Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Bruno Retailleau, le président.

3. Organismes extraparlementaires

4. Dépôt d'un rapport en application d'une loi

5. Communication relative à une commission mixte paritaire

6. Rétention de sûreté. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale : Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Hugues Portelli, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily.

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

MM. Pierre Fauchon, Robert Badinter, Mmes Bernadette Dupont, Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-Pierre Sueur.

Clôture de la discussion générale.

Mme le garde des sceaux.

Exception d'irrecevabilité

Motion no 51 de M. Richard Yung. - MM. Richard Yung, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet.

Question préalable

Motion no 83 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 50 de M. Pierre-Yves Collombat. - MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

7. Convocation du parlement en Congrès

8. Conférence des présidents

9. Rétention de sûreté. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Demande de priorité

Demande de priorité de l'article 12. - M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. - La priorité est ordonnée.

Article additionnel avant l'article 1er

Amendement n° 40 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme le garde des sceaux. - Retrait.

Article 1er

Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Robert Badinter, Mme le garde des sceaux.

Amendements identiques nos 52 de M. Robert Badinter et 64 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. Pierre-Yves Collombat, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.

Amendements nos 34 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery, 65 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 1 rectifié de la commission et sous-amendements nos 81 rectifié de M. Pierre Fauchon, 32 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 67 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 80 de M. Pierre Fauchon, 63 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 33 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements nos 66 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 53 de M. Robert Badinter. - Mmes Alima Boumediene-Thiery, Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, Pierre Fauchon, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Hugues Portelli, Robert Badinter, Mme le garde des sceaux, MM. le président de la commission, Christian Cointat. - Retrait du sous-amendement no 80 ; rejet des amendements nos 34 rectifié, 65 et des sous-amendements nos 32 et 67 ; adoption des sous-amendements nos 81 rectifié, 63 rectifié ter et de l'amendement no 1 rectifié, le sous-amendement no 33 et les amendements nos 66 et 53 devenant sans objet.

Amendement n° 2 rectifié de la commission et sous-amendements nos 90 du Gouvernement, 47 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 69 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendement n° 68 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Alima Boumediene-Thiery, Josiane Mathon-Poinat, M. le président de la commission, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Retrait des sous-amendements nos 90 et 47 ; rejet du sous-amendement no 69 ; adoption de l'amendement no 2 rectifié, l'amendement no 68 devenant sans objet.

Amendements nos 84 et 35 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.

Amendement no 39 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.

Amendements nos 49 rectifié bis, 85 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 3 de la commission. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Robert Badinter, Pierre-Yves Collombat. - Rejet des amendements nos 49 rectifié bis et 85 ; adoption de l'amendement no 3.

Amendement n° 82 rectifié de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.

Amendement n° 4 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.

Amendements nos 45 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 5 de la commission. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement no 45 ; adoption de l'amendement no 5.

Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.

Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.

Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.

Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.

Amendements nos 37, 48 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 10 et 11 de la commission. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 37, adoption des amendements nos 10 et 11, l'amendement no 48 devenant sans objet.

Amendements nos 87 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 87 ; adoption de l'amendement no 12.

Amendement n° 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.

Amendement n° 14 rectifié de la commission et sous-amendement no 91 rectifié du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement.

Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.

Renvoi de la suite de la discussion.

10. Dépôt d'une question orale avec débat

11. Dépôt d'une proposition de loi

12. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

13. Dépôt de rapports

14. Dépôt de rapports d'information

15. Dépôt d'un avis

16. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet d'un vote intervenu hier soir et portant sur le projet de loi constitutionnelle.

Le compte rendu analytique de la séance d'hier, mardi 29 janvier, indique que M. Philippe Darniche et moi-même n'avons pas pris part au vote, alors que nous souhaitions très clairement voter contre. (Exclamations sur certaines travées de l'UMP- Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)

Je vous remercie de prendre acte de cette rectification.

Par ailleurs, monsieur le président, cette rectification appelle de ma part une remarque un peu plus générale sur nos conditions de délibération. En effet, ce projet de loi constitutionnelle n'est pas un texte banal : il engage notre loi fondamentale, la Constitution ; il marque la première étape du processus de ratification du traité de Lisbonne à l'issue duquel l'Union européenne pourra - ou ne pourra pas, mais ce n'est pas l'objet de mon propos - fonctionner avec des missions nouvelles ; il implique aussi des transferts de souveraineté importants, comme l'a bien noté le Conseil constitutionnel.

Dans ces conditions, je ne comprends pas que nous ayons été amenés à voter nuitamment, entre deux et trois heures du matin, alors même que la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle et, partant, le vote sur l'ensemble étaient inscrits à l'ordre du jour d'aujourd'hui, à quinze heures.

L'Assemblée nationale a résolu ce problème en permettant que l'on dissocie la discussion d'un texte du vote sur l'ensemble, de ce fait un peu plus solennel. Ainsi, dès lors qu'un texte est jugé important, son vote peut être reporté à une séance où l'on est assuré de la présence d'un maximum de parlementaires, c'est-à-dire dans la journée et à une heure qui permet à chacun de travailler dans de bonnes conditions.

Telle est la solution que je me permets de proposer.

Au moment où l'on parle de revaloriser le rôle du Parlement, il nous appartient peut-être de formuler des propositions et de nous saisir des problèmes sans attendre une révision constitutionnelle.

En tout cas, je voulais indiquer très clairement que nous souhaitions nous opposer au projet de loi constitutionnelle.

M. Jean Bizet. Vive la Vendée libre !

M. le président. Mon cher collègue, j'ai pris bonne note de vos observations.

S'agissant de l'organisation de nos travaux d'hier, je tiens à souligner que, au début de l'après-midi, après le rejet, par scrutin public, de la recevabilité d'une motion référendaire, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ainsi que trente de ses collègues ont déposé une demande de discussion immédiate d'une proposition de loi constitutionnelle. La discussion de cette demande a été renvoyée à la fin de la séance, conformément à notre règlement.

Hier soir, à la suite d'une intervention de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, et après avoir consulté la commission et le Gouvernement, Mme Michèle André, qui présidait la séance, a tenu à mettre aux voix la décision de poursuivre ou non l'examen du projet de loi constitutionnelle au-delà de minuit. Nous avions en effet le choix d'interrompre cet examen et de passer à la demande de discussion immédiate, renvoyée en fin de séance.

Une majorité de sénateurs s'est prononcée clairement en faveur de la continuation du débat jusqu'à son terme. Mme Michèle André, après une épreuve à main levée, a même pris la précaution, pour dissiper toute incertitude, de faire voter par assis et levé.

La Haute Assemblée, qui est souveraine, s'est donc prononcée publiquement et sans ambiguïté pour la poursuite de la discussion du projet de loi constitutionnelle et, à l'issue du vote sur l'ensemble, elle a procédé à l'examen de la demande de discussion immédiate.

Concernant la délégation de vote, vous conviendrez avec moi que cette question relève des relations entre le délégant et le délégataire, et la présidence n'a pas à s'immiscer. C'est l'affaire des groupes ou de la Réunion des non-inscrits.

Quoi qu'il en soit, j'ai le plaisir de vous indiquer que votre mise au point a été enregistrée et qu'elle figurera au Journal officiel à la suite du résultat des scrutins correspondants.

Cela étant dit, mes chers collègues, lorsque des textes aussi importants sont à l'ordre du jour, il faut être présent en séance !

3

Organismes extraparlementaires

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation :

- d'un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la mutualité ;

- d'un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine ;

- d'un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière ;

- d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite respectivement la commission des affaires sociales à présenter une candidature pour chacun des deux premiers organismes, la commission des affaires économiques à présenter une candidature pour le troisième et, enfin, la commission des affaires culturelles à présenter une candidature pour le dernier.

La nomination au sein de ces organismes extraparlementaires aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

4

Dépôt d'un rapport en application d'une loi

M. le président. J'ai reçu du président de la Commission nationale des accidents médicaux, en application de l'article L. 1142-10 du code de la santé publique, le rapport annuel pour 2006-2007 de cette autorité.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

5

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

6

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Discussion générale (suite)

Rétention de sûreté

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Exception d'irrecevabilité

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (nos 158, 174).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui est un texte ambitieux.

La commission des lois l'a très bien compris, et je tiens à saluer son président, Jean-Jacques Hyest, pour le travail accompli, car il a parfaitement saisi l'esprit de ce texte...

M. Gérard César. Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. ... et l'a examiné avec précision, ce dont je le remercie.

Je tiens également à remercier votre rapporteur, M. Jean-René Lecerf, de la clarté et l'exhaustivité de son rapport.

Ce projet de loi permettra de mieux protéger les Français et d'aider les personnes condamnées, dans le respect de nos principes fondamentaux. Il aborde la question de la prise en charge des criminels particulièrement dangereux en fin de peine et traite également de l'irresponsabilité pénale pour trouble mental et de l'injonction de soins.

Avant de vous présenter les principales dispositions de ce texte, je tiens, d'une part, à vous en expliquer l'origine et, d'autre part, à revenir sur son champ d'application.

J'entends parfois dire que ce texte vient en réaction à des affaires particulières qui font l'actualité. À cet égard, permettez-moi deux remarques.

La lutte contre la récidive est une préoccupation constante. Depuis 1998, les gouvernements successifs, toutes tendances confondues, ont cherché à améliorer la prise en charge des délinquants dangereux. Des solutions nouvelles ont été mises en place. L'objectif est de réduire leur dangerosité et le risque d'un nouveau passage à l'acte.

Je citerai notamment le suivi socio-judiciaire et le fichier national automatisé des empreintes génétiques, instauré par Elisabeth Guigou et étendu, en 2003, par la loi pour la sécurité intérieure ; le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, créé en 2004 ; le bracelet électronique mobile, mis en place en 2005 et généralisé depuis le 1er août 2007 ; les traitements antihormonaux, dits aussi castration chimique, autorisés depuis 2005 avec consentement ; et, enfin, l'injonction de soins, que j'ai souhaité renforcer avec la loi du 10 août 2007.

Dans le même temps, des réflexions très approfondies ont été conduites. Depuis 2005, trois rapports ont été rendus : le rapport d'une commission santé-justice présidée par un haut magistrat, Jean-François Burgelin ; le rapport parlementaire du député Jean-Paul Garraud, et le rapport, remis au nom de votre commission des lois, par Philippe Goujon et Charles Gautier.

Tous concluent à la nécessité de mettre en place un dispositif permettant de préserver la société des délinquants les plus dangereux. Ils préconisent soit des centres fermés de protection sociale, soit des unités hospitalières de long séjour spécialement aménagées. Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la prise en charge des criminels les plus dangereux a été une préoccupation constante des gouvernements et des parlementaires. Ce n'est pas un sujet qui est apparu au cours de ces derniers mois !

Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi il faudrait s'interdire de répondre aux drames qui surviennent au quotidien.

L'action gouvernementale suppose réflexion et préparation, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire ! Après le temps de la réflexion, vient celui de l'action. Il est de notre responsabilité de corriger les insuffisances de la loi. Il est de notre responsabilité d'assurer la sécurité de tous. Il est de notre devoir d'empêcher que de nouveaux crimes soient commis.

Je vous l'ai dit, depuis plus de dix ans, les gouvernements successifs et les parlementaires ont réfléchi à la prise en charge des criminels particulièrement dangereux. Tous proposent les mêmes solutions.

Depuis dix ans, des mesures nouvelles ont été prises, mais elles ne sont pas suffisantes. Elles ne permettent pas de prendre en charge efficacement les criminels qui présentent les troubles du comportement les plus graves. Et, depuis dix ans, de nouveaux crimes atroces et barbares ont été commis.

Or on s'est aperçu que leurs auteurs avaient déjà été condamnés à de lourdes peines et qu'ils étaient identifiés comme des personnes extrêmement dangereuses. On savait qu'ils recommenceraient, car les mesures nécessaires n'avaient pas été prises.

Les Français s'en sont émus. Pourquoi les criminels qui ont encore des pulsions et qui refusent de se soigner sont-ils malgré tout remis en liberté ? Pourquoi les meurtriers aux profils extrêmement inquiétants sont-ils libérés, alors même qu'on les sait encore extrêmement dangereux ? Pourquoi attendre que ces personnes commettent de nouveaux crimes et fassent de nouvelles victimes pour agir ?

Alors, que faut-il faire, mesdames, messieurs les sénateurs ? Continuer de fermer les yeux ? Réfléchir encore pendant dix ans ? Compatir, quand d'autres jeunes enfants comme les petits Matthias ou Enis sont victimes de violences et d'actes de barbarie ? Regretter que la prison n'ait pas suffi la première fois à leur agresseur ? Se contenter de saluer le courage avec lequel des jeunes filles comme Anne-Lorraine Schmitt résistent à leur agresseur avant de trouver la mort ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Doit-on juste regretter ces événements et ne rien faire, sous prétexte qu'il ne faut pas se soumettre à l'actualité ?

Telle n'est pas ma conception de l'engagement politique. Nous n'avons pas le droit d'attendre. Le Gouvernement a fait le choix de l'action et de la responsabilité. L'actualité nous rappelle la nécessité d'agir pour ne plus subir. Tel est l'objet de ce texte. C'est aussi le sens de votre engagement, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que législateurs, au nom du peuple français.

Avant de vous présenter le projet de loi proprement dit, je voudrais également revenir sur son champ d'application.

Le texte initial ne concernait que les criminels condamnés pour des meurtres, viols ou actes de torture sur des mineurs âgés de quinze ans. La rétention de sûreté vise à remédier à une particulière dangerosité et à prévenir un risque extrêmement élevé de récidive. Ce n'est pas une peine ; c'est une mesure de sûreté.

Les réflexions ultérieures et les travaux des députés ont montré que la dangerosité n'était pas uniquement liée à l'âge et à la vulnérabilité de la victime. Les députés ont donc souhaité que toutes les victimes mineures soient concernées, qu'elles soient âgées de plus ou de moins de quinze ans. Je comprends cette position, et le Gouvernement s'y est rallié. Tuer un enfant de treize ans ou une jeune fille de seize ans démontre une dangerosité semblable. La distinction n'était pas opportune. C'est pour cette raison que les crimes les plus graves commis sur tout mineur ont été retenus.

Les députés ont également voulu que la loi concerne les crimes commis sur une personne majeure avec certaines circonstances aggravantes.

En effet, comment pourrait-on nier la dangerosité du criminel pervers qui torture les victimes ou qui les viole ? Il fallait en tenir compte dans la loi. Votre commission a approuvé cette nouvelle orientation, et je m'en réjouis.

Sur proposition du Gouvernement, le dispositif transitoire a été étendu aux condamnés qui sont actuellement incarcérés pour avoir commis une pluralité de crimes. Il vise les tueurs et violeurs en série.

Il s'agit d'un dispositif transitoire. Après l'entrée en vigueur de la loi, il faudra que la cour d'assises prévoie l'éventualité d'une rétention de sûreté en fin de peine. C'est le principe même du texte.

Mais, d'ici là, nous devons agir. Comment prendre efficacement en charge les détenus particulièrement dangereux qui vont être libérés dans les jours, les semaines, les mois et les années à venir ? Faut-il attendre quinze ans pour que cette loi soit applicable ? Ce ne serait pas responsable. Il n'est de l'intérêt de personne que des criminels reconnus particulièrement dangereux soient libérés pour commettre de nouveaux crimes.

Commettre plusieurs crimes est le signe évident d'une extrême dangerosité. Je pense, par exemple, à Francis Heaulme ou à Pierre Bodein. Avant de commettre les faits qui leur ont valu une condamnation à perpétuité, ils avaient tous deux été condamnés pour plusieurs viols ou meurtres. On aurait pu réagir avant. On ne peut pas laisser libérer des criminels comme ceux-là après l'entrée en vigueur de la loi.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. On sait très bien qu'un bracelet électronique ou qu'une injonction de soins ne seront pas suffisants pour empêcher un nouveau passage à l'acte. La cour d'assises ne pouvait prévoir la possibilité d'une rétention de sûreté au moment de leur condamnation, mais cela ne retire rien à leur dangerosité effective.

Le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères ne s'applique pas ici : la rétention est une mesure de sûreté ; ce n'est pas une peine. Elle est prononcée par des juges, mais elle ne repose pas sur la culpabilité de la personne. Elle ne sanctionne pas une faute ; elle vise à prévenir la récidive. Elle repose sur la dangerosité de certaines personnes condamnées pour des faits graves. C'est une mesure préventive qui répond aux exigences constitutionnelles. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler.

Pour un même niveau de dangerosité, il s'agit de faire en sorte que deux criminels soient traités de façon identique. La date de leur condamnation ne justifie pas de différence de traitement. S'ils réunissent les conditions, ils doivent tous deux pouvoir être placés en rétention de sûreté.

Il fallait donc, et c'est ce qu'a fait l'Assemblée nationale, modifier le projet de loi initial. Monsieur le rapporteur, je connais votre position sur ce point. Nous n'avons pas la même lecture du texte, mais nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cours de la discussion. Je connais votre souhait de renforcer les conditions de placement en rétention de sûreté pour les personnes déjà condamnées. Certes, des améliorations sont toujours possibles, mais, j'y insiste, le principe d'une application immédiate de la nouvelle loi doit être maintenu dans ce texte.

Le champ d'application de la loi a fortement évolué. Certains ne manquent pas de s'en étonner, accusant même le Gouvernement d'aller trop loin.

Toutefois, cette évolution était nécessaire. C'était une question de bon sens et d'efficacité des mesures prises. Cet élargissement, qui est souhaitable, va dans le sens d'une plus grande protection des Français. Il contribue également à renforcer la prise en charge des criminels particulièrement dangereux et leur offrira des solutions nouvelles pour réduire leur dangerosité.

Permettez-moi maintenant de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi.

Il comporte trois volets : des mesures de sûreté pour les criminels particulièrement dangereux ; de nouvelles dispositions pour le traitement judiciaire des personnes déclarées irresponsables pénalement et des mesures de nature à améliorer la prise en charge des détenus nécessitant des soins.

Tout d'abord, sur le premier volet, les criminels particulièrement dangereux en fin de peine seront pris en charge dans un centre socio-médico-judiciaire.

Le jour de la condamnation, le condamné est averti par le président de la cour d'assises qu'il pourra être soumis à un examen de sa dangerosité et, le cas échéant, placé en rétention de sûreté en fin de peine. Un an avant la fin de sa peine, le condamné est soumis à cet examen. La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté se prononce sur la dangerosité de la personne et la probabilité de récidive, sur l'insuffisance de toutes les autres mesures de contrôle de la personne à l'extérieur et sur la nécessité d'un placement en rétention de sûreté.

Si la commission donne une réponse positive à ces trois questions, elle demande au procureur général de saisir une commission régionale composée de magistrats de la cour d'appel. Trois mois au moins avant la date de libération, cette commission rend une décision motivée après débat contradictoire sur le placement en rétention de sûreté. Si aucune autre mesure n'est envisageable et qu'elle décide une rétention de sûreté, cette mesure est valable un an. Elle est renouvelable, mais peut aussi prendre fin à tout moment. La personne retenue ira dans un centre socio-médico-judiciaire placé sous la tutelle des ministères de la justice et de la santé. Elle bénéficiera, de façon permanente, d'une prise en charge médicale et sociale.

S'agissant des personnes atteintes de troubles extrêmement graves et profonds de la personnalité, les soins comporteront une dimension criminologique. La situation sera réexaminée chaque année. Grâce à une bonne coopération entre les services du ministère de la justice et ceux du ministère de la santé, le premier centre socio-médico-judiciaire sera ouvert à titre expérimental au sein de l'hôpital de Fresnes dès le 1er septembre 2008.

Quand la rétention prend fin, la personne peut être soumise à des obligations particulières. Elle peut être placée sous surveillance électronique mobile. Une injonction de soins peut également être ordonnée. En cas de manquement à ces obligations, facteur révélateur d'un regain de dangerosité, la personne pourra faire l'objet d'une nouvelle mesure de rétention.

Comment la loi sera-t-elle mise en oeuvre ? Trois hypothèses sont à distinguer.

Il y a d'abord les condamnés pour lesquels une rétention de sûreté a été envisagée par la cour d'assises le jour de leur condamnation. Ils pourront être placés dans le centre fermé à la fin de leur peine s'ils présentent encore une dangerosité telle que leur remise en liberté, même surveillée, n'est pas possible.

Il y a ensuite les tueurs et les violeurs en série qui sont actuellement incarcérés. Ils pourront être placés en rétention de sûreté à la fin de leur peine. Les cours d'assises n'ont pas pu prévoir pour ces condamnés la possibilité d'un examen de leur dangerosité. Mais cette dangerosité résulte des condamnations prononcées contre eux. Il faut donc prévoir un dispositif transitoire.

Les autres condamnés et ceux qui sont actuellement incarcérés pourront être placés sous surveillance judiciaire après la fin de leur peine. Ils pourront notamment se voir imposer un bracelet électronique mobile et un suivi médical. S'ils méconnaissent ces obligations, ils pourront être placés en rétention de sûreté si ces manquements traduisent un regain de dangerosité.

J'en viens maintenant au deuxième volet du projet de loi : les nouvelles dispositions relatives aux irresponsables pénaux en raison d'un trouble mental.

Pour les irresponsables pénaux, la procédure ne s'achèvera plus par la notification d'une ordonnance de non-lieu. Si le juge d'instruction conclut à une irresponsabilité pénale, la décision pourra être précédée d'un débat sur les éléments à charge et l'état mental de l'auteur au moment des faits. Une audience, en principe publique, se tiendra devant la chambre de l'instruction. Actuellement, cette procédure est prévue, mais en appel seulement. C'est notamment la procédure qui a été suivie lors de l'appel du non-lieu rendu dans l'affaire du meurtre des infirmières de Pau.

Le non-lieu, la relaxe ou l'acquittement seront remplacés par des décisions d'irresponsabilité pour cause de trouble mental. Ces décisions seront inscrites - et c'est une première - au casier judiciaire. La personne étant reconnue comme l'auteur du crime ou du délit, il est normal que la justice en conserve la trace.

L'Assemblée nationale a souhaité que les juridictions puissent décider elles-mêmes de placer en hôpital psychiatrique la personne reconnue irresponsable. C'est une simple faculté qu'elles partagent avec le préfet, qui pourra avoir déjà pris un arrêté d'hospitalisation d'office.

Les juridictions qui déclarent la personne irresponsable pourront également la soumettre à des mesures de sûreté destinées à éviter un nouveau passage à l'acte : l'interdiction de se rendre dans certains lieux, l'interdiction de détenir une arme ou encore l'interdiction de rencontrer les victimes, par exemple. Ces mesures seront applicables dès l'hospitalisation. Elles seront très utiles au moment de délivrer des permissions de sortir.

Enfin, si c'est la chambre de l'instruction qui déclare la personne irresponsable, elle renverra l'affaire devant le tribunal correctionnel à la demande des victimes pour statuer sur leurs demandes de dommages et intérêts.

Troisième volet du projet de loi : les nouvelles dispositions pour améliorer la prise en charge des détenus nécessitant des soins.

Dans le prolongement de la loi du 10 août 2007, le détenu qui refusera des soins en détention pourra se voir retirer toutes ses remises de peine. Le refus de soins sera assimilé désormais à une mauvaise conduite.

L'échange d'informations entre le médecin intervenant en milieu carcéral et le médecin qui suivra le détenu à sa sortie de prison sera amélioré. Cela permettra d'assurer un meilleur suivi médical.

De même, les soignants devront signaler au chef d'établissement les risques pour la sécurité des personnes dont ils ont connaissance.

Il s'agit d'assurer la sécurité des personnels intervenant en milieu pénitentiaire et celle des autres détenus. Ces dispositions ne violent en rien le secret médical. Elles sont la traduction de l'obligation qui pèse déjà sur tous les professionnels. Elle évitera que leur responsabilité pénale ne soit engagée du chef de non-assistance à personne en danger.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez, le Gouvernement vous soumet un texte d'envergure, équilibré et réfléchi. C'est un texte qui concilie la sécurité des Français et le respect des libertés essentielles.

Nous allons en débattre en profondeur. Je souhaite que ce débat soit constructif. Je souhaite aussi que ce débat soit à la hauteur des enjeux. Enfin, je souhaite que ce débat dépasse les simples clivages politiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord replacer ce projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental dans son véritable contexte.

Selon moi, il s'insère dans la suite de la loi récente instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté et dans la préparation de la grande loi pénitentiaire qui nous a été annoncée et que nous appelons de nos voeux sur toutes les travées de cet hémicycle.

L'univers carcéral touche de trop près la condition humaine, il a fait l'objet de trop de rapports unanimement accablants - n'est-ce pas, monsieur le président Hyest ? -, pour que, nous gardant de tout manichéisme, nous ne recherchions pas le plus large consensus.

Dire cela, ce n'est ni oublier la souffrance des victimes, ni ignorer les efforts et l'évolution considérables des personnels de l'administration pénitentiaire. C'est prendre acte de l'étroite corrélation entre de meilleures chances de réinsertion, la lutte contre la récidive, les conditions de travail des personnels, les véritables aspirations des victimes et l'intérêt de la société tout entière.

J'entends encore une vice-présidente d'association, elle-même victime d'un violeur en série ayant récidivé dans les trois mois suivants sa libération, exprimer le souhait que le nouveau système mis en place bénéficie à la fois aux victimes mieux protégées et aux auteurs de crimes sexuels, en permettant de leur apporter des soins efficaces, réduisant ainsi la récidive au taux le plus faible possible.

Je me souviens de son amertume et de sa colère en constatant que la seule activité de son agresseur pendant ses années de détention avait consisté, selon son expression, « à faire de la fonte », c'est-à-dire, pour ceux qui ne sont pas familiers de la réalité carcérale, à tuer le temps par la pratique de la musculation.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En multipliant les visites dans les établissements pénitentiaires, en comparant notre système à celui d'autres pays - notamment les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Belgique et le Canada -, en auditionnant, avec de très nombreux collègues de la commission des lois, une quarantaine d'éminentes personnalités du monde de la justice, de la psychiatrie, de l'université, du secteur associatif, je me suis forgé une triple conviction sur les carences, les insuffisances dont nous souffrons et auxquelles il convient de porter remède au plus vite.

Tout d'abord, nos prisons sont tragiquement affectées par la proportion considérable de détenus qui souffrent de troubles mentaux, de maladies mentales, et qui, selon les estimations les plus fiables, représenteraient environ 20 % de la population carcérale. Certes, ils ont été considérés comme responsables, mais le choix des cours d'assises ne peut qu'être largement hypothéqué par la faiblesse des réponses offertes par une psychiatrie de plus en plus ambulatoire et dont le nombre de lits disponibles en milieu protégé s'est dramatiquement restreint.

La prison devient alors trop souvent le seul moyen de protéger la société, au risque de faire de l'ensemble de nos établissements pénitentiaires le plus grand asile psychiatrique de France. Comment ne pas observer que les déclarations d'irresponsabilité pénale, en application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal relatif à l'abolition du discernement, ont diminué de moitié entre 1987 et 2003, tandis que l'altération du discernement, qui aurait dû constituer une circonstance atténuante en vertu de l'alinéa 2 du même article, se transformait dans les faits en circonstance aggravante ?

Je ne fais qu'exprimer des évidences en rappelant que la prison n'est pas le lieu idéal pour soigner les malades mentaux, d'autant moins que, si des progrès remarquables ont été accomplis en ce qui concerne les soins somatiques, il est loin d'en être de même pour les soins psychiatriques.

Dans ces conditions, il est bien difficile ou bien naïf d'espérer une amélioration de la situation de ce type de détenu et une évolution favorable de son éventuelle dangerosité à la fin de sa peine. Et pourtant, ce ne sont pas ces malades mentaux qui sont essentiellement visés par la rétention de sûreté. Ce sont bien plus les personnes les plus dangereuses atteintes de troubles du comportement et qu'une majorité de psychiatres et de criminologues tendent à ranger parmi les psychopathes. Encore conviendrait-il de pouvoir orienter les personnes souffrant de troubles psychiatriques sérieux et durables vers une structure spécialisée, de type unité hospitalière spécialement aménagée, UHSA, le temps nécessaire à leur traitement, ce que nous vous proposerons par amendement.

Mais, à court terme, ce sont bien les dispositions de l'article 122-1 du code pénal et la distinction entre abolition et altération du discernement qui posent problème et sur lesquelles il conviendrait sans doute de revenir.

Ensuite, qu'il s'agisse de faire face à une maladie ou d'aider au contrôle des pulsions, soins et traitements doivent être dispensés dès le début de l'incarcération et non quelques mois avant la date prévue pour la libération.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il en va de même de l'accompagnement nécessaire pour aborder une formation ou exercer une activité, ce qui faciliterait largement la réinsertion.

C'est ici qu'une véritable évaluation prend tout son sens. Réalisée par une équipe pluridisciplinaire à la suite d'une observation de longue durée, elle permettrait d'élaborer un parcours d'exécution de la peine qui devrait correspondre à une véritable stratégie individualisée de lutte contre la récidive. Lors de mon récent déplacement au Québec, mes interlocuteurs ont tout particulièrement insisté sur les effets positifs de cette évaluation et la part prépondérante qu'elle joue dans les résultats enviables du Canada.

Par différents amendements, nous tenterons de contribuer à des évolutions qualitatives dans ces domaines, évolutions qui concernent aujourd'hui les personnes qui pourraient être soumises à la rétention de sûreté, mais que nous pourrions généraliser demain lors de l'examen du projet de loi pénitentiaire.

Venons en maintenant à la rétention de sûreté proprement dite, afin de lever quelques ambiguïtés sur la position de la commission des lois.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous considérons que cette initiative était nécessaire et qu'elle met fin à un vide juridique dont les conséquences pouvaient se révéler tragiques pour nos concitoyens.

À chacune de mes visites de prison, je demande aux personnels de direction et de surveillance comme aux personnels médicaux s'ils comptent dans leur établissement des cas dont la libération en fin de peine leur paraîtrait exposer la société à un risque majeur. La réponse est toujours positive, même si elle ne concerne qu'un nombre très faible d'individus.

J'ai même pu constater que certains d'entre eux, loin d'éprouver le moindre remord ou la moindre compassion à l'égard de leurs victimes, se plaisaient à raconter encore et encore le plaisir qu'ils avaient pris à leur crime et faisaient part de leur intention de récidiver dès qu'ils en auraient l'opportunité.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est d'abord pour ceux-là que la rétention de sûreté est nécessaire, et l'on peut espérer qu'elle les convaincra également de se soigner puisqu'ils ne pourront plus escompter retrouver une totale liberté à la fin de leur peine s'ils refusent tout aménagement et tout soin.

Bien évidemment, cette rétention de sûreté doit rester l'ultime solution lorsque toutes les autres sont insuffisantes et ne doit surtout pas nous amener à oublier les défaillances de notre système et donc la part de responsabilité que nous devons assumer dans les tragédies que nous avons déplorées.

Qu'il me soit permis de rappeler que, dans la désastreuse affaire Evrard, nous sommes aussi confrontés à une carence de la psychiatrie en milieu carcéral. Quand j'ai visité le centre pénitentiaire de Caen, le docteur Christian Kottler, responsable du SMPR, le service médicopsychologique régional, me confiait qu'en raison du manque de médecins psychiatres les délais pour les demandes d'entretien individuel pouvaient attendre plus de douze mois.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous sommes également confrontés à une carence dans l'exécution des lois puisque le placement sous surveillance électronique mobile, ou PSEM, n'était pas possible, faute de texte d'application de la loi de décembre 2005, au moment de la libération. Ce n'est que le 3 août 2007 qu'un décret d'application rendra possible la mise en place du bracelet électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire et de la surveillance judiciaire.

Enfin, nous sommes confrontés à une carence dans le fonctionnement du service public, puisqu'une adresse laissée par une personne dont nul n'ignorait la dangerosité aurait mérité d'être contrôlée.

La commission des lois s'est également longuement interrogée sur la conformité tant à la Constitution qu'à la Convention européenne des droits de l'homme de la rétention de sûreté. Sur l'application immédiate de cette réforme aux faits et aux condamnations antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi, les avis ont été largement partagés.

La distinction entre mesure de sûreté et peine, ou plus précisément la distinction entre mesure de sûreté et mesure prise en considération de la personne et présentant le caractère d'une sanction ne va pas de soi, et bien imprudent serait celui qui s'aventurerait à prévoir l'éventuelle décision du Conseil constitutionnel.

De même, l'application de la rétention de sûreté aux criminels les plus dangereux, sans que la juridiction de jugement ait pu prévoir expressément dans sa décision le réexamen de la situation de la personne, pourrait poser problème à la Cour de Strasbourg.

Je sais bien que la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne, dans une décision du 5 février 2004, a validé la détention-sûreté, dont le régime ressemble largement à la rétention de sûreté que nous voulons mettre en place, mais ce n'est pas manquer de respect à la cour de Karlsruhe que de rappeler que sa jurisprudence n'a pas davantage de portée dans notre pays que celle du Conseil constitutionnel en Allemagne.

Sur la seconde préoccupation majeure de ce projet de loi, qui est également relatif à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, les opinions exprimées lors des auditions se sont révélées beaucoup plus consensuelles. À l'opposé des craintes exprimées naguère par ceux qui imaginaient que l'on puisse s'aventurer à juger les fous, force est de constater que les nouvelles procédures améliorent le système actuel en permettant à la juridiction qui constate l'irresponsabilité pénale de se prononcer aussi sur la réalité des charges à l'encontre du mis en cause, ainsi que sur les mesures de sûreté indispensables.

Les victimes y trouvent plusieurs motifs de satisfaction : l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental est préférable aux formules génériques souvent mal comprises de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ; la comparution du mis en examen, si son état le permet, est plus aisée ; les victimes ont la possibilité d'entendre des témoins et d'être confrontées à une véritable audience publique ; enfin, l'action en responsabilité civile est facilitée.

On ne peut également que se féliciter de la possibilité pour la chambre de l'instruction de la juridiction de jugement de prononcer, à la suite de la reconnaissance de l'irresponsabilité pénale, une hospitalisation d'office, comme l'a prévu un amendement adopté par l'Assemblée nationale. En cas d'urgence, il peut en effet être prudent d'avoir prévu un tel dispositif, qui constitue peut-être une première approche d'une certaine judiciarisation de l'hospitalisation d'office que réclament un certain nombre de nos collègues, notamment M. Dreyfus-Schmidt.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, au-delà des problèmes qu'il règle, la commission des lois attend de ce projet de loi qu'il définisse les orientations d'une ambitieuse réforme de notre système pénitentiaire.

Je ne sais si la rétention de sûreté constitue, comme nous l'a confié un éminent universitaire, une révolution juridique. Quoi qu'il en soit, je renouvelle le souhait que la prochaine loi pénitentiaire soit la révolution à laquelle nous aspirons. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

M. Robert Bret. C'est l'Arlésienne !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Et sans doute, ce jour-là, la rétention de sûreté perdra-t-elle beaucoup de son utilité, parce que les problèmes auront été traités bien en amont.

Dans cette attente, la commission des lois vous demande, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi, amélioré par les nombreux amendements qu'elle vous proposera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté aujourd'hui, s'il ressortit bien évidemment à la compétence de la commission des lois parce qu'il traite du droit pénal, comporte, chacun l'a perçu, une dimension sanitaire et sociale qui me conduit à intervenir aujourd'hui en tant que président de la commission des affaires sociales.

Notre collègue Jean-René Lecerf, rapporteur au fond, nous a livré une présentation brillante et exhaustive des enjeux et des dispositions du projet de loi. Je limiterai donc mon propos aux interrogations que suscitent, à mon sens, la mise en oeuvre du nouveau dispositif de rétention de sûreté et l'application des injonctions de soins.

J'aborderai tout d'abord la rétention de sûreté, dont la création, si elle est justifiée pour un nombre limité de cas pathologiques, constitue, s'il en était besoin, le constat d'échec de la prise en charge psychiatrique en milieu carcéral. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.)

En effet, avec le développement des soins ambulatoires, au détriment, trop souvent, des hospitalisations de longue durée, la psychiatrie a, en France comme dans la plupart des pays occidentaux, contribué à accroître considérablement la population des malades mentaux et des psychopathes dans les prisons. Or les moyens n'ont pas été mis en oeuvre pour traiter ces personnes et favoriser, lorsque cela était possible, leur réinsertion dans la société. C'est d'ailleurs ce qui nous conduit aujourd'hui à examiner ce texte.

La rétention de sûreté concernera donc chaque année, nous dites-vous, madame le garde des sceaux, une dizaine d'individus. Je me soucie de la sélection de ces personnes qui n'auront pas été jugées capables de vivre en société, y compris avec les dispositifs de surveillance et de soins existants. Je souhaite en effet m'assurer que toutes les garanties seront prises pour ne pas appliquer cette mesure à des personnes qui relèveraient en réalité, compte tenu de leur état psychiatrique, de l'hospitalisation.

Vous n'êtes pas sans savoir que la dangerosité criminologique ne doit pas être confondue avec la dangerosité psychiatrique, ni les malades mentaux avec les criminels. Il apparaît au contraire que la corrélation entre l'existence de troubles mentaux et le passage à l'acte criminel est très faible, de l'ordre de 5 % pour les homicides. Cela ne signifie pas, bien sûr, que je tiens ces situations pour négligeables. Il s'agit juste de donner un ordre de grandeur.

Cette distinction nous amène au problème de l'expertise qui présidera à la décision d'appliquer la rétention de sûreté. Outre la difficulté inhérente à l'évaluation de la dangerosité, on sait que le nombre d'experts psychiatres est insuffisant. Ainsi, 800 experts sont inscrits près des cours d'appel et de la Cour de cassation, et on constate d'importantes disparités géographiques sur le territoire national. Cette pénurie conduit à ce que ces experts, très sollicités pour les meilleurs d'entre eux, ne consacrent plus qu'une infime partie de leur temps aux consultations cliniques, devenant en quelque sorte des « experts professionnels », ce qui ne me semble pas souhaitable.

Pour éviter cet écueil, est-il prévu de rendre l'activité d'expertise financièrement plus attractive, notamment pour les psychiatres libéraux, et, surtout, professionnellement mieux reconnue ?

Se pose également la question des droits qui seront accordés aux personnes en rétention de sûreté. Sur ce point, madame le garde des sceaux, j'avoue ne pas avoir bien compris vos intentions. Je vais donc vous faire part de mon sentiment personnel.

Les personnes qui seront concernées par ce dispositif, dont l'état de dangerosité criminologique aura été reconnu, doivent effectivement être empêchées de nuire ; je ne le conteste pas.

Pour autant, ayant purgé leur peine, les personnes qui seront placées en rétention de sûreté ne doivent plus être considérées comme des détenus.

M. Jean-Pierre Sueur. Elles ne le sont pas !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À cet égard, j'ai trouvé singulier que l'exposé des motifs de votre projet de loi affirme que « pendant cette rétention, la personne bénéficiera de droits similaires à ceux des détenus ». Ne serait-il pas au contraire légitime qu'ils disposent de droits plus étendus que ceux qui sont accordés en milieu carcéral, notamment en matière de visites et d'activités ?

Pour cette même raison, je pense que les centres socio-médico-judiciaires doivent être créés hors des prisons, sans constituer pour autant un service particulier des hôpitaux psychiatriques. Il s'agit, à mon sens, d'inventer un troisième type de lieu et de prise en charge, spécifique à ces personnes elles-mêmes spécifiques, lequel aurait pour triple objectif de protéger la société d'un risque élevé de passage à l'acte criminel, de soigner, mais aussi de permettre, autant que possible, la réinsertion. Je ne suis pas angélique, mais j'ai sans doute gardé quelques réflexes du médecin que je fus.

Sur ce dernier point, madame le garde des sceaux, pouvez-vous nous présenter les moyens qui seront mis en oeuvre, dans le cadre de la rétention de sûreté, pour favoriser une réinsertion sociale ?

La seconde partie de mon intervention porte sur les dispositions relatives à l'injonction de soins.

Ce dispositif, dont le suivi est bien souvent essentiel à une réinsertion sociale réussie, a été encouragé par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, qui en a étendu l'application à d'autres mesures que le seul suivi socio-judiciaire.

Pourtant, sa mise en oeuvre comme son contrôle demeurent problématiques en raison du nombre insuffisant de médecins coordonnateurs rapporté au nombre croissant de personnes concernées. De fait, le recrutement de ces professionnels se heurte, ici encore, au caractère peu attractif de la rémunération et à une évolution de la démographie médicale défavorable aux psychiatres.

Pour remédier à ces difficultés et assurer la mise en oeuvre des injonctions de soins prononcées, il était prévu, dans le cadre de la loi du 10 août 2007, que l'effectif des médecins coordonnateurs soit multiplié par trois d'ici au 1er mars 2008, date de la pleine application des nouvelles dispositions relatives à l'injonction de soins, pour atteindre le nombre de 450 médecins.

Pouvez-vous nous indiquer, madame le garde des sceaux, quel est l'effectif actuel des médecins coordonnateurs ? Leur rémunération a-t-elle été revalorisée, comme l'annonçait la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère de la santé ?

Je l'ai dit, le recrutement de médecins coordonnateurs, et, plus largement, de psychiatres, pour intervenir auprès des détenus qui en ont besoin et, bientôt, des personnes en rétention de sûreté, souffre de l'évolution démographique inquiétante de cette profession.

Il manque aujourd'hui 830 psychiatres dans le secteur public hospitalier, auquel revient, aux termes de la loi du 18 janvier 1994, la prise en charge psychiatrique des détenus.

Or, selon le rapport d'information de notre collègue Jean-Marc Juilhard, la situation va empirer ces prochaines années. De fait, on devrait compter près de 2 000 postes de psychiatres hospitaliers vacants à l'horizon 2020. À ce constat numérique s'ajoute le fait que ces professionnels sont mal répartis sur le territoire national et que les écarts se creusent, avec l'apparition de véritables « déserts psychiatriques », notamment en milieu rural, dans les départements situés au nord de la Loire, dans les banlieues sensibles et outre-mer.

Certes, le relèvement progressif du numerus clausus permettra, à terme, de rétablir cette situation, mais le temps nécessaire à la formation d'un psychiatre est tel que des mesures correctrices s'imposent dès maintenant. Je pense notamment qu'il faut ouvrir la prise en charge de ces personnes aux psychiatres libéraux - pour lesquels la pénurie est moins sensible, car leur rémunération est supérieure -, mais aussi penser aux équipes pluridisciplinaires.

Par exemple, des psychologues agréés devraient être encouragés à intervenir au sein des établissements pénitentiaires, des nouveaux centres de rétention socio-médico-judiciaire et au titre du suivi des injonctions de soins. Cette dernière possibilité a été ouverte par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, mais le décret d'application définissant les conditions de diplômes des psychologues autorisés dans ce cadre n'a toujours pas été pris à ce jour.

Vous comprendrez donc que je sois très favorable à la proposition de la commission des lois tendant à conserver la possibilité, pour un psychologue, de mettre en oeuvre une injonction de soins. Il reste toutefois au ministère de la santé à prendre enfin les mesures réglementaires nécessaires à la définition des formations de psychologues autorisées pour la prise en charge des délinquants sexuels.

De la même manière, je soutiens résolument la proposition de maintenir le droit, pour des médecins ayant reçu une formation adaptée, d'être recrutés comme médecins coordonnateurs des injonctions de soins, afin de pallier la pénurie de psychiatres.

Telles sont, mes chers collègues, les principales observations et interrogations que je souhaitais, en tant que président de la commission des affaires sociales, formuler sur ce projet de loi. Sans doute les précisions que vous m'apporterez, madame le garde des sceaux, lèveront-elles les quelques réticences que j'ai pu laisser transparaître ici ou là. Sur le fond, je vous soutiendrai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Supprimez votre dernière phrase, monsieur le président de la commission des affaires sociales ! Tout le reste est excellent !

Mme Raymonde Le Texier. Oui, c'était très bien, sauf la dernière phrase !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je la maintiens !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, après avoir recueilli l'avis de mes collègues de la commission des lois ce matin, je souhaiterais, pour la clarté de nos débats, que nous puissions disjoindre l'examen des amendements nos 52 et 64 visant à supprimer l'article 1er de celui des autres amendements portant sur cet article.

M. le président. Il n'y a pas d'opposition sur cette demande formulée par la commission  ?...

Il en est ainsi décidé.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hugues Portelli. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Hugues Portelli. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui traite d'un sujet douloureux sur lequel le pays attend des réponses claires, mais aussi responsables.

Si les délinquants très dangereux dont nous devons protéger la société sont des personnes qui ont droit à la garantie de leurs libertés fondamentales, ils ne doivent pas pour autant utiliser leurs droits pour les retourner contre la société, notamment contre les êtres les plus fragiles.

Le projet de loi que vous présentez, madame le garde des sceaux, est courageux ; il est le fruit d'un vrai travail d'écoute et il fait justice de certaines critiques injurieuses qui sont indignes de l'enceinte du Parlement. Sachez que vous avez tout le soutien du groupe UMP du Sénat.

Je tiens aussi à féliciter notre rapporteur, M. Lecerf, pour son travail de grande qualité, pour l'intérêt des auditions auxquelles il a procédé, pour sa rigueur et son honnêteté intellectuelles, bien connues.

Admettre qu'une personne est « inamendable » est une idée choquante dans une société démocratique et humaniste : pourtant, elle correspond à une réalité pour une infime minorité, car il arrive que certains ne soient pas « réinsérables » dans notre société, même après avoir purgé une longue peine. Si ce constat doit être fait, il faut demeurer très prudent et respectueux des droits humains quant à la réponse à apporter.

Je suis persuadé que ne rien faire et nier cette réalité serait contraire à tout humanisme véritable.

Le projet de loi que nous examinons comprend deux volets principaux.

Le premier, relatif à la procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, avait été décrié avant même que son contenu soit finalisé. Je constate que le texte élaboré par le Gouvernement fait l'objet d'un large consensus...

M. Hugues Portelli. ... et je m'en réjouis !

Le second volet, consacré à la rétention de sûreté, vise les personnes condamnées à de lourdes peines, le plus souvent pour infractions sexuelles, et susceptibles de récidiver. C'est sur ce volet que le débat s'est déplacé. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Or ces délinquants très dangereux nécessitent un traitement particulier, protecteur de la société et de ses éléments les plus fragiles. Le projet de loi apporte une réponse à ce problème en proposant de créer, sur le modèle du droit allemand, des centres de rétention et d'instituer une nouvelle mesure de sûreté, la rétention de sûreté.

Mme Raymonde Le Texier. Le droit allemand des années trente !

M. Hugues Portelli. S'agissant du centre de rétention, nous avons proposé un amendement visant à mieux définir ses missions et de bien distinguer la mesure de sûreté, dont il s'agit ici, de la peine.

Je ne comprends pas, et je ne suis pas le seul à cet égard, que l'on puisse assimiler le traitement médical ou psychologique à une peine.

D'ailleurs, dans une décision du 5 février 2004 relative à la mesure de détention-sûreté, la Cour constitutionnelle allemande a rappelé que la peine de prison et la détention à titre de mesure de sûreté visent pour l'essentiel des objectifs différents.

Selon le juge suprême allemand,...

M. Hugues Portelli. ... « la sanction consiste dans le fait de punir en réaction à un comportement coupable et sert à réparer la faute pénale ». En revanche, les mesures de détention sûreté « servent surtout et notamment à la prévention dans le cas spécifique, c'est-à-dire à empêcher des délits ou crimes dans l'avenir en exerçant une influence sur l'auteur ». Enfin, « la détention à titre de mesure de sûreté n'a pas pour but, contrairement à la peine, de faire expier une faute commise, mais de protéger l'ordre public contre l'auteur. C'est non pas la faute pénale, mais la dangerosité dont l'auteur a fait preuve qui détermine le prononcé, l'organisation et la durée de la mesure ».

On peut effectivement rétorquer, comme vous le faites, mes chers collègues, que l'autorité de la chose jugée des décisions de la Cour constitutionnelle allemande ne franchit pas les frontières, (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame), mais il me paraît utile de connaître l'interprétation du juge constitutionnel compétent à propos d'une loi dont le législateur français s'est largement inspiré. Nous ne pouvons ignorer par ailleurs les liens qui existent entre les cours constitutionnelles d'Europe et le développement d'une base jurisprudentielle commune, notamment en matière de droits fondamentaux.

J'en viens, précisément, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel français et à la décision rendue par ce dernier le 8 décembre 2005 sur la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, décision qui rejoint l'appréciation portée par le juge constitutionnel allemand.

En effet, le Conseil constitutionnel français, après avoir relevé que la surveillance judiciaire est ordonnée par une juridiction, qu'elle repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité et qu'elle a pour seul but de prévenir la récidive, en conclut qu'elle ne constitue ni une peine ni une sanction et qu'elle n'est donc pas contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le Conseil constitutionnel remarque, par ailleurs, que cette disposition n'est ni arbitraire ni disproportionnée, parce qu'elle est conforme au principe constitutionnel de protection des personnes et, plus particulièrement, des mineurs et, ensuite, parce que la mesure ne s'applique qu'aux contextes les plus graves. Il ajoute qu'elle peut prévenir des évolutions futures dangereuses.

En outre, la rétention est en rapport avec le but visé, puisqu'elle est fondée sur l'appréciation de la dangerosité de l'intéressé après expertise médicale. Enfin, les garanties procédurales sont sérieuses - caractère juridictionnel de la décision, débat contradictoire, assistance obligatoire de l'avocat, avis de la commission pluridisciplinaire.

En conclusion, dans le cas présent, comme dans l'affaire précédemment examinée par le Conseil constitutionnel, il y a conformité à la Constitution de la rétroactivité de ces mesures. (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.)

M. David Assouline. N'importe quoi !

Mme Raymonde Le Texier. Oui, n'importe quoi !

M. Hugues Portelli. Nous voulons en France un autre institut Pinel, ce centre canadien qui accomplit un travail de grande qualité, humain, avec des personnes présentant une dangerosité importante. Des groupes de parole sont constitués autour de psychothérapeutes qui utilisent des thérapies comportementales et cognitives. Ils apprennent aussi à leurs patients à accepter cet accompagnement.

Il faudra, un jour, se poser la question de la formation de nos thérapeutes, pour que ces centres puissent fonctionner avec le personnel le plus sensibilisé à ces questions. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)

De même, comme le rapporteur et les travaux de la commission des lois l'ont souligné, il faut instaurer une réelle évaluation des troubles mentaux, et ce le plus tôt possible, afin d'aboutir à un meilleur traitement en prison.

C'est pourquoi la commission a déposé un amendement tendant à prévoir une évaluation de la personne au Centre national d'observation de la maison d'arrêt de Fresnes dans l'année qui suit sa condamnation.

Le bilan de cette évaluation est ensuite soumis au juge de l'application des peines, qui peut individualiser la peine à exécuter ou, en cas de troubles psychiatriques graves, transférer la personne dans une unité hospitalière spécialement aménagée.

Madame le garde des sceaux, si cette disposition est bonne, il faudra un jour, peut-être à l'occasion du projet de loi pénitentiaire, s'attacher aux pathologies rencontrées dans les prisons, voire à celles qui sont créées par les conditions d'incarcération.

Le centre de rétention doit être la solution ultime pour tenter de garder sous suivi ces personnes, non seulement afin de leur permettre d'exprimer leur souffrance, mais aussi - et c'est la philosophie de ce texte - pour prévenir la commission de probables infractions particulièrement graves, dirigées contre les personnes.

En effet, mes chers collègues, si ce projet de loi ne concerne que quelques cas, derrière chacun d'eux, il y a une victime, une famille meurtrie, qui ont aussi droit à la considération de notre République.

Mme Raymonde Le Texier. Il veut faire pleurer dans les chaumières !

M. Hugues Portelli. Le second axe de ce projet de loi concerne une nouvelle procédure liée à l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Aujourd'hui, l'article 122-1, alinéa 1, du code pénal dispose que « n'est pas responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».

Le projet de loi permet de reconnaître une personne irresponsable auteur des faits. Nous approuvons cette disposition qui présente deux avantages : tout d'abord, elle permet aux victimes de voir la justice reconnaître leur état de victime ; ensuite, elle aide la personne irresponsable, lorsque son trouble mental n'est pas trop prononcé, à admettre les faits pour pouvoir entrer dans une démarche thérapeutique.

En conclusion, madame le garde des sceaux, le groupe UMP votera sans réserve un texte qu'il estime équilibré, respectueux du droit et utile pour le justiciable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Raymonde Le Texier. Même pas la moindre réserve !

M. David Assouline. C'est l'attaché parlementaire du ministre ! (Protestations sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Pierre Fauchon. Vous devriez avoir honte !

M. le président. Mes chers collègues, j'en appelle à votre sagesse pour conserver à ce débat la sérénité qui convient.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de formuler - un peu tard, je le reconnais - une petite remarque de forme au sujet de l'intervention de M. le président Nicolas About. Je m'étonne, en effet, que la commission des affaires sociales ne se soit pas saisie pour avis de ce texte et, surtout, que M. Nicolas About se soit exprimé en tant que président de la commission des affaires sociales et non pas en son nom personnel. Non que son propos ait manqué d'intérêt, d'ailleurs, mais je trouve cette façon de procéder curieuse. Peut-être, après tout, ne suis-je pas bien au fait des us et coutumes de notre assemblée ?

Au demeurant, cet étonnement n'est rien, comparé à la consternation qui m'a saisie - et je ne suis pas la seule à avoir eu ce sentiment - lors du dépôt du projet de loi.

Comment admettre, en effet, que, avant la présentation d'une loi pénitentiaire, tant attendue et pourtant annoncée, et alors que les lois votées récemment et destinées à lutter contre la récidive ne sont pas ou peu appliquées - du fait tout à la fois de leur caractère récent, du retard dans les décrets d'application et, surtout, de l'absence cruelle et permanente des moyens correspondants -, nous soyons sommés de voter un texte déclaré d'urgence concernant une loi radicale, d'affichage politique certes, mais dont le contenu pose d'énormes problèmes ?

Notre rapporteur nous dit qu'il existe au moins un consensus entre nous sur le fait que les prisons comptent quelques personnes très dangereuses, dont la sortie est « programmée » à une certaine date.

À l'évidence, nous pouvons tous faire ce constat. La preuve en est l'horrible crime qui a été commis par une telle personne peu de temps après sa sortie de prison.

Donc oui, monsieur le rapporteur, nous faisons le même constat. Mais il devrait aussi y avoir consensus sur la nécessité de prendre à « bras-le-corps » - puisque vous avez utilisé cette expression, madame le garde des sceaux- le problème de la détention, l'état calamiteux de l'offre psychiatrique en prison, mais aussi de l'offre générale de soins de la psychiatrie publique, ainsi que la lancinante question des moyens de l'application des lois que les parlementaires votent.

Or le consensus n'existe pas sur cette question.

Ce n'est donc pas pour débattre d'une grande loi pénitentiaire que nous nous retrouvons aujourd'hui. Pourtant, une telle loi nous était présentée comme essentielle, fondamentale, ne serait-ce que pour permettre à la France de ne plus être montrée du doigt quant à l'état de ses prisons !

Un comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, constitué en juillet 2007, a été chargé de réfléchir à l'élaboration de ce texte. Son rapport, qui vous a été remis le 20 novembre 2007, madame le garde des sceaux, présente cent vingt préconisations à cet effet.

Parmi ces propositions, il s'agit, entre autres, de faire de la privation de liberté une sanction de dernier recours par le développement des aménagements de peines, ou encore de donner un sens à la privation de liberté et de constituer, par exemple, au sein de chaque établissement, une équipe pluridisciplinaire chargée du suivi du parcours de chaque détenu.

La loi pénitentiaire devrait être examinée par le Parlement à l'automne prochain.

Débattre du présent projet de loi avant même d'examiner une réforme pénitentiaire, et sans tirer les conséquences de la législation en vigueur en matière de prévention de la récidive, est une aberration. D'autant plus que n'entendons plus parler aujourd'hui de cet ambitieux projet !

Les prisons sont pourtant plus surpeuplées que jamais - le record est atteint, avec 63 000 détenus ! - et les détenus souffrant de troubles mentaux, psychiatriques, de troubles de la personnalité - considérations complexes pour le législateur, mais qui recouvrent des problèmes très concrets - y sont plus nombreux que jamais !

Déjà, en 2000, dans son rapport intitulé Prisons : une humiliation pour la République, la commission d'enquête sénatoriale, dont étaient membres certains d'entre nous ici présents, mettait l'accent sur le nombre élevé de détenus souffrant de troubles mentaux ou de la personnalité et rapportait le chiffre de 30 % de détenus souffrant soit de troubles psychiques à leur entrée en détention, soit de troubles s'étant révélés au cours de leur détention.

Les auteurs du rapport n'hésitaient pas à employer les termes de « retour à la prison de l'Ancien Régime », considérant que « la solution du "moindre mal", celle de l'incarcération des psychotiques, est ainsi retenue, pour le plus grand malheur de l'administration pénitentiaire ».

La commission concluait ainsi : « Paradoxe terrible, la réforme du code pénal et la nouvelle "pratique" des psychiatres ont abouti à un résultat inattendu : de plus en plus de malades mentaux sont aujourd'hui incarcérés. La boucle est bouclée : la prison, aujourd'hui en France, est en train de retrouver son visage antérieur au code pénal napoléonien. »

Comme bien des préconisations de ce rapport d'enquête parlementaire, celle qui concernait les détenus malades, dans tous les sens du terme, n'a pas été suivie d'effet. Tous les rapports, du rapport Burgelin à celui de nos collègues Philippe Goujon et Charles Gautier de juin 2006 relatifs aux délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques, jusqu'à celui du député Jean-Paul Garraud relatif à la dangerosité et à la prise en charge des individus dangereux, n'ont pu que constater l'augmentation du nombre de ces détenus.

Mais ce constat ne pèse pas bien lourd face à l'instrumentalisation non seulement des faits divers mais aussi de l'émotion qu'ils suscitent. Qui, d'ailleurs, n'éprouverait pas d'émotion lorsque de tels faits se produisent ?

Nous ne nous étonnons même plus que les deux volets de ce projet de loi tirent leur source de deux faits divers, comme ce fut le cas pour les précédents textes, à savoir la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales et la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, cette dernière contenant le dispositif relatif aux « peines plancher ».

Je crains que, à l'avenir, chaque nouveau fait divers ne nous conduise à légiférer !

C'est donc tout naturellement que le Gouvernement en arrive aujourd'hui à utiliser une notion floue, la dangerosité criminologique et psychiatrique, qui nous ramène carrément à l'Ancien Régime, pour créer, disons-le, une peine après la peine. Jusqu'alors, on parlait de personnes peu dangereuses, assez dangereuses, très dangereuses, ou exceptionnellement dangereuses. Maintenant, il est question de personnes « inamendables ». Mais jusqu'où allez-vous déplacer le curseur ? Où est la vérité dans cette nouvelle notion, madame le garde des sceaux ? (Mme Brigitte Gonthier-Maurin approuve.) La société a le droit de réagir, mais, s'il s'agit de créer une peine après la peine, il faut le dire.

Le projet de loi crée des centres socio-médico-judiciaires de sûreté. Le texte initial prévoyait que seules les personnes condamnées à une peine supérieure ou égale à quinze ans de prison pour crime, torture ou actes de barbarie et viol commis sur des mineurs de quinze ans pouvaient y être placées. Des députés, toujours prompts à la démesure, ne se sont pas privés d'étendre cette liste, à laquelle ils ont ajouté l'enlèvement et la séquestration, et le tout en visant aussi les victimes majeures.

On peut débattre de cette question, mais ce qui est grave et inquiétant, c'est le flou des notions utilisées et la propension à étendre le champ d'application des dispositifs.

Ainsi, les personnes condamnées dans ces conditions et qui présentent un trouble grave de la personnalité, une particulière dangerosité caractérisée par la probabilité très élevée de commettre à nouveau l'une de ces infractions, pourront, à l'issue de leur peine, être placées dans un centre de rétention de sûreté pour un an, mesure renouvelable indéfiniment pour la même durée.

Pour la première fois depuis 1789, le lien de causalité entre une infraction et la privation de liberté est rompu. La personne ainsi « condamnée » à la rétention aura déjà purgé sa peine. Or le seul fait qu'elle puisse éventuellement commettre une nouvelle infraction conduirait, si ce projet était adopté, à la maintenir à l'écart de la société pour une durée dont elle n'aura pas connaissance.

Une peine de prison a une durée définie. Au mieux, elle est diminuée en fonction des réductions de peine accordées. Tel ne sera pas le cas pour la rétention de sûreté, qui, bien pis, pourra voir sa durée rallongée année après année. C'est une véritable relégation à perpétuité qui est prévue ici.

Soyons clairs : il s'agit d'une condamnation à perpétuité conditionnée à une évaluation !

J'ai la désagréable sensation que nous atteignons ici la limite qu'un État de droit ne peut théoriquement pas franchir. Je comprends d'autant moins cet extrémisme que, faut-il le répéter, le code de procédure pénale n'est pas exempt de mesures censées lutter contre la récidive. Tout est déjà prévu : le suivi socio-judiciaire depuis dix ans, le bracelet électronique, la surveillance judiciaire ou encore l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, le FIJAIS, ces trois derniers moyens ayant été présentés jusqu'à présent par vos prédécesseurs comme la panacée en matière de prévention de la récidive. Malheureusement, on ne peut pas en faire l'évaluation.

Même les peines plancher ne semblent pas vous convaincre de leur efficacité, puisque vous présentez un nouveau texte six mois après leur création. Les condamnés pour des crimes sexuels bénéficieraient-ils de tous ces dispositifs ? Non. Ceux qui ont malheureusement récidivé, qui ont défrayé la chronique des faits divers, en ont-ils bénéficié ? Pas plus. Pourquoi ? Par manque de moyens, de personnels et de volonté politique.

Avez-vous dressé un bilan de l'application de la loi du 12 décembre 2005 avant de vous lancer dans ce dangereux projet ? Non, puisqu'il est difficile d'y procéder aujourd'hui.

De même, la question des causes de la délinquance n'est jamais traitée, pas plus dans ce texte que dans les trois précédents.

Exclure d'office toute cause sociale à des troubles de la personnalité traduit la volonté de fermer les yeux sur la violence qui s'exerce dans notre société et que certains individus ne peuvent gérer.

On ne peut occulter l'environnement d'une personne dont on veut comprendre le comportement.

Vous avez enfin trouvé la solution à un problème qui vous taraude depuis 2002 : comment faire croire à un risque zéro de récidive ? En enfermant à vie les personnes qui potentiellement pourraient à nouveau commettre un crime ! L'étape suivante sera-t-elle d'enfermer à vie les personnes qui pourraient potentiellement commettre un crime ?

Si l'on se fie à la volonté de certains, tels que le député Jacques-Alain Bénisti ou encore l'ancien ministre de l'intérieur, aujourd'hui Président de la République, il serait possible de prédire, à partir de comportements considérés comme anormaux ou à partir de ses antécédents génétiques, qu'un enfant va devenir un délinquant, un pédophile ou une personne suicidaire.

Un tel projet de loi ouvre une brèche sans précédent vers l'enfermement de précaution.

Madame le garde des sceaux, vous dites vous inspirer des exemples étrangers. Certes, le Canada, les Pays-Bas ou encore l'Allemagne ont mis en place des mesures de rétention de sûreté. Mais vous oubliez l'essentiel : dans ces pays, l'évaluation et la prise en charge des détenus considérés comme dangereux ont lieu dès le début de la détention. Ils constituent une modalité d'exécution de la peine et concernent des irresponsables ou des responsables pénaux. C'est une philosophie totalement différente.

Comment peut-on en même temps ne rien faire pendant quinze ou vingt ans et s'engager à prendre en charge médicalement des personnes considérées comme dangereuses, prise en charge dont on nous disait qu'elle est très difficile à mettre en oeuvre à l'heure actuelle ? Qui croire et comment s'y retrouver ?

C'est oublier, une fois de plus, que la détention accroît bien souvent des troubles psychiques, qu'il s'agisse de troubles du comportement, de la personnalité ou d'autres maladies mentales.

Enfin, c'est admettre que ces longues années de détention n'ont servi à rien, puisque la personne est toujours considérée comme dangereuse, comme elle l'était au début.

Pourquoi, par conséquent, ne pas évaluer son comportement dès le début de l'incarcération, non pour dresser un constat, mais pour tirer un certain nombre de conséquences sur la durée de celle-ci ?

Par ailleurs, les pays étrangers ont fait le choix, malgré son coût particulièrement élevé, d'organiser une prise en charge structurée et interdisciplinaire des détenus considérés comme dangereux. Tel n'est pas votre choix, madame le garde des sceaux, puisque ce projet de loi n'est assorti d'aucune mesure budgétaire. Pourtant, cet enfermement nouveau coûtera cher !

S'agissant maintenant du volet relatif aux irresponsables pénaux, ce texte ne peut pas plus emporter notre adhésion. Après le drame de Pau, il était question de juger les irresponsables pénaux. Sans aller jusque-là, ce projet de loi crée néanmoins une procédure juridictionnelle hybride, qui n'est pas un jugement et qui ne permet même pas une amélioration de la prise en charge psychiatrique de ces malades.

L'audience devant la chambre de l'instruction s'apparente effectivement à une audience juridictionnelle de droit commun, mais le problème est qu'elle va aboutir à un préjugement qui va déterminer si les faits sont imputables à la personne considérée comme irresponsable et si celle-ci est effectivement irresponsable.

Si la chambre de l'instruction estime que l'article 122-1 du code pénal n'est pas applicable, elle devra renvoyer la personne devant la juridiction de jugement compétente. Il sera alors difficile à cette dernière de se prononcer de façon impartiale, puisque les faits auront déjà été imputés à l'accusé.

Autant le terme de non-lieu, si l'on s'en tient aux questions de vocabulaire, peut être problématique, autant rien ne justifiait cette procédure quelque peu bizarre.

Enfin, le projet de loi prévoit l'inscription au casier judiciaire de la déclaration d'irresponsabilité pénale, alors même qu'il ne s'agit pas d'une condamnation, ainsi que l'application de mesures de sûreté à l'égard d'une personne dont le discernement a été aboli, laquelle, de surcroît, si elle ne les respectait pas, pourrait se voir appliquer une peine de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende ! Que va-t-on faire ? Va-t-on déclarer une nouvelle fois qu'elle est irresponsable pénalement ?

Décidément, ce projet de loi ne peut emporter notre adhésion, tant sur la forme, l'urgence ayant été déclarée, que sur le fond.

Ce texte, qui bafoue un nombre important de principes fondamentaux et constitutionnels, représente un véritable danger pour notre État de droit. Le simple fait de rendre rétroactives les dispositions sur le placement en rétention de sûreté en est une illustration.

M. le rapporteur, qui a pris le temps d'auditionner beaucoup de monde, ce dont nous le félicitons, a fait de gros efforts pour rendre ce texte acceptable du point de vue du droit et a tenté de le rendre conforme au principe de non-rétroactivité. Hélas ! ce matin, la majorité a elle aussi fait de gros efforts pour battre M. le rapporteur !

Je ne peux croire que notre pays s'engage dans une voie aussi obscure que celle qui est proposée par le Gouvernement, qui fait de la relégation sociale un mode de gestion des personnes. Nous vous proposerons une rédaction très différente pour l'article 1er. Malheureusement, je sais que cela n'intéresse pas du tout la commission des lois. C'est pourquoi mon groupe et moi-même voterons résolument contre ce texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au nom des droits de l'homme !

M. René Garrec. En effet, au nom des droits de l'homme !

M. Georges Othily. Et au nom de la démocratie, mes chers collègues !

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, notre monde compte indéniablement des individus profondément pervers, qui n'ont aucune empathie pour leurs victimes, n'attribuent aucune sensation, aucun sentiment à celles et à ceux qu'ils violent et tuent, notamment les enfants, les adolescents et les personnes âgées.

Ils sont en France quelques dizaines de grands prédateurs de ce type, qui, au mépris des lois et des êtres humains, ne pensent qu'à satisfaire leurs pulsions.

Je voudrais féliciter M. le rapporteur, notre éminent collègue Jean-René Lecerf, pour son excellent travail. Il a su, par les amendements qu'il a proposés à la commission, rendre ce texte plus humain. Il est exact qu'il n'avait pas la tâche facile ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Ce n'est pas parce que ces individus auront passé quinze ou vingt ans en prison qu'ils ne commettront pas à nouveau les mêmes faits gravissimes. Bien au contraire !

M. Georges Othily. Ces personnes sont difficilement réinsérables. Elles représentent un danger immense pour nos enfants et pour la société tout entière. Les dispositifs existants ne permettent pas de protéger suffisamment ces derniers et, au terme de leur peine, ces dangereux criminels ne peuvent donc pas vivre librement sans représenter un réel danger pour le corps social tout entier.

Le constat est simple : les obligations auxquelles peuvent être soumises les personnes libérées et restant dans le cadre d'un placement sous surveillance judiciaire ou de suivi socio-judiciaire ne suffisent pas à prévenir la récidive et à préserver l'intégrité du corps social.

D'une part, certaines mesures, comme le placement sous surveillance électronique mobile, initié par notre ancien collègue Guy-Pierre Cabanel, présentent encore un caractère expérimental, malgré le renforcement progressif de leur régime.

D'autre part, concernant l'injonction de soins, et même si son cadre juridique a été renforcé, la prise en charge psychiatrique et l'offre de soins, en détention ou postérieurement, restent malheureusement très insuffisantes. De plus, rien n'oblige un condamné à se soigner.

Alors, aujourd'hui, après de très nombreux drames, il nous appartient de corriger enfin cette faiblesse de notre droit.

Il est de notre devoir d'intervenir dans le cadre et dans le respect de nos principes démocratiques et de ceux qui sont posés par la Convention européenne des droits de l'homme. Et les droits de l'homme, ce sont aussi et surtout les droits des victimes !

Les faits démontrent que, après leur détention, certains criminels demeurent très dangereux et aptes au mal. Grâce aux nouvelles dispositions prévues par le texte que nous nous apprêtons à voter, ils resteront sous contrôle de la justice tant qu'ils représenteront un danger pour la société.

La mesure principale introduite par le projet de loi consiste dans le placement de la personne, à la fin de sa peine et si un risque très élevé de récidive est constaté, dans un « centre médico-judiciaire » où lui sera proposée de façon permanente une prise en charge médicale et sociale destinée à mettre fin de façon adaptée et progressive à sa rétention. Cette rétention de sûreté n'est pas une peine ; c'est une mesure de sûreté destinée à assurer la protection des citoyens.

Par ailleurs, je me réjouis vivement que ce dispositif ait été étendu par l'Assemblée nationale aux victimes âgées de plus de quinze ans, qu'elles soient mineures ou majeures. Le viol est un crime particulièrement odieux et je ne vois guère en quoi la différence d'âge de la victime justifierait un traitement différent quant aux risques de récidive.

De même, il ne me semble pas que la date de la réalisation des faits criminels puisse empêcher la mise en application du nouveau dispositif.

Le risque élevé de récidive de la personne condamnée doit entraîner, de la même façon que pour les criminels à venir, une rétention de sûreté. Cette rétention doit s'appliquer aux criminels actuellement en détention qui achèveront dans un futur plus ou moins proche leur peine et qui répondent aux critères posés par la loi pour sa mise en oeuvre.

Puisqu'il ne s'agit pas d'une nouvelle peine, la rétention de sûreté ne s'oppose pas au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus dure.

M. Bernard Frimat. C'est scandaleux !

M. Georges Othily. C'est pourquoi j'ai choisi de cosigner avec notre collègue Hugues Portelli, à l'article 12, le sous-amendement n°78 rectifié ter.

À ceux qui continuent de contester les mesures de sûreté créées par ce projet de loi, je tiens à rappeler que, depuis quatre-vingts ans, ce dispositif est en vigueur aux Pays-Bas et qu'il s'applique aussi dans de nombreux pays comme l'Allemagne, la Belgique ou le Canada.

A-t-on encore besoin de preuves de son utilité et de son efficacité ? Ou bien va-t-on persister, en dépit du bon sens, à remettre en liberté non surveillée, ou mal surveillée, des individus au potentiel criminel avéré ?

Il était essentiel aussi de revenir au principe selon lequel la victime doit être placée au centre de notre appareil judiciaire, naturellement dans le respect des droits de la défense.

C'est le second objectif important de votre projet de loi, madame le garde des sceaux : améliorer le traitement judiciaire de l'irresponsabilité pénale pour cause de troubles mentaux par les juridictions répressives, afin de mieux répondre aux attentes des victimes. Il s'agit de les reconnaître et de permettre aux familles de faire leur travail de deuil en paix, le viol et le crime ayant été reconnus comme ayant eu lieu aux yeux du droit et de la nation.

Actuellement, lorsque l'auteur d'une infraction est déclaré pénalement irresponsable, le juge d'instruction rend une ordonnance de non-lieu. Ce terme de « non-lieu » est offensant pour les victimes. Les familles demandent simplement que la justice établisse par qui et comment a été commis le crime ; elles veulent être informées des mesures prises à l'égard de l'auteur de l'acte.

Pour la personne agressée et pour ses proches, être victime d'un responsable ou d'un irresponsable pénal correspond au même traumatisme, aux mêmes dégâts physiques et psychiques.

Rendre justice aux victimes est la première forme et la première exigence de la justice. Aux termes de l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la sûreté est un droit imprescriptible.

Le présent texte, mes chers collègues, me semble présenter toutes les garanties nécessaires au respect du droit des personnes.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la non-rétroactivité ?

M. Georges Othily. C'est pour cette raison que la majorité des membres du groupe du RDSE souhaite l'adopter.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la non-rétroactivité ?

(M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, aborder le problème de la rétention visée par ce projet de loi, c'est bien évidemment prendre le risque de pénétrer dans un monde inconnu, un monde nouveau que la science médicale elle-même n'a pas bien éclairé mais qui s'impose à nous par la cruauté de ses manifestations.

Je veux parler de cette maladie du comportement que nous dénommons « dangerosité criminologique » et qui se caractérise pour l'essentiel par une différenciation fondamentale entre les actes délibérés qui engagent la responsabilité de leurs auteurs et ceux qui le sont moins ou ne le sont aucunement, à l'égard desquels il est question non plus de responsabilité mais de déterminisme ou de fatalité, et qui sortent dès lors du champ pénal stricto sensu, mais à l'égard desquels le système pénal, et plus spécialement la juridiction pénale, doit assumer une responsabilité particulière, puisqu'elle est la plus qualifiée pour établir le partage entre les exigences respectives de la sécurité et du respect des droits de l'homme.

À leur intersection se situe le concept nouveau de rétention, privation de liberté qui, je le répète, est non pas une peine, on ne le dira jamais assez, mais une protection non seulement à l'égard des autres mais aussi, ce que les commentateurs ont le tort d'oublier, à l'égard de soi-même.

Comme toute notion nouvelle, la rétention n'échappe pas au risque d'être perçue comme un « avatar » - certains comprendront cette expression indienne - de notions déjà familières, en l'espèce de la peine de détention, alors qu'il faudrait plutôt la rapprocher de la détention préventive et, plus encore, de l'hospitalisation d'office. Cette assimilation à la peine procède non seulement de la facilité, mais aussi - et je le regrette, chers amis socialistes -, dans un domaine qui s'y prête bien mal, des exigences de la polémique.

M. Bernard Frimat. Vous y excellez !

M. Pierre Fauchon. Des voix, dont certaines particulièrement autorisées, se sont élevées pour dénoncer dans la rétention une variante de la peine, « une peine après la peine », ce qui est à mon sens une assimilation abusive, voire une caricature au regard d'une réalité que nul ne conteste : il existe des individus qui ne peuvent pas s'empêcher de commettre certains crimes et qui trouvent dans cet acte même le plus naturel et le plus légitime des accomplissements. C'est ainsi !

Voilà plus d'un demi-siècle, le romancier anglais Evelyn Waugh évoquait très précisément ce type de situation dans sa nouvelle intitulée La petite sortie de M. Loveday. Il y raconte l'histoire de cet étrangleur de femme, qui, après avoir vécu d'une manière exemplaire dans un asile pendant des dizaines d'années, bénéficie enfin d'une permission de sortie dont il revient après deux heures se déclarant « satisfait d'en avoir bien profité ». On découvre peu après qu'il a en effet répété sur la première femme rencontrée le crime pour lequel il avait été condamné trente-cinq ans plus tôt. Je vous recommande la lecture de cette nouvelle, mes chers collègues.

Nul ne peut nier de telles éventualités, que l'actualité nous remet trop souvent en mémoire, et nul ne devrait nier l'obligation qui nous incombe de mettre de telles personnes hors d'état de nuire, tout simplement. Dès lors, il nous faut accepter de passer du concept faute/punition, auquel nous sommes habitués, au concept dangerosité/prévention et admettre que, si l'exécution de la peine purge en quelque sorte les conséquences de la faute, parce qu'elle acquitte le prix de celle-ci - j'emprunte cette formule à l'un de nos collègues, qui se reconnaîtra -, il en va tout autrement de la dangerosité, qu'il ne s'agit pas de corriger mais dont il convient de prévenir les conséquences dans une démarche de nature sanitaire - M. About le rappelait tout à l'heure - et non morale ou moralisatrice, démarche tendant à soigner pour empêcher et non à punir.

Il est du devoir de la société de refuser la loi de la fatalité et de faire tout ce qui peut être fait pour l'empêcher. C'est ce qui justifie l'instauration de la rétention, au principe de laquelle nous souscrivons pleinement non seulement dans l'intérêt des victimes potentielles, mais dans l'intérêt même des individus concernés -  j'y reviens-, puisqu'elle leur évite le risque d'une récidive dont nous admettons qu'elle est pratiquement inévitable et qui les ramènerait, cette fois pour une durée indéterminée beaucoup plus longue, dans la situation de détention infiniment plus éprouvante moralement et pratiquement que celle de la rétention.

C'est dans ce sens, et dans ce sens seulement, qu'il faut évoquer la perspective de ce qui serait une « peine après la peine », cher ami Robert Badinter, parce que, entre-temps, il y aurait eu une récidive que nous voulons précisément éviter.

Nous souscrivons donc aux intentions des auteurs de ce projet de loi et, pour l'essentiel, aux dispositions qu'ils proposent.

Encore faut-il, et c'est une condition essentielle, que le régime de la rétention ne puisse apparaître, mis à part la nécessaire privation de liberté, que l'on ne peut éviter, comme une détention qui ne voudrait pas dire son nom. Je me permets de demander, à cet égard, que des précisions soient apportées sur l'idée que le Gouvernement se fait de ce régime. Je rejoins ici les préoccupations exprimées tout à l'heure par M. About. Dans quelles conditions seront logés les individus concernés ? Je suppose qu'il s'agira de chambres convenables et non de cellules telles que nous les connaissons. L'hygiène sera-t-elle satisfaisante ? Quelles seront au quotidien les conditions de vie, sachant que la liberté doit y être aussi large que possible ? Des activités et des loisirs seront-ils prévus ?

J'ai la conviction que quelques précisions concrètes seraient de nature à apaiser les inquiétudes que peuvent éprouver ceux-là même qui ne nourrissent pas de prévention à l'égard d'un projet dont ils admettent la nécessité.

Une autre question appelle des précisions qui sont tout à fait nécessaires, me semble-t-il, pour clarifier les problèmes et répondre en particulier - M. Dreyfus-Schmidt devrait être satisfait - à l'objection d'effet rétroactif que certains soulèveront contre ce texte.

Il s'agit de la référence, comme condition préalable essentielle, à une condamnation originelle qui serait d'une particulière gravité. Je n'ai aucun mal à comprendre que l'expertise de dangerosité prévue par le projet de loi et susceptible de provoquer la décision de rétention soit limitée aux individus ayant fait l'objet de telles condamnations, ayant purgé leur peine et dont la prochaine mise en liberté, même surveillée, oblige à poser la question de la « dangerosité ». Mais il s'agit là d'une condition préalable et non de la cause, du fondement de la mise en rétention.

Il s'ensuit que cette cause résidant dans l'état mental de la personne concernée, tel qu'il est au moment de l'expertise médicale prescrite - c'est-à-dire hic et nunc - et renouvelée à tout le moins d'année en année, se situe nécessairement à une date postérieure à la loi. Dès lors, il n'est pas question de rétroactivité, car c'est l'expertise qui est le fondement de la décision, et elle est forcément postérieure à la loi.

M. Pierre Fauchon. Encore faut-il ne pas donner à penser que ce constat d'une situation actuelle ne ferait que révéler une situation d'origine qui, en quelque sorte, se serait tout simplement poursuivie pendant la période de détention. C'est l'interprétation que pourrait accréditer, avouons-le, une rédaction qui exigerait non seulement la condamnation originelle, mais en outre le constat, dès l'origine, de l'état de dangerosité et la prévision, voire la prescription de l'expertise à la fin de la peine.

Un tel dispositif me paraît tout à la fois dangereux au regard de l'application de la rétroactivité et non justifié dans la mesure où ce qui détermine la rétention, c'est l'état de santé en fin de peine et non la prévision qui a pu en être faite - excusez du peu ! - quinze ans plus tôt.

Il faut donc, et il suffit, de définir la condamnation initiale comme une condition et non comme une cause ou une partie de la cause de la rétention.

On peut dès lors s'interroger sur l'opportunité d'ajouter cette exigence de précision et, a fortiori, de prescription initiale, comme le fait le texte dans son dernier état.

On a expliqué cette singularité - madame le garde des sceaux, vous y avez fait allusion tout à l'heure - par la supposée exigence d'une décision de caractère juridictionnel pour éviter la censure de la Cour européenne des droits de l'homme.

Cette crainte ne paraît pas justifiée dès lors que la rétention est non pas une peine mais une variante de l'hospitalisation d'office. Au demeurant, la Cour de Strasbourg ne s'est pas prononcée sur ce genre d'hypothèse. Ne préjugeons pas de ses décisions futures, dans un domaine nouveau aussi bien pour elle que pour nous.

Notre excellent rapporteur propose d'ailleurs que la décision de la commission régionale soit clairement de caractère juridictionnel, ce qui répond en quelque sorte par avance aux préoccupations de la Cour de Strasbourg.

Dès lors, la référence à une prévision et plus encore à une prescription originelle me paraît superflue, pour ne pas dire saugrenue. N'est-il pas curieux de dire à quelqu'un : monsieur, vous avez commis des actes graves, vous êtes condamné à quinze ans de réclusion et, dans quinze ans, on examinera votre dangerosité ? Cela relève de la bizarrerie. Je proposerai donc de supprimer purement et simplement cette référence, ce qui devrait éliminer tout souci de rétroactivité.

Enfin, ultime argument, puis-je faire observer qu'une critique éventuelle de la Cour de Strasbourg n'interviendra pas avant bien des années et qu'elle pourra toujours être prise en compte, alors, au moyen d'une modification législative ? En outre, une telle critique serait tout de même moins fâcheuse que la censure prochaine - et certaine - du Conseil Constitutionnel pour cause de rétroactivité.

Si le Sénat accepte, comme je le suggère, de réduire à l'essentiel l'article 1er qui, je m'en réjouis, réalise déjà la synthèse du texte d'origine, il s'ensuivra que l'article 12, qui vise, ô combien laborieusement ! - quelle que soit la rédaction adoptée, on peine à sa simple lecture -, à éviter, dans certains cas seulement, le problème de la rétroactivité, n'a plus de raison d'être. L'ensemble du texte serait allégé, clarifié, rendu plus lisible sans des ajouts qui, en fait, ne font que le compliquer et l'obscurcir.

Tel est l'état d'esprit dans lequel nous abordons ce texte, assurés que nous sommes de sa nécessité, sans doute, mais soucieux d'une rédaction aussi simple, aussi claire et aussi directe que possible. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à exprimer à M. le rapporteur, et à tous ses collaborateurs, mes remerciements, et sans doute aussi, j'en suis persuadé, ceux de tous les membres de la commission des lois, ainsi que mes félicitations.

En d'autres temps difficiles, j'aurais demandé la publication du rapport par acclamation, en l'assortissant toutefois d'une restriction quant à sa conclusion.

Monsieur le rapporteur, vous avez, avec raison, recentré la création d'une rétention de sûreté au coeur de la crise pénitentiaire majeure que connaît notre pays. Sans doute eût-il mieux valu débattre de la loi pénitentiaire avant de s'interroger sur le cas particulier de criminels extrêmement dangereux. J'évoquerai dans un instant l'approche qui aurait, me semble-t-il, été la meilleure.

Je ne dirai rien de la déclaration d'irresponsabilité pénale, sur laquelle nous reviendrons au cours de la discussion, afin de me concentrer sur la création d'une rétention de sûreté.

Permettez-moi tout d'abord de constater, sans esprit polémique, que l'annonce de la création d'une rétention de sûreté n'a pas été accueillie avec enthousiasme par celles et ceux qui seront appelés à la mettre en oeuvre. C'est même tout le contraire ! Il est rare en effet que de telles mesures suscitent autant d'objections et de tous les côtés, qu'il s'agisse des associations de magistrats, des associations d'avocats - la Confédération nationale des avocats ou le Conseil national des barreaux - des associations de psychiatres - j'ai reçu de l'association des psychiatres hospitaliers experts judiciaires des lettres qui témoignent de leur inquiétude, souvent, de leur protestation, parfois - enfin, bien qu'il soit passé de mode de les prendre en considération, des organisations de défense des droits de l'homme, au premier rang desquelles la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Toutes ces associations et organisations ont émis les plus fermes réserves sur ce projet de loi.

Comme je l'ai indiqué dans mon introduction, il eût mieux valu commencer par le projet de loi pénitentiaire, que nous attendons avec impatience. Si nous étions dans une démocratie tranquille - la nôtre est souvent agitée -, nous n'aurions pas procédé comme nous l'avons fait, après l'affaire Evrard.

Le crime odieux de Francis Evrard a mobilisé, à juste titre, la sensibilité de l'opinion publique. Pour autant, il s'agit d'une affaire unique.

Un criminel a été condamné pour acte grave de pédophilie à une peine de vingt-cinq ans de détention ; il en purge dix-sept. À sa sortie de prison, il récidive. Je me suis demandé combien de cas similaires on recensait depuis trente ans, et j'ai choisi cette durée à dessein. J'ai interrogé, entre autres, les chroniqueurs spécialistes de ces faits divers terribles. Selon les informations que j'ai obtenues, mais je ne demande qu'à avoir la preuve du contraire, l'affaire est unique.

Or, quand se produit une affaire de cette nature, encore une fois une affaire unique, le devoir du Parlement est de s'en saisir. Mais il ne s'agit pas de statuer sur les faits nouveaux qui sont soumis à la justice et qui, en l'occurrence, j'en suis persuadé, aboutiront à un très long éloignement de la société, sans doute à une condamnation à perpétuité. Non, nous n'avons pas le droit d'empiéter sur le terrain judiciaire, et tel n'est d'ailleurs pas l'objet de mon propos.

Il s'agit bien plutôt pour moi de m'intéresser à ce qui s'est passé jusqu'au moment où Evrard commet son dernier crime. Une commission d'enquête parlementaire, comme dans l'affaire Outreau, aurait dû s'interroger et surtout interroger tous ceux qui ont eu la responsabilité de s'occuper d'Evrard depuis ses premiers crimes : pourquoi n'a-t-il pas été pris en charge eu égard à ce que l'on appelle son « état dangereux » ? Pourquoi, alors qu'il était incarcéré dans la prison de Caen, a-t-il dû attendre treize ou quinze mois avant de pouvoir consulter un psychiatre qui lui prescrive un traitement ? Si ce que vous avez indiqué tout à l'heure est exact, monsieur le rapporteur, et je n'ai pas de raison de ne pas vous croire, c'est en effet le délai constaté à Caen pour obtenir un entretien individuel avec un médecin.

En d'autres termes, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, de ce cas unique il convenait de tirer les enseignements, et de le faire publiquement. Les commissions parlementaires dont les débats et les auditions sont télévisés sont d'une incontestable pédagogie démocratique, car elles permettent au public de savoir et au législateur de prévoir. C'est en ce sens que je parlais à l'instant d'une démocratie tranquille, apaisée.

Ce texte, qui porte l'empreinte de la grande habileté de la direction des services judiciaires et de la direction des affaires criminelles et des grâces, que je connais bien, a suscité des réserves à de nombreux égards.

Dans la version qui a été soumise au Conseil d'État, il méconnaissait la Convention européenne des droits de l'homme, dans son article 5, et le principe de non-rétroactivité.

La démarche, inspirée de la pratique allemande, qui consiste à prononcer une condamnation assortie du principe d'une expertise ultérieure pouvant entraîner la mise en oeuvre de la mesure de rétention de sûreté, répond aux exigences de la Convention européenne.

En revanche, sur la question, ici majeure, de la rétroactivité, ou plutôt de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, sans analyser dans le détail une jurisprudence sur laquelle reviendra M. Yung en présentant la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, les choses sont pour moi d'une extrême clarté.

En effet, un détenu qui aujourd'hui exécute sa peine a été condamné à une époque où la rétention de sûreté n'existait pas, par une cour qui ne pouvait pas la prononcer. C'est au cours de sa détention qu'on lui annonce qu'à l'issue de sa peine, en vertu d'une disposition qui, je le répète, n'existait pas au moment de sa condamnation, il pourra être placé pour une durée peut-être perpétuelle dans un établissement fermé, gardé par des personnels pénitentiaires et dont il ne peut sortir que sous escorte. Ce condamné connaîtra alors, croyez-moi, une aggravation considérable de sa situation pénale.

Je considère qu'appliquer cette disposition à un condamné qui exécute une peine prononcée avant la création de la rétention de sûreté constitue une atteinte au principe fondamental de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

Les amateurs d'histoire savent que Mirabeau, lors de la discussion de la Grande Déclaration, témoignant une fois encore de sa sublime éloquence, s'exclama : « Là où la loi pénale est rétroactive, la liberté ne peut être : son ombre même ne subsiste pas. »

C'est ainsi ! Mais, au-delà des efforts de qualification, il reviendra en définitive au Conseil constitutionnel de se prononcer.

Je tiens en cet instant à souligner que la rétention de sûreté altère les principes fondamentaux sur lesquels repose notre justice.

En effet, mes chers collègues, depuis la Révolution, dans notre société, seule la justice a le pouvoir d'emprisonner un homme à raison d'une infraction commise ou, à titre exceptionnel, à raison d'une infraction dont il est fortement soupçonné d'être l'auteur.

Même la relégation de jadis, instituée en 1885, et qui a été supprimée en 1970, était une peine complémentaire prononcée par une cour d'assises.

Pas de prison, pas de détention, sans infraction : ce principe est le fondement de notre justice criminelle depuis deux siècles.

Pourquoi est-il essentiel ? Il ne suffit pas de rappeler les principes en disant qu'il en est ainsi. Il faut voir ce qu'ils recèlent, pour nous, de fondamental. Ce principe est essentiel parce que, depuis les Lumières, depuis la Révolution, nous considérons - et c'est le fondement de la démocratie - que l'être humain est doué de raison. S'il viole la loi, expression de la volonté générale, c'est bien parce qu'il est doué de raison qu'il doit répondre de son acte devant ses juges.

La justice, dans une démocratie, repose ainsi sur une certaine idée, propre à la démocratie, de la liberté humaine et de son corollaire, la responsabilité de celui qui viole la loi.

Or, avec la rétention de sûreté, au-delà de toutes les précautions de procédure et de tous les efforts de terminologie, nous franchissons la ligne qui sépare cette justice de liberté fondée sur la responsabilité de l'auteur de l'infraction, d'une autre justice fondée sur la dangerosité appréciée par des experts -  le plus souvent des psychiatres - d'un auteur virtuel d'infractions éventuelles.

C'est bien là, en effet, un changement profond de notre justice : vous me permettrez de douter qu'il s'agisse d'un progrès.

Que nous propose-t-on sous l'étiquette de « rétention de sûreté », sous l'étiquette de « placement dans un centre socio-médico-judiciaire fermé » ? On nous propose le placement, pour une durée d'un an reconductible de façon indéfinie, d'êtres humains, de femmes et d'hommes, non pour ce qu'ils auront fait mais pour ce qu'ils sont présumés être : des individus dangereux. Nous quittons le domaine assuré des faits et des règles de preuve pour nous aventurer dans une autre direction. D'autres sociétés l'ont suivie, et nous savons quelles elles sont ; ce n'est pas le cas aujourd'hui, mais il n'est pas indifférent de le rappeler.

Ces individus, ces hommes et ces femmes, ne seront plus emprisonnés comme des condamnés après un procès public. Ils seront détenus - ou retenus, mais le mot ne change rien - comme des criminels virtuels, par décision d'instances composées de magistrats qui, je l'ai rappelé, se prononceront à partir d'expertises psychiatriques ou d'examens de dangerosité criminologique, avec tous les aléas que cela comporte, et qui seront amenés à rendre uniquement un verdict de dangerosité criminologique.

Je plains les magistrats qui auront à assumer cette tâche, car ils sauront que, face au risque évoqué par les experts - je tiens tout de même à rappeler qu'en matière de viol le taux de récidive constaté est de 1 %, mais peu importe -, si par malheur une récidive survient, la responsabilité, aux yeux de l'opinion publique, pèsera entièrement sur ceux qui, en l'espèce, auront refusé la rétention.

Si, en revanche, ils prononcent la rétention, que pourront-ils invoquer ? L'expertise psychiatrique ? Si tel est le cas, je me dois de mettre en garde : quand la justice de sûreté remplace la justice de liberté, elle est vouée à devenir une justice psychiatrisée. Dès lors sera ouverte une voie dans laquelle, pour ma part, je ne pourrai m'engager.

La rétention de sûreté, parce qu'elle quitte le terrain assuré des faits pour le diagnostic aléatoire de la dangerosité criminologique, ne peut que méconnaître les principes dans lesquels s'enracine une justice de liberté.

En réalité, au nom d'un principe de précaution élargi à la justice criminelle, une décision de justice maintiendra en détention, dût-on qualifier celle-ci de « thérapeutique », des êtres humains auxquels aucune infraction n'est imputée, simplement de crainte qu'ils n'en commettent une nouvelle.

Depuis le temps de la Révolution, on enseigne dans nos universités - je l'ai enseigné moi-même à des générations d'étudiants, et j'en tire fierté - que mieux vaut un coupable en liberté qu'un innocent en prison.

M. Alain Gournac. Et les victimes ?

Mme Bernadette Dupont. Oui, ce sont elles qui nous intéressent aujourd'hui !

M. Robert Badinter. Mes chers collègues, les temps vont changer.

M. Pierre Fauchon. Parlez-nous des victimes !

M. Robert Badinter. Pour prévenir un crime virtuel, la nouvelle justice de sûreté va permettre la détention d'hommes et de femmes déjà jugés, déjà condamnés et dont la peine aura déjà été purgée, au seul motif de leur dangerosité présumée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si ce n'est pas de la vengeance !

M. Robert Badinter. Et si, sur trente retenues, vingt-neuf devaient ne pas correspondre au diagnostic ? Pourquoi les retenir de si longues années, au nom d'une décision de justice ?

Ainsi donc, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l'homme dangereux va remplacer l'homme coupable devant notre justice. Que devient, dans ce système nouveau, le principe premier de toute justice, celui de la présomption d'innocence ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Gournac. Pas un mot pour les victimes !

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est bien difficile d'intervenir après un orateur tel que M. Badinter !

Bien des choses ont été dites. Je serai donc brève et me contenterai, n'étant ni avocat ni juriste, de vous livrer quelques réflexions.

La remise en liberté, après une détention égale ou supérieure à quinze ans, de la personne ayant commis un crime sur un mineur - meurtre ou assassinat, torture ou acte de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration - appelle sans aucun doute des précautions extrêmes quant au respect et à la sécurité tant des victimes que de la société tout entière. Des drames récents ont été sans conteste l'oeuvre de récidivistes.

Le projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui introduit dans le code de procédure pénale un chapitre III dont l'article 706-53-13 prévoit, en fin d'exécution de la peine, une rétention de sûreté pour toute personne qui présenterait des troubles graves de la personnalité, des troubles mentaux et une certaine dangerosité entraînant la probabilité d'une récidive. Cette mesure s'appliquerait également à des personnes ayant commis des actes criminels sur des majeurs.

Ne pas laisser en liberté des individus dangereux est une évidente nécessité. Toutefois, il faut s'interroger sur l'effet d'une longue incarcération - quinze ans ou plus. La prison, dans son fonctionnement, aura-t-elle offert au détenu le moyen d'une réflexion sur lui-même, des soins appropriés à son état, lorsque des troubles de la personnalité, a fortiori des troubles psychiatriques, sont avérés ? Est-elle vraiment, dans de tels cas, la solution adaptée ?

Chacun de ceux qui, parmi nous, ont approché peu ou prou les prisons a constaté les faiblesses de notre système pénitentiaire, notamment pour ce qui concerne les soins, eu égard à la surpopulation qui frappe certains de nos établissements.

La surpopulation n'est cependant pas la seule raison. Malgré les efforts fournis par les équipes d'encadrement, pourtant compétentes, le manque de moyens pour une prise en charge efficace est flagrant. Sur le plan médical - tout cela a déjà été rappelé -, le nombre de médecins est notoirement insuffisant et les délais d'attente pour les consultations psychiatriques interminables.

Se pose d'ailleurs ici la question de savoir si les conditions de travail offertes au corps médical dans un milieu aussi difficile sont suffisamment incitatives. Notre collègue M. About a évoqué le problème de la rémunération proposée à ces médecins, dont certains sont vacataires tandis que d'autres ne travaillent que dans les prisons.

Les détenus concernés ont cependant besoin de bénéficier dès le début de leur incarcération d'une évaluation ainsi que d'une prise en charge humaine, sanitaire et sociale adaptée, d'un suivi et d'un accompagnement réguliers. La mise en place de telles mesures ne peut attendre l'approche de leur libération : il faut traiter en amont et ne pas simplement se contenter de prévoir l'aval.

Pour ce qui est des soins, madame le garde des sceaux, vous avez annoncé plusieurs dispositifs à destination des détenus. J'ai noté la création de 700 places, réparties dans 17 unités hospitalières spécialement aménagées à partir de 2009; j'ai également relevé que le nombre de médecins coordinateurs chargés du suivi des personnes condamnées sera porté à 500 dès cette année. C'est un signe fort, dont la concrétisation doit survenir rapidement.

De manière plus générale, j'ajouterai qu'il me semble indispensable, dans ce débat de société essentiel, que tous les intervenants, professionnels ou bénévoles, et ces derniers sont nombreux - visiteurs de prisons, aumôniers de différents cultes, notamment -, soient entendus et deviennent de véritables parties prenantes. Car ce débat touche au respect des droits de l'homme, et nous ne pouvons prendre le risque de l'arbitraire, qui est toujours à craindre.

Le Sénat avance des propositions. Que sa sagesse soit entendue, notamment lorsqu'il demande une évaluation dans les six semaines suivant le début de l'incarcération, lorsqu'il substitue la notion de juridiction à celle de simple commission pluridisciplinaire ! À cet égard, je salue ici le travail de la commission, tout particulièrement celui de son rapporteur, notre collègue Jean-René Lecerf.

Pour terminer, je profiterai de cette tribune pour ajouter que l'accompagnement et le suivi concernent tout condamné : sortir libre mais sans avenir, sans ami, sans famille la plupart du temps, ne peut qu'être un facteur de récidive.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est très juste !

Mme Bernadette Dupont. D'où le travail important sur l'insertion ou la réinsertion, qu'il faut également mettre en oeuvre au plus tôt, avec des moyens accrus.

J'ai noté en visitant une prison le taux d'illettrisme des personnes incarcérées, en l'occurrence des femmes : la scolarisation de certains détenus me semble donc indispensable pour leur réinsertion dans la société.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est évident ! Nous sommes obligés de prendre ces mesures parce que rien n'a été fait depuis quarante ans !

Mme Bernadette Dupont. Donc, « principe de précaution nécessaire » - c'est indéniable ! -, « mesure de sûreté », « nouvelle peine », « privation de liberté » : il convient que le terme soit clair, et le verdict prononcé dans l'intérêt général, dans le respect des libertés essentielles et de la protection de la société.

J'ose cependant former des voeux pour que ce projet de loi ne trouve à s'appliquer que dans des cas extrêmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mon intervention portera uniquement sur la rétention de sûreté, à travers laquelle plusieurs questions fondamentales sont posées.

Au préalable, je souhaiterais indiquer que notre rôle de législateur me semblait devoir nous tenir à l'écart des turbulences émotives et de la « politique-spectacle ». Je pensais que la loi, dans son humble définition, avait pour vocation de répondre à des enjeux sociétaux, sans surfer sur l'émotion véhiculée par les médias. Naïvement, je me faisais la même idée de la politique, une politique qui ne soit pas le relais de coups de force médiatiques ou d'une instrumentalisation de faits divers dramatiques au service d'un affichage politicien. Mais je dois me rendre à l'évidence : ce temps est révolu !

M. Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, utilisait déjà cette méthode - comme il l'a fait durant la campagne présidentielle - pour créer des peurs afin de se présenter en seul défenseur de la sécurité.

Je suis d'ailleurs choquée, madame, choquée de vous entendre citer dans cet hémicycle, pour justifier votre projet de loi, les prénoms de victimes. Certes, je comprends parfaitement la souffrance des familles ; mais cette personnalisation n'est pas concevable quand il s'agit de légiférer dans un domaine aussi important et aussi sensible.

Oui, je suis choquée, madame le garde des sceaux, que l'on puisse, pour justifier un texte législatif, s'en référer à l'actualité la plus brûlante. Ce n'est pas ainsi, ce n'est pas dans l'émotion, la colère ou la souffrance qu'on légifère : la justice n'est pas la vengeance.

Dorénavant, à chaque fait divers son projet de loi !

Permettez-moi de vous rappeler qu'une loi est au service de l'intérêt général et non de l'intérêt individuel. Ce n'est pas ainsi, ce n'est pas dans l'urgence que l'on construit un projet de société, alors que, au contraire, la concertation et la maturité sont les clés de voûte du système judiciaire et juridique.

Ce projet de loi, l'un des plus scandaleux qui nous aient jamais été soumis, madame, est la traduction fidèle de votre urgence à légiférer. Pourquoi cette urgence, lorsque l'on sait que ce texte ne sera applicable que dans quinze ans, sauf à violer, mais c'est d'ailleurs ce que souhaite votre gouvernement, le principe de non-rétroactivité ?

Cette urgence qui anime la moindre des initiatives du Gouvernement est préjudiciable non seulement au travail législatif, mais également à la qualité de la loi. À ce rythme, nous ne serons bientôt plus un Parlement, mais un simple appareil d'enregistrement !

Aujourd'hui, toujours dans l'urgence, vous nous présentez un texte qui, au détour d'un seul article, remet en cause tous les principes fondamentaux de notre droit pénal.

Encore un texte relatif à la prévention de la récidive qui prône la répression au détriment de la prévention ! Encore une tentative déplorable de surfer sur l'émotion des Français pour installer une politique de l'enfermement ! Encore un affichage médiatico-législatif qui n'apporte aucune réponse au véritable problème !

Ce projet de loi marque à lui seul un revirement sans précédent dans notre conception du droit pénal. Il ouvre une brèche qui deviendra une plaie béante dans la politique pénale française, jusqu'à ce jour régie par les principes des Lumières.

Ce que vous nous proposez, madame, n'est ni plus ni moins qu'une mise à mort sociale des personnes dangereuses. Après le bagne, voici revenue dans notre droit une méthode d'exclusion sociale, au mépris du sens de la peine !

Vous nous proposez après la prison, la rétention. Autant dire : la peine après la peine.

Notre droit pénal est pourtant clair sur ce point : toute peine doit être nécessaire et proportionnelle au fait reproché. Elle doit normalement intervenir à l'issue d'un jugement et être fondée sur un acte contraire à la loi.

La juridiction que vous créez de toutes pièces aura la lourde tâche de priver de liberté des personnes en raison de leur état. Cette privation de liberté sera fondée non plus sur l'acte commis, mais sur la dangerosité de l'individu, notion très complexe. Mais de quelle dangerosité parlons-nous ? De la dangerosité psychiatrique ou de la dangerosité criminologique ? Il est important de ne pas les confondre !

Je ferai plusieurs commentaires d'ordre juridique sur le fondement de cette peine, car il s'agit bien d'une peine, et non d'une mesure de sûreté comme on souhaite nous le faire croire, puisqu'il y a privation de liberté.

D'abord, cette peine intervient à l'expiration de la peine du condamné. Elle n'est pas une modalité d'exécution de celle-ci puisqu'elle ne s'intègre pas dans le quantum de la peine. Ainsi, alors qu'un condamné aura payé sa dette à la société, qu'il n'aura pas commis de nouveau crime, il sera tout de même privé de sa liberté.

Cette mesure aurait pu se concevoir si elle s'était en partie substituée à la peine. C'est d'ailleurs sur ce fondement que le Conseil constitutionnel a considéré que la surveillance de sûreté était conforme à la Constitution.

Mais la rétention de sûreté que vous nous proposez dans ce texte ne se confond pas avec la peine ; elle s'y superpose. Elle est par conséquent contraire à la Constitution : elle ne se fonde ni sur un jugement initial ni sur un jugement intervenant à l'issue de la peine. L'objectif est de mettre en place un sas de sécurité entre sortie sèche et libération surveillée. En réalité, c'est un véritable couloir de la mort que vous construisez !

L'individu pourra ainsi être enfermé à vie sur le simple fondement de sa dangerosité et sur la probabilité qu'il commette un crime !

Cette « peine après la peine » est contraire aux principes les plus fondamentaux de notre droit pénal.

D'abord, cette mesure est contraire au principe du droit à la liberté et à la sûreté garanti par l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. Selon cet article, nul ne peut être privé de liberté, sauf dans des cas énumérés. Pardonnez-moi de vous rappeler que la dangerosité n'est pas considérée dans cet article comme un motif légitime de privation de liberté. Seule une condamnation judiciaire peut entraîner une privation de liberté. Or la rétention de sûreté qui nous est ici proposée n'a rien à voir avec la condamnation initiale pour l'un des crimes énumérés, car, pour ces crimes, l'individu a déjà purgé sa peine !

La rétention de sûreté est fondée sur une appréciation de la dangerosité de l'individu et sur la probabilité - pour ne pas dire la virtualité - qu'il commette un nouveau crime. Or il n'y a pas de lien de causalité entre le crime initial et la mesure de sûreté. Cette dernière n'est pas une conséquence de la condamnation initiale.

Afin de contourner cet écueil, votre projet de loi prévoit que la mesure de sûreté est possible lorsque « la juridiction a expressément prévu dans sa décision le réexamen de la situation de la personne ». Mais vous savez bien que le réexamen de la situation de la personne conduit normalement à des aménagements de peine ou à une libération conditionnelle. Cet examen est toujours profitable au condamné et n'a jamais pour effet d'aggraver la peine ni d'en augmenter le quantum ou la durée.

Le Conseil constitutionnel nous rappelle qu'une mesure de sûreté est, dans tous les cas, prononcée pendant une durée qui ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires dont le détenu a bénéficié et qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de retrait.

S'agissant en l'occurrence d'une personne condamnée à quinze ans de prison minimum, le réexamen a justement pour objectif soit la libération conditionnelle, soit l'aménagement de la peine, mais il ne peut jamais en prolonger les effets au-delà de la peine prononcée. Or ce projet de loi permet un réexamen dans le seul but de prolonger la peine après la prison, en tentant vainement de rattacher la décision à la peine initiale. Mais dans ce cas, la rétention de sûreté n'est pas une conséquence de la condamnation initiale. Elle en est un prolongement arbitraire, indigne et contraire au droit à la liberté et à la sûreté.

Dans un arrêt de 2002, la Cour européenne des droits de l'homme dit clairement qu'une mesure de privation de liberté fondée sur la dangerosité d'un individu ayant déjà purgé sa peine de prison est contraire à l'article 5 de la Convention. Ainsi, elle fixe l'état du droit positif dans ce domaine.

Ce dispositif est également contraire au principe de la présomption d'innocence, comme l'a indiqué M. Badinter. Dans la mesure où le condamné qui a déjà purgé sa peine a par la force des choses fait amende honorable et a acquitté sa dette à l'égard de la société, le placement en rétention de sûreté est une atteinte flagrante au principe de la présomption d'innocence puisque la décision de rétention se fonde sur une dangerosité virtuelle et non sur un acte matériel.

On ne punit pas un futur délinquant. Il n'y a pas dans ce domaine de plasticité établie d'un point de vue scientifique. Celui qui a purgé sa peine de prison est un homme libre. L'enfermer, sans avoir établi qu'il a commis un crime ou en tentant de rattacher sa privation de liberté à un crime commis quinze ans plus tôt, est absurde et contraire à l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en vertu duquel tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable.

Enfin, cette mesure est également contraire au principe non bis in idem, en vertu duquel une personne ne peut être punie deux fois pour les mêmes faits, sauf dans des cas très précis, comme la réouverture d'un procès pénal. Cette règle répond à une double exigence d'équité et de sécurité juridique. Ainsi, la Convention européenne des droits de l'homme n'autorise pas la réouverture d'un procès, sauf en cas de survenance de faits nouveaux ou de découverte d'un vice fondamental de la procédure précédente. Hormis ce cas, un jugement ayant autorité de la chose jugée ne peut être complété par une mesure complémentaire ou un nouveau jugement. Le réexamen de la situation d'une personne condamnée n'a rien à voir avec la réouverture de son procès et ne doit jamais emporter violation du principe de la chose jugée, notamment en ce qui concerne le quantum de la peine prononcée.

Si, comme cela est prévu dans le texte, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté statue sur une mesure de sûreté à l'expiration de la peine, elle agira au-delà du jugement initial. Elle jugera donc une seconde fois.

Madame le garde des sceaux, la juridiction hybride que vous souhaitez mettre en place est une aberration juridique. Elle n'est ni une juridiction de jugement ni une autorité administrative. De manière détournée, vous instaurez dans notre droit une justice d'exception, une justice contraire à tous les principes de notre droit pénal, une justice qui se prononce non plus sur les faits, mais sur des hypothèses et des virtualités, une justice indigne de notre République.

Encore une fois, la seule réponse que vous proposez face à la récidive est l'enfermement. Et vous faites d'une pierre deux coups : vous psychiatrisez la criminalité tout en criminalisant la psychiatrie.

Madame le garde des sceaux, pourquoi ne pas avoir songé, avant de nous soumettre ce texte, aux raisons pour lesquelles le personnel psychiatrique refuse d'exercer en milieu pénitentiaire ? Pourquoi ne pas avoir réfléchi aux conditions déplorables de détention, au problème de la surpopulation carcérale comme au manque de moyens de l'administration pénitentiaire ? La loi pénitentiaire n'était-elle pas une priorité ? Votre seule préoccupation est l'enfermement, qui est devenu le modus operandi de votre politique pénale.

Pour conclure, nous regrettons que ce projet de loi mette en place une relégation, une mort sociale, lente et assurée des individus les plus dangereux. Voilà pourquoi nous voterons contre ce texte, même si nous soutenons l'effort de M. le rapporteur pour tenter de le rendre acceptable moralement et juridiquement au regard de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il est des jours où l'on ressent le besoin irrépressible de s'exprimer parce que l'on a le sentiment que les règles très importantes qui fondent notre droit depuis 1789 sont remises en cause.

C'est un principe essentiel de notre droit - cela a été dit, et brillamment - que, lorsqu'un être humain a purgé sa peine, il a purgé sa peine.

Vous nous proposez aujourd'hui, madame le garde des sceaux, de condamner des êtres humains à une rétention de sûreté sur le simple fondement d'une éventualité, d'une possibilité, d'une virtualité, de l'hypothèse d'un crime toujours imaginable ! C'est contraire au droit, et, comme tout le monde ici, vous le savez bien !

La rétention de sûreté que vous proposez est grave et dangereuse. On en vient à se demander si Michel Foucault n'a pas écrit des centaines de pages sur la prison en vain, inutilement !

Dix jours après avoir promulgué une loi sur la prévention de la récidive, le Président de la République a annoncé sur le perron de l'Élysée qu'une nouvelle loi était nécessaire derechef, alors même que la première n'avait pas été mise en oeuvre, qu'aucun décret n'était paru. Est-ce là une bonne façon de légiférer ? Tout le monde sait bien que non.

Permettez-moi de vous lire ce que Mme Elisabeth Guigou a écrit à propos de l'affaire Evrard : les « lois ont prévu le suivi psychiatrique des condamnés à une longue peine dès le début de leur incarcération. Francis Evrard a-t-il été soigné en prison alors qu'il y a passé trente-deux ans ? Non ! Le service médico-psychologique régional du centre de détention de Caen où il a été détenu a fermé en juillet 2005 ses 12 lits par manque de psychiatres ! Pourquoi Francis Evrard n'a-t-il eu un rendez-vous avec le juge d'application des peines (JAP) que sept semaines après sa libération en juillet 2007 ? Parce qu'un JAP traite 750 dossiers ! Était-il soumis à la surveillance judiciaire qui aurait dû l'obliger à se présenter régulièrement au commissariat ? Non ! Francis Evrard avait-il un bracelet électronique mobile qui aurait permis de le suivre dans ses déplacements ? Non ! Cela aurait évité que la justice perde sa trace, qu'il se déplace dans sept départements différents et qu'il récidive une nouvelle fois. Enfin, il y a l'hospitalisation d'office dans un hôpital psychiatrique ». Bien entendu, cela n'a pas été mis en oeuvre. Mme Guigou ajoute qu'elle « a demandé un bilan avant tout nouveau texte. Refus ! ».

Madame le garde des sceaux, vous le savez, car tout le monde le dit, il y a beaucoup à faire pour appliquer la législation déjà existante. Il n'est donc pas nécessaire de recourir à des dispositions portant atteinte aux fondements de notre République.

Des aumôniers de prison ont écrit ceci : « Aumôniers de prison, la rencontre régulière des personnes détenues nous rend bien conscients de la gravité des problèmes que soulève le projet de loi relatif à la rétention de sûreté. Le manque d'un suivi sérieux, indispensable aux auteurs d'actes graves à l'égard d'enfants, explique sans doute, pour une grande part, que ces personnes peuvent représenter un risque réel de récidive à la fin de leur peine. C'est pourquoi nous sommes convaincus qu'il faut entourer leur remise en liberté de précautions adaptées qui limitent ce risque.

« Qu'on sanctionne encore des coupables qui ont fini de payer leur dette à la société pose problème. »

Je pourrais poursuivre et évoquer également le climat général, le rapport Ginesti, celui de l'INSERM, les déclarations très lourdes faites par M. Nicolas Sarkozy au cours d'un dialogue avec Michel Onfray : la génétique prédisposerait au crime. Lorsque l'on pense cela, on en tire naturellement un certain nombre de conséquences, comme en témoigne la philosophie qui, malheureusement, inspire ce texte.

Avant de conclure, madame le garde des sceaux, je vous poserai une question. Si une personne récidive après avoir purgé sa peine et qu'elle n'a pas « bénéficié » du dispositif inscrit dans ce texte, ne dira-t-on pas alors que la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté a failli, qu'elle est coupable ? Que dira l'opinion si, après avoir subi la rétention de sûreté, une personne ayant retrouvé la liberté récidive ? Que dira alors le Président de la République sur le perron de l'Élysée ? Ira-t-on jusqu'à remettre en place des solutions extrêmes contre lesquelles notre civilisation s'est élevée, aidée en cela par le talent de Robert Badinter ?

M. About nous a déclaré que les personnes placées en rétention ne seraient pas des détenus. Mais que seront-elles alors ?

Mon dernier mot sera pour les victimes - oui, mes chers collègues, nous pensons d'abord à elles -, car elles méritent mieux. Elles méritent que, du premier au dernier jour de la détention, tout soit fait non seulement, certes, pour surveiller et pour punir, mais également pour amender, guérir, préparer l'avenir et prévenir la récidive. Elles méritent ensuite que tout soit fait avec le soin nécessaire pour accompagner la personne qui recouvre la liberté. Voilà ce que les victimes attendent et méritent. C'est cela que notre société doit exiger pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, je tiens vous remercier d'avoir rappelé les enjeux du présent projet de loi et d'avoir évoqué la nécessité de prendre en charge les délinquants les plus dangereux.

Comme vous l'avez souligné à juste titre, de tels enjeux sont extrêmement complexes.

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, je souhaite vous rassurer.

Tout d'abord, je vous rejoins sur la nécessité de s'entourer de toutes les garanties qui s'imposent avant de placer des individus en rétention de sûreté. Le texte que nous présentons aujourd'hui répond à cette exigence.

Je vous rejoins également sur la nécessité d'assurer une prise en charge psychiatrique adaptée en prison. Nous travaillons donc avec Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, en vue d'améliorer cette prise en charge. Aujourd'hui, nous avons 971 personnels de santé, dont 288 psychiatres, qui travaillent dans de telles unités spécialisées.

Afin d'améliorer encore cette prise en charge, nous souhaitons instituer des groupes de parole dans les prisons. Comme vous le savez, des unités hospitalières spécialement aménagées seront instituées d'ici à 2011, afin de disposer à terme de 700 places.

En outre, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a également décidé de mettre en place une équipe mobile dans chaque service médico-psychologique régional, ou SMPR, afin d'assurer une prise en charge dans tous les établissements.

Sept centres de ressources sur la prise en charge des auteurs de violences sexuelles ont été mis en place depuis la fin de l'année 2007 pour diffuser des conseils aux professionnels de la psychiatrie. Leur nombre sera porté à vingt-six dès cette année.

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous-même et Mme Bernadette Dupont avez également évoqué la nécessité de renforcer les personnels qui assurent le suivi de l'injonction de soins, en application de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Au demeurant, nous avons différé l'entrée en vigueur de certaines dispositions, afin d'avoir les personnels nécessaires. Un plan spécifique de formation est prévu au bénéfice de tous ces professionnels.

Par ailleurs, l'arrêté portant l'indemnisation des médecins coordinateurs de 470 euros à 700 euros a été publié le 24 janvier dernier. Actuellement, nous avons 203 médecins coordinateurs, contre seulement 150 au mois d'août, lors de l'entrée en vigueur du texte que je viens d'évoquer. Mme Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même souhaitons - c'est un engagement du Gouvernement - que ce nombre atteigne 500 d'ici à la fin de l'année.

Mais vous savez que l'on ne peut pas forcer une personne à se soigner. C'est précisément à cette faille que la rétention de sûreté vise à répondre. Je vous le rappelle, d'un point de vue juridique, si une personne n'est pas condamnée à une obligation de soins, elle ne peut pas être contrainte à en suivre.

Certains ont mentionné le cas de Francis Evrard. En l'occurrence, il s'agit d'un individu qui avait commencé à suivre des soins, puis qui a catégoriquement refusé de continuer.

Actuellement, il n'existe aucun moyen de contraindre une personne placée en détention à se soigner. C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi est précisément destiné à inciter beaucoup plus fermement des individus dangereux à suivre une thérapie.

Monsieur Portelli, je vous remercie d'avoir clarifié les termes du débat juridique. La rétention de sûreté est non pas une peine, mais une mesure de sûreté destinée à assurer la sécurité des citoyens face à des délinquants dangereux qui présentent encore une grande dangerosité à la fin de leur peine.

J'entends ici ou là nombre de commentaires définitifs sur l'inconstitutionnalité d'une telle mesure. Pourtant, le Conseil constitutionnel est seul compétent pour en juger. À mon sens - je partage votre point de vue, monsieur le sénateur -, la position adoptée par la Cour constitutionnelle allemande sur la question ne peut pas être écartée au seul motif que les décisions allemandes ne s'appliquent pas en France.

Mesdames Borvo Cohen-Seat et Boumediene-Thiery, le projet de loi ne vise pas seulement à répondre à des faits d'une extrême gravité qui suscitent - sur ce point, vous avez raison - une vive émotion.

Que faites-vous des travaux de la commission présidée par Jean-François Burgelin, qui est un haut magistrat ? Que faites-vous du rapport de M. Garraud ? Que faites-vous des travaux de MM. Philippe Goujon et Charles Gautier ?

D'ailleurs, s'agissant de la nécessaire prise en charge des délinquants dangereux, il était même envisagé de créer des centres de protection et de prise en charge. (Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Alima Boumediene-Thiery s'exclament.)

Je ne peux donc pas vous laisser affirmer que nous instituons une peine à perpétuité. La rétention de sûreté fera l'objet d'une évaluation chaque année. De fait, elle sera ainsi d'emblée limitée à un an. Ses conditions de renouvellement seront extrêmement strictes - cela figure dans le projet de loi -, tout comme d'ailleurs les conditions de placement initial en rétention de sûreté.

Je peux également vous rassurer sur la loi pénitentiaire, attendue depuis l'époque où Mme Élisabeth Guigou ou Mme Marylise Lebranchu était garde des sceaux : elle sera soumise au Parlement avant la fin du premier semestre de l'année 2008.

M. François Trucy. Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mesdames Borvo Cohen-Seat et Boumediene-Thiery, selon vous, la justice devrait rester à l'écart des faits divers.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas ce que nous avons dit !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mais si la justice ne tenait pas compte de l'actualité et des drames qui surviennent, ce ne serait plus la justice !

À cet égard, permettez-moi d'évoquer un événement qui a marqué le monde entier, à savoir les attentats du 11 septembre.

M. Charles Gautier. Un fait divers ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Sans ces attentats, sans une telle tragédie, le mandat d'arrêt européen, qui est pourtant un outil extrêmement efficace au sein de l'espace judiciaire européen, n'aurait jamais vu le jour.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous justifiez également Guantanamo ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Othily, vous avez raison, la rétention de sûreté est une mesure de sûreté. Je vous remercie de l'avoir précisé avec une telle clarté, et du soutien que vous m'apportez.

Monsieur Fauchon, je vous remercie d'avoir insisté sur le fait que le régime de sûreté ne peut être assimilé à un régime de détention.

Je voudrais vous rassurer, ainsi que Mme Boumediene-Thiery, sur la nécessaire prise en charge des personnes considérées comme dangereuses au sein des centres médico-socio-judiciaires de sûreté à l'issue de leur peine.

Les personnes retenues bénéficieront d'un suivi individualisé médico-social pour leur permettre de se réinsérer dans la société. Ce parcours personnalisé sera organisé autour d'activités quotidiennes, de groupes de parole, mais également de thérapies, y compris jusqu'à la prise médicamenteuse. Le centre médico-socio-judiciaire ne sera pas un lieu de relégation. Ce ne sera pas non plus un placement entre quatre murs. Telle n'est pas notre philosophie. Nous souhaitons nous appuyer sur ce que nous avons vu à l'étranger, et notamment au centre Pieter Baan, que nous avons visité aux Pays-Bas.

Monsieur Badinter, je sais que vous êtes très attaché à la condition pénitentiaire. Je le suis également, et nous en avons discuté à de nombreuses reprises.

Vous considérez que le dispositif est conforme à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Vous considérez également qu'il n'y a pas de prison sans infraction.

Mais les centres médico-socio-judiciaires ne sont pas des prisons.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce sont des centres qui doivent permettre à des individus dangereux atteints de troubles graves de comportement de recevoir des soins pour pouvoir réintégrer la société.

Vous affirmez qu'il ne peut pas y avoir de privation de liberté sans infraction. Or, je vous le rappelle, dans notre droit, certaines mesures de privation de liberté ne sont pas nécessairement liées à des infractions. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Justement ! Cela devrait suffire !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ainsi, des individus sont placés en hôpitaux psychiatriques, parfois même à vie, alors qu'ils n'ont pas commis d'infraction. Simplement, ils sont considérés comme dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui.

M. Pierre-Yves Collombat. Mais ce sont des personnes qui ne sont pas responsables de leurs actes !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En outre, des personnes sont placées en détention provisoire dans le cadre d'enquête sur des crimes.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela n'a rien à voir !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pourtant, ces individus sont présumés innocents. Vous évoquiez tout à l'heure la présomption d'innocence. En l'occurrence, il s'agit de personnes dont il n'est pas prouvé qu'elles ont commis une infraction, mais dont le placement en détention provisoire se justifie, pour des motifs d'ordre public notamment.

La rétention de sûreté repose sur la même logique. C'est une mesure destinée à assurer la sécurité de la société et des victimes.

Pour ma part, j'affirme que cela change tout pour les victimes qui seront ainsi épargnées.

Tout à l'heure, vous avez indiqué qu'il n'y avait pas eu tant de faits divers dramatiques que cela depuis une trentaine d'années. Vous en avez conclu que l'on pouvait s'interroger sur l'utilité réelle du projet de loi. (M. Robert Badinter s'exclame.) À mon sens, si nous pouvons sauver la vie d'un seul mineur, d'une seule jeune femme, si nous pouvons épargner la victime d'un crime barbare ou d'un viol ou si nous pouvons empêcher un pédophile de récidiver, ce texte sera non seulement utile, mais nécessaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Madame Bernadette Dupont, vous avez appelé de vos voeux l'adoption d'une loi pénitentiaire. Vous le savez, je vous rejoins.

La justice doit être ferme. Elle doit aussi être humaine. Comme vous, je souhaite que la loi reconnaisse le travail de tous les acteurs qui interviennent dans les prisons. Je pense notamment aux associations ou aux aumôniers, dont le rôle est essentiel en la matière.

Madame Boumediene-Thiery, sans les faits divers auxquels j'ai fait référence, il n'y aurait pas non plus eu tant de travaux ou de débats sur les criminels dangereux.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce n'est pas cela qui justifie votre loi !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour notre part, nous souhaitons prendre nos responsabilités.

Nous ne voulons plus déplorer à chaque fois des actes aussi atroces que des viols d'enfants, de jeunes femmes, comme nous en avons trop souvent connu, y compris récemment.

Mme Alima Boumediene-Thiery. N'utilisez pas ces drames pour justifier votre texte !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Sueur, j'ai simplement expliqué que la rétention de sûreté n'était en rien une « peine après la peine ». (Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Vous êtes très attaché à la précision des mots et à des définitions rigoureuses ; ce n'est pas une « peine après la peine ».

Notre dispositif est une mesure de sûreté destinée aux personnes qui ont terminé leur peine, mais dont on a constaté la dangerosité. Nous débattrons de ces questions en examinant les différents amendements qui ont été déposés.

Mais je vous demande de ne pas travestir ce texte. Je ne crois pas que le crime ait une origine génétique. D'ailleurs, personne n'a jamais prétendu cela.

M. Jean-Pierre Sueur. Hélas, si !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En revanche, je considère qu'un criminel ayant démontré sa dangerosité pour des crimes odieux ne doit pas être remis en liberté sans que tout soit fait pour tenter de la réduire.

Certains se sont interrogés sur un éventuel problème de responsabilité de la commission ayant établi la dangerosité.

Je vous rappelle simplement que la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté constate d'ores et déjà la dangerosité de certains criminels ou de certains délinquants, au regard de la criminologie, et non pas de la psychiatrie.

C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi est, me semble-t-il, absolument nécessaire, et ce non seulement pour protéger nos concitoyens, mais également pour permettre à des délinquants dangereux de se soigner pour mieux se réinsérer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par MM. Yung, Collombat, Badinter, Frimat, C. Gautier, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°51, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, adopté par l'Assemblée Nationale après déclaration d'urgence (n° 158, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Richard Yung, auteur de la motion.

M. Richard Yung. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, à nos yeux, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui apporte une bien mauvaise réponse à un problème grave qui émeut souvent l'opinion publique, même s'il ne concerne que quelques dizaines de cas.

Personne ne peut rester indifférent à de telles situations. Personne n'a le monopole de l'affliction auprès des victimes.

Mais, pour nous, la bonne législation pénale, la bonne justice pénale doivent se construire dans le temps et dans la réflexion, et non pas dans l'émotion et au coup par coup. Tel est le sens de notre approche.

La mauvaise réponse, c'est celle que vous apportez, c'est-à-dire l'évaluation a minima, l'enfermement sec et le manque de soins en prison pendant la peine.

Il y a une autre politique à mener, et plusieurs de mes collègues la développeront. Elle doit être construite en se fondant d'abord sur le bilan de l'ensemble des mesures considérables mises en place depuis une dizaine d'années, tant d'ailleurs par la gauche que par la droite. Il s'agit du suivi socio-judiciaire, du fichier électronique, de la surveillance judiciaire, de l'injonction de soins, du traitement de la récidive ou du bracelet électronique. Toutes ces mesures vont dans le même sens. Selon nous, avant d'élaborer une nouvelle législation, il faudrait d'abord se pencher sur la mise en place et sur les résultats de toutes ces dispositions.

C'est par là qu'il fallait commencer, au lieu de se précipiter à inventer de nouvelles mesures sans avoir les moyens de les mettre en oeuvre. D'ailleurs, vous n'êtes déjà pas en capacité de faire fonctionner convenablement les dispositifs existants. Je n'aurais pas la cruauté de souligner que M. le président de la commission des affaires sociales a bien présenté cet aspect du problème.

Mais il y a plus grave. Aussi, je voudrais à présent soulever un certain nombre de motifs d'irrecevabilité du projet de loi.

Madame le garde des sceaux, votre texte méconnaît manifestement plusieurs principes contenus dans le bloc de constitutionnalité et dans les conventions internationales auxquelles la France est partie. Pour nous, chacun de ces motifs est suffisant pour aboutir à la censure du projet de loi par le Conseil constitutionnel.

Tout d'abord, j'évoquerai le premier chapitre du texte, qui concerne la rétention de sûreté.

Les dispositions de l'article 1er instaurant une rétention de sûreté sont contraires au principe de légalité des délits et des peines, tel qu'il découle de l'article 34 de la Constitution. En effet, celui-ci dispose : « La loi fixe les règles concernant [...] la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». C'est clair !

Contrairement à vos affirmations, madame le garde des sceaux - on comprend d'ailleurs que vous argumentiez dans ce sens pour défendre la constitutionnalité de votre texte -, la rétention de sûreté constitue bel et bien une peine, et ce pour plusieurs raisons que je vais développer.

Premier argument : il s'agit non pas d'une simple restriction mais bien d'une privation totale de liberté, ce qui qualifie différemment l'affaire et la réintègre dans le champ de l'article 34.

La rétention de sûreté n'entre pas dans le champ des mesures de sûreté qui ont été citées, qui comprend par exemple la suspension du permis de conduire, l'interdiction d'approcher la victime, l'injonction médicale, etc. Ces dernières mesures sont annexes à la peine principale, elles aident à sa mise en oeuvre, et c'est pourquoi elles ne sont pas des peines. La rétention de sûreté n'est pas de même nature : elle constitue une peine en elle-même par sa gravité, sa puissance, sa force.

Deuxième argument : en application du nouvel article 706-53-13 du code de procédure pénale, c'est une juridiction de jugement qui devra expressément prévoir, dans sa décision, le réexamen de la situation de la personne à la fin de sa peine ; mais cette décision sera prise quinze ou vingt ans en amont.

Dans la pratique, ce sont la commission pluridisciplinaire puis la commission régionale, qui ne sont pas des juridictions de jugement, qui apprécieront, sur des critères que nous ne connaissons pas - nous en avons parlé -, la dangerosité ou le risque de récidive de la personne, ces deux notions faisant d'ailleurs l'objet d'une certaine confusion dans votre projet de loi. Il s'agit d'une sorte de justice déléguée, qui oeuvrera essentiellement sur les recommandations des experts psychiatriques. Il y a donc un tour de passe-passe qui laisse rêveur et qui viole certainement l'esprit du code de procédure pénale.

Troisième argument : la rétention de sûreté revêt aussi le caractère d'une peine dans la mesure où, dans l'exposé des motifs de votre projet de loi, vous indiquez que, pendant la rétention, les personnes concernées bénéficieront d'un régime similaire à celui des détenus « en matière notamment de visites, de correspondances, d'exercice du culte et de permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile. »

Si un élément caractérise l'assimilation à la peine, c'est bien celui-là ! Il est tout de même assez choquant de considérer, comme le président Nicolas About l'a souligné, que des personnes qui n'ont commis aucune infraction seront soumises au même régime de détention que celles qui purgent une peine.

Quatrième et dernier argument : la rétention de sûreté pourra-t-elle faire l'objet d'une grâce ou d'une amnistie ? Si la réponse est négative, comment justifier que la peine qui aura conduit à cette rétention puisse, elle, faire l'objet d'une telle mesure ?

Ainsi caractérisée, la rétention de sûreté, telle qu'elle apparaît dans votre texte, viole allégrement, à notre avis, au moins à quatre reprises, le principe de légalité énoncé par notre Constitution : c'est donc elle-même une dangereuse récidiviste !

J'en viens à un autre point concernant la légalité de la peine : dans le système qui est proposé, la privation de liberté résulte non pas de la commission d'une infraction criminelle mais d'une « particulière dangerosité caractérisée par la probabilité très élevée de commettre à nouveau » une infraction. On voit bien que vous avez buté sur la difficulté majeure de définir les critères qui s'appliqueraient à cette rétention de sûreté et que vous avez en quelque sorte contourné l'obstacle en disant que la dangerosité se mesure par le risque très élevé de récidive - « très élevé », on ne sait pas ce que c'est, mais c'est le risque de récidive qui est la base.

Dans ce cas, l'enfermement découle non plus d'un lien de causalité entre un fait matériel et un préjudice, mais d'un simple pronostic reposant sur la présomption de dangerosité criminologique. Ce concept n'étant défini nulle part - je viens de le dire -, son application sera forcément arbitraire et portera gravement atteinte à la présomption d'innocence, qui est pourtant l'un des principes fondamentaux de la procédure pénale.

C'est en quelque sorte la restauration - mais dans un autre esprit - de la lettre de cachet, symbole honni de l'arbitraire de l'Ancien Régime. Or, dans sa décision du 20 janvier 1981, le Conseil constitutionnel affirme que le législateur doit « définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ». Nous constatons donc deux éléments de violation, puisque l'infraction n'est pas définie en termes clairs et précis et qu'elle donne dans l'arbitraire. C'est un argument de plus pour dénoncer la violation du principe de légalité des peines.

Les dispositions instaurant une rétention de sûreté ne répondent pas non plus au principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Ce point a déjà été abordé à plusieurs reprises, mais je voudrais tout de même en dire quelques mots.

Comme le professeur Gilles Lebreton l'a souligné au cours de son audition devant la commission, la Convention européenne des droits de l'homme établit que le maintien en détention doit reposer sur un motif de même nature que la condamnation initiale. Il est clair que ce ne sera pas le cas puisque la condamnation initiale découle des faits alors que la mise en rétention de sûreté dépendra de l'évaluation de la dangerosité et du risque de récidive. De plus, si la rétention de sûreté est demandée au cas de manquement aux obligations de surveillance judiciaire, on peut craindre qu'il ne s'agisse d'une manière de contourner le principe de non-rétroactivité.

Le Conseil constitutionnel a admis que certaines mesures pouvaient produire des effets rétroactifs. Ainsi, dans sa décision des 19 et 20 janvier 1981, il a autorisé le législateur à prévoir l'entrée en vigueur rétroactive de sanctions pénales plus douces. En outre, dans sa décision du 8 décembre 2005, le Conseil constitutionnel admet l'application immédiate d'une loi nouvelle instituant des mesures de sûreté : mais il s'agit de mesures de sûreté n'ayant pas la nature d'une peine.

Or, comme je me suis efforcé de le démontrer précédemment, la rétention de sûreté est une peine. Par conséquent, l'article 12 du projet de loi, modifié par l'amendement gouvernemental, viole ce principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Il viole un principe fondamental issu de la Révolution de 1789 et qui est énoncé à l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Nous avons une argumentation extrêmement claire en la matière.

Je voudrais maintenant évoquer la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental.

Les dispositions relatives à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental méconnaissent aussi certains principes constitutionnels. Ainsi, les articles 3 et 4 méconnaissent le principe de séparation des fonctions d'instruction et de jugement. Je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 novembre 1978, a interdit que les fonctions d'instruction et de jugement soient exercées pour la même affaire et par les mêmes organes.

Or, dans la nouvelle procédure, les déclarations d'irresponsabilité pourraient être rendues non seulement par une juridiction de jugement - le tribunal correctionnel ou la cour d'assises - mais aussi par une juridiction d'instruction - le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction. Les déclarations d'irresponsabilité pourraient être ainsi rendues directement par un juge d'instruction et, le cas échéant, par cette chambre de l'instruction, sans faire l'objet d'un renvoi devant une juridiction de jugement. En l'absence d'un tel renvoi, ces décisions auraient pour effet de permettre à la juridiction d'instruction de se prononcer sur la qualification matérielle des faits commis. Il y a donc violation de ce principe de séparation.

J'avancerai un autre argument : les dispositions relatives à la déclaration d'irresponsabilité ne répondent pas non plus aux exigences constitutionnelles garantissant le droit à un procès équitable.

En effet, la procédure décrite à l'article 3 s'apparente à un procès public. Dans la mesure où c'est une juridiction d'instruction et non une juridiction de jugement qui se prononcerait à la fois sur l'irresponsabilité pénale et l'imputabilité des faits, la présomption d'innocence du malade mental ne serait pas garantie. Par conséquent, ces dispositions méconnaissent l'article 66 de la Constitution, ainsi qu'un certain nombre d'articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

L'article 3 du présent texte est également contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui dispose que « tout accusé a droit [...] à se défendre lui-même ».

La nouvelle procédure prévoit que la comparution de l'accusé est autorisée à la discrétion du président de la chambre de l'instruction, en quelque sorte, qui peut l'ordonner d'office ou à la demande du ministère public ou de la partie civile, mais qui peut aussi ne pas l'autoriser.

Je comprends parfaitement que, dans certains cas, la personne concernée ne puisse pas comparaître dans une procédure publique parce qu'elle n'est pas en état de comprendre ou de participer à la confrontation. Mais il peut également se trouver des cas de personnes qui voudraient se présenter, se défendre - après tout, on sait que les choses évoluent - et qui, pour des raisons diverses, ne seraient pas convoquées. Le caractère contradictoire de la procédure n'est donc pas assuré dans une telle situation.

Le texte proposé à l'article 3 méconnaît aussi le principe de la nécessité des peines posé à l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il y a en effet une grande incohérence à rendre la personne qui a été déclarée irresponsable pénalement punissable de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende en cas de non-respect d'une mesure de sûreté : si elle est irresponsable, on ne peut lui imputer ce non-respect. Nous sommes donc confrontés à une violation de principe.

D'autres arguments pourraient être présentés, en particulier quant à l'inscription au casier judiciaire, mais je ne les développerai pas. Nous avons relevé plus d'une dizaine de causes d'inconstitutionnalité, même après les corrections demandées par le Conseil d'État. Les amendements et sous-amendements déposés sont la preuve des difficultés que vous rencontrez.

Il m'apparaît que votre texte fait eau de toutes parts. Je ne dirai pas que c'est un naufrage du droit pénal français sur les récifs de la Constitution, mais nous n'en sommes pas loin !

Je crains que vous ne connaissiez, au fond, toutes ces raisons d'inconstitutionnalité et qu'il vous importe surtout de faire des effets devant l'opinion publique ; ce sera au Conseil constitutionnel de prendre ses responsabilités en renvoyant votre mauvaise copie !

Pour tous ces motifs, mes chers collègues, il vous est donc proposé d'adopter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est tout à fait défavorable à cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Au cours de ses travaux et dans son rapport, la commission s'est longuement interrogée sur la constitutionnalité du texte, en particulier sur quatre points.

Sur les deux premiers, la conformité à la Constitution est claire et sans contradiction possible.

Nous nous sommes tout d'abord interrogés sur la nature de l'autorité appelée à prononcer la mesure. À cet égard, la commission des lois proposera de transformer la commission régionale et la commission nationale de la rétention de sûreté en juridictions. Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, nous prenons toutes les précautions nécessaires en vue de respecter l'article 66 de la Constitution, qui dispose que l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle.

Nous nous sommes ensuite interrogés sur la proportionnalité de la mesure par rapport à l'objectif poursuivi.

Nous avons constaté que le projet de loi prenait toute une série de précautions. La rétention de sûreté n'est en effet que l'ultime recours, puisqu'elle n'est applicable que si les obligations résultant de l'inscription au FIJAIS, le fichier judiciaire national automatisé des infractions sexuelles et violentes, de l'injonction de soin, du placement sous surveillance électronique mobile apparaissent insuffisantes. En outre, il existe diverses possibilités de réexamen du maintien en rétention de sûreté : ainsi, il est prévu non seulement une procédure de révision systématique de la situation de la personne chaque année, mais également la faculté pour l'intéressé de demander tous les trois mois qu'il soit mis un terme à cette mesure.

Il me semble donc que, sur ces deux premiers points, la constitutionnalité n'est pas discutable.

Il n'en est pas de même, je le reconnais, des deux autres points, à savoir la justification de la privation de liberté, autrement dit la référence faite à une décision de Cour d'assises, et les modalités d'application de la disposition dans le temps, pour lesquels des problèmes constitutionnels se posent indiscutablement.

Pour ma part, contrairement à M. Yung ou à Mme le garde des sceaux, je ne me prononcerai pas de façon catégorique sur la nature de mesure de sûreté ou, sinon de peine du moins de mesure prise en considération de la personne et présentant le caractère d'une sanction, car j'avoue mon humble ignorance à cet égard. Le Conseil constitutionnel aura certainement à se prononcer sur ce point. Toujours est-il que cette question a été largement évoquée en commission et que l'examen des amendements nous donnera l'occasion d'en débattre à nouveau.

Je voudrais quand même émettre une hypothèse : supposons que le Conseil constitutionnel, s'il est saisi - je pense qu'il le sera -, considère qu'il s'agit d'une mesure assimilable à une peine et non à une mesure de sûreté. Est-il pour autant inutile d'en débattre dans cette enceinte ? Je ne le pense pas.

J'en veux pour preuve que la commission des lois propose une série d'alternatives, qui n'ont pas encore été supprimées par le sous-amendement n° 78 rectifié ter de M. Portelli prévoyant que, en cas de manquement aux obligations de la surveillance judiciaire, outre la possibilité qui existe déjà dans le projet de loi, la personne est susceptible d'être placée en rétention de sûreté.

La commission propose également d'adapter ce dispositif aux personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité. Cette mesure n'est pas symbolique, puisqu'elle concerne actuellement 500 à 600 personnes dans les prisons françaises. Pour ceux qui ne sont condamnés, si je puis m'exprimer ainsi, qu'à quinze ans ou à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans, la commission propose un renforcement des conditions de la surveillance judiciaire, notamment par l'assignation à résidence, disposition qui n'a pas été supprimée par les amendements votés ce matin en commission.

Comme vous pouvez le voir, les problèmes d'inconstitutionnalité ont été évoqués, étudiés, examinés. Nous savons que certaines difficultés ont été levées et que d'autres demeurent, mais tout l'intérêt du débat sera de continuer à approfondir cette question. C'est pourquoi cela vaut largement la peine de poursuivre notre discussion.

M. Christian Cointat. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je demande naturellement au Sénat de rejeter cette motion.

J'ai eu l'occasion de le rappeler, la rétention de sûreté n'est pas une peine. Comme son nom l'indique, c'est une mesure de sûreté.

Vous nous dites, monsieur Yung, que, dès lors qu'il y a privation de liberté, il y a peine. La peine ou la sanction consiste dans le fait de punir en réponse à un comportement coupable. La mesure de sûreté a pour vocation de prévenir la récidive.

La Cour constitutionnelle allemande l'a très clairement dit à propos de la détention-sûreté dans sa décision du 5 février 2004. La détention à titre de mesure de sûreté n'a pas pour but, contrairement à la peine, de réprimer une faute commise, mais de protéger l'ordre public contre l'auteur. Ce n'est pas la faute pénale, mais la dangerosité dont l'auteur a fait preuve qui détermine le prononcé de la détention-sûreté.

Je l'ai indiqué tout à l'heure, il existe des cas de privation de liberté qui ne sont pas des peines : il en est ainsi de l'hospitalisation d'office, qui dure tant que la dangerosité est avérée ; la détention provisoire n'est pas non plus une peine, car la présomption d'innocence s'applique jusqu'à la condamnation définitive.

La rétention de sûreté est une mesure nécessaire, proportionnée et strictement encadrée comme les modalités qui sont décrites et disposées dans le texte. Elle intervient à l'issue d'une procédure en plusieurs étapes qui garantit parfaitement les droits des personnes concernées. Elle procède à la conciliation entre, d'une part, la liberté individuelle et, d'autre part, le droit de tous nos concitoyens d'être protégés par l'État.

Le Conseil constitutionnel le rappelle dans chacune de ses décisions sur ces questions : il appartient précisément au législateur d'assurer cette conciliation.

Nous parlons de criminels condamnés lourdement pour des actes d'une extrême gravité en lien avec un trouble aigu de la personnalité, de criminels qui n'ont pas encore surmonté ce trouble et dont le potentiel d'un passage à l'acte criminel est par conséquent très élevé. Ces criminels recommenceront s'ils sont remis en liberté avant que la cause de leur dangerosité ait été traitée.

Il s'agit donc d'user à leur égard d'une rigueur strictement nécessaire afin de leur éviter une nouvelle condamnation encore plus lourde et d'exposer de nouvelles victimes à un très probable passage à l'acte.

La déclaration d'irresponsabilité respecte le procès équitable. La chambre de l'instruction statuera non pas sur la responsabilité, mais sur l'existence de charges suffisantes. C'est radicalement différent.

Le texte prévoit clairement les droits de la défense de la personne qui comparaît. À chaque fois qu'une personne sera en état de se défendre et qu'elle demandera à venir, sa présence sera obligatoire. Si elle n'est pas en état de se défendre, elle sera représentée par un avocat.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voterons la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité défendue par nos collègues du groupe socialiste. Mais je voudrais expliquer pourquoi, même si ce fait n'est pas très surprenant.

Bien sûr, nous sommes dans l'urgence. Bien sûr, vous voulez absolument obtenir votre loi, madame le garde des sceaux. Tout cela, nous le savons. Mais cela ne justifie pas de jouer sur les mots et d'essayer de passer allègrement d'un concept à l'autre afin de prouver qu'on est dans son bon droit.

La rétention de sûreté constitue à n'en pas douter une peine, même si vous affirmez qu'il s'agit d'une mesure de sûreté. Mais vous pouvez toujours le dire ...

Certes, l'objectif est de prévenir la récidive, comme ce fut le cas avec le bracelet électronique, par exemple. Mais cette fois-ci, la mesure qui est proposée va beaucoup plus loin, puisqu'elle consiste en une privation totale de liberté, pour une durée qui pourrait bien être indéterminée et pour une infraction qui n'existe pas.

Ces éléments semblent permettre de caractériser la rétention de sûreté comme étant une sanction ; il est d'ailleurs prévu que les personnes retenues disposeront des mêmes droits que les détenus. Même vous, monsieur le rapporteur, qui hésitez sur les caractéristiques, vous avez affirmé hier soir sur la chaîne Public Sénat qu'enfermer, peut-être à vie, une personne constituait a priori une sanction.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En effet !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une sanction d'un acte qui pourrait être commis.

Par conséquent, cette mesure de rétention de sûreté viole le principe de légalité des délits et des peines et le principe de proportionnalité, prévus par l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Décider de l'application immédiate de la rétention de sûreté aux personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi viole manifestement le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. On peut toujours le nier, mais c'est un fait !

Quand bien même la rétention de sûreté serait une mesure de sûreté - faisons mine d'accepter ce tour de passe-passe -, il n'en demeure pas moins que le Gouvernement a sciemment interprété la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2005 dans un sens qui l'arrange. Si le Conseil a validé la rétroactivité en matière de surveillance judiciaire, ce fut pour des raisons bien précises, notamment parce que « la surveillance judiciaire est limitée à la durée des réductions de peine dont bénéficie le condamné ; qu'elle constitue ainsi une modalité d'exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement ». Par conséquent, vous procédez à une interprétation !

Le Gouvernement n'a retenu que le considérant suivant précisant que la surveillance judiciaire « repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité », et il a oublié que la surveillance judiciaire est « une modalité d'exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement ». Ce n'est pas acceptable ! Le Gouvernement écarte ainsi délibérément les motivations de fond du Conseil constitutionnel.

Il y a bien sûr l'hospitalisation d'office, mais ce n'est pas une décision de justice. Globalement, c'est au législateur, représentant du peuple, de prendre ses responsabilités. C'est à lui de décider que toute personne qui présente un certain nombre de caractéristiques, psychiatriques ou autres - mais on ne sait pas trop bien lesquelles -, doit être enfermé dans un établissement x ou y par l'autorité administrative.

Enfin, la rétention de sûreté applicable à des condamnés dangereux ne correspond à aucune exception admise par l'article 5 de la Convention européenne des droits de d'homme.

Madame le garde des sceaux, vous avez cru bon de citer les attentats du 11 septembre, déclarant que, sans ces derniers, le mandat d'arrêt international n'aurait pas vu le jour. Nous avons en effet le devoir de légiférer quand il se passe des choses graves, mais comparaison n'est pas toujours raison.

Je citerai Guantanamo et les nombreux centres externalisés des Américains sur des territoires où leurs lois ne s'appliquent pas. Les attentats du 11 septembre ne justifiaient pas les traitements infligés à ceux qui sont détenus dans de tels centres. Comme vous le voyez, comparaison n'est pas toujours raison ; mais, quand on fait un parallélisme, il faut aller jusqu'au bout.

Que l'on prenne des mesures à la suite des attentats du 11 septembre et des actes de terrorisme, qui pourrait le contester ? Que l'on prenne des dispositions quand des crimes odieux sont commis et que l'on n'a pas su comment les prévenir, qui pourrait le contester ? Mais d'analogies en parallélismes en passant par les comparaisons qui n'en sont pas, on arrive à justifier l'injustifiable.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 51, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Demande de renvoi à la commission (début)

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 83, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 158, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, auteur de la motion.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi traite de deux situations très différentes sur le plan juridique : d'une part, des mesures envisagées pour prévenir la récidive de certains criminels condamnés pour des actes particulièrement graves, et qui ont purgé leur peine ; d'autre part, de la manière dont est constatée l'irresponsabilité pour cause de trouble mental des auteurs d'actes graves, mais qui, par hypothèse, ne pourront faire l'objet d'une condamnation pénale.

Le point commun de ces deux situations est la référence au concept de dangerosité, concept sur lequel je voudrais revenir quelques instants.

Si l'on suit à la lettre ce projet de loi, la dangerosité serait une nouvelle qualification qui s'attache aux personnes en cause, mais qui conduirait à la récidive dans le premier cas, à la rechute d'un épisode malheureux de la maladie mentale dans le second cas.

Introduire un nouveau concept au coeur de la procédure pénale est une décision grave et lourde de sens. Cela nécessite que cette notion soit rigoureusement définie et corresponde à une réalité sociale objective.

Force est de constater que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ne s'embarrasse pas de ces précautions. D'après la Commission nationale consultative des droits de l'homme, maintes fois citée, le concept de dangerosité qui nous est présenté n'est qu'une notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique.

En effet, le système judiciaire français se fonde sur un fait prouvé et non sur la prédiction aléatoire d'un comportement futur. Or le texte que nous examinons fait reposer la décision du juge non plus sur le constat d'une infraction commise, mais sur un diagnostic psychiatrique de dangerosité, sur une prédisposition innée ou acquise à commettre des crimes.

Il y a derrière cela une philosophie de pacotille qui consiste à penser que les crimes sont non pas des faits sociaux, mais le fruit de différences naturelles : certains seraient prédisposés génétiquement à être pédophiles ou délinquants. Pour eux, nul besoin de justice. Il n'est besoin que de répression et de relégation au ban de la société.

Nous ne pouvons tolérer la mise en place de mesures restrictives de liberté sur une base aussi incertaine. La doctrine sous-jacente de ce projet de loi est que la peine doit non pas seulement sanctionner le crime commis, mais aussi empêcher « ceux qui pourraient être commis à l'avenir » par des individus dont on pense « qu'ils continueront de commettre des crimes abominables ».

Or, de nombreux travaux attestent du caractère extrêmement aléatoire de la prédiction du comportement futur. Que l'évaluation de la dangerosité soit réalisée par un ou deux experts n'apporte pas davantage de garantie scientifique.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est bien vrai !

Mme Josiane Mathon-Poinat. D'autant que l'état de dangerosité n'est pas définitif. Beaucoup d'études démontrent que la dangerosité n'existe pas isolément d'un contexte et d'une situation. Madame le garde des sceaux, croyez-vous réellement que l'on puisse condamner sur anticipation ?

Pour rassurer le législateur, et sans doute aussi M. le rapporteur, l'exposé des motifs indique que plusieurs pays, dont les Pays-Bas, « disposent déjà de dispositifs comparables ».

Cette référence au droit comparé est hors de propos. Les systèmes européens étrangers auxquels il est fait référence fonctionnent sur des principes très différents.

Aux Pays-Bas, le placement peut intervenir lorsque la personne a été déclarée irresponsable pénalement ou partiellement irresponsable. Ce placement est dès lors mis en oeuvre en substitution à la peine. Il en est de même en Belgique, où l'internement a lieu en substitution de la peine.

Or, dans votre projet de loi, le placement intervient après que le coupable a purgé sa peine, sans précision de la durée de ce placement.

En Allemagne, il existe, certes, un système de rétention-sûreté après la peine, issu de l'époque hitlérienne.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, c'était avant !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je souligne néanmoins que le système pénal allemand est beaucoup moins répressif que le système français au regard de la durée des peines prononcées et que la mesure de rétention ne peut être prononcée qu'en cas de multiplicité d'infractions ou d'antécédents pénaux.

En matière de comparaison internationale, l'exposé des motifs du projet de loi aurait dû faire mention du dispositif actuellement en vigueur en Russie, qui fonctionne selon une articulation comparable à celle du texte qui nous est soumis, c'est-à-dire qu'il permet de mettre à l'écart, sans peine, toute personne présentant une dangerosité sociale, notamment politique.

Le projet de loi que nous examinons n'est donc pas une harmonisation avec la législation européenne. Il s'agit d'un texte extrêmement répressif et stigmatisant. Comment, en effet, ne pas s'inquiéter du lien sous-jacent entre dangerosité et maladie mentale au coeur de ce projet de loi ?

Ce texte assimile les malades mentaux à des délinquants potentiels. Or il est important de rappeler qu'une large majorité des malades mentaux n'est pas dangereuse.

En intégrant dans le même texte mesures de sûreté pour les personnes les plus dangereuses et révision de la procédure pénale pour les irresponsables mentaux, le projet de loi n'atténue pas cette confusion.

Le risque de stigmatisation qui en résulte met à mal l'intégration dans la société de la personne atteinte de maladie mentale et est attentatoire à sa dignité.

De plus, il existe une loi de 1990 qui permet d'interner, donc de retenir administrativement, les malades mentaux, criminels ou pas, même préventivement, en dehors de toute conduite délictueuse ou criminelle, puisqu'ils sont un danger présumé pour eux-mêmes et pas seulement pour autrui.

En conséquence, à quoi bon prévoir une hybridation juridico-administrative pour une catégorie particulière, celle des condamnés à la peine de quinze ans au moins ?

Il n'est pas établi à ce jour d'équivalence certaine entre la dangerosité psychiatrique et la dangerosité criminologique.

Le projet de loi prévoit que cette dangerosité sera appréciée par la commission pluridisciplinaire. Or un médecin psychiatre n'a aucune compétence particulière pour apprécier une dangerosité criminologique ou sociale. Confier une telle mission à l'expert procède d'une dangereuse confusion entre maladie mentale et délinquance.

Les exemples étrangers néerlandais et allemands, auxquels le Gouvernement se réfère pour justifier son texte, démontrent que la question de l'évaluation de la dangerosité est pourtant déterminante.

En effet, aux Pays-Bas un centre d'évaluation est chargé de déterminer l'existence éventuelle d'un trouble mental et d'évaluer une probable dangerosité, ainsi que le risque de récidive.

Cette évaluation se déroule sur plusieurs semaines et procède d'une observation pluridisciplinaire et quotidienne de la personne, laquelle est placée dans une situation la plus proche possible de son mode de vie habituel. Cette expertise coûte 1 000 euros par jour et peut durer sept semaines.

De même, en Allemagne, à la suite de modifications ultérieures de la législation, les conditions de l'expertise ont été améliorées. Cette dernière doit être effectuée par des spécialistes soumis à une formation continue, et les experts ainsi formés utilisent des méthodes d'évaluation avec élaboration de grilles d'analyses, de manière à homogénéiser les critères d'appréciation.

L'expertise se déroule sur deux entretiens d'une durée totale de quatre à six heures et coûte 4 000 euros.

Or ici, contrairement aux pays précités, le texte ne prévoit aucune garantie sur la procédure d'évaluation de la dangerosité. Ce projet de loi contredit les professionnels de la santé mentale, sans tenir compte d'aucune de leurs objections et propositions.

Nous savons que le système pénal français manque cruellement de médecins réellement formés à l'expertise et que les médecins aujourd'hui inscrits sur les listes des cours d'appel ne font pas l'objet d'évaluation particulière quant à leurs compétences.

Pourtant, dans un rapport d'information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses de 2006, Philippe Goujon et Charles Gautier préconisaient de renforcer le dispositif d'expertise français en créant des centres d'expertise pluridisciplinaire où la personne pourrait être observée pendant plusieurs jours.

Visiblement, le projet de loi ne s'embarrasse pas d'une telle garantie. Pourtant, madame le garde des sceaux, vous avez évoqué ce rapport tout à l'heure.

Par ailleurs, l'adoption du principe de dangerosité va avoir de graves conséquences sur les principes qui sont au fondement même de notre système judiciaire.

Aujourd'hui, un seuil est franchi puisque le texte abolit le principe même de la présomption d'innocence, la présomption de dangerosité suffisant à incarcérer un individu alors même qu'il n'a pas commis de crime, sinon celui pour lequel il a déjà purgé une peine.

Avec ce texte, le lien entre l'infraction commise et la sanction est tout simplement supprimé. Le fantasme remplace les faits. Cette « justice de sûreté » contredit notre justice de responsabilité, mettant à mal le principe même de la responsabilité pénale.

Le dispositif prévu procède d'une philosophie de l'enfermement manifestement contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui proscrit toute forme de détention hors les cas prévus par l'article 5.

La logique d'enfermement est, en fait, très clairement revendiquée par le projet de loi puisqu'il est précisé que « pendant cette rétention, la personne bénéficiera de droits similaires à ceux des détenus, en matière notamment de visites, de correspondances ».

En réalité, ce projet de loi s'inscrit dans la culture du « risque zéro » qui, sous prétexte de lutter contre la récidive, impose depuis plusieurs années des législations de plus en plus répressives et attentatoires aux libertés publiques.

Avec une telle loi, quelle perspective auront les condamnés ? Ils ne sauront qu'à l'issue de leur peine si leur incarcération sera poursuivie, sans qu'ils ne sachent pourquoi et pour combien de temps. Dans ce cadre, comment mener une politique de réinsertion de ces personnes ?

L'état désastreux des services psychiatriques des prisons réduit le plus souvent le rôle des personnels soignants à la distribution de médicaments, en particuliers de substitution. Ils ne peuvent assurer un accompagnement des personnes malades.

Nous l'avons dit dans notre intervention générale et nous le répéterons, les prisons françaises sont un milieu pathogène. Ce texte de loi ne fera qu'amplifier ce constat dramatique.

En somme, ce projet de loi, en se fondant sur une notion totalement subjective et stigmatisante, laisse place à l'arbitraire le plus total au lieu de s'inscrire dans une perspective d'accompagnement et de thérapie. Il n'est d'aucune utilité pour des personnes peu ou prou soignées, en rupture de suivi de traitement.

Une fois de plus, le Gouvernement fait le choix du « tout répressif » et de la relégation, et ne répond pas aux drames et à la misère des prisons et des hôpitaux psychiatriques. Comme dans le cas des précédentes lois répressives, il n'est pas envisagé de porter la réflexion sur les dispositifs d'insertion et de probation.

Dès lors, plusieurs interrogations s'imposent. Pourquoi ne pas entamer un suivi médico-social effectif dès le début de l'incarcération et attendre la fin de la peine pour mettre en oeuvre un suivi consistant ? Pourquoi ne pas envisager de placer la personne condamnée dans un centre socio-médico-judiciaire dès le début de la peine ?

Tant qu'on ne s'occupera du devenir des condamnés qu'à leur sortie de prison, le temps de détention demeurera, je le crains, un temps mort ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mme Josiane Mathon-Poinat nous propose de considérer qu'il n'y a pas lieu de délibérer. C'est donc qu'il n'y aurait pas de problème !

Or le problème - chacun le reconnaît - est évident, tout comme l'est également le vide juridique. J'ai cité tout à l'heure des directeurs de prison et les personnels de l'administration pénitentiaire, les médecins et les psychiatres. Tous reconnaissent que, dans chacun des établissements, quelques personnes poseraient des problèmes de sécurité tout à fait sensibles si elles étaient remises en liberté à l'issue de leur peine. Le problème existe donc.

J'ajoute qu'il y a bien des points sur lesquels je rejoins ma collègue, notamment en ce qui concerne l'évaluation de la dangerosité.

À cet égard, notre pays accuse un retard assez considérable par rapport à de très nombreux pays voisins. Or ce projet de loi et les amendements déposés par la commission des lois devraient justement, à mon avis, nous permettre de rattraper ce retard.

En effet, nous proposons qu'il y ait une réelle évaluation pluridisciplinaire. Cette dernière ne pourra pas être effectuée par la commission pluridisciplinaire, qui est une commission administrative. Il ne suffit pas de la baptiser « pluridisciplinaire » pour que l'évaluation soit effectivement pluridisciplinaire !

C'est la raison pour laquelle nous proposons que le Centre national d'observation - il est situé aujourd'hui à Fresnes, mais il pourra être implanté ailleurs demain - fasse réaliser une véritable étude pluridisciplinaire par des psychiatres, des médecins, des travailleurs sociaux, des sociologues, des juristes, des personnels pénitentiaires, et ce pendant une durée déterminée.

Nous avons proposé de fixer ce délai à six semaines et, à la demande de notre collègue Robert Badinter, nous avons précisé que ces six semaines étaient un minimum.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis d'accord avec vous sur ce point !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il y aura donc un temps d'observation.

Vous nous opposez, madame la sénatrice, le coût de ces initiatives. De telles critiques ne sont pas systématiquement justifiées.

Je rappelle que le budget de la justice est celui qui a évolué le plus entre 2002 et 2007 puisqu'il a augmenté de 38 %. Il est également celui qui a progressé le plus lors de la dernière loi de finances.

En outre, des structures comme les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs ont un prix de journée tout à fait comparable à celui que vous évoquiez voilà un instant.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce n'est pas dans ce sens que je l'ai exprimé !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous voulons mettre en oeuvre cette évaluation parce qu'il y a un véritable besoin. Nous voulons faire en sorte que la dangerosité qui, aujourd'hui, en France, est appréhendée d'une façon que je qualifierai d'artisanale, le soit de manière plus fiable et professionnelle.

Pour cela, il faut une évaluation pluridisciplinaire, que nous mettons en place. Mais il faudra certainement que cette évaluation clinique soit couplée avec une évaluation statistique ou une évaluation aidée par des références actuarielles.

Ces deux évaluations nous permettront non pas d'atteindre la certitude, car en cette matière le risque zéro n'existe pas - sur ce point, je vous rejoins, madame Mathon-Poinat -, mais d'approcher une estimation convenable de la dangerosité.

Nombre d'aspects de ce texte rejoignent les préoccupations qui sont les vôtres, madame la sénatrice, et c'est quasiment pour vous être agréable que je me prononce contre cette motion tendant à opposer la question préalable !

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 83, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi, par MM. Collombat, Badinter, Frimat, C. Gautier, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 50 tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale le projet de loi (n° 158, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la motion.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, M. le rapporteur vient de nous dire qu'il convient de continuer à délibérer. Je suis tout à fait d'accord avec lui !

Je souhaite néanmoins le renvoi du texte à la commission des lois, car, à mon avis, malgré tous les efforts qui ont été faits, cinq questions essentielles ont été contournées.

Première question : faut-il continuer à légiférer « hors sol », autrement dit sans avoir les moyens d'appliquer correctement ce que l'on vote ?

La lecture tant du dernier rapport de la commission d'analyse et de suivi de la récidive que du rapport de Jean-René Lecerf est édifiante.

La commission de suivi relève que les moyens de l'application effective des précédentes lois manquent. Ainsi, l'injonction de soin stagne faute de psychiatres et de thérapeutes formés au traitement de la délinquance sexuelle.

« L'évaluation de la dangerosité est aujourd'hui très insuffisante en France », souligne M. le rapporteur. Il note également « les grandes insuffisances du système français », conclusion confirmée par le professeur Jean-Louis Senon, lors de son audition devant la commission des lois.

La commission de suivi regrette qu'aucune évaluation des mesures de sûreté mises en place depuis la loi Perben II n'ait été faite : la notion de « dangerosité avérée à la sortie de prison [...] n'est pas encore bien définie par les praticiens, qu'ils soient experts, personnels pénitentiaires ou mêmes juges d'application des peines. »

Pour M. le rapporteur, le Centre national d'observation de Fresnes, élément central du dispositif, ne dispose ni d'une méthodologie d'évaluation suffisante en matière de dangerosité ni des moyens matériels nécessaires à la mission qui lui sera assignée.

Selon Jean-Louis Senon, pas plus de trois ou quatre équipes seulement sont susceptibles, en France, de traiter les délinquants sexuels présentant des troubles de la personnalité ou du comportement. On est loin du dispositif québécois avec le centre Pinel de Montréal, les institutions carcérales disposant de moyens spécialisés, et avec le regroupement des intervenants en matière d'agression sexuelle, le RIMAS, réseau d'institutions, de psychiatres, de psychologues et de criminologues.

J'en viens à la deuxième question.

Jusqu'à présent, lutte contre la récidive, particulièrement en matière sexuelle, a surtout signifié alourdissement des peines et simplification des procédures. Depuis quelques années s'y sont ajoutées les mesures dites de sûreté que renforce considérablement le présent projet de loi. Comment ces deux approches s'articulent-elles ? On ne le sait pas.

Les législations pénales forment système et l'on ne peut se contenter d'importer des dispositifs de sûreté allemands ou canadiens en oubliant que, dans ces pays, les peines, notamment pour délits sexuels, y sont bien moins élevées qu'en France.

Ainsi, une personne coupable d'inceste sera condamnée à quatre ans de réclusion en Allemagne et à douze ans en France.

Selon Xavier Lameyre, « dès 1990, sur le vieux continent, notre pays est celui qui condamnait à la prison le plus fréquemment et le plus longuement les auteurs de viol ».

Selon les statistiques du Conseil de l'Europe, au 1er septembre 2005, la part des détenus condamnés pour une peine égale ou supérieure à dix ans, hors perpétuité, est plus élevée en France - 21,5 % - que dans la plupart des autres pays de l'Union européenne, particulièrement ceux qui pratiquent les mesures de sûreté : 1,6 % en Allemagne, 4,9 % aux Pays-Bas, 7,6 % en Angleterre et au Pays de Galles.

Peut-on sérieusement continuer à empiler les dispositifs répressifs sans se poser la question de leur efficacité et de leur articulation ? Peut-on se satisfaire de voir la France conjuguer les pénalités à durée déterminée les plus lourdes, les peines incompressibles les plus longues, la détention à perpétuité avec l'équivalent des peines à durée indéterminée des Anglo-Saxons ?

Troisième question : la « rétention de sûreté » peut-elle trouver sa place dans notre code pénal ?

En France, à ce jour, une condamnation pénale résulte obligatoirement de trois catégories d'actes : actes intentionnels ayant ou non créé un dommage ; actes non intentionnels ou omission d'obligations ayant créé un dommage, actes préparant manifestement la commission de délits, tel le cas de « l'association de malfaiteurs », par exemple.

La rétention de sûreté, vous le savez, n'entre dans aucun de ces cas : pas d'acte intentionnel ou d'omission d'obligation, pas de préparation d'actes délictueux identifiables, pas de dommages constatables ou de victime ; simplement, une probabilité de récidive, un état de la personnalité.

Qu'on les appelle « peines » ou « mesures de sûreté », les sanctions prononcées par des juridictions pénales sont des peines : peine principale, peines complémentaires, modalités d'application de la peine. Le nouveau code pénal le prévoit expressément, les jurisprudences du Conseil constitutionnel, de la Cour européenne des droits de l'homme, de la Cour de cassation le confirment. C'est pourquoi la « surveillance judiciaire » après la libération du condamné n'a pu être étendue, malgré le souhait du Gouvernement, au-delà de la durée des réductions de peine dont il a pu bénéficier.

Surveillance judiciaire, suivi socio-judiciaire, placement sous surveillance électronique mobile sont des modalités d'application de la peine.

Proportionnée à la gravité de l'infraction, la peine a aussi une limite, même si cette dernière peut être celle de la vie du condamné. Sa peine exécutée et les réparations accomplies, l'auteur des faits sort du champ pénal.

Avec la rétention de sûreté, tout se brouille. Étrange chimère, elle tient à la fois de la peine, de la mesure de police et du soin médical.

C'est une peine : elle est, en effet, prononcée par des magistrats et ne s'applique qu'à des personnes par ailleurs lourdement condamnées. Pour être compatible avec l'ordre juridique existant, elle doit obligatoirement être une peine.

Elle ne saurait donc être appliquée rétroactivement.

Si la rétention de sûreté prononcée dans le cadre de l'exécution d'une peine est une peine, celle qui est prononcée après son exécution n'est pas une peine.

« Dès lors qu'un condamné a effectué sa peine, il sort du champ judiciaire », nous a clairement dit le procureur général Jean-Olivier Viout.

Le placement sous surveillance électronique mobile prononcé après l'exécution de la peine ne peut pas non plus être une peine.

Alors, si ce n'est pas une peine, c'est donc une mesure de police trouvant son origine non dans une infraction, mais dans le risque indéfiniment renouvelable qu'une personnalité fait courir à la société ; ce ne peut donc être une peine.

Logique, le procureur général Viout en conclut que la décision relève de l'autorité administrative : des préfets, éventuellement sur proposition du ministère public, mais non du juge. Pour lui, permettre au juge pénal de prononcer des mesures restrictives de liberté indépendamment d'une reconnaissance de culpabilité pénale brouille les rôles puisque le juge rend des décisions de police. Il y voit une rupture avec l'état du droit en vigueur et un retour en arrière.

Ce retour en arrière est encore plus considérable qu'il ne l'imagine, puisque sont ainsi passées par profits et pertes la Déclaration des droits de l'homme et la Convention européenne des droits de l'homme.

Donner à une autorité administrative le pouvoir de priver de liberté, à vie, une personne exempte de maladie mentale et pénalement responsable, telle est la « rétro-novation » apportée par la rétention de sûreté.

Pour ajouter à la confusion, la rétention de sûreté est aussi un traitement médical, socio-médical, socio-médico-judiciaire, on ne sait pas très bien, mais c'est autre chose qu'un enfermement sanction.

Selon le texte, il s'agit de placer « la personne intéressée dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de la rétention. ».

Le problème, c'est qu'il n'existe pas vraiment de traitement des troubles de la personnalité ou du comportement. Sur ce point, le consensus des experts est total.

À la différence de la maladie mentale, il n'existe pas de définition incontestable des troubles de la personnalité ou du comportement sexuellement déviant. Les traitements existants procèdent d'un empirisme total et leurs résultats sont aléatoires. C'est particulièrement vrai des personnes visées par le texte qui assument largement leurs comportements et refusent d'en changer.

Le professeur Jean-Louis Senon constate « le désarroi du monde judiciaire comme sanitaire face aux problèmes posés par les personnalités pathologiques de type psychopathique [...] qui ne trouvent pas de réponses sanitaires, pas plus que sociales, éducatives ou pénitentiaires adaptées et qui interpellent la justice par leurs récidives comme par leurs troubles graves du comportement notamment dans les institutions pénitentiaires ».

M. le rapporteur en conclut donc que « les personnes atteintes de troubles graves de la personnalité ne sont pas, en l'état actuel des connaissances, selon une majorité de psychiatres, susceptibles de soins. »

Même au Québec, qui s'est doté depuis longtemps de moyens intellectuels, en personnel et en matériels sans commune mesure avec la France, le pragmatisme, pour ne pas dire le bricolage, est de mise. Les résultats du traitement des délinquants sexuels, en général, n'y sont pas probants et, en ce qui concerne les délinquants sexuels dangereux, ils sont inexistants.

Le centre pénitentiaire de la Macaza avance un taux de réitération des délinquants sexuels traités de 8 %, pour un taux français de 13,5 %. Toutefois, à l'Institut Pinel, nous a été communiqué un taux de 15%.

Selon le criminologue américain Hanson, rien ne prouve que les délinquants sexuels bénéficiant d'une prise en charge récidivent moins que les autres.

Au Québec, seuls deux délinquants sexuels dangereux sur trente-huit ont été remis en liberté, pour cause de vieillesse. C'est le signe que les traitements n'ont eu aucun effet sur eux !

On est loin des espoirs suscités par une imminente révolution des neurosciences.

Peine, la rétention de sûreté n'a pas grand intérêt. Mesure de police, elle n'est pas compatible avec notre ordre juridique. Mesure de soin, son efficacité reste à prouver.

Pour le moins, selon la formule de M. le rapporteur, la rétention de sûreté présente « un caractère très novateur ».

Quatrième question : que signifie mesurer la « dangerosité » ?

Toute la fiabilité du dispositif dépend de celle de l'évaluation de la dangerosité ; or cette dernière est problématique.

« Définir la dangerosité reste [...] une entreprise malaisée tant les approches de cette question sont multiples et parfois contradictoires », nous dit encore M. le rapporteur.

La définition de la dangerosité criminologique posant problème, celle de son évaluation en soulève encore plus, même là où elle est le mieux faite.

Je regrette de ne pas avoir le temps de traiter des méthodologies mises en oeuvre, car c'est dans les détails qu'est le diable.

Je me bornerai à constater que la fameuse « approche pluridisciplinaire » signifie en fait « bricolage avec les moyens du bord ». On prend tous les instruments à sa disposition sans savoir s'il y a cohérence entre eux.

« On est prudents et modestes », nous a dit le directeur du centre Pinel, on ne peut plus conscient des limites de ce que son équipe peut donner.

En effet, je veux attirer votre attention sur le fait que, la dangerosité n'étant pas une grandeur physique, son évaluation résulte d'un calcul de risque.

Cela signifie que le classement dans la catégorie « dangereux » dépend non seulement du niveau de risque accepté mais aussi de l'importance des dégâts potentiels. Il résulte d'un arbitrage entre probabilité de récidive et horreur de ses conséquences.

Ainsi, au Canada, les taux de classements varient de 1 à 5 selon les provinces, ce qui signifie que l'exceptionnel est à géométrie variable.

Cela signifie qu'il n'y a aucune certitude qu'un individu classé dangereux passera réellement à l'acte, ni que celui qui ne l'aura pas été ne récidivera pas.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, la rétention de sûreté ne « pourra s'appliquer que de façon exceptionnelle, dans des cas d'une particulière gravité. Elle ne devrait concerner chaque année qu'une dizaine à une vingtaine de condamnés ». Ce chiffre, ramené à la population, représente le taux québécois, soit 12,3.

Dans le rapport de M. Jean-René Lecerf, cependant, il est question de 58 personnes condamnées, soit cinq fois plus.

En Allemagne, l'équivalent de la rétention de sûreté, qui reste limitée dans le temps, touche 350 personnes, soit un équivalent de 290 personnes pour la France.

Passer de 10 à 60 et de 60 à 300 personnes, c'est changer la nature de la mesure, c'est augmenter de façon exponentielle le risque d'ôter à tort la liberté à quelqu'un et de multiplier les « Outreau silencieux », dont nous nous préoccupions dans cette même assemblée, voilà moins d'un an.

Le directeur du centre Pinel, après nous avoir indiqué que 15 % des délinquants sexuels récidiveraient, nous a posé la vraie question : « Faut-il aussi incarcérer les 85 % qui ne récidivent pas pour faire cesser toute récidive ? »

J'en arrive à ma cinquième et dernière question : en n'acceptant plus les risques de la liberté, à laquelle nous préférons de plus en plus la sécurité, quel type de société construisons-nous ? Pas un totalitarisme au sens classique, même si celui-ci présente bien des affinités avec le désir profond de sécurité qui travaille nos sociétés : l'origine de la législation allemande nous le rappelle. Mais c'est autre chose qui est en train de se jouer.

« Aujourd'hui, disait déjà Michel Foucault, le rapport d'un État à la population se fait essentiellement sous la forme de ce qu'on pourrait appeler ? le pacte de sécurité ?. [...] L'État qui garantit la sécurité est un État obligé d'intervenir dans tous les cas où la trame de la vie quotidienne est trouée par un événement singulier, exceptionnel. Du coup, la loi n'est plus adaptée ; du coup, il faut bien ces espèces d'interventions, dont le caractère exceptionnel, extralégal, ne devra pas apparaître du tout comme signe de l'arbitraire, mais au contraire d'une sollicitude. Ce côté de sollicitude omniprésente, c'est l'aspect sous lequel l'État se présente. C'est cette modalité-là du pouvoir qui se développe [...]. »

Toute la question politique qui nous est posée porte sur le prix à payer - en termes de liberté et de démocratie, d'autonomie personnelle, de sociabilité - pour cette société de sécurité qui se construit sous nos yeux et dont vous nous avez vanté les mérites, madame le garde des sceaux. Totalitarisme mou, d'un genre tout à fait nouveau, où le peuple est à lui-même son propre tyran. Toutes ces questions en suspens valent bien un retour en commission ! Je vous remercie d'y penser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La chute était plaisante !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La pertinence et l'excellence des propos tenus par Pierre-Yves Collombat sont la meilleure preuve de l'inutilité d'un renvoi à la commission. Elles démontrent en effet amplement sa parfaite connaissance des problèmes dont nous débattons et illustrent le fait que la commission des lois, qui a participé à cette information générale, a convenablement fait son travail. Votre rapporteur a d'ailleurs été très sensible aux propos très aimables que les différents groupes ont bien voulu tenir à son égard et il tient à les en remercier.

La commission des lois ne s'est pas intéressée à ce dossier de manière superficielle. Je rappellerai que Philippe Goujon et Charles Gautier ont, voilà deux ans, rédigé un rapport tout à fait important qui a largement contribué à forger ma conviction et que je cite abondamment dans mon propre rapport. Environ quarante personnalités ont été auditionnées, tantôt par la commission, tantôt par le rapporteur. Ce dernier a d'ailleurs été extrêmement heureux que ses auditions, où il se sent parfois très seul, aient attiré jusqu'à une dizaine de ses collègues, ce qui démontrait bien leur intérêt.

J'ajouterai que nous avons organisé de nombreuses missions, en France - notamment des visites d'établissements pénitentiaires - et à l'étranger : en Belgique, Robert Badinter, Alima Boumediene-Thiery et moi-même avons pu étudier la cohérence du système belge, qui nous a impressionnés, notamment s'agissant du traitement des malades mentaux ; Pierre-Yves Collombat, Michèle André, Alima Boumediene-Thiery et moi-même nous sommes également rendus au Royaume-Uni.

Enfin, j'ai effectué avec Pierre-Yves Collombat un déplacement au Québec, dont je n'ai d'ailleurs pas retiré la même impression que lui. Je serai un peu plus indulgent à l'égard des résultats obtenus par ce pays.

Le traitement quelque peu acharné, il est vrai, des délinquants sexuels au Québec enregistre des résultats intéressants : le taux de réitération serait de 8 % contre un taux de 13,5 % en France ; cela fait une différence !

J'ajoute que Pierre-Yves Collombat a été relativement injuste en disant que seuls deux délinquants avaient pu retrouver la liberté au Québec. En effet, ces deux personnes faisaient partie des délinquants considérés comme dangereux. Or, au Québec, cette catégorie résulte d'un classement : le délinquant dangereux est condamné à une peine indéterminée, et l'on constate très souvent que les personnes relevant de cette catégorie ne sortent pas de prison, ou n'en sortent que lorsqu'elles sont très âgées et ne présentent plus aucun caractère dangereux.

Mes chers collègues, nous avons parfois des opinions différentes sur le projet de loi qui nous est présenté, et ces divergences ne recouvrent pas systématiquement les clivages des différents groupes. Cela ne signifie pas que nous soyons mal informés ! Pierre-Yves Collombat a brillamment démontré le contraire. Le renvoi de ce projet de loi à la commission ne me paraît donc pas utile. C'est pourquoi je vous demande de voter contre cette motion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je partage l'avis de la commission, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 50, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Discussion générale

7

Convocation du parlement en congrès

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :

« Paris, le 30 janvier 2008

« Monsieur le président,

« Le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution a été voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 16 janvier 2008 et par le Sénat le 30 janvier 2008.

« J'ai décidé de soumettre au Parlement convoqué en Congrès le 4 février 2008 ce projet de loi constitutionnelle en vue de son approbation définitive dans les conditions prévues par l'article 89 de la Constitution.

« Je vous adresse, ci-joint, avant sa publication au Journal officiel, une ampliation du décret de convocation du Congrès, auquel sera annexé le texte que cette assemblée aura à examiner.

« Veuillez croire, monsieur le président, à l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Nicolas Sarkozy. »

Je vais donner lecture de l'article 2 du décret de convocation du Congrès :

« Art. 2. - L'ordre du jour du Congrès est fixé ainsi qu'il suit :

« Vote sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution. »

Acte est donné de cette communication.

8

Conférence des présidents

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Jeudi 31 janvier 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 9 heures 30 :

1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi (n° 183, 2007-2008) ;

2°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le pouvoir d'achat (n° 180, 2007-2008) ;

3°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion relatif au siège de l'Organisation ITER et aux privilèges et immunités de l'Organisation ITER sur le territoire français (n° 153, 2007-2008) (Procédure simplifiée) ;

À 15 heures et le soir :

4°) Suite du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (n° 158, 2007-2008).

Éventuellement, vendredi 1er février 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Mardi 5 février 2008 :

À 10 heures :

1°) Dix-huit questions orales :

L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 1 de M. Roland Courteau à M. le secrétaire d'État chargé des transports ;

(Ligne grande vitesse Perpignan-Barcelone) ;

- n° 121 de M. Adrien Gouteyron à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Politique de prévention du suicide des jeunes) ;

- n° 126 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ;

(Réalisation et financement des travaux de mise à 2x2 voies de la RN 124 entre Auch et Toulouse) ;

- n° 130 de Mme Anne-Marie Payet à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice ;

(Respect du principe de l'encellulement individuel) ;

- n° 138 de Mme Michèle André à M. le secrétaire d'État chargé des transports ;

(Ralentissements ou fermetures sur les lignes ferroviaires auvergnates) ;

- n° 139 de M. Dominique Mortemousque à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Pénurie de médecins en milieu rural) ;

- n° 141 de Mme Bariza Khiari à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ;

(Mise en oeuvre du CV anonyme) ;

- n° 142 de M. Georges Mouly à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ;

(Présence postale dans les zones rurales) ;

- n° 143 de M. Pierre-Yves Collombat à M. le secrétaire d'État chargé des transports ;

(Desserte de la gare des Arcs-Draguignan) ;

- n° 144 de M. Thierry Repentin à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice ;

(Réforme de la carte judiciaire en Savoie) ;

- n° 145 de Mme Catherine Tasca à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie ;

(Maison de la francophonie) ;

- n° 146 de M. Pierre Martin à M. le ministre de l'éducation nationale ;

(Mise en place d'un service minimum dans les écoles maternelles et élémentaires) ;

- n° 148 de Madame Catherine Dumas à Mme la ministre de la culture et de la communication ;

(Restauration et entretien du patrimoine culturel français) ;

- n° 149 de Mme Patricia Schillinger à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Utilisation des défibrillateurs entièrement automatisés dans les lieux publics et responsabilité des maires) ;

- n° 150 de Mme Bernadette Dupont à Mme la ministre du logement et de la ville ;

(Mise en oeuvre du droit au logement opposable pour les personnes handicapées) ;

- n° 151 de M. Jean-Pierre Fourcade à M. le Premier ministre ;

(Projet de jardin-musée des sculptures sur l'île Seguin) ;

- n° 153 de Mme Odette Terrade à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ;

(Devenir de l'Imprimerie nationale à Choisy-le-Roi) ;

- n° 154 de M. Richard Yung à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;

(Consulats généraux à gestion simplifiée).

Ordre du jour prioritaire

À 16 heures et le soir :

2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction (n° 136, 2007 2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 4 février 2008, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à trente minutes la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 4 février 2008) ;

3°) Projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (urgence déclarée) (n° 149, 2007 2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 4 février 2008, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 4 février 2008).

Mercredi 6 février 2008 :

À 18 heures : dépôt par M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, du rapport annuel de la Cour des comptes

Ordre du jour réservé

À 15 heures et le soir :

1°) Sous réserve de sa transmission, proposition de loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général (A.N., n° 571) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à l'ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 5 février 2008) ;

2°) Proposition de loi tendant à abroger l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, présentée par M. Jean-Marc Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 106, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 5 février 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 5 février 2008) ;

3°) Question orale avec débat n° 13 rectifiée de M. Georges Othily à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme sur la politique de la France pour promouvoir le respect des traités internationaux concernant les droits de l'homme ;

(La conférence des présidents :

- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

- a attribué un temps de parole de dix minutes au président de la commission des affaires étrangères ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 5 février 2008).

Jeudi 7 février 2008 :

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ;

2°) Suite du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés ;

À 15 heures :

3°) Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire

4°) Suite du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés ;

Le soir :

5°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne ;

(La conférence des présidents a :

- attribué un temps de parole de dix minutes au président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ;

- fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 6 février 2008).

Vendredi 8 février 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 9 heures 30 et à 15 heures :

1°) Éventuellement, suite du projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne ;

2°) Suite du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.

SUSPENSION DES TRAVAUX EN SÉANCE PLÉNIÈRE :

du samedi 9 février 2008 au lundi 24 mars 2008 inclus.

Mardi 25 mars 2008 :

À 10 heures :

1°) Questions orales :

L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 103 de M. Claude Biwer à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Croissance du coût des médicaments en France) ;

- n° 147 de M. Michel Guerry à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ;

(Ouverture d'un compte de dépôt en France par un Français résidant à l'étranger) ;

- n° 152 de M. Alain Fouché à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ;

(Législation sur la publicité, les enseignes et préenseignes) ;

- n° 155 de Mme Marie-France Beaufils à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Maintien sur le site de Clocheville de l'hôpital pour enfants) ;

- n° 156 de M. Raymond Couderc à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Conditions de confection des passeports biométriques).

Ordre du jour prioritaire

À 16 heures :

2°) Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (n° 110, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mercredi 19 mars 2008, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 21 mars 2008).

Mercredi 26 mars 2008 :

Ordre du jour réservé

À 15 heures et le soir :

1°) Proposition de loi pour l'amélioration et la simplification du droit de la chasse, présentée par M. Ladislas Poniatowski (n° 269, 2006-2007) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 25 mars 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 25 mars 2008) ;

2°) Proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion, présentée par M. Michel Mercier ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à l'ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 25 mars 2008) ;

3°) Question orale avec débat n° 6 de M. Gérard Bailly à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la lutte contre l'épidémie de fièvre catarrhale ovine ;

(La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 25 mars 2008) ;

4°) Question orale avec débat n° 11 de M. Jacques Valade à Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'expérimentation de la gratuité des musées ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 25 mars 2008) ;

5°) Question orale avec débat n° 12 de M. Gérard Dériot à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur la politique de lutte contre l'obésité ;

(La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 25 mars 2008).

Jeudi 27 mars 2008 :

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Deuxième lecture du projet de loi relatif à la nationalité des équipages de navires (n° 190, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 25 mars 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 26 mars 2008) ;

À 15 heures :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures).

Mardi 1er avril 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 16 heures et le soir :

- Sous réserve de son dépôt sur le bureau du Sénat, projet de loi modifiant l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat et diverses dispositions du code général des collectivités territoriales, du code de l'urbanisme, du code général des impôts, du code des assurances et du code monétaire et financier ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 31 mars 2008, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 31 mars 2008).

Mercredi 2 avril 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et, éventuellement, le soir :

1°) Suite éventuelle du projet de loi modifiant l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat ;

2°) Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna (n° 156, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 1er avril 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 1er avril 2008).

Jeudi 3 avril 2008 :

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale, par la mise en conformité du code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire relatif à un groupement européen de coopération territoriale (n° 182, 2007 2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 1er avril 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 1er avril 2008) ;

À 15 heures :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire

3°) Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (A.N., n° 301) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mercredi 2 avril 2008, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 2 avril 2008).

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

9

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Demande de priorité

Rétention de sûreté

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

Demande de priorité

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, la commission des lois demande, afin d'assurer la cohérence de nos travaux, que l'article 12, qui traite de questions en rapport avec l'article 1er, soit examiné par priorité après l'amendement n° 36 tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er, soit juste avant le chapitre II.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Favorable.

M. le président. La priorité est de droit.

titre ier

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

CHAPITRE Ier

Dispositions relatives à la rétention de sûreté

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Article 1er (début)

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. Dans le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, après le mot : « de sons » sont insérés les mots : «, de vidéogrammes ».

II. La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifiée :

1° Dans le troisième alinéa du IV de l'article premier, après les mots : « de sons » sont insérés les mots : «, de vidéogrammes ».

2° Dans le deuxième alinéa (2) du I de l'article 6, après les mots : « de sons » sont insérés les mots : «, de vidéogrammes ».

3° Après le quatrième alinéa du 7 de l'article 6 sont insérés onze alinéas ainsi rédigés :

« Elles ont également l'obligation spécifique de mettre en place un dispositif accessible et visible d'information du public sur les peines encourues par leurs abonnés en cas de diffusion des infractions visées aux articles 227-23 et 227-24 du code pénal.

« Ce dispositif permettra une diffusion systématique et lisible par tout abonné de la mention suivante :

« Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

« Le fait d'offrir, de rendre disponible ou de diffuser une telle image ou représentation, par quelque moyen que ce soit, de l'importer ou de l'exporter, de la faire importer ou de la faire exporter, est puni des mêmes peines.

« Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsqu'il a été utilisé, pour la diffusion de l'image ou de la représentation du mineur à destination d'un public non déterminé, un réseau de communications électroniques.

« La tentative des délits prévus aux alinéas précédents est punie des mêmes peines. « Le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit est puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

« Les infractions prévues au présent article sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 500 000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises en bande organisée.

« Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques d'une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur, sauf s'il est établi que cette personne était âgée de dix-huit ans au jour de la fixation ou de l'enregistrement de son image (article 227-23 du code pénal).

« Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur (article 227-24 du code pénal).

« Les caractéristiques du dispositif visé aux alinéas précédents sont précisées par un décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement tend à lutter à titre préventif - nous voulons que ce texte soit aussi un instrument de prévention - contre la circulation sur Internet de vidéos pédopornographiques.

La circulation de ces vidéos a pris une importance alarmante, en raison notamment d'un vide juridique et technique dans ce domaine.

Madame le garde des sceaux, il est évident que les conditions de discussion de ces questions sont plus sereines dans le cadre de l'examen du présent texte qu'elles ne l'étaient lors de l'élaboration de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, au cours de laquelle les lobbies des nouvelles technologies étaient intervenus de manière active.

Il s'ensuit que le dispositif de la loi pour la confiance dans l'économie numérique est bien incomplet.

En effet, il est impossible d'imposer aux sociétés responsables du stockage de telles informations, mais non de leur mise en ligne, un dispositif complet de lutte contre la circulation de vidéos illicites. Elles n'ont pas les moyens humains ni technologiques de lutter efficacement et de manière préventive contre la diffusion de telles vidéos.

Ainsi, il a paru impossible d'imposer à ces sociétés d'adopter un système de contrôle de la licéité du contenu des vidéos circulant sur leurs sites.

Cela est dû tout d'abord à une carence dans la mise au point de systèmes de pistage des contenus illicites. Il n'en existe aucun qui soit efficace, si ce n'est en matière de reconnaissance automatique de l'identité des ayants droit, tels que les grandes « majors » de musique ou les grandes maisons de production ou chaînes de télévision, soucieuses de la protection de leurs droits d'auteur et de diffusion.

Cela est dû ensuite à une limitation du champ de la loi pour la confiance dans l'économie numérique à une répartition des responsabilités entre le fournisseur d'accès, l'hébergeur et l'abonné préservant en réalité les intérêts des deux premiers acteurs cités.

Ainsi, l'hébergeur d'un site où sont stockées des vidéos pédopornographiques n'est pas responsable du contenu des vidéogrammes en circulation.

Cet amendement, qui n'a pas vocation à accabler les hébergeurs ni à les soumettre à des sujétions insurmontables, vise néanmoins à les obliger à mettre en place un dispositif préventif signalant à leurs abonnés les peines encourues en cas de diffusion de vidéos au contenu illicite.

Cela n'est pas grand-chose, c'est vrai, mais c'est déjà une obligation spécifique qui peut contribuer à la lutte contre la pédopornographie et, partant, contre la pédophilie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement est incontestablement utile dans le cadre de la lutte contre la pédopornographie.

Cependant, il n'a pas réellement de rapport direct avec l'objet du texte, d'autant que les crimes visés désormais dans le cadre de la rétention de sûreté ne sont plus exclusivement les crimes commis à l'encontre des mineurs de quinze ans, vu les amendements qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale.

C'est la raison pour laquelle la commission des lois s'en remet à l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je m'associe aux arguments qui viennent d'être présentés par M. le rapporteur.

La proposition de Mme Boumediene-Thiery est intéressante. Les dispositions relatives aux cyber-patrouilleurs qui figurent dans la loi relative à la prévention de la délinquance s'inscrivent d'ailleurs dans le même esprit.

Mais cet amendement est un cavalier, car son objet est très éloigné de celui du projet de loi. Je m'engage donc auprès de Mme Boumediene-Thiery à ce que les éléments qu'il contient soient intégrés aux travaux menés actuellement à la Chancellerie quant aux sites Internet diffusant des images pédopornographiques. Dans ces conditions, l'amendement pourrait être retiré.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, je retire cet amendement, puisque j'ai l'engagement que mes propositions seront reprises dans les réflexions de la Chancellerie sur la lutte contre la pédophilie.

M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.

Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. - Après l'article 706-53-12 du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« De la rétention de sûreté

« Art. 706-53-13. - Lorsque la juridiction a expressément prévu dans sa décision le réexamen de la situation de la personne qu'elle a condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à quinze ans, pour l'un des crimes suivants commis sur un mineur :

« 1° Meurtre ou assassinat ;

« 2° Torture ou actes de barbarie ;

« 3° Viol ;

« 4° Enlèvement ou séquestration,

« cette personne peut, à compter du jour où la privation de liberté prend fin, faire l'objet d'une rétention de sûreté lorsqu'elle présente, en raison d'un trouble grave de la personnalité, une particulière dangerosité caractérisée par la probabilité très élevée de commettre à nouveau l'une de ces infractions.

« Cette mesure consiste dans le placement de la personne intéressée dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de la rétention.

« Le présent article est également applicable aux personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes, commis sur une victime majeure, d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé ou d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal.

« Art. 706-53-14. - La situation des personnes mentionnées à l'article 706-53-13 est examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l'article 763-10, afin d'évaluer leur dangerosité.

« À cette fin, cette commission rassemble tous les éléments d'information utiles et fait procéder à une expertise médicale, réalisée par deux experts, ainsi qu'aux enquêtes nécessaires.

« Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle peut proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l'objet d'une rétention de sûreté dans le cas où :

« 1° Les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant d'une injonction de soins ou d'un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d'être prononcés dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire, apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13 ;

« 2° Et si cette rétention constitue ainsi l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions.

« Si la commission estime que les conditions de la rétention de sûreté ne sont pas remplies mais que le condamné paraît néanmoins dangereux, elle renvoie le dossier au juge de l'application des peines pour qu'il apprécie l'éventualité d'un placement sous surveillance judiciaire.

« Art. 706-53-15. - La décision de rétention de sûreté est prise par la commission régionale de la rétention de sûreté territorialement compétente. Cette commission est composée d'un président de chambre et de deux conseillers de la cour d'appel, désignés par le premier président de cette cour pour une durée de trois ans.

« Cette commission est saisie à cette fin par le procureur général, sur proposition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l'article 763-10, au moins trois mois avant la date prévue pour la libération du condamné. Elle statue après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office. La contre-expertise sollicitée par le condamné est de droit.

« La décision de rétention de sûreté doit être spécialement motivée au regard des dispositions de l'article 706-53-14.

« Cette décision est exécutoire immédiatement à l'issue de la peine du condamné.

« Elle peut faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale de la rétention de sûreté, composée de trois conseillers à la Cour de cassation désignés pour une durée de trois ans par le premier président de cette cour.

« La commission nationale statue par une décision motivée qui n'est pas susceptible de recours, à l'exception d'un pourvoi devant la Cour de cassation.

« Art. 706-53-16. - La décision de rétention de sûreté est valable pour une durée d'un an.

« La rétention de sûreté peut être renouvelée selon les modalités prévues par l'article 706-53-15 et pour la même durée, dès lors que les conditions prévues par l'article 706-53-14 sont toujours remplies.

« Art. 706-53-17. - Supprimé.

« Art. 706-53-18. - La personne qui fait l'objet d'une rétention de sûreté peut demander à la commission régionale de la rétention de sûreté qu'il soit mis fin à cette mesure. Il est mis fin d'office à la rétention si cette commission n'a pas statué dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande. En cas de rejet de la demande, aucune autre demande ne peut être déposée avant l'expiration d'un délai de trois mois.

« La décision de cette commission peut faire l'objet du recours prévu à l'article 706-53-15.

« Art. 706-53-19. - La commission régionale de la rétention de sûreté ordonne d'office qu'il soit mis fin à la rétention de sûreté dès lors que les conditions prévues par l'article 706-53-14 ne sont plus remplies.

« Art. 706-53-20. - Si la rétention de sûreté n'est pas prolongée ou s'il y est mis fin en application des articles 706-53-18 ou 706-53-19 et si la personne présente des risques de commettre les infractions mentionnées à l'article 706-53-13, la commission régionale de la rétention de sûreté peut, par la même décision et après débat contradictoire, soumettre celle-ci pendant une durée d'un an aux obligations résultant du placement sous surveillance électronique mobile conformément aux articles 763-12 et 763-13 ainsi qu'à des obligations similaires à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnées à l'article 723-30, et notamment à une injonction de soins prévue par les articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique.

« À l'issue de ce délai, la commission régionale peut prolonger tout ou partie de ces obligations, pour une même durée, par une décision prise après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office. Cette décision peut faire l'objet du recours prévu à l'article 706-53-15. Ces obligations peuvent à nouveau être prolongées pour une même durée et selon les mêmes modalités.

« Si la méconnaissance par la personne des obligations qui lui sont imposées fait apparaître que celle-ci présente à nouveau une particulière dangerosité caractérisée par le risque particulièrement élevé de commission des infractions mentionnées à l'article 706-53-13, le président de la commission régionale peut ordonner en urgence son placement provisoire dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Ce placement doit être confirmé dans un délai maximal de trois mois par la commission régionale statuant conformément à l'article 706-53-15, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, à défaut de quoi il est mis fin d'office à la rétention.

« Art. 706-53-21. - Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables à la personne qui bénéficie d'une libération conditionnelle, sauf si cette mesure a fait l'objet d'une révocation.

« Lorsque la rétention de sûreté est ordonnée à l'égard d'une personne ayant été condamnée à un suivi socio-judiciaire, celui-ci s'applique, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la rétention prend fin.

« Art. 706-53-22. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions et les modalités d'application du présent chapitre.

« Ce décret précise les conditions dans lesquelles s'exercent les droits des personnes retenues dans un centre socio-médico-judicaire de sûreté, en matière notamment de visites, de correspondances, d'exercice du culte et de permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile. Il ne peut apporter à l'exercice de ces droits que les restrictions strictement nécessaires aux exigences de l'ordre public.

« La liste des cours d'appel dans lesquelles siègent les commissions régionales prévues au premier alinéa de l'article 706-53-15 et le ressort de leur compétence territoriale sont fixés par arrêté du garde des sceaux. »

bis. - L'article 362 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les cas prévus par l'article 706-53-13, elle délibère aussi pour déterminer s'il y a lieu de se prononcer sur le réexamen de la situation du condamné avant l'exécution de la totalité de sa peine conformément à l'article 706-53-14. »

II. - L'article 717-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Deux ans avant la date prévue pour la libération d'un condamné susceptible de relever des dispositions de l'article 706-53-13, celui-ci est convoqué par le juge de l'application des peines auprès duquel il justifie des suites données au suivi médical et psychologique adapté qui a pu lui être proposé en application des deuxième et troisième alinéas du présent article. Au vu de ce bilan, le juge de l'application des peines lui propose, le cas échéant, de suivre un traitement dans un établissement pénitentiaire spécialisé.

« Les agents et collaborateurs du service public pénitentiaire transmettent aux personnels de santé chargés de dispenser des soins aux détenus les informations utiles à la mise en oeuvre des mesures de protection des personnes. »

III. - L'article 723-37 du même code devient l'article 723-39 et, après l'article 723-36 du même code, il est rétabli un article 723-37 et inséré un article 723-38 ainsi rédigés :

« Art. 723-37. - Lorsque le placement sous surveillance judiciaire a été prononcé à l'encontre d'une personne faisant l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 706-53-13, la commission régionale mentionnée à l'article 706-53-15 peut, selon les modalités prévues par cet article, décider d'en prolonger les effets, au-delà de la limite prévue à l'article 723-29, pour une durée d'un an.

« La commission régionale de la rétention de sûreté est saisie par le juge de l'application des peines ou le procureur de la République six mois avant la fin de la mesure.

« Cette prolongation ne peut être ordonnée, après expertise médicale constatant la persistance de la dangerosité, que dans le cas où :

« 1° Les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judicaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13 ;

« 2° Et si cette prolongation constitue l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions.

« Cette prolongation peut être renouvelée selon les mêmes modalités et pour la même durée si les conditions prévues par le présent article demeurent remplies. 

« Les articles 723-30, 723-33 et 723-34 sont applicables à la personne faisant l'objet de cette prolongation.

« Les dispositions du dernier alinéa de l'article 706-53-20 sont applicables en cas de méconnaissance par la personne de ses obligations.

« Art. 723-38. - Lorsque le placement sous surveillance électronique mobile a été prononcé dans le cadre d'une surveillance judiciaire à l'encontre d'une personne faisant l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 706-53-13, il peut être renouvelé tant que la mesure de surveillance judiciaire est prolongée. »

IV. - L'article 763-8 du même code est ainsi rétabli :

« Art. 763-8. - Lorsqu'un suivi socio-judiciaire a été prononcé à l'encontre d'une personne faisant l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 706-53-13, la commission régionale de la rétention de sûreté peut, selon les modalités prévues par l'article 706-53-15, décider d'en prolonger les effets, au-delà de la durée prononcée par la juridiction de jugement et des limites prévues à l'article 131-36-1 du code pénal, pour une durée d'un an.

« Les dispositions des deuxième à cinquième et septième alinéas de l'article 723-37 du présent code sont applicables, ainsi que celles de l'article 723-38. »

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.

Mme Josiane Mathon-Poinat. La prise en compte de la fin de peine des détenus considérés comme particulièrement dangereux est une question trop importante pour être examinée dans l'urgence et faire l'objet d'un traitement médiatique. Ce texte participe - hélas, avec le concours du Parlement, tout particulièrement depuis 2002 - à une évolution très inquiétante de la législation pénale, qui se manifeste notamment par une insistance à focaliser l'attention sur les victimes.

Il est évident que chacun d'entre nous ressent une empathie profonde à l'égard des victimes qui souffrent et qui attendent une réponse et une sanction. Mais ce n'est précisément pas en instrumentalisant cette souffrance à des fins politiques que nous y répondrons. Nous voyons bien que l'inflation pénale de ces dernières années n'a rien réglé : la preuve, nous légiférons à nouveau aujourd'hui !

Nous devons être efficaces pour prévenir les actes criminels et empêcher la récidive. Cela mérite une réflexion, une évaluation et un bilan critique de l'application des nombreuses dispositions législatives déjà votées. À ce sujet, je remarque une fois de plus que certains textes ne sont même pas encore en oeuvre. Légiférer efficacement supposerait par conséquent de ne pas anticiper sur le débat de fond nécessaire et exigeant à propos de la réforme pénitentiaire, dont l'annonce reste pour l'heure sans suite. Nous espérons qu'il ne s'agira pas d'une arlésienne !

Or, madame le garde des sceaux, vous nous demandez d'accepter tout de suite une mesure qui bouscule des principes fondamentaux de notre droit, qui ont été élaborés pas à pas dans le souci à la fois de lutter contre la criminalité et de faire respecter des valeurs essentielles pour le fonctionnement et l'avenir de notre société.

Vous nous demandez de permettre l'enfermement, qui plus est pour une durée illimitée, des criminels ayant purgé leur peine, mais potentiellement récidivistes, et donc de valider des peines de prison sans qu'une infraction ait été commise.

Vous nous demandez aussi d'intégrer dans notre droit le principe de la rétroactivité des lois que vous avez admis à l'Assemblée nationale. Vous avez d'ailleurs aussi accepté une extension très importante des crimes visés dans votre projet de loi initial, ce qui montre bien le peu de garanties qui entourent ces dispositions, malléables à loisir.

Le montage juridique est tellement grossier que la commission des lois s'est sentie tout de même obligée de déposer une trentaine d'amendements pour tenter de donner au texte un minimum de fondements juridiques et le faire échapper ainsi à la censure du Conseil constitutionnel, notamment en ce qui concerne la rétroactivité. Mais cela ne changera rien à la logique de ce projet de loi, qui est un texte d'affichage destiné à faire croire que la société serait désormais à l'abri des criminels.

Il ne faut pas s'étonner que la grande majorité des professionnels du droit et de la santé ainsi que les organisations défendant les droits de l'homme se soient mobilisées contre ce texte. Mais, en matière de récidive comme de carte judiciaire, vous refusez pour l'instant de les entendre, préférant accorder votre attention à l'agitation médiatique du Président de la République, quelles qu'en soient les conséquences.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, sur l'article.

M. Robert Badinter. Je tiens à dissiper une confusion qu'il m'a semblé percevoir tout à l'heure dans la réponse de Mme le garde des sceaux.

Il faut être précis : nous sommes ici dans le domaine de la dangerosité criminologique, et non dans celui de la dangerosité psychiatrique, qui concerne les malades mentaux détenus. Ces derniers sont traités comme tous les malades mentaux. Par conséquent, s'ils sont amenés à l'hôpital pendant leur période de détention, ils resteront dans un hôpital fermé.

Cette mesure ne peut être maintenue que le temps de leur détention, c'est-à-dire pendant la durée de la peine. Après cela, ils sont soumis aux mêmes conditions que tous les autres malades mentaux. Ils peuvent être placés en milieu ouvert ou fermé, selon le traitement choisi par ceux qui ont en charge de traiter cette dangerosité psychiatrique, qui - j'insiste - n'a rien à voir avec la dangerosité criminologique. Établir un rapprochement entre les deux n'aboutirait qu'à introduire de la confusion dans nos débats, ce que je ne souhaite en rien.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Badinter, tout à l'heure, nous évoquions la question de la privation de liberté d'une personne qui n'a pas encore commis d'infraction. Vous indiquiez que c'était une peine après la peine, et qu'une personne serait privée de liberté alors qu'elle n'a pas encore commis d'infraction. C'est à cela que je répondais en indiquant que l'on pouvait tout à fait être privé de sa liberté sans avoir commis d'infraction : c'est le cas des hospitalisations d'office et des détentions provisoires.

S'agissant d'une détention provisoire, il n'y a pas d'infraction puisque l'on est présumé innocent ; pourtant, on est privé de sa liberté. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas pareil !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Quant aux hospitalisations d'office, une personne souffrant de troubles mentaux est privée de sa liberté en raison des risques qu'elle fait peser sur sa sécurité ou sur celle d'autrui. Et cela peut durer bien au-delà de la peine.

M. Robert Badinter. On ne peut pas maintenir une hospitalisation d'office à l'égard d'un détenu après sa peine ! Une décision médicale est nécessaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je regrette d'avoir à vous contredire, monsieur Badinter, mais il y a trois conditions cumulatives à l'hospitalisation d'office. Je vous renvoie au code de la santé publique. Vous pouvez priver une personne de sa liberté dans le cadre d'une hospitalisation d'office en cas de trouble mental, pour une durée plus longue que celle de la peine si les médecins et les psychiatres considèrent qu'il y a un risque pour sa sécurité ou pour celle d'autrui. Au-delà de la peine, vous avez raison : il s'agit de dangerosité non pas criminologique, mais bien psychiatrique.

M. Robert Badinter. C'est régi par le code de la santé publique ! Cela relève du droit administratif.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 52 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Frimat, C. Gautier, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 64 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour défendre l'amendement n° 52.

M. Pierre-Yves Collombat. L'article 1er étant le coeur de ce projet de loi, demander sa suppression revient à exiger le retrait du texte.

Les raisons de notre opposition ont été longuement exposées. J'essaierai donc d'être synthétique. Nous sommes hostiles à la rétention de sûreté telle qu'elle est prévue à l'article 1er du projet de loi pour trois raisons essentielles.

Première raison, nous n'aurons pas les moyens d'appliquer, dans des conditions acceptables, les dispositifs existants de lutte contre la récidive. Nous avons encore moins ceux d'appliquer les nouvelles dispositions prévues par le texte, qu'il s'agisse de la mesure de la dangerosité ou de son traitement.

Deuxième raison, ce projet de loi tente, sans y parvenir, de concilier des logiques opposées. Nous venons d'en avoir la démonstration ! La logique pénale ne peut voir dans la rétention de sûreté qu'une peine, et la logique administrative de sûreté en fait une mesure de police sanitaire. C'est l'esprit de l'hospitalisation d'office.

Puisqu'on invoque les exemples étrangers pour justifier l'acclimatation en France de la rétention de sûreté, on constatera qu'ils sont sinon complètement satisfaisants, du moins cohérents, ce qui n'est pas le cas des propositions qui nous sont faites.

En Allemagne, à infractions équivalentes, les peines sont beaucoup moins lourdes qu'en France, et l'équivalent de la rétention de sûreté est à durée limitée. Nous aurons, quant à nous, à la fois le système de pénalités le plus lourd du vieux continent et la rétention de sûreté à durée indéterminée des Anglo-Saxons !

Mais c'est la comparaison entre les logiques des systèmes anglo-saxon et néerlandais qui est la plus éclairante.

Dans le système britannique et canadien, le jugement à l'origine de la rétention de sûreté est une condamnation à durée indéterminée. Qu'elle cesse ou qu'elle soit poursuivie, la rétention de sûreté reste une modalité d'application de la peine initiale. Il ne viendrait à l'esprit de personne de priver de liberté quelqu'un si ce n'était pas prévu par le jugement, quel que soit le pronostic établi sur le comportement futur de l'individu, encore moins de le faire à titre rétroactif.

Le système néerlandais ne fait pas de distinction, à la différence du système français, entre le « malade mental », pénalement irresponsable, et la personne atteinte de « trouble de la personnalité ou du comportement », pénalement responsable en France. D'un côté, il y a ceux qui suivent la voie psychiatrique, assimilable à notre hospitalisation d'office : ils ne sont pas condamnés, mais soignés, ce qui coûte d'ailleurs très cher au contribuable hollandais. De l'autre côté, il y a ceux qui suivent la voie judiciaire et qui font l'objet d'une condamnation.

Troisième raison, le dispositif proposé ne prend pas assez en compte, à notre sens, le caractère insuffisamment fiable des méthodes d'évaluation de la dangerosité pour nous mettre à l'abri tant des remises en liberté fautives que des rétentions abusives.

On ne peut, en effet, séparer les deux problèmes et alternativement, comme nous le faisons, durcir tous les six mois les conditions d'incarcération, quel que soit le nom qu'on lui donne, et tous les ans se préoccuper de faire respecter les droits des présumés coupables, en l'espèce des présumés susceptibles d'être coupables.

Nous ne pouvons cautionner un système trop sensible à l'air du temps pour être juste. Mais je vous concède, madame le garde des sceaux, que le temps où la justice s'efforçait d'abord d'être juste est loin derrière nous. Aujourd'hui, la fonction de la justice est apparemment avant tout de consoler et de donner ainsi l'illusion qu'elle protège.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 64.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à supprimer l'article 1er qui crée l'enfermement, sans doute à vie, de personnes non pour leurs actes, mais pour ce qu'elles sont et ce qu'elles pourraient faire. Mon collègue Pierre-Yves Collombat vient d'apporter, à l'appui de son argumentation, des éléments forts dont nous avions fait état lors de la discussion générale.

Il existe déjà une longue liste de dispositifs. J'en rappellerai quelques-uns : la loi de juin 1990 qui permet d'interner par décision du préfet, en dehors de toute conduite délictueuse ; la loi de 1998 qui prévoit l'injonction de soins dès l'entrée en prison, le suivi socio-judiciaire sans limitation de durée, l'extension du fichier judiciaire avec obligation de se présenter à la police, l'extension de l'utilisation du bracelet électronique ; la loi de 2005, qui traite de la surveillance judiciaire, et celle du 10 août dernier, donc toute récente, qui rend les soins obligatoires. Il faudrait mettre en oeuvre cet arsenal législatif relativement important et en mesurer ensuite l'efficacité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je n'ai pas l'intention de recommencer le débat sur la question préalable, il a déjà eu lieu.

Comme notre collègue Pierre-Yves Collombat l'a d'ailleurs reconnu au début de son intervention, en voulant supprimer cet article, c'est l'essentiel du projet de loi que l'on vise. Comme la commission des lois ne souhaite pas faire disparaître le projet de loi, elle émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission. Nous avons déjà développé des arguments similaires dans le cadre de la discussion générale.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 et 64.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le texte proposé par le troisième alinéa du I de cet article pour l'intitulé du chapitre III du titre XIX du livre IV du code de procédure pénale :

« De la surveillance de sûreté

II. - Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du même code :

« Art. 706-53-13. - À titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l'issue d'un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l'exécution de leur peine, qu'elles présentent toujours une particulière dangerosité et une probabilité très élevée de récidive en raison d'un trouble grave de leur personnalité, peuvent faire l'objet à l'issue de cette peine d'une surveillance de sûreté selon les modalités prévues par le présent chapitre, à la condition qu'elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal.

« La surveillance de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourrait faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle surveillance de sûreté.

« La surveillance de sûreté comprend des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnée à l'article 723-30, et en particulier une injonction de soins prévue par les articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, et le placement sous surveillance électronique mobile dans les conditions prévues par les articles 763-12 et 763-13. Elle comprend également l'obligation d'assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique prévu par l'article 132-26-2 du code pénal et l'obligation de déplacement surveillé sous le contrôle d'un agent de l'administration pénitentiaire. Le placement sous surveillance de sûreté peut faire l'objet des recours prévus à l'article 706-53-15.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La commission a déposé, à l'article 12, un amendement visant à exclure la rétroactivité de la rétention de sûreté étendant l'application du dispositif aux personnes déjà condamnées. Je salue cette proposition et je la voterai.

Mon amendement ne fait que reprendre le dispositif proposé par la commission en l'étendant à tous les condamnés visés par ce projet de loi, y compris dans le futur.

Si l'on estime en effet que le dispositif proposé par la commission est valable pour les personnes déjà condamnées, il n'est pas irresponsable de considérer qu'il peut l'être aussi pour les personnes qui ne sont pas encore condamnées.

Cet amendement crée un nouveau dispositif dit de « surveillance de sûreté », comprenant une panoplie de mesures de sûreté existantes ou à préciser par décret.

Je refuse que l'on puisse enfermer une personne simplement sous le prétexte de sa dangerosité. Je pense que l'enfermement n'est pas une réponse à cette dangerosité. En revanche, le suivi du condamné dans les dispositifs existants suffit si les moyens d'y recourir sont donnés à la justice.

Madame la garde des sceaux, avec ce projet de loi, vous créez une nouvelle mesure sans avoir au préalable évalué l'efficacité des dispositifs existants. À mon sens, tous les dispositifs qui existent déjà suffisent pourvu qu'ils soient mieux utilisés. Telle est la raison pour laquelle j'ai présenté cet amendement.

Par ailleurs, monsieur le président, ces explications vaudront également pour les amendements nos°84, 85 et 87.

M. le président. L'amendement n° 65, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale :

« Art. 706-53-13. - Dès le premier mois qui suit leur condamnation, les personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal sont placées pour six semaines au centre national d'évaluation. À l'issue de cette évaluation, un parcours individualisé d'exécution de la peine est déterminé sur la base d'une concertation entre l'administration pénitentiaire, l'autorité judiciaire et l'autorité sanitaire.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre amendement a essentiellement pour but d'attirer l'attention sur une aberration.

Prévoir, comme le fait le texte, d'attendre la fin de la peine pour examiner la situation d'une personne qui aura passé au mieux treize ans, au pire vingt ou trente ans en prison, afin de savoir si oui ou non elle présente, en raison d'un trouble grave de la personnalité, une particulière dangerosité est en effet assez aberrant.

D'une part, la nature du crime commis permet d'orienter les premières expertises réalisées en cours d'instruction avant même que la condamnation ne soit prononcée. La logique voudrait que ce travail d'évaluation continue dès que l'incarcération commence afin d'élaborer un parcours de détention personnalisé.

D'autre part, tout le monde sait, le dit et le redit que la prison est criminogène et anxiogène, qu'elle peut faire naître des troubles psychiques chez les détenus ou qu'elle peut aggraver les troubles de ceux qui en souffraient déjà en y arrivant. Tout le monde connaît la situation dont souffrent les prisons en matière d'accès aux soins, notamment psychiatriques. La commission elle-même, au moment de la présentation du rapport d'information de nos collègues Philippe Goujon et Charles Gautier, n'a pu s'empêcher de rappeler que « l'univers carcéral ne constitue pas le cadre le plus propice pour traiter les pathologies ».

Au bout de quinze ans de prison, je suis presque certaine que des détenus sont devenus plus dangereux qu'au moment de leur entrée.

Dans ces conditions, prévoir une évaluation seulement en bout de peine les condamnera quasi systématiquement à être placés dans un centre de rétention de sûreté.

Notre amendement vise donc à prévoir l'évaluation dès l'entrée en détention.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale :

« Art. 706-53-13. - À titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l'issue d'un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l'exécution de leur peine, qu'elles présentent toujours une particulière dangerosité et une probabilité très élevée de récidive en raison d'un trouble grave de leur personnalité, peuvent faire l'objet à l'issue de cette peine d'une rétention de sûreté selon les modalités prévues par le présent chapitre, à la condition qu'elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal.

« La rétention de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourrait faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté.

« La rétention de sûreté consiste dans le placement de la personne intéressée en centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de cette mesure.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement prévoit une réécriture complète de l'article 706-53-13, qui définit le champ d'application de la rétention de sûreté.

Il ne modifie pas cependant les critères prévus par le texte issu de l'Assemblée nationale, mais il vise d'abord à en simplifier largement le dispositif.

Il faut rappeler que parmi ces critères figure la condition liée à la nature de l'infraction commise.

Aux crimes visés par le projet de loi initial - meurtre ou assassinat, torture ou acte de barbarie, viol - l'Assemblée nationale a ajouté l'enlèvement et la séquestration.

Parmi ces critères figure également la condition liée à l'âge de la victime.

Le projet de loi visait uniquement les victimes mineures de quinze ans. Dans un premier temps, l'Assemblée nationale a étendu le dispositif aux mineurs de dix-huit ans, puis, dans un second temps, à toutes les victimes majeures à condition dans ce cas cependant que le crime soit commis avec circonstances aggravantes. Cet élargissement progressif du champ d'application de la rétention de sûreté a conduit à une application complexe qui n'échappe pas aux redondances.

En effet, le code pénal prévoit que, parmi les circonstances aggravantes, figure déjà le fait que la victime est un mineur de quinze ans.

Aussi, plutôt que de faire référence dans le projet de loi à deux critères tenant le premier à l'âge de la victime et le second à celui de la nature de l'infraction, il suffit de retenir le second de ces deux critères en précisant seulement que le crime doit être commis avec circonstance aggravante.

Cette présentation a plusieurs avantages.

D'abord, elle est protectrice pour les mineurs de quinze ans, qui sont « couverts » par les dispositions concernant les circonstances aggravantes.

Ensuite, elle permet d'unifier de nouveau le régime des victimes âgées de quinze à dix-huit ans avec celui des victimes majeures, comme tel est le cas actuellement dans toutes les dispositions du code pénal.

Enfin, en mettant en avant le critère tenant à la nature de l'infraction plutôt que celui tenant à l'âge de la victime, elle est plus cohérente avec l'objet même du texte qui vise les criminels les plus dangereux et pas seulement les pédophiles.

La nouvelle rédaction proposée compte d'autres modifications.

Il s'agit de modifications rédactionnelles : à la formulation « peine privative de liberté », il convient de préférer « peine de réclusion criminelle ».

Il s'agit également de précisions : la juridiction ne peut être qu'une cour d'assises, mieux vaut l'expliciter. De même, il est souhaitable de préciser que le réexamen de la situation de la personne est prévu par la juridiction « en vue d'une éventuelle rétention de sûreté ».

Enfin, la nouvelle rédaction tend aussi à affirmer, dès le début de l'article, que la rétention de sûreté n'est possible qu'à titre exceptionnel.

M. le président. Le sous-amendement n° 81 rectifié, présenté par M. Fauchon, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, supprimer le mot :

toujours

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Il s'agit d'une petite correction rédactionnelle.

Je ne sais pas pourquoi il est écrit dans le texte que la commission pluridisciplinaire devra vérifier si la situation de dangerosité est toujours présente. Le mot « toujours » donne l'impression que l'appréciation de cette dangerosité aurait été faite depuis déjà un certain temps et qu'elle se serait répétée. Or, l'appréciation se fait hic et nunc, au moment où la commission se réunit pour procéder à un examen. Cela peut sans doute prendre quelques semaines, voire quelques mois.

Je pense que le mot « toujours » ne traduit pas cette situation et qu'il n'a pas sa place ici. Il y a d'ailleurs eu un accord sur ce point en commission, je n'insiste donc pas.

M. le président. Le sous-amendement n° 32, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de l'amendement n° 1, après le mot :

dangerosité

insérer le mot :

criminologique

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement vise à insérer la notion de dangerosité criminologique dans le projet de loi.

En effet, dans cet article, la notion de dangerosité n'est pas définie de manière scientifique. Aucune distinction n'est faite entre « dangerosité criminologique » et « dangerosité psychiatrique ».

Pourtant cette distinction existe, tant dans la pratique médicale que dans la doctrine.

La commission santé-justice, présidée par Jean-François Burgelin et constituée en 2004, a présenté un important travail d'analyse et de prospective visant à étudier les voies légales disponibles pour traiter les auteurs d'infractions les plus graves, notamment sous l'angle de la notion de dangerosité.

Dans son rapport Santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive, remis le 6 juillet 2005, vingt-quatre préconisations avaient été formulées, dont celles qui visaient à mettre en place un système d'évaluation de la dangerosité des auteurs d'infractions pénales.

Le rapport établit une distinction entre les deux formes de dangerosité. Selon la commission santé-justice, il importe de ne pas confondre les troubles mentaux liés à une pathologie mentale avérée - dangerosité psychiatrique - et les troubles de la personnalité et du comportement qui ne sont pas tous du ressort de la psychiatrie - dangerosité criminologique.

La commission donne ainsi les définitions des deux types de dangerosité.

Ainsi, ce qui distingue la dangerosité criminologique de la dangerosité psychiatrique est l'absence de pathologie psychiatrique et l'existence d'un risque de récidive ou de réitération d'une certaine gravité.

Cette distinction a été reprise et portée par le député UMP Jean-Paul Garraud dans son rapport intitulé Réponses à la dangerosité.

Aux termes de la préconisation n° 1, il convient de « développer une activité de recherche scientifique afin de définir les critères objectifs de dangerosité en distinguant la dangerosité criminologique de la dangerosité psychiatrique ».

Selon le rapport, « la différence de nature entre ces deux réalités doit avoir pour conséquence une différence de traitement des personnes présentant l'une ou l'autre forme de dangerosité ».

Or, dans le projet de loi, il n'apparaît pas de différenciation entre les deux.

Normalement, la dangerosité psychiatrique relèvera d'une prise en charge médicale : l'hospitalisation d'office existe pour ce type de personnes dangereuses.

La dangerosité criminologique relèvera, quant à elle, de l'autorité judiciaire, et des mesures de sûreté spécifique lui seront proposées à l'expiration de la peine : surveillance judiciaire, bracelet électronique.

Le projet de loi doit faire figurer l'évaluation de la dangerosité criminologique du condamné.

Il institue une confusion entre les deux formes de dangerosité et, partant, une confusion dans le traitement de ces deux types de dangerosité.

Le sous-amendement n° 32 vise à insérer la notion de dangerosité criminologique dans le projet de loi.

Il n'exclut pas qu'un individu présentant les deux types de dangerosité puisse faire l'objet de la rétention de sûreté : il suffira qu'une dangerosité criminologique soit établie.

M. le président. Le sous-amendement n° 67, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, supprimer les mots :

une particulière dangerosité et

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit d'un sous-amendement de repli puisque nous ne cautionnons pas le placement dans un centre de rétention de sûreté après la peine, comme le prévoit l'amendement n° 1.

Le sous-amendement n° 67 a simplement pour objet de mettre le doigt une fois de plus sur la notion de dangerosité, que l'on pourrait qualifier de « dangereuse » car elle est utilisée avec des acceptions assez différentes, on l'a vu ce soir.

Les notions de personne « dangereuse », « très dangereuse », « inamendable » sont des notions tout à fait imprécises. Comme je pense que l'on ne peut pas les éclaircir, mieux vaut ne pas les utiliser.

En fait, on parle de dangerosité parce qu'il faut justifier une mesure tout à fait exceptionnelle, mais qui risque de ne pas l'être toujours.

Le projet de loi prévoit que cette dangerosité sera appréciée par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté après expertise médicale.

Toutefois, la confusion continue, je l'ai déjà dit mais j'y insiste, car la réflexion est toujours intéressante pour les parlementaires que nous sommes, et l'on ne sait jamais !

La multiplication des subdivisions de la maladie mentale - troubles mentaux, troubles de la personnalité, troubles de comportement, etc. - ne nous aide pas. On nous dit que les personnes atteintes de troubles de la personnalité ne relèvent pas de la psychiatrie. En fait, c'est qu'aujourd'hui la psychiatrie ne sait pas les guérir.

Les troubles de la personnalité dont souffrent ces personnes - et dont les origines sont diverses - sont tels que celles-ci éprouvent de très grandes difficultés à se contrôler, et cela relève quelque part de la psychiatrie.

La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté fera procéder à une expertise médicale. Considérant les difficultés rencontrées aujourd'hui par les psychiatres - je ne fais là aucun reproche ; la science évolue, espérons qu'elle progressera sous toutes ses formes ! -, comment ceux-ci pourront-ils évaluer la dangerosité future du condamné, alors même que l'on ne sait pas si l'on pourra lui apporter une aide ?

Le dispositif proposé est donc particulièrement compliqué, d'autant que les psychiatres se déclarent d'ores et déjà incompétents pour apprécier une dangerosité criminologique ou sociale. Dès lors, comment leur demander de se prononcer sur une éventuelle rétention ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C'est déjà le cas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes ! Mais, dans ces conditions, qui prendra le risque de ne pas décider le placement d'une personne en rétention ? Comment savoir que cette personne ne sera pas dangereuse à l'avenir ?

On le voit bien, ce projet de loi repose non pas sur des hypothèses scientifiques, mais sur des présupposés.

Au demeurant, les expériences conduites à l'étranger montrent que l'évaluation de la dangerosité n'est pas aisée et qu'elle nécessite du temps et des structures adaptées.

Par conséquent, il faut prévoir des moyens importants, ce que préconise d'ailleurs le rapport présenté par nos collègues Philippe Goujon et Charles Gautier, selon lequel il n'existe pas de modèle unique et optimal en matière de traitement des personnes dangereuses.

Ce sous-amendement vise à faire valoir cet état de fait.

M. le président. Le sous-amendement n° 80, présenté par M. Fauchon, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. La portée de ce sous-amendement est plus grande que celle du sous-amendement n° 81 rectifié.

Comme je l'ai déjà précisé, je me félicite de l'amendement présenté par la commission, qui compacte en quelque sorte le texte proposé pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale par l'article 1er du projet de loi, de façon à le rendre plus lisible et plus cohérent. Cette initiative est donc très satisfaisante.

Toutefois, après avoir posé le problème de manière générale, c'est-à-dire après avoir dit que, à titre exceptionnel, les personnes dont il est établi qu'elles présentent toujours une particulière dangerosité et une probabilité très élevée de récidive peuvent faire l'objet d'une rétention de sûreté, la commission ajoute : « La rétention de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourrait faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté. »

Je ne vois pas pourquoi la commission a introduit cet alinéa. Que signifie-t-il, monsieur le président de la commission des lois ? Que la cour d'assises devrait prévoir que ladite personne pourra faire l'objet, quinze ans plus tard, d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention ?

Je me permets de souligner le fait que cet alinéa ne veut rien dire, d'autant qu'aucune sanction n'est prévue. Ce serait une sorte de voeu inscrit dans un arrêt de Cour d'assises. Monsieur le rapporteur, voilà une bizarrerie ! Je suppose que pour ses auteurs cet alinéa a un sens : il constituerait l'un des fondements de la décision de rétention.

Ainsi, cette décision reposerait, d'une part, sur le résultat de l'expertise qui vient d'avoir lieu et qui est actuelle, et, d'autre part, sur une prévision, à savoir sur cette prescription qui aurait été faite quinze ans auparavant.

L'application de cet alinéa pose un problème de rétroactivité. Il faudrait attendre quinze ans pour que des décisions de cours d'assises soient « conformes ». Par la suite, elles incluront dans leurs arrêts cette disposition, qui deviendra finalement automatique !

M. Pierre Fauchon. L'absence de cette formule dans les arrêts qui ont été jusqu'à présent rendus pose, je le répète, le problème de la rétroactivité et nous fait oublier un élément essentiel que j'ai rappelé tout à l'heure : la décision de rétention est prise à partir de la situation actuelle du prévenu, qui a été initialement condamné ; c'est une première cause. En prévoyant le réexamen de sa situation quinze ans auparavant, vous introduisez en quelque sorte une seconde cause, qui est en germe dans la condamnation initiale. Cette disposition incompréhensible me semble vraiment dangereuse du point de vue de l'appréciation de la rétroactivité.

Certes, on prétend que cette disposition a été ajoutée car le Conseil d'État a indiqué qu'il fallait craindre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui exige une décision juridictionnelle de condamnation. Mais que craignez-vous ? Moi, reprenant une citation de Racine, j'ai envie de vous dire : « Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte. » D'ailleurs, M. Portelli a souligné tout à l'heure qu'il ne fallait pas trop craindre le Conseil constitutionnel. Après tout, nous faisons notre travail !

À la vérité, il n'y a pas de jurisprudence de la Cour de Strasbourg ! Il y a une jurisprudence sur des hypothèses de sanctions dissimulées, qui étaient en réalité des sanctions. Pour que s'ensuive une peine, il faut qu'il y ait eu à l'origine une décision véritablement juridictionnelle.

En l'espèce, puisque, par construction, et en dépit de la résistance de notre collègue Robert Badinter, nous voulons échapper au schéma de la double peine...

M. Robert Badinter. On ne peut pas y échapper !

M. Pierre Fauchon.... et que nous passons du domaine moral de l'appréciation de la peine au domaine technique en quelque sorte de l'appréciation de la dangerosité, nous entrons dans un concept nouveau. Or nous faisons comme si nous acceptions une jurisprudence applicable au concept de la peine. C'est là une erreur profonde !

En conséquence, nous ne devons pas maintenir ce deuxième alinéa, car, je le répète, il est inutile, voire dangereux du point de vue de la rétroactivité.

M. le président. Le sous-amendement n° 33, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 1, après le mot :

médicale

insérer le mot :

, éducative

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La création des centres socio-médico-judiciaires a été annoncée avec fracas dans la presse, mais leurs missions, ainsi que leurs attributions ne sont pas clairement définies.

Dans la mesure où cette disposition relève du pouvoir réglementaire, il convient de préciser les missions de ces centres, les modalités de prise en charge des personnes retenues, ainsi que les différentes activités auxquelles elles auront droit.

L'alinéa 35 de l'article 1er précise les droits des personnes privées de liberté, mais ne fait aucunement référence aux activités ludiques, pourtant fondamentales, auxquelles les personnes retenues auraient droit. II n'est pas ici question de les détailler, mais il convient tout simplement de prévoir leur existence.

La prise en charge éducative, en marge de la prise en charge médicale et sociale, est une garantie importante dans l'amélioration de l'état de la personne retenue, notamment pour ce qui concerne les troubles de la personnalité qui ont justifié sa mise en rétention de sûreté.

La prise en charge éducative est au centre du processus de réadaptation sociale et psychologique de la personne détenue. Or qu'est-il prévu pour le retenu lors de sa rétention ?

À cet égard, je souhaite vous poser une question, madame la garde des sceaux : le centre médico-socio-judiciaire qui accueillera, à Fresnes, les premières personnes retenues disposera-t-il d'un terrain de jeu, par exemple ? De quelles activités pourront-elles bénéficier lorsqu'elles seront privées de liberté ?

On entend souvent dire que la seule chose qu'un détenu peut faire en prison, c'est du sport. Qu'en est-il pour ces personnes retenues ? Si rien n'est prévu, il faut préciser que la prise en charge sera également éducative.

M. le président. L'amendement n° 66, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, supprimer les mots :

particulière dangerosité caractérisée par la

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'objet de cet amendement est identique à celui du sous-amendement n° 67. Je ne répéterai donc pas l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Portelli, Béteille, Buffet et Courtois, est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

une prise en charge médicale et sociale

par les mots :

une prise en charge médicale, psychologique et criminologique adaptée

La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Comme nous l'a suggéré la commission, il serait possible de fusionner cet amendement avec le sous-amendement n° 33 de Mme Boumediene-Thiery, et d'en faire un sous-amendement à l'amendement de la commission.

Dès lors qu'il est question d'une mesure de sûreté, il s'agit de définir plus précisément la prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de la rétention, en prévoyant qu'elle soit médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 63 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Béteille, Buffet et Courtois, et ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement n° 1, remplacer les mots :

une prise en charge médicale et sociale

par les mots :

une prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée

L'amendement n° 53, présenté par MM. Badinter, Collombat, Frimat, C. Gautier, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Cet amendement est lié à la position que prendra le Sénat au regard de l'amendement présenté par le rapporteur, au nom de la commission des lois.

L'alinéa en question concerne les personnes qui ont déjà été condamnées et qui n'ont pas pu bénéficier de l'avertissement du président de la cour d'assises. Or, dans le cadre de l'exécution de la peine, leur comportement aurait pu être différent si elles avaient eu cet avertissement.

Madame la garde des sceaux, vous proposez que leur situation soit réexaminée pour faire éventuellement l'objet d'une rétention de sûreté. La situation est radicalement différente selon que la personne a déjà été condamnée ou qu'elle le sera après cette loi, ce qui pose le problème de la non-rétroactivité de la loi pénale.

En conséquence, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir supprimer cet alinéa.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 34 rectifié a pour objet de substituer la surveillance de sûreté à la rétention de sûreté.

La surveillance de sûreté est un nouveau cadre juridique proposé par la commission pour réunifier, sous un même régime, l'ensemble des obligations prévues par le projet de loi auxquelles peut être soumise une personne qui reste libre. Ce dispositif constitue un système intermédiaire entre la liberté et la rétention de sûreté. Il peut ainsi intervenir soit après une rétention de sûreté pour ménager une période probatoire avant la libération de la personne, soit avant une rétention de sûreté, celle-ci constituant alors la sanction d'un manquement grave aux obligations fixées dans le cadre de la surveillance de sûreté. La surveillance de sûreté est donc complémentaire de la rétention de sûreté, alors que Mme Boumediene-Thiery escamote cette dernière.

Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur son amendement.

L'amendement n° 65 reprend le principe posé par l'amendement n° 14 de la commission en ce qu'il prévoit une évaluation du condamné dans le délai d'un mois à l'issue de la condamnation, ce qui paraît difficilement réalisable d'un point de vue technique. La commission, plus prudente, propose que cette évaluation intervienne dans le délai d'un an après la condamnation.

En outre, cet amendement se borne à poser le principe de cette évaluation sans reprendre la possibilité d'un placement en rétention de sûreté. C'est pourquoi la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.

La commission est favorable au sous-amendement n° 81 rectifié visant à supprimer l'adverbe « toujours », qui ne s'impose en aucune manière, même si la nouvelle rédaction pourrait laisser supposer - mais c'est certainement une idée perverse de ma part - que l'on peut entrer en prison sans être dangereux et le devenir au fil des années qui passent. (Sourires.)

Quoi qu'il en soit, la logique la plus totale plaide en faveur de la proposition de Pierre Fauchon !

Avec le sous-amendement n° 32, Mme Boumediene-Thiery propose de qualifier la dangerosité de « criminologique ».

La précision ne paraît pas indispensable dans la mesure où le texte du projet de loi, repris dans l'amendement n° 1 de la commission, fait référence aux personnes atteintes de troubles de la personnalité qui peuvent être à l'origine de dangerosité criminologique. Ces troubles se distinguent ainsi des troubles mentaux, auxquels peut être associée une dangerosité psychiatrique. Ils ne sont pas, en effet, selon une majorité de psychiatres, susceptibles, du moins en l'état des connaissances, d'une thérapie médicale.

En revanche, comme Mme Alima Boumediene-Thiery le souligne dans l'objet de son sous-amendement, les personnes atteintes de troubles mentaux peuvent et doivent faire l'objet de soins. Elles ne sont pas, en principe, concernées par la rétention de sûreté.

Par conséquent, je demande le retrait de ce sous-amendement, qui me paraît satisfait par la référence aux troubles de la personnalité.

Avec le sous-amendement n° 67, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat invoque le flou de la notion de dangerosité. Cela appelle plusieurs réflexions.

La notion de dangerosité n'a pas vocation à demeurer éternellement floue, si tant est qu'elle le soit aujourd'hui. En effet, son évaluation implique une approche pluridisciplinaire puisqu'elle relève, entre autres, d'une évaluation clinique éventuellement renforcée par une analyse de caractère statistique.

Je ne prétends pas que l'on aboutira à 100 % de la vérité, mais du moins s'en approchera-t-on grâce à une démarche plus professionnelle qu'elle ne l'est aujourd'hui, laquelle permettra de cerner cette notion de dangerosité.

Sur bien des points, je suis d'accord avec l'auteur du sous-amendement, en particulier lorsque Mme Nicole Borvo Cohen-Seat fait allusion au caractère tout à fait insuffisant et quelque peu tronqué de l'expertise médicale. Effectivement, le seul psychiatre qui ne risque pas de se tromper est celui qui conclut à la dangerosité. Celui qui conclut à l'absence de dangerosité prend, lui, tous les risques !

C'est bien pour cette raison que, répondant ainsi très largement au souhait exprimé par le corps médical et les psychiatres eux-mêmes, nous avons souhaité mettre en place une approche pluridisciplinaire. Il y aura non seulement des psychiatres, mais aussi des médecins, des travailleurs sociaux, des sociologues, des juristes et des personnels de la pénitentiaire. Par conséquent, il sera beaucoup plus aisé de prendre des risques et d'affirmer que, si telle personne est dangereuse, telle autre ne l'est pas.

Bien que souscrivant à un grand nombre des propos qui ont été tenus, je suis défavorable au sous-amendement n° 67.

Avec le sous-amendement n° 80, M. Pierre Fauchon estime, si je l'ai bien compris, que la rétention de sûreté trouve sa justification dans la dangerosité de la personne et dans le risque qu'elle présente pour l'avenir.

À cet égard, la condamnation ne saurait que jouer le rôle d'un indicateur et d'une garantie, naturellement indispensable - du moins je l'espère -, pour encadrer l'application de la rétention.

Toutefois, aussi logique que soit ce raisonnement, il ne s'inscrit pas dans le cadre conventionnel. Mais notre collègue a fait les questions et les réponses, puisqu'il s'est très largement expliqué sur l'avis du Conseil d'État, sur la volonté de réintégrer la référence à l'arrêt de la cour d'assises, de façon à entrer dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'homme.

Aussi logique que soit ce raisonnement, disais-je, il ne s'inscrit donc pas dans le cadre conventionnel. Il ouvre également la voie à bien des incertitudes si une rétention doit avant tout reposer sur une dangerosité présumée.

Je le disais en commission, j'ai retrouvé dans ses propos une partie de l'argumentation de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a évoqué la possibilité de priver de liberté un criminel sur un simple diagnostic de dangerosité.

Ma crainte - qui ne concerne en rien mon collègue Fauchon ! - serait que, petit à petit, s'étant débarrassé du lien entre l'infraction et la privation de liberté, du lien entre l'intervention du juge et la privation de liberté, on en arrive, dans un régime qui n'aurait plus de démocratique que le nom, à sanctionner une dangerosité qui n'aurait pas déjà été concrétisée par une infraction. (M. Pierre Fauchon lève les bras au ciel.) Mon cher collègue, je sais bien que cela était très loin de votre pensée !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je crains toutefois qu'une barrière ne saute et j'avoue que j'ai beaucoup de mal à m'y résoudre. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur votre amendement, tout en faisant observer que, si une telle disposition était adoptée, l'ensemble du dispositif prévu dans le projet de loi devrait globalement être revu.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah oui !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Avec le sous-amendement n° 33, Mme Alima Boumediene-Thiery souhaite ajouter à la prise en charge médicale une prise en charge « éducative ». Dans la mesure où il s'agit d'une précision tout à fait utile, la commission est favorable à ce sous-amendement.

Elle est également favorable au sous-amendement n° 63 rectifié bis de M. Hugues Portelli.

Cela revient à prévoir désormais - c'est peut-être un peu long, mais chaque mot a sa valeur et prend tout son sens - une prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée. Si, d'aventure, cette énumération était jugée trop importante, je fais confiance à la commission mixte paritaire pour trouver une solution de simplification.

Dans l'amendement n° 66 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, c'est la notion de dangerosité qui est mise en doute. Je me suis déjà expliqué sur l'avis défavorable de la commission.

S'agissant de l'amendement n° 53 défendu par M. Robert Badinter, je crains d'avoir mal compris la disposition proposée. La suppression du dernier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article 706-53-13 vise moins la rétroactivité que l'élargissement du champ d'application du projet de loi aux crimes les plus graves commis sur des victimes majeures. Cette extension paraît au contraire tout à fait cohérente avec l'objet même du texte.

Si j'ai mal compris le point sur lequel portait sa remarque, peut-être convient-il qu'il me l'explique à nouveau, afin que je puisse transformer mon avis défavorable, mais à titre personnel seulement. En effet, lorsque l'avis de la commission a été sollicité ce matin, la disposition avait été comprise comme une critique par rapport à l'élargissement du champ d'application de la rétention de sûreté.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Certainement ; je n'ai aucun doute sur ce qui s'est passé en commission.

À supposer que votre amendement ne soit pas adopté, j'attirais l'attention sur le fait que les uns et les autres se verraient appliquer différemment une même disposition, la rétention de sûreté.

Les premiers, après le vote de la loi, auraient entendu l'avertissement - car c'est bien une forme d'avertissement - donné par la Cour d'assises, ce qui peut avoir une conséquence sur le traitement qu'ils s'engagent à suivre ; ce ne pourrait pas être le cas des seconds !

Attention, par conséquent, à la différence de situations au regard d'une même disposition !

Toutefois, si l'amendement de la commission était adopté, la question ne se poserait plus et je retirerais le mien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je me contente donc de m'en remettre à la sagesse du Sénat sur votre amendement n° 53, lequel deviendrait en effet sans objet si celui de la commission était adopté.

Madame le ministre, c'est une incitation supplémentaire ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L'amendement n° 34 rectifié vise à remplacer la mesure de rétention de sûreté par un dispositif judiciaire de surveillance de sûreté.

Si nous proposons un chapitre relatif à la rétention de sûreté, c'est parce qu'il existe un vrai vide juridique sur la prise en charge des criminels dangereux.

Le dispositif proposé de surveillance de sûreté n'est pas suffisant pour les criminels qui sont visés par ce projet de loi et dont on ne souhaite pas la remise en liberté en raison du risque de dangerosité criminologique et donc du risque fort de récidive. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement n° 34 rectifié.

Je suis également défavorable à l'amendement n° 65, car il est satisfait par l'amendement n° 14 de la commission des lois, sous-amendé par le Gouvernement, qui permettra de faire une évaluation des condamnés.

J'émets sur l'amendement n° 1 un avis de sagesse plutôt réservé et constructif ! (Sourires.) Au départ, le projet de loi visait uniquement les victimes mineures de moins de quinze ans. L'Assemblée nationale a étendu le dispositif aux mineurs de dix-huit ans sans modifier le critère concernant la nature de l'infraction. Le fait d'être mineur constituant en soi une circonstance aggravante, nous avons accepté cet élargissement.

Il est donc un point de l'amendement n°1 sur lequel nous ne sommes pas tout à fait d'accord. Vous souhaitez en effet que soit appliqué aux mineurs de plus de quinze ans le même régime que celui qui s'applique aux majeurs, à savoir qu'il faut une circonstance aggravante.

Pour le Gouvernement, le seul fait d'être mineur est une circonstance aggravante en soi. Si vous appliquez le même régime pour les mineurs de plus de quinze ans et pour les majeurs, cela signifie que la minorité n'est plus une circonstance aggravante en soi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pénalement, le même régime a toujours été appliqué pour les mineurs entre quinze et dix-huit ans et les majeurs.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Compte tenu de l'amendement qui a été voté à l'Assemblée nationale, les crimes concernant tous les mineurs doivent être traités de la même manière dans le cadre de la rétention de sûreté, que ces mineurs aient quatorze ans ou dix-sept ans, le fait qu'il s'agisse d'un mineur caractérisant vraiment la dangerosité du criminel.

M. le président. La parole est à M. le président des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame le garde des sceaux, la circonstance aggravante n'est pas liée à l'âge. Il faut donc traiter de la même manière tout ce qui est particulièrement grave, pour les uns comme pour les autres, et appliquer le même régime. Il nous a paru que c'est plus cohérent. Mais on peut en discuter...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce que nous souhaitons, c'est que la dangerosité soit appréciée de la même façon, qu'il s'agisse d'un mineur de plus ou de moins de quinze ans.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et même pour un majeur !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour le majeur, il faut qu'il y ait une circonstance aggravante, car on considère qu'il est plus apte à se défendre qu'un mineur. Nous avons restreint le champ d'application, car il s'agit de la rétention dite de sûreté.

En revanche, le champ est plus large pour les mineurs, car nous considérons que le fait d'être mineur est, en soi, une circonstance aggravante.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je vois très bien ce que vous voulez dire, madame le ministre. C'est parfaitement défendable. Mais nous, nous avons raisonné dans le cadre traditionnel du droit pénal et du code pénal.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Or, dans ce cadre traditionnel, la circonstance aggravante concerne les mineurs de quinze ans.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Oui !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Effectivement, l'amendement que nous avons proposé ne change rien par rapport à l'architecture issue de l'Assemblée nationale, hormis sur un point : nous considérons comme des majeurs les mineurs qui sont non pas des mineurs pénaux, mais des mineurs au sens classique du terme, entre quinze ans et dix-huit ans. Nous estimions en effet que c'était plus cohérent avec les autres dispositions du code pénal.

Cela dit, je comprends très bien la volonté qui est la vôtre de faire en sorte que, sur la rétention de sûreté, on s'écarte effectivement du dispositif classique du code pénal pour considérer que ladite infraction sur mineur n'a pas à être aggravée.

Toutefois, aucun sous-amendement n'ayant été déposé par le Gouvernement, je suggère que l'on adopte le texte de la commission sur ce point. Lors de la commission mixte paritaire, nous aurons le temps d'aménager la rédaction de cet article, et je ferai bien évidemment connaître notre position.

Cela dit, le Sénat ne s'oppose pas à ce que les mineurs de quinze ans à dix-huit ans soient également concernés par le dispositif.

M. le président. Veuillez poursuivre, madame le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 1.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, il est fort probable que le texte définitif s'éloigne de la rédaction que vous vous apprêtez à adopter en votant cet amendement !

M. Christian Cointat. Pas trop quand même !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le moins possible ! (Sourires.)

M. le président. Poursuivez, madame le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J'en viens au sous-amendement n° 81 rectifié.

Monsieur Fauchon, le fait que la rétention de sûreté soit exceptionnelle constitue une garantie supplémentaire. C'est la raison pour laquelle il semble nécessaire de conserver son caractère d'exception à une mesure de ce type.

L'adverbe « toujours » vise à caractériser la dangerosité, qui est liée à la gravité des infractions commises initialement. Nous avons donc souhaité conserver cet adverbe au regard du risque de récidive.

Je vous demande donc, monsieur Fauchon, de bien vouloir retirer votre sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 81 rectifié est-il maintenu, monsieur Fauchon ?

M. Pierre Fauchon. Je crois vraiment, madame la garde des sceaux, qu'il ne faut pas garder cet adverbe, lourd d'un sens qui va au-delà de vos intentions. Ce sous-amendement ayant bénéficié d'un avis favorable de la commission, je vous demande, dans ma sagesse (Sourires), mes chers collègues, de bien vouloir l'adopter.

Par ailleurs, je vous rappelle, madame le garde des sceaux, que je me suis rangé à vos arguments concernant la première partie.

M. le président. Veuillez poursuivre, madame le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Dans ces conditions, le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 81 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Quelle victoire, monsieur Fauchon ! (Sourires.)

M. Christian Cointat. Il n'y a ni « toujours » ni « jamais » en politique ! (Nouveaux sourires.)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Quant au sous-amendement n° 32, le Gouvernement n'y est pas favorable, la notion de dangerosité criminologique ne constituant pas un critère juridique.

J'en viens au sous-amendement n° 67. La suppression de la notion de « particulière dangerosité » rendrait le texte trop flou, trop large, la rétention de sûreté étant liée à ce concept.

Vous indiquiez tout à l'heure, madame Borvo Cohen-Seat, que les experts psychiatres pourront, dans certains cas, hésiter. Or c'est déjà le cas ! L'expertise destinée à constater la dangerosité criminologique au regard de la récidive existe depuis la loi du 12 décembre 2005. D'ailleurs, la commission pluridisciplinaire constate déjà la dangerosité de certains délinquants, et c'est pour cette raison qu'ils sont placés sous surveillance judiciaire. À cet égard, ce texte n'introduit donc aucune nouveauté.

Pour ma part, je fais aussi bien confiance aux expertises des psychiatres qu'au pouvoir d'appréciation des magistrats.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement n° 80 vise à supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement de la commission. Mais, monsieur Fauchon, le fait de prévoir, dès la décision de condamnation par la Cour d'assises, la possibilité d'un placement en rétention de sûreté correspond à une exigence de la Convention européenne des droits de l'homme. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité la maintenir.

Par ailleurs, une telle disposition revêt un caractère incitatif puisqu'elle encourage, dès le départ, la personne condamnée à recourir à des soins. En effet, si cette dernière ne se soigne pas, elle risquera d'être placée en rétention de sûreté.

J'en appelle à votre sagesse pour retirer ce sous-amendement, monsieur Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Je suis un vieux fou, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dans ce cas, on va le mettre en rétention ! (Nouveaux sourires.)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le sous-amendement n° 33 prévoit la prise en charge éducative du condamné. Or l'objectif principal de ces centres est la prise en charge non pas éducative, mais médico-sociale. Ne souhaitant pas ajouter un tel critère, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Il en va de même pour l'amendement n° 66, dont l'objet est identique à celui du sous-amendement n° 67.

Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 63rectifié bis, ainsi qu'à l'amendement n° 53, qui prévoit que la rétention de sûreté doit s'appliquer aux auteurs de crimes aggravés sur des victimes majeures, ce qui étendrait encore plus le champ du dispositif.

M. le président. Je voudrais faire remarquer aux auteurs du sous-amendement n°63 rectifié bis qu'une petite erreur s'est glissée dans le dispositif lors de la transformation de l'amendement en sous-amendement. En effet, il ne s'agit pas de modifier l'avant-dernier alinéa de l'amendement n°1, mais son dernier alinéa.

Monsieur Portelli, acceptez-vous de modifier votre sous-amendement de telle sorte qu'il porte sur le dernier alinéa de l'amendement n°1.

M. Hugues Portelli. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 63 rectifié ter, présenté par MM. Portelli, Béteille, Buffet et Courtois, et ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 1, remplacer les mots :

une prise en charge médicale et sociale

par les mots :

une prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée

Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 81 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, le sous-amendement n°32 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 32.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 67.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 80.

M. Christian Cointat. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos tenus par M. Fauchon en commission et dans cette enceinte. Je reconnais que son argumentation est séduisante, et qu'elle serait même simplificatrice, puisqu'elle nous enlèverait une épine du pied concernant la suite du débat, notamment sur l'article 12.

Toutefois, il se trouve que mon approche possède sa propre cohérence. Vous le savez, mon cher collègue, je ne peux malheureusement pas vous suivre. En effet, l'alinéa que vous proposez de supprimer apporte les précisions suivantes, lesquelles sont, à mes yeux, fondamentales : « La rétention de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourrait faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté. »

Je ne pourrai pas adopter cet article si l'alinéa dont il est question n'y figure pas. Il est en effet au coeur du dispositif et en valide la force juridique. Le supprimer serait, pour moi, totalement inacceptable. Toutefois, mon cher collègue Fauchon, je comprends parfaitement votre position, que je ne critique en aucune manière. Simplement, mon approche est différente de la vôtre, car je suis très attaché au fait que la décision de condamnation précise ce qui va se passer par la suite.

À cet égard, je me reporte à l'excellent glossaire élaboré par la commission des lois et joint au rapport de notre collègue Jean-René Lecerf, qui indique clairement la différence entre le suivi socio-judiciaire et la surveillance judiciaire.

À l'entrée « Suivi socio-judiciaire », on peut lire : « Obligations fixées par la décision de condamnation qui s'appliquent à compter de la libération de la personne pour une durée également fixée par la juridiction de jugement qui ne peut, en principe, dépasser dix ans en matière correctionnelle et vingt ans en matière criminelle ». Dans ce cas, le condamné sait qu'il sera soumis à certaines contraintes à compter de sa libération.

En revanche, la surveillance judiciaire ne s'applique que « dans la limite de la durée des réductions de peine obtenues ». Elle est décidée par le juge de l'application des peines.

Voilà pourquoi il me paraît logique et nécessaire d'indiquer, dans le jugement de condamnation, s'il y aura ou non une mesure de rétention. Comme l'a dit Mme la garde des sceaux, il s'agit également de permettre une prise en charge immédiate du condamné, pour l'aider à surmonter ses difficultés liées à sa santé mentale ou autres afin qu'il ne possède plus, au moment de la fin de sa peine, son caractère de dangerosité.

Je le reconnais, ma cohérence va m'obliger tout à l'heure à une certaine gymnastique intellectuelle, pour être à la fois solidaire de mes amis et tout à fait en phase avec mes valeurs ! (Sourires.) J'espère que j'y arriverai sans trop de difficultés !

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Monsieur Cointat, il est clair que nous ne nous comprenons pas. Mais, comme le dit Phileas Fogg, il suffit de constater la différence et de ne pas dramatiser.

À madame la garde des sceaux et à monsieur le rapporteur, je demanderai de ne pas caricaturer mes propos ! À aucun moment, je n'ai imaginé que les commissions pluridisciplinaires pourraient procéder à cet examen sans qu'une condamnation soit intervenue à l'origine, plusieurs années auparavant. Dont acte. Cela figure d'ailleurs formellement au premier alinéa de l'amendement n° 1. Sinon, tout un chacun pourrait être soumis à cette expertise ! Et qu'est-ce que cela pourrait donner ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe, aïe, aïe !

M. Pierre Fauchon. Il vaut mieux ne pas y penser ! Bien entendu, une condamnation initiale est nécessaire. Mais inclure cet avertissement dans la condamnation initiale me paraît à la fois dangereux et superflu.

Au demeurant, je reconnais, madame la garde des sceaux, que l'observation que vous avez faite, reprise par M. Cointat, a sa pertinence. En effet, comme un certain nombre de détenus condamnés à de longues peines refusent absolument de suivre des traitements, cet avertissement peut constituer pour eux une incitation.

En outre, sachant que je suis un peu isolé dans cette affaire, je crois prudent de battre en retraite,...

M. Pierre Fauchon.... tout en émettant des protestations et en formulant le souhait que le texte issu de nos travaux ne sera pas atteint à l'avenir par ce germe de rétroactivité qu'il aura conservé. Mais nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler !

Sous toutes ces réserves, je retire mon sous-amendement afin que vous n'ayez pas le plaisir de voter contre, mes chers collègues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Le sous-amendement n° 80 est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 63 rectifié ter.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, sur l'amendement n° 1.

M. Christian Cointat. Je souhaite obtenir une précision : j'ai cru comprendre ce matin, en commission des lois, que le rapporteur était d'accord pour rectifier son amendement afin de remplacer, au troisième alinéa, « pourrait » par « pourra ». Or, dans l'amendement qui nous est soumis, je ne vois pas cette modification !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je suis navré de cet oubli, monsieur le président. Christian Cointat a parfaitement raison : en l'occurrence, nous préférons le futur au conditionnel.

L'emploi du futur n'entraîne d'ailleurs pas l'automaticité, puisque, comme nous l'avons dit ce matin, s'il y avait libération conditionnelle, la rétention de sûreté serait impossible.

Le futur est d'ailleurs également plus séduisant sur le plan de la concordance des temps.

Je rectifie donc l'amendement en ce sens.

M. Pierre Fauchon. C'est déjà mieux, monsieur le rapporteur ! « Pourrait »... laissez-moi rire !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale :

« Art. 706-53-13. - À titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l'issue d'un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l'exécution de leur peine, qu'elles présentent toujours une particulière dangerosité et une probabilité très élevée de récidive en raison d'un trouble grave de leur personnalité, peuvent faire l'objet à l'issue de cette peine d'une rétention de sûreté selon les modalités prévues par le présent chapitre, à la condition qu'elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal.

« La rétention de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourra faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté.

« La rétention de sûreté consiste dans le placement de la personne intéressée en centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de cette mesure.

Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 33 et les amendements nos 66 et 53 n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale :

« À cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au moins six semaines, au Centre national d'observation aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer les conditions dans lesquelles la dangerosité de la personne susceptible de faire l'objet d'une rétention de sûreté est évaluée.

Cette évaluation est cruciale dans la mesure où elle peut déterminer l'enfermement de la personne à l'issue de la peine d'emprisonnement, et ce pour une durée prolongée, car on peut effectivement décider chaque année de prolonger cet enfermement.

Or le dispositif retenu par le projet de loi ne nous paraît pas entièrement satisfaisant, puisqu'il repose principalement sur l'appréciation de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, commission dont la composition est principalement administrative : le préfet de région, le directeur interrégional des services de l'administration pénitentiaire, un représentant d'une association nationale d'aide aux victimes, un psychiatre, un médecin.

Certes, l'Assemblée nationale a prévu que cette commission pourrait s'appuyer sur une expertise médicale réalisée par deux médecins, au lieu d'un seul comme le prévoyait le projet de loi initial, mais ce dispositif nous paraît encore insuffisant. Je rejoins sur ce point le commentaire qu'a fait Mme Nicole Borvo Cohen-Seat tout à l'heure.

La disposition proposée par la commission a le mérite de s'inspirer des expériences étrangères les plus performantes, notamment le centre Pieterbaan d'Utrecht aux Pays-Bas, tout en s'appuyant sur une structure française existante, le centre national d'observation actuellement implanté dans la maison d'arrêt de Fresnes.

L'amendement combine deux garanties essentielles pour une évaluation approfondie : d'abord l'approche pluridisciplinaire ; ensuite la durée, puisque l'observation se déroulerait sur six semaines au moins.

Il conserve, par ailleurs, le principe d'une expertise médicale réalisée par deux experts, expertise qui s'intégrerait au bilan d'évaluation dressé par le centre national d'observation.

L'amendement consacrerait ainsi l'existence du centre national d'observation et constituerait un encouragement déterminant pour renforcer ses moyens et adapter ses méthodes.

M. le président. Le sous-amendement n° 90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 2, remplacer les mots : la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au moins six semaines, au Centre national d'observation aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'unepar deux membres de phrase ainsi rédigés : la personne est placée en observation dans un service spécialisé déterminé par décret. La commission fait également procéder à une

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement estime très judicieuse l'idée de la commission d'introduire une nouvelle période d'observation.

Toutefois, il souligne que la détermination du service chargé de l'observation du condamné avant son évaluation de dangerosité en fin de peine relève du décret et non pas de la loi.

Sous cette réserve, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 47, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. - Compléter l'amendement n° 2 par un alinéa ainsi rédigé :

« L'évaluation de la dangerosité du condamné devra se fonder sur une observation suivie et continue de celui-ci par une équipe pluridisciplinaire durant une période ne pouvant être inférieure à 6 semaines. »

II. - Dans le second alinéa de l'amendement n° 2, supprimer les mots :

pour une durée d'au moins six semaines.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L'évaluation de la dangerosité du condamné doit être constatée à l'issue d'une observation continue et suivie du condamné sur plusieurs jours par une équipe pluridisciplinaire.

L'amendement n° 2 permet une meilleure évaluation de la dangerosité du condamné. Toutefois, les modalités de sa mise en oeuvre doivent être précisées dans le temps et dans les méthodes employées.

Dans les systèmes juridiques étrangers cités en référence par Mme la garde des sceaux, la pluridisciplinarité est complétée par une observation poussée du condamné en milieu fermé.

D'ailleurs, aux Pays-Bas, l'évaluation se déroule sur plusieurs semaines. Elle procède d'une observation quotidienne pluridisciplinaire - et pas seulement psychiatrique - du détenu et s'attache à être la plus objective possible.

L'examen dure sept semaines et douze personnes interviennent dans des champs différents.

En Allemagne, l'expertise se déroule sur deux entretiens d'une durée totale de cinq à six heures permettant une meilleure objectivité dans l'évaluation de la dangerosité.

Au Canada, la déclaration de délinquant dangereux prévue par l'article du code criminel permettant au tribunal de prononcer une peine indéterminée doit donner lieu à une évaluation psychiatrique de soixante jours par un expert psychiatre.

Il convient donc de prévoir que l'évaluation de la dangerosité sera non seulement effectuée sur six semaines, comme le prévoit l'amendement n° 2, mais également fondée sur une observation continue et suivie de la personne en milieu fermé par une équipe pluridisciplinaire.

Il s'agit d'un seul moyen susceptible de garantir une évaluation objective de la dangerosité du condamné, allant bien au-delà d'un simple examen psychiatrique, insuffisant pour appréhender la réalité de la notion de dangerosité.

M. le président. Le sous-amendement n° 69, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le mot :

expertise

rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet amendement :

médico-psychologique et d'une enquête sociale.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce sous-amendement vise à exiger une expertise médico-psychologique et une enquête sociale.

Certes, l'expertise prévue était médicale, mais, puisque nous sommes en présence de personnes souffrant de troubles de la personnalité et non de troubles mentaux, l'expertise doit être psychologique et nécessairement accompagnée d'une enquête sociale.

Les troubles de la personnalité, nous dit-on, se caractérisent par trois types de défaillances : défaillance narcissique, défaut de maîtrise comportementale et défaillance du contrôle émotionnel.

Par ailleurs, lors de son audition, le professeur Jean-Louis Senon a précisé, s'agissant de la dangerosité criminologique - celle qui nous intéresse en l'occurrence -, que son évaluation relève de trois champs complémentaires : la clinique, la représentation de la loi et des interdits, la prise en compte des données sociales et comportementales. Cette évaluation implique en conséquence une approche pluridisciplinaire faisant intervenir des juristes, des psychologues, des psychiatres et des sociologues formés à la criminologie.

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le mot : expertiserédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale :

fait procéder à une expertise médico-psychologique, à une enquête sociale ainsi qu'à toute autre investigation qu'elle estime nécessaire.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à celui que je viens de défendre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S'agissant du sous-amendement n° 90, je suis en parfaite harmonie avec vos propos, madame la ministre, mais je le suis moins avec le texte que vous nous présentez.

Vous nous proposez de ne pas retenir la référence au « centre national d'observation », dont la désignation relève du décret. Il s'agissait, à nos yeux, d'une espèce de coup de chapeau à ce centre. Néanmoins, je comprends parfaitement que, même en cas d'un simple changement de dénomination de cette instance, il faudrait modifier la loi. Je suggère donc de remplacer le « centre national d'observation » par une qualification générique désignant un « centre national chargé de l'observation des personnes détenues ». Je suis tout à fait ouvert à une autre désignation si vous m'en proposez une.

En revanche, je tiens fondamentalement à l'évaluation pluridisciplinaire, ainsi qu'à la durée d'au moins six semaines de l'évaluation.

C'est un des apports essentiels de la commission des lois que d'avoir prévu l'évaluation dans toutes ses composantes. C'est bien pour cela d'ailleurs que nous pouvons répondre relativement facilement aux critiques visant une simple expertise médicale, dont je rappelle que les médecins et les psychiatres eux-mêmes ne veulent plus avoir le monopole.

En outre, la durée proposée nous a été « recommandée », si je puis dire, par nos interlocuteurs, aussi bien des Pays-Bas que du Canada, comme étant la condition sine qua non de la fiabilité de l'évaluation.

Pour me résumer, je propose donc, madame la ministre, de rectifier l'amendement de la commission en remplaçant les mots « centre national d'observation » par les mots « service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues

Si cette version était retenue, le sous-amendement n° 47 serait satisfait.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale :

« À cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J'émets un avis favorable sur cet amendement et, en conséquence, je retire le sous-amendement n° 90. Je confirme que, si l'amendement n° 2 rectifié est adopté, le sous-amendement n° 47 aura satisfaction s'agissant du délai de six semaines.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous n'avons jamais eu de désaccord sur ce point, madame la ministre, et je m'en félicite !

M. le président. Le sous-amendement n° 90 est retiré.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Gouvernement avait déposé un sous-amendement à l'amendement n° 2 de la commission parce qu'il ne souhaitait pas que soit visé le Centre national d'observation.

Après discussion, il est apparu que l'on pouvait faire référence à un « service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues ». En pratique, cela revient au même !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la même chose !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission a donc rectifié son amendement en ce sens, et j'ai cru comprendre que cette solution convenait au Gouvernement.

Par conséquent, les sous-amendements nos 47 de Mme Boumediene-Thiery et 90 du Gouvernement étant satisfaits, ils n'ont plus d'objet.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, le sous-amendement n° 47 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 47 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 69 et sur l'amendement n° 68 ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Concernant le sous-amendement n° 69, la commission émet quelques réserves sur les termes « médico-psychologique ». Ils auraient été davantage justifiés en l'absence de référence à une démarche pluridisciplinaire ; or, celle-ci est inscrite dans l'amendement de la commission, et les psychologues y auront toute leur place.

Dès lors, mieux vaut que l'expertise complémentaire soit purement médicale.

La commission demande donc le retrait de ce sous-amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous auriez pu le fusionner avec l'amendement de la commission ! (Sourires.)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. De la même façon, la commission demande le retrait de l'amendement n° 68, bien qu'il traduise une préoccupation qu'elle partage. En effet, il est satisfait par son amendement n° 2 rectifié, qui prévoit que des éléments d'enquête sociale devront être réunis durant l'observation de la personne.

Là encore, à défaut de son retrait, la commission n'aura d'autre choix que d'émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 2 rectifié et, pour les mêmes raisons que la commission, un avis défavorable sur le sous-amendement n° 69 et sur l'amendement n° 68.

M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, le sous-amendement n° 69 est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La question de la place des psychologues n'est pas aussi simple qu'il y paraît et il ne suffit pas de dire que la commission est pluridisciplinaire pour conclure à leur présence en son sein.

Aussi, n'est-il pas inutile de le préciser et c'est la raison pour laquelle je ne retire pas mon sous-amendement.

La prise en charge des personnes souffrant de troubles graves de la personnalité est un problème majeur. Chacun tente de se renvoyer la balle. C'est pourquoi la présence des psychologues est nécessaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ils font partie de la commission pluridisciplinaire !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur ce point, je veux rassurer Mme Borvo Cohen-Seat : les psychologues seront présents dans le Centre national d'observation. Même s'il n'est plus cité dans le texte, il reste notre référence.

Leur rôle est précieux et il n'est pas dans les intentions de la commission qu'ils soient absents de l'équipe pluridisciplinaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le rapporteur, vous affirmez que les psychologues prendront part à cette évaluation pluridisciplinaire. Mais l'amendement de la commission fait référence à une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale. Pour notre part, nous demandons que, en plus, soit réalisée une expertise psychologique.

C'est d'ailleurs le souhait qu'avait formulé le professeur Jean-Louis Senon, lors de son audition.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et c'est ce que tout le monde demande !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Aussi, nous considérons que notre sous-amendement n'a rien de superflu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'expertise médicale a été maintenue par la commission des lois parce qu'elle figurait dans le projet initial du Gouvernement. L'Assemblée nationale a prévu la présence d'un second expert, afin de la conforter.

Nous avons souhaité aller bien plus loin en prévoyant que les personnes détenues feraient l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire. Peut-être aurait-il été logique que, dans ces conditions, l'expertise médicale fût supprimée. Nous n'avons pas voulu aller jusque-là. Mais gardons-nous d'ajouter la présence de psychologues ! Et pourquoi pas celle de sociologues, de juristes ou de personnels de l'administration pénitentiaire ?....

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 69.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 68 n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 84, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. - Remplacer les troisième, quatrième et cinquième alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle peut proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l'objet de l'une ou de plusieurs des mesures de surveillance de sûreté mentionnées à l'article 706-53-13.

II. - Dans le sixième alinéa du même texte, remplacer le mot :

rétention

par le mot :

surveillance

III. - Procéder à la même substitution :

- dans le cinquième alinéa du texte proposé le I de par cet article pour l'article 706-53-15 du même code ;

- dans le premier et le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-16 ;

- dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-18 (à trois reprises) ;

- dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-19.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale, après le mot :

commission

insérer les mots :

, sur la base des observations du centre national d'observation et de l'expertise médicale,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Dans la mesure où la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté intervient après que le Centre national d'observation a évalué la dangerosité du condamné et après l'expertise médicale, il convient de mieux préciser l'articulation entre ces différents intervenants.

À ce titre, je souhaiterais savoir si le Centre national produit un rapport d'évaluation ou s'il est entendu par la commission.

La commission pluridisciplinaire doit disposer d'une compétence liée dans l'évaluation de la dangerosité, sans quoi l'intervention du Centre national d'observation ne sert à rien et ne fait que compliquer une procédure déjà lourde. Si l'on a recours au Centre national, ses conclusions doivent faire autorité.

En résumé, je souhaite que les conclusions du Centre national d'observation et celles des experts médicaux puissent servir de base à la décision de la commission pluridisciplinaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Pour les raisons que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer à propos d'un amendement semblable, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 84.

Quant à l'amendement n° 35, il apporte une précision qui ne lui paraît pas indispensable.

Il est évident, en effet, que la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté tiendra compte, dans son avis, non seulement du bilan dressé par le service chargé de l'évaluation des détenus, mais encore de l'expertise médicale. C'est fondamental.

Sincèrement, il ne me paraît pas utile de préciser selon quelles modalités les conclusions de l'évaluation réalisée par le service spécialisé seront communiquées. Vraisemblablement, ce point fera l'objet de circulaires ministérielles.

Pour toutes ces raisons, la commission demande à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons que celles qu'a avancées la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 35 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale par deux alinéas ainsi rédigés :

« La juridiction régionale de la rétention de sûreté peut ordonner, par décision motivée, l'hospitalisation d'office de la personne dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du code de la santé publique si l'avis motivé de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté constate l'absence de troubles de la personnalité mais une persistance de troubles mentaux qui nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les hospitalisations ordonnées en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique. L'article L. 3213-8 du même code est applicable.

« La décision de la juridiction régionale de la rétention de sûreté est exécutoire immédiatement à l'issue de la peine du condamné.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement porte sur l'articulation possible entre le placement en centre médico-socio-judiciaire, le placement en centre pénitentiaire spécialisé et l'hospitalisation d'office.

Le présent projet de loi ne fait aucune différence entre les condamnés qui présentent des troubles mentaux et ceux qui ne présentent que des troubles de la personnalité. Ainsi, il n'exclut pas a priori du champ de la rétention de sûreté les individus qui présentent des troubles mentaux.

Il ne ressort pas de votre présentation, madame le garde des sceaux, que vous fassiez une distinction entre la dangerosité criminologique et la dangerosité psychiatrique. Or il ne faut pas confondre les deux. Heureusement, un criminel n'est pas forcément un fou et un fou n'est pas forcément un criminel ! L'accepter reviendrait à admettre les théories positivistes de Lombroso et les conséquences de celles-ci dans notre triste histoire. Cela reviendrait également à criminaliser les pathologies psychiatriques.

Votre projet de loi instille, de manière détournée, une confusion entre ces deux types de condamnés.

Vous le savez mieux que moi, madame le garde des sceaux, il existe une carence honteuse des soins psychiatriques en prison. Nous avons tous lu le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture, récemment publié : les constats sont terrifiants.

Le placement des personnes détenues atteintes de troubles mentaux dans des unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, répondra en partie à ces considérations. En attendant, les détenus présentant des troubles mentaux sont abandonnés à leur détresse et à leur souffrance.

Dois-je préciser que, dans une récente étude portant sur la santé mentale des personnes détenues en prison, étude réalisée à la demande de votre ministère par Mme Duburcq et MM. Rouillon, Fagnani et Falissard, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, montre que huit hommes sur dix incarcérés présentent des pathologies psychiatriques ; près de 7 % des détenus souffrent de paranoïa et de psychose hallucinatoire. Et je ne parle pas du nombre de suicides...

Ces détenus malades, allez-vous les envoyer en rétention de sûreté ? Allez-vous prévoir leur accueil dans des hôpitaux afin qu'ils puissent être soignés correctement ? Et ceux qui seront placés dans ces établissements spécialisés, que deviendront-ils à l'issue de leur peine ?

On ne pourra pas obtenir une réponse claire tant que la nature de la dangerosité des personnes visées par la rétention de sûreté ne sera pas précisée.

Cet amendement vise à prévoir une prise en charge médicale supplémentaire du détenu à la fin de sa peine et à exclure du dispositif de la rétention de sûreté les condamnés qui présentent des troubles mentaux distincts des troubles de la personnalité.

Je refuse que l'on traite tous les malades mentaux de criminels potentiels. Ils sont malades, et leur dangerosité est distincte de celle d'une personne présentant des troubles de la personnalité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement tend à permettre à la juridiction régionale des mesures de sûreté d'ordonner une hospitalisation d'office si l'avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté fait apparaître non des troubles de la personnalité mais des troubles mentaux.

Nous ne sommes pas hostiles sur le fond à cette précision, mais elle ne nous paraît pas utile. En effet, actuellement, une personne atteinte de troubles mentaux peut à tout moment, au cours de la détention, faire l'objet d'une hospitalisation d'office. Il suffirait à la juridiction régionale des mesures de sûreté d'alerter le préfet.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il est clair qu'une personne atteinte d'un trouble mental ne relève à aucun moment de la rétention de sûreté. Les critères requis pour l'hospitalisation d'office visés dans le code de la santé publique sont extrêmement clairs. Ils sont au nombre de trois lorsque la personne n'est pas détenue. En revanche, lorsque l'on se trouve face à un détenu, quatre critères cumulatifs sont exigés, notamment le risque d'une atteinte à la sécurité d'autrui ou de soi-même.

Les dispositions que cet amendement tend à insérer dans le texte introduiraient de la confusion, alors que les régimes actuels sont très clairs, notamment celui de l'hospitalisation d'office à la suite d'une expertise qui préconise le placement. À aucun moment un magistrat ne placera dans un centre de rétention de sûreté une personne présentant un trouble mental.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 39 rectifié est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 49 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. - Rédiger ainsi la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale :

« Le retrait de la réduction de peine dont a bénéficié le condamné et la décision de rétention de sûreté sont prises par la juridiction régionale de la rétention de sûreté territorialement compétente ».

II. - Compléter le texte proposé par le I cet article pour l'article 706-53-16 du même code par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle ne peut toutefois excéder la durée correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires dont le détenu a bénéficié et qui ont fait l'objet d'une décision de retrait conformément au quatrième alinéa de l'article 721 du code de procédure pénale ».

III. - Rétablir ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-17 du même code :

« Art. 706-53-17. - Au moins trois mois avant la date d'expiration de la durée maximum de la rétention de sûreté mentionnée au troisième alinéa de l'article 706-53-16, la juridiction régionale de la rétention de sûreté prononce d'office la fin de la rétention de sûreté. Elle peut toutefois, si la personne présente des risques de commettre les infractions mentionnées à l'article 706-53-13, par la même décision et après débat contradictoire, au cours duquel la personne est assistée par un avocat choisi ou commis d'office, placer cette personne sous surveillance de sûreté pendant une durée d'un an.

« La surveillance de sûreté comprend des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnée à l'article 723-30, et en particulier une injonction de soins prévue par l'article L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, et le placement sous surveillance électronique mobile dans les conditions prévues par les articles 763-12 et 763-13. Elle comprend également l'obligation d'assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique prévu par l'article 132-26-2 du code pénal et l'obligation de déplacement surveillé sous le contrôle d'un agent de l'administration pénitentiaire.

« La surveillance de sûreté peut être renouvelée selon les modalités prévues par l'alinéa premier du présent article et pour la même durée. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je ne développerai pas ici les arguments que j'expose dans l'objet de cet amendement, qui, vous l'aurez remarqué, est largement suffisant pour justifier juridiquement ce dernier.

Je me permets toutefois de préciser dans quelle mesure cet amendement permettrait de « sauver » la mesure de rétention de sûreté, dans son objet et dans ses modalités d'application, tout en garantissant la constitutionnalité du texte qui nous est aujourd'hui proposé.

En l'état, ce texte constitue, je l'ai dit, une abdication totale devant les principes les plus élémentaires du droit pénal. Il constitue également une abdication devant plusieurs principes garantis par la Constitution.

L'inconstitutionnalité est tellement évidente et flagrante que je commence à douter de la capacité de vos services à rédiger un texte respectueux des droits constitutionnellement garantis. Nous sommes face à un texte qui est indéfendable de ce point de vue. Il met en place une pseudo-mesure de sûreté qui est en réalité une peine.

Cette peine n'est rattachable ni à la condamnation initiale de la personne retenue ni à un fait commis après sa libération. Il s'agit d'une peine sanctionnant de manière préventive la commission d'un crime qui n'a jamais eu lieu. Sur quel fondement ? Sur la dangerosité plus ou moins grande du condamné.

Madame la ministre, mes chers collègues, je pense que nous devons, comme nous avons su le faire en ce qui concerne le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, trouver un compromis juridique sur l'applicabilité de ce texte.

Je suis contre ce projet de loi, je l'ai déjà dit. Mais je préférerais, s'il devait être appliqué, qu'il le soit dans le respect de notre Constitution et des valeurs de notre République.

Cet amendement est un amendement de compromis : il maintient l'application de ce texte, mais tend à l'aménager de manière à échapper à la censure de la Cour européenne des droits de l'homme.

Le dispositif reste intact, mais il s'intègre dans le droit existant, en tant que mesure de sûreté telle qu'elle est définie par le Conseil constitutionnel. Le résultat reste le même, seul le cadre juridique diffère.

S'il s'agit réellement de mettre en place une mesure et pas une peine, alors vous devez réfléchir à l'adoption de cet amendement. En substituant la rétention de sûreté aux réductions de peine dont a bénéficié le condamné, votre dispositif, madame la ministre, devient alors une mesure.

À défaut, il devra être considéré - c'est mon sentiment - comme un énième coup médiatique, surfant sur l'émotion d'un pauvre enfant dont vous vous permettez - je parle de la majorité - de citer le nom dans un débat parlementaire. Si cela n'est pas légiférer dans l'émotion, alors je ne comprends plus !

Vous dites qu'il ne faut pas céder à l'émotion, au fait divers, mais tout votre dispositif repose sur ce système, y compris, ai-je envie de dire, l'ensemble des dispositions pénales que vous nous avez proposées aujourd'hui.

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. - Rédiger ainsi le début du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale :

La décision de surveillance de sûreté est prise par la juridiction régionale...

II. - Supprimer le troisième alinéa du même texte.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement est déjà défendu.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

commission régionale

par les mots :

juridiction régionale

et les mots :

Cette commission

par les mots :

Cette juridiction

II. - Procéder aux mêmes substitutions dans le texte proposé par le I de cet article pour les articles 706-53-18, 706-53-19 et 706-53-20, dans le texte proposé par le III de cet article pour l'article 723-37 du même code et dans le texte proposé par le IV de cet article pour l'article 763-8 du même code.

III. - En conséquence, dans le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-22 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

les commissions régionales

par les mots :

les juridictions régionales

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur les amendements nos 49 rectifié bis et 85.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 3 est important, car il vise à lever toute ambiguïté sur la nature de la commission chargée de décider d'une rétention de sûreté.

En effet, cet organe présente bien toutes les caractéristiques d'une juridiction : cette commission régionale est composée de magistrats ; elle statue après un débat contradictoire au cours duquel la personne est assistée d'un avocat ; les décisions qu'elles prononcent sont soumises à un recours en appel et à un pourvoi en cassation ; enfin, et surtout, elle statue sur une privation de liberté qui, par sa nature, entre dans la compétence de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle en vertu de l'article 66 de la Constitution.

Cette argumentation vaut aussi, naturellement, pour la commission nationale de la rétention de sûreté.

Bien évidemment, le remplacement du terme « commission » par le mot « juridiction » ne changera rien à la nature des décisions qui seront prises, puisque cela n'empêchera pas la commission, qu'il s'agisse ou non d'une juridiction, de prononcer des peines ou des mesures de sûreté. Une juridiction a parfaitement la possibilité de prononcer de telles mesures de sûreté.

Sur l'amendement n° 85, la commission a émis un avis défavorable, comme sur les amendements de la même série.

Quant à l'amendement n° 49 rectifié bis, il vise à limiter la durée de la rétention de sûreté à la durée correspondant à la réduction de peine. Il permettrait en revanche que la surveillance de sûreté puisse être appliquée au-delà de cette limite.

Cet amendement est intéressant et intelligent, mais le dispositif qu'il prévoit est très en deçà des mesures inscrites dans le projet de loi, et l'on peut se demander quelle pourrait être l'effectivité, l'efficacité d'une surveillance de sûreté qui ne pourrait plus déboucher sur une rétention de sûreté.

C'est pourquoi, bien qu'étant impressionnée par la pertinence de l'amendement n° 49 rectifié bis, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 85.

L'amendement n° 49 rectifié bis, qui vise à limiter la durée maximum de la rétention de sûreté à la durée de la réduction de peine, aurait pratiquement pour conséquence de recréer le dispositif déjà existant de surveillance judiciaire, dont la durée est limitée à celle de la réduction de peine. Si l'on décide d'aller au-delà de la peine, on anéantit l'objectif visé par le texte que nous défendons. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 3.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Le remplacement du terme « commission » par le mot « juridiction », qui ne modifie pas la nature de cette instance, est bienvenu. Je voterai donc pour l'amendement qui tend à le prévoir.

Au demeurant, je me pose la question suivante. Pourquoi avons-nous besoin d'un nouvel ordre juridictionnel puisque nous avons déjà les commissions régionales, la commission devenue juridiction, la juridiction nationale d'appel, la Cour de cassation et le tribunal de l'exécution des peines ? Le panorama judiciaire est beaucoup trop chargé à mon sens.

Il convient en outre de signaler ce paradoxe singulier : les décisions d'une juridiction d'appel composée de magistrats siégeant à la Cour de cassation pourront faire l'objet d'un pourvoi devant la même Cour de cassation ! Pourquoi ne pas renvoyer ces dossiers au tribunal de l'exécution des peines et aux Cours d'appel ? Je ne comprends pas.

Je ne vois pas la nécessité de créer une nouvelle juridiction. Cette instance était appelée « commission » pour faire croire que ses décisions étaient purement et simplement de nature administrative et afin que la Cour de cassation statue uniquement sur les recours pour excès de pouvoir. En un mot, il s'agissait de prendre des précautions de forme pour éviter tout simplement l'inconstitutionnalité pour atteinte au principe de non-rétroactivité. Il s'agissait en réalité d'un artifice.

Puisque cet artifice a disparu avec le terme de juridiction, soyons simples. Pourquoi ne pas renvoyer ces affaires tout simplement à la juridiction compétente, puisqu'elles relèvent, me semble-t-il, de l'exécution des peines ?

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Il est certain que le terme de juridiction est plus adéquat, mais je voudrais revenir sur une remarque incidente de notre rapporteur.

Une juridiction, nous dit-il, peut bien prendre des mesures de sûreté. Certes, mais ces mesures restent des modalités d'application de la peine, n'ont de sens que par rapport à celle-ci et ne peuvent exister une fois que la peine est accomplie, sauf à considérer qu'il s'agit de mesures de police. Jusqu'à présent, interner par mesures de police une personne pénalement responsable ne se pratiquait pas et semblait contraire aux principes à la fois de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vous jouez sur les mots, vous passez successivement de la notion de sûreté à la notion de peine, du régime de l'hospitalisation d'office au régime de la pénalité. Il faut choisir ! Choisissez donc entre le modèle hollandais ou le modèle anglo-saxon !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 82, présenté par MM. Badinter, Collombat, Frimat, C. Gautier, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, après les mots :

Elle statue après un débat contradictoire

insérer le mot :

public

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Qui dit débat contradictoire et juridiction dit aussi publicité. C'est un principe fondamental, inscrit dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Par conséquent, cet amendement vise à ajouter le mot « public ».

Le principe doit demeurer la publicité des débats. Cela dit, je serais d'accord pour qu'il soit précisé que certains criminels sexuels peuvent demander que l'audience ne soit pas publique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur le fond, nous sommes tout à fait d'accord sur l'objet de cet amendement. Simplement, nous souhaitons qu'il soit formulé d'une manière un peu différente. Nous suggérons donc à M. Badinter de le rectifier en insérant les mots : « et si le condamné le demande, public » après les mots : « Elle statue après un débat contradictoire ». Cette rédaction nous paraît répondre à la préoccupation exprimée par son auteur.

M. le président. Monsieur Badinter, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?

M. Robert Badinter. Bien volontiers, monsieur le président.

Cependant, puisque nous accomplissons dans l'hémicycle un travail qui aurait sans doute mérité d'être fait avant, vous me permettrez de formuler une autocritique : nous modifions la rédaction du projet en ce qui concerne la commission régionale, mais il faudra procéder à une modification de même nature s'agissant de la commission nationale.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'autocritique est reçue cinq sur cinq ! Ce texte étant déclaré d'urgence, nous ferons le travail de coordination nécessaire en commission mixte paritaire.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 82 rectifié, présenté par MM. Badinter, Collombat, Frimat, C. Gautier, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, après les mots :

Elle statue après un débat contradictoire

insérer les mots :

et, si le condamné le demande, public

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable, compte tenu de la rectification.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa et le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

Commission nationale

par les mots :

Juridiction nationale

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 45, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après le mot :

qui

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale :

est susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement est de nature rédactionnelle.

Le dispositif proposé permet de conclure qu'il existe trois degrés de contrôle de la décision de rétention de sûreté : la décision de la juridiction régionale peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction nationale, puis d'un pourvoi en cassation. Le dispositif garantit donc la possibilité d'un contrôle efficace de la décision initiale de placement en rétention de sûreté.

Il semble toutefois que la rédaction du dernier alinéa du texte proposé par le I de l'article 1er pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale porte encore les traces de la restriction imposée à l'origine au droit de recours du condamné.

II était en effet prévu que le recours ne pourrait faire l'objet que d'un pourvoi en violation de la loi. Cette restriction ayant été supprimée par l'Assemblée nationale, le grief tiré du défaut de motivation de la décision de placement en rétention de sûreté sera donc recevable.

Néanmoins, la forme négative de l'ancienne version a été maintenue, ce qui laisse penser qu'il aurait pu y avoir d'autres recours possibles en droit interne.

Dès lors que la Cour de cassation statue en dernier ressort et qu'aucune autre juridiction n'est susceptible d'intervenir à ce stade de la procédure, la forme négative de cette phrase devient inutile.

II serait plus simple d'écrire que la décision de la commission nationale « est susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation ».

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

À la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

devant la Cour de cassation

par les mots :

en cassation

La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement no 5 et donner l'avis de la commission sur l'amendement no 45.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

Dans la rédaction initiale du texte, l'amendement no 45 était tout à fait justifié. Mme Boumediene-Thiery aurait donc eu parfaitement raison de le déposer si l'Assemblée nationale, dans un premier temps, puis l'amendement no 5 de la commission, dans un second temps, n'avaient entièrement remédié à la situation qu'elle décrit.

Le texte vous donnant désormais entière satisfaction, madame, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Mme Boumediene-Thiery, l'amendement no 45 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement no 45 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 5 ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-16, après les mots :

renouvelée

insérer les mots :

, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à préciser qu'un renouvellement de la rétention de sûreté ne peut intervenir sans l'avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le début de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-18 du code de procédure pénale :

Après un délai de trois mois à compter de la décision définitive de rétention de sûreté, la personne placée en rétention de sûreté...

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le projet de loi laisse à la personne placée en rétention de sûreté la possibilité de demander à la commission régionale de mettre fin à la mesure dès que la décision de placement en rétention est devenue définitive.

Cette disposition n'est pas très satisfaisante dans la mesure où, par hypothèse, l'intéressé aura été débouté des recours qui lui sont ouverts en vertu de l'article 706-53-15 du code de procédure pénale et où la commission régionale des mesures de sûreté n'a pas lieu de reconsidérer la situation de la personne si aucun élément nouveau n'est intervenu dans sa situation.

Aussi cet amendement vise-t-il à autoriser la personne à demander la levée de la rétention après un délai de trois mois à compter de la décision définitive de rétention de sûreté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-18 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

du recours prévu

par les mots :

des recours prévus

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-19 du code de procédure pénale, après les mots :

 qu'il soit

insérer le mot :

immédiatement

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Dès lors que les conditions de la rétention de sûreté ne sont plus satisfaites, la commission régionale doit ordonner qu'il soit mis fin à la rétention.

Cet amendement précise, sur le modèle des dispositions actuelles concernant la détention provisoire, qu'il doit être « immédiatement » mis fin à cette rétention.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 37, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-20 du code de procédure pénale.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Dans sa décision du 8 décembre 2005, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif de surveillance judiciaire. Dans son argumentation, il a considéré qu'il s'agissait d'une mesure qui ne pouvait pas être assimilée à une peine ou en une sanction en raison de plusieurs critères : cette mesure est limitée à la durée des réductions de peines dont bénéficie le condamné ; elle constitue une modalité d'exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction du jugement ; elle est ordonnée par le juge de l'application des peines ; elle repose sur la dangerosité du condamné et non sur sa culpabilité ; et elle a pour seul objet de prévenir la récidive.

Dans la mesure où le système introduit par l'article 706-53-20 vise à étendre la surveillance judiciaire au-delà du délai d'exécution de la peine, ce système ne répond plus au premier critère de légalité du dispositif posé dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

La surveillance judiciaire ainsi que les obligations qui en découlent sont, non plus des modalités d'exécution de la peine, mais des peines en elles-mêmes. Non fondées sur la réalité d'un crime commis, elles constituent des peines qui sont contraires non seulement à la Constitution, mais également à la convention européenne des droits de l'homme.

Tout le dispositif mis en place par les alinéas nos 29 à 31 de cet article, y compris la procédure d'urgence, est contraire à la décision du Conseil constitutionnel.

Nous ne sommes plus face à une mesure, nous sommes face à une peine, c'est-à-dire à une sanction qui n'est pas justifiée au regard du principe de légalité des délits et des peines. C'est pourquoi nous demandons la suppression de ces deux procédures.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Après les mots :

débat contradictoire

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-20 du code de procédure pénale :

au cours duquel la personne est assistée par un avocat choisi ou commis d'office, placer celle-ci sous surveillance de sûreté pendant une durée d'un an. La surveillance de sûreté comprend des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnée à l'article 723-30, et en particulier une injonction de soins prévue par les articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, et le placement sous surveillance électronique mobile dans les conditions prévues par les articles 763-12 et 763-13. Le placement sous surveillance de sûreté peut faire l'objet des recours prévus à l'article 706-53-15.

II. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour le même article :

À l'issue de ce délai, la surveillance de sûreté peut être renouvelée dans les mêmes conditions et pour la même durée.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a plusieurs objets.

Lorsque la rétention de sûreté prend fin, la commission régionale peut soumettre la personne, pour une durée d'un an renouvelable, à des obligations comportant un placement sous surveillance électronique mobile et aux obligations de la surveillance judiciaire, notamment l'injonction de soins.

Il s'agit en fait d'instituer un système intermédiaire entre rétention de sûreté et liberté.

Par souci de clarté, il serait opportun de donner à ce dispositif de contrôle qui ne se confond pas avec la surveillance judiciaire, même s'il comporte des obligations similaires, une désignation qui lui soit propre. La commission vous propose celle de « surveillance de sûreté ».

L'amendement vise également à rédiger de manière plus cohérente l'énoncé des obligations applicables.

Le texte du projet de loi distingue le placement sous surveillance électronique mobile des obligations de la surveillance judiciaire alors même que celles-ci comportent la possibilité d'un tel placement. Aussi la commission propose-t-elle que la surveillance de sûreté comprenne des obligations similaires à celles de la surveillance judiciaire, y compris l'injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile.

L'amendement prévoit en outre que la décision de la commission régionale soit prise après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office et qu'elle puisse faire l'objet de recours, ce que le texte du projet de loi ne précise pas.

Enfin, l'amendement tend à simplifier la rédaction du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 706-53-20 en renvoyant les modalités de renouvellement de la mesure aux conditions fixées pour la décision initiale de placement sous surveillance de sûreté.

M. le président. L'amendement n° 48, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-20 du code de procédure pénale, après le mot :

contradictoire

insérer les mots :

au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à corriger une omission - volontaire ou non, je l'ignore - concernant le respect du droit de la défense et l'assistance d'un avocat dans la procédure prévue à l'article 706-53-20.

Cet article dispose que la commission régionale de la rétention de sûreté peut soumettre un condamné aux obligations résultant du placement sous surveillance électronique ou aux autres mesures de sûreté mentionnées à l'article 729-30 du code de procédure pénale. Mais il ne fait pas mention du droit du condamné de se faire représenter par un avocat. En revanche, cette représentation est prévue en cas de renouvellement de la mesure. Pourquoi cette omission ?

II convient de rétablir à ce stade de la procédure la possibilité pour l'avocat de représenter la personne privée de liberté.

Vous me répondrez sans doute que la représentation de l'avocat est implicitement contenue dans cet alinéa puisque la mesure est prise dans la même décision que celle qui déclare que les conditions de la rétention de sûreté ne sont plus remplies.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Exactement !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Dans ce cas, la référence au débat contradictoire dans cet alinéa est superfétatoire, ce qui est peu probable au regard de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.

Comment peut-il y avoir un débat contradictoire sans la présence d'un avocat ? Si, en raison de son état, le condamné était dans l'incapacité de se présenter pour se défendre, le principe du débat contradictoire ne serait pas respecté.

L'amendement vise à clarifier cette situation. Le refuser reviendrait à cautionner une violation flagrante des droits de la défense ou du condamné.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-20 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée :

La décision de confirmation peut faire l'objet des recours prévus par l'article 706-53-15.

La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement no 11 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 37 et 48.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La méconnaissance de l'une des obligations susceptibles d'être imposées après la levée d'une rétention de sûreté peut, à la condition qu'elle fasse apparaître une particulière dangerosité, conduire de nouveau à une rétention de sûreté ordonnée en urgence par le président de la commission régionale. Le placement doit alors être confirmé trois mois après par la commission régionale.

L'amendement no 11 prévoit que cette décision de confirmation peut faire l'objet d'un appel et d'un pourvoi en cassation.

L'amendement n° 37 supprime les dispositions du projet de loi qui permettent d'assortir la levée d'une rétention de sûreté de certaines obligations, notamment le bracelet électronique mobile et l'injonction de soins. La commission, considérant que ce régime intermédiaire - ce sas, en quelque sorte - avant une libération complète peut être utile, a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l'amendement n° 48, il est satisfait par l'amendement n° 10 de la commission. J'en demande donc le retrait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Sur l'amendement n° 37, je dirai qu'il importe de pouvoir placer les personnes qui sortent d'un centre socio-médico-judiciaire de sûreté sous surveillance électronique mobile. Dans le cas contraire, il faudrait les maintenir plus longtemps dans le centre de rétention de sûreté, même si elles ont engagé un processus de soins ou une procédure de prise en charge.

La suppression de cette possibilité apparaît donc comme une entrave à la réinsertion. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 10 et 11.

Quant à l'amendement no 48, comme l'a indiqué M. le rapporteur, il est satisfait par l'amendement no 10.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 48 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement no 87, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-22 du code de procédure pénale.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement no 12, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-22 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

en matière notamment

par les mots :

y compris en matière d'emploi, d'éducation et de formation,

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement no 87.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Parmi les droits qui doivent être garantis à la personne placée en rétention de sûreté, il nous semble important de faire une place particulière à l'emploi, à l'éducation et à la formation, qui sont des facteurs importants de la réinsertion de la personne. Tel est l'objet de l'amendement no 12.

Quant à l'amendement no 87, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement no 87 et favorable à l'amendement no 12.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement no 87 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement no 13, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du I bis de cet article, après le mot :

peine

insérer les mots :

en vue d'une éventuelle rétention de sûreté

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le I bis, insérer un paragraphe I ter ainsi rédigé :

I. ter -- Avant l'article 717-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 717-1-A ainsi rédigé :

« Art. 717-1-A. - Dans l'année qui suit sa condamnation définitive, la personne condamnée à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour l'une des infractions visées à l'article 706-53-13 est placée pour une durée d'au moins six semaines au Centre national d'observation permettant de déterminer les modalités de la prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de sa peine. Au vu du bilan, le juge de l'application des peines définit un parcours d'exécution de la peine individualisé et décide, si l'état de santé de la personne condamnée le nécessite, le transfert au sein d'une unité hospitalière spécialement aménagée. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement reprend deux idées essentielles qui semblent faire consensus au sein de la commission des lois.

En premier lieu, il n'est pas satisfaisant d'attendre un an avant la fin de la peine pour évaluer la dangerosité de la personne. Il est donc proposé, dans notre amendement, d'organiser une évaluation dans l'année qui suit la condamnation de la personne. Au vu du bilan qui serait dressé, le juge de l'application des peines pourrait établir un « parcours d'exécution de la peine », qui devrait en pratique correspondre à une vraie stratégie individualisée de lutte contre la récidive.

En second lieu, l'amendement vise à faire en sorte que, si le bilan fait apparaître des troubles psychiatriques sérieux et durables, la personne puisse être transférée, le temps nécessaire, dans une UHSA, unité hospitalière spécialement aménagée, conformément à l'une des propositions formulées dans le rapport consacré aux personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux établi au nom de la commission des lois par MM. Philippe Goujon et Charles Gautier.

Cependant, monsieur le président, je serai vraisemblablement amené tout à l'heure à rectifier cet amendement.

M. le président. Le sous-amendement no 91 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après la référence :

706-53-13

rédiger comme suit la fin du texte proposé par l'amendement no 14 pour l'article 717-1-A du code de procédure pénale :

et pour laquelle il a été fait application des dispositions du deuxième alinéa de cet article, fait l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire réalisée au cours d'une période d'observation d'au moins six semaines dans un service spécialisé déterminé par décret, afin de déterminer les modalités de sa prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de sa peine.

La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter ce sous-amendement et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 14.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L'amendement no 14 tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 717-1-A prévoyant un bilan obligatoire, réalisé par le Centre national d'orientation, des condamnés susceptibles de faire l'objet d'une rétention de sûreté afin de permettre leur affectation dans un établissement pénitentiaire adapté à leur personnalité.

Cette disposition rend ainsi systématique l'examen de la personne par le Centre national d'observation de Fresnes que prévoient déjà, à titre facultatif, les articles D. 81-1 et D. 81-2 du code de procédure pénale. Cela paraît tout à fait justifié.

Le présent sous-amendement vise toutefois à rédiger différemment la fin de l'article que la commission propose d'insérer dans le code afin de préciser que ne sont concernés que les condamnés effectivement susceptibles de faire l'objet d'une rétention de sûreté, c'est-à-dire ceux pour qui la cour d'assises l'aura expressément envisagé dans sa décision, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 706-53-13.

En outre, il prévoit de continuer à renvoyer au décret ce qui ne relève pas du niveau législatif, à savoir la détermination du service spécialisé au sein duquel l'évaluation devra être effectuée. L'amendement no 2 avait du reste le même objet.

Au demeurant, l'affectation relève de la décision non pas du juge de l'application des peines, mais de l'administration pénitentiaire.

Par ailleurs, la prise en charge au sein d'une unité hospitalière spécialement aménagée relève d'une indication médicale. Les UHSA sont en effet destinées à accueillir en hospitalisation complète, dans une unité de psychiatrie, les personnes détenues, et ce pour des durées adaptées aux besoins de celles-ci, y compris pour des périodes longues.

Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement no 14, sous réserve de l'adoption du sous-amendement no 91 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 91 rectifié ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission souhaite rectifier l'amendement no 14 de façon à y intégrer les observations de Mme le ministre, avec lesquelles elle est en grande partie d'accord. Peut-être Mme le garde des sceaux sera-t-elle ainsi amenée à retirer son sous-amendement.

L'article 717-1-A du code de procédure pénale serait ainsi rédigé :

« Dans l'année qui suit sa condamnation définitive, la personne condamnée à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour l'une des infractions visées à l'article 706-53-13 est placée pour une durée d'au moins six semaines dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues permettant de déterminer les modalités de la prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de sa peine. Au vu du bilan, le juge de l'application des peines définit un parcours d'exécution de la peine individualisé. Si la personne souffre de troubles psychiatriques, sur indication médicale, elle fait l'objet d'une prise en charge adaptée à ses besoins, le cas échéant en hospitalisation. »

En d'autres termes, notre désaccord avec le sous-amendement no 91 rectifié ne porte que sur un point : nous souhaiterions que l'évaluation soit réalisée non seulement pour les personnes dont la cour d'assises aura indiqué que la situation devrait être réexaminée en fin de peine, mais également pour l'ensemble des personnes condamnées à une peine de plus de quinze ans.

Vous le savez, madame le ministre, nous avons même l'intention, lors de la discussion du futur projet de loi pénitentiaire, de proposer que davantage de personnes encore bénéficient de cette évaluation.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement no 14 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, qui est ainsi libellé :

Après le I bis, insérer un paragraphe I ter ainsi rédigé :

I. ter - Avant l'article 717-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 717-1-A ainsi rédigé :

« Art. 717-1-A. - Dans l'année qui suit sa condamnation définitive, la personne condamnée à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour l'une des infractions visées à l'article 706-53-13 est placée pour une durée d'au moins six semaines dans un service spécialisé permettant de déterminer les modalités de la prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de sa peine. Au vu du bilan, le juge de l'application des peines définit un parcours d'exécution de la peine individualisé. Si la personne souffre de troubles psychiatriques, sur indication médicale, elle fait l'objet d'une prise en charge adaptée à ses besoins, le cas échéant en hospitalisation. »

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement et, en conséquence, retire le sous-amendement no 91 rectifié.

M. le président. Le sous-amendement no 91 rectifié est retiré.

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 14 rectifié.

M. Robert Badinter. Cet amendement est très important, et le Sénat doit lui accorder une attention particulière, car il esquisse, dans la perspective de la loi pénitentiaire, les voies de l'avenir : c'est bien dans cette direction qu'il faut aller.

Face au type de criminels concernés, il est essentiel qu'il soit procédé dès le départ à cet examen, avec la multiplicité d'adjectifs qui l'assortit, dans le service compétent - qui sera en tout état de cause le CNO.

Pour ma part, j'irai même plus loin au moment où nous examinerons le projet de loi pénitentiaire et je proposerai que cet examen intervienne pendant l'instruction, qui est un temps mort et qui dure des années, puisque nous sommes dans les affaires graves. Ainsi, le projet de parcours individualisé de traitement pourra ensuite, et le plus tôt possible après la condamnation, être élaboré.

Il y avait quelque chose d'absurde dans le fait que l'état éventuel de dangerosité ne soit apprécié qu'un an avant le terme de la peine. Ce sont des peines longues : quinze ans, dix-huit ans, vingt ans ; et c'est à la dix-neuvième année que l'on apprécierait l'état dangereux ? Voyons ! Que se serait-il passé pendant tout ce temps-là ? On ne sait pas ! Aucune obligation, aucun projet, alors que c'est là, pendant les années de détention, que les choses se jouent, et non la dernière année, avec l'ajout, presque à l'issue d'une si longue durée, de prescriptions de traitement dans le cadre de la rétention de sûreté ! Cela n'a pas de sens !

Ce qu'il faut, c'est que, dès le départ, le condamné soit pris en charge à partir de cette observation, comme cela se pratique dans d'autres pays, et je pense en particulier aux Pays-Bas. Nous sommes à cet égard très en retard quant à ce qui doit être fait !

L'amendement no 14 rectifié est peut-être le plus important, et c'est sur ce point que, au moment où nous débattrons de la loi pénitentiaire, nous devrons absolument tenir bon. Nous sommes ici très au-delà du problème qui nous est soumis : nous sommes au coeur des choses, s'agissant des condamnés à de telles peines.

La prévention de la récidive se joue précisément au cours de l'exécution de la peine, et non au moment de la sortie. La détention de sûreté n'est qu'un masque destiné à occulter l'état dans lequel ont été laissées, pendant des décennies, les prisons françaises.

M. le président. Vous rendez hommage, mon cher collègue, au travail de la commission des lois, qui propose là un excellent amendement sur lequel un grand consensus semble se dégager au sein de la Haute Assemblée.

M. Robert Badinter. C'est un amendement essentiel !

M. Pierre Fauchon. Il avait été proposé de supprimer ce texte. Peut-être n'était-il pas si mauvais, après tout !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est en effet excellent et important.

J'indique que j'avais moi-même déposé un amendement similaire à l'amendement n° 14 rectifié, l'amendement n° 65 sur l'article 1er, mais qu'il a été repoussé en raison du dépôt de l'amendement n°14 rectifié.

Le dépôt de cet amendement sur l'article 1er était évidemment symbolique. Cet amendement visait à modifier le principe du projet de loi, même si je ne pensais guère pouvoir y parvenir !

Je considérais qu'il ne fallait pas attendre le moment où une personne est placée en centre de rétention, à l'issue de quinze ou vingt ans de détention, au cours desquelles elle n'a bénéficié d'aucune prise en charge, pour déterminer la nature de ses problèmes et prévoir un suivi médico-social.

Il est effectivement préférable que la personne fasse l'objet d'une évaluation dès le début. On peut d'ailleurs imaginer que cette évaluation pourrait avoir lieu au cours de l'instruction. Une évaluation permet d'avoir une autre vision de la personne. On peut ensuite continuer à l'évaluer au cours du parcours d'exécution de la peine individualisé. Ainsi, d'année en année, on peut évaluer les risques qu'une personne récidive ou non.

Au terme de ce parcours, si l'on considère qu'il y a malheureusement un risque de récidive, on peut alors effectivement envisager des mesures administratives, car il faut protéger la société.

Vous le voyez, il s'agit là d'une philosophie totalement différente.

Bien sûr, je voterai l'amendement n° 14 rectifié, mais je tenais à signaler qu'il n'a pas tout à fait le même sens que celui que j'ai déposé sur l'article 1er, monsieur le rapporteur !

M. le président. Cet amendement est en effet extrêmement important, comme plusieurs d'entre vous l'ont souligné.

Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Belle unanimité ! Elle honore notre maison.

L'amendement n° 15, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le I bis, insérer un paragraphe I quater ainsi rédigé :

I quater - L'article 712-22 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce décret précise les conditions dans lesquelles l'expertise prévue par l'article 712-21 peut ne pas être ordonnée, avec l'accord du procureur de la République, soit en raison de l'existence dans le dossier du condamné d'une précédente expertise, soit, pour les personnes condamnées pour des infractions dont il fixe la liste, en cas de permission de sortir ou en raison de la personnalité de l'intéressé. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à limiter la pratique de l'expertise prévue par l'article 712-21 d'une manière qui ne puisse pas faire l'objet de critiques.

Les conditions dans lesquelles cette expertise peut ne pas être ordonnée ont déjà été précisées par décret, mais certaines personnes se sont interrogées sur le point de savoir si la référence législative n'était pas nécessaire.

Cet amendement vise donc à sécuriser totalement la liste des cas dans lesquels une expertise peut ne pas être ordonnée, ces exceptions étant unanimement reconnues comme étant utiles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Discussion générale

10

Dépôt d'une question orale avec débat

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

n° 14 - Le 7 février 2008 - Mme Marie-France Beaufils interroge Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur l'avenir du secteur financier français.

La Société Générale est au coeur de la crise financière d'importance que nous connaissons depuis plusieurs jours et qui se caractérise, entre autres, par une profonde instabilité de la place boursière de Paris, celle-ci étant clairement orientée à la baisse depuis le début de l'année.

Cette situation particulière de l'un des établissements financiers historiques de notre pays, nationalisé à la Libération et privatisé dans le cadre de la première vague de privatisations en 1986 a soulevé une légitime émotion, tant du point de vue des usagers que des épargnants, des actionnaires, des salariés de l'entreprise ou encore, plus généralement, des acteurs de la vie économique.

Elle appelle un large échange de vues sur l'ensemble des enjeux portés et le Parlement doit prendre ses responsabilités en la matière.

Quelles dispositions entend prendre le Gouvernement quant à cette situation ?

Quelles évolutions législatives et réglementaires peut-on envisager quant au contrôle des activités bancaires, quant aux obligations de service public rendu par nos établissements financiers et à leur intervention au profit du développement économique, de l'activité et de l'emploi ?

Enfin, quelles mesures d'urgence le Gouvernement entend-il prendre pour assurer la pérennité de la Société Générale ?

(Déposée le 30 janvier 2008 - annoncée en séance publique le 30 janvier 2008)

Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

11

Dépôt d'une proposition de loi

M. le président. J'ai reçu de MM. Jean-Pierre Bel, Serge Lagauche, Mme Catherine Tasca, M. David Assouline, Mme Bariza Khiari et M. Yannick Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, une proposition de loi tendant à prendre en compte les interventions du Président de la République dans les médias.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 187, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil autorisant l'Italie à appliquer, dans des zones géographiques déterminées, des taux réduits de taxation au gazole et au GPL utilisés pour le chauffage conformément à l'article 19 de la directive 2003/96/CE.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3765 et distribué.

13

Dépôt de rapports

M. le président. J'ai reçu de Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.

Le rapport sera imprimé sous le n° 183 et distribué.

J'ai reçu de M. Jean-Patrick Courtois un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (n° 110, 2007 2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 184 et distribué.

J'ai reçu de M. Jacques Blanc un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc (n° 84, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 186 et distribué.

14

Dépôt de rapports d'information

M. le président. J'ai reçu de M. Jean François-Poncet un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le traité de Lisbonne.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 188 et distribué.

J'ai reçu de MM. Jean-Paul Emorine, Gérard Cornu, François Fortassin, Bernard Dussaut, René Beaumont, Mme Yolande Boyer, M. Philippe Darniche, Mme Evelyne Didier et M. Yannick Texier, un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques à la suite d'une mission effectuée au Brésil du 11 au 17 septembre 2007.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 189 et distribué.

15

Dépôt d'un avis

M. le président. J'ai reçu de M. Dominique Braye un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (n° 110, 2007 2008).

L'avis sera imprimé sous le n° 185 et distribué.

16

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 31 janvier 2008 :

À neuf heures trente :

1. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.

Rapport (n° 183, 2007-2008) de Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour le Sénat.

2. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le pouvoir d'achat.

Rapport (n° 180, 2007-2008) de M. Nicolas About, rapporteur pour le Sénat.

3. Discussion du projet de loi (n° 153, 2007-2008) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion relatif au siège de l'Organisation ITER et aux privilèges et immunités de l'Organisation ITER sur le territoire français.

Rapport (n° 173, 2007-2008) de M. Xavier Pintat, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

À quinze heures et le soir :

4. Suite de la discussion du projet de loi (n° 158, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Rapport (n° 174, 2007-2008) de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 31 janvier 2008, à zéro heure vingt.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD