M. le président. Je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia, pour un rappel au règlement.

M. Louis de Broissia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai été ému, comme plusieurs de mes collègues, par les récentes déclarations d'un leader sympathique d'un syndicat de salariés sympathique, qui a mis en cause, de façon très peu sympathique, le Parlement.

Je vous lis ses propos, qui concernent une organisation syndicale patronale : « Personne n'a de preuve que les organisations syndicales sont corruptibles et achetables ! Ce qui me révolte, c'est la ligne de défense du président de [cette organisation patronale]. [...] Tout le monde se précipite sur cette piste et personne ne va en chercher d'autres. »

À la question : « Quelles sont, selon vous, les autres pistes inexplorées ? », ce syndicaliste répond : « Depuis des années - c'est ce point qui me choque, monsieur le président -, [cette organisation patronale] a réussi à faire passer des amendements à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Comment font-ils pour trouver des députés - il ne parle pas des sénateurs - qui les soutiennent, et des majorités parlementaires, y compris contre l'avis du Gouvernement ? »

Monsieur le président, il s'agit d'une mise en cause du Parlement, toutes tendances politiques confondues, qui m'apparaît non seulement regrettable, mais également condamnable.

J'ai donc écrit au leader sympathique de cette organisation syndicale sympathique, dont je ne citerai pas le nom, n'étant pas ici pour faire de la publicité, en lui rappelant deux textes en vigueur. En vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, la personne qui connaît des faits confirmant ses allégations est tenue de les dévoiler et de saisir la justice. Sinon, l'article 29 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, lequel définit la diffamation, pourrait lui être appliqué. Il s'agirait également, selon certains, de dénonciations calomnieuses.

Je souhaite, monsieur le président, que le Sénat, comme l'Assemblée nationale, prenne vigoureusement position sur ces allégations qui mettent en cause le travail du Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur des travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. Les applaudissements de nos collègues valent réponse !

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souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire d'azerbaïdjan

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation du Parlement de la République d'Azerbaïdjan, conduite par son président, M. Oktay Assadov.

Le Sénat se réjouit d'accueillir à nouveau un haut responsable azerbaïdjanais quelques mois après avoir reçu le Président de la République d'Azerbaïdjan, Son Excellence M. Aliyev, pendant sa visite d'État en France.

Je forme des voeux pour que cette visite contribue au renforcement des liens qui unissent notre pays à la République d'Azerbaïdjan, pays qui a un rôle important à jouer dans la stabilité régionale, notamment au Caucase méridional. (M. le secrétaire d'État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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Dépôt d'un rapport du gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires culturelles, à la commission des affaires économiques et à la commission des finances, et sera disponible au bureau de la distribution.

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Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
Discussion générale (suite)

Sécurité des manèges

Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction, présentée par M. Pierre Hérisson et plusieurs de ses collègues (n° 463, 2006-2007 ; n° 48).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
Article 1er

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est un texte attendu depuis longtemps. Je remercie les nombreux sénateurs et sénatrices qui se sont associés à sa rédaction.

Nous allons - enfin, serais-je tenté de dire - nous intéresser à un domaine qui, une fois n'est pas coutume, a longtemps été ignoré par le législateur : les manèges des fêtes foraines et des parcs de loisirs.

Pourtant, ces activités ont pris une place grandissante dans notre société, jusqu'à devenir une « industrie ». En témoigne le succès des parcs thématiques comme Disneyland Paris ou des fêtes foraines traditionnelles organisées dans nos communes. Chaque année, près de cent millions de personnes montent dans un manège en France. Ces manèges ont considérablement changé ces dernières années : plus sophistiqués, ils vont toujours plus vite, toujours plus haut, répondant ainsi aux demandes de clients amateurs de sensations toujours plus fortes.

Malheureusement, les accidents, dont le dernier en date, dans lequel un père et son fils ont trouvé la mort, s'est produit à la Fête des Loges, dans un booster, deviennent de plus en plus graves à mesure que la vitesse des manèges augmente. Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune réglementation spécifique n'encadre aujourd'hui la fabrication et l'exploitation des attractions foraines, notamment parce que, historiquement, la fête foraine a été un espace de liberté. Ainsi, les forains ont développé une grande autonomie dans l'organisation de leurs activités.

Certes, les pouvoirs publics ont progressivement réinvesti cet espace, que ce soit en matière d'ordre public ou de contrôle sanitaire, mais la sécurité des machines elles-mêmes a été négligée.

Ainsi, force est de constater aujourd'hui que la réglementation française est minimale. Un protocole a bien été signé en 1983 par les syndicats de forains et certains bureaux de contrôle technique, sur l'initiative du ministre de l'intérieur, mais il est aujourd'hui totalement obsolète.

L'article L. 221-1 du code de la consommation pose une obligation générale de sécurité des produits, mais la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, n'a pas toujours les moyens nécessaires ou les compétences techniques requises en matière de contrôle des manèges.

Le code général des collectivités territoriales donne au maire des pouvoirs de police s'agissant des grands rassemblements, des foires ou des jeux, mais les élus, surtout ceux des petites communes, n'ont pas les moyens de contrôler la sécurité des attractions et se limitent, le plus souvent, à un simple contrôle documentaire.

Une réglementation européenne existe, mais elle est encore embryonnaire et repose surtout sur une norme de 2004 que la France a mis trois ans à intégrer.

Donc, au final, mes chers collègues, le système actuel de contrôle de la sécurité des attractions repose, pour l'essentiel, sur les forains eux-mêmes.

Bien avant le drame de la Fête des Loges, l'Association des maires de France, l'AMF, que je tiens ici à saluer, travaillait à l'élaboration de dispositions législatives et réglementaires visant à renforcer la sécurité des manèges. Son groupe de travail « Fêtes foraines », que j'ai l'honneur de présider, a conduit une concertation avec les forains. Au terme de celle-ci, les professionnels, les organismes de contrôle, les maires et les ministres concernés, à savoir Mme le ministre de l'intérieur et M. le secrétaire d'État à la consommation et au tourisme, ont signé, le 17 août dernier, une convention sur la sécurité des manèges.

Il s'agissait d'une avancée considérable, puisque les exploitants ont accepté le principe d'un contrôle technique périodique selon le type d'attraction et son niveau de sensation. Toutefois, au-delà de ces engagements, qui ne lient que ceux qui y consentent, une loi était nécessaire afin de définir les obligations pour l'ensemble de la profession. C'est l'objet de cette proposition de loi, qui donnera une assise législative à la convention du 17 août 2007.

Ce texte novateur crée pour les professionnels concernés de nouvelles obligations, à mes yeux d'égale importance.

En premier lieu, il vise à imposer une obligation générale de sécurité pour l'ensemble des attractions en France. Qu'il s'agisse de manèges, de machines ou d'installations pour fêtes foraines ou pour parcs d'attractions, ils devront être conçus, construits, installés et exploités sans qu'il soit porté atteinte à la santé des personnes.

Dans la mesure où certains manèges sont exploités hors des fêtes foraines et des parcs de loisirs, j'ai proposé à la commission des affaires économiques d'élargir le champ d'application de ma proposition initiale, afin que celle-ci englobe ces machines, installées le plus souvent sur les parkings des centres commerciaux ou sur les places de village.

En second lieu, ce texte vise à créer une obligation de contrôle technique des manèges. Demain, tous les manèges de France subiront un contrôle technique initial et des contrôles périodiques. Il s'agit là d'un progrès considérable. Et ce n'est pas le seul, puisque ces contrôles, à la charge des exploitants, devront être effectués par des organismes agréés par l'État, indépendants économiquement et juridiquement des exploitants, ce qui empêchera tout risque de collusions d'intérêts dans la profession.

Tel est le cadre général fixé par la proposition de loi que vous soumet la commission des affaires économiques ; ces mesures seront complétées par un décret en Conseil d'État et deux arrêtés : ces textes fixeront les exigences de sécurité auxquelles devront satisfaire les manèges, définiront le contenu et les modalités des contrôles techniques et détermineront les modalités d'agrément des organismes de contrôle technique.

À cet égard, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande, au nom de la commission des affaires économiques, que ces dispositions réglementaires soient prises le plus rapidement possible, afin que ce nouveau dispositif entre en vigueur dès janvier 2008.

Pour conclure, j'indiquerai que la commission des affaires économiques, dont je salue le président, s'est prononcée à l'unanimité en faveur de cette proposition de loi.

J'espère vous avoir convaincus, mes chers collègues,...

M. Jean-Claude Carle. Tout à fait !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. ...de l'importance de ce texte. Je crois que nous faisons là un grand pas dans l'organisation de l'espace des fêtes foraines et des parcs d'attractions dans l'intérêt de tous, des utilisateurs avant tout, mais aussi des exploitants eux-mêmes et, bien sûr, des élus locaux, dont nous devons prendre grand soin dans cette maison.

Enfin, je tiens à la disposition de ceux qui le souhaitent le texte de la norme NF EN 13814 « Machines et structures pour fêtes foraines et parcs d'attraction - Sécurité », que l'éditeur m'a autorisé à vous communiquer ; son coût est normalement de 148 euros. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur de l'intérêt et de la pertinence de sa proposition de loi ainsi que de son engagement sur un sujet aussi important que celui de la sécurité des manèges et des attractions. Ce travail concrétise une réflexion collective qui est menée depuis longtemps non seulement par les professionnels, mais aussi par l'AMF.

À titre liminaire, je voudrais saluer la mémoire de Claudine Ségelle, fonctionnaire de grand talent, disparue dans un tragique accident le 31 août dernier. Sous-directrice à la DGCCRF, Claudine Ségelle était la spécialiste des questions concernant les manèges forains. Sans compter son temps, apportant son dynamisme, sa clarté de vue et son efficacité, elle avait pris en main le dossier de la sécurité. Elle était présente à nos côtés, monsieur le rapporteur, le 17 août dernier, lors de la signature de la convention. C'est une fonctionnaire de très grande qualité que nous avons perdue et je souhaitais honorer aujourd'hui sa mémoire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la sécurité des personnes est une préoccupation majeure du Gouvernement. Mme Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, et moi-même nous travaillons en étroite concertation sur ce sujet.

Le dramatique accident survenu le 4 août 2007 à la Fête des Loges, qui s'est ajouté à divers accidents de manège ayant entraîné des blessures ces dernières années, a mis au jour un vide juridique qu'il est nécessaire de combler : actuellement, aucune loi ou réglementation spécifique n'encadre la fabrication et l'exploitation des attractions foraines.

La survenance régulière d'accidents de personnes sur des matériels d'attraction foraine et la sophistication technique croissante de ceux-ci, dans le but de répondre à une demande de sensations toujours plus fortes de la part des utilisateurs, ont montré les limites de ce dispositif.

Il est ressorti des débats qui ont fait suite à l'accident de la Fête des Loges, lequel a coûté la vie à un père et à son fils, que la grande majorité des parties concernées reconnaissait aujourd'hui le caractère inadapté, incomplet et inefficace des dispositions existantes.

Par ailleurs, depuis plusieurs mois, la profession des forains, les maires, représentés par l'AMF, et l'administration travaillaient de concert à l'élaboration de textes plus opérationnels visant à préciser les modalités et la périodicité du contrôle technique des manèges forains, et ce en tenant compte de l'évolution des matériels et de la nécessaire indépendance des organismes chargés du contrôle technique.

Alors même que les réflexions étaient déjà engagées, l'accident du 4 août dernier a amené l'ensemble des acteurs à marquer rapidement une évolution pour améliorer la sécurité des manèges, et ce sous la forme d'une convention.

Cette convention a été signée le 17 août 2007 par les représentants des forains, des organismes de contrôle, l'Association des maires de France - représentée par Pierre Hérisson -, les ministres concernés - Michèle Alliot-Marie, Hervé Novelli et moi-même -, préfigurant ainsi l'architecture de l'encadrement législatif et réglementaire que nous souhaitons collectivement mettre en place aujourd'hui.

En effet, au-delà des engagements des uns et des autres, l'objectif d'une plus grande sécurité des attractions foraines exige que le dispositif ait une assise juridique solide et pérenne et force contraignante pour définir les responsabilités et les obligations de chacun.

Un texte législatif s'impose puisqu'il s'agit de créer une obligation de contrôle technique, dont le non-respect est sanctionné par l'interdiction, par les maires, de l'installation ou de l'exploitation de l'attraction foraine en question, ce qui constitue une restriction à la liberté du commerce et de l'industrie.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi, élaborée dans la meilleure concertation avec la profession, les maires, l'administration et le Gouvernement. Je voulais vous en remercier et vous en féliciter, monsieur le rapporteur.

L'article 1er de cette proposition de loi pose le principe que la conception, la construction, l'installation, l'exploitation et l'entretien des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction doivent assurer la sécurité des personnes. Cet article assure, en quelque sorte, la transposition aux manèges et attractions - ce sont par définition des biens itinérants - des dispositions de l'article L.221-1 du code de la consommation définissant l'obligation générale de sécurité des produits et services.

L'article 2 s'attache à encadrer le niveau d'exigence requis pour assurer la sécurité des manèges et attractions. Il introduit ainsi l'obligation de faire procéder sur chaque matériel à un contrôle technique initial puis à des contrôles techniques périodiques par des organismes qui seront agréés par l'État.

Enfin, l'article 3 renvoie à un décret en Conseil d'État la définition des conditions d'application de la loi, notamment en ce qui concerne les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction, le contenu et les modalités du contrôle technique et les conditions d'agrément des organismes de contrôle technique.

Ce dispositif, qui s'inspire, vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, du système déjà bien rôdé du contrôle technique des véhicules automobiles - véhicules légers comme poids lourds - me semble répondre parfaitement aux besoins de sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines et parcs d'attraction.

Les mesures législatives seront complétées dans les plus brefs délais - je tiens à engager le Gouvernement dans ce sens - par un décret et des arrêtés d'application sur lesquels travaillent déjà les services de l'État. Ces textes préciseront le contenu et les modalités du contrôle technique, ainsi que les conditions d'agrément des organismes de contrôle technique.

J'attire de nouveau votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l'importance de ce texte, qui participe à l'action du Gouvernement sur l'amélioration du dispositif de protection des consommateurs dans le domaine de la sécurité et qui permettra aux différents acteurs de la fête foraine et des parcs d'attraction d'exercer leur activité dans de meilleures conditions. Il s'agit d'une avancée importante, dont je tiens à vous remercier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, fête foraine de Lille, parc de loisirs Nigloland dans l'Aube, fête foraine de Creil, fête du parc Saint-Paul, parc Astérix, Fête des Loges, etc. nombreux sont les lieux de fête et de loisir qui connaissent des accidents parfois dramatiques comme celui qui a coûté la vie à un père et son fils le 4 août dernier, à Saint-Germain-en-Laye.

Cette actualité motive la présente proposition de loi déposée par notre collègue Pierre Hérisson. Je tiens à saluer le travail qu'il a effectué pour « border » l'ensemble de ce dispositif, qui a pour objet d'introduire une base légale à la réglementation régissant l'activité des parcs d'attraction et des fêtes foraines.

En effet, il n'existe pas dans notre législation de texte sur la sécurité des manèges en dehors d'un protocole d'accord datant de 1984. Dès lors, la France était, jusqu'à il y a deux mois et demi, l'un des pays où le dispositif encadrant l'exercice de l'activité d'exploitant de manège ne reposait ni sur une réglementation ni sur une norme ; j'y reviendrai.

La Commission de sécurité des consommateurs, dans l'avis qu'elle avait émis à la fin de l'année 2006, indiquait qu'il n'existait pas d'information exhaustive des accidents survenus dans des fêtes foraines ou des parcs de loisirs. Seules des données ponctuelles sont disponibles en provenance de gérants de parcs de loisirs, des services d'urgence des hôpitaux, de l'Institut national de veille sanitaire.

En France, plus d'une centaine d'accidents par an ont été recensés depuis 1992, chiffre qui serait en hausse en valeur absolue, mais en diminution en valeur relative compte tenu du nombre croissant de visiteurs. Pour autant, cela me semble justifier une surveillance statistique spécifique de la part des pouvoirs publics. Qu'en pensez-vous, monsieur le secrétaire d'État ?

Au lieu d'une information fragmentée, ne serait-il pas préférable de disposer de sources d'informations à partir de la prescription de déclarations ? Je conçois bien la difficulté méthodologique, mais une telle collecte me paraît nécessaire pour conduire une politique en matière de consommation. Cela permettrait de procéder à une accidentologie plus précise : les accidents ont-ils tendance à être plus graves aujourd'hui ? Sont-ils liés à des défaillances techniques qui s'avéreraient dramatiques en raison de la vitesse ou de la hauteur accrues des structures, ou bien sont-ils dus à des problèmes de comportement des clients ? Ces accidents affectent-ils davantage les enfants ?

En l'état des données, on recense à la fois l'erreur humaine et des défaillances matérielles dans les facteurs de causalité des accidents.

Pour ce qui est de l'erreur humaine, il semble s'agir le plus souvent d'un défaut de prudence des passagers d'une attraction et plus rarement d'une faute de l'opérateur.

En ce qui concerne la défaillance technique, le mode d'exploitation d'un manège n'est pas neutre. Les matériels itinérants sont fortement sollicités, mais entretenus. Ceux des parcs seraient moins sollicités en raison d'une fréquentation des parcs éloignée de leur potentiel initial, mais ils auraient tendance à évoluer vers la production de sensations fortes dont les jeunes gens sont aujourd'hui particulièrement friands.

Pour revenir à l'aspect proprement réglementaire du dossier, il n'existe pas de réglementation européenne relative à la sécurité des manèges. Le principe de subsidiarité s'applique à plein.

Les tentatives de directives et les propositions de la Commission européenne depuis quinze ans n'ont pas même permis que la conception et la sécurité des matériels d'attraction sur les fêtes foraines et dans les parcs de loisirs soient intégrées à la directive 2006/42/CE du 17 mai 2006 sur les machines. Des particularismes nationaux de la profession, qui demeureraient pour l'instant infranchissables, paraissent empêcher toute harmonisation européenne, ce qui est dommageable.

Pour ce qui concerne notre pays, la priorité est en règle générale donnée aux mesures volontaires initiées par les entreprises, en coordination dans de nombreux cas avec les pouvoirs publics, dès lors qu'elles permettent d'éliminer efficacement le risque. Pour cette raison, les mesures réglementaires, qui n'interviennent qu'en cas d'insuffisance des mesures volontaires, sont très rares.

Mais, en l'occurrence, à la suite de la lettre que M. le Président de la République a adressée le 6 juin à Mme la ministre, on nous propose d'instaurer un dispositif législatif. En France, on le sait, la loi « parle » au peuple. Sans loi, point de crédibilité ! Elle a d'ailleurs tendance à devenir un instrument au service de la communication plutôt qu'au service du droit. Je me permets de vous renvoyer aux observations de l'ex-président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, alors en fonction, et à celles de la section du rapport et des études du Conseil d'État sur la qualité des lois.

Les pouvoirs publics disposent de plusieurs outils pour que les produits présents sur le marché offrent toutes les garanties de sécurité pour les consommateurs. Outre leur association aux travaux de normalisation, ils effectuent des contrôles des produits et des services offerts aux consommateurs, ils élaborent des textes réglementaires et veillent à la qualité de l'information fournie au consommateur, en particulier celle qui est relative aux risques liés à l'utilisation d'un service ou d'un produit.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraudes a pour mission, elle aussi, de veiller au respect de l'obligation générale de sécurité définie par les différents articles du code de la consommation.

La normalisation constitue l'une des voies fréquemment préconisées par la Commission de sécurité des consommateurs au travers de ses avis. Les recommandations de cette commission peuvent viser la mise au point de normes nouvelles pour les produits qui en sont dépourvus ou bien la modification de normes existantes pour qu'elles prennent en compte des risques nouvellement identifiés. Cette commission sollicite souvent les pouvoirs publics afin qu'ils interviennent auprès des autorités de normalisation en vue du lancement de ces fameux travaux de normalisation ; j'y reviendrai lors de l'examen des amendements.

C'est bien le cas au sujet des manèges. La recommandation de la commission était d'homologuer la norme européenne NF EN 13814 « Machines et structures pour fêtes foraines et parcs d'attraction - Sécurité ». C'est fait depuis le 17 septembre ! Je ne vois d'ailleurs pas comme une coïncidence cette décision d'homologation prise par le conseil d'administration de l'AFNOR le 17 août 2007, soit le même jour que celui de la signature de la convention liant le Gouvernement, l'Association des maires de France, les organismes représentatifs des forains et les bureaux de contrôle, et quelques jours après l'accident de la Fête des Loges à Saint-Germain-en-Laye le 4 août.

Le Gouvernement a donc réagi très vite - on peut y voir la traduction d'une volonté élyséenne -, et le dernier étage de l'édifice est donc le texte que nous examinons, porté par notre collègue Pierre Hérisson.

Je me souviens d'une proposition de loi de M. Raffarin - c'était même le premier texte que nous avions eu à examiner après sa nomination comme Premier ministre - qui traitait de la sécurité des piscines privées. À l'époque, en 2002, nous avions adopté une loi dont l'article 1er rendait obligatoire, à compter du 1er janvier 2004, l'installation de matériels de sécurité normalisé visant à prévenir le risque de noyade.

La Commission de sécurité des consommateurs avait, comme pour les manèges, préconisé la mise en place d'un système contraignant par voie législative ou réglementaire. L'ennui, c'est que l'application de la loi ne fut pas à la hauteur en raison de l'impossibilité pratique pour les propriétaires d'hébergements de se procurer sur le marché un matériel conforme à des normes AFNOR, qui n'étaient pas encore homologuées au moment de la promulgation de la loi. Le respect de la loi s'est dès lors avéré très problématique et le Gouvernement a dû autoriser des systèmes de sécurité qui n'étaient pas normalisés - cela entrait en contradiction avec la loi - avant d'actualiser les normes en vigueur, c'est-à-dire deux ans après.

Le paradoxe, avec le présent texte, c'est que la situation est inverse : au lieu d'un article 1er prévoyant l'application de normes qui n'existent pas, comme dans le cas des piscines, on est en présence d'un article 1er qui ne prévoit pas très clairement la mise en oeuvre d'une norme, qui existe pourtant dans le cas des manèges.

M. Daniel Raoul. C'est vrai !

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, nous disposons d'une norme, homologuée certes très récemment en France bien qu'elle existe depuis plusieurs années dans l'Union européenne, mais homologuée tout de même. Or la proposition de loi de notre collègue n'y fait aucunement référence. C'est pourtant bien là l'avancée majeure pour la sécurité : la norme !

On a l'impression que votre initiative s'est arrêtée en chemin. Vous avez souhaité réglementer par voie législative, mais sans aller au bout de la logique. La logique, monsieur le secrétaire d'État, pour assurer vraiment la sécurité des manèges, ce serait que la loi rende obligatoire la norme NF EN 13814, dont vous avez demandé l'homologation il y a deux mois et demi. Autrement, la proposition de loi que nous examinons - je ne doute pas qu'elle ira au terme du processus législatif - serait privée de l'efficacité que nos concitoyens sont en droit d'attendre d'un tel texte.

Pourquoi mobiliser le Parlement si nous ne parvenons pas à prendre une telle décision ? Nous vous proposerons un amendement en ce sens. En tout cas, je serai attentif à votre réponse.

Pour l'heure, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, faute de compétence technique, n'exerce aucune action de surveillance préventive des matériels d'attraction. Et les interventions après accidents ne sont pas systématiques. Quant aux bureaux de contrôle, ils considèrent obsolète - et cela se comprend - le protocole d'accord de 1984, unique texte spécifique de notre droit français, et refusent de l'appliquer pour les plus grands d'entre eux, considérant qu'il ne permet plus de mesurer efficacement la sécurité des matériels.

Ce protocole prévoit que les bureaux de contrôle n'interviennent qu'à la demande de l'exploitant. Pourtant, il sert toujours de base à la délivrance des certificats de conformité sur lesquels s'appuient les maires pour autoriser l'exploitation des manèges sur le territoire de leur commune. Vous pouvez concevoir la gêne qu'éprouvent certains élus en accordant ces autorisations.

Comme le souligne Pierre Hérisson, les maires n'ont pas les moyens de s'assurer que les manèges sont en état. Il n'est pas aisé pour eux de vérifier que les réserves émises par les bureaux de contrôles sont devenues sans objet. Il faut donc procéder à une uniformisation et le meilleur vecteur pour y parvenir reste la norme NF.

Par ailleurs, le contrôle du respect des règles du code du travail en matière de santé et de sécurité des salariés ne doit pas être négligé. Comment s'effectue-t-il chez les forains ? Depuis quelques années, les inspecteurs du travail semblent ne plus être associés aux commissions de sécurité. Nous confirmez-vous cette évolution néfaste, monsieur le secrétaire d'État ?

Parallèlement, il nous paraît très important de mettre l'accent sur la formation des opérateurs permanents ou saisonniers appelés à intervenir sur les manèges forains. Souvent, ce sont eux qui s'occupent de l'entretien, assurent les contrôles préventifs quotidiens et les opérations de manutention des manèges ainsi que la maintenance courante. Ils doivent pouvoir avoir accès à des modules de formation débouchant sur une qualification. Envisagez-vous de prendre des dispositions allant dans ce sens, monsieur le secrétaire d'État ?

Toute velléité de sécurisation implique de réfléchir à la prévention, donc à l'information du public. Les prestataires doivent être tenus d'informer automatiquement les consommateurs des risques liés à l'utilisation du manège.

Monsieur le secrétaire d'État, prévoyez-vous une disposition réglementaire qui instituerait l'obligation, pour le prestataire, de fournir aux consommateurs des informations adéquates et suffisantes sur les risques ou les contre-indications liés à l'utilisation de ces équipements ?

J'emprunterai ma conclusion à la Commission de la sécurité des consommateurs, qui considère que « l'activité des exploitants forains est indispensable à l'animation économique et culturelle locale - nous en sommes tous convaincus - et celle des parcs de loisirs [...] à la création d'un certain nombre d'emplois fixes ou saisonniers ».

Elle estime que la concertation entre « acteurs d'horizons différents doit aboutir maintenant rapidement à un dispositif actualisé, cohérent et acceptable par tous ». L'objectif final doit être de « garder aux manèges leur vocation de divertissement du public, et ce dans les meilleures conditions possibles de confort et de sécurité, ce qui pourrait faciliter la reconnaissance officielle d'un art forain - c'est peut-être aussi de cela qu'il s'agit - comme partie intégrante du patrimoine historique et culturel de la France, comme cela a été le cas pour l'art du cirque. »

J'espère que les améliorations que nous présenterons seront acceptées par le Gouvernement et par le Sénat, car nous sommes convaincus qu'il est urgent d'avoir un texte réglementant ces activités. Je remercie d'ailleurs tous les acteurs qui ont contribué à son élaboration. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron.

Mme Françoise Henneron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à la suite à l'accident survenu le 4 août dernier à la Fête des Loges de Saint-Germain-en-Laye, dans lequel un homme et son fils ont trouvé la mort, Mme Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, a réagi très rapidement en signant, dès le 17 août, une convention sur la sécurité des manèges, avec les représentants des forains, les organismes de contrôle, l'Association des maires de France et les ministres en charge de la consommation et des entreprises.

Ce texte dresse la liste des différents matériels présents dans les parcs d'attraction et prévoit des exigences de contrôle selon leur dangerosité : un manège pour enfants devra être contrôlé tous les trois ans, tandis que les manèges à sensations fortes, qui soumettent le matériel à de plus importantes tensions, devront être contrôlés au moins chaque année.

Comme l'a fort justement rappelé le rapporteur du texte, M. Pierre Hérisson, alors que la tendance est au développement d'une protection très avancée dans tous les domaines de la vie sociale, afin de relayer la demande de nos concitoyens d'une sécurité accrue, voire du risque zéro, aussi surprenant que cela puisse paraître, les manèges et attractions ne sont soumis, en France, à aucun texte spécifique.

Cela tient, pour partie, à des raisons historiques qui ont fait de la fête foraine un espace de liberté. La réglementation en vigueur remonte à 1983 et il est bien évident que, près de vingt-cinq ans plus tard, il fallait prendre des dispositions strictes de sécurité et de contrôle, car les nouveaux manèges n'ont plus rien à voir avec ceux de 1983.

La sécurité des manèges et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction relève simplement de l'obligation générale de sécurité inscrite dans le code de la consommation. Une réglementation propre aux fêtes foraines en matière de sécurité est donc la bienvenue.

Aujourd'hui, on peut s'interroger sur le développement de la sophistication technique de ces attractions, dont le seul but est de répondre à la demande croissante de sensations fortes des personnes qui fréquentent les fêtes foraines et les parcs d'attraction. Il ne faut peut-être pas aller trop loin.

La place de l'industrie du loisir dans notre société ne cesse de s'accroître. Les manèges des fêtes foraines et des parcs d'attraction attirent en effet entre quatre-vingt-dix millions et cent millions de personnes par an. Du fait des évolutions technologiques, les manèges vont de plus en plus haut, de plus en plus vite, avec des accélérations parfois considérables.

À l'heure actuelle, nous nous intéressons à la fabrication, à la maintenance et au contrôle des structures de ces manèges. Mais sans doute faudrait-il examiner de plus près les conséquences de l'emploi de ces matériels sur la santé des utilisateurs. Certains nouveaux manèges sont beaucoup trop violents pour un grand nombre de personnes, qui l'ignorent sans doute avant d'y monter.

Selon un avis du 9 novembre 2006 de la Commission de la sécurité des consommateurs relatif à la sécurité des matériels d'attraction, les usagers des manèges consultent fréquemment pour des troubles survenus ultérieurement à l'exposition au risque, sans qu'il y ait eu nécessairement accident. Ils se plaignent de maux de tête, de bourdonnements d'oreilles, de douleurs aux cervicales, au dos, de vertiges ou de nausées. Ces troubles pourraient être les conséquences de leur exposition, sur les manèges, à des vitesses importantes, à de brusques changements de trajectoires, voire à des chocs mineurs sources de microtraumatismes.

Les manèges multidirectionnels, qui soumettent l'usager à de brusques alternances d'accélérations positives et négatives, seraient les plus néfastes, entraînant un phénomène de désorientation spatiale.

Il ne faut pas non plus négliger les accidents cardiovasculaires, moins fréquents et moins apparents dans les statistiques, mais sur lesquels les spécialistes s'interrogent.

Si l'on compte un faible taux apparent d'accidents, d'ailleurs souvent bénins, par rapport à la fréquentation des parcs de loisirs ou fêtes foraines, la Commission recense cependant une forte proportion d'accidents chez les enfants. La plupart des accidents répertoriés relèvent le plus souvent d'un défaut de comportement ou de surveillance des utilisateurs, d'un manque de vigilance des parents envers leurs enfants.

Le système de retenue des passagers de certains manèges n'est pas toujours adapté aux usagers de petite taille ou d'un poids trop léger. Certains manèges paraissent trop violents pour les enfants et devraient être réservés aux plus de 16 ans, par exemple. Il faudrait peut-être aussi se montrer plus strict sur les consignes de sécurité qui devraient être bien expliquées avant l'accès au manège.

Les causes et les circonstances d'accidents peuvent certes être liées à des défaillances matérielles - état de la structure révélant une surexploitation des équipements, défauts de maintenance, manque de contrôle en cours d'exploitation ou encore modification inappropriée de la structure - mais il ne faut pas négliger les troubles sur la santé que certains manèges peuvent provoquer chez les usagers.

Le groupe UMP se félicite de l'inscription à l'ordre du jour de nos travaux de cette proposition de loi et en remercie Mme le ministre de l'intérieur. Le protocole qui a été signé le 17 août dernier est donc conforté aujourd'hui par ce texte, qui devrait être suivi d'un décret et de deux arrêtés. Nous approuvons sans réserve le contenu de cette proposition de loi.

Je ne saurais terminer mon propos sans rendre hommage au rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Pierre Hérisson, initiateur de ce texte déposé au mois de septembre dernier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)