compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de l'Établissement national des invalides de la marine.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-Pierre Godefroy pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition, à l'expiration du délai d'une heure.

3

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des lois et sera disponible au bureau de la distribution.

4

 
Dossier législatif : projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs
Discussion générale (suite)

Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (urgence déclarée) (n°s 363, 385).

Dans la discussion générale, la parole est M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, un jour de grève, des quais ou des arrêts de bus surchargés, avec des clients qui attendent un train ou un bus qui ne viendra peut-être jamais, je ne veux plus, vous ne voulez plus, nous ne voulons plus de telles situations !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça commence bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous sommes donc réunis cet après-midi pour débattre du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, afin de mettre en place dans notre pays un service minimum en cas de grève.

L'objet de ce projet de loi est triple : éviter au maximum le recours à la grève ; éviter, autant que faire se peut, la paralysie en cas de grève ; éviter, enfin, l'absence d'information pour les usagers.

Je veux donc que l'on dialogue pour éviter la grève. Je veux que les entreprises s'organisent mieux pour éviter la paralysie. Je veux aussi un maximum d'informations pour les usagers.

Nous avons fait, avec Dominique Bussereau, le choix d'une loi-cadre, afin de dire avec ambition ce que nous voulons et pour préciser le plus possible les modalités de ce service minimum.

Ce choix nous permet d'être plus concrets que certains ne l'auraient imaginé, car je crois que la politique doit sortir des généralités pour entrer dans les aspects les plus pratiques.

Il ne s'agit pas pour nous de renvoyer le dossier aux acteurs locaux après le vote de cette loi-cadre en leur disant « débrouillez-vous » ; au contraire, notre volonté, est, d'une part, de veiller en permanence à ce que le service minimum soit une réalité au 1er janvier 2008, et, d'autre part, de permettre à ces acteurs de faire du « sur-mesure » en mettant à profit les quelque cinq mois qui nous séparent du 1er janvier.

Ce texte correspond à un engagement fort que le Président de la République a pris avec les Français durant la campagne électorale. Nous le savons, 71 % à 80 % de nos concitoyens souhaitent la mise en place d'un service minimum dans les transports.

Le service minimum, ce n'est donc pas une question de droite ou une question de gauche ; c'est tout simplement une question de service public. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Sur un tel sujet, le Gouvernement a fait le choix d'avancer sans idéologie aucune. Il ne s'agit certainement pas de prendre une quelconque revanche sur le passé ou de vider des vieilles querelles ; cela n'intéresse pas les Français et, pour être clair, cela ne m'intéresse pas non plus.

Il ne s'agit pas non plus d'assurer la victoire d'un tel sur un tel. La seule chose qui nous intéresse, Dominique Bussereau et moi-même, c'est que nous puissions, avec la mise en place de ce service minimum, améliorer la situation concrète dans les services de transport.

Dans notre pays, le droit de grève est un droit constitutionnel, et ce projet de loi n'entend nullement le remette en cause. Il s'agit donc précisément de trouver un point d'équilibre qui fasse également toute leur place à d'autres droits à valeur constitutionnelle, eux aussi, et qui sont tout aussi légitimes, à savoir la continuité de l'accès aux services publics, la liberté d'aller et venir, la liberté du commerce et de l'industrie et la liberté du travail.

Le service minimum est aussi un instrument de justice sociale en ce qu'il s'adresse d'abord à ceux de nos concitoyens qui n'ont pas d'autre moyen que les transports en commun pour se rendre à leur travail ou pour que leurs enfants aillent au collège ou au lycée.

Je sais que le service minimum est un sujet régulièrement abordé dans le débat politique français. Ainsi, le service minimum a donné lieu à pas moins de quinze propositions de loi déposées sur le bureau de l'une ou l'autre assemblée au cours des vingt dernières années. Par ailleurs, de nombreux parlementaires ont travaillé sur le sujet ; je pense, en particulier, au sein de la Haute Assemblée, aux travaux des sénateurs Claude Huriet et Hubert Haenel.

Je tiens également à saluer le travail effectué par la commission spéciale, et notamment par son président, Charles Revet, ainsi que par son rapporteur, Catherine Procaccia ; j'aurai l'occasion de revenir sur le rapport qu'ils ont rédigé avec le concours des autres membres de la commission spéciale.

Je crois important de saluer le choix qui a été fait de constituer une commission spéciale ; cette formule a permis aux commissions permanentes concernées de travailler ensemble et à chaque sensibilité politique d'exprimer ses positions.

Ce travail collectif dont ont fait la démonstration la commission des affaires sociales, la commission des finances, la commission des affaires économiques et la commission des lois, a permis d'enrichir le texte gouvernemental.

Ce projet de loi va donc apporter une réponse concrète et pragmatique aux attentes quotidiennes des Français, et ce sur l'ensemble du territoire, qu'ils soient Lorrains ou Aquitains, qu'ils habitent Marseille, Beauvais ou la région parisienne. Car le service minimum ne concerne pas seulement l'Île-de-France, ni la seule SNCF. Le service minimum, nous le voulons partout et pour tous. Telle est la logique d'action qui est la nôtre !

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est aussi la raison poux laquelle ce texte a trait aux transports terrestres de voyageur:s. Je sais que d'aucuns auraient souhaité une loi plus générale qui étendrait le service minimum à d'autres champs de la vie sociale.

M. Philippe Nogrix. C'est vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais je préfère agir au coeur du quotidien le plus immédiat des Français et faire en sorte que, pour eux, les choses changent rapidement, dans leur ville comme dans leur région.

Toujours par pragmatisme, nous avons souhaité bâtir ce projet de loi en nous appuyant sur les différentes expériences qui ont été menées dans notre pays depuis une quinzaine d'années.

Je pense à l'accord d'alarme sociale conclu dès 1996 à la RATP, qui a permis, grâce à une meilleure prévention des conflits ainsi qu'à une évolution du management, de réduire de plus de 90 % le nombre des jours de grève en dix ans et, ainsi, d'améliorer le service rendu aux usagers. Cet accord a montré la voie à d'autres entreprises, telles que la SNCF, avec l'accord de 2004.

Je veux également citer le rapport remis la même année par M. Mandelkern, qui a précisé le cadre juridique dans lequel un service minimum pouvait être mis en oeuvre.

Je pense, enfin, aux démarches conduites par Dominique Perben en 2006 pour l'amélioration de la prévisibilité.

Nous avons tenu compte de ces expériences pour élaborer ce projet de loi, avec une seule volonté : améliorer la continuité du service public.

En effet, ce texte repose sur l'idée qu'en renforçant le dialogue social dans les entreprises de transport, les grèves pourront être, pour une large part, évitées. Et si jamais une grève se produit, il fixe le cadre dans lequel le service de transport public doit être organisé, afin de garantir aux usagers un service, certes réduit, mais prévisible, en cas de grève ou de forte perturbation.

Comme vous, madame le rapporteur, nous avons voulu que ce texte s'applique aussi en présence de situations exceptionnelles, qui seraient dues, par exemple, à des plans de travaux programmés.

Nous sommes donc parvenus à une position d'équilibre, en suivant une méthode simple, celle du dialogue et de la concertation. Ainsi, dès le 25 mai, le Président de la République, avec le Premier ministre, a reçu les partenaires sociaux. Puis j'ai moi-même engagé le dialogue sur ce sujet avec l'ensemble des organisations syndicales et patronales, à partir du 21 juin, date à laquelle j'ai reçu les partenaires sociaux pendant plus de onze heures.

Par la suite, nous avons continué le dialogue avec les usagers, les partenaires sociaux, les entreprises, les élus locaux et, bien sûr, les parlementaires. Ces échanges se sont déroulés dans la clarté, et ils ont été importants, car ils nous ont permis de mieux cerner les enjeux pratiques du sujet, ce qui nous a conduits à distinguer trois grands axes correspondant aux trois volets du texte qui vous est présenté.

Tout d'abord, la grève n'est pas une fatalité en cas de conflit, et bien des questions peuvent être réglées par la négociation et le dialogue social.

Dans cette perspective, le premier volet du projet de loi met l'accent sur la prévention des conflits. Car je suis persuadé, tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que lorsqu'on amène les entreprises et les partenaires sociaux à s'asseoir autour d'une table pour discuter, il y a tout simplement moins de conflits.

Pour cela, nous nous sommes inspirés des expériences déjà engagées dans certaines entreprises, où il existe, d'ores et déjà, des accords d'alarme sociale, auxquels nous voulons commencer par donner une base légale sur tout le territoire.

Nous souhaitons généraliser ce type d'accords de prévention des conflits dans tous les services publics de transport terrestres d'ici au 1er janvier 2008. L'alarme sociale, nous la voulons pour tous et partout !

L'enjeu n'est pas seulement juridique : comme dans nombre de pays, la négociation doit précéder l'action, et non plus l'inverse.

Or une véritable négociation prend du temps. Au-delà des cinq jours de préavis, qui constituent le délai légal et qui le resteront, il nous faut prévoir un temps supplémentaire, de huit jours au maximum, pour conduite la négociation en vue d'éviter le recours à la grève. C'est pourquoi, d'ailleurs, les accords d'alarme sociale existants accordent plus de temps à la négociation avant tout dépôt de préavis.

C'est dans cette logique aussi que nous nous inscrivons, car, aux termes du présent texte, chaque entreprise doit parvenir, avant le 1er janvier prochain, à un accord de méthode prévoyant l'organisation d'une négociation préalable avant le dépôt de tout préavis de grève.

Cet accord pourra aussi intervenir au niveau de la branche professionnelle, comme le prévoit un amendement, afin d'en faire bénéficier au plus vite les usagers et de suppléer à l'échec ou à la carence éventuelle de certaines négociations d'entreprise.

En effet, au travers de cette négociation obligatoire et de l'accord de méthode auquel elle est censée aboutir, il s'agit pour nous de promouvoir le dialogue social, qui doit être un principe d'action au sein de l'entreprise.

Pour faire vivre ce principe, nous voulons accorder aux partenaires sociaux le temps nécessaire à la négociation mais, en retour, nous posons très clairement une obligation de résultat : si toutes les entreprises n'aboutissent pas à un accord avant le 1er janvier 2008, l'État prendra ses responsabilités, sous la forme d'un décret en Conseil d'État qui réglera la situation pour les entreprises dans lesquelles la négociation collective aura échoué.

Je ne suis pas ministre pour dire à nos concitoyens : « nous avons essayé, malheureusement, nos efforts n'ont pas abouti, tant pis... » Non, les Français nous ont élus non pas pour essayer, mais pour réussir, c'est-à-dire pour améliorer concrètement leur quotidien. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ce n'est pas une obligation de moyens que nous visons, c'est bel et bien une obligation de résultat !

M. Xavier Bertrand, ministre. Quand toutes les entreprises auront signé un accord de méthode, de très nombreux conflits pourront être évités, j'en suis convaincu, mais peut-être pas tous. C'est pourquoi un second volet du projet de loi trace les grandes lignes de l'organisation du service qui devra être mis en place en cas de grève ou de forte perturbation.

Une fois encore, il n'est pas possible de dire aux Français : « nous avons amené les partenaires sociaux à négocier, ils n'ont pas trouvé de solution, tant pis pour vous ! ».

Non, nous avons un objectif à atteindre, et le projet de loi fixe cet objectif, sans toutefois retenir une définition uniforme du service minimum, car il est possible et préférable, me semble-t-il, de faire du « sur-mesure ». En effet, la réalité n'est pas la même en Île-de-France et dans une région à dominance rurale.

Le présent texte, dans le respect des principes-cadres qu'il établit, renvoie donc la définition du service minimum aux autorités qui seront en mesure de prendre en compte les réalités de terrain et les spécificités locales.

En Picardie, par exemple, les besoins ne sont pas les mêmes que dans la région d'Île-de-France. Il nous faut donc aller au plus près du terrain pour trouver les meilleures solutions possibles.

Les autorités organisatrices de transport sont les collectivités territoriales, qui sont compétentes en matière de transports terrestres de voyageurs. C'est donc à elles qu'il reviendra de fixer les priorités de desserte, en fonction des besoins quotidiens de la population. Elles définiront parmi ces priorités celles qui constituent des besoins essentiels, et qui doivent donc être assurées en toutes circonstances, y compris en cas de grève. Je pense notamment aux lignes qui desservent les hôpitaux, à celles qui permettent d'aller au travail, ...

M. Xavier Bertrand, ministre. ... aux trajets scolaires ou aux liaisons entre les principaux centres urbains, qui doivent être assurés au moins le matin et le soir, comme l'a obtenu, par exemple, le conseil régional d'Alsace dans le cadre de la convention TER.

Ces autorités pourront ainsi assurer un service sur mesure à leurs usagers, dans le cadre de plans adaptés propres à chaque entreprise de transport, qui devront être mis au point dans la concertation et la transparence, en associant bien évidemment les représentants des usagers.

Poux que ces plans soient pleinement opérationnels, il est impératif que les entreprises puissent savoir précisément qui sera présent le jour de la grève. Aussi, et c'est l'un des points importants du présent projet de loi, les salariés devront informer l'entreprise, au plus tard quarante-huit heures avant le début de la grève, de leur intention de se joindre, ou non, au mouvement.

Cette déclaration d'intention préalable est capitale dans l'équilibre du projet de loi. Elle n'a évidemment rien d'idéologique. Nous en avons simplement besoin pour réaffecter les agents non grévistes sur les lignes prioritaires, dans le cadre d'un accord collectif de prévisibilité, en gardant toujours à l'esprit - et pour ma part je ne l'oublierai jamais - que la sécurité constitue notre première priorité.

Ma logique, purement pratique, est uniquement liée à l'organisation du service. L'enjeu de ce texte, c'est aussi une meilleure organisation des entreprises en cas de grève. Or, tout en respectant le droit de grève, je crois que, dans certaines entreprises, la direction dispose de marges de progression importantes, voire très importantes, pour améliorer le service les jours de grève.

Je préfère voir des voitures à double étage transporter les usagers les jours de grève plutôt que stationner dans des gares de transit ou de triage ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

La responsabilité pèsera clairement sur le management de ces entreprises, mais si nous voulons organiser le service et informer les usagers de l'état du trafic vingt-quatre heures à l'avance, nous avons besoin, quarante-huit heures avant le début du conflit, de savoir qui va travailler, tout simplement !

M. Dominique Braye. Bien sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre. La déclaration constitue un outil indispensable pour fournir aux Français une information à la fois précise et opérationnelle.

Je veux, pour les usagers et comme les usagers, être plus exigeant. Car l'enjeu ne sera plus seulement de savoir si un train sur deux ou sur trois circulera. Nous voulons savoir, précisément, si le train de 6 heures 44 circulera ou non, si nous pourrons partir, mais aussi revenir chez nous, si le car de ramassage scolaire prendra nos enfants le matin et les ramènera le soir. Voilà ce que nous voulons savoir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Nous ne voulons plus d'une situation dans laquelle on attend, sur un quai, un train qui ne viendra peut-être jamais. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On attend toujours sur les quais ! On voit bien que vous ne prenez jamais le métro !

M. Xavier Bertrand, ministre. Les moyens d'information modernes, sur lesquels je reviendrai, nous permettent de satisfaite cette exigence.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne connaissez pas plus le métro que le droit de grève !

M. Xavier Bertrand, ministre. En outre, il est bien précisé dans le présent projet de loi que la déclaration d'intention préalable ne vaudra que pour les salariés dont la présence détermine directement l'offre de service.

Pour que ce texte demeure équilibré, il est prévu une très grande vigilance sur les entreprises, avec une détermination de même nature pour sanctionner toute entreprise qui utiliserait les informations contenues dans les déclarations préalables à d'autres fins que l'organisation du service, ou qui chercherait à faire pression sur les salariés.

Dans le même esprit d'équilibre, il est prévu d'organiser, au bout de huit jours de grève, à la demande des syndicats ou de l'entreprise - ou d'un médiateur, comme le propose la commission -, une consultation sur la poursuite du mouvement, qui aura une valeur indicative. Afin qu'elle puisse s'exercer en toute transparence, cette consultation devra avoir lieu à bulletins secrets. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Si la consultation intervient au bout de huit jours, c'est tout simplement parce que je distingue la grève qui crée de la perturbation, celle-ci étant intrinsèquement liée à l'exercice du droit de grève, de la paralysie qui peut s'ensuivre, et que nous refusons car elle pénalise avant tout les usagers des transports publics. Ainsi, nous connaîtrons précisément l'état d'esprit des salariés concernés.

Enfin, le projet de loi rappelle le principe du non-paiement des jours de grève. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) J'ai entendu certaines critiques s'élever à ce sujet, au motif que cette règle serait déjà appliquée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais bien sûr qu'elle l'est !

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais si tel est le cas, pourquoi serait-ce un problème de préciser ce principe dans la loi ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit que vous ne savez pas ce que c'est que de faire grève !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est important, me semble-t-il, que nous écoutions les arguments des uns les autres. Ce projet de loi constituera un signal important, et il mettra un terme aux rumeurs et aux fausses informations qui peuvent encore circuler sur le sujet.

Si l'on fait grève, on ne travaille pas, donc on n'est pas payé, tout simplement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est honteux ! On ne fait jamais grève quand les jours ne sont pas payés !

M. Guy Fischer. Allez expliquer cela aux grévistes !

M. Xavier Bertrand, ministre. Pourquoi avoir donné un avis favorable à la médiation sur l'organisation du service ? Parce qu'il faut, en permanence et jusqu'au bout, tout mettre en oeuvre pour éviter une grève ou pour la terminer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Démagogie, populisme !

M. Xavier Bertrand, ministre. D'où le recours au médiateur, qui me semble important et qui répond d'ailleurs à une demande adressée par de nombreuses organisations syndicales.

Vous le voyez, si je suis ouvert à la concertation, je le suis tout autant aux souhaits des parlementaires. C'est dans cet esprit que nombre d'amendements seront soutenus par le Gouvernement.

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Merci !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais pas nos amendements !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous serez peut-être surprise, madame Borvo Cohen-Seat !

Le dernier volet du projet de loi n'est pas le moindre, puisqu'il donne tout son sens aux deux précédents. En définissant les droits des usagers en cas de grève, il institue un véritable droit à l'information des usagers, puisqu'il impose aux entreprises de faire connaître le service qui sera assuré durant la grève au moins vingt-quatre heures avant le début de celle-ci.

Je ne raconterai d'histoire à personne : s'il y a grève, le service sera perturbé, voire diminué. En fonction du nombre de grévistes, il ne sera pas assuré comme à la normale. Toutefois, face à cette perturbation, qui découle de l'exercice du droit de grève, nos concitoyens ont le droit d'être pleinement informés : quels sont les bus ou les trams qui circuleront demain en centre-ville ? Quels sont les trains de banlieue qui rouleront ? À quelle heure passera le car de ramassage scolaire ?

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. En ce qui concerne cette information, qui me tient particulièrement à coeur - de même qu'à vous, je le sais, mesdames, messieurs les sénateurs -, j'entends que soient exploités l'ensemble des moyens dont nous disposons aujourd'hui, car ils permettront d'offrir en amont aux usagers une information précise, par voie d'affichage dans les gares, aux arrêts de bus ou sur des sites Internet, avec des serveurs vocaux dédiés, ou encore, de façon plus personnalisée, par SMS ou courrier électronique.

Par ailleurs, si le service n'est pas assuré comme prévu, si l'information donnée vingt-quatre heures auparavant ne reflète pas la réalité, la moindre des choses sera de rembourser leurs titres de voyage aux usagers ou de prolonger leur abonnement. C'est aussi cela que prévoit ce texte de loi ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Toutes ces questions sont essentielles pour les usagers comme pour les agents, qui assurent au quotidien la qualité de notre service public de transport, en s'engageant beaucoup, je le sais. À ce propos, je me réjouis, comme Dominique Bussereau, que la SNCF s'apprête à mettre en oeuvre un plan « Qualité de service dans les trains de la vie quotidienne », notamment dans les TER, dont la fréquentation se trouve en forte hausse et qui doivent constituer une priorité, au même titre que les TGV.

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je salue cette initiative, qui est axée sur la régularité, l'information et le confort des voyageurs. Elle montre que les préoccupations en matière de transport sont multiples et que tous les acteurs doivent y répondre, chacun à son niveau de compétence propre.

Il est par ailleurs nécessaire de moderniser les voies et les rames, et je connais l'engagement de Dominique Bussereau sur ces questions.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet est d'importance, et je suis heureux de constater que vous êtes nombreux, aujourd'hui, pour l'examen de ce texte.

Je suis profondément convaincu que la France de 2007 n'est pas une société bloquée (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.), et qu'il existe aujourd'hui une véritable voie de passage sur la question du service minimum.

On nous avait dit que ce dossier était un serpent de mer, qu'il n'aurait jamais aucune chance d'aboutir, qu'il s'agissait d'un sujet tabou.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les exemptions fiscales qui ne sont plus taboues !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je crois qu'il n'y a plus de sujet tabou, comme le faisait d'ailleurs remarquer un sénateur de votre groupe lors de la réunion de la commission spéciale, madame Borvo ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je remercie l'ensemble des sénateurs d'avoir montré que le dialogue était possible, au-delà des clivages idéologiques. Oui, des points de convergence sont apparus ! Et je reste persuadé, à la fin de cet exposé, que nous aborderons ce débat dans la sérénité et sans passion polémique.

M. Jean Desessard. On verra !

M. Dominique Braye. De notre côté, c'est certain !

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour ma part, je l'aborde dans un esprit d'ouverture et de conviction, la conviction qu'il existe, nous le savons tous, de fortes attentes et même une véritable exigence de nos concitoyens s'agissant du service minimum. Nous devons y répondre par une volonté, une méthode et un résultat ; une volonté : tenir les engagements que nous avons pris pendant la campagne présidentielle ; une méthode : le dialogue, afin de trouver les meilleures solutions ; enfin, un résultat : mettre en place un service minimum de qualité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi est ambitieux et pragmatique. C'est un texte au service des Français. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est attendu depuis longtemps. Je serais même tentée de dire : « Enfin ce texte ! » Enfin, nous allons changer quelque chose dans l'organisation du service des transports publics, mais surtout dans la vie quotidienne de nos concitoyens, qui sont confrontés trop souvent à des difficultés dans leurs déplacements.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Depuis des années, on évoque ce fameux « service minimum », mais sa concrétisation a toujours été remise à plus tard, pour de bonnes mais aussi pour de mauvaises raisons. Je n'en citerai qu'une : son inconstitutionnalité. Mais alors, je m'interroge : pourquoi le service minimum dans l'audiovisuel est-il, lui, conforme à la Constitution ? (M. Alain Gournac s'esclaffe.) Est-il plus indispensable de regarder les informations télévisées sur une chaîne publique que de prendre son train ou son bus pour aller travailler et revenir chez soi ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je vous l'avoue, il y a des échelles de valeur que j'ai du mal à comprendre ! D'ailleurs, pourquoi les plus récentes études consacrées à ce sujet ont-elles conclu à la faisabilité constitutionnelle d'un service minimum dans le secteur des transports ?

Certes, dès la première lecture de ce projet de loi, qui est court - neuf articles -, on s'aperçoit qu'il n'institue pas un service minimum au sens strict. Mais les très nombreuses auditions menées par la commission spéciale m'ont convaincue que seule une approche pragmatique pouvait être porteuse de succès.

Ce texte fixe en effet, parallèlement, deux objectifs, à mes yeux d'égale importance : d'une part, il tend à prévenir plus efficacement les conflits dans les entreprises de transports terrestres et ferroviaires par le développement du dialogue social ; d'autre part, il garantit, en cas de grève ou de perturbation prévisible du trafic, un service réduit mais connu par avance.

Ce faisant, nous l'avons bien compris au cours de la vingtaine d'auditions que nous avons menées, ce texte répond aux attentes de nos concitoyens usagers des transports publics, qui, à une très large majorité - un sondage le confirmant vient d'être publié -, souhaitent l'instauration d'une forme de service minimum dans les transports publics.

Il répond aussi aux attentes des collectivités locales organisatrices de transport, lesquelles doivent faire face aux exigences de plus en plus grandes des usagers, qui réclament un meilleur service de la part des opérateurs de transport.

Il répond encore aux attentes des employeurs du secteur, qui, soumis à une plus forte pression, doivent disposer des moyens nécessaires au maintien d'un service de qualité.

Il répond également aux attentes des salariés des entreprises de transport, dont les conditions de travail particulières exigent qu'ils puissent bénéficier, au sein de leur entreprise, d'un haut niveau de dialogue social.

Il répond enfin aux attentes de l'ensemble des acteurs économiques de notre pays, dont l'activité est fragilisée par les grèves ou qui, du moins, subissent de façon directe ou indirecte les conséquences des divers aléas de fonctionnement des services de transport.

Ne lit-on pas que le transport est maintenant un facteur de discrimination, certaines entreprises renonçant à embaucher des personnes qui habitent sur une ligne de transport où incidents et irrégularités sont quotidiens ?

M. Philippe Nogrix. C'est exact !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Ces différentes attentes étant néanmoins parfois contradictoires, le projet de loi tente de trouver un équilibre et de concilier plusieurs principes constitutionnels : la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté d'aller et de venir, la liberté du travail, l'accès aux services publics, ainsi que, naturellement, le droit de grève.

II s'agit également de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales, auquel nous sommes tous ici attachés. Celui-ci a une importance particulière en matière de transport public, surtout en ce qui concerne les déplacements quotidiens, du domicile à l'école, du domicile au travail, l'accès aux hôpitaux et aux autres services publics.

En effet, nos collectivités ont dû favoriser, au cours des dernières années, le développement des transports collectifs pour toutes sortes de raison, au nombre desquelles figure, naturellement, la préservation de l'environnement.

Il paraît dès lors impératif qu'en contrepartie de ce développement les services de transport proposés aux usagers atteignent un très haut niveau de qualité de service, notamment en termes de sécurité, de fiabilité, de régularité et de ponctualité.

C'est pourquoi ce projet de loi est vraiment nécessaire. Il repose sur l'idée - que je défends avec conviction - qu'en renforçant le dialogue social dans les entreprises de transport les grèves pourront - j'allais dire devront - pour une large part être évitées. Comme le souligne le rapport de M. Mandelkern, « la bonne grève est celle qui n'a pas lieu parce que le dialogue l'a prévenue ».

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Très bien !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Si la grève intervient néanmoins ou si survient toute autre perturbation prévisible du trafic, le projet de loi fixe le cadre dans lequel doit être organisé un service de transport réduit, mais « prévisible » ; je préfère ce terme, car il m'est apparu que la notion de service minimum ne correspondait pas forcément à la même réalité en région parisienne, dans les grandes villes, à la campagne ou en interurbain rural.

Cependant, je tiens à rappeler qu'un grand nombre de nos partenaires européens ont déjà mis en place un service minimum. Presque la moitié des États membres de l'Union européenne l'a en effet instauré pour les services essentiels ; c'est notamment le cas de l'Italie...

Mme Nicole Bricq. En Italie, cela ne marche pas !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. ...du Portugal, de l'Espagne, de la Grèce. Pour l'autre moitié, soit il n'y a pas de culture de conflits sociaux importants, notamment parce que le dialogue social est efficace -  je pense à la Suède, à la Finlande ou à l'Allemagne -, soit le droit de grève est strictement encadré, comme au Royaume-Uni.

Il s'agit donc bien d'une singularité française. Elle est flagrante et tient à la combinaison de trois éléments principaux : un droit de grève large, une continuité du service public très partiellement garantie, un dialogue social limité.

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. C'est le dialogue social à la française !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Il en résulte que, dans notre pays, ce sont les usagers et le droit dont ils peuvent se prévaloir qui sont incontestablement défavorisés.

C'est pourquoi la commission spéciale a voulu aller encore plus loin que le Gouvernement pour faire des usagers sa priorité. C'est dans cet esprit qu'elle a élaboré ses conclusions.

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Très bien !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je vous présenterai maintenant les observations et propositions de modifications adoptées par la commission spéciale. J'en profite pour remercier tous mes collègues, sans exception, qu'ils soient de droite, de gauche ou du centre, qui sont issus de quatre commissions différentes, des échanges constructifs et fructueux que nous avons eus. La présence de commissaires dont la spécialité était complémentaire a été pour moi passionnante sur ce texte court, mais pas forcément facile.

Je dirai d'abord quelques mots sur le champ d'application de ce projet de loi. Le Gouvernement a choisi de limiter celui-ci au secteur des transports terrestres réguliers de personnes. Je crois en effet que la priorité est bien de répondre aux attentes quotidiennes de nos concitoyens qui utilisent les transports en commun, encore que certains sont parfois contraints d'utiliser au quotidien d'autres modes que les transports terrestres pour aller travailler, par exemple parce qu'ils doivent traverser un bras-de-mer ou prendre un avion plusieurs fois par semaine ; je pense en particulier à des enseignants ou à des commerciaux.

Nous sommes plusieurs à considérer que ce texte n'est qu'un premier pas et qu'il permettra, s'il prouve son efficacité, d'étendre, à brève échéance, le principe qu'il instaure à d'autres modes de transports réguliers, y compris au fret, qui est l'une des clefs de l'activité des entreprises et des nombreux salariés qu'elles emploient.

M. Nicolas About. Très bien !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Il permettra aussi peut-être, dans un second temps, que ce principe soit transposé à d'autres services publics.

Le premier volet du projet de loi porte sur le renforcement du dialogue social dans les entreprises de transport. Vous l'avez souligné, monsieur le ministre, ce texte entend d'abord généraliser les pratiques d'alarme sociale en vigueur à la RATP et à la SNCF, qui ont permis de réduire de façon significative, mais pas complètement, les jours de grève. Il encadre ensuite de manière plus rigoureuse le dépôt des préavis de grève.

La commission approuve totalement ces mesures, mais elle souhaite les renforcer sur plusieurs points.

Ainsi, il lui semble important de préciser que la négociation préalable au dépôt d'un préavis de grève doit se tenir avec les seules organisations syndicales qui envisagent de déposer ce préavis et non avec l'ensemble des organisations syndicales. C'est la pratique actuelle !

Il lui paraît également indispensable d'inciter les partenaires sociaux à conclure un accord de branche ; vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, que vous y étiez favorable. Nous souhaitons que celui-ci soit conclu avant le 1er janvier 2008.

C'est la raison pour laquelle nous pensons utile d'encourager la RATP et la SNCF à conclure rapidement un accord-cadre conforme aux principes de ce projet de loi. Nous vous proposons de leur enjoindre de le faire avant le 1er janvier 2009, puisque le projet de loi ne fixe aucun terme, hormis celui de la fin des conventions existantes.

Le deuxième volet du projet de loi concerne l'organisation de la continuité du service public de transport.

Le texte prévoit que l'autorité organisatrice de transport, l'AOT, devra définir des priorités de desserte, à partir desquelles l'entreprise devra élaborer un plan de transport adapté ainsi qu'un plan d'information des usagers.

Ce volet repose donc sur un équilibre entre la continuité du service public et la nécessité d'informer les usagers, d'une part, les contraintes qui peuvent peser sur l'organisation de l'entreprise, d'autre part, tout en assurant le respect du droit de grève.

Nous approuvons pleinement cette approche. Toutefois, il nous a semblé utile d'améliorer le dispositif afin de rendre plus effectifs les droits des usagers.

Nous proposons donc une nouvelle rédaction de l'article 4 afin de recentrer le dispositif sur les perturbations prévisibles qui affectent le trafic. En effet, la grève n'est qu'un cas de perturbation. Par conséquent, il nous a semblé utile qu'à l'occasion de ce texte le législateur apporte ou tente d'apporter une réponse à l'ensemble des perturbations prévisibles. C'est pourquoi nous souhaitons inclure dans le champ de cette notion, outre les grèves, les incidents techniques et les aléas climatiques qui ont fait l'objet d'une alerte météorologique.

Nous proposons aussi de simplifier la notion de dessertes prioritaires et de la compléter en prévoyant que l'autorité organisatrice de transport peut déterminer des niveaux de service correspondant à l'importance de la perturbation rencontrée, comme cela existe efficacement dans certaines régions, comme l'Alsace.

En outre, nous proposons de prévoir que les transports scolaires fassent partie des droits et libertés auxquels il convient de ne pas porter une atteinte disproportionnée.

J'estime également nécessaire d'aller plus loin dans la définition du service minimal, en prévoyant que le service soit garanti les jours d'examens nationaux, c'est-à-dire lors des épreuves du brevet des collèges et du baccalauréat.

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Il m'a semblé que cette atteinte au droit de grève était conforme à la Constitution, car elle était limitée et proportionnée aux exigences de l'intérêt général. Je vous précise que nous parlons là de vingt à vingt-cinq journées par an.

Nous proposons une autre modification importante : nous souhaitons que le préfet soit informé de l'avancement du processus de définition des dessertes prioritaires et des niveaux de service, afin qu'il puisse se substituer rapidement et efficacement à l'AOT en cas de carence ou, le cas échéant, approuver les plans de transport proposés par l'entreprise.

Sur l'article 5, qui doit permettre de limiter l'effet des perturbations sur les usagers en mettant en place un accord de prévisibilité dans l'entreprise, afin que cette dernière puisse se réorganiser, selon l'importance de la grève, et informer les usagers vingt-quatre heures à l'avance, la commission spéciale a simplement déposé des amendements de clarification rédactionnelle. En effet, après avoir longuement réfléchi sur l'opportunité du délai de quarante-huit heures que devront respecter les salariés qui veulent participer à un mouvement collectif, elle a estimé que lui seul pourrait permettre aux grandes entreprises de transport d'organiser le service et l'information sur le trafic vingt-quatre heures à l'avance, ainsi que les réaffectations du personnel non gréviste.

L'article 7, qui affirme un droit de l'usager à l'information précise et fiable sur le service assuré au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation prévisible du trafic, est donc bien l'un des articles les plus importants ; il explique et justifie certaines dispositions de ce texte. Il répond à une véritable attente des usagers.

Nous avons voulu, parallèlement, que l'autorité organisatrice de transport soit elle aussi informée par l'entreprise de transport en cas de perturbation ou de risque de perturbation.

Enfin, s'agissant de l'indemnisation des usagers prévue à l'article 8, nous estimons nécessaire de réécrire ce texte, afin de ne pas prévoir le recours à un décret en Conseil d'État et d'organiser directement les modalités de cette indemnisation. Cette dernière sera donc obligatoire en cas d'inexécution par l'entreprise de ses obligations, sauf, bien sûr, en cas de force majeure, et ses modalités pratiques seront arrêtées dans le cadre d'une convention passée entre l'AOT et l'entreprise de transport pour tenir compte, en particulier, des différentes catégories d'usagers et des tarifs qui leur sont applicables, par exemple la gratuité.

En outre, il est explicitement prévu que les pénalités financières perçues par les AOT pourront contribuer au financement de cette indemnisation.

Concernant toujours la deuxième partie du projet de loi, ce texte prévoit qu'au-delà de huit jours de grève l'entreprise pourra organiser une consultation des salariés. Nous insistons sur le fait que cette consultation sera sans incidence sur le droit de chaque salarié à poursuivre la grève, puisque, dans notre système juridique, le droit de grève est un droit individuel.

Nous vous proposons de compléter ce dispositif en prévoyant que les parties pourront, d'un commun accord, désigner un médiateur. Ce dernier aura pour mission de rechercher une solution amiable au conflit et pourra aussi décider d'organiser la consultation prévue, comme le chef d'entreprise ou l'un des syndicats représentatifs.

Le dernier article du projet de loi rappelle le principe selon lequel les périodes de grève ne sont rémunérées ni par un salaire ni par une prime quelconque. Nous vous suggérons s de le compléter, afin d'exclure expressément la pratique dont nous avons eu connaissance au cours des auditions et qui consiste à prévoir le paiement de tout ou partie des jours de grève dans un accord de fin de conflit.

Cet article lèvera ainsi toute ambiguïté dans l'esprit des usagers qui, eux, perdent parfois une journée de travail et ce, involontairement, et les syndicats qui veulent la transparence ne pourront pas s'offusquer de cette clarification.

Enfin, il nous a semblé indispensable de prévoir une évaluation de l'application de la loi dès l'année prochaine. Ce bilan sera prospectif puisque l'efficacité ou non des dispositions votées permettra au Gouvernement et au législateur de décider ou non d'étendre le double principe dialogue social-service réduit mais garanti à d'autres types de services publics, en priorité à d'autres types de transports.

En conclusion, et après avoir entendu nombre des parties prenantes à l'organisation du service public des transports dans notre pays, il nous semble que l'économie générale de ce projet de loi est acceptable, dès lors que nous y apporterons les modifications que je vous ai proposées.

Nous faisons, cet été 2007, un vrai premier pas, que j'espère être un pas de géant, dans l'intérêt de tous : usagers, entreprises et salariés des transports. Mais je tiens à souligner aussi que, comme pour tout texte législatif, seule sa correcte application permettra vraiment de changer la vie de nos concitoyens ; j'en veux pour preuve la pratique courante des grèves dites « émotionnelles » ou des piquets de grève qui paralysent les transports publics, alors que ce type de manifestation est illégal.

Les mesures que nous allons voter doivent être intégralement et parfaitement mises en oeuvre pour que les attentes de nos concitoyens soient réellement satisfaites. Il s'agit d'une question de volonté politique. Nos concitoyens nous le demandent. Nous ne pouvons pas les décevoir ni, surtout, contribuer à entretenir l'idée d'une certaine forme d'impuissance publique. Je vous demande, donc, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, qu'il soit rappelé aux préfets, tant dans les départements que dans les régions, que la loi de la République s'applique partout, et pas simplement dans les transports, et à tous.

M. Dominique Braye. Très bien !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de votre écoute. J'adresse également mes remerciements à M. le président de la commission spéciale et à tous les collègues qui m'ont fait l'honneur de m'avoir choisie pour porter ce texte emblématique. (Très bien !et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Revet, président de la commission spéciale sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Je veux, en premier lieu, vous remercier, madame le rapporteur, de votre excellent travail, que j'ai pu apprécier. J'adresse également mes remerciements à l'ensemble des collègues de la commission spéciale, ainsi qu'à vous, monsieur le ministre, pour les échanges que nous avons eus.

Le texte que nous examinons est avant tout la mise en oeuvre d'une promesse. Le Président de la République l'a d'ailleurs encore rappelé dans un discours au Havre le 29 mai dernier : « La pensée unique disait que le service minimum dans les transports c'était impossible. Il y aura un service minimum dans les transports. Je l'ai promis aux Français. Je le ferai. »

Cette volonté politique s'exprime dans le projet de loi que le Gouvernement nous présente aujourd'hui. C'est l'un des quatre premiers textes de cette nouvelle législature. Il revêt, de ce fait, une importance toute particulière. Et à en croire les sondages récemment effectués, il répond incontestablement à une très large attente de nos concitoyens.

Il y a donc une volonté certaine de changer les choses, et je m'en félicite. Qui d'entre nous, en effet, n'a pas, un jour, dû subir les conséquences d'une grève dans les transports publics ? Qui d'entre nous n'a jamais été soumis aux aléas et aux perturbations du transport public dans ses déplacements quotidiens ?

Ce texte a pour premier mérite celui d'exister. En effet, combien d'initiatives prises au cours des dernières années sont-elles restées sans lendemain ? On ne compte plus le nombre de propositions de loi, d'études, de rapports, de travaux d'experts menés sur le sujet depuis trois ou quatre ans. Mais, à chaque fois, au lieu de confier le règlement de la question au législateur, comme il se doit, on a préféré s'en remettre aux partenaires sociaux. Pour quel succès ?

Il est donc temps que le législateur exerce ses responsabilités, comme l'y invite d'ailleurs le préambule de la constitution de 1946, qui proclame : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Il nous revient d'écrire ces lois, sachant que l'encadrement ou les limitations que nous pourrions apporter au droit de grève seront élaborés sous le regard vigilant du Conseil constitutionnel. Et dans son contrôle, ce dernier doit notamment veiller à la conciliation entre le droit de grève et d'autres principes de même valeur, comme la continuité du service public, la liberté du travail ou la liberté d'aller et venir.

À cet égard, il me semble que les dispositions que contient ce texte entrent clairement dans le cadre constitutionnel et ne sauraient encourir le reproche d'inconstitutionnalité, comme l'a bien démontré Mme le rapporteur.

Cela étant, si l'on devait décider, au cours des prochains mois, d'aller plus loin dans la voie de l'instauration d'un véritable service minimum, peut-être faudrait-il au préalable modifier notre Constitution.

Au moment où une réflexion sur nos institutions s'engage, sur l'initiative de M. le Président de la République, avec la mise en place d'un comité ad hoc qui conclura, vraisemblablement, à la nécessité d'une révision constitutionnelle, il me paraît indispensable que le Parlement s'investisse lui-même dans cette réflexion et suggère les modifications constitutionnelles qui lui paraîtront justifiées. Parmi ces dernières devront figurer des adaptations aux droits inscrits dans la Constitution car, aujourd'hui, faute de précisions, ces droits ne font que se neutraliser.

Ainsi, pour répondre à l'attente forte de nos concitoyens et aux engagements du chef de l'État, il nous faut inscrire ce droit aux services essentiels dans la Constitution et dans mon esprit, pour être respecté, ce droit implique nécessairement l'organisation d'un service minimum.

Ce que je propose là n'est pas particulièrement innovant. C'est la solution retenue par un certain nombre de nos voisins européens.

Je me suis longuement interrogé sur l'intérêt que ce projet de loi franchisse, dès à présent, l'étape du service minimum. Je constate néanmoins qu'il comporte plusieurs points essentiels.

Je note, d'abord, l'organisation du service en cas de grève, avec l'obligation de déclarer son intention de faire grève 48 heures avant le début du mouvement. Il ne s'agit absolument pas de limiter le droit de grève,...

M. Guy Fischer. Mais si !

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. ...mais bien de formaliser des pratiques déjà existantes, indispensables pour assurer aux usagers un service qui ne soit pas seulement le minimum du minimum.

De la même façon, j'approuve tout à fait la faculté prévue d'organiser une consultation des salariés à bulletin secret au-delà de huit jours de grève. L'article 6 indique d'ailleurs de façon explicite que cette consultation n'aura qu'un caractère consultatif et ne fera en aucun cas obstacle à l'exercice du droit de grève, qui est un droit individuel dans notre pays. Pourquoi, dès lors, se priver d'un moyen qui pourrait, dans certains cas, concourir utilement à la résolution d'un conflit ?

Enfin, je ne peux qu'insister sur la priorité absolue de l'information des usagers. C'est une exigence très forte de nos concitoyens, qui n'admettent plus d'être bloqués sur un quai, sous un abribus ou dans un train, sans qu'aucune explication leur soit fournie ou, surtout, sans qu'aucune solution de rechange leur soit proposée. Cette information est d'autant plus justifiée que, pour de nombreuses raisons, nous préconisons tous le développement des transports collectifs.

Ma dernière remarque concerne le choix de la commission spéciale d'étendre le texte à l'ensemble des perturbations prévisibles de trafic. En effet - et les personnes que nous avons auditionnées l'ont bien souvent rappelé, monsieur le ministre -, la grève est loin d'être la seule cause de perturbation du trafic. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Cette réalité est, vous le comprendrez, bien connue du rapporteur pour avis du budget des transports que je suis, au nom de la commission des affaires économiques. Dans ce cadre, j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises déjà, avec mes collègues co-rapporteurs, et en particulier Georges Gruillot, de déplorer l'absence de perspectives de financement des infrastructures de transport dans notre pays. Celle-ci apparaît, notamment, au travers de la situation de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, AFITF. Or, comme l'indiquait le dernier avis de la commission des affaires économiques, « dans le cadre actuel, le financement de l'AFITF n'est pas assuré au-delà de 2008 ».

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Développer le transport collectif, c'est mettre en place les moyens correspondants. J'ai déjà souligné le retard important, faute de financements suffisants, pris dans la remise à niveau du réseau ferré.

M. Guy Fischer. Il y a de quoi faire !

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Nous sommes en pointe, et je m'en réjouis, pour le TGV. Nous étions toutes et tous fiers lorsque le dernier record mondial a été établi,..

M. Robert Bret. C'est vrai !

Mme Nicole Bricq. Le TGV ne s'arrête pas, lui !

M. Guy Fischer. Il manque des rames !

M. Charles Revet, président de la commission spéciale....mais le réseau secondaire intercités, à plus forte raison le réseau local, avec le développement du tram-train, est très souvent vieillissant, voire obsolète, et connaît des dysfonctionnements. Il en va souvent de même des matériels et, bien sûr, cela crée des perturbations, donc des retards.

Mme Nicole Bricq. Nombreux !

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Là aussi, il est nécessaire d'informer régulièrement les usagers. Rester une demi-heure, voire plus, ...

M. Jean Desessard. Une nuit entière !

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. ...arrêté en pleine voie, et s'entendre dire seulement qu'il ne faut pas descendre du train, c'est insuffisant !

Plusieurs sénateurs socialistes. Absolument !

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Je connais la volonté de Mme la présidente de la SNCF de remédier à cette situation et il nous faut l'aider dans sa démarche volontariste de remise en ordre de notre transport ferroviaire.

Le Président de la République et les membres du nouveau gouvernement se sont engagés à tenir un discours de vérité aux Français. Je tiens à saluer cet engagement fort et courageux. Le Sénat attend donc que le Gouvernement lui indique comment seront financées nos infrastructures de transport dans dix-huit mois.

La qualité et la continuité du service public de transport passent aussi par un véritable engagement de l'État en faveur des transports collectifs. Monsieur le secrétaire d'État, soyez assuré que nous serons à vos côtés pour vous aider, parce que nous savons tous qu'un effort très important doit être accompli dans ce domaine.

En conclusion, je souhaite insister sur le bilan que notre commission souhaite voir effectué d'ici à un an.

Si celui-ci est bon, tant mieux ! Cela montrera que, grâce au cadre posé par le législateur et à la mobilisation de l'ensemble des parties prenantes dans le secteur des transports publics, le souci de mieux servir les usagers aura, enfin, été vraiment pris en compte. Nous faisons le pari que cela est possible.

Cependant, si ce bilan n'est pas celui que nous espérons, je souhaiterais que la représentation nationale puisse alors se prononcer à nouveau et décider de rendre pleinement effectif le service minimum qu'attendent les usagers, c'est-à-dire un service élevé aux heures de pointe, un nombre minimum de dessertes quotidiennes ou encore l'assurance de disposer de transports de substitution.

Nous vous soutenons donc, monsieur le ministre, mais en assortissant ce soutien d'une obligation de résultat, pour les entreprises comme pour les salariés du secteur des transports. Nos concitoyens nous l'ont demandé ; nous serons les garants vigilants de leurs attentes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

(M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)