Article 25
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Article 28

Article 26

Dans le troisième alinéa de l'article 20 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée, après les mots : « code du patrimoine », sont insérés les mots : « et des actes et documents élaborés ou détenus par les assemblées parlementaires ». – (Adopté.)

Article 26
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Art. 29

Article 28

I à IV. - Non modifiés.

V. - L'article 714-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 714-1. - Les quatre premiers alinéas de l'article 322-3-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« “La destruction, la dégradation ou la détérioration est punie d'une peine de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende lorsqu'elle porte sur un immeuble ou un objet mobilier classé, inscrit ou protégé en vertu de la réglementation applicable localement, une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, un terrain contenant des vestiges archéologiques ou un objet conservé ou déposé dans des musées, bibliothèques ou archives appartenant à une personne publique, chargée d'un service public ou reconnue d'utilité publique.” »

VI. - L'article 724-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 724-1. - Les quatre premiers alinéas de l'article 322-3-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« “La destruction, la dégradation ou la détérioration est punie d'une peine de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende lorsqu'elle porte sur un immeuble ou un objet mobilier classé, inscrit ou protégé en vertu de la réglementation applicable localement, une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, un terrain contenant des vestiges archéologiques ou un objet conservé ou déposé dans des musées, bibliothèques ou archives appartenant à une personne publique, chargée d'un service public ou reconnue d'utilité publique.” »

VII. - Dans le premier alinéa de l'article 2-21 du code de procédure pénale, les références : « les 3° et 4° de l'article 322-2 » sont remplacées par la référence : « l'article 322-3-1 ».

VIII. - Le code du patrimoine est ainsi modifié :

1° Dans l'article L. 114-3, les références : « aux 3° et 4° de l'article 322-2 » sont remplacées par la référence : « à l'article 322-3-1 » ;

2° L'article L. 114-4 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, les références : « des 3° et 4° de l'article 322-2 » sont remplacées par la référence : « de l'article 322-3-1 » ;

b) Dans le deuxième alinéa, les références : « aux 3° et 4° de l'article 322-2 » sont remplacées par la référence : « à l'article 322-3-1 ».  – (Adopté.)

Article 29 

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à modifier et à compléter, par ordonnance, les dispositions du titre Ier du livre II du code du patrimoine, celles de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée, ainsi que les autres dispositions législatives portant sur l'accès à des documents administratifs ou à des données publiques, afin d'harmoniser les règles applicables aux documents et aux demandeurs entre les différents régimes d'accès portant sur les archives et sur les documents administratifs.

Article 28
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Article 30

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 9, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre opposition à cet article 29 porte essentiellement sur deux points : d’une part, nous sommes opposés par principe aux ordonnances qui dessaisissent le Parlement de son pouvoir de légiférer ; d’autre part, il paraît extrêmement contestable, alors que ce projet de loi n’est encore qu’en gestation, de prévoir que le Gouvernement pourra, de façon totalement antidémocratique d’ailleurs, modifier les dispositions du code du patrimoine relatives aux archives et « engager dans les plus brefs délais une réforme ambitieuse consistant à la réécriture complète de la loi du 17 juillet 1978 afin de clarifier les régimes d’accès aux documents administratifs et archives publiques ».

Nous aurions pu y travailler ensemble. Notre rôle de parlementaire consiste à débattre, à légiférer, et, dans ces conditions, il nous semble indispensable de supprimer cet article 29.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après les mots :

dispositions législatives portant sur l'accès

rédiger comme suit la fin de cet article :

aux documents administratifs ou aux archives publiques, afin d'harmoniser les règles qui leur sont applicables. L’ordonnance est prise au plus tard le dernier jour du neuvième mois suivant la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 1 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 9.

M. René Garrec, rapporteur. L’Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement tendant à habiliter ce dernier à harmoniser, par ordonnance, les règles en matière d'accès aux documents administratifs et archives publiques.

L'amendement n° 1 tend, d'une part, à améliorer la rédaction de l’habilitation et, d’autre part, à réparer une double omission, le Gouvernement n’ayant pas précisé le délai pendant lequel il peut prendre l’ordonnance et celui avant lequel un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement, délais obligatoires en vertu de l'article 38 de la Constitution.

La commission vous propose de retenir les délais respectivement de neuf mois et de trois mois.

L’amendement n° 9 vise à supprimer l’habilitation donnée au Gouvernement pour harmoniser les dispositions législatives portant sur l’accès aux documents administratifs et archives publiques.

Même si j’ai dit tout à l’heure que je n’étais pas favorable aux ordonnances parce que le Parlement doit, à mon avis, faire son travail, c'est-à-dire légiférer, la chose me semble envisageable ici compte tenu de la technicité ; mais la Haute Assemblée et l’Assemblée nationale devront examiner avec vigilance le projet de loi de ratification.

Par ailleurs, j’entends que le Gouvernement procédera à l’harmonisation à droit le plus constant possible. S’il me fallait prendre un exemple, je dirais que nous serions très peinés que le Gouvernement remette en cause par ordonnance l’autonomie des assemblées en matière d’archivage. (Sourires.)

La commission vous invite donc à retirer cet amendement, ma chère collègue. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 9, car il s’agit d’un travail essentiellement technique de mise en cohérence ; par ailleurs, il est favorable à l’amendement n° 1.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 9.

M. Jean-Pierre Sueur. Je voterai cet amendement, qui soulève un vrai problème.

Monsieur le rapporteur, il est clair que l’habilitation à agir par ordonnance porte notamment sur le sujet dont nous venons de débattre : rien n’empêche que l’ordonnance modifie ce qui n’est pas encore adopté. Pouvez-vous nous garantir que pas un mot ne changera dans le texte qui nous est soumis une fois que ce dernier aura été adopté ?

Sous une apparence technique, ainsi que vient de l’indiquer M. le rapporteur, le champ de l’ordonnance est en fait très large, puisque celle-ci vise à harmoniser les conditions de communication des documents, qu’il s’agisse des documents administratifs ou des archives publiques. Il ne s’agit pas là d’un sujet mineur.

Madame la ministre, pouvez-vous prendre l’engagement que le Gouvernement inscrira bien à l’ordre du jour du Parlement le projet de loi de ratification ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s’agit ni plus ni moins, mon cher collègue, d’harmoniser deux textes à droit constant. Rien de plus ! Cette décision émane d’ailleurs d’une demande formulée par tous dans cet hémicycle, en première lecture.

Quant à ma proposition de supprimer les archives parlementaires, il s’agissait évidemment d’une plaisanterie ! Just a joke ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est ainsi que nous l’avions compris, monsieur le rapporteur !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Ainsi que M. le rapporteur l’a souligné, il s’agit d’harmoniser des textes à droit constant et non pas de modifier leur contenu en profondeur.

Monsieur le sénateur, je prends bien sûr l’engagement de déposer le projet de ratification devant le Parlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je ne vous ai pas demandé si vous alliez le déposer, car je sais que vous allez le faire ! Ce que je veux savoir, c’est si vous allez l’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Parlement. Dans l’état actuel des choses, vous le savez, le Gouvernement a un grand pouvoir en matière d’ordre du jour des assemblées ! (Sourires.)

Mme Christine Albanel, ministre. Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement s’engage à l’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Parlement ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous nous en souviendrons, madame la ministre !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 29, modifié.

(L’article 29 est adopté.)

Art. 29
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 30

Le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur la conservation et le transfert régulier des archives publiques sur des supports durables et sur le coût de gestion induit pour l’État et les collectivités territoriales de ces mesures conservatoires.

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le gouvernement présente au Parlement, au plus tard un an à compter de la promulgation de la présente loi, puis tous les trois ans, un rapport portant sur les conditions de collecte, classement, conservation et communication des archives en France. Ce rapport présente en particulier les mesures destinées à assurer la pérennité des archives numériques.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. L’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à prévoir la présentation au Parlement d’un rapport gouvernemental sur la pérennité de l’archivage numérique. Toutefois, aucun délai n’a été fixé.

En conséquence, cet amendement prévoit que le rapport devra être présenté au Parlement au plus tard un an à compter de la promulgation de la loi, puis tous les trois ans.

M. Jean-Pierre Sueur. Point trop de rapports, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 30 est ainsi rédigé.

Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l’ensemble

Article 30
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Les deux projets de loi dont nous venons de terminer l’examen traduisent la volonté du Gouvernement de faciliter, dans un souci de transparence, l’accès des usagers aux archives publiques.

Il s’agit d’une réforme importante qui s’inscrit dans une véritable démarche de modernisation de la politique des archives. Elle était particulièrement attendue tant par les historiens que par l’ensemble de nos concitoyens, soucieux d’accéder avec une plus grande facilité aux sources de leur histoire.

Ces deux textes comportent de nombreuses avancées que je tiens à saluer au nom de l’ensemble de mes collègues du groupe UMP.

Le principe de la libre communicabilité des archives publiques est désormais établi, tandis que les délais de communicabilité relatifs aux intérêts protégés par la loi sont réduits.

Le Sénat a enrichi, en première lecture, le texte du Gouvernement en conférant notamment un statut aux archives des groupements de collectivités territoriales, qui faisaient figure, comme l’a souligné, à juste titre, M. le rapporteur, d’archives oubliées.

S’agissant des délais de communication des documents portant sur la vie privée et la réputation des personnes, nous nous réjouissons qu’une solution de compromis ait pu être trouvée avec nos collègues députés.

Loin de vouloir dégrader les conditions d’accès aux archives par dérogation et de vouloir chercher à consacrer « le culte du secret » comme ont pu, à tort, l’affirmer certains historiens, notre assemblée, dans la sagesse qui la caractérise, a cherché à concilier la nécessité d’ouverture des archives au bénéfice de la collectivité et l’impératif de protection des données individuelles et personnelles.

Sous réserve de ces observations et pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera le projet de loi ordinaire relatif aux archives, comme il vient de le faire s’agissant du projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?….

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s’abstient !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le groupe CRC vote contre !

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
 

8

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Discussion générale (suite)

Lutte contre les discriminations

Adoption définitive des conclusions modifiées du rapport d’une commission mixe paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (nos°324).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 1er

Mme Muguette Dini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre commission mixte paritaire s’est réunie mardi dernier pour établir un texte commun sur les six articles qui restaient en discussion de ce projet de loi de transposition en matière de lutte contre les discriminations. Elle a apporté plusieurs modifications au texte adopté par le Sénat.

Elle a supprimé l’article additionnel résultant de l’amendement déposé au Sénat par le président Jean-Jacques Hyest, cette disposition ayant, entre-temps, été intégrée par l’Assemblée nationale dans la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile.

Elle a étendu aux instituts de prévoyance la possibilité de pratiquer des tarifs différenciés en fonction du sexe en matière de contrats d’assurance vie et de prévoyance, alors que ce droit était jusque-là réservé aux assurances et aux mutuelles.

Surtout, elle a souhaité rétablir une définition des discriminations plus proche de celle qui figure dans les directives communautaires que celle que nous avions retenue.

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous livrer mon sentiment personnel sur le texte tel qu’il résulte de nos travaux.

Je dois avouer que je reste plutôt réservée sur deux points.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Moi aussi !

Mme Muguette Dini, rapporteur. D’abord, tel qu’il est écrit, le texte présente à mon sens le risque de transformer peu à peu notre société républicaine en société communautariste. Ensuite, on ne peut exclure qu’il constitue une sorte de porte ouverte aux procès d’intention. Je suis désolée de n’avoir pu convaincre nos collègues députés de la réalité de ces deux écueils.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quand on est trop docile, on travaille mal !

Mme Muguette Dini, rapporteur. Si je soutiens que ce texte n’est pas exempt de tendances communautaristes, c’est parce qu’il laisse entendre qu’une inégalité de traitement est toujours due à une discrimination. Il risque donc d’inciter chacun d’entre nous, lorsqu’il subira ce qui lui semblera être une injustice, à faire valoir sa couleur de peau, le fait d’être une femme ou un homme, son origine ou son orientation sexuelle pour obtenir réparation.

Ne doit-on pas craindre que ce projet de transposition, en raison de la philosophie qui le sous-tend, conduise chacun à s’enfermer dans ses différences, petites ou grandes ? Je ne voudrais pas qu’il nous incite à adopter systématiquement une position de victime, à nous montrer a priori suspicieux les uns vis-à-vis des autres.

Avec les définitions que nous allons retenir des différents types de discrimination, nous prenons le risque de préparer une société de méfiance dans laquelle chacun sera toujours ramené à ce qui l’éloigne et le différencie des autres. Je préférerais l’image d’une société française composée de citoyens égaux en droits, plutôt qu’une juxtaposition de groupes hétérogènes et hostiles les uns aux autres.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. A priori !

Mme Muguette Dini, rapporteur. La seconde de mes inquiétudes se rapporte au fait que le texte légalise en quelque sorte les procès d’intention, en permettant de condamner d’avance des conséquences hypothétiques de comportements présumés discriminatoires.

Grâce à deux amendements adoptés à l’unanimité en commission et à la majorité en séance, nous avions au Sénat limité les risques d’une telle dérive, laquelle n’est pas tout à fait conforme à notre conception du droit. Or les formulations d’origine ont été rétablies en partie en commission mixte paritaire. Il en résulte des dispositions qui laissent perplexe.

Par exemple, le texte prévoit désormais que « constitue une discrimination directe la situation dans laquelle [pour un motif prohibé] une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été ». C’est donc d’un événement futur, et par définition non avéré, qu’il s’agit.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Futur dans le passé !

Mme Muguette Dini, rapporteur. De même, la discrimination indirecte sera caractérisée lorsque l’on se trouvera en présence d’« une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner [pour un motif prohibé] un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes ». Cette notion de « susceptibilité » n’est-elle pas encore plus singulière ?

Finalement, avec ces définitions, on ne peut exclure qu’une personne soit condamnée non pas pour des faits qu’elle aura commis, mais pour des faits qu’elle serait, d’après le juge, susceptible de commettre.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par pensée ! Par omission !

Mme Muguette Dini, rapporteur. Il appartiendra donc à la jurisprudence de faire la part des choses. Je veux croire que tel sera bien le cas, même si l’on ne simplifie guère la tâche des magistrats !

Permettez-moi de dire également un mot sur la disposition qui a été largement débattue à l’Assemblée nationale comme au Sénat et qui est relative à la possibilité d’organiser des enseignements en regroupant les élèves selon leur sexe.

Certes, elle ne modifie pas fondamentalement l’état du droit en vigueur, lequel prévoit que « les classes maternelles et élémentaires sont mixtes » et que « les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur […] contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes ». Mais nous allons ainsi passer de la simple possibilité d’organiser des classes unisexes, ce qui est l’état actuel du droit, à l’impossibilité d’interdire les classes unisexes, ce qui n’est évidemment pas la même chose et me paraît plus une régression qu’un progrès.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est au Gouvernement qu’il faut adresser ce reproche, pas à la commission mixte paritaire !

Mme Muguette Dini, rapporteur. Vous l’aurez compris, j’aurais préféré que cette transposition soit effectuée d’une manière plus en phase avec notre droit et notre manière de concevoir les relations humaines.

En dépit du fait que les positions que j’ai défendues n’ont pas été majoritaires au sein de la commission mixte paritaire, je reste évidemment respectueuse des règles de fonctionnement de notre République. Je vous propose donc, mes chers collègues, de vous en remettre à la décision de sa majorité et de voter ce texte tel qu’il vous est soumis aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de lUMP.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est gentiment dit !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Monsieur le président, madame le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici donc arrivés au terme de la discussion de ce projet de loi, qui a pour objet de poursuivre la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire relatif à l’égalité de traitement et à la lutte contre les discriminations.

Vous allez dans quelques instants, je le souhaite, voter ce texte dont je suis certaine qu’il constituera une nouvelle étape importante vers l’amélioration de la protection des personnes.

Je voudrais au préalable vous remercier, madame le rapporteur, du travail très argumenté que vous avez accompli sur ce projet de loi. Vous avez apporté à ces travaux une très grande rigueur et une très fine capacité d’analyse sur des sujets qui touchent le plus profond de la nature humaine. Je souhaite saluer en particulier la manière dont vous vous êtes impliquée, avec la fougue et la détermination que nous vous connaissons, dans cette tâche qui constitue votre premier exercice en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales.

Le texte que vous allez examiner, mesdames, messieurs les sénateurs, va nous permettre de compléter la transposition de trois directives communautaires relatives à l’égalité de traitement, dont la Commission estime qu’elle a été insuffisante. Il transpose également la directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services.

Je me félicite des améliorations apportées au texte à l’occasion des débats que nous avons eus dans les deux assemblées.

Un certain nombre de propositions, formulées sous forme d’amendements, n’ont pas été retenues dans la version finale, même si elles ont pu donner lieu à des échanges qui étaient riches de sens.

Restait en discussion, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, un nombre limité de points de divergence entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Je me réjouis que les commissaires présents aient pu aboutir à un texte qui me semble respectueux tout à la fois des positions défendues par chaque assemblée et des demandes de la Commission européenne qui nous avait, par ses avis motivés, rappelés à l’ordre de manière précise.

Je me félicite que les positions de compromis qui se sont dégagées en commission mixte paritaire nous permettent d’arriver à un texte tout à fait équilibré.

Sur la question des définitions, je souhaite en préambule expliquer à nouveau les raisons de la position défendue par le Gouvernement. Aux termes de l’article 249 du traité CE, une directive lie les États membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens de sa mise en œuvre.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il aurait fallu le répéter avant !

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Il résulte de ces dispositions que les États membres sont libres, dans le cadre de l’adoption des mesures nationales d’exécution, d’en déterminer la nature, la forme et le contenu.

Pour autant, les États membres n’en sont pas moins tenus d’assurer le plein effet de la directive, conformément aux objectifs fixés par celle-ci. Il importe dès lors que les mesures de transposition soient suffisamment claires et précises pour que les bénéficiaires de la directive puissent pleinement se prévaloir des droits qui en résultent. En conséquence, les mesures de transposition doivent être traduites fidèlement en droit interne, soit par des dispositions identiques, soit par des dispositions d’effet équivalent à celles des directives.

Ces principes, posés par la jurisprudence de la Cour de justice, conduisent à privilégier la méthode de la transposition par recopie en ce qui concerne les mesures d’harmonisation ou les dispositions comportant des notions propres au droit communautaire, en particulier les définitions. Des recommandations en ce sens ont été formulées non seulement par la Commission, mais également par le Conseil d’État dans son rapport, adopté le 22 février 2007, intitulé : « Pour une meilleure insertion des normes communautaires dans le droit national ».

Dans le cas précis des définitions ayant trait à la discrimination, force est de constater que les notions retenues sont spécifiques au droit communautaire et qu’aucune disposition équivalente n’existe en droit interne. Les principes généraux d’interprétation des notions relatives aux discriminations ne couvrent pas pleinement le champ des définitions posées par les directives communautaires. C’est sur la base de cette analyse, partagée par le Conseil d’État, que le Gouvernement avait estimé souhaitable d’opter pour une recopie des définitions contenues dans les directives.

Cette remarque liminaire une fois faite, je souhaite vous remercier tout particulièrement pour l’adoption, à l’article 1er, de définitions de la discrimination directe comme indirecte qui allient respect des directives et prise en compte des exigences de notre législation nationale.

En conservant la triple temporalité, la définition de la discrimination directe se conforme à la demande précise formulée par la Commission européenne.

En restant fidèle, pour la définition de la discrimination indirecte, aux termes du droit communautaire, vous allez permettre la suppression de certaines normes dès leur adoption, avant même leur mise en œuvre, lorsque l’on aura pu établir par des projections qu’elles seraient préjudiciables à un groupe de population faisant l’objet d’une protection.

Pour illustrer ce propos, je prendrai un exemple simple. Imaginons un organisme de crédits proposant un taux de 3 % pour les personnes travaillant à temps plein et de 4,5 % pour celles à temps partiel. On sait que ce sont très majoritairement des femmes qui travaillent à temps partiel et donc qu’une telle mesure serait discriminatoire à leur encontre. Grâce au dispositif prévu par la directive, le juge pourra faire cesser une telle discrimination avant même qu’elle n’ait produit ses effets.