Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission considère que la loi sur le droit au logement est difficile à interpréter.

Nous n'avons toujours pas très bien compris quels en sont les mécanismes et l'étendue. Nous ne savons pas qui est soumis aux obligations qu'elle entraîne. Est-ce l'État, ou bien encore les communes ? Nous n'avons pas très bien compris également comment il sera prévu de rattacher une demande de logement à une commune déterminée.

Tout cela nécessite encore des procédures et des mécanismes de régulation qui, à mon sens, sont pour l'instant évanescents, ou du moins plus qu'indéterminés.

Il est donc clair que l'initiative de notre collègue est, comme les précédentes, prématurée et, à titre personnel, je crains que l'on ne soit dans le domaine des illusions !

Cet amendement ne lui paraissant pas opérationnel, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Je pense moi aussi que le dispositif proposé est prématuré.

L'idée reste à creuser. On ne doit pas l'écarter trop vite, mais il faut, avant de l'étudier sérieusement, avoir un dispositif d'évaluation des premières mesures prises dans le cadre de la loi DALO. Or, nous n'en sommes pas là. Il faudrait également préciser ce que seraient les associations intermédiaires concernées.

Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Nous arrivons au terme d'une liasse d'amendements pour laquelle les réponses constantes que nous ont faites le rapporteur général et le ministre nous laissent à penser que nous n'avons pas forcément tort sur le fond, mais que nos propositions sont prématurées, comme si, en quelque sorte, la majorité indiquait au groupe socialiste qu'il avait raison, mais trop tôt.

C'est un hommage auquel nous sommes sensibles ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Suffisamment pour retirer votre amendement ?

M. Thierry Repentin. Nous souhaitons néanmoins que le Sénat se prononce sur cet amendement que le rapporteur général considère comme n'étant pas opérationnel.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne l'est pas !

M. Thierry Repentin. Je dois dire qu'il a été élaboré non pas seulement par nous, mais aussi en collaboration avec les associations qui oeuvrent pour l'insertion des ménages les plus précarisés. Nous en avons également discuté avec M. Pelletier, président de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat et l'idée lui a semblé très intéressante.

Je ne souhaiterais pas que cette disposition réapparaisse à l'occasion de la loi de finances rectificative ou d'un autre texte dans les prochaines semaines, que l'on nous dise qu'on y a travaillé et que, finalement, l'amendement n'était pas si mauvais !

Je maintiens donc cet amendement, en me réjouissant que, comme les autres amendements que j'ai présentés, il trouve quand même grâce sur le fond aux yeux de la majorité, même si celle-ci les trouve, pour le moment, prématurés ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-138.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° I-139 rectifié bis, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À la fin du premier alinéa de l'article L. 221-1 du code monétaire et financier, les mots : « plafonnement dans des conditions fixées par voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « un plafond de 20 000 euros ».

II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Nous abordons un autre sujet très cher au Gouvernement et au rapporteur général, dont nous avons lu les différentes prises de position dans la presse il y a quelques semaines. Je veux parler du devenir du livret A.

Le présent amendement a pour objet de porter le plafond du livret A de 15 300 euros à 20 000 euros.

Une telle proposition présente selon nous le double avantage d'améliorer l'attractivité de ce produit d'épargne populaire et de permettre, par la même occasion, d'espérer l'augmentation de l'encours global. En conséquence, elle permettra d'accroître les fonds disponibles dédiés au financement des logements locatifs sociaux.

L'augmentation de l'encours des fonds consacrés au développement du parc locatif social apparaît aujourd'hui plus que nécessaire pour que les objectifs de construction du plan de cohésion sociale - vous voyez que l'on pense aux lois que vous faites -, révisés à la hausse après le vote de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, soient atteints.

Ces fonds représentent actuellement seulement 4 % de l'épargne globale. Il est donc temps de donner des signes forts en direction des opérateurs du logement dans ce pays, tout en confortant les petits épargnants dans leurs efforts au quotidien.

Je rappelle que 6 % des détenteurs d'un livret A atteignent le « plafond » ou le dépassent : ils sont 2,6 millions à détenir ainsi 42,3 milliards d'euros sur les 111 milliards d'euros collectés. Si même seulement la moitié de ces « gros » détenteurs choisissait d'épargner pour atteindre le nouveau plafond de 20 000 euros, ce ne serait pas loin des 6,5 milliards d'euros supplémentaires qui serviraient à soutenir le financement et, donc, la construction du logement social.

L'augmentation du plafond est une mesure utile, efficace et qui sera populaire.

Nous savons que la majorité et le Gouvernement étudient des scénarios bien différents.

En proposant dans un premier temps de fiscaliser les intérêts acquis au-delà du plafond du livret A, M. le rapporteur général, dans un article du Figaro du 8 novembre dernier, n'ouvre-t-il pas implicitement la porte à la fiscalisation des intérêts tout court, en confortant du même coup tous les tenants de la banalisation de la distribution de ce produit d'épargne populaire ?

Il m'avait même été indiqué qu'un amendement en ce sens serait déposé. S'il l'avait été, nous aurions comparé M. le rapporteur général à Bismarck, qui estimait qu'il fallait taxer les pauvres non pas parce qu'ils étaient pauvres, mais seulement parce qu'ils étaient nombreux.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Avec 15 300 euros, on est pauvre ?

M. Thierry Repentin. Faites le calcul : 300 euros multipliés par deux millions de livrets, cela fait de l'argent !

En outre, de lourdes menaces pèsent sur l'existence même du livret A. Puisque de nombreux signes laissent penser que le Gouvernement en a admis la banalisation, et donc, à terme, la mort, il nous semble opportun de rappeler plusieurs réalités à son sujet.

Le livret A est détenu par 43 millions de nos concitoyens, le plus souvent modestes, qui mettent de côté de l'argent, souvent pour venir en aide à leurs proches en cas de coup dur ou pour se constituer un apport personnel en vue d'un emprunt immobilier. Cela peut être aussi, dans de nombreuses familles, le cadeau de naissance sur lequel les grands-parents versent les étrennes des petits-enfants.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pleurez, chaumières !

M. Thierry Repentin. Cependant, ce n'est pas que cela.

C'est aussi une pièce essentielle du système de financement du logement social dans notre pays. Si le niveau des encours du livret A venait à diminuer sous l'effet de la banalisation de sa distribution, les collectivités locales auraient à compenser elles-mêmes les pertes que l'avantage d'un prêt à très longue durée à très bas taux d'intérêt procure au montage des opérations de construction de logement social.

Or, vous connaissez comme moi l'effort important d'ores et déjà consenti à ces opérations par les collectivités, tout comme les ambitions affichées par le Gouvernement en matière de construction.

Le livret A, c'est aussi le dernier rempart contre la désertification bancaire des territoires classés en zone de redynamisation urbaine et en zone de revitalisation rurale et contre l'abandon des populations les plus fragiles.

En effet, en contrepartie du monopole de distribution, La Poste, pour ne citer qu'elle, assure une mission de service bancaire universel à destination des plus pauvres. Elle est dans l'obligation de répondre positivement à toute demande d'ouverture d'un livret A, quel que soit le montant du dépôt, tout comme elle est tenue d'effectuer gratuitement sur ce livret toute opération supérieure à 1,5 euro à ses guichets.

Ces obligations ne s'imposent à aucun autre organisme bancaire.

Cette mission de service public a même été évaluée par la Commission européenne à plus de 400 millions d'euros. C'est La Poste qui assure cette mission, pas l'État. Plus de la moitié des détenteurs du livret A disposent bien souvent de moins de 150 euros d'épargne, et ce produit constitue même le seul outil bancaire des ménages les plus démunis.

Enfin, l'État a un intérêt direct, monsieur le ministre, à améliorer le système tel qu'il existe aujourd'hui, puisqu'une partie des sommes épargnées sur ce support populaire, placées par la Caisse des dépôts et consignations, rapporte de l'argent qui revient directement dans les caisses de l'État.

Mme la ministre du logement et de la ville répète que, pour favoriser la construction, tous les acteurs de la chaîne du logement doivent s'y mettre. Les petits épargnants sont, à leur manière, avec le livret A, un maillon essentiel de cette chaîne.

Nous proposons, en augmentant le plafond, de leur adresser à tous un signal fort.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur ce thème, la commission s'inscrit complètement en opposition avec les raisonnements qui viennent d'être tenus et estime que la présentation qui vient d'être faite n'est pas du tout conforme à la réalité des choses.

En premier lieu, la collecte du livret A est structurellement supérieure aux emplois de long terme, c'est-à-dire que tout l'argent collecté ne peut pas être consacré à des emplois de long terme, notamment en matière de construction de logements.

En second lieu, la banalisation est déjà dans les faits. Je ne me souviens plus de vos positions en matière européenne. Mais permettez-moi de vous dire que, en termes de droit communautaire, la question est traitée et résolue depuis longtemps, la banalisation étant inscrite dans le droit européen.

M. Josselin de Rohan. C'est comme cela !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous pouvez pleurer ! Mais l'Europe est un tout.

Plus on banalisera, plus on distribuera, plus large sera le râteau et plus on ramassera d'argent. Sur cet aspect des choses, il n'y a aucun doute possible. La banalisation n'est pas l'ennemie du livret A, au contraire.

Mon cher collègue, vous avez commis, comme on le fait souvent, une confusion entre le mode de distribution et la centralisation d'une partie des encours. Ce sont deux termes qui sont strictement indépendants. On peut donc banaliser, c'est-à-dire faire en sorte que le livret A soit proposé à tous les guichets, et continuer à faire prévaloir une règle de centralisation des encours au profit du logement social.

Vous laissez entendre qu'il y a un lien entre les deux. Pardonnez-moi de vous dire que c'est faux et que le livret banalisé pourra encore être proposé et que ses encours pourront continuer à être régis par une législation prévoyant une transformation par l'intermédiaire de la section des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations.

Après avoir essayé de faire pleurer dans les chaumières, vous avez ensuite préconisé une augmentation du plafond. Pourquoi pas ? L'amendement auquel vous avez fait allusion, qui est déposé à titre personnel par MM. Jean Arthuis, Alain Lambert, Gérard Longuet et votre serviteur, et sera examiné ultérieurement, est un amendement à visée pédagogique, destiné à lancer un débat sur cette question délicate. Il a un double objet.

Pourquoi ne pas relever le plafond ? Il faut préciser que, dès lors que le livret sera saturé, les intérêts versés au-delà du plafond auront vocation à être fiscalisés dans l'impôt sur le revenu. D'ailleurs, ce n'est que justice ! Vous ne cessez de dire que l'impôt progressif est une bonne chose.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Or, selon que, d'après vos critères, on sera pauvre ou riche, on sera très peu fiscalisé, voire pas fiscalisé du tout, ou bien fiscalisé au taux progressif de l'impôt sur le revenu, qui est fait pour cela.

J'ai de la peine à comprendre que le parti socialiste ait aussi peu de cohérence dans ses analyses. Pardonnez-moi de le dire !

Par ailleurs, vous défendez la progressivité et vous refusez de prendre en compte ses effets sociaux. Vous ne cessez de raisonner sur des médianes : ceux qui sont au-dessous de la médiane sont des pauvres, ceux qui sont au-dessus de la médiane sont des riches.

C'est ainsi que M. Hollande a défini le salaire au-delà duquel on était riche.

Vous nous dites que des livrets détenus par des personnes ayant une situation très convenable, voire prospère, et qui représentent une partie importante des encours au-delà du plafond, devraient continuer à être complètement défiscalisés.

Pardonnez-moi de vous faire remarquer que, comme le disait M. Hollande - toujours lui ! - ce week-end, vous avez un sérieux travail de réflexion à mener pour retrouver une certaine cohérence.

Je ne veux pas trop insister, ce serait abusif de ma part.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Chacun vit parfois ses propres contradictions, nous le savons bien !

L'amendement que vous avez présenté, ainsi que votre argumentation n'étant pas acceptables, la commission émet un avis franchement défavorable.

M. Christian Cambon. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Après cette démonstration très complète de M. le rapporteur général, je serai beaucoup plus bref. L'idée n'est pas de déclencher un débat sur le livret A.

Je ferai remarquer que le Gouvernement a chargé M. Michel Camdessus de réfléchir à cette question. Il doit remettre, d'ici à la fin de l'année, un rapport très documenté, à partir duquel nous pourrons débattre. La discussion portera autour des modalités de fixation des taux, du plafond, du financement du logement social ou encore du mode de distribution. Tout cela sera mis sur la place publique à l'occasion du dépôt de ce rapport.

Des pistes de réflexion sont proposées - M. le rapporteur général vient d'y faire référence - par le biais de l'important amendement déposé par la commission.

Il serait très prématuré de modifier aujourd'hui quoi que ce soit, d'autant qu'il n'y a pas de problème de ressources, à propos du logement social, notamment au travers du livret A : la masse de financement est très supérieure aux besoins, comme M. le rapporteur général l'a indiqué.

Par ailleurs, ce n'est peut-être pas une très bonne idée - ce serait même une erreur - s'agissant d'épargne longue, d'inciter à placer systématiquement sur le livret A. Il existe pour ceux qui en ont les capacités financières d'autres produits, d'autres manières d'investir qui viendront éventuellement en compétition.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je pourrais prolonger les propos de M. le rapporteur général, qui a, en quelque sorte, défendu par avance l'amendement que nous avons déposé avec MM. Gérard Longuet et Alain Lambert, et ce avec tant de conviction que certains parmi vous, mes chers collègues, sont peut-être impatients de pouvoir l'examiner, le discuter et le voter.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons prévu la fiscalisation des intérêts pour les dépôts supérieurs à 16 000 euros. Je vous rends attentifs au fait que les gestionnaires du patrimoine seront d'autant plus enclins à recommander la garniture intégrale du livret A que nous avons introduit un prélèvement libératoire de 18 % sur les dividendes et sur les plus-values sur titres : cela ne fait que renforcer l'attractivité du livret A.

Je viens d'indiquer que nous proposions la fiscalisation des intérêts au-delà d'un dépôt de 16 000 euros. À ceux qui s'étonneraient de ne pas voir cet amendement en première partie du projet de loi de finances, je répondrai que nous voulons éviter la rétroactivité : les intérêts n'entreraient donc dans le revenu imposable qu'à compter du 1er janvier 2008.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement dans les articles non rattachés de la deuxième partie. Il faudra donc attendre deux semaines pour pouvoir l'examiner et, je l'espère, l'adopter. (Mme Nicole Bricq manifeste des signes d'impatience.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle impatience !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Il s'agit là d'un débat que je trouve intéressant, fondamental, et qui doit être replacé dans un cadre beaucoup plus général.

M. le ministre et M. le rapporteur général ont parlé de la fiscalisation ; or, tel n'est pas du tout l'objet de mon amendement.

L'objet de mon amendement était exclusivement de porter le plafond de 15 300 euros à 20 000 euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela coûte cher !

M. Thierry Repentin. Par ailleurs, M. le rapporteur général a affirmé que, sur le fond, il n'était pas opposé à cet amendement, mais que c'était mon argumentation qui ne lui convenait pas. Je veux bien faire fi de cette dernière si son jugement sur l'augmentation du plafond lui agrée. Je ne vois pas pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

Enfin, M. le rapporteur général a apporté un éclairage sur le débat européen. Je peux moi aussi donner des précisions à certains de mes collègues, pour ne pas laisser à penser que tout est décidé d'avance à Bruxelles sur la banalisation de la distribution du livret A.

Le Traité de Rome, en 1957, a prévu des droits spéciaux que les États peuvent mettre en place librement sur leur territoire par rapport à un certain nombre de prestations, notamment lorsqu'il s'agit d'un service d'intérêt économique général. C'est le cas pour la construction du logement social.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela n'a rien à voir !

M. Thierry Repentin. Mon analyse doit être juste, puisque la France a déposé un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes contre la décision prise par la Commission européenne d'autoriser toutes les banques à commercialiser le livret A. Si elles avaient raisonné autrement, ni l'Union sociale pour l'habitat, voilà quelques semaines, ni La Poste, n'auraient fait de même, pas plus que ne le feront sans doute, demain, les associations d'élus qui interviendront en tant que tiers intéressés.

Monsieur le rapporteur général, d'après vos dires, plus les banques seront nombreuses, plus le « râteau » sera large et plus il sera possible de capter sur des livrets A l'épargne de nos concitoyens, que ce soit au Crédit agricole, à la BNP ou dans d'autres banques.

Soyons sérieux, le véritable intérêt des banques est de capter l'encours des livrets A les plus intéressants, ceux qui s'élèvent à 15 300 euros !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous voulez augmenter le plafond !

M. Thierry Repentin. De la sorte, la moitié des livrets A, dont l'encours moyen annuel est de 150 euros, n'intéresseront évidemment personne ! Au final, La Poste se retrouvera seule à gérer les tout petits portefeuilles, qui lui coûtent de l'argent. Elle n'aura plus le bénéfice des livrets A intéressants, lesquels auront été distraits sur des assurances vie ou des obligations placées dans d'autres banques.

Je souhaite donc que nous reprenions cette discussion la semaine prochaine, si possible plus largement encore. Je conteste l'affirmation selon laquelle le débat au niveau européen serait plié d'avance. En tout état de cause, je continuerai à défendre le livret A, système effectivement unique en Europe.

À mon sens, l'Union européenne n'a pas pour but de supprimer les dispositions mises en place dans certains États membres au seul motif qu'elles leur sont propres. Plutôt que les supprimer, voyons si l'on ne peut pas les étendre aux autres pays européens.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-139 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 7
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Articles additionnels après l'article 7

Article 7

Le V de l'article 200 quaterdecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce taux est porté à 40 % pour les intérêts payés au titre de la première annuité de remboursement. »

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° I-41 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF.

L'amendement n° I-140 est présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° I-41.

M. Denis Badré. Avec cet article 7, nous en arrivons à l'un des points les plus sensibles du projet de loi de finances pour 2008, du fait non seulement de sa portée budgétaire, mais aussi de sa valeur symbolique.

Le dispositif proposé ne représente que quelques lignes, mais son coût est élevé : plus de 200 millions d'euros en 2008 et plus de 800 millions d'euros en rythme de croisière. Or je doute qu'il rapporte gros !

En tout cas, dans le cadre du présent projet de loi de finances, il nous faut aborder ce sujet avec un vrai sens de la responsabilité, car nous sommes au coeur du débat qui s'est tenu au début de l'été dernier, lors de l'examen de la loi TEPA.

Cet amendement de suppression de l'article 7 a donné lieu à une discussion au sein de notre groupe, lequel - c'est un peu nouveau chez nous ! - cultive désormais le débat. Notre groupe a finalement été unanime pour le déposer, son premier cosignataire étant le président de l'UC-UDF lui-même. Celui-ci m'a demandé de défendre notre proposition avec toute l'énergie dont je pouvais être capable, en entraînant, si possible, la conviction du plus grand nombre d'entre vous, mes chers collègues ! J'avais d'ailleurs annoncé cet amendement lors de la discussion générale, monsieur le ministre.

À nos yeux, le coeur du débat, s'agissant de la loi TEPA, c'est l'aggravation du déficit, qui est déjà exorbitant ; cela aboutit donc à envoyer un mauvais signal non seulement à tous nos concitoyens, mais aussi, et surtout, à nos partenaires européens, et ceux-ci l'ont d'ailleurs bien perçu. En effet, la poursuite et la réussite de la construction européenne nous imposent de tenir nos engagements : rien ne sera possible si tel ou tel État membre revient sur ses engagements.

C'est particulièrement vrai sur ce sujet : nous devons être exemplaires dans la gestion de nos finances publiques si nous voulons pouvoir peser sur celles de l'Union européenne.

En ce moment, nos partenaires sont fondés à nous demander de leur confirmer que nous pilotons nos finances publiques dans un esprit de responsabilité, ce afin d'être crédibles lorsque nous leur faisons la leçon. L'image que nous donnons est désastreuse !

Monsieur le ministre, voici la réponse que vous avez vous-même donnée lors de l'examen de la loi TEPA, et que nos partenaires étrangers ont, eux aussi, entendue : la seule chose à faire pour relancer durablement l'équilibre de nos finances publiques est d'engager un programme de réformes de fond, en commençant par la mise en oeuvre des mesures votées dans ladite loi.

La question a été tranchée, nous n'y revenons pas ! Vous l'aurez noté, lorsque le projet de loi de finances pour 2008 se limite à transcrire en termes budgétaires les dispositions prévues dans la loi TEPA, nous ne rouvrons pas le débat. En l'espèce, nous ne sommes pas exactement dans ce cas de figure !

Nous l'avions dit à l'époque, la mesure votée dans la loi TEPA se situait véritablement à la limite de l'acceptable.

Il nous semble donc impératif aujourd'hui d'envoyer très vite un signal, notamment, je le répète, à nos partenaires européens. Le Gouvernement a fait le pari de réformer le pays, en annonçant que cela allait être difficile et qu'il fallait commencer par ces réformes, lesquelles, en raison de leur coût, le contraignaient à reporter le retour à l'équilibre des finances publiques non pas en 2010, mais seulement en 2012. Si nous voulons que ce discours, accepté tout de même avec beaucoup de réticences par nombre de nos partenaires, soit crédible, n'en rajoutons pas aujourd'hui !

Les autres États membres de l'Union européenne attendent de la France qu'elle leur envoie un message fort : le pari que nous avons engagé au mois de juillet dernier porte ses fruits et un certain nombre d'indices attestent de l'efficacité des mesures adoptées.

Or, avec cet article 7, c'est le message inverse qui leur est adressé : on n'a pas beaucoup de signes d'encouragement à vous présenter dès aujourd'hui, mais on espère en avoir plus demain.

Alors que nous étions déjà à la limite de l'acceptable, je crains que nous ne dépassions cette limite en chargeant la barque.

Au mois de juillet dernier, la prise en charge, sous forme de crédit d'impôt, des intérêts des emprunts contractés pour des acquisitions immobilières déjà réalisées était précisément l'une des mesures que nous avions combattues. Nous estimions que cette mesure était inutile, car elle n'était pas de nature à relancer la consommation dans ce domaine ; les moyens disponibles pour soutenir les acquisitions futures étant d'ores et déjà très limités, il était inconcevable de prévoir une prise en charge des intérêts d'emprunt pour les acquisitions réalisées, d'autant que cela n'encouragerait en aucune façon les nouveaux acquéreurs.

Déjà, à l'époque, vous affaiblissiez votre démonstration en mettant en avant le soutien à l'investissement. En effet, on n'investit pas et on ne relance pas la croissance de cette manière. Le Conseil constitutionnel nous a d'ailleurs donné raison en censurant la mesure.

Par conséquent, le coût de la loi TEPA s'est trouvé allégé. Vous aviez là l'occasion d'annoncer une réduction de la facture, car la disposition censurée ne garantissait aucunement une meilleure efficacité en la matière. Vous ne disposiez pas d'une cagnotte ! Je le rappelle, le déficit s'élève à environ 40 milliards d'euros et il sera encore aggravé avec cette loi de finances. Néanmoins, en l'absence de cagnotte, vous décidez tout de même de doubler la prise en charge des intérêts payés au titre de la première annuité de remboursement des futurs emprunts.

Ce faisant, vous sortez du cadre de la loi TEPA, de ce qui constituait le corps des mesures annoncées. Vous en rajoutez, alors que rien ne vous y obligeait.

Monsieur le ministre, vous seriez fondé à agir ainsi si vous étiez en mesure de nous faire la démonstration immédiate qu'un tel rajout aura une efficacité telle qu'il augmentera notre crédibilité et que la confiance reviendra beaucoup plus vite. Pouvez-vous donc nous garantir que cette mesure, dont le coût est estimé à plus de 200 millions d'euros en 2008 et plus de 800 millions d'euros à partir des années suivantes, permettra de soutenir la croissance et de relancer la consommation ?

Mme Nicole Bricq. Bien sûr que non ! C'est de l'argent fichu en l'air !

M. Denis Badré. Personnellement, j'en doute fort ! Quant à nos partenaires européens, ils ne croient plus en nous.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ne votons pas cet article, car nous enverrions alors assurément un très mauvais signal, en dénaturant de surcroît l'ensemble du dispositif. Ce serait tout le contraire de ce qu'il faut faire. J'insiste lourdement, en y mettant toute ma force de conviction, car j'exprime le point de vue de l'Europe.

Monsieur le ministre, dans votre réponse à mon intervention dans la discussion générale, vous m'avez jugé bien pessimiste. Je suis au contraire fondamentalement optimiste. En développant cet argumentaire, je souhaitais seulement vous rappeler que nous devions tout faire pour réduire le déficit de notre pays et qu'il nous fallait envoyer des messages très forts à nos partenaires pour leur montrer notre volonté d'y parvenir au plus tard en 2012.

Vous avez choisi d'emprunter la voie inverse. Je reste néanmoins optimiste, en espérant que vous tiendrez compte de mes remarques.

Mes chers collègues, je vous invite à nous rejoindre dans cette réflexion, car nous avons tout à gagner en supprimant cet article. Encore une fois, il s'agit véritablement d'un très mauvais signal envoyé tant en France qu'à nos partenaires de l'Union européenne eu égard à notre volonté d'assainir durablement nos finances publiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l'amendement n° I-140.

M. Thierry Repentin. M. Badré vient de dire avec courage et lucidité ce que beaucoup pensent mais n'osent pas forcément exprimer face aux mesures décidées par la majorité.

S'agissant de la déductibilité des intérêts d'emprunt, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, en toute logique, vous devriez me faire une réponse analogue à celle que vous m'avez constamment apportée sur les amendements précédents : étudions les conditions dans lesquelles se met en place la disposition adoptée et faisons un bilan ; si, d'aventure, le résultat n'est pas au rendez-vous, il sera toujours temps d'envisager une amélioration du dispositif et de faire passer le taux de déduction de 20 % à 40 %.

En conséquence, mes chers collègues, comme M. Badré, je vous propose de conserver le taux de 20 % pour la déductibilité des intérêts d'emprunt. En effet, il faut le souligner, le passage à 40 % sur l'année en cours n'aura aucun effet positif sur la relance de l'économie. C'est de l'argent donné, sans contrepartie susceptible d'alimenter effectivement la machine économique française. Sur la seule année 2008, cette disposition coûterait 220 millions d'euros supplémentaires.

Monsieur le ministre, vous aviez pourtant toute latitude pour affecter cette somme à un autre emploi, par exemple à l'accession sociale à la propriété ou à la diminution du déficit budgétaire de la France. Vous aviez le choix !

De grâce ! évitez de donner un mauvais signal, y compris aux professionnels de l'immobilier, car, avec cet article, vous laissez entendre que les prix de vente peuvent encore augmenter dans notre pays. Nous vous proposons donc de nous en tenir aux seules dispositions adoptées dans la loi TEPA et de conserver le taux de 20 % fixé pour la déductibilité des intérêts d'emprunt.

Mme la présidente. L'amendement n° I-193, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. - Dans le quatorzième alinéa du I de l'article 244 quater J du code général des impôts, le montant : « 32 500 euros » est remplacé par le montant : « 65 000 euros ».

II. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Nous l'avons déjà rappelé, le crédit d'impôt relatif aux emprunts immobiliers ne fait pas vraiment recette puisque plusieurs groupes de la Haute Assemblée proposent la suppression pure et simple des dispositions de l'article 7.

Nous avions déjà marqué, lors du débat sur la loi TEPA, notre préférence pour d'autres modalités d'aide à l'accession à la propriété des particuliers.

Nous le confirmons d'ailleurs avec cet amendement de réécriture de l'article 7, visant à relever le niveau du plafond de l'avance sans intérêt que les établissements de crédit sont autorisés à accorder aux accédants à la propriété.

Le prêt à taux zéro a été transformé, lors de la législature précédente, en crédit d'impôt destiné non pas aux accédants à la propriété, mais aux établissements financiers faisant à ces derniers l'avance d'un prêt, qui, le plus souvent, est un prêt complémentaire, compte tenu du niveau des prix.

Avec le présent amendement, nous proposons de relever le seuil de la quotité de l'avance sans intérêt pour les candidats à l'accession. En effet, plus cette quotité sera importante, plus la possibilité de rendre solvables les accédants sera élevée.

Comment ne pas pointer que, dans l'actualité récente, nous avons pu constater qu'un nombre croissant de ménages étaient aujourd'hui soumis à des contraintes de remboursement particulièrement élevées, du fait notamment des prêts à taux variable, dispositif qui affecte nombre de prêts immobiliers ?

Cette situation - dans laquelle certains prêts, suivant la hausse des taux d'intérêt, gagnent ces derniers temps deux cents ou trois cents points de base, ce qui se traduit par des mensualités accrues de plusieurs dizaines ou centaines d'euros - participe d'ailleurs du développement d'un surendettement des ménages, qui constitue, à notre avis, l'une des plus sûres atteintes au pouvoir d'achat que l'on puisse trouver.

La mesure que nous préconisons n'a pas un coût considérable : elle représente environ 300 millions d'euros de dépenses fiscales, loin des sommes que l'on s'apprête à gaspiller avec le dispositif complétant l'article 200 quaterdecies du code général des impôts.

De notre point de vue, ces sommes participeront, pour l'essentiel, à soutenir le marché immobilier et la spéculation, puisque rien, dans cet article 200 quaterdecies, ne permet de mettre en question le niveau des prix encore aujourd'hui pratiqués sur le marché de l'immobilier.

Notre amendement vise donc à recentrer l'intervention publique sur la priorité à l'accession sociale à la propriété, pour répondre bien sûr aux besoins de la population.

On notera d'ailleurs, eu égard aux moyennes de prix observées, que le niveau de 65 000 euros d'avance sans intérêt constitue pratiquement la moitié du prix moyen des logements aujourd'hui mis en vente.

C'est donc sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, que nous vous invitons à adopter cet amendement.