur l’amendement no 52 et favorable sur l’amendement no 14.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé.

Article 10
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé du projet de loi

M. le président. L'amendement no 15, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

À la fin de l'intitulé du projet de loi, supprimer le mot :

obligatoire

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’intitulé du projet de loi est ainsi modifié.

Vote sur l'ensemble

Intitulé du projet de loi
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, le groupe UMP votera ce projet de loi, car il correspond à l’intérêt de tous : il est, je l’ai déjà indiqué ce matin, dans l’intérêt des parents, qui auront la garantie de voir leurs enfants accueillis dans des conditions pérennes, et je pense en particulier aux familles modestes ou aux familles monoparentales ; il est aussi dans l’intérêt des enseignants, dont les mouvements de grève seront d’autant mieux compris et acceptés qu’ils n’auront pas de conséquences difficiles sur la vie quotidienne des familles.

Nous le voterons d’autant plus volontiers, monsieur le ministre, qu’il a été considérablement amélioré par un certain nombre d’amendements,…

M. Xavier Darcos, ministre. Indéniablement !

M. Jean-Claude Carle. … ceux de la commission – et je voudrais saluer le travail effectué sous la présidence de M. Valade par notre rapporteur Philippe Richert – et celui que vous-même, monsieur le ministre, avez déposé, qui garantit un forfait minimum revalorisant la compensation accordée aux communes. Certes, celle-ci n’est pas intégrale, mais le progrès est réel : avec un forfait minimum de 200 euros et une compensation de 110 euros au lieu de 90 euros, c’est à tout le moins équitable.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Force est de constater que le Gouvernement et sa majorité nourrissent une conception du service public et de sa continuité qui est à l’opposé de la nôtre : comment peut-on mettre sur le même plan la mission de service public d’enseignement, assurée par des enseignants qualifiés, et un service d’accueil assuré par un personnel aléatoire aux compétences tout autant aléatoires ?

Aucune de nos craintes concernant la qualité de l’accueil des enfants, la remise en cause du service public d’enseignement et des missions de l’éducation nationale, ou encore les difficultés pratiques, juridiques et financières que rencontreront les mairies pour organiser un accueil dans un délai très court n’a été levée par le Gouvernement lors de ce débat.

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que le groupe socialiste maintienne son opposition totale à ce projet de loi, opposition qu’il avait exprimée dès la discussion générale.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous allons bien évidemment nous prononcer contre l’ensemble du projet de loi.

À l’issue de nos débats, ce texte comporte encore nombre d’imprécisions, d’implications et de chausse-trappes, notamment pour les maires, et aucune des inquiétudes que nous avons exprimées ce matin n’a reçu de réponse rassurante.

Ce texte instaure, aux côtés de l’obligation et de la gratuité scolaires, un prétendu droit d’accueil. Il met sur le même plan la continuité de l’enseignement et ce qui sera une garderie : sur le fond, il transforme donc profondément notre conception du service public. Il restreint, de fait, le droit de grève en alourdissant considérablement la procédure. Enfin, nombreux sont ceux qui ont exprimé leur inquiétude sur ce point, il a été montré qu’il porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Peut-être l’organisation de l’accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires sera-t-elle quelquefois un peu compliquée, mais elle ne sera certainement pas impossible. Le service rendu aux familles me paraît tout à fait primordial, et c’est cet aspect positif que je veux retenir.

Pour une fois que nous est proposée une loi simple, que vous avez à juste titre, monsieur le ministre, refusé d’alourdir inutilement, je ne vais pas, personnellement, bouder mon plaisir, et le groupe UC-UDF, dans sa grande majorité, votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Avant que nous achevions l’examen de ce projet de loi, vous me permettrez, monsieur le président, de remercier la Haute Assemblée, y compris d’ailleurs les intervenants qui ont manifesté une opposition marquée. La plupart de ceux qui se sont exprimés, j’ai pu le constater, sont eux-mêmes des enseignants ou des professionnels de la grande maison de l’éducation nationale, et il est normal qu’ils y mettent un peu de passion. Même les agrégés de philosophie n’ont pas réussi à nous convaincre !

En tout cas, nous avons parlé avec conviction, et j’en remercie votre assemblée, comme je remercie la majorité de nous avoir soutenus.

Je vous sais gré, madame Dini, de la manière dont l’Union centriste, petit à petit, s’est ralliée à nos arguments. Nous avons bien travaillé avec votre groupe, je m’en félicite.

Enfin, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, permettez-moi de dire que vous avez été admirables ! (Sourires.)

M. le président. Le qualificatif est juste, monsieur le ministre : « admirables » ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Nous avons essayé de nous hisser à votre niveau, monsieur le ministre !

M. Xavier Darcos, ministre. Nous avons bien travaillé, et le Gouvernement vous en est reconnaissant. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
 

7

Commission mixte paritaire

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

8

Livre blanc sur la défense

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le Livre blanc sur la défense.

La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons en partage une responsabilité sacrée : protéger la France et les Français de toute agression.

Nous avons aussi un devoir : contribuer à la sécurité de nos alliés et au respect des règles internationales et des droits de l’homme.

Dans cette perspective, la France déploie une diplomatie active, constructive, destinée à apaiser les tensions du monde. Elle est dotée d’un outil de défense dont les concepts et l’organisation doivent être adaptés en permanence.

En juillet 2007, le Président de la République a confié à une commission réunissant des parlementaires, des militaires, des représentants de l’administration et des personnalités qualifiées la rédaction d’un Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Le 17 juin, il en a dévoilé les conclusions.

Penser les engagements de notre pays pour les quinze prochaines années, dans un contexte international fluctuant, était une tâche délicate. La commission placée sous la présidence de Jean-Claude Mallet l’a conduite avec discernement.

Pourquoi l’entreprendre ?

Parce que la France doit demeurer une puissance politique et militaire.

Parce que vingt ans après la fin de la guerre froide, la paix demeure un bien fragile et précieux.

Parce que depuis 1994 et le dernier Livre blanc, le monde a changé.

Au rythme de la mondialisation, les données de la sécurité nationale et internationale ont évolué. La hiérarchie des puissances elle-même s’est modifiée. La révolution imposée à notre appareil de défense par l’effondrement de la bipolarité n’est pas achevée.

Dans la perspective de la loi de programmation militaire que je vous présenterai, il était nécessaire de retracer les lignes de force du paysage stratégique et de notre sécurité.

Le monde est-il devenu plus dangereux ? Pas nécessairement, mais il est devenu moins stable, moins prévisible, plus complexe.

Délitement de certains États, affrontements ethniques et culturels, fanatisme religieux, crises sanitaires, catastrophes naturelles, attaques informatiques, internationalisation des mafias, prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, vulnérabilité des approvisionnements énergétiques et alimentaires : tout cela dessine un large spectre de menaces en évolution constante.

Cet élargissement du « cône des possibles » se traduit par une dissémination accrue des armements. D’ici à 2025, le territoire européen sera à portée des missiles stratégiques développés par de nouvelles puissances.

Il inclut aussi la menace terroriste, devenue d’autant plus redoutable qu’elle joue à son profit des nouvelles technologies de l’information et qu’elle pourrait, un jour prochain, s’emparer d’armes nucléaires, radiologiques, bactériologiques ou chimiques. Hier ponctuelle et contingente, cette menace est devenue – le Livre blanc le constate – une « menace structurelle ».

La France est à présent placée devant un large arc de crise : une zone allant de l’Atlantique à l’océan Indien, où ses intérêts stratégiques se concentrent.

Comme la plupart des pays européens, elle est aujourd’hui plus vulnérable qu’elle ne l’était dans les années quatre-vingt-dix. En effet, à l’époque, l’équilibre de la terreur couvrait et dissuadait la plupart des scénarios conflictuels.

Dorénavant, le spectre des menaces est élargi ; les conflits à venir se déclencheront de manière moins prévisible qu’autrefois. Ils prendront des formes imprévues : le risque extrême prend aujourd’hui la forme de la « surprise stratégique » que reconnaît le Livre blanc.

Une alliance qui se renverse, des comportements diplomatiques qui changent, un mode d’agression qui se réinvente, un groupe de fanatiques qui échappe aux règles de l’affrontement classique, et la surprise stratégique survient, comme la France en a déjà fait la cruelle expérience, dans des périodes d’impréparation, de déni stratégique.

Le 11 septembre 2001, la surprise stratégique plongeait les États-Unis dans la stupeur. La surprise stratégique, c’est le défi que nos sociétés sont le moins capables de prévoir, et c’est justement celui qu’elles doivent dorénavant se préparer à affronter.

Pour cela, il faut intégrer dans notre raisonnement des risques, des attaques, des dangers qui ne relèvent plus exclusivement de l’action militaire traditionnelle.

L’élargissement de notre horizon stratégique et la multiplicité des menaces ont plusieurs conséquences.

La première, c’est que nous devons assurer à la France les garanties les plus larges.

Face aux scénarios extrêmes, la dissuasion doit demeurer la garantie ultime de la sécurité et de l’indépendance de la France. Elle a pour seule fonction d’empêcher une agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux du pays, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Les deux composantes, sous-marine et aérienne, sont maintenues, comme le prévoit le Livre blanc.

Face aux scénarios de conflits extérieurs, notre stratégie de projection doit être musclée. Si nous pouvons être menacés de loin, nous devons être capables de frapper loin.

Le passage à la professionnalisation des forces a été réussi. Il reste maintenant à le compléter et à l’affûter en termes d’organisation et d’équipements. Nos objectifs sont clairs : être capables de projeter 30 000 hommes, 70 avions de combats, un groupe aéronaval et deux groupes maritimes.

Face aux scénarios de crise intérieure, dont le terrorisme de masse constitue l’un des points saillants, nous avons décidé d’inscrire nos choix dans le cadre global d’une « stratégie nationale de sécurité », associant étroitement sécurité et défense.

Au regard des événements du 11 septembre 2001, nous avons intégré les enjeux du « front intérieur ». Dorénavant, dans leurs missions de protection, les forces armées, les forces de police, de gendarmerie, de sécurité civile se verront assigner des objectifs opérationnels conjoints.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette stratégie nationale de sécurité exige une réorganisation des pouvoirs publics.

L’ordonnance du 7 janvier 1959 résulte d’un contexte historique et stratégique radicalement différent du nôtre. Sa révision est nécessaire. Un Conseil de défense et de sécurité nationale sera créé. Il sera présidé par le Président de la République. Il dotera l’État, au plus haut niveau, d’une enceinte où des sujets tels que la programmation militaire, la programmation de la sécurité intérieure, la politique de dissuasion, la lutte contre le terrorisme ou la planification des réponses aux crises majeures pourront être abordés. Le Conseil national du renseignement en sera une des formations. Au Premier ministre reviendra la charge de diriger l’application de l’ensemble des décisions qui y seront prises.

La deuxième conséquence, c’est que nous devons disposer d’un préavis, en prenant la menace en compte le plus en amont possible. Dans un monde rapide, le temps gagné décide de tout.

La fonction « connaissance-anticipation », nouvellement identifiée par le Livre blanc, vise à nous donner le préavis nécessaire à l’action. Cette fonction repose en grande partie sur le renseignement spatial, qui fera l’objet d’un effort important.

Elle repose aussi sur le renseignement humain. Nos services doivent être plus efficaces et mieux coordonnés. Pour cela, nous avons décidé le regroupement des services de renseignement du ministère de l’intérieur au sein de la nouvelle direction centrale du renseignement intérieur. Mme Michèle Alliot-Marie pourra vous en parler tout à l’heure.

Nous avons également décidé de créer le poste de coordonnateur du renseignement. Placé auprès du Président de la République, il sera chargé d’animer et de coordonner les travaux de l’ensemble des services de renseignement.

La troisième conséquence, c’est que nous devons conserver notre aptitude à monter en puissance et à nous réadapter si la situation l’exige.

L’imprévisibilité de la menace nous impose, en effet, de déployer un dispositif de veille technologique poussé. Elle suppose, dans le domaine industriel, le maintien des bureaux d’études et la réalisation de démonstrateurs précurseurs d’une série de matériels qui pourraient être lancés en fonction des besoins.

Dans tous les domaines – prévention, intervention, protection –, nous devons demeurer à un niveau de crédibilité qui garantisse notre capacité de réaction.

La quatrième conséquence, c’est le développement de la notion de résilience. Elle est au centre de l’analyse du Livre blanc. Elle désigne la capacité du pays à maintenir ou à rétablir au plus vite son fonctionnement normal en cas de crise majeure.

Accroître cette résilience implique de développer nos moyens de surveillance des espaces français, de renforcer la capacité de réaction des pouvoirs publics, de mettre les dispositifs de communication et d’alerte massive au centre de la gestion des crises et, enfin, d’assurer la protection des populations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec une dissuasion qui garantit la préservation de l’essentiel, avec des moyens de renseignement qui nous permettent d’anticiper, avec des capacités de projection qui nous permettent d’agir plus vite et plus fort, avec des outils qui assurent le fonctionnement optimal des pouvoirs publics et la protection des citoyens, notre dispositif peut être considéré comme complet.

Toutefois, il serait insuffisant sans l’adhésion de la nation, et pour cela le Livre blanc suggère plusieurs pistes.

L’une d’entre elles, c’est bien entendu l’intervention du Parlement.

Si le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions est adopté, le rôle du Parlement sera renforcé. Vous serez systématiquement informés de l’envoi de militaires français en opération et consultés par un vote dès lors que se posera la question de leur maintien au-delà de quatre mois dans des opérations extérieures.

Le Parlement sera par ailleurs informé des accords liant la France à des partenaires étrangers s’ils peuvent conduire à engager les moyens de défense de notre pays au bénéfice d’autres États.

La sécurité, mesdames, messieurs les sénateurs, est une affaire collective. Nous partageons plus que nos valeurs avec l’Union européenne et avec les pays de l’Alliance atlantique. Le renforcement des liens que nous entretenons avec l’une et l’autre est indispensable.

L’Europe est une puissance, mais qu’est-ce qu’une puissance sans réels moyens militaires ? L’Union européenne doit donc prendre ses responsabilités en matière de sécurité et de défense. Certes, des progrès ont été réalisés depuis dix ans, notamment depuis le sommet franco-britannique de Saint-Malo. L’Union possède des instruments, des procédures et une expérience en commun acquise dans dix-sept opérations de plus ou moins grande ampleur.

Cependant, le Livre blanc énumère des domaines d’intervention prioritaires, qui concernent avant tout la protection des citoyens européens. Il s’agit du renforcement de la coopération contre le terrorisme et le crime organisé, de la mise en place de capacités européennes de protection civile, de la coordination de la défense contre les attaques informatiques et de la sécurisation des approvisionnements en énergie et en matières premières stratégiques.

Tout cela est utile, mais reste insuffisant. Pour être efficace, l’Europe doit prendre l’initiative et s’employer à prévenir les menaces avant qu’elles ne surviennent, là où elles prennent naissance, c’est-à-dire parfois hors de son territoire.

Je crois que, pour être pleinement respectée, l’Europe doit comprendre qu’avec un effort cumulé de recherche six fois inférieur – et inférieur de moitié en matière de défense – à celui des Américains, elle ne peut être que l’ombre d’elle-même.

Faire de l’Union européenne un véritable acteur de la sécurité internationale et de la gestion des crises, susciter la rédaction d’un Livre blanc européen de la défense et de la sécurité, multiplier les synergies industrielles : tels sont, notamment, les objectifs que nous nous fixons.

À cet égard, la présidence française de l’Union européenne doit constituer une étape importante pour relancer la défense européenne. Nous allons proposer à nos partenaires des priorités.

Tout d’abord, nous voulons une actualisation et une concrétisation des missions militaires que les Européens se sont assignées, telle que la capacité, par exemple, de déployer 60 000 hommes en soixante jours.

Nous voulons ensuite avancer concrètement avec les pays qui veulent s’engager, ce qui signifie renforcer nos moyens par des coopérations pilotes et des mutualisations entre États membres : la projection de forces avec les Britanniques par hélicoptères ou groupe aéronaval, le transport aérien avec, notamment, l’Espagne, l’Allemagne et la Belgique, et le domaine spatial avec les Italiens et les Allemands.

Nous voulons enfin que l’Union européenne soit véritablement en mesure de conduire des opérations civiles et militaires. Or, le système actuel, fondé sur cinq états-majors nationaux devant être réorganisés à la hâte à chaque opération, atteint vite ses limites. L’Europe doit disposer d’une capacité de planification et de commandement permanente et crédible.

Quant à l’Alliance atlantique, il faut aborder le sujet avec rigueur et pragmatisme.

M. Didier Boulaud. C’est sûr !

M. Hervé Morin, ministre. Le Livre blanc le rappelle : l’Alliance atlantique est aujourd’hui seule en mesure de conduire des opérations militaires de grande envergure et d’assurer la sécurité de l’espace euro-atlantique. Sur les vingt-sept États membres de l’Union européenne, six seulement ne font pas partie de l’Alliance. Tels sont les faits avec lesquels nous devons composer !

Le Président de la République a déjà eu l’occasion d’exposer la démarche française : au regard des avancées de l’Europe de la défense, la France se montre ouverte, sous certaines conditions, à l’idée de retrouver sa place dans le dispositif militaire de l’Alliance atlantique, sauf pour les questions nucléaires.

Par ailleurs, comme l’a affirmé le Président de la République, la France garderait en toutes circonstances une liberté d’appréciation totale sur l’envoi de ses troupes en opération. Elle ne placerait aucun contingent militaire sous commandement de l’OTAN en temps de paix.

Pour nous, une Europe de la défense renforcée va de pair avec une OTAN rénovée, c’est-à-dire plus souple, plus flexible et dont les moyens militaires puissent être mobilisés par l’Union européenne.

Dans cet esprit, nous contribuerons à la rédaction d’un concept stratégique qui sera débattu lors du prochain sommet de l’OTAN, organisé conjointement par la France et l’Allemagne à Strasbourg et à Kehl.

La France insiste aussi, avec son partenaire allemand, sur la nécessité de respecter la Russie. Cette grande nation européenne, sortie de soixante-dix années de dictature communiste, s’est engagée, pas à pas, sur le chemin de la démocratie. Elle contribue de façon constructive aux équilibres du monde.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la contrainte budgétaire pèse sur les choix à venir, comme elle a pesé sur la réalisation du modèle d’armée 2015. Il aura manqué 24 milliards d’euros de crédits d’équipement sur la période allant de 1997 à 2007 pour réaliser les acquisitions et l’entretien prévus initialement par les programmations.

Dans le même temps, les effectifs du ministère n’ont pas évolué à la baisse, alors même que des efforts financiers d’amélioration de la condition militaire accompagnaient la professionnalisation.

De ce déséquilibre résultent des conséquences que nous connaissons tous : retards dans le renouvellement des matériels et allongement des phases de conception, de développement et de fabrication. Des matériels anciens, parfois à bout de souffle, restent en service, générant à leur tour un surcoût de maintenance.

Ainsi, nos avions ravitailleurs accusent plus de quarante-cinq ans d’âge, tandis que nos blindés légers et nos hélicoptères Puma approchent les trente ans. Leur remplacement simultané dépasse nos possibilités, et pour cause : l’urgence, aujourd’hui, c’est aussi de respecter notre objectif d’équilibre budgétaire à l’horizon de 2012, ce qui suppose que la progression des dépenses de l’ensemble des administrations publiques soit plafonnée à 1,1 % par an.

Compte tenu de l’augmentation tendancielle des pensions et de la dette, cela signifie une stabilisation en valeur de toutes les autres dépenses de l’État, sans compensation de l’inflation. Cet effort de 1,1 % par an que nous nous imposons est considérable ; le ministère de la défense y contribuera naturellement, par le biais de réductions d’effectifs marquées.

Les réformes à venir – y compris celles qu’induira la RGPP, la révision générale des politiques publiques – se traduiront par une baisse des effectifs de 54 000 hommes. D’ici à six ou sept ans, le format global des forces armées, civils et militaires compris, sera de 225 000 hommes. L’armée de terre en comptera 131 000, l’armée de l’air 50 000 et la marine 44 000.

Nous ne sacrifierons pas notre outil militaire à des impératifs financiers. Nous n’hypothéquerons pas notre sécurité de long terme à seule fin de franchir un cap budgétaire. (M. Gérard Longuet manifeste son scepticisme.) Le Livre blanc ne consacre en aucun cas une politique de renoncement.

M. Didier Boulaud. Ah bon ? Nous n’avons pas lu le même !

M. Hervé Morin, ministre. Il pose au contraire les bases de la seule politique durable qui soit : celle qui repose sur un double réalisme, militaire et budgétaire.

Ainsi, la France consacrera à sa défense un effort financier majeur et cohérent avec les choix retenus pour ses capacités. La loi de programmation militaire pour la période allant de 2009 à 2014, qui vous sera prochainement soumise, attestera cette volonté de donner à la France l’outil militaire rénové qui répond à ses besoins.

M. Didier Boulaud. Nous sommes impatients !

M. Hervé Morin, ministre. Les crédits de défense ne baisseront pas.

Dans un premier temps, jusqu’en 2012, ils augmenteront à hauteur de l’inflation. Des ressources extrabudgétaires exceptionnelles seront accordées pour financer la « bosse budgétaire » que nous connaîtrons à partir de l’année prochaine.

Dans un second temps, à partir de 2012, le budget de la défense progressera de 1 % par an en volume, c’est-à-dire 1 % au-dessus de l’inflation. D’ici à 2020, l’effort total consenti pour financer la priorité donnée à la défense atteindra les 377 milliards d’euros.

Cet effort sera rendu possible au premier chef par les marges de manœuvre budgétaires que la réduction des effectifs doit nous donner.

Aujourd’hui – je rappelle des chiffres que nous avons souvent cités –, administration et soutien accaparent 60 % de nos moyens en personnels, contre 40 % pour les forces opérationnelles. Notre objectif est d’inverser ce ratio, pour atteindre une répartition comparable à celle du Royaume-Uni, c’est-à-dire 60 % pour les forces opérationnelles et 40 % pour l’administration générale et le soutien.

D’autres marges de manœuvre naîtront de la restructuration de nos capacités de soutien. Aujourd’hui, ces capacités sont éclatées et dispersées. La nouvelle organisation reposera sur quatre-vingt-dix « bases de défense », réparties dans quatre cents communes ; elles pourront mutualiser leurs moyens de soutien au profit de 2 800 personnes par base en moyenne.

Cette réorganisation se traduira par un certain nombre de fermetures ou de transferts d’unités militaires. Ces mesures seront complétées par un large dispositif d’accompagnement qui comportera un volet social au profit des personnels militaires et civils de la défense touchés par ces transferts et un volet territorial ayant pour objectif principal la création de nouveaux emplois.

Les communes les plus touchées feront l’objet d’un accompagnement personnalisé ; des contrats de site ou des conventions d’aménagement seront proposés. Un dispositif de soutien au financement des communes dont le budget sera fortement déséquilibré est également prévu. Enfin, 320 millions d’euros de subventions d’investissements y seront consacrés.

Les marges ainsi dégagées seront intégralement réinvesties au profit de la condition du personnel et surtout du budget d’équipement, qui passera ainsi, dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire, de 15,5 milliards d’euros à 18 milliards d’euros par an en moyenne.

La trajectoire financière retenue maintiendra la France dans le peloton de tête des pays européens, avec le Royaume-Uni.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut peu de temps pour réviser une stratégie, il faut une ou deux décennies pour concevoir et fabriquer un armement, mais la qualité morale et professionnelle de nos forces armées vient de très loin : ce sont des siècles d’histoire et de traditions qu’il faut pour créer un état d’esprit, une cohésion, une abnégation aussi remarquables que ceux dont font preuve nos armées. Celles-ci font partie des meilleures du monde et je tiens, devant vous – et avec vous, j’en suis sûr –, à rendre ici hommage au courage des hommes et des femmes qui frôlent quotidiennement la mort, loin de leurs familles et de leurs foyers.

M. Hervé Morin, ministre. Leur engagement est porté par des valeurs et des idéaux. Quant à nous, nous avons des devoirs à leur égard. La France ne baisse pas sa garde, car la paix n’est jamais acquise, elle n’est pas une donnée permanente de l’histoire. Notre indépendance n’est pas négociable et la liberté n’est pas dissociable du fil de l’épée. Notre sécurité exige notre vigilance. Ce Livre blanc éclaire notre responsabilité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, la discussion de ce soir revêt, aux yeux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, une importance toute particulière.

Non seulement parce que, pour la première fois depuis qu’il existe des livres blancs, le Sénat est invité à débattre du document fixant la stratégie de défense de notre pays, mais aussi parce que le présent Livre blanc était nécessaire et attendu.

En effet, un peu plus de dix ans après la réforme qui a réorienté notre défense vers les missions de projection et opéré le tournant fondamental de la professionnalisation, le temps était venu de réévaluer les objectifs et les moyens de notre politique à la lumière des évolutions rapides d’un environnement qui, en matière de sécurité, n’est malheureusement pas devenu plus sûr.

La nécessité d’actualiser plus régulièrement notre stratégie de défense et de sécurité est au demeurant soulignée par le Livre blanc. C’est pourquoi il en propose la révision avant chaque loi de programmation militaire.

Je crois qu’il faut également saluer la méthode suivie, depuis le mois de septembre dernier, pour l’élaboration de ce document.

Quoi qu’en disent ceux pour qui les concertations ne sont jamais suffisamment larges et sincères, mais dont on ne se souvient guère qu’ils les mettaient particulièrement à l’honneur lorsqu’ils étaient aux affaires, la préparation du Livre blanc a témoigné d’une ouverture inégalée, qu’il s’agisse de la composition même de la commission, des consultations qu’elle a menées et des échanges réguliers auxquels elle a procédé avec le Parlement, au travers des commissions de la défense.

Saluons également l’approche novatrice de la démarche, élargie à la sécurité nationale dans son ensemble. Je n’y vois d’ailleurs, pour ma part, aucun signe d’un quelconque tropisme « sécuritaire », comme on a pu le lire ici ou là. Il s’agit simplement de constater que, face à des risques multiformes, les réponses ne peuvent se limiter au seul domaine militaire. Le Livre blanc en tire les conséquences pour renforcer l’efficacité de nos politiques.

Au terme d’une analyse pertinente de notre environnement international, plus complexe, moins prévisible que par le passé, il fixe des orientations stratégiques sur lesquelles je me limiterai à formuler quelques observations.

J’aborderai tout d’abord l’importance du renseignement, qui ne constitue pas une nouveauté, puisque le précédent Livre blanc en avait déjà souligné le caractère essentiel.

Cette priorité est très clairement confirmée au travers non seulement d’une accentuation des capacités humaines et techniques, notamment spatiales, mais également d’une organisation remaniée, plus à même de donner l’impulsion politique nécessaire et de veiller à une bonne répartition des moyens.

Le rôle fondamental de la dissuasion est maintenu. Un large consensus s’est exprimé à ce sujet au sein de la commission du Livre blanc. Cela n’exclut pas un ajustement du format de nos forces et notre souhait d’œuvrer au désarmement nucléaire, à condition, bien entendu, que soit consolidé dans le même temps le régime international de non-prolifération.

À juste titre, la protection du territoire et des populations est prise en compte de manière plus complète, dans toutes ses dimensions, y compris les moins évidentes. Je pense aux attaques informatiques, thème sur lequel la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées rendra un rapport d’ici à quelques jours.

La détermination des moyens affectés à la fonction d’intervention comptait en revanche, me semble-t-il, parmi les questions les plus difficiles posées aux rédacteurs du Livre blanc.

Elle touche directement au niveau d’ambition politique et opérationnelle que nous entendons nous fixer. Elle implique de définir ce que nous voulons pouvoir accomplir seuls et ce que nous réservons à des opérations multinationales. Il faut trouver le juste équilibre entre les capacités requises pour le combat de haute intensité, sur lesquelles il serait dangereux de faire l’impasse, et celles qui sont plus couramment utilisées dans les missions de stabilisation, qui, au demeurant, deviennent de plus en plus exigeantes et exposées.

Enfin, et il ne pouvait en être autrement, ces choix devaient être effectués à la lumière d’hypothèses de ressources financières réalistes.

La redéfinition des contrats opérationnels, le resserrement de notre dispositif en Afrique, l’énoncé de critères qui pourraient nous rendre plus sélectifs dans le choix de nos interventions extérieures, si tant est que cela soit possible, témoignent des contraintes fortes que la commission du Livre blanc a voulu concilier en la matière.

Ce Livre blanc tient compte de la situation générale de nos finances publiques et de la nécessité impérative de les redresser. Je ne l’en blâmerai pas, car une stratégie découplée de perspectives de financement crédibles serait des plus fragiles. Par ailleurs, la capacité d’un pays à peser sur le cours des événements et à rester maître de son destin dépend aussi, on l’oublie trop souvent, de la santé de ses finances.

M. Hervé Morin, ministre. Exactement !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Cela étant, le Livre blanc reconnaît très clairement le besoin de renforcer notre effort de défense au-delà d’un simple ajustement sur l’inflation, alors même qu’il se place dans la perspective d’une diminution notable des effectifs et d’une réduction du volume d’équipement.

Ce besoin financier avéré n’est pas étranger aux retards pris après le brutal décrochage de la législature 1997-2002, retards que la remontée très significative opérée à partir de 2003 ne pouvait en aucun cas rattraper. Il est aussi lié à la nécessité de renouveler, sur une même période, la quasi-totalité de nos matériels majeurs, renouvellement dont nous mesurons mieux aujourd’hui le coût élevé.

L’arbitrage retenu repousse à 2012 la reprise d’une progression en volume, chiffrée à 1 % par an jusqu’en 2020.

Ma première remarque porte sur les conséquences de cette stabilisation programmée pour les trois prochaines années, alors que les économies de structure ne seront pas immédiates et que les dépenses inéluctables en matière d’équipement progresseront fortement. Le Livre blanc évoque la possibilité de mobiliser des « financements exceptionnels ». Monsieur le ministre, pourrez-vous nous donner tout à l'heure des précisions à ce sujet ?

Ma seconde remarque vise à souligner l’ampleur du défi que représentera la mise en œuvre de cette nouvelle politique.

Sa cohérence d’ensemble repose, en effet, sur une accentuation notable de l’effort d’équipement, qui serait en moyenne supérieur de 2,5 milliards d’euros par an à son niveau actuel, et sur une amélioration non moins notable de la performance de notre organisation, qui devra dégager les économies de nature à financer ce surplus, tout en en limitant autant que faire se peut l’incidence sur nos capacités opérationnelles.

Tous ces éléments sont indissociables. Seule une progression du budget d’équipement permettra de financer les renouvellements les plus urgents, s’agissant notamment de nos avions de transport, de nos hélicoptères, de nos blindés légers.

En ce qui concerne l’organisation du ministère et des armées, il faut reconnaître que les restructurations de grande ampleur n’ont pas manqué au cours des dix dernières années, notamment à la suite de la professionnalisation. Cependant, des marges de progrès subsistent, au travers d’implantations moins dispersées et de structures de soutien moins cloisonnées.

À mon sens, l’une des premières conditions de la réussite de la réforme résidera dans le respect absolu des engagements financiers contenus dans le Livre blanc, tout particulièrement en matière d’équipement. Nous serons très attentifs à leur traduction dans le futur projet de loi de programmation militaire.

Une deuxième condition tient aux modalités qui seront retenues pour mener à bien la nouvelle étape des restructurations. N’oublions pas que, dans une armée professionnelle en permanence engagée dans des opérations, souvent dans des conditions difficiles, la motivation des hommes revêt un caractère essentiel. Elle suppose non seulement des conditions de vie et de travail en rapport avec les exigences qui leur sont imposées, mais aussi, de manière plus générale, une perspective de nature à entraîner l’adhésion. Faute de quoi, des difficultés pourront apparaître en matière de recrutement et de fidélisation des personnels.

MM. Gérard Larcher et Gérard Longuet. Exactement !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Enfin, la recherche, l’innovation technologique et les savoir-faire industriels spécifiques font partie intégrante de la posture de défense d’un pays. Ils constituent aussi l’un des points forts de notre économie. Il faudra constamment conserver cette préoccupation à l’esprit tout au long de cette réforme.

Je voudrais terminer en évoquant la dimension internationale de notre stratégie de défense et de sécurité. Le Livre blanc y consacre toute sa deuxième partie.

Ce volet de notre stratégie n’est pas le plus facile à élaborer, car, par définition, une grande partie de sa mise en œuvre nous échappe et reste tributaire des intérêts, des priorités ou des possibilités de nos partenaires au sein des différentes enceintes agissant dans le domaine de la sécurité.

Nier cette réalité reviendrait à conférer un caractère artificiel, pour ne pas dire purement incantatoire, à toute option qui s’en remettrait à des capacités multilatérales encore hypothétiques, en lieu et place d’un effort national. Pour autant, il reste nécessaire, dans ce domaine, de ne pas renoncer à toute ambition, de fixer un cap et de se mettre en situation d’entraîner nos partenaires autour d’objectifs concrets et réalistes.

Le Livre blanc a su éviter les écueils en abordant de manière objective et directe la question essentielle de l’articulation entre l’Europe de la défense et l’Alliance atlantique.

Je me réjouis que la volonté de faire de l’Union européenne un acteur majeur de la gestion des crises et de la sécurité internationale soit définie comme « une composante centrale de notre politique de sécurité ».

Il s’agit tout d’abord d’une nécessité politique, car l’Europe doit pouvoir disposer d’une capacité d’action autonome, ne serait-ce que pour ne pas se trouver impuissante, comme elle l’a été au début des années quatre-vingt-dix face aux dramatiques événements des Balkans. Il s’agit aussi de rationaliser nos efforts, aujourd’hui dispersés et redondants dans tous les domaines.

Dans quelques jours, la présidence française de l’Union européenne nous donnera l’occasion de formuler des propositions, dans un contexte rendu certes plus difficile par le résultat du référendum irlandais.

Dans de nombreux domaines, des avancées sont souhaitables. Je pense à la mutualisation de la formation ou du soutien pour des équipements communs à plusieurs pays européens, comme l’A 400M, ou encore à la coordination de l’emploi de certaines capacités critiques, comme les avions de transport ou les hélicoptères. Il faudra aussi mieux coordonner les réflexions capacitaires des différents États, afin de favoriser très en amont la définition en commun d’équipements répondant aux mêmes besoins. Enfin, la question des capacités autonomes de l’Union européenne en matière de commandement des opérations continuera de se poser.

Le Livre blanc se place clairement dans une optique de complémentarité entre l’Europe de la défense et l’OTAN fondée sur la « valeur ajoutée respective de chaque entité ».

S’agissant de la place de la France au sein de l’OTAN, le Livre blanc expose les raisons, aujourd’hui largement reconnues, pour lesquelles cette question ne se pose plus du tout dans les mêmes termes qu’il y a une quarantaine d’années. Il souligne aussi en quoi un positionnement qui paraît vouloir nous différencier des vingt autres pays européens membres de l’Alliance atlantique peut avoir une incidence sur nos projets en matière de défense européenne.

Si les implications techniques d’une participation pleine et entière aux instances de l’OTAN semblent relativement limitées, du fait de la place effective que nous occupons déjà dans cette organisation, il ne faut pas, en revanche, sous-estimer la résonance politique qu’aurait une telle décision.

Ce débat nécessite un réel effort d’explication auprès de l’opinion publique, française comme internationale. À cet égard, le Livre blanc énumère un certain nombre de principes qui ne devraient pas être remis en cause : la liberté d’appréciation des autorités politiques françaises et la liberté de décision sur l’engagement de nos forces.

Il faut aussi faire en sorte qu’une telle option ne soit pas ressentie comme un abandon de toute ambition en matière de défense européenne autonome. Dès lors, on peut s’interroger sur les conséquences de l’absence d’avancées significatives dans ce domaine au cours des prochains mois, alors que le Président de la République avait en quelque sorte lié l’évolution de notre position au sein de l’OTAN à des progrès sur l’Europe de la défense.

Enfin, je tiens à souligner que la modification de notre statut dans l’OTAN ne saurait constituer un objectif en soi, alors que l’évolution du rôle de l’Alliance atlantique suscite des interrogations fortes quant à son champ d’action géographique, ses domaines d’intervention et son mode de fonctionnement. Nous ignorons aujourd’hui comment ces questions pourront être abordées dans le cadre du nouveau concept stratégique que l’Alliance atlantique doit adopter en 2010.

Pour conclure, je dirai que ce Livre blanc marquera une étape significative dans l’évolution de notre politique de défense et de sécurité.

Grâce à la qualité et à la clarté de ses analyses, il nous permet de définir les priorités stratégiques les plus adaptées au monde d’aujourd’hui et à ses évolutions prévisibles à l’horizon de quinze ou vingt ans. Il pose les bases d’une meilleure organisation de l’État en vue d’appréhender, de manière plus globale et plus pertinente, les enjeux de défense et de sécurité.

L’ajustement du format de nos armées tient compte des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques, tout en s’efforçant de préserver les missions prioritaires. Souhaitons qu’il s’opère de manière à garantir la cohérence entre les responsabilités que nous souhaiterons assumer sur le plan international et la mise en place des moyens correspondants. Ce Livre blanc fixe un cadre, et la loi de programmation sera la prochaine étape essentielle. Nous attendons qu’elle en traduise fidèlement les orientations.

Ne nous leurrons pas, mes chers collègues, nos alliés, nos partenaires, comme nos adversaires éventuels, seront parfaitement informés de nos capacités comme de nos carences ou de nos faiblesses. Le défi auquel nous devons faire face au travers des restructurations, des nouveaux contrats opérationnels, des efforts consentis pour le renouvellement des matériels, est tout simplement celui de la crédibilité de notre défense. Or, ce défi, nul ne peut le relever à notre place. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd’hui les conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui ont été adoptées en conseil des ministres et dont les grandes lignes ont déjà été exposées mardi dernier, devant des cadres militaires et policiers, par le Président de la République.

Ce travail, qui définit la doctrine militaire de notre pays pour les quinze ans à venir, était indispensable, car la situation internationale a été considérablement bouleversée depuis 1994, année de parution du dernier Livre blanc.

Les problèmes géostratégiques ne se posent donc plus dans les mêmes termes. La chute du mur de Berlin, la disparition du pacte de Varsovie, les attentats terroristes du 11 septembre 2001, l’organisation Al-Qaïda sont passés par là. Il faut incontestablement adapter nos armées à la situation nouvelle. Pour ce faire, il faut analyser, définir les menaces et les conflits auxquels pourraient être confrontées nos armées, et, par conséquent, établir des priorités.

Pour autant, les analyses et les conclusions qui découlent de ce travail sont-elles toutes pertinentes ? La nouvelle doctrine de défense que vous nous exposez est-elle cohérente ? Nous ne le croyons pas.

Elle souffre d’abord d’une grande ambiguïté. En effet, les conclusions du Livre blanc, qui s’appuient pourtant sur un remarquable travail d’analyse et de prospective, donnent a posteriori la désagréable impression de confirmer, pour les justifier, les exigences en matière d’économies qu’impose la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Vous expliquez les restructurations et les réductions drastiques d’effectifs de nos armées par les nouvelles données stratégiques qui fonderaient une nouvelle doctrine de sécurité et de défense. Or tout le monde sait que la logique strictement comptable de la RGPP a tenu une place primordiale dans cette réflexion.

L’un des objectifs visés au travers du Livre blanc a ainsi été de tenter de mettre en cohérence les missions et les moyens de nos forces, de définir un format d’armées et un contrat opérationnel en ayant toujours à l’esprit la contrainte budgétaire. Ce n’était pas là le rôle d’un travail d’élaboration conceptuelle.

Mardi dernier, le Président de la République a donc tenté de convaincre des cadres militaires et policiers que le moins, c’est-à-dire les économies, étaient nécessaires pour disposer d’un instrument militaire plus efficace à moindre coût et déployer de nouvelles ambitions.

Dans le même temps, il faisait le constat que notre pays n’avait plus les moyens, techniques, logistiques et politiques, d’assumer une vocation mondiale.

À ce constat réaliste, mais fataliste, les réponses que vous apportez sont-elles les bonnes ? Elles sont en tout cas paradoxales.

Aux nouvelles menaces identifiées, comme la prolifération nucléaire, la dissémination des armes et des conflits, les cyberattaques, le terrorisme, les pandémies, les crises sanitaires ou les catastrophes climatiques, vous répondez par une réduction drastique des effectifs et des moyens.

En effet, 54 000 emplois civils et militaires seront supprimés en six ans, plus d’une trentaine d’implantations devraient disparaître, nos grands programmes d’armements seront retardés, comme ceux des frégates multimissions, des avions Rafale, des missiles Scalp.

La décision de reporter à 2012, pour des considérations strictement budgétaires, la construction pourtant nécessaire d’un second porte-avions sera également lourde de conséquences sur nos capacités et aura une incidence directe sur le rang de la France en tant que puissance militaire de premier plan.

J’observe, d’ailleurs, que les Britanniques ne s’y sont pas trompés, car, lassés de nos tergiversations sur une construction en coopération, ils ont finalement décidé de lancer seuls deux bâtiments de ce type.

M. Hervé Morin, ministre. Quelle révision de l’histoire !

Mme Michelle Demessine. Au total, ce sont ces suppressions de garnisons, d’emplois, et ces étalements dans le temps de nos programmes d’équipement qui vont, bien plus que les analyses du Livre blanc, définir le format et le contrat opérationnel de nos armées.

Ces économies, en particulier celles qui sont liées à la réduction des effectifs, nous sont présentées comme étant la condition nécessaire pour financer la modernisation des équipements et permettre de réaliser les ambitions militaires qui correspondent à notre nouvelle stratégie. Nous contestons que les économies réalisées sur le fonctionnement et le soutien permettent réellement de tenir cet engagement.

En effet, la plupart des suppressions de postes aboutiront à des externalisations qui concerneront essentiellement les missions de soutien. Je pense par exemple non seulement à l’administration et à l’habillement, mais aussi à l’entretien des véhicules blindés, à la fabrication des armements ou aux infrastructures.

Dans ces conditions, prétendre que les externalisations de services coûteraient moins cher à l’État est une contrevérité. L’expérience des Britanniques donne, à cet égard, l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire !

Les économies attendues de la restructuration de nos armées résulteront notamment d’une densification des implantations et des unités. De cette restructuration découle le concept de « base de défense », qui va fondamentalement façonner la future carte militaire et qui consistera à mutualiser les fonctions de soutien dans une logique interarmées.

Tout cela, à nos yeux, se fait sans prise en compte de la synergie entre les unités, sans véritable réflexion sur la spécificité de leurs missions et dans une concertation à géométrie variable, suivant la sensibilité politique des élus.

C’est ainsi que le ministre de la défense a annoncé, lundi, la création de onze « bases de défense », plaçant devant le fait accompli les populations des sites concernés et leurs élus, sans grands égards pour les lourdes conséquences économiques et sociales d’une telle décision.

Pour illustrer le sentiment d’inquiétude qui se fait jour dans de nombreuses régions, je prendrai l’exemple du Nord. Mercredi, à Cambrai – je salue au passage mon collègue Jacques Legendre –, 1 500 personnes ont formé une chaîne humaine pour marquer l’opposition des élus et de la population à la fermeture de la base aérienne 103, ainsi que d’autres implantations dans le Douaisis et à Arras.

Les personnels civils ont également manifesté dans toute la France pour exprimer l’angoisse suscitée par l’annonce officielle de la disparition d’un certain nombre de services administratifs.

Certes, le Premier ministre a annoncé cet après-midi, à l’Assemblée nationale, qu’une enveloppe de 320 millions d’euros serait allouée aux communes touchées par le plan de restructuration. Il a également insisté sur l’accompagnement social qui sera mis en place au bénéfice des personnels. Nous attendons, bien sûr, de voir ces mesures se concrétiser et nous serons vigilants sur leur application.

Faut-il vraiment s’orienter ainsi vers une réduction de certaines de nos capacités et de nos moyens pour nous adapter à la nouvelle situation géostratégique ? À l’heure où tout le monde s’accorde à reconnaître que les menaces nouvelles sont diffuses et multiformes, que la résolution des conflits conventionnels a changé de nature, est-il pertinent de se contenter de prôner comme principale mesure une réduction des effectifs et du format de nos armées ?

Dans les conflits d’aujourd’hui et la gestion des crises, l’expérience le montre, les forces terrestres sont primordiales. Elles ont besoin de capacités de projection aériennes et navales efficaces.

Or nous nous apprêtons à prendre le chemin inverse, en réduisant leur format, en prévoyant de n’assurer que trop lentement le renouvellement de matériels à bout de souffle et en reportant la décision de construire un second porte-avions. Il en résultera fatalement un recul de notre influence internationale, y compris sur le plan diplomatique, et notre crédibilité auprès de nos partenaires ne manquera pas d’être entamée. Notre rôle risque même de se limiter à celui d’auxiliaire d’autres puissances !

Les travaux de la commission sur le Livre blanc, qui ont pour vocation de proposer au Président de la République une doctrine de défense renouvelée, ont constamment souffert, ces derniers mois, d’annonces et de décisions qui sont déjà, en elles-mêmes, des modifications stratégiques fondamentales : je pense à la création d’une base navale à Abu Dhabi, au redéploiement de nos forces prépositionnées en Afrique, au discours de Brest annonçant la diminution d’un tiers de la composante nucléaire aéroportée, à l’envoi d’un bataillon supplémentaire en Afghanistan et, bien entendu, à la décision d’un retour complet dans le commandement militaire intégré de l’OTAN.

S’agissant de la dissuasion nucléaire, par exemple, les récentes déclarations du Président de la République sur l’Iran, pays qui, selon lui, serait « la première menace qui pèse sur le monde », marquent à l’évidence une rupture dans notre doctrine d’emploi de l’arme nucléaire, qui rejetait jusqu’ici le principe de la frappe en premier.

M. Hervé Morin, ministre. N’importe quoi !

Mme Michelle Demessine. Nous craignons que cette déclaration ne préfigure une éventuelle participation à des frappes américaines ou israéliennes, que la France soutiendrait en contrôlant une partie du golfe Persique à partir de la future base d’Abu Dhabi.

Dans ce domaine, nous estimons que la France ne s’engage pas assez résolument dans la lutte contre la prolifération nucléaire et qu’elle ne satisfait pas à tous les engagements pris dans le cadre du traité de non-prolifération.

Il est un autre exemple de décision à laquelle nous nous opposons fortement : la pleine réintégration dans la structure militaire de l’OTAN.

Cette position est en rupture complète avec le consensus national qui existait jusqu’alors autour du concept d’indépendance et d’autonomie de décision de notre pays. Elle inquiète, y compris d’ailleurs jusque dans les rangs de la majorité, car elle nous est présentée comme étant conditionnée à l’acceptation, par les États-Unis et certains de leurs alliés, d’une relance de la politique européenne de défense et de sécurité. Or, depuis quelque temps, les progrès de l’Europe de la défense ne semblent plus posés en préalable avec autant de force par le Président de la République.

Pourtant, feu le traité de Lisbonne…

M. Robert del Picchia. Il n’est pas mort !

Mme Michelle Demessine. … place de facto la politique européenne de défense sous la supervision de l’OTAN. Les Irlandais l’ont d’ailleurs bien compris, car l’une des raisons de leur rejet du traité a été la crainte de perdre leur souveraineté en matière de défense.

Cette intégration plus poussée au sein de l’Alliance atlantique, sans que le Président de la République ait obtenu de réelles garanties sur le partage du pouvoir et sur l’autonomie de décision et d’évaluation des menaces, nous rend très sceptiques sur la réelle détermination de ce dernier à promouvoir une Europe de la défense qui soit un acteur majeur et autonome sur la scène mondiale.

À la veille de la présidence française de l’Union européenne, l’absence de propositions concrètes dans ce domaine me semble de mauvais augure. Je pense, en particulier, aux objectifs qu’elle devrait se fixer ou à la définition d’une politique de coopération européenne pour les industries de défense.

Décidément, ce renoncement implicite à l’ambition d’une Europe de la défense pour faire de la France une puissance moyenne alignée sur les États-Unis est en totale contradiction avec les ambitions affichées par le Président de la République.

Il y aurait vraiment mieux à faire. Pour notre part, nous ne voulons pas que l’Europe soit associée à la partie de dominos que jouent les États-Unis dans le monde. Nous voulons que l’Europe, qui représente un quart des richesses de la planète, mette tout son poids dans la résolution pacifique des conflits, dans le respect du droit international et des résolutions de l’ONU.

J’en viens à l’analyse des nouvelles menaces et des nouveaux risques, l’un des points forts du Livre blanc.

Malheureusement, elle n’établit pas de hiérarchisation, et procède d’une vision de la sécurité et de la défense trop unilatérale, strictement occidentale. C’est une vision qui s’inscrit dans la conception américaine du « choc des civilisations ».

Les risques et les menaces ne sont pas hiérarchisés, puisque l’on mélange tout à la fois la prolifération nucléaire, les attentats terroristes, les attaques informatiques, les tensions nées de l’accès aux ressources ou bien encore les pandémies et autres catastrophes naturelles.

Les solutions proposées pour les prévenir et y répondre sont essentiellement sécuritaires et militaires, sans que l’on prévoie les moyens de s’attaquer aux causes profondes des tensions et des crises. Du fait précisément de ce « paquet sécuritaire », le Livre blanc ne traite plus uniquement de la défense stricto sensu ; il traite aussi de la sécurité nationale. Mais qu’y a-t-il de commun entre le terrorisme et les catastrophes naturelles ? Cela justifie-t-il que l’on étende le périmètre de la défense ?

Certes, dans un monde globalisé et interdépendant, les menaces ne s’arrêtent plus aux frontières et la distinction entre sécurité intérieure et sécurité extérieure a perdu de sa pertinence. Mais ce concept de sécurité globale risque aussi d’entraîner un amalgame entre des menaces à la sécurité de l’État et des crises sociales. Traiter ces phénomènes sous l’angle de la sécurité ne pourrait conduire qu’à les aggraver et fournirait le prétexte pour ne pas s’attaquer aux racines du malaise.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. C’est n’importe quoi !

Mme Michelle Demessine. C’est en fonction de ces analyses que l’une des nouveautés du Livre blanc réside dans l’accent mis sur le renseignement humain et spatial, qui est érigé en nouvelle priorité sous l’appellation de « connaissance et anticipation » et qui s’ajoute aux quatre autres fonctions stratégiques traditionnelles.

Vous prévoyez ainsi de doubler le budget du renseignement. Nous serons peut-être mieux renseignés, mais les mesures de réduction que j’ai évoquées amoindriront nos capacités d’intervention et de gestion des crises.

Cette évolution du concept de défense, étendu à la sécurité nationale, est surtout l’occasion de renforcer les pouvoirs du Président de la République, puisque, comme il l’a annoncé, pratiquement toutes les décisions en matière de défense et de sécurité seront concentrées entre ses mains. Fort heureusement, le Parlement a récemment refusé l’aggravation de cette tendance en rejetant le dessaisissement du Premier ministre d’une partie de sa responsabilité en matière de défense au profit du Président de la République.

Avec le Conseil consultatif sur la défense et la sécurité nationale, la création d’un poste de coordinateur national du renseignement, directement rattaché au Président de la République, et la création d’un Conseil des affaires étrangères, également placé auprès de lui, nous sommes bien loin de l’esprit et de la lettre de la Constitution, dans laquelle il est précisé, à l’article 15, que « le Président de la République est le chef des armées » !

Ainsi, le domaine réservé du chef de l’État ne sera plus circonscrit aux affaires étrangères et à la défense. Cette concentration des pouvoirs en matière de sécurité et de défense est l’un des effets pervers des conclusions du Livre blanc. Elle n’est pas saine dans un grand pays démocratique comme le nôtre, car elle s’exercera dans le cadre des pouvoirs de contrôle très réduits du Parlement.

Monsieur le ministre, vous nous avez présenté les analyses et les propositions de ce Livre blanc. Le chef de l’État a approuvé ces nouvelles orientations stratégiques, mais il est peu démocratique que, eu égard à une révision aussi fondamentale de notre doctrine de défense, la représentation nationale n’ait pas été mieux associée à ces travaux. Il est encore moins acceptable que nous ne puissions pas, aujourd’hui, nous prononcer par un vote, car notre débat de ce soir ne sera d’aucun effet sur les conclusions du Livre blanc.

Malgré quelques aménagements à doses homéopathiques proposés dans le projet de révision constitutionnelle, la revalorisation du rôle du Parlement en matière de défense nationale apparaît pour ce qu’elle est : un leurre. En soumettant le Livre blanc au Parlement, vous aviez pourtant l’occasion d’apporter la preuve de votre volonté de l’associer à l’examen des questions de défense. Nous regrettons que vous ne l’ayez pas saisie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. André Boyer. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de lUC-UDF.)

M. André Boyer. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, M. de Rohan m’a tendu cet après-midi une perche en citant Shakespeare lors de la réception d’une délégation de la chambre des Lords et de la chambre des Communes. Je la saisis ce soir, en parodiant un autre auteur prestigieux : comment parler d’effort de défense, sans apporter de preuves budgétaires de l’effort de défense ? (Sourires.)

À cet égard, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de ma profonde inquiétude.

Le Livre blanc précise en effet que l’effort de défense consistera à maintenir les ressources annuelles en volume, hors charges de pensions. Or, si nous examinons attentivement les déterminants de la dépense en matière de défense, que constatons-nous ?

Tout d’abord, les dépenses liées aux opérations extérieures atteignent près de 1 milliard d’euros en 2008, sans qu’une réduction puisse être envisagée à brève échéance. Nous avons donc atteint, au mieux, un palier.

Ensuite, la réforme des statuts particuliers, prévue pour le 1er janvier 2009, entraînera une augmentation de la masse salariale, et des revalorisations, au demeurant légitimes eu égard aux sujétions du métier des armes, sont annoncées.

Les restructurations, quant à elles, seront coûteuses, qu’il s’agisse des mesures de compensation pour les collectivités locales concernées ou d’accompagnement social des personnels. Rappelons simplement que la restructuration de la DCN aura coûté à notre pays, sur la dernière période de programmation, l’équivalent du programme des frégates multimissions,…

Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas fini !

M. André Boyer. … ce qui nous a contraints à un mode de financement pour le moins singulier de ce programme décisif.

Enfin, la mise en place de réelles bases de défense suppose, pour être à la hauteur des enjeux, des dépenses d’infrastructures prévisibles et très importantes. Nous nous accommodions en effet, jusqu’ici, dans les emprises actuelles, de bâtiments certes souvent chargés d’histoire, mais de ce simple fait peu adaptés, très difficiles à maintenir en bon état et souvent, d’ailleurs, mal entretenus.

Ces quelques chapitres majeurs ne prétendent cependant pas à l’exhaustivité.

Face aux dépenses que je viens d’évoquer, quelles économies pouvons-nous déjà mettre en balance ?

Les réductions d’effectifs, pour être significatives, devront s’étaler sur six ans. Le Livre blanc précise que les restructurations ne devraient faire sentir leurs effets qu’au bout de trois ou quatre ans.

Quant aux programmes d’armements, une fois encore étalés ou reportés, ils souffraient déjà d’une insuffisance patente de financement et n’offrent que des perspectives d’économies limitées, tout entières affectées aux besoins nouveaux.

À cet égard, monsieur le ministre, que représente le différé de la décision sur le second porte-avions en termes financiers, alors que nous avons cofinancé des études de définition de ce programme avec les Britanniques et que nous avons procédé à la commande des catapultes aux États-Unis ?

Quelles sont les priorités d’équipement de notre pays, et à quoi devons-nous renoncer pour préserver l’essentiel ? Je ne suis pas certain que le Livre blanc réponde complètement à cette question.

S’agissant des besoins importants de la marine nationale, en particulier, dont les crédits font l’objet, depuis plusieurs années, de reports cruellement ressentis, permettez-moi de rappeler mon attachement – partagé, je n’en doute pas ! – à la préservation d’une marine océanique, instrument de souveraineté, mais aussi facteur majeur de sécurité près de nos côtes ou sur toutes les mers du globe. En clair, il s’agit de toutes les missions qui ressortissent de l’action de l’État en mer, comme le précise d’ailleurs le Livre blanc.

Ce dernier préconise également la réaffectation intégrale, au profit des équipements, des économies engendrées par les restructurations. Il est difficile cependant d’identifier la source des 3 milliards d’euros d’économies qui viendraient abonder le budget d’équipement de nos forces. Je ne demande bien sûr qu’à être rassuré par vos éclaircissements quant au volume et à l’affectation des économies dégagées sur les trois prochaines années.

Ma préoccupation est d’autant plus vive que notre horizon en matière de défense reste, j’en suis convaincu, étroitement lié au grand projet de faire de l’Europe de la défense un acteur majeur et autonome.

Force est de constater que, dans ce domaine, nous sommes encore bien seuls, et sans doute peu convaincants. Notre ambition et notre propre détermination sont un moteur indispensable. Seul un effort budgétaire national crédible peut nourrir notre capacité d’entraînement et faire progresser cette Europe de la défense, qui implique la relance du projet de 1999 en termes de capacités, de conduite des opérations et de planification à l’échelon européen.

En effet, ce qui intéresse nos rares partenaires éventuels ne se limite pas aux intentions affichées, aussi louables soient-elles, ou aux déclarations de principe. Notre pouvoir de conviction repose, n’en doutons pas, sur le contenu de nos propositions et leur cohérence avec notre propre politique.

Les annonces du Livre blanc concernant notre réintégration dans l’OTAN, laquelle, j’en conviens, changerait peu de choses à l’implication, déjà grande, de notre pays dans cette alliance, ne risquent-elles pas, de ce point de vue, d’être interprétées comme un renoncement ?

Certes, nous sommes confrontés à une réforme difficile, qui impose des choix douloureux. Ne pas les formuler clairement, à l’échelon tant national qu’européen, puisque nous appelons de nos vœux une Europe de la défense, mettrait en péril la réforme elle-même, et la sécurité qu’elle veut et qu’elle doit assurer à notre pays. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. « Il faut que la France ait une épée ; il faut que ce soit la sienne ! », avait un jour déclaré le général de Gaulle.

M. le président. Bonne citation !

M. Yves Pozzo di Borgo. N’oublions pas l’éminente réflexion menée par la Haute Assemblée, tout au long de notre histoire et de ses évolutions successives, pour que nous gardions cette épée.

Déjà, en 1818, à la chambre des Pairs, le maréchal Gouvion-Saint-Cyr souhaitait adapter la capacité de nos armées à la nouvelle donne diplomatique en Europe : ce fut une réussite.

Ensuite, en 1867, au Sénat, le maréchal Niel tenta en vain de faire évoluer les mentalités, alors que l’armée coloniale avait pris trop d’importance par rapport à l’armée métropolitaine : ce fut un échec, dont nous avons connu les conséquences.

Ce fut ensuite la grande loi réussie de 1872, avec la conscription nationale remise à l’honneur, la construction d’un grand réseau de fortifications, la modernisation de nos équipements et, au bout du chemin, la victoire de 1918.

Il y eut encore la loi, finalement désastreuse, de 1928, élaborée sur l’initiative du maréchal Pétain et qui aboutit à une stratégie défensive, à la réalisation de la ligne Maginot, à la sclérose des mentalités et au désordre de 1940. Nous ne devons jamais l’oublier et nous souvenir, au-delà des décisions politiques, qu’il s’agit, pour nous, de faire le meilleur choix au service de la patrie et de la République.

Ce choix, le général de Gaulle le fit un jour pour la France en décidant d’instaurer une force de dissuasion nucléaire. Ma famille politique le combattit longtemps sur ce sujet, notamment lors du vote de la loi de 1963, le contexte géopolitique étant alors complètement différent de celui que nous connaissons à l’heure actuelle. Mais, il faut le reconnaître – nous le faisons d’ailleurs depuis longtemps –, en devenant une puissance nucléaire, la France resta fidèle à son message universel et à son destin politique. Cette situation donne aujourd’hui à notre pays une garantie ultime contre l’agression majeure d’un État étranger, sans doute peu imaginable de nos jours, mais toujours possible.

Aujourd’hui, nous voilà de nouveau au rendez-vous de notre histoire. La France ne doit pas se tromper de chemin, et nous sommes ensemble ce soir pour faire les bons choix.

La France est et demeure une puissance nucléaire. Il ne faut jamais y renoncer ; c’est une priorité. Nous maintenons notre double panoplie nucléaire balistique et aéroportée. Nous avons raison de laisser un possible adversaire dans le doute concernant la qualité et la diversité de notre frappe nucléaire.

Cependant je m’interroge, monsieur le ministre, sur le sort de nos bases aériennes affectées à cette mission, sur leur implantation géographique et sur leur modernisation. Quel avenir pour Luxeuil-Saint-Sauveur, qui fut, en 1963, notre première base aérienne opérationnelle ? Le missile balistique est la principale composante de notre dissuasion nucléaire. Cependant, avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et six sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, nous avons atteint une limite à ne pas franchir, sinon nous mettrons en jeu notre crédibilité. Nous devons revenir à un schéma de six sous-marins lanceurs d’engins, conformément au triptyque : mission, réserve et réparation.

J’en viens à la nécessité de bien équiper nos forces conventionnelles pour un conflit de nature classique, peu probable aujourd’hui, mais dont l’éventualité doit faire l’objet d’une réflexion.

Notre histoire militaire est pleine de conflits estimés peu probables, de la bataille de Crécy et des bombardes anglaises en 1346 à la crise de Suez et à la menace nucléaire soviétique en 1956.

Le char Leclerc, de conception classique, est un fleuron de notre cavalerie blindée et une réussite de notre industrie d’armement. Le Rafale et le Mirage 2000 sont indispensables à notre capacité aérienne.

Vous avez énoncé, monsieur le ministre, une évidence. Dans l’immédiat, notre armée de terre doit s’adapter aux conflits modernes, qui nécessitent une force projetable en six mois de 30 000 hommes, de la Mauritanie à l’Afghanistan.

Notre pays se trouve en effet dans une zone de dangers immédiats. J’entends bien les critiques, mais j’attends les solutions de recours : les conflits du XXIe siècle sont plus au Sud qu’à l’Est. Nous devons protéger nos communications, nos ressortissants et nos approvisionnements.

Sur ce dernier point, je ferai une simple remarque concernant la Turquie : la distribution de la moitié des réserves mondiales de gaz passe par ce pays, qui est devenu un nouveau carrefour de la stratégie énergétique.

Nous devons donc nous protéger avec une force professionnelle, équipée, mobile et capable de déclencher un feu surprenant et décourageant pour l’adversaire. D’un point de vue stratégique, cet aspect représente une orientation majeure du Livre blanc.

Toutefois, ne négligeons pas pour autant ce qui fait la richesse de notre armée. La force alpine, par exemple, a besoin d’être partie prenante à cette modernisation.

M. Didier Boulaud. Il n’y en aura plus !

M. Yves Pozzo di Borgo. Nos bataillons alpins sont stationnés à Annecy, à Bourg-Saint-Maurice, à Chambéry, à Besançon et à Barcelonnette. On dit les deux dernières implantations menacées, mais peut-être allez-vous nous rassurer, monsieur le ministre.

Loin de moi cependant l’idée de croire à une éventuelle difficulté avec nos amis Italiens ! C’est en Afghanistan que nous voyons à quel point la guerre de montagne demeure une réalité. La chaîne des Alpes constitue, à cet égard, un terrain d’entraînement inégalé. À mon sens, la guerre alpine constitue un élément indispensable pour un corps expéditionnaire projetable.

Doter notre espace aérien de 300 avions polyvalents de type Rafale ou Mirage 2000, dont 270 en ligne, est une bonne décision. Vous savez très bien que notre aviation de transport et de ravitaillement a connu des manquements. À cet égard, je rappellerai l’exemple de l’opération de Kolwezi en 1978.

Il nous faut également, me semble-t-il, faire des efforts pour améliorer notre situation d’observation. Le Livre blanc insiste d’ailleurs sur la protection de nos satellites.

Hier, la plupart d’entre vous, mes chers collègues, du moins ceux qui n’étaient pas en séance, ont regardé le match de football à la télévision. (Mme Isabelle Debré rit.) Ce qui m’a surpris, c’est la fragilité d’une chose qui nous semble acquise : du fait d’un simple orage, la moitié de l’Europe est devenue pratiquement sourde et muette !

Imaginez une telle situation pour nos satellites. Certes, nous disposons de techniciens, mais la protection de nos satellites est fondamentale pour l’avenir.

Enfin, j’insiste sur la nécessaire qualité de notre défense aérienne. Nous sommes toujours tenus en éveil par le risque de n’importe quelle attaque aérienne sur des sites sensibles. Je n’en dirai pas plus par souci de confidentialité, mais cela doit rester pour le Gouvernement une préoccupation permanente. Ce n’est pas l’administrateur de la Tour Eiffel qui dira le contraire !

J’aborderai maintenant un sujet plus délicat : le sort de la marine nationale, dans sa conception classique. Ce sur quoi le Livre blanc n’insiste pas assez, c’est sur le fait que la France dispose dans l’hémisphère Sud d’une zone maritime territoriale aussi importante que l’Europe. Or, on le sait très bien aujourd'hui, la mer est en quelque sorte l’avenir du monde. Il est évident que la marine nationale participe à la protection de cette zone.

La France ne peut donc pas se contenter d’un unique regroupement aéronaval pour des raisons d’économie. Chacun le comprendra aisément : laisser, pour d’indispensables réparations, un porte-avions pendant dix-huit mois à quai implique qu’un autre porte-avions puisse être engagé en haute mer. La solution passe-t-elle par l’Europe ou par une mutualisation avec les Britanniques ? La question n’est pas tranchée, mais il est vrai que ce problème est important.

Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la flotte de surface : elle constitue un élément majeur de l’inflexion stratégique engagée par le chef de l’État.

Le 14 novembre 2006, lors d’un colloque au Sénat – je suis sans doute le seul à me le rappeler ! –...

M. Jean-Pierre Raffarin. Mais non ! (Sourires.)

M. Yves Pozzo di Borgo. … j’avais avancé l’idée d’une garde nationale permettant de ne plus couper complètement notre jeunesse de l’effort de guerre. Avec un service volontaire court permettant une formation professionnelle complémentaire, il y aurait là matière à renouveler nos conceptions en matière de défense opérationnelle du territoire.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Cela coûte cher !

M. Yves Pozzo di Borgo. Chacun en est conscient, la roue de l’illusion a tourné. En 1968, le général Ailleret parlait de défense « tous azimuts ». La formule était blessante et injuste pour nos amis Américains, nos amis fidèles, nos alliés de toujours, ceux qui nous ont sauvés deux fois et avec lesquels nous partageons une même communauté de destin. Le 4 avril 1949, avec le traité de l’Alliance atlantique, et le 6 Avril 1949, avec celui de l’OTAN, nous avons maintenu en Europe occidentale la paix et la prospérité.

La rentrée militaire complète dans l’OTAN, bien que les structures aient changé, est une initiative heureuse du Président de la République et un pas en avant de la défense de l’Europe.

Centriste, j’ai été formé par Jean Lecanuet, votre prédécesseur, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, qui a toujours souhaité que notre défense repose sur deux piliers, le pilier européen et le pilier de l’Alliance atlantique. Vous comprendrez donc d’autant plus aisément pourquoi je suis ravi que le Président de la République ait pris cette décision, car il a retrouvé ce faisant l’ancienne conception des centristes sur ce sujet. (M. le ministre sourit.)

Mais il ne faut pas se tromper d’objectif. Le Pacte de Varsovie a été dissous et la recherche d’un partenariat stratégique avec l’immense Russie est indispensable. Je rejoins en cela ce que disait M. le président de la commission : l’OTAN doit s’adapter à cette nouvelle donne et il est nécessaire qu’elle réfléchisse à ses conceptions et à ses ambitions stratégiques.

Nous étions ensemble en Russie. Nous avons constaté à quel point les Russes étaient irrités par l’affaire de l’Ukraine et de la Géorgie. J’ai trouvé très important que le Président de la République, avec les cinq pays fondateurs de l’Europe, ait pris la position qu’il a prise sur cette demande d’élargissement.

Évitons les provocations inutiles : l’installation de missiles en Europe centrale sans concertation avec les Européens rappelle de mauvais souvenirs à Moscou – je ne suis pas sûr que ce soit très heureux – et affaiblit la position de ceux qui, en Russie, veulent se tourner vers l’Ouest.

L’objectif de rééquilibrage de nos finances publiques ne peut pas se faire au détriment de notre effort de défense. Hors pensions et gendarmerie, nous ne dépensons que 1,65 % de notre PIB, contre 2,33 % pour le Royaume-Uni. C’est trop peu, nous ne devons pas baisser notre garde.

S’il faut faire des économies, faisons-les sur les personnels civils et les dépenses d’administration générale ; réalisons des économies d’échelle. L’inversion du ratio entre forces opérationnelles et administration générale que vous proposez, monsieur le ministre, est un très bon objectif et servira de test pour mesurer la réussite de votre politique.

Il faut également une plus importante revalorisation du patrimoine, qui doit être vendu au meilleur prix – cette question est importante –, ainsi qu’un surcroît de rigueur du contrôle général.

Je ne veux pas reprendre la presse satirique, qui s’est fait l’écho, à tort où à raison,...

M. Hervé Morin, ministre. À tort !

M. Yves Pozzo di Borgo. ... de dépenses inutiles de nos forces en Côte d’Ivoire, mais c’est à surveiller.

À ce point de mon propos, je devrais en venir à la politique des personnels, mais, plutôt que de « personnels », je préfère parler des recrues, de celles et ceux qui donnent leur temps, leur vie même, puisqu’ils sont prêts au sacrifice suprême pour la France.

Respectons et honorons ce choix : accompagnons humainement ces femmes et ces hommes dans leurs parcours. Il est insupportable que des retours prématurés à la vie civile pour des mesures d’économie budgétaire se traduisent par un passage à l’ANPE et le départ d’un logement social à loyer modéré. C’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui et l’amertume est alors bien naturelle. Monsieur le ministre, permettez à l’élu parisien que je suis d’attirer votre attention sur une situation dont il connaît beaucoup d’exemples.

Nous avons choisi la professionnalisation des armées, mais ceux qui se sont enrôlés demeurent à mes yeux des soldats de la République, nos soldats, les soldats de la France. Le projet de garde nationale que j’ai évoqué tout à l’heure pourrait être une voie intéressante de dégagement.

Monsieur le ministre, madame le ministre, mes chers collègues, je terminerai mon propos sur les perspectives d’avenir qu’il nous faut trouver.

Après la « Guerre à la guerre », ce fut le fameux « Arrière les canons », ajouté un jour par Aristide Briand à Genève. N’oublions pas que nous demeurerons des humanistes. Si nous voulons la paix, nous préparons la guerre. Mais rappelons-nous que le message de la France est un message de paix.

Prenons des initiatives en matière de désarmement : il est des armes nouvelles cruelles, qu’elles soient chimiques, biologiques, antipersonnelles ou incendiaires. N’hésitons pas à convaincre la communauté internationale de les supprimer.

N’hésitons pas non plus à faire des propositions en matière de plafonnement des dépenses militaires. Décourageons les pays où la faim rode à dépenser inutilement dans le domaine militaire. Rappelons-nous que la France n’est pas seulement celle des soldats de l’An II, mais qu’elle est aussi celle de la Déclaration des droits de l’homme.

Monsieur le ministre, c’est la troisième fois en un demi-siècle que la France a un ministre de la défense centriste : Pierre de Chevigné, qui a nourri la réflexion militaire de notre courant politique, François Léotard et vous-même. Le groupe de l’Union centriste-UDF du Sénat suit avec attention votre parcours gouvernemental et vous assure de son soutien amical. Notre combat commun est d’assurer la paix, d’affermir la liberté et de conforter la démocratie.

Vous avez en charge, monsieur le ministre, selon la belle formule de nos marins « le sort des armes de la France », mais vous n’oubliez pas, je le sais, que ce sont aussi les armes de l’Europe. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le ministre, mes premiers mots seront pour exprimer un regret.

Oui, je regrette que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ne fasse pas l’objet d’un véritable débat au Parlement suivi d’un vote. Les conclusions de ce texte, déjà avalisées par le Président de la République, auraient dû subir l’analyse et l’étude minutieuses des commissions parlementaires.

Nous avons à la place une simple opération de communication destinée à mettre en lumière les décisions prises par le chef de l’État.

C’est cette méthode, peu respectueuse à l’égard des droits du Parlement et en conséquence méprisante à l’égard de l’opposition, qui nous avait conduits, ma collègue députée Patricia Adam et moi-même, à démissionner de la commission du Livre Blanc.

Ce n’était pas tant le travail intellectuel de la commission que nous mettions en cause que le fait de trouver régulièrement exposés dans la presse des engagements qui venaient conditionner les travaux en cours : la réforme des services de renseignement, la création d’une base navale à Abu Dhabi, l’envoi de renforts en Afghanistan, la réinsertion dans le commandement intégré de l’OTAN, la poursuite du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, la réduction d’un tiers de la composante nucléaire aéroportée, la préparation des réductions des implantations territoriales des unités militaires sans concertation avec les élus, la réduction du format des armées...

Bref, cette commission est devenue, malgré la qualité de ses membres et la bonne tenue de ses travaux, le registre notarial des annonces et des décisions du Président de la République.

Pis encore, dans le même temps, l’exercice de révision générale des politiques publiques, la RGPP, était mis en œuvre, sans transparence, avec comme finalité principale la réduction drastique des fonctions « soutien et logistique interarmées », la réduction du format et l’externalisation pour réaliser des économies.

Entre l’enclume de l’Élysée et le marteau de la RGPP, les belles envolées intellectuelles issues des débats du Livre blanc furent asservies, comprimées, conditionnées. Conscients de la nécessité impérieuse d’une véritable réforme de notre dispositif de défense, nous ne voulions pas cautionner cette entreprise peu soucieuse du respect des droits du Parlement.

Toujours convaincu de la nécessité d’un grand débat national et européen sur les questions de défense, de sécurité, de politique étrangère, je n’ai cessé de réclamer qu’une discussion suivie d’un vote ait lieu au Parlement sur le Livre blanc et sur ses conclusions. Cela aurait servi, en outre, à faire émerger de la discussion, de l’échange et du vote, un consensus le plus large possible, qui eût été source de légitimité pour les nouvelles modalités de notre défense.

Une série de courtes interventions comme ce soir encadrées par la parole ministérielle n’est pas un véritable débat parlementaire : il s’agit plutôt d’un rituel destiné à se donner bonne conscience et à permettre ensuite au pouvoir exécutif de « communiquer », en faisant croire à l’opinion publique que le Parlement a délibéré.

Or, ici et maintenant, point de délibération et point de vote ! Nous voilà devenus, monsieur le président, une Haute Chambre d’enregistrement !

Il est d’ailleurs étonnant que, cet après-midi, les divers groupes de l'Assemblée nationale aient chacun bénéficié d’une heure pour intervenir, alors que, ce soir, au Sénat, nous sommes limités à un quart d’heure ! J’ajoute que, si nous sommes très flattés de la présence de plusieurs membres du Gouvernement – quatre au début du débat, deux maintenant –, c’est le Premier ministre qui nous était promis, comme à l'Assemblée nationale… Je m’étonne encore, monsieur le président, de cette différence de traitement entre les deux assemblées.

J’insiste : un nouveau Livre blanc était nécessaire. Il l’était parce que le contexte stratégique s’est transformé depuis 1994 et parce que, ces dernières années, la crise financière qui guettait la défense menaçait l’ensemble du dispositif de sécurité. Il était nécessaire aussi parce que la France se devait de prendre le virage vers une véritable Europe de la défense.

Nécessaire, ce nouveau Livre blanc était devenu même obligatoire, parce que, après les formidables bouleversements intervenus avec la professionnalisation des armées, il était urgent de recréer, peut-être même de refonder, les bases du lien armée- Nation, de reconsidérer le statut des militaires en avançant vers de nouveaux droits mieux adaptés à leur nouvelle situation de professionnels au service de la Nation.

Or, dès le départ, cet exercice avait manqué sa cible, puisque la rédaction du Livre blanc aurait dû être couplée avec un exercice de même nature au niveau européen. La présidence française de l’Union européenne aurait été l’occasion rêvée. À la place, nous avons eu un travail franco-français !

Quinze petites minutes ne me permettront pas d’analyser de manière exhaustive le Livre blanc. Je choisirai donc quelques points frappants de ce texte volumineux et foisonnant.

Parlons d’abord du nerf de la guerre.

Le dernier Livre blanc, « cuvée 1994 », était obsolète ; le modèle d’armée proposé, dit « modèle 2015 », était devenu une coquille vide de sens et son financement, inapproprié. D’ailleurs, le Président de la République le reconnaît dès la préface de son Livre blanc : « Le modèle d’armée 2015 [...] s’est révélé à la fois inadapté et inaccessible ».

J’avais averti en ce sens à plusieurs reprises le gouvernement précédent. À l’époque, Mme Michèle Alliot-Marie nous répondait, sous les applaudissements de la majorité UMP, que tout allait bien, que moyennant seulement quelques ajustements le modèle 2015 était viable et que les finances de la défense tenaient la route.

Comment est-il possible de découvrir subitement autant de trous dans l’armure et de s’apercevoir, en 2007, que, pour les besoins en équipements, il fallait financer un surcroît annuel de 6 milliards d’euros en moyenne pendant six ans, à verser à partir de 2009 ?

Je constate aujourd’hui que si, entre 2003 et 2008, les dépenses d’équipement n’ont pu être financées comme prévu, c’est parce qu’elles n’avaient pas été évaluées à leur juste niveau lors de la programmation initiale.

Ces sous-évaluations concernaient le lancement de programmes nouveaux, le maintien en condition opérationnelle des matériels et les coûts des programmes en cours.

Voilà l’héritage, qui est aussi votre bilan !

Or cette situation pèse et pèsera sur la politique de défense et de sécurité de la France.

Aujourd’hui, vous devez, monsieur le ministre, répondre aux sévères critiques portées contre votre politique de défense et de sécurité. Elles ne viennent d’ailleurs pas que des rangs de l’opposition.

La critique s’exprime dans les journaux, elle se murmure dans les casernes : j’ai ainsi pu lire récemment que votre politique conduit au « déclassement militaire » de la France.

Ne vous trompez pas, monsieur le ministre, mes propos ne sont pas empreints de mauvaise joie, schadenfreude disent les Allemands. Reconnaissez tout de même qu’il est savoureux de constater que, après que vous avez fait porter, vous et vos amis, des accusations injustifiées sur les socialistes et sur leur action en matière de défense, ce soit sur vous aujourd’hui que tombe une si grave interpellation !

Même si je ne les partage pas dans leur intégralité, certains rudes diagnostics posés sur votre politique de défense ne peuvent pas être éliminés de notre discussion d’un simple revers de main disciplinaire.

La tribune publiée par des généraux et des officiers supérieurs, parue dans le Figaro, doit être versée au débat. Ils écrivent : « Une réduction prévisible et sans imagination du format des armées, à peine compensée par d’hypothétiques innovations technologiques et organisationnelles : il y a comme une imposture à présenter ces résultats comme un progrès dans l’efficacité de l’instrument militaire. » Ce n’est pas rien !

D’ailleurs, cette expression publique de militaires pose aussi, en passant, des questions sur la possibilité pour ces fonctionnaires militaires d’exercer des droits élémentaires d’expression démocratique. Cet aspect, escamoté en 2005 lors de la dernière réforme du statut général des militaires, est toujours d’actualité, je tiens à le souligner.

Ne nous trompons pas d’exercice ; malgré l’effort, théorique, du Livre blanc pour mettre en cohérence les missions et les moyens de nos forces, nous savons bien que les arbitrages en cours de réalisation sur les équipements et sur les formats des armées sont conditionnés par deux exercices, pas forcément convergents : la prochaine loi de programmation militaire et les budgets afférents, d’une part, et la révision générale des politiques publiques, la RGPP, d’autre part.

Je peux vous affirmer dès maintenant que les objectifs physiques et financiers mentionnés dans le Livre blanc risquent d’apparaître comme autant de vœux pieux quand seront connus la carte militaire, la liste des restructurations et les montants des crédits militaires et, hélas ! comme une façon de faire avaler aux militaires et aux personnels civils de la défense une potion très amère.

Votre politique ressemble à un acte de foi : « Croyez-moi, demain nous ferons mieux avec moins ! »

Ainsi en va-t-il du mystère des économies engendrées par les restructurations qui seront, selon le Livre blanc, « intégralement réutilisées pour la défense ». Je pense surtout que des dépenses devront être envisagées.

Monsieur le ministre, vous avez souligné que la réforme de la défense représente un effort sur six ans qui devrait permettre de dégager 2 milliards d’euros par an au profit des forces opérationnelles et de l’équipement des armées. Comment ferez-vous ? J’ai encore en mémoire le coût faramineux de la sous-évaluation de la professionnalisation qui avait « plombé lourdement », si je puis me permettre cette expression, les budgets de la défense après 1997

Je crains que l’on ne répète à nouveau les graves erreurs d’évaluation commises lors de la professionnalisation.

Mais il est un autre mystère, celui de la réduction de 54 000 postes au ministère de la défense, dont 46 500 concernent les armées et 7 500 le personnel civil et militaire des directions du ministère, notamment la DGA et le secrétariat général pour l’administration. Est-on certain que cette diminution majeure du format ne touchera pas les capacités opérationnelles ? À l’issue de l’exercice, aura-t-on une force ramassée, plus musclée et plus efficace et un recrutement de qualité sera-t-il maintenu ?

On nous parle de « mutualisation », « d’externalisation ». Quels sont les résultats des études d’impact, des évaluations et des prévisions réalisées en la matière ? Je suis convaincu qu’ils peuvent intéresser grandement les commissaires de la commission des affaires étrangères et de la défense.

J’approuve l’importance donnée, enfin, à la capacité d’avoir une vraie autonomie d’appréciation et de décision ; la fonction « connaissance et anticipation », qui existait déjà de facto, est ainsi revalorisée, et c’est une bonne chose.

Je serai particulièrement vigilant pour que l’annonce d’un effort massif d’investissement sur le renseignement soit suivie d’effet.

Évoquons, maintenant, l’analyse de la situation internationale.

Un effort considérable a été réalisé lors de ses travaux par la commission du Livre blanc. Les échanges furent riches et animés. Or, à la sortie, que trouve-t-on ? On trouve une Weltanschauung définie seulement à partir des craintes et des angoisses de l’Occident. Ainsi, la sécurité internationale semble devoir être conçue à partir de la seule supériorité des armes, de l’efficacité, ou par des systèmes de protection et de l’unité du camp occidental. À la place de la politique de bloc contre bloc, dont on sortait à peine en 1994, on trouve l’ébauche d’un affrontement entre blocs de civilisation.

Une sorte de pessimisme global apparaît face aux dynamiques qui modèlent l’ordre international ; toutes les évolutions mondiales sont perçues en tant que risques et menaces.

Aucune nouvelle perspective ne signale la possibilité de maîtriser les dangers par des politiques actives de prévention, de désarmement négocié ou par de nouvelles formes de régulation multilatérale résultant de solidarités, de coopérations et de concessions réciproques.

Les menaces incertaines, diffuses, sont présentées de manière confuse. Comment mieux armer la France comme l’Europe pour qu’elles se défendent mieux, si toutes les menaces, tous les risques se valent ? On peut citer les terrorismes et les pandémies grippales, la prolifération nucléaire et la guerre informatique, la criminalité et la privatisation de la violence...

Bref, après une présentation fascinante de l’état du monde, on ne voit pas se dégager nettement les outils conceptuels d’aide à la décision, ni les priorités opérationnelles.

Sur le plan de la politique internationale comme sur celui des menaces à la sécurité dite « nationale », on voit primer un discours sécuritaire, à la fois anxiogène et lourd de sous-entendus.

On pourrait alors expliquer qu’il est nécessaire de résoudre les conflits – je pense, notamment, à l’affrontement entre Israéliens et Palestiniens, à la guerre en Irak –, qui nourrissent toute une gamme de conséquences violentes, et en arriver à la conclusion que, même si la solution aux problèmes, aux menaces et aux risques évoqués n’est pas toujours militaire, loin de là, il faut être prêt à assumer le prix militaire de notre insertion active et réactive dans le monde tel qu’il est. Pas la peine de faire du catastrophisme !

L’analyse stratégique du Livre blanc tend à énoncer les priorités militaires pour notre défense et donne la primauté à la mission de projection, en annonçant d’ailleurs un recentrage des dispositifs de défense sur un axe qui va de l’Atlantique à l’océan Indien. Les arguments avancés par le Livre blanc ont de la consistance.

Toutefois, sans le dire clairement, cette orientation fait le deuil de l’affirmation de la vocation mondiale de notre défense.

Certes, elle a le mérite de prendre en compte les limites de la puissance militaire française et de considérer la nécessaire défense de nos intérêts stratégiques dans le cadre d’une concentration de nos efforts en évitant les éparpillements de nos forces.

Mais pourquoi les orientations et l’axe défini de l’Atlantique à l’océan Indien semblent-ils être étrangement parallèles aux positions définies, il y a quelques années déjà, par l’administration Bush ?

Il est vrai que tout l’exercice a été orienté, dès le départ, par le parti pris de la réintégration complète au sein des structures militaires de l’OTAN placées sous commandement américain.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Didier Boulaud. J’ai déjà donné mon avis sur cette question ; je ne m’y attarderai donc pas.

Laissez-moi, une fois n’est pas coutume, être d’accord avec l’ancien Premier ministre Alain Juppé, qui s’est demandé récemment si l’on n’était pas en train de faire un marché de dupes en rentrant sans conditions dans le commandement militaire intégré de l’OTAN.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Didier Boulaud. C’est une bonne question !

Cette réorientation de notre politique étrangère et de défense dans un sens atlantiste est lourde de conséquences. Pourquoi avoir renoncé à notre singularité ? Pourquoi intervertir les priorités de l’Europe et de l’OTAN ? Pourquoi cet empressement à s’aligner ?

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Didier Boulaud. On peut d’ailleurs parler de supercherie : alors que l’on nous rebat les oreilles avec la priorité que vous prétendez donner à l’Europe de la défense, nous apprenons, par une dépêche de l’AFP, que deux des trois régiments de la brigade franco-allemande sont menacés de dissolution. Nous attendons avec impatience les annonces du 3 juillet ! Si tel est le cas, monsieur le ministre, vous devrez vous expliquer sur cette manipulation et de l’opinion et de la représentation nationale.

Je voudrais reprendre à mon compte la question posée cet après-midi par ma collègue députée Patricia Adam, qui n’a d’ailleurs pas obtenu de réponse.

M. Hervé Morin, ministre. C’est normal ! Elle n’est pas restée jusqu’à la fin du débat !

M. Didier Boulaud. Je vous offre l’occasion de lui répondre, monsieur le ministre !

Ma collègue se demandait ce qui s’était passé dans le monde depuis le mois de février 2007, époque à laquelle Mme Alliot-Marie déclarait au Sénat : « Sur le plan politique, le statut singulier de notre pays au sein de l’Alliance lui permet en revanche de faire entendre sa voix et d’être écouté » ? Votre réponse ne manquera pas de nous éclairer !

Cette réorientation de notre politique étrangère et de défense est un signal qui sera interprété négativement à Moscou comme à Pékin, sans parler de l’opinion internationale, qui perçoit souvent l’OTAN comme un outil unilatéral au service de la politique extérieure des États-Unis.

Pour finir mon intervention, j’aborderai la question du centralisme présidentiel mis en musique par le Livre blanc.

À rebours de toutes les déclarations verbales sur le rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif et le Parlement, la politique de l’Élysée s’oriente nettement vers une extension du domaine réservé au Président de la République en matière de politique étrangère, de politique de défense et de sécurité intérieure.

Ce que le Livre Blanc appelle « la réorganisation des pouvoirs publics » n’est, en réalité, qu’une nouvelle concentration au sommet de l’État, une confiscation des pouvoirs !

Qu’on en juge : création d’un Conseil de défense et de sécurité nationale, présidé par le Président de la République, qui préside, en outre, le Conseil de politique nucléaire, créé, dans sa forme actuelle, par décret du 21 avril 2008. Relevons aussi la création du Conseil consultatif sur la défense et la sécurité nationale auprès du Président de la République, réunissant des personnalités indépendantes nommées par ce dernier, la création du Conseil national du renseignement, présidé par le Président de la République, la nomination d’un coordonnateur national du renseignement, placé à la Présidence de la République, la création imminente d’un conseil des affaires étrangères auprès du Président de la République.

Une prochaine réforme de l’ordonnance de 1959 portant organisation générale de la défense traduira cette nouvelle organisation dans les textes. Nous pourrons alors constater l’envergure de l’effacement du Premier ministre et des ministres concernés par ces matières.

Et, comme s’il fallait encore « serrer les boulons », on apprend la nomination, par le Président de la République, d’un coordonnateur des travaux d’élaboration du futur projet de loi de programmation militaire pour la période 2009-2011 qui sera placé... auprès du Président de la République. L’œil de l’Élysée !

Ainsi, sans ambages, la présidentialisation du pouvoir deviendra totale dans les domaines de la défense et de la sécurité extérieure et intérieure.

La plupart des décisions et des choix seront concentrés dans les mains d’un homme, loin du Gouvernement et sans que le Parlement puisse les contrôler. Comprenez que cette situation, qui découle des propositions du Livre blanc, propositions elles-mêmes inspirées par les émissaires de l’Élysée, ne peut que susciter notre condamnation.

Les membres du groupe socialiste resteront vigilants face aux évolutions de notre dispositif de défense et aux conséquences de votre réforme sur la condition militaire, sur les droits des personnels civils et militaires, sur les restructurations et, en particulier, sur la cohérence et l’efficacité de notre outil de défense, garant de la sécurité de la Nation.

M. le président. La parole est à M. André Dulait. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. André Dulait. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dernier Livre blanc date de 1994 ; or, depuis cette date, la situation mondiale a beaucoup évolué et un nouveau contexte géopolitique impliquant de nouvelles formes d’engagement des forces armées françaises est apparu.

D’autre part, un lien entre la défense nationale et la sécurité intérieure s’est établi durablement, comme l’a indiqué le Président de la République dans son discours du 17 juin en ces termes : « Nous devons nous prémunir contre toute crise majeure sur le territoire national qu’elle soit intentionnelle ou non. Cette stratégie de protection doit conduire à une réorganisation de nos efforts et de nos moyens ».

Ce Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale prend en compte l’ensemble des crises prévisibles, au moment où la mondialisation s’impose à nous de façon irréversible. Il existe désormais une mondialisation des menaces terroristes islamistes, de la prolifération nucléaire, des tensions régionales, du développement du crime organisé et des possibilités de pandémies qui, toutes, prennent leur source loin de l’Europe, mais pourraient nous affecter chaque jour davantage.

S’y ajoutent une mondialisation des échanges, la révolution des communications et une lutte féroce pour les ressources stratégiques, soit un ensemble de phénomènes qui affectent la planète avec une rapidité favorisée par l’intensification des transports et des migrations.

Cette mondialisation a une conséquence importante sur le plan stratégique : la distinction entre la sécurité extérieure et intérieure s’estompe. De fait, la France et l’Europe de demain ne bénéficieront plus de l’effet protecteur de la distance géographique par rapport aux zones de guerre, de conflits ou de troubles.

Dès lors, une véritable continuité se crée entre les situations de crise ou de conflit, même dans les régions les plus éloignées de la planète, et le risque qui pourrait en résulter pour nos intérêts. Le champ couvert par le Livre blanc et les orientations qu’il arrête témoignent de la détermination des autorités françaises à tirer pleinement les conséquences de ce constat.

La première de ces conséquences est la mise en place d’une fonction stratégique, celle de « la connaissance et de l’anticipation », qui constitue notre première ligne de défense. Cette connaissance et cette anticipation, en un mot le renseignement, doivent garantir notre autonomie de décision et nous permettre de disposer des moyens d’éclairer nos actions le plus en amont possible.

Pour cela, la création, auprès du Président de la République, d’un conseil national du renseignement et d’un coordonnateur national, qui regroupera les services, constitue un élément fondamental. Il nous faut, en effet, renforcer les moyens, les méthodes et la technologie, moyens spatiaux compris, qui doivent être accompagnés par des hommes maîtrisant la culture du renseignement, de sorte que le dispositif de communication et d’information se retrouve placé au centre de la gestion des crises et que les objectifs opérationnels soient assignés désormais conjointement à la sécurité intérieure et à la sécurité civile, ainsi qu’aux forces armées.

Cette coordination des moyens civils et militaires constitue l’un des principes fondamentaux de notre nouvelle stratégie.

Par ailleurs, cette dernière s’inscrit complètement dans l’ambition européenne. Nous souhaitons que l’Europe se dote de capacités plus importantes, à savoir d’une capacité d’intervention globale, d’une capacité de déployer des opérations de maintien de la paix ainsi que des opérations civiles et des moyens de dynamiser l’industrie de défense européenne.

Incontestablement, la protection des citoyens européens implique un renforcement de la coopération contre le terrorisme et les attaques informatiques, ainsi qu’une sécurisation durcie des approvisionnements en matières premières stratégiques.

Le Livre blanc souligne également la complémentarité entre l’Union européenne et l’Alliance atlantique, que nous n’avons jamais abandonnée. Certes, en 1966, nous avons quitté le commandement intégré, mais, aujourd’hui, beaucoup de choses ont évolué. Cependant, notre indépendance demeure préservée, car toutes les décisions politiques sont prises par consensus des vingt-sept alliés.

En son sein, la France a la même voix que les États-Unis. Par ailleurs, l’OTAN n’est pas allée en Irak, même si l’Italie et l’Espagne ont participé aux opérations, puis ont décidé de se retirer quand elles l’ont voulu.

Sur un autre plan, nous avons pris l’initiative de retarder à Bucarest le processus d’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie. Tout cela montre la souplesse politique et stratégique de l’OTAN.

M. Hervé Morin, ministre. Bien sûr !

M. André Dulait. Enfin, depuis les septennats de François Mitterrand et de Jacques Chirac, une évolution de la France vers une réévaluation de notre place dans l’OTAN s’est confirmée.

De nouveau, nous siégeons dans toutes les instances politiques et militaires, sauf deux ; nous avons des officiers généraux dans le commandement intégré ; nos procédures militaires nationales sont harmonisées avec celles de l’OTAN et nos industriels fabriquent des matériels aux normes de l’OTAN dont, par ailleurs, nous demeurons l’un des principaux contributeurs.

Aujourd’hui, pour nous, il s’agit de siéger au Comité des plans de défense et d’affecter des officiers supérieurs dans les commandements, signe de confiance attendu par nos alliés européens. Nos troupes sont sur le terrain avec l’OTAN, qui a besoin d’être également rénovée, et nous devons participer à cette restructuration. Il est cependant impératif de maintenir fermement notre indépendance en matière de dissuasion nucléaire, la dissuasion nucléaire française étant en quelque sorte l’assurance vie de notre pays. Toute cette nouvelle stratégie entraîne, de fait, la mise en place de nouveaux formats pour nos armées, déterminés à partir des objectifs opérationnels retenus par le Gouvernement, sur proposition du Livre blanc.

Les principaux points en sont les suivants : une force opérationnelle terrestre de 88 000 hommes, autorisant une projection à distance de 30 000 hommes qui peuvent être déployés en six mois, un dispositif d’alerte permanent de 5 000 hommes et une capacité mobilisable sur le territoire national, en appui des autorités civiles, de 10 000 hommes en cas de crise majeure ; un groupe aéronaval, avec son groupe aérien complet, dix-huit frégates de premier rang, ainsi que six sous-marins nucléaires d’attaque, et une capacité à déployer un ou deux groupes navals, amphibie ou de protection du trafic maritime ; un parc unique de trois cents avions de combat, Rafale et Mirage 2000 modernisés.

Dans le cadre de ce budget, il est impératif que nous nous efforcions de mieux maîtriser le coût de possession des matériels, à travers leur cycle de vie. Ce coût de possession, et cela a été longuement évoqué dans le Livre blanc, engage les services de l’État sur le long terme, puisqu’il englobe non seulement l’acquisition, mais également le coût d’entretien, le coût du soutien en service, de la mise à niveau, voire du démantèlement. Force est de constater qu’une mauvaise maîtrise du coût de possession a entraîné par le passé des dérives budgétaires parfois considérables. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en place une nouvelle organisation autour d’une équipe, sous la responsabilité d’un directeur de programme.

Sur le plan de la doctrine d’emploi, cette réorganisation procède d’un quadruple souci : améliorer sans tarder la disponibilité et la modernisation des équipements les plus utilisés en opération ; lancer les programmes liés au renseignement et à la préparation de l’avenir ; améliorer la protection de nos soldats dans nos trois armées ; initier de nouveaux programmes dans le domaine de la connaissance-anticipation.

Pour mettre en œuvre ces objectifs, la France se doit de consacrer à sa défense un effort financier majeur et cohérent avec les choix retenus.

Ainsi, les crédits de défense ne baisseront pas. Dans un premier temps, les ressources annuelles, hors charges de pensions, seront maintenues en volume, c’est-à-dire s’adaptant au rythme de l’inflation. Elles pourront aussi comporter des ressources exceptionnelles.

Dans un second temps, dès l’année 2012, le budget sera accru au rythme de 1 % par an, en volume, c’est-à-dire de 1 % en plus de l’inflation. D’ici à 2020, l’effort total consenti pour la défense, hors pensions, s’élèvera à 377 milliards d’euros. En parallèle, les restructurations se traduiront par une diminution importante des effectifs sur six à sept ans et par une réduction des coûts de fonctionnement du ministère et des armées.

Les marges qui seront dégagées seront intégralement réinvesties au profit de la condition du personnel, ...

M. Hervé Morin, ministre. Tout à fait !

M. André Dulait. ... mais surtout au profit du budget d’équipement, qui passera de 15,2 milliards d’euros en 2008 à 18 milliards d’euros en moyenne par an pour la période 2009-2020.

Pour que toute cette stratégie soit mise en place, un « Conseil de défense et de sécurité nationale » présidé par le Président de la République sera créé, dont le Conseil national du renseignement sera l’une des formations majeures. Le Premier ministre dirigera ...

M. Didier Boulaud. Rien du tout !

M. André Dulait. ... l’application des décisions prises par le Conseil. Une réforme de l’ordonnance de 1959 sera entreprise. Par ailleurs, le rôle du Parlement sera considérablement renforcé s’agissant de l’intervention de nos forces dans des opérations extérieures (M. Didier Boulaud. s’esclaffe), des accords de défense et du suivi du Livre blanc dont l’actualisation sera périodique.

Toutes les démarches que nous venons d’évoquer ne pourront se faire sans une adhésion globale de la Nation. À cet égard, le Livre blanc préconise de donner une impulsion nouvelle dans plusieurs domaines : la formation des jeunes comme des élus locaux ; la rénovation de la journée d’appel et de préparation à la défense, la JAPD ; la création d’un service civique ; une organisation cohérente et attractive des volontariats susceptibles d’être mobilisés au service de la sécurité de la France.

Notre pays doit comprendre que la défense demeure toujours et partout l’affaire de tous.

Dans cet esprit, je souhaite insister sur une réalité qu’il ne faut pas oublier : le Livre blanc expose, sur les quinze prochaines années, une stratégie de sécurité nationale. Il concerne donc non pas exclusivement la défense au sens militaire du terme, mais aussi l’ensemble des acteurs contribuant aujourd’hui à la sécurité et à la protection de nos concitoyens, c’est-à-dire, au premier chef, le ministère de l’intérieur et celui des affaires étrangères.

C’est donc de la capacité de la représentation nationale à « coproduire » les réformes indispensables, avec les élus locaux et l’ensemble du Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, que dépendra la réussite du Livre blanc. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, présenté le 17 juin par Nicolas Sarkozy, définit un concept global devant permettre de répondre à la nouvelle donne française et internationale.

Ce document frappe d’abord par la clarté d’exposition des grands enjeux nationaux et internationaux. Le Livre blanc de 1994 était celui de l’après-guerre froide et de la fin de la conscription. L’édition de 2008 est celle de la mondialisation : menaces diffuses, incertitude stratégique.

Cependant, il exprime une vision de l’ordre mondial défini par les seules craintes de l’Occident. Les nouvelles dynamiques sont appréhendées sous l’angle des risques et les réponses sont donc essentiellement sécuritaires.

On peut regretter que des voies comme le désarmement multilatéral, le jeu des coopérations ouvertes, la régulation collective, n’aient pas été plus explorées.

Il faut également saluer l’effort de clarification stratégique entrepris dans le Livre blanc.

Une nouvelle mission « anticipation » est assignée à la défense. Dans le contexte actuel, cette mission est évidemment capitale. Depuis les attentats du 11 septembre, le terrorisme a en effet brusquement changé d’échelle. Il s’est aussi déterritorialisé jusqu’à prendre racine au cœur des pays occidentaux. Les conflits se sont multipliés et sont désormais interconnectés.

Enfin, des menaces d’un genre nouveau sont apparues, ou risquent d’apparaître, avec le développement de la cybercriminalité, le réchauffement climatique ou encore la course à l’énergie.

« Gouverner, c’est prévoir ». Mais, pour prévoir, il faut savoir. Le Livre blanc consacre la fonction du renseignement et prévoit d’accroître nos capacités d’observation, notamment spatiales. Il faut s’en féliciter.

Un autre point positif est le recadrage de notre doctrine de dissuasion.

L’arme nucléaire est aujourd’hui la garantie la plus crédible de notre indépendance et de notre sécurité. La capacité de projection de cette force spécifique est plus que jamais un impératif. L’arme nucléaire demeure un atout maître pour la France, par ailleurs profondément engagée au service de la paix et du règlement pacifique des conflits.

Ces dernières années, on avait pu craindre des inflexions dans la doctrine nucléaire française : d’un côté, les propos du président Chirac à l’Île Longue laissant redouter une dérive vers une stratégie d’emploi, de l’autre, une nouvelle génération de responsables politiques et militaires qui n’ont pas connu la guerre froide et sont donc moins convaincus des bienfaits du nucléaire.

Le Livre blanc conforte la dissuasion dans sa logique et ses programmes. Il s’agit toujours de protéger nos « intérêts vitaux » face à une menace étatique grave, en maintenant des forces nucléaires à un niveau de stricte suffisance.

Cela dit, il faudra définir la place du nucléaire français au sein de l’Alliance atlantique et son articulation avec la Politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, dans une Europe élargie. La défense européenne est une priorité de la présidence française de l’Union, mais certains de nos partenaires sont favorables à une dénucléarisation de l’Europe. Comment peut-on concilier cette exigence avec notre consensus nucléaire ?

S’agissant de nos capacités d’intervention, le Livre blanc préconise une concentration géographique prioritaire allant de l’Atlantique à l’océan Indien, en passant par la Méditerranée et le golfe arabo-persique.

Mme Nathalie Goulet. Persique, pas arabo-persique !

M. Georges Othily. L’ancienne posture aboutissait à une dispersion des efforts. On ne peut donc qu’approuver un recentrage de notre politique de défense.

C’est sans doute dans cet axe que les risques impliquant les intérêts français sont les plus élevés. Mais il ne faut pas oublier la zone Antilles-Guyane, qui est un point stratégique sur les plans économique et militaire. Son éloignement de la métropole peut rendre difficile une projection rapide de renforts tant humains que matériels. Or, si la probabilité d’actions hostiles de la part d’un acteur régional est jugée faible, il y a des risques importants de catastrophes naturelles et de trafics de tous ordres.

Par ailleurs, le site de Kourou, essentiel pour la France et l’Europe, justifie des moyens spécifiques. Le Livre blanc est un peu ambigu. D’un côté, on parle de redéfinir les forces stationnées au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites, ce qui laisse présager un « dégraissage » des effectifs, de l’autre, on parle de mettre à disposition des moyens importants au bénéfice du centre spatial et de la lutte contre les narcotrafics. Est-ce à dire que l’essentiel des forces dans la région Caraïbes sera positionné en Guyane ?

M. Georges Othily. Je souhaiterais que vous puissiez nous donner quelques éléments de réponse.

Avec la réduction des effectifs de la fonction publique, de l’éducation nationale et de Météo France, sans oublier la remise en cause des dispositifs de défiscalisation dans les départements d’outre-mer, toute réduction du format des armées et de la taille des unités dans les régions ultramarines ne manquera pas de sinistrer encore davantage leurs économies déjà fragilisées.

S’agissant des dispositifs de régulation collective, le Livre blanc prône à la fois une ambition européenne renforcée et la réintégration de la France dans l’OTAN.

Plus que jamais, nous avons besoin de regrouper nos forces et nos visions communes, à la fois pour protéger nos citoyens, mais aussi pour participer à la construction d’une mondialisation qui soit équilibrée, qui soit éthique et qui respecte les individus.

Nous sommes tous conscients de l’importance que revêt, pour l’Europe, l’existence d’une véritable politique étrangère et de défense qui soit à l’image de sa puissance démographique et économique. Mais, soyons francs, elle n’existe pas aujourd’hui !

Toute avancée dans ce domaine suppose d’abord de rénover l’OTAN, dont les objectifs ne sont plus ceux du Pacte de Varsovie, et de redéfinir le partage des tâches entre cette organisation et l’Union. Tant que nous n’aurons pas fait cette démarche, je crains que l’OTAN ne reste pour certains un substitut confortable, et moins onéreux, à une défense européenne.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre de la défense, de votre Livre blanc qui dresse une analyse stratégique pour les quinze ans à venir, on retient surtout la réduction des effectifs. Une trentaine de casernes ou de bases militaires sont amenées à disparaître.

Si cette réforme peut sembler indispensable pour rendre notre outil militaire plus cohérent et plus efficace, encore faut-il que ses conséquences soient acceptables non seulement pour les familles des militaires, mais aussi pour toutes les populations qui les accueillent. Il faut que l’on tienne compte du tissu économique local dans un esprit d’aménagement du territoire qui a toujours été l’une des lignes directrices de notre République.

Au total, on donne l’impression que les objectifs assignés à notre défense ont été ajustés à la réalité des moyens qui lui sont alloués, alors que cela aurait dû être l’inverse.

On peut, certes, faire des économies, mais la défense nationale ne devrait pas être tributaire des variations de budgets.

L’armée, à laquelle nous devons le plus profond respect, ne doit pas être une variable d’ajustement budgétaire.

La dépense de défense est trop souvent présentée comme un fardeau dans l’inconscience de l’imprégnation : les Français et leurs élites oublient que la paix a un coût et que celui de la guerre est bien plus élevé.

Notre sécurité et le développement ne sont pas suffisamment corrélés.

Notre politique de défense et de sécurité doit tout d’abord assurer la cohésion du peuple français, autour de valeurs partagées qui le caractérisent.

La politique de défense, c’est d’abord le niveau d’ambition de la France dans le monde. Elle doit nous préparer à prévenir les conflits, à défendre nos intérêts. Elle exige de l’anticipation.

Notre dépendance budgétaire, creusée par la dette, fait obstacle à l’indépendance nationale.

Vous nous avez assuré que les crédits de défense ne baisseraient pas, et augmenteraient même de 1 % à partir de 2012. C’est le moins que l’on puisse faire quand on a l’ambition d’influencer les options stratégiques et opérationnelles de l’OTAN et de relancer l’Europe de la défense.

En tout état de cause, chacun sait bien que les arbitrages sur les équipements et les formats des armées relèveront de deux exercices disjoints : le vote de la loi de programmation et des budgets militaires, d’une part, la révision générale des politiques publiques, d’autre part.

Nous resterons attentifs, madame la ministre, monsieur le ministre, à ce que les objectifs du Livre blanc ne restent pas des vœux pieux ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de lUC-UDF et de lUMP.- M. Didier Boulaud applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Je commencerai par répondre à M. le président de la commission et à M. Dulait. Vous avez raison : notre ambition sera celle que nous nous fixerons à nous-mêmes. En France, nous avons trop souvent tendance à chercher des boucs émissaires pour expliquer nos propres faiblesses. Il est donc bon de rappeler que notre ambition, en matière de défense et de sécurité, dépend de la volonté de la Nation et de ses représentants, volonté qui se manifeste notamment lors du vote du budget et de la loi de programmation militaire.

Le Président de la République a clairement confirmé sa volonté de voir la France demeurer une puissance militaire globale, l’une des grandes puissances militaires de la planète.

Cette ambition transparaît nettement dans la loi de programmation militaire et doit désormais se traduire par le respect des engagements budgétaires pris.

En dépit d’un contexte budgétaire extrêmement difficile et d’une croissance économique incertaine, le Président de la République a procédé à deux arbitrages.

Le premier est le financement, par des ressources extrabudgétaires exceptionnelles, de matériels qui doivent être livrés le plus rapidement possible. Je salue au passage la lucidité dont ont fait preuve Michèle Alliot-Marie, qui m’a précédé à ce poste, et Jacques Chirac, alors Président de la République, en lançant le renouvellement de toute une série d’équipements dont nos forces ont absolument besoin.

Ces ressources extrabudgétaires exceptionnelles proviendront d’abord de cessions immobilières dont nous récolterons les fruits avant même qu’elles n’interviennent, par le biais d’une société financière en cours de création, ensuite de la vente d’un certain nombre de fréquences et, enfin, de la vente de participations publiques, qui devraient permettre le financement intégral de la « bosse » budgétaire, soit, sur les années 2009, 2010 et le début de 2011, près de 3,5 milliards d’euros.

Le second arbitrage du Président de la République, qui fait de la défense une exception dans la sphère de l’administration française, vise à ce que la défense conserve la totalité des économies qu’elle réalisera, et ce au profit non seulement de l’amélioration de la condition militaire, mais aussi de l’équipement des forces.

Ce double arbitrage devrait permettre de porter, dans la prochaine loi de programmation militaire, les 16 milliards d’euros prévus pour l’équipement des forces à 18 milliards d’euros en moyenne.

Il est absolument indispensable, en effet, de maintenir les crédits consacrés à la recherche – les premières orientations de la future loi de programmation militaire permettront au moins de les conserver, voire, comme je l’espère, de les augmenter un peu –, d’autant plus compte tenu de la réduction d’un certain nombre de cibles et de la révision à la baisse d’un certain nombre de programmes. Les compétences, les qualifications, les bureaux d’études, doivent alors être préservés.

Les crédits nécessaires à cette fin seront prévus dans la future loi de programmation militaire.

Madame Demessine, vous nous reprochez une absence de concertation. J’ai, quant à moi, la chance d’avoir connu trois restructurations ; je peux donc en parler.

Je revois encore Pierre Joxe, en 1992 – c’est la gauche qui était au pouvoir à l’époque ! – présenter les restructurations à l’ensemble des députés – j’étais alors membre de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale – à peu près en ces termes : « C’est ainsi, il n’y a pas à discuter ! ».

Je me souviens également de la restructuration de 1994 : je faisais alors partie du cabinet de François Léotard. Sur arbitrage du Premier ministre et du ministre de la défense, il avait été décidé de prévenir les parlementaires de la majorité la veille au soir, et ceux de l’opposition, le matin même de l’annonce desdites restructurations.

Enfin, les restructurations de 1996 ont été annoncées par Charles Million, le 17 juillet, quand la France était en vacances et la session parlementaire close.

Pour ce qui me concerne, voilà plus de deux mois et demi que je reçois tous les parlementaires, même si ce que je leur annonce n’est pas forcément ce que l’on peut considérer comme de bonnes nouvelles. Cet énorme travail d’écoute s’est révélé très utile, d’ailleurs, car il m’a conduit à faire des ajustements et à mieux cibler les difficultés d’un certain nombre de territoires.

Je réfute donc l’accusation selon laquelle nous n’aurions pas procédé à la concertation nécessaire, car jamais des discussions d’une telle ampleur n’ont été menées au sein du ministère de la défense.

Nous sommes partis de l’idée que, là où nous ne pouvions pas apporter de réponse positive, nous devions engager un vrai travail de réflexion en termes de compensations et d’aide à la dynamisation des territoires.

Le Premier ministre a annoncé 320 millions d’euros pour financer ces compensations et accompagner ces politiques de re-développement et de reconversion.

J’estime qu’une ville ou une agglomération de 500 000 ou 600 000 habitants doit pouvoir absorber la fermeture d’une unité militaire assez facilement. Seuls dix ou douze sites seront effectivement dans une situation plus compliquée et nécessiteront à ce titre une aide, qui leur sera fournie grâce aux moyens que je viens d’évoquer.

J’ai, de plus, envoyé une lettre à l’ensemble des entreprises cotées en Bourse, qui a suscité près d’une quarantaine de demandes d’information sur ces sites, en vue de possibles implantations et investissements.

Enfin, la longueur du délai accordé – les décisions de restructurations seront annoncées avant le 14 juillet, mais il s’écoulera au moins deux ans, parfois même cinq ans, avant qu’elles ne deviennent effectives –, permettra de procéder au tour de table préalable à la mise sur les rails de la relance des territoires concernés.

La question du porte-avions a été largement évoquée lors de mon audition par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Les Britanniques ne nous ont pas lâchés ; ils ont décidé de lancer leur propre porte-avions, en en profitant pour restructurer leurs chantiers navals. Nous avons, nous, choisi d’attendre, avant de lancer le nôtre, d’avoir avalé la « bosse » budgétaire.

Nous avons préféré disposer auparavant d’une analyse de notre capacité militaire globale. La construction immédiate d’un nouveau porte-avions revenait à engager 500 millions d’euros de crédits d’équipements supplémentaires dès l’année prochaine. Compte tenu de l’obsolescence des moyens, il était prioritaire pour nous d’équiper le plus rapidement possible nos forces du programme d’avion de transport A400M, du VBCI, le véhicule blindé de combat d’infanterie, du NH90 et d’autres matériels modernes.

M. Boyer est attaché au maintien d’une marine océanique. Le Livre blanc tient compte du rôle majeur des mers dans la sécurité de nos approvisionnements et la protection de notre zone économique exclusive, la deuxième du monde. Avec dix-huit frégates de premier rang, un groupe aéronaval, deux groupes amphibies, nous restons largement une puissance militaire navale de premier rang.

Par ailleurs, le financement des OPEX va entraîner des coûts supplémentaires, du fait d’un certain nombre de restructurations, de la création de bases de défense destinées à accueillir les ressources mutualisées qui vont servir à l’ensemble des unités militaires, mais cela n’impose pas nécessairement la construction de bâtiments ex nihilo. Toutes ces mesures sont inscrites dans la loi de programmation militaire et sont comprises dans les 377 milliards d’euros prévus par le Livre blanc.

J’attends des réductions d’effectifs, de la mutualisation des services et de la densification accrue du soutien, grâce à la création des bases de défense, une économie de 2 milliards d’euros, dès lors que la totalité de ces différentes mesures seront mises en œuvre.

M. Yves Pozzo di Borgo s’est interrogé sur le porte-avions : je viens de lui répondre.

Je tiens à le rassurer sur la brigade alpine : les régiments seront maintenus en l’état, sans la moindre réduction de leurs effectifs ou de leur puissance. Ces unités de mêlée jouent un rôle de premier plan lors de nos opérations extérieures.

Là comme partout ailleurs, nous n’envisageons que de densifier les unités pour obtenir un meilleur ratio entre compagnies de soutien et compagnies opérationnelles : au lieu d’avoir une compagnie de soutien, quatre compagnies opérationnelles et quatre compagnies de combat, nous passerons à une compagnie de soutien et cinq ou six compagnies de combat.

Enfin, monsieur Boulaud, vous reprochez au Président de la République d’avoir annoncé un certain nombre de mesures antérieurement à la publication du Livre blanc. Je m’étonne : le Président de la République n’est-il pas, aux termes de l’article 15 de la Constitution, le chef des armées ? N’est-il pas élu par le peuple, et responsable devant le peuple ? C’est à lui de procéder aux arbitrages concernant les grandes orientations de notre défense, et il est heureux qu’il en soit ainsi.

Je serais pour ma part, en tant que ministre de la défense, très affecté que ce soit la commission du Livre blanc, en dépit de la valeur, de la qualité, de l’intelligence, de la connaissance et de l’expérience indéniables de ses membres – vous en avez d’ailleurs fait partie ! – qui décide de ces arbitrages. Selon moi, en effet, c’est celui à qui il incombe de diriger le pays qui doit y procéder, sous le contrôle du Parlement.

Car vous semblez l’oublier, mais le contrôle du Parlement existe. Ainsi, l’Assemblée nationale peut voter une motion de censure en cas de désaccord avec le Gouvernement, et le Parlement, saisi des projets de loi de programmation militaire, peut toujours par ses votes infléchir les choses. Il n’y a rien là que de très naturel dans un pays démocratique et républicain

M. Hervé Morin, ministre. Quant à dénoncer, comme vous le faites, un « déclassement militaire » de la France, pardonnez-moi, monsieur Boulaud, mais c’est plutôt gonflé ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Didier Boulaud. Ce sont vos généraux qui le disent !

M. Hervé Morin, ministre. « Mes généraux » ? Vous ne savez pas qui c’est, pas plus que moi !

M. Didier Boulaud. Vous cherchez à savoir qui ils sont…et vous le savez !

M. Hervé Morin, ministre. Comment parler de « déclassement militaire » de la France, alors que notre pays garde une capacité de projection de 30 000 hommes sur un théâtre qui va de l’Atlantique à l’océan Indien, plus une capacité de projection supplémentaire de 5 000 hommes sur un théâtre secondaire, plus une capacité de déploiement de 10 000 hommes au titre de la défense du territoire, plus une capacité d’alerte immédiate de 5 000 hommes à travers le dispositif Guépard, plus 70 avions de combat, plus un groupe aéronaval et deux groupes amphibies ? Avec de telles forces, nous soutenons la comparaison avec les Britanniques, contrairement à ce que certains ont laissé entendre.

D’ailleurs, cette comparaison avec les Britanniques à laquelle certains, ici, se sont livrés, doit être affinée. En vérité, les Britanniques ne consacrent que 500 millions d’euros de plus que nous à l’équipement de leurs forces. En revanche, il est vrai qu’ils disposent de crédits de fonctionnement absolument considérables au regard des nôtres, ce qui est dû au fait que les forces armées britanniques sont nettement mieux payées que les forces armées françaises, le pouvoir d’achat moyen des Britanniques aujourd’hui étant supérieur de 25 % à celui des Français - je suis le premier à regretter un tel écart ! – après avoir été, en 1980, de 15 % inférieur.

J’aimerais pouvoir constater une telle progression dans notre pays, mais passons vite sur ces rappels historiques…

M. le président. Nous voudrions bien être rémunérés comme les membres de la chambre des Lords ! (Sourires.)

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le président, cela ne dépend que de vous-même et de vos questeurs ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur Boulaud, nos capacités de projection, qui nous permettent d’être parmi les nations cadres et d’intervenir les premiers sur les théâtres d’opérations, font de la France une puissance militaire de premier rang. (M. Didier Boulaud manifeste son scepticisme.)

Au regard de la situation internationale actuelle, nul n’imagine aujourd’hui que nous soyons amenés à intervenir seuls. Nous opérons désormais dans le cadre d’une coalition, d’une alliance. Je le répète, notre capacité militaire est absolument remarquable et, hormis le Royaume-Uni, elle n’a pas d’équivalent en Europe.

M. Didier Boulaud. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question sur l’OTAN !

M. Hervé Morin, ministre. Je vous ai déjà répondu vingt fois, mais je peux le refaire une vingt et unième !

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur le ministre !

M. Didier Boulaud. Mme Adam vous avait posé sur ce sujet une question précise à l’Assemblée nationale ! Comme vous n’y avez pas répondu, je vous l’ai posée de nouveau !

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur Boulaud, pour tout vous dire, Mme Adam n’est même pas restée jusqu’à la fin du débat. Elle a sans doute estimé avoir mieux à faire et a donc pris l’avion pour rentrer à Brest !

Monsieur Othily, je vous le confirme, nous allons réorganiser l’ensemble du dispositif outre-mer, notamment pour les Antilles et la Guyane. Bien entendu, cette dernière restera un point d’appui majeur dans la protection des intérêts stratégiques français et européens dans la région.

Après m’en être entretenu avec Mme le ministre de l’intérieur, nous sommes convenus de la nécessité de maintenir une réelle capacité militaire aux Antilles. Nous disposerons notamment de moyens navals nous permettant d’assurer à la fois la protection de nos côtes, de notre zone économique exclusive et de l’ensemble des eaux territoriales, afin, notamment, de lutter contre tous les types de trafics. La force militaire ainsi déployée sera certes plus modeste, mais elle pourra à tout moment bénéficier de renforts aériens provenant de Guyane.

J’en prends l'engagement ce soir devant vous, nous ferons en sorte de maintenir des moyens, notamment héliportés, sur les Antilles. Pour le moment, c’est la Défense qui en a la responsabilité. Dès que le ministère de l’intérieur se verra doté de moyens héliportés supplémentaires, il prendra le relais. De même, en ce qui concerne la sécurité civile, c'est-à-dire la capacité de répondre à telle ou telle crise climatique ou géologique, nous veillerons à affecter les moyens nécessaires jusqu’à ce que le ministère de l’intérieur soit en mesure de prendre le relais sur un certain nombre de points. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Isabelle Debré. Soyons très fiers d’être français !

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure tardive, mon propos sera bref. Je tiens néanmoins à aborder un aspect du Livre blanc qui a peu été évoqué.

En effet, le débat de ce soir a tourné, pour l’essentiel, autour des questions de défense. Ce n’est certainement pas moi qui m’en plaindrai, mais, permettez-moi tout de même de le rappeler, le Livre blanc porte, certes, sur la défense, mais aussi sur la sécurité nationale. (M. André Dulait approuve.)

Comme l’a souligné M. Dulait, les nombreuses menaces qui pèsent aujourd’hui sur notre pays – terrorisme, trafics ou même risques naturels – ne connaissent plus de frontières. Finalement, il y a une grande continuité de la menace et, par conséquent, un réel besoin de réaction.

À cet égard, madame Demessine, nos compatriotes se moquent bien de savoir où se situe l’origine de la menace. Ce qui leur importe, c’est que nous soyons tous capables d’y faire face et de les protéger.

Cela suppose, bien entendu, de mener notre action le plus loin possible de nos frontières, afin de contenir la menace autant que faire se peut et d’éviter qu’elle ne parvienne jusqu’à nous. C’est le rôle de nos forces armées que de se projeter ainsi à l’extérieur.

Pour autant, lorsque la menace est sur notre territoire, les forces de police et de gendarmerie, parfois soutenues, d’ailleurs, par des moyens militaires, doivent alors être en mesure de protéger nos concitoyens. Il est de notre responsabilité politique et collective de nous assurer de la présence effective de tous les moyens nécessaires pour y parvenir.

À cet égard, sur le territoire national, le ministère de l’intérieur est bien entendu en première ligne. Il doit donc être à même d’agir, afin de pouvoir détecter l’origine même des différentes menaces, y compris à l’international.

À cette fin, il utilise notamment le réseau des attachés de sécurité intérieure, mais participe également à certaines structures, à l’instar du Club de Berne, qui réunit de façon régulière les services de renseignement des pays européens. Il convient aussi de citer le rôle du service de coopération technique internationale de police, ainsi, bien sûr, que celui de la mission aux affaires internationales et européennes, que je renforce au sein du ministère.

Ces structures constituent en quelque sorte un ensemble de « capteurs » des menaces susceptibles de naître à l’extérieur de notre pays.

Bien entendu, le ministère de l’intérieur s’appuie également sur l’organisation territoriale de l’État, placée sous l’autorité des préfets, ce qui lui permet d’intervenir au moindre événement et d’assurer la coordination de l’ensemble des moyens. Sa vocation interministérielle est donc plus que jamais justifiée.

À cet égard, il faut rappeler le rattachement, depuis le mois de mai 2007, de l’outre-mer au ministère de l’intérieur, dont la responsabilité s’étend désormais à la totalité du territoire national. Le fait que les collectivités territoriales, également rattachées au ministère, s’investissent de plus en plus dans la gestion des crises majeures amplifie d’autant notre capacité de réaction.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les moyens dont nous disposons. Il importe, bien sûr, de pouvoir réagir plus spécifiquement. De ce point de vue, l’action que je mène depuis un an à la tête du ministère de l’intérieur va tout à fait dans le sens des préconisations formulées dans le Livre blanc. En ce sens, le ministère de la défense et celui de l’intérieur doivent répondre à une double exigence.

La première, c’est d’être le plus opérationnel possible, par une meilleure utilisation et une plus grande coordination des moyens disponibles. Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur s’inscrit tout à fait dans cette logique, puisqu’il favorise notamment la mutualisation des savoir-faire et des moyens techniques.

La deuxième exigence du Livre blanc, c’est de mieux assurer l’anticipation et la prévision.

Pour ce qui est, d’abord, de l’anticipation, venant moi-même du ministère de la défense, j’ai été surprise de constater que celui de l’intérieur, alors même que les menaces changent et que la délinquance évolue, ne disposait pas de structures lui permettant d’anticiper et, donc, de réagir par rapport au long terme. Il se retrouvait donc, en quelque sorte, « le nez sur le guidon ».

J’ai donc souhaité, dès mon arrivée, la création de la délégation à la prospective et la stratégie, que je vous avais d’ailleurs annoncée à l’automne dernier. Fonctionnant depuis le mois de janvier, elle va nous assurer une meilleure visibilité pour anticiper les besoins à venir, notamment en termes d’équipement.

Pour ce qui est, maintenant, de la prévention, il était tout aussi important de se doter de tous les moyens nécessaires. C’est le sens de la réorganisation des services de renseignement intérieur : le rapprochement de la DST et des RG au sein de la nouvelle DCRI, la direction centrale du renseignement intérieur, nous met aujourd’hui en capacité d’utiliser l’ensemble des savoir-faire et de bénéficier d’une réelle synergie.

De la même manière, dans le cadre de la future loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, que je vous présenterai à l’automne prochain, il sera prévu un renforcement des moyens humains et techniques pour faire face à l’ensemble des besoins et, en particulier, aux risques NRBC, les risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. En effet, comme je le souligne déjà depuis plusieurs années, je crains qu’à l’avenir nous n’ayons affaire à des terroristes qui, outre les explosifs classiques, n’hésiteront pas à recourir à des armes d’une autre nature. Il faut donc que nous soyons à même de réagir, sur le territoire national, à ce type de menace.

Bien entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, agir et anticiper, cela suppose également de nouer suffisamment de contacts extérieurs. C’est la raison pour laquelle j’ai passé récemment un certain nombre d’accords de coopération avec l’Arabie saoudite et l’Algérie. C’est aussi pour cette raison que, au niveau européen, j’ai signé à Lisbonne un accord prévoyant, sur toute la façade atlantique, un dispositif de lutte contre les flux illicites. Nous avons d’ores et déjà obtenu des résultats remarquables, notamment contre le trafic de drogue. Au cours de la présidence française de l’Union européenne, je proposerai l’extension de ce système à la Méditerranée, pour disposer ainsi de moyens supplémentaires.

Mme Isabelle Debré. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Au-delà des actions engagées en faveur de l’anticipation et de la prévention, il est de notre responsabilité d’être capables de gérer une crise lorsque, malgré tous nos efforts, elle survient.

Dans ce domaine également, le ministère de l’intérieur a donc décidé de se doter des moyens nécessaires. J’ai signé voilà quelques jours le décret portant création d’une direction de la planification en matière de sécurité nationale, placée sous la responsabilité du secrétaire général de l’administration, en liaison avec le haut fonctionnaire de défense. Elle assurera, dans le cadre de la planification de la gestion de crise, le pilotage des préfets des zones de défense, dont le rôle sera renforcé. Il est également prévu d’améliorer la coopération avec les forces armées. En effet, les situations de crise, notamment des événements climatiques comme la tempête de 1999 ou, plus fréquemment, des incendies ou des inondations, nécessitent la mise à disposition d’un certain nombre de moyens militaires.

En outre, j’ai décidé de créer une salle de type « Cobra », qui nous permettra d’assurer la gestion des crises depuis le ministère de l’intérieur. Nous serons à même d’y accueillir l’ensemble des autorités compétentes, y compris les plus hautes autorités de l’État, et de centraliser les informations et de planifier la conduite des opérations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, avant de conclure, de formuler deux remarques supplémentaires.

D’une part, je tiens à revenir sur les problèmes d’intelligence économique, que certains d’entre vous ont abordés et qui ne peuvent être absents de nos préoccupations. Il s’agit en effet d’un élément tout à fait essentiel pour la défense de notre souveraineté et de nos intérêts, donc pour la sécurité nationale.

Mme Isabelle Debré. Tout à fait !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Protéger l’information stratégique contre les ingérences de toute nature doit être l’une de nos préoccupations majeures. C’est la protection de nos centres de recherche, de nos entreprises et, donc, de nos emplois qui est en jeu. (M. Robert del Picchia applaudit.)

D’autre part – et je m’adresse plus particulièrement à vous, monsieur Othily –, je voudrais évoquer l’outre-mer, mais je ne m’appesantirai pas dans la mesure où les propos tenus tout à l’heure par mon collègue Hervé Morin vous ont vraisemblablement rassuré.

Si des redéploiements de forces de sécurité sont effectivement envisagés, il n’est en aucune manière question de laisser nos compatriotes ultramarins sans protection suffisante face aux risques, notamment naturels, auxquels ils sont exposés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Nous allons donc étudier, en liaison avec le ministère de la défense, la mise en place d’un système de « tuilage », pour permettre à la gendarmerie et à la protection civile de remplacer au fur et à mesure les militaires qui partiront. Une fois ces modalités et un calendrier définis, nous signerons un protocole garantissant, en tout état de cause, l’appui de moyens militaires en cas de crise majeure.

En définitive, mesdames, messieurs les sénateurs, notre objectif commun au ministre de la défense et à moi-même, au travers de la rationalisation des moyens, consiste à remplir ce que j’appellerai notre « contrat opérationnel », c'est-à-dire à garantir la protection des Français. À cette fin, nous devons utiliser les moyens les plus adaptés, non seulement les outils technologiques modernes, mais également, bien entendu, l'ensemble des moyens humains.

Je tiens, à cette occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, à saluer ici la compétence et le dévouement des femmes et des hommes de la Défense et de l’Intérieur, qui jouent un rôle absolument indispensable. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam approuve.) Leur responsabilité, notre responsabilité, c’est d’assurer la protection des Françaises et des Français, donc celle de la France ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je constate que le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 424 et distribuée.

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Conventions internationales

Adoption définitive de deux projets de loi en procédure d'examen simplifié

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

accord multilatéral sur la création d’un espace aérien commun européen

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord multilatéral entre la Communauté européenne et ses États membres, la République d'Albanie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-et-Herzégovine, la République de Bulgarie, la République de Croatie, la République d'Islande, la République du Monténégro, le Royaume de Norvège, la Roumanie, la République de Serbie et la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo sur la création d'un espace aérien commun européen, fait à Bruxelles le 9 juin 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord multilatéral entre la Communauté européenne et ses États membres, la République d’Albanie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-et-Herzégovine, la République de Bulgarie, la République de Croatie, la République d’Islande, la République du Monténégro, le Royaume de Norvège, la Roumanie, la République de Serbie et la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo sur la création d’un espace aérien commun européen (n° 278, rapport n° 384 de M. Philippe Nogrix, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord avec madagascar relatif aux services de transport aérien

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Madagascar (ensemble une annexe), signé à Antananarivo le 21 juillet 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Madagascar (n° 276, rapport n° 383 de M. André Vantomme, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

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Transmission de projets de loi

M. le président. J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux contrats de partenariat.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 425, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 426, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques.

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 30 juin 2008, à quinze heures et le soir :

1. Discussion du projet de loi (n° 398, 2007-2008), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de modernisation de l’économie.

Rapport (n° 413, 2007-2008) de M. Laurent Béteille, Mme Élisabeth Lamure et M. Philippe Marini, fait au nom de la commission spéciale.

2. Clôture de la session ordinaire 2007-2008.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD