Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Demande d'examen d'un projet de loi selon la procédure simplifiée

3. Dépôt d'un rapport en application d'une loi

4. Candidatures à un organisme extraparlementaire

5. Demande d'autorisation d'une mission d'information

6. Pouvoir d'achat. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale : M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ; Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville ; MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur ; Serge Dassault, rapporteur pour avis de la commission des finances.

Organisation des débats

Demande de réserve des articles additionnels et d'examen séparé des amendements de suppression de l'article 1er. - L'organisation modifiée est ordonnée.

Discussion générale (suite)

Mmes Raymonde Le Texier, Isabelle Debré, MM. Guy Fischer, Aymeri de Montesquiou, Mmes Anne-Marie Payet, Nicole Bricq.

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

Mme Catherine Procaccia, M. Thierry Repentin, Mme Patricia Schillinger.

M. le ministre, Mme la ministre.

Clôture de la discussion générale.

Exception d'irrecevabilité

Motion no 63 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Question préalable

Motion no 56 de M. Pierre-Yves Collombat. - MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Article 1er

M. Guy Fischer.

Amendements identiques nos 32 de Mme Raymonde Le Texier et 94 de M. Guy Fischer. - Mme Raymonde Le Texier, MM. Guy Fischer, le ministre. - Rejet des deux amendements.

Demande de priorité des amendements nos 71 et 72. - MM. le rapporteur, le ministre. - La priorité est ordonnée.

Amendement n° 71 (priorité) de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 72 (priorité) de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

M. le rapporteur.

7. Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

8. Modification de l'ordre du jour

9. Pouvoir d'achat. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Article 1er (suite)

Amendement n° 99 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur ; Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ; Mme Annie David. - Rejet.

Amendement n° 96 de M. Guy Fischer. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 95 de M. Guy Fischer. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre, Serge Dassault, rapporteur de la commission des finances. - Rejet.

Amendement n° 80 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement n° 81 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 73 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendements nos 78 de Mme Annie David et 77 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. - Rejet des deux amendements.

Amendements nos 79 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 102 de M. Guy Fischer. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 76 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 74 de Mme Annie David. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. - Rejet.

Amendement n° 75 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre, le rapporteur pour avis. - Rejet.

Amendement n° 82 de M. Guy Fischer. - M. Guy Fischer. - Retrait.

Amendements nos 33 et 34 de Mme Raymonde Le Texier, 1 à 5 de la commission, 59 de M. Michel Mercier, 61 rectifié ter et 26 rectifié de Mme Catherine Procaccia, 101 et 97 de M. Guy Fischer, amendements identiques nos6 de la commission et 21 de M. Serge Dassault, rapporteur pour avis ; amendement n°7 de la commission. - Mme Raymonde Le Texier, M. le rapporteur, Mmes Muguette Dini, Catherine Procaccia, MM. Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer, le rapporteur pour avis, le ministre, Mme Annie David. - Retrait des amendements nos 26 rectifié et 59 ; rejet, par scrutin public, de l'amendement n° 33 ; rejet des amendements nos 34, 101 et 97 ; adoption des amendements nos 1, 61 rectifié ter, 2, 4, 5, 6, 21 et 7, l'amendement n° 3 rectifié bis devenant sans objet.

Amendement no 103 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mmes Annie David, Catherine Procaccia, M. Jean-Pierre Godefroy. - Rejet.

Amendement n° 25 rectifié bis de M. Alain Gournac. - Mme Catherine Procaccia, MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 1er bis

Amendement n° 105 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 106 de M. Guy Fischer. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 1er ter

Amendements identiques nos 35 de Mme Raymonde Le Texier et 104 de M. Guy Fischer ; amendement n° 27 rectifié de Mme Catherine Procaccia. - Mmes Patricia Schillinger, Annie David, Catherine Procaccia, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements nos 35 et 104 ; adoption de l'amendement n° 27 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 2

M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David.

Amendements nos 107 à 115 de M. Guy Fischer, 8, 9 de la commission et 62 rectifié de Mme Catherine Procaccia. - M. Guy Fischer, Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme Catherine Procaccia, M. le ministre, Mme Nicole Bricq. - Rejet des amendements nos 107 à 115 ; retrait de l'amendement n° 62 rectifié ; adoption des amendements nos 8 et 9.

Adoption de l'article modifié.

Article 3

M. Jean-Pierre Godefroy.

Amendement n° 118 de M. Guy Fischer ; amendements identiques nos 58 rectifié de M. Alain Gournac et 60 de M. Michel Mercier, amendement n° 141 de la commission. - M. Guy Fischer, Mme Catherine Procaccia, MM. Jean Boyer, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. - Rejet de l'amendement n° 118 ; retrait des amendements nos 58 rectifié, 60 et 141.

Adoption de l'article.

Article 3 bis

M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David.

Adoption de l'article.

Renvoi de la suite de la discussion.

10. Dépôt d'un projet de loi

11. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

12. Dépôt de rapports

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Demande d'examen d'un projet de loi selon la procÉdure simplifiÉe

M. le président. Mes chers collègues, je dois vous faire une communication sur l'examen du projet de loi relatif à l'accord sur le siège, les privilèges et les immunités de l'Organisation internationale ITER sur le territoire français.

La commission des affaires étrangères propose que ce projet de loi, inscrit à l'ordre du jour de notre séance du jeudi 31 janvier, soit examiné selon la procédure simplifiée.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Ce projet de loi sera donc examiné selon la procédure simplifiée sauf si un groupe politique demandait le retour à la procédure habituelle avant le mardi 29 janvier à dix-sept heures.

3

dépôt d'un rapport en application d'une loi

M. le président. J'ai reçu de M. le président de la Commission de régulation de l'énergie le troisième rapport annuel sur le respect des codes de bonne conduite et l'indépendance des gestionnaires de réseaux, établi en application des articles 6 et 15 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires économiques et sera disponible au bureau de la distribution.

4

Candidatures à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

La commission des affaires étrangères a fait connaître qu'elle propose les candidatures de M. Robert del Picchia et de Mme Monique Cerisier-ben Guiga pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein de cet organisme extraparlementaire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

5

Demande d'autorisation d'une mission d'information

M. le président. J'informe le Sénat que M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, m'a saisi d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information qui se rendrait au Royaume-Uni afin d'étudier le fonctionnement de la chaîne de télévision BBC, dans la perspective des réformes annoncées du financement de l'audiovisuel public et de la réorganisation de l'audiovisuel extérieur.

Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.

6

 
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Discussion générale (suite)

Pouvoir d'achat

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat (nos 151, 166, 172).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Organisation des débats

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs et chers Nicolas et Serge, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le mois de mai dernier, notre priorité, c'est le travail : la valorisation du travail, la promotion du travail, le retour vers le travail.

C'est une valeur essentielle que le Président de la République a portée durant toute sa campagne, et à laquelle les Français ont pleinement souscrit. Cela signifie donc valoriser ceux qui ont un travail.

C'est ce que nous avons fait avec le dispositif « heures supplémentaires », qui a été adopté cet été et qui - nous le voyons bien - remporte aujourd'hui un très large succès.

C'est ce que nous continuons à faire avec le présent texte sur le pouvoir d'achat, notamment avec le paiement des jours de RTT.

Mais valoriser le travail, c'est également redonner du travail à ceux qui n'en ont pas. Les chiffres montrent que le chômage continue de reculer à un niveau jamais atteint depuis de nombreuses années,...

M. Guy Fischer. Et la précarité augmente !

M. Xavier Bertrand, ministre. ... grâce notamment à l'action déterminée de Christine Lagarde.

Mais nous voulons effectivement aller vers le plein-emploi, en n'oubliant pas que notre responsabilité est double. Nous devons non seulement considérer les chiffres du chômage, qui sont en baisse, mais également avoir en permanence comme souci prioritaire de réduire le travail précaire.

M. Guy Fischer. La précarité explose !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je pense notamment au temps partiel subi et éclaté.

Valoriser le travail, c'est également agir pour celles et ceux qui ne peuvent pas ou plus travailler, et à l'égard desquels nous devons renforcer nos politiques de solidarité. Je pense en particulier aux personnes handicapées, ainsi, bien sûr, qu'aux retraités.

Notre politique est donc globale. Elle se veut cohérente et tournée vers le travail, car c'est le travail qui, en produisant davantage de richesses, permet aussi de donner du sens et du contenu à l'indispensable solidarité.

Nous n'en resterons pas là. Nous souhaitons également aller plus loin sur la question des politiques salariales et donc des nécessaires augmentations de salaire, en posant clairement dans le débat la question de la conditionnalité des allégements de charges.

Pourquoi un secteur d'activité continuerait-il à bénéficier du même niveau d'allégement de charges s'il refuse d'ouvrir des négociations salariales ? (Mme Catherine Procaccia applaudit.) C'est la raison pour laquelle le Conseil d'orientation pour l'emploi, qui regroupe les représentants des partenaires sociaux, est saisi de ce sujet.

Aujourd'hui, nous voulons élargir encore les possibilités d'augmentation du pouvoir d'achat, une augmentation fondée sur le travail. Quand on donne les moyens aux entreprises et aux salariés de travailler plus, cela marche ! Au mois de novembre dernier, 50 % des entreprises, contre 40 % au mois d'octobre, - il s'agit d'entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d'activité - ont eu recours aux heures supplémentaires et ont bénéficié des dispositions de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, la loi TEPA.

Cela signifie que les heures supplémentaires sont désormais mieux payées pour des millions de salariés. Elles ne sont plus soumises à des charges, même si elles seront prises en compte pour la retraite, les allocations familiales et la branche maladie. En outre, elles bénéficient d'un régime d'exonération fiscale l'année suivante.

Soutenir le travail, cela marche et cela continuera. D'ailleurs, à l'occasion d'une visite en compagnie de Christine Lagarde dans une entreprise des Hauts-de-Seine, nous avons pu mesurer combien l'ensemble des acteurs de l'entreprise, syndicats, employeurs, salariés, savaient être pragmatiques et réclamaient avant tout la possibilité de répondre à leurs souhaits, à leurs besoins.

Le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis s'inscrit dans un tel cadre et apporte une nouvelle réponse, une réponse complémentaire, avec des mesures concrètes et d'effet rapide pour renforcer le pouvoir d'achat des Français.

L'heure des réformes structurelles en matière de temps de travail et de participation viendra dès cette année.

Mais nous voulons surtout rompre avec la méthode consistant à décider d'en haut des mesures rigides et uniformes qui s'imposaient à tous de la même manière. Nous ne voulons plus de la logique, si l'on peut parler de « logique », des 35 heures imposées, qui faisait passer tout le monde sous la même toise et aboutissait à un carcan juridique incompréhensible et quasiment inapplicable, car incompatible avec la volonté des acteurs de terrain que sont les employeurs et les salariés.

Toutefois, nous conserverons bien évidemment une durée légale du travail,...

M. Guy Fischer. Dont acte !

M. Xavier Bertrand, ministre. ...ce qui permettra aux salariés d'accomplir des heures supplémentaires majorées pour gagner plus en travaillant plus. Monsieur Fischer, comment pouviez-vous imaginer que nous ferions le contraire de ce que nous avions fait cet été ?

M. Guy Fischer. C'est le Président de la République qui avait parlé de supprimer la durée légale du travail !

M. Xavier Bertrand, ministre. À l'évidence, nous pouvons aujourd'hui sortir du maquis des 35 heures en nous donnant, là encore, la possibilité de répondre avec pragmatisme aux problèmes qui se posent.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il n'y a pas une once d'idéologie dans notre démarche ! (Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il est vrai que certains avaient fait preuve d'idéologie lors de la mise en place des 35 heures. Je laisse l'idéologie à celles et ceux qui l'avaient alors prônée ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Pour notre part, nous revendiquons le pragmatisme, comme le réclament les employeurs et les salariés.

S'agissant de la participation, nous voulons donner toute sa signification à l'association entre capital et travail. Nous souhaitons également revoir la répartition entre les rémunérations respectives des actionnaires et des salariés, afin que ces derniers puissent profiter davantage des succès et des réussites de l'entreprise.

Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui apporte des réponses concrètes aux questions que se posent les Français.

Quels sont les principes sur lesquels repose ce texte ?

M. Guy Fischer. Il faut augmenter les salaires !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il s'agit avant tout de rendre les choses possibles. Nous n'imposons pas, nous n'imposerons plus. Salariés et employeurs auront la possibilité d'utiliser les outils qui leur sont proposés.

Ce sont des mesures directes qui peuvent être mises en oeuvre rapidement, sans formalisme excessif, avec un objectif : la recherche de la simplicité, à chaque fois que cela est possible. Elles privilégient également le dialogue dans l'entreprise, auquel, vous le savez, nous sommes particulièrement attachés.

Ce texte comprend cinq mesures : une mesure sur les journées de RTT, une mesure sur le déblocage de la participation, une mesure sur la prime de 1 000 euros et deux autres mesures, portées par ma collègue Christine Boutin, concernant le logement.

La première mesure va permettre au salarié de répondre à une question. Que vais-je choisir : la prise d'un repos supplémentaire ou une augmentation de pouvoir d'achat ? Si la question est posée, c'est que la liberté est donnée.

En effet, nous voulons permettre à tous les salariés qui ne veulent pas, ou qui ne peuvent pas, prendre leurs jours de RTT de les traduire par plus de travail, et donc par plus de rémunération.

Alors, j'entends deux questions : cela va-t-il intéresser les salariés ? Cela va-t-il intéresser les employeurs ?

Concernant les salariés, je voudrais apporter des réponses concrètes, qui étaient dans l'actualité du mois de décembre.

Une entreprise, Continental ; une ville, Sarreguemines ; un choix, un référendum.

M. Gérard Longuet. La Lorraine !

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui, un référendum était organisé avant Noël pour savoir si les salariés souhaitaient échanger leurs journées de RTT et augmenter leur durée du travail, en contrepartie d'augmentations de salaire substantielles. La participation a été importante, la réponse a été éclatante :...

M. Guy Fischer. Ça ne marche pas ! Ils n'ont pas eu le choix : c'était ça ou la fermeture de l'entreprise !

M. Xavier Bertrand, ministre. ...89 % des salariés se sont sentis concernés et sont allés voter (Exclamations sur les travées du groupe socialiste),...

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

M. Xavier Bertrand, ministre. ...trois quarts des agents ont répondu « oui ».

M. Adrien Gouteyron. C'est probant !

M. Xavier Bertrand, ministre. Même si, mesdames, messieurs les sénateurs, le résultat d'un vote appartient aux seuls électeurs,...

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. ...et donc en l'occurrence aux seuls salariés, voilà un résultat plus qu'intéressant (M. Guy Fischer s'exclame), qui montre que quand on pose directement la question aux salariés ils répondent clairement : « Oui, nous sommes intéressés par le paiement des jours de RTT. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Ne dénoncez pas trop cet accord avant de l'avoir lu dans le détail...

Mme Nicole Bricq. On l'a lu !

M. Xavier Bertrand, ministre. ...car il est porteur d'espérances pour la suite, notamment concernant le dossier des retraites.

Si cet accord a été validé par autant de salariés, c'est qu'il permet, notamment aux salariés les plus âgés, de ne pas dépasser la durée de 35 heures compte tenu de la pénibilité du métier, ou même à ceux qui souhaiteraient travailler au-delà de 35 heures de bénéficier d'un congé supplémentaire pour tenir compte des conditions de travail.

Un autre accord a été signé par la quasi-totalité des syndicats présents, à la suite de ce référendum, dans lequel les conditions de travail sont clairement abordées. La négociation collective a permis de parfaire encore l'équilibre trouvé.

C'est la meilleure réponse à toutes les Cassandre qui ne manquent jamais d'intervenir sur tel ou tel sujet.

Une enquête d'opinion parue mi-décembre, voilà à peine un mois, a montré que deux tiers des Français - ce n'est pas 51 % ! - échangeraient volontiers leurs heures de RTT contre plus de rémunération. (Mme Raymonde Le Texier s'exclame.)

Quoi qu'il en soit, une seule chose doit être prise en compte : c'est que nous voulons, encore une fois, laisser le choix.

J'ai pu mesurer, lors de plusieurs déplacements en entreprise, dans une aciérie en Seine-et-Marne, dans des entreprises en Eure-et-Loir et dans les Hauts-de-Seine, que cette liberté de choix répondait à un vrai besoin - un besoin, mesdames, messieurs les sénateurs, qui n'est pas le même en fonction de l'âge et des attentes des salariés.

Un jeune salarié me disait qu'il avait envie de gagner plus parce qu'il avait le crédit d'une maison à rembourser ; une mère de famille m'a dit, pour sa part, qu'elle préférait prendre toutes ses RTT, quand une autre voulait faire moitié-moitié (Mme Raymonde Le Texier s'exclame de nouveau), tout simplement en fonction du choix qu'elle a fait pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Nous respectons ce choix. Un autre salarié en fin de carrière préférait lui-même en conserver une partie pour se reposer.

C'est leur droit, c'est leur choix.

Notre dispositif offrira à chacun cette souplesse, qui régit d'ailleurs la majeure partie des relations sociales dans l'entreprise ; et j'invite chacun à rencontrer des délégués syndicaux, quelle que soit leur centrale d'appartenance, pour voir que le bon sens est largement répandu dans nos entreprises.

Quant aux employeurs, nous leur demandons bien évidemment de jouer le jeu. Pourquoi ? Parce que cette mesure a été souhaitée par de très nombreux employeurs. Nous ne l'avons pas inventée dans nos bureaux...

Si nous mettons en place un tel dispositif, c'est donc parce qu'il a été demandé par les employeurs, mais aussi parce qu'il a vocation à être utilisé.

Aujourd'hui, vous le savez, les entreprises provisionnent forcément les sommes relevant d'un CET, un compte épargne-temps. Mais nombre d'entreprises provisionnent également les sommes liées aux journées de RTT. À un moment donné, des entreprises vont donc préférer payer ces jours de RTT plutôt que de revoir l'organisation du travail. Certaines sont même amenées à recruter des travailleurs intérimaires pour permettre à leurs salariés de prendre leur RTT ; c'était le cas d'une aciérie en Seine-et-Marne. Nous leur offrons donc, en plus, de la simplicité en termes d'organisation.

Chacun - employeur comme salarié - pourra donc faire référence à ce texte pour qu'il y ait, au sein de l'entreprise, un dialogue social renforcé, au service de davantage de pouvoir d'achat.

Ainsi, un ouvrier au SMIC qui souhaiterait se faire payer cinq journées de RTT verrait sa rémunération augmentée d'environ 370 euros, et de 740 euros pour dix jours de RTT. Un cadre payé 3 800 euros par mois qui monétiserait dix jours de RTT percevrait 1 950 euros de salaire en plus.

Pour l'employeur, les exonérations de cotisations patronales seront suffisamment attractives pour rendre le paiement d'une journée de RTT majorée moins cher qu'une journée normale. Ainsi, pour un salarié payé deux fois le SMIC, soit 2 600 euros, une journée de RTT avec les charges, sans les majorations s'élève actuellement à 170 euros pour l'employeur, alors qu'elle coûtera, avec la majoration de 25 % et les exonérations, 148 euros : le gain est là !

Je rappellerai par ailleurs que les journées de RTT concernent 38 % des salariés, soit près de 7 millions de Français, que les comptes épargne-temps touchent 6 % de salariés, soit 1 million de Français, et que les forfaits-jour concernent près de 2 millions de Français.

Ce sont donc des mesures qui vont pouvoir bénéficier aux salariés, de l'ouvrier jusqu'au cadre. Voilà une réponse concrète et précise à la question du pouvoir d'achat.

Si ces mesures n'avaient pas été décidées, les sommes en question n'auraient pas servi à rémunérer un travail. C'est pourquoi la perte de recettes potentielles pour la sécurité sociale peut effectivement s'avérer théorique. Quoi qu'il en soit, la question de la compensation de ces exonérations à la sécurité sociale méritera d'être posée dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, au vu d'une première évaluation du dispositif.

Je le dis au sein de la Haute Assemblée, qui a toujours porté un regard extrêmement vigilant sur cette question de la compensation.

M. Guy Fischer. Nous en avons encore discuté cette nuit !

M. Xavier Bertrand, ministre. J'en ai bien conscience, et je sais que le rapporteur du PLFSS, qui n'est pas présent dans cet hémicycle, nous regarde ou nous écoute certainement et qu'il reste vigilant.

M. Nicolas About, rapporteur. Oh oui ! (Sourires.)

M. Xavier Bertrand, ministre. L'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale a permis d'améliorer le texte, en élargissant de six mois la période couverte par les possibilités de rachat de JRTT, et en supprimant le plafond de dix jours qui encadrait cette possibilité. Ces modifications devraient renforcer l'effet de ces dispositions.

L'Assemblée a aussi adopté un amendement visant à mieux sécuriser les versements sur le compte épargne-temps, et j'aimerais que nous travaillions ensemble pour que l'outil du CET puisse être utilisé pleinement au regard d'un potentiel que je qualifie de « prometteur ».

La deuxième mesure va permettre de faire profiter plus rapidement les salariés des sommes dont ils disposent au titre de la participation, qu'ils travaillent à temps complet ou à temps partiel. Ces mesures s'appliquent donc pour les salariés à temps partiel.

Ce déblocage reposera également sur une demande du salarié, qui lui permettra de disposer de sommes pouvant aller jusqu'à 10 000 euros en fonction de son épargne accumulée. Ce retrait ne sera pas soumis aux cotisations sociales ni à l'impôt sur le revenu, mais restera soumis à la CSG et à la CRDS.

En même temps, nous voulons préserver l'épargne salariale investie dans l'entreprise et ne permettre le déblocage de cette épargne qu'après une négociation entre les partenaires sociaux au niveau des entreprises.

Nous sommes également soucieux de préserver les sommes que les salariés ont investies en vue de leur retraite. Ainsi, les sommes investies dans les PERCO, les plans d'épargne pour la retraite collectifs, sont exclues du dispositif, afin de privilégier l'épargne longue.

Plus de la moitié des salariés sont aujourd'hui couverts par un accord de participation. Cela va donc profiter au plus grand nombre. Car, sur ce point, nous le savons, les mesures votées sont attendues par de très nombreux Français.

Mais nous n'oublions pas non plus les 7 millions de personnes qui travaillent dans les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ne sont pas concernées par la participation obligatoire, car personne ne peut ni ne doit être oublié.

Je connais l'intérêt et l'attachement politique fort que vous portez, Serge Dassault, Isabelle Debré, Catherine Procaccia, Alain Gournac, à la question de la participation. Je veux vous dire que je partage cet intérêt et ce soutien.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous aurons l'occasion d'échanger et de travailler de manière approfondie sur ces questions à travers un texte ambitieux - j'en parlais récemment en commission, monsieur About - qui vous sera soumis en 2008. (Mme Nicole Bricq s'exclame.)

Pour les entreprises qui ne sont pas couvertes aujourd'hui par un accord de participation obligatoire, nous voulons permettre le versement d'une prime exceptionnelle d'un maximum de 1 000 euros. Cette prime sera soumise au régime fiscal de l'intéressement. Sa mise en place se fera dans le cadre du dialogue social et de manière simple : soit par un accord collectif, soit par un référendum d'entreprise.

Je tiens à souligner que cette prime ne se substitue pas à une augmentation de salaire, et que cette prime a vocation à être versée à tous les salariés, qu'ils soient à temps complet ou à temps partiel.

Je sais que vous aurez à coeur, mesdames, messieurs les sénateurs, pendant les débats parlementaires, d'intervenir et de faire des propositions. Le Gouvernement sera bien évidemment à l'écoute.

En particulier, comme je l'ai indiqué en commission, je souhaite que l'application de ces mesures soit la plus simple possible. Nous avons entendu les remarques des acteurs de l'entreprise : dirigeants, organisations syndicales, représentants du personnel, salariés eux-mêmes. Par exemple, pas de ligne supplémentaire sur la fiche de paye : message bien reçu !

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte répond à une très forte attente des Français. Ce projet de loi n'est pas le seul qui vous sera soumis cette année en termes de participation dans l'entreprise, d'organisation du temps de travail.

Il faut donc bien le voir pour ce qu'il est : une réponse précise à la question d'une majorité de salariés, qui se montre d'ailleurs très favorable aux mesures proposées. Elle les attend, je suis certain que vous aurez à coeur d'être à ce rendez-vous de la croissance...

M. Guy Fischer. La croissance, parlons-en !

M. Xavier Bertrand, ministre. ...et du pouvoir d'achat, au seul bénéfice des Français, dans le respect des engagements pris devant et avec les Français. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le président, monsieur le rapporteur et cher Nicolas About, monsieur le rapporteur pour avis et cher Serge Dassault, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient de vous présenter les mesures du projet de loi qui concernent plus précisément le logement. Nous savons tous, ici, que celui-ci constitue une part importante du budget de nos concitoyens.

Le projet de loi dont nous allons débattre comporte deux mesures importantes dans le domaine du logement : l'indexation des loyers sur le seul indice des prix à la consommation et la réduction à un mois du dépôt de garantie.

Il est donc proposé, à l'article 4 de ce texte, d'indexer les loyers sur le seul indice des prix à la consommation, au lieu de l'indice composite actuel, dans lequel l'indice des prix à la consommation ne représentait que 60 %.

Ainsi, avec cette évolution, ce seront plus de 600 millions d'euros qui seront économisés pour les locataires tous les ans.

Désormais, dans le nouveau dispositif, l'indice de révision des loyers, l'IRL, correspondra à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l'évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers.

Ce nouvel indice de référence des loyers s'appliquera aux nouveaux contrats de location, mais aussi aux baux en cours, sans qu'il soit nécessaire de faire un avenant au bail. (M. Guy Fischer s'exclame.) Il s'appliquera, comme l'actuel IRL, aux locations de logements utilisés à titre de résidence principale, loués vides ou meublés. Il portera aussi sur l'évolution du montant maximal des loyers HLM définis par convention.

M. Guy Fischer. C'est faux !

Mme Christine Boutin, ministre. En ce qui concerne le dépôt de garantie, réduit à un mois au lieu de deux mois aujourd'hui, ce seront également près de 600 millions d'euros qui seront ainsi remis en circulation pour le pouvoir d'achat.

Le dispositif législatif qui vous est proposé est à rapprocher de l'accord sur la généralisation de l'avance Locapass à tous les locataires, que j'ai signé avec les partenaires sociaux le 21 décembre dernier. Ce dispositif permettra dorénavant à tous les locataires d'étaler le versement de leur dépôt de garantie pendant toute la durée du bail. J'y reviendrai.

L'article 5 sur le dépôt de garantie va bénéficier fortement aux publics qui changent souvent de logement, qui déménagent souvent, soit pour les études, soit pour leur activité professionnelle. Ce sont en effet près d'un million de locataires par an qui déménagent.

À compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, le dépôt de garantie sera limité à un mois de loyer hors charges.

Permettez-moi de revenir un instant sur l'extension de l'avance Locapass du 1 % logement.

J'ai en effet signé avec l'Union d'économie sociale pour le logement, l'UESL, le 21 décembre dernier, une convention qui étend l'avance du dépôt de garantie - jusqu'alors réservée à certaines catégories de personnes - à tous les locataires signant un bail et entrant dans un logement appartenant à un bailleur privé ou social. Cette possibilité repose naturellement sur le volontariat et ne constitue pas une obligation.

Cette avance du dépôt de garantie par le 1 % logement permet au locataire de ne pas avoir à débourser en une seule fois le montant du dépôt de garantie. Ainsi, le dépôt de garantie peut être versé au bailleur par le locataire ou directement par un organisme du 1 % logement, le locataire remboursant ensuite à l'organisme prêteur le montant du dépôt de garantie qui lui a été avancé, sans intérêt et sur trois ans maximum.

Cette mesure d'extension de « l'avance Locapass » sera applicable dès la promulgation de la loi. Elle s'appuie en effet sur un amendement déposé sur le projet de loi pour le pouvoir d'achat par les députés Jérôme Chartier et Frédéric Lefebvre, dont la rédaction a été précisée par un sous-amendement gouvernemental, disposant que le dépôt de garantie « est versé au bailleur directement par le locataire ou par l'intermédiaire d'un tiers ».

Je veux enfin répondre par avance à certaines inquiétudes quant à l'absence, dans ce projet de loi, de mesures en faveur des propriétaires bailleurs.

Les mesures proposées aujourd'hui sont - pourquoi le nier ? - davantage fléchées vers les locataires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux redire ici mon attachement à mettre en oeuvre tous les dispositifs susceptibles de favoriser l'offre locative et donc ma volonté d'apporter des garanties aux bailleurs privés, qui doivent être rassurés. C'est la raison pour laquelle je travaille activement à la mise en place d'une garantie généralisée des risques locatifs.

Nous avons déjà franchi plusieurs étapes.

Le dispositif actuel de garantie des risques locatifs, la GRL, permet de sécuriser la relation entre le bailleur et le locataire. Il existe déjà pour les personnes salariées ou disposant de revenus irréguliers ou de minima sociaux. C'est une disposition qui a été adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative.

La GRL permet de garantir au bailleur le paiement de son loyer. Elle permet également de dédommager les propriétaires bailleurs en cas de dégradations pour un plafond de 7 700 euros.

Lors de son discours du 11 décembre 2007 à Vandoeuvre-lès-Nancy, le Président de la République a annoncé des mesures pour améliorer le dispositif existant : « Je souhaite que soit mise en oeuvre une assurance contre les risques d'impayés de loyers qui concernent l'ensemble des propriétaires et des locataires. En mutualisant les risques pour tous, on en réduira le coût pour chacun. La caution pourra disparaître. Elle n'aura plus de raison d'être. ».

C'est pourquoi Mme Christine Lagarde et moi-même avons confié une mission à deux personnalités pour travailler sur cette question. Leurs conclusions doivent nous être remises à la fin du mois de janvier. Elles verront rapidement une traduction concrète. C'est en effet une priorité pour moi. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler dans le courant de ce trimestre.

Ces mesures participent à une évolution des rapports entre les locataires et les bailleurs et la mise en place d'une garantie généralisée des risques locatifs constituera un élément majeur de cette réforme. Celle-ci devrait enfin permettre de trouver une alternative aux expulsions locatives, qui mettent trop souvent les bailleurs et les locataires dans des situations inextricables.

J'ajoute que, dès le présent projet de loi, un amendement de la commission des affaires sociales, présenté par le rapporteur Nicolas About, portant sur le versement de l'allocation logement en tiers payant, sera examiné. Il permettra d'apporter une première sécurité aux bailleurs. C'est un pas important et une mesure tendant à rassurer les propriétaires privés. Le Gouvernement se félicite d'ores et déjà de cette initiative parlementaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre et cher Xavier, madame la ministre et chère Christine (Ah ! sur les travées du groupe socialiste),...

M. Marc Massion. C'est touchant !

M. le président. Un peu de galanterie ne nuit pas ! (Sourires.)

M. Nicolas About, rapporteur. ...mes chers collègues, depuis 2002, la croissance du pouvoir d'achat des ménages a été modérée, puisqu'elle n'a pas excédé 1,9 % par an en moyenne. Par comparaison, le pouvoir d'achat avait progressé à un rythme moyen de 5,7 % par an sur la période 1960-1974, à l'apogée des « Trente Glorieuses », et de 2,1 % par an depuis le premier choc pétrolier jusqu'à aujourd'hui.

Qui plus est, le chiffre actuel de 1,9 % correspond à une donnée agrégée, qui ne reflète pas nécessairement la situation concrète de chaque foyer. Les différentes catégories sociales, et même chaque ménage au sein d'une catégorie, ne connaissent pas forcément ce niveau d'évolution de leur pouvoir d'achat, ce qui signifie que ce peut être encore moins. Dans ces conditions, il est bien naturel que la campagne pour l'élection présidentielle de 2007 ait largement porté sur le thème de la relance du pouvoir d'achat.

Pour la majorité telle qu'elle est sortie des urnes, cette relance, pour être durable, ne peut résulter que d'un supplément de travail et d'investissement. Dès l'été 2007, le vote de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite TEPA, a marqué une première étape décisive : alors que la législation sur les 35 heures avait pour effet de « rationner » le travail, la détaxation des heures supplémentaires encourage désormais les salariés à travailler davantage et leur garantit un gain accru de pouvoir d'achat pour chaque heure effectuée.

Les premières données statistiques - encore provisoires - fournies par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sur le recours au nouveau dispositif d'heures supplémentaires sont encourageantes. Bien qu'elles ne portent que sur les entreprises de plus de dix salariés, elles indiquent que 40 % d'entre elles ont déclaré avoir eu recours au dispositif de la loi TEPA en octobre 2007, c'est-à-dire dès le premier mois d'application de la mesure. Vingt millions d'heures supplémentaires, correspondant à environ 250 millions d'euros de rémunération, ont ainsi bénéficié d'exonérations fiscales et sociales.

À la fin de l'année 2007, le Président de la République a jugé utile de donner une nouvelle impulsion à cette politique en faveur du pouvoir d'achat, en complétant les réformes de structure engagées par le Gouvernement par un ensemble de mesures plus conjoncturelles. Ces mesures ont été annoncées lors de son intervention télévisée du 29 novembre dernier et trouvent leur traduction législative dans ce projet de loi pour le pouvoir d'achat.

Elles s'organisent autour de trois axes principaux : d'abord, la possibilité offerte au salarié de demander à son employeur le rachat de jours de RTT ; ensuite, une mesure de déblocage anticipé de la participation ; enfin, deux mesures destinées à contenir la hausse des loyers dans le parc privé et à faciliter l'accès à la location.

Sur le premier point tout d'abord, la commission des affaires sociales approuve la possibilité de racheter des jours de RTT ou des droits accumulés sur un compte épargne-temps, qui s'inscrit dans le droit-fil de la politique engagée ces derniers mois consistant à « travailler plus pour gagner plus ».

Mme Annie David. C'est là où nous ne sommes pas d'accord !

M. Nicolas About, rapporteur. C'est votre droit, ma chère collègue !

Cette mesure prolonge une disposition analogue adoptée dans le cadre de la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, mais qui ne concernait que les petites entreprises de moins de vingt salariés.

Cette faculté de rachat intéresse potentiellement un grand nombre de salariés, puisque 38 % d'entre eux disposent de jours de RTT. Certains regretteront peut-être que le rachat des jours de RTT suppose l'accord de l'employeur, mais il nous paraît déraisonnable d'imaginer que le rachat puisse être imposé sans tenir compte de la situation réelle de chaque entreprise.

Bien que l'Assemblée nationale ait décidé d'étendre jusqu'au 30 juin 2008 la période retenue pour le rachat des RTT, la mesure proposée, comme celle qui avait été adoptée en 2005, a cette fois encore un caractère provisoire. Ne serait-il pas souhaitable, monsieur le ministre, de stabiliser les règles en la matière et de prévoir un dispositif pérenne ? Je crois savoir que les syndicats, invités par le Gouvernement à y réfléchir, ne sont pas disposés pour l'instant à négocier sur la durée du travail, mais j'espère que leur position est susceptible d'évoluer.

Le projet de loi comporte ensuite une mesure de déblocage anticipé de la participation qui, vous le savez, reste normalement indisponible pendant cinq ans. Il suffira ici au bénéficiaire de demander le déblocage de ses droits afin de pouvoir en disposer à sa guise.

Pour être tout à fait franc, cette mesure de déblocage anticipé a suscité des réserves au sein de notre commission.

M. Xavier Bertrand, ministre. Des réserves de participation ? (Sourires.)

M. Nicolas About, rapporteur. D'abord, parce qu'elle encourage la consommation immédiate alors que la participation est destinée, par construction, à favoriser l'épargne longue. (M. Fischer s'exclame.)

MM. Jean Arthuis et Alain Gournac. Eh oui !

M. Nicolas About, rapporteur. Ensuite, monsieur Fischer, parce que son effet sur l'activité économique est incertain : une grande partie des sommes débloquées seront sans doute placées sur d'autres produits d'épargne...

M. Alain Gournac. Exactement !

M. Nicolas About, rapporteur. ... - en 2005, lorsqu'une mesure analogue avait été décidée, les deux tiers des sommes débloquées avaient été épargnés - et le solde viendra alimenter l'achat de biens souvent importés, ce qui n'est pas favorable au solde de notre commerce extérieur. (M. Gournac opine et applaudit.)

M. Nicolas About, rapporteur. Le projet de loi apporte cependant des restrictions à la règle du déblocage anticipé. Elles ont rassuré la commission et l'ont finalement conduite à donner son accord à cette mesure, dans l'attente de la réforme de fond de la participation annoncée par M. le ministre.

Le texte prévoit en particulier que, lorsque les fonds issus de la participation sont investis dans l'entreprise, le déblocage sera subordonné à la conclusion d'un accord collectif. Il exclut ensuite toute possibilité de déblocage lorsque les sommes sont investies dans un plan d'épargne pour la retraite collectif, PERCO, évitant ainsi que le soutien à la consommation ne vienne contrarier l'objectif, que nous poursuivons par ailleurs, d'encouragement de l'épargne retraite.

Enfin, le dernier point apaisant est que la somme qu'il sera possible de débloquer sera plafonnée à 10 000 euros, qui bénéficieront du régime fiscal et social avantageux de la participation.

Pour les entreprises non couvertes par un accord de participation, le projet de loi prévoit la possibilité du versement d'une prime exceptionnelle d'un montant maximal de 1 000 euros par salarié. Par parenthèse, j'ai l'impression que les deux systèmes pourront être cumulés, même pour les petites entreprises, pour celles qui auront mis en place un accord de participation.

Lorsqu'une mesure analogue avait été décidée en 2006, un million de salariés en avaient bénéficié et 640 millions d'euros avaient alors été distribués.

Je veux dire un mot de l'initiative prise par le Gouvernement à l'Assemblée nationale de rétablir à 100 % l'exonération de la redevance audiovisuelle pour les personnes âgées disposant de faibles revenus.

La commission comprend les raisons qui ont conduit le Gouvernement à revenir sur l'idée de limiter cette exonération à 50 % : la hausse de la redevance aurait pénalisé le pouvoir d'achat des retraités aux revenus modestes,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à fait !

M. Nicolas About, rapporteur. ...en contradiction donc avec l'objectif du projet de loi. On peut regretter cependant que les décisions définitives en la matière soient une nouvelle fois repoussées. Il est prévu que le Gouvernement remette un rapport avant le 15 octobre pour faire le point sur la question.

En matière de logement, le projet de loi prévoit deux mesures qui devraient permettre de dégager du pouvoir d'achat pour les locataires, et encore pas tous les locataires, mais uniquement les 60 % qui résident dans le parc privé.

La première consiste à indexer les loyers sur l'indice des prix à la consommation, c'est-à-dire sur l'inflation. La seconde mesure vise à ramener de deux à un mois de loyer le montant maximal du dépôt de garantie qui peut être exigé du locataire par le bailleur. Cela aura pour effet de faciliter l'accès à la location des personnes dont la situation financière est fragile et de permettre aux nouveaux locataires de disposer ponctuellement d'un pouvoir d'achat accru.

Si la commission approuve ces deux mesures relatives au logement, elle souhaite cependant insister sur la nécessité de préserver un certain équilibre entre les droits des locataires et ceux des bailleurs. Il faut en effet veiller à ne pas décourager les petits propriétaires de proposer leur bien à la location, sans quoi la crise du logement que connaît notre pays risque de s'aggraver. Je présenterai d'ailleurs un amendement pour renforcer leur protection.

Mme Christine Boutin, ministre. Très bien !

M. Nicolas About, rapporteur. Avant de conclure, je signale que l'examen du projet de loi pour le pouvoir d'achat a donné l'occasion à notre commission de se pencher sur la proposition de loi déposée, sur le même sujet, par nos collègues du groupe socialiste.

Si les objectifs sont communs, les solutions qu'ils ont présentées pour améliorer le pouvoir d'achat des ménages n'ont pas emporté notre conviction.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous aussi ? (Sourires.)

M. Nicolas About, rapporteur. En effet, certaines sont clairement contraires aux orientations arrêtées par notre majorité, par exemple lorsqu'il est envisagé de supprimer la loi TEPA votée l'été dernier.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n'est pas gentil pour les Français qui font des heures supplémentaires !

M. Nicolas About, rapporteur. D'autres, celles qui sont relatives à la TVA par exemple, nécessitent un accord préalable à l'échelon communautaire et ne peuvent donc être mises en oeuvre à court terme.

M. Xavier Bertrand, ministre. Et ils le savent !

M. Nicolas About, rapporteur. Bien sûr !

D'autres solutions, enfin, comme la limitation à un mois de loyer du dépôt de garantie ou le retour aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz, sont satisfaites par le projet de loi pour le pouvoir d'achat ou par d'autres textes en navette, ce qui devrait d'ailleurs conduire nos collègues socialistes à approuver le projet de loi qui nous est ici soumis !

M. Xavier Bertrand, ministre. Puissent-ils le reconnaître !

M. Nicolas About, rapporteur. Soucieuse de répondre rapidement aux attentes de nos concitoyens en matière de pouvoir d'achat, la commission des affaires sociales vous demande, mes chers collègues, d'approuver le projet de loi déposé par le Gouvernement, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumettra.

Avant de céder ma place à cette tribune, monsieur le président, permettez-moi un instant de remettre ma casquette de président de commission afin de demander, pour la bonne organisation de nos débats, l'examen séparé des deux amendements de suppression de l'article 1er afin d'éviter la discussion commune de 35 amendements,...

M. Nicolas About, rapporteur. ...ainsi que le report en fin de texte de l'examen de tous les amendements tendant à introduire des articles additionnels, y compris, mes chers collègues, ceux que proposera la commission des affaires sociales.

M. Guy Fischer. Vous n'en avez déposé qu'un !

M. Nicolas About, rapporteur. Par conséquent, si coup de force il y a, je l'engage aussi contre la commission des affaires sociales, qui est également concernée par la mesure !

En tout état de cause, afin que nous entrions immédiatement dans le vif du sujet, monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je souhaite obtenir satisfaction sur ces deux demandes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le Sénat est saisi du projet de loi pour le pouvoir d'achat, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.

Celui-ci a été renvoyé au fond à la commission des affaires sociales.

La commission des finances s'est saisie pour avis des dispositions qui aggraveraient le déficit budgétaire prévu, et ce faisant elle est effectivement dans son rôle.

Il s'agit, d'abord, de l'article 1er, qui donne la possibilité pour le salarié, avec l'accord de l'employeur, de renoncer, contre une rémunération, à une partie des journées de repos accordées au titre de périodes antérieures au 1er janvier 2008.

Le rachat de ces droits serait exonéré de cotisations sociales, à l'exception de la CSG et la CRDS.

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à fait !

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Il s'agit, ensuite, de l'article 2, qui offre la possibilité de débloquer de manière anticipée, entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2008, les sommes qui ont été attribuées aux salariés au titre de la participation aux résultats de l'entreprise, dans la limite de 10 000 euros. Ces sommes seraient exonérées de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu.

Il s'agit, enfin, de l'article 3, qui permet aux petites entreprises n'étant pas assujetties à l'obligation de versement de la participation d'accorder une prime exceptionnelle de 1 000 euros par salarié avant le 30 juin 2008. Cette prime, exonérée de charges sociales, demeure fiscalisée.

Les dispositions de ce projet de loi sont de nature à relancer le pouvoir d'achat, et la commission des finances s'en félicite.

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Toutefois, il est du rôle de la commission des finances d'alerter le Gouvernement sur l'effet de ces mesures sur l'équilibre de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, la commission des finances a émis un avis défavorable sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Bel en faveur du pouvoir d'achat, laquelle a été rejetée.

M. Thierry Repentin. C'est bien dommage, car elle était excellente !

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. La commission voudrait souligner que les dispositions du projet de loi, judicieuses pour augmenter le pouvoir d'achat, sont assorties d'exonérations sociales et fiscales.

Certes, cela rend, pour les intéressés, le texte plus attractif, mais cela contribuera à augmenter le déficit budgétaire, déjà trop important.

De plus, on ne sait pas de combien le déficit sera accru, car on ne peut évaluer le nombre de salariés qui seront intéressés par ces propositions. Leur incidence sur les finances publiques ne sera connue qu'une fois le projet de loi adopté puis appliqué. Il sera alors trop tard !

La commission des finances rappelle que le déficit du budget de l'État pour 2008 a été fixé à 41,7 milliards d'euros. Cependant, compte tenu des mesures déjà prises et d'une croissance, hélas ! plus faible que prévue, le déficit risque d'augmenter sensiblement.

Dans ce contexte, la commission des finances rappelle que de nouvelles exonérations fiscales et sociales sur des revenus supplémentaires ne peuvent qu'aggraver notre déficit budgétaire, dans la mesure où l'État décide de payer ces charges à la place des intéressés. D'ailleurs, il n'est pas obligé de procéder ainsi, car, pour financer la sécurité sociale, il existe d'autres méthodes que le paiement de charges sur les salaires.

Le pouvoir d'achat devrait pouvoir être augmenté sans aggraver le déficit public, même si l'offre devient moins attrayante.

En outre, la commission des finances estime que la relance du pouvoir d'achat devrait pouvoir profiter d'une augmentation de la réserve de participation. Tel est le sens des amendements que je vous proposerai au nom de la commission des finances. Nous espérons que le futur projet de loi, annoncé par M. le ministre, ne comportera pas d'exonérations de charges.

Par ailleurs, il nous semble anormal que les agents des services publics ne bénéficient d'aucun intéressement, par exemple aux économies de gestion, comme il est anormal que les entreprises de moins de cinquante salariés n'aient pas droit à la participation ni à la gestion participative.

Des textes nouveaux devront combler ces oublis, mais à condition que dans ces cas aussi il ne soit prévu aucune exonération sociale et fiscale.

Pour terminer, j'observe que l'article 2 du projet de loi ouvre la possibilité d'un déblocage exceptionnel de la participation, jusqu'au 30 juin 2008, en bénéficiant d'avantages fiscaux et sociaux.

Pourquoi limiter le déblocage dans le temps et à un certain montant - 10 000 euros -, sinon pour limiter le coût des exonérations ?

En revanche, lorsqu'il n'y aura plus d'exonérations, ce que j'appelle de mes voeux, il ne sera plus nécessaire de limiter la portée de ces mesures dans le temps et à un certain montant, ce qui sera très apprécié de tous les usagers, lesquels verront leur pouvoir d'achat augmenter même s'ils doivent acquitter des charges sociales et fiscales.

Une telle disposition aurait donc un effet direct sur le pouvoir d'achat, au libre choix du salarié.

Puisque le Gouvernement annonce une prochaine réforme du droit de la participation, je souhaite que cette question d'un déblocage anticipé permanent, sans avantages fiscaux ni sociaux, figure à l'ordre du jour de ses travaux.

Ces orientations entrent dans les mesures préconisées par le Président de la République pour augmenter le pouvoir d'achat des salariés, mais sans accroître le déficit budgétaire.

Mes chers collègues, nous vous demandons d'approuver le présent projet de loi, tout en faisant remarquer à M. le ministre les inconvénients que les mesures qui nous sont aujourd'hui proposées présentent pour le déficit budgétaire de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean Arthuis. Eh oui !

Organisation des débats

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Discussion générale

M. le président. La commission des affaires sociales a demandé la réserve de tous les amendements portant articles additionnels.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est bien sûr favorable à cette mesure de bon sens.

M. le président. La réserve est de droit.

La commission des affaires sociales a également demandé l'examen séparé des deux amendements de suppression de l'article 1er, afin d'éviter la discussion commune de trente-cinq amendements.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Le dérouleur qui va vous être distribué tiendra compte de cette nouvelle organisation de nos débats.

Discussion générale (suite)

Organisation des débats
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Exception d'irrecevabilité

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, trois Français sur quatre ne font pas confiance au Gouvernement sur la question du pouvoir d'achat et 65 % d'entre eux estiment que les mesures annoncées en faveur de celui-ci ne vont pas dans le bon sens.

M. Alain Gournac. D'après quel sondage ?

Mme Raymonde Le Texier. Il y a moins de six mois, dans ce même hémicycle, Mme Lagarde nous promettait un choc de confiance et un choc de croissance.

Aujourd'hui, c'est un nouveau projet de loi sur le pouvoir d'achat qui nous est présenté, car il n'y a eu ni choc de confiance ni relance de la croissance ; il y a juste eu la nécessité de mettre en place un « Monsieur  heures supplémentaires » tant la mise en oeuvre de votre texte était d'une complexité décourageante pour les chefs d'entreprise, le dispositif étant quasiment incompréhensible. L'aveu d'échec est patent.

De plus, les milliards d'euros que coûte la loi TEPA ont bloqué toute marge de manoeuvre budgétaire. L'argent éventuellement disponible a été consacré à satisfaire en priorité les revendications des plus aisés en matière de succession, d'ISF et d'imposition des dividendes.

M. Thierry Repentin. Effectivement !

M. Guy Fischer. Les riches !

Mme Raymonde Le Texier. C'est un point de PIB qui aurait pu être affecté à des besoins plus essentiels.

Mme Raymonde Le Texier. De surcroît, le peu d'amélioration constaté sur certaines fiches de paye s'est traduit par une aggravation des déficits publics et sociaux pour tous, via le renforcement de la politique d'exonération.

Le résultat est le suivant : des caisses vides, une faible croissance et des inégalités qui explosent.

Quant au Président de la République, qui s'est fait élire en tant que président du pouvoir d'achat, il n'aura mis que six mois pour passer du volontarisme dans le discours à l'impuissance dans les faits.

M. Guy Fischer. Il ne peut pas tout faire ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. C'est une incapacité à changer la donne qu'il a d'ailleurs reconnue lors de ses voeux à la presse le 8 janvier dernier. « Qu'est ce que vous attendez de moi ? Que je vide des caisses qui sont déjà vides ? Que je donne des ordres à des entreprises à qui je n'ai pas à donner d'ordres? », a-t-il alors avoué.

Cela ne vous empêche pas de proposer une énième loi qui n'a d'autre intérêt que de communiquer autour de son intitulé.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vos propos sont injustes !

M. Nicolas About, rapporteur. On rend l'argent des Français aux Français !

Mme Raymonde Le Texier. D'ailleurs, s'il fallait une preuve de son caractère conjoncturel - son objet est de sauver la crédibilité du « soldat Sarkozy » -, son caractère opportuniste, ponctuel et limité en témoigne !

Nous votons en janvier une loi qui ne s'appliquera que jusqu'en juillet, alors que la question du pouvoir d'achat pose clairement le problème du revenu disponible des ménages, de l'explosion de la précarité, de la multiplication des travailleurs pauvres et du temps partiel, des difficultés que rencontrent les jeunes pour accéder au monde du travail et de la facilité des seniors à s'en voir exclus.

Faute de vision à long terme d'une politique de l'emploi et faute de volonté pour s'attaquer aux inégalités, le Gouvernement réduit cette question à la simple équation de la durée du travail.

Outre votre aveuglement volontaire face aux dures réalités que subissent les Français, cette orientation vous permet surtout de brandir, comme un étendard, ces 35 heures que vous accusez de tous les maux. C'est un rideau de fumée que vous mettez régulièrement en place pour tenter de faire oublier vos résultats pitoyables en matière économique.

En réalité vous êtes au pouvoir depuis six ans,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Depuis six mois !

M. Guy Fischer. Non, vous êtes là depuis six ans !

Mme Raymonde Le Texier. ...et le moins que l'on puisse dire c'est que vos résultats ne sont pas à la hauteur de vos prétentions, et encore moins à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

Selon l'INSEE, la période 1996-2001 se caractérisait par une tendance à la baisse de la pauvreté, avec une hausse du niveau de vie moyen de 1,7 % par an et de 3,3 % pour les plus modestes. La période 2003-2006 a vu cette tendance s'inverser.

Ce nouveau texte ne changera rien. Il ne donne, en réalité, aucun droit, il offre seulement des possibilités.

Il est difficile, d'ailleurs, de faire autrement puisque l'argent que vous souhaitez distribuer ne vous appartient pas et que son déblocage dépend avant tout du bon vouloir des employeurs.

Mme Raymonde Le Texier. C'est une bonne volonté sur laquelle vous n'avez aucun pouvoir.

C'est dire la crédibilité des chiffres que vous annoncez : les 30 milliards à 35 milliards d'euros de pouvoir d'achat supplémentaire ne sont fondés sur aucune analyse, sur aucune étude d'impact et ne dépendent pas de l'engagement de l'État. Ils ne sont là que pour donner l'impression aux Français que vous agissez, et parce que l'arrivée des élections municipales vous fait craindre un désaveu de votre politique nationale.

Les trois articles qui concernent le monde du travail sont révélateurs de votre méthode.

Le premier concerne la possibilité de transformer ses RTT en heures travaillées. On retrouve là l'alpha et l'oméga de votre politique : « travailler plus pour gagner plus ». Quel truisme ! Lorsqu'on travaille plus longtemps, on est payé plus. C'est logique.

En réalité, ce que vous dites aux salariés, c'est : « vous avez du mal à finir vos fins de mois, vendez donc vos jours de congé... si l'employeur est acheteur ».

Ajoutons que cette mesure, si elle réduit le pouvoir d'achat à la seule question du travail, ne concerne malgré tout que 38 % des salariés, ceux qui bénéficient des RTT. Et encore ne les concerne-t-elle que potentiellement puisque cela dépend des besoins de l'entreprise et est, en effet, à la discrétion du patron. En la matière, entre le potentiel et ce qui est réalisé, il y a un fossé.

Si tout repose aujourd'hui sur la possibilité de faire des heures supplémentaires - car il s'agit bien ici de transformer les RTT en heures supplémentaires -, les différences de traitement entre salariés vont encore s'accentuer. Ce sont en effet les secteurs où les salaires sont les plus bas et le temps partiel subi le plus répandu qui ont le moins de RTT.

Si l'accroissement des heures supplémentaires et le rachat des RTT peuvent mettre un peu de beurre dans les épinards pour certains, cela ne remplace pas une augmentation pérenne du salaire horaire. Par ailleurs, le système des heures supplémentaires va à l'encontre de la création d'emplois

À terme, la facture s'alourdit pour tous les Français. Tous ces dispositifs défiscalisés déséquilibrent encore plus les comptes de l'État, comme ceux de la sécurité sociale, justifiant a posteriori la baisse des protections et des remboursements, l'augmentation des prélèvements, la hausse des cotisations sociales, l'augmentation des tarifs de mutuelles, etc.

Votre façon d'aborder le problème du pouvoir d'achat, en réduisant ainsi la question des salaires à la seule durée du travail, est inquiétante. Sommes-nous entrés dans une ère où il n'y a plus d'augmentation de salaires à négocier ?

M. Nicolas About, rapporteur. Nous verrons cela lors du débat sur les exonérations !

Mme Raymonde Le Texier. Où l'évolution des rémunérations est déconnectée de la valeur créée et de la productivité ?

C'est également ignorer d'emblée que la question du pouvoir d'achat ne se réduit pas aux seuls actifs.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je l'ai dit !

Mme Raymonde Le Texier. Qu'en est-il des retraités, par exemple ? Ceux-là ne compteraient-ils plus ? Après avoir promis 25 % de revalorisation pour les petites retraites en trois ans,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Cinq ans !

Mme Raymonde Le Texier. ...vous prévoyez royalement cette année une augmentation de 1,1 %.

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

Mme Raymonde Le Texier. Excusez du peu : cinq ans au lieu de trois ans ; avec 1 % d'augmentation par an, on arrivera sûrement à 25 % !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n'est pas dans le programme du parti socialiste que vous avez pu lire quoi que ce soit à ce sujet !

M. Nicolas About, rapporteur. C'est sûr !

Mme Raymonde Le Texier. Les retraités ont appris aussi à leurs dépens que les promesses du candidat Sarkozy n'engageaient en rien le Président du même nom.

Vous liez toujours dans vos discours la question du pouvoir d'achat à la croissance, mais vous oubliez délibérément que celui-ci ne découle pas uniquement de la croissance et qu'il dépend beaucoup de la répartition de ses fruits. Ces huit dernières années, on estime qu'en moyenne, quand les salaires croissaient de 5,3 %, les revenus fonciers augmentaient de 13,2 %, les revenus du capital de 30,7 % et ceux du capital du CAC 40 de 80 %. Est-ce vraiment revaloriser le travail que d'en faire le parent pauvre de la répartition des richesses ? (M Jean-Pierre Godefroy applaudit.)

Vous nous donnez énormément de leçons sur le fait que, sans croissance, il n'y a pas de valeur ajoutée, donc pas de possibilité de négocier les salaires pour les entreprises. Le problème, c'est que, quand bénéfices il y a, le travail qui a permis de les réaliser est rarement récompensé.

AXA a triplé ses bénéfices sur trois ans, elle a délocalisé 1 500 emplois. La Société Générale a augmenté ses bénéfices de 35 %, mais, pendant qu'elle octroyait 2 % d'augmentation à son personnel, elle réévaluait de 40 % les dividendes versés aux actionnaires. Quant à BNP Paribas, où la rentabilité est en progression de 50 % sur trois ans, il n'y a pas d'accord salarial. Et la liste n'est pas limitative.

Il est difficile, dans ces conditions, de parler de revalorisation du travail.

Enfin, promettre une amélioration du pouvoir d'achat liée aux seules RTT ou au versement d'une prime, c'est faire croire que l'incertain et le conjoncturel peuvent compenser pour les ménages une explosion des prix et des charges bien réelle et visiblement structurelle. Des ménages qui doivent faire face à une augmentation considérable des prix des produits alimentaires de première nécessité, à une hausse du fioul de 56 %, à l'explosion des prix à la pompe, à une augmentation des loyers et des charges locatives de 30 %. À cela, le Président du pouvoir d'achat ajoute 6 % d'augmentation de la facture de gaz et la mise en place des franchises médicales.

Ces dépenses sont d'autant plus lourdes pour le budget qu'elles sont en grande partie contraintes. Quel qu'en soit le coût, on est obligé de se loger, de se déplacer, de se chauffer, de se nourrir. Et rien ne permet d'espérer que ces charges vont se réduire dans les mois à venir. Ce qui se profile, pour ceux qui ont un emploi, c'est « travailler plus, pour payer plus ».

Le deuxième article de ce texte ne manque pas non plus de piquant. Portant sur la participation, il permet tout simplement aux salariés d'augmenter leur pouvoir d'achat en dépensant leurs propres économies.

Faire passer une baisse de l'épargne pour une augmentation du pouvoir d'achat, il fallait oser !

Vous espérez qu'en puisant dans leurs économies les Français soutiendront l'activité, mais, outre que le déblocage de la participation ne concerne que 6 % des salariés, son effet sur l'économie n'est que potentiel. Encore faut-il que l'employeur le veuille et le puisse. Une fois encore, le déblocage de la participation ne dépend pas du salarié.

Surtout, cette proposition ne tient absolument pas compte de l'environnement financier des entreprises ni du fait que la majeure partie de notre tissu économique est constituée de PME et TPE dont la trésorerie est souvent réduite.

Elle ignore aussi délibérément les conclusions du rapport de Jean-Pierre Balligand qui notait qu'un très grand nombre d'entreprises ne provisionnaient pas leurs réserves de participation. C'est dire si, parfois, il sera difficile de trouver les liquidités disponibles pour répondre aux demandes des salariés.

M. Guy Fischer. C'est exact !

Mme Raymonde Le Texier. Même parmi celles qui jouent le jeu, la plupart des PME ne disposant pas de beaucoup de capital, elles ont placé, dans leur bilan, leurs réserves de participation. Dans ces conditions, les réserves de participation étant intégrées en quasi-fonds propres, elles ne sont ni disponibles, ni aisément mobilisables.

Cette mesure a donc l'inconvénient d'être difficile à appliquer, voire contreproductive si elle devait aboutir à déstabiliser les entreprises. Quant à la relance de l'activité, l'expérience menée en 2004 a montré que le déblocage n'était pas un outil très efficace. À l'époque, seul un tiers des sommes était allé vers la consommation, le reste étant retourné vers une autre forme d'épargne.

Notre collègue Nicole Bricq reviendra plus largement dans la suite de cette discussion sur la question de la participation.

Enfin, le troisième article, le versement d'une prime exceptionnelle et défiscalisée, reste également à l'entière appréciation des entreprises et ne dépend toujours pas du besoin du salarié, elle relève des moyens et de l'appréciation du patron. Cette mesure n'offre pas plus de garanties que les autres et il est aussi difficile que pour les précédentes d'en évaluer l'incidence tant il est évident qu'elle ne s'appliquera qu'au cas par cas.

À des difficultés générales, exprimées collectivement, ce sont des réponses partielles, réservées à quelques-uns, que donne le Gouvernement.

La proposition de loi sur le même thème rédigée par le groupe socialiste veillait, au contraire, à ne laisser personne au bord de la route. Ainsi, la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité concerne chacun d'entre nous et l'augmentation de la prime pour l'emploi touche tous les salariés modestes. Le conditionnement des aides publiques aux entreprises à des négociations salariales fait oeuvre de justice sociale. Quant à la lutte contre la précarité du salariat, elle est au coeur des attentes de notre société. En proposant l'abrogation des franchises médicales, la mise en place du chèque transport et, surtout, l'instauration d'un bouclier logement, ce sont des réponses concrètes et ciblées sur l'amélioration du quotidien que nous voulions apporter. Mais, bien entendu, vous ne nous avez pas écoutés ni entendus.

M. Thierry Repentin. C'est une constante !

Mme Raymonde Le Texier. En effet.

Thierry Repentin, qui s'exprimera au nom de notre groupe dans un moment, reviendra d'ailleurs tant sur vos propositions en matière de logement que sur celles que nous défendons.

L'irruption au premier plan des préoccupations de nos concitoyens de la thématique du pouvoir d'achat ne témoigne pas d'une inquiétude conjoncturelle. Elle n'est pas qu'une mauvaise passe à surmonter. Elle s'appuie sur une peur bien réelle, celle d'un avenir où le travail ne sera même plus gage d'insertion, de stabilité et de sécurité. Elle se nourrit de l'augmentation de la précarité, du développement du temps partiel, des coups portés à la législation du travail et de la régression de notre protection sociale.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire, ici même, lors du débat sur le Grenelle de l'insertion, selon une étude réalisée auprès de l'ensemble des pays de l'Union européenne, à la question : « avez-vous personnellement peur de devenir un exclu ? », 55 % des Français répondent « oui ». Plus significatif encore, ce pourcentage est le plus élevé parmi tous les pays consultés et est commun à toutes les catégories socio-économiques. Un résultat d'une telle ampleur montre que les Français pensent que l'évolution de leur situation ne dépend pas de facteurs individuels sur lesquels ils auraient prise.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la loi dont nous débattons ce soir ne risque pas de ranimer l'espoir. Cette loi n'est qu'un placebo en attendant le remède de cheval que le MEDEF concocte avec votre bénédiction.

Nous avons déjà avalé la pilule de la flexisécurité ; demain, nous aurons le bouillon « abandon de la durée légale du travail et contrat unique ». Et vous comptez sur la peur du chômage et de la précarité pour que le patient soit docile.

Aujourd'hui, en ne proposant que des réponses à court terme, le développement de rémunérations annexes et aléatoires, c'est un message clair que vous adressez aux Français : « Ne comptez plus que sur vous-même. Et si vous n'avez que votre force de travail, vous êtes du côté des perdants. »

Non seulement les Français ne se sentent plus maîtres de leur destin, mais, avec vous, ils savent qu'ils sont abandonnés à leur sort. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de m'excuser pour ma voix enrouée.

M. Gérard Longuet. Les idées sont fortes même si la voix est faible !

Mme Isabelle Debré. Je souhaite évoquer plus spécifiquement l'article 2 de ce projet de loi. Il est consacré au déblocage anticipé de sommes investies au titre de la participation, dans le but d'augmenter le pouvoir d'achat d'un certain nombre de nos concitoyens, même si, lors du dernier déblocage, environ 30% seulement des sommes concernées sont allées dans la consommation immédiate.

Mme Isabelle Debré. Par ailleurs, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, vient d'annoncer qu'il était favorable au doublement voire au triplement de la réserve spéciale de participation et au développement de l'intéressement.

M. Guy Fischer. Bien sûr !

Mme Isabelle Debré. En tant que membre du Conseil supérieur de la participation, je ne peux qu'approuver cette orientation. Je rappellerai en quelques mots dans quel esprit la participation a été instaurée.

La participation est née en 1967 de la volonté du général de Gaulle de pacifier les rapports sociaux dans l'entreprise en associant le « capital » au « travail ». Elle a progressivement fait son chemin pour s'imposer aujourd'hui comme un élément majeur de cohésion dans l'entreprise et de compétitivité économique. C'est pourquoi le concept de participation semble aujourd'hui faire consensus sur l'échiquier politique.

Mme Isabelle Debré. Beaucoup d'entre nous se réjouissent que le Président de la République réaffirme l'ambition gaullienne d'une meilleure répartition des bénéfices des entreprises et s'engage ardemment en faveur de l'accroissement du pouvoir d'achat de nos concitoyens. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.) N'est-ce pas, cher Alain Gournac ?

M. Thierry Repentin. C'est antinomique !

M. Guy Fischer. Qu'en penserait notre ancien collègue Jean Chérioux !

M. le président. Madame Debré, ne vous laissez pas interrompre !

Mme Isabelle Debré. C'est le débat démocratique !

Permettez-moi cependant, à l'occasion de notre débat, de vous donner mon sentiment sur ce que devrait être l'évolution de ce formidable outil qu'est la participation.

Pour en maintenir l'efficacité, je pense nécessaire de garder à l'esprit trois axes de réflexion.

La participation a été conçue pour s'inscrire dans la durée : les sommes bloquées à ce titre ont vocation à constituer une épargne de long terme.

Le déblocage anticipé doit donc constituer l'exception, relever de règles très précises et ne pas porter atteinte à ce caractère d'investissement.

M. Gérard Longuet. Très bien !

Mme Isabelle Debré. Ouvrir trop largement la porte au remboursement anticipé des sommes bloquées au titre de la participation risquerait aussi de déstabiliser de nombreuses entreprises,...

M. Gérard Longuet. C'est tout le problème !

Mme Isabelle Debré. ...qui ne disposent pas toujours de la trésorerie disponible pour verser ces sommes.

M. Guy Fischer. Pour la plupart !

Mme Isabelle Debré. En tout état de cause, en cas de déblocage exceptionnel, les salariés ne devraient pas bénéficier des avantages liés à la fiscalité particulière du système. En effet, si l'objectif visé est une plus grande liquidité, il est alors préférable de recourir aux mécanismes de l'intéressement, qui permettent le versement immédiat des bénéfices résultant des performances de l'entreprise.

Malgré ces réserves, il convient de reconnaître, monsieur le ministre, que le projet de loi encadre, sur des aspects importants, le dispositif de déblocage des sommes issues de la participation.

M. Thierry Repentin. C'est un texte faible !

Mme Isabelle Debré. Ainsi, lorsque l'investissement a été effectué dans l'entreprise, le texte prévoit, à juste titre, que le déblocage ne puisse intervenir qu'après conclusion d'un accord collectif, afin de préserver et les intérêts de l'entreprise et ceux des salariés.

Par ailleurs, le texte plafonne à 10 000 euros les sommes versées au salarié.

Il est également raisonnable que le plan d'épargne pour la retraite collectif, le PERCO, soit exclu du dispositif de déblocage anticipé puisqu'il s'agit, par définition, d'un outil d'épargne longue.

Je me réjouis que le Gouvernement, souhaitant augmenter le pouvoir d'achat des salariés, ait aussi veillé à fixer des garanties évitant de fragiliser les entreprises.

Je souhaiterais souligner un autre aspect : la participation a une vocation universelle et doit bénéficier à tous les salariés. Il est donc urgent de rechercher comment diffuser plus largement la participation dans les petites entreprises. Je rappelle que la participation n'est obligatoire, à ce jour, que pour les entreprises comptant plus de cinquante salariés ; elle demeure facultative en deçà de ce seuil.

Mme Isabelle Debré. Il nous revient de trouver des moyens incitatifs forts pour amener ces entreprises à mettre en place un système de participation, ne serait-ce que dans un souci d'équité.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Adrien Gouteyron. Il le faut !

Mme Isabelle Debré. Enfin, la participation doit relever de mécanismes simples à comprendre et à mettre en oeuvre.

M. Gérard Longuet. C'est le bon sens !

Mme Isabelle Debré. La participation s'est construite par strates successives et a connu une importante accélération au cours de ces dernières années. De nombreuses lois ont été votées, plaçant la France à l'avant-garde de l'Europe sur ce plan. Mais nous aboutissons à un système complexe qui présente, pour l'observateur non initié, le caractère d'un maquis inextricable et décourage le patron d'une PME et d'une très petite entreprise, une TPE.

Ici comme en d'autres domaines, et ainsi que l'a rappelé le Président de la République, il convient de remédier à l'incroyable complexité des dispositifs : diminuer leur nombre, simplifier leurs mécanismes et s'engager sur une certaine stabilité dans leur durée devraient permettre aux responsables des entreprises de moins de cinquante salariés de s'engager dans cette voie. Nous oublions en effet trop souvent que les TPE et les PME ne disposent généralement pas des structures juridiques des grandes entreprises.

Inscrire notre démarche dans la durée, dans l'équité et la simplicité me semble une des clés de notre réussite collective. Soyons audacieux et profitons de l'élan donné par le Président de la République pour remettre à plat tous les dispositifs qui se sont ajoutés au fil des années : simplifions !

Pour favoriser une culture de l'économie d'entreprise et la constitution d'une épargne à long terme, utile pour l'entreprise comme pour compléter les régimes de retraites, utilisons l'outil de la participation. Pour distribuer plus rapidement une part des bénéfices des entreprises et pour augmenter de façon immédiate le pouvoir d'achat, utilisons l'outil de l'intéressement. Ainsi seront conservées et renforcées les raisons d'être de ces dispositifs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, durant la campagne pour l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy affirmait que son quinquennat serait celui du retour de la croissance,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui !

M. Guy Fischer. ...qu'il était prêt « à aller chercher avec les dents ». Ce sont les termes qu'il a employés !

Huit mois se sont écoulés...

M. Ivan Renar. Et il n'a plus de dents !

M. Guy Fischer. ...et le moins que l'on puisse dire, c'est que le compte n'y est pas !

M. Xavier Bertrand, ministre. Huit mois, ce n'est pas cinq ans !

M. Guy Fischer. Je reviendrai tout à l'heure sur le bilan des gouvernements Raffarin et Villepin !

En lieu et place de la croissance, nous avons eu l'inflation. Madame Lagarde a annoncé que la croissance s'établirait autour de 2 %, voire qu'elle serait inférieure à 2 %. Elle fut aussitôt rappelée à l'ordre par MM. Martinon et Sarkozy et corrigea son appréciation à 2,25 %. Vraiment, on se moque du monde !

Quant à l'inflation, nous connaissons le résultat de 2007 : 2,6 %. Elle plombe l'économie de notre pays et pèse considérablement sur la consommation des Français...

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est vrai, elle a bondi de 2 % en décembre, merci de le rappeler, monsieur Fischer ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. ...et leur capacité à consommer.

Cette crise est mondiale, elle est globale même. Aux États-Unis, après avoir subi la crise des subprimes qui s'est conclue par une vague d'expulsions sans précédent, le président George Bush parle aujourd'hui franchement de récession. En Allemagne aussi la crise s'installe et, partout, on entend le même constat : « le pouvoir d'achat dans la zone euro ne s'est accru que de 1,5 % entre 2001 et 2005, soit moins que pour la seule année 2000 ». Ce constat, que vous ne pouvez nier, émane de l'un de vos amis, de l'un de ces penseurs dont le libéralisme se veut l'alpha et l'oméga des politiques économiques des gouvernants, M. Jean-François Jamet, consultant à la Banque mondiale.

L'économie mondiale paye aujourd'hui le prix de la crise américaine due à la spéculation foncière et boursière. Hier, les bourses du monde entier se sont écroulées, le CAC 40 a perdu lundi près de 7 %...

M. Xavier Bertrand, ministre. 6,8 % !

M. Guy Fischer. Pour retrouver une baisse aussi importante, il faut remonter au 11 septembre 2001. C'est dire si la méfiance est grande à l'égard de l'économie et des banques !

Votre gouvernement n'est donc pas le seul responsable, non ! Ceux de MM. Raffarin et Villepin le sont aussi, eux qui n'ont eu de cesse de libéraliser l'économie, de privatiser le secteur public, d'accroître la concurrence entre les salariés et les pays.

M. Alain Gournac. C'est pas beau, ça !

M. Guy Fischer. Depuis plusieurs mois, la situation de la France s'aggrave de jour en jour. Votre gouvernement n'a pas su répondre aux attentes des Français, pire même, les Français craignent de plus en plus pour leur avenir. Et on les comprend ! Je pense, par exemple, aux salariés de l'usine Mittal en Moselle, auxquels on avait promis l'emploi, ou à ceux du fabricant de skis Salomon, qui ont appris du jour au lendemain la fermeture de leurs sites de production. Tous les signaux sont au rouge, mais que fait votre gouvernement ?

Monsieur, madame les ministres, votre gouvernement contraint les retraités à subir une augmentation des pensions parmi les plus faibles de ces dernières décennies : 1,1 % ! De plus, il allègue - c'est vraiment se moquer des retraités ! - la nécessité de récupérer un trop-perçu des années précédentes.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est vous qui dites ça !

M. Guy Fischer. Non, c'est vous qui l'avez dit !

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est honteux ! Vous n'avez pas le droit de dire ça aux retraités !

M. Guy Fischer. Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, vous retrouverez plus d'une fois les quatorze millions de retraités en travers de votre chemin !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ils savent qu'ils peuvent nous faire confiance !

M. Guy Fischer. Le Gouvernement instaure un nouvel impôt pour les malades en créant les franchises médicales, il privatise le service public de l'emploi et n'oublie surtout pas de multiplier les exonérations de cotisations sociales en contrepartie d'emplois de plus en plus précaires et de plus en plus mal payés.

Mme Annie David. Exactement !

M. Guy Fischer. Si votre gouvernement n'est pas le seul responsable de la conjoncture économique, qui dépend de la conjoncture européenne et mondiale, il en est tout de même un acteur majeur. Votre président se veut un acteur du monde !

M. Ivan Renar. Le bilan est accablant !

M. Guy Fischer. À quelques semaines des élections municipales,...

M. Guy Fischer. ...il fallait faire un geste pour montrer aux Français que vous pensiez à eux. Mais, monsieur ministre, prenez-vous la pleine mesure de la situation ?

À la lecture de votre projet de loi, j'en doute. Que proposez-vous ? Le troc des journées de réduction de temps de travail et des repos compensateurs, mesure soumise au bon vouloir de l'employeur, nullement pérenne puisque limitée au 1er juillet 2008. Mais qu'importe, si cela sert le plan média du président ! Vos collègues de l'Assemblée nationale ont proposé de faire garantir les droits accumulés sur les comptes épargne-temps par l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l'AGS, cette structure qui se substitue à l'employeur, lorsqu'il est insolvable, pour le paiement des salaires et des congés payés du salarié.

C'est un beau mécanisme, mais il est dommage qu'il ne soit pas financé ! L'AGS, vous le savez, affronte de grandes difficultés financières, dues en partie à la baisse de 50 % de ses ressources, décidée par votre majorité en 2003. Vous proposez également de convertir en monnaie sonnante et trébuchante les repos compensateurs, qui sont, je vous le rappelle, accordés aux salariés en compensation des heures supplémentaires qu'ils ont effectuées.

Ces mesures suffiront-elles à redonner du pouvoir d'achat aux Français ? J'en doute. Votre majorité n'a pas pris la pleine mesure de la situation. Tout augmente : le forfait hospitalier, les prix du gaz et de l'énergie en général...

M. Xavier Bertrand, ministre. Qui a créé le forfait hospitalier ?

M. Guy Fischer. Jack Ralite. Ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux, nous sommes d'accord !

Mme Annie David. Le forfait a été substantiellement augmenté depuis !

M. Guy Fischer. Aucune majorité n'a supprimé ce forfait qui augmente de plus en plus - nous en avons déjà discuté. Chaque fois que nous déposons un amendement de suppression, monsieur le ministre, vous le refusez !

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est pour ne pas vous gêner ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Les prix du gaz ont augmenté de 35 % entre 2000 et 2006, alors que Gaz de France annonce en 2007 un chiffre d'affaires en progression de 21 % !

En juin 2007, on annonce la création d'une redevance sur la copie privée ; en juillet, c'est l'augmentation des tarifs de la SNCF, de la RATP, de France Télécom et des honoraires des consultations chez les médecins généralistes ; en août, on continue d'augmenter les tarifs réglementés d'EDF...

Mme Annie David. C'est vrai !

M. Guy Fischer. Je pourrais dérouler la liste des hausses que vous endossez et qui pèsent au quotidien - même si ces sommes peuvent vous paraître insignifiantes - sur la plupart des ménages, notamment ceux qui touchent les minima sociaux. Il faudrait y ajouter toutes les franchises médicales qui représentent un véritable impôt sur la maladie !

Que veulent véritablement nos compatriotes ? Voir augmenter leurs salaires ou leurs retraites ! Or tout augmente, sauf les salaires du secteur privé - pour lequel le Président dit ne rien pouvoir faire - et les traitements des fonctionnaires, dont la hausse - insuffisante - de 0,8 % en 2007 ne compense en rien l'augmentation du coût de la vie.

La mobilisation des fonctionnaires est légitime ! Croyez-moi, monsieur le ministre, la grève de demain sera très importante car, comme vous avez pu le constater, les cheminots, les personnels hospitaliers et toutes les catégories de Français se sentent de plus en plus concernés. Je tiens à affirmer ici le soutien des sénateurs communistes à la réussite de leur manifestation de demain !

Tout augmente, sauf les retraites, les pensions de réversion - que vous rêvez de diminuer - et les prestations familiales... (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous les avons augmentées !

M. Alain Gournac. Il ne faut tout de même pas pousser, monsieur Fischer ! Trop, c'est trop !

M. le président. Poursuivez, monsieur Fischer.

M. Guy Fischer. S'agissant, par exemple, des prestations familiales, c'est la première fois qu'elles n'augmentent que de 1 %.

M. Nicolas About, rapporteur. Oui, mais les trois années précédentes, cela avait été davantage !

M. Guy Fischer. Le président de la Caisse nationale des allocations familiales a eu l'audace de me poser la question suivante : « Êtes-vous sûr que les Françaises et les Français veulent vraiment des hausses en numéraire ? »... C'est vraiment se moquer du monde !

Les aliments de première nécessité coûtent de plus en plus cher, y compris chez les hard discounters, que M. Beigbeder, auteur d'un rapport remis au Gouvernement le 12 décembre 2007 et intitulé : « Low cost, levier pour le pouvoir d'achat », entend promouvoir.

Ainsi, le coût moyen du panier a progressé de 1,36 %, et l'augmentation des prix ne cesse de s'accélérer. Selon une étude menée par l'association Familles rurales, le prix de la baguette aurait augmenté de 12 centimes d'euro au kilogramme, le prix au kilogramme des pâtes « premier prix », celles qui sont vendues dans les magasins hard discount ou sous les marques des grands distributeurs, aurait progressé de 13,84 centimes, alors que le prix des pâtes de grandes marques aurait crû, quant à lui, de 3,72 %. Vous me direz que je m'éloigne du sujet, mais je suis au coeur des préoccupations des Françaises et des Français.

Cela témoigne d'un fait : les augmentations de prix affectent d'abord les familles les plus modestes, celles qui recourent, pour des raisons de coût, aux marques de distributeurs, sensiblement moins chères que les grandes marques, celles dont les trois quarts du budget sont consacrés aux produits de première nécessité.

Les choses sont claires, monsieur le ministre : ce sont les plus modestes de nos concitoyens qui sont le plus touchés, et la crise qui s'annonce ne va rien arranger. Ce sont près de 430 milliards d'euros qui seraient partis en fumée lundi dernier. Les places boursières européennes ont perdu l'équivalent du budget de la France. Sans être devins ni économistes, nous savons déjà qui paiera les pots cassés : les salariés.

Mme Annie David. Évidemment !

M. Guy Fischer. Cela va conduire, partout, à des vagues de licenciements, et servira d'argument au MEDEF pour justifier sa politique de précarisation et de bas salaires.

Mme Annie David. Absolument !

M. Guy Fischer. Au regard de cette situation, votre mesure de déblocage de l'épargne salariale n'aura que peu d'effet, monsieur le ministre. J'approuve en partie l'analyse de Mme Debré sur ce point.

Mme Isabelle Debré. Une fois n'est pas coutume !

M. Guy Fischer. Débloquer des fonds provenant de l'épargne salariale, ce n'est pas favoriser le pouvoir d'achat, c'est favoriser l'immédiat contre le moyen terme et, nous l'avons vu, c'est davantage encourager les placements bancaires que stimuler la consommation, un tiers seulement de ces sommes étant consommé, le reste alimentant une épargne classique.

Il est pourtant une mesure qui serait à la fois juste socialement et efficace économiquement : abaisser la TVA, sans doute l'impôt le plus injuste qui soit. Malheureusement, votre opposition à des mesures de cet ordre présentées par mes collègues de l'Assemblée nationale ne nous laisse que peu d'espoir quant au sort qui sera réservé à celles que nous défendrons aujourd'hui.

Au-delà, cette situation témoigne de votre absence de volonté. Les beaux discours passés de M. Sarkozy n'y suffisent plus, et le Président de la République l'a bien compris, allant jusqu'à commenter de manière indirecte le texte que nous examinons aujourd'hui en ces termes : « S'agissant du pouvoir d'achat, qu'est-ce que vous attendez de moi ? Que je vide des caisses qui sont déjà vides ? Que je donne des ordres à des entreprises à qui je n'ai pas à donner d'ordres ? » Après avoir lui-même vidé les caisses de l'État et constaté l'insuffisance de sa propre politique, l'inefficacité de son projet de loi, il ne lui reste qu'une seule possibilité : minimiser les effets de celui-ci.

Je m'étonne d'ailleurs du peu d'implication du Premier ministre dans la discussion de ce projet de loi. Elle devrait être la priorité du Gouvernement, et pourtant son chef n'était pas présent lors des débats à l'Assemblée nationale. Je m'étonne encore que la responsabilité du Gouvernement n'ait pas été engagée sur ce projet de loi.

Le mécontentement commence à se faire entendre jusque dans vos rangs, madame, monsieur les ministres, où la présence du Président de la République dans la campagne pour les élections municipales n'est pas souhaitée. Le scoop est tombé ce matin : il ne participera pas à la campagne des élections municipales et cantonales.

M. Nicolas About, rapporteur. Ce qui est local doit rester local !

M. Ivan Renar. Les sondages ne sont pas bons !

M. le président. Je vous en prie, monsieur Renar.

M. Guy Fischer. Nombre des vôtres sont conscients que les promesses non tenues, associées à un train de vie plus digne d'un grand patron que d'un dirigeant politique, choquent les Français. Pas plus tard que le 17 janvier dernier, interrogé par le quotidien La Tribune, le député UMP des Hauts-de-Seine Frédéric Lefebvre, que l'on connaît bien,...

Mme Nicole Bricq. Oui, c'est un brillant sujet !

M. Guy Fischer. ...précisait, à propos de Nicolas Sarkozy et de son action : « Ce n'est pas qu'il n'en fait pas assez, c'est qu'il faut en faire encore plus ! »

Mme Nicole Bricq. Non, arrêtez-le !

M. Guy Fischer. C'est là un amer constat de la part du secrétaire national de l'UMP chargé de l'économie, des finances publiques et des nouvelles technologies !

Il faut dire que votre projet de loi mécontente nombre de vos amis. Il comporte cinq articles, soit exactement deux fois moins que la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Certes, on ne juge pas l'efficacité d'un texte au nombre de ses articles, me direz-vous. J'en conviens, mais la différence avec la loi TEPA ne s'arrête pas là, tant s'en faut.

En effet, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi TEPA, vous avez engagé des dépenses importantes : 15 milliards d'euros ont été dilapidés pour financer des mesures très inefficaces économiquement et injustes socialement !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous direz cela aux salariés modestes qui bénéficient des heures supplémentaires !

M. Guy Fischer. Cet argent a été dilapidé pour instaurer un mécanisme d'accroissement du recours aux heures supplémentaires que tout le monde qualifie aujourd'hui d' « usine à gaz », qui n'a produit, à notre sens, que très peu d'effets et qui n'a pas, cela est clair, relancé l'emploi.

M. Nicolas About, rapporteur. Pour ceux qui y ont gagné, cela a représenté quelque chose !

M. Guy Fischer. Surtout, des milliards d'euros ont été dépensés au profit du patronat sous forme d'exonérations de cotisations sociales supplémentaires.

Pourtant, un rapport commandé par le Gouvernement et remis à la veille de Noël précise, au sujet des masses financières distribuées : « L'évaluation des exemptions d'assiettes est de l'ordre de 41 milliards d'euros en ce qui concerne les revenus d'activité des salariés du régime général. » Nous en avons discuté la nuit dernière !

Quels ont été les effets de cette dépense en termes d'emploi ? Il n'y en a eu aucun ! Il faudra bien, un jour ou l'autre, que nous revenions sur cette politique qui coûte cher à l'État, aux Françaises et aux Français, et qui nous prive d'une importante capacité d'action.

M. Sarkozy a beau jeu de dire que les caisses sont vides, alors que la majorité contribue - j'allais dire quotidiennement - à assécher plus encore les caisses de l'État ou à les priver de ressources nouvelles, pourtant bien nécessaires, qu'aurait pu apporter par exemple une véritable taxation des stock-options.

Il y a donc réellement une différence entre la loi TEPA et le texte que nous étudions aujourd'hui : pour financer les mesures de la loi TEPA, dont seulement une minorité de nos concitoyens a bénéficié, le Gouvernement a mis la main à la poche ; mais quand il s'agit de prendre, sous la pression de nos compatriotes, des mesures qui auraient pu concerner le plus grand nombre, l'État n'y peut plus rien...

Du coup, vous en appelez au bon vouloir des employeurs, à qui vous demandez d'attribuer à leurs salariés une prime de 1000 euros, ou encore, une fois de plus, d'autoriser le déblocage de l'épargne salariale. En un mot, vous en appelez à la bonne volonté des employeurs, comme un Premier ministre passé, M. de Villepin pour ne pas le citer, en appelait au patriotisme économique.

Au final, le Gouvernement ne fera donc aucun geste réel pour favoriser le pouvoir d'achat. Il prendra même, peut-être, s'il décide de suivre les recommandations du rapport Attali, de nouvelles mesures défavorables à ceux qui survivent difficilement, à l'instar de l'instauration de nouvelles franchises médicales.

Il y a cependant, monsieur le ministre, un sujet épineux que le gouvernement auquel vous appartenez, qui se targue de réclamer la fin de tous les tabous, se refuse encore à aborder mais qui est pourtant au coeur de la crise que nous vivons : celui de la répartition des richesses, qui n'avait jamais été aussi inégalitaire qu'aujourd'hui.

J'ai bien entendu les déclarations du Président de la République sur cette question. J'y ai retrouvé des accents faussement gaulliens, mais elles ne comportent rien de concret. Nous le savons pourtant tous : toute la richesse produite - le PIB - se répartit entre la rémunération du travail et celle du capital. Or, depuis vingt ans, la part dédiée à la rémunération du travail, qu'il soit salarié ou indépendant, a considérablement fondu, passant de 67,8 % en 1982 à 59,8 % en 2005. Ce sont donc pas moins de 8 points de PIB qui ont échappé aux salariés ! Et lorsque l'on sait que le PIB s'élève à 1 521 milliards d'euros, on comprend que ces 8 points auraient pesé lourd dans la balance s'ils avaient été affectés à la rémunération du travail, puisque pas moins de 121 milliards d'euros auraient été répartis directement entre les travailleurs. Au lieu de cela, c'est le capital qui a bénéficié de cette somme, et je parle ici, en évoquant le capital, non pas d'amortissements ou d'investissements, mais de la rémunération des actionnaires.

Ces 121 milliards d'euros manquent également à nos systèmes de solidarité, qui sont, précisément, assis sur la masse salariale. Reversée aux salariés, cette somme aurait été mise à contribution pour financer notre protection sociale, qui en a bien besoin, tout comme notre régime de retraite. Au lieu de quoi les actionnaires accumulent des bénéfices qui sont, par la « grâce » des gouvernements successifs soutenus par l'actuelle majorité, de moins en moins taxés. Il est donc possible, pour équilibrer les comptes sociaux, de taxer davantage les entreprises, notamment les plus importantes d'entre elles et celles qui utilisent peu de main-d'oeuvre. Encore faut-il poser la question de la répartition des richesses... Certes, on connaît la règle des trois tiers de M. Dassault !

M. Nicolas About, rapporteur. Eh bien oui, ce n'est pas idiot !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fischer.

M. Guy Fischer. J'en termine, monsieur le président.

« La part des profits est inhabituellement élevée à présent, et la part des salaires inhabituellement basse » : cette phrase, d'une extrême vérité, n'a pas été prononcée par des leaders syndicaux ; elle figure en fait dans un texte émanant de la Banque des règlements internationaux. Les propos de M. Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale des États-Unis, vont d'ailleurs dans le même sens.

Il faudrait donc agir rapidement sur le seul levier efficace pour relancer le pouvoir d'achat : les salaires et les retraites, qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur privé. C'est d'ailleurs ce que dit et demande la majorité des organisations syndicales. Ainsi, dans un communiqué de presse commun, la CGT et la CFDT estiment que le Gouvernement et le patronat n'apportent aucune réponse satisfaisante.

Nous reviendrons plus longuement, au cours du débat, sur les mesures concernant le logement.

En conclusion, j'en appellerai à une augmentation immédiate des salaires, du SMIC horaire, des retraites et des minima sociaux : voilà comment relancer véritablement le pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Ivan Renar. Et tous à la manif !

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, pendant les « Trente Glorieuses », on pouvait parler d'harmonie française, car les entreprises et le niveau de vie de nos concitoyens progressaient considérablement de façon concomitante.

Bien sûr, il subsistait des injustices criantes. En 1981, l'objectif prioritaire fut de les gommer, ou tout du moins de les réduire. Si, malgré l'incohérence de nationalisations à contre-courant suivies de privatisations à marche forcée, les entreprises les plus importantes ont continué à se développer, pour ce qui est des salariés l'enfer a été pavé de bonnes intentions.

En effet, on peut aujourd'hui parler de paradoxe français, car la progression du pouvoir d'achat des ménages a été très inférieure au développement des entreprises ; bien plus, l'écart des revenus entre les plus pauvres et les plus riches de nos concitoyens s'est élargi au fil des années, devenant inacceptable. Cela nous amène à nous interroger sur la progression et la répartition du revenu des ménages.

Depuis vingt-cinq ans, la France progresse moins vite que ses concurrents. Elle a besoin d'un « électrochoc » puissant pour sortir de sa torpeur et retrouver la confiance en l'avenir. Non seulement nos voisins européens n'attendront pas que nous ayons achevé nos réformes, mais ils se sont placés depuis longtemps dans une dynamique concurrentielle.

L'exemple de l'Espagne est aveuglant : à son entrée dans la CEE en 1986, nous observions avec une certaine condescendance son sous-développement. En 1995, l'économie espagnole atteignait le niveau de 79 points sur les 100 de la moyenne européenne, quand notre pays dépassait les 110. Depuis cette date, sa croissance a toujours été supérieure d'au moins 1,6 point à la moyenne européenne, dépassant même les 3,4 % chaque année depuis 2004 quand la France s'enfonçait dans la stagnation, avec à peine 1,7 % de croissance en moyenne, reculant petit à petit jusqu'au treizième rang européen en termes de PIB par habitant. Aujourd'hui, le pouvoir d'achat d'un Espagnol a dépassé celui d'un Italien.

Dans ce contexte, l'objectif de José Luis Zapatero de dépasser d'ici à cinq ans le PIB par habitant français est parfaitement réaliste. Et pourtant, en regardant la liste des 500 premières entreprises mondiales, on constate qu'y figurent 38 entreprises françaises, contre 37 allemandes, 33 britanniques et 9 espagnoles. Mieux, 9 entreprises françaises sont classées dans les 100 premières, dont Total qui est à la dixième place, quand l'Espagne n'en classe que trois, la première d'entre elles n'arrivant qu'à la soixante-quinzième place. On ne peut donc remettre en cause le fait que nos grandes entreprises soient puissantes, insérées dans la mondialisation, et même parmi les premières dans certains secteurs. Mais souvent elles délocalisent leurs fournisseurs, licencient et payent des revenus à l'extérieur.

Quelque chose ne fonctionne pas chez nous puisque les très bonnes performances de nos entreprises ne se répercutent pas en termes de progression de pouvoir d'achat pour les salariés français. Il n'existe pas non plus en France le même consensus économique qu'en Espagne, où le clivage politique est essentiellement sociétal et non plus idéologique. Je rappelle que le gouvernement de José Luis Zapatero a renoncé à l'impôt de solidarité sur la fortune. Le contraste entre les projets politiques socialistes français et espagnol est saisissant. (M. Thierry Repentin sourit.)

Cela dit, gardons à l'esprit que le pouvoir d'achat matérialise la répartition de la production nationale. Les salariés français sont d'autant plus frustrés que leur productivité est très satisfaisante, supérieure par exemple de 5 % à celle des États-Unis. Mais on oublie de souligner qu'un Américain travaille pendant son existence 35 % de plus, ce qui est considérable. Il ne s'agit pas de remettre le taylorisme au goût du jour ni de ressusciter Stakhanov, mais de reconnaître qu'il existe un lien évident entre travail et revenu.

L'esprit que traduisent la création en 1981 du ministère du temps libre et la réduction obligatoire du temps de travail à 35 heures va à l'encontre de l'intérêt des salariés et de l'augmentation de leur pouvoir d'achat.

Comment agir alors pour que travail et effort personnel soient justement rétribués ? Comment rééquilibrer rémunération du travail, rémunération du capital et prélèvement de l'État ? Comment mettre fin à l'intolérable situation des 1,3 million d'actifs qui vivent sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 645 euros par mois, et à celle, non moins intolérable, des salariés qui n'ont pas les moyens de se loger ? Comment mettre fin aux trappes à pauvreté qui favorisent les transferts sociaux plutôt que les revenus du travail, problématique sur laquelle Martin Hirsch effectue un travail empreint de générosité, d'équité ainsi que de lucidité et propose des pistes très prometteuses ?

Finalement, pourquoi une telle déperdition de revenus entre la formation de la valeur ajoutée et sa répartition ? Le scandale est non pas de s'enrichir, mais de ne pouvoir vivre de son travail.

La répartition de la richesse nationale s'effectue entre trois catégories d'agents : les ménages, qui sont au coeur de votre projet de loi, les entreprises, qui veulent et doivent valoriser leurs investissements, et l'État, qui absorbe à lui seul 44 % de cette richesse. Ce niveau de prélèvements obligatoires, l'un des plus élevés de l'OCDE, ne serait pas condamnable en soi si l'État français atteignait la même efficacité en termes de redistribution des revenus que ses homologues scandinaves.

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à fait !

M. Aymeri de Montesquiou. Or, c'est loin d'être le cas. Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la France se caractérise par la « courbe en U » de ses gains de revenus dus aux transferts. Les gains les plus importants concernent les ménages les plus pauvres, mais aussi les ménages les plus aisés. Jusqu'à un niveau égal à 35% du revenu moyen, les ménages bénéficient, grâce aux transferts, d'un surcroît de revenu d'environ 20 %. On retrouve ce gain à partir de 140 % du revenu moyen, soit 2 170 euros par mois.

Il est donc impératif de soulager les classes intermédiaires en réaménageant la fiscalité qu'elles subissent. Elles sont trop riches pour bénéficier de l'aide de l'État, et trop pauvres pour consommer normalement. La baisse des prélèvements au profit de ces catégories stimulera la consommation des ménages et injectera de nouvelles liquidités dans le circuit économique ; celles-ci profiteront aux entreprises, à la croissance et au marché du travail. 

Les premières mesures du Gouvernement ainsi que l'économie de votre projet de loi vont dans ce sens, mais cela n'est pas suffisant. L'État ne peut se contenter de n'assumer que partiellement ses missions, tout en vivant allégrement aux dépens des citoyens. En revanche, diminuer la charge de l'emploi public nous conduirait à développer l'emploi privé. Veillons à ne pas demander aux entreprises qui persistent à vouloir produire en France tout et son contraire : offrir des emplois et combler nos déficits. Rendons la France attractive dans son organisation administrative, fiscale, sociale : c'est à ce prix que l'État s'émancipera de tâches qui ne sont pas les siennes.

L'allégement des prélèvements obligatoires n'est que le corollaire d'une indispensable réorganisation de l'État qui devrait permettre non seulement de moins dépenser, mais de dépenser mieux. À structure constante, la baisse de la ponction de l'État doit mécaniquement augmenter les ressources des ménages et des entreprises.

Nos concitoyens sont inquiets, même si les premières mesures économiques de la législature rencontrent leur approbation.

M. Thierry Repentin. Ce n'est pas sûr !

M. Aymeri de Montesquiou. La remontée récente du taux d'épargne, au-delà d'un tropisme français de la thésaurisation, est un signe de la difficulté à soutenir la consommation, par définition très sensible aux variations du prix des hydrocarbures et des produits alimentaires. Or c'est précisément la consommation qui constitue, hélas ! essentiellement le moteur de la croissance française. Hélas ! car la faiblesse de l'offre engendre le déséquilibre de notre balance commerciale et, donc, notre chômage.

Les articles 1er à 3 du projet de loi devraient fournir un surcroît de revenus à nombre de nos compatriotes. De plus, les mesures que vous nous proposez, madame la ministre, en faveur de la baisse du coût des locations de logement - dépense incompressible - vont également soulager un grand nombre de ménages, dont le budget est de plus en plus lourdement amputé par la hausse continue des prix de l'immobilier.

Monsieur le ministre, votre projet de loi va aider les ménages modestes en leur donnant les moyens de vivre convenablement des fruits de leur travail. Il reste toutefois beaucoup à faire pour que la confiance s'installe durablement. Toutes les recettes appliquées par les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt-cinq ans n'ont pas réussi à remettre notre pays sur les rails d'une croissance soutenue, vertueuse et équitablement répartie. Celle-ci dépend beaucoup trop de la consommation. L'offre, qui exprime, au-delà de sa réalité matérielle et de sa traduction en emplois, une confiance dans le futur, constitue une part beaucoup plus importante de la croissance.

Madame, monsieur les ministres, lorsque la France était conquérante, elle gagnait des marchés et ses citoyens voyaient leur niveau de vie augmenter vigoureusement. Aujourd'hui, la France doute, engluée dans une administration tatillonne, et freinée par une fiscalité trop lourde. Londres demeure la troisième ville de France pour le revenu par habitant.

Monsieur le ministre, redonnez à la France cet esprit de conquête et cet enthousiasme : elle doit redevenir attractive pour tous. Pour cela, le travail doit être récompensé avec équité. Votre projet de loi va dans ce sens. C'est pourquoi la majorité du groupe RDSE vous apportera son soutien, en espérant vous voir aller plus loin. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le présent projet de loi est porteur de mesures positives, que nous ne pouvons que soutenir, même si elles ne sont pas tout à fait adaptées à la situation du moment.

Ses premiers articles sont consacrés à la monétisation de certains droits à congés. Il étend aux salariés de toutes les entreprises la possibilité, jusque-là offerte aux seuls salariés des entreprises comptant moins de vingt salariés, de monétiser certains de leurs congés de RTT. Il permet aussi de monétiser certains droits affectés au compte épargne-temps. Enfin, les députés ont adéquatement complété le dispositif gouvernemental en ouvrant une possibilité de conversion monétaire du repos compensateur d'heures supplémentaires.

Comment ne pas souscrire à l'option offerte aux salariés de monétiser certains de leurs congés ?

Nous sommes favorables à ce type d'assouplissement et nous considérons que le présent texte complète utilement la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

Ces mesures de flexibilisation nous semblent d'ailleurs à ce point justifiées que nous ne comprenons pas pourquoi elles ne seraient que temporaires. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à les pérenniser.

Concernant le volet logement du projet de loi, le constat est le même. Les mesures proposées nous semblent de bon sens. Nous ne pouvons que souscrire à leur objectif et à leur contenu.

S'agissant de l'article 4 et de la modification du calcul de l'indice de revalorisation du loyer, il est tout à fait souhaitable de revenir à un mode de calcul plus simple et moins dépendant des coûts de la construction. Nous le savons, le coût des matières premières et l'augmentation du nombre de normes de construction font que, fatalement, les prix de la construction ne cessent de croître. C'est pourquoi revenir à un indice calculé sur l'indice des prix à la consommation semble plus raisonnable. Je dis bien « semble » car il faut attendre quelques années pour voir les véritables effets sur les évolutions des loyers.

L'article 5 a pour objet de diviser par deux le montant maximal du dépôt de garantie, pour le faire passer de deux à un mois : c'est évidemment une bonne chose.

Reste la question des articles 2 et 3, qui sont consacrés à la participation. Ils sont, à nos yeux, plus problématiques.

L'article 2 permet un déblocage anticipé, avant le 30 juin 2008, des sommes attribuées au titre de la participation.

L'article 3 prévoit le versement d'une prime exceptionnelle aux salariés des entreprises non assujetties au régime de la participation. D'emblée, cet article nous semble devoir être complété. Tel qu'il est rédigé, il n'est pas certain que les salariés du secteur de l'économie sociale, en particulier des mutuelles, puissent bénéficier de cette prime exceptionnelle, alors même que leurs entreprises font partie de celles pour lesquelles la participation n'est pas obligatoire. Nous défendrons également un amendement tendant à préciser ce point.

Mais, plus généralement, la possibilité de déblocage anticipé des sommes consacrées à la participation est problématique. Elle donne l'impression d'une action législative erratique et peu lisible.

En six ans, on a réformé le régime de la participation à cinq reprises. À chaque fois, il a été question de garantir l'indisponibilité de ces sommes durant une période de cinq ans, donc pendant un délai relativement long. Le principe d'indisponibilité est fondateur de la participation. Il s'agit de permettre la constitution d'une épargne de long terme, notamment en vue de la retraite, et d'aider les entreprises à renforcer leurs fonds propres. Et là, dans ce texte, les sommes de participation attribuées avant le 30 juin prochain pourront être débloquées. Tout cela ne semble pas très cohérent.

La question de la participation - sur laquelle nous sommes sceptiques - mise à part, les mesures contenues dans le projet de loi pour le pouvoir d'achat nous paraissent positives, même si elles ne semblent pas particulièrement bienvenues.

Et à ce titre, l'intitulé du projet de loi est un peu trompeur. Il ne peut pas véritablement s'agir d'un projet de loi pour le pouvoir d'achat, parce que ce n'est évidemment pas en monétisant certains congés ou en réduisant la durée du dépôt de garantie que l'on réglera la question de l'érosion continue et sévère du pouvoir d'achat dans notre pays.

M. Thierry Repentin. On est d'accord !

Mme Anne-Marie Payet. Les articles 4 et 5 de ce projet de loi ne résoudront pas le problème du coût du logement.

M. Thierry Repentin. On est d'accord !

Mme Anne-Marie Payet. L'accès au logement privé est de plus en plus difficile.

M. Thierry Repentin. On est d'accord !

M. le président. Monsieur Repentin, je vous en prie.

Mme Anne-Marie Payet. Le dépôt de garantie n'est pas le seul obstacle. Les propriétaires exigent parfois plusieurs mois de loyers d'avance, ce qui constitue un vrai frein pour les locataires. Par ailleurs, au-delà de l'aspect financier, les exigences des agences et des propriétaires sont de plus en plus contraignantes.

Outre les documents habituels, des renseignements supplémentaires sont de plus en plus souvent demandés, en plus grand nombre. Tout cela est à la limite de la légalité eu égard au droit au respect de la vie privée.

Alors que faire ?

Ce n'est un secret pour personne : le pouvoir d'achat ne remontera en France que si les salaires augmentent. Et les salaires ont été plombés par les 35 heures !

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est vrai !

Mme Anne-Marie Payet. Or, au lieu de supprimer purement et simplement les lois Aubry, le Gouvernement a retenu la méthode du contournement dans le présent projet de loi. Sur le papier, les 35 heures sont conservées mais, dans la pratique, elles sont de plus en plus battues en brèche. Il en résulte un système hypercomplexe, difficile à comprendre.

La question connexe à celle de la stagnation des salaires est, bien entendu, celle du chômage. On ne luttera efficacement contre l'érosion du pouvoir d'achat qu'en combattant efficacement le chômage.

Une fois de plus, une question en appelle une autre : le niveau du chômage structurel en France est intrinsèquement lié au niveau, beaucoup trop élevé, des prélèvements obligatoires et des prix, ce qui pose le problème de la compétitivité de nos entreprises et de nos territoires.

Les vraies questions relatives au pouvoir d'achat sont là. Les véritables réponses au problème de l'érosion du pouvoir d'achat résident dans les réformes structurelles dont notre pays a tant besoin et qu'il a tellement de mal à mettre en oeuvre. Je veux parler des réformes du financement de la protection sociale et de l'assouplissement du contrat de travail, réformes qui ne pourront aller de pair qu'avec un effort bien plus important de la nation en matière de formation, d'innovation et de recherche.

Ce n'est qu'alors que la participation pourra devenir un outil efficace de gouvernance salariale. C'est pour des raisons structurelles que la participation est enserrée dans un carcan rigide. Les sommes qui y sont affectées bénéficient d'un régime fiscalo-social privilégié parce que les cotisations sociales pèsent aujourd'hui beaucoup trop lourdement sur le travail. C'est seulement lorsque l'on aura réformé le financement de la protection sociale que la participation et l'intéressement pourront devenir ce qu'ils ont vocation à être depuis le début, à savoir la part du salaire liée à la performance, dont pourront librement bénéficier les salariés.

Non seulement les mesures du projet de loi en faveur du pouvoir d'achat semblent manquer d'envergure, mais elles tombent particulièrement mal. Alors que les bourses du monde entier s'effondrent, que les prévisions de croissance sont dans le rouge, on parle ici de la possibilité de solder le stock de RTT accumulées jusqu'au 31 décembre 2007 !

Ces mesures ne sont pas structurelles, elles sont purement conjoncturelles, puisqu'elles sont temporaires. Tel est du moins le cas des articles relatifs à la monétisation de certains congés et de ceux qui sont consacrés à la participation.

En conclusion, madame, monsieur les ministres, nous voterons le projet de loi pour le pouvoir d'achat, car les mesures qu'il porte, en dépit de leur caractère un peu dérisoire, vont dans le bon sens. Cependant, nous ne nous faisons aucune illusion sur l'ampleur de la tâche qui nous attend pour véritablement combattre l'érosion du pouvoir d'achat en France. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - MM. Bernard Seillier et Adrien Gouteyron applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je vous le dis sans ambages, votre texte est à la fois décalé et dérisoire. Décalé, parce que son objectif affiché - accroître le pouvoir d'achat -, emblème de la campagne électorale, n'est plus, quelques mois après, qu'une question parmi d'autres dans les déclarations du Président de la République. Dérisoire, parce que la crise financière affaiblira forcément les économies réelles, et donc tous ses paramètres.

À ce stade, je m'attacherai aux actes, dont la majorité sénatoriale - c'est à elle que je m'adresse - est d'ores et déjà comptable.

Lorsqu'il est arrivé aux responsabilités, le Président de la République avait deux contraintes : un endettement fort et une croissance faible. Pour ce qui est de la contrainte de l'endettement, le choix a d'emblée été fait de la repousser à 2012. Au moins le message était clair ! Il a été un peu brouillé lorsque le Premier ministre a parlé de « faillite », ce qui était excessif, mais le Président de la République lui a fait écho en déclarant que les caisses étaient vides. Dès lors, il ne faut pas s'étonner que nos compatriotes aient le moral en berne et qu'ils se polarisent légitimement sur le pouvoir d'achat.

Ils s'interrogent : qu'est-ce qui nous attend ? Devrons-nous supporter tout le poids de cette impécuniosité ? Le Gouvernement et le Président de la République repoussent bien évidemment les réponses à ces questions à après les élections municipales. Il est à craindre que le spectre de l'endettement et de la dépression économique ne soit utilisé pour serrer la vis en matière de dépenses et pour ponctionner encore les ménages.

M. Xavier Bertrand, ministre. Pas de chantage !

Mme Nicole Bricq. Pour ce qui est de la croissance, le choix a été fait au mois de juillet d'une relance de 15 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien eu égard au produit intérieur brut de la France.

Mal orientée, cette relance inégalitaire reposait - et nous l'avons dit à ce moment-là - sur un diagnostic erroné quant à l'état de la France, dont les maux sont bien connus : retard de compétitivité, exportations mal orientées, appareil productif mal ou sous-utilisé.

L'économie n'est pas une science exacte - quand on n'y connaît rien, il vaut mieux ne pas en parler ! (Sourires) -, mais on sait à peu près quels sont les paramètres d'une politique économique : un bon ajustement entre l'offre et la demande, une bonne articulation entre choix macro-économiques et stimulation des entreprises, un bon réglage budgétaire et une bonne politique fiscale d'accompagnement, tout ce qui a manqué au Gouvernement et à sa majorité.

De texte en texte, dans l'urgence, vous n'avez cessé de louvoyer ! Bref, ce qui marque votre action, huit mois après les scrutins du printemps 2007, c'est pour le moins l'incohérence et, à ce stade, l'incompétence de l'équipe en place, que soutient la majorité sénatoriale. Au moment où les nuages s'amoncellent, aucune stratégie économique claire ne se dégage. Quant aux cartouches budgétaires, elles ont été brûlées l'été dernier avec le funeste TEPA, et ce n'était pas un feu d'artifice !

Mme Nicole Bricq. Il ne reste plus de munitions...

M. Xavier Bertrand, ministre. Au contraire !

Mme Nicole Bricq. ...pour soutenir l'activité au moment où le retournement conjoncturel est là.

Tel le battement d'ailes d'un papillon, la crise immobilière américaine s'est propagée dans toute la sphère financière. Mais elle ne doit pas masquer la réalité : tôt ou tard, l'atterrissage devait avoir lieu. La seule interrogation portait sur sa brutalité. À l'échelle mondiale, il ne peut pas y avoir durablement cent fois plus de transactions financières que de transactions commerciales.

Pour atteindre l'objectif d'un taux de croissance de 3 % - objectif peu contestable -, il eut fallu dire aux Français, dès le départ, lorsque vous leur avez annoncé des réformes, que toute réforme a un coût. Vous êtes particulièrement bien placé pour le savoir, monsieur le ministre, vous qui conduisez le délicat dossier des retraites ! Vous savez qu'il faut consacrer 1,5 point de croissance au financement d'une réforme, avant qu'elle ne s'autofinance, soit la moitié des points de croissance attendus cette année. Aujourd'hui, vous n'avez donc plus la possibilité de conduire une quelconque réforme sans la faire payer aux Français.

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour parler de réforme, il faut avoir des références !

M. Jean-Pierre Bel. Elle a raison !

Mme Nicole Bricq. Aujourd'hui, la perspective s'est envolée. Avec la crise, notre taux de croissance, tout le monde est d'accord sur ce point, à part Mme Lagarde - dites-le lui ! -, se situera entre 1,5 % et 1,7 %.

Le projet de loi dont nous débattons est donc un expédient dérisoire. Il consiste, par idéologie et fétichisme, à faire du temps de travail hebdomadaire l'horizon indépassable. En attendant, on ne s'occupe pas des véritables problèmes concernant le volume global du travail. Nous savons que les problèmes concernent des catégories bien identifiées : les jeunes, les seniors et, excusez-moi de vous le rappeler, la main-d'oeuvre immigrée. Nous savons qu'il sera nécessaire de faire appel à 150 000 travailleurs immigrés pour satisfaire les besoins de l'économie. Au lieu de cela, on expulse 25 000 étrangers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Si vous aviez voulu améliorer le pouvoir d'achat de ceux qui en ont le plus besoin, vous auriez pu, comme nous vous l'avions proposé, utiliser la prime pour l'emploi à bon escient dans la loi de finances pour 2008, en la ciblant bien, mais vous n'aviez déjà plus de marges de manoeuvre. Vous auriez pu, depuis huit mois, vous attaquer à la précarité. On sait très bien que si la masse salariale est en baisse constante depuis vingt-cinq ans, c'est à cause de la précarité et des emplois à temps partiel. (M. Guy Fischer applaudit.)

La réalité d'aujourd'hui est malheureusement connue. La baisse des prix des produits manufacturés ne compense plus la hausse des prix des services et des loyers.

M. Guy Fischer. Eh oui !

Mme Nicole Bricq. Le pouvoir d'achat subit cet effet de ciseaux. Dès lors, le déblocage de la participation apparaît comme un nouveau bricolage, identique à celui que nous avait proposé le ministre de l'économie et des finances en 2004. Or, on le connaît, son bilan ! Sa mesure avait consisté à orienter deux tiers des sommes débloquées vers d'autres supports d'épargne, notamment l'assurance vie - on sait pourtant que les produits financiers qui la composent sont très peu orientés vers le capital investissement et beaucoup vers les obligations assimilables du Trésor, qui servent à financer la dette de l'État - tandis que le tiers restant avait alimenté le déficit de notre balance commerciale.

Les mêmes causes produiront les mêmes effets, dans un contexte encore plus dégradé, car la crise bancaire aura pour effet de contracter fortement l'accès au crédit des entreprises et des ménages.

Le déblocage de la participation est un très mauvais signal donné à l'épargne salariale, dont les souscriptions sont modestes. La baisse des actifs fragilisera les gestionnaires de ces fonds. Les jeunes générations recevront un message brouillé concernant la préparation de leur retraite.

Enfin, si ce déblocage devient une sorte de crédit revolving, variable d'ajustement du pouvoir d'achat - le Président de la République souhaite généraliser ce dispositif et nombre de nos collègues aimeraient qu'il soit permanent -, quel intérêt les chefs d'entreprise auront-ils à négocier sur les salaires ?

N'étant pas à une contradiction près, et ignorant le calendrier parlementaire, le Président de la République a en effet promis d'étendre la participation aux entreprises de moins de cinquante salariés et de doubler, voire de tripler, le plafond de la participation. Pour faire bonne mesure, il propose à son Gouvernement d'avoir recours à une nouvelle niche fiscale : les entreprises de moins de cinquante salariés qui mettront en place un dispositif de participation verront le montant de leur impôt sur les sociétés baisser de moitié.

Le ministre des comptes, qui était auditionné hier par la commission des finances, sait, lui, que l'impôt sur les sociétés est en fait la véritable variable d'ajustement de notre équilibre budgétaire. Nul doute qu'il sera très content de mettre en oeuvre cette promesse présidentielle !

Mme Nicole Bricq. En conclusion, chers collègues de la majorité, vous vous apprêtez à voter un texte qui non seulement sera sans effet quand à l'objectif affiché - accroître le pouvoir d'achat -, mais qui, en outre, ne contient aucune orientation stratégique susceptible de répondre à la situation difficile de notre pays.

On reste sans voix lorsqu'on entend le Président de la République déclarer que « la France tient mieux que les autres ». Quels autres ?

Notre collègue Aymeri de Montesquiou a rappelé que le Premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, a fixé comme objectif à l'Espagne de dépasser la France.

M. Pierre Bernard-Reymond. Et de supprimer l'ISF !

Mme Nicole Bricq. C'est peu dire de l'état dans lequel nous sommes !

Mme Raymonde Le Texier. Quelle honte !

Mme Nicole Bricq. On est confondu quand on l'entend se féliciter d' « un taux de chômage qui n'a jamais été aussi bas ». Pourriez-vous lui rappeler - je m'adresse au Gouvernement et à sa majorité - que le nombre de sans-emploi en France est parmi les plus élevés d'Europe et que notre faible niveau de croissance ne nous permettra pas de faire mieux ? Tout le monde sait que, en dessous de 2,8 points de croissance, le nombre d'emplois créés n'est pas suffisant face aux destructions d'emplois.

Après avoir posé un mauvais diagnostic à l'été 2007, vous êtes aujourd'hui dans l'incapacité de faire face au retournement économique. Nous vous avions pourtant mis en garde en juillet dernier et nous n'avons cessé, texte après texte, de le faire depuis lors. La confiance réelle dont bénéficiait le Président de la République s'est effritée, mais la crise financière ne peut ni servir d'alibi à l'incohérence ni de prétexte pour, après les élections municipales, faire supporter votre imprévoyance à la France qui se lève tôt. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Mme Isabelle Debré applaudit.)

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le Président de la République a fait de la revalorisation du travail et du pouvoir d'achat l'un des thèmes de sa campagne électorale. Les mesures que nous étudions aujourd'hui s'inscrivent dans le prolongement de ces engagements et des réformes mises en oeuvre depuis l'été.

Le pouvoir d'achat est une préoccupation majeure des Français. Les prix ont augmenté : l'essence, mais aussi les fruits et légumes et les produits laitiers ; comme chacun d'entre nous, je le constate chaque semaine, parfois même deux fois par semaine quand le Sénat m'en laisse l'opportunité. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Cette augmentation rend difficile la vie quotidienne, particulièrement pour les plus modestes. C'est pourquoi certains salariés aimeraient simplement pouvoir travailler plus, s'ils le peuvent, sans être prisonniers du carcan des 35 heures ou du quota des heures supplémentaires. Nous le savons, ce sont non pas seulement les plus petits salaires qui ont souvent souffert des 35 heures, mais bien l'ensemble des salariés, comme l'a souligné tout à l'heure Anne-Marie Payet, lesquels ont vu leur salaire plafonner pendant plusieurs années.

M. Nicolas About, rapporteur. Bien sûr !

Mme Catherine Procaccia. Étant salariée à l'époque, je sais de quoi je parle ! (Mme Annie David s'exclame.)

Les 35 heures, presque tout le monde le reconnaît maintenant, ont bridé la croissance et le moteur de la richesse qu'est le travail. (Mme Annie David proteste.)

Le nombre d'heures travaillées en France est le plus faible de l'Union européenne : 1 470 heures par an, contre 1 700 heures en moyenne et plus de 2 000 heures au Royaume-Uni.

Mme Annie David. Le Royaume-Uni, est-ce vraiment un exemple ?

Mme Catherine Procaccia. Certes non, pas forcément !

En revanche, le fait que les 35 heures n'aient été reprises par aucun autre pays au monde est tout à fait révélateur. Mettre fin au caractère systématique de la diminution du temps de travail, alors même que certains évoquaient récemment le passage aux 32 heures,...

Mme Annie David. Et pourquoi pas ?

Mme Catherine Procaccia. ...devrait effectivement permettre d'accroître les revenus. Mais je veux éviter toute ambiguïté : personnellement, je ne souhaite pas que soit supprimé le cadre légal de la durée du travail ; si tel était le cas, les mesures en faveur des heures supplémentaires et des RTT exonérées d'impôt tomberaient d'elles-mêmes.

MM. Nicolas About, rapporteur, et Guy Fischer. Eh oui !

Mme Catherine Procaccia. J'ai donc eu le plaisir d'entendre tout à l'heure Xavier Bertrand confirmer que le Gouvernement partageait ma position.

Je souhaite simplement que ceux qui veulent travailler plus puissent le faire,...

Mme Catherine Procaccia. ...à condition, naturellement, que l'activité de leur entreprise le justifie.

Mme Christine Boutin, ministre. C'est évident !

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme Catherine Procaccia. Dès sa mise en place, le Gouvernement de François Fillon a agi rapidement. Un mois après l'entrée en vigueur de la loi TEPA, les mesures sur les heures supplémentaires avaient déjà produit leurs premiers effets, contredisant ainsi, dans les faits, un certain nombre de détracteurs, que je ne nommerai pas !

M. Thierry Repentin. Des noms ! (Sourires.)

Mme Catherine Procaccia. Ainsi, un salarié au SMIC, qui, en octobre dernier, est passé des 35 heures aux 39 heures a perçu 182 euros supplémentaires. Si ce n'est pas du pouvoir d'achat en plus, dites-moi ce que c'est !

Nous allons cet après-midi et demain examiner plusieurs mesures en faveur du pouvoir d'achat. Elles me plaisent parce qu'elles sont pragmatiques : rien n'est imposé, les salariés décideront individuellement de les utiliser ou non ; d'application immédiate, elles toucheront une grande partie des Français.

Madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je voudrais, tout d'abord, évoquer les RTT.

Si j'ai voulu être présente aujourd'hui, alors que j'avais des obligations dans ma commune,...

M. Thierry Repentin. Moi aussi !

Mme Catherine Procaccia. ...c'est que je pense avoir une certaine légitimité en la matière. Je ne sais pas combien de sénatrices et de sénateurs ont, comme moi, utilisé, posé et bénéficié des RTT, tout en les gérant pour une équipe de cinquante collaborateurs. Ces derniers voyaient en effet s'accumuler les jours de repos, mais, parfois, ne pouvaient pas ou ne voulaient pas les prendre.

Mme Raymonde Le Texier. C'était trop difficile à gérer !

Mme Catherine Procaccia. Vous le savez tous, - si vous ne l'avez pas vécu vous-mêmes, au moins en avez-vous eu connaissance - les RTT qui s'accumulent sont vite écrêtées et le compte épargne-temps est, lui aussi, plafonné.

M. Nicolas About, rapporteur. Bien sûr !

Mme Catherine Procaccia. Mes collaborateurs me demandaient que ces RTT leur soient payées, mais c'était impossible. Dorénavant, ils pourront demander un tel rachat et seulement s'ils le souhaitent.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Pierre Bel. Les chefs d'entreprise auront-ils les fonds pour payer ?

Mme Catherine Procaccia. Ceux qui consomment leurs RTT parce qu'ils en ont besoin continueront à le faire. Ceux qui veulent pouvoir se faire rembourser et payer une partie des RTT en auront également la possibilité. En France, aujourd'hui, 38 % des salariés, tous secteurs confondus, bénéficient de RTT, soit tout de même 6 à 7 millions de personnes qui pourront profiter de la mesure !

Mme Raymonde Le Texier. Et les autres ?

Mme Catherine Procaccia. Pour l'avoir moi-même vécu dans une entreprise, pour avoir moi-même eu des RTT qui ont été écrêtées, je suis persuadée que cette mesure correspond à une véritable attente. (M. Guy Fischer s'exclame.) C'est cette conviction qui me conduira d'ailleurs à vous présenter tout à l'heure, à titre personnel, un amendement visant à aller un petit peu plus loin que celui qui a été voté par les députés.

J'en viens maintenant à une autre mesure du projet de loi : le déblocage des sommes versées au titre de la participation et, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, la possibilité de verser une prime exceptionnelle.

Le déblocage anticipé prévu par le texte vise à rendre une partie de la somme investie au titre de la participation immédiatement disponible, au profit d'un accroissement du pouvoir d'achat des salariés. Cela concerne 5 millions de personnes. Les services du ministère du travail estiment que 10 % des sommes pourraient être débloquées, soit 12 milliards d'euros, mais que seul un tiers d'entre elles seraient consommées, soit 4 milliards d'euros.

Mme Catherine Procaccia. Le déblocage de la participation est une disposition qui va sans doute dans le bon sens en termes de pouvoir d'achat, mais je tiens à souligner, comme Mme Bricq il y a quelques instants, qu'elle a un effet pervers, même si nos interprétations divergent.

En effet, certains salariés, justement ceux qui n'ont pas de problèmes de pouvoir d'achat, vont pouvoir consacrer les sommes ainsi récupérées à l'épargne et non à la consommation. Une partie d'entre eux va même les réinvestir sur le plan d'épargne de leur entreprise, le PEE, dans la mesure où celle-ci viendra de débloquer la participation.

Or, dans un certain nombre d'entreprises, l'employeur peut avoir prévu une obligation d'abondement. Dans ce cas, l'entreprise concernée devra payer pour des sommes qui n'auront fait qu'un « voyage comptable ». À mon sens, il s'agit bien d'un effet d'aubaine.

Mme Catherine Procaccia. Celui-ci, en outre, ne bénéficiera qu'aux plus aguerris en matière financière.

Mme Catherine Procaccia. Je ne crois pas que tel ait été l'objectif du Gouvernement.

Mme Raymonde Le Texier. Mais si, il cherche à faire plaisir à son électorat et, donc, aux plus riches !

Mme Catherine Procaccia. Il a plutôt veillé à encadrer le dispositif de garanties afin de protéger les entreprises : nécessité d'un accord collectif lorsque l'investissement a été effectué dans l'entreprise, plafonnement des sommes débloquées, impossibilité du déblocage dans le cadre d'un PERCO, un plan d'épargne pour la retraite collectif.

Je présenterai donc un autre amendement à titre personnel, mais je remercie tous ceux qui l'ont cosigné, visant à éviter pareille situation. Je salue d'ailleurs l'attention qui a été portée aux PME et à leurs salariés, puisque le projet de loi favorise, pour ces entreprises non soumises à l'obligation de participation, le versement d'une prime exceptionnelle.

Madame la ministre, le logement constitue un autre volet de ce projet de loi. C'est un sujet qui est d'ailleurs, de façon constante, l'une des préoccupations principales des Français.

M. Thierry Repentin. Mais pas du Gouvernement ?

Mme Catherine Procaccia. Là aussi, le Gouvernement propose des mesures simples, mais fortes, significatives et applicables immédiatement.

La première est l'indexation des loyers sur l'évolution des prix à la consommation. C'est une mesure non seulement rationnelle, mais qui permet aussi et surtout de protéger les locataires les plus fragiles. Il s'agit d'une réponse concrète au problème de la hausse constante des loyers.

Ainsi, pour 2008, les loyers ne progresseront que de 1,8 %, contre 2,8 % avec l'indice actuel.

Mme Christine Boutin, ministre. Absolument !

M. Guy Fischer. Et de 5 % dans les HLM !

Mme Catherine Procaccia. Pour les locataires, cela équivaut à un tiers de hausse en moins, et c'est rassurant.

La deuxième mesure concerne le dépôt de garantie. Il représente actuellement deux mois de loyers, auxquels s'ajoute le premier mois de loyer à verser. La réduction du montant maximal de ce dépôt à un seul mois de loyer aura des effets immédiats sur la trésorerie des ménages qui cherchent à devenir locataires. Comme vous l'avez souligné, madame la ministre, la mesure bénéficiera particulièrement à ceux qui, conduits à déménager souvent, ne sont pas toujours en mesure de récupérer systématiquement la caution versée.

Je tiens à saluer votre action en faveur du logement, madame la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre. Je vous remercie, madame la sénatrice.

Mme Catherine Procaccia. De plus en plus de Français ont des difficultés pour accéder à un logement que j'ose appeler « normal », c'est-à-dire simplement adapté à la cellule familiale. Nombreux sont ceux qui ne vivent plus où ils le veulent, parce qu'ils n'ont pas les moyens de choisir.

Cette première série de mesures va donc dans le bon sens.

De même, je me félicite de l'initiative de notre président-rapporteur, qui propose, au nom de la commission des affaires sociales, de compléter le dispositif par une mesure en faveur des propriétaires.

Mme Raymonde Le Texier. Les propriétaires vont faire pression sur les locataires pour augmenter les loyers !

Mme Catherine Procaccia. Ils pourront ainsi percevoir directement l'allocation de logement sociale ou l'allocation de logement à caractère familial, en déduction du loyer. Cette mesure existe déjà pour l'APL, l'aide personnalisée au logement. Madame la ministre, j'ai bon espoir que cette disposition soit votée, d'autant que j'ai cru comprendre que vous y seriez favorable.

Mme Christine Boutin, ministre. Absolument !

Mme Catherine Procaccia. Son adoption permettra de mettre sur le marché plus de locations en faveur des foyers à revenus modestes.

M. Thierry Repentin. C'est à voir !

Mme Catherine Procaccia. Enfin, je souhaiterais rapidement, à titre personnel et au nom des collègues de mon groupe, me féliciter des mesures concernant le dégrèvement de redevance audiovisuelle pour les personnes âgées ayant de faibles revenus.

M. Guy Fischer. Parlons-en !

Mme Catherine Procaccia. Du reste, nous étions très nombreux à partager le même sentiment.

Mme Raymonde Le Texier. Pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ?

Mme Catherine Procaccia. Pour conclure, en proposant des mesures très ciblées et complémentaires de celles qui avaient déjà été mises en oeuvre, le présent projet de loi s'inscrit bien dans la démarche d'ensemble pragmatique engagée depuis l'été dernier. Bien évidemment, le groupe UMP votera en faveur de ce texte, en saluant le volontarisme dont il est fait preuve pour bâtir une société de travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, projet de loi portant engagement national pour le logement en 2006, projet de loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale en janvier 2007, projet de loi TEPA en juillet 2007 et, de nouveau, projet de loi pour le pouvoir d'achat aujourd'hui : quatre textes qui, dans leur contenu, traitent du logement en deux ans !

Projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat cet été, projet de loi pour le pouvoir d'achat aujourd'hui : deux textes à l'objet strictement identique en sept mois !

J'en tire la conclusion suivante : à défaut d'être efficace, le travail gouvernemental est assurément répétitif !

M. Guy Fischer. C'est la méthode Coué !

M. Thierry Repentin. C'est sans aucun doute pour cette raison que votre activiste de Président cherche manifestement à s'en distraire par tous les moyens et que le Gouvernement s'épuise à rechercher, d'un texte à l'autre, une codification originale pour des mesures anecdotiques. En d'autres termes : comment, de mois en mois, faire pareil différemment ?

Cette course effrénée derrière les annonces présidentielles nous vaut le présent projet de loi et ses grandiloquents cinq articles, dont deux sont consacrés au logement !

En novembre dernier, un sondage CSA faisait apparaître pour la première fois le pouvoir d'achat en tête des préoccupations des Français : il était cité par 48 % des personnes interrogées, devant la santé.

Or, cette inquiétude de voir son niveau de vie non plus stagner mais baisser trouve, en grande partie, sa source dans l'alourdissement des dépenses contraintes : le carburant, les énergies, l'alimentation et, surtout, le logement, dépenses très bien détaillées tout à l'heure par Raymonde Le Texier.

De fait, les dépenses contraintes, qui sont également incompressibles, celles que les ménages ne peuvent moduler d'un mois à l'autre, représentent en moyenne 37 % de leurs dépenses totales de consommation.

D'après l'évolution des seules dépenses de logement, madame la ministre, se loger selon ses aspirations et besoins est devenu un luxe : les loyers ont augmenté de près de 25 % en six ans dans le marché libre ; les prix au mètre carré à l'accession ont flambé de 82 % en six ans.

Mme Christine Boutin, ministre. La faute à qui ?

M. Thierry Repentin. Ces chiffres, qui constituent aussi votre bilan, mais dont nous ne contestons d'ailleurs pas la paternité, vous les connaissez. Le logement est le premier budget des ménages, qui y consacrent un quart de leurs revenus.

Le logement cher est la première composante de la vie chère.

Face à ce constat, partagé par l'ensemble des parlementaires, répété dans cet hémicycle texte après texte - et le Gouvernement n'en a pas été avare ! -, les articles 4 et 5 du présent projet de loi font pâle figure. En effet, il faut tout de même le dire, ils vont solliciter le budget de l'État à hauteur de... zéro euro !

M. Nicolas About, rapporteur. Cela n'empêche pas l'efficacité !

M. Thierry Repentin. Ainsi, l'article 4 remplace l'indice de référence des loyers par l'indice des prix. Les parlementaires socialistes se félicitent d'une telle mesure, qu'ils proposent de longue date, car elle est favorable à tous les locataires, ou presque ! En effet, telle que vous l'avez imaginée, elle ne s'applique pas à tous !

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Thierry Repentin. Madame la ministre, pourquoi avoir exclu du chantier « pouvoir d'achat » le loyer de relocation, celui qui est le support essentiel de l'envolée des loyers ? (Mme Raymonde Le Texier acquiesce.)

Mme Christine Boutin, ministre. On ne peut pas être partout !

M. Nicolas About, rapporteur. Si l'on bloque tout, il n'y aura plus rien à louer !

M. Thierry Repentin. Si l'on parle d'une « envolée des loyers », c'est bien parce qu'est comptabilisée l'augmentation du loyer constatée après la rupture d'un bail ou la signature d'un nouveau bail.

Ainsi, entre 1998 et 2007, la variation annuelle moyenne des loyers de relocation est de 6 % : un logement qui aurait changé chaque année de locataire pendant cette période aurait donc vu à chaque fois son loyer augmenter de 6 %. Or vous n'y faites pas du tout référence, notamment dans ce projet de loi.

Les parlementaires que nous sommes, chargés de l'intérêt général,...

Mme Christine Boutin, ministre. Nous sommes tous au service de l'intérêt général !

M. Thierry Repentin. ...ne peuvent s'y résoudre et ne doivent l'accepter. C'est le sens d'un amendement que nous discuterons fermement demain.

Mme Christine Boutin, ministre. Ce sera effectivement une discussion ferme !

M. Thierry Repentin. L'article 5, quant à lui, plafonne le dépôt de garantie à un mois de loyer. Un mois vaut toujours mieux que deux, bien sûr. (Marques d'ironie sur les travées de l'UMP.) Mais la somme à verser reste importante et s'ajoute à tous les autres frais à débourser lors de l'entrée dans les lieux.

Je remarque, en outre, que le délai de deux mois et les modalités de restitution, sur devis, du dépôt de garantie ne sont pas modifiés pour autant.

C'est une vision globale du dépôt de garantie et de son rôle qu'il nous faudrait pourtant adopter. Si ce dépôt doit sécuriser le propriétaire bailleur, on ne peut accepter, en effet, que cela se fasse sur le dos du locataire.

Les parlementaires socialistes proposeront donc que le paiement du dépôt de garantie puisse être échelonné sur plusieurs mois. Pourquoi vous y opposer ? 

Mme Christine Boutin, ministre. C'est prévu !

M. Thierry Repentin. Ils proposeront également qu'en fin de bail les retenues pour la restitution des dépôts de garantie ne s'opèrent que sur présentation des factures des travaux réalisés. Ce n'est pas le cas aujourd'hui !

M. Nicolas About, rapporteur. Ils seront restitués encore plus tard !

M. Thierry Repentin. Je regrette, madame la ministre, que le Gouvernement et la majorité n'aient pas saisi l'opportunité de cette entreprise législative pour rouvrir le dossier de la garantie des risques locatifs, car l'incompréhension est grande face au dispositif qui est mis en place.

Les Français, tous les Français, ont besoin d'une garantie universelle et mutualiste des risques locatifs.

Mme Christine Boutin, ministre. On est d'accord !

M. Thierry Repentin. On est d'accord sur le principe, mais pas sur sa concrétisation !

J'ajoute que cette garantie universelle et mutualiste doit aussi être lisible.

Le dispositif en vigueur n'est rien de tout cela, madame la ministre, bien que vos propos laissent croire le contraire.

Tout d'abord, il n'a d'universel que le nom, puisque les plus fragiles, c'est-à-dire ceux qui consacrent plus de 50 % de leurs revenus à se loger, sont exclus expressément du mécanisme retenu.

Par ailleurs, il est de nature facultative et assurantielle, son application dépendant de la seule volonté du propriétaire, qui choisit ou non de souscrire une assurance contre le risque d'impayés.

Mme Christine Boutin, ministre. Ce n'est pas possible !

M. Thierry Repentin. Enfin, ce dispositif est excessivement opaque.

Mme Christine Boutin, ministre. Vous n'en savez rien ! Comment pouvez-vous dire cela ?

M. Thierry Repentin. Madame la ministre, combien avez-vous signé de contrats sur les risques locatifs ?

Mme Christine Boutin, ministre. Je vous répondrai !

M. Thierry Repentin. Un peu plus que le nombre de maisons à 100 000 euros livrées dans notre pays ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin, ministre. Arrêtez ces provocations !

M. Alain Gournac. C'est nul !

M. Thierry Repentin. Mais ce chiffre est tout de même relativement bas.

Dépôt de garantie et caution solidaire sont rangés par nos concitoyens dans l'unique vocable « caution », synonyme au pire de barrières à l'accès au logement, au mieux de renchérissement, pour nombre d'entre eux. Ils auraient donc dû être traités conjointement.

Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Repentin, vous êtes capable de beaucoup mieux !

M. Thierry Repentin. Je note cependant que des avancées nécessaires, mais non suffisantes, figurent aux articles 4 et 5 du présent projet de loi.

La situation actuelle de grave inadéquation entre offre et demande de logements est issue d'une triple erreur, perpétuée de projets de loi en annonces gouvernementales : faire le choix idéologique de considérer le logement comme n'importe quel bien, dont le prix doit être fixé par le libre jeu de l'offre et de la demande ; ...

Mme Nicole Bricq. Par le marché !

M. Thierry Repentin. ... oublier son rôle central dans la vie des familles ; nier sa valeur symbolique de placement « refuge ».

Monsieur le ministre, la main invisible est décidément tellement invisible qu'elle a oublié de signaler son existence en matière de politique du logement !

Sans doute vos collègues MM. de Robien et Borloo ont-ils espéré la réveiller en mettant du charbon dans la chaudière, avec des avantages fiscaux sans contrepartie qui ont attisé la flambée des prix. Peine perdue ! La main invisible reste introuvable, ou plutôt demeure ce qu'elle a toujours été : un modèle économique, une clef de compréhension des mécanismes de marché, mais pas le fonctionnement du marché.

Or le logement n'est pas un bien comme un autre. A l'évidence, il s'agit non pas d'en réglementer les prix, mais bien d'introduire une boussole dans ce marché complexe. Cette boussole est celle de l'intérêt général et elle doit pointer un seul objectif : le logement de chacun selon ses aspirations et ses capacités contributives.

Cela est vrai pour le marché locatif. Cela est vrai, aussi, pour l'accession à la propriété.

L'absence de toute mesure tendant à alimenter le slogan gouvernemental « tous propriétaires » nous apprend deux choses : premièrement, la majorité s'est enfin rendu compte que l'accession à la propriété ne concernait que le quart des Français les plus aisés, quand la perte de pouvoir d'achat est la plus durement ressentie parmi les classes modestes ; deuxièmement, le Gouvernement reconnaît enfin que l'on n'agit pas sur le pouvoir d'achat lorsque l'on change le statut d'occupation.

Je regrette que ces enseignements ne se traduisent pas par la suppression tant attendue d'amortissements fiscaux dont tous les professionnels de l'immobilier reconnaissent pourtant le rôle inflationniste, tant pour le marché locatif que pour l'achat et la vente de logements.

Les yeux rivés sur la boussole de l'intérêt général, les parlementaires socialistes, pour leur part, ont formulé un certain nombre de propositions en vue de réguler le marché du logement.

Cela passe d'abord par un gel des loyers pendant un an. Après l'augmentation de 25 % des six dernières années, cette pause de douze mois ne portera pas préjudice aux propriétaires bailleurs. Nous savons que la vacance, dans notre pays, est à un niveau relativement faible, de l'ordre de 6 % du parc locatif, ce qui laisse à penser que le rendement locatif reste attractif. Douze mois sans hausse de loyers doivent nous laisser le temps d'élaborer, avec tous les acteurs du secteur, un bouclier logement.

Redonner du pouvoir d'achat aux Français, lequel a diminué de 10 % entre 2002 et 2006, c'est aussi améliorer le pouvoir solvabilisateur des aides au logement.

Rendre aux aides au logement tout leur rôle pour soutenir les ménages, c'est s'engager dans une revalorisation qui soit un véritable plan de rattrapage. Je rappelle que 20 % seulement des ménages français perçoivent les aides au logement. Les sommes ainsi réinjectées bénéficieront donc directement aux plus modestes.

Le mois de carence et le seuil de non-versement demeurent également des points noirs de notre politique d'aide à la personne. Le mois de carence interdit aux locataires de toucher les aides au logement le mois d'entrée dans les lieux. Or c'est précisément le moment où ils en ont le plus besoin. Il s'agit là d'une injustice !

M. Thierry Repentin. S'agissant du seuil de non-versement des aides au logement, ramené à 15 euros après une longue bataille des parlementaires socialistes et des associations, le seul motif que celles-ci sont inférieures à 15 euros par mois ne saurait justifier le non-versement de ces aides personnelles.

Enfin, je ne saurais clore ce propos sans rappeler que, dans notre pays, le logement abordable pour tous, c'est le logement social : un logement social voulu, assumé, valorisé, de qualité et mixte ; un logement social tel que communes et organismes HLM savent le faire.

Pourtant, le logement pour tous est aujourd'hui en danger, sous une triple menace.

La première menace provient d'une conception réductrice du logement social dans les rangs de l'actuelle majorité. Le Président de la République veut faire du logement social le logement des seuls plus démunis, rejetant tous les autres dans le marché libre, où les loyers sont trois fois plus élevés. Des quartiers entiers, des communes même, se verront ainsi obligés de renoncer à toute mixité.

M. Xavier Bertrand, ministre. La caricature ne rend pas crédible !

Mme Christine Boutin, ministre. C'est atterrant !

M. Thierry Repentin. La deuxième menace est le non-respect de la loi SRU. Sur les 780 communes qui ne respectaient pas, en 2000, le seuil de 20 % de logements sociaux, un tiers environ a rattrapé son retard, un autre tiers s'y emploie et un dernier tiers refuse obstinément de participer à la solidarité nationale. (M. Alain Gournac s'exclame.) Jusqu'à présent, ce dernier tiers bafoue la loi en toute impunité.

Madame Boutin, vous avez pris des engagements, à l'automne dernier, pour que cette situation cesse.

Mme Christine Boutin, ministre. Absolument !

M. Thierry Repentin. Nous serons donc vigilants sur les décisions réellement prises par l'État, qui ne sauraient se résumer à la seule annonce de constats de carence en 2012.

La troisième menace, enfin, est la mort du livret A. Une fois sa distribution banalisée et la centralisation des fonds abandonnée, ses encours seront siphonnés et captés par d'autres produits de placement, plus intéressants pour les banques, qui mobiliseront donc davantage leur force de vente en ce sens. Ce sera alors la fin d'un mode de financement du logement, ingénieux et économe pour les finances publiques.

Sur ces bases, mes collègues et moi-même nous mobiliserons pour améliorer sensiblement le pouvoir d'achat de nos concitoyens à partir du projet de loi que vous nous soumettez, sur lequel vous avez beaucoup communiqué et auquel vous avez donné une résonnance qui paraît bien excessive au regard de son contenu. Le peu de sénateurs appartenant à votre formation politique présents en séance - ils sont sept ! - l'atteste et en dit long sur le réel intérêt de votre gouvernement pour la question du pouvoir d'achat de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont souligné les intervenants précédents, une majorité de Français s'inquiètent de la baisse de leur pouvoir d'achat. En 2007, en effet, 71 % des Français ont subi une baisse de leur pouvoir d'achat.

À plusieurs reprises, nous avons rappelé au Gouvernement l'urgence de mesures en faveur de la revalorisation du pouvoir d'achat. L'opinion s'inquiète, comme le montrent de nombreuses études, notamment celles de l'INSEE. Depuis 2002, les inégalités n'ont cessé de se creuser et les Français les plus modestes, salariés ou bénéficiaires de minima sociaux, ont vu leur pouvoir d'achat s'effondrer.

Selon un sondage IFOP, trois Français sur quatre ne font pas confiance au Gouvernement pour augmenter le pouvoir d'achat. Aucun coup de pouce n'a été donné au SMIC ou aux pensions de retraite. La prime pour l'emploi, l'allocation de rentrée scolaire, les allocations familiales augmentent moins que la hausse prévue des prix. Aucune action n'a été menée pour inciter les entreprises à augmenter les salaires, mise à part une invitation à effectuer des heures supplémentaires.

Près d'un salarié sur cinq est rémunéré sur la base du SMIC horaire et un salarié sur deux perçoit moins de 1 480 euros net par mois. C'est là le résultat d'une politique qui vise à transférer la richesse produite vers le capital, au détriment de la rémunération du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est tout le contraire que nous voulons faire !

Mme Patricia Schillinger. En 2006, les groupes du CAC 40 ont versé aux actionnaires 45 % de leurs bénéfices nets, soit un pactole de 40 milliards d'euros. Cette hausse est d'autant plus scandaleuse et indécente que la rémunération des salariés à temps complet n'a augmenté, en six ans, que de 0,5 %. Face à ce constat, je comprends que les Français ne fassent pas confiance au Gouvernement.

Alors que les Français attendent des mesures concrètes en faveur d'une évolution favorable de leur pouvoir d'achat, on leur propose aujourd'hui un projet de loi qui ne s'adresse qu'à une minorité de salariés : les chômeurs, les retraités, les salariés à temps partiel ou en contrat précaire, les fonctionnaires, les salariés qui ne bénéficient pas de RTT, les allocataires de minima sociaux, les jeunes en recherche d'emploi et les étudiants en sont exclus.

En d'autres termes, ceux qui sont les plus fragilisés par la baisse du pouvoir d'achat sont totalement oubliés dans ce projet de loi. Vous excluez un grand nombre de nos concitoyens et, malheureusement, aucune mesure prévue dans ce texte n'améliorera la situation des chômeurs, des retraités ou des salariés des petites entreprises qui ne sont pas passées aux 35 heures !

Vous dites qu'il faut « travailler plus pour gagner plus », mais vous ne donnez pas cette possibilité à ceux qui en auraient le plus besoin. Ainsi, vous proposez des mesures qui n'auront pratiquement aucun effet sur la croissance et l'emploi. Ce texte n'est qu'un « effet d'annonce » !

Madame la ministre, monsieur le ministre, quelle réponse apportez-vous à ces millions de Français, retraités, chômeurs, travailleurs à temps partiel, RMIstes, salariés, qui ont tant de mal à assumer les dépenses les plus élémentaires d'alimentation, de santé et de logement ? Face à ce douloureux constat, les Français sont inquiets, méfiants, et ils ont raison.

Vous prétendez améliorer le pouvoir d'achat, mais il n'en est rien. Depuis l'été dernier, le pain a augmenté de 8 %, les produits laitiers de 40 %, et les volailles de 7,5 % en un an. Et on nous dit de manger cinq fruits et légumes par jour ! Depuis cinq ans, les loyers ont augmenté en moyenne de 3 %.

L'année 2008 sera difficile, avec peu d'espoir d'amélioration : augmentation des prix des produits alimentaires et de l'énergie, application de la franchise médicale, maintien de l'allocation aux adultes handicapés à un niveau très bas.

Et encore l'a-t-on échappé belle, car il était prévu de faire payer, en 2008, la redevance audiovisuelle aux personnes âgées aux revenus modestes ! En effet, 780 000 personnes âgées auraient dû payer, à ce titre, 116 euros par an. Cette décision s'est soldée par une véritable défaite pour le Gouvernement qui, après avoir tenté de faire payer cette redevance aux personnes âgées, a décidé de leur accorder, dans le projet de loi de finances, une réduction de 50 %. Mais, face à la colère soulevée par cette mesure et à l'approche des élections municipales, le Gouvernement a présenté en catastrophe, lors du passage de ce texte à l'Assemblée nationale, un amendement permettant le maintien de l'exonération.

Quant aux retraités, leur pouvoir d'achat ne cesse de s'affaiblir. Depuis plusieurs années, ils subissent l'augmentation des loyers et des charges, en même temps qu'une diminution des aides au logement. Il est inexact de croire que ces difficultés seront compensées par la suppression de la caution et la diminution du dépôt de garantie.

Dans ce texte, il n'existe aucune mesure spécifique concernant les retraités. Ceux-ci auront droit à 1,1 % d'augmentation de leur retraite au 1er janvier 2008, alors qu'est prévue, pour 2008, une inflation de 2,2 %.

Que devient la promesse faite pendant la campagne présidentielle d'augmenter de 25 % le minimum vieillesse et de revaloriser les petites retraites ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous tiendrons nos engagements, nous !

Mme Patricia Schillinger. Les seules mesures proposées sont la franchise médicale, la hausse des prix et une menace de faire payer la redevance audiovisuelle. Belle justice sociale !

Aux termes de l'article 27 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, les pensions de vieillesse devraient être revalorisées chaque année, afin de tenir compte de l'évolution des prix et de garantir le pouvoir d'achat.

Quelles sont les mesures envisagées afin de respecter la loi sur la revalorisation des retraites ?

Ce texte ne va donc pas améliorer la situation des retraités qui, à la fin du mois, ont moins d'argent et dépensent de plus en plus.

Le pouvoir d'achat constitue la première préoccupation des Français. Chacun est concerné, quelle que soit sa situation. Non seulement ce texte exclut une partie de la population, mais, en plus, il laisse peu de perspectives quant aux augmentations de salaire. En effet, le Gouvernement affirme sans relâche que, pour gagner plus, il faut travailler plus. Le travail lui-même ne sera plus revalorisé, de sorte que, pour augmenter son salaire, il faudra travailler plus, le soir ou le week-end. Dans le même temps, une certaine catégorie de la population, celle qui a obtenu des cadeaux fiscaux, parvient à gagner plus sans travailler plus.

Les Français ne veulent pas du démantèlement des 35 heures, pas plus qu'ils ne souhaitent, dans la majorité des cas, travailler le dimanche. Les contraindre à sacrifier le repos dominical qu'ils partagent avec leurs familles constitue une grave détérioration des conditions de vie des salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

II est grand temps d'arrêter d'accuser les salariés et les personnes défavorisées de tous les maux. C'est l'État qui doit protéger les Français des excès du marché. Ils attendent des mesures concrètes en faveur des salaires et contre la vie chère. Le pouvoir d'achat est un combat de justice et d'efficacité économique.

Devant l'impuissance du Gouvernement à tenir ses engagements, de nombreux Français souffrent et attendent, monsieur le ministre, madame la ministre, que l'on s'intéresse réellement à eux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Avant de laisser Mme le ministre répondre précisément aux orateurs sur la partie logement, je voudrais m'adresser à M. le rapporteur, qui a soulevé la question d'un dispositif pérenne de monétisation des JRTT.

Les partenaires sociaux sont saisis depuis fin 2007 de ce sujet, notamment au titre du document d'orientation complémentaire qui leur a été adressé par le Premier ministre le 26 décembre. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons nous en tenir à ce texte, qui comporte des modifications apportées à l'issue du débat à l'Assemblée nationale, notamment avec l'amendement de Frédéric Lefebvre. Nous aurons à examiner d'autres propositions, notamment celle de Catherine Procaccia. Il me paraît important de maintenir des dispositifs temporaires, même si la question de la date peut légitimement être posée.

Par ailleurs, je souhaite vous remercier, monsieur About, du travail que vous avez accompli, ainsi que des amendements pertinents que vous proposez ; ils devraient permettre d'améliorer le texte présenté par le Gouvernement.

La question de la participation a été évoquée à de nombreuses reprises, notamment par Nicolas About, Serge Dassault et Isabelle Debré. S'agissant du déblocage de la participation, il est maintenant impératif et urgent de refonder une politique globale, laquelle ne saurait plus se réduire à des déblocages successifs, certes exceptionnels. Celle-ci pourrait se résumer ainsi : plus de salariés concernés, plus de pouvoir d'achat, plus de salariés actionnaires.

Ce triptyque pourrait servir de base à la réflexion à laquelle seront associés les parlementaires et, bien sûr, les partenaires sociaux. Sur ce sujet, nous avons besoin d'un nouvel équilibre et d'une politique particulièrement ambitieuse ; je suis persuadé que nous aurons l'occasion d'y revenir lors des débats. Mais je sais pertinemment que ce chantier de la participation évoqué par le Président de la République dans ses voeux, vous êtes très nombreux ici à vouloir l'engager.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. En ce qui concerne les axes suggérés par Isabelle Debré et Serge Dassault, à savoir la simplification, la stabilité dans le temps et l'élargissement du dispositif, notamment pour les entreprises de moins de cinquante salariés, le Gouvernement, qui a bien reçu le message, retiendra ces pistes dans sa réflexion.

Madame Le Texier, le texte en question, il faut, certes, le prendre pour ce qu'il est, mais la caricature ne fait de bien ni au débat démocratique ni à celles et ceux qui s'en servent.

M. Alain Gournac. Il ne faut pas trop en faire !

M. Xavier Bertrand, ministre. Car, comme un boomerang, c'est une arme qui revient forcément dans le visage de celles et ceux qui l'utilisent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Ce que demandent aujourd'hui les Français, c'est de la pédagogie. Que l'on puisse bien montrer les clivages, c'est tout à fait légitime, mais il ne sert à rien de chercher à travestir la vérité.

Mme Nicole Bricq. Justement ! Nous sommes bien d'accord !

M. Xavier Bertrand, ministre. Quand on interrompt un orateur, c'est qu'on n'est pas sûr de la force de ses arguments ! (Rires sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

N'oubliez pas le bon sens des Français, qui savent faire la part des choses et qui, je suis désolé de vous le rappeler, n'ont fait le choix des candidats socialistes ni en 1995, ni en 2002, ni en 2007. Cela commence à faire beaucoup ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Vous devriez y réfléchir !

M. Xavier Bertrand, ministre. Et cela veut dire quelque chose ! Aujourd'hui, nombreux sont les socialistes qui se demandent s'il ne faut pas changer de registre et faire des propositions plutôt que de se cantonner à de vaines entreprises de démolition qui ne font pas de bien au débat démocratique.

Selon vous, madame le sénateur, le déblocage dépendrait du bon vouloir des employeurs. Pas du tout ! Je vous renvoie au texte, qui préserve les règles.

Vous avez également dit que le déblocage ne concernerait que 6 % des salariés. Peut-être avez-vous voulu dire 43 % des salariés, si j'en crois le nombre de salariés concernés.

Madame Schillinger, le dispositif ne s'adresserait qu'à une minorité de salariés, dites-vous ? Je veux bien tout ce que vous voulez, mais regardez les chiffres ! Les accords de participation concernent de 50 % à 60 % des salariés. Ceux-ci seront heureux d'apprendre le peu de cas que vous faites d'eux !

Quant aux bénéficiaires des JRTT, ils sont 38 % des salariés, soit un sur trois. Eux aussi seront ravis de savoir qu'ils comptent si peu !

De même, on a voulu laisser croire que, depuis le mois d'octobre, on ne ferait plus d'heures supplémentaires en France. La vérité, c'est que 50 % des entreprises ont eu recours aux heures supplémentaires en novembre et 40 % en octobre.

M. Alain Gournac. Eh oui ! Une sur deux !

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela fera plaisir à ces salariés de savoir qu'ils n'existent pas !

Notre volonté d'agir ne se démentira pas au cours de ce quinquennat, car nous devons oeuvrer pour celles et ceux qui symbolisent le travail, pour celles et ceux que nous voulons ramener vers le travail, mais aussi pour celles et ceux qui ne peuvent pas ou ne peuvent plus travailler.

Nous tiendrons tous nos engagements, monsieur Fischer, s'agissant de la revalorisation des petites pensions, du minimum vieillesse, des pensions de réversion, comme nous assumerons nos responsabilités en matière de pouvoir d'achat des retraités. Une chose est certaine, cela doit se faire avec précision, et il nous faudra connaître exactement les prévisionnels d'inflation pour garantir le pouvoir d'achat des retraités.

Monsieur Fischer, dans vos considérations générales, vous vous opposez aux réponses concrètes que nous apportons à la question du pouvoir d'achat des Français. Mais, par le passé, je vous ai connu plus dur envers d'autres majorités, socialistes, il est vrai !

Mme Nicole Bricq. Qui aime bien châtie bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur de Montesquiou, vous avez raison, la politique malthusienne longtemps suivie par la France a fortement pénalisé notre économie. Le travail n'est pas un gâteau qui se partagerait en parts supérieures en nombre et inférieures en valeur. Le travail, c'est un gâteau qu'il faut augmenter.

Mme Nicole Bricq. C'est vrai, mais pas comme vous le faites !

M. Xavier Bertrand, ministre. Si on le libère en permettant de travailler plus, nous pourrons davantage jouer la carte de la solidarité dans notre société. Le Gouvernement veut donc plus de souplesse pour ceux qui la souhaitent.

Ceux qui ont eu la curiosité et le courage de regarder ce que font nos voisins savent qu'il existe effectivement des pistes intéressantes. Notre ambition est de libérer du carcan des 35 heures les entreprises, les employeurs comme les salariés.

En tout cas, je vous remercie, monsieur de Montesquiou, du soutien que la majorité du groupe RDSE entend apporter à ce texte.

Madame Payet, je n'ai pas l'intention de suivre la même démarche idéologique que celle qui a consisté à imposer les 35 heures. Je ne veux pas user de la méthode autoritaire que j'ai critiquée à l'époque, et que même de nombreux socialistes reprochent aux concepteurs de ces lois sur les 35 heures. Si je veux rendre les choses possibles, je n'entends pas les imposer d'en haut. C'est toute la différence !

Si l'on pose la question des contingents, des forfaits jour, on s'aperçoit qu'il faut, grâce au dialogue, trouver des solutions.

J'ai compris votre souci de pérenniser la possibilité de racheter les journées de RTT. Mais je pense qu'il faut le faire dans un cadre sécurisé juridiquement et, qui plus est, en ayant pris le soin auparavant de connaître la position des partenaires sociaux.

Je vous remercie également du soutien que le groupe de l'Union centriste apportera au texte du Gouvernement, sous réserve des spécificités que vous avez exprimées et des apports que vous comptez faire à ce texte.

Mesdames Bricq et Schillinger, vous avez beaucoup parlé de réformes. J'aime bien vous entendre parler de réformes, mais encore faudrait-il que vous, les socialistes, ayez des références en la matière ! Car on est beaucoup plus crédibles quand on a des références. Or, en matière de retraites, je suis désolé de vous le dire, vous n'avez rien fait !

M. Xavier Bertrand, ministre. En matière d'assurance maladie, vous n'avez rien fait ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) En matière de dialogue social, vous n'avez rien fait !

M. Jean-Pierre Bel. Ce n'est pas de la caricature !

M. Xavier Bertrand, ministre. La crédibilité se construit à partir du courage de mener les réformes. Loin de moi l'idée d'entrer dans une quelconque guerre, mais encore une fois, je suis désolé de vous le dire, en matière de réforme, des références, vous n'en avez guère !

Mme Nicole Bricq. Vos réformes, vous n'avez pas les moyens de les payer !

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Procaccia, vous avez eu raison de souligner la nécessité de rompre avec les mesures à la fois automatiques et autoritaires. Cette nécessité, nous devons l'avoir à l'esprit. Vous qui venez du monde de l'entreprise, vous savez concrètement ce que c'est que de gérer des journées de RTT.

Je revendique le pragmatisme dont savent s'inspirer les acteurs dans l'entreprise. Cela nous permettra de faire en sorte que les décisions qui seront prises concerneront des millions de Français. Nous entendons, au-delà du vote, nous assurer de l'applicabilité de ce texte pour le pouvoir d'achat. C'est tout l'enjeu du dispositif ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier l'ensemble des orateurs de la qualité du débat, en particulier s'agissant du domaine qui me concerne plus directement.

Je vais m'efforcer de vous répondre aussi précisément que possible sans abuser de votre temps.

Monsieur le président-rapporteur, vous avez laissé entendre que les propositions relatives au logement ne s'appliqueraient qu'au parc privé. Vous avez également insisté sur la nécessité de protéger les propriétaires face aux mesures proposées.

Votre première remarque, reprise par d'autres orateurs, doit être précisée, car elle n'est que très partiellement exacte, tant sur l'indexation de l'IRL que sur le dépôt de garantie.

S'agissant de l'indexation de l'IRL, je tiens à préciser à la Haute Assemblée que les loyers plafonds du parc HLM sont naturellement concernés. Cette indexation donne donc une sécurité sur le loyer maximum.

En ce qui concerne les mesures relatives au dépôt de garantie, il est vrai que le dépôt de garantie dans le parc HLM était déjà d'un mois. En apparence, cela ne change pas grand-chose. En réalité, vous le voyez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, nous faisons converger les conditions pour le parc public et pour le parc privé. L'accord passé avec l'UESL sur le Locapass bénéficiera à tous, au privé comme au public, et cela vaudra naturellement pour les locataires du parc HLM.

Monsieur le président-rapporteur, j'adhère naturellement à vos remarques sur la nécessaire protection des propriétaires. Je le dis aussi aux orateurs de toutes les sensibilités qui ont appelé notre attention sur ce sujet.

Comment voulez-vous que la ministre du logement que je suis, confrontée à la situation de pénurie très importante de logements que connaît la France aujourd'hui, ne soit pas sensible à cette question ? Compte tenu de la non-fluidité de l'ensemble du parc logements -  et je pense aussi bien à la personne qui n'a pas de logement qu'à celle qui est très bien logée - nous devons en permanence, monsieur le président-rapporteur, veiller à un équilibre entre les locataires et les propriétaires.

Je vous l'accorde, et je l'avais d'ailleurs déjà dit dans mon exposé introductif, les deux mesures qui sont présentées dans ce projet de loi donnent l'impression que le Gouvernement favorise davantage les locataires. Si nous les avons proposées, c'est parce que nous estimons que les locataires sont plus souvent que les propriétaires dans des situations de grande fragilité, mais cela ne signifie en aucune manière que nous ne tenons pas compte des propriétaires. La France a besoin d'eux, et nous devons les encourager à mettre sur le marché les logements qui aujourd'hui n'y sont pas à cause du risque qui peut exister.

M. Nicolas About, rapporteur. Bien sûr !

Mme Christine Boutin, ministre. La préoccupation que vous avez exprimée, monsieur le rapporteur, est donc tout à fait légitime et je tiens à vous donner l'assurance que, dans le prochain texte sur le logement, car il y en aura un, nous verrons ce qu'il est possible de faire en ce qui concerne les propriétaires.

Mme Raymonde Le Texier. Nous verrons...

Mme Christine Boutin, ministre. En outre, monsieur le président-rapporteur, le Gouvernement vous donnera satisfaction puisqu'il entend, bien sûr, émettre un avis favorable sur un amendement, proposé par vous et repris par la commission, qui permet d'ores et déjà de gommer un peu l'inégalité qui existe dans le présent texte.

Madame Le Texier, ma conviction profonde est que chacun doit pouvoir s'appuyer sur deux piliers pour tenir debout et avancer : le travail et le logement, et peut-être convient-il même de citer le logement avant le travail.

M. Guy Fischer. Sans travail, on ne peut pas payer le logement !

Mme Christine Boutin, ministre. En tout cas, les deux sont liés ! Il faut avoir un logement pour travailler et il faut aussi pouvoir changer de logement pour changer de travail. Le logement est donc au coeur de la vie quotidienne de chacun d'entre nous.

Vous le savez, madame Le Texier, les décisions relatives au logement sont des décisions structurelles, de long terme, et qui doivent répondre aux attentes de nos concitoyens.

Les Français attendent des mesures. Les deux dispositions que nous proposons aujourd'hui - ce sont les premières, mais de nombreuses autres s'inscriront dans le temps - visent à apporter une réponse à ceux d'entre eux qui sont locataires, car, comme je le disais à M. About, ils sont plus souvent en situation de fragilité.

En respectant les logiques du marché, nous permettons une modération des loyers et un accès plus facile à la location, mais nous irons beaucoup plus loin - et j'aurais l'occasion de préciser ce point lorsque je répondrai à M. Repentin - en ce qui concerne la garantie du risque locatif universelle.

Mme Debré a davantage centré son intervention sur l'article 2, relatif à la participation aux résultats de l'entreprise ; à titre personnel, je ne puis qu'être tout à fait favorable à la philosophie de la participation, que je porte et qui me paraît également intéressante appliquée au logement.

Monsieur Fischer, vos remarques m'amènent tout d'abord à signaler que, si l'IRL permettra dès le 1er janvier de modérer les loyers, les bénéficiaires de l'APL verront celle-ci augmenter en 2008, non pas tout à fait de 3 %, mais de 2,76 %.

M. Guy Fischer. C'est à noter !

Mme Christine Boutin, ministre. Cette mesure répond donc à vos attentes en s'adressant aux plus fragiles.

Je veux ensuite, et surtout, revenir sur le nécessaire travail à conduire entre les partenaires sociaux et le patronat. Pour le dispositif Locapass, les partenaires sociaux, les syndicats et le MEDEF, réunis au sein de l'UESL, ont trouvé un accord pragmatique, que je tiens à saluer.

Concret et efficace, cet accord permet de distribuer plus de 1 milliard d'euros de pouvoir d'achat. Ce n'est pas rien ! Mais sachez, monsieur Fischer, puisque vous l'avez cité, que comme Frédéric Lefebvre, qui a participé à l'accord sur le Locapass, je dis que nous devons faire davantage !

Monsieur de Montesquiou, vous avez, à juste titre, souligné le fait que les mesures sur le logement allaient soulager les ménages modestes. Je vous en remercie, car c'est bien là la priorité que nous nous sommes donnée dans les articles 4 et 5.

Vous avez également mis en avant un élément qui me semble essentiel : la restauration de la confiance. La confiance est effectivement fondamentale pour toute politique du logement.

L'ensemble des acteurs du logement se sont mobilisés, vous le savez, lors de la décentralisation de mon ministère à Lyon, laquelle a représenté une étape très importante dans l'exercice de mes responsabilités ministérielles en créant, grâce à l'unité de temps et de lieu, une synergie qui commence à porter ses fruits.

Sans confiance, nous ne parviendrons pas à faire venir sur le marché les logements vacants.

Sans confiance, nous ne pourrons pas construire 500 000 logements par an, ce qui est l'objectif qui m'a été fixé.

Sans confiance, nous n'arriverons pas à convaincre les particuliers de ne pas bloquer de manière abusive les permis de construire.

S'il y a aujourd'hui des élus qui veulent construire des logements, et il y en a davantage qu'on ne le croit, il faut reconnaître que leurs projets suscitent bien souvent la création, pour des motifs plus ou moins fondés, d'associations de défense, ce qui a pour effet, au mieux, de retarder des constructions déjà longues à réaliser ou, pis, de « tuer » les projets. J'appelle donc l'attention de nos concitoyens sur leurs responsabilités compte tenu de la gravité de la situation.

Sans confiance, nous ne parviendrons pas à maîtriser les prix de la location.

Sans confiance, nous ne pourrons pas mettre en oeuvre le DALO.

Je crois donc profondément à la nécessité de rétablir la confiance, raison pour laquelle, je l'avoue, certaines interventions m'ont particulièrement touchée dans un sens négatif : il s'agit aujourd'hui non pas d'installer la défiance mais, au contraire, tous ensemble, qui que nous soyons, quelles que soient nos positions politiques, de soutenir la confiance pour pouvoir répondre, dans le domaine du logement, aux besoins élémentaires de nombre de nos concitoyens.

M. Nicolas About, rapporteur, et M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Christine Boutin, ministre. Madame Payet, je retiens l'appréciation positive que vous avez portée sur les articles 4 et 5.

Vous avez justement fait remarquer que les mesures de modération des loyers nécessitaient une évaluation ; je rappelle que, grâce à un amendement parlementaire adopté à l'Assemblée nationale, cette évaluation est prévue dans un délai de trois ans, ce qui me semble aller dans le bon sens.

Je tiens en outre à vous indiquer - et, ce faisant, je réponds aussi à M. Repentin - que plus de 100 000 PASS-GRL ont déjà été signés, et non pas, monsieur Repentin, quelques centaines. Je précise de surcroît que ce dispositif n'est véritablement entré dans sa phase opérationnelle que depuis le mois de septembre, du fait du temps nécessaire pour mettre en place la procédure, les personnels, etc.

Madame Bricq, vous avez fait une critique assez générale, ce qui n'est pas surprenant.

La politique du logement est cependant une politique globale qui répond à des équilibres économiques et sociaux auxquels nous devons tous veiller, et ces équilibres doivent évoluer progressivement. Avec les deux mesures que nous présentons, non seulement nous accroissons le pouvoir d'achat, mais nous donnons également un signal.

Madame Procaccia, je tiens à saluer la compétence dont vous avez fait montre dans votre intervention, tant sur le volet entreprise et travail que sur celui qui me concerne. Le logement est un domaine fondamental pour la cohésion sociale dans notre pays, et je vous remercie de votre soutien.

Monsieur Repentin, franchement, j'ai été surprise par vos propos. Vous avez balayé le sujet de façon un peu caricaturale, ce qui n'est pas dans vos habitudes. Que nous n'ayons pas les mêmes choix politiques est tout à fait normal : comme l'un des intervenants l'a dit, c'est la base de la démocratie. Mais vous êtes un spécialiste du logement, vous connaissez parfaitement les enjeux et ne pouvez donc nier que votre propos était excessif.

M. Aymeri de Montesquiou. Il est facétieux !

Mme Christine Boutin, ministre. Vous savez que la situation du logement est grave. J'ai toujours essayé de faire en sorte, compte tenu de notre responsabilité collective au regard de la situation que je suis amenée à gérer aujourd'hui, de ne pas stigmatiser les uns et les autres selon leur appartenance politique.

Dans cet esprit, vous me permettrez de ne pas rappeler le manque de construction de logements sous le Gouvernement de M. Jospin. Nous n'avons aucun intérêt, ni les uns ni les autres, à nous renvoyer la balle ; il est au contraire essentiel pour nos concitoyens que nous nous attachions tous ensemble - avec, bien entendu, des nuances dans nos choix politiques - à relever le défi du logement.

Vous avez déposé plusieurs amendements, monsieur Repentin, et je vous répondrai plus précisément lors de leur examen, mais permettez-moi de vous demander, à vous comme à l'ensemble des membres de la Haute Assemblée, d'accepter que nous travaillions ensemble sur cette question, car nous n'avons le droit ni d'en rire ni d'en faire un enjeu politicien.

Enfin, madame Schillinger, si j'espère avoir répondu, au travers des quelques éléments d'information que je viens de donner, à vos préoccupations, je vous dirai, comme à M. Repentin, que nous aurons l'occasion d'aller plus avant lors de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°63, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi pour le pouvoir d'achat adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n°151, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Annie David, auteur de la motion.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre système politique est organisé, depuis l'après-Seconde Guerre mondiale, autour de trois textes majeurs, auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu valeur constitutionnelle dans sa décision « Liberté d'association », fondatrice s'il en est, en date du 16 juillet 1971.

Cette décision, que de nombreux observateurs ont qualifiée de « révolution constitutionnelle », changea de manière considérable l'approche constitutionnelle de notre pays.

D'une part, elle traduit la place nouvelle que prend le Conseil constitutionnel, qui revêt le caractère de défenseur des droits fondamentaux des citoyens, ce qui lui confère une mission à la fois importante et cruciale. Il n'est plus seulement « une arme pointée contre le Parlement ».

D'autre part, et surtout, dans cette décision, faisant référence au Préambule de la Constitution de 1946, il renvoie à la notion de « bloc de constitutionnalité », en considérant que le Préambule de la Constitution de 1946, celui de la Constitution de 1958 et la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen ont tous une portée constitutionnelle.

Dès lors, il n'y aura plus qu'une seule référence constitutionnelle dans notre pays, principalement axée sur l'organisation politique et institutionnelle.

Il y aura aussi, et il y a toujours, un certain nombre de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Ces principes, humains et sociaux, fruits d'une construction progressive marquée par les évolutions sociétales de notre pays, ont construit la République dans laquelle nous vivons, une République tournée vers la paix, la démocratie, la reconnaissance des droits individuels et collectifs et qui affirme, permettez-moi de le rappeler ici, comme l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

Je ne reviendrai ni sur la notion de démocratie ni sur celle de laïcité, bien que des faits présidentiels récents m'en donnent l'envie. Vous l'aurez compris, c'est à la référence à une République sociale que je m'attacherai, cette référence, issue des Lumières, héritage de la Révolution française dans son aspiration à en finir avec les privilèges, alors que certaines décisions présidentielles, là encore, semblent traduire sur ce sujet la volonté de faire un retour en arrière ; héritage de la Révolution donc, mais héritage réapproprié et reconstruit par les femmes et les hommes de progrès qui, durant la Seconde Guerre mondiale, construisirent pour la future France libre un projet de société intitulé « programme national de la Résistance, qui sera, dès le sortir de la guerre, la base fédératrice pour la reconstruction de notre pays.

Ne vous en déplaise, cette référence à une république sociale constitue la singularité même de notre régime ; plus qu'une spécificité, elle est, à n'en pas douter, l'exception française même.

Pourtant, ces garanties constitutionnelles ne vous empêchent pas de nous présenter des projets de lois de plus en plus intolérables - la privatisation du service public de l'emploi, avec ses conséquences sur le statut des agents ; bientôt, la rétention de sûreté, qui créé une seconde condamnation à vie -ou encore des textes comportant des mesures inacceptables, comme les tests ADN.

Ces décisions sont toujours validées par le Conseil constitutionnel, dans une opacité certaine ; à n'en pas douter, notre démocratie aurait besoin d'une autre forme de contrôle de constitutionnalité, qui favoriserait, notamment, le lien direct entre cette institution et les citoyens.

Aussi, le présent projet de loi mérite d'être analysé au regard de cette construction constitutionnelle. Il nous faut l'appréhender sous le double éclairage de la Constitution de 1958 et du Préambule de 1946.

En décidant de faire de notre république une république sociale, les constituants ont eu à coeur de développer tout à la fois la France et les droits de celles et ceux qui la construisent. Ils ont souhaité bâtir une France de progrès, un pays où l'évolution serait toujours positive, l'avenir toujours une avancée, et où tous les citoyens auraient droit à une protection, que ce soit en matière de santé, de sécurité, ou encore de logement.

Le Préambule de la Constitution de 1946 garantit, quant à lui, à chacun des Français le devoir et le droit de travailler. Or, vous le reconnaîtrez sans peine, ce droit est aujourd'hui plus qu'ignoré, et votre projet de loi aggravera cette situation, car son dispositif est inique : il crée des inégalités, en ne s'adressant, au final, pour toutes ses dispositions - sauf une sur le logement - qu'aux Français qui travaillent.

Pas un mot, pas un geste pour les étudiants, les retraités ou ceux qui, en raison des règles économiques libérales, se trouvent privés d'emploi ! Et encore, quand je parle de ceux qui travaillent, je devrais évoquer les salariés qui bénéficient de RTT, d'heures supplémentaires ou de comptes épargne-temps. Pour les autres, et ils sont sans doute les plus nombreux, c'est la règle de l'arbitraire qui s'applique, celle du bon vouloir de l'employeur.

Vous avez donc tricoté un projet de loi qui, en cinq articles initiaux seulement, réussit l'exploit de ne pas répondre au problème du pouvoir d'achat et de violer les principes d'égalité qui fondent notre société, en instaurant autant de règles qu'il y a de situations différentes !

Pour vous, modernité signifie règle du particulier. Vous n'avez cure des droits collectifs, et les principes fondamentaux de notre république n'ont pour vous de valeur que s'ils sont individualisés, quitte à oublier au passage une ou plusieurs catégories de nos concitoyens. C'est le cas ici, je le répète, des étudiants et des retraités, qui devront encore se serrer la ceinture, si tant est que votre projet de loi produise un jour des résultats.

En effet, monsieur About, vous nous disiez tout à l'heure que, grâce à ce texte, nos concitoyens pourraient gagner plus en travaillant plus. Mais encore faut-il qu'ils travaillent !

Le signal envoyé aux Français est limpide : c'est la fin de la république sociale qui voulait le progrès pour tous ses citoyens. C'est le règne du « chacun son tour », quand ce n'est pas le chacun pour soi. C'est le triomphe du partage de la misère, alors que les bénéfices des entreprises du CAC 40 s'étalent au grand jour.

Le département dont je suis l'élue n'échappe pas à ce triste constat de la montée du mal-être social et de la pauvreté : les restructurations, délocalisations et autres plans de licenciements rythment le quotidien de l'activité économique en Isère, et ce sont les salariés qui en subissent les conséquences, au nom du profit et de la libre concurrence.

La liste des entreprises qui ont eu recours à de telles pratiques ces dernières années est longue. On peut évoquer, pour en citer seulement quelques-unes, Poliméri - j'ai, d'ailleurs, interrogé Mme Lagarde, ministre de l'économie, sur les derniers développements européens de ce dossier, et j'attends sa réponse -, Arkéma, le groupe Total, LAF, ainsi que, plus récemment, Ascométal ou Rhodia pour la chimie ; malheureusement, les exemples ne manquent pas en Isère.

Dans ces conditions, on ne peut que constater la fin de cette république sociale, de ces valeurs dont il ne reste plus qu'un souvenir. En effet, quand le législateur intervenait, même dans un passé récent, il avait à coeur d'agir pour toutes et tous. Il ne fragmentait pas le corps citoyen comme vous le faites, monsieur le ministre. Il existait des principes communs, une règle commune, à savoir que le progrès se partage entre tous. Au lieu de cela, votre gouvernement individualise les mesures et rompt, ce faisant, avec la tradition de solidarité de notre pays.

Notre Constitution précise que notre République est « une et indivisible ». Il ne s'agissait pas seulement de garantir les frontières de notre pays et d'empêcher les velléités indépendantistes de quelques régions. Il s'agissait aussi de faire de la France une république des égalités humaines, conformément à la devise de notre pays, inscrite au fronton de toutes nos mairies et écoles.

En effet, en écrivant que notre République était une et indivisible, les constituants, à n'en pas douter, voulaient affirmer qu'il en allait de même de notre peuple. Or que faites-vous ? Vous divisez nos concitoyens en autant de « publics », de cibles, comme on dit dans un domaine que vous affectionnez particulièrement, celui de la publicité.

La question du pouvoir d'achat devenant la priorité des Français, il vous fallait agir, et vite, avant les élections municipales ; nous sommes désormais habitués à cette précipitation !

Toutefois, au-delà de l'affichage politique et du « plan médias » déployé par votre gouvernement, on comprend mal, pour ne pas dire pas du tout, la raison pour laquelle vous avez déclaré l'urgence - je reviendrai sur ce point -, mais on saisit parfaitement la logique qui vous anime : il vous fallait un projet de loi qui prouve votre intérêt pour la France qui travaille, ce qui n'était pas vraiment le cas jusqu'ici.

Avec la loi TEPA, vous avez montré votre intérêt pour la France qui hérite et celle qui crée des emplois précaires, et ce ne sont pas vos exonérations des heures supplémentaires qui viendront modifier la situation, loin s'en faut.

Dans l'urgence donc, pour ne pas dire dans la précipitation, vous avez élaboré ce texte. Aucun budget n'est prévu pour ce projet de loi, alors que c'est à grand renfort de fonds publics que vous avez financé la loi TEPA - à hauteur de 15 milliards d'euros, rappelons-le -, des sommes qui manquent d'ailleurs cruellement à l'État aujourd'hui ; et le Président de la République de constater, ironie suprême, qu'il ne peut rien faire puisque les caisses sont vides !

Il vous fallait donc une loi qui ne coûte rien à l'État, qui soit prête rapidement, avant les municipales, et dont le titre au moins réponde aux préoccupations des Français. C'est chose faite !

En effet, cette loi, que l'UMP, en majorité bien disciplinée qu'elle est, ne manquera pas de voter, ne coûtera pas un euro à l'État : la monétisation des RTT, celle des repos compensateurs ou le rachat du solde des comptes épargne-temps étant laissés au bon vouloir de l'employeur, l'État ne mettra rien de sa poche.

Mme Catherine Procaccia. Pourquoi l'État devrait-il absolument intervenir !

Mme Annie David. S'agissant de la prime de 1000 euros, « vous y aurez droit », dites-vous, sauf si l'employeur ne veut ou ne peut la verser ! Mais, dans ce cas, l'État interviendra-il ? Non, car comme pourrait le dire un dicton, « argent dilapidé en été, en hiver richesses impossibles à partager ». Et il en va ainsi de toutes les mesures inscrites dans ce projet de loi !

Si vous me permettez - pour une fois ! - d'adopter un ton un peu moqueur, bien que ce texte soit d'une extrême importance, je dirai que vous invitez les salariés au restaurant pour leur demander au final de payer l'addition, ou encore, pour paraphraser le titre d'un film à succès, que votre projet de loi pourrait se résumer ainsi : « Viens chez moi, j'habite chez une copine » !

Toutefois, si vous parvenez à présenter une loi pour tenter de relancer le pouvoir d'achat des Français sans que l'État mette la main à la poche, il n'en va pas de même des organismes sociaux, puisque les sommes débloquées des comptes épargne-temps, les RTT et les repos compensateurs, qui, je le rappelle, ne coûtent rien à l'État, seront partiellement exonérées de cotisations sociales, exonération trop faible sur laquelle, à n'en pas douter, certains sénateurs voudraient revenir, non pour la supprimer, mais pour l'accroître.

Ces dispositifs auront donc pour effet d'appauvrir plus encore les comptes sociaux. On voudrait faire périr de mort lente notre régime de protection sociale qu'on ne s'y prendrait pas autrement !

Monsieur le ministre, tout d'abord, pouvez-vous nous indiquer le nombre précis de salariés qui recourront aux dispositifs prévus aux articles relatifs au rachat des congés et des RTT ? Ensuite, pouvez-vous nous préciser si le Gouvernement a prévu de compenser en totalité le manque à gagner pour les comptes sociaux, et à quelle date ?

M. Xavier Bertrand, ministre. J'ai déjà répondu !

Mme Annie David. Pour ces deux questions, je redoute, autant vous le dire, une réponse alambiquée.

M. Xavier Bertrand, ministre. Non !

Mme Annie David. Mais il ne peut en être autrement ! Comment pourriez-vous nous indiquer le nombre de bénéficiaires de cette mesure alors qu'elle renvoie à la négociation individuelle entre l'employeur et le salarié ?

Je doute fort que votre proximité avec le MEDEF, pourtant très grande, vous le permette. Et si vous ne pouvez nous préciser avec exactitude le nombre de salariés concernés, vous ne pourrez évidemment pas non plus nous indiquer le nombre d'heures et de journées qui seront rachetées, donc nous annoncer le coût final de cette mesure pour les régimes sociaux. Je rejoins ici les préoccupations de la commission des finances, dont nous a fait part son rapporteur pour avis, M. Dassault.

Monsieur le ministre, vous voyez combien ces questions sont importantes, et la précipitation avec laquelle vous avez conçu votre projet de loi n'est pas, sur ce sujet comme sur d'autres, pour nous rassurer.

Autant vous le dire, votre texte nous inspire beaucoup de colère car, une fois encore, vous trompez nos concitoyennes et concitoyens en leur promettant une augmentation de leur pouvoir d'achat ; en fait, seuls celles et ceux d'entre eux qui possèdent une « monnaie d'échange » pourront gagner plus demain, et ils sont loin de constituer la majorité. C'est pourquoi nous avons déposé cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Pour conclure, quelle duperie éhontée que de vouloir faire croire que c'est d'une augmentation du pouvoir qu'il s'agit avec ce projet de loi ! C'est simplement un transfert dans le temps de l'argent dû aux salariés : généreusement, vous permettez aux entreprises d'octroyer ces sommes un peu plus tôt que prévu.

Le débat s'ouvre : nous aurons tout le temps de vous exprimer notre opposition à ce texte et de vous en proposer une substantielle modification. En attendant, je vous demande de voter cette motion, mes chers collègues. Pour notre part, nous ne voterons pas ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Notre collègue Annie David a remarquablement bien défendu le point de vue du groupe CRC. En écoutant son intervention, j'ai compris qu'au travers de son ton moqueur, de sa désapprobation et, pour finir, de sa colère, elle souhaitait nous confirmer par cette motion l'opposition du groupe CRC au texte qui nous est soumis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez bien compris !

M. Nicolas About, rapporteur. J'avais déjà cru le comprendre tout à l'heure lors de l'intervention de M. Fischer !

Toutefois, je n'ai pas véritablement trouvé dans les propos de Mme David les motifs de l'exception d'irrecevabilité qui est invoquée.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est bien observé !

Mme Annie David. J'en ai donné, pourtant !

M. Nicolas About, rapporteur. Dans l'objet de la motion, il est fait état d'une atteinte au principe de l'égalité des citoyens devant la loi. Ce projet de loi ne me semble pas méconnaître cette règle ; simplement, il prend en compte la diversité des situations dans lesquelles se trouvent les citoyens en tant que salariés : certains d'entre eux bénéficient de RTT, d'autres non, certains sont soumis à des conventions de forfait, d'autres bénéficient de la participation ou de primes, voire des deux.

Il n'y a pas de rupture du principe d'égalité : ce projet de loi tient compte de la situation particulière de chaque groupe de salariés, mais ceux-ci, dans leur ensemble, sont traités de la même façon.

Je souhaite donc que soit repoussée cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je demande au Sénat de repousser cette motion.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 63, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Article 1er (début)

M. le président. Je suis saisi, par M. Collombat, Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Domeizel, Repentin, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°56, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat (n° 151, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la motion.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, connaissant les difficultés de nos compatriotes à joindre les deux bouts, peut-être trouverez-vous étrange mon invitation à ne pas débattre de ce texte. J'agis ainsi parce que l'étendue et la gravité du problème rendent ce type de projet de loi, tout simplement, indécent.

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela commence doucement !...

M. Pierre-Yves Collombat. On était en droit d'attendre autre chose d'un Président de la République, et désormais chef du Gouvernement, élu à l'issue d'une campagne dont la question du pouvoir d'achat occupait le centre.

Probablement a-t-il la tête ailleurs ! Comme on le comprend ! Comme on comprend qu'il préfère s'occuper de « politique de civilisation », plutôt que de politique économique. La situation actuelle, en effet, est le résultat non pas d'un ordre naturel, mais de l'application d'une politique.

Le problème est là et il vient de loin, je vous le concède par avance. En un quart de siècle, la part des salaires dans le PIB, qui avait constamment augmentée jusqu'en 1983, a chuté de 11 %. Durant la même période, la part des rémunérations dans la valeur ajoutée du secteur non financier a baissé de l'ordre de 9 %. Dans leur langage aseptisé, les économistes institutionnels concluent à « une déformation durable du partage de la valeur ajoutée ».

Une étude de l'INSEE du mois de mai 2007 le souligne : « Pour les sociétés non financières, la part des rémunérations dans la valeur ajoutée, après avoir oscillé autour de 70 % jusqu'au milieu des années 1970, s'accroît sous l'effet des deux chocs pétroliers (1974 et 1979) pour dépasser 74 % en 1982. Avec la mise en place d'une politique de désinflation compétitive, elle rejoint le niveau d'avant le premier choc pétrolier en 1986 et continue de décroître jusqu'en 1989. Elle oscille depuis lors autour de 65 %. » Le mal est donc ancien et profond.

Contrairement à ce qu'essaie de nous faire croire la propagande officielle - avec un certain succès, il faut le reconnaître -, les 35 heures, ou plutôt la flexibilité mise en place à l'occasion des 35 heures n'y est pour rien, sauf peut-être à la marge.

Avec une chute de 11 % sur un PIB de 1 800 milliards d'euros, ce sont cette année quelque 200 milliards d'euros qui iront rémunérer le capital, alors qu'ils pourraient soutenir le pouvoir d'achat des salariés si le marché du travail retrouvait l'équilibre de 1980. Il n'est donc pas étonnant que leur pouvoir d'achat laisse à désirer !

Cette situation est le résultat d'une politique économique anti-keynésienne intégriste (M. le ministre s'exclame) et d'une vulgate économique à laquelle se sont ralliés les héritiers du libéral autoritaire Jacques Rueff, les libéraux classiques...

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour ma part, je suis un libéral social !

M. Pierre-Yves Collombat. ...et, paradoxalement, de nombreux économistes d'inspiration marxiste ; s'y sont également ralliés les médias et l'establishment.

Même si c'est pour des raisons différentes, tous pensent que la consommation est une faute économique qui détourne les ressources de l'investissement productif.

Pour eux, la baisse des salaires est le moyen de stimuler l'investissement, de réduire les importations, d'augmenter les exportations, de contenir l'inflation, de garantir une monnaie forte et le bonheur de tous. L'endettement des particuliers et encore plus celui de l'État - source d'inflation - doivent être strictement encadrés.

Ruminant le dictionnaire des idées reçues selon lequel « avant de consommer, il faut produire », répétant le principe de Say qui veut que l'offre crée la demande, ils n'envisagent pas un instant que l'entrepreneur puisse investir et produire seulement s'il a l'espoir de rencontrer une demande, donc un pouvoir d'achat. À part cela, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, « pas une once d'idéologie » !

La condition de la « compétitivité », garantie de l'exportation, c'est l'appauvrissement, au moins relatif, de ceux qui travaillent, avec pour contrepartie, dans le meilleur des cas - et c'est précisément ce sur quoi le Gouvernement veut revenir -, l'allégement du temps de travail. Celui-ci est d'ailleurs tout théorique puisque, selon Eurostat, les Français travaillent en moyenne 36,4 heures par semaine, contre 36,1 heures pour les populations des Quinze, 34,5 heures pour les Allemands et 34,6 heures pour les Danois.

En ce qui concerne la productivité, vous le savez comme moi, monsieur le ministre, le but a été largement atteint. Je ne cite pas les chiffres, mais vous n'ignorez pas que nous venons en tête en Europe et que nous nous plaçons devant l'Allemagne et le Royaume-Uni.

D'après une étude du Bureau of labor statistics américain, en 2005, un travailleur français aura produit 71 900 dollars de richesse. C'est moins qu'un Américain - 81 000 dollars -, mais plus qu'un Anglais - 64 100 dollars -, qu'un Allemand - 59 100 dollars - ou qu'un japonais - 56 300 dollars. Au cours actuel de l'euro, ces résultats nous seraient encore plus favorables.

Selon Éric Heyer, directeur adjoint du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, « le coût du travail en France n'est pas le principal obstacle à la compétitivité française, puisque les coûts salariaux sont compensés par une productivité plus forte, ce qui nous ramène à des coûts salariaux unitaires plus faibles que la moyenne européenne ».

Pour amener les Français à travailler plus dur sans en tirer profit, il a fallu enfermer le pays dans un carcan de contraintes. Tel fut le rôle que l'on a fait jouer à l'Europe : Banque centrale européenne indépendante, avec pour seul objectif la stabilité monétaire et la lutte contre l'inflation - que celle-ci existe comme aujourd'hui ou qu'elle n'existe pas, comme c'était jusqu'à présent le cas -, limitation stricte des déficits budgétaires, culte de l'euro fort, absence de politique économique, sociale et fiscale commune, absence de politique des changes et, depuis 1974, ouverture à la mondialisation.

Comme le remarque le prix Nobel d'économie Maurice Allais, « la politique de libre-échange mondialiste poursuivie par l'Organisation de Bruxelles a entraîné à partir de 1974 la destruction des emplois, la destruction de l'industrie, la destruction de l'agriculture, et la destruction de la croissance ».

Le paradoxe est le suivant : loin de constituer un espace de production et d'échanges unifié, capable de se protéger de l'extérieur, l'Europe fonctionne comme si le marché unique n'existait pas, sauf quand il s'agit de faire jouer une concurrence inégalitaire pour peser sur les salaires. Elle agit comme s'il n'y avait pas de monnaie unique.

Aux États-Unis, calculer le déficit commercial de l'État du Minnesota par rapport à celui de la Californie n'aurait aucun sens. Dans la zone euro, le déficit de la France à l'égard de l'Allemagne équivaut à son déficit vis-à-vis de la Chine. De deux choses l'une : ou bien l'euro est une véritable monnaie unique et les échanges de la zone euro avec l'extérieur constituent la seule réalité significative, ou bien ce n'est pas le cas et l'euro n'est pas une monnaie unique.

La politique de « désinflation compétitive » assortie de cette étrange politique monétaire a conduit à la cannibalisation des Européens par eux-mêmes, les Allemands excellant à ce sport.

Comme le fait remarquer Guillaume Duval dans un article au titre évocateur, L'Allemagne prédatrice, la cure d'austérité draconienne pour abaisser le coût du travail que s'inflige l'Allemagne depuis une dizaine d'années en fait un « boulet pour l'Europe ». Les Allemands vendent à leurs partenaires de la zone euro, mais leur ferment progressivement leur marché.

Guillaume Duval poursuit : « Ce qui n'est pas rassurant, c'est que ces surplus commerciaux gigantesques sont accumulés aux dépens des voisins européens de l'Allemagne, contribuant en particulier à mettre leurs industries en difficulté. En effet les excédents allemands à l'égard du reste du monde stagnent depuis quatre ans déjà, tandis que ceux dégagés avec les autres européens ont continué de croître. Au point de représenter 100 milliards d'euros en 2006, pratiquement les deux tiers du total. Depuis le début des années 2 000, la poursuite des politiques de baisse du coût du travail voulues par les gouvernements allemands est donc devenue prédatrice : il s'agit désormais d'un véritable dumping social vis-à-vis de ses voisins européens. En particulier de la France qui affiche un déficit extérieur aussi important à l'égard de l'Allemagne que de la Chine. »

Vous l'avez constaté, monsieur le ministre, les derniers chiffres du commerce extérieur français confirment cette analyse. Or on continue de nous donner l'Allemagne pour modèle et l'on entend pérenniser le carcan européen, comme si aucune autre forme d'Europe n'était possible !

En appliquant la théorie qui consiste à se serrer la ceinture, les salariés permettront à leur entreprise d'investir plus et de créer des emplois, les profits d'aujourd'hui faisant les investissements de demain et les emplois d'après-demain, comme le dit encore le dictionnaire des idées reçues !

M. Guy Fischer. C'est faux !

M. Pierre-Yves Collombat. Évidemment, la réalité est un peu plus compliquée !

Les variations cycliques de l'investissement des entreprises ces vingt-cinq dernières années ne sont pas corrélées avec l'évolution de la rémunération du travail, et le chômage et la précarité ont explosé.

Le chômage a connu une croissance continue jusqu'en 1997, année où le taux officiel de 11,5 % de la population active est atteint. Il décroît jusqu'en 2001, remonte puis décroît de nouveau, pour atteindre, aux modifications de la méthode de calcul près, un niveau proche de celui de 2001.

La réserve de chômage et de sous-emploi reste pérenne et suffisante pour peser sur les rémunérations. La cosmétique statistique récente n'y change pas grand-chose. Les statistiques du chômage et plus encore celles du sous-emploi et de la précarité étant en France à peu près aussi fiables et accessibles que les statistiques chinoises, il est difficile de chiffrer sans contestation possible le nombre de personnes dans l'incapacité de « travailler plus pour gagner plus » !

La remarque vaut pour le calcul de l'inflation dont l'INSEE garde le secret de fabrication et dont la portée dépend des situations des personnes concernées.

Pour avoir une idée approximative du sous-emploi, il faudrait ajouter aux 3 155 000 personnes recensées dans les huit catégories de l'ANPE au moins la moitié des RMIstes, c'est-à-dire 500 000 personnes, les personnes sous-employées, de l'ordre de 1 300 000, ce qui représente au total environ 5 millions de personnes.

En ce qui concerne la précarisation, il faut noter la montée des CDD et de l'intérim. Entre 1985 et 2000, le taux de recours à l'emploi temporaire est passé de 4,5 % à 14,5 %.

En 2002, près de trois salariés sur quatre étaient embauchés en CDD et les fins de CDD représentaient plus de la moitié des sorties de l'emploi.

Constatons enfin qu'après une chute régulière depuis trente-cinq ans le taux de pauvreté a augmenté de nouveau. Les chiffres varient ! Certains estiment que 7 000 000 de personnes sont concernées. Ainsi, 11,7 % de la population est touchée par la pauvreté ! D'autres enquêtes avancent même le taux de 19 %. Quoi qu'il en soit, ce sont des chiffres qui devraient nous faire réfléchir !

M. Guy Fischer. Et les travailleurs pauvres !

M. Pierre-Yves Collombat. Les actifs ne sont en effet pas épargnés : suivant le seuil considéré, il existerait entre 1,2 million et 3,5 millions de travailleurs pauvres en France.

Selon une étude de Camille Landais, de l'École d'économie de Paris, « les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu réel croître de 42,6 % [entre 1998 et 2005], contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches ». Sans doute ces paresseux ont-ils refusé de travailler plus pour gagner plus.

M. Guy Fischer. Cela va changer !

M. Pierre-Yves Collombat. Comme le souligne ce chercheur, « la France rompt avec 25 ans de grande stabilité de la hiérarchie des salaires ».

À cette précarisation du travail et des rémunérations s'ajoutent les difficultés de logement, qui sont d'autant plus fortes que les revenus sont faibles ; nous en avons déjà débattu tout à l'heure, je n'y reviens pas.

Les 20% des ménages ayant les revenus les plus faibles consacrent, en moyenne, 25 % de leur consommation aux dépenses de logement, contre 11 % pour les 20 % des ménages dont les revenus sont les plus élevés.

Je vous fais grâce des chiffres qu'a communiqués la Fondation Abbé-Pierre sur les personnes en mauvaise situation de logement, fragiles, etc. Ils sont, eux aussi, vertigineux !

Ces difficultés ne concernent pas seulement les personnes en situation précaire. Toute personne qui perçoit un revenu mensuel de 1 350 euros, soit le revenu salarial moyen, et qui doit louer son appartement au prix du marché - ce qui constitue le cas général au regard de la pénurie de logements sociaux - est structurellement en situation de surendettement.

Depuis vingt-cinq ans, nous faisons carême...

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce ne sont pas des propos très laïcs !

M. Pierre-Yves Collombat. ...tandis que d'autres, les Américains par exemple, font carnaval. (Sourires.)

Avec les résultats que je viens de donner et sans avoir la satisfaction de se savoir protégés du krach que leur politique de croissance par l'endettement généralisé nous mitonne depuis des années, on perd sur tous les tableaux !

« Je veux [...] développer le crédit hypothécaire en France. C'est ce qui a permis de soutenir la croissance économique des États-Unis », disait au mois de novembre 2006 un visionnaire... nommé Nicolas Sarkozy ! (M. Guy Fischer applaudit.)

Heureusement, il n'a pas encore eu le temps d'appliquer le baume miracle et les Français, beaucoup moins endettés que leurs homologues américains, ne sont pas menacés de devoir vendre leur maison. Mais notre système financier infesté de créances douteuses, après avoir été juteuses, est tout aussi menacé que celui des Américains. Les interventions massives du système bancaire européen, par ailleurs préoccupé de lutter contre l'inflation, comme la tempête boursière le montrent éloquemment.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous avons perdu en termes de croissance, d'emploi et de revenu, sans gagner en sécurité. Bravo !

Ce sont ces politiques économiques et européennes calamiteuses qu'il s'agit de réformer radicalement pour espérer améliorer réellement le pouvoir d'achat des Français. C'est un chantier d'une tout autre ampleur que celui qu'a ouvert le Gouvernement.

On a fait en sorte que, progressivement, la mer se retire. En réponse, vous nous proposez d'aménager trois minuscules trous d'eau. Le Sénat a beaucoup mieux à faire. Voilà pourquoi j'ai déposé cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Je veux remercier M. Collombat de la qualité de son intervention. Il a commencé par souligner le caractère « étrange » de son invitation à ne pas débattre de ce projet de loi en présentant cette motion tendant à opposer la question préalable.

Je partage cette appréciation, même si je ne nie pas qu'il a abordé un grand nombre de sujets très intéressants,...

M. Nicolas About, rapporteur. ...qui méritent réflexion, mais pas à l'occasion de l'examen du projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui.

On ne peut balayer d'un simple revers de main la possibilité accordée aux salariés de convertir en rémunération un certain nombre de droits acquis, pas plus qu'on ne peut écarter la possibilité de débloquer la participation salariale à hauteur de 10 000 euros, ou refuser aux salariés une prime de 1 000 euros quand on sait ce que cela peut représenter pour eux.

De la même façon, on ne peut balayer d'un simple revers de main l'idée de revoir l'indice sur lequel seront désormais indexés les loyers, ni celle de réduire le montant du dépôt de garantie, alors que celui-ci représente un effort très important pour les plus démunis.

La commission des affaires sociales pense, à l'inverse de nos collègues socialistes, qu'il y a lieu de débattre. C'est pourquoi elle demande au Sénat de repousser la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre. Le Gouvernement demande également le rejet de cette motion.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 56, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Mes chers collègues, je vous rappelle qu'il a été décidé de reporter à la fin du texte l'examen de tous les amendements tendant à insérer un article additionnel.

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. - Par exception aux dispositions du II de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise :

1° Le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut, sur sa demande et en accord avec l'employeur, renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos acquises au titre de périodes antérieures au 1er juillet 2008 en application de l'article L. 212-9 du code du travail. Les demi-journées ou journées travaillées à la suite de l'acceptation de cette demande donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration des huit premières heures supplémentaires applicable à l'entreprise. Les heures correspondantes ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires prévu aux articles L. 212-6 du code du travail et L. 713-11 du code rural ;

2° Lorsque l'accord prévu au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ne définit pas les conditions dans lesquelles le salarié qui le souhaite peut, en accord avec le chef d'entreprise, renoncer à une partie de ses jours de repos acquis au titre de périodes antérieures au 1er juillet 2008 en contrepartie d'une majoration de son salaire, le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut adresser une demande individuelle au chef d'entreprise. Le décompte des journées et demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos intervient dans les conditions prévues par la convention de forfait mentionnée au même article. La majoration de rémunération, qui ne peut être inférieure à 10 %, est négociée entre le salarié et le chef d'entreprise.

II. - Lorsque l'accord prévu à l'article L. 227-1 du code du travail ne définit pas les conditions dans lesquelles les droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés, à l'initiative du salarié, pour compléter la rémunération de celui-ci, le salarié peut, sur sa demande et en accord avec l'employeur, utiliser les droits affectés au 30 juin 2008 sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération.

Lorsque les accords prévus à l'article L. 227-1 et au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ont déterminé les conditions et modalités selon lesquelles un salarié peut demander à compléter sa rémunération en utilisant les droits affectés à son compte épargne-temps, ou selon lesquelles un salarié peut renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire, les demandes portant sur les droits affectés au 30 juin 2008 sont satisfaites conformément aux stipulations de l'accord.

Toutefois, cette utilisation du compte épargne-temps sous forme de complément de rémunération ne peut s'appliquer à des droits versés sur le compte épargne-temps au titre du congé annuel prévu à l'article L. 223-1 du même code.

III. - Le rachat exceptionnel prévu aux I et deux premiers alinéas du II est exonéré, pour les journées acquises ou les droits affectés au 31 décembre 2007 de toute cotisation et contribution d'origine légale ou d'origine conventionnelle rendue obligatoire par la loi, à l'exception des contributions définies aux articles L. 136-2 du code de la sécurité sociale et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

IV. - Le présent article s'applique aux demandes des salariés formulées avant le 31 juillet 2008.

Le rachat exceptionnel mentionné au III n'ouvre pas droit pour les journées acquises ou les droits affectés au 31 décembre 2007 au bénéfice des dispositions de l'article 81 quater du code général des impôts et des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale.

V. - Un bilan de l'application du présent article est transmis au Parlement avant le 1er octobre 2008, permettant de préciser le nombre de jours réellement rachetés dans ce cadre et le nombre de salariés concernés. 

M. le président. Je rappelle que nous avons décidé l'examen séparé des deux amendements de suppression de cet article.

La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. Cet article 1er concerne les modalités de conversion en argent d'un certain nombre de droits à congé : il autorise les salariés à demander à leur employeur que des jours de congé acquis au titre de la réduction du temps de travail ou accumulés sur un compte épargne-temps soit convertis en argent. Il s'agit, par conséquent, de la monétisation !

M. Charles Revet. C'est plutôt favorable aux salariés !

M. Guy Fischer. Les membres du Gouvernement n'ont de cesse de nous faire croire un certain nombre de choses

Avec l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, nous allions voir ce que nous allions voir !

M. Ivan Renar. Nous avons vu !

M. Guy Fischer. L'UMP et son candidat avaient promis qu'il y aurait une France d'avant et une France d'après,...

M. Guy Fischer. ...que l'élection du candidat de l'UMP marquerait une rupture avec les politiques passées et que, enfin, le travail, la rémunération et le pouvoir d'achat allaient grimper.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est vrai !

M. Guy Fischer. Or sur les sept mois de présidence de Nicolas Sarkozy en 2007, que nenni !

M. Xavier Bertrand, ministre. Et les heures supplémentaires !

M. Guy Fischer. C'est vous qui le dites, monsieur le ministre !

En sept mois de mandat, après trois textes sur le pouvoir d'achat - la loi TEPA, la loi Châtel et le projet de loi que nous examinons aujourd'hui -, les Français attendent toujours cette France d'après, qui décidément, contrairement aux augmentations des produits de la vie courante, semble ne pas vouloir venir !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne pouvez pas dire cela, monsieur Fischer !

M. Guy Fischer. D'ailleurs, l'activité parlementaire qui nous réunit aujourd'hui est le triste constat de l'échec du Gouvernement, puisque, six mois après l'adoption d'un premier texte, si peu transparent, sur le pouvoir d'achat, nous sommes de nouveau amenés à en examiner un autre.

Deux déductions sont alors possibles : soit la loi TEPA à été inefficace, même si vous affirmez le contraire, et elle marque l'échec du « travailler plus pour gagner plus »,...

M. Nicolas About, rapporteur. Cette loi va s'appliquer !

M. Guy Fischer. ... soit elle visait un pouvoir d'achat bien particulier, celui des plus riches, ce que nous croyons encore.

Or, les élections municipales approchant, la colère gagnant tous nos concitoyens, salariés du public comme du privé, retraités, étudiants, tous les allocataires des minima sociaux, il vous fallait agir.

Mais comment faire dès lors que votre première tentative a vidé les caisses de l'État, avec les résultats que l'on connaît ? Eh bien ! vous voulez ressortir de la naphtaline une vieille habitude et tenter de faire du neuf avec du très vieux.

En effet, dans une tribune du journal Libération en date du 11 janvier 2008, le sociologue Jean-Yves Boulin nous rappelle habilement que, déjà en son temps, le gouvernement Daladier autorisa les heures supplémentaires,...

M. Ivan Renar. « Le roseau peint en fer » !

M. Guy Fischer. ...ouvrant la possibilité de travailler 50 heures par semaine, alors que, rappelons-le, la durée légale de travail hebdomadaire était de 40 heures.

On s'étonnera de voir que les références d'un gouvernement qui se réclamait du modernisme économique et de la France de l'après sont celles de 1938. Franchement, quitte à remonter aussi loin, inspirez-vous du mouvement social de 1936 ou du programme du Conseil national de la Résistance de 1945 !

C'est donc dans la régression absolue que se place ce projet de loi. Ce texte sera inefficace en termes de lutte contre le chômage, car, vous le savez, le mal français réside en partie dans le faible taux d'emploi, bien que l'on nous dise que 312 000 emplois ont été créés en 2007. L'urgence conduit donc non pas à autoriser la multiplication des heures supplémentaires, mais à créer de l'emploi, en imposant, par exemple, des contreparties salariales réelles aux exonérations patronales.

C'est également une immense régression culturelle. Le projet de loi ignore tout des mutations sociales, économiques et culturelles que notre pays a connues depuis l'arrivée des 35 heures. Et ce gouvernement, qui n'a de cesse d'en appeler, par exemple, à la responsabilisation des parents en matière d'éducation de leurs enfants se trouve en bien grande difficulté lorsqu'il s'agit de nous expliquer comment, en travaillant plus longtemps le soir, le dimanche, les parents peuvent jouer pleinement leur rôle éducatif.

La réalité, mes chers collègues, c'est que le Gouvernement veut en finir avec la durée légale du temps de travail ; le Président de la République l'a dit. Puis il s'est aperçu qu'il avait commis une erreur, car cela rendait irrecevable le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis. Vous avez rattrapé cette gaffe ; naturellement, il ne pouvait le dire ouvertement. Alors, il a ouvert un droit aux heures supplémentaires, il a renvoyé la durée du travail au champ conventionnel, lorsque ce n'est pas à la relation employeur-employé. Mais, ce faisant, il a oublié sans doute la caractéristique même de la relation qui lie le salarié et le patron, c'est-à-dire la prédominance de l'un et la subordination de l'autre.

Vous feignez d'ignorer qu'un salarié demandeur d'heures supplémentaires est d'abord et avant tout un salarié qui vit mal des revenus de son travail, que c'est d'abord un salarié qui ne bénéficie pas d'une plus juste répartition des richesses, que c'est d'abord et avant tout un salarié mal payé. Parlons simplement ! Augmentez les salaires, le SMIC horaire, et nous verrons bien si les salariés veulent ou non faire des heures supplémentaires.

Vos politiques libérales de sous-emploi, d'emploi partiel et de trappes à bas salaires ont précarisé nos concitoyens ; 7 millions de travailleurs pauvres survivent tous les mois, multipliant les prêts à la consommation pour s'acheter les produits alimentaires de base. Après avoir autant précarisé, vous avez beau jeu de proposer aujourd'hui le rachat des RTT !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est un puits sans fond !

M. Guy Fischer. Car enfin, il s'agit non pas d'un geste de votre gouvernement, mais d'un droit. Les RTT sont, à l'image du salaire, un fruit indirect du travail du salarié. En proposant à leurs bénéficiaires de les racheter, vous ne faites qu'une chose : vous leur rendez leur dû. Par conséquent, vous n'avez pas de quoi pavoiser.

Les salariés ne sont pas dupes : ils savent que votre mesure « à un coup », comme vous l'avez fait pour la sécurité sociale, ne réglera pas durablement la question de leur pouvoir d'achat !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 32 est présenté par Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 94 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 32.

Mme Raymonde Le Texier. Si nous adoptons l'article 1er, allons-nous créer de la richesse et du pouvoir d'achat ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui !

Mme Raymonde Le Texier. Encore une fois, vous procédez par effet de substitution. La mesure sur les heures supplémentaires contenue dans la loi TEPA prétendait substituer des augmentations de temps de travail pour des salariés déjà à temps plein à des embauches. Mais quel effet une telle mesure peut-elle avoir sur la croissance ?

Permettez-moi de vous rappeler que, lorsque nous avons créé les emplois-jeunes, nous avons mis en selle des centaines de milliers de jeunes, qui se sont vus soudain intégrés dans le monde du travail, ont perçu un salaire et ont retrouvé un espoir dans leur avenir, pour eux-mêmes et leur famille.

Mais que peut signifier pour nos concitoyens une disposition qui ne fait qu'accroître un peu, si l'employeur le veut, donc de manière tout à fait incertaine, le revenu de ceux qui ont déjà un contrat de travail à temps plein ?

Les mesures que vous proposez aujourd'hui relèvent du même système de pensée. Vous redistribuez du revenu ; vous n'en créez pas, puisque, de fait, vous substituez ces mesures à de véritables hausses de salaire et à des négociations salariales.

Au lieu d'une augmentation réelle et durable des revenus salariaux, vous n'induisez qu'une petite hausse, aléatoire pour certains, sans effets durables sur l'économie, ces mesures étant en outre temporaires.

Vos dispositifs sont inefficaces en termes de croissance de la masse salariale et de création de richesse et n'apportent aucune confiance nouvelle, comme le prouve d'ailleurs la chute de la consommation ces derniers mois.

Il est fascinant de voir un Président de la République qui s'est fait élire, en partie, sur sa volonté affichée d'augmenter le pouvoir d'achat - il s'agissait, me semble-t-il, du point 5 de sa campagne - et un gouvernement qui devrait, en principe, mettre cette volonté en musique, utiliser, en fait, tous les expédients possibles pour empêcher la hausse des salaires, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé.

Nos concitoyens sont en train de s'apercevoir de la supercherie. Les indices de confiance et autres sondages sont intéressants en raison de leur unanimité. Même si vos millefeuilles de mesures successives sont incompréhensibles, les Français comprennent bien, eux, que votre politique réelle est l'inverse de votre discours virtuel. Ils n'ont pas confiance ! Ils sont victimes de l'inflation affectant les produits de première nécessité. La consommation ne tire plus la croissance, et ce dans un environnement économique mondial que l'on peut qualifier de tourmenté ces temps-ci.

Ce qui pose problème, ce n'est pas tant l'absence de confiance en eux des Français ; c'est normal étant donné les reproches qui vous leur adressez : ils ne travaillent pas assez, ils coûtent trop cher, ils sont tout le temps en arrêt maladie, que sais-je encore ?

M. Nicolas About, rapporteur. Nous ne disons pas cela !

Mme Raymonde Le Texier. Le véritable problème est que cette politique les amène à se demander s'il est raisonnable d'avoir encore confiance en vous.

L'article 1er n'est pas à la hauteur des besoins de notre économie et des craintes exprimées par nos concitoyens. Nous demandons donc sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 94.

M. Guy Fischer. Je rejoins les propos que vient de tenir Raymonde Le Texier Cela ne vous étonnera guère, mes chers collègues : cet amendement a pour objet la suppression de l'article 1er, symbole, s'il en est, de l'esprit du projet de loi, un esprit bien contestable.

Vous prévoyez d'organiser le rachat par les salariés des journées de RTT qu'ils ont obtenues au bénéfice de la réalisation d'heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale de travail. Autrement dit, vous inventez un mécanisme qui nous semble bien cynique, selon lequel les salariés achètent le bénéfice des heures supplémentaires passées. « Acheter » n'est d'ailleurs pas le terme le plus adéquat ; je reprends volontiers le mot « troc », précédemment utilisé.

Quelle est donc la réalité du dispositif proposé ? Un salarié ayant bénéficié de mesures de réduction du temps de travail pourra demander à son employeur le rachat de tout ou partie de ces RTT.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est l'employeur qui en tire profit !

M. Guy Fischer. Afin d'inciter l'employeur à monétiser ces jours, une mesure d'exonération sociale est prévue, dans la limite de dix jours.

L'article 1er a d'ailleurs été profondément remanié par nos collègues députés qui, se rendant compte qu'en fixant la date limite au 31 décembre 2007 il n'y aurait sans doute plus ou pas assez de jours à échanger, ont reporté ladite date au 30 juin 2008.

Cela revient à dire que vous espérez voir les salariés bénéficier de leur RTT sans y recourir de manière volontaire et anticipée.

Nous attendons avec impatience et crainte le projet de loi dans lequel vous instaurerez le mécanisme autorisant le rachat des semaines de congés payés non utilisées.

M. Nicolas About, rapporteur. C'est interdit !

M. Guy Fischer. Bien sûr, monsieur le rapporteur, mais nous attendons !

Telle sera la continuité logique du Gouvernement.

Il n'en demeure pas moins que ce « montage juridique » est très étonnant : cela revient à demander aux salariés de renoncer par avance à un droit acquis, ce que nous ne pouvons que dénoncer.

La logique même de ce texte nous heurte elle renvoie à une individualisation des rapports entre l'employeur et l'employé. Cette monétisation se fera individuellement ; deux salariés pourront être traités différemment en raison de critères obscurs. Il vous faudra expliquer pourquoi, dans une même entreprise, l'employeur a appliqué des mesures différenciées ; il faudra que vous précisiez aux salariés pourquoi le Gouvernement a préféré prendre une mesure qui renvoie inéluctablement à l'arbitraire plutôt qu'à l'égalité, à l'équité.

D'ailleurs, l'État a une fois de plus montré le mauvais exemple en procédant au rachat des RTT des personnels hospitaliers. Cette mesure a eu le succès que l'on connaît et, croyez-moi, dans les hôpitaux, la colère demeure grande !

Ce que veulent les salariés, c'est l'augmentation des salaires. Le Gouvernement pourrait agir en portant le SMIC à 1 500 euros, en convoquant une conférence sur les salaires, en donnant l'exemple avec les salaires des fonctionnaires et en instituant un barème national de minima par grands niveaux de qualification. Compte tenu de l'ampleur des profits, tout cela est possible sans compromettre la compétitivité de notre pays.

Augmenter les salaires, c'est aussi agir en faveur de la croissance, car la consommation tire l'essentiel de la croissance dans notre pays.

Faut-il, entre autres, expliquer au Président de la République que ce n'est pas avec les dents que l'on va chercher la croissance ? Car une politique du crédit, par exemple, permettrait des taux d'intérêt abaissés, voire bonifiés par l'État, pour les investissements créateurs d'emplois, et, à l'inverse, des taux relevés pour les opérations financières spéculatives. Mais cela supposerait une tout autre orientation de la Banque centrale européenne, la BCE.

Or s'il est vrai que le candidat a tenu de beaux discours contre la finance pendant la campagne électorale et joué les fiers-à-bras devant la BCE, le Président de la République s'est maintenant incliné devant les exigences des marchés financiers en signant le traité européen de Lisbonne, qui confirme la BCE dans son indépendance et dans son orientation d'un euro fort, néfaste pour notre économie. Au lendemain du krach boursier de lundi, comment ne pas s'interroger à la lecture de ce texte ?

C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. La commission souhaitant l'adoption de l'article 1er, elle est défavorable à ces deux amendements de suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement n'entend pas laisser le groupe socialiste et le groupe CRC priver les Français d'une possibilité d'augmenter leur pouvoir d'achat ; il est donc défavorable à ces deux amendements.

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 94.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. Monsieur le président, la commission n'a pas examiné l'amendement n° 99, mais elle a d'ores et déjà émis un avis sur les deux amendements suivants, également déposés par le groupe CRC. Si ce dernier n'y voit pas d'inconvénient, les amendements nos 71 et 72 pourraient être appelés en priorité, afin que nous ne perdions pas de temps avant le dîner.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Favorable !

M. le président. La priorité est de droit.

L'amendement n° 71, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Avant le chapitre premier du titre III du livre premier du code du travail, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :

« chapitre...

« Conférence nationale sur les salaires

« Art. L. ... - Une conférence nationale sur les salaires est convoquée lors du premier semestre de chaque année civile.

« Les organisations syndicales représentatives de salariés et d'employeur, les ministres concernés, sont parties prenante de cette conférence annuelle.

« la conférence fait le point sur les évolutions salariales observées dans les entreprises du secteur marchand, au regard du bilan de la négociation collective de branche et formule toute proposition tendant notamment à favoriser le respect de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, le maintien et l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés, la reconnaissance des qualifications acquises ».

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. C'est dans l'urgence que le Parlement travaille le plus souvent et c'est aussi dans l'urgence que le Gouvernement organisait, le 23 octobre dernier, une conférence sur l'emploi et les salaires. Vous aviez là, monsieur le ministre, l'occasion de répondre à une attente unanimement partagée : l'augmentation des salaires.

Cela aurait participé de manière certaine à l'accroissement du pouvoir d'achat des Français et leur aurait redonné confiance en l'économie de leur pays. Occasion ratée ! Nous ne pouvons que le regretter.

Si urgence il y a, il faut non pas créer une nouvelle commission indépendante chargée d'étudier le SMIC et de faire des recommandations le concernant, recommandations que le Président de la République serait libre de suivre ou non, mais revaloriser les salaires.

Récemment encore, lors de sa conférence de presse faisant office de présentation de ses voeux aux médias, M. Nicolas Sarkozy s'est même emporté lorsqu'un journaliste a eu l'outrecuidance de l'interroger sur les mesures qu'il comptait prendre pour relancer le pouvoir d'achat. Nous avons tous vu la réaction du Président de la République, signe d'exaspération, et entendu sa réponse : « voulez-vous que je vide des caisses qui sont déjà vides, ou que j'aille donner des ordres à un patron à qui je n'ai pas à en donner ? ». Curieux aveu que celui-là, celui de l'impuissance des politiques, et non du moindre d'entre eux !

Ainsi donc, après avoir tout promis durant la campagne des présidentielles, le candidat élu regarde le passé, regarde, depuis l'Élysée, le peuple du réel, qui, chaque mois, galère pour boucler son budget, et lui dit, non sans honte : « Je ne peux rien ! ».

Autant vous dire que les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont en profond désaccord avec le Président de la République et sa conception de la gouvernance.

La conférence nationale annuelle sur les salaires que nous proposons s'inscrirait dans notre droit et permettrait de reposer la question des salaires dans des termes plus justes et plus larges que la seule valeur monétaire. En effet, dans cette conférence, il pourrait aussi être question des conditions de travail, de la pénibilité, des horaires postés, des secteurs à risques, pour lesquels une reconnaissance d'un point de vue salarial est indispensable.

Cet amendement vise donc à offrir au Gouvernement un outil, sans doute imparfait - nous voulons bien entendre cette critique -, mais utilisable par tous : la réunion, chaque début d'année, d'une grande conférence nationale sur les salaires dont la mission serait d'étudier, avec les partenaires sociaux, en tenant compte des conditions de travail, la réalité du marché et d'en faire bénéficier tous les acteurs, à hauteur de l'effort accompli par chacun d'entre eux.

Cette conférence nationale sur les salaires, tripartite, organisée à l'invitation du Gouvernement et des ministères compétents, devrait alors chercher à répartir mieux, sans doute plus, les bénéfices qu'une poignée de contribuables s'accapare, notamment sous forme d'actions gratuites ou de stock-options.

Il s'agit là d'une proposition concrète qui, je le sais, ne manquera pas d'attirer votre attention, monsieur le ministre, et que vous accueillerez par conséquent favorablement, du moins je l'espère, bien que vous m'écoutiez d'une oreille distraite.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Le Gouvernement s'étant engagé dans un dialogue permanent avec les partenaires sociaux, la commission des affaires sociales a considéré que l'obligation de réunir chaque année une conférence nationale sur les salaires ne se justifiait pas.

Elle a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 71.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout d'abord, madame David, je tiens à vous dire que je vous écoutais attentivement, en particulier de l'oreille droite. Faites confiance à la droite ! (Sourires.)

Il existe déjà une instance, la Commission nationale de la négociation collective ; c'est une instance qui fonctionne, et dans laquelle les partenaires sociaux jouent pleinement leur rôle. Pourquoi vouloir créer une nouvelle instance ? Ou alors, c'est un déni de confiance vis-à-vis des partenaires sociaux. Tel n'est pas mon cas !

C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous parlez de manque de confiance envers les partenaires sociaux. N'inversez pas les rôles ! Chacun le sien : en tant que ministre du travail, vous êtes chargé des négociations salariales et des relations officielles avec les partenaires sociaux ; malheureusement, en tout cas selon le groupe auquel j'appartiens, vous ne faites pas un bon usage de votre mission.

Ce n'est pas à vous, monsieur le ministre, de nous dire que nous ne faisons pas confiance aux partenaires sociaux.

M. Xavier Bertrand, ministre. Avec cet amendement, si !

Mme Annie David. Non ! Nous proposons de créer une instance supplémentaire au sein de laquelle il pourra être discuté des salaires ou des conditions de travail, car, dans d'autres instances, il n'en est pas suffisamment question.

La pénibilité, vous l'avez évoquée, monsieur le ministre, mais sans vous y attarder. J'ignore si vous avez visité un jour une entreprise ou si vous y avez travaillé. Mais pour avoir travaillé vingt ans en entreprise, je sais, moi, ce que c'est que la production, l'emploi, la vie dans les entreprises ; je sais aussi ce que c'est que la pression dans les grandes entreprises.

Donc, dire que cet amendement témoigne d'un manque de confiance dans les partenaires sociaux n'est pas du tout, pour moi, un argument recevable.

Que cette conférence vous semble inutile parce qu'elle ferait doublon avec l'instance déjà existante, soit, mais que j'en propose la création par manque de confiance envers les partenaires sociaux, je ne peux pas l'entendre ! Je tenais à vous le dire, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Moi, je peux tout entendre, madame le sénateur !

Sur la pénibilité, je vous ferai une simple remarque : je n'ai peut-être pas, comme vous, travaillé en entreprise, mais si, aujourd'hui, des débats sur la pénibilité ont lieu, c'est parce qu'un parlementaire, lors de l'examen du projet de loi portant réforme des retraites, en 2003, a imposé qu'il y ait une négociation sur la pénibilité du travail ; ce parlementaire, c'était moi-même : j'étais alors député et rapporteur de ce texte.

J'ai bien l'intention de faire en sorte que la question de la pénibilité soit non plus un simple sujet de réflexion, mais fasse l'objet de décisions,...

M. Xavier Bertrand, ministre. ...et ce pas dans cinq ans : en 2008 !

Nous verrons quel sera le résultat des négociations avec les partenaires sociaux, mais le fait qu'il y ait aujourd'hui, dans notre pays, une différence d'espérance de vie de sept ans et demi entre un cadre supérieur et un ouvrier m'est insupportable. Je ne détournerai pas le regard, vous non plus : cela prouve que, sur de nombreux sujets, nous pouvons nous entendre.

M. Nicolas About, rapporteur. Attention à ne pas confondre espérance de vie et pénibilité !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n'est en effet pas la même chose !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I - Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Aucune grille de salaire ne peut débuter en dessous du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).

II - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Pour compenser les pertes de recettes découlant pour l'État du relèvement des grilles de salaire au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance, il est créé une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La présentation de cet amendement m'amène à revenir sur un point que nous avons défendu précédemment : les grilles des salaires ne doivent pas débuter en dessous du SMIC.

Le SMIC est, théoriquement, le salaire minimum en dessous duquel un salarié ne peut être rémunéré. Réévalué chaque année au 1er juillet, il reste cependant considérablement inférieur aux besoins humains et n'atteint aujourd'hui que 1 005 euros nets par mois, soit, en brut, 8,44 euros de l'heure.

Mais dire cela, c'est méconnaître une réalité profonde : bon nombre de salariés ne perçoivent pas le SMIC en tant que salaire.

Je ne parle naturellement pas des cas particuliers, que le Gouvernement semble considérer comme des cas normaux : les jeunes en apprentissage, en stages, en contrat d'orientation, ou encore les travailleurs handicapés. Je ne parle pas non plus des millions de salariés contraints de travailler à temps partiel. Je parle de salariés de droit privé engagés à temps plein dans des branches dont les grilles salariales de base sont originairement en dessous du SMIC.

Ainsi, dans un article du journal Les Echos en date du 16 novembre 2007, on apprend que, sur 160 branches professionnelles, 71 d'entre elles comportent des salaires de base inférieurs au SMIC. Vous en conviendrez avec moi, ce constat n'est pas glorieux pour le Président de la République, qui disait vouloir réinvestir la valeur « travail ».

Les syndicalistes et les économistes, mêmes ceux qui sont le moins à gauche, n'ont eu de cesse de le dire ! Pour accroître cette valeur « travail », il ne suffit pas de citer de grands penseurs de gauche, comme Jaurès ou Marx, ni de trouver un beau slogan, le fameux : « travailler plus pour gagner plus ».

Non, ce qu'il faut, c'est rémunérer quotidiennement le travail de nos concitoyens, c'est reconnaître, dans la forme et grâce aux fonds, la participation du travail du salarié à la réussite de son entreprise ; c'est tout simplement lui dire que, par son labeur, il crée des richesses, dont le partage équitable doit lui permettre d'en avoir un retour à hauteur de son engagement.

Or, pour des millions de travailleurs, tel n'est pas le cas ! Il s'agit non pas de quelques nantis, mais de ceux que le candidat de l'UMP vantait, de cette France qui se lève tôt et s'épuise au travail : les salariés de la grande distribution, de l'hôtellerie et de la restauration, ou encore du BTP.

L'amendement que nous proposons est donc un amendement de justice sociale, et croyez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, que celles et ceux qui sont concernés nous écoutent attentivement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Je remercie Mme David d'avoir indiqué, en présentant son amendement, que l'évolution du SMIC avait été, ces dernières années, beaucoup plus rapide qu'on ne pouvait le supposer, ce qui a conduit à des dépassements fréquents des minima salariaux prévus par les conventions de branche.

Le Gouvernement s'est efforcé, notamment lorsque Gérard Larcher était ministre du travail, d'encourager les partenaires sociaux à négocier une revalorisation des minima salariaux. Peut-être M. le ministre pourrait-il nous dresser un état des lieux de la situation actuelle ?

En tout cas, dans sa rédaction actuelle, l'amendement de Mme David est un amendement d'affichage. En effet, quelles que soient les dispositions contenues dans les conventions de branche, les salariés percevront toujours au minimum le SMIC.

M. Charles Revet. Bien sûr ! Cet amendement est ridicule !

M. Nicolas About, rapporteur. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je souscris aux propos de M. le rapporteur. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Comme je l'ai déjà souligné, nous avons saisi le Conseil d'orientation pour l'emploi, le COE, notamment à propos de la conditionnalité des allégements de charges, sujet maintes fois évoqué et maintes fois différé. Nous avons placé cette question au coeur du débat préalable au COE, et ce afin de présenter un texte législatif au Parlement avant l'été.

Nous nous inscrivons donc dans cette perspective, mais pas seulement. En effet, nous souhaitons trouver une méthode plus efficace que la simple ouverture de négociations salariales. Nous savons pertinemment que la question des minima de branches en dessous du SMIC pose des problèmes pour la dynamisation de l'ensemble des grilles.

C'est la raison pour laquelle, et je l'ai exprimé à différentes reprises lors de conférences, nous souhaitons qu'il n'y ait plus de tels minima. Toutefois, le dire, c'est bien ; le traduire en actes, c'est mieux ! Tel est notre objectif.

Je partage l'analyse de M. le rapporteur. Ce n'est pas au détour d'un amendement que nous pourrons aborder un tel sujet. En revanche, au moment du vote du texte auquel j'ai fait allusion, j'écouterai avec plaisir les positions des uns et des autres. Si nous parvenons à un consensus, ce sera une excellente nouvelle.

Enfin, pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur, un bilan précis de la négociation des branches sera dressé le 8 février prochain avec les partenaires sociaux. Si vous le souhaitez, je vous en transmettrai les conclusions.

M. Nicolas About, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. M. le ministre vient de répondre en partie à ce que je m'apprêtais à souligner : les actes valent effectivement mieux que les paroles.

M. Charles Revet. Eh bien voilà ! Les actes arrivent !

Mme Annie David. Auparavant, je ne disposais pas d'une telle précision ! Nous verrons ensuite si les actes suivent.

Mais, vous en conviendrez, il est tout de même incroyable que, dans certains secteurs de notre économie, des grilles salariales débutent en dessous du SMIC. Cela signifie que, en fonction de leur diplôme, certains salariés sont en-dessous du SMIC.

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais non ! C'est impossible !

Mme Annie David. Bien évidemment, ces salariés perçoivent le SMIC ! Simplement, la classification sur leur fiche de paie - c'est le cas pour la convention du bâtiment - indique un échelon indiciaire qui correspond lui-même à un salaire inférieur au SMIC.

M. Guy Fischer. Eh oui !

Mme Annie David. Dans les faits, en raison d'un processus mis en place par l'entreprise, qui passe par exemple par un système de primes, repas ou autres avantages, le salarié finit par percevoir une rémunération égale au SMIC. Il n'empêche que, sur sa fiche de paie, la classification correspond bien à un échelon indiciaire pour lequel le salaire est inférieur au SMIC, et ce à l'heure où certains évoquent l'augmentation du pouvoir d'achat. Pour nous, c'est inacceptable !

Ces classifications sont fonction des diplômes. On évoque aujourd'hui l'éducation nationale et la révision des diplômes, mais, curieusement, personne n'arrive à avancer lorsqu'il s'agit de rendre le système cohérent.

Ainsi, je ne suis pas certaine qu'un jeune quittant l'éducation nationale avec un CAP du bâtiment aurait une classification lui permettant d'obtenir un salaire équivalent au SMIC.

M. Nicolas About, rapporteur. Cela sera renégocié ! C'est le rôle des partenaires sociaux !

Mme Annie David. Certes, monsieur le ministre, le sujet concerne non pas seulement les grilles qui comportent des salaires inférieurs au SMIC, mais l'ensemble des grilles et leur dynamisation. En effet, si nous parvenions à faire évoluer les salaires les plus bas de ces grilles, la rémunération de tous les salariés bénéficierait mécaniquement d'un coup de pouce.

Vous l'avez donc bien compris, nous souhaitons attirer votre attention sur ces deux points !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir accepté de suspendre la séance pour permettre à la commission d'examiner les amendements.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Discussion générale

7

Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires étrangères a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Robert del Picchia et Mme Monique Cerisier-ben Guiga respectivement membre titulaire et membre suppléant du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt,

est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement a inscrit à l'ordre du jour prioritaire de la séance du mardi 5 février, à 16 heures, avant le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, l'examen de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction.

Acte est donné de cette communication.

9

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Article 1er

Pouvoir d'achat

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat.

Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 1er, à l'amendement n° 99, les amendements nos 71 et 72 ayant déjà été examinés en priorité.

Je rappelle les termes de l'article 1er :

Discussion générale
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Article 1er bis

Article 1er (suite)

I. - Par exception aux dispositions du II de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise :

1° Le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut, sur sa demande et en accord avec l'employeur, renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos acquises au titre de périodes antérieures au 1er juillet 2008 en application de l'article L. 212-9 du code du travail. Les demi-journées ou journées travaillées à la suite de l'acceptation de cette demande donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration des huit premières heures supplémentaires applicable à l'entreprise. Les heures correspondantes ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires prévu aux articles L. 212-6 du code du travail et L. 713-11 du code rural ;

2° Lorsque l'accord prévu au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ne définit pas les conditions dans lesquelles le salarié qui le souhaite peut, en accord avec le chef d'entreprise, renoncer à une partie de ses jours de repos acquis au titre de périodes antérieures au 1er juillet 2008 en contrepartie d'une majoration de son salaire, le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut adresser une demande individuelle au chef d'entreprise. Le décompte des journées et demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos intervient dans les conditions prévues par la convention de forfait mentionnée au même article. La majoration de rémunération, qui ne peut être inférieure à 10 %, est négociée entre le salarié et le chef d'entreprise.

II. - Lorsque l'accord prévu à l'article L. 227-1 du code du travail ne définit pas les conditions dans lesquelles les droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés, à l'initiative du salarié, pour compléter la rémunération de celui-ci, le salarié peut, sur sa demande et en accord avec l'employeur, utiliser les droits affectés au 30 juin 2008 sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération.

Lorsque les accords prévus à l'article L. 227-1 et au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ont déterminé les conditions et modalités selon lesquelles un salarié peut demander à compléter sa rémunération en utilisant les droits affectés à son compte épargne-temps, ou selon lesquelles un salarié peut renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire, les demandes portant sur les droits affectés au 30 juin 2008 sont satisfaites conformément aux stipulations de l'accord.

Toutefois, cette utilisation du compte épargne-temps sous forme de complément de rémunération ne peut s'appliquer à des droits versés sur le compte épargne-temps au titre du congé annuel prévu à l'article L. 223-1 du même code.

III. - Le rachat exceptionnel prévu aux I et deux premiers alinéas du II est exonéré, pour les journées acquises ou les droits affectés au 31 décembre 2007 de toute cotisation et contribution d'origine légale ou d'origine conventionnelle rendue obligatoire par la loi, à l'exception des contributions définies aux articles L. 136-2 du code de la sécurité sociale et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

IV. - Le présent article s'applique aux demandes des salariés formulées avant le 31 juillet 2008.

Le rachat exceptionnel mentionné au III n'ouvre pas droit pour les journées acquises ou les droits affectés au 31 décembre 2007 au bénéfice des dispositions de l'article 81 quater du code général des impôts et des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale.

V. - Un bilan de l'application du présent article est transmis au Parlement avant le 1er octobre 2008, permettant de préciser le nombre de jours réellement rachetés dans ce cadre et le nombre de salariés concernés. 

M. le président. L'amendement n° 99, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter deux paragraphes ainsi rédigés :

... - L'article L. 124-2-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 124-2-1. - Un utilisateur ne peut faire appel aux salariés des entreprises de travail temporaire que pour des tâches non durables et dans les seuls cas suivants :

« 1° Remplacement d'un salarié en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail ;

« 2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise. Au titre de ce motif, le nombre de salariés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire, ne peut, en moyenne pendant l'année en cours excéder 5 % de l'effectif occupé en moyenne au cours de l'année civile précédente par l'entreprise. Le nombre obtenu est arrondi à l'unité supérieure. En cas de dépassement de ce taux, les contrats de travail excédentaires et par ordre d'ancienneté dans l'entreprise sont réputés être conclus pour une durée indéterminée avec l'entreprise utilisatrice.

« Le contrat de travail temporaire doit comporter un terme fixé avec précision dès sa conclusion. Ce contrat peut être renouvelé une fois pour une durée déterminée qui, ajoutée au contrat initial, ne peut excéder douze mois.

« Lorsque le contrat est conclu pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat est suspendu il ne peut comporter un terme précis et il a alors pour terme la fin de l'absence du salarié ».

... - Les articles L. 124-2-2, L. 124-2-4, L. 124-2-5, L. 122-2-7 sont abrogés.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Si le recours au temps partiel imposé est une réalité qu'il ne faut pas nier, un autre élément vient profondément déstabiliser le marché du travail tel que nous le concevions par le passé, en le rendant toujours plus flexible : le travail temporaire.

Alors, me direz-vous, le code du travail organise déjà, en son article L. 124-2-4, le recours au travail temporaire. Pourtant, les syndicalistes que nous rencontrons dans nos permanences nous disent que la loi est quotidiennement contournée, monsieur le ministre.

L'amendement que nous vous proposons d'adopter aborde cette question sans dogmatisme, sans a priori, dans un pur esprit de simplification jurisprudentielle. Il s'agit pour nous non pas de créer un droit nouveau, mais de respecter, dans la réécriture de cet article, l'esprit du législateur.

Ainsi proposons-nous de limiter le recours au travail temporaire à 5 % de la masse salariale. Ce pourcentage aura pour effet d'empêcher le recours perpétuel au travail temporaire dans l'entreprise, au détriment du contrat à durée indéterminée, qui doit rester la règle. En cas de dépassement de ce seuil, les contrats en question seraient, par ordre d'ancienneté dans l'entreprise, requalifiés en CDI et réputés avoir été conclus dès le premier contrat.

Cet amendement précise encore que tout contrat de travail temporaire doit comporter une fin précise. Il s'agit d'éviter la reconduction tacite et récurrente des contrats de travail temporaire dans une même entreprise et pour une même mission.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Cet amendement vise à restreindre fortement le recours au CDD, que nous considérons pour notre part déjà suffisamment encadré.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur Fischer, j'ai décidé de m'engager sur le sujet du travail à temps partiel subi et éclaté. J'ai même accepté une table ronde qui avait été proposée par des organisations syndicales. Je l'avais indiqué lors de la conférence sur l'égalité salariale homme-femme.

Nous allons organiser cette table ronde, et j'ai bien l'intention de signer des accords avec deux branches prioritaires, pour l'instant : les secteurs du nettoiement et de la grande distribution, dans lesquels on compte le plus de temps partiels subis et éclatés.

Or si cet amendement - dont l'objet n'est pas, selon moi, directement rattaché au texte - était adopté, je pense que nous irions à l'encontre de cette démarche.

Voilà pourquoi je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je serais contraint d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement est-il maintenu ?

M. Guy Fischer. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous apprécions la réponse de M. le ministre. Effectivement, concernant le travail à temps partiel, nous sommes tout à fait d'accord sur la nécessité d'organiser une table ronde, notamment dans les secteurs de la grande distribution et du nettoyage.

Toutefois, cet amendement concerne principalement le travail en CDD ou en intérim, ce qui est différent du travail à temps partiel. Il a pour but d'obliger les entreprises à ne pas avoir un nombre trop important de salariés en contrat à durée déterminée ou intérimaires.

Votre proposition de table ronde concernant le travail à temps partiel a évidemment retenu toute notre attention, monsieur le ministre, et nous vous donnerons volontiers notre avis sur le sujet, si toutefois vous nous interrogez. En attendant, nous maintenons cet amendement qui concerne principalement les contrats à durée déterminée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet l'article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le premier alinéa de l'article L. 132-12 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Avant le 1er janvier 2009, les négociations salariales de branche prévoient obligatoirement le relèvement des minima salariaux de branche à des taux de rémunération au moins égaux au salaire minimum interprofessionnel de croissance défini à l'article L.141-2. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L'article L. 132-12 du code du travail, tel qu'il est encore en vigueur pour quelques semaines, prévoit l'obligation pour les organisations qui sont liées par une convention de branches ou, à défaut, par des accords professionnels de se réunir au moins une fois par an pour négocier sur les salaires et au moins une fois tous les cinq ans pour examiner la nécessité de réviser les classifications. Cette obligation devrait d'ailleurs être rappelée dans bon nombre de branches, monsieur le ministre, mais peut-être cela fera-t-il l'objet de la prochaine discussion que vous devez entamer.

Cet amendement a pour objet de compléter ledit article de la référence explicite à l'obligation de négocier, dès 2009, sur le relèvement des salaires minimums de certaines branches qui restent en dessous du SMIC ; nous en avons discuté avant la suspension de séance.

Le Président de la République, qui se disait prêt à tout durant la campagne présidentielle, même à aller chercher la croissance avec les dents, s'avoue aujourd'hui inefficace en matière de salaires. C'est sans doute là la victoire de ses amis du MEDEF sur certains de ses conseillers.

L'amendement que nous proposons aujourd'hui a pour effet, je le crains, de faire mentir M. Sarkozy. La loi peut prévoir une obligation de négociation dans l'objectif d'en finir réellement avec cette situation où un salarié travaille dur pour une rémunération indigne.

Nicolas Sarkozy voulait réinvestir la valeur « travail » : eh bien, prenons-le au mot ! Le travail n'aura de valeur que si les salariés sont rémunérés à hauteur de la richesse qu'ils produisent. Il faut sortir de la logique de la paupérisation du salariat et de la « smicardisation ».

Naturellement, garantir à tous les salariés une rémunération égale au SMIC n'est pas, pour les sénatrices et sénateurs du groupe CRC, une finalité en soi ; c'est une étape nécessaire à la prise en compte de l'urgence de la situation. Nous savons pertinemment que ce sont tous les salaires qu'il faut augmenter, tous les minima sociaux qu'il faut revoir pour permettre à tous d'augmenter leur pouvoir d'achat et de vivre dans la dignité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Il me semble difficile de prévoir par la loi que les négociations devront aboutir obligatoirement à un résultat précis.

Nous considérons que les efforts engagés par le Gouvernement sont déjà importants. Nous ne pouvons qu'espérer que celui-ci poursuive dans cette voie. Mais, sur le principe, nous sommes défavorables à l'amendement présenté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour que le Gouvernement avance dans cette voie, il faudra qu'il bénéficie de la confiance du Sénat, monsieur About. Je ne doute pas un seul instant que ce sera le cas et, dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - L'article L.132-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé

« À compter du 1er janvier 2008, dans le cadre des négociations sur les salaires entre les organisations visées au premier alinéa, les entreprises qui s'engagent à augmenter les salaires dans le cadre d'un accord majoritaire avec les organisations syndicales bénéficient d'un allégement de cotisations sociales. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale découlant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il s'agit, par cet amendement, de conditionner les allégements de charges sociales à la signature d'accords majoritaires avec les organisations syndicales dans le cadre de négociations de branche. Peut-être serons-nous bientôt satisfaits...

Lors de sa conférence de presse, où l'on a appris peu de chose, en tout cas sur ses projets politiques, si ce n'est qu'il voulait en finir avec la durée légale du temps de travail, le Président Nicolas Sarkozy s'est déclaré incompétent pour aller voir le patronat et lui demander d'augmenter les salaires.

Pourtant, lorsqu'il était ministre de l'économie, il avait semblé faire preuve de plus de volontarisme, convoquant dans son bureau les dirigeants des sociétés pétrolières pour leur demander de faire des efforts sur les prix. Cela n'aura été que peu perceptible à la pompe et n'aura duré qu'un temps. Il semble même que, depuis, ces sociétés se rattrapent. Mais au moins avait-il fait une tentative !

Aujourd'hui, Président de la République disposant de la majorité à l'Assemblée nationale et au Sénat, il ne pourrait rien faire pour les salariés du privé. Il ne peut rien faire non plus pour les fonctionnaires qui se mobilisent massivement. Mais là, c'est la faute de l'économie : toujours une bonne excuse, en somme !

Car, en réalité, le Président de la République et son Gouvernement appliquent à la perfection la leçon qu'ils ont apprise du patronat et en particulier du MEDEF : il faut réduire les coûts du travail. On a même entendu certains députés de l'UMP dire qu'il ne fallait pas augmenter les salaires, au risque d'accroître l'inflation. Pourtant, l'inflation est là - 2,6% - et les salaires ne suivent pas.

L'amendement que nous proposons a pour objet d'intervenir directement sur la question qui préoccupe réellement les salariés : leur rémunération. Vous pouvez toujours, dans votre rhétorique, tourner autour du pot autant qu'il vous plaira ; il n'en demeure pas moins que, lorsque les Français parlent de leur pouvoir d'achat, c'est d'abord et avant tout de leur salaire dont il est question. Ils ne nous parlent ni du déblocage de leur épargne salariale ni du rachat de leurs RTT ; ils nous parlent de leur fiche de paye et de cette impression que leurs efforts ne sont pas suffisamment reconnus.

Nous proposons donc que s'ouvrent, dès le 1er mars 2008, branche par branche, sous l'impulsion du Gouvernement et de son ministre du travail, des négociations visant à augmenter la rémunération des salariés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement témoigne de la force de persuasion du Président de la République puisqu'il rejoint l'une de ses réflexions sur la conditionnalité des allégements de charges. Cette mesure, suffisamment complexe, doit être précisée sur le plan technique.

La commission n'est pas hostile sur le fond, mais en attendant cette précision, elle a préféré émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Au-delà des propos du Président de la République rappelés par M. le rapporteur, le Gouvernement ne peut que se ranger à l'argumentation développée par la commission. Il émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Étant par nature opposé à la suppression des charges sociales et à leur paiement par l'État, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, est-ce le ton convaincant du Président de la République qui vous fait aller dans cette direction ? Ne seraient-ce pas plutôt nos propositions qui ont semblé pertinentes à Nicolas Sarkozy qui vous incitent à nous rejoindre et à proposer d'étudier la question ? (M. Fischer applaudit.)

M. Nicolas About, rapporteur. Je me le demande ! (Sourires.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Le doute est permis... (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 80, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. - Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 212-1 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Dans les entreprises et unités économiques et sociales de la branche des hôtels, cafés et restaurants, la durée équivalente à la durée légale prévue au premier alinéa de l'article L. 212-1 est fixée à trente-cinq heures ».

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes pour l'État résultant du passage à 35 heures dans la branche des hôtels, cafés et restaurants est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. L'amendement que je vais défendre est limpide : nous proposons de ramener la durée légale de travail des salariés de la branche cafés, hôtels, restaurants à 35 heures, au lieu de 39 heures aujourd'hui.

M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement est satisfait !

M. Guy Fischer. Nous savons combien cela est en contradiction avec la politique gouvernementale qui veut que « travailler plus pour gagner plus » s'impose à tous.

C'est visiblement méconnaître les conditions de travail des salariés de cette branche, qui, rappelons-le, est la seule à inscrire dans sa convention collective une durée de travail supérieure à la durée légale.

En adoptant notre amendement, mes chers collègues, vous mettriez tout simplement notre droit en conformité avec la jurisprudence. En effet, en octobre 2006, le Conseil d'État a rendu un arrêt à l'encontre des employeurs de la branche hôtels, cafés, restaurants ayant pour effet d'annuler, sur la base des conclusions d'un commissaire du Gouvernement, l'ensemble des dispositions relatives à la durée du travail telle que définie dans les accords de 2004 et ramenant la durée légale du travail à 35 heures.

En fait, depuis quatre ans, rien n'a vraiment changé. La restauration reste l'un des secteurs les plus pénibles, les moins rémunérateurs et où la durée de travail est la plus longue, malgré les exonérations fiscales dont a bénéficié cette branche à la veille de l'élection présidentielle. Et encore éviterai-je de parler des heures supplémentaires impayées, ainsi que du sort particulier et plus que détestable réservé aux saisonniers !

Cet amendement est attendu par les organisations syndicales. Celles-ci ont d'ailleurs multiplié les propositions au patronat, qui n'a eu de cesse de les refuser sous la pression, notamment, de son président qui est bien connu pour ses coups de gueule. En attendant, les employés de ce secteur vivent dans des conditions plus que contestables.

En maintenant la règle des 39 heures pour cette branche, vous envoyez un signal clair aux salariés : la juste rémunération des heures supplémentaires version Nicolas Sarkozy ne vous concerne pas. Continuez à travailler plus, vous ne gagnerez pas plus ! Tel est le message envoyé. C'est ce que nous souhaitons dénoncer aujourd'hui au travers de cet amendement, même si nous savons qu'il ne sera certainement pas adopté.

Mme Catherine Procaccia. Quelle lucidité !

M. Guy Fischer. Pour autant, nous souhaitons véritablement que ce problème, qui est récurrent dans cette profession, puisse faire l'objet de réponses claires de la part de M. le ministre, qui devrait m'écouter plutôt que de discuter avec M. Mercier. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous parlons de votre amendement !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. M. le ministre indiquait à M. Mercier que cette mesure était déjà en vigueur. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable. Je demande à M. le ministre de me confirmer que j'ai bien entendu

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne sais pas si M. Fischer sera satisfait, mais l'amendement, quant à lui, est déjà satisfait, comme j'étais effectivement en train de l'expliquer à M. Mercier.

La durée légale du travail a bien été ramenée à 35 heures. Les quatre heures en question sont ce que l'on pourrait qualifier des heures supplémentaires structurelles. Elles bénéficient donc de la majoration à partir de la trente-sixième heure.

Je connais vos interrogations, monsieur Fischer ; M. Mercier les faisait siennes. C'est la raison pour laquelle je semblais diverti, mais ce n'était absolument pas le cas. (Sourires.)

M. le président. Dans ces conditions, l'amendement n° 80 est-il maintenu, monsieur Fischer ?

M. Michel Mercier. Ce serait impensable !

M. Guy Fischer. Quand cette mesure s'est-elle concrétisée, monsieur le ministre ? Nous aimerions obtenir des précisions claires et précises à ce sujet. Il est en effet rare que des mesures gouvernementales permettant l'amélioration des conditions des travailleurs nous échappent.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je sens que M. Fischer est à deux doigts d'accorder sa confiance.

M. Guy Fischer. À ce gouvernement ? Jamais !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il ne faut jamais dire jamais ! Sait-on jamais ...

M. Michel Mercier. Cela lui arrive souvent !

M. Xavier Bertrand, ministre. En l'occurrence, je ne vous demande pas de faire confiance au Gouvernement, puisqu'il s'agit d'un accord entre partenaires sociaux en date du 5 février 2007. Cet accord fait en sorte que ces heures d'équivalence, comme cela était le cas auparavant, qui conduisent à un temps de présence dans l'entreprise supérieur aux 35 heures, soient considérées comme des heures supplémentaires.

Mme Annie David. Dans la convention, c'est toujours 39 heures !

M. Xavier Bertrand, ministre. Non ! L'accord est appliqué depuis le 1er avril 2007. Nous sommes donc bien avec une durée légale de référence de 35 heures.

M. Guy Fischer. Vous nous confirmez que la durée légale du travail est de 35 heures ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous le confirme !

M. le président. Finalement, que décidez-vous, monsieur Fischer.

M. Guy Fischer. Nous retirons notre amendement, mais nous allons vérifier cette information.

M. Nicolas About, rapporteur. Pas de menace ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 80 est retiré.

Sur le visage de M. le ministre se lit la satisfaction d'avoir apporté confirmation au groupe CRC de l'application de cette importante mesure.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est le fait que la confiance ait remplacé le doute qui me fait plaisir !

M. le président. L'amendement n° 81, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 212-1 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Le nombre de personnes embauchées en contrat autre qu'un contrat à durée indéterminée ne peut excéder un seuil, équivalent à 10 % de l'effectif de l'entreprise, calculé dans les conditions définies à l'article L. 620-10 ».

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Le Gouvernement multiplie les effets d'affichage, et pas uniquement sur les questions liées à l'emploi et au pouvoir d'achat. Il les multiplie même particulièrement en ce moment dans d'autres domaines que celui-ci pour masquer en réalité son impuissance à redonner aux Français un véritable pouvoir d'achat.

Mais les Français, quant à eux, savent pertinemment, lorsqu'ils font leurs courses, que leur pouvoir d'achat ne cesse de s'affaiblir. Ils savent qu'il leur faut rogner sur tous les budgets : pas de vacances cette année, moins de loisirs, privation de soins, et la liste est longue ...

Aujourd'hui, pour des milliers de nos concitoyens, les fins de mois difficiles commencent le quinze du mois. Allez donc sur les marchés, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. J'y vais toutes les semaines !

M. Guy Fischer. Pour ma part, j'y étais ce week-end : samedi aux Minguettes et dimanche au marché du centre. Les commerçants vous le diront : à la moitié du mois, il y a déjà moins de monde, et la dernière semaine, c'est presque le désert ! Autant vous dire que l'ouverture des magasins le dimanche, dans ce contexte économique, nous laisse très perplexes.

Cet amendement est, vous l'aurez sans doute reconnu, l'un de ceux que nous déposons souvent. Si nous le présentons régulièrement, c'est parce que nous faisons systématiquement le même constat : trop d'entreprises ont recours à des contrats atypiques, naturellement précaires, et souvent insuffisamment payés.

En visant à limiter le nombre d'emplois sous contrats autres que le CDI, nous voulons endiguer le recours aux emplois précaires et faire en sorte qu'ils ne dépassent pas 10 % du nombre total des emplois dans une entreprise.

Pour nous - des millions de Français le vérifient chaque jour -, l'une des principales sources de perte du pouvoir d'achat est la dégradation des conditions d'emploi et, bien entendu, la pression qui est faite sur les salaires. Et cela ne va pas en s'améliorant ! C'est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. La commission souhaite que soit maintenue un peu plus de souplesse. C'est pourquoi elle n'est pas favorable au fait de plafonner le nombre de salariés en CDD.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. En outre, cet amendement est très éloigné de l'objet du projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le quatrième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail est supprimé.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L'article 69 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a considérablement modifié l'article L 212-4 du code du travail en précisant que « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif ». Il s'agissait alors pour le Gouvernement de mettre fin à une série d'arrêts jurisprudentiels, tous relatifs aux trajets du domicile vers des lieux de travail qui ne sont pas le lieu habituel.

En effet, la Cour de cassation, notamment au travers de son arrêt du 5 novembre 2003, considérait systématiquement que s'il y avait, entre ce trajet particulier et le trajet régulier, un temps supérieur, celui-ci devait être considéré comme du temps de travail effectif. Vous avez donc mis fin à ce fait en 2005, et nous le regrettons vivement.

Nous considérons que la décision de votre majorité - il ne s'agissait pas encore de ce gouvernement, monsieur le ministre, mais vous êtes visiblement libéralement solidaire - est inacceptable. Vous avez abusivement exclu ces temps de trajet du temps de travail, le considérant presque comme un trajet personnel.

Curieuse construction juridique, puisque, en cas d'accidents, de nombreuses juridictions ont qualifié ces derniers d'accidents du travail. On voit donc la finalité de cette mesure : satisfaire le patronat, qui gagne ainsi quelques minutes ou quelques heures de rémunérations qui échappent ainsi au paiement des heures supplémentaires. Et tant pis si, pour les comptes publics, il reste du temps de travail !

Dans le contexte qui est le nôtre, cet amendement apparaît bienvenu, puisqu'il reconnaît à sa juste valeur la notion de travail, c'est-à-dire l'ensemble des actes du salarié participant à son activité professionnelle.

Voter notre amendement serait en outre envoyer aux partenaires sociaux un signal positif, alors que nous savons que, bientôt, il leur faudra notamment débattre de la mobilité professionnelle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Le groupe CRC est cohérent avec la position qu'il avait adoptée à l'époque. Il ne sera donc pas surpris que la majorité reste, elle aussi, cohérente.

La commission n'est pas favorable à l'adoption de cet amendement, qui viendrait remettre en cause une mesure de clarification adoptée dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Comme avec l'amendement précédent, nous sommes ici très éloignés de l'objet du projet de loi, et je crois que chacun en a conscience.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 78, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le troisième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Dans le cas contraire, le contrat est requalifié »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps l'amendement n° 77.

M. le président. Bien volontiers !

L'amendement n° 77, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L.212-4-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque pendant une période de douze semaines consécutive, ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines, l'horaire moyen effectué par un salarié équivaut ou dépasse un horaire à temps complet, le contrat de travail à temps partiel est requalifié en contrat de travail à temps complet, si le salarié intéressé le demande ».

Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vous avez entamé récemment, avec le Gouvernement, une refonte complète du code du travail. Cette fameuse recodification s'est accompagnée d'une modernisation du marché du travail dont l'objectif annoncé est de favoriser la « flexsécurité ». Cet accord a été signé et approuvé par quatre organisations syndicales sur cinq.

Or, il y a des salariés, femmes et hommes, qui attendent que leur parcours professionnel soit à la fois sécurisé et stabilisé. Tel est le cas de ces millions de salariés, contraints à accepter des emplois précarisés, mal rémunérés, où le temps de travail est toujours imposé par l'employeur et jamais choisi par le salarié.

Dans certains secteurs d'activité, l'usage des temps partiels, pour des raisons de flexibilité de la main-d'oeuvre, est dorénavant devenu la règle. C'est le cas, par exemple, de la grande distribution, où 40 % des emplois sont aujourd'hui à temps partiel - bien souvent, il s'agit de travailler au maximum 29 heures ou 30 heures -, mais aussi de la restauration, des services à la personne et de l'action sociale. C'est du travail en « miettes » !

Quand, comme aujourd'hui, 17 % des emplois sont des emplois à temps partiel, on ne peut croire que ce dernier soit un temps choisi.

Nous proposons donc qu'un salarié ait la possibilité de voir son contrat à temps partiel requalifié en contrat à temps plein lorsque, pendant une période d'environ trois mois, l'horaire moyen effectué équivaut ou dépasse un horaire à temps complet.

L'amendement n° 77, de justice sociale, est, croyez-moi, très attendu par les salariés concernés ; ils ne demandent, justement, qu'à travailler plus, mais pas dans n'importe quelles conditions.

Ils ne veulent pas travailler en ajoutant des heures complémentaires aux heures complémentaires ; ils ne veulent pas travailler au prix d'une journée de travail déstructurée, qui désorganise la vie privée et affecte leur santé ; ils ne veulent pas travailler au prix de la satisfaction unique de l'employeur, pour qui le temps partiel est un mode de gestion patronale qui vise à instaurer toujours plus de flexibilité. Nous connaissons tous les conséquences de ce genre de pratique sur la vie familiale.

L'adoption de cet amendement nous donnerait les moyens d'atténuer un peu les conséquences, dévastatrices en termes de pouvoir d'achat, de cette politique de flexibilisation à outrance de la main-d'oeuvre.

L'amendement n° 78, quant à lui, s'inscrit dans la même logique de lutte contre le temps partiel imposé.

Il vise à prévoir la requalification, si le salarié le demande, du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein dès lors que le salarié effectue de manière régulière et structurelle un nombre d'heures supplémentaires tel qu'il atteint ou dépasse la durée légale du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. L'amendement n° 77 ne paraît pas très cohérent avec le troisième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail aux termes duquel il est interdit de faire effectuer des heures complémentaires au salarié à temps partiel si cela a pour effet de porter son horaire de travail à un temps complet.

Vous savez que le nombre d'heures complémentaires est limité à 10 % ou, au maximum, à un tiers du temps effectué en cas d'accord.

Par conséquent, la commission ne peut accepter le principe de cet amendement et émet un avis défavorable.

Si jamais un patron se laissait aller à ce genre de comportement - tel est l'objet de l'amendement n° 78 -, il tomberait sous le coup de l'amende qui est prévue à l'article R. 261-3-1 du code du travail.

La commission est donc également défavorable à l'amendement n° 78.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. La logique est la même que pour les amendements précédents, mais je peux vous apporter tous les compléments d'information que vous souhaiterez.

Prenons l'exemple du salarié employé à temps partiel qui va effectuer des heures complémentaires jusqu'à 35 heures : son contrat sera aussitôt requalifié en contrat à temps complet.

La mesure que vous proposez, monsieur Fischer, est donc d'ores et déjà satisfaite.

M. Nicolas About, rapporteur. Eh oui !

M. Charles Revet. Le Gouvernement anticipe vos désirs !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. J'entends bien la réponse de M. le rapporteur et de M. le ministre, mais je ne suis pas tout à fait convaincue, comme vous vous en doutez ! (Sourires.)

Il me semble, d'après la rédaction actuelle du texte, que cette requalification n'est pas automatique. La loi, aujourd'hui, fait référence à l'équivalent mensuel de la durée de travail. Or cet équivalent mensuel ne me paraît pas véritablement répondre à notre souci de requalification en cas de travail supplémentaire, chaque semaine ; il ne nous semble pas pertinent. C'est pourquoi nous avons déposé ces deux amendements.

Si toutefois vous pouviez m'assurer, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, qu'un salarié ayant un contrat initial de 25 heures qui effectuerait 28 heures ou 29 heures toutes les semaines, parce que son entreprise en a besoin, verrait automatiquement son contrat requalifié en temps, c'est-à-dire à 29 heures ou à 30 heures, ...

M. Nicolas About, rapporteur. Ce n'est pas ce que M. le ministre a dit !

Mme Annie David. ... je pourrais vous faire confiance. Pour ma part, il me semble que cette requalification n'est pas possible.

Vous nous parlez d'une requalification à hauteur d'un temps complet, c'est-à-dire 35 heures, et nous, nous vous parlons d'une requalification à temps partiel, pour le cas où une personne employée 25 heures travaillerait 30 heures. Une telle requalification est-elle également de droit ? S'effectue-t-elle ? Si vous m'assurez que cela est possible, nous voulons bien retirer nos amendements.

Ce doute nous anime. C'est la raison pour laquelle nous les avons de nouveau déposés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je veux vous répondre, madame la sénatrice, pour éviter toute ambiguïté.

Cependant, je tiens à souligner que le débat que nous avons, profondément technique et juridique, est très éloigné du texte !

M. Guy Fischer. Nous allons dans le détail, monsieur le ministre ! Nous avons travaillé et nous souhaitons des réponses précises ! (Sourires.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis disposé à ce que nous puissions travailler plus, ensemble ! (Nouveaux sourires.)

Très concrètement, deux problèmes différents se posent, selon que le temps de travail est qualifié sur la base mensuelle ou hebdomadaire.

En tout état de cause, pour la question spécifique que posait M. Fischer au sujet de la durée hebdomadaire, vous avez satisfaction, je tiens à le rappeler. En ce qui concerne la durée mensuelle, le problème n'est pas le même, je le confesse.

Vous n'êtes donc satisfaits qu'à moitié, ce qui n'est pas si mal tout de même !

Mme Annie David. Dans ce cas, nous maintenons nos deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 79, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. - Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les heures complémentaires donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour les quatre premières et de 50 % pour chacune des heures suivantes ».

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes pour l'État résultant de la majoration pour heures supplémentaires est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Mon explication vaudra également pour l'amendement n° 101.

Avec la loi TEPA, vous avez entrepris, dites-vous, monsieur le ministre, de mieux rémunérer les salariés qui effectuent des heures supplémentaires, en organisant un dispositif complexe prévoyant l'exonération de cotisations pour l'employeur des heures effectuées au-delà de la durée légale du temps de travail et la non-imposition de ces heures pour le salarié.

Ce mécanisme est tellement complexe que peu d'entreprises l'ont mis en place et celles qui l'ont fait ont rencontré quelques difficultés.

L'amendement n° 79 s'inscrit dans la lignée de ceux dont nous avons déjà débattu, et de ceux qu'il nous reste à examiner, sur la question de la durée du temps de travail et de la rémunération des salariés, car il existe, pour nous, un lien étroit entre le temps de travail et le salaire. Vous le savez, puisque vous en avez fait vous-même un slogan de campagne ! Vous avez d'ailleurs trompé, et je pèse mes mots, les Français les plus en difficulté pour qui travailler plus pour gagner plus signifiait passer d'un temps partiel à un temps plein.

L'amendement que nous vous présentons aujourd'hui est donc, en quelque sorte, un amendement de repli face à votre politique libérale.

Aux heures complémentaires nous préférerons le temps plein, un temps plein dont la durée légale est fixée par la loi, identique pour tous, c'est-à-dire 35 heures.

Nous vous proposons donc, par cet amendement, d'adopter le principe d'une majoration des heures complémentaires effectuées par le salarié, en leur appliquant un taux de rémunération de 50 %. Il faut payer, selon nous, pour que le pouvoir d'achat augmente réellement. Un tel taux présenterait le double avantage de rendre le recours aux heures complémentaires exceptionnel et, par voie de conséquence, de développer l'emploi à temps plein.

Nous vous soumettons donc cet amendement comme on propose un outil pour changer la vie de milliers de travailleurs. Aurez-vous le courage politique de vous en saisir et de rompre durablement avec les pratiques libérales de flexibilité et de précarisation ?

Au cours de ces dernières années, nous avons fait le constat de l'explosion de la précarité, qui entraîne inévitablement une pression sur les salaires. Ne dit-on pas, d'ailleurs, que les exonérations sont des trappes à bas salaire ? Le principal constat que nous avons fait est celui de la smicardisation des salaires ; j'ose employer le terme, car il correspond à la réalité.

Allons basculer sur des systèmes anglo-saxons ?

M. Xavier Bertrand, ministre. La réponse est non !

M. Guy Fischer. C'est un des points qui, aujourd'hui, nous interpellent directement !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. En renchérissant le coût des heures complémentaires dès la première heure, cet amendement dissuadera les employeurs d'y recourir.

Il faut donc s'en tenir aux dispositions qui sont déjà prévues en cas d'accord, à savoir appliquer des majorations au-delà de 10 %.

À notre sens, cet amendement va trop loin et nous émettons un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Fischer, vous évoquez deux sujets différents.

Se pose, d'abord, la question de la différence de traitement qui existe aujourd'hui, il est vrai, entre les heures complémentaires et les heures supplémentaires, ce qui, d'ailleurs, engendre des situations divergentes, s'agissant notamment des RTT.

C'est un sujet que j'ai bien en tête. J'ai fait référence, tout à l'heure, à une visite que j'ai effectuée au tout début du mois de janvier, avec Christine Lagarde, dans l'entreprise Franz Electrolyse, située dans les Hauts-de-Seine. Une des salariées, la comptable, avait évoqué ce problème. J'ai donc bien en tête tout ce qui concerne le temps partiel contraint et éclaté.

En revanche, avec cet amendement, non seulement, comme l'a très bien dit M. le rapporteur, vous risquez d'aller au-delà, mais, surtout, rien n'empêche qu'un accord vous donne pleinement satisfaction.

Voilà pourquoi le Gouvernement ne vous suivra pas, monsieur le sénateur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 102, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'accord collectif de travail précise les conditions dans lesquelles les heures supplémentaires ou les heures choisies visées à l'article L. 212-6-1 sont proposées en priorité aux salariés à temps partiel qui souhaitent effectuer un nombre d'heures supérieur à celui mentionné dans leur contrat de travail, ainsi que les conditions dans lesquelles ces heures sont portées à la connaissance des salariés à temps partiel par l'employeur. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il s'agit toujours des salariés à temps partiel.

Mes chers collègues, il ne fait nul doute, à notre avis, que cet amendement trouvera dans vos rangs un écho favorable, puisqu'il vient « graver » dans le code du travail une règle qui vous est chère, celle du volontarisme dans l'entreprise.

Nous avons déjà dit à plusieurs reprises, et M. Guy Fischer vient de le faire à l'instant, tout le mal que nous pensions du recours excessif aux heures supplémentaires, aux heures complémentaires et aux contrats de type atypique ; je n'y reviendrai donc pas.

Il n'en demeure pas moins que, pour permettre que les heures supplémentaires soient réellement des heures choisies, comme le consacre notre droit, il faut pouvoir encadrer cette pratique. Tel est l'objet de cet amendement.

Nous vous proposons, en effet, de compléter l'article L.212-4 du code du travail, qui est relatif, notamment, aux heures supplémentaires des salariés embauchés sous contrat à temps partiel, en y insérant un alinéa dont l'objet est de limiter les effets dévastateurs du temps partiel subi.

Nous voulons qu'il soit précisé dans la loi que l'employeur propose prioritairement les heures supplémentaires à des salariés qui se seraient préalablement fait connaître auprès de leur employeur.

Cela aurait pour conséquence non négligeable d'empêcher la situation dans laquelle se trouvent bon nombre de salariés qui n'osent refuser les heures supplémentaires que l'employeur souhaite leur confier par peur de sanction ou de « placardisation », si vous me permettez cette expression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Les salariés employés à temps partiel ne sont pas nécessairement ceux qui possèdent les qualifications dont l'employeur a besoin à un moment donné Cette proposition serait donc difficile à mettre en oeuvre.

Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 102.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est également défavorable. Qui plus est, on ne peut pas proposer de faire des heures supplémentaires à des salariés qui sont à temps partiel ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé 

... - Dans le premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail, les mots : « fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6 » sont remplacés par les mots : « fixé à 130 heures ».

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement vise à rétablir le seuil maximal de 130 heures supplémentaires réalisables.

Avec l'adoption de la loi TEPA, dont on connaît les très faibles résultats, le contingent légal annuel d'heures supplémentaires est passé de 130 à 220 heures par salarié. Autant dire qu'il s'agissait là, pour le Gouvernement, d'incarner dans les faits le slogan présidentiel : «travailler plus pour gagner plus ».

J'éviterai ici d'aborder la question de l'applicabilité de cette mesure, afin de ne pas vous mettre en difficulté, monsieur le ministre - il est dommage que Mme Lagarde ne soit pas là, car j'aurais aimé en discuter avec elle -, sur une loi, complétée de deux décrets de plus de dix pages, que professionnels et juristes n'hésitent plus à qualifier d'« usine à gaz ». D'ailleurs, pas plus tard que dimanche soir, un magazine télévisuel titrait sur l'inapplicabilité de cette mesure dans les entreprises.

En fait, il ne s'agit, ni plus ni moins, que d'un outil gouvernemental de lutte contre les 35 heures.

Vous le savez pertinemment, modifier ouvertement la durée légale du temps de travail est aujourd'hui impossible. Malgré vos discours et le grand renfort médiatique dont vous bénéficiez, les Français sont attachés aux 35 heures, et pour les salariés de notre pays, les RTT représentent tout à la fois un acquis social, mais aussi un plus dans la vie quotidienne, utile pour le repos, les loisirs, la construction de la vie de couple ou de famille.

Nous parlions tout à l'heure du compte épargne-temps. Savez-vous que plus de la moitié des bénéficiaires d'un CET n'ont pas utilisé les jours qu'ils y ont déposés ? Savez-vous encore qu'en grande majorité ceux qui y ont eu recours l'ont utilisé non contre une rémunération en espèces, mais en temps, afin de pouvoir bénéficier d'un congé sabbatique ? Disant cela, monsieur le ministre, je ne reprends que des éléments statistiques figurant sur le site internet de votre ministère.

Preuve est faite, mes chers collègues, que les Français, dans leur immense majorité, ne veulent pas travailler plus pour gagner plus, mais qu'ils veulent au contraire travailler - c'est déjà compliqué - et gagner suffisamment pour avoir de quoi vivre décemment.

La question est donc non pas celle des heures supplémentaires, mais celle de la juste rémunération des salaires. Contrairement à ce que vous nous disiez voilà un instant, nous sommes au coeur du texte : il s'agit bien de rémunération ; c'est la seule possibilité d'augmentation du pouvoir d'achat des salariés de notre pays.

C'est la raison pour laquelle je vous propose de revenir sur le contingent légal de 130 heures, ce qui permettrait - et c'est important - d'améliorer les conditions de vie des Français, qui veulent en fait, comme le titrait le Courrier international, « travailler moins, et vivre mieux ».

Mme Catherine Procaccia. Et gagner plus !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. La mesure proposée étant d'ordre réglementaire, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne veux pas anticiper sur un autre débat, mais il n'est pas impossible que, cette année, on aille plutôt en sens inverse, madame David !

Ce qui pose vraiment problème aujourd'hui, dans le carcan des 35 heures, ce sont les contingents d'heures supplémentaires. J'ai tendance à croire que, si les partenaires sociaux en discutaient pour parfois aller au-delà, ce serait mieux. Aujourd'hui, personne ne va voir l'inspecteur du travail pour solliciter un dépassement du contingent !

Voilà pourquoi je ne vous suivrai pas dans votre volonté d'abaisser le seuil des heures supplémentaires, parce que je pense qu'il faut donner raison à ceux qui souhaiteraient avoir davantage de souplesse pour discuter du dépassement des contingents.

Nous ne sommes vraiment pas sur la même longueur d'onde, mais il est bon que nous l'assumions l'un et l'autre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 227-1 du code du travail est abrogé.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement traduit, une fois encore, notre volonté de refuser les assouplissements apportés au dispositif du compte épargne-temps par la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, adoptée en 2005. Nous dénonçons, et nous l'avons dit très clairement, la monétisation, dans la mesure où, d'une part, cet instrument sert clairement à contourner la durée légale du travail, et, d'autre part, ne permet pas aux salariés d'augmenter leur salaire.

Monsieur le ministre, nous connaissons votre intention de généraliser l'épargne individuelle en prévision de la retraite et d'obliger chaque salarié à financer les grandes entreprises et leurs actionnaires par le biais des fonds de pension.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous vous trompez de ministre, il ne peut pas s'agir de moi !

M. Guy Fischer. Cela va venir ! Vous connaissez les problèmes de l'assurance, n'est-ce pas ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela me rappelle de vieux souvenirs et c'est parce que je connais bien ces problèmes que je dis qu'il ne peut pas s'agir de moi !

M. Guy Fischer. Comme vous le savez, ce système de retraite assurantiel individuel est parfaitement inégalitaire, puisque chacun cotise en fonction de ses moyens. Avec un tel dispositif, les salariés qui sont les plus précaires ou qui ont simplement des revenus modestes ne disposeront d'aucune couverture ni d'aucun revenu en fin de vie. Ils dépendront donc de la charité, puis de la solidarité nationale, laquelle est en voie de disparition avec vous au Gouvernement !

Nous aurons certainement un débat sur les retraites au cours du deuxième trimestre. Pour supprimer le système de retraite par solidarité intergénérationnelle, vous le placez en concurrence avec des dispositifs comme le plan d'épargne pour la retraite collectif, le PERCO, en laissant à chacun la responsabilité d'assurer sa retraite, ou tout du moins son complément de retraite.

C'est là que le bât blesse, car les gouvernements successifs issus de votre majorité n'ont eu de cesse de nous dire que les mécanismes du compte épargne-temps avaient vocation à permettre aux salariés de construire l'avenir.

Or, aujourd'hui - quel paradoxe ! - vous nous proposez d'organiser dans la précipitation la possibilité de « piocher » dans ce capital temps, un peu comme si l'avenir ne comptait plus et qu'il fallait intervenir dans l'immédiateté.

Notre opposition à ces mécanismes est encore plus forte car, en permettant à l'employeur de se dissimuler derrière le paravent du compte épargne-temps, vous lui permettez d'éluder la question des salaires, des conditions de travail, de réalisation des heures supplémentaires. Vous faites de l'État -oserai-je le dire ? - un complice de crime de justice sociale. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)

Ces mots sont sans doute trop forts,...

Mme Catherine Procaccia. C'est bien de le reconnaître !

M. Guy Fischer. ... mais c'est bien la question qui est posée. De grands débats vont avoir lieu, notamment au cours du deuxième trimestre, sur les problèmes des retraites, du financement de notre système de protection sociale, de la dépendance. Or, que nous dit-on ? Qu'il nous faudra souscrire des assurances complémentaires en matière de santé, de retraite, de dépendance... C'est ce que M. Mercier me dit tous les jours ! (Sourires.)

Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement.

M. Michel Mercier. Vous n'avez pas de complémentaire, vous ?...

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne manquez pas d'assurance pour tenir de tels propos ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Je veux bien comprendre tous les arguments de M. Fischer, mais cet amendement tendant à supprimer le compte épargne-temps, qui, selon nous, est un dispositif très utile pour les salariés, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à votre amendement, monsieur Fischer, parce que, en définitive, en voulant supprimer la monétisation des CET et en proposant l'abrogation de l'article L. 227-1 du code du travail, vous faites disparaître aussi les CET.

Là encore, monsieur Fischer, nous reparlerons de ce sujet au cours de cette année, mais je tiens pour ma part à conforter les CET et à étudier comment ils pourraient être étendus. De nombreux salariés voudraient, avec leur CET, pouvoir disposer d'une vraie liberté de choix : soit prendre leurs jours de RTT, soit les mettre sur un compte épargne-temps, soit se les faire payer ; ils peuvent même les accumuler pour la retraite. Pensez notamment à ce qui a été choisi par nombre d'agents lors de la réforme des régimes spéciaux. L'idée est de pouvoir alimenter un CET très tôt et de mettre de côté des journées de RTT afin de partir plus tôt à la retraite. C'est un choix qu'il faut laisser aux salariés.

Voilà pourquoi, si l'on reparle du CET, il n'est pas question pour nous de le faire disparaître, nous voudrions plutôt le développer. Mais, là aussi, assumons nos différences !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous avez raison, assumons nos différences !

Nous, évidemment, le CET, nous n'y sommes pas favorables. Vous dites que les salariés peuvent choisir de mettre des jours de côté dans leur CET pour préparer leur retraite ou se les faire payer. Pourquoi pas ? Nous, ce que nous vous disons, c'est que les salariés veulent une augmentation de leur pouvoir d'achat, laquelle passe par l'augmentation du salaire. Le salaire, c'est la fiche de paye, c'est la reconnaissance du travail effectué par les salariés chaque jour dans l'entreprise.

Que vous proposiez des plans - sur la comète, ai-je envie de dire - afin que les uns et les autres puissent financer telle ou telle action supplémentaire, après tout, pourquoi pas ? Si certains salariés ont suffisamment d'argent pour pouvoir en mettre de côté afin de se préparer une retraite plus confortable, qu'ils le fassent ! Mais ne dites pas que c'est un choix des salariés, ce n'est pas vrai ! Vous substituez ce compte épargne-temps au salaire et à la rémunération que les entreprises leur doivent.

Aujourd'hui, le CAC 40 explose. Les plus grands groupes engrangent des bénéfices record : 13 milliards d'euros pour Total, par exemple, à rapprocher des conditions de travail ! Ainsi, dans ma commune, un site d'Arkema, filiale de Total, vient de fermer ; 250 salariés ont été mis à la porte. Est-ce cela le traitement des entreprises aujourd'hui dans notre pays ? Nous, nous ne sommes pas d'accord avec cette philosophie, avec cette économie libérale que vous prônez et, effectivement, pour nous, les CET, c'est...

M. Xavier Bertrand, ministre. Une bonne chose ! (Sourires.)

Mme Annie David. Non, pas du tout, monsieur le ministre, les CET, c'est vraiment un piège que vous tendez aux salariés qui se retrouvent placés dans des situations qui ne leur donnent pas véritablement le choix. Vous prenez sur leur propre pouvoir d'achat pour leur faire payer ce qui, jusqu'à présent, était financé par la solidarité nationale.

Vous êtes en train de casser tous les acquis sociaux qui ont été obtenus à travers différentes luttes pour que les salariés puissent bénéficier du travail qu'ils effectuent chaque jour ; vous les envoyez d'un revers de main à la poubelle !

Évidemment, monsieur le ministre, nous assumons nos différences, et si nous devons débattre du CET, eh bien, nous le ferons quand le moment sera venu !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 75, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 443-8 du code du travail est abrogé.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous abordons le régime plus qu'avantageux, selon nous, d'exonération de cotisations sociales et d'impôt prévu pour inciter les employeurs à abonder le compte épargne-temps de leurs salariés.

Selon les statistiques de votre propre ministère, monsieur Bertrand, 8% des Français ont souscrit un compte épargne-temps. On y apprend également que 53 % d'entre eux ont entendu parler de ce dispositif.

Mais, avant d'en venir à mon amendement, je voudrais rappeler le mécanisme de ces comptes épargne-temps - auxquels, vous l'aurez compris, nous ne sommes pas précisément favorables - et des exonérations qui y sont attachées, qui fondent notre opposition.

Les salariés peuvent faire le choix de créditer leur compte épargne-temps de deux manières : soit ils déposent des espèces et créditent de manière monétisée leur compte épargne-temps, soit ils y déposent des jours de congés, à l'image de la cinquième semaine de congés payés, ainsi que les heures de repos acquises au titre des heures supplémentaires, qu'il s'agisse du repos compensateur de remplacement ou du repos compensateur obligatoire. Ils peuvent également y déposer les jours de repos et de congé accordés au titre d'un régime de réduction du temps de travail.

Or, pour favoriser ces comptes épargne-temps et les développer considérablement, le Gouvernement a consenti à exonérer ces sommes de l'impôt sur les sociétés et des prélèvements sociaux. Autant vous dire que le patronat a apprécié le geste, qui lui permet d'éviter l'épineuse question de la rémunération, et ce à moindre, très moindre, coût ! Tout cela pour un résultat bien modeste pour les salariés, vous en conviendrez.

L'amendement que nous vous présentons aujourd'hui devrait trouver un écho favorable dans vos rangs, puisqu'il s'agit, ni plus ni moins, d'appliquer une règle simple : la suppression des exonérations de cotisations sociales actuellement applicables. Le Président de la République va noter les ministres et les sanctionner ; il serait temps que vous-mêmes, dans ces lieux, décidiez d'en finir avec les mesures inutiles qui ne répondent qu'à une finalité : satisfaire le MEDEF, y compris contre l'intérêt de tous, à commencer par celui des comptes sociaux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Comme je l'ai dit au cours de mon intervention lors de la discussion générale, je suis opposé aux exonérations de charges sociales et d'impôts accordées par l'État.

À titre personnel, je serais donc plutôt favorable à cet amendement.

M. Guy Fischer. Pour une fois, M. Dassault est sensible à nos arguments ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. L'axe Dassault-Fischer est efficace...

Mme Catherine Procaccia. Ce n'est pas la première fois !

M. Nicolas About, rapporteur. ... mais il me semble qu'il repose sur une confusion. Il n'est pas question, dans cet amendement, du compte épargne-temps : l'article L. 443-8 du code du travail définit les modalités d'exonération du plan d'épargne d'entreprise.

Mes chers collègues, je souhaiterais éviter que vous n'adoptiez cet amendement en vous trompant d'objet, surtout après le soutien exprimé par M. Dassault. L'adoption de cet amendement dissuaderait les employeurs d'abonder le plan d'épargne d'entreprise et pénaliserait tout le monde, l'entreprise comme les salariés.

Bien entendu, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement et souhaite que M. Dassault se rallie à sa position. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je me rallie, non pas à la position exprimée, à titre personnel, par M. Dassault, mais à celle qu'a défendue à l'instant le président-rapporteur Nicolas About.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le I de cet article, ajouter trois paragraphes ainsi rédigés :

... - Dans le premier alinéa de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, les mots : « peuvent être assujetties » sont remplacés par les mots : « sont assujetties ».

... - Les pertes de recettes résultant pour les collectivités territoriales du paragraphe ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement.

... - Les pertes de recettes résultant pour l'État du paragraphe ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 82 est retiré.

Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 33, présenté par Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa (1°) du I de cet article.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Notre amendement vise à supprimer la première partie de cet article 1er, qui constitue une véritable tromperie à l'égard du monde du travail et une attaque contre la négociation collective.

Pour entrer dans le cadre de ce texte, il faut d'abord bénéficier de la réduction du temps de travail. Or, 38 % des salariés bénéficient des RTT : que faites-vous pour le pouvoir d'achat des 62 % restants, monsieur le ministre ?

Nous entendons parler du fabuleux succès de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, sur les heures supplémentaires défiscalisées et exonérées de cotisations. Mais nous ne sommes pas naïfs au point de ne pas voir que vous avez provoqué un formidable effet d'aubaine, en permettant le blanchiment de millions d'heures de travail au noir que tout le monde a maintenant intérêt à déclarer !

On peut pourtant exprimer deux regrets devant cette brillante réussite. Premièrement, elle ne rapporte pas un sou au budget de l'État ni à celui de la sécurité sociale et, deuxièmement, elle ne crée pratiquement pas de pouvoir d'achat, puisque l'on voit émerger des emplois jusque là cachés.

En réalité, cette affaire révèle surtout que les salariés sont depuis trop longtemps contraints d'accepter ces conditions particulières de rétribution, dans des proportions encore plus importantes que l'on ne pensait.

Passée la première phase, le phénomène va se stabiliser à l'étiage des heures disponibles.

Les salariés soumis à un accord de modulation annualisé ne risquent pas de profiter de la loi TEPA puisque, pour eux, les heures supplémentaires ont disparu au profit de la flexibilité. Quant au dispositif de renoncement aux RTT, ils ne pourront pas non plus en profiter. Mais vous n'hésitez pas à présenter vos mesures comme étant de portée générale. C'est bien tout le problème de ces bricolages miracles dont les Français sont accablés, auxquels personne ne comprend plus rien et qui ne sont que rideau de fumée.

Les bases de l'économie ne changent pas. Si un employeur n'a pas un carnet de commandes suffisant, que ce soit pour distribuer des heures supplémentaires ou pour faire renoncer les salariés à leurs RTT, rien ne se fera.

Les textes sont d'ailleurs explicites : ils présentent les mesures comme étant prises sur l'initiative du salarié, mais toujours avec l'accord de l'employeur. Comment pourrait-il, d'ailleurs, en être autrement ? Un salarié pourra toujours demander à son employeur de travailler au lieu de prendre ses jours de RTT. Comme dans le cas des heures supplémentaires, la durée du travail en dehors des accords collectifs reste à la discrétion de l'employeur.

C'est la deuxième tromperie : ce projet de loi procède à une nouvelle introduction de l'opting out dans notre droit, c'est-à-dire du contournement de l'accord, qu'il soit de branche, d'entreprise ou d'établissement, par des accords individuels de gré à gré. Encore venons-nous d'indiquer qu'il ne s'agit que de pseudo-accords, dans la mesure où, si l'une des parties a le pouvoir de solliciter, l'autre a tout pouvoir de disposer.

En fait, votre objectif est la généralisation de ce système. Depuis plusieurs années, vous organisez l'élimination de toutes les règles qui encadrent le travail et qui protègent les salariés. Vous voulez que le droit du travail ne devienne qu'un particularisme du droit civil et qu'il perde sa spécificité. Pour cela, il vous faut le réduire à quelques grands principes, faire perdre leur valeur aux accords collectifs et les remplacer par des contrats individuels, modulables à tout moment en fonction des volontés de l'employeur. Pourtant, vous le savez, dès lors qu'une des parties n'est pas en mesure de faire valoir équitablement ses intérêts, le contrat prend un caractère léonin.

Nous sommes tout à fait opposés à la duplicité de cette politique, fondée sur une communication qui célèbre l'accessoire et le temporaire pour mieux dissimuler l'essentiel.

Nous demandons un scrutin public sur cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa (1°) du I de cet article, remplacer les mots :

une partie des journées ou demi-journées de repos acquises au titre de périodes antérieures au 1er juillet 2008

par les mots :

tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises au 1er juillet 2008

La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, qui indique que les salariés pourront demander le rachat de la totalité de leurs jours de RTT, et non seulement d'une partie.

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du 1° du I et dans la première phrase du 2° du même I de cet article, supprimer les mots :

au titre de périodes antérieures au 1er juillet 2008.

II. - Dans les premier et deuxième alinéas du II de cet article, supprimer les mots :

au 30 juin 2008

III. - Dans le III de cet article, supprimer le mot :

exceptionnel

et les mots :

pour les journées acquises ou les droits affectés au 31 décembre 2007

IV. - Supprimer le premier alinéa du IV de cet article.

V. - Dans le second alinéa du même IV, supprimer le mot :

exceptionnel

et les mots :

pour les journées acquises ou les droits affectés au 31 décembre 2007

VI. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant de l'application du présent article sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. L'objet du présent amendement est de pérenniser la possibilité, pour les salariés, de monétiser certains de leurs droits à congés liés à la réduction du temps de travail ainsi que des droits stockés sur leur compte épargne-temps. Il vise aussi à pérenniser l'exonération de charges sociales attachée à la monétisation de ces droits.

Il s'agit de faire en sorte que les principales mesures portées par ce texte, qui sont positives, ne soient pas seulement conjoncturelles.

M. le président. L'amendement n° 61 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Brisepierre et Sittler, M. Cambon, Mmes Rozier, Mélot, B. Dupont, G. Gautier, Desmarescaux, Papon et Troendle et M. Revet, est ainsi libellé :

I. - Compléter le I de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

3° a. - Le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut, sur sa demande et en accord avec l'employeur, renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2008 et jusqu'au 31 décembre 2009 en application de l'article L. 212-9 du code du travail. Les demi-journées ou journées travaillées à la suite de l'acceptation de cette demande donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable à l'entreprise. Les heures correspondantes ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires prévu aux articles L. 212-6 du code du travail et L. 713-11 du code rural.

b. - Lorsque l'accord prévu au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ne définit pas les conditions dans lesquelles le salarié qui le souhaite peut, en accord avec le chef d'entreprise, renoncer à tout ou partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire, le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut sur sa demande et en accord avec l'employeur renoncer à tout ou partie de ses jours de repos acquis au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2008 et jusqu'au 31 décembre 2009 en contrepartie d'une majoration de son salaire. Le décompte des journées et demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos intervient dans les conditions prévues par la convention de forfait mentionnée au même article. La majoration de rémunération, qui ne peut être inférieure à la valeur d'une journée majorée de 10 %, est négociée entre le salarié et le chef d'entreprise. »

II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa (1°) et la première phrase du deuxième alinéa (2°) du I de cet article, remplacer les mots :

1er juillet 2008

par les mots :

31 décembre 2007

III. - Dans les premier et deuxième alinéas du II de cet article, remplacer les mots :

30 juin 2008

par les mots :

31 décembre 2009

IV. - Dans le premier alinéa du IV de cet article, remplacer les mots :

Le présent article s'applique

par les mots :

Les exonérations prévues au III s'appliquent 

V. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - La perte de recettes pour l'État résultant de l'extension du dispositif de rachat de jours travaillés est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

... - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'extension du dispositif de rachat de jours travaillés est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement est assez proche de l'amendement n° 59 que vient de défendre Mme Dini. Les salariés, je le crois, tiennent vraiment à la possibilité de rachat des RTT. Je l'ai dit lors de la discussion générale, les salariés de mon entreprise auraient aimé pouvoir bénéficier de cette possibilité, une possibilité n'étant pas une obligation.

Notre amendement va un peu plus loin que celui qu'a adopté l'Assemblée nationale en étendant la période de rachat à deux ans.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa (1°) du I de cet article, remplacer les mots :

au taux de majoration des huit premières heures supplémentaires

par les mots :

au taux de majoration de la première heure supplémentaire

La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. Les huit premières heures supplémentaires ne sont pas toutes nécessairement rémunérées au même taux. Un accord collectif peut fort bien prévoir, par exemple, un taux de majoration pour les quatre premières et un taux différent pour les quatre suivantes.

Dans un souci de clarification, cet amendement vise à faire référence à la première heure supplémentaire, ce qui lève toute ambiguïté.

Mme Annie David. Et si cette heure était la moins rémunérée ?

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° du I de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Notre amendement tend à la suppression du 2° du paragraphe I.

Que la majorité l'admette ou non, les dispositions que nous sommes en train d'examiner ont pour effet de dilater le contingent d'heures supplémentaires au-delà des 220 heures, dans des conditions de rémunération défavorables aux salariés.

Un salarié travaillant en moyenne 39 heures par semaine doit pouvoir économiser 21 jours sur l'année. S'il y renonce en tant que jours de congé, il va donc réaliser des heures de travail qui ne seront pas payées pleinement comme des heures supplémentaires et qui ne seront pas imputées sur le contingent de 220 heures.

Sur l'année, le salarié aura travaillé 1607 heures, auxquelles s'ajouteront les heures de RTT rachetées, qui ne s'imputeront pas sur le contingent. De facto, vous augmentez encore une fois, mais sans le dire, la durée du travail des salariés sans augmenter en proportion leur rémunération.

Les heures de RTT travaillées ne pourront être rémunérées en deçà d'une majoration de 25 %, dans le premier cas, et de 10 %, dans le second cas, quel que soit leur nombre. Ainsi, elles ne seront pas considérées comme des heures supplémentaires et elles repousseront la limite des heures supplémentaires.

Il s'agit donc non pas seulement de revenir sur l'accord collectif dans l'entreprise, mais bien, comme nous ne cessons de le dire, de contourner les lois de réduction du temps de travail, en éliminant le caractère d'heures supplémentaires des heures réalisées au-delà des 35 heures. Tel est le but de la mécanique que vous mettez en place et c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles vous ne souhaitez pas officiellement revenir sur les 35 heures !

Si l'on ajoute à cela les dispositions relatives aux heures choisies mises en oeuvre par M. Fillon - des heures au-delà du contingent, fixées de gré à gré entre l'employeur et le salarié et rémunérées avec une majoration de 10 % -, on constate que vous faites totalement exploser la durée du travail, qu'il s'agisse de la durée légale ou de la durée conventionnelle. Toutes ces heures « grattées » - si l'on peut dire - autour du contingent, seront rémunérées au taux minimal et, bien entendu, jamais qualifiées d'heures supplémentaires.

L'ensemble de ces dispositions ne procède donc pas d'une véritable augmentation du pouvoir d'achat, telle que les salariés sont en droit de l'obtenir en proportion de leurs efforts. Au contraire, grâce à toutes ces manipulations sur le temps global qu'un salarié peut se trouver « invité » à effectuer par son employeur, son taux de salaire horaire est diminué par rapport au nombre réel d'heures supplémentaires qu'il réalise.

Cet amendement est un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 33, présenté par ma collègue Raymonde Le Texier. Si vous adoptez ce dernier, l'amendement que je viens de vous présenter sera satisfait !

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du 2° du I de cet article :

Lorsque l'accord prévu au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ne définit pas les conditions dans lesquelles un salarié peut renoncer à une partie de ses jours de repos, le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut, sur sa demande et en accord avec l'employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos acquis au 1er juillet 2008, en contrepartie d'une majoration de son salaire.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article : 

II - La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Chaque heure complémentaire donne lieu à une majoration de salaire de 25 %, pour les huit premières heures effectuées au-delà de la durée mensuelle fixée au contrat. Les heures suivantes donne lieu à une majoration de 50 %. ».

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme Procaccia et MM. del Picchia et Revet, est ainsi libellé :

I. - Au début du deuxième alinéa du II de cet article, insérer la mention :

II bis

II. - Au début du dernier alinéa du même II, insérer la mention :

II ter

III. - Dans le III de cet article, remplacer les mots :

prévu au I et aux deux premiers alinéas du II

par les mots :

prévu aux I, II et II bis

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 26 rectifié est retiré.

L'amendement n° 97, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le III de cet article :

III. - L'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est abrogé.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, je me souviens d'avoir entendu des membres de votre majorité, et même du Gouvernement, dénoncer les trappes à bas salaires.

Le pourcentage des personnes rémunérées au SMIC - les « smicards », comme il est convenu de les appeler - est passé de 11 % en 1997 à 17 % pour l'année 2007. J'y ai fait allusion lors de la défense d'un précédent amendement.

Autre constat : la moitié des Français gagnent moins de 1,6 SMIC. Un tel montant n'est d'ailleurs pas anodin, puisque, au-delà, les employeurs perdraient le bénéfice des précieuses exonérations de cotisations. Autant dire que le Gouvernement, avec ces politiques successives de réduction du coût du travail, subventionne les bas salaires.

Il faut rompre avec cette logique et faire cesser cette situation injuste socialement qui fait que, plus un employeur précarise le travail, plus il bénéficie des largesses de l'État.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi, qui organise la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, nous avons cru comprendre que votre objectif était d'atteindre le plein emploi en 2012. Mais à quelles conditions ? Faudra-t-il que vous multipliiez les exonérations tandis que les employeurs multiplieront les contrats précaires et à temps partiel ?

Vous vous réclamez de la rupture... eh bien, créez-la !

Nous voulons sortir de cette logique, et l'amendement que nous présentons a pour objet de conditionner les exonérations de cotisations sociales à la politique salariale de l'entreprise. Aujourd'hui, nous sommes, en effet, dans une situation insupportable, où les entreprises qui précarisent le plus les emplois et dégagent les plus grands profits sont aussi celles qui bénéficient des plus larges exonérations et partagent le moins leur réussite avec leurs salariés. Tel est le cas dans la grande distribution ou dans la restauration rapide : je ne citerai pas de nom, mais vous voyez tous très bien, chers collègues, de quelle enseigne je veux parler...

Cet amendement vise donc à inverser le dispositif actuel, ce qui permettrait soit d'améliorer considérablement les salaires et les conditions de travail dans les entreprises concernées, soit de réaliser de substantielles économies à l'échelon de l'État.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. S'agissant des cotisations sociales pour les bas salaires, je suis assez favorable à la suppression de leur prise en charge par l'État, monsieur Fischer. Cependant, procéder à cette suppression d'un seul coup n'est peut-être pas souhaitable, car les entreprises devraient alors supporter des charges nouvelles, ce qui nuirait à leur activité.

M. Nicolas About, rapporteur. Vingt milliards d'euros, c'est rien !

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Toutefois, que l'on commence à alléger la prise en charge par l'État des cotisations sociales pesant sur les bas salaires permettrait enfin de réduire le déficit budgétaire, ce que je demande depuis longtemps, à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances, en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Travail et emploi ». En effet, les exonérations considérées représentent à peu près la moitié du déficit budgétaire de l'État, soit 20 milliards d'euros. Il faut donc envisager cette piste, mais moduler le dispositif pour le rendre plus progressif, en n'excluant pas d'un seul coup du champ de l'exonération l'ensemble des salaires jusqu'à 1,6 fois le SMIC.

À cet égard, j'avais proposé sans succès, voilà quelque trois ans, de faire passer le seuil d'exonération de 1,6 SMIC à 1,5 SMIC, puis 1,4 SMIC, etc., afin que les entreprises n'aient pas à assumer subitement des charges supplémentaires importantes, ce qui porterait préjudice à leur compétitivité.

Je suis donc assez favorable à votre proposition, monsieur Fischer.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Dans le III de cet article, après la date :

31 décembre 2007

insérer les mots :

et rémunérés au plus tard le 30 septembre 2008,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. Outre la correction d'une erreur rédactionnelle, cet amendement tend à répondre à une préoccupation des URSSAF, en précisant que les jours de RTT acquis au titre de 2007 et rachetés en 2008 devront être payés avant la fin du mois de septembre de cette année.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter le III de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Pour le calcul de l'exonération, le taux de la majoration visée aux 1° et 2° du I est pris en compte dans la limite du taux maximal de majoration des heures supplémentaires applicable dans l'entreprise.

 

La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement vise à prévenir un éventuel effet d'aubaine qui pourrait résulter de l'application du texte.

M. Xavier Bertrand, ministre. Bien vu !

M. Nicolas About, rapporteur. Dans la mesure où le taux de majoration applicable au rachat des jours de RTT est négocié, il pourrait être tentant, pour l'employeur et les salariés, de fixer un taux de majoration élevé, afin de maximiser le bénéfice retiré de l'exonération.

Il est donc proposé de plafonner le montant de la majoration, en retenant comme maximum le taux de majoration le plus élevé applicable aux heures supplémentaires dans l'entreprise.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 21 est présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

À la fin du premier alinéa du IV de cet article, remplacer les mots :

avant le 31 juillet 2008

par les mots :

au plus tard le 31 juillet 2008

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.

M. Nicolas About, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. La journée du 31 juillet 2008 doit pouvoir être prise en compte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 21.

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

 

Après le premier alinéa du IV de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le rachat exceptionnel prévu au I ouvre droit, pour les journées acquises à compter du 1er janvier 2008, au bénéfice des dispositions prévues par l'article 81 quater du code général des impôts et des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale au-delà des seuils fixés par ces articles.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements autres que ceux qu'elle a elle-même présentés.

M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que le rachat de jours de RTT ou de jours de repos acquis au premier semestre de 2008 ouvre bien droit, dans tous les cas, à l'application du dispositif d'exonération fiscale et sociale prévu par la loi TEPA.

L'amendement n° 33 visant à supprimer la disposition essentielle de l'article, on comprendra que la commission y soit défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 59, la question de la durée du travail devrait prochainement faire l'objet d'une nouvelle réforme qui fournira certainement l'occasion de déterminer s'il faut, ou non, instaurer un régime pérenne de rachat des jours de RTT. Nous souhaitons entendre l'avis du Gouvernement sur ce point.

L'amendement n° 61 rectifié bis vise à étendre jusqu'à la fin de l'année 2009 la période de rachat des jours de RTT, et donc à amplifier la portée du dispositif présenté. La commission y est favorable.

M. Charles Revet. Très bien, madame Procaccia !

M. Nicolas About, rapporteur. Quant à l'amendement n° 34, il tend à supprimer une disposition essentielle de l'article 1er. La commission y est défavorable.

L'amendement n° 101 obéit à la même logique que l'amendement n° 79, qui a déjà été repoussé par le Sénat, conformément à la préconisation de la commission. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement n° 97 a pour objet de supprimer les allégements de charges sociales sur les bas salaires. J'ai bien compris les remarques formulées sur ce point par mon collègue Serge Dassault, mais imposer ainsi 20 milliards d'euros de charges supplémentaires aux entreprises serait, pensons-nous peut-être à tort, aller un peu vite en besogne. Nous souhaitons connaître l'avis du Gouvernement sur cette délicate question.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Les avis du Gouvernement recouperont ceux que vient d'exprimer M. About.

Pour des raisons évidentes, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 33.

En revanche, il est favorable à l'amendement n° 1 de la commission, qui est judicieux.

S'agissant de l'amendement n° 59, qui a été défendu tout à l'heure par Mme Dini, ce n'est pas à proprement parler l'esprit sous-tendant le dispositif qui pose problème, ce sont, comme l'a indiqué à l'instant M. About, ses modalités d'application et sa sécurisation juridique.

Il s'agit ici d'un texte dont la portée est limitée. À l'Assemblée nationale, nous sommes déjà allés au-delà de ce qui était prévu initialement, à la demande de députés. Or, autant je suis prêt à me rallier à la position de Mme Procaccia, dont les auteurs de l'amendement n° 59 ne sont pas très éloignés, autant nous pensons que, pour mettre en place un dispositif pérenne, il nous faut au préalable poser très clairement la question de la durée du travail.

C'est un thème que nous voulons aborder en 2008, en donnant la priorité au dialogue social, afin que les partenaires sociaux nous indiquent s'ils veulent s'emparer de ce sujet. En tout état de cause, il sera à nouveau, quoi qu'il arrive, débattu au Parlement. En attendant, nous préférons maintenir un dispositif encadré, et donc nous préférons l'amendement de Mme Procaccia.

Voilà pourquoi je vous demande, madame Dini, monsieur Mercier, de bien vouloir retirer cet amendement, sur lequel je serais désolé de devoir émettre un avis défavorable, alors que je vois bien que nos positions ne sont pas éloignées, tant s'en faut.

S'agissant de l'amendement n° 61 rectifié bis, je proposerai à Mme Procaccia de le rectifier, en remplaçant, au I, dans le b, les mots : « tout ou partie » par les mots : « une partie ».

Je voudrais m'en expliquer non pas en partie, mais totalement (Sourires.) : les salariés relevant d'un forfait en jours doivent bien bénéficier de leur repos hebdomadaire et de leurs congés. Voilà pourquoi je propose cette substitution. Je ne sais pas ce qu'en pense M. About, car nous n'avons pas pu nous concerter sur ce point.

M. Nicolas About, rapporteur. Favorable !

M. Xavier Bertrand, ministre. Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 34 et favorable à l'amendement n° 3 rectifié bis, qui est un très bon amendement.

Enfin, je suis désolé de devoir émettre un avis défavorable sur les amendements nos 101 et 97. En revanche, le Gouvernement est favorable aux amendements nos 4, 5, 6 et 21, et 7.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 68 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 126
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 59 est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 59 est retiré.

Madame Procaccia, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 61 rectifié bis dans le sens suggéré par M. le ministre ?

Mme Catherine Procaccia. Oui, monsieur le président.

M. Xavier Bertrand, ministre. Dans ces conditions, je lève le gage.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 61 rectifié ter, présenté par Mmes Procaccia, Brisepierre et Sittler, M. Cambon, Mmes Rozier, Mélot, B. Dupont, G. Gautier, Desmarescaux, Papon et Troendle, et M. Revet, et ainsi libellé :

I. - Compléter le I de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

3° a. - Le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut, sur sa demande et en accord avec l'employeur, renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2008 et jusqu'au 31 décembre 2009 en application de l'article L. 212-9 du code du travail. Les demi-journées ou journées travaillées à la suite de l'acceptation de cette demande donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable à l'entreprise. Les heures correspondantes ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires prévu aux articles L. 212-6 du code du travail et L. 713-11 du code rural.

b. - Lorsque l'accord prévu au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ne définit pas les conditions dans lesquelles le salarié qui le souhaite peut, en accord avec le chef d'entreprise, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire, le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut sur sa demande et en accord avec l'employeur renoncer à une partie de ses jours de repos acquis au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2008 et jusqu'au 31 décembre 2009 en contrepartie d'une majoration de son salaire. Le décompte des journées et demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos intervient dans les conditions prévues par la convention de forfait mentionnée au même article. La majoration de rémunération, qui ne peut être inférieure à la valeur d'une journée majorée de 10 %, est négociée entre le salarié et le chef d'entreprise. »

II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa (1°) et la première phrase du deuxième alinéa (2°) du I de cet article, remplacer les mots :

1er juillet 2008

par les mots :

31 décembre 2007

III. - Dans les premier et deuxième alinéas du II de cet article, remplacer les mots :

30 juin 2008

par les mots :

31 décembre 2009

IV. - Dans le premier alinéa du IV de cet article, remplacer les mots :

Le présent article s'applique

par les mots :

Les exonérations prévues au III s'appliquent 

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.

Mme Annie David. Nous voterons contre cet amendement.

Vous avez raison, monsieur About : très souvent, le taux de majoration des heures supplémentaires est différent après la quatrième heure supplémentaire, voire la cinquième. Or vous choisissez de retenir le taux de majoration de la première heure supplémentaire, alors que c'est très souvent celle-ci qui est la moins bien rémunérée des heures supplémentaires. Si vous aviez voulu que nous puissions vous suivre, il aurait fallu retenir le taux de majoration des heures supplémentaires le plus élevé.

Monsieur le rapporteur, je voudrais revenir sur vos propos concernant l'amendement n° 75. Vous me demandez de vous faire confiance. Soit, mais vous avez indiqué que l'article L. 443-8 du code du travail portait sur le PEE, alors qu'il concerne également le CET.

M. Nicolas About, rapporteur. C'est l'origine des fonds !

Mme Annie David. En effet, cet article évoque les « sommes mentionnées à l'article L. 443-7 », qui, lui, fait référence au CET.

M. Nicolas About, rapporteur. C'est à la marge !

Mme Annie David. Si vous voulez que je vous fasse confiance, il serait bon que je puisse être sûre des propos que vous tenez et que vous ne nous induisiez pas en erreur !

Mme Annie David. Je le répète, cet article traite aussi bien du CET que du PEE.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. Madame David, je serais très gêné que vous perdiez confiance en moi, à travers mes explications !

Certes, si on lit l'article dans le détail, on trouve quelque part une référence au CET. Mais ce n'est pas son objet principal : il prévoit que l'employeur peut abonder les sommes versées au PEE, même quand elles proviennent d'un CET. Vous avez voulu porter atteinte à la possibilité offerte à l'employeur d'abonder dans le cadre du PEE, et non dans celui du CET.

Mme Annie David. Si, parce que le dispositif repose sur les deux !

M. Nicolas About, rapporteur. Non, il s'agit simplement de l'origine des fonds. Ce n'est pas le sens de votre amendement, qui tend à supprimer l'abondement au titre du PEE.

Je suis désolé si nous nous sommes mal compris. Je ne voulais en aucun cas vous faire croire qu'il n'y avait pas de référence au CET dans l'article. Mais le CET n'est pas l'objet principal de cet article, il est évoqué simplement en tant qu'origine des fonds du salarié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En raison de l'adoption de l'amendement n° 61 rectifié ter, l'amendement n° 3 rectifié bis n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Sur l'amendement n° 97, quel est finalement l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. La commission se rallie à la position défavorable du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 21.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 103, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 212-15-3 du code du travail est abrogé.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est défendu !

M. Guy Fischer. Non, monsieur le ministre. Si vous voulez manifestement écourter les débats, nous, nous entendons continuer à argumenter. Eh oui, nous ne sommes pas encore morts ! (Rires.)

Cet amendement a pour objet de supprimer le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, qui prévoit que les salariés assujettis aux forfaits hebdomadaire, mensuel ou annuel peuvent avoir des durées de travail supérieures à la durée légale si une convention collective de branche ou un accord individuel le prévoit et détermine des mécanismes de contrôle.

Monsieur le ministre, en écoutant les déclarations gouvernementales, on devine que cela ne vous choque pas, loin s'en faut. Car vous rêvez, en fait, d'imposer les mécanismes applicables aux cadres à tous les salariés. Je pense, par exemple, à la détermination, par accord de gré à gré, de la durée légale du travail.

Or, vous le savez, les cadres subissent à leur manière une pression telle qu'il faudrait intervenir. Selon une étude du CNRS, ce sont chaque année 300 à 400 salariés qui se suicident dans l'entreprise. Il est impossible de ne pas faire le rapprochement entre souffrance et situation professionnelle.

Pour Christophe Dejours, psychiatre et directeur du Laboratoire de psychologie du travail et de l'action du Conservatoire national des arts et métiers, cela est principalement dû à l'effritement des solidarités - dans l'entreprise, comme dans la société dans son ensemble -, mais aussi aux exigences et aux rythmes insoutenables de l'entreprise.

Un article de Nicolas Bourgoin, chercheur à l'Institut national d'études démographiques, intitulé Suicide et activité professionnelle, fait le lien entre les deux. Il analyse un double phénomène : d'un côté, plus les salariés sont pauvres, plus ils se suicident ; de l'autre, le suicide se multiplie également dans certaines catégories professionnelles particulières, comme les instituteurs et les cadres. À mon époque, les conditions de travail des instituteurs étaient différentes ! Pour ce chercheur -l'ensemble des syndicalistes confirment son hypothèse -, cela est dû à la pression grandissante qui pèse sur eux.

On se souviendra, par exemple, des suicides de travailleurs du technocentre de Renault à Guyancourt. La CGC, FO, la CFTC et la CGT ont alors exigé que l'entreprise fasse appel à un cabinet agréé par les pouvoirs publics pour enrayer le malaise. Selon le rapport de ce cabinet, « les conditions de travail sont telles que cela peut craquer à tout moment ». Le président-directeur général, Carlos Ghosn, l'a presque reconnu implicitement.

Vous en conviendrez, il est urgent d'agir, d'autant que l'article L. 212-5-3 du code du travail étend le dispositif d'annualisation aux salariés non cadres. Cela correspond à l'exigence patronale d'une flexibilité du travail autour de « contrats qualité », pour reprendre l'appellation retenue. D'ailleurs, les faits sont têtus : chez Renault - d'autres entreprises sont concernées, mais c'est le cas qui a le plus marqué l'opinion publique -, les suicides se sont multipliés après l'adoption d'un contrat de ce type, intitulé « contrat 2009 », qui a eu pour conséquence de pressurer plus encore les salariés et d'affecter leurs conditions de travail.

Avec cet amendement, nous entendons donc revenir sur des éléments que les lois Aubry - et notamment la loi Aubry II - ont mal mesurés, et que votre politique a aggravés. Nous entendons garantir le droit à des horaires stables, qui seraient clairement définis non pas dans la relation contractuelle entre l'employeur et le salarié, mais dans la convention collective.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. L'amendement vise à supprimer les conventions de forfait. Or, celles-ci constituent un important élément de souplesse, qui a été prévu par les lois Aubry pour tenir compte de la situation des cadres autonomes.

La commission n'a pas jugé utile de suivre cette proposition et a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je ne reviendrai pas sur toutes les explications apportées par Guy Fischer. J'espère simplement, monsieur le ministre, que, lors des prochaines négociations que vous mènerez avec les partenaires sociaux sur la pénibilité du travail, il sera aussi question de ces conventions au forfait.

M. le rapporteur les considère comme un élément de souplesse. Certes, c'est le cas pour les entreprises : leurs cadres peuvent travailler avec des horaires par nature moins définis, puisqu'ils sont prévus à la journée.

Nous devons tout de même nous interroger sur le nombre d'heures travaillées pendant ces journées, qui peuvent être d'une grande ampleur. Dans certaines entreprises - et non des moindres ! -, les cadres peuvent très facilement se sentir tenus, sans qu'il y ait d'obligations légales ou écrites, de faire des journées de travail de douze, voire de quinze heures.

À la fin de ma carrière dans l'entreprise, j'étais amenée à recevoir, en tant qu'assistante d'ingénieurs, des messages électroniques - facilement contrôlables - destinés à organiser la journée du lendemain, qui avaient été envoyés à des heures où ces ingénieurs auraient, sincèrement, été bien mieux chez eux.

Ces conventions au forfait doivent donc être au coeur de la question de la pénibilité de l'emploi. Vous le voyez, nous nous préoccupons non seulement des travailleurs faisant les trois huit, mais aussi des cadres qui, quelquefois, sont soumis eux aussi à des conditions de travail très difficiles.

Cet amendement ne sera manifestement pas adopté, et je le regrette. Il aura eu, en tout cas, le mérite d'avoir permis d'évoquer ici cet important sujet qu'est le forfait jour imposé aux cadres.

Dans certaines entreprises, on parle d'imposer également ce forfait aux techniciens supérieurs. On peut s'interroger sur l'élément de souplesse auquel fait référence M. le rapporteur ! Il faudrait tout de même veiller à encadrer ce dispositif.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Effectivement, des cadres sont victimes de stress, mais je vous laisse la responsabilité des propos que vous avez tenus selon lesquels le forfait jour serait à l'origine de troubles spécifiques au travail, voire des cas dramatiques que vous avez rappelés.

Vous avez évoqué la pénibilité. J'estime que ce sujet peut être traité selon deux logiques.

D'un côté, il faut pouvoir compenser les conséquences de la pénibilité passée. Je souhaite que les négociations qui sont actuellement en cours puissent aboutir. Si tel n'était pas le cas, j'ai toujours précisé que cette question ne resterait pas en l'état ; elle devrait trouver une solution lors du rendez-vous sur les retraites.

D'un autre côté, il faut éviter de reproduire les erreurs du passé. La question de la pénibilité est en train de se transformer. Sur le problème du stress, j'ai confié une mission à deux professionnels afin qu'un état des lieux soit dressé et qu'un plan d'action soit défini. En effet, on ne traite bien que ce que l'on connaît bien.

Aujourd'hui, honnêtement, on ne mesure pas correctement la réalité du stress au travail. J'ai bien l'intention que cela change, pour éviter d'avoir à dresser, dans trente ou quarante ans, le même constat et d'avoir à se poser la même question : comment compenser la pénibilité de certains métiers ?

Il faudra faire évoluer les postes de travail et apprendre à compenser très rapidement. Ainsi, dans certaines entreprises, quand vous devez prendre un appel téléphonique toutes les sept secondes, pendant toute la journée, tous les jours de la semaine, cela bien sûr dans la limite de la durée légale du travail, ce n'est pas évident ! Honnêtement, on sait déjà pertinemment aujourd'hui que ce métier n'est pas le plus facile...

L'enjeu sera de réussir à cerner la notion de pénibilité, ce qui est parfois un peu difficile. Certes, il faut compenser la pénibilité passée ou en cours, mais, je le répète, ce qui m'intéresse surtout, c'est de développer aujourd'hui une prévention qui permettra d'éviter de dresser le même constat dans les années qui viennent.

Par ailleurs, madame David, vous avez cité l'exemple de cadres qui travaillent quinze heures par jour : cela n'est pas possible, sauf à se livrer à des pratiques illégales. Compte tenu du repos de onze heures, on ne peut pas logiquement dépasser un forfait de treize heures. De telles pratiques doivent être sanctionnées. (Mme Annie David approuve.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Madame David, vous voulez toucher au forfait jour.

Mme Annie David. Je ne veux pas y toucher, je veux l'encadrer !

Mme Catherine Procaccia. Mais je vous signale que de nombreux cadres, qu'ils votent à gauche ou à droite, y sont fortement attachés parce qu'il leur donne une liberté dont ils ne veulent pas se passer. Quand un cadre a besoin d'aller chez le médecin ou de faire des courses parce que ce sont les soldes, il préfère travailler le soir jusqu'à 22 heures pour disposer de liberté pendant la journée ! Le forfait jour n'est donc pas une contrainte imposée pour tout le monde.

Par conséquent, ne noircissez pas le tableau ! La réalité n'est pas exactement celle que vous avez décrite, ni même celle que je viens de présenter : elle se situe certainement entre les deux.

Mme Annie David. C'est sûr !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Un journal a publié aujourd'hui une étude britannique faisant état d'un lien de causalité entre le stress au travail et les accidents cardio-vasculaires.

Il y a là, me semble-t-il, matière à réfléchir. Je n'irai pas plus loin, mais un véritable problème est posé.

Hier après-midi, nous avons débattu d'une proposition de loi de nos collègues du groupe CRC visant à améliorer la santé au travail des salariés et à prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés. Il faut véritablement prendre ce sujet à bras le corps et vérifier à quel point le stress au travail peut être à l'origine d'accidents cardiaques, que ce soit sur le lieu de travail ou en dehors, et nuire à la santé des personnes concernées. On ne peut pas ignorer ce problème.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Gournac, Mme Procaccia et MM. del Picchia, Ferrand, P. André, Revet et Besse, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

VI. - Les dispositions du présent article s'appliquent, dans le cadre des dispositions qui les régissent et selon des modalités prévues par décret, aux salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural.

VII. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Tous les salariés ne relèvent pas des dispositions de droit commun du code du travail ou du code rural.

Dans un souci d'égalité, l'objet de cet amendement est de faire bénéficier ces salariés - il s'agit, par exemple, des marins, des gardiens, des concierges ou des salariés de la RATP et de la SNCF, que Charles Revet connaît bien - des dispositions prévues par l'article 1er du présent projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de bon sens, qui vise à étendre les dispositions de l'article 1er, et il lève le gage.

M. Jean-Pierre Godefroy. Comment ferez-vous ? Il n'y a plus d'argent dans les caisses ! (Sourires.)

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 25 rectifié bis.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 1er ter

Article 1er bis

L'article L. 227-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le quatorzième alinéa est supprimé ;

2° Après le quinzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les droits acquis, convertis en unités monétaires, qui excèdent le plus élevé des montants fixés par décret en application de l'article L. 143-11-8, la convention ou l'accord collectif établit un dispositif d'assurance ou de garantie répondant à des prescriptions fixées par décret. À défaut d'accord dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi n°          du                  pour le pouvoir d'achat, un dispositif légal de garantie est mis en place. Dans l'attente de la conclusion de la convention ou de l'accord collectif, lorsque les droits acquis, convertis en unités monétaires, excèdent le plafond précité, l'indemnité prévue au treizième alinéa est versée au salarié. »

M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Dans le quatrième alinéa de l'article L. 227-1 du code du travail, les mots : « et à l'article L. 212-5-1 » sont supprimés.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet article, qui a été inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, vise à rendre obligatoire - et on le comprend ! - un dispositif d'assurance ou de garantie pour la part des droits accumulés dans un compte épargne-temps non couverte par l'assurance pour la garantie des salaires par l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l'AGS.

Comme vous le savez, les salariés ont droit, lorsqu'ils effectuent des heures supplémentaires au-delà du contingent légal de 220 heures, à des repos compensateurs obligatoires. La notion de repos compensateur est claire : il s'agit d'offrir au salarié qui excède le contingent légal d'heures supplémentaires un droit inaliénable au repos. La compensation financière n'est alors possible qu'en cas de rupture du contrat de travail.

L'article L. 227-1 du code du travail fait explicitement référence aux dispositions relatives au repos compensateur obligatoire, ce qui a pour effet direct d'intégrer ce repos dans le compte épargne-temps. Votre projet de loi, s'il était adopté, conduirait donc à assimiler indistinctement les journées de RTT et les repos compensateurs obligatoires. Il y aurait encore plus de flexibilité, plus de choix possible.

Si nous sommes opposés à la monétisation des repos compensateurs, c'est parce qu'il nous semble évident qu'elle est à la fois un contresens social et une violation de l'intention des législateurs passés. Si telle est véritablement votre intention, si vous souhaitez réellement organiser la monétisation des repos compensateurs, vous devrez au préalable réunir les partenaires sociaux et leur exposer votre projet.

Notre amendement nous paraît clair dans sa rédaction. Il est dans l'intérêt de tous, un intérêt auquel la Cour de cassation veille particulièrement. Je ne vous citerai qu'un arrêt récent, en date du 9 mai 2007, qui précise que si le repos n'est pas pris dans les deux mois, l'employeur doit demander activement au salarié de le prendre et, au besoin, le relancer régulièrement pour s'assurer qu'il l'a effectivement pris. Une simple information du salarié est insuffisante. Si la Cour de cassation veille tant à l'utilisation de ces repos, c'est précisément parce qu'elle veut éviter tout risque de monétisation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Nous avons véritablement le sentiment que le groupe CRC utilise tous les moyens pour supprimer le CET, dont il ne veut pas, ou ne veut plus ! Madame David, cette fois, nous parlons bien du CET !

Cet amendement visant à revenir sur un éléphant (Rires), pardon, sur un élément de la réforme du CET intervenue en 2005, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. En utilisant un tel mot, on peut donner à penser que l'on se trompe, monsieur le président de la commission (Nouveaux rires), mais là n'est pas du tout le sujet...

Mme Catherine Procaccia. Qu'est ce que cela va être dans une heure !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut faire attention, lorsque l'on modifie le code du travail, à ne pas se conduire comme un éléphant dans un magasin de porcelaine ! (Sourires.)

Je le répète, monsieur Fischer, visiblement, vous cherchez par tous les moyens, même les plus détournés, à vider le CET de sa substance. Nous ne vous laisserons pas faire ! Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 106, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Dans la première phrase du second alinéa de l'article L. 212-6-1 du code du travail, les mots : « Le cas échéant, » sont supprimés.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 104, qui porte sur l'article 1er ter.

Nous avons déjà eu l'occasion, en présentant d'autres amendements - M. Fischer vient encore de le faire à l'instant -, de vous faire part de notre opposition à la monétisation du repos compensateur obligatoire induite par l'intégration de ce repos dans le compte épargne-temps, grâce auquel tout peut s'échanger contre monnaie sonnante et trébuchante. Nous sommes donc en cohérence avec nos amendements précédents.

Le repos compensateur obligatoire est régi par les articles L.212-5 et L.212-6-1 du code du travail. L'exécution d'heures supplémentaires peut y donner droit. D'une part, il est accordé en contrepartie de la fatigue occasionnée par l'allongement du temps de travail ; d'autre part, il est possible de remplacer tout ou partie du paiement des heures supplémentaires par une récupération sous forme de repos équivalent, dit « repos compensateur de remplacement ».Ce dernier peut s'ajouter au repos compensateur obligatoire. Il est destiné à remplacer la rémunération et la majoration des heures supplémentaires.

L'article L. 212-6-1 du code du travail prévoit que : « La convention ou l'accord collectif de travail précise les conditions dans lesquelles ces heures choisies sont effectuées, fixe la majoration de salaire à laquelle elles donnent lieu et, le cas échéant, les contreparties, notamment en termes de repos. »

Il s'agit pour nous de revenir sur les mots : « le cas échéant » et de rendre obligatoire le droit au congé compensateur de remplacement dès lors que le salarié effectue un nombre certain d'heures supplémentaires.

Ainsi donc, le salarié qui « travaille plus pour gagner plus », selon la rhétorique gouvernementale, aurait tout à la fois droit à une rémunération complémentaire et à des moments de repos justement mérités, qui sont nécessaires à son ressourcement, comme en attestent les nombreuses expérimentations de relaxation ou de repos menées dans les entreprises. Pour ces dernières, le repos se traduit par un accroissement du chiffre d'affaires. De là à dire qu'il y a une corrélation entre la qualité de vie du salarié et le développement positif de l'entreprise, il n'y a qu'un pas, que je vous laisse libre de franchir !

L'amendement n° 104 vise, lui, à supprimer l'article 1er ter, introduit dans le projet de loi par vos collègues de l'Assemblée nationale. Cet article prévoit d'autoriser, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, la monétisation des congés compensateurs de remplacement. Il est donc très proche de l'amendement n° 105.

Une telle disposition nous paraît être un non-sens. Elle nuira à la santé des salariés et risque d'accroître leur mal-être au travail. Notre collègue Jean-Pierre Godefroy a évoqué une étude britannique sur ce sujet ; Guy Fischer a également cité des exemples malheureusement récents. Tout cela devrait nous inciter à faire preuve de la plus grande prudence dans ce domaine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Si les amendements de Mme David sont cohérents, les avis de la commission le sont également : elle leur est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis
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Article 2

Article 1er ter

À titre expérimental et pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2008, le salarié peut, en accord avec l'employeur, décider que le repos compensateur de remplacement qui lui serait applicable en application du II de l'article L. 212-5 du code du travail ou de l'article L. 713-7 du code rural soit pour tout ou partie converti, à due concurrence, en une majoration salariale dont le taux ne peut être inférieur à celui qui lui serait applicable en application du I de l'article L. 212-5 du code du travail.

Les I à IX, XII et XIII de l'article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat s'appliquent aux rémunérations ainsi versées. Cette expérimentation fera l'objet d'un bilan avant le 31 décembre 2009.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 35 est présenté par Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 104 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour défendre l'amendement n° 35.

Mme Patricia Schillinger. Notre amendement vise à supprimer l'article 1er ter, introduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale par un amendement de Pierre Méhaignerie, adopté par votre majorité, mais censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu'il constituait un cavalier.

Ce texte revient donc sur le pouvoir d'achat. D'un point de vue juridique, il présente les mêmes caractéristiques que les dispositions relatives au renoncement aux jours de RTT. Il favorise l'accord de gré à gré entre l'employeur et le salarié et réduit à néant la portée des accords collectifs.

C'est, bien évidemment, une fiction et l'on voit bien quel pourrait être l'intérêt d'une telle disposition pour un employeur : il pourrait faire pression sur ces salariés afin qu'ils renoncent à leurs repos compensateurs et effectuent des heures supplémentaires avec une majoration de 10 %.

Sur le fond, cet article vise à ouvrir une nouvelle flexibilité aux entreprises de certaines branches : l'utilisation du repos compensateur de remplacement en lieu et place du paiement des heures supplémentaires permet, en effet, d'économiser le paiement majoré de ces heures. L'employeur y trouve donc parfaitement son compte.

Les salariés peuvent bénéficier enfin d'un repos, alors que, durant d'autres périodes, ils doivent effectuer des heures supplémentaires jusqu'à atteindre le maximum de la durée maximale légale autorisée. Ce repos est indispensable pour préserver leur santé et leur permettre, au moins quelquefois, d'avoir des conditions de vie correctes.

Il peut cependant arriver que le patronat des branches et des entreprises qui connaissent une grande saisonnalité ait besoin d'augmenter la durée du travail des salariés. Comme il semble difficile de l'obtenir par un accord - des contreparties risqueraient d'être demandées -, mieux vaut trouver un parlementaire obligeant qui soit prêt à défendre un amendement sur le gré à gré !

Ainsi, dans des secteurs tels que l'agroalimentaire, très présent en Bretagne, région chère à M. Méhaignerie, les conditions de travail et les salaires ne sont pas très attractifs. Cette branche attire donc peu de candidats à l'emploi. La solution la plus simple est donc de jouer sur les repos compensateurs, en trouvant le moyen de les supprimer à la discrétion de l'employeur et à moindre frais.

Cet article vise donc, non pas à accroître le pouvoir d'achat, mais à permettre aux employeurs des secteurs à activité saisonnière d'augmenter la durée du travail sans renégocier les accords collectifs, sans toucher au contingent d'heures supplémentaires et en payant les salariés à un taux inférieur à celui auquel ils auraient droit si la loi était respectée.

M. le président. L'amendement identique n° 104 a déjà été défendu par son auteur

L'amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Procaccia et MM. del Picchia, Revet et Gaillard, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :

ou du I de l'article L. 713-6 du code rural. 

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à étendre les dispositions de l'article 1er ter aux salariés agricoles.

Je rappelle, en effet, que les personnels du Crédit agricole et de la Mutualité sociale agricole sont des salariés agricoles et que, à ce titre, ils sont concernés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. L'article 1er ter reprend une disposition que nous avions adoptée dans le PLFSS, mais qui avait été « retoquée » par le Conseil constitutionnel. Je trouve tout à fait normal que nous la replacions dans ce texte.

Nous émettons donc un avis défavorable sur les amendements de suppression nos 35 et 104.

En revanche, nous sommes favorables à l'amendement de précision de Mme Procaccia.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 35 et 104 et un avis favorable sur l'amendement n° 278 rectifié de Mme Procaccia, qui vise à étendre les dispositions de l'article 1er ter aux salariés agricoles, ce qui constitue une mesure de bon sens.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 et 104.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter, modifié.

(L'article 1er ter est adopté.)

Article 1er ter
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Article 3

Article 2

I. - Les droits au titre de la participation aux résultats de l'entreprise qui ont été affectés avant le 31 décembre 2007 en application de l'article L. 442-5 du code du travail sont négociables ou exigibles avant l'expiration des délais prévus aux articles L. 442-7 et L. 442-12 du même code, sur simple demande du bénéficiaire pour leur valeur au jour du déblocage.

Dans les entreprises ayant conclu un accord dans les conditions prévues à l'article L. 442-6 du même code, l'application des dispositions de l'alinéa précédent à tout ou partie de la part des sommes versées aux salariés au titre de la participation aux résultats de l'entreprise supérieure à la répartition d'une réserve spéciale de participation calculée selon les modalités définies à l'article L. 442-2 du même code est subordonnée à un accord négocié dans les conditions prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 du même code ou, à défaut, à une décision unilatérale de l'employeur de permettre le déblocage de la totalité des sommes mentionnées à la phrase précédente.

Lorsque l'accord de participation prévoit l'acquisition de titres de l'entreprise ou d'une entreprise qui lui est liée au sens du deuxième alinéa de l'article L. 444-3 du code du travail ou de parts ou d'actions d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières relevant des articles L. 214-40 et L. 214-40-1 du code monétaire et financier, ou l'affectation des sommes à un fonds que l'entreprise consacre à des investissements en application du 2° de l'article L. 442-5 du code du travail, le déblocage de ces titres, parts, actions ou sommes est subordonné à un accord négocié dans les conditions prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 du code du travail. Cet accord peut prévoir que le versement ou la délivrance de certaines catégories de droits peut n'être effectué que pour une partie des avoirs en cause.

II. - Le salarié peut demander le déblocage de tout ou partie des titres, parts, actions ou sommes mentionnés au I. Il doit être procédé à ce déblocage en une seule fois. La demande doit être présentée par le salarié avant le 30 juin 2008.

III. - Les sommes versées au salarié au titre du I ne peuvent excéder un plafond global, net de prélèvements sociaux, de 10 000 €.

IV. - Les sommes mentionnées aux I et II bénéficient des exonérations prévues à l'article L. 442-8 du code du travail.

V. - Le présent article ne s'applique pas aux droits à participation affectés à un plan d'épargne pour la retraite collectif prévu par l'article L. 443-1-2 du même code.

VI. - Dans un délai de deux mois après la publication de la présente loi, l'employeur informe les salariés des droits dérogatoires créés par l'application du présent article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 2 du projet de loi vise à permettre le déblocage des sommes attribuées au titre des régimes de participation dans les entreprises qui les appliquent. Pour les autres entreprises, le versement d'une prime exceptionnelle est prévu par l'article 3. Comme le précise l'exposé des motifs du projet de loi, « la synchronisation des deux mesures (...) au premier semestre 2008 vise à garantir leur lisibilité optimale et un effet rapide et massif sur le pouvoir d'achat des salariés ». Or, de cela nous doutons fortement, monsieur le ministre !

C'est désormais un grand classique des périodes de ralentissement de l'activité : pour faire repartir l'économie, les trois gouvernements auxquels vous avez appartenu ont tous joué régulièrement aux éclusiers et ouvert en grand les vannes de l'épargne salariale. En effet, il ne s'agit ni plus ni moins que de la troisième vague de déblocage en quatre ans.

Ainsi la mesure que nous examinons maintenant est-elle identique à celle qu'avait fait voter M. Sarkozy en 2005, alors qu'il était ministre des finances du gouvernement Villepin. Il me semble donc judicieux d'observer les résultats d'hier pour avoir une idée de son impact demain. Hélas, force est de constater que le résultat de la mesure de 2005 est loin d'être probant.

En effet, son effet sur le plan économique a été limité puisque, sur les 7 milliards d'euros débloqués, seulement 1,3 milliard à 1,5 milliard d'euros ont alimenté le circuit de la consommation. Le reste, les salariés l'ont placé sur des plans d'épargne logement ou des livrets d'épargne. Les incertitudes économiques et financières conduisent effectivement les particuliers à mettre l'accent sur l'épargne plus que sur la consommation. Le taux d'épargne des ménages français reste à un niveau particulièrement élevé : il a atteint 16 % l'an dernier. Or, tous les économistes sont d'accord pour le dire, les incertitudes de la conjoncture militent en faveur d'une épargne de précaution. Cette propension des Français à l'épargne ne risque donc pas de changer dans le contexte actuel !

Incontestablement, le « choc de croissance » attendu par le Président de la République n'a pas eu lieu et les prévisions pour 2008 laissent peu de place à l'optimisme ; à titre d'exemple, selon l'INSEE, l'évolution du pouvoir d'achat ralentirait au premier semestre 2008, jusqu'à atteindre 1,2 % en rythme annuel, et le regain d'inflation, avec un pic de 2,8 % en février, y serait pour beaucoup.

De surcroît, monsieur le ministre, le dispositif que vous nous proposez est terriblement inégalitaire, le nombre des salariés qui relèvent d'accords de participation étant estimé entre 10 millions et 12 millions. Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir qu'un certain nombre d'entreprises ayant récemment franchi le cap des cinquante salariés ne verse toujours pas de participation et que, dans certaines PME disposant de peu de fonds propres, la réserve de participation n'est pas liquide et ne peut donc pas être ponctionnée pour être distribuée de manière exceptionnelle.

En fait, vous faites une erreur fondamentale en traitant la participation comme une cagnotte. Cela me surprend toujours de devoir rappeler à ceux qui sont censés être les héritiers du gaullisme les fondements de la participation et de l'intéressement, à savoir encourager une certaine collaboration entre capital et travail.

Dans cette optique, l'épargne salariale a une valeur inestimable pour la cohésion sociale au sein des entreprises qui la pratiquent. En effet, elle repose sur une conception de la société où le salarié est considéré comme un partenaire - si tel pouvait être le cas partout ! - avec lequel l'entreprise s'efforce de bâtir une relation de partage : partage du savoir avec la formation ; partage du pouvoir, afin de lui permettre de prendre des initiatives et de mettre en pratique ses « bonnes idées » ; partage de l'avoir, car la participation récompense la contribution au résultat de l'entreprise et s'ajoute au salaire, qui rémunère le travail.

Loin de cette idée originelle, vous vous servez aujourd'hui de la participation et de l'intéressement comme d'un palliatif pour ne pas répondre à la vraie question, celle des salaires ; c'est une question qui exigeait, il est vrai, une conférence salariale, laquelle aurait dû être la priorité au lendemain de l'élection présidentielle.

M. Jean-Pierre Godefroy. Toutes les mesures contenues dans ce texte n'ont rien à voir avec la négociation salariale et ne constituent pas une réponse correcte à la vraie question qui se pose actuellement en France, celle du pouvoir d'achat, notamment des salariés et des retraités, lequel est mis à mal par l'augmentation des loyers, des matières premières, de l'énergie, etc.

On le voit bien, votre réponse consiste à bricoler le dispositif de la participation. En effet, un déblocage, même massif, n'aurait qu'un effet limité sur la consommation de produits français et la croissance économique, profitant surtout aux achats de produits high-tech importés. En revanche, ce choix de court terme présente de graves inconvénients non seulement pour les entreprises, dont vous asséchez le financement, mais aussi pour les salariés aux revenus les plus faibles, et ce pour une double raison.

D'une part, il est essentiel que la participation soit considérée par ces salariés comme un supplément et non comme une part intégrante du salaire que l'on peut consommer immédiatement. La participation varie selon les années : en cas de moins bons résultats de l'entreprise, sa baisse serait perçue comme une baisse du pouvoir d'achat. Le blocage de cinq ans constitue un lissage bénéfique dans le temps.

D'autre part, ces salariés sont peu sensibles à l'incitation fiscale et restent avant tout concentrés sur le court terme. C'est pourquoi seule la règle du blocage de cinq ans peut les aider à se constituer une épargne, qui est pour eux une véritable réserve de sécurité. C'est ce dont ils ont besoin aujourd'hui. Or vous faites l'inverse, monsieur le ministre !

Un tel encouragement à la dépense ne serait pas choquant si, parallèlement, les mêmes ménages ne se faisaient pas sermonner pour investir à long terme, en prévision de leur retraite. Le Gouvernement n'a pas osé débloquer les sommes investies dans les PERP et les PERCO. Dans cette logique, l'épargne salariale est régulièrement présentée comme le troisième pilier du financement de nos pensions futures. Le message a été si bien reçu que bon nombre de salariés sanctuarisent les sommes ainsi accordées par leurs employeurs.

On le voit bien, monsieur le ministre, votre projet est inadapté. Il ne s'agit en fait que d'un montage trompeur pour les salariés, destiné à masquer l'inefficacité de la politique du Gouvernement et de ses choix économiques dans un contexte international en pleine dégradation.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet article 2 a, chacun le sait, un air de « déjà vu ».

En effet, parmi les mesures qu'il comporte figure le déblocage anticipé de la réserve spéciale de participation, réserve constituée de manière obligatoire dans l'ensemble des entreprises de plus de cinquante salariés et qui vise, depuis les ordonnances de 1967, à faire « participer les salariés aux fruits de l'expansion de l'entreprise » ; Mme Debré nous l'a d'ailleurs rappelé cet après-midi.

Mais cette mesure a déjà été expérimentée dans le passé puisque la loi Sarkozy du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement comprenait une disposition analogue, dans son article 5. La mesure a donc clairement un air de « déjà vu again », comme disent nos amis anglais.

Nous avions souligné à l'époque certains éléments clés du débat.

Nous avons toujours eu, expliquions-nous alors, une approche critique de l'épargne salariale, dès qu'il a été question de participation et d'intéressement des salariés aux résultats.

Depuis quelques années, constations-nous, l'épargne salariale s'inscrit dans le cadre de la modération salariale, qui est elle-même liée au pacte de stabilité et au fléau que constitue le chômage de masse.

Pour certains, l'épargne salariale serait un équivalent fonctionnel des augmentations de salaire et renforcerait la culture d'entreprise. En fait, l'épargne salariale vise avant tout à faire peser une partie du risque financier sur les salariés. Il ne s'agit en rien d'augmentations de salaire puisque les sommes placées sont indisponibles pendant cinq ans et ne peuvent donc être consacrées à la consommation.

Toutefois, l'article 3 du texte initial du projet de loi initial de 2004, dont l'enjeu était relativement important puisque les estimations évoquaient le déblocage de 5 milliards d'euros d'épargne salariale constituée, nous conduisait à nous interroger sur l'objectif réel de la mesure et se représenter ses éventuels effets pervers.

En effet, au bout du compte, nous le savons, ce sont toujours l'emploi, les capacités de production, les investissements durables qui paient la note des épuisantes guerres boursières.

À la limite, cet article 3 était contre-productif au regard des intentions et des objectifs affichés dans le projet de loi !

Nous demandions en fin ce qui nous garantissait que l'épargne débloquée serait affectée à la consommation de biens et de services. Vous le savez, cela n'a pas été le cas ! Certains d'entre vous nous l'ont même rappelé !

Nous doutions que ce fût l'objectif essentiel de cet article 3. Nous pensions même qu'il était plutôt chaudement recommandé aux salariés d'orienter leur épargne vers les nouveaux plans d'épargne retraite populaire, qui étaient, miraculeusement - et comme par hasard ! -, épargnés par la mesure de déblocage.

La réalité est là : en prônant la modération salariale, l'État ne peut que prendre ce type de mesures qui consistent, en fait, à modifier le point de chute de l'épargne salariale sans trop en modifier l'encours. Pour ne pas avoir à augmenter les salaires, l'État décide d'utiliser autrement l'épargne, fût-elle modeste, que se constituent les salariés.

Cette analyse que nous faisions à l'époque est donc toujours d'actualité. Au demeurant, nous n'avions alors qu'esquissé ce qu'est devenu cet article de loi, c'est-à-dire tout sauf un vecteur de croissance puisque l'argent débloqué a souvent été réinvesti, et non dépensé.

C'est notamment vrai pour les cadres supérieurs et les cadres dirigeants d'entreprise, qui sont largement pourvus en PEA défiscalisés et autres placements rémunérateurs.

Les doutes que nous exprimons sont d'ailleurs renforcés par l'avis, plutôt autorisé, rendu par notre collègue Serge Dassault, dont je vous invite à lire, si ce n'est déjà fait, le rapport pour avis fait au nom de la commission des finances.

En effet, il « estime indispensables les limites apportées au dispositif de déblocage exceptionnel proposé au présent article ». Il « souhaite cependant souligner les incertitudes quant à l'impact attendu sur le pouvoir d'achat ». Enfin, il estime que « le déblocage proposé au présent article pourrait s'élever à 12 milliards d'euros, dont un tiers, soit 4 milliards d'euros, serait affecté à la consommation des ménages, et les deux tiers restants à d'autres produits d'épargne ».

En clair, la mesure qui nous est proposée ne vise, en fin de compte, qu'à permettre aux salariés aux rémunérations les plus élevées d'en tirer réellement parti. Pour la grande masse des actionnaires obligés que sont les salariés des entreprises de plus de cinquante salariés, l'article 2 ne représente qu'un tout petit bonus de quelques dizaines d'euros, c'est-à-dire même pas ce qu'un rattrapage du SMIC à hauteur de l'inflation finalement constatée en 2007 aurait permis de dégager.

Et puis, mes chers collègues, il faudrait tout de même vous entendre sur la question de la détention du capital de nos entreprises ! En effet, en 2004, on débloque les fonds de la réserve spéciale de participation, en 2006, on encourage le développement de la participation, et, en 2008, on « redébloque » de nouveau !

Est-ce ainsi que l'on va faire en sorte de stabiliser l'actionnariat populaire, l'actionnariat salarié, qui correspond tout de même, ne l'oublions pas, à l'un des meilleurs outils de préservation de nos entreprises face aux raids boursiers ?

Il faudrait que le Gouvernement soit cohérent avec son propre discours !

Mme Nicole Bricq. La cohérence, ils ne connaissent pas !

Mme Annie David. Ce sont là quelques points que nous souhaitions relever à l'occasion de ce débat. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 107, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous proposons la suppression de l'article 2 parce que le déblocage des sommes perçues par les salariés au titre de la participation n'est aucunement une mesure de nature à favoriser le pouvoir d'achat. Elle traduit en revanche une certaine incohérence de la politique économique du Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne peux pas laisser dire cela !

M. Guy Fischer. Cet article n'aura, je le crains, que peu d'effets sur le pouvoir d'achat des Français et encore moins d'effets positifs.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne peux pas laisser dire cela non plus !

M. Guy Fischer. Et comment pourrait-il en être autrement quand votre projet de loi ne vise en fait qu'une minorité de salariés ?

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est faux ! Une majorité !

M. Guy Fischer. Quelle majorité ? La majorité de la majorité ?

Mme Annie David. Toutes les entreprises n'ont pas signé d'accord !

M. Guy Fischer. Nous sommes bien sûr opposés à une telle disposition.

Plus on avance dans le texte, plus on s'aperçoit qu'il s'adresse à un public réduit. Cela pourrait se résumer ainsi : si vous ne pouvez pas bénéficier de l'article 1er, peut-être bénéficierez-vous de l'article 2 ; si tel n'est pas le cas, peut-être bénéficierez-vous de l'article 3 ; et si l'article 3 n'est pas opérant, le Gouvernement a le regret de vous annoncer que vous ne pouvez bénéficier d'aucune autre mesure ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Une nouvelle loi arrive !

M. Guy Fischer. Pour un gouvernement qui veut parler à tous les Français et qui vante la culture de la réussite, c'est pour le moins curieux !

Selon une étude de l'INSEE en date de mars 2006 et intitulée Épargne salariale : des pratiques différenciées selon les entreprises et les salariés, 4,7 millions de Français ont constitué une épargne salariale. Mais cette étude ne vous fait pas bonne presse, tant s'en faut. En fait, on y vérifie ce que nous dénoncions déjà lors de l'adoption de ce dispositif, à savoir une inégalité flagrante entre les salariés. On y lit notamment que 10 % des salariés les mieux lotis en matière d'épargne salariale ont perçu 40 % des sommes versées à ce titre.

Les conclusions de cette enquête sont claires : partout où il existe des inégalités de salaires, l'épargne salariale, loin de les corriger, les amplifie.

Il faut ajouter qu'entre 2000 et 2004 l'épargne salariale a fait un bond de 6,7 % par an, alors que, sur la même période, les salaires n'ont pas progressé. C'était, en fait, de la confiscation de pouvoir d'achat.

Nous pouvons en conclure qu'il existe un réel danger de substitution de cette solution à une vraie politique salariale, qui devrait être centrée sur le bulletin de paie. Mais n'est-ce pas là l'un de vos objectifs ?

Ce texte participe de votre volonté de faire adhérer progressivement l'ensemble de la société, et les travailleurs en particulier, au modèle capitaliste et libéral : on fait pression sur les salaires et on en confisque une partie, ce qui permet de renforcer le capital de l'entreprise avec l'argent des salariés.

Cela est confirmé par l'étude de l'INSEE, qui indique que « plus de la moitié des détenteurs ont une partie de cette épargne en titres ». Vous faites donc croire aux salariés que ce mode d'épargne est un complément légitime du salaire, alors que, indexé sur la Bourse, il fait varier le montant des sommes perçues là où le salaire est préalablement défini et individualise de plus en plus la relation salariale.

De façon insidieuse, ces formes de rémunération contournent les structures collectives existantes, qui protègent le salarié dans la relation inégalitaire qui le lie à son employeur.

L'article 2 s'inscrit dans cette logique, ce que nous ne pouvons tolérer. Nous savons pertinemment que cela n'aura que peu d'effet sur la consommation et le pouvoir d'achat puisque, comme nous l'avons vu par le passé, ce sont d'abord et avant tout les banques qui captent massivement ces sommes pour les placer dans d'autres formes d'épargne, souvent d'ailleurs sur des plans épargne en actions.

Autant dire que, de façon indirecte, votre mesure alimentera la Bourse et la spéculation au meilleur moment, en cette période de crise, ce qui ne me paraît pas judicieux. Cette analyse est partagée par le journal Les Échos, sous le titre « Un impact final très léger ». Il y est écrit : «e risque, souligné par les économistes, est aussi que le phénomène constaté en 2005 se répète. Bénéficiant à l'époque d'une même mesure, les ménages avaient en effet consacré plus des deux tiers des 7,5 milliards débloqués à rembourser des emprunts immobiliers ou à réépargner sous d'autres formes, et non à consommer, pour un impact final très léger sur la croissance. Dans ces conditions, le jeu n'en vaut pas la chandelle, estiment les professionnels de l'épargne salariale ».

Je conclurai sur l'analyse, ô combien juste, de Michel Lamy, secrétaire national de la CFE-CGC : « C'est une technique de pickpocket : on laisse entendre aux Français qu'on va leur donner du pouvoir d'achat en plus, mais en fait on pique dans leur épargne ». Et cela, ni plus ni moins, pour le plus grand bénéfice des actionnaires !

M. Nicolas About, rapporteur. Pourquoi des actionnaires ?

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - L'article premier de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social est abrogé.

La parole est à Mme Annie David. Si vous le souhaitez, ma chère collègue, vous pouvez défendre plusieurs amendements en même temps !

Mme Annie David. Je vous le ferai savoir en temps utile, monsieur le président !

En 2006, sous prétexte d'améliorer la rémunération des salariés, vous avez créé une notion nouvelle, celle de « dividende du travail ».

La rétribution du travail est et doit rester le salaire. Quant à la notion de dividende, elle fait référence, chacun le sait, aux placements boursiers et aux actions, qui restent l'apanage des grands dirigeants d'entreprise ou de quelques cadres supérieurs. Je rappelle que la part des salaires dans le produit intérieur brut a baissé de douze points, ces dernières années, au bénéfice des revenus provenant de placements industriels et financiers.

S'il s'agissait vraiment de partager les dividendes, il faudrait que tous les salariés soient concernés par le dispositif présenté. Or, tel n'est pas le cas, loin s'en faut ! Il faudrait sans aucun doute relever le niveau des salaires minimaux et, également, que les entreprises remplissent enfin leurs obligations en matière de négociations salariales, les fameuses négociations annuelles obligatoires, ou NAO, qui, très souvent, ne sont pas correctement menées.

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela va changer !

Mme Annie David. J'attends de voir !

Par ailleurs, les quelque 3 millions de travailleurs pauvres, c'est-à-dire ceux qui touchent une rémunération ne leur permettant pas de vivre au-dessus du seuil de pauvreté, comprendront difficilement la notion de dividende du travail.

Lorsque M. de Villepin avait instauré ce mécanisme, les partenaires sociaux avaient déjà dénoncé une méthode scandaleuse, qualifiée de « poudre aux yeux » utilisée par le Gouvernement pour faire diversion par rapport aux vrais sujets, et particulièrement par rapport au premier d'entre eux : le salaire.

En 2008 comme en 2006, les méthodes sont les mêmes et les effets également. On se demande bien où se situe la fameuse rupture ! Nous comprenons que, en matière d'économie, il y a une France d'après, identique à la France d'avant...

C'est par cohérence avec notre principale préoccupation, la hausse immédiate de tous les salaires, que nous soumettons cet amendement à votre vote.

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. - L'article 11 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social est abrogé.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. L'article 11 de la loi relative à l'actionnariat salarié, adoptée en 2006, a eu pour effet de généraliser les plans d'épargne pour la retraite collectifs, ou PERCO, et de faire glisser vers ces plans les sommes placées sur les comptes épargne-temps.

Il s'agit tout bonnement, mais ce n'est qu'un outil parmi tant d'autres, de mettre fin à notre système de retraite fondé sur la solidarité intergénérationnelle. Il faut dire que la réforme Fillon de 2003 relative aux régimes de retraite, et celle de M. Bertrand sur les régimes spéciaux, participent également à cette destruction.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous n'avez pas le sentiment d'exagérer un peu, président Fischer ?

M. Guy Fischer. Pas du tout !

M. Xavier Bertrand, ministre. Votre sourire dit pourtant le contraire !

M. Guy Fischer. Nous connaissons votre intention de généraliser l'épargne individuelle en prévision de la retraite et d'obliger chaque salarié à financer les grandes entreprises et leurs actionnaires par le biais des fonds de pension.

Vous le savez, ce système de retraite assurantiel individuel est parfaitement inégalitaire, puisque chacun cotise en fonction de ses moyens. Avec un tel dispositif, les salariés les plus précaires, ou ceux qui ont des revenus modestes, ne disposeront d'aucune couverture complémentaire ni d'aucun revenu en fin de vie, si ce n'est un revenu fortement affaibli. Ils dépendront donc de la solidarité nationale, qui, selon nous, est largement en voie de disparition.

Nous avons déjà longuement protesté contre cette évolution au cours des débats sur les réformes des retraites et des régimes spéciaux. On ne peut d'ailleurs pas qualifier ce dernier de « débat ». En effet, le 2 octobre dernier, vous nous avez demandé, monsieur le ministre, à l'occasion d'une déclaration, de donner notre avis sur la situation. Nous avons eu à peine le temps de dire ouf ! Et depuis, nous n'avons rien vu venir et nous n'avons pu discuter de rien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous m'avez interrogé lors d'une séance de questions au Gouvernement !

M. Guy Fischer. Oui, mais c'est tout !

Mme Annie David. Cela a duré deux minutes et demi !

M. Xavier Bertrand, ministre. Plus, car, ce jour-là, j'ai dépassé mon temps de parole ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Tout fût réglé par décret !

La suppression de l'article 11 aurait pour effet de revenir sur ces mécanismes passés et de permettre qu'une partie de l'argent de la solidarité soit réinvestie là où cet argent devrait légitimement se trouver, à savoir dans les comptes sociaux. Cela est d'autant plus vrai que, pour précipiter le démantèlement et l'affaiblissement des régimes solidaires, vous avez, comme toujours, négocié avec le patronat auquel vous avez offert de nouvelles exonérations.

Plus globalement, c'est toute la société qui sera modifiée. En matière de santé, par exemple, pour les pauvres, ceux qui ne peuvent payer, faudra-t-il en revenir à la charité ? En matière d'accès aux soins et de dépendance, ce sera la même chose : ceux qui ont les moyens de recourir à une assurance se constitueront un pécule ; les autres devront compter sur la solidarité familiale, bien souvent intergénérationnelle, qui se substitue trop souvent à celle de la nation.

C'est une France de plus en plus inégalitaire que vous dessinez, et nous y sommes fortement opposés.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

avant le 31 décembre 2007

par les mots :

au plus tard le 31 décembre 2007

II. - A la fin du II de cet article, remplacer les mots :

avant le 30 juin 2008

par les mots :

au plus tard le 30 juin 2008

La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. Par cohérence avec un amendement précédent, celui-là tend à modifier légèrement la référence aux deux dates figurant dans cet article.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

À la fin du deuxième alinéa du I de cet article, supprimer les mots :

ou, à défaut, à une décision unilatérale de l'employeur de permettre le déblocage de la totalité des sommes mentionnées à la phrase précédente

La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 prévoit que le déblocage de la totalité de la réserve de participation, lorsque celle-ci est plus avantageuse que le régime légal en vertu d'un accord dérogatoire, est subordonné à un accord collectif ou à une décision unilatérale de l'employeur.

Cet amendement vise à rendre obligatoire la conclusion d'un accord collectif. Nous considérons, en effet, qu'il est peu logique de prévoir un accord si l'employeur peut, in fine, passer outre le refus des salariés.

La modalité de déblocage de la participation prévue dans ce cas de figure est ainsi alignée sur celle qui est prévue pour le cas où la réserve de participation est investie dans les fonds propres de l'entreprise.

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le III de cet article :

III. - L'article 39 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social est abrogé.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, pour répondre à votre souhait, et si vous en êtes d'accord, je me propose de défendre à la fois les amendements nos 114, 115, 109 et 110.

M. Guy Fischer. Vous êtes comblé, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. En effet !

Veuillez poursuivre, madame David.

Mme Annie David. Au vu du présent débat et du sort que vous avez réservé à nos précédents amendements, je devine de quelle façon ceux-ci seront traités ! Ce qui pourrait vous apparaître comme de l'entêtement n'est, en réalité, qu'une position cohérente ; M. About a bien voulu le reconnaître.

M. Nicolas About, rapporteur. Tout à fait !

Mme Annie David. Depuis le début de la discussion, nous avons rappelé, amendement après amendement, notre opposition aux mécanismes de rémunération autres que le salaire. Les protections offertes par ce dernier constituent des avantages non négligeables : régularité définie par la loi ou par convention collective, montant fixe, transparence dans l'entreprise, mais aussi - tout au moins si les employeurs respectaient scrupuleusement les lois ! - égalité professionnelle, cette dernière n'interdisant d'ailleurs pas les traitements différenciés, comme c'est le cas avec la prise en compte de l'ancienneté.

Tous les autres modes de rémunération sont créateurs d'inégalités. Ils semblent relever plus du fait du prince que du respect des règles et ne présentent pas les mêmes garanties que les salaires.

L'article 39 de la loi relative à l'actionnariat salarié va plus loin, en autorisant la rémunération complémentaire et l'intéressement du salarié sous forme d'actions qui peuvent être distribuées gratuitement. Ces stock-options s'opposent à la logique de salaire et font dépendre une partie de la rémunération du salarié des résultats financiers de l'entreprise.

Nous refusons, pour notre part, le principe d'une rémunération à caractère aléatoire, qui s'effectue au détriment du salaire. Non seulement l'actionnariat fait supporter le risque économique au salarié, mais il fait passer la rémunération salariale après le profit, ce qui fragilise encore le salarié et accroît la flexibilité de la masse salariale.

Les conséquences prévisibles pour les salariés eux-mêmes sont lourdes, leur rémunération étant de plus en plus individualisée et potentiellement fluctuante. Les conséquences sont graves également pour l'ensemble de notre économie.

Vous comprenez donc notre opposition à cet article. Se pose ainsi, naturellement, la question de la taxation. À cet égard, les débats qui ont eu lieu récemment, au Sénat, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, ne sont pas de nature à nous rassurer.

Vous avez préféré taxer les fruits directs du travail plus lourdement que les fruits indirects, liés à la spéculation, qui participent à leur manière à la destruction de l'emploi.

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mmes Procaccia, Papon et Sittler, M. Cambon et Mmes Lamure, G. Gautier, Bout, B. Dupont, Rozier, Garriaud-Maylam, Malovry, Dumas, Mélot et Desmarescaux, est ainsi libellé :

Compléter le III de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Si elles sont réinvesties dans le plan d'épargne entreprise, l'entreprise n'est pas tenue d'abonder ce versement.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. J'ai expliqué, lors de la discussion générale, qu'un effet d'aubaine était survenu en 2004 et risquait de se produire à nouveau, un certain nombre de salariés très expérimentés étant en mesure de débloquer des sommes et de les réinvestir dans le plan d'épargne entreprise.

Cette situation sera susceptible de se produire dans le cas où l'accord de participation prévoit un amendement, c'est-à-dire une ligne comptable qui aura coûté cher à l'entreprise. Elle ne profitera, je le répète, qu'aux salariés les plus expérimentés, qui n'ont pas besoin de débloquer leur participation pour augmenter leur pouvoir d'achat, mais qui veulent simplement réaliser un placement, aux frais de l'entreprise. L'amendement n° 62 vise à interdire cette pratique.

Par ailleurs, ayant bien entendu les remarques de mes collègues portant sur la question des délais, je souhaite rectifier cet amendement afin de préciser que si ces sommes sont réinvesties dans le plan d'épargne entreprise, l'entreprise n'est pas tenue d'abonder ce versement dans un délai de douze mois à compter du déblocage.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 62 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Papon et Sittler, M. Cambon et Mmes Lamure, G. Gautier, Bout, B. Dupont, Rozier, Garriaud-Maylam, Malovry, Dumas, Mélot et Desmarescaux, et ainsi libellé :

Compléter le III de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Si elles sont réinvesties dans le plan d'épargne entreprise, l'entreprise n'est pas tenue d'abonder ce versement dans un délai de douze mois à compter du déblocage.

L'amendement n° 108, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le III de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ces dispositions ne sont pas applicables aux sociétés coopératives ouvrières de production régies par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 et appliquant les dispositions d'accord dérogatoire définies à l'article R. 442-28 du code du travail.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'y a pas si longtemps, nous examinions ensemble le projet de loi portant transposition en droit interne de dispositions sur les sociétés coopératives européennes.

Nous avons eu, à cette occasion, un échange d'une grande richesse sur le mouvement coopératif dans son ensemble. Pour ma part, j'ai tenté d'apporter un éclairage particulier sur ce qui constitue la particularité de notre pays, à savoir l'existence, le maintien et le développement des sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP. Leur spécificité est connue et reconnue : elle permet aux salariés d'être tous des décideurs, d'être, en quelque sorte, les copropriétaires de leur société. Salariés et détenteurs de parts sociales, ils participent à la prise de décision, à la gestion et à l'organisation de leur outil de production.

Cette conception autogestionnaire de l'entreprise est, vous en conviendrez, bien éloignée du modèle libéral dominant qui, en lieu et place de la participation des salariés, préfère l'investissement financier ou boursier. C'est bien toute une économie qui se développe à côté de l'économie libérale. Dans la région Rhône-Alpes, c'est une expérience très vivante et riche.

C'est une conception à la fois très ancienne mais aussi très moderne de la gestion d'entreprise qu'il nous faut pleinement prendre en compte. Lors de la discussion sur ce texte, tous les intervenants ont mis en évidence cette particularité de gestion qui fait que les bénéfices sont répartis en deux grandes catégories, d'une part, la rémunération des salariés et leur intéressement, d'autre part, leur fonds d'investissement, qui vise à rendre plus prospère la société, à la développer et à assurer leur formation.

L'article 2 du projet de loi prévoit une disposition de déblocage de la participation salariale dans la limite de 10 000 euros. Cette disposition globale serait préjudiciable pour les entreprises, notamment les PMI et les PME dont les salariés réinvestissent leur participation dans leur propre entreprise, en particulier sous la forme d'actions ou de parts sociales.

En effet, cette mesure compromettrait gravement l'équilibre des fonds propres de ces PMI et de ces PME et, donc, leurs emplois. En outre, elle porterait atteinte à la stabilité bien nécessaire de leur actionnariat salarié et, partant, de leur ancrage territorial.

C'est tout particulièrement le cas pour les 1 700 coopératives de salariés employant 37 000 salariés associés qui, pour 98 % d'entre elles, mettent en oeuvre un accord dérogatoire de participation les conduisant, en moyenne, à répartir en participation salariale 40 % de leur bénéfice annuel - alors même que la moyenne d'effectifs de nos SCOP s'établit à 22 salariés. Pour mémoire, cet accord dérogatoire de participation est régi par l'article R. 442-28 du code du travail.

Il est nécessaire, de ce fait, d'écarter les sociétés coopératives de production du champ d'application de cette mesure de déblocage de la participation. Tel est l'objet de notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 111, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le VI de cet article :

VI. - L'article 50 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social est abrogé.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il a déjà été défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements autres que ceux qu'elle a présentés elle-même ?

M. Nicolas About, rapporteur. Sur l'amendement n° 107, qui tend à supprimer l'article 2, la commission émet un avis défavorable.

Elle est également défavorable à l'amendement n° 112, qui vise à supprimer la notion de dividende du travail introduite, avec notre accord, en 2006, dans la loi pour le développement de la participation.

L'amendement n° 113 a pour objet de supprimer l'incitation au développement des PERCO prévue par la loi de 2006. La commission, qui souhaite le développement de cet outil, indispensable pour se constituer une épargne retraite, a émis un avis défavorable.

L'amendement n° 114 tend à supprimer une disposition introduite également par la loi de 2006 pour le développement de la participation afin d'encourager l'attribution d'actions gratuites. La commission, qui n'a pas changé d'avis depuis 2006 et reste favorable à l'essor de l'actionnariat salarié, émet donc un avis défavorable.

En revanche, sur l'amendement n° 62 rectifié, la commission émet un avis favorable.

L'amendement n° 108 appelait de nombreuses questions. L'adoption de l'amendement n° 9 devrait rassurer le groupe CRC, le déblocage n'étant autorisé qu'avec un véritable accord de ces coopératives. Nous souhaitons que le Gouvernement nous confirme qu'il n'y a pas de difficultés concernant ces dernières.

Sur l'amendement n° 115, la commission, qui confirme son soutien au développement de l'actionnariat salarié, émet un avis défavorable.

Quant à l'amendement n° 109, la même logique la conduit, par cohérence, à émettre un avis défavorable. Il en va de même pour l'amendement n° 110.

Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° 111, je confirme que la commission s'est clairement prononcée en 2006 pour la suppression de la contribution Delalande. Elle émet donc logiquement un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 107, 112 et 113.

Il est favorable à l'amendement n° 8.

Sur l'amendement n° 9, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 114.

J'en viens à l'amendement n° 62 rectifié, dont je demande retrait. Pour commencer à connaître la Haute Assemblée, je souhaite m'en expliquer. Juridiquement, je pense que cet amendement n'est absolument pas sécurisé, avec tous les risques que cela représente. En outre, d'un point de vue pratique, personne, je dis bien personne, ne pourra jamais vérifier.

Mme Catherine Procaccia. Si, l'entreprise !

M. Xavier Bertrand, ministre. Avec quels moyens, madame le sénateur ? Je veux bien qu'on ait le débat, mais, en tout état de cause, il n'y a aucun moyen de vérifier.

En outre, la jurisprudence, constante en la matière, du Conseil constitutionnel précise que si le législateur peut apporter, pour des motifs d'intérêts général, des modifications à des contrats en cours d'exécution, il ne saurait porter à l'économie des contrats en cours légalement conclus une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté contractuelle. Or, il n'est nullement certain que l'interdiction d'abonder les sommes versées par le salarié après un déblocage ne soit pas considérée comme remettant en cause la liberté contractuelle.

Mme Catherine Procaccia. Elle n'y est pas tenue : cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas le faire !

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame le sénateur, je vous connais très bien, nous avons déjà débattu ensemble ! Je vais même aller plus loin : je sais pertinemment que, lorsque vous avez une idée en tête, vous n'avez pas forcément envie d'entendre le Gouvernement ! (Sourires.) Mais cela ne m'empêchera pas de vous donner ses arguments.

Peu importe que l'amendement ne vienne pas du Gouvernement. Ce qui compte, pour moi, c'est de vous alerter sur un vrai risque constitutionnel par rapport à cette jurisprudence. Je ne joue ni sur les mots ni sur l'interprétation. Je m'exprime en toute franchise parce que j'estime que la responsabilité du Gouvernement sur de tels sujets consiste à pointer les risques juridiques.

Enfin, comme je vous l'ai dit, une telle mesure n'aura d'effet pratique que si les gestionnaires des comptes sont en capacité de contrôler l'origine des sommes investies par le salarié. Or, aujourd'hui, aucun dispositif ne peut permettre un tel contrôle et une simple déclaration sur l'honneur du salarié ne sera certainement pas suffisante pour éviter l'effet d'aubaine.

Pour ces deux raisons, l'une juridique, l'autre pratique, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Sinon, le Gouvernement émettra un avis défavorable, quels que soient les arguments que vous avez exposés.

L'amendement n° 108 étant satisfait, l'avis est défavorable. En effet, monsieur Fischer, l'accord est requis.

Il en va de même pour les amendements nos 115, 109, 110 et 111.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Procaccia, accédez-vous à la demande de retrait de l'amendement n° 62 rectifié, formulée par M. le ministre ?

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, on sait très bien que, en 2004, seules 20 % des sommes débloquées ont été affectées à la consommation, les autres ayant été réinvesties.

M. Xavier Bertrand, ministre. Un tiers !

Mme Catherine Procaccia. Peu importe ! Avant que je ne sois parlementaire, un certain nombre d'entreprises ont fait remarquer que, lorsqu'un salarié débloquait 1 000 euros et reversait 1 000 euros le mois suivant ou dans les deux mois sur le PEE de l'entreprise, il s'agissait bien des mêmes sommes, dans la même entreprise.

Vous me dites que l'entreprise ne peut pas contrôler l'origine des sommes investies. Sans doute est-ce vrai dans quantité de cas. Quand un salarié débloque une somme pour l'affecter à une SICAV ou la déposer sur un autre compte rémunéré, effectivement, il n'y a aucune preuve.

Dans la situation visée, les fonds sont débloqués dans l'entreprise et reversés sur le PEE de l'entreprise. Pourquoi cette dernière ne pourrait-elle pas vérifier ? Il y a 1 000 euros d'un côté et 1 000 euros de l'autre.

M. Xavier Bertrand, ministre. La question, ce n'est pas le pourquoi, c'est le comment !

M. Nicolas About, rapporteur. Je le reconnais, le contrôle est impossible !

Mme Catherine Procaccia. Ce qui m'intéresse, ce sont les entreprises ! L'initiative de cet amendement ne vient ni du Gouvernement, monsieur le ministre, ni du MEDEF - je le dis à l'intention de mes collègues du groupe CRC. Je l'ai déposé parce qu'il répond à une réalité.

Je veux bien envisager de le retirer, mais j'aimerais savoir quelles sont les solutions pour éviter cet effet d'aubaine dont pourraient profiter un certain nombre de salariés.

En effet, il s'agit non des petits salariés qui, ayant un problème de revenu, vont dépenser cet argent car ils en ont besoin, mais des salariés qui, parfaitement avertis des mécanismes de l'entreprise, ont les moyens de réfléchir.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Procaccia, franchement, je n'ai pas de solution. Vous n'en avez pas pour garantir comment on peut vérifier et moi, je n'en ai pas ce soir pour vous garantir comment on peut éviter l'effet d'aubaine. Je joue cartes sur table !

Donc, ce que je vous propose - mais vous n'êtes pas obligée de me suivre - c'est de redéposer cet amendement à l'occasion du futur projet de loi sur la participation.

En définitive, si votre amendement était adopté, en pratique, on ne saurait pas faire et, juridiquement, il y a un risque. Pour l'instant, la position que je défends, faute de mieux, a le mérite de nous prémunir contre les risques juridiques.

Ce que je propose - et j'en prends l'engagement - c'est d'étudier ensemble, avec les parlementaires intéressés, comment réexaminer votre question à l'occasion du débat à venir sur la participation. Vous connaissez mes méthodes de travail : il n'est pas dans mes habitudes de faire des promesses que je ne tiens pas.

Je vous le concède, sur ce sujet, ce soir, je n'ai pas de solution. Je suis donc obligé de vous demander de me faire confiance...

M. le président. Madame Procaccia, maintenez-vous l'amendement n° 62 rectifié ?

Mme Catherine Procaccia. Je le retire, monsieur le président.

Je voulais que le débat ait lieu sur ce sujet. J'espérais, en fixant un délai qui n'était pas prévu à l'origine, sécuriser les choses. En tout cas, je souhaite que l'on règle le problème de certains profiteurs.

M. le président. L'amendement n° 62 rectifié est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame le sénateur, je vous demande votre concours pour trouver une solution parce qu'elle n'est pas simple à dégager. En effet, il ne s'agit pas non plus de construire des systèmes trop complexes par nature. Toutefois, je comprends bien le risque que vous évoquez : personne n'a envie de fermer les yeux sur d'éventuels effets d'aubaine. Cela fait partie des sujets dont on peut débattre.

Si nous présentons un texte sur la participation, ce n'est pas pour imaginer d'ores et déjà des règles de déblocage exceptionnelles.

Non, j'ai tout de même l'ambition de vous proposer autre chose afin qu'il y ait plus de salariés bénéficiant de la participation aux résultats, plus de salariés actionnaires et plus de pouvoir d'achat.

Nous aurons cependant aussi à nous poser ce type de questions, mais il serait peut-être souhaitable que nous examinions les réponses avec les entreprises qui ont été concernées avant de voter un texte, plutôt que d'avoir à revenir sur la loi pour n'avoir pas vu un problème.

Je ne vous en accompagne pas moins dans votre démarche...

M. Charles Revet. Mme Procaccia a en effet raison !

M. Xavier Bertrand, ministre. ...et je vous remercie de votre confiance, mais - message reçu ! - j'ai bien compris qu'il s'agissait d'une confiance exigeante.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n°108.

Mme Annie David. Cet amendement a reçu l'avis défavorable et de la commission et du Gouvernement au motif qu'il serait satisfait par l'amendement n° 9, amendement qui a bien été adopté, mais sur lequel le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de la Haute Assemblée. Je ne sais donc pas si notre amendement n° 108 est satisfait du fait de l'adoption de l'amendement présenté par M. About ou par le texte en lui-même,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est satisfait par le texte, amélioré par l'amendement !

Mme Annie David. ...étant entendu que, si nous avons déposé un amendement, c'est bien parce que nous estimions que le texte en lui-même ne nous donnait pas satisfaction en ce qui concerne les SCOP, les sociétés coopératives ouvrières de production.

Ces SCOP sont l'une de nos spécificités et elles ont déjà été malmenées lors de l'examen, voilà quelques mois, du projet de loi relatif à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut des sociétés coopératives européennes et la protection des employeurs en cas d'insolvabilité de l'employeur.

Vous malmenez d'ailleurs encore davantage le régime AGS en augmentant le nombre de ses bénéficiaires mais sans abonder ses ressources, de sorte qu'il ne pourra bientôt plus servir à ce à quoi il est destiné !

Là n'est cependant pas l'objet de l'amendement n° 108, dont M. About estime peut-être avec raison qu'il est satisfait par son amendement n° 9,...

M. Nicolas About, rapporteur. Je le pense, mais je me trompe peut-être !

Mme Annie David. ...mais je ne suis vraiment pas certaine, monsieur le ministre, que les SCOP pourront échapper aux dispositions de l'article 2 si l'on s'en tient au texte en lui-même.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste approuve tous les arguments avancés par le groupe CRC pour défendre l'amendement n° 108, qu'il votera, ce qui est cohérent avec la position qu'il a adoptée lors de l'examen de la loi de finances rectificative à propos de la possibilité de faire « dériver » une partie de l'ISF vers un investissement productif, étant rappelé qu'il a fait adopter ici même un amendement faisant entrer les coopératives dans le champ de cette mesure.

Quant à la question de savoir si cet amendement est satisfait par l'amendement n° 9, je rappelle que ce dernier a fait l'objet d'un avis de « sagesse » de la part du Gouvernement, ce qui signifie que rien n'est sûr, car l'amendement n° 9 de la commission peut fort bien avoir été voté ici mais ne pas survivre en commission mixte paritaire.

M. Michel Moreigne. Excellent diagnostic !

M. Nicolas About, rapporteur. Ce serait un mauvais coup !

Mme Nicole Bricq. Nous préférons donc prendre une garantie dès ce soir en votant l'amendement n° 108.

M. Guy Fischer. Merci, madame Bricq !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 111.

Mme Annie David. J'ai défendu cet amendement en même temps que les précédents, mais, son objet spécifique étant la contribution Delalande, je tiens à dire à ce stade que cette contribution va, pour nous, dans le sens du maintien dans l'emploi des « seniors », puisque c'est ainsi qu'ils sont désignés.

M. Nicolas About, rapporteur. Je ne le crois pas !

M. Xavier Bertrand, ministre. Elle contribue au contraire à leur éviction !

Mme Annie David. Je ne vois pas comment on peut être favorable au maintien des seniors dans l'emploi et, dans le même temps, être défavorable au rétablissement de la contribution Delalande. Pour notre part, nous regrettons de ne pas avoir été suivis sur ce point.

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous allons vous proposer mieux concernant l'emploi des seniors !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Article 3 bis (début)

Article 3

I. - Dans les entreprises ou établissements non assujettis aux obligations fixées par l'article L. 442-1 du code du travail, un accord conclu selon les modalités prévues à l'article L. 442-10 du même code peut permettre de verser à l'ensemble des salariés une prime exceptionnelle d'un montant maximum de 1 000 € par salarié.

Le montant de cette prime exceptionnelle peut être modulé selon les salariés. Cette modulation, définie par l'accord, ne peut s'effectuer qu'en fonction du salaire, de la qualification, du niveau de classification, de la durée du travail, de l'ancienneté ou de la durée de présence du salarié dans l'entreprise. Cette prime ne peut se substituer à des augmentations de rémunération prévues par la convention ou l'accord de branche, un accord salarial antérieur ou le contrat de travail. Elle ne peut non plus se substituer à aucun des éléments de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 741-10 du code rural versés par l'employeur ou qui deviennent obligatoires en vertu de règles légales, ou de clauses conventionnelles ou contractuelles.

Le versement des sommes ainsi déterminées doit intervenir le 30 juin 2008 au plus tard.

II. - Sous réserve du respect des conditions prévues au présent article, cette prime est exonérée de toute contribution ou cotisation d'origine légale ou d'origine conventionnelle rendue obligatoire par la loi, à l'exception des contributions définies aux articles L. 136-2 du code de la sécurité sociale et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

L'employeur notifie à l'organisme de recouvrement dont il relève le montant des sommes versées au salarié en application du présent article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet article prévoit le paiement d'une prime de 1 000 euros maximum - mot sur lequel j'insiste -à chacun des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés.

Il est nécessaire de bien préciser les choses.

L'article 3 dispose que la prime pourra être attribuée en fonction d'un accord collectif d'entreprise. Deux conditions sont d'ores et déjà posées : l'existence d'un tel accord et le fait que l'octroi d'une prime y soit mentionné.

Cette prime sera exceptionnelle, donc unique, et elle sera octroyée d'ici à six mois.

Monsieur le ministre, votre texte précise qu'elle ne peut se substituer à des augmentations de salaire prévues par un accord antérieur ou par le contrat de travail. Soit ! Mais elle peut toujours se substituer à des augmentations de salaire non mentionnées préalablement, que celles-ci soient individuelles ou générales. Elle pourra donc venir en substitution de véritables augmentations pérennes et comptant pour la protection sociale.

La prime sera par ailleurs, et c'est très important, modulable selon les salariés. En clair, un employeur pourra distribuer une prime d'un montant variable pourvu qu'il n'omette aucun salarié dans la distribution, fût-ce pour une somme très modique. On voit l'intérêt annexe que peuvent y trouver les employeurs pour doper la concurrence entre salariés de la même entreprise !

Les critères de modulation seront établis par un accord et pourront comporter le salaire. Est-ce à dire que, plus le salaire est important, plus la prime sera importante, ce qui irait dans le sens de la thésaurisation et non pas de la consommation ?

Ces critères comprendront aussi l'ancienneté, la qualification et la classification, ainsi que la durée du travail. La même question se pose sur ce dernier point. Les salariés à temps partiel subi, souvent des femmes, sont ceux qui ont le plus besoin d'une augmentation de salaire. Pourtant, au vu des critères, il faut craindre que ce soit cette catégorie qui reçoive les primes les plus faibles, mais sans doute s'agit-il encore une fois de donner plus à ceux qui travaillent plus, pour illustrer le slogan désormais célèbre...

Cet article n'a été ajouté que pour éviter que l'on puisse dire que les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés ont été oubliés. Il n'apporte aucune solution durable au regard du fait que les salaires sont plus faibles dans les petites entreprises. Au contraire, il accentue la différence puisque les salariés de ces entreprises ne percevront - au mieux - que 1 000 euros, tandis que les salariés des grandes entreprises pourront récupérer jusqu'à 10 000 euros sur simple demande.

Les salariés des petites entreprises risquent d'être fort surpris qui, s'étant entendu dire qu'ils allaient toucher une prime de 3 000 euros, vont s'apercevoir qu'ils touchent moins, et moins que leurs collègues !

Nous ne voterons donc pas l'article 3, notamment pour cette raison-là.

M. Xavier Bertrand, ministre. Sans cet article, ils ne percevront rien !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 118, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après l'article L. 141-17 du code du travail, insérer un article ainsi rédigé :

« Art. L. 141-18 - Les salariés titulaires d'un diplôme ou d'une validation des acquis professionnels d'un niveau au moins égal à celui du certificat d'aptitude professionnel ou du brevet d'enseignement professionnel ne peuvent percevoir un salaire inférieur à 1,2 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance.

« Les salariés titulaires d'un diplôme ou d'une validation des acquis professionnels d'un niveau au moins égal à celui du brevet de technicien ou du baccalauréat ne peuvent percevoir un salaire inférieur à 1,4 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance.

« Les salariés titulaires d'un diplôme ou d'une validation des acquis professionnels d'un niveau au moins égal à celui du brevet de technicien supérieur ou du diplôme universitaire de technologie ou du diplôme d'études universitaires générales ne peuvent percevoir un salaire inférieur à 1,6 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance.

« Les salariés titulaires d'un diplôme ou d'une validation des acquis professionnels d'un niveau au moins égal à une licence ou maîtrise de l'enseignement supérieur ne peuvent percevoir un salaire inférieur à 1,8 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance.

« Les salariés titulaires d'un diplôme ou d'une validation des acquis professionnels d'un niveau au moins égal à un diplôme de l'enseignement supérieur sanctionnant 5 années d'études après le baccalauréat ou un diplôme d'ingénieur ne peuvent percevoir un salaire inférieur à 2 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance.

« Ces rémunérations minimales peuvent être majorées, par décret, de 10 à 20 % dans les professions menacées de pénuries d'effectifs afin d'inciter les jeunes à s'orienter dans ces métiers. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Trop de salariés dans notre pays ont l'impression que le travail qu'ils fournissent n'est pas reconnu à sa juste valeur, que les efforts qu'ils consentent et l'implication qui est la leur ne sont ni mesurés, ni correctement rémunérés.

Votre candidat n'a eu de cesse de parler de la « valeur travail ». Or, à utiliser de telles références, on en vient à oublier leur sens. Sans vouloir faire ici un cours d'économie politique, il m'apparaît important d'apporter, à ce stade du débat et au vu des discussions qui ont été les nôtres, quelques précisions.

Pour les économistes du xixe siècle, notamment Ricardo et Marx, la « valeur travail » est un concept précis qui renvoie à l'idée que la valeur d'échange des marchandises est proportionnelle à la quantité de travail qu'elles incorporent. Le profit a pour origine la capacité d'une marchandise particulière - la force de travail que vendent les travailleurs - à produire davantage de valeur qu'elle n'en consomme.

On est donc loin des discours de M. Sarkozy ou de Gilles Carrez, qui voit « le travail comme valeur fondatrice d'une droite moderne et populaire ».

Lorsque nous parlons de « valeur travail », c'est pour mettre en corrélation les problématiques de la rémunération, du travail accompli et des profits. Votre gouvernement parle bien de travail accompli, monsieur le ministre, mais il parle moins des salaires et ne dit pas un mot sur les profits. Voilà ce qui nous différencie !

Notre amendement a donc pour objectif de reconnaître les qualifications de tous les salariés à leur juste valeur, autant dire - j'en reviens à la fiche de paye - à leur juste rémunération.

Pour cela, nous proposons d'instaurer un barème de salaires minimaux par grands niveaux de qualifications - chose très complexe, monsieur le ministre ! -, salaires minimaux qui, conformément aux amendements que nous avons défendus, permettraient aux salariés de vivre dignement.

Cette proposition donnerait du sens à la « valeur travail » en la faisant sortir du slogan de campagne pour la faire entrer dans le champ du réel, car les salariés attendent toujours qu'une véritable hausse de leur salaire, voire, à terme, de leur retraite, soit d'actualité.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 58 rectifié est présenté par M. Gournac, Mmes Procaccia et Hermange, MM. del Picchia, Ferrand, P. André et Revet.

L'amendement n° 60 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I - Dans le premier alinéa du I de cet article, après les mots :

code du travail

insérer les mots :

ou qui sont soumis au régime fiscal prévu au 5 de l'article 206 du code général des impôts

II - Pour compenser les pertes de recettes pour l'État et les organismes de sécurité sociale résultant du I ci-dessus, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - La perte de recettes pour l'État résultant de l'extension de la possibilité de verser une prime d'un montant maximum de 1 000 € par salarié exonérée de toute contribution ou cotisation aux entreprises ou établissements soumis au régime fiscal prévu par le 5 de l'article 206 du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. 

... - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'extension de la possibilité de verser une prime d'un montant maximum de 1 000 € par salarié exonérée de toute contribution ou cotisation aux entreprises ou établissements soumis au régime fiscal prévu par le 5 de l'article 206 du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour défendre l'amendement n° 58 rectifié.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement a pour objet de faire bénéficier les salariés du secteur de l'économie sociale, notamment les salariés des mutuelles, de la prime exceptionnelle instaurée à l'article 3, lequel ne vise pas les entreprises qui ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, pour présenter l'amendement n° 60.

M. Jean Boyer. L'objet de notre amendement identique est en effet de préciser que les salariés du secteur de l'économie sociale, notamment ceux des mutuelles, bénéficieront bien de la prime exceptionnelle.

Cette prime est créée pour les personnels des entreprises non assujetties au régime de la participation.

La participation est obligatoire dans les entreprises de cinquante salariés et plus, quelles que soient la nature de leur activité et leur forme juridique.

Toutefois, la réserve spéciale de participation est calculée à partir du bénéfice fiscal soumis à l'impôt sur les sociétés de droit commun. En conséquence, les entreprises qui sont soumises non pas à l'impôt sur les sociétés de droit commun mais au régime particulier des organismes sans but lucratif ne peuvent attribuer de droits au titre de la participation.

C'est pourquoi les entreprises du secteur de l'économie sociale devraient pouvoir entrer dans le champ de l'article 3. Or, en l'état actuel du texte, il n'est pas certain que la prime exceptionnelle créée par le présent projet de loi puisse bénéficier aux 2 millions de salariés de ce secteur.

M. le président. L'amendement n° 141, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I de cet article, après les mots :

code du travail

insérer les mots :

ou qui n'ont pas conclu d'accord en application de l'article L. 442-15 du même code

La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. La mesure prévue à l'article 3 a souvent été présentée comme concernant les seules entreprises dépourvues d'accord de participation. Or, à la lecture du texte, tel n'apparaît pas être exactement le cas puisqu'une entreprise de moins de cinquante salariés qui s'est dotée d'un accord de participation volontaire pourra verser la prime de 1 000 euros à ses salariés.

Mon amendement a donc pour objet de faire confirmer - ou infirmer - qu'il est possible de cumuler la participation et la prime. Je souhaite que le Gouvernement précise ses intentions à cet égard ; je suis prêt à m'aligner sur ses positions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 118 ainsi que sur les amendements identiques nos 58 rectifié et 60 ?

M. Nicolas About, rapporteur. L'amendement n° 118 pourrait être qualifié de dirigiste, puisqu'il tend à préciser dans la loi la grille des salaires, ce qui semble méconnaître les réalités d'une économie moderne. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Vous nous faites passer pour archaïques !

Mme Annie David. L'économie moderne, ce n'est pas l'esclavage !

M. Nicolas About, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 58 rectifié et 60, la commission, qui a émis un avis de sagesse, entendra avec intérêt l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. S'agissant de l'amendement n° 118, que pourrais-je ajouter à la démonstration accablante à laquelle vient de se livrer M. le rapporteur ? (Sourires.) Le Gouvernement émet bien sûr un avis défavorable.

Les amendements identiques nos 58 rectifié et 60 sont quant à eux satisfaits : l'article 3 vise les « entreprises ou établissements », deux termes qui doivent être entendus au sens large. Cette disposition englobe l'ensemble des employeurs exerçant une activité économique, y compris, par conséquent, ceux qui relèvent du secteur que vous visez, mesdames, messieurs les sénateurs.

La même remarque m'a été adressée à l'Assemblée nationale, où des amendements similaires ont été déposés, et j'ai donc déjà apporté ces clarifications. Comme tous nos débats ont une valeur juridique, je peux vous garantir que ce secteur est bien couvert.

J'en viens à l'amendement n° 141. Monsieur le rapporteur, 3 % des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés sont en effet couverts par un accord de participation. Dans ce cas précis, il sera possible de cumuler le déblocage de la participation et l'attribution d'une prime exceptionnelle, dans le respect, naturellement, des conditions fixées par le présent projet de loi. Voilà une clarification qui sera utile, me semble-t-il.

M. Nicolas About, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 118.

Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, à vous écouter, nous sommes donc archaïques et ringards (M. le ministre et M. le rapporteur se récrient.). Mais que proposez-vous ? De revenir à un système des plus capitalistes, qui n'est moderne que du point de vue du libéralisme et qui prévalait en France au XIXe siècle.

Qui sont les archaïques ici ? Ceux qui veulent revenir au XIXe siècle ou ceux qui veulent garder les acquis obtenus grâce au Front Populaire en 1936 ou à la charte du Conseil national de la Résistance ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.) Avec la société que vous nous proposez, monsieur le ministre, c'est vous qui nous faites faire un grand bond en arrière !

J'en finirai là avec la comparaison entre les époques.

Pour notre part, nous souhaitons que les grilles salariales soient clairement définies. Nous en revenons d'ailleurs au débat qui nous a occupés avant la suspension de nos travaux pour le dîner : monsieur le ministre, trouvez-vous normal qu'aujourd'hui, dans notre pays, des grilles salariales commencent en dessous du SMIC ? Voilà ce qui, selon moi, est inacceptable et archaïque !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous ai déjà répondu, madame David !

Mme Annie David. Certes, mais notre discussion sur cet amendement participe de la même problématique.

Croyez-vous normal qu'un jeune qui vient de finir ses études en obtenant un diplôme reconnu de l'éducation nationale, comme un BTS ou même une licence ou un diplôme d'ingénieur, se voie proposer des salaires inférieurs à ce qu'ils devraient être au regard de ses qualifications, par des entreprises qui connaissent pourtant parfaitement les conventions et les classifications en vigueur ?

M. Guy Fischer. Tout à fait !

Mme Annie David. Telle est pourtant la réalité : nos jeunes diplômés se voient offrir des emplois qui ne correspondent pas à leurs qualifications. Pour ma part, je trouve cette situation inacceptable.

On affirme que l'éducation nationale n'est pas capable de former les jeunes. Mais encore faudrait-il qu'ensuite les patrons acceptent de rémunérer les jeunes salariés au niveau de la qualification qu'ils ont obtenu au terme de leurs études !

À travers cet amendement, nous proposons que le travail des salariés soit respecté et que les conventions et les classifications soient clairement définies pour guider les négociations entre les partenaires sociaux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Annie David. C'est bien dommage !

M. le président. Madame Procaccia, l'amendement n° 58 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. Compte tenu des explications que j'ai reçues, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié est retiré.

Monsieur Boyer, l'amendement n° 60 est-il maintenu ?

M. Jean Boyer. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.

Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 141 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur. Je me réjouis que le Gouvernement reconnaisse - c'est la première fois ! - qu'il est possible de cumuler participation et prime.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est la première fois que la question m'était posée !

M. Nicolas About, rapporteur. Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 141 est retiré.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 3 bis (interruption de la discussion)

Article 3 bis

I. - Dans le dernier alinéa du 3° de l'article 1605 bis du code général des impôts, le pourcentage : « de 50 % » est supprimé.

II. - Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 15 octobre 2008, un rapport sur la mise en oeuvre du dispositif de maintien des exonérations de redevance audiovisuelle pour les personnes qui en bénéficiaient avant la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet article prévoit le maintien du dégrèvement de 100 % de la redevance audiovisuelle pour les contribuables âgés de plus de 65 ans non assujettis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Il a été ajouté en catastrophe à l'Assemblée nationale sur l'ordre, semble-t-il, du Président de la République, après que des amendements présentés tant par la droite que par la gauche eurent été retirés ou rejetés.

Le dispositif initial du Gouvernement prévoyait, en effet, la suppression totale de cette exonération, qui s'est commuée en demi-suppression, avant l'annulation totale de la mesure.

Cet article constitue fort heureusement le signe d'une capitulation en rase campagne du Gouvernement sur un sujet qui est symbolique et hautement sensible, puisqu'il concerne les personnes âgées modestes.

Monsieur le ministre, malgré les protestations, il a fallu que nombre de Parlementaires de votre majorité se mobilisent, en insistant sur la proximité des élections municipales, et cantonales, et sur l'effet désastreux de cette mesure.

La décision de faire payer la redevance à 750 000 retraités modestes devait, en principe, rapporter 100 millions d'euros, qui seraient allés alimenter l'audiovisuel public.

Or, au même moment, se préparait la mesure annoncée par le Président de la République lors de sa dernière conférence de presse, à savoir la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, mesure qui profite directement à TF1, donc à M. Bouygues, à M6 et aux cours de bourse des deux entreprises d'audiovisuel privé. En effet, ces chaînes vont récupérer la manne publicitaire que l'on oblige la télévision publique à abandonner. Une telle mesure est évidemment lourde de difficultés pour le budget de France Télévisions.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la concomitance entre l'intention de faire payer la redevance aux retraités modestes et la préparation de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques peut difficilement être attribuée à un hasard !

Finalement, il a été décidé - mais pour combien de temps ? - que les retraités modestes de ce pays ne paieraient pas pour une opération qui profite exclusivement aux principaux actionnaires des chaînes privées. Sans doute peuvent-ils remercier les élus de l'opposition, les associations et les candidats de votre majorité aux élections municipales et cantonales, qui ont demandé, jusqu'à faire battre en retraite le Gouvernement, le retour de l'exonération de la redevance.

Il n'en demeure pas moins qu'il faudra trouver d'autres sources de financement pour l'audiovisuel public. Passera-t-on à une augmentation généralisée de la redevance ou supprimera-t-on une partie des dotations de l'audiovisuel public ? En toute hypothèse, le pouvoir d'achat de nos concitoyens n'y gagnera rien.

Surtout, une question reste posée : qu'adviendra-t-il de cette exonération après les élections municipales ? En effet, la peur au ventre ayant disparu, les mauvaises manières envers les plus démunis pourraient revenir, au profit des intérêts des puissants de l'audiovisuel : à l'évidence, la suppression de cette exonération apportait des ressources à l'audiovisuel public, au moment où on lui enlève les ressources de la publicité, qu'on transfère vers les chaînes privées.

Cette année, l'exonération totale est maintenue. Toutefois, qu'en sera-t-il après les élections municipales ?

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jean-Pierre Godefroy a parfaitement résumé les problèmes posés par cet article. Pour ma part, je reviendrai sur la grande émotion qu'avait suscitée la suppression de l'exonération de redevance lors de l'examen de la dernière loi de finances.

En effet, en s'appuyant sur une mesure prise dans le cadre de la loi de finances pour 2005, le Gouvernement a tenté de faire disparaître le bénéfice de l'exonération de redevance audiovisuelle pour environ 800 000 ménages retraités, fiscalement définis à l'article 1605 bis du code général des impôts, qui précise que : « Pour les années 2006 et 2007, le bénéfice de ce dégrèvement est maintenu pour ces redevables lorsque :

« a. La condition de non-imposition à l'impôt sur le revenu est satisfaite pour les revenus perçus au titre de l'année précédant celle au cours de laquelle la redevance audiovisuelle est due ;

« b. La condition d'occupation de l'habitation prévue par l'article 1390 est remplie ; » - cette disposition vise la résidence principale.

« c. Le redevable n'est pas passible de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année précédant celle au cours de laquelle la redevance audiovisuelle est due ; »

Comme chacun sait, la loi de finances pour 2005 a consacré la disparition de la redevance audiovisuelle sous sa forme traditionnelle, en l'adossant à la taxe d'habitation de la résidence principale des assujettis, ce qui signifie que la redevance due pour les récepteurs situés dans les résidences secondaires n'est plus exigée.

Nous sommes donc confrontés à un étonnant paradoxe : on demande à 800 000 retraités, souvent peu fortunés, puisqu'ils ne sont pas imposables au titre de l'impôt sur le revenu, de s'acquitter d'une redevance audiovisuelle, alors même que les résidences secondaires sont dispensées du paiement de cette taxe !

Pour autant, compte tenu de l'émotion que j'évoquais plus haut, l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2007 a finalement maintenu temporairement l'exonération, comme l'a précisé Jean-Pierre Godefroy, en disposant : « Le 3° de l'article 1605 bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'année 2008, les redevables âgés de plus de soixante-cinq ans au 1er janvier 2004 visés aux premier et deuxième alinéas bénéficient d'un dégrèvement de 50 % de la redevance audiovisuelle » lorsqu'ils remplissent les conditions que j'ai énumérées à l'instant.

L'article 3 bis prévoit la rédaction rapide d'un rapport sur l'exonération de la redevance. Au moment où l'audiovisuel public est confronté au défi de la disparition programmée de la publicité commerciale, permettra-t-il de résoudre définitivement ce problème ? Rien n'est moins sûr. Il est donc pour le moins nécessaire de s'interroger réellement sur le sens de la réforme de 2005 et de l'adossement de la redevance sur la taxe d'habitation.

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis.

(L'article 3 bis est adopté à l'unanimité.)

M. Charles Revet. Cela finit bien !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 3 bis (début)
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Discussion générale

10

Dépôt d'un projet de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel (protocole III).

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 177, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux matières pouvant être ajoutées aux médicaments en vue de leur coloration (refonte).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3759 et distribué.

12

Dépôt de rapports

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-René Lecerf un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (n° 158, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 174 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le titre XV de la Constitution (n° 170, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 175 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les « Risques et dangers pour la santé humaine de substances chimiques d'usage courant : éthers de glycol et polluants de l'air intérieur. Évaluation de l'expertise publique et des choix opérés » - Tome I : Conclusions du rapporteur, Tome II : Comptes rendus des auditions -, établi par Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le rapport sera imprimé sous le n° 176 et distribué.

13

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 24 janvier 2008 :

À neuf heures quarante-cinq :

1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 151, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat.

Rapport (n° 166, 2007-2008) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Avis (n° 172, 2007-2008) de, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

À quinze heures et le soir :

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

Délai limite d'inscription des auteurs de questions : jeudi 24 janvier 2008, à onze heures.

3. Suite de l'ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 24 janvier 2008, à zéro heure quarante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD