Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

1. Procès-verbal

2. Mise au point au sujet d'un vote

Mme Anne-Marie Payet, M. le président.

3. Communication relative à une commission mixte paritaire

4. Questions orales

présence postale dans les zones rurales

Question de M. Georges Mouly. - MM. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme ; Georges Mouly.

Devenir de l'Imprimerie nationale à Choisy-le-Roi

Question de Mme Odette Terrade. - M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme ; Mme Odette Terrade.

ligne grande vitesse perpignan-barcelone

Question de M. Roland Courteau. - Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Roland Courteau.

ralentissements ou fermetures sur les lignes ferroviaires auvergnates

Question de Mme Michèle André. - Mmes Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; Michèle André.

desserte de la gare des Arcs-Draguignan

Question de M. Pierre-Yves Collombat. - Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Pierre-Yves Collombat.

réalisation et financement des travaux de mise à deux fois deux voies de la rn 124 entre Auch et Toulouse

Question de M. Aymeri de Montesquiou. - Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Aymeri de Montesquiou.

mise en oeuvre du cv anonyme

Question de Mme Bariza Khiari. - Mmes Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; Bariza Khiari.

mise en oeuvre du droit au logement opposable pour les personnes handicapées

Question de Mme Bernadette Dupont. - Mmes Christine Boutin, ministre du logement et de la ville ; Bernadette Dupont.

Restauration et entretien du patrimoine culturel français

Question de Mme Catherine Dumas. - Mmes Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication ; Catherine Dumas.

projet de jardin-musée des sculptures sur l'île Seguin

Question de M. Jean-Pierre Fourcade. - Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication ; M. Jean-Pierre Fourcade.

consulats généraux à gestion simplifiée

Question de M. Richard Yung. - MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie ; Richard Yung.

Maison de la francophonie

Question de Mme Catherine Tasca. - M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie ; Mme Catherine Tasca.

respect du principe de l'encellulement individuel

Question de Mme Anne-Marie Payet. - M. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports ; Mme Anne-Marie Payet.

Réforme de la carte judiciaire en Savoie

Question de M. Thierry Repentin. - MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports ; Thierry Repentin.

Politique de prévention du suicide des jeunes

Question de M. Adrien Gouteyron. - MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports ; Adrien Gouteyron.

pénurie de médecins en milieu rural

Question de M. Dominique Mortemousque. - MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports ; Dominique Mortemousque.

utilisation des défibrillateurs entièrement automatisés dans les lieux publics et responsabilité des maires

Question de Mme Patricia Schillinger. - M. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports ; Mme Patricia Schillinger.

Mise en place d'un service minimum dans les écoles maternelles et élémentaires

Question de M. Pierre Martin. - MM. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale ; Pierre Martin.

5. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Pierre Martin, le président.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

6. Mise au point au sujet d'un vote

M. Aymeri de Montesquiou, Mme la présidente.

7. Sécurité des manèges. - Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Discussion générale : MM. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme ; Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Mme Odette Terrade, M. Jean-Marc Pastor.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement no 1 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Jean-Marc Pastor, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Odette Terrade. - Rejet.

Amendement no 2 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Jean-Marc Pastor, le rapporteur, le secrétaire d'État. - Rejet.

Adoption de l'article.

Articles 2 à 2 ter. - Adoption

Vote sur l'ensemble

MM. Yannick Texier, Jean-Marc Pastor.

Adoption définitive de la proposition de loi.

MM. le rapporteur, le secrétaire d'État.

8. Organismes génétiquement modifiés. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale : MM. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ; Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Pierre Laffitte, Daniel Soulage, Jean-Marc Pastor.

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

MM. Dominique Mortemousque, Gérard Le Cam, Aymeri de Montesquiou, Yves Détraigne, Daniel Raoul, Jean-François Le Grand, François Fortassin, Jacques Muller, Ambroise Dupont, Gérard Larcher.

M. le ministre d'État.

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance

Question préalable

Motion no 49 de Mme Évelyne Didier. - Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre d'État, Mme Marie-Christine Blandin. - Rejet par scrutin public.

Rappel au règlement

MM. Daniel Raoul, le président.

Articles additionnels avant l'article 1er

Amendement n° 58 de M. Gérard Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre d'État. - Rejet.

Amendement n° 60 de M. Gérard Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre d'État, Mme Marie-Christine Blandin - Rejet.

Amendement n° 85 de M. Gérard Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre d'État. - Retrait.

Amendement n° 77 de M. Gérard Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre d'État, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Pierre Laffitte, Daniel Raoul, Dominique Braye, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Dominique Mortemousque - Rejet.

Amendement n° 221 rectifié de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le ministre d'État, Pierre Laffitte. - Rejet.

Article 1er

Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jacques Muller, Gérard Le Cam.

Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre d'État. - Adoption.

Amendements nos 182 de M. Jean-Marc Pastor, 86 à 89 de M. Jacques Muller et 144 rectifié ter de M. Jean-François Le Grand. - MM. Bernard Dussaut, Jacques Muller, Jean-François Le Grand, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. - Retrait de l'amendement n° 144 rectifié ter ; rejet des amendements nos 182 et 86 à 89.

Amendement n° 90 de M. Jacques Muller. - MM. Jacques Muller, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. - Rejet.

Amendements nos 183 rectifié de M. Jean-Marc Pastor et 2 de la commission. - MM. Jean-Marc Pastor, le rapporteur, Jean-François Le Grand, M. le ministre d'État. - Retrait de l'amendement n° 2 de la commission ; adoption de l'amendement n° 183 rectifié.

Amendement n° 184 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le ministre d'État. - Rejet.

Amendements nos 92 rectifié de M. Jacques Muller et 3 rectifié de la commission ; amendements identiques nos 65 de M. Gérard Le Cam, 93 de M. Jacques Muller et 231 de Mme Marie-Christine Blandin, 146 rectifié bis de M. Jean-François Le Grand, 185 rectifié de M. Jean-Marc Pastor, amendements identiques nos 64 de M. Gérard Le Cam et 94 de M. Jacques Muller ; 134 rectifié quater de M. Jean-François Le Grand. - MM. Jacques Muller, le rapporteur, Gérard Le Cam, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-François Le Grand, le ministre d'État, Mme la secrétaire d'État. - Retrait des amendements nos 146 rectifié bis, 185 rectifié et 134 rectifié quater ; rejet des amendements nos 92 rectifié, 65, 93, 231, 64 et 94 ; adoption de l'amendement n° 3 rectifié.

Amendement n° 222 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Jean-Marc Pastor, le rapporteur. - Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Intitulé du chapitre Ier

Amendements identiques nos 4 de la commission et 186 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. le rapporteur, Daniel Raoul, le ministre d'État, Mme Marie-Christine Blandin. - Adoption des deux amendements, modifiant l'intitulé.

Article 2

MM. Christian Gaudin, Jacques Muller.

Amendement n° 135 rectifié ter de M. Jean-François Le Grand. - M. Jean-François Le Grand. - Retrait.

Amendements nos 5 de la commission et 67 de M. Gérard Le Cam. - MM. le rapporteur, Gérard Le Cam, le ministre d'État. - Adoption de l'amendement n° 5, l'amendement n° 67 devenant sans objet.

Amendements nos 96 de M. Jacques Muller et 147 rectifié ter de M. Jean-François Le Grand. - Devenus sans objet.

Amendements identiques nos 6 de la commission et 66 de M. Gérard Le Cam ; 97 rectifié de M. Jacques Muller, 188 rectifié de M. Jean-Marc Pastor, 7 rectifié de la commission, 157 rectifié ter de M. Jean-François Le Grand. - MM. le rapporteur, Gérard Le Cam, Jacques Muller, Jean-Marc Pastor, Jean-François Le Grand, Mme la secrétaire d'État, M. Daniel Raoul. - Retrait des amendements nos 6, 66, 97 rectifié et 157 rectifié ter ; rejet de l'amendement n° 188 rectifié ; adoption de l'amendement n° 7 rectifié.

Amendement n° 8 de la commission et sous-amendements n° 167 rectifié quater de M. Jean-François Le Grand et 236 du Gouvernement ; amendements identiques nos 168 rectifié de M. Jean-François Le Grand et 98 de M. Jacques Muller. - MM. le rapporteur, Jean-François Le Grand, le ministre d'État, Jean-Marc Pastor, Pierre Laffitte, Jean Desessard. - Retrait du sous-amendement n° 167 rectifié quater et des amendements nos 168 rectifié et 98 ; adoption du sous-amendement n° 236 et de l'amendement n° 8 modifié.

Amendement n° 149 rectifié ter de M. Jean-François Le Grand. - Déclaré sans objet.

Amendements identiques nos  62 de M. Gérard Le Cam et 99 de M. Jacques Muller ; amendement n° 148 rectifié ter de M. Jean-François Le Grand. - MM. Gérard Le Cam, Jacques Muller, Jean-François Le Grand, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements nos 62 et 99 ; adoption de l'amendement n° 148 rectifié ter.

Amendement n° 9 de la commission et sous-amendement n° 169 rectifié ter de M. Jean-François Le Grand ; amendements nos 187 de M. Jean-Marc Pastor, 100 à 102 de M. Jacques Muller, 150 rectifié ter de M. Jean-François Le Grand ; amendements identiques nos 151 rectifié quater de M. Jean-François Le Grand et 190 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. le rapporteur, Jean-François Le Grand, Daniel Raoul, Jacques Muller, Jean-Marc Pastor, Mme le secrétaire d'État. - Retrait du sous-amendement n° 169 rectifié ter.

Reprise du sous-amendement n° 169 rectifié quater par Mme Marie-Christine Blandin. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean Desessard, le ministre d'État. - Retrait du sous-amendement n° 169 rectifié quater, des amendements nos 187, 102, 151 rectifié quater ; rejet des amendements nos 101 et 190 ; adoption de l'amendement n° 9, les amendements nos 100 et 150 rectifié ter ayant été déclarés sans objet.

Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. - Adoption.

Amendement n° 103 de M. Jacques Muller. - M. Jacques Muller, le rapporteur, Mmes la secrétaire d'État, Marie-Christine Blandin. - Rejet.

Amendement no 11 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. le président.

Suspension et reprise de la séance

Retrait de l'amendement no 11 rectifié.

Amendement no 238 du Gouvernement. - Mme la secrétaire d'État, M. le rapporteur. - Adoption.

Amendement n° 237 du Gouvernement. - M. le ministre d'État, Mme Marie-Christine Blandin, Mme la secrétaire d'État. - Adoption.

Amendement n° 12 rectifié de la commission et sous-amendements nos 232 rectifié de M. Christian Gaudin, 224, 226 de M. Jean-Marc Pastor, 52 rectifié de M. Daniel Soulage, 180 rectifié bis de M. Jean-Paul Emorine et 171 rectifié ter de M. Jean-François Le Grand ; amendements nos 75, 72, 73 de M. Gérard Le Cam, 104 à 106 de M. Jacques Muller, 189, 191 de M. Jean-Marc Pastor et 179 rectifié bis de M. Jean-Paul Emorine. - MM. rapporteur, Christian Gaudin, Jean-Marc Pastor, Daniel Soulage, Jean-Paul Emorine, Jean-François Le Grand, Gérard Le Cam, Jean Desessard, Mme la secrétaire d'État, M. Pierre Laffitte, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jacques Muller, Dominique Braye, le ministre d'État. - Retrait des sous-amendements nos 232 rectifié, 224, 226 et 171 rectifié ter ; adoption des sous-amendements nos 52 rectifié, 180 rectifié bis, de l'amendement n° 12 rectifié, modifié ; les autres amendements devenant sans objet.

Renvoi de la suite de la discussion.

9. Dépôt d'une proposition de loi

10. Transmission de propositions de loi

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

12. Dépôt d'un rapport

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures dix.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, lors du scrutin public, intervenu le 31 janvier dernier, sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, mon collègue Daniel Dubois figure, dans le décompte des voix, comme n'ayant pas pris part au vote, alors qu'il souhaitait voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue.

3

communication relative à une Commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

4

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

présence postale dans les zones rurales

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 142, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.

M. Georges Mouly. Monsieur le secrétaire d'État, j'avais eu l'occasion d'appeler l'attention de votre collègue Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, sur les préoccupations relatives à la libéralisation du secteur postal et aux modalités de financement du service universel assuré par La Poste.

Par courrier du 28 septembre 2007, Mme la ministre m'avait indiqué son attachement à la garantie d'un service universel de qualité sur l'ensemble du territoire et m'avait assuré que le Gouvernement veillerait à la recherche de solutions efficaces pour le financement des obligations de service universel, afin que soit garantie l'égalité de traitement de tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire.

Il s'agit bien d'un enjeu de cohésion sociale et territoriale pour notre pays ainsi que pour les élus locaux, notamment en milieu rural.

Pour ce qui concerne la présence territoriale de La Poste, les modalités de fonctionnement du Fonds postal national de péréquation territoriale, institué par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, sont enfin connues grâce à la signature de la première convention triennale de présence postale.

Cependant, alors que La Poste a estimé que le coût d'une présence postale intégrant une dimension d'aménagement du territoire s'élève à 360 millions d'euros par an, ce sont seulement 140 millions d'euros qui sont annoncés.

Or les élus locaux des zones rurales sont déjà inquiets des multiples réorganisations des activités postales, souvent engagées sans une information préalable suffisante, malgré l'existence des commissions départementales de présence postale territoriale, malgré la charte des services publics et diverses conventions de partenariat. Si, de surcroît, l'opérateur doit puiser dans sa trésorerie pour assumer ses obligations en termes d'aménagement du territoire, convenez-en, monsieur le secrétaire d'État, l'inquiétude ne pourra que grandir.

Tout en étant bien conscients de la nécessité de procéder à une réorganisation, ces mêmes maires déplorent souvent que les réaménagements opérés, au motif que n'est concerné que le fonctionnement interne, se réalisent sans concertation préalable, ni information claire, du moins suffisante, et se fassent même parfois au détriment de la qualité du service rendu en termes de compétences.

Dans mon département, par exemple, j'entretiens personnellement d'excellentes relations de travail avec la direction départementale, qui s'efforce, je dois le reconnaître, d'avoir une écoute attentive. Mais je constate des insatisfactions.

Souvent mis devant le fait accompli, avec, ici, une fermeture temporaire par manque de personnels, là, une réorganisation de l'effectif, qui laisse craindre une fermeture ou un service réduit de moindre qualité, nous pouvons nous interroger sur la juste place réservée aux décideurs locaux, alors même que les finances locales sont parfois mises à contribution pour assurer le maintien de la présence territoriale.

À ces interrogations sur le financement de la présence territoriale de La Poste s'ajoutent d'ailleurs les inquiétudes sur le maintien du réseau des trésoreries, alors que, dans mon département, un arrêté du 26 décembre 2007 portant réorganisation de postes comptables des services déconcentrés du Trésor supprime quatre trésoreries. J'entends pourtant encore les assurances données par le Gouvernement à l'occasion du projet de fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique. Signal fort de la modernisation de l'État, cette fusion doit notamment assurer un service fiscal de proximité dans les zones rurales.

Permettez-moi, mes chers collègues, de citer ici un extrait de la brochure de présentation éditée par le ministère : «La fusion ne conduit pas à remettre en cause le rôle des trésoreries implantées dans les communes rurales. Au contraire, la fusion permet de consolider leurs missions et de conforter leur place parmi les services publics de proximité. La charte des services publics en milieu rural reste par ailleurs le fondement de la politique d'implantation du réseau des services publics financiers. »

Entre un discours qui se veut rassurant et la réalité, concrète, quotidienne, vécue par les maires, la distance est assez nette, entraînant incompréhension et, surtout, donnant le sentiment à de nombreux élus d'être un « guichet » plus qu'un partenaire.

Charte des services publics en milieu rural, charte du dialogue territorial ! Même dans le cadre de l'intercommunalité, il me semble que la commune est bien l'échelon pertinent pour appréhender, dans toutes ses composantes, le service au public, dans un objectif partagé d'aménagement du territoire et dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité.

Il ne s'agit pas, monsieur le secrétaire d'État, d'occulter la nécessité d'une recherche de la meilleure efficacité économique et sociale, chacun est aujourd'hui en mesure de le comprendre. Cependant, cohésion sociale et développement équilibré du territoire sont les fondements non seulement du service postal, mais également du service public et, d'une façon plus générale, du service au public.

Quelles solutions efficaces en matière de financement des obligations de service universel le Gouvernement envisage-t-il de prendre, afin de garantir l'égalité de traitement de tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire ? Comment faire en sorte que les élus soient associés suffisamment en amont aux décisions de réorganisation ou d'aménagement, et ce même à titre purement informatif quand il s'agit de réorganisations internes ? Comment s'assurer que les discours tenus par les responsables pour rassurer les élus soient concrètement déclinés sur le terrain ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est très attentif à garantir l'égalité d'accès de tous les citoyens aux services postaux, et cela quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire, qu'ils soient situés en zone urbaine ou en zone rurale. C'est l'élu d'un département rural particulièrement sensible à la question que vous posez qui vous le dit ! Nos concitoyens ont droit à un égal accès aux services postaux.

À cet égard, des progrès notables ont été effectués avec la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, qui prévoit la mise en oeuvre de règles précises pour assurer la couverture du territoire en services postaux de proximité. « Sauf circonstances exceptionnelles, ces règles ne peuvent autoriser que plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, des plus proches points de contact de La Poste. »

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, Mme Christine Lagarde a conclu en complément, le 19 novembre 2007, avec le président de l'Association des maires de France et le président de La Poste, un contrat de la présence postale territoriale, qui encadre pour la période 2008 à 2010 les obligations de La Poste en matière de présence territoriale.

Ce contrat a pour objectif de répartir en toute transparence la ressource publique dont bénéficie La Poste en contrepartie de sa contribution à l'aménagement du territoire, au profit essentiellement des points de contact situés dans les zones prioritaires : zones rurales, zones de montagne, zones urbaines sensibles et départements d'outre-mer.

Aux termes de ce contrat, chaque commission départementale de présence postale territoriale sera informée, avant le 31 janvier de chaque année, du montant de la dotation départementale du fonds et recevra également de La Poste les informations permettant de proposer sa répartition.

Sur la durée du contrat, ce sont au total 420 millions d'euros qui ont vocation à être consacrés au maintien de la présence postale. En 2008, le fonds financera ainsi près de 140 millions d'euros, soit plus du tiers du coût de la mission d'aménagement du territoire, le solde étant directement pris en charge par l'entreprise.

Le mécanisme retenu pour la répartition du fonds permettra d'assurer une véritable péréquation de la ressource au profit des zones prioritaires de chaque département. La présence postale territoriale, avec ses 17 000 points de présence sur l'ensemble du territoire, sera ainsi maintenue. C'est un engagement qui avait été pris, vous vous en souvenez, par le Premier ministre de l'époque, M. Jean-Pierre Raffarin.

En prévoyant le financement d'agences postales communales en partenariat avec les mairies ou de relais poste chez les commerçants - nous connaissons de nombreux exemples dans nos départements -, ce contrat permet les nécessaires évolutions du réseau postal, tout en contribuant au maintien d'un réseau de proximité adapté aux besoins de nos citoyens.

Rappelons que la création d'un relais poste se traduit généralement par des horaires d'ouverture adaptés permettant à nos concitoyens d'effectuer, par exemple, des opérations de guichet après dix-huit heures, voire le dimanche. La création de ces nouveaux points de contact en partenariat n'est cependant encouragée que si cette évolution correspond à la volonté partagée des élus et de La Poste.

Par ailleurs, le souci de la continuité territoriale du service postal sera réaffirmé avec le contrat d'objectifs pour les années 2008 à 2012 en cours de finalisation entre l'État et La Poste. Ce contrat sera centré sur la mise en oeuvre des missions de service public assignées à l'opérateur postal, ainsi que sur les modalités de financement de ces missions.

Monsieur le sénateur, sachez que le Gouvernement est vraiment mobilisé sur ce sujet de la présence de La Poste sur le territoire, sujet important qui préoccupe l'ensemble des élus que vous êtes.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie des précisions que vous venez de m'apporter.

Lorsqu'une réorganisation est proposée dans le cadre des contrats et conventions que vous avez mentionnés et dont je salue l'opportunité, l'essentiel est que les élus, en particulier, soient informés, afin d'être en mesure d'examiner suffisamment en amont la décision.

Devenir de l'Imprimerie nationale à Choisy-le-Roi

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la question n° 153, adressée à Mme le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'État, c'est sur le devenir du site de l'Imprimerie nationale de Choisy-le-Roi et sur l'avenir des salariés de cette entreprise que je souhaite vous interroger.

Depuis 2003, l'État a entrepris ce qu'il a appelé « un plan de restructuration de l'Imprimerie nationale ». En fait, ce plan s'est très vite traduit par la suppression de plus de 900 emplois, la filialisation d'une partie des activités, pourtant essentielle pour la sécurisation de l'impression des documents officiels, et la délocalisation sur le site de Choisy-le-Roi. De plus, à peine l'installation faite à Choisy-le-Roi, la cession du bâtiment a été envisagée !

Ces méthodes ne sont pas sans rappeler celles qui ont été dénoncées voilà peu de temps par le Président de la République à propos de Mittal Steel. Pourtant, concernant l'Imprimerie nationale, des engagements avaient été pris par le ministre de l'économie et des finances de l'époque devenu aujourd'hui Président de la République.

En 2005, un plan de sauvegarde de l'emploi reprenant les directives du ministre a été mis en place avec les syndicats et la direction de l'Imprimerie nationale. Ce plan prévoyait que tous les employés seraient reclassés et que les ouvriers sous décret ne perdraient pas leur statut. Or, il est aujourd'hui remis en cause par le ministère et par la direction de l'Imprimerie nationale.

Oubliés, bafoués les engagements pris par le Président de la République alors qu'il était ministre ! Et ce sont les salariés qui en font les frais. L'argument avancé pour justifier la remise en cause de ces engagements est que les moyens financiers nécessaires à la mise en place de ce plan n'existeraient plus.

Que s'est-il passé ? La gestion de cette entreprise dont l'État est actionnaire à 100 % n'aurait-elle pas été bonne ? Pourtant, je veux le rappeler, il y a eu 197 millions d'euros de recapitalisation, dont 131 millions d'euros devaient couvrir les coûts sociaux dont le site de Choisy-le-Roi fait partie, plus 85 millions d'euros issus de la vente du bâtiment de la rue de la Convention et d'autres actifs encore.

Comme je l'avais demandé à Mme la ministre de l'économie dans un récent courrier, une réunion tripartite a été tenue et un médiateur nommé. Mais, d'après les représentants des salariés du site de l'Imprimerie nationale à Choisy-le-Roi que j'ai rencontrés hier, ce médiateur, malheureusement, ne disposait d'aucun moyen d'action pour assumer les engagements signés et promis aux salariés.

Les salariés, inquiets à juste titre sur l'avenir de leur emploi, veulent connaître les conditions de reprise de l'Imprimerie nationale par le seul repreneur connu aujourd'hui, qui avoue ne pas avoir les éléments nécessaires à sa décision, notamment la façon dont a été utilisée la recapitalisation ou encore le montant du chiffre d'affaires réel de l'entreprise !

Ces salariés sont d'autant plus inquiets que d'autres collègues avant eux ont été incités à partir travailler dans des filiales telles que Darling, Istra et Evry Rotatives. On leur avait promis du travail et des commandes pour ces filiales, ce qui aurait permis de garantir leurs emplois. Mais, aujourd'hui, ces filiales sont soit en dépôt de bilan, soit en redressement ou liquidation judiciaire. Convenez que cela puisse inquiéter les salariés à qui l'on assure peut-être le même sort.

Le travail promis n'a donc pas été au rendez-vous, alors que, pourtant, l'Imprimerie nationale a bien eu des commandes et les a apparemment sous-traitées, mais pas avec ses propres filiales !

Monsieur le secrétaire d'État, après l'épisode de la vente et du rachat des bâtiments de la rue de la Convention, pour laquelle mon groupe a demandé une commission d'enquête, convenez que tout cela ressemble à la casse pure et simple d'une entreprise d'État, à la manière du pire des « patrons voyous » !

Alors que votre collègue Mme Lagarde a récemment fait un grand discours sur la nécessité de préserver l'emploi dans de grandes entreprises de métallurgie françaises rachetées voilà peu de temps, alors qu'un soutien de l'État vient d'être apporté à une entreprise privée pour préserver une activité en France, le devenir du site de Choisy-le-Roi, dont l'État est l'unique actionnaire, reste très préoccupant et rien ne vient éclaircir l'épais nuage de fumée qui l'entoure.

Que comptez-vous faire pour tenir la parole de l'État, actionnaire unique, et les engagements pris en 2004 ? Qu'en est-il du repreneur potentiel ou des repreneurs potentiels ? Que vont devenir les 120 employés, en grève depuis seize jours ? Que va devenir le site de Choisy-le-Roi ? Les salariés de ce site sont attentifs à votre réponse, car c'est de leur avenir et de celui de leurs familles qu'il s'agit !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Madame le sénateur, l'État est extrêmement attentif à la situation du site de l'Imprimerie nationale à Choisy-le-Roi, qui entre aujourd'hui, comme vous l'avez rappelé, dans sa troisième semaine de blocage par des salariés grévistes.

La cession de ce site est prévue depuis 2005, date à laquelle l'État a obtenu de la Commission européenne l'autorisation d'apporter une aide unique de 200 millions d'euros à cette entreprise en difficulté, à condition notamment qu'elle se recentre sur son coeur de métier et cède ses autres activités, dont l'activité en forte perte de Choisy-le-Roi.

En 2007, le repreneur offrant les meilleures garanties industrielles et financières pour l'avenir du site a été sélectionné après une large recherche et a proposé de reprendre une partie des emplois. Au second semestre 2007, la direction a donc commencé un processus d'information et de négociation sur les conditions de la reprise et le plan de sauvegarde de l'emploi associé.

Par la grève qui a commencé le 21 janvier dernier, les salariés dénonçaient un manque de dialogue et de concertation sur ces deux questions et réclamaient l'organisation d'une réunion avec les représentants de l'État.

Cette réunion s'est tenue il y a une semaine, madame le sénateur, en présence des organisations syndicales, de la direction de l'entreprise, des représentants du ministère de l'économie et des finances et de la direction du travail et de l'emploi.

Elle a permis la désignation d'un médiateur, nommé par l'État, pour faciliter la reprise du dialogue social entre les représentants du personnel et la direction. Très actif, ce médiateur a déjà rencontré plusieurs fois les représentants du personnel et de la direction, en liaison avec le ministère de l'économie et des finances. Son mandat porte sur le contenu du plan social, qui devra non seulement répondre aux besoins spécifiques des employés de Choisy-le-Roi, mais aussi apporter des précisions sur les conditions de la reprise, à propos de laquelle les salariés ne s'estimaient pas suffisamment informés.

La réunion de la semaine dernière a également permis de garantir que le plan de sauvegarde de l'emploi s'accompagnerait de moyens financiers per capita équivalents à ceux qui ont été engagés à ce jour au titre du précédent plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par l'entreprise.

L'État a également confirmé, madame le sénateur, qu'il mobiliserait les dispositifs mis en place lors du précédent plan pour faciliter la recherche d'opportunités en matière de reclassement dans les fonctions publiques.

Il faut maintenant que le dialogue social, qui était bloqué avant la réunion du 28 janvier dernier, reprenne entre les salariés et la direction, avec l'assistance active du médiateur. Ayant obtenu des garanties, les salariés doivent revenir à la table des négociations, car chaque jour de blocage supplémentaire fragilise la situation économique de l'entreprise ainsi que ses chances de reprise, et risque donc de compromettre le maintien à Choisy-le-Roi de l'activité et des emplois concernés.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte des paroles que vous venez de prononcer. J'espère qu'elles apaiseront les salariés, ce dont je doute malgré tout, compte tenu des informations qu'ils m'ont fournies hier.

Non seulement les syndicats n'ont pas été informés des plans de reprise que vous venez d'évoquer, mais le repreneur potentiel, qui s'était engagé, n'a visiblement pas reçu toutes les informations. Hier, les salariés ont découvert qu'il existait un autre repreneur, auquel on aurait dit qu'il était le meilleur placé, mais il semble que ce ne soit pas le cas.

Le médiateur avoue lui-même qu'il ne dispose pas de tous les moyens nécessaires. Il faut donc que l'État soit, par votre intermédiaire, très présent et très vigilant pour faire respecter la parole qui a été donnée et qu'il tienne ses engagements. On peut comprendre que les salariés n'aient plus tout à fait confiance dans leur direction, car ils ont le sentiment qu'elle s'est contentée de fermer d'anciens sites, qu'il s'agisse de Darling, société de prépresse, qui a été liquidée, d'Évry Rotatives ou d'Istra.

Il s'agit là non seulement du respect des qualifications professionnelles et des statuts de ces personnels, qui ont acquis des compétences, mais aussi de la sécurisation de nos documents officiels, qui est assurée par l'Imprimerie nationale.

Par ailleurs, où sont passés les crédits qui ont été accordés en 2005 si le plan de sauvegarde de l'emploi a été abondé ? De mon point de vue, ce ne sont pas les salariés qui bloquent la situation. Si, à un moment donné, ils ont décidé de se mettre en grève, c'est parce que c'était la seule façon, pour eux, de se faire entendre. N'attribuons pas toutes les difficultés aux salariés, alors qu'il s'agit uniquement - c'est l'impression qui domine - d'opérations immobilières !

ligne grande vitesse perpignan-barcelone

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 1, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. Roland Courteau. La presse régionale titrait, voilà quelques mois : « Le projet de ligne grande vitesse Montpellier-Perpignan avance au rythme d'un tortillard. » Tout est dit en quelques mots.

Il est vrai qu'en 1990, à l'époque de la mission Querrien,...

M. Paul Blanc. Un socialiste !

M. Roland Courteau. ... on nous disait que la ligne grande vitesse Languedoc-Roussillon serait opérationnelle dix ans plus tard. Nous sommes en 2008, soit dix-huit ans plus tard, et l'on ne sait toujours pas si les travaux commenceront dans moins de dix ans, dans vingt ans, ou dans trente ans.

C'est d'ailleurs l'objet essentiel de ma question, et, dès lors, vous comprenez mieux, madame le secrétaire d'État, notre profonde lassitude, doublée d'une certaine irritation. Cette remarque ne s'adresse évidemment pas directement à vous, mais - vous l'aurez compris - aux nombreux prédécesseurs de M. le secrétaire d'État aux transports.

Jugez plutôt les faits. En 1990, c'est la mission Querrien ; en 1995, c'est l'approbation de l'avant-projet sommaire, ou APS ; en 2001, c'est la qualification de projet d'intérêt général, ou PIG.

M. Paul Blanc. Avec Gayssot !

M. Roland Courteau. Entre-temps, il y eut les sommets franco-espagnols, d'Albi en 1992, de Tolède en 1993 et de Foix en 1994, avec une prévision de mise en service de la section Montpellier-Perpignan pour les années 2002-2005. Et je ne m'étendrai pas sur les innombrables réunions de travail qui ont eu lieu sur le terrain, ici même au Sénat ou au ministère des transports ! Allions-nous toucher au but ? Non !

En 2006, le secrétaire d'État chargé des transports me faisait savoir ici même qu'il convenait de lancer d'autres études, en explorant plusieurs scénarios alternatifs, pour une ligne mixte destinée au fret et aux voyageurs.

Il paraît que l'on avait oublié le fret dans les précédentes études, alors que, dès 1995, avec l'accord de Madrid, on savait déjà que la section Perpignan-Figueras, au sud, serait en ligne grande vitesse mixte, pour les voyageurs et le fret, de même que la liaison Nîmes-Montpellier, au nord, un peu plus tard. Comprenne qui pourra !

Certes, on nous explique aujourd'hui que, depuis les premières études, il y a eu un fort accroissement des échanges avec l'Espagne. Or nous le savions déjà en 1996-1997, et j'en avais fait état, en qualité de rapporteur du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Espagne concernant la construction et l'exploitation de la section internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et l'Espagne.

Actuellement, mes chers collègues, 8 500 poids lourds empruntent l'autoroute A9 chaque jour, soit 3 millions par an. Dans dix ans, on frisera les 6 millions par an, avec 15 000 poids lourds par jour. À quand, madame la secrétaire d'État, un véritable rééquilibrage entre le rail et la route ?

Convenons que beaucoup de temps a été perdu et qu'il y a urgence à réaliser cette section de ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan, avec, j'y insiste, une gare TGV à Narbonne.

M. Paul Blanc. Eh oui !

M. Roland Courteau. Je vous remercie, monsieur Blanc, de témoigner de votre accord sur ce point.

Je note que les pré-études fonctionnelles, c'est-à-dire les études préalables au débat public, sont d'ores et déjà engagées et qu'elles constituent une première étape de la réalisation de ce nouveau projet. Que ne les a-t-on réalisées plus tôt, d'autant qu'il est tout à fait vraisemblable qu'elles remettront en cause les orientations relatives à l'APS de 1995 ou certaines parties du fuseau de passage du PIG de 2001 ? De nouvelles études pourraient donc s'avérer nécessaires, ce qui implique encore de nouveaux délais.

C'est pourquoi, au regard des enjeux économiques et environnementaux, ainsi que des retards innombrables accumulés, desquels découlent les fortes impatiences de l'Espagne, je demande au Gouvernement de bien vouloir considérer ce projet comme étant la priorité des priorités et de noter également que, selon nous, le meilleur site d'implantation d'une gare TGV entre Montpellier et Perpignan, d'une part, et sur la ligne Narbonne-Toulouse-Bordeaux, d'autre part, ne peut être que Narbonne. Le débat public devrait sans doute le confirmer.

Ma question est donc simple : pouvez-vous, madame le secrétaire d'État, faire un point précis sur l'évolution de ce dossier et m'indiquer s'il sera bien inscrit à l'ordre du jour du prochain CIACT, le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires, sachant que des engagements ont déjà été pris par M. le Premier ministre, lequel a d'ailleurs évoqué sur ce projet la « culture du résultat ».

La presse régionale avait également relevé, je le rappelle, les propos de M. Borloo, qui déclarait à la sortie du tunnel du Perthus, « dans l'euphorie de son percement » : « Nous allons faire Perpignan-Montpellier à toute blinde. » Pouvez- vous me dire, madame le secrétaire d'État, quelle est l'équivalence en temps, c'est-à-dire en mois et en années, de l'expression « à toute blinde » ? (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Paul Blanc. Dix ans !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, je ne me hasarderai pas à traduire les expressions des uns et des autres ! J'essaierai néanmoins de répondre sur le fond à votre question. Vous avez bien voulu appeler sur ce sujet l'attention de Dominique Bussereau, qui m'a demandé de l'excuser pour son absence, puisqu'il effectue ce matin un déplacement avec le Président de la République pour un projet concernant le transport à grande vitesse.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Il est vrai que des inquiétudes se sont exprimées, et pas seulement au niveau local, concernant la réalisation du nouveau tronçon Montpellier-Perpignan. Vous avez fait part de votre crainte que le retard pris du côté espagnol pour la réalisation de la ligne à grande vitesse entre Figueras et Barcelone n'ait des conséquences négatives sur l'avancement des projets du côté français.

Votre inquiétude est compréhensible, mais les conclusions prises à l'issue du dernier sommet franco-espagnol du 10 janvier dernier à Paris sont de nature à vous rassurer sur la volonté de la France de maintenir le calendrier prévu pour les projets de l'arc languedocien. La programmation de ces opérations a été établie en tenant compte des perspectives d'évolution des trafics et des niveaux de saturation prévisibles des différentes sections.

Ainsi, la France engagera le contournement ferroviaire de l'axe Nîmes-Montpellier dans le cadre d'un contrat de partenariat public-privé, une consultation devant être lancée en 2008. Dans ces conditions, la mise en service de cette nouvelle infrastructure pourrait être envisagée à l'horizon de 2013.

Un programme d'aménagement de la ligne actuelle entre Perpignan et Montpellier sera réalisé en respectant le même calendrier, ce qui permettra d'accompagner la croissance des trafics à moyen terme. Les procédures nécessaires à la construction d'une nouvelle ligne à grande vitesse entre Perpignan et Montpellier seront réalisées parallèlement, sous réserve des conclusions du débat public qui sera lancé cette année même.

Par ailleurs, à la suite du Grenelle de l'environnement, une impulsion nouvelle au programme des lignes à grande vitesse et, d'une manière plus générale, à l'utilisation du transport ferroviaire et du transport collectif a été décidée. Ainsi, le Premier Ministre, le 19 octobre dernier, lors d'un déplacement à Nîmes, a confirmé qu'il ne doutait pas que le projet d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Nîmes et Perpignan constituerait l'une des priorités immédiates du Gouvernement. Vous faisiez à ce propos référence au CIACT qui se tiendra au printemps.

ralentissements ou fermetures sur les lignes ferroviaires auvergnates

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, auteur de la question n° 138, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Mme Michèle André. Madame la secrétaire d'État, ma question s'adressait à votre collègue chargé des transports, mais votre engagement lors du Grenelle de l'environnement, qui a permis de mettre en avant le rail en tant que mode de transport économe en carbone, et proche des préoccupations de développement durable, me laisse espérer une réponse attentive de votre part, à défaut, peut-être, d'une réponse positive.

Ce matin, vous venez de l'évoquer, les médias bruissent du lancement de l'AGV, l'automotrice grande vitesse, alors que, en Auvergne, on espère encore une ligne à grande vitesse qui mettrait Paris et Clermont-Ferrand, séparés de quatre cents kilomètres, à moins de trois heures. Oui, nous en sommes encore là ! Mais peut-être ce projet se réalisera-t-il en 2018 ou en 2020 !

En Auvergne, nous nous soucions des réseaux secondaires, qui subissent de multiples ralentissements et dont certains ont été fermés.

C'est le cas de la ligne Clermont-Ferrand-Montluçon.

Le résultat est le suivant : des centaines de camions sur les routes départementales, des salariés de grandes entreprises des Combrailles sans transports collectifs pour se rendre à leur travail, des familles de lycéens et de collégiens qui doivent se débrouiller autrement.

Au-delà, c'est toute une région qui se trouve délaissée, qui regarde à la télévision le progrès destiné aux autres.

Nos concitoyens, nos collectivités, nos villes - Montluçon, Clermont-Ferrand, mais aussi, sur le parcours, les Ancizes, avec le très beau viaduc des Fades -, nos départements - l'Allier, le Puy-de-Dôme -, nos régions sont révoltés.

Madame la secrétaire d'État, quel est votre point de vue sur les nécessaires investissements à faire pour maintenir ces lignes secondaires qui sont absolument nécessaires ? À un moment où la région Auvergne a beaucoup investi pour les trains express régionaux, les TER, voulez-vous soutenir cette région dans ce sens ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame la sénatrice, comme vous l'avez souligné, le sujet que vous soulevez s'inscrit pleinement dans les suites du Grenelle de l'environnement.

Conformément aux conclusions de ce dernier, le Gouvernement a engagé la réflexion sur l'extension du réseau à grande vitesse, - c'est en effet d'actualité -, afin d'accroître une offre performante de transports plus respectueux de l'environnement.

Dans ce même objectif, le Grenelle de l'environnement a souligné l'enjeu que représente la mise à niveau du réseau existant, en prévoyant d'augmenter de 400 millions d'euros par an les moyens qui y seront consacrés.

Vous savez que, face au constat, à la fin de 2005, de l'état dégradé du réseau, après vingt années de sous-investissement, le Gouvernement a adopté, en 2006, un plan de rénovation 2006-2010, doté sur la période de 1 800 millions d'euros supplémentaires, pour régénérer les lignes du réseau ferré national, en priorité les plus circulées. Les régions accompagnent cet effort, dans le cadre des contrats de projets 2007-2013.

En Auvergne, comme dans les autres régions, c'est grâce aux moyens dégagés par ce plan de rénovation et par le biais des contrats de projets que les ralentissements seront supprimés et les lignes de desserte régionale modernisées. À titre d'exemple, plus de 100 millions d'euros sont inscrits au contrat de projet sur les lignes Clermont-Aurillac, Clermont-Le Puy et Montluçon-Vierzon.

Toutefois, il est évident que, dans le cas des lignes à très faible trafic, comme les lignes Lapeyrouse-Volvic, ou Montluçon-Eygurande, sur lesquelles on observe un aller-retour de train express régional par jour, une réflexion doit être engagée afin de trouver un meilleur équilibre économique.

La maintenance relativement standardisée du réseau ferré national est bien adaptée à des trafics plus importants, qui nécessitent un haut niveau de prestation. Mais elle constitue un handicap pour les lignes moins sollicitées. Par conséquent, il faut réfléchir à l'organisation des dessertes de voyageurs, par exemple en s'appuyant soit sur d'autres itinéraires, comme Montluçon-Clermont-Ferrand par Gannat, pour réduire les conséquences de ce handicap, soit sur des solutions alternatives.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Madame la secrétaire d'État, les précisions que vous avez apportées sur la liaison Montluçon-Clermont-Ferrand par Gannat ne sont pas très optimistes. Je rappelle que l'autre ligne présentait le double avantage d'être plus rapide, mais aussi plus touristique, ce qui était un atout pour notre région.

Je vous remercie néanmoins de votre réponse, même si elle est désespérante sur les perspectives de rétablissement de cette ligne.

desserte de la gare des Arcs-Draguignan

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 143, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la secrétaire d'État, la gare des Arcs-Draguignan, qui dessert cinquante-deux communes varoises, dont celles de la communauté d'agglomération dracénoise, comptant 85 000 habitants, et celles du golfe de Saint-Tropez, est habituée à voir passer les TGV. Les élus et les usagers de ces communes sont aussi habitués à être tenus pour quantité négligeable par la direction de la SNCF.

Par exemple, les courriers que j'ai pu adresser à cette dernière à propos de l'état et de l'accessibilité de la gare n'ont même pas fait l'objet d'un accusé de réception. Les dossiers de réaménagement du bâtiment de la gare de voyageurs et de rehaussement des quais sont toujours sur la voie de garage.

Cela n'a pas empêché la communauté d'agglomération dracénoise de procéder à l'aménagement coûteux - et sans participation financière de la SNCF - des abords de la gare, créant des voies d'accès, des parkings, et montrant ainsi l'importance qu'elle accorde au transport ferroviaire.

Les nouveaux horaires entrés en application le 9 décembre 2007, concoctés sans aucune concertation par la direction de la SNCF, sont la goutte d'eau qui fait déborder le vase !

Je citerai deux exemples. Premièrement, sur la liaison avec Lyon par TGV direct, un seul TGV sur les cinq aller et retour passe aux Arcs et encore selon un horaire ne pouvant convenir qu'aux Lyonnais, qui disposent d'un train à 9 h 07, alors que les Varois doivent attendre 16 h 38 pour bénéficier de ce privilège. Il ne leur est donc pas possible d'utiliser le train pour leurs activités professionnelles. Ils empruntent dans ce cas l'avion au départ de Nice. Le Grenelle de l'environnement propose, la SNCF dispose !

Deuxièmement, sur la liaison avec Paris, toujours par TGV direct, deux TGV circulent pour Paris, en fin de matinée et à une heure d'intervalle : 10 h 42 et 11 h 17, mais aucun l'après midi. Dans l'autre sens, on observe toujours deux TGV le matin, arrivant en gare des Arcs à 1 h 42 d'intervalle en début d'après midi. Nouveauté des nouveautés, le TGV de Paris de 13 h 50 arrivant en gare des Arcs à 18 h 09, très utilisé - quoi qu'en dise la SNCF, qui ment de façon éhontée ! - a été remplacé par un autre TGV qui, lui, ne s'arrête plus aux Arcs.

Jusque-là ce n'était pas brillant, maintenant c'est le « pot au noir » !

Je vous poserai donc trois questions simples, madame la secrétaire d'État.

Les cinquante-deux communes de l'est du Var, que j'ai évoquées, existent-elles pour le Gouvernement ?

La SNCF est-elle toujours chargée d'une mission de service public et, à ce titre, a-t-elle des comptes à rendre aux représentants de la nation et au Gouvernement ?

Les modifications horaires sont-elles le signe que le choix du tracé de la nouvelle ligne à grande vitesse en projet est déjà fait ? Si le tracé dit des « grandes métropoles » est adopté, cela signifie que Les Arcs devront se contenter de regarder passer les TGV. Autant les y préparer !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, la SNCF, Réseau ferré de France et les conseils régionaux des régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur travaillent, depuis plusieurs années, à la refonte du cadencement des dessertes TGV, train express régional, ou TER, et fret, afin d'accompagner la croissance du trafic.

Compte tenu notamment des trafics, cette réorganisation a nécessité de faire des choix. C'est ainsi que, sur la ligne classique, un TGV entre Marseille et Saint-Raphaël ne peut s'arrêter qu'une fois, soit à Toulon, soit aux Arcs-Draguignan.

Sachant que 100 000 voyageurs ont utilisé la ligne Les Arcs-Draguignan-Paris et 900 000 voyageurs, la ligne Toulon- Paris en 2007, le choix a été fait de privilégier l'arrêt à Toulon.

Le trafic entre Les Arcs-Draguignan et Paris est saisonnier, principalement d'avril à septembre. La SNCF a donc prévu d'améliorer la desserte TGV des Arcs-Draguignan en mettant en place, d'avril à septembre 2008, un troisième aller et retour Les Arcs-Draguignan-Paris selon les horaires suivants : départ des Arcs-Draguignan à 14 h 54, arrivée à Paris à 19h19 ; départ de Paris à 15 h 42, arrivée aux Arcs-Draguignan à 20 h 07

Les services de la SNCF suivent de très près l'évolution du trafic sur cette destination et ils étudient actuellement les éventuelles possibilités de proposer un TGV supplémentaire dans le sens Paris-Les Arcs-Draguignan pour la période d'octobre à mars.

En ce qui concerne la relation entre Les Arcs-Draguignan et Lyon, la SNCF a constaté que, sur cette ligne, le trafic était très faible et en baisse en 2007, malgré une offre qui est, quant à elle, constante.

À partir du 9 décembre 2007, les arrêts aux Arcs-Draguignan ont donc été repositionnés sur un TGV aller et retour Nice-Lyon-Lille. Cette mesure vise à mieux répondre aux flux de clientèle les plus importants en offrant une relation entre Lyon et Les Arcs le matin, avec un départ de Lyon à 9 h 07 et une arrivée aux Arcs à 12 h 22, et un retour vers Lyon l'après-midi, avec un départ des Arcs à 16 h 38 et une arrivée à Lyon à 19 h 50.

Bien entendu, la SNCF va suivre l'évolution des trafics entre Les Arcs-Draguignan et Lyon et fera un bilan en milieu d'année 2008.

En outre, les modifications horaires auxquelles je fais fait référence ne peuvent être mises en relation avec les études qui se déroulent actuellement concernant la ligne à grande vitesse Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Comme vous le savez, ces études complémentaires visent à vérifier les performances et la faisabilité des différentes solutions possibles. Elles font l'objet d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs locaux et des collectivités concernés, associés dans le cadre d'un comité d'orientation. Ce n'est qu'une fois que seront connus les résultats de ces études, qui devraient être disponibles pour la mi-2008, et au vu des avis des collectivités concernées, que le Gouvernement sera amené à prendre une décision concernant le fuseau sur lequel seront poursuivies les études.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voudrais pas manquer de courtoisie avec Mme la secrétaire d'État, qui nous a fait le plaisir de venir dans cet hémicycle, alors que nous attendions M. Bussereau.

M. le président. Il accompagne le Président de la République. Il ne peut pas être partout !

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, ne voyez aucun reproche dans mon propos à cet égard !

« Tout va très bien, madame la Marquise ! », m'avez-vous assuré en substance, madame la secrétaire d'État.

Vous avez précisé que la SNCF avait fait ses choix, qu'il y avait plus de monde à Toulon qu'à Draguignan. Il n'est pas besoin de faire des études très poussées pour s'en apercevoir ! Vous n'avez pas parlé des problèmes d'aménagement du territoire et vous n'avez pas répondu à la question de savoir qui exerce la tutelle dans ce domaine : est-ce la SNCF sur le Gouvernement, ou le Gouvernement sur la SNCF ?

Les horaires existants, s'ils peuvent convenir, par exemple, aux inactifs, aux retraités - c'est d'ailleurs un peu moins vrai maintenant pour ces derniers -, ne permettent pas d'utiliser le TGV des Arcs-Draguignan pour des déplacements professionnels nécessitant de partir le matin et de rentrer le soir.

Par conséquent, je suis désolé de vous le dire, madame la secrétaire d'État, la SNCF continue à se moquer de nous. J'espère que vous lui ferez savoir que nous apprécions modérément cette attitude !

réalisation et financement des travaux de mise à deux fois deux voies de la rn 124 entre Auch et Toulouse

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, auteur de la question n° 126, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur la réalisation des travaux de mise à deux fois deux voies de la route nationale 124 entre Auch et Toulouse. Je citerai deux faits.

Premièrement, Auch n'est pas relié à Toulouse par une deux fois deux voies, contrairement aux autres préfectures de Midi- Pyrénées, Cahors, Albi, Montauban, Foix et Tarbes, voisines de la Haute-Garonne

Deuxièmement, le Gers ne compte que vingt kilomètres de deux fois deux voies, sans doute le réseau le plus court de France pour cette catégorie de routes. Ces vingt kilomètres de bonheur fractionné se situent entre L'Isle-Jourdain et Pujaudran, pour douze kilomètres, depuis 2000, et la déviation d'Aubiet de huit kilomètres, mise en service en 2003.

Depuis lors, nous attendons avec impatience la mise à deux fois deux voies des trente et un kilomètres restant entre Toulouse et Auch. Nous attendons avec d'autant plus d'impatience que cette route est vitale pour l'économie du Gers.

Or les retards s'ajoutent aux retards et les engagements de l'État pour la réalisation de la deux fois deux voies dans le contrat de plan État-région 2000-2006 prévoyaient une livraison en 2006. Ces engagements de l'État se trouvaient renforcés, car ils s'inscrivaient dans l'itinéraire à très grand gabarit au titre de la compensation des nuisances en découlant.

Une fois de plus, l'État n'a pas tenu ses engagements. Bien au contraire, les travaux ont pris un retard considérable faute de financements, estimés à plus de 175 millions d'euros.

Trois tronçons restent à réaliser : la liaison Auch-Aubiet, la déviation de Gimont et l'aménagement du tronçon Gimont-l'Isle-Jourdain. Ces opérations, qui sont chacune à un stade d'avancement différent, ne doivent pas seulement faire l'objet d'une inscription par l'État dans le plan de développement et de modernisation des itinéraires, le PDMI. L'État, responsable de tous les retards accumulés, doit s'engager de façon irrévocable.

Madame la secrétaire d'État, cette situation inacceptable en termes d'aménagement du territoire et d'égalité des chances ne peut se prolonger.

Je vous demande donc de me confirmer le calendrier de la réalisation des travaux, que je souhaite prochains et intensifs, ainsi que leur financement, afin que la RN 124 réponde enfin pleinement à son statut de route express, conformément aux engagements pris par l'État.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, sur les 76 kilomètres de la RN 124 entre Auch et Toulouse, seulement 20 kilomètres, effectivement, ont été aménagés en deux fois deux voies dans le cadre du contrat de plan État-région, et 35 kilomètres supplémentaires doivent être mis en service avant la fin de 2009.

Les travaux en cours concernent, d'une part, la section entre Toulouse et l'Isle-Jourdain, afin de disposer d'un aménagement continu à deux fois deux voies, avec en particulier la déviation de Léguevin, et, d'autre part, l'aménagement de la section Aubiet-Auch.

S'agissant des autres aménagements de la RN 124, à savoir la déviation de Gimont et les réalisations à mener entre Gimont et l'Isle-Jourdain, leur financement n'a pu trouver sa place dans le contrat de plan État-région. Il devra donc être recherché dans le cadre de la nouvelle programmation des investissements sur le réseau routier national.

Une consultation des élus et des principales collectivités concernées a été conduite par le préfet de région pour préparer cette nouvelle programmation.

Le 26 février 2007, Dominique Perben, alors ministre des transports, avait adressé un mandat aux préfets de région pour la consultation des programmes de développement et de modernisation d'itinéraires, les PDMI.

Le préfet de la région Midi-Pyrénées a consulté officiellement les élus et les parlementaires le 17 mars2007, et leurs réponses sont parvenues tout au long de l'année.

Le processus sera poursuivi et finalisé après que le Gouvernement aura entièrement tiré les conclusions, en matière de politique routière, du Grenelle de l'environnement.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la secrétaire d'État, comprenez bien que la réponse que vous me communiquez ne me satisfait aucunement !

Le réseau autoroutier de la région dont vous êtes originaire est tellement dense qu'il n'est pas rare de se tromper pour passer d'un tronçon à un autre. Je rappelle que le Gers ne compte que 20 kilomètres de réseau à deux fois deux voies.

Cette situation est inacceptable en termes d'aménagement du territoire et d'égalité des chances ! Comment voulez-vous qu'un département se développe avec un réseau routier aussi peu dense ?

Je ne puis donc accepter votre réponse et je reposerai ma question, en espérant que M. Bussereau, dont je comprends parfaitement l'absence aujourd'hui, me donnera une réponse précise et prendra des engagements, engagements que l'État n'a jamais tenus.

Vous m'avez indiqué que les élus avaient été consultés par le préfet de région. Mais toutes les réponses allaient dans le même sens !

Madame la secrétaire d'État, dans votre région, on construit des murs antibruit pour préserver les riverains des nuisances sonores des autoroutes. À certains égards, je vous envie beaucoup.

mise en oeuvre du cv anonyme

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, auteur de la question n° 141, transmise à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Mme Bariza Khiari. Madame la secrétaire d'État, le 17 décembre dernier, lors de la cérémonie de clôture de l'année européenne de l'égalité des chances pour tous, Louis Schweitzer, le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, a remis au Gouvernement un rapport comportant dix-sept propositions d'action pour engager une lutte plus efficace contre les discriminations.

Parmi ces propositions, la HALDE a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre le CV anonyme.

Cette proposition me paraît tout à fait opportune, mais je souligne qu'elle ne devrait pas avoir lieu d'être, puisque le principe du CV anonyme pour les entreprises de plus de cinquante salariés a été adopté par le Parlement dans la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.

Mais cette disposition n'a pas été suivie d'effet depuis lors, faute de décret d'application, le gouvernement précédent et celui auquel vous appartenez n'ayant pas jugé utile d'appliquer la norme votée par la représentation nationale.

La lutte contre les discriminations dans l'emploi est difficile, en particulier dans le cas des discriminations indirectes. Elle doit passer par la création d'outils innovants, et le CV anonyme en est un. Il permet, au moins à l'étape du recrutement, de gommer les différences tant raciales que sociales, ne laissant la place qu'à des données objectives d'expérience et de formation.

Notre tradition de méritocratie républicaine impose l'anonymat aux concours et aux examens écrits. Il serait logique d'étendre ce principe au CV.

Le CV anonyme est un outil républicain, qui a une portée pédagogique évidente et qui permet de lutter contre le conformisme des recruteurs. Les études ont en effet démontré que le taux de discrimination était le plus fort au moment de la sélection des CV.

Plusieurs entreprises, grandes ou petites, ont déjà mis en oeuvre des procédures de recrutement anonymes sans rencontrer de difficultés particulières. Tel est notamment le cas des assurances AXA pour les emplois de commerciaux, et ce depuis 2005, avant même le vote du texte.

Les résultats sont probants puisque, avec le CV anonyme, le recrutement se trouve diversifié et correspond davantage à la diversité de notre société. Cette mesure est certainement bien plus efficace que toutes les politiques de quotas ou de discrimination positive, qui contribuent, elles, à stigmatiser encore davantage les populations déjà discriminées.

Madame la secrétaire d'État, quand le Gouvernement prendra-t-il les décrets d'application nécessaires à la mise en oeuvre et à la généralisation du CV anonyme ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Xavier Bertrand, qui est retenu à l'Assemblée nationale pour l'examen d'une proposition de loi.

L'article 24 de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, inséré à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par le président Nicolas About, fait obligation aux employeurs de plus de cinquante salariés d'examiner les informations communiquées par écrit par les candidats à un emploi dans des conditions préservant leur anonymat.

C'est ce que l'on appelle communément le CV anonyme, qui permet aux candidats à un emploi de ne pas subir de discrimination dès le premier contact, discrimination qui serait attestée par certaines enquêtes réalisées sous la forme de testing.

Comme vous l'avez indiqué, madame la sénatrice, la loi renvoie les modalités d'application à un décret en Conseil d'État. Le législateur a souhaité laisser le temps à la négociation sociale d'aboutir sur cette question.

En effet, les partenaires sociaux négociaient parallèlement l'accord national interprofessionnel relatif à la diversité dans l'entreprise, qui comportait une expérimentation des dispositifs visant à préserver l'anonymat des candidatures.

Cet accord a finalement été signé le 12 octobre 2006 par quatre organisations syndicales - la CFTC, la CGT, la CGT-FO et la CFDT - et trois organisations patronales - le MEDEF, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises et l'Union professionnelle artisanale - et il a été déposé auprès de la direction générale du travail le 23 mars 2007.

L'accord prévoit que chaque entreprise relevant de son champ d'application mettra en place, après information des représentants élus du personnel des entreprises qui en sont dotées, les procédures adaptées pour que les recrutements de toute nature, réalisés en interne ou en externe, soient exempts de toute forme de discrimination et visent à une diversification des sources de recrutement.

L'accord rappelle d'ailleurs que participent de cette démarche les expérimentations des dispositifs visant à préserver l'anonymat des candidatures, expérimentations dont les signataires doivent dresser un bilan à l'échéance du 31 décembre 2007.

À ce jour, les partenaires sociaux ne l'ont pas encore fait. Les organisations représentatives du personnel signataires ont toutefois demandé l'extension de l'accord national interprofessionnel, ce qui le rendrait obligatoire pour toutes les entreprises relevant des secteurs d'activité dont les organisations professionnelles signataires sont représentatives.

L'examen de l'extension de l'accord doit avoir lieu en sous-commission des conventions et des accords de la commission nationale de la négociation collective le 12 février prochain, pour une publication rapide de l'arrêté d'extension.

Xavier Bertrand rappellera à cette occasion aux partenaires sociaux que le Gouvernement attend beaucoup de l'évaluation qu'ils feront des dispositifs visant à préserver l'anonymat des candidatures.

Vous citiez les dix-sept propositions d'action formulées le 17 décembre dernier par la HALDE, qui invoque également la négociation entre les partenaires sociaux pour favoriser la mise en place de dispositifs de recrutement transparents et objectifs.

C'est la méthode que le Gouvernement continuera de privilégier.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions. Je vous interrogerai de nouveau dans quelques mois sur l'état d'avancement de cette question.

La démarche contractuelle me convient ; pour autant, je ne suis pas certaine qu'elle aboutisse dans les temps.

Je profite de la présence de Mme Boutin pour souligner l'importance de la lutte contre les discriminations, notamment à l'emploi. Il faudrait que ce sujet soit l'un des axes principaux du « plan banlieues », qui sera présenté prochainement par le Gouvernement.

Le temps perdu dans l'engagement effectif de ce combat fait planer un doute sérieux sur votre volonté réelle de lutter efficacement contre les discriminations.

J'espère que le Gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que la lutte contre les discriminations soit non seulement un slogan, mais également une réalité.

mise en oeuvre du droit au logement opposable pour les personnes handicapées

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, auteur de la question n° 150, adressée à Mme la ministre du logement et de la ville.

Mme Bernadette Dupont. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés de mise en oeuvre du droit au logement opposable pour les personnes handicapées dans le parc des logements sociaux.

L'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation, inséré par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, impose de rendre accessibles les locaux à usage d'habitation aux personnes handicapées, quelle que soit l'origine de leur handicap.

La mise en accessibilité entraîne un surenchérissement des coûts de construction de ces logements, déjà rendus chers par la rareté du foncier disponible.

Parallèlement, l'institution par la loi du 5 mars 2007 d'un droit au logement opposable permet aux personnes handicapées de saisir les commissions de médiation pour obtenir l'attribution d'un logement social.

Or la faiblesse des ressources d'un grand nombre de ces personnes et de leurs familles, en termes d'allocations comme de compléments, lorsqu'elles ne travaillent pas, leur interdit l'accès au logement conventionnel.

Je souhaiterais donc connaître vos intentions, madame la ministre, pour mettre en cohérence les revenus des personnes handicapées et le coût du logement afin de rendre applicable le droit à un logement adapté.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Au préalable, je voudrais dire à Mme Khiari de ne pas s'inquiéter : le Gouvernement est déterminé à lutter contre la discrimination, qui est inacceptable dans une République vivante.

Madame Dupont, comme vous, je pense qu'il est indispensable que nous proposions à nos compatriotes affectés d'un handicap une offre de logements abordables dans le parc social public ou privé.

C'est une action conjointe de l'ensemble des acteurs publics qui permet de donner un toit aux plus fragiles d'entre nous.

Concernant la prise en charge par l'État du coût des travaux d'adaptation des logements aux besoins des personnes handicapées dans le parc social existant, la loi du 11 février 2005 prévoit que la mise aux normes en matière d'accessibilité doit s'appliquer dès lors que des travaux sont entrepris dans ces immeubles.

Le coût de ces travaux est partiellement pris en charge par l'État. Les organismes HLM peuvent en effet déduire du montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties les dépenses qu'ils ont engagées pour l'accessibilité et l'adaptation de leurs logements.

Cette mesure permet donc de ne pas laisser à la seule charge des opérateurs le coût de ces travaux.

En ce qui concerne les constructions neuves, la réglementation impose désormais que les logements soient entièrement accessibles. Ainsi, l'intégration en amont de ces nouvelles normes dans les projets ne représente pas un coût d'opération supplémentaire substantiel par rapport à ce qui avait été prévu. Je ne nie pas qu'elle entraîne une augmentation du coût, mais c'est la loi et il est légitime de lutter contre les discriminations liées au handicap.

J'en viens à la question de l'adéquation entre les ressources des personnes handicapées et le coût du logement HLM.

Une personne bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, perçoit, au 1er janvier 2008, une aide d'un montant maximal de 628,10 euros par mois. Celle-ci peut être complétée par une majoration pour la vie autonome de 104,77 euros par mois lorsque cette personne occupe un logement indépendant sans exercer une activité professionnelle.

Au 31 décembre 2006, plus de 770 000 personnes étaient concernées, dont plus de 110 000 disposaient également de la majoration pour la vie autonome.

En moyenne, la dépense de logement, c'est-à-dire le loyer et les charges, s'élève à 375 euros par mois pour un logement social de deux pièces. Elle est partiellement prise en charge par une aide au logement s'élevant, pour une personne seule sans ressource imposable, à 252 euros par mois.

Ainsi, le reste à charge pour une personne handicapée occupant un logement social de deux pièces se situe entre 50 euros et 100 euros par mois, soit un taux d'effort compris entre 10 % et 12 %.

Comme vous l'avez rappelé, madame le sénateur, la loi reconnaît les personnes handicapées comme prioritaires dans les attributions des logements sociaux. Cette priorité a été renforcée par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.

Ce sont aussi les partenaires locaux qui nous permettront d'apporter les réponses adaptées et de développer une offre diversifiée de logement pour les personnes handicapées. À ce titre, les maisons départementales des personnes handicapées constituent le lieu « ressources » le plus approprié pour coordonner les acteurs de l'habitat sur ce thème.

Vous le savez, les personnes en situation de handicap font partie d'une des six catégories prioritaires en ce qui concerne la mise en place du droit au logement opposable.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, je tiens à avoir une relation de confiance avec tout le monde, en particulier avec les parlementaires. Je soutiens totalement la loi DALO - j'en suis une militante convaincue, et j'assume cette position -, mais, madame la sénatrice, à la fin de cette année, nous aurons un delta entre les demandes de ces six catégories prioritaires et les capacités de logement dont nous disposons.

C'est la raison pour laquelle je mets tout en oeuvre pour être créative. Je vous soumettrai un certain nombre de propositions dans les semaines et les mois qui viennent pour que nous puissions accueillir le maximum de ces personnes et diminuer ce delta.

Naturellement, les personnes en situation de handicap sont prioritaires et je suis convaincue qu'avec le temps, madame la sénatrice, nous mettrons un terme à ce scandale qui fait que la France ne loge pas tous ses enfants.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. J'ai bien noté la volonté de Mme la ministre que les choses évoluent. Il n'en reste pas moins que, dans la pratique quotidienne, les immeubles anciens que l'on essaie de réhabiliter sont, pour la plupart, incompatibles avec les exigences d'accessibilité. Donc, le manque de logements anciens est manifeste.

Quant aux logements modernes, dans une ville comme la mienne où le foncier est très cher, les constructions réalisées sont inaccessibles aux personnes handicapées, en dépit de toutes les aides prévues en leur faveur.

Par ailleurs, si le Gouvernement aide certains organismes à mettre leurs locaux en conformité avec les normes d'accessibilité, ceux-ci ne risquent-ils pas de répercuter le coût des travaux sur le montant des loyers ?

Restauration et entretien du patrimoine culturel français

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 148, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la restauration et l'entretien du patrimoine culturel français.

En 1986, l'installation des colonnes du sculpteur Daniel Buren dans la cour d'honneur du Palais-Royal a suscité un vif émoi. Vingt et un ans plus tard, bien que cette oeuvre ait trouvé toute sa légitimité au sein de notre patrimoine culturel national et qu'elle fasse partie des circuits touristiques parisiens, la polémique réapparaît, et ce sur l'initiative de son créateur, qui voit son oeuvre initiale complètement dénaturée du fait de la privation de son écrin d'eau et de lumière initialement prévu.

La colère très médiatisée de Daniel Buren semble avoir porté ses fruits, car la rénovation de son oeuvre a été avancée par rapport au calendrier initial et devrait débuter avant l'été. Les récentes déclarations de M. Michel Clément, directeur de l'architecture et du patrimoine du ministère nous ont appris que la rénovation des colonnes de Buren s'inscrivait dans un vaste plan de restauration dans l'enceinte du Palais-Royal : 14 millions d'euros sont prévus, dont 3,2 millions d'euros seraient dévolus à la cour d'honneur.

Si ce grand programme de rénovation et de restauration, engagé sur l'initiative du ministère de la culture, est satisfaisant et rassurant, il convient de s'interroger sur les possibilités que peuvent offrir les partenariats public-privé, si efficaces dans les pays anglo-saxons et pourtant encore trop peu utilisés en France.

L'État est propriétaire de cette oeuvre, mais il est aussi responsable juridiquement de son devenir, et cela vaut également pour toutes les autres oeuvres acquises par la commande publique, qui s'accumulent avec le temps et ont un jour besoin d'être restaurées.

Comment l'État envisage-t-il de relever ce défi de rénovation et de remise à niveau du patrimoine culturel sur l'ensemble de son territoire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, l'oeuvre de Daniel Buren « les deux plateaux », communément appelée « les colonnes de Buren » et installée en 1986, est en effet une oeuvre emblématique de l'intégration de l'art contemporain dans les plus beaux lieux patrimoniaux français. Elle est d'ailleurs classée au titre des monuments historiques depuis 1994.

La fréquentation publique intense du site, qui est devenu un haut lieu touristique, a sérieusement altéré l'oeuvre de Daniel Buren, et bien qu'une rénovation en ait déjà été effectuée en 1994, une restauration lourde de l'ensemble de la cour d'honneur du Palais-Royal est désormais indispensable.

La demande de Daniel Buren de voir son oeuvre remise en état et entretenue dans les meilleures conditions est donc parfaitement légitime, et cette opération s'intègre, comme vous l'indiquez, dans un vaste plan de restauration du Palais-Royal.

Cette opération est en cours et associe chacune des institutions publiques qui occupent ces bâtiments prestigieux comme la Comédie-Française, le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel.

Le ministère de la culture et de la communication, pour ce qui le concerne, a prévu de consacrer 14 millions d'euros à cette opération jusqu'en 2011. Celle-ci comprend la restauration des façades sur la rue de Rivoli, la cour d'honneur, les différentes galeries qui l'entourent et les péristyles de Joinville et de Beaujolais. Par ailleurs, la Comédie-Française aménage actuellement des salles de répétition sous la cour d'honneur.

J'ai souhaité accélérer le calendrier de rénovation de l'oeuvre de Daniel Buren, dont le démarrage était prévu en 2009 ; c'est à l'été 2008, c'est-à-dire le plus rapidement possible, que sera engagée la restauration « des deux plateaux », de façon que l'articulation avec les travaux qui vont avoir lieu pour l'étanchéité des salles de répétition de la Comédie-Française se fasse dans les meilleures conditions.

J'ai rencontré Daniel Buren le 18 janvier dernier, et je lui ai confirmé l'engagement ferme du ministère de la culture et de la communication de préserver l'intégrité « des deux plateaux ». Je lui ai également indiqué qu'il serait bien évidemment associé à la restauration, ainsi qu'à la préparation d'un protocole d'entretien de son oeuvre, qui a jusque-là fait cruellement défaut. Il s'agit d'une oeuvre majeure - même si les polémiques subsistent - à laquelle nous sommes tous profondément attachés.

Concernant le financement de ce chantier, l'État va bien sûr assumer sa responsabilité. Vous avez évoqué les partenariats public-privé, qui représentent souvent un moyen de financement tout à fait intéressant ; nous y pensons d'ailleurs pour la future philharmonie. Le processus est très long, mais nous allons tout faire pour associer les partenaires privés afin que cette opération soit un exemple de la participation des entreprises à de grands chantiers de l'État. Nous avons aujourd'hui bon espoir de trouver un partenaire privé pour la restauration des colonnes de Buren.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas.

Mme Catherine Dumas. Je souhaite remercier Mme la ministre de sa réponse et me féliciter de la prise de conscience de l'État quant à la nécessité d'entretenir le patrimoine culturel français.

projet de jardin-musée des sculptures sur l'île Seguin

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, auteur de la question n° 151, adressée à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Fourcade. L'aménagement des 52 hectares de terrains délaissés par Renault sur le territoire de la commune de Boulogne-Billancourt est réalisé par une société d'économie mixte « Val de Seine Aménagement », dont les actionnaires sont les villes de Boulogne-Billancourt et de Sèvres, le département des Hauts-de-Seine, la Caisse des dépôts et consignations, la Caisse d'épargne de Paris et le Groupe Dexia.

Dans le cadre d'une zone d'aménagement concerté, qui couvre à la fois les terrains Renault et le quartier sensible du Pont de Sèvres, la société d'aménagement et d'économie mixte réalise à la fois des opérations d'aménagement, des équipements publics, des voieries et des logements sociaux. Une convention publique d'aménagement a été signée avec la commune de Boulogne-Billancourt en 2004. Sa réalisation fait l'objet d'une large concertation avec les riverains et les associations de la ville, du département et de la région.

À ce jour, 45 % du programme de constructions qui s'élève à 842 000 mètres carrés de surface hors oeuvres est engagé et fait l'objet de permis de construire déposés ou délivrés.

À l'intérieur de cet ensemble, trois programmes sont juxtaposés.

La réhabilitation du quartier du Pont de Sèvres fait l'objet d'un contrat avec l'ANRU, contrat qui est bloqué depuis six mois par le président du conseil général des Hauts-de-Seine.

Le deuxième programme concerne le trapèze de Billancourt et les terrains qui y sont associés. L'opération se déroule sans problème - et sans recours -, et vingt-sept cabinets d'architectes y travaillent, de Norman Foster à Franck Hammoutène, et de Jean Nouvel à Jean-Paul Viguier.

C'est le programme retenu pour l'île Seguin qui est le moins avancé. Prévoyant 175 000 mètres carrés de constructions, l'île doit recevoir des éléments scientifiques, des éléments culturels et des éléments d'accueil tournés vers l'international. À ce jour, trois programmes ont été engagés et ont fait l'objet de promesses de vente avec versements d'acomptes : un grand hôtel, une résidence pour chercheurs et artistes et l'Université américaine de Paris.

J'ajoute que l'île Seguin a été acquise par la société d'aménagement et d'économie mixte auprès de Renault pour la somme de 54 millions d'euros et que la vente des droits fonciers pour les trois programmes dont je viens de parler représente une recette de 30 millions d'euros.

Aussi est-ce avec beaucoup d'étonnement, madame la ministre, que j'ai pris connaissance, à la fin du mois de janvier, dans un grand quotidien, d'une interview du conseiller culturel du Président de la République, M. Benhamou, affirmant que le Président de la République souhaitait utiliser l'ensemble de l'île Seguin pour réaliser un grand jardin de sculptures contemporaines annulant ainsi les programmes déjà engagés. M. Benhamou ajoutait que le coût du projet serait de l'ordre de 200 millions d'euros et qu'il devrait être financé « par le conseil général, les élus locaux et les collectivités territoriales ».

Ce projet devrait se substituer à celui qu'avait proposé en son temps le Premier ministre, M. de Villepin, et le ministre de la culture et de la communication, M. Donnedieu de Vabres, qui concernait un centre européen de création contemporaine qui, au moins, prévoyait une participation de l'État à hauteur de 50 millions d'euros.

Madame la ministre, je me permets de poser trois questions.

Est-il concevable que, au mépris de l'autonomie des collectivités territoriales et des engagements pris par des élus locaux, un conseiller du Président de la République annonce un projet dont il n'a ni la maîtrise ni le financement ?

Quelle est l'intention du Gouvernement sur l'utilisation de la pointe aval de l'île Seguin, pour laquelle ni les maires concernés ni le président de la société d'aménagement et d'économie mixte n'ont été informés ou invités à donner leur avis ?

Comme je constate que le député de Boulogne-Billancourt, dans sa lettre de candidature aux élections municipales, souhaite « relancer la proposition de Nicolas Sarkozy, d'une île Seguin dédiée à la culture et à l'environnement avec un musée-jardin mondial », je souhaite savoir si le Gouvernement a progressé dans sa réflexion sur l'avenir de l'île Seguin et s'il envisage de faire part de ses propositions à la société d'aménagement et d'économie mixte ainsi qu'aux collectivités territoriales qui en assument la programmation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, il a été en effet envisagé de créer sur l'île Seguin un centre européen de création contemporaine, foyer de création artistique de niveau international, à l'instar d'initiatives équivalentes dans d'autres pays européens.

Ce projet a été conçu en partenariat avec les collectivités territoriales, le conseil général des Hauts-de-Seine et la ville de Boulogne-Billancourt, et il s'inscrit dans le cadre d'un ensemble plus vaste qui tient à l'aménagement de l'île Seguin porté par les collectivités territoriales concernées.

Daniel Janicot a été chargé d'une mission à cet effet et il a remis un projet de préfiguration concernant la pointe de l'île, les emprises où devait normalement s'élever la fondation de François Pinault.

À ce stade, et compte tenu des articles de presse qui ont pu paraître, je peux dire que la réflexion sur les projets culturels se poursuit. Aucune décision formelle n'est prise et les choix à venir devront bien sûr prendre en compte ce qui existe déjà. À l'évidence, l'aménagement de l'île sera réalisé avec la mairie de Boulogne et le conseil général des Hauts-de-Seine, qui a fait connaître son intérêt pour un grand projet de « vallée de la culture », dont l'île Seguin pourrait être un élément majeur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Je remercie Mme la ministre des trois indications qu'elle vient de me fournir.

Premièrement, on ne peut pas jeter à la rivière, s'agissant de l'île Seguin, les projets déjà engagés et financés. Ce serait un gaspillage dont nous n'avons aujourd'hui nul besoin.

Deuxièmement, la réflexion du Gouvernement progresse, et je suis tout à fait disposé à ce que la pointe aval de l'île Seguin serve d'assise à un grand projet culturel dédié à l'art contemporain. Cela me paraît tout à fait dans l'optique actuelle du rayonnement international de notre pays.

Troisièmement, enfin, j'ai noté avec intérêt que les élus locaux et les responsables de cette affaire seraient consultés sur l'évolution de la réflexion du Gouvernement. J'en prends acte avec beaucoup de satisfaction.

consulats généraux à gestion simplifiée

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 154, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Richard Yung. Avant d'en venir à ma question, qui porte sur l'évolution du réseau consulaire, je tiens à féliciter les services du ministère des affaires étrangères, d'une part, et l'armée française, d'autre part, de la manière dont ils ont assuré la sécurité, puis l'évacuation de la communauté française de N'Djamena. Grâce à une organisation rigoureuse, ce sont près de mille personnes qui ont ainsi été évacuées ce week-end, en toute sécurité.

Tout le monde est conscient de la nécessité d'adapter notre réseau consulaire aux évolutions de la diplomatie française, des relations économiques et des intérêts fondamentaux de la France.

Nous sommes largement engagés dans un mouvement marqué vers l'Est et vers l'Asie. Depuis cinq ans, trente et un consulats ont été soit fermés, soit transformés. Ce nombre est considérable, d'autant que seuls cinq nouveaux consulats ont été ouverts. On constate donc non seulement un redéploiement, mais aussi une diminution des moyens mis à la disposition du réseau consulaire.

Cette évolution va sans aucun doute se poursuivre. Nous sommes inquiets quant à l'avenir du consulat de Haïfa, consulat historique, qui est au centre de plusieurs communautés importantes. Il semble qu'une partie de ses compétences doive être transférée à Jérusalem ou à Tel-Aviv. Pour l'heure, nous n'avons aucune certitude.

Pour une communauté française, le consulat est et reste la maison de la France. C'est à la fois la mairie, la sous-préfecture, la préfecture. C'est là que le ressortissant français est pris en charge et, en cas de besoin, que l'on assure sa sécurité.

L'évolution du réseau consulaire, certes nécessaire, se fait sans concertation, ce que déplorent les élus de l'Assemblée des Français de l'étranger et, d'une manière générale, tous ceux qui sont concernés. Nous sommes toujours placés devant le fait accompli. Bien que ces décisions soient de nature régalienne et relèvent de la responsabilité du ministère des affaires étrangères, il serait de bonne politique d'informer et de consulter les élus et les communautés françaises.

Monsieur le secrétaire d'État, comment envisagez-vous l'évolution du réseau consulaire pour les prochaines années, en particulier pour 2008 et 2009 ?

J'en viens à la question plus précise des consulats à gestion simplifiée. Au total, dix-sept consulats à gestion simplifiée ont été créés. Il s'agissait d'alléger la formule consulaire, de la « débarrasser », si je puis dire, de sa mission de gestion, sans doute afin d'économiser des moyens.

Après quatre ou cinq ans d'expérience, l'heure est au bilan. Pour notre part, nous considérons que ce bilan est négatif.

Tout d'abord, les consulats dits à gestion simplifiée ont un rôle extrêmement flou. Ils doivent assurer la présence politique diplomatique française, réaliser des analyses politiques. Mais quelles analyses politiques fait-on à Port-Gentil, à Recife ou à Porto, où la vie politique est calme, alors que l'ambassade est à quelques dizaines ou quelques centaines de kilomètres ?

Ensuite, ces consulats n'assurent plus aucun service aux communautés françaises. Nos ressortissants sont obligés de se déplacer à l'ambassade ou au consulat général de plein exercice le plus proche, parfois distants de 200, 300 ou 500 kilomètres.

Enfin, mais peut-être nous apporterez-vous des précisions sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, l'économie de moyens semble limitée puisque, dans les faits, on maintient à temps plein un poste de consul général et tout ce qui va avec : personnels de service, voiture, logement.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous nous indiquer comment vous envisagez l'avenir des consulats à gestion simplifiée ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur Yung, les questions que vous abordez sont aussi celles que se pose le Gouvernement dans le cadre de la réflexion sur la révision générale des politiques publiques. Je peux en témoigner pour avoir assisté à des réunions au cours desquelles nous avons évoqué, avec lucidité, ce qui va comme nous le voulons et ce qui pourrait aller mieux.

La réforme du réseau consulaire qui a été engagée, notamment en Europe, commence à produire des effets.

Cette réforme a déjà permis le regroupement d'activités consulaires sur des pôles de compétence, notamment au travers de la centralisation des services d'état civil et de délivrance de visas dans plusieurs pays de l'Union européenne. Des pôles consulaires régionaux sont expérimentés. Ils assurent, autour d'un pôle très bien doté en moyens de traitement des dossiers, un rôle d'accueil et de réception des demandes.

La réforme a également permis le recours plus important aux nouvelles technologies en matière d'administration des Français, notamment en Europe, où les communautés françaises sont très nombreuses. Le registre mondial du réseau d'administration consulaire informatisée, intitulé RACINE, opérationnel depuis juin dernier, se révèle très utile pour faciliter les formalités à accomplir en matière d'administration des Français. Tout Français qui dispose de son numéro d'identification consulaire, le NUMIC, pourra s'inscrire au registre mondial, quel que soit son lieu de résidence à l'étranger, et consulter son dossier.

S'agissant de la mise en place de consulats généraux à gestion simplifiée, je reconnais que le dispositif est perfectible et il nous appartient de fixer les limites de l'exercice. Pour autant, monsieur le sénateur, tout n'est pas aussi négatif que vous le dites, loin s'en faut. Bien que n'ayant pas votre expérience, j'ai été parlementaire. J'ai donc pu me faire une idée de la manière dont fonctionne un consulat général à gestion simplifiée qui, déchargé de tâches consulaires regroupées dans un seul poste, continue à assumer des responsabilités, parfois spécialisées sur le plan économique, culturel ou autres.

Les consulats à gestion simplifiée, bien qu'ils n'aient plus une mission classique, ont vocation à assurer le maintien d'une présence de haut niveau et à jouer un rôle polyvalent utile. Cela passe par une rationalisation des tâches administratives et consulaires classiques soit dans les capitales, soit dans des pôles plus importants.

Ce système fonctionne bien là où le relais avec les services centraux, ou avec des consulats généraux qui gardent toutes leurs attributions, est facile, soit grâce à la mise en place de moyens nouveaux, soit parce que les distances ne compliquent pas trop la tâche de nos ressortissants. Il me paraît judicieux, dans une région où la France a une présence culturelle ou économique, de renforcer son rayonnement par la présence d'un consulat.

La situation n'est donc pas aussi tranchée que vous le dites. Les aspects positifs sont importants même si, je le reconnais bien volontiers, le dispositif n'apporte pas toujours ce que l'on peut en attendre. C'est pourquoi il faut procéder à des évaluations afin de déterminer ce qui fonctionne bien et ce qui est perfectible.

Une autre piste fructueuse réside dans la coopération consulaire entre les États européens. Certaines formes d'échanges sont devenues régulières : échanges d'informations en matière de visas et de fraudes, stages d'agents, participation réciproque aux réunions consulaires, mutualisation de moyens. Une convention sur les relations consulaires spécifique à l'Union européenne devrait nous permettre d'aller plus loin.

Il est vrai que le travail qui a été accompli depuis vingt ans et que les redéploiements auxquels il a été procédé ne se sont pas traduits par une baisse significative des services consulaires, dont le nombre est passé de 238 en 1987 à 233 en 2007. Pour autant, certains ont évolué, et nous devons là encore réaliser des évaluations.

Cela nous a néanmoins permis de renforcer les postes soumis aux plus fortes pressions : visas, nationalité, état civil en Afrique subsaharienne ou dans d'autres régions du monde. Vous avez évoqué l'inquiétude que vous inspire le consulat de Haïfa. Soyez persuadé que Bernard Kouchner et moi-même sommes très attentifs. Nous avons également renforcé les postes situés dans les pays émergents, la Chine et l'Inde, par exemple.

Dans ces zones prioritaires, des postes ont été créés, hors biométrie. Il n'y a donc pas de désengagement massif, ni en Europe ni dans le reste du monde.

La révision générale des politiques publiques nous permettra de cibler les villes dans lesquelles il est possible, tous services de l'État confondus, de rationaliser les moyens au profit de postes, ou de définition de postes. En effet, au-delà des personnes, il s'agit aussi de la définition des missions. Les consulats à gestion simplifiée pourraient nous permettre, en fonction de l'évolution de la pression, de nos intérêts, de notre rayonnement, de remédier à certains inconvénients que vous avez pointés.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse n'a pas dissipé mes doutes. Je continue de penser que les consulats à gestion simplifiée ne permettent pas vraiment de réaliser des économies. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Pour l'heure, il convient effectivement de réaliser un bilan.

Pour les communautés françaises, la vraie difficulté tient à la distance. Nous allons instituer les passeports biométriques, puis les cartes d'identité biométriques. Pour renouveler son passeport, un ressortissant français habitant Stuttgart devra faire deux heures de train pour se rendre à Munich, ville distante d'environ deux cents kilomètres, une première fois pour la prise d'empreintes, une seconde fois pour retirer le document. Pour ces communautés, cela fait partie de la vie courante.

Tant que nous ne serons pas parvenus à l'utilisation optimale du guichet d'administration électronique GAEL, qui existe déjà et regroupe un certain nombre d'applications - il en sera d'ailleurs question ce soir, au Sénat même, à l'occasion d'une audition sur les systèmes informatiques du ministère -, les Français seront obligés de se déplacer plusieurs fois.

Reste enfin un point sur lequel vous n'avez pas répondu : la concertation. Les choses iraient pourtant beaucoup mieux si le ministère des affaires étrangères abordait ces questions, informait de ses intentions, voire, j'ose cette idée, consultait les Français de l'étranger.

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, j'abonderai dans le sens de M. Yung en évoquant le cas de Haïfa, jumelée avec de nombreuses villes, dont Marseille.

La ville de Marseille, le conseil général et le conseil régional y ont construit, à l'époque, un centre franco-israélien qui porte le nom de Gaston Defferre et auquel, d'ailleurs, le Sénat avait également apporté sa participation financière.

Le ministère des affaires étrangères a envie, depuis longtemps, de fermer le consulat de France à Haïfa. Compte tenu de l'effort financier que la France a pu consentir dans cette ville, il serait tout de même surprenant que l'on mette ce projet à exécution.

Je vous serais très reconnaissant, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir veiller à ce point, en complément de la demande de M. Yung.

Maison de la francophonie

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, auteur de la question no 145, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

Mme Catherine Tasca. L'idée de regrouper dans un site unique appelé « Maison de la francophonie » toutes les institutions de la francophonie ayant leur siège à Paris, aujourd'hui dispersées dans sept lieux différents, a été lancée par le Président Jacques Chirac au sommet de Beyrouth d'octobre 2002. C'est à l'évidence une nécessité si l'on veut permettre à l'Organisation internationale de la francophonie, l'OIF, de remplir sa mission en pleine cohérence.

Pendant cinq ans, les services de l'État ont travaillé sur ce projet et ont finalement choisi un bâtiment situé avenue de Ségur et appartenant à l'État. Une convention avait même été signée avec l'OIF en 2006.

Il est très regrettable que, l'été dernier, sur l'avis de certains parlementaires amplifié par une campagne de presse, le Président de la République ait demandé au Gouvernement de retirer de l'ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement le projet de loi autorisant l'approbation de la convention portant sur la Maison de la francophonie, dont l'examen au Sénat était prévu le 30 juillet 2007. Cette décision tardive et surprenante s'est révélée dommageable pour un projet dont l'utilité ne peut pas être mise en doute.

À la fin de 2007, aucune décision ne semblait avoir été prise. Or c'est la parole de la France et la réalité de son engagement dans la francophonie qui sont en cause. Depuis quarante ans, il n'a pas été facile de bâtir un ensemble institutionnel francophone cohérent et efficace. Les conditions de cette cohérence sont enfin réunies grâce à l'action du secrétaire général, M. Abdou Diouf.

Monsieur le secrétaire d'État, jusqu'à quand le projet de la Maison de la francophonie peut-il être différé ? La France fait-elle encore de la francophonie un axe majeur de sa politique étrangère ? Comment justifier qu'un engagement international pris il y a un an et demi soit ainsi remis en cause ?

Dans le département des Yvelines, les populations originaires des pays francophones - Algérie, Mali, Maroc, Sénégal, mais aussi Roumanie, Vietnam - sont très nombreuses et attentives aux signes que donne la France à ses partenaires. Inquiètes de la politique d'immigration, elles doutent de la solidarité proclamée mais insuffisamment concrétisée.

Le retard apporté au projet de la Maison de la francophonie est forcément vécu par nos partenaires comme un recul. C'est la confiance de la communauté francophone, c'est-à-dire 55 États membres, 13 observateurs et 10 % de la population mondiale, qui s'en trouve entamée.

Monsieur le secrétaire d'État, où en est le projet, six mois après cet épisode qui jette toujours le doute sur la volonté du Gouvernement d'aboutir à une solution rapide ? Et, si solution nouvelle il y avait, pouvez-vous nous indiquer les conditions de sa mise en oeuvre ? Je rappelle en particulier que la convention signée en 2006 prévoyait une mise à disposition à titre gratuit pour une durée de trente ans renouvelable. Pourriez-vous alors garantir au moins la reprise de ces conditions ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, votre question arrive vraiment à point nommé compte tenu des évolutions qu'a connues ce dossier ces derniers jours.

L'idée que vous avez développée de regrouper à Paris, dans un site unique, les diverses institutions de la francophonie est partagée par tout le monde, aussi ne la reprendrai-je pas.

Rappelez-vous, en revanche, la polémique de l'été dernier ; dès ma prise de fonction, comme secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, j'ai été interpellé sur ce dossier par plusieurs sénateurs, en particulier par M. Gouteyron.

L'économie générale du projet initial, celui de l'avenue de Ségur, a été remise en cause à la fois par la création du nouveau ministère de l'écologie et du développement durable et par les surcoûts envisagés pour la décontamination du bâtiment, notamment en matière de désamiantage. Le Gouvernement a donc décidé, en juillet dernier, de retirer de l'ordre du jour du Parlement le projet de loi autorisant l'approbation de la convention portant sur la Maison de la francophonie.

À la même période, le 23 juillet 2007, le secrétaire général de la francophonie, le président Abdou Diouf, était reçu à l'Élysée. À cette occasion, le Président de la République lui a confirmé que l'engagement de la France relatif au regroupement à Paris des opérateurs et institutions de la francophonie dans une Maison de la francophonie serait tenu et a fait savoir qu'il confiait au Premier ministre le soin de trouver un autre lieu avant la fin de l'année 2007.

Le Premier ministre a ainsi chargé une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires étrangères d'étudier rapidement d'autres possibilités. Cette mission a travaillé vite et bien, ce qui lui a permis de remettre son rapport dès novembre dernier. Une réunion interministérielle a décidé le 21 décembre de prendre en compte de manière prioritaire l'une de ses propositions et de la soumettre à l'OIF pour recueillir son avis.

Il s'agit d'un ensemble immobilier sis au 19-21 avenue Bosquet, dans le VIIe arrondissement de Paris, qui, avec une surface utile brute de plus de 6 000 mètres carrés, présente l'avantage de correspondre aux besoins de la francophonie, d'être immédiatement libre et de ne nécessiter que de modestes travaux de rénovation et d'aménagement.

Le Président de la République a proposé ce projet au secrétaire général de la francophonie par courrier du 8 janvier. J'ai eu l'honneur de présenter personnellement à ce dernier les lieux, que nous avons visités ensemble le 31 janvier, c'est-à-dire la semaine dernière ; c'est pourquoi je soulignais, madame, que votre question arrivait à point nommé.

Le président Abdou Diouf a écrit le jour même au Président de la République afin de lui indiquer que cette offre répondait aux souhaits et besoins de l'OIF : « J'ai retenu de cette visite la meilleure impression en raison de l'emplacement central et prestigieux tout comme de la fonctionnalité des installations, susceptibles toutefois d'être améliorées pour répondre parfaitement aux besoins du projet. » Effectivement, nous avons vu ensemble les améliorations qu'il est possible, sans grands travaux, d'apporter à cet ensemble immobilier.

Le secrétaire général de l'OIF poursuit : « Permettez-moi, monsieur le Président de la République, de vous exprimer au nom de l'ensemble des États et des gouvernements notre très grande satisfaction pour ce choix qui illustre si bien l'engagement déterminé pour le projet francophone et votre volonté de soutenir une francophonie aussi ambitieuse qu'efficace.

« Des initiatives diligentes seront prises pour profiter pleinement des délais raccourcis et favoriser un regroupement de tous les services francophones disséminés dans la ville de Paris afin d'assurer une meilleure coordination et, par conséquent, une plus grande efficience de leurs actions ». Et le président Abdou Diouf termine sa lettre par un mot manuscrit extrêmement chaleureux.

Ainsi, le projet pourra être réalisé non seulement pour un coût très inférieur à celui de l'avenue de Ségur, mais aussi dans des délais sensiblement plus courts, c'est-à-dire avant la fin de l'année 2009 et non en 2010, monsieur Gouteyron, puisque nous avons eu un échange à ce sujet.

M. Adrien Gouteyron. Le Parlement a joué son rôle !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. L'engagement de la France pourra donc être tenu et une nouvelle convention sera signée à brève échéance entre la France et l'OIF. Un projet de loi tendant à autoriser sa ratification devrait être présenté sans difficulté au Parlement au printemps.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Je salue ce happy end d'un épisode qui avait été pour le moins troublant quant aux choix du Gouvernement concernant l'installation de l'OIF à Paris. Ne l'oublions pas, c'est un privilège pour notre pays que d'accueillir l'Organisation dans sa capitale !

J'ai bien noté le gain en matière de calendrier, puisque, c'est très important, tout devrait être prêt à la fin de 2009.

Mme Catherine Tasca. Je souhaite que cela se traduise aussi dans les faits.

Vous avez été moins précis sur le coût réel de l'opération, monsieur le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Et pour cause !

Mme Catherine Tasca. Aussi, je souhaite que le Parlement puisse en être informé dès que le programme précis des aménagements aura été établi.

Enfin, la superficie disponible dans le nouveau projet semble être sensiblement inférieure à celle qui avait été envisagée avenue de Ségur. Or le programme incluait dans la fonction du futur siège de l'OIF une dimension culturelle intéressante, grâce à un espace consacré à des conférences et des expositions.

Savez-vous déjà, monsieur le secrétaire d'État, si la configuration des locaux sur lesquels s'est porté le choix du Gouvernement permettra de maintenir ce type d'activités ? Il est très important pour les pays membres de la francophonie que le siège de l'Organisation soit non seulement une institution bureaucratique - même si les services et bureaux sont bien sûr nécessaires -, mais aussi un vrai lieu de rendez-vous, un point de rencontre pour tous ceux qui participent à la vie de l'Organisation internationale de la francophonie.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, il sera possible très rapidement d'organiser des expositions dans une salle prévue à cet effet, après quelques aménagements auxquels fait allusion le président Abdou Diouf dans sa lettre.

Quant au financement, il sera évidemment évoqué de manière transparente avant le débat parlementaire.

respect du principe de l'encellulement individuel

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 130, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Anne-Marie Payet. Ma question porte sur le respect du principe de l'encellulement individuel. Je souhaite attirer l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le phénomène de surpopulation carcérale qui existe dans les 192 prisons françaises, et qui devient de plus en plus inquiétant.

Le constat est sans appel dans les maisons d'arrêt, où, contrairement aux établissements pour peine, la règle de l'encellulement individuel est généralement détournée, ce qui revient à un durcissement tant des conditions de vie des détenus que des conditions de travail du personnel.

À la Réunion, le taux de surencombrement est particulièrement alarmant. Ainsi, le taux d'occupation est de 105 % pour la prison du Port, que j'ai visitée récemment avec beaucoup d'émotion, monsieur le secrétaire d'État, car j'ai rencontré ce jour-là de très jeunes adolescents, à peine sortis de l'enfance, qui avaient pour la plupart commis des crimes graves. J'ai pu discuter avec eux, et j'ai pu aussi apprécier la compétence et les grandes qualités humaines du personnel.

Ce taux d'occupation est de 174 % pour la maison d'arrêt de Saint-Pierre et de 212 % pour la maison d'arrêt de Saint-Denis.

Il est vrai que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 prévoit la création de 13 200 places nouvelles, ce qui devrait permettre de désengorger les établissements pénitenciers existants. De plus, l'engagement pris par le Président de la République durant la campagne présidentielle de ne mettre dans une seule place qu'un seul détenu a été clair.

Le Comité d'orientation que vous avez installé en juillet 2007 pour préparer la loi pénitentiaire a proposé le 22 octobre, entre autres mesures, une meilleure prise en compte de la préservation des liens familiaux, l'amélioration du respect des droits des détenus et, surtout, l'obligation pour les collectivités locales de créer des postes de travail d'intérêt général afin qu'il y ait des alternatives à la prison.

J'adhère totalement à ces propositions qui me semblent très importantes, mais j'aimerais savoir si, avec la surpopulation carcérale qui est constatée, les réformes à venir seront suffisantes pour garantir à coup sûr, et ce dans un délai raisonnable, le respect de la règle de l'encellulement individuel, comme le prévoit l'article 716 du code de procédure pénale ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Madame la sénatrice, vous avez appelé l'attention de Mme la garde des sceaux sur la question de la surpopulation et de l'encellulement individuel en prison.

J'apporterai tout d'abord une précision : la surpopulation carcérale ne concerne pas l'ensemble des établissements pénitentiaires. En effet, les établissements pour peine, c'est-à-dire ceux qui accueillent les détenus condamnés, ne connaissent pas de surpopulation. Seules certaines maisons d'arrêt sont confrontées à cette difficulté.

La principale réponse que nous devons apporter est la construction de places supplémentaires engagée depuis 2002 grâce à la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice prévoyant la réalisation de 13 200 nouvelles places de détention.

En 2012, la capacité d'accueil sera de 63 000 places, contre 50 693 au 1er janvier 2008. Il faut examiner cette question avec pragmatisme.

Les évolutions constatées, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne, laissent penser qu'il convient de réfléchir à une approche globale de la question de l'encellulement individuel. En effet, la prise en compte de l'intérêt des détenus peut conduire à écarter volontairement l'encellulement individuel. Dans le cadre de la prévention du suicide, la politique du suivi des primo-incarcérés proscrit leur encellulement individuel.

Par ailleurs, des impératifs de gestion peuvent conduire à écarter l'encellulement individuel, comme la prise en charge de complices dans une même affaire pénale ou une gestion des phénomènes de violence en détention

Il est aussi nécessaire de connaître la volonté réelle des détenus. Certains ne souhaitent pas être seuls en cellule et la mise en oeuvre d'une consultation des détenus sur leur demande en matière d'encellulement est à l'étude.

Mme la garde des sceaux présentera au Parlement, au printemps, le projet de loi pénitentiaire, qui permettra le renforcement des droits des personnes détenues et le développement des aménagements de peine.

Je souhaite enfin souligner les qualités des personnels de l'administration pénitentiaire qui exercent leurs fonctions avec professionnalisme et humanité.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien fait la différence, dans ma question, entre les établissements pour peine et les autres : j'ai dit que les premiers n'étaient pas concernés par la surpopulation.

Je vous remercie de vos réponses. En effet, trouver des alternatives à l'incarcération par la création de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, par exemple, et par les aménagements de peine est un moyen d'améliorer et d'humaniser les conditions de détention et peut-être même de donner une deuxième chance à ces personnes qui ont souvent la volonté de recommencer une nouvelle vie.

Réforme de la carte judiciaire en Savoie

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 144, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Thierry Repentin. Je souhaite appeler l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme de la carte judiciaire en Savoie. Alors que la réforme de celle-ci prévoit la suppression des tribunaux d'instance de Saint-Jean-de-Maurienne et de Moûtiers, je tiens à souligner la spécificité géographique du ressort du tribunal de grande instance d'Albertville qui s'étale sur deux vallées, la Maurienne et la Tarentaise, un secteur de montagne regroupant deux tiers des domaines skiables de notre pays, spécificité à laquelle s'ajoute, notamment, le contentieux avec l'Italie lié au droit des étrangers au point de passage de Modane-Fourneaux.

La suppression des tribunaux d'instance va accroître considérablement les distances et les temps de trajet des justiciables, alors même que ces justiciables sont souvent parmi les plus défavorisés de nos concitoyens, réalité qu'ont exprimée les élus de ces territoires, toutes tendances politiques confondues, à l'occasion d'une manifestation qui a eu lieu le 12 janvier dernier dans le chef-lieu d'arrondissement de la Maurienne.

La création putative d'une maison de la justice et du droit à Saint-Jean-de-Maurienne ne remplacera pas le tribunal dans ses missions. Dire le contraire serait se moquer des habitants, des professionnels de la sécurité et de la justice et des élus locaux.

Par ailleurs, les élus, le barreau et les fonctionnaires du tribunal de grande instance expriment leur totale incompréhension quant à l'absence de création d'un pôle d'instruction à Albertville, dès lors que le tribunal dispose de cinq parquetiers et de deux juges d'instruction, du fait du grand nombre d'ouvertures de dossiers, d'instructions et de leur complexité, de la présence de locaux adaptés à l'accueil de ce nouveau service et de l'activité économique toujours croissante du ressort, notamment en matière industrielle et touristique. Le tribunal pourrait également être renforcé par l'installation d'un juge pour enfants.

En matière pénale, le nombre de procédures annuelles s'élève à environ 20 000, ce qui est important.

De la même manière, compte tenu de la géographie montagnarde du ressort du tribunal d'Albertville, la décision de regrouper le contentieux commercial et le registre du commerce et des sociétés d'Albertville se traduira aussi par un éloignement du service, avec les dépenses supplémentaires inhérentes aux déplacements.

S'agissant du tribunal du conseil de prud'hommes d'Aix-les Bains, des propositions ont été faites afin de maintenir cette institution à Aix-les-Bains : élargissement du périmètre de la juridiction, fusion des conseils de prud'hommes d'Aix-les Bains et de Chambéry au sein de cette cité.

Dans ces conditions, je demande à Mme la garde des sceaux, avec conviction et solennité, de reconsidérer la réforme annoncée en prenant en compte la spécificité du ressort du tribunal d'Albertville, ainsi que celle des territoires de montagne, en l'occurrence la Maurienne et la Tarentaise, avant toute décision définitive qui se traduirait par un délitement du service public de la justice et un accès rendu plus difficile à ce service pour les populations des montagnes et des territoires ruraux concernés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité interroger Mme la garde des sceaux sur les conséquences de la réforme de la carte judiciaire dans le ressort du tribunal de grande instance d'Albertville et lui faire part de votre inquiétude quant aux conséquences des suppressions de juridictions pour l'accès des justiciables à la justice.

Je vous confirme que les deux tribunaux d'instance de Moûtiers et Saint-Jean-de-Maurienne seront, à compter du 1er janvier 2010, rattachés au tribunal d'instance d'Albertville.

En effet, le tribunal d'instance de Saint-Jean-de Maurienne est une juridiction de très faible activité : 255 affaires civiles nouvelles par an en moyenne sur 2004-2006, pour un niveau moyen d'activité, tous tribunaux d'instance confondus, de 615 affaires par an et par magistrat. Il compte parmi les 169 tribunaux dont l'activité ne justifie pas l'emploi d'un juge à plein temps.

Le tribunal d'instance de Moûtiers est également une juridiction de faible activité, avec 462 affaires civiles nouvelles par an en moyenne sur 2004-2006.

Dans ces conditions, la continuité du service, l'accueil du justiciable et la sécurité du tribunal ne peuvent être assurés de manière acceptable.

Par ailleurs, Mme la garde des sceaux a souhaité que les tribunaux d'instance représentent désormais une activité suffisante pour deux magistrats, afin de rompre l'isolement du juge. Il n'est en effet pas concevable que des juges d'instance, souvent nommés à la sortie de l'École nationale de la magistrature, soient seuls dans leur tribunal, sans possibilité d'échanges avec des magistrats plus expérimentés.

La réflexion qui a été menée a bien évidemment intégré les préoccupations d'aménagement du territoire. Le rattachement du ressort des tribunaux de Saint-Jean-de Maurienne et de Moûtiers au tribunal d'instance d'Albertville a tenu compte de l'accessibilité pour le justiciable. En effet, Moûtiers est distant de moins de trente kilomètres d'Albertville, soit un temps de trajet par voie express inférieur à trente minutes, et le tribunal d'instance de Saint Jean-de-Maurienne, éloigné de soixante et un kilomètres d'Albertville, est néanmoins distant de moins d'une heure de trajet par la voie express.

Dans ces conditions, l'accès à la justice dans le ressort du tribunal de grande instance d'Albertville n'est pas compromis pour le justiciable.

Par ailleurs, l'avis relatif aux modifications envisagées pour les conseils de prud'hommes, publié au Journal officiel du 22 novembre dernier, conformément aux dispositions des articles L. 511-3 et R. 511-1 du code du travail, ne fait pas état de modifications pour le département de la Savoie. Les conseils de prud'hommes d'Albertville, d'Aix-les-Bains et de Chambéry ne sont donc pas susceptibles d'être regroupés.

Par ailleurs, la compétence commerciale de vingt-trois tribunaux de grande instance sera transférée, à compter du 1er janvier 2009, aux tribunaux de commerce et le tribunal de commerce de Chambéry deviendra compétent pour le ressort du tribunal de grande instance d'Albertville.

S'agissant de l'instruction, la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, prévoit qu'à compter du 1er janvier 2010 toutes les affaires d'instruction seront confiées à un collège composé de trois juges d'instruction.

Aussi, la localisation des pôles de l'instruction a-t-elle d'emblée été faite dans la perspective de la mise en oeuvre de la collégialité à partir de 2010.

Dans le département de la Savoie, le tribunal de grande instance d'Albertville connaît, en matière d'instruction, une activité inférieure à celle de Chambéry.

En effet, le nombre d'ouvertures d'informations a été de 104 en 2004, 83 en 2005 et 113 en 2006, soit 300 au total, ce qui, à raison de soixante nouveaux dossiers par an et par juge d'instruction, représente un équivalent temps plein moyen annuel de 1,67 juge d'instruction.

Dans ces conditions, il a été décidé de localiser le pôle de l'instruction au tribunal de grande instance de Chambéry, dont l'activité en matière d'instruction représente un équivalent temps plein moyen annuel de 1,72 juge d'instruction.

Néanmoins, jusqu'au 1er janvier 2010, les affaires ne relevant pas de la compétence du pôle de l'instruction demeureront instruites par le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Albertville.

Par ailleurs, le tribunal correctionnel d'Albertville reste compétent pour juger les affaires qui seront instruites par le pôle de l'instruction de Chambéry.

En outre, la nécessité de créer un poste de juge des enfants à Albertville n'a pas été présentée aux services de la Chancellerie par les responsables de juridictions.

Enfin, une commission présidée par le secrétaire général du ministère de la justice et l'inspecteur général des services judiciaires est chargée de faire des propositions quant à l'évolution des maisons de justice et du droit.

C'est dans ce cadre que vos préoccupations en matière d'organisation judiciaire pour le ressort d'Albertville semblent devoir désormais s'inscrire.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Sur la forme, je tiens à dire une nouvelle fois ma complète déception s'agissant de l'attitude de Mme la garde des sceaux, qui devait venir nous annoncer ses décisions dans le département. Elle s'est arrêtée en cours de route à Lyon, considérant sans doute que délivrer son message à deux heures de Chambéry était une forme de courtoisie à l'égard des membres du barreau et des élus qui l'attendaient sur place, à Chambéry.

Elle n'est pas là ce matin ! Je ne peux que constater qu'elle est plus disponible pour des rendez-vous mondains ou des manifestations organisées par M. John Galliano que pour la représentation parlementaire.

Sur le fond, hélas ! les réponses que vous êtes chargé de m'annoncer, monsieur le secrétaire d'État, lui permettent de « botter en touche », si vous me permettez l'expression, mais le ballon revient toujours sur le terrain.

Là, nous sommes sur le terrain de la justice, et je ne comprends pas pourquoi à partir de 2010, date à laquelle cette réforme sera mise en place, dans notre pays, pour se rendre au tribunal, il faudra deux stations de métro dans certains départements, et deux heures de trajet dans d'autres. Les élus de ces derniers départements ne peuvent accepter cet état de fait !

Politique de prévention du suicide des jeunes

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, auteur de la question n° 121, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

M. Adrien Gouteyron. C'est aujourd'hui la journée nationale pour la prévention du suicide et ma question va traiter de ce grave et très douloureux sujet.

Mme Bachelot-Narquin participe ce matin même à un colloque sur ce problème et je comprends donc tout à fait qu'elle ne soit pas là. Mais vous avez qualité pour la remplacer, monsieur le secrétaire d'État, et vos responsabilités peuvent vous permettre, me semble-t-il, de me fournir quelques réponses.

Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de quinze à vingt-cinq ans : tous les ans - les chiffres sont dramatiques -, 40 000 adolescents attentent à leurs jours, soit 800 à 900 décès par an.

L'augmentation des tentatives de suicide authentifiées comme telles est très inquiétante. Selon une psychologue, sur une période de six à sept ans, chaque adolescent connaîtra un copain de son âge qui aura fait une tentative de suicide et parfois, hélas ! cette tentative aura abouti.

Près de 15 % des onze à dix-huit ans sont dans une situation de grande souffrance psychique, souffrance qui se manifeste par des addictions, des troubles du sommeil, l'absentéisme en milieu scolaire, la montée de la violence sur soi. Et pourtant, trop souvent, l'adolescent demeure « le grand oublié des politiques publiques ».

Le jeune entre deux âges est, en effet, trop rarement le destinataire de récents programmes spécifiques de prévention. Le dispositif psychiatrique et médico-social est souvent saturé et n'est pas en état de répondre à la demande.

Combien de parents sont habités par l'idée effroyable que leur enfant adolescent ou jeune adulte peut décider de mettre fin à ses jours ? Nous ne pouvons les laisser seuls avec leurs interrogations ou leur angoisse et dans le cas, hélas ! où l'irréparable a été accompli, avec leur terrible sentiment de culpabilité.

Face à ce fléau, quelles réponses donner à ces parents ? Quelles réponses peut apporter notre société au désarroi de ces jeunes ?

Trop souvent, le suicide ou les tentatives de suicide sont des sujets tabous ; ce fait est souvent dénoncé par les spécialistes.

En 2000, et pour cinq ans, la France s'est dotée d'un programme national de prévention du suicide mobilisant les centres hospitaliers et les associations. Les actions visent un dépistage des facteurs de risque et une meilleure connaissance des facteurs précurseurs de la crise suicidaire et de ses facteurs déclenchant. Pouvez-vous dresser un bilan de leur effet ?

Il est évidemment très important de renforcer la prise en charge des jeunes suicidaires ou en désarroi. On le sait, un jeune qui a tenté de se suicider répète parfois son geste, et cela aboutit trop souvent.

Pour ma part, j'ai eu l'occasion de connaître le désarroi de certains parents. Leur douleur est indescriptible. C'est ce qui m'a poussé à poser cette question, monsieur le secrétaire d'État. J'espère que la réponse sera à la hauteur de la gravité du sujet.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur la douloureuse question du suicide chez les jeunes. Elle m'a chargé de vous répondre.

À un âge où la mortalité pour des raisons de maladie est très faible, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de quinze à vingt-quatre ans, après les accidents de la circulation.

Selon les dernières évaluations publiées par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, en 2005, 567 jeunes sont morts par suicide. Ces chiffres sont à mettre en relation avec ceux de l'année 1993, au cours de laquelle 1 030 jeunes s'étaient suicidés.

Pour autant, on ne le redira jamais assez, le suicide des jeunes est inacceptable. De plus, le grand nombre de tentatives de suicide, notamment chez les jeunes filles, reste très préoccupant.

Le suicide est une cause de décès évitable.

Depuis 1998, les pouvoirs publics ont mis en place une politique de prévention du suicide. Plusieurs axes forts sont privilégiés.

Favoriser le dépistage de la crise suicidaire au travers d'action d'informations et de formation des professionnels en contact avec les jeunes, en particulier les enseignants.

Diminuer l'accès aux moyens létaux.

Améliorer la prise en charge des suicidants en développant des protocoles de prise en charge dans les établissements de santé.

Approfondir la connaissance épidémiologique du phénomène.

S'agissant plus particulièrement des jeunes, la stratégie nationale d'actions face au suicide a permis de développer des lieux d'accueil et d'écoute et de former différents intervenants auprès des jeunes, en particulier en milieu scolaire, pour le repérage et la prise en charge de la crise suicidaire.

Le ministère chargé de la santé a consacré près de 1,5 million d'euros au financement de cette stratégie entre 2000 et 2005, tandis que près de 20 millions d'euros ont été dépensés en région sur la période 2000-2004.

Par ailleurs, le plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 prévoit la création de lits d'hospitalisation à temps complet en psychiatrie infanto-juvénile. Les efforts en la matière seront poursuivis cette année. Ainsi, 21 millions d'euros seront affectés à l'amélioration des structures hospitalières et 46 millions d'euros de crédits supplémentaires seront destinés à la création de postes, en particulier en pédopsychiatrie.

Ils permettront notamment de développer des structures spécialisées dans la prise en charge des enfants et des adolescents.

Un nouveau plan national d'action face au suicide 2008-2012 sera présenté en 2008. Dans les prochaines semaines, Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports installera un comité de pilotage présidé par une personnalité reconnue, et ce afin d'élaborer, dans un cadre pluridisciplinaire, des axes et des mesures prioritaires sur le repérage, la prise en charge et la prévention du suicide, en particulier en faveur des jeunes.

Le rôle des maisons des adolescents est également important dans les dispositifs destinés aux jeunes les plus en difficulté. De telles structures permettent d'apporter des réponses adaptées à la situation de ces publics en mettant en place un espace qui leur est dédié, pour leur accueil, pour leur écoute et pour leur apporter des réponses de santé diversifiées et adaptées à leurs besoins et attentes. C'est pourquoi l'objectif d'au moins une maison des adolescents par département doit être mené à son terme.

Roselyne Bachelot-Narquin a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du rapport de la défenseure des enfants. Ses recommandations, notamment s'agissant de développement des maisons des adolescents et de la place des parents, sont examinées avec toute l'attention nécessaire à l'action publique en matière de santé des jeunes.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. J'ai noté avec satisfaction la volonté affirmée par le Gouvernement de lutter contre ce fléau. Je souhaite simplement que les crédits annoncés soient effectivement mobilisés et que les mesures envisagées soient réellement mises en oeuvre.

Je profite de l'occasion pour rendre hommage à l'action des élus locaux, en particulier des conseils généraux et des municipalités, qui prennent souvent en charge un tel problème en instituant des lieux d'écoute, car les jeunes ont besoin d'être écoutés. Je salue également le rôle important joué par les associations.

Pour que l'action publique soit réellement efficace, il est nécessaire que ces différents acteurs travaillent de manière coordonnée.

Le sujet est d'importance et il est normal que le Parlement en débatte de temps en temps.

pénurie de médecins en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, auteur de la question n° 139, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

M. Dominique Mortemousque. Selon le rapport sécurité sociale 2007 de la Cour des comptes, « la France souffre moins d'un manque de médecins que de leur répartition inadaptée [...] entre spécialités [...] et entre secteurs ». Le milieu rural connaît une inquiétante pénurie de médecins. Nombre de praticiens ne trouvent pas de successeurs et ferment leur cabinet à leur départ à la retraite.

Ce manque de médecins crée une véritable psychose dans nos campagnes et un grand nombre de personnes âgées sont angoissées par crainte de ne pas pouvoir être soignées.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour pallier ce déséquilibre de l'offre de soins et pour améliorer les conditions d'exercice des professionnels de santé en milieu rural ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu interroger Roselyne Bachelot-Narquin sur la répartition des médecins sur notre territoire. L'égalité d'accès aux soins représente en effet un enjeu majeur.

L'accès aux soins de premier recours, et en particulier au médecin généraliste, est un droit pour tous. Il n'est pas admissible que certains de nos concitoyens en soient exclus.

Ainsi que vous le rappelez, « la France souffre moins d'un manque de médecins que de leur répartition inadaptée sur le territoire » entre spécialités et entre secteurs, puisque la répartition sur le territoire est trop variable, et ce malgré un nombre important de professionnels de santé.

Effectivement, ce sont les zones rurales, mais également les zones périurbaines, qui souffrent le plus de cette situation. Elles doivent bénéficier de tous nos efforts pour améliorer l'accès à une offre de soins que Mme la ministre souhaite rénovée.

En effet, les mutations socioculturelles de notre société doivent trouver un écho dans une nouvelle organisation professionnelle respectueuse des fondements de notre système de santé et adaptée aux besoins de nos concitoyens.

C'est la raison pour laquelle Roselyne Bachelot-Narquin a demandé la mise en place des États généraux de l'organisation de la santé. Une première synthèse des travaux sera rendue le 8 février à Paris. Un certain nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont d'ailleurs participé à leur préparation. Je sais que Mme la ministre tient beaucoup à l'expression de vos avis au sein de ce débat.

En outre, et afin de prendre en compte la diminution de la démographie médicale dans les prochaines années, le numerus clausus des études médicales a été augmenté de 200 dès cette année, pour porter à 7 300 le nombre d'étudiants reçus en deuxième année de médecine.

Un rééquilibrage est notamment effectué en faveur des universités situées dans des régions sous dotées, comme le nord-ouest, le nord-est, l'ouest et les départements d'outre-mer. Dans les régions plus dotées comme le sud-est et l'Île-de-France, le numerus clausus n'augmente pas.

Par ailleurs, comme vous le savez, la proposition de loi relative aux personnels enseignants de médecine générale vient d'être adoptée par le Parlement, sur l'initiative du sénateur Francis Giraud. En permettant de consolider la structuration de la filière universitaire de médecine générale, ce dispositif contribue à la valorisation du métier de médecin généraliste.

Ces éléments seront complétés par les conclusions des États généraux de l'organisation de la santé et de la mission conduite par Gérard Larcher, que Mme la ministre attend pour la fin du mois de mars. En effet, les questions d'accès aux soins ne pourront trouver de réponses efficaces que par une meilleure complémentarité entre la ville et l'hôpital.

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

À l'occasion de l'examen de textes législatifs relatifs à l'aménagement du territoire, nous avons travaillé sur les possibilités de rendre fiscalement intéressante l'installation de médecins dans certaines zones moins attractives. Les résultats ne sont pas au rendez-vous !

J'espère que des solutions seront annoncées pour remédier à cet état de fait le 8 février prochain, car le problème est particulièrement préoccupant dans certains de nos territoires.

utilisation des défibrillateurs entièrement automatisés dans les lieux publics et responsabilité des maires

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 149, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme Patricia Schillinger. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur l'utilisation par le grand public des défibrillateurs entièrement automatisés. Alors que seuls les professionnels de santé étaient habilités à s'en servir, le décret n° 2007-705 du 4 mai 2007 autorise désormais « toute personne, même non-médecin » à les utiliser.

En France, 40 000 à 60 000 personnes décèdent chaque année à la suite d'un arrêt cardio-respiratoire, soit près de 200 morts par jour.

L'installation des défibrillateurs est un projet ambitieux, car il permettra de sauver de nombreuses vies.

En effet, en France, le taux de survie est estimé entre 2 % et 4 % seulement, contre 20 % à 50 % aux États-Unis ou dans les pays anglo-saxons, où les défibrillateurs sont à la disposition du grand public. Cette expérience a pu démontrer l'efficacité de tels appareils et, par conséquent, la pertinence de les installer également en France.

Une mise en place encore timide de ces défibrillateurs cardiaques est en cours dans nos villes et nos villages, dans les lieux accueillant du public, notamment les centres-villes et les équipements publics, par exemple les salles de sport ou de spectacle.

Présentés sous la forme d'appareils portables, les défibrillateurs sont extrêmement sûrs et ne se déclenchent qu'en cas de nécessité. Par ailleurs, ils n'entraînent aucune nouvelle complication.

De plus, l'appareil « parle » pour informer les utilisateurs, puis délivre un choc électrique dit « défibrillation ». Ce système doit être utilisé très rapidement pour être efficace.

Selon la Croix-Rouge, la défibrillation doit être réalisée dans les cinq premières minutes suivant l'accident, alors que le délai d'intervention des urgences est en moyenne de sept à neuf minutes. Sachant qu'une seule minute de perdue représente 10 % de chance de survie en moins, on comprend l'urgence d'installer de tels appareils à des endroits visibles et accessibles.

S'agissant du choix des lieux d'installation des appareils dans les communes, compte tenu de leur expérience en la matière, le SAMU et les pompiers sont les interlocuteurs les plus qualifiés pour désigner aux collectivités locales les endroits les plus appropriés.

Cette mesure, qui concerne le grand public, doit obligatoirement s'accompagner de l'apprentissage des gestes de premiers secours. Il est impératif de prévoir cette formation dans les écoles, les collèges, les lycées et les centres de formation, afin de sensibiliser les jeunes aux gestes adaptés pour porter secours.

Dans ce cadre, qu'en est-il de la formation aux gestes de premiers secours et à l'enseignement des règles générales de sécurité ? Pour que ces appareils soient véritablement efficaces, est-il envisagé d'imposer cette formation en l'intégrant dans le programme scolaire de l'année 2008-2009 ?

Aujourd'hui, il est opportun d'anticiper la question de la responsabilité du maire.

En cas de décès brutal par arrêt cardiaque, la famille du défunt pourrait-elle présenter un recours contre le maire de la commune si elle estime n'avoir pas eu toutes les informations relatives aux lieux d'installation du matériel et aux gestes de secours à effectuer ?

Cette interrogation implique une question plus générale. Le maire peut-il juridiquement être tenu à une obligation de moyens ? En d'autres termes, peut-il être poursuivi si sa commune n'a pas investi dans l'achat de ce type d'appareil ?

Vu le coût non négligeable de ces appareils, les possibles actes de vandalisme et malgré les opérations de lobbying effectuées auprès des collectivités locales, il semble tout à fait illusoire d'imaginer qu'il y aura, au moins dans les cinq prochaines années, des défibrillateurs dans les communes les plus retirées et les plus pauvres.

Enfin, peut-on imaginer que, dans les zones les plus touristiques, l'utilisateur qui ne comprend pas la langue des ordres dictés par l'appareil pourra poursuivre l'élu de la commune et le tenir pour responsable ?

Monsieur le secrétaire d'État, face à une société de plus en plus procédurière et pour éviter toute action judiciaire abusive à l'encontre des maires, pouvez-vous préciser le cadre juridique relatif à la responsabilité de l'élu dans l'installation généralisée des défibrillateurs dans les communes ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Madame la sénatrice, l'accident cardio-circulatoire entraîne chaque année en France le décès d'environ 50 000 personnes.

Parmi les accidents qui interviennent en dehors d'un établissement de santé, 10 % à 30 % surviennent sur la voie publique et 1 % à 2 % se produisent au travail ou sur des lieux sportifs. Le nombre de décès de jeunes sportifs dans ces circonstances est de 300 à 400 par an. L'usage, dans les premiers instants de l'arrêt cardiaque, des défibrillateurs bénéficie aux arrêts cardiovasculaires dus à une fibrillation ventriculaire, ce qui représente 40 % de ces arrêts.

Jusqu'à présent, seuls les professionnels de santé étaient habilités à utiliser un défibrillateur externe. Un décret publié au mois de mai dernier autorise toute personne, même non-médecin, à utiliser les défibrillateurs automatiques ou semi-automatiques.

Il est nécessaire de rappeler que l'utilisation d'un défibrillateur externe ne doit en aucun cas retarder l'utilisation du massage cardiaque externe, de même que l'appel au centre 15 et l'intervention des équipes médicalisées de secours.

Cette mesure a été engagée par le ministère chargé de la santé, en concertation avec les professionnels de l'urgence et avec les collectivités locales qui ont la charge de mettre à disposition du public ces matériels.

Il est conseillé que ces matériels soient disposés dans les lieux publics de grand passage, notamment les gares, les galeries marchandes, les rues commerciales, les stades sportifs accueillant un grand nombre de spectateurs. Les communes doivent cependant pouvoir choisir les lieux d'installation les plus adaptés aux configurations locales en lien avec les équipes de secours habituées à traiter ces accidents, afin d'optimiser l'utilisation de ces appareils.

Il est également prévu une remontée d'informations sur les conditions et les modalités d'utilisation des défibrillateurs externes à partir d'une fiche de saisine qui devrait être commune à toutes les équipes de secours. Ces données devraient permettre de disposer de données fiables sur l'utilisation de ces appareils, l'intervention des secours ainsi que le devenir des patients. Cette remontée d'informations devrait également permettre d'adapter et de compléter, si nécessaire, les mesures déjà adoptées et les actions entreprises.

Outre l'engagement fort du ministère dans cette action de santé publique, la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports a décidé d'aider les clubs sportifs à acquérir ce matériel en participant à leur financement à hauteur de 50 %. Mme Bachelot-Narquin a également décidé d'acheter 50 défibrillateurs pour l'équipement des principales administrations, pour un coût total de plus de 2 millions d'euros.

Les services du ministère de la santé sont en outre en train de travailler sur certains aspects juridiques de la mise en place de ces défibrillateurs. Cependant, l'acquisition d'un défibrillateur, bien que très fortement recommandée, n'étant pas une obligation légale, un maire ne saurait être poursuivi pour défaut d'équipement en cas d'absence de défibrillateur dans sa commune.

Parallèlement à l'extension de l'implantation des défibrillateurs, une action de formation a été mise en place dans les écoles, les collèges et les lycées, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, la sécurité civile et les centres d'enseignement des soins d'urgence. Cette formation se met progressivement en place dans les programmes scolaires, depuis 2006.

L'ensemble de ces mesures devrait, à termes, porter ses fruits et rehausser la France au niveau des pays anglo-saxons, en avance sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. M. le secrétaire d'État a répondu à quelques-unes de mes questions, mais je voudrais surtout souligner l'urgence de la mise en oeuvre du dispositif, compte tenu du retard que nous avons pris.

Je me permets donc d'interpeller M. le Président de la République, afin que ce projet devienne européen. Il importe vraiment que chaque commune, en Europe, dispose d'un lieu - la mairie, le centre de secours, les pompiers - où ce matériel est disponible. Dans un souci d'efficacité, chaque citoyen doit savoir, quand il déménage, qu'un appareil est accessible.

Certaines petites communes touristiques, qui comptent, par exemple, des fermes auberges, doivent aussi pouvoir offrir la possibilité d'être secouru. L'égalité entre les communes doit se retrouver à tous les niveaux, en termes financiers, de territoire et de formation, en particulier dans les écoles.

Cela fait des années que nous parlons de secourisme : là, nous pouvons vraiment nous en donner les moyens !

Mise en place d'un service minimum dans les écoles maternelles et élémentaires

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, auteur de la question n° 146, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Pierre Martin. Ma question concerne la mise en place du service minimum d'accueil, le SMA, à l'école primaire en cas de grève des enseignants.

Le SMA me paraît une bonne mesure, plébiscitée par l'opinion puisqu'elle suscite l'adhésion de 83 % des parents. Elle devait se concrétiser le 24 janvier dernier, journée au cours de laquelle il y a eu un peu plus de 34 % de grévistes.

À cette occasion, il était question non pas, bien évidemment, de remettre en cause le droit de grève, mais de mieux prendre en compte le droit au travail des parents. En cas de grève, en effet, les enfants reviennent à la maison et la liberté de travail des parents est mise en cause.

Concernant les jours de grève, monsieur le ministre, je sais que l'accueil est obligatoire au lycée et au collège, mais je n'en ai pas eu la confirmation pour l'école primaire. Je souhaiterais que vous puissiez nous le préciser, car il me semblait que l'accueil des enfants devait également y être prévu.

Par ailleurs, les journées de grève ont des conséquences indirectes sur les transports scolaires. À quoi servent-ils si les enfants restent chez eux ? Il faut savoir que, dans le département de la Somme, une journée de transport coûte 100 000 euros. Vous imaginez ce que cela représente à l'échelon de la France !

Concernant l'accueil dans les écoles primaires, il va de soi que les parents doivent être informés en cas de grève. Il arrive que l'information ne circule pas et que les parents ne sachent même pas si les enfants doivent ou non se rendre à l'école. Dans ce cas-là, ils appliquent en quelque sorte le principe de précaution et gardent les enfants. Comment gérer cette information ?

Les mairies ne sont pas informées de la participation des maîtres à une journée de grève. Comment, dans ces conditions, peuvent-elles organiser le SMA ?

Je voudrais en outre souligner que les possibilités d'accueil sont très différentes d'un endroit à l'autre. C'est la raison pour laquelle seules 10 % des communes ont expérimenté le système ; elles s'interrogeaient et elles s'inquiétaient.

Les situations sont très diverses : dans un groupe scolaire, tous les maîtres peuvent faire grève, une partie seulement, ou bien aucun...

Il y a surtout une disparité entre les milieux rural et urbain. Dans les villes, il existe des organisations qui accueillent les enfants le soir, pendant les vacances. Celles-ci disposent donc de locaux pour les CLSH, les centres de loisirs sans hébergement, c'est-à-dire pour les activités périscolaires. Il y a aussi des garderies, dont les communes rurales sont parfois dépourvues. Alors, comment faire ?

Faute de locaux pour accueillir les enfants, on ne peut se reporter que sur les locaux existants, c'est-à-dire les classes. Or ce n'est pas sans semer une certaine zizanie, puisque certains maîtres sont très opposés à la venue de quelqu'un d'autre dans leur classe, où tout est soigneusement rangé. Là aussi, c'est un véritable problème.

Concernant les regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI, et les regroupements pédagogiques concentrés, les RPC, il va de soi qu'il faut prévoir le repas de midi. Comment faire pour que les enfants soient accueillis au mieux si les fonctionnaires de la cantine font grève ?

Enfin, je voudrais aborder la question du transfert de compétences aux communautés de communes. Ce transfert peut être total, ou concerner uniquement le fonctionnement. Dans le cas d'un transfert partiel, il peut se produire un conflit entre la communauté de communes et la commune au sujet de l'utilisation des locaux de l'école dans le cadre du SMA.

Vous le voyez, monsieur le ministre, la mise en oeuvre du service minimum d'accueil pose un tas de problèmes ; j'espère que vous leur apportez une réponse.

Le dernier point que je souhaitais aborder, c'est la responsabilité des maires. Nombre d'entre eux se sont posé la question. En effet, il suffit qu'un but soit mal arrimé et, en cas d'accident, c'est le maire qui est responsable. On peut imaginer que, ces jours-là, se produisent des incidents ou des accidents : quelle sera alors la responsabilité du maire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Martin, vous êtes parfaitement habilité à nous interroger sur les écoles, puisque vous fûtes vous-même un brillant directeur d'école.

C'est l'occasion de rappeler l'intention du Gouvernement sur le service minimum d'accueil, mais aussi de répondre aux problèmes réels que vous avez posés, qui pourraient faire l'objet de contentieux si l'on n'y prenait pas garde.

D'abord, rappelons ce qu'est le service minimum d'accueil : c'est une nouvelle liberté que l'on donne aux familles, un nouveau droit, au fond, pour que, pendant l'exercice du droit de grève, que nous ne discutons pas, les usagers du service public ne soient pas pénalisés.

Le test qui a été effectué le 24 janvier dernier a surtout bénéficié aux familles les plus modestes : les familles monoparentales ou celles qui ne peuvent pas payer une nounou pour garder leurs enfants. Le service minimum d'accueil a donc bien un caractère de justice sociale.

Le dispositif a été expérimenté par 2 067 communes, ce qui représente près de 9 millions d'habitants, soit 30 % des villes de plus de 100 000 habitants. Dans votre département de la Somme, monsieur le sénateur, 49 communes l'ont mis en place.

Vous posez la question de l'obligation faite aux directeurs d'école d'accueillir les enfants en cas de grève. Cette obligation résultait d'une circulaire du 26 mars 1981. Je pourrais dire qu'il s'agit d'une « disposition martyre », puisque, en juin 1981, quelques mois après sa parution - vous vous souvenez sans doute qu'il s'est passé quelque chose à cette période (Sourires) -, la nouvelle majorité socialiste l'a abrogée.

Vous me demandez comment le maire pourrait être certain de la qualité des personnels qu'il emploie pour l'accueil des enfants. Je vous réponds : de la même manière qu'il s'assure de la qualité des animateurs de centre de loisirs ou des surveillants d'études que certaines communes embauchent pour s'occuper des enfants.

Le financement apporté par l'État, qui s'élève à 15 euros de l'heure pour un groupe de 10 à 15 élèves, permet à la commune de faire appel à du personnel compétent, puisqu'il sera bien rémunéré, soit à du personnel municipal, si elle le souhaite, soit à des agents spécialement recrutés à cette fin sous sa propre responsabilité.

Vous soulevez la question classique, mais pas toujours évidente, de la responsabilité des maires durant les heures d'accueil des enfants. Cette question se pose et se résout dans les mêmes termes que pour les locaux que les enfants fréquentent avant ou après la classe lorsque la commune organise un accueil hors temps scolaire. Il n'y a donc pas de différence, sauf que, en l'occurrence, la durée d'accueil est plus longue et qu'elle concerne plus de monde.

Enfin, vous souhaitez savoir, ce qui montre là aussi le spécialiste, qui de la communauté de communes ou de la commune responsable des locaux, surtout lorsqu'il y a des regroupements pédagogiques intercommunaux, est responsable en cas de divergence sur l'opportunité d'appliquer le service minimum d'accueil. Je vous répondrai que, lorsque les maires sont décidés à appliquer le SMA, ils sont autorisés à organiser cet accueil dans tout autre bâtiment de leur commune, donc dans des bâtiments qui ne dépendent pas de la communauté de communes ou d'un regroupement intercommunal quelconque.

Je crois avoir répondu aux quelques points litigieux que vous avez soulevés. Je le répète, le service minimum d'accueil a reçu une réponse très favorable de l'opinion : 72 % des électeurs souhaitent que leur maire le mette en place. Il est important de le rappeler, surtout en cette période ... (Sourires.)

Je pense que ce dispositif entrera dans les moeurs et aura vocation à se généraliser, mais il nous faudra rester vigilants et prendre les précautions que vous avez rappelées.

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses aux différents points que j'ai abordés. Je reste néanmoins sceptique en ce qui concerne la qualification des personnels.

Lorsqu'une commune organise des CLSH, c'est pendant les vacances. Le personnel est donc généralement composé d'étudiants, qui ne sont donc pas disponibles les jours de grève.

Si pour garder des enfants trois heures le matin et trois heures l'après-midi, le personnel n'a pas une certaine qualification, que deviendra cette garderie ? Car il ne s'agit pas de laisser tout simplement les enfants jouer dehors pendant cette journée !

C'est pourquoi, vous avez raison, il y a lieu de se pencher sur le sujet. De votre côté comme du nôtre, la réflexion conduira certainement à trouver les bonnes solutions afin que cet accueil permette la liberté de travail des parents.

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Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Monsieur le président, lors du scrutin public à la tribune sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution intervenu hier à Versailles, à la suite d'une erreur matérielle, deux de nos collègues, MM. Henri Revol et Henri de Richemont, ont été portés comme n'ayant pas pris part au vote, alors qu'ils désiraient voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Martin.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Michèle André.)

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Mise au point au sujet d'un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Hier, lors du Congrès, M. François Vendasi a voté par procuration.

Il a été comptabilisé comme ayant voté pour le texte alors qu'il souhaitait voter contre.

Je souhaite donc que son vote soit rectifié.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, monsieur de Montesquiou.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
Discussion générale (suite)

Sécurité des manèges

Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
Article 1er

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction (nos 136, 162).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le 30 octobre dernier, ici même, je remerciais M. le rapporteur de l'intérêt et de la pertinence de sa proposition de loi, destinée à renforcer la sécurité des manèges et attractions, et donc à préserver la santé des personnes qui viennent se divertir dans les différents parcs de loisirs.

Votre assemblée avait adopté à l'unanimité un texte très proche de cette proposition et l'avait enrichi par des amendements importants.

Je remercie la Haute Assemblée d'avoir accepté d'examiner ce texte une seconde fois si peu de temps avant la suspension de ses travaux. J'en sais gré tout particulièrement au président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, et à son rapporteur, Pierre Hérisson. C'est la preuve de l'intérêt que vous portez à ce texte très important pour la sécurité de nos concitoyens.

Je rappelle que cette proposition de loi vise à renforcer la sécurité des manèges, machines et autres installations pour fêtes foraines et parcs d'attractions en créant une obligation de contrôle technique périodique de ces matériels, qu'ils soient neufs ou déjà en exploitation, par des organismes indépendants et compétents agréés par l'État.

C'était la volonté que vous aviez exprimée lors de la première lecture de ce texte et les députés ont approuvé le dispositif le 12 décembre dernier.

Les députés ont également souhaité apporter quelques amendements de précision visant, notamment, pour tenir compte de la diversité des matériels et des conditions d'exploitation, à poser à l'article 2 le principe d'un contrôle technique effectué par l'entité la plus compétente pour y procéder : un organisme agréé par l'État ayant le rôle de le vérifier, c'est-à-dire de valider la pertinence et la qualité de ce contrôle technique.

Cette possibilité, mesdames, messieurs les sénateurs, ne sera en aucun cas de nature à diminuer le niveau de sécurité que nos concitoyens sont en droit d'attendre des matériels mis à leur disposition pour se divertir.

Par ailleurs, un amendement voté par l'Assemblée nationale vise à prévoir que le Gouvernement adresse annuellement au Parlement un rapport sur l'accidentologie dans les fêtes foraines et les parcs d'attraction.

Cette disposition, qui fait l'objet de l'article 2 ter, permettra de mesurer l'efficacité du dispositif législatif et réglementaire que vous avez souhaité mettre en place, monsieur le rapporteur.

Comme vous le voyez, c'est un texte répondant bien à votre volonté initiale de renforcer la sécurité des consommateurs qui revient devant vous cet après-midi.

Il précise le dispositif, notamment sur les deux points que je viens d'évoquer.

Un vote conforme de votre part nous permettrait de prendre dans les meilleurs délais les mesures, décrets et arrêtés, d'application de ce texte, de façon à rendre le dispositif immédiatement opérationnel.

Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre concours sur cette proposition de loi déposée par M. le sénateur Pierre Hérisson, que vous avez su enrichir et rendre directement applicable, dans l'intérêt de l'ensemble des consommateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 30 octobre dernier, nous adoptions la proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction, dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur.

Au delà des opinions et des tendances politiques, ce texte avait réussi à emporter l'unanimité de la Haute Assemblée, ce dont je me félicite. Nous pouvons tous être heureux de cette situation.

Pour la première fois dans notre pays, un cadre légal va réglementer spécifiquement l'exploitation des attractions foraines et des parcs de loisirs, et confier à des organismes indépendants et agréés par l'État le soin de vérifier ou d'effectuer eux-mêmes des contrôles techniques périodiques permettant de garantir la sécurité de ces machines pour des utilisateurs qui sont - faut-il le rappeler ? - toujours plus nombreux et amateurs de sensations de plus en plus fortes.

Nous nous retrouvons aujourd'hui pour la deuxième lecture de ce texte, après son adoption le 12 décembre dernier par nos collègues de l'Assemblée nationale.

Permettez-moi de saluer les apports significatifs des députés, qui s'inscrivent, d'ailleurs, dans le droit-fil des travaux ayant abouti à la présentation de cette proposition de loi.

Les modifications rédactionnelles et les compléments introduits n'ont pas remis en cause l'économie générale du texte qui comprend, désormais, cinq articles, contre quatre initialement adoptés par le Sénat.

S'agissant de l'article 1er, les députés ont adopté un amendement visant à éviter que les exploitants de manèges ne soient déclarés responsables pour la conception et la fabrication des matériels.

Cette précision, selon laquelle les manèges doivent être conçus, construits, installés, exploités et entretenus de façon à « présenter » et non pas à « assurer » la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, me paraît être de nature à permettre une prise en compte équitable de la responsabilité de chacun.

Cette formulation, qui reprend les termes mêmes de l'article L. 221-1 du code de la consommation, apparaît ainsi préférable en ce qu'elle aligne le régime applicable aux exploitants de manèges sur le régime général.

Concernant l'article 2, qui est, me semble t-il, le point phare de cette loi puisqu'il vise à instituer des contrôles techniques obligatoires et réguliers, nos collègues de l'Assemblée nationale ont voulu élargir les modalités de ces contrôles en posant le principe d'un contrôle technique effectué par l'entité la plus compétente pour y procéder, doublé, en tout état de cause, d'une validation de ce contrôle technique par des organismes agréés par l'État, conformément à ce que vous aviez souhaité, monsieur le secrétaire d'État.

Je suis tout à fait favorable à cette formulation, ayant pu constater moi-même, lors d'un déplacement dans un parc de loisirs bien connu de Marne-la-Vallée, que les équipes de contrôle et sécurité des attractions étaient tout aussi compétentes que la plupart des bureaux indépendants.

J'en viens à l'article 2 bis qui, je le rappelle, a été introduit à la suite d'un amendement déposé par notre collègue Jean-Marc Pastor, avec avis favorable de la commission des affaires économique ; il vise à instituer une obligation d'information de l'usager sur le contrôle technique des équipements.

Les députés l'ont modifié par un amendement de coordination ainsi que par un amendement de précision. Ils ont, en effet, rappelé que l'obligation d'affichage incombant à tout exploitant doit concerner l'ensemble des lieux susceptibles d'accueillir des attractions.

Par ailleurs, les termes d' « organisme de  contrôle technique » se substituent à ceux d' « organisme certificateur ». J'estime qu'il s'agit là d'une précision rédactionnelle d'importance, puisque la certification n'a pas la même portée juridique que le contrôle technique, la première procédure étant plus adaptée au domaine industriel ou à la fabrication qu'à l'exploitation des manèges.

L'article 2 ter est un article nouveau, introduit à l'Assemblée nationale par un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Bernard Gérard, et adopté à l'unanimité.

Il vise à prévoir le dépôt d'un rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur l'accidentologie dans les fêtes foraines et les parcs d'attraction. Je ne peux que me féliciter de cette initiative qui, à l'évidence, sera l'occasion de renforcer l'information de la représentation nationale sur un secteur qui attire des millions de Français chaque année.

L'article 3, enfin, qui vise à prévoir l'intervention d'un décret en Conseil d'État pour préciser le dispositif légal, a fait l'objet d'un vote conforme par nos collègues de l'Assemblée nationale.

Je veux profiter de votre présence, monsieur le secrétaire d'État, pour obtenir votre engagement, devant notre assemblée, de prendre le plus rapidement possible les dispositions réglementaires qui s'imposent afin que le nouveau dispositif entre en vigueur avant l'été prochain.

Cet engagement est non seulement attendu par les professionnels forains et les exploitants des parcs de loisirs, mais également par les usagers, toujours plus nombreux, pour qui la fête foraine doit rester un lieu de divertissement et de loisir, dans des conditions de sécurité optimales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec l'examen du projet de loi sur la sécurité des manèges, nous avons pu constater avec plaisir que le Parlement pouvait encore - une fois n'est pas coutume ! - travailler dans de bonnes conditions.

En effet, nous avons eu accès au rapport dans des délais plus que raisonnables, l'urgence n'a pas été déclarée et la commission des affaires économiques a eu la grande amabilité de nous fournir les documents nécessaires à la formation de notre jugement, notamment sur le contenu des normes de sécurité.

Il est vrai que cinq minutes pour exprimer la position de mon groupe sur le sujet, ce n'est pas grand-chose. Mais tout est relatif quand on sait que nous n'avons pas bénéficié d'une minute de plus, hier, au congrès de Versailles, sur un sujet beaucoup plus controversé !

Sur le fond, ce texte, qui vise à créer un cadre légal pour réglementer l'exploitation des attractions foraines et des parcs de loisirs, a largement bénéficié de sa préparation en amont par l'Association des maires de France, le groupe de travail « Fêtes foraines » et les forains eux-mêmes.

Ce travail préparatoire a débouché le 17  août dernier sur la signature d'une convention sur la sécurité des manèges regroupant les professionnels, les organismes de contrôle, les maires et les ministres concernés.

Le texte a été sensiblement enrichi par les députés, qui ont déposé et adopté un certain nombre d'amendements visant à tenir compte de la diversité des équipements auxquels s'appliquent les contrôles ou à renforcer les garanties afférentes à ces derniers.

Aujourd'hui, la commission des affaires économiques, saluant le travail accompli, nous propose de voter ce texte en l'état, ce que nous ferons.

Cela étant, j'aimerais, sans vouloir troubler ce tableau idyllique, faire quelques remarques.

Tout d'abord, si le texte pose le principe de l'obligation de contrôles techniques initial et périodiques, s'il prévoit que ces contrôles, à la charge des exploitants, devront être effectués par des organismes agréés par l'État, indépendants des exploitants, afin d'éviter au maximum les collusions d'intérêts dans la profession, il reste que le contenu des exigences de sécurité relève d'un décret en Conseil d' État. Se pose, dès lors, la question de la teneur de ces contrôles. Cette question est d'autant plus légitime que le texte européen de référence en la matière, la norme NF EN 13814, a évolué vers une harmonisation par le bas.

Ensuite, je tiens à rappeler que cette nouvelle réglementation serait totalement inutile si les moyens, en termes de personnels et de qualification, ne l'accompagnaient pas.

Or, nous savons que les maires n'ont pas la compétence technique pour effectuer le contrôle des installations et des terrains. La direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, la DGCCFR, rencontre les mêmes difficultés techniques ; en outre, elle est confrontée à des contraintes liées au manque de personnel pour répondre aux missions qui lui sont confiées par le code de la consommation.

Un amendement, rejeté par la majorité parlementaire à l'Assemblée nationale, apportait un début de réponse aux problèmes que peuvent connaître un certain nombre de maires, dans des communes de petite taille, pour remplir ce devoir de sécurité qui est le leur en ce qui concerne les manèges et les équipements. Il avait pour objectif de leur ouvrir la possibilité de requérir une visite de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité avant toute mise en oeuvre ou lors de l'exploitation des machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction, ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation.

Enfin, si la proposition de loi prévoit les dispositions nécessaires afin que des organismes indépendants et agréés par l'État exercent ce contrôle, nous savons que celui-ci demande un savoir-faire spécifique. Je pose donc de nouveau la question : à qui va-t-on confier ce contrôle, si ce n'est à d'anciens professionnels, d'anciens forains ?

Ces remarques faites, comme je vous l'ai annoncé il y a quelques instants, les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront pour la proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, fête foraine de Lille, parc de loisirs Nigloland dans l'Aube, fête foraine de Creil, fête du parc Saint-Paul, parc Astérix, fête des Loges, nombreux sont les lieux de fête et de loisirs qui connaissent des accidents parfois dramatiques, comme celui qui a coûté la vie à un père et son fils l'été dernier à Saint-Germain-en-Laye.

Cette actualité a motivé la présente proposition de loi, dont nous entamons aujourd'hui la deuxième lecture et qui a pour objet d'introduire une base légale à la réglementation régissant l'activité des parcs d'attraction et des fêtes foraines.

Jusqu'à aujourd'hui, dans notre pays, la sécurité des installations de manèges reposait sur les mesures volontaires initiées par les professionnels en coordination avec les pouvoirs publics. En cas d'insuffisance avérée, le maire disposait du pouvoir d'interdire l'exploitation d'une installation. De fait, de tels arrêtés étaient très rares, non que la sécurité des manèges soit partout optimale, mais parce que, surtout, les maires ne disposaient pas forcément de l'ensemble des éléments leur permettant de prendre une décision sereine.

On imagine, en outre, combien la pression pouvait être grande sur un maire quand il devait peser le pour et le contre avant d'arrêter une décision lourde de conséquences économiques, mais aussi sociales et politiques : en effet, annuler une fête foraine ou l'installation d'un forain dans une ville ou un village n'est pas chose facile.

L'Association des maires de France s'était depuis longtemps manifestée pour que les maires disposent de moyens plus performants et du soutien des services compétents de l'État afin de les aider dans leurs tâches de contrôle. De discussions en protocoles, les maires s'étaient déclarés satisfaits des avancées obtenues l'été dernier, notamment, dans ce domaine.

Mais, derrière tout cela, se profile aussi une volonté d'affichage du Gouvernement, ce que l'on peut d'ailleurs comprendre. C'est ainsi que vous avez décidé, l'année dernière, d'inscrire dans la loi un mécanisme qui, finalement, ne devait pas forcément y figurer. Mais, en France, on le sait, la loi « parle » au peuple ; sans loi, point de crédibilité. Elle a, d'ailleurs, tendance à devenir un instrument au service de la communication plutôt qu'au service du droit.

En fait, vous auriez pu simplement vous appuyer sur la DGCCRF pour que soit respectée l'obligation générale de sécurité définie à l'article L. 221-1 du code de la consommation. Vous auriez pu aussi décider de rendre obligatoire la norme européenne 13 814 « machines et structures pour fêtes foraines », homologuée en France le 17 septembre dernier, par simple décret. Mais ces décisions, d'ordre réglementaire, sont incontestablement moins lisibles, moins visibles et moins médiatiques qu'une loi !

Puisque nous y sommes, monsieur le secrétaire d'État, pour assurer vraiment la sécurité des manèges, il eût été logique de rendre obligatoire la norme 13 814. Mais vous avez choisi la loi et nous devons, au moins, la faire bien.

Je dois reconnaître que la navette a permis au moins une avancée majeure : désormais, l'article 2 ter prévoit qu'un rapport du Gouvernement est remis chaque année au Parlement sur l'accidentologie survenue lors des fêtes foraines et dans les parcs d'attraction.

Je m'étais étonné, en effet, avec vous de la faiblesse des connaissances statistiques de l'accidentologie sur les manèges. Je doute que nous ayons résolu tous les problèmes que posera une telle collecte d'informations, mais elle me paraît nécessaire pour conduire une politique en matière de consommation. Nous connaîtrons ainsi les causes des accidents, et certainement serez-vous en mesure de prendre les décisions règlementaires adéquates pour les limiter.

En première lecture, je m'étais enfin inquiété de l'application des règles du code du travail en matière de santé et de sécurité des salariés dans le secteur forain. Les inspecteurs du travail semblent ne plus être associés aux commissions de sécurité depuis quelques années.

De même, il nous paraît important de mettre l'accent sur la formation des opérateurs permanents ou saisonniers appelés à intervenir sur les manèges forains. Souvent, ce sont aussi eux qui s'occupent de l'entretien, assurent les contrôles préventifs quotidiens et les opérations de manutention des manèges ainsi que la maintenance courante. Ils doivent pouvoir accéder à des modules de formation débouchant sur une qualification. Que prévoyez-vous en ce sens, monsieur le secrétaire d'État ?

En conclusion, je souhaite redire notre attachement à l'activité des exploitants forains, notamment pour son rôle dans l'animation économique et culturelle locale. Le texte qui est aujourd'hui soumis à la discussion doit permettre de conserver aux manèges leur vocation de divertissement du public, et ce dans les meilleures conditions possibles de confort et de sécurité. C'est le sens des deux amendements que nous avons déposés et sur lesquels, je l'espère, monsieur le secrétaire d'État, vous donnerez un avis favorable.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10 du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
Article 2

Article 1er

Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation doivent être conçus, construits, installés, exploités et entretenus de façon à présenter, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.

Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les machines de levage ou portage de personnes doivent être conçues, construites ou équipées de façon que les accélérations et décélérations de l'habitacle ne créent pas de risques pour les personnes.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Le présent amendement a pour objet de renforcer la sécurité des manèges les plus dangereux.

Certains accidents atypiques survenus sur des attractions dites extrêmes, qui, par des dénivelés de plus de 150 mètres à la verticale, des loopings ou des systèmes de lancement des passagers, atteignent en quelques secondes des accélérations et des décélérations de plus et moins 6G, ont conduit des médecins à s'interroger sur l'innocuité de ces équipements.

Aujourd'hui, outre-Atlantique notamment, les autorités envisagent l'interdiction des manèges développant plus de 4G d'accélération.

La commission de sécurité des consommateurs a fait des remarques à propos de ce type de manège.

Des études récentes effectuées par plusieurs médecins, ici en France, montrent en effet que le coeur atteint, sur ces manèges, en quelques secondes, un rythme très élevé, de 70 à 153 battements par minute. Le temps d'exposition très court à ces vitesses les rendrait sans conséquence pour les personnes en bonne santé, mais potentiellement dangereuses pour celles qui sont sujettes à des troubles cardio-vasculaires.

Les spécialistes de physiologique aéronautique confirment que les accélérations positives drainant progressivement le sang vers le bas du corps entraînent une accélération du coeur, qui cherche à compenser le déséquilibre de la pression sanguine.

Sans entrer dans le détail de ces études, j'en appelle néanmoins aux médecins présents dans cet hémicycle, qui en savent beaucoup plus que moi, pour me confirmer la véracité des observations consignées par ces spécialistes. En fait, monsieur le secrétaire d'État, je crains que ne produise un jour un accident mortel. Nous déciderons alors de refaire un texte de loi pour ce cas précis, comme nous le faisons aujourd'hui pour les deux morts survenues l'été dernier.

Le rôle du Parlement et du Gouvernement n'est peut-être pas de réagir au coup par coup, en fonction de l'actualité. Nous devons aussi prévoir, devancer les situations. Aujourd'hui, pour attirer les clients -- parce que c'est de cela qu'il s'agit -, les professionnels cherchent l'extraordinaire et toujours plus de sensations. Il nous appartient donc de mettre un certain nombre de barrières à cette « exagération de l'excessif ».

Tel est le sens de notre amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement, comme vient de le dire M. Pastor, vise à soumettre les attractions de levage et de portage de personnes à une obligation de sécurité.

Monsieur Pastor, ce qui est vrai pour l'ensemble des manèges, dans cette proposition de loi, l'est à plus forte raison pour une catégorie d'entre eux, les manèges dits « extrêmes ».

Cet amendement ne fait que répéter l'obligation générale de sécurité des manèges prévue par l'article 1er. L'ensemble des manèges, et non pas seulement les plus rapides d'entre eux, devront donc, en vertu de ce texte, ne pas porter atteinte à la sécurité ni à la santé des personnes. Je rappelle également que, si la loi comprend des dispositions de portée générale, elle renvoie au décret pour leur application.

Pour cette raison, cher collègue, je vous suggère de retirer cet amendement, qui n'apporte rien et ne fait que répéter des obligations générales. Sinon, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Pastor, nous avions déjà évoqué cette question en première lecture et, comme vient de le dire M. le rapporteur, cet amendement n'apporte pas d'élément nouveau au regard des dispositions qui figurent déjà dans le texte.

En effet, ainsi que le prévoit l'article 1er, les lieux et les matériels doivent présenter « la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ». Cette disposition inclut bien les phénomènes d'accélération et de décélération que vous avez brillamment décrits, monsieur le sénateur.

Ce phénomène de vitesse dépend également du type de manège, de sa conception, mais aussi des dispositifs de protection, c'est-à-dire que les sièges, les dispositifs de retenue prévus doivent être adaptés. Tout cela, à notre avis, relève donc plutôt du décret d'application, qui doit mettre l'accent sur les risques particuliers liés aux vitesses et aux accélérations, en renvoyant - ainsi que nous l'avons évoqué également en première lecture - à la norme NF EN 13 814 ou à toute autre spécification technique assurant un bon niveau de sécurité.

Pour toutes ces raisons, comme l'a très bien dit M. le rapporteur, le Gouvernement sollicite le retrait de votre amendement, qui est satisfait par le texte tel qu'il est proposé. À défaut, il y sera défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Pastor, l'amendement est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Pastor. Je suis têtu, je vais le maintenir !

M. le secrétaire d'Etat a parlé de « décret d'application » et je souhaite effectivement - je suis dans mon rôle de parlementaire - connaître les suites données à ce texte, savoir comment le décret sera rédigé, car cette question me paraît importante. Vous nous dites qu'un décret précisera ce point ; je prends donc la balle au bond, monsieur le secrétaire d'État !

Même si cet amendement a peu de chances d'être adopté, j'en conviens, je le maintiens et je compte sur vous pour que le décret fasse allusion aux allures un peu excessives de certains manèges.

M. Charles Gautier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Notre groupe votera pour l'amendement de nos collègues socialistes, qui soulève une réelle question dont il faut effectivement tenir compte. Nous avions déjà discuté de ces problématiques en première lecture.

Je pense qu'il n'est pas trop tôt pour intégrer, au moins dans la réflexion, la dangerosité de ces manèges et de cette demande potentielle d'aller toujours plus vite, toujours plus haut, comme l'a souligné notre collègue M. Pastor.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Tout nouveau manège, machine et installation pour fêtes foraines ou pour parcs d'attraction mis en service en France doit être conforme à la norme NF EN 13814 à compter de la publication de la présente loi. 

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Aurai-je plus de chance cette fois ?... (Sourires.)

L'amendement n° 2 vise à introduire dans la loi une norme européenne entrée dans l'ordre juridique national le 17 septembre 2007. Il nous paraît logique que le texte de la loi française fasse référence à cette norme européenne.

Comme je l'ai précisé lors de la discussion générale, cet amendement tend à rendre obligatoire l'application de la norme NF EN 13814 à tous les nouveaux matériels mis en service dans notre pays. C'est le moins que l'on puisse faire quand il s'agit de la vie de nos concitoyens !

Vous le savez, les normes sont, par nature, des référentiels d'application volontaire. Mais le principe de la référence aux normes homologuées dans les réglementations est chose courante et encouragé depuis l'entrée en vigueur du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation.

Vous nous proposez, monsieur le rapporteur, de faire de la norme NF EN 13814 une simple référence technique, utilisée pour définir les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, machines et installations actuellement en service.

Je vous propose, pour ma part, d'aller plus loin, et de rendre cette norme d'application obligatoire pour tous les manèges qui entreraient en service à compter de la promulgation de cette loi. Ainsi, la profession se conformera peu à peu à la norme de sécurité reconnue par toutes les institutions au niveau européen, en se fournissant en matériel conforme.

Il nous paraît évident que, enfin, nous appliquions nous-mêmes aux manèges ce que nous avons décidé hier à Versailles pour la mise en place du nouveau traité européen. En deux mots, il s'agit de mettre en oeuvre une relation nouvelle entre la France et l'Europe !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. M. Pastor et les membres du groupe socialiste souhaitent inscrire, dès l'article 1er, la référence à la norme publiée par l'AFNOR. Je rappelle, pour nos collègues, que cette norme spécifie des exigences en matière de conception, de construction, d'installation, de maintenance et d'exploitation des équipements de loisirs, dont les manèges.

J'attire votre attention, mon cher collègue, sur le fait que les dispositions concernées sont de nature réglementaire ; elles n'ont pas leur place dans un texte de loi, d'autant que le projet de décret y fait explicitement référence dans son article 2, ce qui est de nature à rassurer nos collègues sur ce point. Par ailleurs, M. le ministre avait confirmé, lors de la séance publique du 30 octobre 2007, que le décret ferait « référence à la norme visée par l'amendement ».

Il s'agit bien d'une difficulté de compréhension entre nous, entre le législatif et le réglementaire. Comme pour l'amendement précédent, je rappellerai que, si la loi comprend des dispositions de portée générale, elle renvoie au décret pour leur application. Pour cette même raison, monsieur Pastor, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage le point de vue de la commission. Nous avions déjà eu l'occasion d'évoquer ce sujet en première lecture, monsieur Pastor.

Effectivement, la loi fixe les principes généraux de sécurité auxquels doivent être soumis les manèges, les machines et les différentes installations. Vous voudriez faire référence à une norme qui, par définition, est de nature évolutive.

Par ailleurs, la référence à cette seule norme dans la loi serait insuffisante pour la protection des consommateurs. J'ai eu l'occasion d'indiquer, en première lecture, que le Gouvernement préciserait, dans le décret d'application, ce point qui vous est cher. Je suis en mesure de vous annoncer que nos services préparent actuellement ce décret, qui devrait être prêt dans le courant du mois de février et sera présenté au Conseil d'État dans le courant du mois de mars.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sollicite, lui aussi, le retrait de votre amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. Charles Gautier. C'est parce que vous êtes pour que vous êtes contre !

Mme la présidente. Monsieur Pastor, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Pastor. Madame la présidente, je suis ravi de constater que, à la suite de la première lecture, le Gouvernement a décidé de prendre un décret qui reprécisera cette question. Sincèrement, le fait qu'une loi française - et ce ne serait pas la première fois - fasse référence à un certain nombre de directives ou de recommandations européennes ne me gêne pas !

C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2 bis

Article 2

Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation sont soumis à un contrôle technique initial et périodique portant sur leur état de fonctionnement et sur leur aptitude à assurer la sécurité des personnes. Ce contrôle technique, effectué ou vérifié par des organismes agréés par l'État, est à la charge des exploitants. - (Adopté.)

Article 2
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Article 2 ter

Article 2 bis

Tout exploitant de manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation est tenu de faire connaître au public, par voie d'affichage, le nom de l'organisme de contrôle technique et la date de la dernière visite de contrôle de l'équipement. - (Adopté.)

Article 2 bis
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2 ter

Un rapport du Gouvernement est remis chaque année au Parlement sur l'accidentologie survenue lors des fêtes foraines et dans les parcs d'attraction. - (Adopté.)

Mme la présidente. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Article 2 ter
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Yannick Texier, pour explication de vote.

M. Yannick Texier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, aussi surprenant que cela puisse paraître, les manèges et attractions ne sont soumis, en France, à aucun texte spécifique. Cela tient, pour partie, à des raisons historiques qui ont fait de la fête foraine un espace de liberté.

La réglementation en vigueur date de 1983 et il est bien évident, près de vingt-cinq ans plus tard, qu'il fallait prendre des dispositions strictes de sécurité et de contrôle au regard des nouveaux manèges, dont les performances sont sans commune mesure avec celles des manèges de 1983.

Jusqu'à présent, la sécurité des manèges et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction relevait simplement de l'obligation générale de sécurité inscrite dans le code de la consommation. Une réglementation propre aux fêtes foraines et parcs d'attractions en matière de sécurité est donc aujourd'hui la bienvenue.

La proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson vise, en conséquence, à créer un cadre légal pour réglementer spécifiquement la fabrication et l'exploitation des attractions foraines et des parcs de loisirs, ainsi qu'à confier à des organismes indépendants et agréés par l'État le soin de vérifier ou d'effectuer eux-mêmes des contrôles techniques périodiques, permettant de s'assurer de la sécurité de ces machines pour des utilisateurs toujours plus nombreux et amateurs de sensations toujours plus fortes.

Ce texte prévoit donc de donner une valeur légale et réglementaire aux stipulations de la convention du 17 août 2007 sur la sécurité des manèges, conclue sur l'initiative de Mme le ministre de l'intérieur, et qu'elle-même a signée - avec les représentants des forains, des organismes de contrôle, l'Association des maires de France - tout comme les secrétaires d'État à la consommation et aux entreprises.

Les propositions du rapporteur de la commission des affaires économiques, adoptées en première lecture par le Sénat le 30 octobre dernier, ont été confirmées par l'Assemblée nationale, et nous nous en réjouissons. Les quelques modifications rédactionnelles qui ont été apportées par nos collègues députés ne remettent pas en cause l'économie générale du texte, mais apportent des précisions d'importance dont nous nous félicitons.

C'est la raison pour laquelle le groupe UMP, dans son ensemble, apportera son entier soutien à cette proposition de loi si attendue ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier notre rapporteur, qui est l'auteur de l'ensemble de cette proposition de loi.

Ce dispositif faisait défaut dans notre pays. Il convenait de mieux cadrer l'utilisation des manèges et l'organisation des fêtes foraines, afin que les maires ne soient plus soumis à une pression, sans disposer des outils leur permettant de contrôler ce qui se passe sur le territoire de leur propre commune. Pour toutes ces raisons, je tenais à vous remercier de cette démarche, monsieur le rapporteur. Mes remerciements s'adressent également à M le secrétaire d'État.

Il est vrai que j'ai eu moins de chance en deuxième lecture qu'en première, mais je n'ai pas oublié l'accord positif de M. le rapporteur, en première lecture, sur la publicité des contrôles, afin que les utilisateurs et les citoyens puissent savoir exactement à quel moment et par qui les contrôles des équipements ont été réalisés. Ces mesures nous semblent aller dans le sens de la transparence qui est aujourd'hui nécessaire dans notre société.

Pour ces raisons, et aussi parce que ce texte facilitera la vie sur le territoire national, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Si vous le permettez, madame la présidente, j'adresserai quelques mots de remerciement à l'ensemble de mes collègues, à M. le secrétaire d'État, ainsi qu'aux administrateurs qui m'ont accompagné dans la préparation de cette proposition de loi. Après tout, nous ne votons pas souvent des propositions de loi ; nous adoptons plutôt des projets de loi !

Cette unanimité retrouvée, comme en première lecture, démontre à l'évidence que, dès lors que le Parlement - et, en particulier, le Sénat - s'intéresse à la sécurité de nos concitoyens, il sait faire preuve de cohésion.

Je remercie l'ensemble des groupes et M. le secrétaire d'État pour nous avoir accompagnés dans l'étude de ce texte qui touche véritablement au quotidien des consommateurs : plus de cent millions de passagers utilisent les manèges chaque année ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de l'examen de cette proposition de loi, je voudrais vous remercier pour votre belle unanimité sur ce texte et, surtout, féliciter Pierre Hérisson, qui en a pris l'initiative, sur un sujet qu'il connaît bien. En effet, au sein de l'Association des maires de France, il a été, depuis de nombreuses années, l'interlocuteur du monde du loisir et des forains, et il a travaillé très tôt sur des propositions susceptibles d'améliorer la situation.

Cette proposition de loi est donc la consécration d'un travail de longue haleine, mené en partenariat entre l'Association des maires de France, le Parlement et le Gouvernement - je voudrais également remercier Michèle Alliot-Marie pour l'excellente coopération entre les services des ministères de l'intérieur et de la consommation sur ce sujet. Ce texte permet une véritable amélioration de la protection au quotidien des consommateurs.

Merci pour celle belle unanimité, qui va dans le sens d'une vraie revalorisation du travail du Parlement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
 

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Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Discussion générale (suite)

Organismes génétiquement modifiés

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Question préalable

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (nos 149, 181).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économique, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat parlementaire est évidemment essentiel : tout d'abord, parce qu'il représente le premier passage du flambeau, dans ce processus du « Grenelle de l'environnement », de la société réunie dans toute ses composantes aux représentants élus de la nation ; ensuite, parce qu'il engage des perspectives de moyen et long terme qu'il s'agit de peser véritablement dans ces dimensions. Ce débat aurait-il donc pu mieux commencer ailleurs qu'au Sénat ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez aussi bien que moi les questions auxquelles nous sommes confrontés. Nous entrons dans un monde fini, avec des ressources finies et fragiles : climat, sols, services que nous rendent jour après jour les systèmes vivants, eau douce... Nous devons inventer un développement raisonnable, viable, praticable pour un peu plus de six milliards d'habitants et, bientôt, neuf milliards d'êtres humains. Autant dire que la manoeuvre est délicate : l'erreur et la négligence en seront d'autant plus coûteuses, l'inventivité et la responsabilité d'autant plus impératives.

Le sujet d'aujourd'hui a toute la dignité et la complexité de la politique, dans le sens le plus noble du terme : il s'agit de construire un cadre juridique responsable, après en avoir pesé tous les aspects - y compris à terme -, pour les applications dans notre société de technologies nouvelles : les modifications génétiques d'organismes vivants.

Il y aura d'autres générations de produits biotechnologiques créés à partir de végétaux ou d'animaux, d'autres techniques émergentes.

M. Bernard Chevassus-au-Louis, président du Muséum national d'histoire naturelle, disait en 2005, dans une interview, qu'il fallait « une nécessaire cohérence des attitudes vis-à-vis du regard sur les risques et les bénéfices : si l'on défend le caractère potentiellement ?révolutionnaire? des bénéfices, il faut admettre que les risques posent des problèmes radicalement nouveaux. Ou alors, on défend la thèse de la double continuité. »

Nous devons donc voir loin dès aujourd'hui. Les sciences cherchent et trouvent ; la démocratie, à travers ses représentants, doit pouvoir choisir comment elle utilise, avec lucidité, volonté et cohérence, les résultats de la science.

Il y a urgence, parce que les biotechnologies font déjà partie des techniques qui auront le plus d'incidence sur nos activités, nos références sur le vivant et, bientôt, sur nous-mêmes. Il s'agit d'en faire ce que nous voulons, et non pas l'inverse.

Il y a urgence, parce que, aujourd'hui, très pratiquement, les OGM représentent 100 millions d'hectares de cultures en Argentine, aux États-Unis, au Brésil ou au Canada, avec les questions multiples, roses ou grises, que pose cette situation.

Il y a urgence, parce que de grandes firmes étrangères déposent des brevets, suscitent des règles de droit et capturent des marchés.

Il y a urgence, parce que les recherches, où qu'elles se développent, ne sont pas à la hauteur des questions posées : comment réussir des agricultures diversifiées, robustes, économes en eau, en énergies fossiles, en engrais et en pesticides ? Comment bâtir un équilibre géopolitique, porteur de paix, alors que la surface cultivable par terrien se réduit drastiquement et que les ressources agricoles renchérissent ? Comment assurer que l'agriculture sera aussi écologique, c'est-à-dire qu'elle ne contribuera pas à fragiliser davantage encore les fonctionnements biologiques dont nous dépendons ? Comment garantir, dans cette évolution, efficacité, mais aussi équité et justice, conditions indispensables à la pérennité des démocraties ?

Nous avons besoin, à l'évidence, d'accroître rapidement les connaissances scientifiques et pratiques pour que toutes ces questions soient traitées avec la même célérité, afin de garantir aux politiques qu'ils prennent des décisions éclairées, comme ce sujet l'exige.

Sur plusieurs de ces aspects, des interrogations ont été exprimées par les nombreux groupes de travail ayant oeuvré dans le cadre du Grenelle de l'environnement, composés d'agriculteurs, de scientifiques, d'élus, de représentants d'associations de consommateurs, familiales et de défense de l'environnement. Certaines questions ont également été débattues au sein du comité de préfiguration d'une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés.

À l'occasion de ces divers échanges, ont émergé des observations, des interrogations nouvelles concernant la dissémination du pollen à longue distance, les incidences des OGM sur la faune du sol ou sur des insectes non ciblés, la persistance éventuelle de toxines Bt.

Il est, en outre, apparu délicat que l'on ne puisse pas réaliser d'études épidémiologiques sur l'impact des OGM sur la santé humaine, y compris aux États-Unis. Il faut souligner, en particulier, la difficulté d'assurer la traçabilité des OGM du végétal jusqu'au consommateur. A été également évoquée la question des protocoles toxicologiques pratiqués pour des plantes modifiées.

Ces interrogations sont présentes dans la société française et, d'une manière générale, dans l'ensemble des sociétés. Plus largement, quand on lit la presse, quand on écoute les discussions, on constate que le débat sur les OGM est un débat scientifique, certes, mais pas seulement.

C'est un débat agronomique et technique : quels moyens divers, fournis par les sciences et les pratiques de terrain, sont à notre disposition pour atteindre les objectifs que j'évoquais au début de mon intervention ?

C'est un débat écologique : quelles solutions sont possibles pour produire demain, sous les climats divers et rapidement changeants de la planète, en conservant cette assurance-vie qu'est la diversité du vivant et des écosystèmes ?

C'est un débat économique, qui touche toutes les filières agricoles et agroalimentaires, et qui porte aussi sur la robustesse et la relative autonomie des économies paysannes, pas seulement dans les pays du Sud.

C'est un débat juridique, qui veut préserver, au-delà des technologies, qui ne doivent être que des moyens, le droit à produire et à consommer, avec ou sans OGM, sans que cela nuise à l'autre dans le premier cas.

C'est enfin un débat sociétal : les Français veulent savoir ce qu'ils mettent dans leur assiette et dans celle de leurs enfants ; ils veulent savoir si les OGM auront une incidence sur leur santé ou sur celle des générations futures ; ils veulent savoir si, demain, ils pourront continuer à consommer des produits de qualité.

Aussi difficiles que soient ces interrogations, nous n'avons pas le droit de les ignorer. La décision politique doit prendre tous ces aspects en compte. Elle a besoin, pour l'éclairer et non pour se substituer à elle, d'une expertise pluraliste. C'est ce que recommandent Marion Guillou, présidente-directrice générale de l'Institut national de la recherche agronomique, Bernard Chevassus-au-Louis et Michel Griffon, agronome et conseiller au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, qui, dans une déclaration commune formulée dans le cadre de l'intergroupe de travail sur les OGM du Grenelle de l'environnement, en ont appelé à « une expertise scientifique menée de façon collective, pluridisciplinaire, contradictoire et transparente ». Ils ont aussi estimé que la société civile et la pratique de terrain doivent être associées à cette expertise sous la forme d' « un deuxième collège de représentants de la société civile dans une nouvelle instance d'expertise » qui devra « rendre un avis incluant les contributions des deux collèges ».

À l'évidence, ce n'est pas faire injure à telle ou telle discipline que de reconnaître qu'elle ne peut couvrir seule tout ce champ. Ce n'est pas menacer ses crédits de recherche, bien au contraire, que de juger ces sujets tellement cruciaux qu'ils doivent irriguer une large palette de laboratoires, qui s'enrichiront réciproquement de leurs découvertes, ce qui renforcera l'originalité et la fécondité de leurs travaux.

C'est parce que le débat dépasse largement la seule sphère scientifique que le Président de la République a voulu cette grande conférence des parties prenantes, ce dialogue enfin possible entre toutes les légitimités sociales. Il fallait ce temps pour que tous les acteurs puissent s'exprimer directement, tous devant tous. Il fallait ce temps de décloisonnement des enjeux pour que chacun comprenne les espoirs et les craintes des autres : consommateurs, agriculteurs pratiquant toutes formes d'agricultures, associations, élus locaux, chercheurs, entreprises.

Au fond, pendant cette période de très long débat approfondi, nous sommes sortis du carcan des préjugés et des tabous. Pour la première fois, sur ce sujet, tous les acteurs ont pu mettre sur la table ce qu'ils savaient et ce qu'ils voulaient savoir. La parole et l'écoute pouvaient être saisies de la même façon par toutes les parties prenantes. Envisager en commun une telle question requérait, pour les uns et les autres, une forme de courage.

En définitive, les grands gagnants de ce débat, ce sont la lucidité et la recherche dans toutes ses composantes, toutes ses disciplines, une recherche « juge de paix » quand il s'agit de déceler les ouvertures, les risques, les espoirs fondés.

Puis, il y a eu le temps présidentiel, fondateur, qui a permis de traduire les aspirations en ligne politique, les souhaits en principes d'action.

Oui, comme l'Autriche, nous avons eu des doutes sur une espèce particulière d'OGM pesticide. Oui, nous avons décidé, comme d'autres, d'enclencher une procédure contradictoire dans la perspective d'une clause de sauvegarde, en attendant les résultats d'une nouvelle expertise, demandée par la Commission européenne et qui est nécessaire pour obtenir une homogénéité des positions en Europe. Une vérité au-deçà des Pyrénées doit être une vérité au-delà !

Les protocoles d'évaluation datent de dix ans. Les sciences avancent vite, leurs progrès ouvrent de nouvelles questions, en affinent d'anciennes. Nous ne pouvons pas choisir une science contre les autres, nous ne faisons pas notre marché arbitrairement parmi les savoirs : en toute responsabilité, nous devons tous les prendre en compte.

Oui, nous avons le devoir, à l'égard des Français et des générations futures, d'appliquer le principe de précaution de façon cohérente et renseignée par les connaissances les plus récentes en provenance de toutes les disciplines.

Oui, comme les Allemands hier à Goslar, nous souhaitons renforcer l'expertise et améliorer la transparence de la procédure d'autorisation européenne pour les organismes génétiquement modifiés.

Il faudra donc travailler à compléter les critères d'évaluation en fonction de l'avancée des connaissances. En résumé, la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés devra pouvoir non seulement commander des recherches, mais aussi contribuer activement à faire évoluer les protocoles d'évaluation. Elle devra être pluridisciplinaire et faire droit aux savoirs de terrain, afin que les modèles intègrent les observations, et que les secondes valident et stimulent les premiers.

Enfin, notre pays doit investir massivement dans la recherche et, prioritairement, renseigner la société et les politiques sur les questions devant lesquelles nous sommes encore démunis et avons un retard d'information à combler.

Nous venons ainsi de multiplier par trois, sur proposition du Premier ministre et de Valérie Pécresse, les crédits alloués à la recherche sur les OGM. Il faudra irriguer tous les pans des savoirs dont nous avons besoin.

Oui, nous pouvons précautionneusement accepter des essais en plein champ. Comme le recommandent les trois scientifiques précités, ils doivent bien sûr être précédés de travaux en milieu confiné, être développés de manière progressive et faire l'objet de mesures de protection et de vigilance particulièrement strictes.

Ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, a pour objet de préparer l'avenir, de garantir la liberté de chacun. En effet, chacun doit avoir le droit de produire ou de consommer avec ou sans OGM, ce qui signifie sans nuire aux autres. Si, au terme de l'élaboration de la loi, un végétal modifié, puis des végétaux modifiés, sont autorisés à la culture, ce ne pourra être au détriment de cultures antérieures ni de la qualité des produits. Cette loi devra donc aussi garantir, par définition, le droit à cultiver et à consommer sans recourir aux OGM.

Notre société, qui s'inscrit dans un monde aux ressources finies, ne peut se développer que par la qualité. C'est ce que recherchent tous nos concitoyens : de la fiabilité, de la qualité et de la confiance. Or une société de la qualité et de la confiance n'existe que par des conditions strictes de transparence, de sécurité et de responsabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est à vous qu'il revient, en dernier ressort, de mettre un terme au flou politique, juridique et économique, car le flou suscite la méfiance et multiplie les déconvenues. L'incertitude est le moteur de la recherche, mais le flou et l'irresponsabilité font négliger des pans entiers de recherche, au détriment des objectifs visés, au détriment des filières imprudemment fondées sur des bases mal analysées.

Les produits des biotechnologies sont comme d'autres produits. Ils doivent bénéficier - et par là même leurs utilisateurs - de la même rigueur, du même esprit de responsabilité et de la même sécurité que tout autre produit industriel ou alimentaire. Ce sont aussi des produits neufs, aux propriétés très particulières, certaines prometteuses, d'autres éventuellement préoccupantes.

C'est donc à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il revient de commencer à définir le cadre grâce auquel les organismes génétiquement modifiés pourront s'inscrire dans le champ de la démocratie, c'est-à-dire dans le champ de la transparence, de la liberté et du respect de la loi républicaine.

M. Gérard César. Très bien !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Les Français, le Gouvernement attendent beaucoup de ce débat parlementaire ; ils attendent beaucoup de vous.

Depuis des années, les sénateurs travaillent sur les biotechnologies et les OGM.

Je pense aux travaux de la mission d'information de 2003 sur les enjeux économiques et environnementaux des organismes génétiquement modifiés, présidée par M. Jean Bizet, travaux qui ont débouché sur un rapport du sénateur Pastor.

Je pense aussi à ce projet de loi, adopté par le Sénat au mois de mars 2006, et dont le texte d'aujourd'hui s'inspire beaucoup.

Je pense, de façon plus large, aux travaux sur la biodiversité des sénateurs Laffitte et Saunier, publiés en décembre dernier.

Je tiens également à saluer le travail remarquable que les sénateurs Le Grand et Blandin ont su accomplir, depuis le début du Grenelle de l'environnement, pour apaiser les débats et aboutir à des propositions jugées constructives et positives par tous.

Ce projet de loi vise à mettre fin à plusieurs années de non-dits, de laisser-faire, d'irresponsabilité. Il tend à fixer les droits et les devoirs de chacun, dans un esprit de réciprocité véritable, d'ouverture et de transparence. C'est un texte qui garantit les libertés : liberté de faire des recherches sur les OGM dans toutes les disciplines, liberté de produire ou de consommer sans recourir aux OGM, liberté de choisir une voie agronomique ou industrielle faisant appel aux OGM, sans que cela nuise à autrui.

Or la liberté ne se décrète pas, on la construit, on l'encadre et on la respecte. La liberté, c'est d'abord l'information,...

M. Dominique Braye. La bonne information !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. ... une information scientifique et pratique, fiable, crédible, établie de manière pluridisciplinaire et contradictoire, qui prépare et qui fonde la décision politique.

C'est la raison pour laquelle il nous a paru souhaitable de proposer cette Haute autorité avec, à côté d'un comité scientifique, la création d'un comité éthique, économique et social garantissant une approche décloisonnée, une Haute autorité qui mette fin à l'éclatement des compétences et des savoirs, pour que nous puissions disposer d'une information globale et cohérente, une Haute autorité qui regroupe la commission du génie biomoléculaire, la commission du génie génétique et le comité de biovigilance, pour garantir un démarrage simultané de toutes ces actions complémentaires..

La liberté, c'est ensuite la transparence : désormais, les cultures d'OGM qui pourraient être autorisées doivent faire l'objet d'une information à l'échelle de la parcelle, et non plus seulement à l'échelle du canton. Au fond, en matière d'OGM, tout doit être public, car la confiance se construit sur des informations partagées, notamment sur les parcelles cultivées, sur les avis des experts, ou sur les débats au sein de la Haute autorité. C'est une avancée démocratique majeure dont la conséquence logique est le strict respect de la loi républicaine.

La liberté, c'est également la responsabilité : l'un ne va pas sans l'autre, et la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Ainsi, la liberté de cultiver des OGM doit s'accompagner d'un cadre juridique clair : régime de responsabilité sans faute en cas de dissémination accidentelle, obligation d'assurance individuelle, distances d'éloignement, conditions de culture et de confinement.

En résumé, ce projet de loi repose sur trois constats.

Premièrement, les biotechnologies font partie de notre vie. Ce projet de loi doit nous permettre d'aborder, au-delà de ce que nous expérimentons aujourd'hui, l'ensemble des questions auxquelles des usages variés de ces biotechnologies nous conduiront.

Deuxièmement, une recherche approfondie et adaptée aux enjeux est indispensable.

Troisièmement, notre société doit définir un cadre juridique reprenant les grands principes sur lesquels la société nous attend : responsabilité, précaution, transparence, participation, et libre choix de produire et de consommer avec ou sans OGM, dans le respect de chacun.

En réalité, ce projet de loi est un acte à la fois de courage et de foi. Un acte de courage, parce que, pour la première fois, nous décidons collectivement de sortir de l'impasse après des années d'hésitations et de doutes. Mais c'est aussi un acte de foi dans la raison, dans la recherche scientifique sous tous ses aspects, et dans la capacité des humains à mettre les technologies à leur service sans se faire dominer par elles.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, en quelques mots, les points sur lesquels je souhaitais insister. Vous l'aurez compris, ce projet de loi se situe dans le droit-fil du Grenelle de l'environnement dont le rapport général soulignait, à la page 19, la nécessité de renforcer la recherche - sous toutes ses formes -, d'instaurer une Haute autorité des biotechnologies en 2008, et d'adopter une loi sur les biotechnologies et les OGM, avant la fin du printemps de 2008. Selon le rapport, cette loi devait reposer sur les principes de responsabilité, de précaution, de transparence et de participation, et du libre choix de produire avec ou sans OGM par l'instauration de règles de coexistence.

Je suis très frappé de constater que les points éventuels de désaccord sont non pas mis en scène - le mot est excessif - mais exacerbés, alors que, sur le fond, dans le cadre des débats très approfondis qui ont été menés, l'ensemble des participants ont trouvé des points de convergence sur les bases de ce texte, certaines questions restant bien évidemment en discussion.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur, je suis persuadé que vous apporterez à ce projet de loi votre savoir-faire, votre sagesse, votre expérience et vos convictions républicaines. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de le souligner Jean-Louis Borloo, le projet de loi qui est soumis à votre examen porte sur une question majeure pour notre société. Les décisions qui vont être prises aujourd'hui au Sénat et demain à l'Assemblée nationale auront des conséquences importantes pour le secteur économique de l'agriculture, et donc pour les hommes et les femmes qui y travaillent, dont j'ai la responsabilité en tant que ministre en charge de ce secteur.

Dans le prolongement de tous les travaux et de tous les débats que Jean-Louis Borloo vient d'évoquer, il revient maintenant à la représentation nationale de définir les principes qui doivent encadrer la question des OGM et des biotechnologies. Ce temps du débat parlementaire doit être respecté. La discussion du texte doit avoir lieu dans les conditions les plus objectives possible afin de permettre - je le souhaite - à la raison de prendre le pas sur la passion dans ce dossier sensible et difficile.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Prendre le pas sur la passion, c'est se fonder sur une expertise scientifique, légitime et acceptée par tous ; c'est faire usage du principe de précaution - que je connais bien, puisque, avec votre concours, j'ai été le premier ministre de l'environnement à l'inscrire dans la loi, en février 1995 - au seul regard de la connaissance scientifique et de son évolution ; c'est prendre en compte de nouveaux critères, tels que les risques économiques, sociaux ou éthiques ; c'est enfin redonner au débat public sa dimension pédagogique et démocratique.

En 2050, c'est-à-dire après-demain, il faudra nourrir 9 milliards d'être humains sur notre planète. La tension sur les marchés sera très forte ; elle l'est, d'ailleurs, déjà. Nous ne pourrons pas indéfiniment augmenter les surfaces cultivables et utiliser toujours plus d'eau. Nous ne pouvons pas non plus ignorer le réchauffement de la planète - qui touche, en premier lieu, les agriculteurs et qui constitue, à mes yeux, le défi principal - et toutes ses conséquences sur les systèmes agricoles. Enfin, nous ne pouvons pas sous-estimer les risques de pollution face à une agriculture trop intensive.

Il nous faut donc intégrer les contraintes croissantes liées à la gestion des ressources naturelles, et en particulier de l'eau, mais aussi répondre aux enjeux de l'autonomie alimentaire, du pouvoir d'achat et de l'indépendance économique.

Produire plus - pour disposer de suffisamment de nourriture - et produire mieux : voilà le grand défi d'une agriculture durable, pour aujourd'hui et pour demain ! Ce défi paraissait improbable et il le reste encore dans une certaine mesure, sauf à mettre en oeuvre massivement, comme le ministre d'État l'a souligné, des programmes de recherche et d'innovation dans le domaine des biotechnologies.

Nous devons impérativement rester dans la course de l'innovation, y compris pour la recherche sur les OGM de demain, qui concernent en particulier le blé ou le colza, productions végétales clés pour l'Europe et pour la France ; nous devons nous maintenir dans la course pour participer au développement des nouvelles variétés qui intégreront les contraintes climatiques et les enjeux écologiques nouveaux. Et je ne parle pas seulement des OGM ; il faut que nous soyons capables de produire, à l'échelon européen, des plantes qui résistent à la sécheresse et qui consomment moins d'engrais.

Abandonner ces objectifs nous rendrait, dans un avenir proche, définitivement dépendants des puissances économiques qui, elles, ont fait sans ambigüité le choix du développement biotechnologique et qui investissent massivement, en ce moment, dans la recherche. Je vous indique que les États-Unis, par exemple, réalisent cent fois plus d'essais dans le domaine des biotechnologies que l'Europe tout entière. Dans ce domaine, comme dans d'autres - vous m'avez, d'ailleurs, souvent entendu le dire à cette tribune -, je ne me résoudrai jamais à ce que l'Europe - et la France, en particulier - soit un jour totalement sous l'influence et sous-traitante de l'industrie chinoise, américaine, ou indienne !

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Il n'est nulle part inscrit que la recherche doit être indienne, l'agriculture brésilienne, et la facture européenne ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

L'écart de prix du maïs entre les États-Unis et l'Europe, qui peut aller jusqu'à 100 euros par tonne, souligne déjà le différentiel de compétitivité.

D'ailleurs, la compétitivité de notre agriculture dépasse largement la seule économie agricole. Elle est un enjeu majeur pour notre économie nationale. Je rappelle, en effet, que l'agriculture permet de dégager plus de 9 milliards d'euros d'excédents commerciaux et qu'elle représente, avec le secteur agro-alimentaire, près de 1,5 million d'emplois dans des territoires souvent difficiles, dont le Sénat est le représentant.

Face à ce défi, le plan de 45 millions d'euros en faveur des biotechnologies végétales est un signal très fort, voulu par le Gouvernement.

Avec Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, dont je veux saluer ici l'engagement résolu sur ce dossier, nous partageons la même volonté d'accélérer le développement de la recherche française dans le domaine des biotechnologies.

La recherche n'est pas une option, c'est une nécessité vitale. Elle se fait non pas uniquement dans les laboratoires, mais aussi par des expérimentations en milieu ouvert. Il nous faut donc une recherche en plein champ, et dès 2008, comme il faut des essais en vol pour l'aéronautique !

Voilà pourquoi j'avais demandé, et obtenu, avec l'arbitrage du Premier ministre, que, par décret, une commission d'évaluation des demandes d'autorisation d'essais en plein champ soit mise en place, en attendant la future instance prévue dans le projet de loi sur les OGM. Cette commission nous permettra d'autoriser, dès 2008, des essais en plein champ, dans des conditions naturellement sécurisées.

Au-delà même de la recherche - qui est indispensable -, nous devons également répondre à la perte de confiance de la société vis-à-vis de la science et du développement. Nous devons impérativement la restaurer sur ces questions de biotechnologies et d'OGM. Il en va de notre responsabilité commune en tant qu'acteurs de la vie politique de notre pays, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez.

Le projet de loi dont vous allez débattre est une étape importante sur le chemin de la confiance. Il prévoit d'encadrer l'utilisation des OGM sur la base des principes affichés lors de ce grand rendez-vous qu'a été le Grenelle de l'environnement : responsabilité, précaution, transparence et libre choix.

Comme vous le savez, la directive 2001/18/CE a été transposée par décret dans toutes ses dispositions obligatoires. Elle laissait aux États membres la possibilité de fixer des garanties de coexistence entre les cultures OGM et l'agriculture conventionnelle. La loi est nécessaire pour les définir, de même que pour réformer l'instance d'évaluation.

Sans revenir dans le détail du texte que vous allez examiner au cours de ces prochains jours, je souhaite simplement évoquer trois points, auxquels je suis attaché en tant que ministre de l'agriculture et de la pêche.

Tout d'abord, l'article 2 prévoit une instance d'évaluation, qui doit répondre à trois objectifs : regrouper des expertises qui étaient jusqu'à présent éclatées entre plusieurs instances, en particulier au sein de la commission du génie biomoléculaire et de la commission du génie génétique ; renforcer l'expertise dans certaines disciplines et développer l'analyse socio-économique ; élargir la composition de l'instance - c'est, d'ailleurs, tout à fait légitime - à des représentants de la société civile.

Ces évolutions s'effectueront en complément des missions qui sont également dévolues à d'autres structures autonomes. Ainsi, l'AFSSA conservera son mandat d'évaluation du risque sanitaire et travaillera avec la Haute autorité lorsque son expertise sera nécessaire.

II nous faut par ailleurs instituer, d'une manière ou d'une autre, le comité national de biovigilance, dont le mandat dépassera les seules questions relatives aux OGM. Je pense, en particulier, à la biovigilance liée aux phytosanitaires. Je n'oublie pas que le Président de la République m'a demandé de conduire, en liaison avec plusieurs ministères dont celui de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, un plan très ambitieux, que j'ai intitulé « éco-phyto 2018 », conduisant à réduire de moitié l'usage des produits phytosanitaires dans les dix ans qui viennent. S'agissant des OGM, ce comité travaillera en concertation avec l'instance d'évaluation.

Il nous faut, enfin, tirer les leçons de l'évaluation qui a été menée par le comité de préfiguration de la Haute autorité sur le maïs MON810.

II vous appartiendra de préciser le fonctionnement de la future instance d'évaluation. Celle-ci devra permettre aux responsables politiques de décider sur la base d'un avis scientifique clair tout en prenant en compte, par ailleurs, des considérations d'ordre socio-économiques.

Je parlerai maintenant de la responsabilité - ce sera le deuxième point de mon intervention -, qui fait l'objet de l'article 5 du projet de loi.

La coexistence entre cultures OGM et cultures conventionnelles exige un partage clair des responsabilités. Nous avons besoin d'un régime de responsabilité de plein droit pour le préjudice économique qui pourrait résulter de la présence accidentelle d'OGM.

Le système d'indemnisation ne pourra fonctionner que si l'on précise suffisamment le champ d'application de la responsabilité de plein droit de l'agriculteur qui a fait le choix des OGM dans le temps - pour une même campagne de production - et dans l'espace. À cet égard, il nous faudra fixer par voie réglementaire des règles extrêmement claires concernant la distance de dissémination - question très difficile - par type de culture.

L'obligation de souscrire une garantie financière pourra permettre de se prémunir contre un tel risque. Toutefois, cette obligation ne doit pas devenir une interdiction cachée si aucun produit assurantiel n'est mis sur le marché.

Enfin, j'évoquerai - et ce sera mon dernier point - la question de la transparence. Comme l'a indiqué Jean-Louis Borloo, elle est l'un des éléments du débat démocratique. Je suis naturellement d'accord avec lui.

Restaurer la confiance, c'est aussi montrer que nous n'avons rien à cacher. Nous devons être extrêmement rigoureux sur l'exigence de transparence.

L'absence d'informations suscite l'inquiétude - c'est souvent le silence qui nourrit les peurs - et sert de prétexte à des actions illégales et inacceptables à l'encontre des producteurs.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Chaque citoyen a des droits, entre autres celui d'être informé, mais aussi des devoirs, en particulier celui de respecter le bien d'autrui et de ne pas utiliser une information publique à des fins de harcèlement.

Sur ce point, le message du Gouvernement doit être très clair : il n'y aura aucune tolérance à l'égard de ceux qui voudraient s'exonérer de la loi. Il faudra, en particulier, rappeler les sanctions encourues par qui enfreint cette règle.

M. Michel Barnier, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi permettra de fournir un cadre clair à l'utilisation des OGM en France. Il aboutira, en particulier, à la mise en place d'une instance d'évaluation chargée de prendre en compte les demandes exprimées lors du Grenelle de l'environnement.

Comme je l'ai déjà rappelé, j'ai eu l'honneur de présenter à cette tribune en 1995 un projet de loi, devenu loi, qui, avec votre soutien, a entraîné pour la première fois l'inscription, dans la loi de notre République, de mots importants, tels que « débat public » -  cela a débouché sur la création de la Commission nationale du débat public - et « principe de précaution ».

Le Grenelle de l'environnement a été un très grand moment de débat collectif, animé avec détermination par Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet, auquel j'ai participé, et avec nous l'ensemble des syndicats et des responsables du secteur agricole. Tous ensemble, sans état d'âme, parce que nous savions que nous avions tout intérêt à ce qu'il soit un succès - avec l'agriculture, et non contre ou sans elle -, nous avons avancé, malgré les discussions et les contestations.

Après ce très grand moment, et dans le prolongement du débat parlementaire, je reste convaincu qu'il faudra poursuivre l'information et le dialogue, sous toutes les formes possibles. Chacun de nos concitoyens doit pouvoir prendre la mesure des enjeux technologiques et se faire une opinion sur la question des OGM.

Il faut faire preuve de plus de pédagogie dans notre pays, associer à cette démarche les élus locaux, les agriculteurs, les associations, les consommateurs et les chercheurs. Il faut enrichir la réflexion européenne, qui se poursuit et dans laquelle la France, compte tenu de ses potentiels agricole et de recherche, doit rester fortement engagée.

C'est la dernière raison pour laquelle le Gouvernement attache une grande importance au débat parlementaire qui s'ouvre aujourd'hui devant la Haute Assemblée, et qui doit poser les principes d'une gestion rigoureuse et plus sereine de la question des OGM dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la deuxième fois en deux ans - deux fois sur le métier remettez votre ouvrage ! -, le Sénat se voit soumettre un projet de loi sur les OGM, le premier étant « tombé dans les oubliettes » après une première lecture au Sénat, en mars 2006.

Je ne peux que me féliciter de l'inscription à l'ordre du jour de ce projet de loi fondateur sur les biotechnologies et de sa prochaine lecture à l'Assemblée nationale, que vous avez pris soin, monsieur le ministre d'État, de programmer au début du mois d'avril, ce dont je vous remercie.

Puisque le Président de la République a renoncé à déclarer l'urgence sur ce texte, permettez-moi de formuler ici le souhait que son examen en deuxième lecture intervienne avant l'été.

Ce projet de loi répond à une nécessité, et cela pour trois raisons.

Tout d'abord, il est une urgence démocratique : le Grenelle de l'environnement, « dialogue à cinq » inédit entre syndicats, entreprises, organisations non gouvernementales, élus et administration, constitue un exemple incontestablement réussi de démocratie participative. Ce succès, je le reconnais, tient beaucoup à votre implication, monsieur le ministre d'État.

S'agissant précisément des OGM, le Grenelle a permis de dépasser l'opposition réductrice entre pro et anti-OGM, et de faire émerger de grands principes consensuels.

C'est désormais au Parlement, expression de la démocratie élective, qu'il revient de se prononcer et de débattre. En prenant appui sur les réflexions et les pistes constructives ouvertes par le Grenelle, nous devons finaliser, mes chers collègues, au nom du peuple français, que nous représentons, le cadre législatif qui manque à la France en matière d'OGM.

Dans l'attente de l'élaboration de ce cadre légal, le Gouvernement a jugé nécessaire de prendre immédiatement ses distances avec le cadre juridique en place. Ainsi, il a écarté les instances d'expertise existantes, jusque là chargées d'évaluer les risques et d'autoriser l'utilisation des OGM.

Anticipant leur refonte en une seule et nouvelle instance, et à l'heure du renouvellement de l'autorisation décennale du maïs Bt MON810, un décret du 5 décembre 2007 a institué un comité de préfiguration d'une Haute autorité sur les OGM, chargée de « réévaluer les risques et bénéfices pour l'environnement et la santé publique, susceptibles d'être attachés à la dissémination volontaire de maïs MON810 ».

Ce dispositif d'expertise, conçu comme provisoire, ne saurait perdurer et c'est à la loi de refonder de manière démocratique un système indépendant et légitime, sans lequel ne peut s'envisager une saine mise en oeuvre du principe de précaution.

Ce projet de loi répond donc à une urgence démocratique, mais aussi à une nécessité économique.

Je ne reviendrai pas ici sur le débat concernant la nature et l'ampleur du risque OGM, que la commission des affaires économiques a largement analysées dans son rapport d'information en 2003, dont l'excellent rapporteur était notre collègue Jean-Marc Pastor, que je tiens à saluer aujourd'hui. Je veux simplement rappeler l'enjeu économique que constituent les OGM.

D'abord, prévoir un cadre législatif pour l'utilisation prudente des OGM peut contribuer au développement d'une agriculture de production durable. En effet, monsieur le ministre, chacun s'accorde à reconnaître que l'agriculture doit respecter les milieux dans lesquels elle se déploie, mais qu'elle doit aussi se voir donner les moyens de le faire.

Parmi les outils susceptibles d'accompagner cette réorientation de l'agriculture, les OGM ne peuvent pas être écartés par principe. Si certains d'entre eux pourraient, par leurs conditions d'exploitation, mettre en danger l'environnement, d'autres peuvent présenter un très grand intérêt, par exemple comme alternative aux traitements phytosanitaires - c'est le cas des plantes génétiquement modifiées résistantes aux insectes et, bientôt, de celles qui permettront d'économiser de l'azote - ou comme outil d'adaptation aux changements climatiques, qui sont les principaux problèmes environnementaux auxquels nous devons faire face ; je veux parler des OGM économiseurs d'eau.

Une recherche ouverte sur ces potentialités, distinctes pour chaque OGM, peut seule permettre de savoir si ces promesses seront tenues, à l'heure où la demande alimentaire mondiale explose dans les pays émergents. Vous l'avez clairement dit, monsieur le ministre d'État ; vous l'avez également rappelé, monsieur le ministre de l'agriculture.

D'ores et déjà, je constate que le rendement accru du maïs Bt et la quasi-absence de mycotoxines dans ces cultures ont entraîné un nombre croissant d'agriculteurs français à faire le choix, en 2007, de cultiver cet OGM sur 22 000 hectares, essentiellement localisés dans le Sud-Ouest.

Fixer un cadre légal à la culture d'OGM dans notre pays, c'est aussi prendre acte de la structure actuelle des échanges agricoles mondiaux.

D'une part, notre pays, comme l'Europe entière d'ailleurs, est extrêmement dépendant des importations pour l'alimentation de ses animaux d'élevage, essentiellement les porcs et les volailles, particulièrement depuis l'interdiction des farines animales intervenue en 2000. Ainsi l'Europe doit-elle importer 75 % de ses protéines végétales en provenance des États-Unis, du Brésil et de l'Argentine. Or, en 2006, les cultures transgéniques ont représenté 100 millions d'hectares dans l'ensemble du monde. De ce fait, 80 % des importations européennes de soja contiennent des OGM. Pour sa part, la France importe chaque année environ 3,5 millions de tonnes de tourteaux de soja OGM, sur les 5 millions de tonnes que consomme l'ensemble de son bétail.

Il n'existe donc pas, aujourd'hui, d'alternative économiquement viable au soja OGM. Il serait irréaliste d'imaginer une alimentation animale sans OGM, car, dans un contexte de hausse généralisée du prix des matières premières agricoles, cela conduirait à renchérir encore les coûts de l'industrie agro-alimentaire et porterait les prix à des niveaux que le consommateur, déjà soucieux de son pouvoir d'achat, refuserait de payer. Les filières de viande blanche, porc et volaille, en seraient profondément déstabilisées.

Il n'est donc pas envisageable d'interdire les importations d'OGM. Dès lors, ne pas introduire, de manière encadrée et responsable, de cultures OGM en France serait se priver du moyen de réduire notre dépendance en protéines végétales et de préserver le pouvoir d'achat.

D'autre part, la France appartient au système commercial international et se trouve soumise aux règles de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. Attaquée par les États-Unis sur sa législation protectrice à l'égard des OGM, l'Union européenne encourt des rétorsions que Mme Fischer Boel, commissaire européen chargé de l'agriculture et du développement durable, évalue à ce jour à 800 millions de dollars, voire à 1 milliard de dollars par an. Vous l'avez entendue comme moi, monsieur le ministre de l'agriculture, lors de notre récente rencontre à Bruxelles.

Ces rétorsions prendraient la forme de taxes à l'entrée des États-Unis sur des produits agricoles européens emblématiques, en particulier nos vins, dont le champagne, nos fromages AOC et nos foies gras. Il est évident que la France serait l'un des premiers pays ciblés. Si, aujourd'hui, le problème des OGM affecte essentiellement les filières céréalières et, par contrecoup, celles de la viande blanche, l'onde de choc atteindrait demain la filière viticole. Je pense que certains de nos collègues - M. César et d'autres - n'en seraient pas spécialement ravis !

Enfin, tarder à légiférer sur les OGM emporte un dernier coût économique, d'un poids colossal pour l'avenir : en entretenant la confusion, la France a fini par décourager ses chercheurs en sciences du vivant. Même les lignes budgétaires ouvertes pour la recherche en biotechnologies ne sont plus consommées. Il ne suffit pas d'afficher un consensus en faveur de la recherche, il faut aussi lui donner un cadre sécurisé lui permettant de se déployer. Là encore, il y va de notre indépendance : si nous persistons dans une attitude défensive à l'égard des OGM, nous risquons de voir des multinationales étrangères monopoliser la propriété des traits génétiques.

Enfin, ce projet de loi répond à un impératif juridique : la France est, notamment, poursuivie pour défaut de transposition de la directive 98/81/CE relative à l'utilisation confinée d'OGM. La Cour de justice des communautés européennes, saisie en février 2007, s'autoriserait à demander une sanction de plus de 42 millions d'euros... Nous ferons tout pour l'éviter. Ce montant viendrait encore gonfler la facture résultant de la confusion française.

Le projet de loi que nous soumet le Gouvernement était donc attendu. Il se présente sous une forme nouvelle par rapport à 2006. Il est, en effet, bâti sur les grands principes dégagés lors du Grenelle, à savoir : la liberté de produire ou de consommer avec ou sans OGM, l'expertise indépendante, la responsabilité des producteurs et la transparence des informations relatives aux OGM. Ces principes sont, ensuite, déclinés dans le texte.

Concernant le projet de création d'une Haute autorité sur les OGM, destinée à remplacer la Commission de génie génétique et la Commission du génie biomoléculaire, la commission des affaires économiques se félicite que cet organe nouveau soit chargé d'évaluer les risques pour la santé et l'environnement, mais aussi les bénéfices de chaque utilisation d'OGM. Elle vous proposera de rebaptiser cet organisme « Haut Conseil des biotechnologies », pour marquer son rôle essentiellement consultatif, la décision politique étant, bien évidemment, de la responsabilité du Gouvernement.

Elle souhaiterait également bien distinguer, entre les deux comités prévus, l'avis des experts, c'est-à-dire du comité scientifique, de la parole de la société civile, qui exprimera des valeurs et sera portée par le comité de la société civile. Il vous sera, enfin, proposé un mode de dialogue entre ces deux comités venant se substituer au collège prévu.

La commission des affaires économiques tient aussi à bien dissocier l'évaluation du risque, qui sera l'apanage de ce Haut Conseil, de la surveillance biotechnologique du territoire, qui doit être assurée par le comité de biovigilance et qui concernera aussi bien les OGM que les produits phytosanitaires, par exemple. C'est important.

Enfin, la commission plaidera pour une évaluation scientifique, par ce nouvel organe d'expertise, de toute information nouvelle avant de décider de toute mesure d'interdiction ou de suspension de l'autorisation déjà donnée à un OGM.

Le second volet du projet de loi concerne la responsabilité des cultivateurs d'OGM.

Tout d'abord, la commission vous propose d'élargir ce cadre pour parler plus généralement de « responsabilité et de coexistence des cultures ». Surtout, elle a décidé d'accepter une transparence des cultures OGM à la parcelle, afin d'éviter de nourrir la suspicion.

Cependant, cette avancée majeure doit s'accompagner de garanties protégeant les exploitants et leurs cultures, ce qui justifie l'introduction d'un délit de destruction de champs à l'article 4 du projet de loi, délit aggravé lorsque la destruction porte sur un essai. Monsieur le ministre, sur ce point précis, qui a fait l'objet de négociations, je vous ai déjà fait part de mon ouverture, à laquelle j'ai d'ailleurs rallié l'ensemble de mes collègues : si le champ est devenu un espace social, il n'est pas pour autant un espace de non-droit.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Jean Bizet, rapporteur. Notre assemblée ne saurait l'accepter !

Concernant la question fondamentale de l'indemnisation du préjudice économique lorsqu'on trouve une présence fortuite d'OGM dans une récolte, la commission approuve l'obligation de garantie financière que le Gouvernement propose d'imposer aux exploitants d'OGM. Elle suggère de s'appuyer sur les possibilités de mutualisation entre les professionnels. Un tel mécanisme privé ne nécessite pas d'intervention du législateur et peut notamment prendre la forme d'un échange, par l'organisme stockeur, entre une récolte qu'une présence accidentelle d'OGM obligerait à étiqueter et le même volume d'une récolte non soumise à l'étiquetage OGM, et ce dans l'attente des propositions des professionnels qui, je l'espère, répondront un jour à cette problématique. Mais chaque fois que se développe une nouvelle filière et que se crée un marché, on observe l'émergence du monde assurantiel.

Je conclurai en soulignant l'esprit constructif avec lequel la commission des affaires économiques a examiné ce projet de loi, qu'elle vous propose d'adopter, mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle présentera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, enfin une loi OGM, sujet brûlant entre tous !

Comme l'a souligné notre brillant rapporteur, la transposition de la directive européenne est une obligation que nous ne pouvons différer. Elle doit établir le principe d'une liberté de choix des producteurs et des consommateurs à adopter les OGM ou à s'en soustraire.

Je placerai mon intervention dans le cadre du développement durable et de la biodiversité, m'inscrivant dans les conclusions du Grenelle de l'environnement et sur le long terme, m'attachant à parler de la recherche, de l'innovation et de l'expérimentation.

Tout d'abord, je rappellerai que l'apport économique qu'offre la biodiversité à l'humanité est immense. Il est égal à celui du produit intérieur brut mondial, mais n'est pas calculé car il est gratuit. Toutefois, la biodiversité est fragile, et son appauvrissement est dramatique et s'accélère.

Face à cette préoccupation, n'existent que la recherche, le développement et l'innovation en biotechnologie. La France doit impérativement renforcer ses efforts, promouvoir, protéger et redynamiser ses recherches pour penser au long terme.

À ce titre, il importe d'accroître les moyens de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique. Peut-être faudrait-il examiner la possibilité d'utiliser d'autres plantes riches en protéines. Ainsi, les amaranthes, nourriture privilégiée des Incas pendant des siècles, a permis à cette civilisation de perdurer. D'ailleurs, les Américains consentent des efforts pour importer et développer cette culture. L'INRA pourrait même envisager la possibilité d'importer des amaranthes et de leur apporter des améliorations par sélection ou hybridation. Il n'y a pas encore d'OGM de l'amaranthe ; cela ne gêne donc personne !

Les OGM s'imposent. Mais sachons leur accorder une juste place et différencier les meilleurs, qui permettent une adaptation au milieu. Cet aspect est fondamental puisqu'il permet, par exemple, à des cultures de plantes transgéniques de supporter la sècheresse. Les engrais azotés artificiels peuvent devenir inutiles pour d'autres qui auraient les mêmes propriétés que la luzerne. Toute cette logique est très différente de celle de certains grands groupes internationaux - je ne parle pas des groupes français - qui sont omniprésents, et le sont trop, aux yeux de certains. On comprend qu'il existe de grandes divergences d'opinion vis-à-vis des OGM.

Si la culture des OGM en milieu confiné est maintenant admise, leur culture en plein champ pose toujours problème, y compris dans de nombreux pays européens.

Le rapport d'information présenté à l'Assemblée nationale par Marc Laffineur, en octobre 2007, nous apprend que ces cultures sont certainement très largement répandues en Espagne et au Portugal, qu'elles sont interdites en Autriche et qu'elles sont mal vues en Allemagne, un certain nombre de Länder se déclarant sans cultures OGM.

Cette remarque me conduit à m'interroger sur l'absence de toute référence aux collectivités locales dans ce texte gouvernemental.

Pourtant, à mon avis, celles-ci sont en première ligne, car elles peuvent vouloir protéger leurs appellations d'origine contrôlée et leurs produits locaux, défendre leur agriculture biologique, leurs apiculteurs, etc. Il faut leur donner les moyens d'agir. J'aimerais qu'un amendement gouvernemental vise à accorder cette liberté aux communes, groupements de communes ou départements ou, en tout cas, à les faire participer fortement au comité économique, éthique et social, que la commission souhaite dénommer « comité de la société civile ».

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. Pierre Laffitte. Sous cette réserve, le texte gouvernemental qui nous est soumis me paraît relativement équilibré.

Toutefois, je regrette la rédaction de certains amendements de la commission, qui me semblent quelque peu critiquables, ainsi que l'estime notre collègue Jean-François Le Grand.

En revanche, je me félicite de la création d'une Haute autorité sur les OGM et je suis convaincu de la qualité potentielle d'une telle instance, surtout si elle est dirigée, comme le propose M. le président de la commission, Jean-Paul Emorine, dans son amendement n° 179, par un scientifique de renom indépendant.

Pour être efficace, cette Haute autorité doit impérativement garder le contrôle de ses outils d'évaluation dont elle est seule juge. De ce fait, il est souhaitable que cette instance, qui évalue les risques, définit une stratégie et les précautions à prendre avant d'autoriser la mise en culture des OGM, ne soit pas directement chargée de la surveillance. Ce rôle doit être assuré par le comité de biovigilance, qui lui rend compte de ses actions. À cet égard, l'amendement de la commission est bienvenu.

Les conditions techniques de mise en culture des OGM doivent être définies conjointement par les ministres de l'agriculture et de l'environnement, et, le cas échéant, par le ministre de la santé. Elles ne sauraient se limiter à prévoir des distances de mise en culture. Il s'agit également de définir les précautions à prendre pour le stockage et le transport des OGM, y compris des OGM importés.

Pour la première fois, la responsabilité des exploitants cultivant des OGM est clairement établie. À mon sens, elle devrait être partagée avec le distributeur et le détenteur de l'autorisation de mise sur le marché des semences incriminées. Les agriculteurs ne doivent pas être les seuls responsables, tous les acteurs doivent être solidairement responsables. L'absence fréquente de traçabilité en cas de contamination d'un milieu par des OGM en est une autre justification.

Enfin, je félicite le Gouvernement de sa volonté de transparence sur la localisation des parcelles de cultures OGM. Cette transparence, qui est inscrite dans de nombreux articles, est la condition nécessaire à une meilleure acceptabilité des OGM.

N'oublions pas que la chute de la biodiversité sur les continents, la surexploitation des océans, l'utilisation de surfaces arables pour la construction d'équipements - ce sont 100 hectares de terres cultivables qui disparaissent en France et 160 en Allemagne -, les usages des biocarburants, tous ces facteurs s'opposent à l'impérieuse nécessité de nourrir les 9 milliards d'hommes supplémentaires, alors que le dérèglement climatique restreindra les possibilités de l'agriculture traditionnelle, comme cela a été évoqué aussi bien par M. le ministre d'État Borloo que par M. le ministre Barnier. L'ampleur du défi est gigantesque.

Seule l'innovation scientifique peut répondre à ce défi, d'où l'importance de forcer l'allure, et donc d'accroître les moyens de la recherche, du développement et de l'innovation.

Aussi, je conclurai en approuvant la création du dispositif d'incitation fiscale à l'investissement en génomique végétale. II importe que la recherche française dans ce secteur vital pour l'avenir de l'humanité soit renforcée. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre d'État, je tiens tout d'abord à souligner que je me réjouis de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée. Mais, avant toute chose, j'aimerais vous dire dans quel état d'esprit j'aborde cette discussion.

En réalité, je rejoins les conclusions du Grenelle de l'environnement : je suis pour la liberté de produire et de consommer, avec ou sans OGM. Je suis ainsi favorable à ces derniers, tout en souhaitant le maintien et le développement des agricultures biologique et conventionnelle.

J'estime qu'il est impératif d'avancer et de faire évoluer notre réglementation sur les OGM, ne serait-ce qu'à cause de la contrainte européenne. En effet, la non-transposition de la directive européenne sur les OGM depuis sept ans risque de nous coûter une amende de plusieurs dizaines de millions d'euros...

Au-delà de cet aspect financier, nous ne pouvons négliger l'enjeu scientifique et économique que représentent les OGM.

On fait peser une contrainte lourde sur notre recherche dans le secteur des biotechnologies. Ce secteur, stratégique dans les années à venir, accumule les retards, notamment à la suite des actions menées par des commandos « anti-OGM ». Deux chiffres me semblent, à ce titre, particulièrement révélateurs.

En France, en 2006, toutes espèces confondues, environ 35 essais en plein champ de plantes transgéniques ont été effectués, ne dépassant pas au total quelques hectares. Ce chiffre est en forte diminution depuis quelques années, en raison de la difficulté à expérimenter.

Dans le même temps, aux Etats-Unis, plus de mille dossiers de demande d'expérimentation ont été déposés, dont plus d'un quart émanant d'universités, à des fins de recherche fondamentale. De plus, 61 % des entreprises privées françaises de biotechnologie ont annulé des projets de recherche dans ce domaine depuis 1998. En effet, des laboratoires de recherche, soumis à la pression de l'opinion publique, aux risques de campagnes d'arrachage et à l'hostilité de nombreuses communes limitent d'eux-mêmes leurs programmes. Ainsi, Biogemma, société française de biotechnologies, a décidé, en 2006, de cesser les essais en France pour les concentrer à l'étranger.

Or la promotion des biotechnologies est un facteur crucial d'indépendance nationale. En termes de rendement, d'utilisation d'intrants, de gestion de l'eau ou d'économie d'azote par exemple, les OGM pourront certainement apporter à l'avenir des réponses, au même titre que les semences hybrides par le passé. Laissons aux chercheurs la possibilité de faire leur travail !

Mais c'est également l'avenir de notre agriculture qui est en cause. L'enjeu est de pouvoir maintenir la compétitivité de l'agriculture européenne face à la concurrence mondiale, alors que les besoins alimentaires vont croître dans de fortes proportions.

À l'heure où la « chimie verte » est en plein développement, il est indispensable de maintenir, voire de développer les rendements agricoles. De plus, alors que le Grenelle de l'environnement vient d'entériner l'objectif de diminution par deux de l'usage des pesticides d'ici à 2012, il faut être réaliste : on ne peut logiquement être opposés à la fois aux pesticides et aux OGM. D'ailleurs, le Comité de préfiguration d'une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés, dans son avis sur le maïs Bt MON 810, souligne lui-même que les cultures de maïs Bt ont un impact sur quelques familles d'invertébrés, « ses effets étant toutefois moindres que ceux liés aux traitements insecticides ».

II ne faut donc pas diaboliser les OGM. Est-il crédible de les refuser sur son territoire au vu de notre dépendance en matière d'approvisionnement en oléoprotéagineux ?

L'Union européenne consomme ainsi chaque année 30 millions de tonnes de tourteaux de soja pour alimenter son bétail. Son taux de dépendance s'est d'ailleurs encore accru, depuis l'interdiction des farines animales en 2001, passant de 70 % à 75 %. C'est donc une forme d'hypocrisie que de persévérer à refuser les OGM à l'intérieur de notre pays, alors que nous sommes aujourd'hui contraints d'en importer massivement, en provenance de pays tiers, à des fins d'alimentation animale !

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Daniel Soulage. Je comprends les inquiétudes légitimes de nos concitoyens ; il faut restaurer leur confiance. En l'état actuel de nos connaissances, l'absence de preuve du risque sanitaire s'accompagne de l'impossibilité de prouver son absence. Quant au risque environnemental, éventuellement associé aux OGM, il est encore plus difficile à appréhender. C'est pourquoi il est important de garantir la coexistence des filières.

Le Grenelle de l'environnement instaure un droit à cultiver avec ou sans OGM. Cela signifie bien que chaque type de culture est possible et que l'une ne doit pas se faire au détriment des autres. Cette conclusion rejoint la position de la Commission européenne, qui a édicté comme règle générale de la coexistence entre types d'agriculture : « permettre à chaque agriculteur de choisir le mode de production qu'il souhaite, qu'il soit biotechnologique, conventionnel ou biologique ». Vous avez insisté tout à l'heure sur ce point, monsieur le ministre.

En outre, au terme du Grenelle de l'environnement, la France s'est fixée l'objectif ambitieux de porter à 6 % la part de la surface agricole utile, SAU, engagée dans un mode de production biologique d'ici à cinq ans et vise les 20 % en 2020. Dès le 12 septembre dernier, Michel Barnier a lancé le plan d'action « agri-bio : horizon 2012 », établissant l'objectif de un million d'hectares cultivés en bio.

Le Grenelle a ajouté 500 000 hectares complémentaires. Or cet objectif n'est pas réaliste sans un encadrement strict des cultures OGM. C'est l'existence même de l'agriculture biologique qui sera remise en cause si nous n'instaurons pas un strict encadrement des cultures OGM.

La réglementation européenne stipule, en effet, que « les denrées alimentaires contenant des OGM ne pourront pas bénéficier de l'étiquetage réservé aux produits biologiques, hormis ceux qui contiennent jusqu'à 0,9 % d'OGM pour cause de contamination accidentelle ». Les risques de contamination involontaire existent : semences, pollinisation croisée. Le Grenelle a réaffirmé le droit à cultiver avec ou sans OGM. À nous de permettre l'effectivité de ce droit, en protégeant des agricultures qui n'auront plus les moyens d'exister si, d'aventure, les mesures destinées à éviter la dissémination d'OGM ne s'avéraient pas suffisantes.

L'exemple allemand me semble tout particulièrement éclairant et instructif à cet égard. En effet, notre voisin est très en avance sur nous dans la transposition des directives européennes puisque, dès 2004, une loi fixait un cadre juridique pour la coexistence des cultures tout en prévoyant un régime de responsabilité strict fondé sur le principe du pollueur-payeur.

Après deux ans d'application de cette loi, le gouvernement allemand a élaboré un nouveau texte, qui a déjà été adopté par le Bundestag et qui devrait l'être par le Bundesrat le 15 février prochain. Ce texte comprend un volet spécifique relatif à la coexistence des cultures grâce à la mise en oeuvre de distances minimales pour la culture de plantes génétiquement modifiées. Ainsi, si un agriculteur décide d'utiliser des semences génétiquement modifiées, il sera tenu d'en informer ses voisins au moins trois mois avant les semis, par écrit et en précisant leurs droits et recours.

Par ailleurs, la distance minimale requise pour la culture du maïs sera de 150 mètres face à des cultures conventionnelles et de 300 mètres face à des cultures biologiques. Certes, cet outil prend en compte les spécificités de l'agriculture dans les ex-länder de l'Est, où les exploitations sont de très grande taille. Toutefois, une telle disposition est de nature à rassurer une opinion publique très réservée sur les OGM.

Autre innovation de ce projet de loi, la meilleure prise en compte des intérêts de la recherche. Les chercheurs se verront accorder des assouplissements importants, notamment pour les travaux en laboratoire et les expérimentations contrôlées en plein champ. Les procédures seront simplifiées, le nombre de documents à produire pour obtenir l'autorisation de mener des recherches et les délais seront réduits.

Pour moi, cette loi a valeur de modèle, car elle fait la jonction entre le nécessaire soutien à la recherche - vous y avez beaucoup insisté tout à l'heure, messieurs les ministres -, la transparence indispensable sans laquelle aucune culture OGM ne doit être envisagée et la coexistence des cultures, notamment la protection des cultures bio.

Mais c'est surtout le volet relatif à la coexistence des cultures qui me semble primordial. Sans être un intégriste de l'agriculture biologique, j'estime qu'il est incontestable que ce mode de culture répond aux attentes d'un grand nombre de nos concitoyens. Il faut donc le préserver. À quoi bon prendre des engagements lors du Grenelle de l'environnement si nous remettons tout en cause quelques mois plus tard ? Comment être encore crédibles auprès de nos concitoyens ?

C'est bien sur ces sujets, qui concernent tout un chacun, que nous devons être le plus irréprochables. Il est nécessaire de rassurer les consommateurs qui ne comprennent pas, après les termes choisis par le Comité de préfiguration de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés dans son avis sur le maïs BT 810, que l'on puisse seulement débattre des OGM au Parlement.

Il est nécessaire de rassurer les agriculteurs bios, qui craignent pour leur survie. Et comment ne seraient-ils pas inquiets devant les tergiversations et les différences de vues évoquées au sein des milieux les mieux informés et, nous l'espérons, les plus objectifs ?

C'est pourquoi j'ai déposé un amendement, fondamental à mon sens, qui reprend, en tenant compte de la géographie et de la situation française, les distances de protection prévues dans le projet de loi allemand, à savoir, pour le maïs, 100 mètres pour les cultures conventionnelles et 300 mètres pour le bio.

Ces chiffres n'ont pas été choisis au hasard ; ils ont été fixés sur la base d'expertises scientifiques et devraient prévenir à peu près totalement la pollinisation et la contamination des cultures traditionnelles par les OGM.

Par ailleurs, ces espacements pourront être révisés et diminués, suivant les avancées scientifiques. Certes, le développement des OGM pourrait être légèrement ralenti dans les premières années d'application de cette loi, du fait de ces distances de sécurité. Mais, passez moi l'expression, le jeu n'en vaut-il pas la chandelle ?

S'agissant des semences de maïs, on ne peut pas dire - et je parle en connaissance de cause ! - que l'isolement a diminué les surfaces des cultures, y compris dans le Sud-Ouest. Les agriculteurs savent très bien s'arranger ! Mieux vaut aller plus lentement, mais avancer sur ce dossier en permettant de faire évoluer les mentalités grâce à une transparence maximale, à la poursuite d'expérimentations, à la publication des résultats scientifiques et à la réalisation d'actions d'information vigoureuses.

Enfin, j'ai déposé des amendements destinés à garantir une séparation des filières plus efficace à tous les stades de la chaîne de production - récolte, stockage, transport... -, et à faire des parcs naturels des zones sans OGM.

J'espère, messieurs les ministres, madame le secrétaire d'État, que ce débat nous permettra d'apporter des garanties satisfaisantes pour tous.

Enfin, pour conclure, je veux croire que l'État s'attachera à mettre en place un véritable soutien à la recherche publique - j'ai été rassuré tout à l'heure -, afin que nous puissions développer à terme nos propres semences OGM, dont nous aurons contrôlé le process ainsi que les effets.

De même, nous ne pouvons faire l'économie à très court terme d'une campagne de communication de grande ampleur, afin d'informer correctement les consommateurs sur les OGM.

Je ne terminerai pas sans remercier et même féliciter notre rapporteur, même si je n'approuve pas tous les points qu'il a évoqués ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur certaines travées socialistes.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Daniel Raoul. Ça va changer !

M. Jean-Marc Pastor. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, parler des OGM dans cet hémicycle, c'est un peu parler de l'Arlésienne ! Le débat ne revient-il pas régulièrement depuis 2003 au moins, monsieur le rapporteur ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Mais si !

M. Jean-Marc Pastor. Nous avons eu des rapports et nous avons même examiné un projet de loi en 2006. Mais, je dois le reconnaître, la particularité de l'époque était que jamais nous n'avons entendu sur le sujet aucun des co-auteurs, les ministres de la recherche, de l'agriculture, de l'environnement, de la santé. Les choses ont changé depuis, monsieur le ministre, je vous rassure !

M. Aymeri de Montesquiou. Il y a eu les élections présidentielles ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Pastor. Pourtant, le 19 juin 2003 déjà, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, nous faisait part, dans cet hémicycle, de l'urgence qu'il y avait à transposer par voie législative la directive sur ce sujet. Quant au texte voté ici même en 2006, il ressemble très étroitement à celui que vous nous proposez : dix articles sur treize sont, en effet, comparables.

Là où j'ai parfois du mal à tout comprendre, c'est à propos du lien qui existe entre les conclusions du Grenelle de l'environnement et certains engagements que je retrouve dans le projet de loi que nous examinons. Mais, très honnêtement, le débat ne fait que commencer et je suis convaincu que nous aurons la réponse avant la fin, voire... après les municipales !

M. Daniel Raoul. Elle est bien bonne, celle-là !

M. Jean-Marc Pastor. Le parti socialiste que je représente tient à affirmer par ma voix tout son attachement à la modernité, à l'innovation, à la créativité et à la science, activité fondamentale pour permettre à l'homme, à l'humanité, de progresser, à une condition toutefois : qu'elle soit maîtrisée et contrôlée par l'homme et le secteur public.

Je reprends les propos que vous avez tenus dans votre intervention liminaire et que je partage, monsieur le ministre, à savoir que ce projet de loi est un acte de courage. La recherche scientifique doit être au service de l'homme, mais ce dernier ne doit pas se faire dominer par elle. Oui, j'adhère pleinement à cette image-là !

L'humanité exige en permanence des avancées scientifiques, mais, parfois, la réalité dépasse la fiction. Aujourd'hui, sur le sujet des OGM, « rien ne montre que c'est la raison qui gouverne le monde... en dehors de la raison du plus fort. » Jean Bizet se souvient certainement de cette phrase...

Le débat qui nous occupe laisse encore planer un espace de doute en la matière.

Qu'est-ce qui bloque le citoyen sur le sujet ?

Souvent, il ne connaît pas bien le dossier malgré la profusion d'informations, et, lorsqu'il le connaît, il a tendance à s'inscrire dans un clivage, dans la confrontation entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre.

Or que retrouve-t-on dans ce texte de loi pour rassurer, pour apporter plus de transparence et d'informations au citoyen ? Ce n'est pas le fichier national proposé qui sera suffisant pour le rassurer ! Il faudra aller plus loin, messieurs les ministres, madame le secrétaire d'État. Au cours du débat, nous serons conduits à vous proposer un certain nombre d'amendements en ce sens pour progresser, pour instaurer une véritable participation du citoyen.

J'ai pour habitude de reprendre une image, certes simpliste pour les scientifiques présents dans cet hémicycle, mais explicite. Nous l'évoquions déjà, mon collègue rapporteur Jean Bizet et moi-même, dans notre rapport d'information commun de 2003 pour exposer le sujet à des non-scientifiques, qui, globalement, représentent la société. Il s'agit d'un parallèle entre les individus et les livres.

Les chromosomes seraient les chapitres et les gènes les mots. Dans une phrase, on peut remplacer un mot par un autre et ainsi changer le sens de la phrase. On peut également changer un mot de place et le sens de la phrase en sera modifié également. La modification génétique consiste justement à modifier un ou plusieurs mots.

Mais le sens d'une phrase ne dépend pas uniquement du vocabulaire : il dépend aussi de la syntaxe, que nous maîtrisons beaucoup moins s'agissant des OGM ! D'ailleurs, aucun des scientifiques que nous avons interrogés sur cette question de fond n'a voulu s'engager lorsque nous leur avons demandé s'ils étaient sûrs qu'un gène, une fois déplacé, resterait à la même place. Dans certains cas, les gènes bougent un peu, ce qui a parfois des effets inattendus. C'est là que la prudence s'impose dans ce débat.

Ce constat me conduit à deux réflexions extrêmement basiques.

Premièrement, il faut prendre le temps d'expertiser encore, permettre à la recherche de travailler officiellement sur la question, la laisser oeuvrer en tout sérénité et lui donner les moyens de le faire. C'est grâce aux chercheurs et à leurs travaux que nous aurons le recul nécessaire sur la technique de la transgénèse, qui a énormément progressé, et que nous en maîtriserons mieux les tenants et les aboutissants.

Cela dit, l'objectif fixé par la stratégie de Lisbonne de porter à 3 % du PIB l'effort de recherche de notre pays ne sera vraisemblablement pas atteint. Il faut pourtant sauver la recherche publique dans sa mission fondamentale, car elle seule pourra faire la clarté sur le sujet en identifiant les risques et les avantages pour notre société, l'environnement et l'homme. Avec sept ou huit ans de recul, par exemple, nous savons déjà qu'il existe des cas d'accoutumance pour certaines plantes OGM, ce qui nécessite de recommencer les schémas de sélection.

Deuxièmement, ce projet de loi se préoccupe à 95 % des plantes génétiquement modifiées. Cela s'avère gênant dans un projet de loi relatif aux « organismes génétiquement modifiés ».

En effet, qu'il s'agisse de plantes ou d'animaux, c'est la fonction associée au génome qui détermine l'intérêt de l'OGM. Le triptyque organisme-gène-fonction est l'aspect fondamental qui devrait orienter nos débats et donner lieu à un encadrement législatif réel. Or rien n'apparaît à ce stade dans le texte.

Ne pas évoquer la liaison fonction-gène, c'est oublier l'essentiel dans ce débat. Nous l'avions évoquée dans le rapport de la mission d'information ; cela faisait d'ailleurs partie des demandes et je regrette que cette liaison n'apparaisse pas comme telle. Le gène est propriété de l'humanité et doit le rester, faute de quoi, nous ouvririons la boîte de Pandore de l'appropriation du vivant.

En revanche, la fonction -  le triptyque que j'évoquais  - est seule brevetable et mérite qu'on légifère.

Car, en définitive, ce texte concerne aussi le règne animal, dont l'homme fait partie.

Voilà quelques années, Jean Bizet et moi-même avons fait un déplacement aux États-Unis ; nous avons visité un centre de sélection porcin, où les chercheurs avaient introduit par transgénèse le gène laitier d'une vache laitière Holstein sur un chromosome de truie. Le résultat ? La production de lait de la truie était multipliée par deux et demi !

M. Daniel Raoul. Ah, la vache ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Pastor. Que faut-il en penser ? Sans doute le plus grand bien, mais où sont les limites de la science ? Cet exemple illustre à la fois le bénéfice éventuel de telles pratiques pour la société et les dangers qu'elles recèlent.

Comment le texte que vous nous proposez aborde-t-il ces sujets ? Je ne l'ai pas vu. Pose-t-il des jalons, des barrières ? Donne-t-il une ligne de conduite au Haut conseil ?

Il nous appartient de prévoir et de prévenir les risques, avant que la question ne se pose un jour de manière irrémédiable.

Vous nous parlez d'OGM, oui ! Avec des déplacements de gènes sur le chromosome, d'accord ! Mais la fonction ? Elle est entre les mains de qui ? Pourquoi et comment ?

Il est urgent de préciser que l'appropriation de la fonction ne peut être que publique ou, du moins, sous contrôle public, de manière à bien maîtriser ce que pourrait être une commande de la société vis-à-vis des OGM, et non pas être à la remorque d'opérateurs qui n'auraient d'autre but que leur propre profit.

Quand un semencier de ma région modifie, grâce à un gène de luzerne, une fétuque connue non seulement pour sa résistance à la sécheresse, mais aussi pour sa végétation très ligneuse, créant ainsi une nouvelle sorte de fétuque résistante à la sécheresse, mais moins ligneuse et dotée des propriétés alimentaires propres à la luzerne, c'est-à-dire riche en azote, donc plus appétante, il s'agit peut-être d'un début de réponse face aux enjeux du développement durable, car la société peut trouver des bénéfices dans ce type de pratiques culturales. Mais comment, jusqu'où, dans quel milieu et dans quel type d'environnement, pourront-elles être accueillies, ou non ? Je veux poser la question en ces termes.

En tout cas, la fonction peut être différente avec le transfert d'un gène d'une plante à une autre ou le déplacement d'un gène sur un même chromosome ou encore le transfert d'un gène d'un animal sur un autre animal, voire d'un animal sur un végétal.

Dans tous les cas, mes chers collègues, ce sont des OGM. Mais y a-t-il une réponse unique pour chacun d'entre eux ? Ou bien ne faut-il pas légiférer dès maintenant pour préciser clairement ces fonctions, leurs limites, les blocages et les interdits à ne pas dépasser ? Sinon, ce sera sans limite et nous n'aurons fait qu'effleurer une véritable question de société.

Quels seront le rôle et le pouvoir du Haut conseil à cet égard ? C'est à la loi de le préciser, et ce n'est pas la seule application de la directive européenne qui nous permettra d'apporter une réponse à ces questions. Nous devons aller plus loin !

Nous vous proposerons, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, quelques amendements d'« alerte ». Il vous appartiendra de profiter de ce temps fort du débat pour nous apporter toutes les précisions nécessaires.

D'autres questions se posent à nous.

Rien n'apparaît de façon explicite dans le texte sur la gestion des quantités colossales de céréales, d'oléagineux, de soja OGM importés pour fabriquer des tourteaux destinés à l'alimentation du bétail. Comment gère-t-on le stockage et le transport, ainsi que tous les risques de contamination diffuse ? La seule réponse de l'OMC ne suffit pas à éclairer notre société sur cette question.

Comment légiférer pour réglementer une culture d'OGM dans un département, alors que ce même département sera traversé par des camions transportant du soja OGM qui ne sera soumis, lui, à aucune législation, à aucune contrainte ? Comment allons-nous expliquer une telle situation à nos concitoyens ? Si nous voulons être crédibles, il nous faudra bien mettre tout cela sur la table : c'est ce que nous vous proposons.

Vous évoquez une garantie, mais il faut aller plus loin, avec la création d'un fonds financé par toute la filière.

Vous parlez de transparence et d'information, mais il faut, là encore, aller plus loin, en prévoyant une participation plus importante des citoyens, dans le cadre de commissions locales d'information et de suivi, ou CLIS.

La notion de responsabilité doit concerner non pas uniquement l'agriculteur, mais s'adresser à toute la filière.

Ce texte n'aborde, en fait, qu'une partie de la problématique des OGM.

Je me répète, car c'est important, la première étape reste toujours la recherche, qu'il faut soutenir sous toutes ses formes.

L'identification de fonctions destinées au domaine médical devrait pouvoir donner lieu, de la part des pouvoirs publics, à des réponses différentes de celles qui interviennent lors de la découverte de fonctions dont le but serait autre. C'est dans cette voie que nous souhaiterions accompagner le Gouvernement, celle du progrès maîtrisé, et nous proposerons d'amender le texte en ce sens. Nous suivrons souvent le rapporteur lorsqu'il présentera des amendements rédactionnels, mais, au final, si le texte devait rester en l'état, nous ne le voterions pas pour les raisons que j'ai évoquées.

Le Gouvernement me répondra sans doute que la directive n'aborde pas ces thèmes. Mais il nous appartient aussi de transmettre à l'Europe notre lecture de ce sujet, afin qu'elle prenne en compte nos problématiques.

Mes chers collègues, nous sommes prêts au débat. Selon nous, trop de questions sont à ce jour en suspens, trop de manques apparaissent sur un sujet aussi vaste.

Notre position reste cependant très claire.

Premièrement, on ne parle que des recherches en milieu confiné, voire exceptionnellement et dans des conditions précises, en plein champ.

Deuxièmement, la mise en place de commissions locales d'information et de suivi par projet est nécessaire.

Troisièmement, le maire doit disposer de toutes les informations concernant les OGM cultivés sur sa commune.

Quatrièmement, une définition du triptyque organisme-gène-fonction est nécessaire. Elle doit comporter des degrés différents, ce classement devant entraîner des mesures différentes en termes de besoins et d'encadrement.

Ces garde-fous, qui ont pour base le principe de précaution, la transparence et l'éthique, sont susceptibles d'ouvrir la voie au progrès scientifique, parce que ce dernier serait maîtrisé par l'homme et par la puissance publique. Si ces garde-fous que nous proposons d'introduire faisaient l'objet d'avancées de votre part, mes chers collègues, alors nous aurions fait ensemble un grand pas pour la science et pour l'humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UC-UDF.)

(M. Roland du Luart remplace Mme Michèle André au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte dont nous entamons la discussion revêt un caractère impératif pour deux raisons.

Premièrement, il s'agit de la transposition d'une directive européenne, pour laquelle nous avons déjà pris beaucoup de retard, ce qui serait susceptible de nous coûter plusieurs dizaines de millions d'euros de sanctions financières.

Deuxièmement, ce texte se situe dans le droit fil des conclusions du Grenelle de l'environnement, qui appelaient un cadre rigoureux et transparent pour les OGM, grâce à une loi et à la création d'une haute autorité.

Parce que le présent texte correspond à ce double impératif, le groupe de l'UMP insiste d'ores et déjà pour que la navette parlementaire suive son cours et que nous puissions aboutir à l'adoption d'un texte définitif dans les meilleurs délais.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire en 2006, lorsque nous discutions d'un premier projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, « nous ne pouvons ignorer que ce sujet interpelle, voire inquiète, nombre de nos concitoyens, et ce n'est que par plus de débat, plus de transparence et plus de recherche que nous pourrons avancer ».

Aujourd'hui, peut-être plus encore qu'en 2006, le groupe UMP du Sénat continue de plaider pour plus de débat, plus de transparence et plus de recherche. C'est pourquoi nous aborderons ce texte en faisant oeuvre de pédagogie, de clarté et de sérénité.

Dans un premier temps, il me semble utile de remettre en perspective la question des OGM. À ce titre, rappelons d'abord que notre pays ne peut pas vivre dans l'isolement : il produit, fait de la recherche et se développe dans un environnement concurrentiel et international.

Le contexte européen est évident : d'abord, parce qu'il s'agit de la transposition d'une directive ; ensuite, parce que certains de nos voisins européens, notamment l'Espagne, cultivent des OGM ; enfin, parce que la majorité des pays européens connaissent les mêmes débats que nous.

Nous devons aussi tenir compte d'une forte dimension internationale : les États-Unis, le Brésil et, désormais, la Chine cultivent des OGM. Le sujet figure à l'agenda de l'OMC, et pas forcément dans des termes qui nous sont favorables.

Enfin, nous devons essayer d'appréhender les organismes génétiquement modifiés dans toute la complexité des questions qu'ils soulèvent.

Premièrement, gardons-nous de trop de simplifications : chaque OGM a ses propres caractéristiques et les applications sont variées, qu'elles soient agricoles, pharmaceutiques ou industrielles.

Deuxièmement, le respect de l'environnement et de la santé publique ainsi que la préservation de la biodiversité plaident pour des procédures indiscutables d'autorisation et un système de biovigilance efficace qui existe déjà largement, tant au niveau français qu'au niveau européen.

Nous devons également traiter la question agricole dans toute sa spécificité. L'avenir de l'approvisionnement des élevages européens est en jeu, car nous sommes aujourd'hui déficitaires en protéines animales, comme cela vient d'être rappelé par plusieurs de mes collègues, si bien que notre cheptel est, pour partie, d'ores et déjà nourri avec des produits OGM importés.

Au-delà des aspects agricoles, le débat concerne plus largement les biotechnologies et l'avenir de la recherche française, seul moyen d'ailleurs de connaître les potentialités des OGM et d'accompagner le plus sûrement possible la prise de décision.

La question des OGM est donc non seulement complexe, mais aussi stratégique.

C'est pour nous, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, une ardente obligation que de chercher à apaiser le débat et d'approfondir la réflexion, car l'approximation fait le lit de l'obscurantisme et nourrit les inquiétudes.

Le présent texte nous permet de répondre à nombre de ces interrogations et de donner à notre pays le cadre légal équilibré dont il a besoin.

J'en rappellerai les principales dispositions.

Ce texte se fonde sur des principes généraux incontestables qui régiront toute intervention en matière d'OGM, à savoir le principe de précaution, la liberté de produire ou de consommer avec ou sans OGM, et la transparence.

Il instaure l'unification des autorités d'expertise existantes, par la création d'une instance unique, pour plus d'efficacité et de clarté. Celle-ci sera indépendante et pluridisciplinaire. Elle se composera d'un comité scientifique et d'un comité économique, éthique et social, qui assurera la représentation et l'expression de la société civile. Elle s'exprimera en toute transparence.

Est également prévu un régime de responsabilité sans faute pour le préjudice éventuel dû à une dissémination fortuite d'OGM et une information des citoyens par un registre national des cultures OGM.

Au-delà du texte législatif qui nous intéresse présentement, je souhaiterais évoquer deux autres points qui me semblent très importants.

Vous venez de rappeler, monsieur le ministre d'État, l'engagement du Gouvernement de consacrer 45 millions d'euros de crédits à la recherche dans les biotechnologies végétales. Peut-être pourriez-vous nous donner des précisions sur les programmes et les structures de recherche qui seront concernées ?

Par ailleurs, en attendant l'adoption définitive du projet de loi et, donc, la mise en place de l'instance d'expertise prévue, il est indispensable que les essais confinés et en plein champ puissent se poursuivre sans rupture d'instruction des dossiers d'autorisation, car la recherche nous permettra de connaître toujours mieux les OGM et de décider de leur avenir avec la meilleure sécurité possible, en application du principe de précaution.

C'est pourquoi, monsieur le ministre d'État, je me permets de vous demander, même si M. le ministre de l'agriculture vient à l'instant de confirmer l'intérêt qu'il portait à cette question, si l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ne pourrait pas être mobilisée dans ce sens.

Nous avons adopté en commission les amendements présentés par M. le rapporteur, notre collègue Jean Bizet, qui, permettez-moi de le souligner, se consacre, en tant que parlementaire, au dossier des OGM et des biotechnologies depuis plus de dix ans. J'espère que les travaux de la commission seront confortés...

M. Dominique Braye. Et écoutés !

M. Dominique Mortemousque. ... par notre débat en séance publique, afin que nous aboutissions à un texte équilibré, respectueux des principes que nous avons toujours défendus au Sénat, à savoir le principe de précaution, la transparence, la participation citoyenne et la responsabilité.

En conclusion, après la confusion qui a régné ces dernières semaines sur le dossier des OGM, il est grand temps de revenir à la raison et à la modération.

C'est pourquoi nous plaidons pour la confiance envers les avis de nos scientifiques, fondée sur un système d'expertise fiable et indépendant, pour la garantie de la coexistence de pratiques agricoles variées et respectueuses de l'environnement - Daniel Soulage a donné tout à l'heure certaines explications sur ce point -, et pour l'amélioration de nos connaissances par la poursuite de la recherche sur les OGM.

Il a été souvent dit que le Grenelle de l'environnement a permis de réunir autour de la table des personnes qui ne se parlaient plus.

Mes chers collègues, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, continuons donc d'échanger et de dialoguer en toute rationalité, pour que la France avance avec bon sens, pragmatisme, clarté et pertinence sur le sujet des biotechnologies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, aborder le sujet des organismes génétiquement modifiés, c'est nécessairement aborder des questions éthiques, culturelles, scientifiques, économiques, de santé publique, de sécurité sanitaire et environnementale.

La catégorie « organismes génétiquement modifiés » est très large. Elle recouvre aussi bien des plantes, des animaux, des bactéries, des champignons et des virus dont le profil génétique a été transformé en laboratoire. Tous ces organismes ont en effet pour trait commun d'avoir subi une opération de génie génétique aboutissant à la greffe d'un ou de plusieurs gènes dans leur patrimoine héréditaire.

La transgénèse permet d'aller au-delà des lois naturelles de l'hybridation, par la transgression de la barrière des espèces. Si les hommes ont depuis longtemps cherché à améliorer les végétaux et les animaux en utilisant des méthodes de sélection naturelle, de greffage ou d'hybridation, un cap a été désormais franchi.

C'est pourquoi nous aurions tort de mépriser le sentiment de défiance de nos concitoyens envers les organismes génétiquement modifiés ; nous aurions tort de réduire le débat à une opposition entre obscurantisme et progrès scientifique.

Les craintes de nos concitoyens, que bon nombre d'entre nous partagent sur ces travées, ont des racines dans des réalités historiques que constituent les crises sanitaires récentes - la vache folle, la listeria, l'amiante, la dioxine, le sang contaminé, l'hormone de croissance -, mais également dans une conception très culturelle de notre alimentation.

Face aux choix et aux enjeux en présence, aux incertitudes scientifiques, il paraît naturel de ne pas avoir une position catégorique sur chaque aspect de la question. Cependant, il revient au pouvoir politique de trancher et de prendre ses responsabilités.

Aujourd'hui, le bilan du coût par rapport aux avantages des organismes génétiquement modifiés joue en défaveur de ces derniers.

C'est pourquoi nous partageons sans réserve la position de notre rapporteur qui souligne « la nécessité vitale de reprendre les recherches dans le domaine des biotechnologies ». Il est fondamental de donner les moyens aux scientifiques de poursuivre leurs recherches. L'annonce du Gouvernement de consacrer 45 millions d'euros de crédits budgétaires en trois ans à la recherche en biotechnologies végétales tombe donc à point nommé, même si elle appelle des précisions de la part des chercheurs.

Il est notamment nécessaire de mettre en place des études épidémiologiques, puisqu'aucune étude de cette nature n'a été conduite dans les pays forts consommateurs d'OGM, et d'orienter la recherche vers des applications socialement utiles, en maintenant la primauté de la recherche fondamentale en amont de la recherche appliquée, et non l'inverse, comme c'est trop souvent le cas.

Les plantes génétiquement modifiées, auxquelles ce texte est consacré en grande partie, avaient été initialement conçues pour combattre la faim dans le monde, protéger l'environnement et économiser l'eau.

En ce qui concerne les questions environnementales, les objectifs sont loin d'être atteints. Ma collègue et amie Évelyne Didier y reviendra en détail tout à l'heure. L'objectif d'un recours réduit aux herbicides, fongicides, insecticides et pesticides laisse le citoyen interrogatif face aux avis partagés des scientifiques, qui déplorent la mise en champ massive sans avoir de certitudes quant aux risques sanitaires possibles, et ce tout particulièrement à moyen et à long terme.

Lors des débats en mars 2006, j'avais rappelé les phénomènes d'accoutumance des plantes, des adventices et des insectes. Au regard des modifications des micro-organismes dans le sol, aucune étude ne permet de dire avec certitude si la réversibilité vers des cultures conventionnelles ou biologiques sera possible. Des millions d'hectares seraient ainsi « gelés » et condamnés aux PGM.

Dès lors, comment respecter les objectifs du Grenelle de l'environnement et multiplier par trois les surfaces dédiées à l'agriculture biologique ? Quelle crédibilité accorder à l'annonce des repas « bio » dans nos cantines municipales ?

Quant aux plantes résistantes à la sécheresse, on en parle beaucoup, mais on ne les voit jamais !

Je souhaite à présent aborder la souveraineté alimentaire, question qui est en lien direct avec l'appropriation du vivant par de grandes multinationales, avec sa brevetabilité, ou encore avec la mondialisation et la dépendance des États les plus pauvres vis-à-vis des États les plus riches.

Il serait malhonnête de laisser entendre que les organismes génétiquement modifiés peuvent constituer une réponse suffisante pour éradiquer la malnutrition ou les famines dans le monde.

La FAO, ou Food and Agriculture Organization, tout comme les organisations humanitaires s'accordent à dire que, en règle générale, les crises alimentaires ne sont dues ni aux épisodes de sécheresse ni aux invasions d'insectes et que, dans l'ensemble, elles sont liées non pas à un déficit de production agricole, mais à la répartition des produits et des revenus au sein de la société. Bref, la nourriture est produite en quantité suffisante, mais de larges segments de la population n'ont pas les moyens de se la procurer.

En France, où il devrait être aisé de permettre à toutes les familles d'accéder à des revenus du travail compatibles avec les dépenses alimentaires nécessaires à la survie de leurs membres les plus fragiles, que constate-t-on ? Les Restaurants du coeur, les banques alimentaires, les différents services d'aide sociale, publics ou privés, distribuent des dizaines de millions de repas par an.

Lutter contre la faim, c'est lutter contre les inégalités sociales, réduire la dépendance des petits exploitants ; ce n'est certainement pas soumettre ces derniers au diktat d'une poignée d'oligopoles mondiaux, dont l'unique but est de verrouiller et de contrôler l'ensemble du marché des semences, au mépris de l'indépendance alimentaire des pays.

C'est d'ailleurs dans ce sens que nous avons déposé un amendement dans ce texte, visant à défendre les semences de ferme !

J'en viens aux dispositions du projet de loi.

Le texte qui nous est soumis entérine la possibilité des cultures en plein champ, notamment à visées commerciales, et les dommages collatéraux inévitables, opérant ainsi un choix que nous ne partageons pas.

L'article 1er pose, avec raison, les principes régissant l'utilisation des organismes génétiquement modifiés. Il soumet, notamment, la culture et la commercialisation au respect de l'environnement et de la santé.

À peine posés, ces principes risquent fort d'être méconnus. En effet, s'agissant de la coexistence, rien n'est dit, au contraire, sur l'irréversibilité des risques provoqués par les OGM, qu'il s'agisse des sols, des adventices ou de plantes modifiées, comme la ravenelle.

Rappelons, à titre d'exemple, quelques lignes de l'avis rendu sur le maïs MON 810. Depuis 1998, des faits nouveaux sont apparus, renforçant les risques que présente cette plante génétiquement modifiée : la dispersion du pollen sur de grandes distances kilométriques, la pollinisation systématique croisée entre champs de culture d'OGM et champs sans OGM à l'échelle locale, l'apparition de résistances sur les ravageurs cibles, les effets négatifs sur la faune sauvage non cible.

Le chapitre Ier porte création de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés. Mutualiser au sein d'un même organisme les compétences peut être une bonne chose afin d'éclairer les autorités publiques, à condition de ne pas façonner le futur haut conseil pour servir uniquement le lobby des grands semenciers et de l'agriculture intensive.

Nous pensons donc qu'il est nécessaire que la mission de surveillance soit, quant à elle, dévolue à un autre organe, qui pourrait être le comité de biovigilance. Ce serait d'ailleurs l'occasion de le formaliser.

En outre, nous déposerons plusieurs amendements visant à fixer la composition des deux comités participant à la Haute autorité. Il nous semble peu souhaitable que cette question soit renvoyée à un décret compte tenu de l'importance des missions. Nous tenons également à ce que les deux comités élaborent conjointement les avis et que l'on ne s'en remette pas à un collège de trois membres pour l'adoption du document final.

Au cours des débats, nous reviendrons plus en détail sur la composition, l'indépendance des comités et le champ de la mission de la Haute autorité.

S'agissant de la responsabilité, l'article 5 du projet de loi, relatif à la responsabilité des exploitants cultivant des plantes génétiquement modifiées, exclut néanmoins de cette définition la mise sur le marché, ce qui tend à déresponsabiliser les semenciers au détriment des exploitants agricoles.

Les agriculteurs font, par nature, confiance aux techniciens, qui ont à la fois une mission de conseil et un objectif de vente. L'on ne voit pas pourquoi ceux qui tirent le plus grand bénéfice du système, à savoir les semenciers et les organismes revendeurs, ne porteraient pas leur part de responsabilité en cas de dissémination.

Par ailleurs, l'indemnisation porte uniquement sur la perte économique de la récolte et ignore d'éventuels déclassements de l'exploitation ou d'autres dégâts collatéraux irréversibles.

Quant au recours à la garantie financière obligatoire pour les cultivateurs de plantes génétiquement modifiées, il présente l'inconvénient de charger uniquement l'agriculteur sur le plan financier. Le système proposé par la commission relevant, quant à lui, plus de l'improvisation de dernière minute, ne nous satisfait pas.

Il est également très problématique que la preuve de la contamination et son coût soient à la charge de la victime.

L'exigence de transparence est considérablement réduite par la persistance d'informations non transmissibles. En la matière, la France ne satisfait pas aux exigences posées par l'article 6-2 de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. La jurisprudence administrative a estimé que la diffusion des données opérée par internet et la publication des fiches d'information ne constituaient pas une garantie acceptable.

Le projet de loi prévoit la localisation des cultures OGM à la parcelle. Cependant, la portée de l'obligation d'information en matière de dissémination n'est pas encore très claire, en raison de l'invocation de l'ordre public ou d'autres secrets protégés par la loi. En effet, le Conseil d'État a décidé de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle sur l'obligation de communication par l'administration de la localisation des parcelles.

C'est pourquoi il faut être prudent quand on parle de transparence et bien avoir en tête la question de l'accès du public à l'information.

De plus, nous considérons qu'une information effective du public en ce qui concerne la liberté de consommer sans OGM passe par l'instauration d'un affichage positif de la mention « avec OGM ».

Enfin, il est indispensable que nos concitoyens s'emparent de ce sujet de société et que l'information soit diffusée partout. Nous demandons qu'un grand débat public national soit organisé sur le sujet.

« Les Français sont d'accord avec les OGM, ils en mangent déjà » avez-vous dit, monsieur le rapporteur. Mais les Français sont-ils au courant ? Donnons-leur la possibilité de choisir et de s'exprimer sur cette question. Il convient d'avancer avec la société en informant, en débattant, en décidant démocratiquement.

Certains pays, tels que la Suisse, ont recouru au référendum pour dire « non » aux OGM ; d'autres ont prolongé le moratoire. L'opinion publique française, majoritairement contre la dissémination et la consommation d'organismes génétiquement modifiés, n'est pas isolée à cet égard en Europe. La France devrait profiter de la présidence de l'Union européenne pour relancer le débat sur ce sujet.

Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi pour des raisons essentielles, que je souhaite rappeler : il s'agit d'un texte voté sous la contrainte de Bruxelles et de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, et qui n'a été précédé d'aucun grand débat public national.

Souvenons-nous de l'affaire du boeuf aux hormones. À l'époque, l'Organe de règlement des différends avait confirmé la condamnation de l'Union européenne en ne retenant pas la pertinence du principe de précaution.

D'ailleurs, les États-Unis ne considèrent pas le « principe de précaution » comme une règle de droit international coutumier et ils estiment qu'il s'agit plus d'une « approche » que d'un « principe ». On connaît pourtant aujourd'hui les effets de tels produits sur la santé !

Le présent texte prône une conception mondialiste et capitalistique de domination des grandes firmes internationales et de certains pays dans le cadre de la guerre alimentaire ; il confirme le concept de brevetabilité du vivant ; il promeut une technologie incomplètement maîtrisée, alors qu'elle aura des effets irréversibles sur la biodiversité ; il est de nature à entraîner une remise en cause des formes d'agriculture à dimension humaine, conventionnelle ou biologique ; enfin, il comporte un chantage inacceptable à la délocalisation et à la dépendance technologique.

Tout cela fait beaucoup dans un monde dominé par l'argent, un monde où ceux qui ont faim et se font exploiter par les pays riches n'attendent pas les OGM. Aussi, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, depuis de nombreuses années, le débat sur les OGM voit s'affronter des positions aussi opposées que passionnées. Elles ne reposent souvent sur aucune preuve scientifique et relèvent ainsi fréquemment du combat idéologique.

Pour la énième fois, nous sommes saisis d'un projet de loi sur ce sujet. Il est temps d'expliquer en termes intelligibles à nos concitoyens, qui craignent d'être exposés à des risques nouveaux et affichent une hostilité globale à l'égard des OGM, quelles sont les voies possibles.

S'agit-il de banaliser la culture des OGM, comme le font les États-Unis, qui en autorisent le plus grand nombre ? En France, comme en Europe, on s'accorde généralement à dire que la banalisation serait dangereuse. Elle ne prendrait pas en compte l'incertitude scientifique qui subsiste sur certains risques, notamment à long terme. Les récentes conclusions du comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM, concernant le maïs transgénique MON 810, viennent d'ailleurs nous rappeler la nécessité d'un suivi rigoureux.

Néanmoins, une interdiction globale des OGM ne serait pas réaliste. On ne peut en effet ignorer le potentiel des biotechnologies en matière d'innovation, non plus que le risque de dépendance des agriculteurs français et européens dans le domaine des semences et des protéines végétales à l'égard des firmes américaines, chinoises ou indiennes.

En outre, chacun peut mesurer par exemple l'intérêt des OGM en matière pharmaceutique, que ce soit pour la composition des vaccins, la thérapie génique ou le traitement de l'hémophilie.

La recherche dans le domaine des sciences du vivant, notamment des OGM, doit donc expressément faire partie des priorités nationales.

Alors, entre banalisation et refus systématique, que faire ? Une approche au cas par cas, avec une procédure d'autorisation rigoureuse, semble être la meilleure voie. C'est d'ailleurs ce que prévoit la réglementation actuelle.

Pour convaincre nos concitoyens de ne pas avoir peur, certaines conditions paraissent indispensables : transparence totale du processus d'évaluation des risques pour instaurer la confiance ; information claire et garantie de l'existence d'une filière non-OGM.

L'une des grandes innovations du projet de loi consiste en la création d'une Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés, qui remplace les trois instances existantes - la Commission du génie génétique, la Commission du génie biomoléculaire et le Comité de biovigilance.

Cette instance doit être indépendante et pluridisciplinaire. Il me paraît indispensable que les représentants des associations et des organisations professionnelles en soient membres, mais que les personnes ayant des intérêts commerciaux liés aux OGM en soient exclues.

Par ailleurs, ce projet de loi vise à créer un registre national accessible au public, indiquant notamment la nature et la localisation à l'échelle de la parcelle des cultures d'OGM.

Je me félicite de cette mesure, qui existe déjà dans d'autres pays de l'Union européenne. Mais une consultation préalable du public avant toute dissémination volontaire est-elle prévue ? La procédure actuelle d'information en mairie sera-t-elle maintenue ?

D'une manière générale, il est impératif de systématiser et de renforcer l'information des maires pour leur permettre de répondre aux interrogations légitimes de leurs administrés. Dans les débats précédents ont été proposés des plans d'occupation des champs et des commissions locales d'information et de suivi, ou CLIS. De telles solutions permettraient d'anticiper les difficultés de voisinage et d'assurer une plus grande transparence.

Enfin, le projet de loi prévoit un régime de responsabilité. Cette question est majeure, notamment pour protéger les agriculteurs contre les risques de contamination de filières conventionnelles ou biologiques coexistant dans les mêmes régions de production d'OGM.

Cependant, le préjudice économique, tel qu'il est défini par le projet de loi, ne prend pas en compte les coûts liés aux analyses, à la perte éventuelle de label, à l'impact sur l'image commerciale.

En conclusion, il n'existe pas de réponse unique, mais, si l'on ne veut pas condamner ou abandonner à d'autres l'arme économique que représente le monopole des semences, il est nécessaire d'informer les élus et le public et d'apporter des garanties aux producteurs traditionnels, aux agriculteurs biologiques et aux consommateurs pour restaurer la confiance.

Une grande partie du groupe du RDSE reconnaît les avancées que permet ce projet de loi et le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne parlerai pas tant du contenu du texte que du contexte dans lequel nous l'examinons.

Comment se fait-il que le Gouvernement ait déclaré- pour finalement la lever - l'urgence sur ce texte important, alors même que les travaux parlementaires en séance publique seront suspendus dans quatre jours et que l'Assemblée nationale ne sera de toute façon pas en mesure d'examiner le projet de loi avant la fin du mois de mars, et ce alors même que nous avons adopté en première lecture, ici même, il y a vingt-deux mois, un texte présenté par un gouvernement appartenant à la même majorité que celle d'aujourd'hui, texte qui n'était pas fondamentalement différent de celui qui nous est présentement soumis, mais dont on a inexplicablement perdu la trace ?

Que s'est-il passé ? A-t-on voulu calmer le jeu à l'approche d'échéances électorales importantes ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Le Cam. Sans doute !

M. Yves Détraigne. A-t-on voulu donner des gages à ces « faucheurs volontaires » qui ont poursuivi, en toute illégalité et, souvent, en toute impunité, le saccage de champs OGM légalement autorisés ? (M. Dominique Braye rit.)

M. Yves Détraigne. A-t-on voulu conforter leur leader, qui, quoique plusieurs fois condamné par la justice, semble bénéficier d'une audience dans les médias et d'une influence auprès du ministère de l'écologie supérieures à celles des représentants, pourtant républicains et légalistes, des agriculteurs et des chercheurs victimes des actions de ces « faucheurs » ?

Des transactions inavouées autour du Grenelle de l'environnement ont-elles eu lieu, selon le schéma suivant : « Je fais jouer la clause de sauvegarde sur le Monsanto 810, mais, en contrepartie, vous me laissez poursuivre le programme nucléaire et je fais voter une loi sur les OGM qui nous met en conformité avec les directives européennes ? »

M. Daniel Raoul. L'insolent ! (Sourires.)

M. Yves Détraigne. La polémique qui a entouré la mise en oeuvre de cette clause de sauvegarde tend plutôt à justifier le bien-fondé de mes interrogations. Si je ne suis pas le seul à les poser, je suis cependant le seul à les exposer !

Que de temps perdu !

Pendant ce temps-là, nos voisins sèment toujours plus d'OGM et la France continue à importer des produits OGM. Le cheptel français consomme ainsi 4,5 millions de tonnes de soja importé, dont près de 80 % contiennent des OGM. Nous nageons en pleine hypocrisie !

Pendant ce temps-là, on reproche aux agriculteurs de polluer le sol et l'eau avec leurs méthodes culturales habituelles, mais on les empêche de tester les plantes OGM qui pourraient éventuellement leur permettre, dans le futur, de maintenir des rendements élevés sans apport de produits phytosanitaires et autres pesticides.

Comment peut-on vouloir sensibiliser une profession à la nécessité de nourrir demain neuf milliards d'hommes tout en l'empêchant, aujourd'hui, de tester les solutions qui permettront peut-être d'y parvenir ?

Ce n'est pas avec l'agriculture biologique, qui, certes, correspond à un besoin, mais dont les rendements dans le domaine du végétal représentent 40 % à 50 % seulement des rendements de l'agriculture conventionnelle, que l'on répondra à ces défis. Bien au contraire !

M. Jean Bizet, rapporteur. Très juste !

M. Yves Détraigne. Alors, il est temps que cesse l'hypocrisie actuelle et que la politique de notre pays dans ce domaine redevienne cohérente et transparente. Il est temps qu'on sache enfin où l'on va et que la loi soit appliquée, non seulement vis-à-vis des centres de recherche et des agriculteurs, mais aussi vis-à-vis des « faucheurs volontaires », afin que les progrès soient possibles.

Quand je vois le « pas de deux » auquel nous avons assisté sur les OGM, je me félicite à nouveau d'avoir voté contre l'inscription dans la Constitution du trop fameux « principe de précaution », dont je considérais qu'il pouvait être un frein à la recherche et au progrès.

La commission Attali, chargée de « faire sauter » les verrous de la croissance, n'a-t-elle pas d'ailleurs préconisé sa suppression ?

La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en visite au centre d'Orléans de l'Institut national de la recherche agronomique le 18 janvier dernier, a rappelé que « les biotechnologies sont porteuses de formidables espoirs ».

Je souhaite qu'elle soit entendue et que nous fassions le choix du progrès, certes encadré, plutôt que celui de l'obscurantisme, même médiatique ! J'espère que ce texte, dont je souhaite l'adoption, le permettra enfin. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux ans après l'avoir fait une première fois, nous allons de nouveau évoquer dans cet hémicycle la question des OGM.

Les intervenants précédents ont rappelé les différentes étapes du travail législatif sur ce sujet et ont pu évoquer à ce titre les tribulations, sinon d'un Chinois en Chine, du moins d'une loi au Parlement ! (Sourires.)

En mars 2006, j'avais débuté mon intervention dans le cadre de la discussion générale sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés en précisant que la « transgénèse, comme toute technologie, qu'elle soit nouvelle ou non, et comme tout outil, peut être la meilleure ou la pire des choses ».

Malheureusement, je constate, comme vous, que, presque deux ans plus tard, ce sujet déchaîne toujours autant les passions, à la hauteur de la méconnaissance qui règne chez les uns comme chez les autres. Interventions dogmatiques et positions manichéennes sont toujours de mise, certains en faisant même leur fonds de commerce !

Si nous ne voulons pas diaboliser cette avancée scientifique en rangeant sous un même vocable toutes ses applications possibles, nous devons faire un effort important de pédagogie.

J'ai déjà eu l'occasion de dire devant le Sénat que, si nous n'y prenions garde, les OGM susciteraient dans les esprits la même confusion que celle qui prévaut toujours sur la question du nucléaire, certains faisant l'amalgame entre les armes nucléaires et les centrales de production d'énergie.

Personne ne met en avant les progrès sanitaires que représentent les OGM pour certains vaccins. À titre d'exemple, je citerai le vaccin contre le virus H5N1, inoculé dans les élevages avicoles, et le vaccin contre la rage, qui a permis de stopper la progression de cette maladie vers le centre de la France.

Dans ces deux cas, il s'agit bien d'OGM, et personne ne les rejette.

Je n'oublie pas non plus toutes les applications possibles de la thérapie génique.

Il est vrai que, depuis les épisodes « médiatico-scientifiques » de l'amiante ou du nuage de Tchernobyl, innovation scientifique et décisions politiques ne font pas bon ménage dans l'esprit des Français.

J'espère que le contexte qui est le nôtre, celui de l'après-Grenelle de l'environnement, favorisera les prises de conscience et des positions moins radicales, puisque chacun se plaît à souligner qu'il a été l'occasion d'un vrai dialogue.

En tant que représentants des élus et du peuple, il est de notre devoir de parlementaires de légiférer pour que nos concitoyens soient plus justement informés et, comme nous le souhaitons, davantage associés aux décisions d'implantation et d'essais.

Là est certainement le coeur du sujet : créer la confiance par la participation dans la transparence et, évidemment, la responsabilité, qui est son corollaire.

À cette fin, il est essentiel, selon nous, de mettre en place les CLIS, comme ce fut fait pour les questions touchant à la sûreté nucléaire ou aux installations classées de type Seveso II.

Ces commissions devront tout d'abord se prononcer sur les protocoles d'essai pour tout semis en plein champ, bien entendu après les essais en milieu confiné ou en laboratoire.

Composées de citoyens, elles garantiront plus de transparence et devraient permettre aux maires de faire participer la population de leur commune aux phases d'information, de décision et, surtout, d'évaluation.

Mais que de confusion dans votre texte, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, après la cacophonie des positions diverses des membres du Gouvernement !

Tout d'abord, j'insisterai sur la confusion entre les OGM et les PGM, entre les organismes génétiquement modifiés et les plantes génétiquement modifiées.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous connaissez mon attachement à cette distinction. En réalité, soyons clairs, 80 % du texte qui nous est présenté ne concernent que la culture de PGM, et, pour être plus précis, celle du maïs Monsanto 810. (M. le ministre d'État fait des signes de dénégation.)

S'il s'agissait d'un texte de portée générale sur les OGM, comment ne pas établir de lien avec la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, en particulier pour le règne animal, auquel appartient l'espèce humaine ?

Vous prétendez vouloir la transparence, objectif auquel nous souscrivons. Dans ce cas, donnez-nous en les moyens ! Vous avez bien accepté les CLIS dans les domaines de la sûreté nucléaire et des installations classées Seveso II ; créons les mêmes commissions locales en associant à la fois les élus, les associations et les habitants.

De plus, comment justifier que l'on importe 4,5 millions de tonnes de soja constituées à près de 80 % par des OGM et que l'on interdise simultanément la culture d'une PGM par nos agriculteurs, en particulier ceux du Sud-Ouest ! Je ne vois pas comment le Gouvernement peut sortir de cette contradiction, tout particulièrement le ministre de l'agriculture. Car le risque de dissémination diffuse existe autant dans le transport ou dans le stockage que dans la production elle-même.

La recherche sur les biotechnologies est un impératif stratégique pour l'agriculture, mais pas seulement, en France mais aussi en Europe et dans le reste du monde.

Comment justifier qu'une PGM faisant l'objet d'essais en plein champ ait été détruite alors qu'il s'agissait d'une plante résistante à la sécheresse ? Nous sommes pour le droit de produire, avec ou sans PGM, et cela exige un certain nombre de mesures respectueuses des critères du développement durable de la Charte de l'environnement.

Même si je n'étais pas favorable à l'introduction d'une telle charte dans la Constitution, j'aimerais bien, maintenant qu'elle y est inscrite, que les principes contenus dans ce texte soient respectés.

Premièrement, un effort intensifié de recherche dans le domaine des biotechnologies, et particulièrement dans le domaine de la génomique végétale, devrait être mené pour que nous disposions, en fait, d'une expertise indépendante et que nous ne soyons pas assujettis aux expertises des entreprises qui soumettent leurs dossiers à une autorisation.

Deuxièmement, il faudrait que les essais en plein champ soient assurés dans une transparence complète avant que l'on ne passe à la culture en plein champ, ce qui suppose non seulement une information, une concertation, mais aussi une évaluation sur les avantages et les risques de cette PGM.

Troisièmement, chacun devrait avoir la liberté de choisir consciemment et en toute responsabilité de produire et de consommer avec ou sans OGM.

Quatrièmement, enfin, après une évaluation des avantages par rapport aux risques, il faudrait déterminer une responsabilité.

Mais je me tourne vers le Gouvernement : j'ai du mal à vous accorder ma confiance à propos de ce projet de loi, alors que vous avez enterré le texte sur les certificats d'obtention végétale et le texte que notre assemblée a adopté voilà deux ans, qui permettait en particulier l'utilisation des semences fermières, aspect qui est complètement absent du présent projet de loi.

Quel va être la trajectoire du texte actuel ?

Où en êtes-vous par rapport à l'activation de la clause de sauvegarde ? Toutes les rumeurs circulent, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre. J'espère que nous aurons des réponses dans le cadre de ce débat. Toutes nos interrogations auront-elles, comme se l'est demandé notre collègue Yves Détraigne, une réponse après les élections de mars ?

Brandissez-vous cette clause comme un outil de communication, alors que vous connaissez pertinemment la réponse de la Commission ?

Le sujet de ce texte est pourtant un enjeu stratégique. Une information, une véritable pédagogie auraient donc été nécessaires si nous ne voulons pas nous trouver dans une dépendance supplémentaire par rapport soit à des entreprises américaines soit à des entreprises asiatiques.

Vous ne méconnaissez pas les efforts qui sont faits à la fois par l'Inde et par la Chine dans le domaine des biotechnologies. En une seule année, ces pays ont recréé ex nihilo l'équivalent de notre INSERM. C'est donc qu'ils ont bien mesuré les enjeux que représentaient les recherches dans ce domaine.

Pourquoi ne pas se donner les moyens d'échapper à une dépendance qui pointe à l'horizon, qu'elle soit vis-à-vis des États-Unis ou vis-à-vis de l'Asie ? À une époque, certaines mesures courageuses ont été prises par des gouvernements - je fais allusion au gouvernement Messmer - pour assurer notre indépendance en matière énergétique. Pourquoi ne pas avoir ce même courage pour garantir l'indépendance dans le domaine des biotechnologies et des applications agroalimentaires ?

J'interroge donc le Gouvernement : comment compte-t-il corriger tout cela et donner à la France la place qu'elle mérite dans la compétition agroalimentaire ?

Vous avez évoqué l'ouverture de crédits, mais je sais, j'ai pu le vérifier auprès des chercheurs de l'INRA ou de l'INSERM, qu'ils n'ont pas été consommés, et cela en raison des pressions exercées sur les chercheurs par leur direction, pressions non seulement morales, mais quelquefois physiques par l'interdiction qui leur était faite d'aborder le problème des PGM ou des OGM.

Il va falloir ouvrir complètement ce dossier si vous voulez que vos crédits, dont je reconnais l'opportunité - je salue le geste que vous avez fait -, soient effectivement utilisés.

Cela suppose que vous soyez assez directifs vis-à-vis des directions des établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, en particulier que les chercheurs qui réalisent des tests dans ces domaines soient reconnus et ne soient pas considérés comme des pestiférés, y compris au sein de leur laboratoire.

Au lieu d'un texte d'opportunité, il aurait fallu un texte de fond pour examiner le triptyque évoqué par Jean-Marc Pastor « plant-gène-fonction », et se donner les moyens d'interdire la brevetabilité du vivant.

M. Daniel Raoul. En effet, breveter le gène, donc le couple « plant-gène », ce serait - j'utilise des termes de physique, car c'est un domaine que je maîtrise un peu mieux que la biologie - comme breveter la structure du fer ou du silicium avec leurs propriétés.

En revanche, les applications, autrement dit les fonctions, sont, elles, brevetables, comme l'a dit Jean-Marc Pastor tout à l'heure, contrairement à la plante et au gène, qui font partie du patrimoine mondial et ne sont pas brevetables.

Vous avez compris qu'il nous est donc difficile, à ce stade du débat, d'adhérer au projet de loi.

Néanmoins, nous allons essayer d'améliorer certains aspects du texte dans l'intérêt de notre pays, de notre agriculture et de notre indépendance agroalimentaire ; c'est le seul objet de nos amendements.

Nos objectifs sont donc clairs.

Il faut permettre une réelle liberté de choix pour produire et consommer avec ou sans OGM.

Il convient de clarifier les débats sur les enjeux, et je ne suis pas sûr qu'un jour nous n'aurons pas dans notre assemblée à choisir entre les pesticides et les PGM et à comparer les avantages et les risques des uns et des autres.

En tout cas, quand on voit le résultat sur les nappes phréatiques de l'utilisation des pesticides, on peut se demander s'il ne vaudrait pas mieux cultiver une PGM qui « s'auto-immunise » contre les insectes et, dès lors, évite le recours aux produits phytosanitaires, plutôt que de continuer à polluer les nappes. C'est bien là un enjeu pour notre société.

Il faut encore mettre en cohérence les pratiques de culture et d'importation. J'espère que le Gouvernement me répondra sur ce point, peut-être M. le ministre de l'agriculture, parce qu'est en jeu ici tout ce qui concerne la viande blanche.

Il faut enfin développer la recherche indépendante pour réaliser une véritable évaluation afin de produire plus et mieux.

Dans l'attente de l'issue de nos débats, je reste dans l'expectative ; vous comprendrez bien que, pour le moment, je me place plutôt dans une « abstention négative ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour aborder comme il convient ce projet de loi, je voudrais d'abord vous livrer trois observations préalables.

Notre action législative se situe dans le droit fil de la transposition par décret d'une directive européenne, mais nous devons aller au-delà de ce simple exercice, puisque, entre 2006 et aujourd'hui, est intervenu un événement assez exceptionnel, le Grenelle de l'environnement.

Cet exercice, voulu par le Président de la République, organisé par vous-mêmes, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, a permis - chose exceptionnelle - aux différentes composantes de la société, Parlement compris, d'échanger sur des sujets extrêmement complexes, a priori conflictuels. Le Grenelle de l'environnement a abouti à des réflexions riches, des propositions souvent consensuelles et concrétisées après une ultime table ronde de concertation par des engagements fondamentaux pris par M. le Président de la République lui-même.

Ce sont autant d'obligations de prendre à notre compte une recodification de la société fondée sur ces mêmes engagements. Le projet de loi OGM n'échappe pas à cette ardente obligation. Ils prendraient une lourde responsabilité, ceux qui auraient envie d'étouffer la dynamique du Grenelle de l'environnement et de la réduire à une sorte de gadget médiatico-politique.

Ma deuxième observation se situe dans le droit fil de la première. Kyoto, Johannesburg, Bali et le Grenelle de l'environnement lui-même réaffirment avec force que l'on sait désormais qu'il ne sera plus possible de vivre selon des modèles que l'homme a mis en oeuvre depuis les débuts de l'ère industrielle. La planète a des limites qui ne doivent pas être franchies, sauf à condamner l'humanité à disparaître.

Nos comportements économiques industriels et individuels contribuent à développer des situations telles que l'augmentation de la pollution, la consommation excessive de ressources naturelles ou encore le réchauffement climatique.

On sait que, face à ces dangers, outre les changements profonds d'attitude, la biodiversité est la clé de voûte de la capacité de la planète à maintenir, voire à rétablir l'équilibre de l'écosystème dont l'homme fait partie. Or la biodiversité s'est dégradée dangereusement au cours des cent dernières années et se dégradera quatre fois plus vite d'ici à 2050 si aucun changement de nos modes de vie n'intervient. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit tout à l'heure notre collègue Pierre Laffitte, qui, à cet égard, a rédigé avec Claude Saunier un rapport d'une très grande qualité.

Cela veut donc dire que, à chaque fois que le sujet s'y prêtera, nous aurons le devoir de légiférer ou de codifier notre société en fonction de ces impératifs. Le projet de loi OGM s'inscrit totalement dans cette perspective. La recherche, dans ce domaine, des effets possibles sur la biodiversité doit être fortement intensifiée. Le Gouvernement a affecté, tout le monde l'a rappelé et s'en réjoui, 45 millions d'euros supplémentaires à la recherche ; il serait utile qu'une partie de ces crédits soit orientée vers une étude des effets que pourraient éventuellement avoir les OGM sur la biodiversité.

Ma troisième observation se veut raisonnablement optimiste. Nous avons, pour contrôler notre évolution, celle qui va vers la dégradation de la planète, deux grandes voies à emprunter.

La première, c'est la recherche. Cela a été dit et répété, et je le répéterai autant qu'il le faudra, quelles qu'aient pu être ici ou là un certain nombre d'expressions diverses et variées. La recherche est la clé de solutions nouvelles innovantes permettant de répondre aux défis.

La seconde concerne nos comportements individuels et économiques eux-mêmes. Nous devons nous contraindre à comprendre que, si les éléments de solution sont sans doute européens et mondiaux, ils résident aussi dans nos choix individuels et professionnels. C'est l'illustration du « penser global et agir local ».

En résumé, à chaque fois que se présenteront devant nous soit une décision à prendre, soit une organisation à mettre en oeuvre, nous ne pourrons pas échapper à cette question : notre solution est-elle bonne pour l'homme et son avenir, ou bien ne s'agit-il que d'une solution de court terme prenant en compte sans doute des intérêts économiques avec des bénéfices financiers immédiats pour quelques-uns, mais s'opposant à l'action de long terme exigée par le développement durable, au sens le plus lourd et le plus large du terme ?

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces trois réflexions, je me devais de les exprimer en préalable, fort de l'expérience des derniers mois écoulés. Cette expérience, que j'ai vécue parfois difficilement, parfois bien seul, parfois avec le sentiment d'avoir commis l'irréparable, m'a sans doute fortifié, même si elle m'a aussi souvent blessé.

C'est en effet dans cet esprit que je me suis engagé et que j'ai accepté de présider, comme la responsabilité m'en avait été confiée par le Gouvernement, le groupe de travail du Grenelle de l'environnement consacré à la biodiversité, ainsi que, accompagné de Marie-Christine Blandin, Laurence Tubiana et Alain Grimfeld, de l'intergroupe consacré à la problématique des OGM.

C'est dans cet esprit que j'ai présidé, à la demande des cinq ministres concernés, le Comité de préfiguration d'une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés dont l'une des missions a consisté à faire un état des lieux des connaissances scientifiques, conforté par une analyse économique, éthique et sociétale sur la mise en culture du maïs Monsanto 810. C'est aussi parce que cette confrontation était nouvelle qu'il y a eu tant de confusion.

C'est dans cet esprit que j'aborde le projet de loi sur les OGM, que je présenterai des amendements visant à le mettre en conformité avec les enseignements des travaux du Grenelle de l'environnement et à le rendre compatible avec ce que j'ai pu vivre ces derniers mois.

Ces trois temps de l'action et de la réflexion m'amènent, m'obligent, même, à m'exprimer sur le fond du projet de loi et à faire quelques observations qui me paraissent nécessaires. Et, dans cet exercice, je veux une fois encore être l'interprète de l'état d'esprit du Grenelle de l'environnement.

Première observation : il convient de dissocier le vote de ce projet de loi de l'activation de la clause de sauvegarde. Le projet de loi nous oblige à légiférer au fond, alors que l'activation de la clause de sauvegarde est un acte particulier et ciblé.

La problématique particulière de chaque OGM ou PGM - évitons, cela a été dit, l'amalgame trop fréquent entre organismes et plantes génétiquement modifiés - ne peut, à l'évidence, être traitée qu'au cas par cas.

Il en résulte que la loi, elle, doit établir un code et une définition des principes fondamentaux, lesquels serviront de cadre aux réponses cas par cas.

M. Jean-Marc Pastor. Très bien !

M. Jean-François Le Grand. Il faut traiter différemment le maïs transgénique et le tabac transgénique duquel on tire des substances utilisables dans le traitement de certains cancers. D'autres plantes permettent de fabriquer des vaccins. Les exemples sont multiples. Il faut donc se garder de tout amalgame. Les OGM peuvent être la pire ou la meilleure des choses. Il faut conserver un minimum de prudence dans l'approche de cette problématique.

Deuxième observation : les organismes génétiquement modifiés sont-ils une solution pour répondre à la nécessité, quantitative et qualitative, de nourrir l'humanité ?

Depuis le début de la discussion, j'ai entendu un certain nombre de réponses. Répondre sans nuance par l'affirmative ou par la négative reviendrait à se laisser enfermer dans un débat réducteur. Ce serait nier l'extrême complexité de la question.

Nous sommes loin d'avoir une réponse précise. Je n'en veux pour preuve que les dernières observations de la commission IAASTD, ou International Assessment of Agricultural Science & Technology for Development.

Cette opération de prospective a été lancée par la Banque mondiale et par les Nations unies, après le sommet de Johannesburg, autour de la question : « Peut-on réduire la faim et la pauvreté dans le monde, améliorer les conditions de vie des zones rurales et promouvoir un développement durable et équitable grâce à l'accès, l'utilisation et la production de savoirs, de sciences et de technologies agricoles ? ».

Cette commission a regroupé une soixantaine de représentants de Gouvernements, de la société civile et d'institutions internationales. L'ambition était d'évaluer les connaissances scientifiques et technologiques agricoles.

Cette organisation a donc rendu sa réponse : pour elle, les OGM sont une source potentielle de problèmes dans les pays en développement. Je rejoins la position défendue tout à l'heure par M. Pastor. En effet, du fait de la brevetabilité du vivant, les économies de ces pays seraient littéralement asservies. Il convient donc d'être très prudent.

Cette analyse se fonde sur les travaux de 4 000 scientifiques et experts internationaux. Le rapport souligne le risque des problèmes potentiels posés par la possible appropriation des ressources agricoles par les entreprises concernées. Il ajoute « qu'il existe un large éventail de perspectives sur l'environnement, la santé humaine et les risques économiques que nous ignorons encore ».

M. Jean-François Le Grand. Les conclusions finales de la commission sont attendues pour le mois d'avril prochain. On peut lire dans une dépêche, je le dis avec un humour empreint d'une certaine tristesse, que « compte tenu du projet de rapport final qui n'est pas tendre avec les OGM et avec les pratiques de propriété industrielle dans le domaine des semences, trois grandes entreprises des secteurs des biotechnologies ont claqué la porte des Nations unies ».

Quels que soient les niveaux, les mêmes causes semblent produire les mêmes effets. Je vous laisse le soin de méditer sur certains parallélismes. C'est là que s'arrête l'humour.

Pour répondre à la question, fondamentale, posée par cette organisation, celle de savoir si les OGM sont une « solution pour l'alimentation de l'humanité », il faut, à tous les niveaux de responsabilités - et ce fut à chaque instant mon attitude - tout autant s'écarter de ceux qui alimentent les peurs collectives que de ceux qui semblent bardés de certitudes.

Lorsque nos connaissances sont insuffisantes, il faut intensifier la recherche. C'est la direction que j'ai indiquée à l'issue des travaux du comité de préfiguration. C'est la sage réflexion de Mme la ministre de la recherche, et je la soutiens sans réserve. Le Gouvernement a eu le courage de choisir cette voie. Il faut sans cesse promouvoir la recherche. C'est la seule voie qui nous conduira, peut-être, à la raison.

Troisième observation : l'intergroupe OGM du Grenelle de l'environnement a clairement identifié une logique. Tout d'abord, il est absolument nécessaire de rendre toute sa force à la connaissance. Ensuite, il faut organiser la gouvernance de cette connaissance afin qu'elle ne soit confisquée par personne. Enfin, il faut définir les principes de la gouvernance.

Je suis heureux de constater que le présent projet de loi respecte cette logique, tant sur le fond que sur la forme. La connaissance ne peut qu'être le résultat de recherches et d'expertises sans cesse remises sur le métier, n'excluant aucune des disciplines concernées par les techniques transgéniques, jusques et y compris, je ne le répéterai jamais assez, en évaluant leurs effets possibles sur la biodiversité.

Ces recherches et expertises ne doivent pas, non plus, être « monodirectionnelles », monsieur le ministre de l'agriculture. En matière agronomique, par exemple, elles doivent s'accompagner de recherches sur des solutions alternatives. Je sais que vous êtes en accord avec cette démarche et mon propos n'a d'autre ambition que de vous apporter mon soutien.

J'ai lu dans un grand quotidien du soir en date du 19 janvier dernier que des chercheurs américains avaient réussi à élaborer un maïs adapté aux conditions climatiques subsahariennes, sans aucune manipulation transgénique, seulement en exacerbant les caractères existants dans la plante originelle. Cet exemple illustre la nécessité de mener des recherches dans d'autres directions que la seule modification transgénique des organismes. C'est une obligation que nous ne devons pas ignorer.

En ce qui concerne la gouvernance, l'intergroupe avait proposé la création d'une haute autorité, mais j'approuve la commission des affaires économiques, qui a préféré le concept d'un haut conseil, et j'accompagnerai cette proposition.

L'organisation de la gouvernance doit cependant répondre à la nécessité de confronter l'expertise scientifique et les expertises économiques, éthiques et sociétales. C'est un temps incontournable. C'est probablement là que se situe la meilleure lecture sociétale que nous pourrons avoir de l'ensemble de la problématique « OGM /PGM ». C'est là que l'on pourra faire disparaître les peurs qui s'organisent ou se développent. C'est là que nous pourrons commencer de restaurer la raison dans un domaine qui est devenu passionnel hors de toute raison.

Pourquoi se priver de cette concertation, alors même que les conséquences d'une décision sur un sujet aussi important vont s'appliquer à des méthodes de production, à des modes de consommation et à une population qui exigent - l'unanimité du Grenelle de l'environnement en est une expression - une telle analyse ?

Afin de ne pas être trop long, j'approfondirai le principe de responsabilité lors de la discussion des amendements. La loi doit éclaircir l'exercice des responsabilités. On prétend que les assureurs ne sont pas prêts à le faire. Encore faudrait-il leur indiquer quels sont les risques assurables. Ils existent, et pas seulement pour la culture de plein champ. Ce sont là des sujets sur lesquels il faudra travailler.

Lors de la tenue du Grenelle de l'environnement, Mme Laurence Tubiana a suggéré la tenue d'un sommet européen sur les biotechnologies. Outre le fait d'harmoniser les connaissances, un tel sommet pourrait être l'occasion de procéder aux réactualisations des protocoles d'évaluation des OGM. En effet, bien que la science ait progressé, les mêmes questions sont posées depuis dix ans. Il s'agit d'un aspect fondamental, monsieur le ministre de l'agriculture.

Il faut aussi que l'Europe se distingue dans un monde multipolaire afin d'organiser une agriculture durable à l'européenne qui nous permettre de ne plus être des suivistes. On a dit et répété de quel poids pèsent sur nous la problématique de l'OMC et certaines grandes puissances. L'Europe a la chance et la possibilité de déterminer une ligne particulière, originale, qui lui soit propre. Si elle y parvient, cela limitera sa dépendance.

M. Daniel Soulage. Très bien !

M. Jean-François Le Grand. En conclusion, permettez-moi de rappeler ce qu'écrivait Albert Einstein : « Sans doute l'homme créera-t-il un jour une machine qui répondra à toutes les questions, mais jamais il ne créera une machine qui se posera une question ».

L'homme est capable de processus extraordinaires dans tous les domaines, notamment en matière de biotechnologie, mais il nous appartient de nous poser à nous-mêmes les questions fondamentales.

Les intérêts économiques et financiers, la fierté légitime des auteurs d'avancées scientifiques remarquables ne doivent pas nous faire oublier ce que rappelle avec insistance Edgar Morin : « À force de sacrifier l'essentiel pour l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel ! »

M. Jean-Marc Pastor. Très bien !

M. Jean-François Le Grand. La question essentielle à laquelle nous nous devons d'apporter une réponse est la suivante : avons-nous le droit à l'erreur quand il s'agit de l'avenir de l'homme et de sa planète ? Sortons de nos enfermements dogmatiques, sectoriels. Sachons prendre de la hauteur. Ayons l'humilité d'une connaissance sans cesse à parfaire et peut-être alors notre réponse sera-t-elle à la hauteur de ce qu'exigent de nous, dès aujourd'hui, les générations futures.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-François Le Grand. Nous saurons, après le vote sur l'ensemble de ce projet de loi, si nous avons répondu à cette exigence. Nos concitoyens et l'opinion publique pourront en juger. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur un grand nombre de travées socialistes.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, avant d'évoquer les quelques questions que je souhaite vous poser, je tiens à vous donner acte de la bonne volonté dont témoigne votre projet de loi.

M. Daniel Raoul. Cela commence mal !

M. François Fortassin. Pour autant, est-il rassurant ?

M. François Fortassin. Est-il susceptible d'être bien compris par une opinion publique plutôt hostile aux OGM ?

M. Roland Courteau. Ce n'est pas sûr !

M. Gérard César. Les OGM ? Les gens ne savent pas ce que c'est !

M. François Fortassin. Certes, les convictions des ministres et celles du rapporteur sont de nature à apaiser certaines inquiétudes, mais pas toutes, notamment chez les consommateurs.

Le débat sur les OGM montre à l'évidence la cassure qui existe entre le Gouvernement et les législateurs, d'une part, et l'opinion publique, de l'autre.

Le cadre légal est nécessaire. Sera-t-il suffisant pour restaurer la confiance des consommateurs ?

M. Roland Courteau. Bonne question !

M. François Fortassin. Je considère pour ma part que la définition d'un cadre légal doit s'accompagner d'une action pédagogique forte et simple en direction des consommateurs. Aux débats de spécialistes, préférons des mesures de bon sens, qui peuvent être facilement comprises.

Permettez-moi de m'écarter un instant de l'objet de notre discussion. Serait-il déraisonnable de considérer que, dans l'optique du développement durable, on pourrait, à une échéance qu'il convient de déterminer, décider que les herbivores doivent manger de l'herbe et que les fruits et légumes doivent mûrir au soleil ? (Sourires.)

M. Dominique Mortemousque. C'est le bon sens !

M. François Fortassin. De la même façon, est-il normal, lorsque l'on élève des animaux dont on mange la chair, c'est-à-dire du muscle, de les priver de mouvement, alors qu'il serait aussi simple de les élever en plein air ?

M. Jean-Marc Pastor. Dans les Pyrénées !

M. François Fortassin. Si nous posions dans le débat des principes aussi simples que le sont les réponses à ces questions simples, nous serions incontestablement en mesure de restaurer la confiance des consommateurs, surtout en ce qui concerne l'alimentation humaine.

Enfin, imposer des contraintes aux agriculteurs qui produisent des OGM, c'est normal ; pour autant, il ne faudrait pas oublier de les imposer aussi aux semenciers et aux laboratoires ! (C'est vrai ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Courteau. Très bien !

M. François Fortassin. Et puis, je ne le cache pas, je ressens au cours de ce débat un certain malaise.

M. Jean-Marc Pastor. Un malaise naissant...

M. François Fortassin. D'abord, comment notre excellent collègue Jean-François Le Grand, qui a été désigné président de la Haute Autorité provisoire il y a quelques semaines, peut-il se trouver à ce point isolé dans son propre camp ?

M. Roland Courteau. C'est une bonne question !

M. François Fortassin. Ensuite, entre les industriels, bien entendu uniquement animés par des sentiments philanthropiques, comme cela n'a échappé à personne, qui veulent régler le problème de la faim dans le monde...

M. Gérard Le Cam. Ils ne pensent qu'à ça !

M. François Fortassin. ... et les groupes associatifs qui prétendent sauver l'humanité et la planète, qui doit-on écouter d'une oreille extrêmement attentive ?

Par ailleurs, autre sujet de malaise, le projet de loi adopté par le Sénat en mars 2006 n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. François Fortassin. Autre point, le Gouvernement dépose au début du mois de janvier un projet de loi, pour le retirer sans explication convaincante et le réintroduire toutes affaires cessantes avant l'interruption des travaux parlementaires.

M. Gérard Le Cam. C'est qu'on sème en avril !

M. François Fortassin. Autrement dit, j'ai le sentiment profond que l'on nage dans l'improvisation, l'incertitude, l'opacité, pour ne pas dire la contradiction.

M. Roland Courteau. La purée, quoi !

M. Daniel Raoul. Il fallait le dire !

M. François Fortassin. Les pouvoirs publics n'ont pas jusqu'à ce jour montré, me semble-t-il, qu'ils étaient en mesure de jouer le rôle d'arbitre qui doit être le leur.

Pour autant, il ne s'agit pas, bien sûr, d'opposer ici ceux qui seraient pour ou contre les OGM. Les OGM existent et offrent un certain pouvoir d'innovation que l'on ne peut nier. Néanmoins, je ne crois pas qu'il faille laisser le développement des OGM à la seule logique économique.

MM. Roland Courteau et Jean-Marc Pastor. Très bien !

M. François Fortassin. C'est aujourd'hui une orientation forte, et je vous la livre telle que nous la ressentons.

L'expertise des risques et l'information des citoyens sont à mon sens notoirement insuffisantes. C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai sur ce projet de loi, à moins bien sûr que les différents amendements qui pourront être approuvés ne soient en mesure de me faire changer d'idée.

M. Roland Courteau. Rien de moins sûr !

M. François Fortassin. Monsieur le président, j'ai peut-être légèrement outrepassé les deux minutes de temps de parole qui m'étaient imparties (Protestations amusées.), ...

M. Gérard Le Cam. C'était si intéressant !

M. François Fortassin. ...mais c'est la qualité de l'auditoire qui m'a poussé à prendre cette liberté ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du RDSE, sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. Vive les Pyrénées ! (Nouveaux sourires.)

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, nous voici réunis pour travailler sur un nouveau projet de loi visant à enfin transcrire en droit national la directive 2001/18/CE relative à la diffusion des OGM dans l'environnement.

La carence juridique qui a prévalu depuis octobre 2002 jusqu'aujourd'hui avait fini par créer une situation difficile dans nos campagnes. En mettant plusieurs fois à l'index notre pays pour défaut de transcription de la fameuse directive, les instances de l'Union européenne ont implicitement indiqué l'origine de ces difficultés. Je me dois de souligner que ce n'est, hélas ! pas une première pour notre pays, bien au contraire : la France avait déjà été rappelée à l'ordre en ce qui concerne la transcription des directives « Nitrates » et « Natura 2000 ». Un mal récurrent, en quelque sorte...

C'est pourquoi je me réjouis très sincèrement de voir le problème enfin pris à bras-le-corps, et ce dans un contexte national profondément renouvelé.

En effet, si la Haute Assemblée avait déjà été amenée à se pencher sur le sujet en 2006, un événement majeur, central, inédit, s'est produit cet automne : le Grenelle de l'environnement.

Indiscutablement, le Grenelle de l'environnement a créé une nouvelle donne, sur la méthode, d'abord, mais aussi le fond, où il a permis, en matière d'OGM, trois avancées essentielles : d'abord, la reconnaissance du fait de la dissémination des transgènes, qui introduisent dans l'environnement des événements génétiques nouveaux ; ensuite, l'affirmation du principe de responsabilité, constitutif du concept de développement soutenable ; enfin, et surtout, la reconnaissance du droit fondamental de « consommer et produire sans OGM ».

Le Grenelle de l'environnement consacre ainsi les libertés d'entreprendre et de choisir sa consommation, qui sont imprescriptibles dans une démocratie digne de ce nom.

Monsieur le ministre d'État, le projet de loi déposé par le Gouvernement porte dans sa rédaction quelques atteintes à ces avancées.

Manifestement rédigé sous la pression à peine voilée des lobbies productivistes, dont on perçoit le poids dès l'article 2, le texte présenté aujourd'hui devant la Haute Assemblée est en recul par rapport aux engagements du Grenelle de l'environnement. Il ne répond pas aux attentes légitimes de celles et de ceux qui sont attachés à cette liberté sacrée « d'entreprendre et de consommer sans OGM » ; il est même en retrait par rapport à l'esprit et à la lettre de la directive 2001/18 qu'il est censé transcrire - j'y reviendrai durant la discussion des articles.

Le premier dérapage apparaît dès l'article 1er : on passe subrepticement du droit de « consommer et produire sans OGM », affirmé dans le Grenelle de l'environnement, au droit de « consommer et produire avec ou sans OGM », dérive d'ailleurs portée par le Président Sarkozy lui-même.

Ce faisant, la dissymétrie liée à l'introduction d'un événement génétique nouveau est implicitement niée : le « avec » et le « sans » deviennent équivalents, d'où il résulte que le principe fondateur de nos lois, censées « protéger le faible », comme le rappelait déjà Lacordaire au xviiie siècle, n'est plus respecté.

Le deuxième dérapage apparaît dans la constitution et le fonctionnement de la nouvelle Haute Autorité tels qu'ils sont décrits à l'article 2.

Au lieu de s'appuyer sur la préfiguration qu'en a donnée la Haute Autorité provisoire, qui a bien fonctionné - même si son avis a déchaîné la colère des partisans du MON 810 ! -, au lieu de s'appuyer sur l'expérience réussie du dialogue qui s'était instauré au sein du Grenelle de l'environnement entre les scientifiques et la société civile, le Gouvernement semble revenir en arrière. Serait-ce pour donner quelques nouveaux gages aux lobbies ? J'estime pour ma part que disparaît ici la richesse qu'a apportée le Grenelle de l'environnement sur le plan de l'innovation sociétale, plus particulièrement le concept d'élaboration à cinq d'un avis faisant « autorité ».

La troisième grande difficulté provient de la manière dont le Gouvernement traduit dans la loi le principe de responsabilité. Je relève un décrochage sensible, voire une contradiction, entre l'article 1er et l'article 5, lequel définit les modalités d'indemnisation des victimes de contamination par des OGM sur des bases minimalistes et inacceptables. En effet, en toute rigueur, « sans OGM » signifie « pas d'OGM au seuil de détection scientifique » ! C'est ce qu'expriment très clairement les organisations de consommateurs...

Monsieur le ministre d'État, vous aurez compris ma déception !

Les conclusions consensuelles du Grenelle de l'environnement - plus particulièrement la protection du faible, de celui qui subit la contamination génétique - sont mises à mal. C'est pourquoi, dans un esprit parfaitement constructif, je ferai des propositions concrètes pour rectifier le tir.

Mais il y a plus grave : ce sont les amendements déposés par le rapporteur, semblables, ô combien semblables aux desiderata des lobbies à l'audition desquels j'ai assisté, en même temps que lui, dans le cadre du groupe de travail du Sénat sur les OGM.

Le nouveau parlementaire que je suis découvre avec étonnement le caractère partisan de ces auditions : écoute attentive et complaisante des partisans et promoteurs des OGM ; indifférence, voire impatience envers les autres...

M. Jacques Muller. Les amendements déposés par le rapporteur, adoptés sans débat approfondi par la commission des affaires économiques, sont « grenellement » parfaitement incompatibles.

M. Roland Courteau. C'est bien dit !

M. Jacques Muller. Ainsi, l'article 1er est complètement dénaturé : il est non seulement vidé de son sens, mais inversé. La liberté de consommer et de produire sans OGM devient la liberté de consommer et de produire des OGM, ou de ne pas le faire !

Maladresse de rédaction ou provocation ? Quoi qu'il en soit, cet amendement va même au-delà de ce que demandait, lors de son audition du 24 janvier dernier, l'ANIA, l'Association nationale des industries agroalimentaires, qui, argumentant en faveur de la suppression de la mention « sans OGM » dans la loi, soulignait que « le Grenelle n'était tout de même pas l'alpha et l'oméga » !

M. Dominique Braye. C'est vrai ! Nous sommes d'accord sur ce point !

M. Jacques Muller. Dans le même esprit, la Haute Autorité décrite à l'article 2 est définitivement mise à mal par l'amendement du rapporteur.

Je conclurai mon propos par trois réflexions.

Premier point, monsieur le ministre d'État, je vous avais exprimé en toute cordialité mes craintes à l'issue de cette formidable expérience sociétale que s'est révélé être le Grenelle de l'environnement : celles de voir les lobbies bien connus saper le travail qui a été fourni par l'ensemble des acteurs. Eh bien, c'est chose faite ! Le projet de loi marque de nets reculs par rapport aux engagements du Grenelle de l'environnement en matière d'OGM, plus particulièrement par rapport à cette liberté de consommer et de produire sans OGM que j'évoquais. Pis, les lobbies productivistes se sont vu complaisamment relayer par le rapporteur : il s'est d'ailleurs nettement déclaré demandeur d'amendements lors des auditions et les a repris pratiquement tels quels, y compris ceux qui jouent clairement contre le Grenelle de l'environnement.

Deuxième point, je souhaite attirer toute votre attention sur le fait que ce projet de loi sur les OGM, attendu depuis octobre 2002, est le premier grand texte d'application du Grenelle de l'environnement. Quand bien même nous n'en sommes qu'au stade de la première lecture, et à la veille des élections municipales, nos concitoyens observent très attentivement ce qui est en train de se passer. L'échec ainsi programmé, si le projet de loi reste en l'état ou, pis, s'il devait être dévoyé, les amènera à tirer les conclusions qui s'imposeront ! Je pèse bien mes mots : sur ce sujet de société, qui relève d'une question centrale pour nos sociétés démocratiques, celle de la liberté, du libre choix du consommateur, du libre choix du producteur en faveur du « sans OGM », c'est la crédibilité même de l'ensemble du Grenelle de l'environnement qui se joue, et non pas seulement en matière d'OGM.

À chacun de prendre ses responsabilités en conscience. Je prendrai les miennes, sans états d'âme ni prise en considération des étiquettes politiques, car les enjeux sont évidemment beaucoup trop graves pour que l'on se laisse aller à de petits jeux politiciens...

Monsieur le ministre d'État, il faut « sauver le soldat Grenelle »... « parce qu'il le vaut bien » ! Vous pourrez compter sur mes propositions constructives.

Troisième point, je conclurai sur une note plus technique, économique - ma double qualité d'ingénieur agronome et d'ancien professeur d'économie m'y oblige.

Par les dispositions du projet de loi que nous allons adopter, le choix d'ouvrir en grand - ou pas - les vannes des OGM dans notre agriculture ne relève pas que de choix éthiques ou moraux déjà abordés, il relève aussi de véritables choix stratégiques, sur le plan économique.

Permettez-moi de citer M. Guy Paillotin, ancien président de l'INRA et secrétaire perpétuel de l'Académie d'agriculture : « La question qu'il faut poser est : en quoi les OGM peuvent-ils consolider ou au contraire dégrader nos propres avantages comparatifs ? »

En effet, dans un monde devenu globalisé, où l'OMC met l'Union européenne sous pression au nom de la libre concurrence, déchaînant ainsi des phénomènes de dumping environnemental dans le domaine de l'agroalimentaire, il s'agit, permettez-moi de citer de nouveau M. Guy Paillotin, d'« éviter un suivisme aveugle guidé par le simple souci de relever un défi technologique qui pourrait ne pas être favorable à nos intérêts. »

La théorie des avantages comparatifs nous enseigne qu'un pays a intérêt à se spécialiser dans le domaine où il dispose d'avantages relatifs par rapport à ses concurrents. En matière d'OGM, M. Guy Paillotin estime ainsi que « notre intérêt est de maintenir la diversité de nos productions et l'image de qualité de nos produits et non point de nous fondre dans un moule indifférencié. »

Autrement dit, la préservation de nos structures agricoles de petites tailles par rapport à celles des nouveaux pays agricoles exportateurs de produits agricoles de base issus d'OGM, doit nous inviter à nous positionner intelligemment dans les créneaux de la division internationale du travail agroalimentaire.

Ces pays disposent de structures agricoles immenses, face auxquelles nous ne pourrons jamais tenir : à terme, nous aurions tout à perdre à essayer de nous placer dans cette catégorie poids lourds, mais bas de gamme !

En revanche, nous devons nous donner les moyens de préserver et de développer nos productions de terroir, à haute valeur ajoutée, porteuses de signes de qualité reconnus par les consommateurs : appellations d'origine, labels, notamment biologiques mais pas exclusivement. Quoi qu'en pensent certains, signes de qualité signifient « sans OGM », puisque telle est la demande explicite des consommateurs !

Faisons le choix de la raison, celui d'une agriculture durable, valorisant intelligemment les potentialités de nos terroirs de France, riches de leur diversité. Par conséquent, ne confondons pas les intérêts immédiats d'une fraction des exploitants agricoles, productiviste et corporatiste, avec les intérêts à long terme de l'ensemble de l'agriculture et de l'agroalimentaire français : chacun aura compris que ces intérêts seraient mis à mal par un déferlement des OGM dans nos campagnes !

Ainsi, respecter l'esprit et la lettre de la directive 2001/18/CE que nous avons à transcrire, rester à l'écoute des attentes de la société attachée à la liberté de « consommer et de produire sans OGM » telle qu'elle est affirmée dans le Grenelle de l'environnement, « sauver le soldat Grenelle » aujourd'hui menacé de disparition sous la pression de ces lobbies corporatistes plus que jamais mobilisés...

M. Dominique Braye. Il faut conclure !

M. le président. Mon cher collègue, il vous faut conclure, vous avez largement dépassé votre temps de parole.

M. Jacques Muller. ...positionner intelligemment l'agriculture française sur les marchés internationaux de l'agroalimentaire en développant nos propres atouts, nos terroirs, dont la renommée dépasse les frontières, tels sont les enjeux du projet de loi en discussion et les défis que nous avons, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, à relever ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, « une civilisation débute par le mythe et finit par le doute » disait Cioran. Notre débat s'imposait donc, monsieur le ministre d'État.

Il y a deux ans, lors notre premier débat sur les OGM, je nous invitais à douter afin d'atteindre la vérité. Aujourd'hui, nous doutons encore et la vérité ne s'est que peu rapprochée.

Deux ans après, le débat est toujours aussi passionné. Les faits quant à eux déroulent toujours leur litanie de chiffres implacables, et on ne peut les ignorer.

Le nombre de pays cultivant des OGM est passé de vingt et un en 2005 à vingt-deux en 2006, soit onze pays développés et onze pays en développement.

Les OGM augmentent dans les pays déjà fortement engagés dans la culture des OGM. Une croissance soutenue de plus de 11 % a été atteinte chaque année.

La seule chose qui diminue réellement, c'est la part de surfaces OGM que cultivent les États-Unis par rapport au reste du monde, tellement les OGM se développent ailleurs.

Envisager les OGM en général n'a pas de sens, me semble-t-il, car chaque organisme doit faire l'objet d'un examen spécifique. Par exemple, le riz doré, riche en vitamine A permettant de réduire les risques de cécité, n'a rien à voir avec les peupliers dont la quantité et la qualité de lignine ont été modifiées afin de produire de la pâte à papier en utilisant moins de polluants.

Si nous parlons régulièrement des plantes génétiquement modifiées, il ne faut pas pour autant oublier les animaux génétiquement modifiés.

Ainsi un poisson d'aquarium à qui l'on a injecté un gène fluorescent de couleur corail, appelé le GloFish, est désormais commercialisé aux États-Unis.

Une demande pour la commercialisation d'un saumon génétiquement modifié, qui atteindrait sa taille adulte plus rapidement, est toujours pendante devant l'administration américaine et pourrait se voir acceptée dès 2008.

Il y a également des recherches au Québec sur une chèvre qui produirait dans son lait une protéine d'un type de soie connu chez l'araignée. On hallucine !

L'Union européenne étant actuellement confrontée au problème de savoir si oui ou non elle doit autoriser la vente de viande d'animaux clonés, je pensais qu'il était nécessaire de faire ce petit rappel sur ce que le concept d « organisme génétiquement modifié » peut recouvrir.

Je me réjouis que le cadre européen de la directive de 2001, que nous sommes appelés à transposer définitivement, renforce l'évaluation des OGM a priori, fixe des règles de traçabilité et d'étiquetage et impose une biovigilance après la mise sur le marché. J'apprécie également qu'il définisse le cadre de la coexistence entre les différents types d'agriculture afin de « permettre à chaque agriculteur de choisir le mode de production qu'il souhaite, qu'il soit biotechnologique, conventionnel ou biologique », bien que je doute que le choix du consommateur, en bout de ligne, soit un véritable choix.

Nous sommes dans un débat de société, face à un vrai choix de civilisation. C'est l'occasion d'affirmer, me semble-t-il, des valeurs différentes de celles du profit immédiat. Si les OGM ont une justification, elle ne peut être uniquement commerciale. Je suis donc opposé aux projets d'OGM ayant pour ambition de transformer les animaux en « réservoir de matières premières » pour l'industrie ou en « ornements décoratifs » pour le commerce.

Il faut, en votant ce texte, affirmer des valeurs qui sont les nôtres, le respect de l'environnement, la santé publique, la liberté, nos libertés. Il s'agit également de rappeler l'importance de la démocratie et du rôle des citoyens dans le processus de décision, la nécessaire indépendance alimentaire que nous devons préserver et, par-dessus tout, notre volonté de civiliser la technique.

Le futur haut conseil des biotechnologies, par sa composition et par les pouvoirs qui lui sont conférés, me semble être l'organisme susceptible de donner aux citoyens les réponses que nous appelions de nos voeux en 2006.

Ce haut conseil, en devenant le lieu du débat et de la réflexion, devrait permettre une pacification du débat public. Le consensus qui devrait en résulter permettra d'établir des méthodes d'analyse encadrées par une méthodologie acceptée de tous. L'existence d'un comité économique, éthique et social à côté du comité scientifique nous prémunit contre une dérive technocratique de cette instance.

Je suggère d'ailleurs, monsieur le ministre d'État, qu'en collaboration avec l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, présidé par notre collègue Henri Revol, ce haut conseil devienne l'interlocuteur des citoyens et le garant d'un débat apaisé en atteignant le niveau maximal d'information.

Ce haut conseil se voit, en effet, confier le pouvoir de mener des actions d'information se rapportant à ses missions. Je forme le voeu qu'il use et abuse de ce pouvoir en direction du grand public.

Il est un argument qui, aujourd'hui, ne rencontre pas l'écho qu'il mérite, c'est celui de notre souveraineté en matière de biotechnologies. Cependant, le consensus sur ce sujet est impressionnant, comme on a encore pu le constater lors du Grenelle de l'environnement. Il est intéressant de noter qu'en France, la recherche réunit autour d'elle un accord politique rare et, pourtant, on ne cesse de parler du retard français en la matière.

La France n'a pas à rougir de sa recherche, elle fait partie des cinq pays où se concentrent 82 % des investissements en recherche et développement, et l'INRA occupe la deuxième place mondiale pour la publication en science agricole et en sciences de la plante et de l'animal.

Les données restent simples : si nous ne sommes pas à la pointe de la recherche en la matière, d'autres le seront pour nous. Nous avons un « devoir de recherche » comme le rappelait encore récemment Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, devant l'Assemblée nationale. C'est donc tout naturellement que je salue l'effort du Gouvernement de débloquer 45 millions d'euros de crédits supplémentaires pour la recherche en biotechnologie d'ici à 2011.

Quoi que l'on pense des OGM, il me semble possible de s'accorder sur le fait qu'il est plus que souhaitable de voir des entreprises françaises comme Limagrain être à la pointe de la recherche plutôt que Monsanto, entreprise américaine. Ainsi, lorsque l'on saccage un champ de maïs OGM, il serait utile de conserver à l'esprit que les bénéficiaires de ces destructions sont les firmes américaines, chinoises ou brésiliennes, et non notre connaissance ni peut-être même l'environnement.

Cela ne m'empêche pas de continuer à m'interroger, monsieur le ministre d'État, au risque de me répéter, sur le devenir des AOC dans un monde « OGMisé ». Comment allons-nous les protéger à l'avenir ? Voilà une vraie question d'aménagement du territoire.

Enfin, je souhaiterais clore mon propos par une invitation à la réflexion sur la nécessaire civilisation de la technique. Cela ne peut se faire sans une véritable éthique.

Nous créons des techniques et nous apparaissons souvent dépassés par elles. Il n'y a pas cependant de « fatalité inhérente à la machine » disait Bergson. La technique n'est ni fondamentalement bienfaitrice, ni essentiellement dangereuse. La logique de la technique est simple, c'est celle de la réalisation de tous les possibles. La technique pose non pas la question des fins mais celle des moyens, répondre à cette délicate question est la responsabilité qui nous échoit.

En désaccord avec Edgar Morin - cité par notre collègue Jean-François Le Grand - quand il dit que « la civilisation occidentale d'aujourd'hui apporte plus d'effets négatifs que d'effets positifs », il nous appartient désormais de repenser une éthique globale de la technique. Sans éthique, celle-ci n'est rien, car elle n'a pas de sens. Notre rôle politique est de la contrôler et de la soumettre à notre volonté. Cette nouvelle « éthique de la responsabilité » est définie par Hans Jonas par la maxime suivante : « Agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre. »

Nous commençons doucement mais sûrement à en faire un axe véritable de nos politiques, comme en témoignent les engagements pris par la France et l'Europe en matière de développement durable.

Éthique et technique marchent ensemble, la composition du futur haut conseil en témoigne. Nous avons voté en 2004 une loi sur la bioéthique d'où ressortait la nécessité de l'enseignement de l'éthique et d'un fort encadrement éthique pour lutter contre toutes les dérives de la recherche sur le vivant. Il me semble qu'il s'agit ici du même débat et que les valeurs énoncées à l'époque sont toujours d'actualité.

Pour finir sur une note d'espoir à propos des biotechnologies agricoles, je voudrais saluer l'étude parue dans la revue Science le 18 janvier dernier signée par plusieurs scientifiques américains de l'université Cornell et du ministère de l'agriculture, qui expose une belle réussite de la recherche agronomique sans utilisation de la transgénèse. La méthode appliquée en l'occurrence fut celle de la génétique d'association, qui consiste à trouver, au sein d'une espèce, les gènes codant des caractères intéressants susceptibles d'être ensuite transférés par des croisements classiques à d'autres variétés de la même espèce.

Le processus du Grenelle de l'environnement a été un premier pas ambitieux qui a permis de dégager des consensus. Désormais, c'est à nous d'en profiter pour bâtir une véritable politique éthique de la recherche sur les OGM.

Avec ce projet de loi, nous faisons un premier pas dans la direction d'un meilleur encadrement des OGM. Il nous faudra continuer sur cette voie et sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier.

Ce propos, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, vous apparaîtra sans doute plus philosophique que pratique et concret, voire utopique, mais, en ce domaine, craint par beaucoup mais imposé par le respect de nos valeurs, il ne faut pas perdre l'esprit qui doit toujours dominer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.

M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon intervention vient en conclusion d'une discussion générale intéressante, mais je n'aurai pas l'outrecuidance d'en faire la synthèse : elle vous appartient, monsieur le ministre d'État, monsieur le rapporteur.

Pourtant, le débat sur les OGM ici, au Sénat, n'est pas nouveau. Notre Haute Assemblée y a contribué depuis plusieurs années.

Ce débat a connu un regain d'actualité ces dernières semaines. Mais s'agissait-il d'un véritable débat, celui-là, c'est-à-dire d'un échange constructif et raisonné d'arguments, fondé sur des faits scientifiquement établis ?

N'a-t-on pas alors cédé à la griserie d'une parole parfois désordonnée, parce que le sujet serait complexe et qu'il est toujours difficile d'aborder rationnellement un sujet complexe ?

La polémique ne peut pas être une réponse aux inquiétudes de nos concitoyens. Cet après-midi, dans la diversité de nos approches, nous avons tous, me semble-t-il, démontré qu'un débat serein était possible et souhaitable et qu'il constituait la caractéristique de la Haute Assemblée.

Comme cela a été souligné, le Sénat s'est engagé de longue date dans le débat sur les OGM.

Ainsi, dès 1998, Jean Bizet rendait son premier rapport d'information sur le sujet. Puis, au mois d'octobre de l'année 2001, le bureau de la commission des affaires économiques proposait d'actualiser nos connaissances. Cette démarche devait aboutir à la création d'une mission d'information animée par Jean Bizet et Jean-Marc Pastor. Et, au mois de juin 2003, les conclusions contenues dans le rapport de la mission étaient adoptées à l'unanimité. Je me souviens également de débats ouverts, que ce soit à Rennes ou à Montpellier.

Enfin, au mois de mars 2006, le Sénat examinait en première lecture un projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, il faut relire les comptes rendus de nos débats. J'invite notre collègue Jacques Muller à les examiner avec attention. En effet, sur un tel sujet, la « genèse du monde » date non pas de l'automne dernier, mais de bien plus longtemps, en tout cas au sein de la Haute Assemblée. (Sourires.)

M. Georges Gruillot. Très bien !

M. Gérard Larcher. À la lecture de ces débats parlementaires, nous pourrons constater ensemble que le Sénat a toujours défendu les principes de transparence, de responsabilité, d'expertise approfondie et, tout simplement, de respect de la loi, loin des généralisations que j'ai parfois entendues, et qui me semblent bien réductrices.

Nous verrons de même que, dès 2003, le Sénat proposait de soutenir la recherche, dès lors qu'elle intègre le principe de précaution, d'encadrer les cultures de plantes génétiquement modifiées, d'assurer la coexistence des différentes filières agricoles, de créer une instance permettant la pleine expression de la société civile et de clarifier aussi la situation en matière d'assurance.

Nous le savons tous, et nos précédents débats le démontrent, pour ne pas verser dans l'obscurantisme et le passionnel sur fond de nostalgie des temps passés, le meilleur moyen est le dialogue, qui, seul, permet d'échanger des arguments rationnels et fondés sur des faits scientifiquement démontrés.

C'est pourquoi il était temps de plaider pour cet examen serein et raisonné.

Comme cela a été évoqué, les OGM sont issus d'une technique qui n'est ni bonne ni mauvaise en soi. Nous devons simplement en envisager les risques au regard du principe de précaution, mais également les éventuelles avancées du point de vue de certaines réalités agronomiques ou des progrès de l'alimentation dans le monde.

Je vous le rappelle, le principe de précaution est garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement, qui a désormais une valeur constitutionnelle.

Il faut également le souligner clairement, la recherche et la culture des OGM sont une réalité mondiale. Ainsi, des pays tels que les États-Unis, le Brésil ou, plus près de nous, l'Espagne et, désormais, la Chine, sont de grands producteurs d'OGM. L'Union européenne, qui est déficitaire en protéines végétales, nourrit son bétail notamment avec des produits à base d'OGM importés. Et M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sait quelles seraient les conséquences d'un arrêt de ces importations ! (M. Gérard César acquiesce.)

Rappelons en outre qu'il existe différents types d'OGM. Dès lors, du seul fait de la diversité de leurs applications, que ce soit dans les domaines pharmaceutique, industriel ou agronomique, évoquer « les OGM » a finalement peu de sens.

À l'évidence, le sujet est complexe. Force est de le constater, malgré leur caractère très strict, les réglementations qui encadrent la recherche et la culture des OGM ne suffisent pas à rassurer nos concitoyens. C'est une réalité dont nous devons aussi tenir compte.

Dans ces conditions, à mon sens, l'unique voie réside dans toujours plus de dialogue, toujours plus de transparence, toujours plus de recherche, afin d'évaluer avec le plus de certitude possible les conséquences des OGM sur la santé et l'environnement.

Je pense notamment aux travaux menés par notre collègue le professeur Jean-Claude Étienne, qui insistait, au sein de la Commission du génie biomoléculaire, sur l'exigence de transparence la plus totale à partir d'une « expertise scientifique rigoureuse ».

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Daniel Raoul. Rigoureuse et indépendante !

M. Gérard Larcher. La transparence exige la science et la connaissance. La rigueur scientifique me paraît la seule voie.

Les conclusions du Grenelle de l'environnement, dont je n'ai pas la lecture « militaire » de notre collègue Jacques Muller (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP), comportent la mise en place d'un cadre rigoureux et transparent pour les OGM et les biotechnologies.

Un tel cadre se décline en deux moyens principaux, qui sont le renforcement de la recherche autour des biotechnologies et des OGM et la création d'une haute autorité des biotechnologies.

S'agissant du premier point, monsieur le ministre d'État, nous nous réjouissons que des crédits importants en faveur de la recherche aient été annoncés. Mais je rejoins notre collègue Daniel Raoul quand il évoque le respect de l'indépendance, de la liberté et de l'éthique des chercheurs. L'éthique a été largement évoquée aujourd'hui, mais l'éthique des chercheurs est-elle respectée lorsque ceux-ci sont terrorisés ou empêchés de mener leurs travaux ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Il était, me semble-t-il, essentiel de le rappeler à cet instant.

Quant au second point, le projet de loi répond à nos attentes.

Nous allons instituer un cadre législatif global en matière d'OGM - actuellement, il fait défaut -, en respectant les principes fondamentaux auxquels nous sommes attachés, c'est-à-dire la responsabilité, la précaution, la prévention, la transparence, le libre choix de produire et de consommer avec ou sans OGM - c'est un aspect très important - et l'information.

Dans le respect de tels principes, le projet de loi contient de réelles avancées. Je retiendrai notamment l'unification des instances d'expertise existantes en une seule autorité, indépendante et pluridisciplinaire, qui se composera d'un comité scientifique et d'un comité économique, social et éthique. Cette structure émettra des avis en toute transparence. Je mentionne également les dispositions relatives au régime de la responsabilité.

Lors de nos travaux au sein de la commission des affaires économiques, et sous l'autorité de son président, Jean-Paul Emorine, chacun a pu s'exprimer sur les différents points que je viens d'évoquer. Nous avons eu des échanges au fond, et des échanges constructifs. Notre rapporteur, Jean Bizet, fort de sa connaissance particulièrement reconnue du sujet et, je l'ajoute, d'une grande indépendance personnelle - chacun connaît son éthique - a proposé des amendements pertinents, auxquels nous avons apporté notre soutien.

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, ayons l'honnêteté de dire à nos concitoyens qu'il s'agit d'un dossier complexe, que ses enjeux sont multiples et mondiaux et que nous ne le traiterons pas à coups de micros-trottoirs !

M. Dominique Braye. Ni de grève de la faim !

M. Gérard Larcher. Il est vraiment préférable d'aborder le débat sereinement en nous fondant sur des données scientifiques rigoureuses et solides, qui sont les seules à même, si nous savons rendre de tels « fruits de la science » compréhensibles et accessibles, d'éclairer la décision politique et de rassurer nos concitoyens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Daniel Raoul applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, à titre personnel, de dire d'emblée tout le bonheur que c'est pour moi d'entendre de nouveau M. Larcher ! (M. Gérard Larcher sourit.)

Au fond, si j'ai bien écouté l'ensemble des débats, il me semble que le consensus est assez fort au sein de la Haute Assemblée.

Premièrement, tout le monde s'accorde sur la recherche, qui bénéficiera d'ailleurs de 45 millions d'euros de crédits. J'en tiens le détail à votre disposition, monsieur Mortemousque.

Deuxièmement, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai bien noté que vous refusiez les amalgames. Les « OGM », cela ne veut rien dire ! Il existe plusieurs formes d'OGM et de PGM.

Troisièmement, les différents intervenants ont exprimé leur attachement à la défense de la recherche française, qui est l'une des premières au monde. Je constate que le Sénat refuse de confondre les critiques formulées à l'encontre de tel ou tel produit commercial avec la défense de notre recherche.

Quatrièmement, et cela a été souligné à la fois par M. Laffitte et dans les différents rapports qui ont été mentionnés, la biodiversité constitue un élément essentiel de la vie, de notre vie. Absolument tous les sénateurs que j'ai entendus défendent la biodiversité et, à travers elle, le soutien aux filières, qu'elles soient « bio » ou conventionnelles. Je pense notamment aux interventions de MM. de Montesquiou ou Pastor. En outre, M. Soulage rappelait la nécessité d'encadrer strictement et de soutenir ces filières, et ce sans tourner le dos à la modernité. L'inquiétude sur les AOC a été exprimée à de nombreuses reprises.

Nous le voyons, il existe un consensus général.

En vérité, monsieur Le Cam, même si nous pouvons être d'accord sur certaines questions, il est un point, un seul, sur lequel je ne peux vraiment pas vous suivre. Vous avez déclaré qu'il vous était impossible de voter le projet de loi, sous prétexte qu'il n'y aurait pas eu de grand débat national. Sincèrement, s'il est un sujet qui a fait l'objet d'une vaste consultation, c'est bien celui dont nous parlons aujourd'hui.

M. Fortassin évoque le rétablissement de la confiance. Certes, il n'est pas certain que la loi y suffise, mais les procédures sont là.

En effet, M. Larcher a conclu son propos en invoquant la rigueur et la science.

M. Dominique Braye. Absolument ! Tout est là !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Or, et c'est là que se situe la véritable difficulté, la rigueur et la science doivent-elles intervenir « en aval », par exemple pour contester la présence sur le marché d'un produit déjà commercialisé, ou « en amont », pour décider de son éventuelle mise en circulation ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Voilà où se situe la véritable revendication, mondiale et internationale.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui même, deux produits, en l'occurrence le BT 11 et le 1507, font l'objet d'une interrogation européenne et mondiale. Pourtant, ce sont des « frères » ou des « cousins germains » d'un autre organisme qui a défrayé la chronique. En résumé, c'est bien en amont que le problème doit être traité.

J'ai entendu M. Le Grand, notamment quand il a fait état de ses blessures personnelles.

Pour ma part, je peux témoigner de l'unanimité qui s'était dégagée, pour avoir moi-même assisté à une réunion des parties prenantes, à un groupe de travail inter-groupes de travail sur les OGM, avec Mme Blandin. Des positions ont été effectivement adoptées à l'unanimité de tous les collèges, qu'il s'agisse des représentants des agriculteurs, des collectivités territoriales et du Parlement, y compris donc de la Haute Assemblée. Ces conclusions unanimes ont abouti à une proposition responsable sur la préfiguration de ce que pourrait être la nouvelle structure.

Puis, le système s'est tout d'un coup déréglé.

Pourtant, nous venons aujourd'hui devant le Sénat animés par une philosophie qui est aussi la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs. Il s'agit de faire preuve de bon sens et de transcrire à la fois le principe de précaution et un principe d'action. Il faut donc un cadre général pour cela.

De grâce, n'opposons pas ceux qui seraient pour et ceux qui seraient contre, les modernistes et les conservateurs ! Non, les PCB n'ont évidemment pas été une réussite totale, mais il existe des avancées qui sont, elles, des réussites !

Sincèrement, nous nous apprêtons aujourd'hui à adopter un cadre qui est, me semble-t-il, clarifié. Si nous continuons à travailler sereinement, ces nouvelles dispositions nous permettront, loin de tout amalgame avec le sort particulier de certains produits, étrangers ou non, de concilier la nécessité de défendre la recherche française, c'est-à-dire le développement d'un certain nombre d'OGM, avec la liberté de cultiver sans OGM, et de manger sans OGM !

En outre, certains orateurs ont indiqué qu'il n'appartenait pas à la victime de payer les frais. Je partage leur avis. C'est la raison pour laquelle nous devons, à mon sens, faire un effort pour aller au bout de la logique du projet de loi et du processus de soutien aux filières concernées.

Certains intervenants ont fait référence au développement mondial de la culture des OGM. Mais il y a aussi des arrêts. Oui, les Américains ont effectivement exercé des pressions et déposé des plaintes devant l'OMC, mais ils les ont retirées au mois de janvier dernier.

C'est pourquoi nous devons maintenir la sérénité du débat. Je le constate, à quelques exceptions près, qui méritent d'ailleurs une discussion apaisée et des décisions adaptées aux intérêts du pays, il existe un accord assez large sur un sujet qui, en apparence, n'a pas l'air simple, mais qui, au fond, n'est pas si compliqué.

Enfin, monsieur Muller, ce n'est pas vous qui déterminerez le point d'équilibre permanent d'un tel exercice, dont vous connaissez d'ailleurs la difficulté. (Sourires.) Certes, le Grenelle de l'environnement a sa légitimité, et je suis bien placé pour la défendre, mais il y a aussi une démocratie politique.

Sur le fond, mesdames, messieurs les sénateurs, quoi qu'il arrive, une fois que nous aurons procédé aux ajustements qui s'imposent, si nous savons garder et le coeur et l'esprit ouverts, la situation sera certainement bien meilleure demain, après l'adoption du projet de loi que je vous soumets. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Rappel au règlement

M. le président. Je suis saisi, par Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade, MM. Billout, Danglot et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°49 tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (n° 149, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Évelyne Didier, auteur de la motion.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée se réunit aujourd'hui afin d'examiner le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés. En réalité, nous parlons surtout de plantes génétiquement modifiées.

Il y a presque un an, alors que je présentais la question préalable déposée par mon groupe sur un projet de loi assez similaire, il nous avait été reproché d'ignorer l'urgence de transposer les directives.

Aujourd'hui, que constatons-nous ? Le premier projet de loi examiné par le Sénat est devenu caduc. Le Gouvernement a attendu la fin du Grenelle de l'environnement pour déposer à nouveau un projet de loi. Faute d'une véritable concertation préalable, ce projet de loi a également été retiré, dans l'attente de l'avis du Haut comité provisoire sur les organismes génétiquement modifiés. Vous conviendrez que toutes ces tergiversations font un peu désordre.

Alors que cet avis justifie que soit actionnée la clause de sauvegarde, le Gouvernement décide de façon assez précipitée de saisir de nouveau le Sénat de la question des organismes génétiquement modifiés et plus particulièrement de la culture en plein champ des plantes génétiquement modifiées, au moment où nous nous apprêtons à suspendre nos travaux

Bref, beaucoup de temps a été perdu au regard des impératifs communautaires, et ce temps n'a pas été mis à profit, à notre avis, pour modifier le premier projet de loi afin de transposer les directives et de mettre en oeuvre une réglementation contraignante sur la culture en plein champ de telles plantes.

Cette réglementation aurait eu le mérite de respecter la ferme opposition de la grande majorité de nos concitoyens sur les questions des essais en plein champ et sur celle de la consommation alimentaire d'organismes génétiquement modifiés.

Cette voie a été notamment suivie par la Hongrie, comme en fait état le rapport d'information présenté en octobre dernier par notre collègue Marc Laffineur.

En effet, les pouvoirs publics hongrois, qui souhaitent que la Hongrie demeure exempte de production OGM, ont transposé la directive de façon très restrictive sur les conditions de cultures. C'est donc possible.

M. Gérard Le Cam. C'est vrai !

Mme Évelyne Didier. Cet exemple démontre par ailleurs qu'il serait hasardeux de justifier la défense des cultures OGM commerciales par la nécessité de se mettre en conformité avec le droit communautaire. Ne confondons pas les contraintes juridiques et la volonté politique !

De plus, alors que la France a actionné la clause de sauvegarde et qu'une partie de la majorité parlementaire semble acquise à la prudence, tout est mis en oeuvre pour laisser penser qu'en nous opposant aux cultures de plantes génétiquement modifiées nous serions isolés au plan communautaire. Il n'en est rien !

À ce propos, permettez-moi d'évoquer de nouveau le rapport que je citais il y a quelques instants. Sur les vingt-deux pays visés, seuls dix possèdent des cultures transgéniques ; la grande majorité ne possède pas de cultures commerciales, et les cultures expérimentales n'occupent que de très faibles superficies.

Dans ces vingt-deux pays, les populations sont majoritairement opposées aux cultures d'organismes génétiquement modifiés. Notons également qu'au plan européen le nombre de régions se déclarant sans OGM augmente. Cette tendance se dessine également très fortement en Allemagne et en Autriche.

En France, la position est la même. Alors, arrêtons de penser que nous sommes des originaux complètement isolés : il existe bien un mouvement en Europe sur ce sujet !

En opposant la question préalable et en refusant de soutenir des décisions qui pourraient avoir des conséquences imprévisibles sur la santé publique, l'environnement, l'agriculture, notre groupe défend donc une position majoritaire dans la population européenne.

Nous espérons que la présidence française sera l'occasion de débattre d'un certain nombre de sujets touchant notamment l'agriculture, les OGM, et qu'à cette occasion la parole sera rendue à la population. La tendance actuelle, convenons-en, c'est de dire qu'il s'agit d'une question compliquée qui doit être réglée entre spécialistes et qu'il est préférable de ne pas trop demander l'avis de la population.

Je souhaiterais aborder maintenant plus en détail les raisons qui nous conduisent aujourd'hui à refuser ces cultures en plein champ et à nous opposer à la consommation animale et humaine de tels produits. Bien entendu, nous n'ignorons pas qu'une telle situation existe déjà.

En premier lieu, il est incontestable que le coeur de nos divergences se trouve dans la culture en plein champ des plantes génétiquement modifiées. Souvent, malheureusement, les partisans de telles cultures nous accusent d'obscurantisme en brandissant la nécessité de faire avancer la recherche.

Soyons très clairs : nous sommes, comme en témoignent toutes nos interventions sur le sujet, de fervents défenseurs de la recherche fondamentale. Nous sommes favorables aux manipulations génétiques indispensables pour faire progresser la recherche.

Cependant, rappelons que nos connaissances en la matière sont très récentes et doivent être encore approfondies pour éviter que l'introduction de nouveaux gènes ne modifie, par exemple, des inhibitions qui pourraient produire des effets inattendus sur la santé.

Pour nous, c'est la recherche fondamentale qui doit être développée et encouragée bien davantage pour que la recherche appliquée s'effectue en toute connaissance de cause.

Rappelons que de telles expériences en plein champ sont utiles seulement en dernière instance, dans le but de déterminer des caractéristiques agronomiques ou les effets de la dissémination.

Nous faisions allusion, dans une intervention précédente, à un avion qu'il fallait bien tester. Mais, avant d'expérimenter un premier vol, la recherche fondamentale a auparavant tout essayé, tout traduit, tout prévu ; on ne s'interroge pas pour la première fois sur la qualité du carburant au moment où l'avion prend son envol ; tous ces paramètres sont bien entendu préparés en amont !

Les essais en plein champ ne sont donc pas nécessaires à l'avancée de la connaissance du génome à des fins médicales, par exemple.

M. Dominique Braye. Cela n'a rien à voir !

Mme Évelyne Didier. Mais si, mon cher collègue. À un moment donné, on doit faire de la recherche fondamentale. Les recherches appliquées ne se font qu'avant.

Le transfert de gènes à partir d'une plante génétiquement modifiée vers une autre plante de la même espèce ou même d'une espèce différente est possible. Ce phénomène peut intervenir à la source par le mélange accidentel des semences, et ce n'est pas une hypothèse d'école ! Il a été également démontré que les pollens peuvent être portés très loin par le vent ou par les insectes, mais également lors des transports.

L'incompatibilité entre les plantes génétiquement modifiées et les plantes issues de l'agriculture traditionnelle ainsi que les problèmes de dissémination sont très clairement reconnus par le Gouvernement et par le Président de la République.

Ainsi, monsieur le ministre d'État, vous déclariez vous-même, dans Le Monde du 21 septembre 2007: « Sur les OGM, tout le monde est d'accord : on ne peut pas contrôler la dissémination, donc on ne va pas prendre le risque. »

Le Président de la République, dans un discours faisant suite au Grenelle de l'environnement, affirmait : « La vérité est que nous avons des doutes sur l'intérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM. » C'est le Président de la République qui l'a dit !

Il existe aujourd'hui malheureusement seulement deux catégories d'OGM à pesticides. D'une part, les « Bt » qui fabriquent des insecticides et, d'autre part, des plantes tolérantes aux herbicides. On se trouve en présence de végétaux imprégnés, il serait donc logique de leur appliquer les protocoles sur les pesticides pour déterminer avec sérieux les risques toxicologiques encourus.

Or ce n'est pas le cas aujourd'hui ! Il faudrait, en effet, réaliser des tests sur une plus grande variété d'animaux, en plus grand nombre, et sur une durée supérieure à quelques semaines !

En outre, l'utilisation répétée d'herbicides risque d'entraîner le besoin de quantités toujours plus importantes face à l'apparition de mauvaises herbes plus résistantes, à l'instar des antibiotiques. Cela existe déjà, on sait qu'il y a des risques.

À ce sujet, il aurait été raisonnable de tirer les leçons des problèmes engendrés par les OGM contenant des gènes codant des facteurs de résistance aux antibiotiques. Il a été nécessaire de prendre des mesures d'interdiction pour éviter de voir des bactéries devenir résistantes aux antibiotiques et faire échec aux antibiothérapies.

Des atteintes sur la faune ont également été constatées, que ce soit par les insectes ou par les vers de terre. Les apiculteurs ont ainsi rapporté, dans le Lot-et-Garonne notamment, la contamination du pollen de leurs abeilles. Nous n'avons pas inventé ces faits !

Ensuite, les protéines produites par les gènes peuvent présenter des risques de toxicité et d'allergénicité.

Enfin, les organismes génétiquement modifiés peuvent contribuer à la standardisation et à la diminution du nombre de variétés.

Pensez-vous sérieusement, mes chers collègues, pouvoir concurrencer dans leurs domaines, notamment sur le terrain de la productivité, des pays aussi grands et aussi importants que les États-Unis, le Canada ou les pays d'Amérique latine ? Le savoir-faire européen, la qualité des produits ne peuvent-ils pas nous rendre compétitifs sur d'autres créneaux, générant une plus grande valeur ajoutée ? Je crois que nous nous trompons véritablement de combat.

Malheureusement, la réforme de l'OCM vitivinicole que nous avions dénoncée ensemble, dans cette assemblée, montre que le choix des instances européennes est tout autre !

Par ailleurs, comme l'a très bien résumé le député Marc Laffineur, il existe le risque « d'une soumission croissante des agriculteurs aux quelques entreprises agro-industrielles créatrices de plantes génétiquement modifiées qui sont protégées par des brevets ». Sans compter que les agriculteurs sont obligés d'acheter chaque année de nouvelles semences et les produits dérivés correspondants pour traiter les plantes !

On le voit, la liste est longue des inconvénients liés à ces cultures, pour des avantages finalement peu évidents, sauf pour quelques multinationales.

Nous avons vu les inconvénients des plantes génétiquement modifiées pour résister à certains prédateurs. Pour les autres, résistantes à certaines conditions climatiques, en particulier celles qui nécessiteraient peu d'eau : elles n'existent tout simplement pas encore !

Par ailleurs, dans bon nombre de cas, il suffirait de revenir à des espèces que nous avons abandonnées pour retrouver des résistances à certains prédateurs, ou à des techniques agricoles qui ont fait leur preuve. Je pense ici au mulchage en matière de lutte contre la sécheresse.

Quant au bénéfice nutritionnel, il n'en existe aujourd'hui qu'un seul exemple, celui du riz doré enrichi en vitamine - et encore, pour que les apports en vitamine soient suffisants pour une personne, il faut en consommer plusieurs kilos ! (M. Dominique Braye rit.)

M. Gérard Le Cam. Par jour !

Mme Évelyne Didier. Aujourd'hui, la communauté scientifique n'a pas tranché la question de l'innocuité ou de la nocivité des OGM.

Nous devons continuer les recherches - sur ce point, nous sommes tous entièrement d'accord - sans nous livrer pieds et poings liés à deux ou trois groupes multinationaux.

Le groupe communiste républicain et citoyen a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés pour des raisons d'impératifs de santé publique, de préservation de l'environnement et de biodiversité. Nous espérons que d'autres de nos collègues nous suivront dans cette voie afin que cette question, qui dépasse largement les clivages politiques, soit abordée avec la plus grande prudence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. À ce stade de l'examen du projet de loi, je ne vais pas entrer dans un débat scientifique approfondi ou évoquer longuement le problème de la brevetabilité ; je pense notamment aux semences de ferme, sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire. Mais, rassurez-vous, ma chère collègue, je ne me soustrairai pas à ces questions au cours du débat.

Vous nous expliquez que les connaissances scientifiques identifient une présence de risques et une absence de bénéfices des OGM. Je ne souscris pas à cette analyse.

D'une part, les bénéfices des OGM pour la santé en matière de vaccins ou d'utilisation de micro-organismes génétiquement modifiés ne sont pas contestés.

D'autre part, les bénéfices des plantes génétiquement modifiées apparaissent de façon croissante. Vous avez parlé de la réforme de l'OCM vitivinicole, mais il y a également le prototype de porte-greffes résistant au court-noué, le peuplier à basse teneur en lignine pour produire du papier avec moins d'énergie et moins de chlore ou encore les plantes de grande culture, qui permettent des économies de produits phytosanitaires, d'engrais ou d'eau.

Après deux années de tergiversation, il est plus que temps de nous projeter dans l'avenir. Rappelons-le, notre pays atteint le deuxième rang mondial pour son agriculture. C'est à nous qu'il appartient aujourd'hui de faire un nouveau saut technologique, comme le firent nos prédécesseurs il y a un demi-siècle avec les hybrides !

Vous nous dites qu'il ne faut pas acheter des semences chaque année. Il y a bien longtemps que les semences de ferme, auxquelles vous avez certainement fait allusion, sont circonscrites à un très petit nombre de céréales. Désormais, les agriculteurs sont obligés, tous les ans, d'acheter des semences hybrides !

Je n'irai pas plus loin sur ce sujet, car, je vous l'ai dit, il faut nous projeter dans l'avenir. Mais gardons présent à l'esprit le principe de précaution et la volonté d'assurer la possibilité de produire avec ou sans OGM. C'est tout l'enjeu de notre débat !

Dans ces conditions, madame la sénatrice, vous ne serez pas surprise que la commission ait émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Quelle que soit l'opinion des uns et des autres, je les entends. Mais l'absence de règles, d'une haute autorité plurielle, de responsabilité affichée, de transparence me paraisse préjudiciable à la démocratie.

Je suis très sensible aux inquiétudes liées à la dissémination et aux possibilités de produire et de consommer sans OGM. Ces aspects font partie de la liberté. Or, de ce point de vue, je crois que ce texte, en apportant un cadre législatif, représente une avancée. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à la motion tendant à lui opposer la question préalable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous nous félicitons de la décision du Gouvernement d'avoir reporté l'examen de ce texte, dont l'arrivée inopinée n'aurait pas permis les auditions de la commission. Ces quelques semaines étaient indispensables. Nous nous félicitons également de la levée de la déclaration d'urgence. Ces brutalités sont, hélas ! devenues coutumières contre le Parlement.

Nous mesurons l'atout politique que représente une première lecture avant les municipales : les citoyens sauront ce que défendent leurs élus, candidats d'hier ou de demain. (Marques d'agacement sur les travées de l'UMP.) Eh oui, mes chers collègues !

Nous pensons néanmoins que la motion du groupe CRC est argumentée : le texte comporte encore trop d'incohérences et ne permet pas les arbitrages nécessaires entre cultures commerciales et prétendus « essais », mise au point en plein champ et véritable recherche fondamentale, aides thérapeutiques élaborées sous abri et alibis de façade. De plus, il ne dit rien de « la non-brevetabilité du vivant » et reste dans un environnement conventionnel, c'est-à-dire une agriculture de quantité et de bas prix des produits ainsi qu'une recherche pauvre, oubliant d'évaluer la richesse de la diversité biologique et de ses services rendus.

Ce projet de loi est d'ailleurs un premier coup porté au Grenelle de l'environnement, car il n'y a pas eu de travail collectif en amont.

Nous savons l'impérieuse nécessité de transposer la directive. Malheureusement, le texte ne répond pas à ce qu'elle demande.

Enfin, l'humeur de la majorité vis-à-vis du Grenelle de l'environnement, du principe de précaution, voire des courageuses prises de position de M. Jean-François Le Grand montre que tout le monde n'est pas vraiment prêt.

Le groupe socialiste et les Verts voteront donc la motion.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 49, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 119
Contre 208

Le Sénat n'a pas adopté.

Nous allons passer à la discussion des articles.

Rappel au règlement

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Articles additionnels avant l'article 1er

M. Daniel Raoul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, je voudrais appeler l'attention du Sénat sur les conditions d'organisation de nos travaux. Nous assistons à un véritable saucissonnage du projet de loi !

Nous allons débattre ce soir jusqu'à deux ou trois heures du matin, ...

M. le président. Nous verrons !

M. Daniel Raoul. ... mais pas demain, qui sera une journée blanche.

Ensuite, nous reprendrons jeudi à je ne sais quelle heure, puis peut-être vendredi ...

Entre-temps, on aura débattu d'un texte de nature réglementaire sur les manèges... Compte tenu de l'enjeu du présent projet de loi, tout cela n'est pas sérieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC - applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Raoul.

Nous passons maintenant à la discussion des articles.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 58, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les importations de denrées agricoles, végétales ou animales, génétiquement modifiées sont interdites.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. La FNSEA a déclaré que, pour être en cohérence avec l'interdiction de culture du maïs OGM, il serait également nécessaire d'interdire les importations de maïs transgénique. Nous partageons cette analyse, mais pas pour les mêmes raisons.

Les incertitudes sur les conséquences de l'ingérence de produits agricoles par les hommes ou les animaux, que ces denrées soient végétales ou animales, doivent conduire les autorités publiques à la plus grande prudence. La crise sanitaire de la vache folle n'est pas si lointaine ! Par notre amendement, nous demandons donc l'interdiction des denrées agricoles qui contiennent des OGM. En interdisant ces importations, la France pourrait encourager la constitution de filières agricoles émancipées de la tutelle des grands semenciers.

Bien sûr, deux arguments vont nous être opposés : la violation de nos obligations internationales et communautaires en matière de libre circulation des marchandises et la question de notre dépendance des importations pour l'alimentation des animaux d'élevage.

Sur le premier point, M. le rapporteur nous explique tout naturellement que les décisions prises par l'Union européenne en application du principe de précaution entrent en contradiction avec les règles de l'OMC. Il faudrait donc se soumettre au diktat américain ! À quoi sert l'Europe, à quoi servons-nous si nous devons faire prévaloir les impératifs commerciaux au détriment de la santé de nos concitoyens ?

Sur le second point, je reste persuadé, si la volonté y était, que nous pouvons régler au moins en partie le déficit en protéines végétales français et européen, et ce notamment par un rééquilibrage de nos productions végétales. À cet égard, peut-être devrions-nous réfléchir au problème des surfaces mobilisées par les biocarburants au détriment de l'agriculture alimentaire.

Dans le contexte de baisse de la disponibilité des énergies fossiles, et donc d'une forte augmentation des coûts de transports qui seront nécessairement répercutés sur les prix de vente, les importations de céréales, même génétiquement modifiées, risquent de ne pas être longtemps rentables.

Cet amendement vise à ouvrir un véritable débat sur le modèle agricole que nous voulons et sur les modes alimentaires que nous devrions privilégier. Il rejoint la préoccupation qui est la nôtre de préserver au maximum une agriculture de qualité liée à ses terroirs et bénéficiant d'une reconnaissance internationale.

Il y a seulement quelques années, même la Bretagne pouvait se passer des OGM. Pourtant, son cheptel porcin était équivalent à celui d'aujourd'hui et son cheptel avicole était nettement supérieur. Loin de moi donc l'idée d'évoquer une récession à l'ouest de la France ! Nous voulons conduire progressivement notre production et nos importations à être en adéquation avec notre avenir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement pourrait paraître sympathique à première vue.

M. Daniel Raoul. Il l'est !

M. Jean Bizet, rapporteur. En fait, il est particulièrement irréaliste.

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission a bien évidemment émis un avis défavorable.

En effet, cet amendement, s'il était adopté, rendrait totalement impossible l'alimentation du cheptel français de viande blanche. Elle ne toucherait d'ailleurs pas uniquement les animaux de la filière porcine et avicole bretonne, même si l'incidence de cette mesure sur votre territoire serait particulièrement dramatique, monsieur Le Cam.

En outre, la disposition proposée irait bien entendu à l'encontre de nos engagements envers l'Organisation mondiale du commerce. Je rappelle à ce titre que les États-Unis, le Canada et l'Argentine se préparent à demander des pénalités de l'ordre de 800 millions d'euros à 1 milliard d'euros contre l'Europe en raison des restrictions apportées aux échanges de semences et de plantes génétiquement modifiées.

Pour rebondir sur les propositions que vous faites, monsieur le sénateur, à savoir le développement des cultures à vocation protéinique, interrogez l'Institut national de la recherche agronomique : vous connaissez très bien les résultats et les rendements qui sont à la clef compte tenu de l'environnement européen.

En ce qui concerne les biocarburants, ils représentent aujourd'hui seulement 2 % de la surface agricole utile nationale. Il n'y a donc pas de perturbation de l'ensemble des productions alimentaires.

Quant au développement des agricultures sous signe de qualité, nous sommes tous d'accord sur ce sujet. Cependant, si l'on globalise l'ensemble des produits sous signe de qualité, en intégrant au premier chef toute la filière vitivinicole, on arrive à un maximum de 20 %. Monsieur Le Cam, n'oubliez pas les 80 % restants !

En tout état de cause, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Cela dit, nous n'échapperons pas - je le dis tout à fait clairement - au problème de la confrontation entre la liberté du commerce et un certain nombre d'autres sujets.

J'observe d'ailleurs, à ce titre, que la plainte déposée devant l'OMC par les États-Unis sur les problèmes liés à la clause de sauvegarde a été suspendue : les rapports de force peuvent donc évoluer !

Je suis convaincu qu'il faut renforcer l'expertise européenne, de même que je suis persuadé que la répartition des forces entre la direction dite « de la concurrence et du commerce » et la direction de l'environnement ne sont pas équilibrées sur le plan européen.

Pour autant, l'adoption d'un tel amendement fragiliserait à mon avis notre propre position sur ce dossier. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement s'engage à organiser dans les six mois un débat public national sur les organismes génétiquement modifiés.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Je vous ai vu applaudir à tout rompre M. le ministre de l'agriculture voilà seulement quelques heures, quand il semblait jouer les fiers-à-bras face aux États-Unis. Or, deux ou trois heures plus tard, je constate que vous vous couchez lamentablement devant eux ! (Oh ! sur les travées de l'UMP.)

D'après un sondage réalisé à la fin du mois de janvier 2004 par l'institut Louis Harris auprès d'un échantillon de 1002 personnes représentatif de la population française pour 60 millions de consommateurs, 80 % des Français pensaient que les agriculteurs ne devaient pas cultiver d'OGM et 76 % se déclaraient opposés aux OGM.

En 2001, ils étaient 60 % à rejeter la présence d'OGM dans l'alimentation, selon le baromètre annuel « Les Français et l'agriculture » réalisé par la SOFRES du 27 décembre 2000 au 3 janvier 2001 pour SIGMA.

En 2000, 30 % des Français se disaient anti-OGM et globalement très méfiants à l'égard des informations fournies sur les emballages alimentaires, 30 % se déclaraient réticents et assez méfiants à l'égard des informations fournies sur les emballages alimentaires, 84 % jugeaient qu'il n'y avait pas assez d'informations sur les OGM, 83 % pensaient que l'on devait attendre d'en savoir davantage sur les effets des OGM avant d'utiliser ces derniers.

Ces enquêtes montrent à quel point il serait injuste de dire que les Français sont favorables à la culture et à la présence dans leur assiette d'organismes génétiquement modifiés.

Manger des OGM parce que l'on n'est pas informé de ce que contiennent nos aliments n'équivaut en aucun cas à en accepter le principe, comme on voudrait nous le faire « avaler », ici, au Sénat !

Comme la majorité parlementaire en ce moment, nous n'aimons pas beaucoup les sondages. Il nous semble préférable d'interroger nos concitoyens dans leur ensemble afin de connaître leur position sur ce dossier aux enjeux cruciaux au regard, notamment, de la santé publique et de la préservation de la biodiversité.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Malheureusement, la commission émettra une nouvelle fois un avis défavorable.

Depuis quelque dix ans, nous avons organisé de très nombreux débats sur les OGM - je pense notamment au débat des quatre sages -, et des dizaines de rapports ont été rédigés sur la question, comme notre collègue Jean-Marc Pastor l'a rappelé dans son rapport de 2003.

Je n'en citerai que quelques-uns : en 1998, mon rapport pour le Sénat et le rapport de Jean-Yves Le Déaut pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ; en 1999, le rapport de Guy Le Fur pour le Conseil économique et social et le rapport au Premier ministre de Philippe Kourilsky et Geneviève Viney sur le principe de précaution ; en 2000, le rapport de l'Assemblée nationale de Marie-Hélène Aubert ; en 2001, le rapport du Commissariat général du Plan ; en 2002, le rapport des quatre sages à la suite du débat sur les essais au champ des 4 et 5 février 2002, le rapport au ministre de l'économie et des finances de Noëlle Lenoir, et le rapport de l'Académie des sciences ; en 2003, le rapport d'information de la commission des affaires économiques adopté à l'unanimité, qui estimait que le temps de la réflexion était passé et que celui de la décision était venu.

À ces rapports, s'ajoutent les avis de la Commission française du développement durable, la CFDD, du Conseil national de l'alimentation, le CNA, et de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA.

En outre, il faut rappeler que le vote d'un tel article n'aurait pas de portée juridique concrète dans la mesure où il s'agirait simplement d'un engagement purement politique.

Quant à moi, je crois au rôle du Parlement : il est un moment où les représentants de la nation doivent prendre leurs responsabilités. Je suis prêt à assumer ces dernières dans ce débat, dans un esprit toujours constructif et ouvert, mais avec la forte conviction que notre pays doit, entre autres choses, cesser de sacrifier sa recherche. Cela a été dit en préambule à nos débats par l'ensemble des ministres.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Très sincèrement, il me semble que le grand débat national a vraiment eu lieu.

Disant cela, je pense non pas seulement aux rapports qui ont été évoqués, mais également, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, aux groupes de travail approfondi et à l'intergroupe qui a été animé par une sénatrice et un sénateur.

Je pense également aux débats territoriaux et régionaux.

Ces débats ont abouti à des demandes de clarification, de transparence, de responsabilité, de création d'une haute autorité. Certes, on peut toujours penser que cela n'est pas assez. Quoi qu'il en soit, le grand débat national a eu lieu !

La mise en place de tous ces éléments de réflexion, notamment de la Haute autorité, n'interdit pas, bien entendu, que le débat continue.

En tout état de cause, le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous prenons acte de tous les débats et rapports sur ce sujet.

La société française rapporte les mots qu'elle entend en « pour » ou en « contre ».

Mais, sur le plan de la culture scientifique, les notions de base ne sont même pas connues de tous les gens qui évoquent les OGM. Or, ce débat aurait pu jouer le rôle de pédagogie de base.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France propose aux États membres d'organiser un grand débat public qui associe les populations sur les organismes génétiquement modifiés et de rediscuter en conséquence les directives sur les sujets.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Nous ne laisserons pas affirmer plus longtemps que la position que nous défendons contre la culture en plein champ d'organismes génétiquement modifiés serait un combat isolé et déconnecté tant de l'opinion de nos concitoyens français et européens que des autres pays européens.

Je vous renverrai encore une fois au rapport du député Marc Laffineur, qui précise que la grande majorité des pays appartenant à l'Union européenne ne possèdent pas de cultures commerciales d'OGM.

De plus, je vous livrerai quelques sondages. En 2002, plus de 65 % des Européens déclaraient qu'ils n'achèteraient pas de nourriture génétiquement modifiée, même si elle était moins chère ; plus de 70 % d'entre eux ne voulaient pas d'aliments OGM et 94 % souhaitaient pouvoir choisir d'en manger ou pas ; par ailleurs, 83 % d'entre eux considèrent manquer d'informations sur les effets à long terme des aliments OGM sur la santé, 78 % craignent que cette nouvelle technologie ne privilégie plus la recherche de profit que l'intérêt du public, 75 % sont préoccupés par la contamination des semences conventionnelles par les semences OGM et 71 % se sentent concernés par les effets négatifs des OGM sur l'environnement.

M. Dominique Braye. Il n'y a pas que les sondages !

M. Gérard Le Cam. En 2003, 81 % des Allemands étaient contre les OGM dans l'alimentation.

C'est donc l'occasion de dire et de redire qu'un vrai débat national s'impose. Un débat rassemblant seulement des élus régionaux et des parlementaires ne suffit pas. Il faut aller jusqu'en bas, faire des émissions, consacrer du temps à la pédagogie, y compris à la télévision, dans les journaux, pour expliquer de A à Z ce que sont les OGM et quels sont les risques. Il faut des avis contradictoires. C'est cela, un débat national !

Or nous en sommes loin, très loin ! Le seul débat national - et encore ! - a été celui sur le traité établissant une constitution pour l'Europe, le TCE, que nous avions lancé dans l'Humanité en le publiant la première fois. (M. le président de la commission et M. le rapporteur rient.) Mais aujourd'hui, nous en sommes très loin !

Face à cette réalité, tout se passe comme si nous devions subir la volonté des quelques grands groupes américains. Nous voulons construire une Europe forte, en accord avec ses peuples.

Nous espérons que le Président de la République, dépassant les simples déclarations de principe, profitera de l'occasion que nous offre la future présidence de l'Union européenne pour proposer aux États membres d'organiser un grand débat public associant les populations sur les organismes génétiquement modifiés et de rediscuter en conséquence les directives sur les sujets.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Monsieur Le Cam, l'adoption de cet amendement n'aurait aucune portée juridique concrète.

Sans me répéter par rapport à l'amendement précédent, je crois très sincèrement que le temps de la décision est venu.

La commission émet un avis défavorable.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

Ce débat européen que vous évoquez, monsieur le sénateur, est en cours. J'en veux pour preuve la déclaration commune franco-allemande d'hier, qui rappelle que l'Allemagne et la France souhaitent une évolution du mode d'expertise européen sur les autorisations de mise sur le marché, sur les risques de dissémination et sur le contrôle de celle-ci.

Il y a donc une avancée. Il est clair que les règles d'il y a dix ans ne sont pas forcément toujours adaptées aujourd'hui. La France pèsera en faveur de cette évolution.

M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 85 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 85 est retiré.

L'amendement n° 77, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement s'engage à promouvoir au niveau international le principe de licences gratuites ou à des prix très avantageux pour les petits agriculteurs des pays en voie de développement, ainsi que l'introduction de clause de sauvegarde en leur faveur.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Le rapport de la mission d'information conduite en 2005 à l'Assemblée nationale était intitulé Les OGM : une technologie à maîtriser. 60 propositions pour approche progressive au cas par cas. 

Parmi ces propositions, figurait la disposition reprise par notre amendement : le principe de licences gratuites ou bon marché pour l'utilisation, par les petits paysans des pays en voie de développement, de semences à leur disposition.

L'utilisation massive d'OGM va renforcer la dépendance de ces petits agriculteurs. En effet ces semences constituent, potentiellement, une véritable arme alimentaire, à disposition, évidemment, de puissantes multinationales américaines ou européennes.

Plus les OGM seront cultivés dans le monde, plus ces paysans seront dépendants de ces firmes multinationales, des produits qui leur seront vendus et du prix de ces derniers. Leur droit naturel à replanter ces semences leur sera évidemment nié et, petit à petit, ces firmes s'approprieront toutes ces cultures, privatisant de facto le vivant.

L'appropriation de la nature par quelques groupes privés n'est pas une lubie : c'est un risque qui nous menace.

Aussi est-il nécessaire de promouvoir le principe de licences gratuites ou bon marché, afin de réduire ce risque économique, et ce pour toutes les semences - OGM utiles ou non-OGM.

Plus largement, il convient de réaffirmer le droit fondamental des paysans à utiliser le produit de leurs cultures, et donc des semences fermières. Nous reviendrons sur cette question lors de la présentation d'un autre amendement.

Le brevet garantit une rémunération à son détenteur. Nous sommes conscients de la nécessité de rémunérer les efforts de recherche. Cependant, ce principe de rémunération doit pouvoir connaître des exceptions, comme le prévoient les conventions internationales en la matière - je pense ici aux obtentions végétales et autres.

Il est nécessaire que l'ensemble des acteurs de la filière, mêmes les plus petits d'entre eux, soient entendus sur cette question !

Le déroulement des débats sur le texte relatif aux obtentions végétales nous a montré que tel n'était pas le cas, même dans cette assemblée.

Le Gouvernement, lors de l'examen de ce projet de loi, avait fait savoir sur cette question qu'il était « tout à fait favorable à la promotion des certificats d'obtention végétale, qui permettent en effet d'exonérer les petits agriculteurs des frais liés aux licences. Nous pensons en effet qu'il convient de faire en sorte que l'accès aux certificats d'obtention végétale soit gratuit pour les petits agriculteurs. »

Nous espérons donc que cet amendement, qui constitue non pas une injonction mais une simple demande, sera enfin adopté. Il grandirait notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Tout en comprenant la logique qui a inspiré les auteurs de cet amendement et leur analyse, je suis cependant obligé de faire observer que cette proposition n'aurait pas de portée concrète. Les injonctions au Gouvernement n'ont pas leur place dans un dispositif législatif.

Il me paraît donc impossible d'aller au-delà d'une simple réflexion. La commission émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Nous suivrons l'avis de la commission pour des raisons évidentes d'injonction internationale.

Cela dit, le problème que vous évoquez, monsieur Le Cam, est clairement posé sur le plan international. Il me fait penser à un autre sujet plus français, qui concerne l'association Kokopelli. Il y a indiscutablement un problème sur les références, qu'il nous faut traiter. Sans vouloir du tout commenter une décision de justice - ce n'est pas le sujet -, j'indique que nous allons en discuter avec le ministère de l'agriculture afin d'étudier comment faire évoluer ce point, qui nous paraît extrêmement important.

M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Je le maintiens, mais je suis très satisfait de la réponse apportée par M. le ministre d'État sur cet amendement. M. Borloo a ainsi montré qu'il sait faire preuve de bon sens et que certaines situations inadmissibles doivent évoluer. Il en est ainsi s'agissant de l'association Kokopelli, condamnée alors qu'elle est dans son droit. Va-t-on continuer à interdire aux gens d'échanger leurs propres semences ? Cette situation scandaleuse me révolte ; je suis très heureux d'avoir déposé cet amendement au nom de mon groupe, et je me félicite de votre réponse, monsieur le ministre d'État.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous soutiendrons cet amendement pour renforcer la volonté de promotion de ce type de licence et des semences paysannes.

Nous avons avec satisfaction entendu s'exprimer la compassion pour Kokopelli. Cette association, qui a été condamnée par le juge à verser au plaignant une importante somme d'argent, doit aussi verser à l'État français, sur la demande de ce dernier, une autre somme d'argent, ce qui fait froid dans le dos ! (M. le ministre d'État acquiesce.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Je partage la vision de Mme Marie-Christine Blandin. Compte tenu de la réalité des choses, il faudra certainement changer la loi sur ce point, et je crois d'ailleurs qu'il est dans les intentions de M. le ministre d'État de le faire prochainement. (M. le ministre d'État opine.)

En ce qui concerne Kokopelli, j'espère qu'une formule pourra être trouvée pour aider cette association.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Je souscris à l'intention qui sous-tend cet amendement.

J'ai évoqué tout à l'heure dans la discussion générale un projet de loi relatif aux certificats d'obtention végétale, malheureusement tombé dans les oubliettes, projet dans lequel le problème des semences fermières avait été encadré juridiquement. Je regrette que ce texte soit resté dans le tunnel législatif, n'ait débouché sur rien et que les paysans ne puissent pas utiliser ces fameuses semences.

J'aimerais obtenir du Gouvernement un engagement sur les semences fermières : allons-nous, oui ou non, pouvoir obtenir cette avancée ?

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Je suis manifestement candide, et je voudrais poser une question au Gouvernement. Il me semble, d'après ce que je peux voir dans les pays émergents, que les petits paysans, qui sont souvent dans une agriculture vivrière et non pas dans une culture d'exportation, utilisent leurs propres semences. Sont-ils contraints d'utiliser les semences de ces grands groupes dont on nous parle, et, si oui, dans quel pourcentage ?

On ne cesse de nous aiguiller sur de mauvaises directions, ce qui nous vaut des réponses dont M. Gérard Le Cam est ravi mais qui n'ont manifestement aucun fondement réel sur le terrain. Cessons de toujours vouloir faire pleurer dans les chaumières ! Il s'agit là manifestement d'un débat important et sérieux.

Je voudrais donc savoir combien de petits paysans dans les pays en voie de développement utilisent les semences des grands groupes. Il me semble qu'ils utilisent au contraire leurs propres semences.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Sur cette question, je rejoins en partie les informations qui ont été données tout à l'heure par Daniel Raoul. Le Sénat a en effet légiféré sur les certificats d'obtention végétale en février 2006. Mais l'Assemblée nationale ne s'est pas encore saisie de ce texte, ce qui est dommage.

À l'époque, nous avions bien encadré ce sujet : les semences de fermes avaient leur lisibilité, les agriculteurs pouvaient les utiliser sans aucun problème sur leur propre exploitation. En revanche, en cas de commercialisation ou d'échange, il y avait aussitôt perception d'une taxe destinée à alimenter la recherche.

La Grande-Bretagne a voulu libéraliser totalement cette opération, ce qui a entraîné un effondrement total de la recherche génomique dans ce pays.

La « semence du grand-père », pour reprendre l'expression consacrée, peut-être utilisée pendant un cycle de trois ans au maximum. En effet, au bout de trois ans, elle a perdu son pouvoir germinatif. Par conséquent, dire que les agriculteurs peuvent toujours utiliser la semence ancestrale est une escroquerie intellectuelle, parce que, tous les trois ou quatre ans, ils sont obligés d'utiliser une nouvelle semence. Pendant ensuite trois ou quatre ans, bien évidemment, ils ont le droit, sans verser de taxe, d'utiliser la semence sur leur propre exploitation.

Le Sénat avait donc trouvé, à mon avis, un très bon équilibre, et il est dommage - je l'ai souvent dit - que l'Assemblée nationale ne se soit pas saisie de ce texte.

L'amendement suivant, n° 221, déposé par M. Jean-Marc Pastor, va nous permettre de revenir sur cette notion de brevetabilité. Soyons quand même attentifs à l'architecture qui est tout à fait stricte en la matière : pas de brevet, pas de recherche ; pas de recherche, pas d'innovation, et adieu l'avenir !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Nous sommes là sur deux sujets qui, s'ils sont complémentaires, ne sont pas exactement les mêmes.

Les agriculteurs du Sud utilisent les semences fermières essentiellement pour la culture vivrière. Dans certains pays, c'est l'essentiel de la culture. Mais ces agriculteurs, lorsqu'ils s'orientent vers des productions industrielles, des productions éventuellement destinées à l'exportation, à l'agroalimentaire, entrent en général dans des systèmes beaucoup plus organisés dans lesquels il ne s'agit plus de semences fermières. Ce passage d'une agriculture vivrière vers une agriculture industrielle est source de richesses dans certains cas, mais aussi source de problèmes dans d'autres. C'est l'une des questions qui est posée.

L'association Kokopelli produit des semences potagères, maraîchères mais, surtout, préserve des variétés anciennes et, à ce titre, contribue à la biodiversité. Pour la plupart, ces variétés-là n'ont pas vocation à être cultivées de manière commerciale. Il s'agit de conserver des variétés en état. Il est vrai que les graines perdent leur capacité germinative. Le stock a besoin d'être renouvelé. De ce point de vue, on peut considérer que l'association Kokopelli participe d'une certaine mission de service public, et il est certain que la condamnation prononcée - je ne porte bien sûr pas de jugement sur cette jurisprudence - pose problème.

M. le ministre d'État et moi-même travaillons, d'une part, sur la réaction de l'État à l'égard du problème que soulevait Marie-Christine Blandin et, d'autre part, sur d'éventuelles évolutions législatives qui permettraient de sortir de cette situation quelque peu absurde, qui n'est pas sans peiner le monde de l'environnement, de la biodiversité et de l'agriculture fermière.

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.

M. Dominique Mortemousque. Ce débat m'inquiète quelque peu. En effet, comme M. le rapporteur l'a souligné tout à l'heure, la question des semences fermières se pose non seulement dans les pays émergents, mais également sur notre territoire. (MM. Jean-Marc Pastor et Daniel Raoul acquiescent.)

M. Gérard Le Cam. Exactement !

M. Dominique Mortemousque. Il existe une position extrêmement claire qui a été rappelée par Jean Bizet : les agriculteurs font ce qu'ils souhaitent en la matière. Si, ensuite, pendant des décennies, ils ne changent pas de variété, leurs rendements s'écroulent effectivement. Lorsqu'il y a transfert de semence fermière d'un agriculteur à l'autre, des taxes sont perçues parce que c'est tout un mécanisme qui se met en place pour alimenter la recherche.

Je ne pensais pas intervenir, mais j'ai l'impression qu'il est nécessaire de rappeler ces éléments de bon sens. Le but de ce débat est d'éclairer nos concitoyens. Si nous compliquons encore plus les choses, nous allons avoir du mal à nous en sortir. Le sujet est important, et j'étais moi-même intervenu voilà deux ans sur le sujet. Une réponse claire avait été apportée, que Jean Bizet vient de rappeler.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 221, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans l'article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « bonnes moeurs » sont insérés les mots : « ou aurait pour objet l'appropriation du vivant ».

II. - Les 1° et 2° du I de l'article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle sont remplacés par un 1° ainsi rédigé :

« 1° Les races animales et variétés végétales telles que définies à l'article 5 du règlement CE n° 2100/94 du Conseil du 27 juin 1994, y compris les séquences totales ou partielles d'un gène prises en tant que telles. Seule une invention constituant l'application technique d'une fonction d'un élément de l'animal ou de la plante peut éventuellement être protégée. La demande de brevet donne lieu à un avis de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés et, s'il y a lieu, du Comité consultatif national d'éthique ; ».

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Cet amendement s'inscrit dans le droit fil de mon intervention lors de la discussion générale. Il s'agit bien, en fait, de la brevetabilité du vivant en référence à la loi relative à la bioéthique de 2004.

Cet amendement vise, en premier lieu, à lutter contre l'appropriation du vivant et à interdire toute brevetabilité sur un gène, lequel, comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, fait partie du patrimoine commun de l'humanité. Cela relève aussi des principes incontournables qui ont été évoqués dans le Grenelle de l'environnement.

Seul le triptyque « organisme-gène-fonction »  - ou plant-gêne-fonction, puisqu'il s'agit essentiellement des plantes - peut fonder une invention ou un brevet, encore qu'à ces termes je préférerais ceux de « certificat d'obtention végétale », comme je l'ai déjà dit dans la discussion générale.

Dans les biotechnologies, en effet, seule la technologie peut éventuellement être brevetable, et non pas simplement l'aspect de découverte des propriétés biologiques. Le seul fait de réussir à lire des séquences du génome ne suffit pas à considérer qu'il y a invention. Il peut certes y avoir une découverte, une avancée scientifique, mais elle fait partie du patrimoine commun scientifique.

En second lieu, l'amendement n° 221 tend à permettre que des organismes indépendants, comme le Comité consultatif national d'éthique créé dans la loi de 2004 ou la Haute autorité sur les OGM, puissent exprimer un avis éthique sur les inventions brevetables afin que l'intérêt sociétal de ces dernières soit pleinement évalué.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Ce débat ne nous est pas étranger puisque nous évoquons souvent cette question avec notre collègue Daniel Raoul.

La commission souscrit en partie aux arguments qu'il vient de développer, et elle serait disposée à discuter du seul I de cet amendement. En revanche, le II lui paraît beaucoup plus problématique.

Il me semble important de rappeler avec force à ce moment du débat que la brevetabilité du vivant n'existe pas. Les races animales et les variétés végétales ne sont absolument pas brevetables. N'est brevetable que le triptyque gène-fonction-application. Cela ne me choque pas du tout, car c'est précisément le résultat du travail et de l'investissement d'une entreprise.

Nous sommes très loin en la matière des premières approches qui ont eu lieu aux États-Unis, voilà une bonne dizaine d'années, avec le fameux arrêt Chakrabarti, où des brevets « chapeaux » coiffaient l'ensemble d'un génome.

Aujourd'hui, la situation est quand même bien circonscrite et, à mon avis, assez rationnalisée. Vous avez parlé du certificat d'obtention végétale : au même titre que le brevet, il participe d'une architecture de la propriété intellectuelle. À mon avis, il est tout à fait complémentaire du brevet et a une valeur aussi forte dans le cadre d'un éventuel contentieux.

Il existe une seule différence entre un brevet et un certificat d'obtention végétale : le second permet un échange d'informations scientifiques avant le stade de la commercialisation ; il favorise donc une plus grande transversalité. Mais, à partir du moment où l'on passe au stade de la commercialisation, il a la même valeur juridique que le brevet.

Le brevet date des années 1780, alors qu'une quarantaine ou une cinquantaine de pays seulement ont signé la convention de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales, l'UPOV, sur le certificat d'obtention végétale : j'imagine mal que l'on bouscule cette architecture. Sincèrement, je pense que nous sommes arrivés, au bout d'une dizaine d'années, à un équilibre assez rationnalisé sur cette notion de brevetabilité du vivant.

Je souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant de me prononcer, même si je suis plutôt enclin à émettre un avis défavorable. Il faudra bien sûr continuer à réfléchir à la question, mais l'architecture d'ensemble du système est déjà bien campée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. M. Daniel Raoul a évoqué la position assez constante adoptée par la France dans les instances internationales, s'agissant de ce qui est brevetable et de ce qui ne l'est pas.

Cela dit, la deuxième position française consiste à attirer l'attention sur le risque d'apparition d'un déséquilibre dans le domaine de la recherche et à défendre une position internationale sur cette question. Le Grenelle de l'environnement a demandé, à l'unanimité, l'organisation d'un sommet international - ou européen - du gène, au cours du second semestre 2008. Le Président de la République s'y est engagé ; nous avons évoqué cette question avec les Allemands hier après-midi, et il faut vraiment que nous avancions sur ce point.

L'adoption d'une position préalable par le législateur français serait de nature à compromettre la réussite de ce sommet. Je pense donc qu'il serait préférable de retirer cet amendement, de façon à permettre à cette opération d'aboutir.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Sur le plan des principes, j'étais assez favorable à l'amendement n° 221. Mais, compte tenu de la préoccupation exprimée par M. le ministre d'État, préoccupation que je partage, et de l'engagement de ce dernier à organiser ce sommet international sur le gène, il me paraîtrait préférable que cet amendement soit retiré, tout en reconnaissant que, d'une certaine façon, il est accepté à terme !

M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 221 est-il maintenu ?

M. Daniel Raoul. Si j'ai bien compris les arguments de M. le rapporteur, c'est le II de l'amendement n° 221 qui pose problème. Compte tenu des explications de M. le ministre d'État, je rectifie donc mon amendement, sous la pression amicale de M. Bizet (Sourires.), afin de ne maintenir que le seul I.

Je ne pense pas que cet amendement ainsi rectifié puisse créer de difficultés au Gouvernement dans les discussions internationales.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 221 rectifié, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, et ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « bonnes moeurs » sont insérés les mots : « ou aurait pour objet l'appropriation du vivant ».

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Je dirai, avec tout le respect que je dois à mon collègue Daniel Raoul, que cet amendement, même rectifié, se résume à la formulation d'un voeu pieux.

Je veux bien rendre un avis de sagesse, mais cela ne débouchera sur rien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Il me paraît essentiel que ce sommet international du gène puisse avoir lieu. Sur ce point, l'engagement du Gouvernement, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, est parfaitement clair.

J'émets un avis de sagesse, mais je ne voudrais pas donner le sentiment, alors que la France va présider l'Union européenne et que le sommet est prévu au cours du second semestre de 2008, que nous anticipons sur notre position officielle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 221 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean Desessard. Il n'y a plus de sagesse !

M. Gérard Le Cam. Ça en dit long...

M. Daniel Raoul. Oui, ça en dit long pour la suite !

Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Intitulé du chapitre Ier

Article 1er

Dans le chapitre Ier du titre III du livre V du code de l'environnement est inséré un article L. 531-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 531-1-1. - Les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect de l'environnement et de la santé publique.

« Les décisions d'autorisation concernant les organismes génétiquement modifiés ne peuvent intervenir qu'après une évaluation préalable des risques pour l'environnement et la santé publique.

« La liberté de consommer et de produire avec ou sans organisme génétiquement modifié est garantie dans le respect des principes de précaution, de prévention, d'information et de responsabilité inscrits dans la charte de l'environnement. »

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.

Mme Marie-Christine Blandin. Quand l'article 1er` sera modifié et voté, les Français sauront à quoi s'en tenir.

La phrase affirmant que « la liberté de consommer et de produire avec ou sans organisme génétiquement modifié est garantie » ne répond ni aux attentes de l'Europe, ni à celles des consommateurs, ni aux règles de prévention, ni au principe de précaution.

Cette phrase est une illusion sémantique, c'est un oxymore, figure de style associant l'inconciliable. Il est matériellement impossible de garantir la sauvegarde des cultures traditionnelles sans OGM si, en même temps, on garantit l'existence d'OGM en plein champ ! Contamination, ou présence fortuite, tout le monde est d'accord : le vivant génétiquement modifié se répand.

La liberté d'entreprendre repose sur l'article IV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

La loi encadre la libre entreprise : on installe des antennes relais, sauf sur les écoles et les hôpitaux ; les laboratoires fabriquent des vaccins contre la grippe, mais en zone confinée. Donc, les OGM ne doivent pas se disséminer.

La loi doit protéger les victimes potentielles : l'agriculteur biologique, dont les cultures ne peuvent coexister avec des cultures modifiées ; les consommateurs, qui ne veulent pas d'aliments avec OGM dans leur assiette - selon un sondage IFOP sur la suspension du maïs Monsanto 810, 77 % des Français approuvent cette mesure ; selon un sondage CSA, 72 % des Français veulent pouvoir consommer des aliments sans OGM.

Enfin, la loi veille à la cohérence de l'action publique : après l'engagement en faveur de repas biologiques dans les cantines, on ne va quand même pas saboter les exploitations qui produisent ces aliments chez nous, pour les importer d'ailleurs ; après le soutien de la France à ses agriculteurs, on ne va pas leur compliquer la tâche !

Mais supposons que les OGM ne soient ni mauvais pour la santé ni perturbateurs des milieux : nous pourrions nous laisser aller à considérer que cette innovation sonne le glas des secteurs obsolètes, tout comme les ordinateurs ont relégué au musée les machines à écrire.

M. Dominique Braye. Absolument !

Mme Marie-Christine Blandin. La grande différence est que cette mutation est réversible : qu'un gigantesque orage magnétique ruine le numérique, nous retrouverons les anciens savoir-faire.

La dissémination des ADN modifiés est, quant à elle, non maîtrisable, irréversible et dupliquable. Elle percute la diversité biologique actuelle, notre bien commun, héritage naturel des aléas de l'évolution et de milliers de civilisations rurales. Cette diversité est adossée à un facteur irremplaçable : le temps, et des milliards d'essais et d'erreurs. Ce bien commun ne peut-être hypothéqué par quelques fabricants avides, aux dépens des générations futures.

Après avoir argumenté sur le fond, je souhaite vous alerter sur la forme.

Contre l'illusoire « avec et sans », nous avons un amendement « liberté sans » et l'amendement du rapporteur « liberté avec ». Un parlementaire distrait mais soucieux de construire une décision équilibrée pourrait se laisser abuser et croire que le bon équilibre est celui du texte « avec ou sans ». Heureusement, aucun sénateur ne suivrait aveuglément son rapporteur, fût-il aussi assidu et compétent que M. Bizet !

Je vous alerte sur les pages 18 et 19 du rapport. On y évoque une société française « tiraillée entre risque et progrès ». Non, monsieur Bizet, ces notions ne s'opposent pas, sauf à considérer que le progrès est nécessairement aveugle ou au service des seuls semenciers ! Le vrai progrès gère le risque, et il est au service de l'homme.

Plus loin, le rapport indique ceci : « Comment affirmer [...] la liberté de ne pas consommer d'OGM quand plus de 60% des nouveaux médicaments sont liés aux biotechnologies ? »  Voilà un amalgame instructif, qui confond consommation d'aliments et consommation de médicaments - nous avons d'ailleurs deux agences distinctes, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFFSSAPS. Mais surtout, une telle affirmation assimile subrepticement OGM et biotechnologies. Or, il existe heureusement des milliers d'innovations utiles en biotechnologie, à commencer par les yaourts, qui ne sont pas des OGM. Ces 60 % ne peuvent donc être mis au crédit des OGM !

Je terminerai avec l'argumentaire figurant à la page 19 du rapport et introduisant l'amendement n° 3, que nous allons examiner dans quelques instants, amendement « visant à tenir compte de l'usage très répandu des OGM dans l'industrie pharmaceutique, qui empêche de pouvoir garantir dès à présent la liberté de consommer des médicaments ou des vaccins sans OGM ».

Qui ne suivrait une telle défense de la science au service de la santé ? Le problème est que cet amendement, sous couvert de défense médicale, prive au passage le malade d'information et de choix.

Quant à la fin de sa proposition - le droit de ne pas produire d'OGM -, le rapporteur est vraiment trop bon ! Cette magnanimité pour ceux qui ne passeraient pas sous les fourches caudines des OGM va beaucoup faire rire à Bruxelles, mais ne répond en rien au problème de la non-contamination.

J'appelle donc chacun à reprendre la main et à construire sa propre opinion, car l'amendement n° 3 conduirait, si nous n'y prenions garde, à dérouler le tapis rouge aux multinationales semencières aux dépens de notre agriculture, de notre assiette et des générations futures. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.

M. Jacques Muller. Si les impacts des OGM sur l'environnement, l'alimentation et la santé ne sont pas encore bien connus, les conséquences économiques d'un profond changement de cap de notre agriculture en direction des OGM sont, en revanche, bien appréhendées. Ces conséquences sont considérables, que ce soit en termes d'emplois, de commerce extérieur ou d'aménagement durable du territoire.

À cet égard, je relève dans le rapport de M. Bizet cette curieuse affirmation selon laquelle « ne pas introduire des cultures OGM en France serait se priver du moyen de réduire notre dépendance en protéines végétales ».

Si M. le rapporteur fait allusion au soja OGM importé, il est manifestement hors sujet, parce que c'est l'Union européenne, et non pas la France, qui délivre les autorisations. Jusqu'à nouvel ordre - et heureusement pour nos nappes phréatiques ! -, le soja OGM résistant au Roundup fabriqué par le semencier Monsanto n'a toujours pas droit de cité en Europe.

Si le rapport de M. Bizet fait référence au fameux MON 810 actuellement autorisé, et pour lequel la France vient de faire jouer, à juste titre, la clause de sauvegarde, l'agronome que je suis vous fera remarquer que c'est une erreur scientifique, parce que le maïs est riche en amidon mais très pauvre en protéines.

Favoriser le développement des cultures de maïs OGM à destination de l'alimentation animale, c'est non pas réduire mais, au contraire, creuser encore plus le déficit abyssal actuel en protéines, c'est accentuer mécaniquement ces importations de soja qui plombent déjà notre commerce extérieur agroalimentaire. Les agroéconomistes connaissent d'ailleurs ce phénomène depuis longtemps : ce dernier a commencé il y a une trentaine d'années, lorsque nos vaches laitières ont vu changer leur ration alimentaire, passant de l'herbe des prairies, bonnes pour l'environnement, au mélange du maïs produit sur l'exploitation et du soja OGM importé.

Alors, revenons à l'essentiel : sur le long terme, à l'expérience, les produits sans OGM sont mieux valorisés sur les marchés.

S'agissant du maïs, même s'il peut exister ponctuellement des phénomènes de marchés locaux - l'Association générale des producteurs de maïs, l'AGPM, s'est évertuée à les mettre en exergue lors des auditions du groupe de travail OGM au Sénat -, les résultats sont clairs et nets : les cours du maïs OGM sur le marché mondial décrochent structurellement par rapport au maïs sans OGM. En 2007, le maïs OGM perdait 50 euros par tonne, en tendance.

Aujourd'hui, ce phénomène profite d'abord aux producteurs de maïs européens, qui voient les prix tirés vers le haut, à concurrence de 20 % à 30 % au-dessus du cours moyen mondial...

Cependant, il faudrait tout de même prendre conscience du fait que, à moyen terme, la banalisation des cultures de maïs OGM en France et en Europe placerait nos producteurs en concurrence directe avec ceux de pays disposant d'immenses structures, qui font par conséquent des économies d'échelle et pratiquent une agriculture industrielle à base d'OGM. Sans conteste, nos céréaliers seraient à terme perdants.

Très clairement, la focalisation de certains sur les avantages et le confort technique apportés par le MON 810 relève d'une approche à court terme au regard du danger commercial d'un basculement dans une agriculture recourant aux OGM.

C'est pourquoi, dans certaines régions, notamment en Alsace, le choix économique et stratégique du « sans OGM » a fini par s'imposer de lui-même, à l'expérience, au sein de la profession.

Cela étant, on ne s'étonnera pas du lobbying en faveur des OGM exercé par l'Association nationale des industries alimentaires, l'ANIA, lors des auditions. Chacun aura compris que les acheteurs de céréales destinées à l'alimentation sont évidemment preneurs d'une baisse des prix du maïs et, plus largement, des autres céréales.

Par ailleurs, je soulignerai que nous ne légiférons pas uniquement pour le maïs. Nous sommes invités à élargir notre vision pour adopter des dispositions globales qui traceront le cadre de la diffusion des OGM dans l'agriculture française. Nous devons donc être conscients des enjeux : nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en difficulté notre agriculture de terroir, productrice de biens transformés à haute valeur ajoutée, porteurs de signes de qualité et, par conséquent, identifiés « sans OGM » par les consommateurs. Le poids économique considérable de cette agriculture doit être rappelé.

Hors viticulture sous appellations d'origine contrôlée, secteur dont nous connaissons l'importance dans l'économie française et dans l'aménagement durable du territoire puisqu'il représente quelque 190 000 emplois et dégage le plus gros excédent commercial agroalimentaire, avec plus de 5 milliards d'euros, soit une fois et demie l'excédent céréalier, l'agriculture de qualité continue de se développer. Appellations d'origine contrôlée, labels rouges, certifications biologiques, certificats de conformité : ce sont quelque 630 signes de qualité qui distinguent des produits à haute valeur ajoutée « pesant » aujourd'hui environ 6 milliards d'euros.

Ces produits, outre le fait que leur exportation mériterait d'être développée, répondent à une demande intérieure croissante, celle de produits porteurs d'une image de qualité et d'authenticité.

Le dénominateur commun de toutes ces appellations, c'est le « sans OGM », c'est-à-dire la production sans manipulations technologiques perçues par les consommateurs comme incompatibles avec les valeurs de qualité, d'authenticité ou de nature. Que l'on soit intellectuellement d'accord ou non avec ces considérations, c'est tout simplement une réalité économique.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Muller.

M. Jacques Muller. Je conclus, monsieur le président.

L'agriculture biologique ne représente qu'une partie de cette agriculture sans OGM attendue par les consommateurs, mais elle dispose d'un potentiel de développement considérable, puisque le Grenelle de l'environnement a fixé un objectif de 20 % d'aliments bio dans l'approvisionnement des cantines. En France, cette agriculture biologique ne correspond qu'à 2 % de la surface agricole utile, c'est-à-dire six fois moins qu'en Autriche.

Mme Évelyne Didier. Et on importe !

M. Jacques Muller. En effet, on importe à tour de bras des produits bio.

M. le président. Vous aviez déjà dépassé votre temps de parole tout à l'heure ! Vous n'allez pas le faire à chaque fois ! Il faut respecter le règlement !

M. Dominique Braye. Absolument !

M. Jacques Muller. J'en termine, monsieur le président !

Bloquer le développement de l'agriculture biologique en laissant les OGM envahir nos campagnes reviendrait à aggraver d'année en année le déficit commercial en produits biologiques que nous connaissons déjà. Dans la compétition agroalimentaire mondiale, sachons donc jouer de nos atouts. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je rappelle au Sénat que les orateurs doivent respecter le règlement et s'en tenir au temps de parole qui leur est imparti. Tout à l'heure, lors de la discussion générale, vous aviez déjà dépassé de 50 % votre temps de parole, monsieur Muller. J'aurais dû vous interrompre. Or vous venez de recommencer ; mais je ne laisserai pas faire une troisième fois !

La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.

M. Gérard Le Cam. Ce projet de loi est à l'image des déclarations contradictoires et peu claires du Gouvernement et du Président de la République.

L'article 1er pose les vertueux principes qui devraient encadrer la production, la commercialisation et la culture d'organismes génétiquement modifiés. Les autres dispositions visent à entériner la possibilité de mettre en place des cultures en plein champ, au prix des dommages inévitables qui en résulteront.

Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, M. Borloo a joué l'apaisement sur le sujet des plantes transgéniques, en annonçant un gel de la commercialisation des semences d'OGM, tout en autorisant la poursuite des recherches en laboratoire. Le Président de la République a justifié l'activation de la clause de sauvegarde contre le maïs MON 810 en soulignant que ne pas prendre cette décision controversée eût été « choquant » au regard des orientations du Grenelle de l'environnement.

Pourtant, le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA, tout en se déclarant extrêmement surpris et choqué par la décision du Gouvernement, s'est trouvé rassuré après son entretien avec Nicolas Sarkozy.

La cour intrigue ; on ne sait plus très bien où l'on va. Une dépêche de l'Agence France-presse diffusée cet après-midi a encore semé le trouble : elle indique en effet que « c'est le service gouvernemental des affaires européennes, qui dépend de Matignon, qui invoquera à Bruxelles des ?mesures d'urgence?, et non pas la ?clause de sauvegarde?, comme cela avait été évoqué par les responsables gouvernementaux jusqu'à présent, pour interdire provisoirement la culture ou la vente d'un OGM autorisé dans l'Union européenne, comme c'est le cas du MON 810, en invoquant un risque pour la santé publique ou l'environnement ».

Je voudrais que les choses soient clarifiées. La Commission européenne ne va pas répondre tout de suite à la demande de la France. Le ministère de l'agriculture et de la pêche devrait prendre un arrêté interdisant la culture d'organismes génétiquement modifiés, mais les producteurs de maïs ont déjà annoncé leur intention d'attaquer ce texte, avant même sa parution. Dans un article paru dans Les Échos du 1er février 2008, Monsanto, à propos de la suspension de l'autorisation du maïs MON 810, dénonçait une décision susceptible de causer un préjudice grave et immédiat à l'entreprise ainsi qu'à tous les acteurs de la filière.

Mes questions sont simples : comment les pouvoirs publics peuvent-ils assurer que les producteurs de maïs respecteront l'interdiction que devrait poser le décret ? Que se passerait-il si le Conseil d'État décidait de suspendre l'application du décret à la suite de référés ? Êtes-vous en mesure, monsieur le ministre, de vous engager à faire respecter, dans l'attente de la décision européenne, cette interdiction ?

À moins que le Gouvernement ne choisisse de retirer sa clause de sauvegarde avant le 15 avril - époque des semis -, car tout indique dans le pays que le maïs MON 810 va être semé ! En effet, tout est prêt : les semences, un cadre juridique incertain, et la loi en cours d'élaboration qui sera votée avant cette date. Tout cela alimente des inquiétudes à mon avis tout à fait justifiées.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer (deux fois) la référence :

L. 531-1-1

par la référence :

L. 531-2-1

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement, quasiment rédactionnel, vise à mieux positionner, dans le code de l'environnement, l'article que tend à insérer l'article 1er du projet de loi afin de fixer les grands principes encadrant le recours aux OGM. Alors que, dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit d'insérer cet article après l'article L. 531-1, qui définit les OGM, il apparaît plus rigoureux de l'insérer après l'article L. 531-2 excluant certaines techniques du champ de la réglementation applicable aux OGM.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Cet amendement ne pose pas de difficulté au Gouvernement. Cela étant, je voudrais apporter quelques précisions.

Le Président de la République s'est parfaitement exprimé sur le fait qu'il allait faire jouer la clause de sauvegarde. Il n'y a aucune espèce d'ambiguïté. La procédure contradictoire prévue est achevée. Le document a été mis au point par le ministère de l'agriculture et de la pêche ; il a été transmis à Matignon, et sera adressé à la Commission européenne dans les tout prochains jours. Les engagements du Président de la République seront entièrement respectés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 182, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après les mots :

de l'environnement

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement :

, de la santé publique, des structures agricoles, des écosystèmes régionaux et des filières commerciales qualifiées « sans organisme génétiquement modifié », et en toute transparence. Ce respect implique l'absence de présence accidentelle d'organisme génétiquement modifié dans d'autres produits pour quelque cause que ce soit. Il doit également être tenu compte de la liberté d'entreprendre des agriculteurs « sans organisme génétiquement modifié ».

La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Cet amendement vise à tenir compte des conclusions et principes retenus lors de la troisième table ronde du Grenelle de l'environnement, relative aux organismes génétiquement modifiés.

Il s'agit également de traduire certaines dispositions de l'article 26 de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, qui autorise les États membres à prendre des mesures « nécessaires » pour éviter la présence accidentelle d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits.

M. le président. L'amendement n° 86, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par les mots et une phrase ainsi rédigés:

, des structures agricoles et des écosystèmes régionaux, des filières économiques sans organismes génétiquement modifiés et en toute transparence. Ce respect implique la non-présence d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits pour quelque cause que ce soit.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Lors de réunions du Conseil de l'Union européenne qui se sont tenues le 18 décembre 2006 et le 20 février 2007, les ministres de l'environnement ont motivé leur décision de valider les moratoires autrichien et hongrois sur les OGM en rappelant que, dans l'évaluation des risques que présentent les OGM pour l'environnement, il faut tenir compte de manière plus systématique des différentes structures agricoles et des différentes caractéristiques écologiques régionales au sein de l'Union européenne.

Les principes guidant l'évaluation de risques environnementaux contenus dans la directive 2004/35/CE permettent également de prendre en compte les pratiques agricoles. C'est ainsi que l'Italie a inscrit en 2001 dans sa loi semencière la protection des systèmes agraires au nombre des motifs l'autorisant à refuser la commercialisation sur son territoire d'OGM autorisés par l'Union européenne, et ce au même titre que pour les risques liés à la santé et à l'environnement. Or les instances communautaires n'ont toujours pas rejeté cette loi.

Enfin, dans son avis du 18 décembre 2006 validant la clause de sauvegarde autrichienne, le Conseil « environnement » de l'Union européenne encourage les États membres à prendre en compte les structures agraires et les écosystèmes régionaux pour fonder leurs avis.

Sur un autre registre, la prise en compte des écosystèmes régionaux a permis à la Hongrie d'interdire les cultures de maïs OGM sur la majeure partie de son territoire, du simple fait de son classement en site protégé.

C'est pourquoi nous demandons l'inscription dans la loi française du droit pour l'État de refuser la commercialisation sur son territoire d'OGM autorisés par l'Union européenne en cas de risque pour la santé, l'environnement, les structures agricoles ou les écosystèmes régionaux.

M. Jean Desessard. Très bien ! Vous êtes dans les temps, monsieur Muller ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 144 rectifié ter, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet et MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par les mots :

, des systèmes agricoles et des écosystèmes régionaux

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Il s'agit simplement d'une mise en conformité du texte avec des décisions qui ont été prises par les ministres de l'environnement européens, notamment lors de la validation des moratoires autrichien et hongrois sur les OGM.

Je voudrais profiter de cette occasion pour saluer les propos tenus tout à l'heure par M. le ministre d'État lorsqu'il a indiqué qu'il allait être procédé à la réévaluation des protocoles permettant de valider ou non l'autorisation des OGM.

J'avais souligné, au cours de mon intervention dans la discussion générale, combien je souhaitais ardemment une telle mesure. En effet, ces protocoles n'ont pas évolué depuis dix ans, à l'inverse des connaissances. Il est donc nécessaire de modifier au moins les questions qui accompagnent les protocoles si l'on veut obtenir des réponses qui soient un peu différentes. Cela a été dit à plusieurs reprises, notamment au sein du comité de préfiguration d'une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés.

Par ailleurs, l'idée d'organiser un sommet européen des biotechnologies, qui avait été émise au cours du Grenelle de l'environnement, vient d'être réaffirmée. Un tel sommet permettrait à un certain nombre de débats de fond de se tenir.

M. le président. L'amendement n° 87, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par les mots :

des filières économiques sans organismes génétiquement modifiés

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. L'affirmation du droit de produire et de consommer sans recourir aux OGM est l'une des avancées obtenues lors du Grenelle de l'environnement. Que faut-il entendre par un tel droit ? La liberté de produire et de consommer sans recourir aux OGM suppose la possibilité de faire un tel choix, et donc le maintien des activités préexistantes aux OGM, au premier rang desquelles l'agriculture sans OGM.

L'agriculture sans OGM doit être protégée des risques de contamination. La première ne menaçant pas la seconde, la dissémination d'OGM n'étant pas d'utilité publique, cette protection est donc plus que légitime. Dès lors, le droit à produire et à consommer sans OGM ne peut pas s'apparenter à un droit à ne pas être pollué.

Or, le projet de loi prévoit des dispositions que l'on pourrait qualifier de « grenellement » incompatibles dans la mesure où elles tendent à contester ce droit à ne pas être pollué. En effet, certaines dispositions du texte font implicitement du seuil communautaire d'étiquetage à 0,9 % un seuil de contamination génétique acceptable. Ainsi, un agriculteur fabriquant des produits de qualité relevant d'une indication géographique protégée, d'une appellation d'origine contrôlée, ou provenant d'une filière biologique ne peut prétendre à un dédommagement qu'à la condition que la contamination de sa production ait dépassé le seuil de 0,9 %.

Or, ce raisonnement n'a pas de fondement juridique ou scientifique. La réglementation communautaire n'impose en rien aux agriculteurs un degré tolérable, de l'ordre de 0,9 %, de contamination génétique routinière et structurelle de leurs produits par des OGM. Ce seuil d'étiquetage ne peut être érigé en seuil d'intervention réglementaire pour la coexistence des deux types de cultures. Sinon, cela reviendrait à instituer, de fait, un véritable droit à polluer contraire à la Charte de l'environnement intégrée à notre Constitution, aux conclusions du Grenelle de l'environnement, et surtout au droit à ne pas être pollué que constitue le droit à produire et à consommer sans OGM. Le seul moyen de garantir ce droit passe par la réaffirmation de l'existence reconnue de filières économiques sans OGM au seuil de détection scientifique.

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par les mots :

et en toute transparence

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. L'inscription d'une garantie de transparence dans l'article 1er obéit à l'obligation de transposition des textes communautaires. En effet, la convention d'Aarhus relative à l'accès à l'information, à la participation du public au processus décisionnel et à l'accès à la justice en matière d'environnement impose à chaque État signataire de veiller à la transparence des procédures de décision relatives aux OGM - c'est la décision du Conseil du 18 décembre 2006. L'annexe 2 de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire des OGM dans l'environnement oblige à une transparence des procédures d'évaluation.

L'amendement n° 88 doit permettre de garantir l'accès du citoyen aux études environnementales et sanitaires transmises par une entreprise souhaitant expérimenter ou commercialiser un OGM. C'est sur le fondement de ces études que les commissions scientifiques d'évaluation nationale et européenne donnent leurs avis. Je souligne que ces études ne peuvent rester confidentielles au regard de la législation communautaire et de l'article 25 de la directive 2001/18/CE.

Pourtant, sous couvert de secret industriel et commercial, le citoyen a déjà par le passé souffert de la plus grande difficulté à obtenir l'accès à ces études. Ce fut le cas notamment pour le maïs MON 863 résistant à la chrysomèle.

En outre, la transparence, qui se traduit notamment par le droit à l'information, a été l'une des revendications les plus fortes des participants au Grenelle de l'environnement. Depuis le 28 février 2005, la Constitution française reconnaît au citoyen le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Ce droit à l'information des citoyens en matière d'environnement doit s'inscrire comme une priorité nationale, notamment dans un contexte international où les traités européens exigent de la part des États membres une transparence de plus en plus grande et une association des citoyens à la prise des décisions politiques touchant à l'environnement.

Pour toutes ces raisons, l'article 1er de la future loi doit clairement et spécifiquement affirmer la garantie de la transparence.

M. le président. L'amendement n° 89, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Ce respect implique la non présence d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits pour quelque cause que ce soit.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Je partage entièrement l'objectif des auteurs de l'amendement n° 182 en matière tant de transparence - j'aurai l'occasion de le montrer lors de l'examen de l'article 6 - que de respect de l'environnement et des différents types d'agriculture. À cet égard, je rappelle que le texte prévoit d'imposer aux cultivateurs d'OGM des prescriptions techniques pour éviter la dissémination et les rend responsables du préjudice qui résulterait de cette dissémination.

En revanche, je ne peux pas comprendre la notion de respect réciproque défendue par les auteurs de l'amendement. Pour ces derniers, le respect implique l'absence d'OGM dans d'autres produits. Cette position revient à interdire toute culture d'OGM, puisque la dissémination est un phénomène naturel et inhérent à toute culture. Cela ne peut signifier que les cultures OGM sont respectées. Le respect doit être réciproque et non unilatéral. La commission émet donc un avis défavorable.

La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 86.

En ce qui concerne l'amendement n° 144 rectifié ter, les structures agricoles et les écosystèmes régionaux faisant partie intégrante de l'environnement, l'évaluation des risques pour l'environnement tiendra évidemment compte des différences dans les types d'agriculture et dans les écosystèmes. La préoccupation des auteurs est donc satisfaite par le principe posé dans le texte d'une évaluation préalable des risques pour l'environnement. Je suggère par conséquent à M. Le Grand de retirer son amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 87, l'avis de la commission est défavorable.

Quant à l'amendement n° 88, le souci de transparence est déjà pleinement pris en compte par le texte, à la fois par l'article 6, dont les dispositions rendent publique la localisation des parcelles OGM, et par l'article 7, qui prévoit la publicité du contenu des dossiers de demande d'autorisation soumis à la Haute autorité. L'avis de la commission est donc défavorable.

Il en va de même pour l'amendement n° 89. Ce dernier prévoit la même acception de la notion de respect que l'amendement n° 86, acception que je ne peux pas partager.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. L'amendement n° 182 me semble représentatif de la série d'amendements sur laquelle je dois me prononcer. Mon avis sur celui-ci sera donc valable pour l'ensemble.

Comme M. le rapporteur, le Gouvernement partage totalement les objectifs des auteurs de l'amendement n° 182. Cependant, le projet de loi, notamment dans le troisième alinéa de l'article 1er, nous semble être suffisamment clair et répondre à l'essentiel des propositions de l'amendement. Par ailleurs, la référence aux écosystèmes régionaux est totalement inacceptable, puisque cette notion n'a absolument aucune valeur du point de vue environnemental. Les écosystèmes ne sont pas régionaux ; ils correspondent à des bassins et à des réalités géographiques et géologiques qui sont sans rapport avec les contraintes administratives.

Pour cette raison notamment, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 182, comme il l'est également aux amendements nos 86, 144 rectifié ter, 87, 88 et 89.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Le Grand, l'amendement n° 144 rectifié ter est-il maintenu ?

Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 144 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 90, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée : Il doit également être tenu compte de la liberté d'entreprendre des agriculteurs produisant sans organisme génétiquement modifié.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. L'article IV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

Le droit d'entreprendre est un droit à valeur constitutionnelle. Sa portée s'étend aux exploitants de cultures non OGM, lesquelles ne portent pas atteinte aux cultures OGM, à la différence de celles-ci à l'égard des cultures non OGM.

Les nouvelles cultures OGM ne sont pas d'intérêt général. Elles se sont jusqu'à présent développées en imposant, en plus de contraintes environnementales, des contraintes économiques et en portant atteinte au libre exercice d'activités conventionnelles. M. le ministre d'État avait d'ailleurs lui-même reconnu l'impossibilité de contrôler « les disséminations d'OGM ».

Ainsi, au-delà de la réparation des dommages en cas de contamination avérée, les nouvelles cultures OGM ne peuvent pas laisser à la charge des filières traditionnelles le surcoût des mesures de protection et de traçabilité qu'elles leur imposent. En outre, elles ne peuvent porter atteinte ni au droit des cultivateurs de produire sans OGM ni à celui des apiculteurs. En effet, ceux-ci sont conduits à déplacer leurs ruches pour suivre les floraisons et répondre ainsi aux demandes de pollinisation des cultures, sans prendre le risque de contaminer la nourriture de leur cheptel ou leurs productions, voire d'autres cultures.

Cela implique donc d'imposer un strict encadrement de la culture des OGM. Le récent arrêt de la Cour d'appel d'Agen du 12 juillet 2007 démontre que le droit positif, faute jusqu'à présent de volonté politique de retranscrire en droit interne les dispositions communautaires, n'a pas encore intégré le phénomène totalement nouveau des dommages provoqués par des contaminations génétiques non intentionnelles, mais non maîtrisables. Cette insuffisance doit enfin être corrigée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. La liberté d'entreprise est assurément un droit à valeur constitutionnelle. Elle doit effectivement s'appliquer aux exploitants de cultures non OGM, mais sa portée s'étend tout aussi bien aux cultures OGM.

Comme M. le ministre d'État l'a souligné avec clarté lors de la discussion générale, c'est précisément l'objectif de ce texte que de concilier ces deux libertés. Et si, aujourd'hui, il est prévu de réparer l'éventuel préjudice que constituerait la dépréciation d'une récolte dans laquelle la présence d'OGM est constatée, rien ne dit que, demain, la présence accidentelle d'un gène disséminé permettant, par exemple, d'économiser l'eau constituerait encore un préjudice.

Il n'y a donc pas de raison de faire primer la liberté d'entreprise des agriculteurs n'utilisant pas d'OGM sur la liberté d'entreprise de ceux qui en font usage.

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur l'amendement n° 90.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Nous partageons totalement l'objectif qui sous-tend cet amendement. Mais, comme pour l'amendement n° 182, cette disposition nous semble déjà prise en compte par le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 531-2-1 du code de l'environnement, qui dispose : « La liberté de consommer ou de produire avec ou sans organisme génétiquement modifié est garantie [...] ». L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 91, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement, après les mots :

évaluation préalable

insérer les mots :

et en toute transparence

II. Compléter cet alinéa par les mots :

, les structures agricoles, les écosystèmes régionaux et les filières sans organisme génétiquement modifié

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 183 rectifié, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement, après les mots :

une évaluation préalable

insérer le mot :

, indépendante

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Il s'agit d'un amendement de précision. Lors de la discussion générale, deux sujets ont été largement évoqués : la recherche et l'information du citoyen. Nous considérons que la loi doit affirmer clairement que « les décisions d'autorisation concernant les organismes génétiquement modifiés ne peuvent intervenir qu'après une évaluation préalable ?indépendante? des risques pour l'environnement et la santé publique. »

Notre amendement visait à l'origine à préciser que l'évaluation préalable devait être « indépendante et transparente ». Cette version nous semblait plus rassurante ; mais M. le rapporteur nous a invités à nous limiter à l'ajout de la notion d'indépendance. C'est donc ce à quoi vise l'amendement n° 183 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement, après les mots :

une évaluation préalable des risques

insérer les mots :

et des bénéfices

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement tend à répondre plus complètement à la demande de la société civile, qui souhaite être mieux informée concernant non seulement les risques mais aussi les bénéfices potentiels découlant des OGM.

M. le président. L'amendement n° 145 rectifié ter, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet et MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531?1?1 du code de l'environnement, par les mots :

, les structures agricoles et les écosystèmes régionaux

Cet amendement n'a plus d'objet.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 183 rectifié ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 183 rectifié et 2 ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 183 rectifié.

En revanche, l'amendement n° 2 lui pose un problème de conformité avec le droit européen. Vous le savez, nous tenons à respecter strictement la directive. Or, votre amendement, monsieur le rapporteur, qui tend à prévoir, outre l'évaluation préalable des risques, celle des bénéfices, n'est pas conforme à la directive.

Sans mettre en cause le bien-fondé de votre demande - l'évaluation des bénéfices pourrait faire partie des missions confiées à la Haute autorité -, je vous invite par conséquent à retirer votre amendement, afin d'éviter tout risque juridique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?

M. Jean Bizet, rapporteur. J'aurais aimé que les bénéfices soient également évalués ; mais, puisqu'il en sera question ailleurs dans le texte et que je ne veux pas prendre le risque d'une disposition non conforme à la directive, je me range à l'avis du Gouvernement et retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.

L'amendement n° 184, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'État encourage, organise et assure le financement de la recherche scientifique fondamentale  en ce qui concerne le fonctionnement du vivant, la biologie végétale et des invertébrés, la toxicologie, l'épidémiologie et l'entomologie.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Conformément au principe de précaution, cet amendement a pour objet de rappeler que l'État apporte son soutien aux activités de recherche sur le vivant - nous l'avons indiqué, les uns et les autres, tout au long de la discussion générale, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons -, dans les domaines de la biologie végétale et des invertébrés, en toxicologie, en épidémiologie et en entomologie.

Le financement de la recherche scientifique doit être déployé d'une façon significative dans tous ces domaines.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Je partage entièrement la préoccupation des auteurs de l'amendement. Il est en effet indispensable de promouvoir la recherche en biotechnologies. À cet égard, je me félicite de l'effort annoncé par le Gouvernement. M. le ministre d'État interviendra sur cette question lors de l'examen d'une autre partie du texte et nous annoncera que l'État consacrera 45 millions d'euros à la recherche dans ce domaine.

Toutefois, il n'appartient pas au Parlement d'adresser des injonctions au Gouvernement par le biais de la loi. J'invite donc mes collègues Jean-Marc Pastor et Daniel Raoul, ainsi que l'ensemble des membres du groupe socialiste, à me rejoindre le moment venu sur l'amendement n° 48, qui tend à prévoir des mesures de défiscalisation en contrepartie du financement de la recherche en génomique végétale. Vous aurez alors gain de cause, monsieur Raoul.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Le Gouvernement émet le même avis que la commission et souhaite le retrait de cet amendement. Une telle disposition ne peut en effet avoir valeur normative.

Par ailleurs, je précise que les 45 millions d'euros que vient d'évoquer M. le rapporteur s'ajouteront aux 14 millions d'euros et aux 8 millions d'euros déjà prévus.

M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 184 est-il maintenu ?

M. Daniel Raoul. Je ferai d'abord remarquer à M. le rapporteur que notre amendement ne constitue pas une injonction ; il tend à préciser que « l'État encourage [...] le financement de la recherche scientifique fondamentale ».

S'il s'était agi d'une injonction et que cette disposition avait nécessité des fonds, la commission des finances n'aurait pas manqué d'invoquer l'article 40 de la Constitution. Or elle ne l'a pas fait, alors qu'elle montre un grand zèle concernant des amendements que nous avons déposés, en particulier au sujet d'un certain fonds - mais nous en discuterons plus tard !

Cela étant dit, je maintiens cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 92, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement : « Le titre III du livre V, ainsi que les dispositions relatives aux organismes génétiquement modifiés contenues dans les livres II et VI du code rural, s'appuient sur les principes de précaution, de prévention, d'information, de participation et de responsabilité inscrits dans la charte de l'environnement.  Ils s'appuient également sur le principe de responsabilité dans la réparation des dommages causés aux filières conventionnelles sans organismes génétiquement modifiés, notamment biologiques, ainsi que sur la liberté de consommer et de produire sans organismes génétiquement modifiés. Ils garantissent la liberté des apiculteurs d'exercer sur l'ensemble du territoire sans risque supplémentaire pour leur activité, indispensable au maintien de la biodiversité.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Tel qu'il est actuellement rédigé, le projet de loi est ambigu concernant la prise en compte des principes d'information, de précaution, de prévention et de responsabilité. Ces principes ne sont affirmés que par référence à la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM.

L'affirmation de ces principes doit valoir pour le projet de loi dans son intégralité. Il convient donc d'adopter une formulation claire en faisant référence au titre du code de l'environnement relatif aux OGM et aux dispositions du code rural relatives aux OGM.

Par ailleurs, à aucun moment, le projet de loi ne fait référence au principe de participation du public, principe pourtant affirmé par l'article 7 de la Charte de l'environnement et dans la Convention d'Aarhus. Cette convention, modifiée en décembre 2006 pour les informations relatives aux OGM, exige des États une information et une participation du public effectives et précoces avant la prise de décisions autorisant ou non la dissémination volontaire d'OGM.

Aucune disposition du projet de loi ne traite de la participation du public alors que, en avril 2006, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand avait déclaré la procédure de consultation électronique sur les essais incompatible avec la convention d'Aarhus.

Parler de liberté de produire et de consommer « avec ou sans OGM » va également à l'encontre du relevé de décisions de la troisième partie de la table ronde sur les OGM du Grenelle de l'environnement. En effet, il y était fait état d'un consensus sur le « libre choix de produire et de consommer sans OGM » et non « avec ou sans ». Conformément à la définition donnée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, dans sa note d'information n° 2004-113, est considéré comme étant « sans OGM » un produit dans lequel la présence d'OGM est inférieure au seuil de détection.

Enfin, les apiculteurs doivent être considérés comme des producteurs à part entière. Ils doivent se voir garantir la liberté d'entreprendre au même titre que les autres. Ils doivent notamment avoir le droit de produire sans OGM.

Leur activité de producteur de miel les conduit à créer des externalités positives pour l'ensemble de la société. La majorité des espèces cultivées en France dépendent partiellement ou totalement de l'abeille pour leur pollinisation. L'activité des apiculteurs doit donc être protégée.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement, remplacer les mots :

avec ou sans organisme génétiquement modifié

par les mots :

des organismes génétiquement modifiés destinés à l'alimentation ou de ne pas le faire

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement vise à tenir compte de l'usage déjà très répandu des OGM dans l'industrie pharmaceutique, qui empêche de pouvoir garantir dès à présent la liberté de consommer des médicaments ou des vaccins sans OGM.

En tout état de cause, les débats du Grenelle de l'environnement ont révélé que l'inquiétude des consommateurs à l'égard des OGM porte prioritairement sur l'usage de ces derniers dans l'alimentation. C'est à cette inquiétude que cet amendement tend précisément à répondre.

Il a également pour objet d'éviter tout débat d'interprétation sur la notion de « sans OGM », que vient d'évoquer Jacques Muller et à qui j'aurai l'occasion de répondre dans quelques instants.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 65 est présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 93 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 231 est présenté par Mme Blandin.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement, après les mots :

de produire

supprimer les mots :

avec ou

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 65.

M. Gérard Le Cam. L'article 1er pose le principe de la liberté de consommer et de produire « avec ou sans organisme génétiquement modifié ».

Nous demandons que soit garantie la liberté de consommer et de produire sans OGM, cette liberté risquant d'être mise à mal. En effet, jusqu'à preuve du contraire, les cultures sans OGM ne sont pas susceptibles de contaminer les cultures d'OGM !

La coexistence impossible des deux types de cultures, les mesures de protection - les distances entre les champs restent insuffisantes face aux caprices et à la force de la nature -, la présence tolérée par l'Europe d'OGM dans les produits bio dès 2009 : tout indique que seules les consommations et les productions sans OGM sont en danger.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne permet pas d'assurer une protection effective des productions agricoles. Il constitue en lui-même une première étape de la violation de la liberté de consommer et de produire sans OGM, mais également de la liberté d'entreprendre !

Il suffit de constater la situation désastreuse des filières non OGM des pays producteurs d'OGM : colza biologique au Canada, maïs biologique en Catalogne, soja non génétiquement modifié en Argentine. En France, les filières apicoles ainsi que les filières du maïs biologique et des semences de ferme ont déjà été touchées !

La récente condamnation de l'association Kokopelli pour avoir distribué des semences potagères anciennes est révélatrice de la pression exercée par les fédérations industrielles de la semence et de la remise en cause de la liberté de produire sans OGM.

La liberté de consommer ou de produire avec OGM empiète donc dangereusement sur la liberté de consommer ou de produire sans OGM, au point de la remettre en cause.

L'article IV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que nous devrions toujours avoir à l'esprit en ces lieux lorsque nous débattons des textes, dispose : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »

Vous l'aurez compris, la liberté de produire ou de consommer avec OGM est difficilement défendable ! Nous vous demandons donc d'adopter notre amendement.

M. Jean Desessard. Très bien ! Il est très bon !

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l'amendement n° 93.

M. Jacques Muller. Les travaux du Grenelle de l'environnement avaient abouti à dégager le droit et la liberté de produire sans OGM. Seules des raisons de retranscription, ainsi qu'une inflexion significative apportée par le Président de la République lors de la cérémonie au cours de laquelle il a présenté les conclusions du Grenelle, ont permis d'introduire la notion de « avec ou sans OGM ».

Or le maintien du mot « avec » n'est pas acceptable. En effet, dans la mesure où il est reconnu qu'on ne peut contrôler les disséminations directes ou indirectes, son maintien reviendrait à garantir, comme je l'ai déjà dit, un droit à polluer. Cela est d'autant plus inacceptable que la faculté de produire avec des OGM n'est pas remise en cause par le droit de produire sans OGM.

Rappelons en effet que les cultures OGM ne détériorent pas les cultures ou les produits OGM ! La culture des OGM et les préjudices qui en résultent sont univoques. Aucun producteur d'OGM ne perdra une quelconque certification ou un quelconque marché parce qu'un certain degré de produits non OGM s'est mélangé à sa production transgénique. À l'inverse, nombre de cultivateurs espagnols qui souhaitent continuer de produire sans OGM sont aujourd'hui forcés d'acheter des semences ailleurs qu'en Espagne, tant les cultures OGM ont contaminé les cultures sans OGM.

Par conséquent, j'appelle la commission et le Gouvernement à se prononcer en faveur de la suppression du mot « avec », afin de lever toute confusion ou ambiguïté.

M. Jean Desessard. Très bien ! Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 231.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement est identique à ceux qui viennent d'être présentés.

Je tiens à préciser qu'il n'y a pas d'équivalence entre des cultures préexistantes, qui ne nuisent à personne et ne posent aucun problème, et une nouvelle technologie, dont les effets sont encore mal étudiés mais dont l'existence compromet la survie des cultures qui étaient là avant.

Nous devons tous en avoir conscience, le matériel vivant génétiquement modifié se propage par les sols, les récoltes, les abeilles et les transports.

Je prendrai l'exemple des substances chimiques. Alors que le DDT est aujourd'hui interdit, on en retrouve dans la graisse des phoques des pôles et dans le lait des femmes inuits. Pourtant, personne n'en a utilisé dans ces régions. Cela a pris du temps, mais le DDT a fini par se répandre partout.

Ma comparaison est mauvaise parce que les molécules à base de DDT ne se multiplient pas, contrairement au matériel vivant génétiquement modifié introduit dans une cellule ; par conséquent, non seulement ce dernier se répand, mais il se duplique, ce phénomène n'étant pas contrôlé et étant mal étudié.

Nous ne pouvons donc pas mettre sur le même plan la garantie de pouvoir produire sans OGM, qui constitue un rempart, et celle de pouvoir produire avec OGM, qui est la promotion aveugle d'intérêts privés.

Mme Évelyne Didier et M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 146 rectifié bis, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche et Seillier et Mme Keller, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement, après les mots :

d'information

insérer les mots :

, de participation

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Je retirerai cet amendement si l'on me confirme qu'il est redondant avec l'article 7 de la Charte de l'environnement.

M. le président. L'amendement n° 185 rectifié, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement, après les mots :

d'information

insérer les mots :

, de développement durable

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 185 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 64 est présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 94 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par un membre de phrase ainsi rédigé :

et dans le respect des critères environnementaux, sociaux, économiques du développement durable

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 64.

M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à compléter l'article 1er du projet de loi, afin que les trois piliers du développement durable s'imposent en matière d'OGM.

En effet, il est important de prendre en considération les inconvénients économiques et sociaux que pourraient présenter les cultures d'organismes génétiquement modifiés.

Comme nous l'avons indiqué précédemment, les pollutions transgéniques portent atteinte à la propriété privée et à la libre entreprise, et risquent de mettre à mal la réputation de l'agriculture française, qui repose en grande partie sur des terroirs variés et un grand savoir-faire.

L'Autriche, qui est très investie dans l'agriculture biologique, a compris le danger d'accepter les cultures OGM sur son territoire. Les impacts économiques ne sont pas négligeables et ne doivent pas être occultés. Nous avons su nous réunir lorsque l'Europe a attaqué, il y a quelques semaines, la spécificité et la qualité de notre viticulture ; nous espérons que nous pourrons aujourd'hui encore le faire au sujet des OGM.

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l'amendement n° 94.

M. Jacques Muller. Il importe d'inscrire dans la loi le principe du développement durable dans la mesure où il intègre des considérations socioéconomiques.

En effet, les pollutions transgéniques entravent le principe du respect de la propriété privée et de la libre entreprise. Elles risquent de porter atteinte à l'agriculture de qualité dont j'ai parlé tout à l'heure. En aucun cas, ces impacts importants ne sauraient être occultés.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 134 rectifié quater, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet, MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin et Mme Keller, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par les mots :

et dans le respect des critères du développement durable

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Il s'agit de rappeler les trois piliers du développement durable en matière d'OGM.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 92.

En effet, les préoccupations des auteurs de l'amendement sont largement satisfaites par le projet de loi, qui prévoit notamment un mécanisme de responsabilité susceptible de réparer les dommages éventuellement causés par les cultures OGM aux autres cultures.

La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 65, 93 et 231, dont l'adoption reviendrait à interdire la production d'OGM au nom du risque de présence fortuite d'OGM dans les cultures non OGM.

Or le propre de l'action publique est non pas de ne prendre aucun risque, mais de gérer les risques avec prudence. Une saine application du principe de précaution consiste à organiser la coexistence entre les différentes formes d'agriculture, de manière à garantir la liberté de chacun, et non pas à refuser, par principe, l'émergence d'un nouveau type d'agriculture.

Par ailleurs, je puis rassurer M. Le Grand quant à l'amendement n° 146 rectifié bis. En effet, l'article 7 de la Charte de l'environnement dispose : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. » Cette charte ayant valeur constitutionnelle, vous avez toute satisfaction, mon cher collègue.

M. Jean-François Le Grand. Je retire donc l'amendement !

M. le président. L'amendement n° 146 rectifié bis est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques nos 64 et 94.

S'agissant de l'amendement n° 134 rectifié quater, dont la rédaction est proche de celle des amendements identiques nos 64 et 94, la commission demande à M. Le Grand de bien vouloir le retirer ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. Jean-François Le Grand. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 134 rectifié quater est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Tout en comprenant les objectifs poursuivis par la commission en matière d'OGM destinés à l'alimentation, le Gouvernement estime que la rédaction de l'amendement n° 3 présenté par M. le rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques, est moins claire que celle du projet de loi dans la mesure où elle tend à remplacer les mots : « avec ou sans organisme génétiquement modifié » par un autre libellé.

En effet, l'article 1er du projet de loi doit clairement faire apparaître la notion de « liberté de consommer et de produire avec ou sans organisme génétiquement modifié ». Certes, on peut discuter de la définition légale ou encore des seuils, mais l'absence de cette formulation pourrait jeter la confusion dans les esprits quant à la position fondamentale de la commission.

Dans ces conditions, je souhaiterais que M. le rapporteur accepte de rectifier son amendement en ce sens ; à défaut, je lui demanderais de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les autres amendements ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. La formulation complexe de l'amendement n° 92 ne serait pas de nature à clarifier la loi. En revanche, cet amendement soulève un problème auquel nous sommes très sensibles, à savoir la liberté des apiculteurs à exercer leur activité sur l'ensemble du territoire.

Les apiculteurs sont des agriculteurs, et nous serons évidemment très vigilants lors des décrets d'application.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Comme l'a indiqué M. le ministre d'État, la formulation des amendements identiques nos 65, 93 et 231 s'éloigne de celle qui a été retenue par le Grenelle de l'environnement. Là aussi, il nous semble risqué d'introduire un déséquilibre, voire une rupture, dans la rédaction. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Enfin, s'agissant des amendements identiques nos 64 et 94, le respect des critères du développement durable va de soi. Cet ajout complexifie le texte initial et n'apporte rien de nouveau.

M. le président. Monsieur le rapporteur, s'agissant de l'amendement n° 3, revoyez-vous votre copie ainsi que M. le ministre d'État vous l'a suggéré ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Il est toujours douloureux de revoir sa copie, monsieur le président ! (Sourires.) Cela étant, je comprends l'explication de M. le ministre d'État.

Certes, l'énoncé du quatrième alinéa de l'article 1er serait plus clair si le membre de phrase : « avec ou sans organisme génétiquement modifié » était conservé ; mais la notion « sans OGM » est sujette à débat.

Je vous propose donc, mes chers collègues, de rectifier l'amendement n° 3 en faisant référence à la réglementation communautaire dont il ne faut jamais s'écarter. Ainsi, en précisant, à la fin du texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article 531-1-1, que la liberté de consommer et de produire avec ou sans organisme génétiquement modifié est garantie dans le respect des principes de précaution, de prévention, d'information et de responsabilité inscrits dans la charte de l'environnement « et dans le respect des prescriptions communautaires », le texte sera plus lisible.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Jean Bizet, rapporteur. Tout en garantissant la liberté de consommer et de produire avec ou sans organisme génétiquement modifié, on pourra aussi garantir la liberté de consommer et de produire avec des produits étiquetés OGM ou sans produits étiquetés OGM.

Je profiterai de l'occasion qui m'est offerte, monsieur le président, pour répondre à M. Muller.

Il nous faut être très clairs : l'expression « sans OGM » fait référence au seuil communautaire de 0,9 %. (M. Jacques Muller fait un signe de dénégation.) Certes, vous pouvez ne pas être d'accord, mais ce seuil a été validé en 2003 par le conseil des ministres de l'agriculture de l'époque. Il ne me semble pas opportun de revenir sur ce point.

Bien sûr, le secteur de l'agriculture biologique peut fixer un autre seuil. Mais c'est alors un engagement au travers d'un cahier des charges privé sur lequel, pour ma part, je ne m'engagerai pas.

Quoi qu'il en soit, et pour répondre au souhait émis par le Gouvernement, je rectifie l'amendement n° 3, ainsi que je viens de l'indiquer, monsieur le président.

M. Georges Gruillot. Très bien !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par les mots :

et dans le respect des prescriptions communautaires

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Le Gouvernement constate avec satisfaction que M. le rapporteur a repris les termes « avec ou sans organisme génétiquement modifié ». Certes, il y a un débat sur les seuils, dans la mesure où je ne partage indiscutablement pas l'avis de la commission à cet égard.

Mais, prenant acte de l'avancée réalisée, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'amendement n° 92.

Mme Marie-Christine Blandin. Tout en estimant que la rédaction de l'amendement n° 92 était confuse, Mme la secrétaire d'État a déclaré qu'elle était sensible aux problèmes rencontrés par les apiculteurs.

Par conséquent, nous rectifions l'amendement n° 92, afin non plus de rédiger le troisième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement, mais de compléter ce dernier par la phrase suivante : « La liberté des apiculteurs d'exercer sur l'ensemble du territoire sans risque supplémentaire pour leur activité, indispensable au maintien de la biodiversité, est garantie. » Ainsi, nous supprimons toute référence aux livres V, II et VI du code rural.

Telle est notre position de repli, monsieur le président.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, et ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

« La liberté des apiculteurs d'exercer sur l'ensemble du territoire sans risque supplémentaire pour leur activité, indispensable au maintien de la biodiversité, est garantie. »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Les apiculteurs doivent être considérés comme des producteurs à part entière et se voir garantir la liberté d'entreprendre au même titre que les autres, notamment le droit de produire avec ou sans OGM.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 92 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, les apiculteurs sont des agriculteurs. Cela dit, compte tenu des polémiques dont l'apiculture est en ce moment même l'objet, cette précision me semble utile.

En conséquence le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 92 rectifié.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Marie-Christine Blandin. Les abeilles vous piqueront !

M. Jean Desessard. Envoyez les bourdons !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Lors de l'intervention que j'ai faite sur l'article 1er, j'ai fustigé la curieuse rédaction proposée par M. Bizet. Je suis très satisfaite de la vigilance du Gouvernement à cet égard.

Toutefois, j'attire l'attention du Sénat sur le scénario qui s'est déroulé et que j'avais prévu : nous avons déposé un amendement favorisant la production « sans » organisme génétiquement modifié. L'amendement de M. Bizet allait complètement en sens inverse. Finalement, nous allons valider, avec l'accord du Gouvernement, une formulation - « avec ou sans » OGM - qui n'est pas satisfaisante non plus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65, 93 et 231.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 et 94.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 222, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-1-1 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Par les autorisations qu'il délivre ou non, l'État garde la maîtrise et le contrôle des fonctions associées aux séquences génétiques codées par l'organisme génétiquement modifié. »

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. À plusieurs reprises depuis le début du débat sur ce texte, nous avons, les uns et les autres, évoqué la notion de gène-fonction, puis celle d'organisme vivant, et le souci qui est le nôtre que, pour la brevetabilité de ce triptyque, les pouvoirs publics aient une réelle mainmise sur l'organisation de l'ensemble des dispositifs.

C'est la raison pour laquelle nous proposons d'ajouter, à la fin de l'article, une phrase selon nous essentielle pour protéger l'avenir. En effet, nous ne pouvons pas imaginer un seul instant que, demain, n'importe qui aborde de manière trop désinvolte ce sujet touchant au vivant.

Il appartient donc aux pouvoirs publics de s'assurer qu'il y a bien un intérêt pour la société à disposer d'organismes génétiquement modifiés, et donc d'avoir en amont une possibilité de maîtrise et de contrôle du triptyque : organisme vivant-gène-fonction.

L'État doit être garant de l'acceptabilité sociétale des progrès de la biotechnologie, car ce ne sont pas les firmes agroalimentaires internationales qui le seront. Nous l'avons dit à plusieurs reprises, il doit établir des garde-fous pour maîtriser une innovation qui touche au devenir de l'humanité et ne pas laisser la raison du plus fort gouverner.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

Il est évident que la responsabilité politique de l'autorisation des OGM doit revenir à l'État, seul à même de gérer le progrès dans l'intérêt général. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'insisterai plus tard sur le rôle strictement consultatif de l'organe d'expertise que crée ce projet de loi.

En revanche, je ne vois pas la portée normative de la déclaration de principe que les auteurs de l'amendement proposent d'ajouter au texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Monsieur Pastor, l'amendement est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Pastor. Absolument, monsieur le président, et, très honnêtement, je ne me pose même pas la question !

Sur un texte touchant au vivant, il serait quand même dommage de refuser de préciser, dès le premier article, que c'est à l'État de maîtriser l'ensemble du dispositif et que l'essentiel - cela figurait déjà dans les conclusions du rapport d'information que Jean Bizet et moi-même avons rédigé voilà cinq ans -, dans le domaine des organismes génétiquement modifiés, est justement le positionnement d'un organisme, d'un gène et d'une fonction.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

CHAPITRE IER

LA HAUTE AUTORITÉ SUR LES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Article 2 (début)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par M. Bizet, au nom de la commission.

L'amendement n° 186 est présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. Rédiger comme suit l'intitulé de ce chapitre :

Le Haut conseil des biotechnologies

II. En conséquence,

A. Dans l'ensemble du texte, remplacer les mots :

la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés

par les mots :

le Haut conseil des biotechnologies

B. Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, remplacer les mots :

la Haute autorité

par les mots :

le Haut conseil

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement tend à rebaptiser en Haut conseil des biotechnologies le nouvel organisme que tend à créer le projet de loi pour éclairer le Gouvernement dans ses décisions concernant les OGM.

En effet, cet organisme aura une mission consultative et non décisionnelle. Il devra rendre des avis et non prendre des décisions. Il jouera donc proprement un rôle de conseil du Gouvernement, ce dernier conservant la pleine autorité sur le dossier des OGM.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour défendre l'amendement n° 186.

M. Daniel Raoul. Cet amendement est identique à l'amendement n° 4 et cette disposition a fait l'unanimité au sein de la commission.

Il s'agit bien d'un Haut conseil puisque, comme l'a dit le rapporteur, cet organisme n'émettra qu'un avis destiné à l'autorité administrative que seront les ministres concernés. Par conséquent, il convient de remettre les choses à leur place et de transformer la Haute autorité en Haut conseil.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Le Gouvernement souhaite une autorité morale dans cette affaire, mais il convenait de lever l'ambigüité. Il ne s'agit pas, en effet, d'une autorité administrative susceptible de prendre une décision administrative en lieu et place du Gouvernement.

Je réponds par là même à M. Jean-Marc Pastor qu'il n'est pas utile, comme il le proposait dans l'amendement précédent, de préciser que la responsabilité revient au final à l'État. C'est pourquoi le Gouvernement n'était pas favorable à l'amendement n° 222.

Cette fois, l'ambiguïté est levée, sans pour autant porter atteinte à l'extraordinaire importance que nous attachons à cette nouvelle instance, à sa pluridisciplinarité, à sa hauteur de vues, à sa capacité de diligenter des expertises qui aient une autre profondeur, à faire remonter les expériences de terrain, en un mot à faire un travail indispensable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Grand débat que celui des hauts conseils et hautes autorités ! Nous avons beaucoup d'expérience en la matière tant ils sont nombreux, les gouvernements successifs peinant même quelquefois à en établir la liste !

Très récemment, on nous a « vendu » le Haut conseil de la science et de la technologie comme l'institution qui allait donner les orientations à l'Agence nationale de la recherche. Pourtant, lors d'une audition, le directeur de l'ANR avouait que son agence, censée être le bras armé du Haut conseil, n'avait jamais eu de contact avec celui-ci en deux ans !

Mme Marie-Christine Blandin. Nous avons même entendu quelques dénonciations, dont je ne citerai pas les auteurs, laissant entendre que le « Haut conseil machin truc » était le fromage de M. Untel et qu'il ne servait qu'à ce dernier pour distribuer des subventions cachées à de prétendus cabinets pour de prétendues études !

Mme Marie-Christine Blandin. Je comprends que quelques défiances se fassent jour !

Mais, qu'il s'agisse d'un haut conseil ou d'une haute autorité, pour nous, de toute façon, c'est le Gouvernement ou le Parlement qui décide. La seule hérésie, c'est la Haute autorité de sûreté nucléaire, qui est un état dans l'État !

En conséquence, nous nous abstiendrons dans un tel débat sémantique qui, de toute façon, risquerait de faire faire un pas de côté à la démocratie ! (M. Jacques Muller applaudit.)

M. Jean Desessard. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs, c'est bien connu !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 186.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé et l'ensemble du texte est ainsi modifié.

Intitulé du chapitre Ier
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

Les articles L. 531-3, L. 531-4 et L. 531-5 du code de l'environnement sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. L. 531-3. - La Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés a pour missions d'éclairer le Gouvernement sur toutes questions intéressant les organismes génétiquement modifiés et de formuler les avis en matière d'évaluation du risque pour l'environnement et la santé publique en cas d'utilisation confinée ou de dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés ainsi qu'en matière de surveillance prévue à l'article L. 534-1.

« En vue de l'accomplissement de ses missions, la Haute autorité :

« 1° Peut se saisir d'office ou à la demande de toute personne concernée de toute question intéressant son domaine de compétence et proposer toutes mesures de nature à préserver l'environnement et la santé publique en cas de risque grave ;

« 2° Élabore des méthodes d'évaluation des risques environnementaux et sanitaires conformément aux dispositions communautaires en vigueur ;

« 3° Procède à toutes expertises et analyses et fait procéder à toute étude qu'elle juge nécessaire ;

« 4° Rend publics ses avis et recommandations ;

« 5° Peut mener des actions d'information se rapportant à ses missions ;

« 6° Établit un rapport annuel d'activité adressé au Gouvernement et au Parlement. Ce rapport est rendu public.

« Art. L. 531-4. - La Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés est composée d'un comité scientifique et d'un comité économique, éthique et social. Le collège de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés est constitué de son président et des présidents des deux comités.

« Le président de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés et les présidents des comités, ainsi que les membres des comités sont nommés par décret du Premier ministre.

« En cas d'utilisation confinée, le collège transmet les avis du comité scientifique à l'autorité administrative.

« En cas de dissémination volontaire, le collège rend l'avis de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés sur le fondement des recommandations des deux comités. Cet avis comporte, outre une évaluation des risques, une évaluation des bénéfices.

« Art. L. 531-5. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application des articles L. 531-3 et L. 531-4, notamment la composition, les attributions ainsi que les règles de fonctionnement, de saisine et de déontologie de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés. »

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, sur l'article.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant d'aborder l'article 2, et à ce moment précis de l'examen de ce texte, je voudrais rappeler l'urgente nécessité pour notre pays de réussir son entrée dans l'ère des biotechnologies.

Il s'agit d'un enjeu d'importance. Surtout, ne faisons pas du Grenelle une nouvelle inertie, mais un facilitateur !

Il faut d'abord dissiper le doute chez nos populations, conforter nos chercheurs qui, souvent, sont d'exception sur ces sujets et, surtout, donner à la France la place qui lui revient en Europe et dans le monde.

L'objet de l'article 2 est de définir ce qui me semble être un point central du projet de loi : l'organe d'expertise, indépendant de l'exécutif comme on vient de le dire, à qui revient la prise de décision, mais qui ne peut le faire sans l'éclairage de la connaissance.

Vous l'avez compris, la communauté scientifique est au coeur du dispositif en prenant acte de l'expression d'opinions de la société civile, bien sûr, mais garante de l'avis qu'elle doit rendre dans la rigueur et au cas par cas.

L'indépendance et la déontologie du Haut conseil doivent - et en cela je suis la position du rapporteur - faire la notoriété de son président. Ce dernier doit être une personnalité reconnue de la communauté scientifique internationale, ce qui est généralement retenu en de telles circonstances. J'aurai tout à l'heure l'occasion, sous la forme d'un sous-amendement, de concrétiser cette idée.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.

M. Jacques Muller. Sur le plan méthodologique, le Grenelle a permis des avancées remarquables à deux niveaux : il a créé cet espace improbable au sein duquel les acteurs de la société civile, qui ne se parlaient pas, se craignaient, voire s'affrontaient, ont réussi à se parler, à confronter leurs points de vue et à faire émerger des consensus.

Il a également créé cet espace au sein duquel des scientifiques et la société civile ont appris à dialoguer en direct, à s'interpeller, à s'écouter, à faire émerger des points de vue communs partagés. Le résultat a été particulièrement spectaculaire pour l'Atelier intergroupe OGM, dont Jean-François Le Grand était président et Marie-Christine Blandin vice-présidente.

Ce qui était considéré à l'époque comme une mission impossible était devenu réalité : le miracle du Grenelle a fonctionné pour faire émerger de vraies avancées.

Dans le même esprit, je tiens à citer ici la remarquable expérience de dialogue entre société civile et scientifique qui s'est déroulée en Alsace à l'INRA de Colmar dans la mise en oeuvre d'un protocole d'expérimentation OGM-vigne en milieu ouvert. Le directeur de recherches, Jean Masson, s'est donné le temps de construire son protocole dans le cadre d'une commission ouverte où siègent tous les représentants de la société civile, pourtant nettement opposés au départ à cette expérimentation sur le court-noué de la vigne, non seulement les opposants classiques à la dissémination d'OGM dans l'environnement, mais aussi et surtout les professionnels viticoles, attachés à la défense de l'image de qualité des vins d'appellation d'origine Alsace.

Acceptant même d'être ultra-minoritaire dans sa commission, acceptant de débattre avec la société civile sur toutes questions de fond comme de méthodologie et d'intendance, M. Masson est parvenu à mettre sur pied son protocole de recherche en toute transparence, en reconnaissant ses interlocuteurs, en acceptant la légitimité de leurs questions et en construisant avec eux les réponses : c'est tout l'esprit du Grenelle et cela fonctionne !

C'est pourquoi j'estime qu'avec l'article 2, relatif à la haute autorité, on revient en arrière, en créant deux comités séparés, avec deux vice-présidents et un président, lesquels trancheront à trois pour exprimer l'avis de cette future instance. Le résultat est connu d'avance : le comité économique, éthique et social ne pourra pas ne pas être, d'office, marginalisé par rapport au comité scientifique.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Pourquoi ?

M. Jacques Muller. Hélas ! C'est la règle du genre !

Mais il y a pire : la haute autorité décrite dans les amendements de la commission va plus loin.

Les scientifiques des sciences dites « molles » qui siégeaient au comité économique, éthique et social seraient rapatriés chez les scientifiques. Ensemble, ils émettraient un avis dit « scientifique ». La société civile pourra continuer de deviser en rond, et aura même le droit d'émettre un avis...

Les deux avis seront transmis en parallèle au Gouvernement, invité à choisir... Vous connaissez la suite, mes chers collègues.

Je conclus : le dispositif imaginé par M. Bizet sapera définitivement les bases sur lesquelles s'était patiemment construit le « Grenelle des OGM », dont l'innovation a consisté à ce que des personnes issues de la société civile et des scientifiques s'apprivoisent pour travailler ensemble.

C'est la raison pour laquelle je déposerai des amendements visant tout simplement à maintenir les méthodes et les pratiques qui ont pu se développer pendant le Grenelle, notamment pour envisager le fonctionnement de la haute autorité.

M. Jean Desessard. Bravo ! Très bien !

M. le président. L'amendement n° 135 rectifié ter, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet et MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement,

remplacer le mot :

intéressant

par le mot :

concernant

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 135 rectifié ter est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, remplacer les mots :

les avis en matière d'évaluation du risque

par les mots :

des avis en matière d'évaluation des risques et des bénéfices

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement vise à assurer une cohérence dans les articles fixant les missions du Haut conseil des biotechnologies, l'article L. 531-4 prévoyant d'ores et déjà que l'avis du Haut conseil comporte, outre une évaluation des risques, une évaluation des bénéfices.

M. le président. L'amendement n° 67, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, après les mots :

santé publique

insérer les mots :

et des bénéfices éventuels

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Cet amendement relève d'une même logique de mise en valeur des éventuels bénéfices. Le débat qui s'est tenu tout à l'heure nous a fait comprendre que les institutions juridiques européennes n'aimaient pas les bénéfices. Je ne sais pas si elles préfèrent les pertes ! (Sourires.)

Il est vrai que les OGM actuels dits de première génération, à but herbicide ou insecticide uniquement, ont été conçus dans le double objectif d'augmenter la productivité de l'agriculture et d'accroître le profit des industries qui les ont conçus. Autant dire qu'ils ne servent à rien, que nous n'en avons pas besoin et que leur culture ne devrait pas être autorisée en France.

Il reste, et c'est heureux, que la recherche en biotechnologies offre d'autres perspectives. Des OGM dits de seconde génération visant à faciliter l'agriculture dans certains milieux naturels hostiles ou à créer des plantes aux capacités nutritionnelles supérieures pourraient être créés dans quelques années.

Ce potentiel de recherche existe, il ne doit être ni négligé ni surestimé. C'est pourquoi il nous paraît important que la loi prenne en compte autant les risques que les bénéfices éventuels des OGM.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 67 n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 96, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, après les mots :

santé publique

insérer les mots :

, des structures agricoles, des écosystèmes régionaux et des filières sans organisme génétiquement modifié

L'amendement n° 147 rectifié ter, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet et MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, après les mots :

la santé publique,

insérer les mots :

les structures agricoles et les écosystèmes régionaux

Ces deux amendements de cohérence avec l'amendement n° 91, qui n'a pas été adopté lors de l'examen de l'article 1er, n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par M. Bizet, au nom de la commission.

L'amendement n° 66 est présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, supprimer les mots :

ainsi qu'en matière de surveillance prévue à l'article L. 534-1

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de sortir la surveillance biologique du territoire des missions données au Haut conseil des biotechnologies. Une bonne gestion du risque implique en effet de dissocier entre deux structures indépendantes l'évaluation du risque, d'une part, et la surveillance sur le terrain de l'éventuelle réalisation de ces risques, d'autre part.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 66.

M. Gérard Le Cam. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, remplacer les mots :

ainsi qu'en matière de surveillance prévue à l'article L. 534-1.

par les mots :

Le comité de biovigilance, qui assure le suivi des mesures de surveillance proposées par la Haute Autorité, reste une instance indépendante de celui-ci.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement reposant sur le même principe que les précédents, je considère qu'il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 188 rectifié, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, remplacer les mots :

ainsi qu'en matière de surveillance prévue à l'article L. 534-1.

par les mots :

Le comité de biovigilance, qui assure le suivi des mesures proposées par le Haut conseil, reste une instance indépendante de celui-ci.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Dans un souci de transparence, d'information du public et de participation, nous souhaitons compléter l'article 2.

Concentrer dans la même instance les pouvoirs d'avis sur les autorisations d'OGM, y compris les prescriptions qui les accompagnent, et les pouvoirs de suivi et de surveillance du bien-fondé de ces mêmes autorisations et de l'efficacité de ces mêmes prescriptions n'est pas de nature à garantir une neutralité suffisante pour une surveillance acceptable des OGM. Deux instances distinctes doivent assurer ces deux fonctions, afin qu'il y ait une complémentarité de points de vue pour traiter des problèmes posés par les OGM.

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement par un membre de phrase ainsi rédigé :

, sous réserve des compétences exercées par les agences visées aux articles L. 1323-1 et L. 5311-1 du code de la santé publique

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement tend à préciser l'articulation des compétences entre le Haut conseil des biotechnologies et les agences existantes en matière sanitaire.

Il vise ainsi à confirmer que la compétence du Haut conseil des biotechnologies s'exerce sous réserve de la compétence déjà reconnue à l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, qui est chargée de l'évaluation des risques sanitaires et nutritionnels des aliments, y compris composés ou issus d'OGM, destinés à l'homme et à l'animal, et sous réserve des compétences dévolues à l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui est chargée de l'évaluation des risques liés aux produits à finalité cosmétique ou sanitaire destinés uniquement à l'homme.

M. le président. L'amendement n° 157 rectifié ter, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet et MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Le comité de biovigilance instauré par l'article L. 251-1 du code rural assure le suivi des mesures de surveillance proposées par la Haute Autorité et reste une instance indépendante de celle-ci.

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Je souhaiterais simplement connaître l'avis de M. le rapporteur sur le bien-fondé de cet amendement.

Il s'agit de faire en sorte que le comité de biovigilance puisse assurer un suivi des mesures de surveillance proposées par la haute autorité et demeure une instance indépendante de celle-ci.

Au demeurant, il avait été souhaité que le comité de biovigilance puisse informer le Haut conseil de manière à assurer un suivi permanent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Les amendements n° 97 rectifié et 188 rectifié étant satisfaits, la commission y est défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 157 rectifié ter, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Les amendements identiques nos 6 et 66, ainsi que les amendements nos 97 rectifié et 157 rectifié ter résultent d'un problème de rédaction de l'article 2.

Selon le Gouvernement, la mise en oeuvre de la surveillance des OGM, que l'on appelle aussi la biovigilance, relève des services de l'État. Il n'est absolument pas question que celui-ci se dessaisisse de cette mission. L'article 251-1 du code rural prévoit en effet que « la surveillance renforcée [est] effectuée par les agents chargés de la protection des végétaux ».

En pratique, ce sont les services de la protection des végétaux du ministère de l'agriculture et de la pêche qui assurent cette biovigilance. Ils élaborent des protocoles de suivi des OGM et les mettent en oeuvre sur le terrain.

Il n'est pas question de revenir en arrière dans ce domaine. L'article 2 du projet de loi vise tout simplement à préciser que la future haute autorité, qui est l'instance d'évaluation des demandes d'autorisation d'OGM, doit être informée du devenir des OGM autorisés, afin de pouvoir donner un avis sur les plans de surveillance des OGM. Elle doit être le destinataire des résultats de la biovigilance mise en oeuvre par les services de l'État, conformément à ce qui est prévu par ailleurs dans la loi. Grâce à cette information a posteriori, elle pourra affiner l'avis qu'elle donne a priori.

Tel est l'objet de l'article 2, même si sa rédaction ne semble pas très claire... Je le répète, il s'agit non pas de transférer les compétences de l'État en matière de biovigilance au Haut conseil, mais simplement de donner la possibilité à ce dernier d'avoir une information qui éclaire ses choix par ailleurs.

Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 6 et 66, ainsi que sur les amendements nos 97 rectifié et 157 rectifié ter, qui relèvent tous d'un problème de compréhension du texte.

Certains pensent en effet que l'on veut transférer la compétence de biovigilance de l'État au Haut conseil. Or telle n'est pas notre idée : la biovigilance reste bien de la responsabilité de l'État.

Il s'agit simplement d'un problème de formulation. Les compétences en matière de biovigilance restent bien du ressort de l'État, le code de l'environnement n'étant pas modifié sur ce point. Il s'agit simplement de donner au Haut conseil la possibilité d'avoir une information sur ce sujet, d'être destinataire de ce qui est fait par ailleurs par l'État et qui continuera de l'être.

Compte tenu de ces explications, qui me semblent pouvoir réconcilier tout le monde, je demande le retrait de ces amendements.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 7 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 157 rectifié ter est-il maintenu, monsieur Le Grand ?

M. Jean-François Le Grand. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 157 rectifié ter est retiré.

L'amendement n° 6 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.

L'amendement n° 66 est-il maintenu, monsieur Le Cam ?

M. Gérard Le Cam. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 66 est retiré.

L'amendement n° 97 rectifié est-il maintenu, monsieur Muller ?

M. Jacques Muller. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 97 rectifié est retiré.

L'amendement n° 188 rectifié est-il maintenu, monsieur Pastor ?

M. Jean-Marc Pastor. À la suite des explications données par Mme la secrétaire d'État, comme nous sommes en première lecture, je propose que nous retenions l'un de ces amendements comme amendement d'appel en attendant une nouvelle rédaction permettant de clarifier le rôle du comité de biovigilance. En effet, si nous avons tous eu la même lecture de cet alinéa de l'article 2, c'est que sa rédaction pose tout de même un problème !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Il faut en rester à l'architecture proposée par Mme la secrétaire d'État. C'est la raison pour laquelle la commission a retiré son amendement n° 6, M. Le Cam l'amendement n° 66 et M. Le Grand l'amendement n° 157 rectifié ter. Il me paraît nécessaire que chacun retire son amendement pour que les choses soient cohérentes.

M. Jean-Marc Pastor. C'est dommage de ne pas marquer l'ouverture proposée !

M. le président. Mon cher collègue, je n'ai pas à prendre parti, puisque j'ai un rôle d'arbitrage. J'indique simplement que, dès l'instant où l'amendement n° 7 a été rectifié en fonction de l'architecture proposée tout à l'heure, il offre la rédaction la plus cohérente.

M. Daniel Raoul. Ce n'est pas la même chose !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Les actions de surveillance globale du territoire continueront d'être exercées par le ministère de l'agriculture, par le biais du service de protection des végétaux, lequel aura également pour rôle de recueillir, de regrouper les informations et de les communiquer au Haut conseil.

Les choses me paraissent maintenant beaucoup plus claires.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Je vous remercie, monsieur le président, de me redonner la parole ; je vous le revaudrai un jour ! (Rires.)

Je souhaite apporter une dernière précision. Chacun connaît la théorie de l'entonnoir : si l'amendement n° 188 rectifié est retiré maintenant, nous ne pourrons pas y revenir ultérieurement. C'est pourquoi je préfère le maintenir, même s'il n'est pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 188 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 8, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, remplacer les mots :

à la demande de toute personne concernée

par les mots :

à la demande des associations agréées de consommateurs

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement tend à préserver le Haut conseil d'une paralysie qui résulterait d'une ouverture trop large de sa saisine, tous les Français pouvant s'estimer concernés par les OGM et donc légitimement prétendre pouvoir saisir directement cette instance.

La commission propose de filtrer la saisine du Haut conseil sur le modèle de ce qui est prévu pour l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, c'est-à-dire d'ouvrir la saisine aux seules associations agréées de consommateurs.

En outre, puisque cette structure peut s'autosaisir et compte tenu de la composition du comité socio-économique et éthique, donc de sa pluridisciplinarité, chacun a la possibilité d'interpeller le Haut conseil.

M. le président. Le sous-amendement n° 167 rectifié quater, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet, MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin et Mme Keller, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 8 par les mots :

et associations agréées de protection de la nature et de l'environnement

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Tout au long du Grenelle de l'environnement, des efforts ont été accomplis pour faire en sorte que l'ensemble des collèges puissent se parler, notamment pour que les associations agréées de protection de la nature et de l'environnement participent à cette réflexion.

Je ne vois pas pour quelle raison ces dernières se verraient retirer le pouvoir de saisir la Haute autorité, alors même que les associations agréées de consommateurs y seraient autorisées.

En effet, étant agréées au titre de la protection de la nature et de l'environnement, ces associations ont une légitimité reconnue. Dès lors, ce serait une erreur que de ne pas leur donner cette possibilité de saisine.

M. Jean-Marc Pastor. Très bien !

M. le président. Le sous-amendement n° 236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa de l'amendement n° 8 :

à la demande des associations de défense des consommateurs agréées au titre de l'article L. 421-1 du code de la consommation, des associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, des associations ou unions d'associations agréées au titre de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique, des groupements de salariés et des groupements professionnels concernés

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Le Gouvernement souhaite élargir la saisine en y incluant les associations de défense des consommateurs agréées au titre de l'article L. 421-1 du code de la consommation, les associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, les associations ou unions d'associations agréées au titre de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique, les groupements de salariés et les groupements professionnels concernés.

Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 8.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 168 rectifié est présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche et Seillier.

L'amendement n° 98 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le troisième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, après les mots :

personne concernée

insérer les mots

physique ou morale

La parole est à M. Jean-François Le Grand, pour défendre l'amendement n° 168 rectifié.

M. Jean-François Le Grand. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 168 rectifié est retiré.

La parole est à M. Muller, pour défendre l'amendement n° 98.

M. Jacques Muller. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 98 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 167 rectifié quater et 236 ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Je commencerai par exprimer l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 236 car, si ce dernier est adopté, le sous-amendement n° 167 rectifié quater n'aura plus d'objet.

Il est vrai que l'on peut appréhender le sujet sous l'angle exposé par M. le ministre d'État.

Pour notre part, nous avons voulu, sans aucune intention de provocation, mettre un filtre à la saisine du Haut conseil pour préserver ce dernier de la paralysie et, à cet effet, nous avons proposé de réserver la saisine aux seules associations agréées de consommateurs parce qu'elles concernent l'ensemble de nos concitoyens.

Néanmoins, étant respectueux de l'esprit du Grenelle de l'environnement et reconnaissant que les associations environnementales ont été parties prenantes dans cette réflexion, je ne veux pas casser cet ensemble et je me rangerai à la proposition de M. le ministre d'État, même si elle peut paraître redondante puisque, par le biais de l'autosaisine, l'ensemble de ces associations peuvent elles-mêmes saisir le Haut conseil. Reste que la rédaction proposée par le Gouvernement permettra une lisibilité qui nous mettra à l'abri de tout reproche.

La commission émet donc un avis favorable sur le sous-amendement n° 236.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Je retire le sous-amendement n° 167 rectifié quater au bénéfice du sous-amendement n° 236.

M. le président. Le sous-amendement n° 167 rectifié quater est retiré.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 236.

M. Jean-Marc Pastor. Nous voterons ce sous-amendement qui va tout à fait dans le sens de ce que nous avons préconisé, puisqu'il vise à élargir la consultation des partenaires. Je ne regrette qu'une chose, monsieur le ministre d'État, c'est de ne pas y avoir pensé plus tôt ! (Sourires.)

M. le président. Les grands esprits se retrouvent toujours !

La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Je veux féliciter le Gouvernement d'avoir répondu aux préoccupations fortes qui se sont fait jour et que nous avons exposées M. Le Grand et moi-même.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je me réjouis de ce que la commission se soit ralliée à ce sous-amendement et j'indique que nous le voterons avec plaisir.

Et, puisque M. le rapporteur est dans de bonnes dispositions, s'il voulait bien revenir sur le problème des apiculteurs, notre satisfaction serait totale ! (Rires.)

M. Jean Bizet, rapporteur. N'abusez pas de ma gentillesse ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 236.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 149 rectifié ter, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet et MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, après les mots :

la santé publique

insérer les mots :

, les systèmes agricoles et les écosystèmes régionaux

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Cet amendement n'ayant plus d'objet, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 149 rectifié ter est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 62 est présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 99 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

A la fin du troisième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, supprimer les mots :

en cas de risque grave

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour défendre l'amendement n° 62.

M. Gérard Le Cam. L'article 2 confie un certain nombre de missions d'importance à la haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés. Ainsi, elle doit éclairer le Gouvernement sur les questions intéressant les OGM, formuler des avis en matière d'évaluation des risques pour la santé ou l'environnement, que l'utilisation se fasse de manière confinée ou en plein champ, et formuler des avis en matière de biovigilance.

Il prévoit, à juste titre, une autosaisine et une saisine extérieure - que nous venons d'évoquer -, ce qui laisserait penser que les pouvoirs publics désirent donner une grande liberté d'action à cette instance.

Hélas ! Quelques mots après, on découvre que le déclenchement des missions est conditionné par l'existence d'un « risque grave ».

Cette précision est injustifiée pour plusieurs raisons.

D'abord, elle entrave trop fortement le bon exercice de ces missions par la haute autorité.

Ensuite, elle n'est exigée par aucun texte communautaire ou international, ce qui signifie a priori qu'il nous est encore possible de décider de son opportunité.

Enfin, on se demande quelle logique tortueuse a conduit à prévoir qu'un organe chargé de réfléchir et d'évaluer un risque pourrait le faire seulement si ce risque est grave ?

Considérant que c'est un minimum d'exiger que la loi garantisse pleinement l'effectivité des missions des organes de contrôle qu'elle crée, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement de bon sens.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour défendre l'amendement n° 99.

M. Jacques Muller. J'ajoute à ce qui vient d'être dit que la notion de seuil de gravité est source d'imprécision et de contentieux futurs. Il faut donc s'en tenir à une rédaction stricte.

M. le président. L'amendement n° 148 rectifié ter, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet et MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin, est ainsi libellé :

À la fin du troisième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, supprimer le mot :

grave

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Cet amendement s'inscrit dans la même philosophie que ceux qui viennent d'être défendus. J'ajoute qu'aucun des deux articles de la directive communautaire 2001/18/CE ne mentionne le qualificatif « grave ». C'est la raison pour laquelle je propose la suppression de ce dernier.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Avec les amendements identiques nos 62 et 99, la mission confiée au Haut conseil serait excessivement large. Le risque fait partie de la vie. Ce n'est donc qu'en cas de risque grave qu'il convient que le Haut conseil propose des mesures de nature à préserver l'environnement et la santé publique.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

En ce qui concerne l'amendement n° 148 rectifié ter, je souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 62 et 99.

En revanche, il est favorable à l'amendement n° 148 rectifié ter, qui apporte une clarification utile, puisque la Haute autorité pourra proposer toute mesure, quelle que soit la gravité du risque.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 148 rectifié ter ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Dans un premier temps, la commission était plutôt défavorable à cet amendement. Toutefois, après les explications données par le Gouvernement, elle émet un avis favorable.

M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 62 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 62 est retiré

Monsieur Muller, l'amendement n° 99 est-il maintenu ?

M. Jacques Muller. Non, monsieur le président, je le retire également, au profit de l'amendement n° 148 rectifié ter.

M. le président. L'amendement n° 99 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 148 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 9, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le quatrième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531 - 3 du code de l'environnement :

« 2° Rend un avis sur chaque demande d'agrément, déclaration, ou demande d'autorisation en vue de l'utilisation confinée ou de la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés, dans le respect des délais fixés par la réglementation communautaire ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement a trois objets.

Tout d'abord, il vise à soustraire des missions du Haut conseil l'élaboration de méthodes d'évaluation des risques dans la mesure où ces méthodes, qui font l'objet d'une standardisation internationale, ne sauraient être fixées unilatéralement à l'échelon national.

Ensuite, il vise à expliciter la mission principale du Haut conseil, qui consiste à rendre un avis au cas par cas sur toute utilisation d'OGM, en milieu confiné comme en milieu ouvert.

Enfin, il vise à rappeler que le Haut conseil doit rendre ses avis en respectant les délais prévus par les directives communautaires. J'insiste particulièrement sur ce dernier point, compte tenu de ce qu'on a pu voir dans le passé. Comme l'a rappelé tout à l'heure notre collègue Christian Gaudin, si l'on veut s'inscrire dans une nouvelle problématique vis-à-vis des biotechnologies, il faut précisément respecter les délais prévus par les directives communautaires.

M. Christian Gaudin. Très bien !

M. le président. Le sous-amendement n° 169 rectifié ter, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet et MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par l'amendement n° 9 pour le quatrième alinéa (2°) de l'article L. 531-3 du code de l'environnement, par un alinéa ainsi rédigé :

«...° Élabore des méthodes d'évaluation des risques environnementaux et sanitaires conformément aux dispositions communautaires en vigueur ;

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. L'amendement n° 9 introduit une disposition essentielle, absente du projet de loi. Cependant, il le fait au détriment d'une autre disposition indispensable, à savoir la mise au point par le Haut conseil des méthodes d'évaluation des risques, conformément aux recommandations de l'avis du comité provisoire, qu'il convient donc de réintroduire.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 187, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, après les mots :

d'évaluation des

insérer les mots :

avantages et des

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Il convient également de tenir compte des avantages et pas seulement des risques liés aux avancées en biotechnologie.

M. le président. L'amendement n° 100, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, après les mots :

sanitaires

insérer les mots :

ainsi que des risques sur les structures agricoles, les écosystèmes régionaux et les filières sans organismes génétiquement modifiés

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 150 rectifié ter, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet et MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, après le mot :

sanitaires

insérer les mots :

, ainsi que des risques sur les systèmes agricoles et les écosystèmes régionaux,

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 101, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le quatrième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement par les mots :

, notamment celles concernant les effets directs, indirects, immédiats ou différés ainsi que les effets cumulés et à long terme

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement a pour objet de préciser que toute autorisation d'OGM doit prendre en compte une analyse des effets cumulés à long terme de la mise sur le marché d'un tel produit sur la santé et l'environnement.

On connaît mal le rôle éventuel de l'eau, du vent, des abeilles, des micro-organismes du sol et des oiseaux comme vecteurs de contamination génétique. Très peu d'études - du moins celles qui sont habituellement commandées par les pétitionnaires - y ont été consacrées. De surcroît, ces études s'intéressent encore moins à la combinaison de ces facteurs. De fait, de nombreuses questions en matière de recherche fondamentale restant aujourd'hui sans réponse ; il plane un doute sérieux sur l'innocuité à long terme des OGM sur la santé et l'environnement.

Alors que des effets néfastes, souvent inexpliqués, ont été constatés sur la santé, aucun essai de toxicologie de longue durée et sur plusieurs espèces animales n'a été fait à ce jour, contrairement à ce qui se pratique, par exemple, pour la commercialisation d'un pesticide.

Cette absence d'évaluation est d'autant plus inquiétante que bon nombre d'OGM commercialisés aujourd'hui produisent des insecticides ou sont résistants à des herbicides et sont susceptibles de les stocker.

Par conséquent, cet amendement vise à étendre le champ des recherches sur les effets à long terme des OGM.

M. le président. L'amendement n° 102, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le quatrième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement par un membre de phrase ainsi rédigé :

les plantes produisant des molécules phytopharmaceutiques ainsi que celles résistant aux herbicides sont évaluées et mises sur le marché suivant des protocoles ayant le même niveau d'exigence scientifique que ceux imposés pour la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Les procédures d'évaluation applicables aux produits phytopharmaceutiques sont beaucoup plus complexes que celles qui le sont aux OGM avant leur mise sur le marché. Il serait paradoxal que des OGM pesticides ne subissent pas, avec la même rigueur, les mêmes tests. Aussi, cet amendement vise à imposer aux plantes produisant des molécules phytopharmaceutiques et à celles qui résistent aux herbicides un protocole d'évaluation identique à celui qui est imposé aux produits phytopharmaceutiques, et ce au nom du principe de précaution.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 151 rectifié quater est présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche, Laffitte, Seillier et Barbier, Mme N. Goulet, MM. de Montesquiou, Mouly, Othily, Marsin, A. Boyer et Fortassin et Mme Keller.

L'amendement n° 190 est présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le quatrième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, par un membre de phrase ainsi rédigé :

les plantes produisant des molécules phytopharmaceutiques ou s'imprégnant d'herbicides sont évaluées suivant les mêmes protocoles que ceux imposés pour la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ;

La parole est à M. Jean-François Le Grand, pour présenter l'amendement n° 151 rectifié quater.

M. Jean-François Le Grand. Cet amendement a pour objet d'adapter à l'état actuel des progrès techniques les réglementations visant les autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques ainsi que les protocoles des tests d'évaluation de toxicité vis-à-vis des insectes pollinisateurs, des abeilles et de leur couvain.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 190.

M. Daniel Raoul. Il est défendu, monsieur le président. Je n'ai rien à ajouter aux propos de M. Le Grand.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. S'agissant du sous-amendement n° 169 rectifié ter, la commission estime qu'il n'entre pas dans le rôle du Haut conseil de faire de la méthodologie scientifique.

Les méthodes d'évaluation des risques ne sont pas standardisées au plan communautaire, mais font aujourd'hui l'objet de lignes directrices ou de recommandations élaborées par les scientifiques au plan international. Il reviendra au comité scientifique de déterminer, en son sein, les méthodes qu'il entend suivre pour évaluer correctement les risques. Le Haut conseil n'a pas à élaborer de nouvelles méthodes franco-françaises. Il convient de le laisser libre de se fixer en interne ses propres règles d'évaluation des risques, dans le respect des usages internationaux.

M. Dominique Braye. C'est vrai !

M. Jean Bizet, rapporteur. Pour ces raisons, la commission demande à leurs auteurs de bien vouloir retirer ce sous-amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

L'amendement n° 187 est satisfait.

M. le président. M. Pastor, quant à lui, n'a pas l'air satisfait ! (Sourires.)

M. Dominique Braye. Ce n'est pas grave, du moment que l'amendement l'est ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Bizet, rapporteur. L'article 2 définit précisément la mission du Haut conseil. C'est aussi d'ailleurs l'objet de l'amendement n° 5 de la commission.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 101. Si la directive renvoie à son annexe le détail du processus d'évaluation des risques, il serait logique que la loi de transposition de cette directive n'entre pas, elle non plus, dans le détail.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 102. À défaut, elle émettra un avis défavorable. En effet, son adoption aurait pour conséquence de soumettre les OGM à une procédure spécifique de mise sur le marché, identique à celle qui est réservée aux médicaments, ce qui ne serait pas conforme à la directive communautaire.

Enfin, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 151 rectifié quater et 190.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement souscrit aux objectifs des auteurs de l'amendement n° 9, mais il ne voudrait pas que la rédaction qu'ils proposent pour le quatrième alinéa de l'article L. 531 - 3 du code de l'environnement se substitue à la rédaction actuelle. Il souhaiterait qu'elle s'ajoute, au titre d'un neuvième alinéa. Si M. le rapporteur accepte de rectifier son amendement dans ce sens, le Gouvernement émettra un avis favorable.

Dans cette logique, le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 169 rectifié ter, qui vise au même objectif que la rectification qu'il a demandée pour l'amendement n° 9.

Le Gouvernement fait siennes les explications qu'a données M le rapporteur au sujet de l'amendement n° 187, sur lequel il émet un avis défavorable. Il lui semble que cet amendement placerait la France en infraction au droit communautaire, qui prévoit une évaluation des seuls risques.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 101, puisque les précisions qu'il vise à apporter non seulement sont de nature réglementaire, mais en plus existent déjà. Elles seront bien sûr maintenues dans le code de l'environnement au titre de la transposition de la directive 2001/18/CE.

Le Gouvernement estime que les précisions apportées par les amendements nos 102, 151 rectifié quater et 190 sont intéressantes. Elles répondent à une véritable préoccupation. Cela étant, elles posent un problème au regard du droit communautaire, puisque le dispositif relatif aux produits phytopharmaceutiques est assez distinct de celui qui est relatif aux OGM.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 102 et s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques nos 151 rectifié quater et 190.

M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier votre amendement n° 9 dans le sens proposé par le Gouvernement ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Sans doute Mme la secrétaire d'État fait-elle une légère confusion.

L'amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, qui va venir en discussion vise à compléter la rédaction proposée pour l'article L. 531 - 3 du code de l'environnement par un septième alinéa ainsi rédigé : «... met en oeuvre des méthodes d'évaluation des risques environnementaux et sanitaires conformes aux dispositions communautaires en vigueur et aux recommandations internationales en la matière ; ».

Par conséquent, rien ne justifie, à mon sens, que la commission rectifie l'amendement n° 9, puisque le souhait du Gouvernement sera satisfait par l'adoption de son amendement n° 237.

M. Georges Gruillot. Très bien !

M. le président. Monsieur Le Grand, le sous-amendement n° 169 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Jean-François Le Grand. J'ai bien entendu l'explication que vient de donner M. le rapporteur, à qui je fais confiance. Aussi, j'accepte de retirer mon sous-amendement, monsieur le président.

Néanmoins, si cela est nécessaire, je reviendrai sur cette question au moment de l'examen de l'amendement n° 237.

M. le président. Le sous-amendement n° 169 rectifié ter est retiré.

Mme Marie-Christine Blandin. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc du sous-amendement n° 169 rectifié quater.

Je vous donne la parole pour le défendre, madame Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Je veux juste vous apporter un témoignage et vous rappeler, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, que nous avons accepté la surcharge représentée par l'animation de l'intergroupe OGM, alors que nous avions déjà décidé au pied levé au mois d'août, malgré un agenda particulièrement difficile, de nous occuper du groupe de travail sur la biodiversité.

Mes chers collègues, entre CGT et MEDEF, Greenpeace et FNSEA, entre chercheurs en alerte et chercheurs institutionnalisés, cette animation fut très difficile. Nous avons accouché, au terme de discussions houleuses, de préconisations qui pouvaient sembler complexes et laborieuses, mais qui se sont révélées productives.

Des mesures immédiates ont été prises, comme la décision de rebaptiser la Haute autorité en « Conseil » ou les propositions de méthodologie, adoptées selon trois axes : social, environnemental et économique tel que le développement durable.

Autre axe : la précaution - à ne pas confondre avec la prévention - vaut méthodologie de nos agences. Pourquoi ce choix ? Parce que la prévention consiste à prendre des décisions une fois qu'un risque est avéré. Les conséquences concrètes de ce principe sont bien connues : c'est par exemple l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, qui autorise la mise sur le marché d'un médicament pilosuryl contenant un éther de glycol, puis le retire de la vente, car il a fait un mort, quatre dialysés et des cas d'insuffisance rénale.

La précaution, ce n'est pas cela. C'est la prise en compte d'un faisceau de risques, disproportionnés par rapport aux bénéfices, pour recommander au Gouvernement de prendre une décision. La méthodologie est tout autre, et nous y tenons beaucoup.

C'est la raison pour laquelle nous avons repris ce sous-amendement. Si jamais il n'était pas adopté, nous prendrions rendez-vous à l'amendement n° 237 !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Ce sous-amendement reprend la proposition du Gouvernement de ne pas supprimer les termes suivants : « élabore des méthodes d'évaluation des risques environnementaux et sanitaires conformément aux dispositions communautaires en vigueur ».

Je ne comprends absolument pas pourquoi M. le rapporteur considère qu'il n'est pas utile d'élaborer de telles méthodes d'évaluation, conformément aux dispositions communautaires en vigueur. Cette position est vraiment incompréhensible.

M. Jean-Marc Pastor. Absolument !

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Si vous me le permettez, je présenterai par anticipation l'amendement n° 237, puisque c'est notre rendez-vous de tout à l'heure. Il vise à insérer dans le code de l'environnement un alinéa ainsi rédigé : « met en oeuvre des méthodes d'évaluation des risques environnementaux et sanitaires conformes aux dispositions communautaires en vigueur et aux recommandations internationales en la matière ».

M. Jean Desessard. Pourquoi n'était-il pas maintenant au rendez-vous ?

M. Dominique Braye. L'essentiel est d'arriver au but !

M. Jean-François Le Grand. Cela demande un acte de foi !

M. le président. C'est une question de cohérence du débat. L'amendement n° 237 vise à compléter, à la fin, l'article L. 531 - 3 du code de l'environnement. M. Le Grand a très bien compris qu'il pouvait retirer le sien maintenant, puisqu'il obtiendrait satisfaction tout à l'heure.

M. Jean Desessard. Voilà pourquoi il est le président du comité sur les OGM ! (Sourires.)

M. le président. Madame Blandin, le sous-amendement n° 169 rectifié quater est-il maintenu ?

Mme Marie-Christine Blandin. Nous sommes joueurs et allons faire confiance - mais pour très peu de temps ! - au Gouvernement.

M. le président. Bons joueurs ! (Sourires.)

Le sous-amendement n° 169 rectifié quater est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 187.

M. Daniel Raoul. En raison de l'heure tardive, je ne vous donnerai pas lecture des pages du dictionnaire Le Petit Robert concernant les mots « avantage » et « bénéfice ». Cela dit, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 187 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Muller, l'amendement n° 102 est-il maintenu ?

M. Jacques Muller. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 102 est retiré.

Monsieur Le Grand, l'amendement n° 151 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Jean-François Le Grand. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 151 rectifié quater est retiré.

La parole est à Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 190.

Mme Marie-Christine Blandin. Je souhaite attirer l'attention sur la différence qui existe entre les OGM cultivés pour fabriquer de l'insuline par exemple - ils ne sont pas consommés - et les plantes productrices de pesticides en plein champ, qui, elles, sont destinées à la consommation. Pour ces dernières, il y a un vrai risque.

J'ajoute qu'il y a aussi une filouterie, puisque tous les médicaments ou produits phytosanitaires sont soumis à une autorisation de mise sur le marché et que, lorsqu'une plante se transforme en laboratoire chimique de fabrication in situ de la molécule, elle y échappe. Avouez que c'est un scandale !

M. Dominique Braye. Cela n'a rien à voir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Marc Pastor. Nous ne serons pas responsables des problèmes qui pourront surgir !

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le cinquième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement :

« 3° Procède ou fait procéder à toutes expertises, analyses ou études qu'il juge nécessaires ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 103, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le sixième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement par les mots :, en faisant état des positions non consensuelles

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Il nous paraissait très important de faire apparaître dans l'avis les positions non consensuelles. Ce principe relève tout simplement de la transparence, mais aussi de l'état d'esprit des travaux du Grenelle de l'environnement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. L'objectif du Haut conseil est de rendre un avis unique au Gouvernement. Cet avis serait composé, d'après le schéma imaginé par la commission des affaires économiques, d'une part, de l'avis du comité scientifique et, d'autre part, des recommandations du comité de la société civile.

Chacun de ces comités respectera en interne une procédure démocratique pour l'élaboration de son avis. Il ne serait pas pour autant souhaitable que les positions dissidentes fassent l'objet d'une publicité équivalente à celle de l'avis finalement retenu. Cela risquerait d'affaiblir la crédibilité du Haut conseil.

Nous venons en effet, de ce point de vue, de tirer les enseignements du précédent qu'a constitué la cacophonie ayant suivi l'avis rendu le mois dernier par le comité de préfiguration de la Haute autorité sur le maïs Monsanto 810.

La commission émet donc un avis défavorable, dans un souci de lisibilité et de clarté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Sur le principe, nous sommes très favorables à cet amendement. Cela dit, il nous semble que ces dispositions relèvent non pas de la loi, mais plutôt du règlement intérieur de la Haute autorité. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. J'attire l'attention de M. le rapporteur sur le fait que la mention en bas de page des propositions non consensuelles ou divergentes fait partie des règles des processus communautaires d'évaluation.

M. Dominique Braye. Si cela fait plaisir à Jean Desessard...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le sixième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

«...° Reçoit toutes informations issues des rapports de surveillance liée à la dissémination d'organismes génétiquement modifiés ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement vise à tenir informé le Haut conseil des rapports de biovigilance qui mettraient en évidence un risque environnemental lié à la dissémination d'OGM. Cette information est essentielle, car elle peut éventuellement infléchir l'évaluation du risque par le Haut conseil. Cette question rejoint le débat que nous avons eu préalablement sur la biovigilance et nous donne l'occasion d'élaborer, en quelque sorte, des passerelles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement souhaiterait déposer un amendement, qui viserait à insérer un alinéa ainsi rédigé : « est consultée sur le plan annuel de surveillance des OGM et est rendue destinataire du rapport annuel de surveillance mise en oeuvre par les services compétents de l'État au titre du I de l'article L. 251-1 du code rural et peut proposer des priorités ou formuler des recommandations ».

M. Dominique Braye. Nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance pour régler ce problème.

M. le président. Monsieur le rapporteur, le Sénat va accéder à votre demande.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, le mercredi 6 février 2008, à une heure vingt-cinq, est reprise à une heure trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Monsieur le président, je retire l'amendement no 11 rectifié au profit de l'amendement no 238, que le Gouvernement nous présentera dans un instant et dont la rédaction est plus claire et plus ramassée.

La future haute autorité étant l'instance d'évaluation des demandes d'autorisation d'OGM, il est indispensable qu'elle puisse avoir un droit de regard sur le devenir des OGM autorisés. Elle doit donc pouvoir donner un avis sur les plans de surveillance des OGM et être parallèlement le destinataire des résultats de la biovigilance mise en oeuvre par les services de l'État.

M. le président. L'amendement no 11 rectifié est retiré.

L'amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après le sixième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

«...° met en oeuvre des méthodes d'évaluation des risques environnementaux et sanitaires conformes aux dispositions communautaires en vigueur et aux recommandations internationales en la matière ;

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Le Gouvernement prévoit que l'on « met en oeuvre » et non plus que l'on « élabore » des méthodes d'évaluation.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Nous sommes plus précis, cela devrait vous satisfaire.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous n'en sommes pas vraiment heureux, mais nous sommes néanmoins preneurs.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. L'expression « met en oeuvre » englobe plusieurs maillons de la chaîne alors que l'élaboration n'est que le début d'un processus. La haute autorité élabore et met en oeuvre des méthodes d'évaluation des risques.

M. Jean Desessard. N'aurait-il pas été plus simple de l'écrire ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 237.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Belle unanimité !

L'amendement n° 238, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après le sixième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

«...° Est consultée sur le plan annuel de surveillance des OGM et est rendue destinataire du rapport annuel de surveillance mise en oeuvre par les services compétents de l'État au titre du I de l'article L. 251-1 du code rural et peut proposer des priorités ou formuler des recommandations ; »

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Il est défendu.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 238.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement :

« Art. L. 531-4. - Le Haut conseil des biotechnologies est composé d'un comité scientifique et d'un comité de la société civile.

« Le président du Haut conseil des biotechnologies et les présidents des comités, ainsi que les membres des comités, sont nommés par décret du Premier ministre.

« En cas d'utilisation confinée, le président du Haut conseil des biotechnologies transmet l'avis du comité scientifique à l'autorité administrative.

« En cas de dissémination volontaire, le président du Haut conseil transmet l'avis du comité scientifique au comité de la société civile. Après examen de l'avis du comité scientifique, le comité de la société civile élabore des recommandations et peut, à cet effet, convoquer le président du comité scientifique et un membre de ce comité. Le président du Haut conseil des biotechnologies transmet l'avis du Haut conseil, composé de celui du comité scientifique et des recommandations du comité de la société civile, à l'autorité administrative. Cet avis comporte, outre une évaluation des risques, une évaluation des bénéfices.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le fonctionnement du Haut conseil des biotechnologies.

En cas d'utilisation confinée, l'avis du comité scientifique est transmis par le président du Haut conseil au Gouvernement.

En cas de dissémination volontaire, il est proposé que le président du Haut conseil transmette l'avis du comité scientifique sur chaque cas au comité de la société civile chargé d'élaborer des recommandations. Si besoin est, un dialogue peut s'établir avec le président du comité scientifique et avec le rapporteur de l'avis du comité scientifique.

Le président du Haut conseil transmet ensuite au Gouvernement l'avis du Haut conseil composé de l'avis du comité scientifique, d'une part, et des recommandations du comité de la société civile, d'autre part.

Il n'apparaît pas utile de créer un collège regroupant le président du Haut conseil et les présidents des comités ni de prévoir l'élaboration d'une synthèse, impossible, entre les recommandations des deux comités.

La pondération entre les avis et recommandations émanant des deux comités et la hiérarchisation des risques mis au jour doit relever du politique et non du Haut conseil.

M. le président. Le sous-amendement n° 232 rectifié, présenté par M. C. Gaudin et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 12 rectifié pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, remplacer les mots :

et d'un comité

par les mots :

et d'une commission

II. - Dans le deuxième alinéa du même texte remplacer les mots :

des comités, ainsi que les membres des comités

par les mots :

du comité et de la commission, ainsi que leurs membres respectifs

III. - Rédiger comme suit le dernier alinéa du même texte :

« En cas de dissémination volontaire, le président du comité scientifique transmet au cas par cas l'avis du comité scientifique, qui comporte une évaluation des risques et des bénéfices, à la commission de la société civile. Après examen de l'avis du comité scientifique, la commission de la société civile élabore des recommandations et peut, à cet effet, entendre le président du comité scientifique ou son représentant. En dernier lieu, il revient au comité scientifique de rédiger l'avis circonstancié. Le président du Haut conseil des biotechnologies transmet au cas par cas l'avis du comité scientifique à l'autorité administrative.

La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Ce sous-amendement tient compte de la différence qui existe entre un avis et une recommandation.

Le Haut conseil comprend le comité scientifique, composé d'experts, qui rend un avis, et la commission de la société civile, qui élabore des recommandations après avoir pris connaissance de l'avis du comité scientifique. Nous sommes dans un processus de concertation.

La commission de la société civile peut entendre le président du comité scientifique.

La démarche que nous proposons est claire : il y a d'abord l'intervention et l'avis du comité scientifique, et, en dernier lieu, il revient au président du comité scientifique de rédiger un avis, que nous souhaitons « circonstancié ».

Cette démarche simplifie la tâche du président du Haut conseil, qui transmet au cas par cas l'avis à l'autorité administrative.

M. le président. Le sous-amendement n° 224, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 12 rectifié pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le comité de la société civile se prononce après avoir recueilli l'avis du comité scientifique.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Ce sous-amendement vise à préciser que le comité de la société civile se prononce une fois qu'il connaît la décision du comité scientifique. Il convient d'établir une suite logique : une décision du comité scientifique intervient d'abord pour saisir le comité de la société civile, qui pourra à son tour donner son avis.

M. le président. Le sous-amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Soulage et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 12 rectifié pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

La nomination du président du Haut conseil des biotechnologies intervient après avis des commissions du Parlement compétentes en matière d'agriculture et d'environnement.

La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Ce sous-amendement a pour objet de faire précéder la nomination du président du Haut conseil des biotechnologies d'un avis des commissions parlementaires compétentes en matière d'agriculture et d'environnement afin de permettre au Parlement de renforcer son contrôle sur cette instance et de s'assurer ainsi d'une grande indépendance.

Cette démarche est comparable à celle que nous avons adoptée pour la Commission de régulation de l'énergie, la CRE. Elle correspond aussi à une recommandation du comité Balladur.

M. le président. Le sous-amendement n° 180 rectifié bis, présenté par MM. Emorine, de Raincourt, Dulait, Courtois, Besse, Girod, Béteille, Dufaut, Ferrand, Fournier, J. Gautier, Guené, Braye, Texier, Legendre, Richert, Belot et Doublet, Mmes Bout et Rozier, MM. Grignon, Pierre, Billard, Beaumont, Juilhard, Cazalet, Hérisson, Bécot, Saugey et Bailly, Mme Papon, MM. Gaillard et Carle, Mme Lamure, MM. Gruillot, Cambon, Cantegrit, du Luart, Murat et Gouteyron, Mme Sittler, MM. Hyest, de Broissia, Buffet, Cléach, Émin, Guerry, Trucy et Trillard, Mme B. Dupont, MM. Etienne, Fourcade et P. André, Mme Malovry, MM. Martin, Cornu, Valade, Houel, de Rohan, Garrec, Leroy, César et Leclerc, Mme Panis, MM. Ginésy, Romani, Huré, Sido, Fouché, Lardeux, Duvernois et Alduy, Mme Hummel, MM. Fréville, Pinton et Milon, Mme Dumas, MM. G. Larcher, Bernard-Reymond, Pointereau et Mortemousque, Mme Henneron, MM. Vial, Balarello, Falco, Faure, Barraux, Gournac, Detcheverry, Revet, Gérard, Doligé et J. Blanc, Mme Mélot, MM. Souvet, Barbier, A. Boyer, Fortassin, Laffitte, de Montesquiou, Mouly, Othily, Seillier, Marsin et Thiollière et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 12 rectifié pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement par deux phrases ainsi rédigées :

Le président est un scientifique choisi en fonction de ses compétences et de la qualité de ses publications. Il est membre de droit des deux comités.

La parole est à M. Jean-Paul Emorine.

M. Jean-Paul Emorine. Ce sous-amendement vise à préciser le fonctionnement du Haut conseil dont le président sera amené à conduire les débats. Or, le président doit avoir les compétences requises pour participer au débat scientifique et technique autant qu'au débat socioéconomique et éthique. La nomination d'un chercheur reconnu à ce poste permettra de concrétiser la priorité donnée à l'évaluation scientifique.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. le président. Le sous-amendement n° 171 rectifié ter, présenté par MM. Le Grand, Retailleau, Darniche et Seillier, est ainsi libellé :

I. - Dans la deuxième phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 12 rectifié, remplacer les mots :

des recommandations

par les mots :

un avis

II. - Dans la troisième phrase du même alinéa, remplacer les mots :

des recommandations

par les mots :

de celui

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Le remplacement des mots : « des recommandations » par les mots : « un avis » me semble pleinement justifié. En effet, l'amendement n° 12 rectifié ne reconnaît pas à la société civile la possibilité de rendre un avis au même titre que les scientifiques. Elle peut seulement faire des recommandations, ce qui restreint le rôle de ce comité. La haute autorité perdrait alors son caractère pluridisciplinaire, ce qui romprait l'équilibre recherché et acté par le Grenelle de l'environnement.

M. le président. Le sous-amendement n° 226, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par l'amendement n° 12 rectifié pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Haut conseil des biotechnologies rend ses avis en séance plénière.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Ce sous-amendement va dans le sens des propositions que nous formulons depuis de début de cette discussion.

Nous souhaitons que le Haut conseil des biotechnologies rende ses avis en séance plénière de façon qu'il puisse fonctionner normalement avec l'ensemble des partenaires.

M. le président. L'amendement n° 75, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement :

« Art. L. 531-4. - La Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés est composée d'un comité scientifique et d'un comité économique, éthique et social, qui siègent ensemble et délibèrent en réunion plénière sur les dossiers relatifs à la dissémination volontaire et à la mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés, et qui formulent un avis commun. Cet avis comporte les contributions des membres qui souhaitent exprimer une opinion dissidente ou faire une explication de vote.

« Le Président de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés et les présidents des comités, ainsi que les membres des comités, sont nommés par décret du Premier Ministre. »

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Cet amendement a pour objet de permettre aux deux comités de se réunir et d'échanger leur point de vue, garantissant ainsi la prise en compte de tous les aspects éthiques, économiques, sociaux, scientifiques sans que l'un ou l'autre de ces aspects soit privilégié.

Le projet de loi ne précise pas le rôle spécifique de chacun des comités. Lequel des deux comités aura le dernier mot en cas d'avis contradictoire ? Qui des scientifiques ou des représentants de la société civile aura le premier rôle dans le fonctionnement au jour le jour de la haute autorité ?

Il est nécessaire que les analyses scientifiques et techniques n'occultent pas les aspects économiques et sociaux qui demeurent importants dans les choix qui devront être faits.

À cet égard, nous demandons qu'un avis commun soit rendu par les deux comités et que les opinions dissidentes ou les explications de vote puissent figurer dans cet avis. Une telle possibilité est de nature à renforcer la qualité de l'information. Il est souvent très précieux de lire les opinions dissidentes pour éclairer le texte adopté, comme c'est possible pour un certain nombre de sentences juridictionnelles internationales.

En outre, au regard des enjeux, nous considérons qu'il n'est pas satisfaisant que les avis soient rendus par un collège constitué de trois membres seulement. Une formation si restreinte sera toujours susceptible d'être la proie des pressions des divers lobbies qui ne manqueront pas de s'exercer.

Je ne souscris donc pas au sous-amendement qui vise à imposer un scientifique plutôt qu'une autre personnalité à la présidence de la haute autorité. Le comité éthique, économique et social représente plus de 60 millions de Français. Les scientifiques ne représentent qu'une communauté, même si leur avis est bien entendu indispensable.

Je considère que nous sommes mal partis. Je ne comprends pas pourquoi le groupe UMP exerce une si forte pression pour que le président de la haute autorité soit un scientifique.

M. le président. L'amendement no 104, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement :

La Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés est composée de manière paritaire d'un comité scientifique et d'un comité économique, éthique et social. Invités à formuler un seul et unique avis commun, ils siègent ensemble et délibèrent en réunion plénière sur les dossiers relatifs à la dissémination volontaire et à la mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés. Les membres des deux comités, ainsi que le président de la Haute autorité doivent apporter des garanties d'indépendance vis-à-vis des entreprises oeuvrant dans le domaine des organismes génétiquement modifiés ou assimilables.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Nous sommes opposés à la séparation entre un comité scientifique et un comité économique, éthique et social.

Telles qu'elles sont formulées, les dispositions du projet de loi ici visées mettent en place un collège de la Haute autorité ou Haut conseil, composé de trois personnes ayant compétence pour faire la synthèse des avis des deux comités. Cela ne garantit pas la prise en compte équitable des avis de chacun des deux comités, sans que prévalent les considérations des sciences dites « dures ».

Cet amendement a donc pour objet de permettre aux deux comités de se réunir et, ainsi, d'échanger leurs points de vue dans leurs domaines de compétences respectifs. Pour que soit garantie la production d'avis éclairés et prudents, notamment par la prise en compte des aspects éthiques, économiques et sociaux posés par l'utilisation des organismes génétiquement modifiés au même titre que des aspects scientifiques et techniques, les deux comités doivent élaborer conjointement et en réunion plénière l'avis que donnera la haute autorité.

Rien ne fait obstacle à ce que, afin de faciliter l'avancement des travaux lors des réunions plénières et de coordonner les réunions de travail préparatoires des deux comités, le règlement intérieur de la haute autorité prévoie la désignation en séance plénière d'un bureau permanent, qui pourrait notamment être chargé de préparer les réunions.

M. le président. L'amendement no 105, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, après les mots :

est composée

insérer les mots :

de manière paritaire

II. - Après la même phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :

Les représentants du comité économique, éthique et social peuvent assister aux réunions du comité scientifique, et réciproquement.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. C'est un amendement de repli.

M. le président. L'amendement no 72, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, insérer une phrase ainsi rédigée :

Le comité scientifique est composé de personnalités désignées en raison de leurs compétences scientifique et technique dans les domaines se rapportant au génie génétique, à la protection de la santé publique, aux sciences agronomiques et de leur indépendance.

II. - En conséquence, dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-5 du code de l'environnement, supprimer les mots :

la composition,

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Nous considérons qu'il est nécessaire, au regard des enjeux en présence, que la loi fixe les règles de composition du comité scientifique et que le principe d'indépendance soit posé clairement.

M. le président. L'amendement no 73, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, insérer une phrase ainsi rédigée :

Le Comité économique, éthique et social est composé d'associations de consommateurs, d'associations de protection de l'environnement, de représentants d'associations professionnelles dans leur diversité, notamment agricoles, de personnalités scientifiques et d'un représentant de chaque groupe parlementaire.

II. - En conséquence, dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-5 du code de l'environnement, supprimer les mots :

la composition,

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Nous estimons que la loi doit fixer la composition du comité économique, éthique et social.

M. le président. L'amendement no 189, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, insérer une phrase ainsi rédigée :

Le comité économique, éthique et social se prononce après avoir recueilli l'avis du comité scientifique.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Cet amendement ainsi que l'amendement no 191, qui sera appelé dans un instant, sont deux amendements de cohérence correspondant aux sous-amendements nos 226 et 224 qui ont été présentés tout à l'heure. Je n'y reviens donc pas.

M. le président. L'amendement no 106, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Les membres des deux comités ainsi que le président de la Haute Autorité doivent apporter des garanties d'indépendance vis-à-vis des entreprises oeuvrant dans le domaine des organismes génétiquement modifiés ou assimilables.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. C'est un amendement de repli.

M. le président. L'amendement no 179 rectifié bis, présenté par MM. Emorine, de Raincourt, Dulait, Courtois, Besse, Girod, Béteille, Dufaut, Ferrand, Fournier, J. Gautier, Guené, Braye, Texier, Legendre, Richert, Belot et Doublet, Mmes Bout et Rozier, MM. Grignon, Pierre, Billard, Beaumont, Juilhard, Cazalet, Hérisson, Bécot, Saugey et Bailly, Mme Papon, MM. Gaillard et Carle, Mme Lamure, MM. Gruillot, Cambon, Cantegrit, du Luart, Murat et Gouteyron, Mme Sittler, MM. Hyest, de Broissia, Buffet, Cléach, Émin, Guerry, Trucy et Trillard, Mme B. Dupont, MM. Etienne, Fourcade et P. André, Mme Malovry, MM. Martin, Cornu, Valade, Houel, de Rohan, Garrec, Leroy, César et Leclerc, Mme Panis, MM. Ginésy, Romani, Huré, Sido, Fouché, Lardeux, Duvernois et Alduy, Mme Hummel, MM. Fréville, Pinton et Milon, Mme Dumas, MM. G. Larcher, Bernard-Reymond, Pointereau et Mortemousque, Mme Henneron, MM. Vial, Balarello, Falco, Faure, Barraux, Gournac, Detcheverry, Revet, Gérard, Doligé et J. Blanc, Mme Mélot, MM. Souvet, Barbier, A. Boyer, Fortassin, Laffitte, de Montesquiou, Mouly, Othily, Seillier, Marsin et Thiollière et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement par deux phrases ainsi rédigées :

Le président est un scientifique choisi en fonction de ses compétences et de la qualité de ses publications. Il est membre de droit des deux comités.

La parole est à M. Jean-Paul Emorine.

M. Jean-Paul Emorine. Il est défendu.

M. le président. L'amendement no 191, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le Haut conseil rend ses avis en séance plénière. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Le sous-amendement no 232 rectifié met en exergue le comité d'expertise scientifique - cela a au moins le mérite de la clarté ! - et laisse à l'expression des valeurs de la société civile une part qui paraît un peu trop restreinte. C'est pourquoi la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

Le sous-amendement no 224 est satisfait. La commission a donc émis un avis défavorable.

Pour le sous-amendement no 52 rectifié, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

La commission est favorable au sous-amendement no 180 rectifié bis.

Je demande le retrait du sous-amendement no 171 rectifié ter ; à défaut, je serai obligé d'émettre un avis défavorable : l'expression de la société civile est tout à fait légitime, mais elle n'est pas du même ordre que l'avis scientifique, dont la légitimité repose sur l'expertise des auteurs.

M. Jean Desessard. Science sans conscience n'est que ruine de l'âme...

M. Jean Bizet, rapporteur. Il convient donc, pour bien distinguer les registres différents dans lesquels s'exprimeront les deux comités, de désigner de manière différente leur contribution à l'avis du Haut conseil : un avis d'une part, des recommandations d'autre part. Je ne veux pas établir de hiérarchie entre les deux, car l'un et l'autre ont une légitimité bien spécifique.

J'ai vécu pendant quatre ans, lorsque je siégeais à la CGB, la Commission du génie biomoléculaire, une situation que le mélange des genres, en l'occurrence des avis des uns et des autres, a rendue très difficile, au point que personne n'était satisfait. La commission a donc essayé de clarifier les choses autant que faire se pouvait. Cependant, j'y insiste, il n'est pas dans notre intention de placer avis et recommandations à des niveaux différents : ils relèvent de deux légitimités distinctes.

M. Christian Gaudin. Tout à fait !

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur le sous-amendement no 226 ainsi que sur les amendements nos 75, 104, 105, 72 et 73.

L'amendement no 189 est satisfait.

L'amendement no 106 a recueilli un avis défavorable.

L'amendement no 179 rectifié bis a reçu un avis favorable.

Enfin, la commission est défavorable à l'amendement no 191.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. L'amendement n° 12 rectifié nous pose un problème, car il opère, à nos yeux, une trop nette différence entre ce qui est du ressort de l'expertise scientifique et ce qui relève de la société civile. Or l'une des valeurs, l'une des forces du Grenelle de l'environnement était d'avoir réussi à oeuvrer au rapprochement des points de vue et, surtout, au travail conjoint. Il me semblerait intéressant que cet esprit-là se perpétue au sein de la haute autorité. C'est la raison pour laquelle, dans sa rédaction actuelle, l'amendement no 12 rectifié ne nous semble pas acceptable. Nous y sommes donc défavorables.

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable aux sous-amendements nos 232 rectifié et 224.

Il est également défavorable au sous-amendement no 52 rectifié. En effet, la commission Balladur a formulé des propositions en vue de la réforme des institutions. Certaines ont trait aux conditions de nomination à certains emplois publics et seront prochainement débattues devant le Parlement ; il nous semble donc difficile de les anticiper. Par ailleurs, la mesure proposée est d'ordre réglementaire.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée pour le sous-amendement no 180 rectifié bis, tout en préférant que la nomination du président conserve une certaine souplesse.

Il est défavorable au sous-amendement no 171 rectifié ter. En effet, la directive prévoit une évaluation des risques : dès lors que l'on distingue l'avis du comité scientifique, qui portera sur l'évaluation des risques, il paraît préférable que le comité de société civile émette des recommandations. Cependant, le droit européen lui-même prévoit que toute évaluation se fonde sur une évaluation scientifique préalable des risques, et c'est bien là le cadre dans lequel s'inscrit l'organisation proposée pour le Haut conseil. La formulation actuelle nous semble donc préférable.

Pour les raisons déjà invoquées, le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement no 226 ainsi qu'aux amendements nos 75 et 104.

Il en va de même pour l'amendement no 105, puisque les précisions qu'il vise à apporter relèvent, nous semble-t-il, du règlement intérieur du Haut conseil, comme c'était déjà le cas pour un amendement précédent.

Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur l'amendement no 72. Là encore, nous ne souhaitons pas que la composition du comité scientifique ou du comité économique, social et éthique soit fixée par la loi. Nous pensons au contraire qu'il convient de ménager une certaine souplesse dans l'organisation et dans le fonctionnement à venir du Haut conseil.

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement no 73.

Il est encore défavorable à l'amendement no 189, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure à propos du sous-amendement no 232 rectifié et de l'amendement no 12 rectifié.

Pour ce qui est de l'amendement no 106, il nous semble que la garantie de l'indépendance repose sur le caractère collectif de l'expertise. Bien entendu, le décret devra préciser les conditions dans lesquelles les membres contribuent aux travaux et, naturellement, ils devront déposer une déclaration publique d'intérêt. Néanmoins, il n'y a pas lieu de préciser tout cela dans la loi.

Enfin, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée pour l'amendement no 179 rectifié bis. Il lui semble cependant préférable, comme c'était déjà le cas pour le sous-amendement no 180 à l'amendement no 12 rectifié, de laisser une souplesse dans la nomination du président.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Je rappellerai à Mme la ministre la teneur exacte de l'avant-dernière phrase de l'amendement no 12 rectifié :

« Le président du Haut conseil des biotechnologies transmet l'avis du Haut conseil, composé de celui du comité scientifique et des recommandations du comité de la société civile, à l'autorité administrative. »

L'effort de synthèse est donc réel, mais il est tenu compte de ce que les deux réponses, celle du comité scientifique et celle du comité de la société civile, ne peuvent relever de la même légitimité. Pour autant, elles sont toutes deux totalement complémentaires, et je ne pense pas être en opposition avec l'esprit du Grenelle en soulignant cet aspect.

Afin que les choses soient le plus claires possible, je me permets de lancer un appel à notre collègue Christian Gaudin. Je comprends l'objet de sa proposition, qui, en ne faisant état que du comité scientifique et de son expertise, a un caractère quelque peu provocateur. J'avais proposé à la commission, sur ce sous-amendement, de s'en remettre à la sagesse du Sénat. Néanmoins, si notre collègue voulait bien le retirer, M. le ministre d'État et à Mme la secrétaire d'État pourraient être convaincus que l'amendement no 12 rectifié correspond à une architecture qui me semble relativement équilibrée et qui reste dans l'esprit du Grenelle.

Un mélange trop important des avis et des recommandations conduira nécessairement à reproduire ce qu'a vécu la CGB : celle-ci ne comportait pas de comité et menait une réflexion pluridisciplinaire - sans doute moins vaste que celle que permettra la nouvelle composition du Haut conseil, certes ! -, chacun débattant du même dossier. Le résultat était que personne n'était satisfait : ni les scientifiques, qui ne parvenaient jamais à convaincre la société civile, ni la société civile, dont l'avis n'était jamais prépondérant par rapport aux avis scientifiques.

Cette réflexion nous a retenus longtemps et a fait l'objet de nombreuses auditions. La présidente et le directeur scientifique de l'INRA, Marion Guillou et Gérard Pascal, ont été très fermes sur cette notion de séparation et ont insisté sur le fait que les scientifiques émettent un avis et la société civile des recommandations, que ces deux points de vue sont tout aussi importants, mais qu'ils relèvent de deux légitimités différentes.

Madame la ministre, je voudrais essayer de vous convaincre : nous ne sommes pas du tout éloignés de l'esprit du Grenelle, et cela vous apparaîtrait encore plus clairement si notre collègue Christian Gaudin acceptait de retirer son sous-amendement.

M. le président. Monsieur Gaudin, le sous-amendement no 232 rectifié est-il maintenu ?

M. Christian Gaudin. Je persiste à penser que l'amalgame entre l'avis et la recommandation n'est pas favorable à la prise de décision du Haut conseil. Néanmoins, dans la mesure où les deux termes « avis » et « recommandation » figurent dans l'amendement de M. Bizet, et pour marquer mon soutien au rapporteur, je retire mon sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement no 232 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur le sous-amendement no 224.

M. Jean Desessard. Mon explication de vote vaudra également pour les sous-amendements suivants et pour l'amendement présenté par M. Bizet.

Il fut une époque, il y a une quinzaine d'années, où le baril de pétrole ne coûtait pas cher et un certain nombre de personnes de la société civile, avec leurs maigres connaissances, disaient qu'il serait bientôt à cent dollars. Et il y avait des experts, des scientifiques pour nous expliquer que ce n'était pas possible, que nous étions de doux rêveurs.

La notion d'experts, de scientifiques, est une notion relative. En effet, ces derniers ne sont pas indépendants des questions que se pose la société.

Revenons à la séparation faite par M. le rapporteur entre le comité scientifique et le comité de la société civile.

D'abord, il laisse croire que les scientifiques ont le même avis et que, au sein de la société civile, on partagerait également le même avis. Non, les avis des scientifiques sont partagés et les avis de la société civile aussi. Et pour ne pas laisser le comité de la société civile en dehors des problèmes scientifiques, il faut bien sûr qu'il y ait un va-et-vient.

Pourquoi est-il nécessaire de créer un Haut conseil ? Parce que la question est difficile : les scientifiques ne sont pas sûrs, ils doutent, ils apportent des éléments objectifs certes, mais il y a aussi des éléments subjectifs.

Or l'intérêt de la discussion, c'est de débattre à partir des doutes des scientifiques et des doutes de la société civile, d'où l'intérêt du Haut conseil.

Lorsqu'il y a des doutes, on doit appliquer le principe de précaution. Ce dernier ne doit pas empêcher toute action, mais il peut tempérer certaines d'entre elles, et c'est justement la discussion entre les scientifiques et les représentants des valeurs défendues par la société civile qui permettent d'aboutir à une recommandation ou à un avis.

C'est donc une erreur de vouloir séparer le comité scientifique du comité de la société civile. Nous voterons contre l'ensemble du dispositif présenté par M. le rapporteur. Je crains qu'il ne rende insignifiante la contribution du Haut conseil.

M. le président. Monsieur Pastor, le sous-amendement n° 224 est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Pastor. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 224 est retiré.

Monsieur Soulage, le sous-amendement n° 52 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Soulage. Oui monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 52 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 180 rectifié bis.

M. Jean-François Le Grand. Je souhaite m'exprimer avec un peu de solennité et le faire en deux temps, d'abord sur le fond et, ensuite, compte tenu des cosignataires, sur la forme.

Sur le fond - j'en appelle aux souvenirs de Marie-Christine Blandin, puisque nous avons présidé ensemble avec Mme Laurence Tubiana et M. Alain Grimfeld, l'intergroupe des OGM, et je vous remercie, monsieur le ministre d'État, de nous avoir confié cette mission - je souhaite rappeler rapidement, monsieur le président, les trois étapes de la logique qui nous a animés, logique que nous avons retrouvée dans le projet de loi, comme je l'ai dit dans la discussion générale.

La première étape, c'est la connaissance. Nous avons souhaité lui redonner toute sa force de manière qu'elle ne soit confisquée ni par ceux qui, de manière un peu « messianique » - je reprends l'expression d'Alain Grimfeld - expliquent que c'est sans doute la meilleure des choses ni par ceux qui pensent qu'en médiatisant leurs opérations, ils confisquent d'une certaine manière la parole.

Nous avons fait en sorte que la connaissance puisse s'appuyer sur une pluridisciplinarité scientifique.

La deuxième étape, c'est la gouvernance de cette connaissance, c'est-à-dire l'organisation.

La troisième étape, c'est l'ensemble des principes qui doivent figurer dans la loi et qui doivent accompagner la problématique des OGM.

En ce qui concerne la gouvernance - cela a été rappelé par M. Jean Desessard et par M. le rapporteur - il est urgent de faire en sorte que deux communautés qui ne se parlaient pas a priori et qui se comprenaient encore moins aient la possibilité d'échanger.

D'un côté, il y a la communauté scientifique et il ne s'agit pas de rechercher un consensus en son sein, il s'agit d'établir un état des lieux - c'était ce que contenait votre lettre de mission, monsieur le ministre d'État - pour savoir s'il y a des faits nouveaux par rapport à la problématique du Monsanto 810. Il s'agit de faire un bilan des connaissances et non de relancer la recherche.

De l'autre côté, il y a l'organisation économique, éthique et sociale qui devrait fournir à la société civile l'occasion de s'imprégner un peu mieux du discours des scientifiques et de leur poser des questions.

Lorsque j'ai présidé l'intergroupe, j'ai fait en sorte que les deux collèges soient en permanence associés de manière que l'un comprenne l'autre, que l'autre comprenne l'un et qu'ils puissent s'interroger.

Fort de cette expérience, j'affirme que ce serait une erreur de trop dissocier les deux collèges, parce que l'on perdrait l'expertise sociétale qui a été largement souhaitée au sein du Grenelle de l'environnement et qui a fait l'unanimité parmi les membres de l'intergroupe sur les OGM, dont la composition était la même que celle des autres groupes : regroupant cinq collèges, il comprenait des personnes qui n'avaient pas a priori l'habitude de se parler.

Il est donc absolument nécessaire de ne pas scinder de nouveau notre société, qui a été trop souvent séparée, surtout lorsqu'il s'agit d'avoir un avis sur une question aussi importante.

J'en viens à la seconde partie de mon intervention, qui porte sur la forme.

Nos collègues qui ont cosigné le sous-amendement n° 180 rectifié bis pensent qu'un scientifique de renom doit présider la haute autorité.

Que les choses soient claires : je ne fais pas un plaidoyer pro domo, mais je voudrais insister sur ce point. Clemenceau disait : « La guerre ! C'est une chose trop grave pour la confier à des militaires. » Nous avons besoin à la tête de ce Haut conseil d'une personne qui ait la capacité de comprendre les choses, mais aussi de faire en sorte que, comme au sein du Grenelle de l'environnement, les groupes puissent échanger et que leur avis soit ensuite transmis sans être dénaturé ou modifié.

Je le dis avec force et solennité, le document que je vous ai remis, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, a été validé, mot par mot, virgule par virgule, par l'ensemble des scientifiques qui avaient contribué à l'écrire.

Certaines conclusions étaient consensuelles, d'autres ne l'étaient pas, je les ai exprimées telles qu'elles étaient. Il y a eu aussi à côté l'avis éthique, économique et social des non-scientifiques qui participaient à ces travaux. (M. le président manifeste un signe d'impatience.)

Monsieur le président, compte tenu de l'intensité de ce qui s'est passé au moment où l'avis a été rendu, permettez-moi de m'exprimer encore quelques minutes.

L'avis qui a été rendu s'accompagnait d'interrogations fortes. Je reconnais que j'ai fait une erreur, j'aurais dû prendre le temps de préciser, au moment où je remettais le texte, que ces interrogations fortes étaient pour moi autant de doutes.

Il ne faudrait pas, parce qu'un certain désordre a régné au moment où l'avis a été rendu, confondre vitesse et précipitation, confondre l'intérêt profond de ce Haut conseil et quelques événements sur lesquels je ne reviendrai pas. C'est le fond qui doit continuer de nous animer. Nous n'avons pas le droit de faire abstraction des conclusions qui ont été déposées, nous avons le devoir de continuer ce qui a été engagé.

Je crois fermement que la personnalité qui sera choisie pour présider ce Haut conseil ne devra pas être trop marquée par un collège ou par un autre. Si ce devait être un scientifique, le Haut conseil ne serait que scientifique et perdrait toute sa valeur.

Voilà ce que je voulais dire avec solennité. Je regrette d'avoir à prendre cette position étant donné les cosignataires de ce sous-amendement. En tout cas, monsieur le président, ayant eu à souffrir personnellement de certaines attitudes, je tiens à vous remercier des mots que vous avez eus à mon égard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Je me suis trompé, j'ai cosigné ce sous-amendement sans réfléchir suffisamment. Je sais que les scientifiques de haut niveau seront très difficiles à trouver, surtout compte tenu de la charge de travail qui vient d'être évoquée par notre ami Jean-François Le Grand.

D'autres personnalités, je pense à des préfets à la retraite ou à des politiques qui ont déjà démontré leurs compétences, pourraient remplir ce poste. Est-il indispensable de limiter le choix du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Tout d'abord, je rendrai hommage à M. Pierre Laffitte. Ensuite, je ferai part de mon étonnement devant l'alignement des signatures sur ce sous-amendement.

Pourquoi tant de confiance dans le talent d'animation et de synthèse d'un scientifique ? Il n'est pas question ici d'une mission de recherche ou d'expertise mais bien d'une mission d'écoute, de modération et de synthèse.

Autant les scientifiques sont précieux et irremplaçables par leur savoir, leurs analyses, leurs contributions, autant ils ont parfois été pris en défaut dans l'animation du débat démocratique.

Je ne citerai pas de nom, mais certains ateliers du Grenelle de l'environnement ont eu du mal à se mettre en route.

Je ne citerai pas de nom, mais un académicien a longtemps validé l'amiante : on en a pris pour dix ans de plus !

Je ne citerai pas de nom, mais les écoutes de la juge Berthela-Geffroy ont mis une réalité en évidence. Le professeur selon qui le nuage de Tchernobyl se serait « arrêté à nos frontières » a sollicité et obtenu un rapport complaisant des académies qu'il a lui-même rédigé !

En revanche, je citerai un alignement de noms, celui des scientifiques qui ont signé la pétition contre le principe de précaution.

Est-ce dans un tel vivier que vous souhaitez puiser le nom du président du Haut conseil ? En fait, s'il n'était pas plus de deux heures du matin, je proposerais un sous-amendement pour exiger que le président de cette instance s'engage sur le principe de précaution et qu'il ne soit pas choisi parmi les signataires d'une telle pétition, car ce sont peut-être eux les véritables obscurantistes. (MM. Jean Desessard et Jacques Muller applaudissent.)

M. Jean Desessard. Le Président de la République doit-il être un scientifique ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, si nous sommes minoritaires dans cet hémicycle, nous disposons encore d'une possibilité, et d'une seule, celle de pouvoir nous exprimer. Vous comprendrez donc que nous l'utilisions.

Le sous-amendement n° 180 rectifié bis nous interpelle, car nous ne sommes pas dupes.

Notre assemblée vient d'adopter le sous-amendement n° 52 rectifié de notre collègue Daniel Soulage, qui a pour objet de faire précéder la nomination du président du Haut conseil des biotechnologies d'un avis des commissions parlementaires compétentes en matière d'agriculture et d'environnement. J'ai eu le sentiment que l'adoption d'une telle disposition visait à permettre à certains de se « dédouaner ».

À la lecture de la liste des cosignataires du sous-amendement n° 180 rectifié bis, on comprend bien qu'il y a, derrière tout cela, une certaine gêne.

Au demeurant, dans la mesure où nous ne sommes pas « aux affaires » au sein de notre assemblée, nous laisserons de côté la question des motivations réelles des auteurs de ce sous-amendement. Je dirai simplement que Daniel Raoul et moi avons décidé de ne pas prendre part au vote.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Emorine. Après les différentes interventions de nos collègues - je pense notamment à celles de MM. Le Grand et Pastor -, je souhaite apporter une explication rapide sur le sous-amendement n° 180 rectifié bis.

J'ai effectivement été l'un des premiers signataires de ce sous-amendement, qui a ensuite été présenté au sein de notre groupe politique, mais je n'ai forcé personne à le cosigner.

M. Jean Desessard. Je n'ai pas dit cela !

M. Jean-Paul Emorine. Quelle était notre volonté en déposant ce sous-amendement ?

Tout à l'heure, Christian Gaudin a exprimé sa préférence pour un comité d'expertise scientifique qui formulerait des avis.

Pour notre part, nous souhaitons tranquilliser l'opinion publique et nos concitoyens en confiant la présidence du Haut conseil à un scientifique de haut niveau. À ce propos, je vous rassure : aucun des cosignataires du sous-amendement n'est candidat à une telle fonction. (Sourires.)

En outre, le président du Haut conseil sera automatiquement membre de droit du comité scientifique et du comité économique, éthique et social. Dès lors, il pourra naturellement influencer la décision.

Tel est l'esprit qui nous a animés.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 180 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. Jean-François Le Grand. Dans ces conditions, je retire le sous-amendement n° 171 rectifié ter, qui n'a plus d'objet.

M. le président. Le sous-amendement n° 171 rectifié ter est retiré.

Monsieur Pastor, le sous-amendement n° 226 est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Pastor. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 226 est retiré.

La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur l'amendement n° 12 rectifié.

M. Jacques Muller. Le débat que nous venons de vivre me désole profondément. Nous sommes en train - je pèse mes mots - d'enterrer l'esprit du Grenelle. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Je fais référence à cet esprit qui permettait aux scientifiques et à la société civile d'émettre des avis ensemble.

De ce point de vue, permettez-moi de reprendre les propos de M. le rapporteur. M. Bizet a en effet évoqué la position de Mme Marion Guillou, la présidente directrice générale de l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, qui, lors de son audition par la commission des affaires économiques, a déclaré que, s'il pouvait y avoir un dialogue entre les deux parties, on ne pouvait pas mélanger deux systèmes de valeurs, celui des scientifiques et celui de la société civile, aux fins d'émettre un avis commun.

Pour ma part, je suggère à Mme Guillou de venir voir sur le terrain comment M. Masson, le responsable de l'INRA à Colmar, a mis en place un essai OGM sur la vigne en milieu ouvert, en compagnie d'acteurs d'ordinaire hostiles à de telles expérimentations. En réalité, il a tout simplement mis en oeuvre, avant la lettre, les idées formulées dans le cadre du Grenelle de l'environnement.

Je suis donc atterré par le débat qui vient d'avoir lieu. Je le répète, c'est le Grenelle que l'on est en train de tuer.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Monsieur Muller, contrairement à vous, je ne suis pas « atterré » par le débat que nous venons d'avoir. J'en suis même extrêmement satisfait.

En revanche, je suis effectivement « atterré » par certains propos, notamment lorsque nos collègues comparent les groupes de scientifiques à des groupes d'experts, qui - nous le savons bien - n'engagent qu'eux-mêmes.

M. Jean Desessard. C'est pareil !

M. Dominique Braye. Pas du tout ! Les scientifiques, eux, se fondent sur des données scientifiques. L'expertise, la prospective, et les données scientifiques ne sont absolument pas comparables.

À mon sens, l'objet du sous-amendement n° 180 rectifié bis est de redonner à la science, dans le cadre du Grenelle et des réflexions actuelles sur les OGM, la place qui aurait toujours dû être la sienne.

En effet, j'ai participé à deux groupes de travail du Grenelle et j'ai discuté avec des scientifiques. Un certain nombre d'entre eux estiment n'avoir pas eu la place qui devait être la leur.

C'est la raison pour laquelle je me réjouis que ce sous-amendement vise à affirmer le rôle des scientifiques au sein de la réflexion sur les OGM.

À cet égard, certains représentants de la société civile affirment qu'une immense majorité de Français ne veulent pas d'OGM dans leur assiette, tout en précisant que nos compatriotes ne savent pas en quoi ces organismes consistent. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Vous en conviendrez, un tel problème nécessite une réflexion qui ne saurait se limiter à la seule société civile !

Monsieur Emorine, j'approuve totalement le choix de confier la présidence du Haut conseil à un scientifique. En effet, si un porte-parole de la société civile ne peut pas s'improviser scientifique, certains grands scientifiques ont en revanche prouvé qu'ils disposaient de qualités d'analyse et d'humanisme comparables à celles de représentants de la société civile.

C'est pourquoi, pour présider le Haut conseil, il faudra choisir une personnalité représentative à la fois de la communauté scientifique et de la société civile.

Monsieur Emorine, en permettant au président du Haut conseil de participer aux deux comités, vous lui donnez l'occasion de mener une véritable réflexion.

En effet, autrement, ces deux structures risqueraient de reproduire un travers que nous avons trop souvent connu en France : se limiter au plus petit dénominateur commun. Lorsque des instances se limitent à cela, nous, les politiques, n'obtenons pas les avis pertinents que nous avions demandés. À force de toujours rechercher le consensus, on finit par ne plus jamais avoir la vérité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur Braye, prenons l'exemple du nucléaire.

M. Dominique Braye. M. Le Grand vous en parlerait mieux que moi !

M. Jean Desessard. Imaginons qu'un scientifique de haut niveau vous affirme avec certitude que, compte tenu des conditions de sécurité, un équipement nucléaire ne présentera aucun danger.

Mais, mon cher collègue, à côté des certitudes scientifiques, il y a la réalité du monde dans lequel nous vivons, qui se caractérise en l'occurrence par la dissémination nucléaire, les risques de terrorisme ou la volonté de certains États de renforcer leur arsenal militaire nucléaire pour s'en servir contre d'autres.

La confrontation entre la société civile et les scientifiques, c'est cela !

Le scientifique exprime l'état des connaissances actuelles. Mais, si certains savoirs sont diffusés partout dans le monde, si des ingénieurs peuvent les utiliser ou les commercialiser facilement, le danger deviendra réel et les mesures techniques qui avaient été adoptées pour garantir la sécurité du dispositif seront inopérantes.

L'intérêt de la démarche est donc bien de confronter les connaissances scientifiques et leur utilisation concrète pour déceler d'éventuels dérapages.

Notre Président de la République, qui n'est pas un scientifique, veut aller vendre des centrales partout dans le monde. À terme, cela pourrait se révéler extrêmement dangereux.

En clair, cela signifie que, même lorsque nous disposons d'informations scientifiques précises, il est tout de même nécessaire d'analyser la réalité du monde dans lequel nous vivons et d'évaluer les risques de dérapage.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.

M. Dominique Braye. Monsieur Desessard, à l'heure actuelle, chacun se réjouit de la position de la France en matière de gaz à effet de serre.

Permettez-moi donc de répéter les propos que j'ai déjà tenus hier. Les OGM sont aux pesticides ce que le nucléaire est aux gaz à effet de serre. Il est donc nécessaire de les défendre !

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Dans ce débat, je comprends bien les souhaits des uns et des autres.

D'un côté, la commission des affaires économiques voudrait éviter d'éventuelles ambiguïtés du rapport entre, d'une part, la commande politique et, d'autre part, le travail de réflexion. À mon sens, nous pouvons véritablement entendre son argumentation.

De l'autre, certains expriment la crainte qu'une science dominante ayant une méthode de travail en commun ne s'approprie complètement un certain nombre de questions plus globales auxquelles la société est confrontée.

Ces deux inquiétudes peuvent, me semble-t-il, être entendues. Je ne suis pas convaincu que nous disposions aujourd'hui de la bonne réponse. En tout cas, on peut craindre l'enfermement de chacun. Et opposer la société civile aux scientifiques, comme cela se pratique parfois sur certains plateaux de télévision, n'aurait aucun sens.

Comment nous organiser pour répondre à l'interrogation soulevée par la commission ?

En fait, le présent projet de loi n'est pas déclaré d'urgence. Il fera donc l'objet au moins de deux lectures au Sénat et de deux lectures à l'Assemblée nationale. Nous profiterons de l'une de ces quatre lectures pour proposer aux commissions la réflexion particulière du Gouvernement.

En effet, j'ai les mêmes inquiétudes que M. le rapporteur. Dans le même temps, je partage les craintes de ceux qui souhaitent non pas un isolement et une confrontation stériles, mais un croisement des regards sur une question essentielle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 75, 104, 105, 72, 73, 189, 106, 179 rectifié bis et 191 n'ont plus d'objet.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Discussion générale

9

Dépôt d'une proposition de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Hubert Haenel, Mme Catherine Troendle, MM. Francis Grignon, Philippe Richert et Mme Esther Sittler une proposition de loi tendant à modifier certaines dispositions relatives à l'informatisation du livre foncier d'Alsace-Moselle.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 193, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

Transmission de propositions de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 194, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'extension du chèque emploi associatif.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 195, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3771 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu'en 2020.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3772 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Position commune du Conseil 2008/.../PESC renouvelant les mesures restrictives à l'encontre du Zimbabwe.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3773 et distribué.

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Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Le rapport sera imprimé sous le n° 192 et distribué.

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ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 6 février 2008 :

À quinze heures et le soir :

(Ordre du jour réservé)

1. Discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général.

2. Discussion de la proposition de loi (n° 106, 2007-2008) tendant à abroger l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, présentée par M. Jean-Marc Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rapport (n° 191, 2007-2008) de M. Jean-Claude Carle, fait au nom de la commission des affaires culturelles.

3. Discussion de la question orale avec débat n° 13 rectifiée de M. Georges Othily, président du groupe d'étude des droits de l'Homme, à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme sur la politique de la France pour promouvoir le respect des traités internationaux concernant les droits de l'homme.

M. Georges Othily attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme sur la situation préoccupante des droits de l'homme dans certains pays. Malgré leur engagement répété mais formel en faveur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de nombreux pays continuent de bafouer, de façon ouverte ou camouflée, ces droits fondamentaux.

De trop nombreux êtres humains sont toujours persécutés ou victimes de discrimination pour des raisons ethniques, religieuses ou politiques.

Il lui demande comment le Gouvernement français compte agir pour promouvoir le respect effectif de ces droits fondamentaux.

À dix-huit heures :

Dépôt par M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des Comptes, du rapport annuel de la Cour des Comptes.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à deux heures trente.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD