PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;

Groupe socialiste, 49 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, M. François Fillon, Premier ministre, a affirmé que le projet de loi que vous présentez était « peut-être le plus important de la législature ».

Je l'aurais cru volontiers il y a quelques semaines, parce que la réforme des universités est nécessaire et qu'une loi relative à notre enseignement supérieur et à notre recherche a toute son importance.

Mais à quel prix, cette réforme ? Et avec quelle méthode et quelles priorités ? Cette loi sera-t-elle à la hauteur des difficultés auxquelles doit faire face l'université française, à savoir, d'une part, le manque criant de moyens humains et financiers et, d'autre part, les conditions de vie, de réussite et d'insertion de nos étudiants dans le monde professionnel ? Sera-t-elle à la hauteur de l'objectif essentiel que nous devons viser, c'est-à-dire la démocratisation de l'enseignement supérieur ?

Ces questions soulèvent chez moi des doutes, ainsi qu'un certain scepticisme. Comment pourrait-il en être autrement, d'ailleurs, eu égard non seulement au contexte politique dans lequel cette réforme est menée, mais aussi tout à la fois au calendrier parlementaire qui nous est imposé, aux articles de loi qui nous sont soumis et aux moyens financiers qui seront éventuellement octroyés ?

Scepticisme, disais-je, en raison tout d'abord du contexte politique dans lequel la réforme a été conduite, tambour battant, au pas de course, conformément, en quelque sorte, à l'image de sportivité que nous offre le Président de la République. Une concertation de trois semaines a été lancée mais aucun texte de travail n'a été proposé ; quelques axes devaient être développés, mais il n'existe aucun compte rendu.

Quant aux partenaires consultés, ils n'ont eu que soixante-douze heures pour prendre connaissance de l'avant-projet du Gouvernement et rendre leur copie, le jour même ? soit le 22 juin dernier ? où ce texte passait devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui l'a massivement rejeté.

Ce calendrier, trop serré, a conduit inévitablement à un sentiment de frustration et à une situation de blocage légitime, d'autant que la mouture présentée remettait en cause le caractère national de notre service public de l'enseignement supérieur.

En effet, alors que chacun s'accordait sur la nécessité d'une réforme, cette première mouture consacrait un recul de la démocratie dans les conseils centraux de l'université, en particulier au sein du conseil d'administration, limité à vingt membres, contre soixante actuellement. En outre, on y rendait l'autonomie optionnelle, ce qui revenait à créer une université à deux vitesses, et introduisait une sélection à l'entrée du master.

Madame la ministre, sans vouloir être désobligeant à votre égard, nous avons vu soudain le Président de la République endosser les habits d'un « super secrétaire d'État aux universités » ...

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est votre lecture, monsieur Todeschini !

M. Jean-Marc Todeschini. ... et supprimer les éléments les plus provocants du projet de loi, à la satisfaction de l'UNEF et de la conférence des présidents d'université, afin d'éviter le pire, c'est-à-dire que les étudiants ne descendent dans la rue et que les universités ne soient fermées par leurs propres présidents !

Pour autant, si la disparition des principaux points d'achoppements du texte suscite une certaine satisfaction, votre projet de loi modifié n'emporte toujours pas une forte adhésion. Certes, ce nouveau texte, édulcoré, convient, certes, aux présidents d'université, mais force est de constater que ceux-ci ne font pas preuve d'un grand enthousiasme, alors même qu'ils réclamaient cette réforme !

Les principaux syndicats d'étudiants demeurent circonspects. Les syndicats d'enseignants s'inquiètent toujours, notamment s'agissant de la faculté laissée aux présidents d'université de recruter des personnels contractuels. Et, au bout du compte, comme le relève un syndicat : « le projet de loi n'aura reçu l'approbation d'aucune force importante de la communauté universitaire »

Madame, vous auriez pu être la ministre ayant fait aboutir la réforme des universités, mais vous avez malheureusement gâché votre chance en confondant vitesse et précipitation !

M. Jean-Guy Branger. Mais rien n'avait jamais été fait !

M. Jean-Marc Todeschini. Oui, une telle réforme ne peut se mener qu'en début de législature. Toutefois, madame la ministre, comme vous l'avez reconnu vous-même lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles, une crise sanitaire ou un attentat pourrait renvoyer aux calendes grecques la priorité absolue du Gouvernement, ainsi que les cinq chantiers pourtant essentiels pour l'avenir de notre pays. Vous disposiez d'une fenêtre de tir que vous ne retrouverez pas de sitôt.

Avec les remous suscités tour à tour par la première mouture du projet de loi et l'intervention présidentielle qui s'est ensuivie, on aurait pu penser que la leçon avait été comprise, à savoir qu'il ne faut jamais se précipiter pour réussir une réforme approuvée massivement ! Pourtant, votre gouvernement « remet le couvert » en imposant un calendrier parlementaire inacceptable et qui, je le répète, me laisse sceptique !

Votre méthode de travail ? Proposer un projet de loi rédigé à la va-vite et qui ne respecte pas le rôle du Parlement. (Protestations sur certaines travées de l'UMP.)

Il ne suffit pas d'affirmer haut et fort, à l'instar du Premier ministre : « Je me fais une haute idée du Parlement » ou : « L'opposition n'est pas un adversaire mais un contradicteur nécessaire, et je le souhaite constructif ». Encore faut-il donner à cette opposition les conditions d'un travail constructif, puisque le Gouvernement est maître de l'ordre du jour !

Or, ce n'est assurément pas le cas : nous entamons la discussion de ce projet de loi alors que le rapport de la commission des affaires culturelles n'a été porté à notre connaissance qu'hier. Pire, la commission se réunira seulement ce soir pour examiner des amendements que nous ignorons toujours ! Et, pour couronner le tout, le Gouvernement déclare l'urgence sur ce texte, privant les parlementaires d'une navette législative qui constituerait pourtant une nécessité, tant ce texte, même édulcoré, reste perfectible.

L'article 21 du projet de loi en offre un exemple caricatural, puisqu'il substitue aux actuelles commissions de spécialistes un comité de sélection qui ne satisfait personne. Madame la ministre, vous souhaitez lutter contre le localisme dans le recrutement universitaire, et nous partageons cet objectif. Malheureusement, ce nouveau dispositif institue une procédure très lourde et ne correspond absolument pas au but visé. Il aurait été nécessaire d'approfondir le dialogue sur ce point, afin d'aboutir à une procédure de recrutement plus ouverte, plus juste et plus équilibrée, en évitant ainsi de dresser les corporatismes les uns contre les autres. Mes chers collègues, nous proposerons plusieurs amendements afin de remédier aux aspects néfastes du projet de loi.

Madame la ministre, vos bonnes intentions sont en train de produire les effets inverses de ceux que vous escomptiez. Vous comprendrez dès lors notre scepticisme, qui ne naît pas d'une volonté d'être des opposants bêtes et méchants. Car, non, madame la ministre, je vous l'ai affirmé d'emblée, l'université doit être réformée, c'est là une nécessité dont plus personne ne discute. Elle a besoin d'une loi d'orientation et de programmation, et il aurait fallu lui consacrer, dès ce mois-ci, un collectif budgétaire.

En effet, nous voulons contribuer à améliorer les conditions de vie et de réussite de nos étudiants, traiter de l'échec en premier cycle, de l'orientation et du suivi des étudiants, enfin faire progresser les relations entre les universités et les autres acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche. Notre rôle, dans cet hémicycle, sera de rester vigilants, afin que ces objectifs soient atteints. Nous ne voulons pas d'une loi dont la portée serait excessivement restreinte. Nous souhaitons que ce texte apporte des garanties fortes !

Proposer une loi au rabais pour prétendre avoir fait quelque chose, c'est tromper la communauté universitaire ! Madame la ministre, avec votre gouvernement, c'est « qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse ».

M. René Garrec. C'est vite dit !

M. Éric Doligé. Plutôt, oui !

M. Jean-Marc Todeschini. Qu'importent les termes de ce projet de loi pourvu qu'on fasse croire dans les médias qu'on est parvenu à une réforme forte !

Mais quel crédit peut-on apporter à la politique éducative d'un gouvernement qui, au moment même où il s'engage à accorder davantage de moyens à l'université française, supprime 17 000 postes dans l'enseignement scolaire ? Est-ce en préparant moins bien les élèves dans le secondaire que vous prétendez les faire réussir ensuite à l'université ?

La France est l'un des pays développés qui dépensent le moins pour ses étudiants, soit 1,1 % de son PIB. Voilà l'urgence, madame la ministre !

Oui, cette urgence est d'abord et avant tout budgétaire, car tous les dysfonctionnements de notre système d'enseignement supérieur et de recherche découlent du manque criant de moyens humains et financiers.

L'urgence budgétaire commande, en premier lieu, un rattrapage des universités les moins bien dotées, les plus sous-encadrées et les plus dégradées ; il s'agit de corriger les inégalités entre les établissements avant l'absorption de toute compétence nouvelle.

La même urgence exige, en second lieu, un audit, puis une loi de programmation, afin de financer l'application des dispositions visant à transférer la propriété des bâtiments dévolus aux universités, dont la réhabilitation préalable par l'État s'impose. En effet, la situation de vétusté et d'insalubrité de nombre de ces bâtiments est notoire.

Madame la ministre, comment entendez-vous financer ces travaux massifs de remise à niveau ? La réponse à cette question ne figure pas dans le présent projet de loi. De fait, le risque est grand de voir se développer une université à plusieurs vitesses, dans la mesure où seuls certains établissements auront eu la chance de signer des contrats quadriennaux.

Madame la ministre, le projet de loi que vous nous proposez est loin de répondre à cette urgence budgétaire. Lors du conseil des ministres du 4 juillet dernier, M. Fillon a salué « l'ampleur de la révolution portée par ce texte », mais comment peut-il parler de révolution, alors que le Gouvernement ne prévoit de débloquer que cinq milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2012, soit un milliard d'euros en plus des dix milliards du budget annuel de l'enseignement supérieur et de la recherche ? Avec donc une telle augmentation de 10 %, on est bien loin des 50 % promis par Nicolas Sarkozy durant sa campagne !

Comment le Premier ministre peut-il parler de révolution quand on sait que ce texte, qui s'appliquera dès la rentrée de septembre 2007, ne consacrera aucun euro supplémentaire aux universités avant 2008 ? Pourquoi attendre que les nouveaux crédits promis par le Président de la République soient votés lors de la loi de finances pour 2008, alors que les lois de finances rectificatives et autres collectifs budgétaires se succèdent ?

Comment peut-on parler de révolution quand MM. Sarkozy et Fillon, dans la lettre de mission qu'ils vous ont adressée, madame la ministre, annoncent que les cinq milliards seront finalement des bons points distribués aux établissements les plus méritants ?

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mais non ! Il y aura une évaluation !

M. Jean-Marc Todeschini. Mes chers collègues, on marche sur la tête ! Nos universités doivent être complémentaires, non se concurrencer. La concurrence se joue en effet à l'échelle internationale. Chacune de nos universités doit être compétitive et attractive, mais nos présidents d'université et nos étudiants ne sont pas des ânes que l'on ferait avancer avec des carottes !

Madame la ministre, soit on fait de l'enseignement supérieur et de la recherche une priorité et, dans ce cas, on débloque des fonds immédiatement, soit on attend que les mois passent en douceur, ce qui est a priori la voie que vous avez choisie, celle des fausses bonnes intentions. À ce rythme, nous n'aurons ni le flacon ni l'ivresse !

Pour le groupe socialiste, une réforme de l'université réussie, c'est, premièrement, un collectif budgétaire ; deuxièmement, un travail de concertation de tous les acteurs de l'enseignement supérieur, sur le modèle des états généraux de la recherche ou des assises de l'enseignement supérieur, qui se déroulent en ce moment, afin de mener un dialogue approfondi ; troisièmement, l'élaboration d'un projet de loi de programmation voté avant la fin de l'année 2007 au Parlement.

Aussi, nous proposerons d'ajouter un article préliminaire au projet de loi, adossant ce texte relatif aux libertés des universités à une loi de programmation.

Si cet amendement venait à être rejeté, il y aurait bien une révolution, madame la ministre, mais elle n'aurait rien de positif ! En effet, ce serait la première fois que, durant une session parlementaire courte, un gouvernement institue un bouclier fiscal au bénéfice des privilégiés et, dans le même temps, ne consacre pas un centime à des dépenses d'avenir. Il s'agirait, en tout cas, d'un très mauvais signe envers « le pouvoir de la matière grise » que M. Fillon appelle de ses voeux mais auquel, à peine arrivé au pouvoir, il tourne le dos ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Daniel Raoul. Bien dit !

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, contrairement à ce que vous pouvez penser, je n'exagère en rien. Si j'affirme qu'à ce rythme nous n'aurons ni le flacon ni l'ivresse, c'est parce que, même si nous nous contentons d'un texte édulcoré sur la gouvernance, celui-ci reste déséquilibré.

La question est non pas d'être pour ou contre l'autonomie ? nous y sommes tous favorables ?, mais de définir quel type d'autonomie nous voulons, dans quel cadre et pour quoi faire.

Naturellement, nous souhaitons responsabiliser davantage les présidents d'université, mais c'est à condition qu'il y ait des contreparties : nous pouvons leur offrir un certain nombre de pouvoirs, mais des contre-pouvoirs doivent être prévus.

Par exemple, si l'on souhaite accorder aux présidents d'université un droit de veto sur toutes les affectations dans leur établissement, il est nécessaire, nous semble-t-il, qu'un système de contrôle des affectations soit mis en place. Il ne s'agirait que d'un avis, mais cette procédure présenterait l'avantage de rendre publiques les affectations et, ainsi, d'éviter toute décision discrétionnaire.

Trois contreparties, au moins, doivent accompagner la plus grande responsabilisation des présidents d'université : plus de démocratie interne, un renforcement de l'évaluation interne ? il faut que le président rende des comptes sur l'exécution du contrat d'établissement ? et un renforcement du contrôle a posteriori exercé par l'État.

Mais il existe un autre déséquilibre dangereux. Si, en matière de recrutement, notre système peut avoir besoin de plus de souplesse, cela concerne surtout les « hautes pointures », c'est-à-dire les chercheurs étrangers reconnus, soit un nombre de personnes limité. Aussi est-il primordial, dans ce texte, de ne pas faire l'amalgame entre les recrutements temporaires « hors normes » ou « de luxe », oserai-je dire, c'est-à-dire ceux qui sont réalisés selon des procédures spécifiques, et les recrutements définitifs.

Or le recrutement de contractuels visé à l'article 16 du présent projet de loi risque d'entraîner un déséquilibre entre les corps et un nivellement par le bas des recrutements. De plus, comme le relève la conférence permanente du Conseil national des universités, ces procédures de recrutement « portent atteinte au principe de recrutement par concours, de la collégialité et au principe constitutionnel d'indépendance des professeurs d'université ». Mes chers collègues, nous reviendrons longuement sur cette question, qui est essentielle pour nous.

Je laisse à mes collègues le soin de développer les autres enjeux que recèle ce texte.

Madame la ministre, ce texte aurait dû être non pas votre premier chantier, mais bien le dernier. Il aurait dû constituer l'aboutissement des réflexions sur les dispositifs à mettre en place pour lutter contre l'échec en premier cycle et pour la démocratisation, pour favoriser l'orientation et le suivi des étudiants.

Cela aurait eu du sens.

En effet, la première urgence d'une politique volontariste de l'enseignement supérieur, c'est la lutte contre l'échec scolaire, véritable gâchis humain et économique ! Nous aurons l'occasion d'y revenir, madame la ministre, car nous vous proposerons un amendement sur ce sujet afin d'ouvrir la discussion sur l'un des enjeux que votre texte élude.

Madame la ministre, l'ennemi de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est la précarité. Hélas ! votre texte et, derrière lui, votre gouvernement semblent l'ignorer.

Pour conclure, je réaffirme que nous sommes favorables à une réforme de l'université et que nous voulons participer de façon constructive à l'amélioration de l'enseignement supérieur et de la recherche. Aussi, loin de rejeter l'autonomie des universités que prévoit ce projet de loi, nous, sénateurs socialistes, déterminerons le sens de notre vote en fonction de la volonté de dialogue dont témoignera le Gouvernement.

Nous entendons obtenir des garanties concernant des points majeurs, comme la prise en compte de la réalité et de la diversité des coûts supportés par chaque université et, surtout, les dispositions ayant trait aux statuts des personnels, c'est-à-dire l'article 16. Cet article, je l'ai déjà dit, nous pose un réel problème : les procédures de recrutement qui y sont envisagées conduiront les universités à affronter des pressions politiques et économiques encourageant localisme, cooptation et mandarinat. Cela n'est pas pensable, cet article doit donc être corrigé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un peu plus d'un an nous votions la loi de programme pour la recherche et nous regrettions que l'université soit la grande absente de cette réforme. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous sommes satisfaits de voir arriver ce débat sur la réforme et l'autonomie des universités, réforme tant de fois différée au cours des deux dernières décennies.

Avant d'entrer dans le coeur du sujet, je formulerai quelques observations sur les conditions d'examen du texte. Nous ne contestons nullement la rapidité avec laquelle la concertation a été menée, puisque le Gouvernement a su reporter la présentation du texte en conseil des ministres. Ce délai a permis de tenir compte des remarques de la communauté universitaire et, ainsi, d'améliorer substantiellement le projet de loi.

Toutefois, nous trouvons les conditions d'examen du texte dommageables pour la qualité du travail parlementaire. En effet, la version définitive du projet de loi ne nous ayant été transmise que jeudi dernier, une partie de nos auditions ont porté sur une version provisoire du texte. En outre, nous n'avons eu connaissance du rapport de la commission qu'hier matin. Autant dire que nous n'avons pas pu analyser avec tout le soin que nous aurions souhaité le travail de notre collègue rapporteur. Cela a une incidence sur notre capacité à déposer des amendements.

La revalorisation du Parlement, thème repris ces dernières semaines par le Président de la République et par le Premier ministre, passe aussi par des conditions correctes d'examen des textes qui sont présentés aux parlementaires. Si nous avons le temps d'étudier attentivement les dispositions, la qualité de notre travail n'en sera que meilleure, madame la ministre !

S'agissant de l'université, quel est le constat aujourd'hui ? Seuls 37 % d'une classe d'âge accèdent à la licence, alors que la moyenne de l'OCDE est de 53 %. Chaque année, 90 000 jeunes quittent l'université sans avoir obtenu de diplômes. Les débouchés professionnels ne sont pas à la hauteur. Enfin, pour trop d'étudiants, le chômage reste la seule issue.

Tout le monde s'accorde sur le diagnostic. La France a maltraité son université depuis des années : les moyens qui lui sont alloués sont notoirement insuffisants ; nos doctorants les plus brillants et nos meilleurs chercheurs quittent notre pays pour trouver des conditions de travail et des rémunérations à la hauteur de leurs talents et de leurs compétences ; le niveau de notre recherche baisse dans les classements internationaux ; nos universités manquent de visibilité internationale du fait de leur émiettement ; la formation de nos élites est assurée par les grandes écoles, lesquelles se consacrent insuffisamment à la recherche.

M. Daniel Raoul. C'est vrai !

Mme Catherine Morin-Desailly. Or un pays qui se préoccupe de son avenir doit se soucier de ses jeunes, en particulier de leur formation.

Nous consacrons peu d'argent à la formation de nos étudiants, nettement moins que les pays avec lesquels la comparaison est pertinente. Par ailleurs, dans l'économie de la connaissance qui vient de s'ouvrir, la compétition économique mondiale se joue précisément sur le terrain de la formation, de la qualité de l'enseignement supérieur et du dynamisme de la recherche.

C'est pourquoi une réforme est indispensable pour permettre aux universités françaises d'affronter les défis de demain.

Si le projet de loi vise ? je reprends vos propres termes, madame la ministre ? à « permettre à toutes les universités d'affirmer leur excellence scientifique et [à] offrir aux étudiants les conditions d'une réussite sociale et personnelle fondée sur le travail et le mérite », je note ? vous l'avez vous-même affirmé ? que la réforme que vous nous présentez aujourd'hui concerne principalement la gouvernance et l'autonomie des modes de gestion de l'université.

Certes, ce n'est pas la grande réforme de l'université que souhaitaient certains : on l'aura remarqué, certains sujets ne sont pas traités dans ce texte. Le projet de loi contient cependant diverses mesures qui sont les prémices des réformes sur lesquelles vous vous êtes engagée. L'autonomie n'est bien qu'un outil, qu'un moyen : elle forme le socle, une première étape dans la rénovation globale de notre système d'enseignement supérieur et de la recherche.

Comme chacun sait, et comme le souligne dans son rapport notre collègue Jean-Léonce Dupont, cette réforme ne sera profitable qu'à la condition que d'autres réformes de l'université soient engagées rapidement ? lutte contre l'échec en premier cycle, revalorisation des carrières enseignantes, conditions de vie des étudiants, pour n'en citer que quelques-unes ? et que les moyens financiers soient au rendez-vous. J'y reviendrai.

L'autonomie des universités est une condition première de l'efficacité et de la réussite. Nous saluons donc les améliorations réelles que comporte le projet de loi en matière de gouvernance. En resserrant le conseil d'administration et en lui donnant une fonction plus stratégique, d'une part, en accordant au président d'université une autorité renforcée et en lui confiant un rôle plus actif dans le management de ses équipes, d'autre part, le texte donne les moyens d'un véritable pilotage des universités.

Il est, en effet, nécessaire de simplifier, de clarifier et de rendre plus efficaces les procédures de décision dans l'université. En ayant su écouter les présidents d'université et les représentants des étudiants, madame la ministre, vous avez levé les inquiétudes sur « l'autonomie à la carte », qui aurait inévitablement conduit à des universités à plusieurs vitesses. Nous espérons que le délai de cinq ans qui a été fixé permettra à l'ensemble des universités de se doter de responsabilités et de compétences élargies en matière budgétaire comme en matière de gestion des ressources humaines.

Enfin, il nous semble plus raisonnable que le transfert et la gestion des bâtiments universitaires restent optionnels et soient accordés aux universités sur leur demande, étant donné l'état inégal de ce patrimoine et la charge financière importante qu'il représente.

Sur plusieurs points toutefois, il nous semble que le projet de loi peut encore être amélioré, sans qu'en soit pour autant dénaturé l'esprit. Ainsi, si nous approuvons globalement la composition du conseil d'administration et les nouvelles missions qui lui sont confiées afin d'en faire un lieu de décision stratégique, deux questions méritent d'être posées. La première porte sur le mode de scrutin pour l'élection des représentants des enseignants-chercheurs au conseil d'administration, qui ne nous semble pas à même d'assurer une représentation pluraliste des secteurs de formation et des courants d'opinion. La seconde a trait au statut des personnalités extérieures et à leur rôle dans l'élection du président.

L'autonomie doit également se traduire par une décentralisation interne, afin que les décisions se prennent au plus près des acteurs, au sein des unités de formation et de recherche. Il convient aussi, à notre avis, de garantir une qualification académique suffisante au président de l'université puisque, en plus de détenir les pouvoirs de gestion, il exerce le pouvoir académique. C'est pourquoi, comme le demandent les représentants des enseignants-chercheurs, nous souhaitons préciser que le président de l'université est nécessairement un enseignant-chercheur.

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. En outre, en ce qui concerne les procédures de recrutement des enseignants-chercheurs, il nous semble utile de rassurer ces derniers en apportant plusieurs modifications au texte, afin de garantir la qualification scientifique du personnel enseignant recruté de façon dérogatoire. Nous proposerons ainsi d'exclure de cette nouvelle procédure le cas des agrégations de l'enseignement supérieur, de revoir la composition du comité de sélection nouvellement créé et de limiter le droit de veto accordé au président de l'université en matière d'affectation du personnel enseignant.

Enfin, s'agissant des facultés de médecine, nous souhaitons qu'une solution équilibrée soit trouvée qui tienne compte de leur spécificité, notamment en matière d'affectation des emplois d'hospitalo-universitaires.

L'orientation et l'insertion professionnelles, qui constituent un autre sujet essentiel à nos yeux, sont enfin reconnues comme l'une des missions du service public de l'enseignement supérieur. Nous savons que deux tiers des étudiants de première année auraient préféré être inscrits dans une autre filière et que 50 % des étudiants estiment ne pas avoir été suffisamment informés avant de choisir leur formation. D'ailleurs, près de 60 % des étudiants ne terminent pas les études qu'ils ont commencées.

En premier cycle, le taux d'échec est de 50 %. Ce chiffre, par sa globalité, cache une réalité plus complexe. Les étudiants titulaires d'un baccalauréat général réussissent leur premier cycle à l'université, puisque plus de 80 % d'entre eux passent le cap et accèdent au deuxième cycle.

Ce sont essentiellement ceux qui, après avoir obtenu un baccalauréat professionnel ou technologique, s'aventurent à l'université qui rencontrent des difficultés. C'est pour eux que l'orientation est la plus défaillante : ces bacheliers vont à l'université par défaut, sans connaître les disciplines dans lesquelles ils s'inscrivent, sans en connaître les débouchés et, surtout, sans y être préparés. Alors qu'ils se destinaient à des études courtes, ils choisissent ? en fait, ils n'ont pas le choix ! ? d'aller à l'université, seule filière non sélective de l'enseignement supérieur, puisque les IUT et les STS sont devenus des filières sélectives au même titre que les classes préparatoires.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Hélas !

Mme Catherine Morin-Desailly. C'est la raison pour laquelle je crois nécessaire la mise en place d'un système d'orientation active pour les étudiants qui connaissent aujourd'hui une sélection par l'échec. La volonté de renforcer considérablement la politique et les instruments d'orientation professionnelle se traduit par l'instauration d'une procédure de préinscription des étudiants pour l'accès à l'université. Elle leur permettra de bénéficier du dispositif d'information et d'orientation dudit établissement. Il est en effet indispensable d'informer les étudiants des débouchés professionnels, du type d'études, du nombre de postes, auxquels les conduisent les filières qu'ils choisissent.

Néanmoins, madame la ministre, je souhaiterais que vous nous expliquiez en quoi consiste cette procédure et en quoi elle permet de mieux orienter les étudiants, afin de rassurer ceux qui pourraient y voir une sélection déguisée. Cette politique d'orientation active proposée dès le lycée devra être un élément central du futur texte sur la lutte contre l'échec dans le premier cycle universitaire, qui est une urgence.

Le semestre d'orientation existe déjà à l'université : il vise à permettre à des étudiants de « bifurquer » quand ils se rendent compte qu'ils se sont trompés de filière ou de voie professionnelle. Il faut aller plus loin. Pourquoi ne pas envisager la terminale comme une classe préparatoire à l'enseignement supérieur, une sorte de propédeutique, c'est-à-dire une année de passage vers l'autonomie dans les études et la découverte du travail personnel ? Pourquoi ne pas s'inspirer du modèle américain où les étudiants suivent un enseignement généraliste au cours des deux premières années avant de se diriger vers les domaines pour lesquels ils démontrent une aptitude particulière ? Ce sont là quelques pistes de réflexion.

Il faut aussi considérer l'accompagnement des étudiants en première année, qui est la plus difficile. L'université manque de tuteurs, d'aides-bibliothécaires, de répétiteurs, de moniteurs, d'accompagnateurs ; tous ces services pourraient être assurés par des étudiants plus âgés. Ces soutiens rendraient également plus accueillante l'université et amélioreraient la qualité de vie sur les campus. Je note avec satisfaction que l'article 18 du projet de loi va dans ce sens en prévoyant le recrutement d'étudiants par le président précisément pour assurer ces services.

Je terminerai par le plus important, les moyens financiers. Le Président de la République s'est engagé sur une augmentation des moyens pour l'enseignement supérieur de cinq milliards d'euros sur cinq ans. C'est un engagement déjà important, même s'il ne représente pas une augmentation de 50 %, puisque le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche est de vingt milliards d'euros.

L'effort de rattrapage que nous avons à accomplir est énorme.

Vous nous l'avez rappelé, madame la ministre, notre pays investit moins que ses concurrents dans l'enseignement supérieur : il dépense moins pour un étudiant que pour un lycéen, et presque moitié moins pour un élève de classe préparatoire. Ces chiffres placent la France au quinzième rang sur vingt-trois au sein de l'OCDE.

Ce sous-investissement chronique dans l'enseignement supérieur conduit à la misère des universités françaises ? bâtiments dégradés, locaux fermés, installations sportives vétustes, services administratifs indigents, bibliothèques insuffisantes ? et aux résultats que révèlent les classements internationaux, si critiquables soient-ils.

Nous pensons qu'il serait intéressant de mettre en oeuvre un pacte d'investissement pour l'enseignement supérieur sur dix ans engageant l'ensemble des partenaires responsables, afin de porter l'investissement, par étudiant, au niveau de la moyenne des pays les plus performants de l'OCDE, ce qui signifie un objectif de doublement en dix ans. Cela sera nécessaire eu égard à la stratégie de Lisbonne, qui a notamment retenu l'objectif suivant : l'accès de 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence en 2010, alors que, je le disais en commençant, nous en sommes seulement aujourd'hui à 37 %.

Engager les universités sur la voie de l'autonomie, c'est aussi leur donner la possibilité d'accroître leurs ressources propres, ce qui est indispensable. À cet égard, les dispositions relatives aux fondations que vous proposez vont dans le bon sens, madame la ministre. Je tiens à ajouter que la réflexion sur les frais d'inscription des étudiants ne doit pas être taboue mais doit être engagée en complément d'une véritable refonte du système des bourses et des aides sociales étudiantes. On sait bien aujourd'hui que la gratuité pour tous est, en réalité, le plus souvent un cadeau fait aux riches. Nombre d'études le montrent.

Cet investissement massif sera en tout cas nécessaire si nous voulons entreprendre la revalorisation des carrières enseignantes et des jeunes chercheurs. Le projet de loi fait un premier pas dans cette direction en prévoyant un système de primes et des dispositifs d'intéressement. Ces dispositifs doivent permettre de conserver les chercheurs les plus brillants et d'attirer les enseignants-chercheurs étrangers dans nos universités françaises.

Par ailleurs, il est important de réfléchir à la répartition des obligations de service des enseignants-chercheurs entre les activités d'enseignement, de recherche et les tâches notamment administratives pour permettre aux jeunes docteurs de se consacrer pleinement à leurs activités de recherche.

Aux termes du projet de loi, le conseil d'administration pourra mieux répartir ces obligations. Mais ce ne sera pas suffisant : il faut réfléchir plus globalement à la place de la recherche et de l'enseignement supérieur dans notre société. Les doctorants, les enseignants-chercheurs, les chercheurs des grands organismes sont mal rémunérés en comparaison de leurs collègues américains ou européens. Un récent article a montré les difficultés auxquelles sont confrontées les universités françaises pour attirer vers elles et pour s'attacher les meilleurs d'entre eux, faute de rémunérations suffisantes.

Il s'agit donc de rendre plus attractives les carrières universitaires en améliorant les conditions de travail et en repensant les carrières enseignantes.

Il s'agit aussi de faire en sorte de valoriser les activités de recherche en France, par exemple, en reconnaissant que l'université et les grades les plus élevés qu'elle délivre sont aussi des voies de formation des élites dirigeantes de notre pays.

Dans les autres pays occidentaux, l'université et la recherche sont considérées comme la voie normale de sélection et de formation des futurs responsables de la nation.

Autant dire, madame la ministre, que nous sommes impatients de travailler avec vous dès l'automne prochain pour élaborer les textes de loi qui concrétiseront l'ensemble des chantiers que vous avez ouverts.

Nous serons aussi, comme nous l'avons dit, très attentifs à la traduction des engagements budgétaires du Président de la République dès la discussion du projet de loi de finances pour 2008. On ne saurait trop le répéter : sans cet engagement financier massif, la réforme de la gouvernance et de l'autonomie des universités ne servirait pas à grand-chose.

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. Je veux, au terme de mon intervention, remercier les membres de la commission des affaires culturelles, son président et son rapporteur, notre collègue Jean-Léonce Dupont, de la qualité de leur travail sur ce projet de loi. C'est une prouesse quand on songe aux délais qui leur ont été impartis ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le candidat Nicolas Sarkozy avait promis de considérer comme prioritaire le développement d'universités puissantes et autonomes.

Le Gouvernement tient l'engagement du nouveau Président de la République en nous présentant, dès le début de la session extraordinaire, un projet de loi qui veut donner enfin aux universités l'autonomie seule susceptible de leur permettre de jouer un rôle central dans la formation et l'effort de recherche. C'est la première étape d'une réforme ambitieuse de l'enseignement supérieur que nous attendions depuis longtemps.

Il s'agit donc de réformer nos universités. L'ensemble du monde universitaire ressent profondément la nécessité du changement, car l'organisation globale de notre enseignement supérieur a très peu évolué depuis vingt ans, alors que nos universités ont dû faire face à la massification de l'enseignement et que la mondialisation nous impose aujourd'hui de relever de nouveaux défis.

La France peut se féliciter d'avoir permis une réelle démocratisation de l'enseignement, tant secondaire que supérieur, mais trop de jeunes quittent aujourd'hui l'université dans une situation d'échec, sans diplôme, et trop nombreux sont les diplômés qui ont du mal à trouver un travail stable.

Oui, il est urgent, très urgent de mettre un terme à ce gâchis financier et surtout humain.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Jacques Legendre. De plus, le sentiment prévaut que la France, dans ce domaine, n'est plus tout à fait dans la course. L'université française a perdu une partie de son rayonnement.

On peut discuter de la justesse du classement de Shanghai, souvent cité, mais quelles que soient les critiques que l'on peut adresser à la méthodologie retenue pour opérer ce classement, ce dernier révèle bien nos faiblesses et doit nous servir d'alarme. C'est non seulement l'avenir de notre système éducatif qui se joue, mais aussi le potentiel d'innovation de notre pays, sa compétitivité, ses emplois, son rang dans le monde.

M. Jacques Legendre. Si nous voulons redonner à l'université française son prestige, il est nécessaire de lever au plus vite les points de blocage et de remettre en question la tradition centralisatrice française. Nos établissements se trouvent dans un carcan qui les empêche d'évoluer. Une partie de ce qui est essentiel pour leur vie leur échappe. Grâce au projet de loi qui nous est soumis, ils vont pouvoir accéder à l'autonomie, une autonomie qui sera surtout le moyen d'engager d'autres réformes.

Il est regrettable que notre pays ait pris du retard sur cette question, les précédentes tentatives législatives n'ayant pas abouti. Certains ont voulu voir dans l'autonomie la concurrence entre universités et un risque de développement inégalitaire. Pourtant, partout dans le monde, le succès des systèmes publics d'enseignement supérieur repose sur des universités autonomes. Faut-il craindre le jeu de la concurrence au point de demeurer dans un système archaïque, faussement égalitaire, mais parfaitement bureaucratique ? Je pense, par exemple, à nos longues procédures de recrutement des personnels, déconnectées des besoins réels. Dans un monde de compétition, il faut de la mobilité, une adaptation constante, que les systèmes centralisés ne permettent pas.

Lorsque l'on vise l'efficacité, il faut faire confiance à l'esprit de responsabilité. J'observe que cette vérité semble enfin largement reconnue. Il faut s'en réjouir. Madame la ministre, votre projet de loi initial tendait à proposer aux universités d'opter pour un régime d'autonomie, d'oser l'autonomie. Vos interlocuteurs syndicaux, qui furent aussi nos interlocuteurs lors des auditions auxquelles a procédé la commission des affaires culturelles, ont exigé l'autonomie pour tous, et vous la leur accordez. Je m'en réjouis, bien évidemment. Quelle belle évolution !

Pour que nos universités accèdent à l'autonomie, se pose, tout d'abord, la question de la gouvernance, car le développement des responsabilités suppose que ces dernières puissent être correctement exercées.

Actuellement, la gouvernance de nos universités est pour le moins atypique, si on la compare à celle de leurs homologues étrangers ou aux grandes écoles françaises.

Tout d'abord, le conseil d'administration, en comprenant de trente à soixante  membres selon l'établissement, ne peut être une véritable instance de décision ; il aborde de nombreux sujets, d'une importance variable, ce qui le ralentit et dissuade rapidement les personnalités qualifiées d'y participer.

Le président de l'université, quant à lui, est désigné par une assemblée qui rassemble les trois conseils : conseil d'administration, conseil scientifique, conseil de la vie universitaire, soit entre soixante-dix et cent quarante membres ! Par conséquent ? vous l'avez rappelé ?, il faut parfois attendre plusieurs mois et jusqu'à une vingtaine de tours de scrutin pour connaître le nom du président.

M. Jacques Legendre. Le mandat de ce dernier n'est pas renouvelable, ce qui réduit l'implication qu'il peut avoir dans les projets de l'établissement et empêche le suivi d'une ligne directrice. Il dispose de pouvoirs limités, qui ne lui permettent pas de jouer totalement son rôle exécutif ; il en résulte une prise de décision lente et un manque de cohérence de la politique de l'université.

Certes, le système est perçu comme démocratique, mais il manque d'efficacité et n'est pas concurrentiel. L'université, qui a pourtant pour elle sa masse et la qualité de sa recherche, voit souvent sa position minorée, du fait même de son absence de réelle stratégie. Il n'est pas rare que, lors d'une discussion avec une collectivité territoriale, le directeur d'une petite école d'ingénieurs pèse, de fait, plus lourd que le président d'université. La réactivité de la gouvernance des écoles est un avantage concurrentiel indéniable, et ce qui est vrai au plan national est encore plus éclatant au plan international.

Le projet de loi fait du conseil d'administration un organe stratège, resserre sa composition, tout en respectant les grands équilibres qui assurent la participation des enseignants-chercheurs, des étudiants et du personnel. Cette instance sera plus ouverte sur le monde extérieur, en particulier sur les entreprises, employeurs des futurs diplômés, et sur la région, qui était la grande absente du conseil d'administration. Je m'associe d'ailleurs au souhait de la commission des affaires culturelles de prévoir un représentant supplémentaire des collectivités territoriales, tant l'implication des acteurs locaux est décisive.

De ce point de vue, permettez-moi de formuler une mise en garde contre une composition qui ignorerait, peut-être, la représentation des antennes au niveau des collectivités territoriales. La France, qui a su développer les sites universitaires de proximité, s'est en effet ainsi dotée d'un atout supplémentaire. C'est également un atout pour la démocratisation. Il faudra veiller à ce que l'évolution proposée ne se traduise pas pour les villes moyennes par une difficulté à faire reconnaître la place de leur enseignement supérieur dans le dispositif français.

En outre, les comités techniques paritaires devraient constituer le lieu privilégié d'un vrai dialogue social.

Le président, élu par le conseil d'administration, sera porteur d'un projet pour l'université et aura un rôle d'animateur d'équipe, avec davantage de légitimité et d'autorité. Une tendance internationale forte consiste à recruter comme président une personnalité ayant fait la preuve d'un grand talent de manager, sans exigence de nationalité ni d'appartenance au corps des enseignants-chercheurs. Je me réjouis que nous soyons aujourd'hui dans une logique de résultats. Une gouvernance solide inspirera confiance à toutes les parties prenantes, qu'il s'agisse des étudiants, des pouvoirs publics centraux et locaux ou des entreprises. (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste.)

Dans notre pays, certaines formations universitaires ont déjà tenté de s'émanciper des règles de gouvernance. Ainsi, les IUT, les écoles d'ingénieurs attachées à une université ou les instituts spécialisés ont réussi à obtenir certaines dérogations en matière de gouvernance. Relevons, par exemple, des droits d'inscription plus élevés, des instances dirigeantes quasi autonomes ou encore une sélection à l'entrée, comme celle qui est pratiquée à l'université de technologie de Compiègne ou à l'université Paris IX-Dauphine. Si le projet de loi ne saute le pas ni de la sélection, ni du droit d'inscription, il permet néanmoins des avancées importantes en donnant de nouvelles responsabilités aux universités, et tout d'abord en matière financière, avec l'établissement d'un budget global.

Ensuite, en matière de gestion des ressources humaines, les universités pourront recruter l'ensemble de leurs personnels, y compris le personnel administratif et les enseignants, avec la responsabilité de le faire au rythme de leurs besoins. Je me réjouis de cette avancée, car la gestion des personnels et le choix des candidats étaient soumis à une grande rigidité.

Enfin, les universités acquerront des responsabilités en matière de gestion de leur patrimoine, notamment immobilier. Concernant ce dernier point, je souhaite attirer votre attention sur l'état médiocre de nos établissements, qui sont même quelquefois hors normes de sécurité, et je souhaiterais entendre vos propositions, madame la ministre, puisque les conditions de travail à l'université seront l'un de vos prochains chantiers.

En obtenant la gestion de leur parc immobilier, nos universités vont gagner en souplesse, mais elles devront également réaliser un travail considérable, ce qui implique des risques financiers importants. Il faudra être particulièrement attentif aux difficultés des plus petites universités.

Je souhaite maintenant évoquer les ressources dont vont disposer nos universités.

L'enseignement supérieur et la recherche doivent être une priorité budgétaire de l'État. Les membres de mon groupe ont noté avec satisfaction l'engagement pris par le Président de la République d'augmenter le budget qui leur sera consacré de manière très importante, c'est-à-dire de 50 % sur cinq ans, soit cinq milliards d'euros.

Mais il serait illusoire de prétendre que le financement public peut permettre à lui seul de régler le problème du sous-financement des universités françaises.

Il est indispensable de diversifier les sources de financement pour augmenter significativement les moyens alloués à l'enseignement et de stimuler les financements privés sous toutes leurs formes. Par exemple, les universités françaises ne proposent pas, ou trop peu, de formations ou de cours payants en ligne, de locations de salles, de chaires d'entreprise.

Les donations sont particulièrement réduites par rapport à celles que l'on peut observer, notamment, aux États-Unis. Je me réjouis donc que ce projet de loi vise à développer le mécénat d'entreprise et à permettre aux universités de créer des fondations qui bénéficieront de conditions fiscales favorables.

J'évoquerai maintenant un autre point sur lequel j'aimerais vous entendre vous exprimer publiquement, madame la ministre.

À juste titre, vous avez déploré le recul de l'attractivité des universités françaises. Certes, nous accueillons encore de nombreux étudiants étrangers. Et il est normal que les étrangers boursiers du gouvernement français soient accueillis dans nos universités aux mêmes conditions que les étudiants français.

Mais l'enseignement supérieur, dans un monde globalisé, est devenu un marché concurrentiel. Des étudiants étrangers, auxquels nous ne sommes redevables en rien, pourraient trouver intérêt à venir étudier à leurs frais chez nous, si nous savons dispenser des enseignements reconnus internationalement et, aussi, les accueillir dans de bonnes conditions matérielles.

Dans certains pays ? je pense en particulier à l'Australie ?, l'accueil à titre onéreux d'étudiants étrangers est devenu un élément important de la balance commerciale. Sans aller jusque-là, nous devons avoir la volonté d'attirer et de former. Notre résolution d'améliorer notre rang dans le classement de Shanghai trouve là aussi sa raison d'être. Mais il est temps de le vouloir très fortement, car il s'agit d'un élément essentiel du rayonnement futur de la France, qui doit se convertir, pour nos universités aussi, en ardente obligation.

Comme vous l'avez souligné, madame la ministre, l'autonomie des universités est nécessaire mais pas suffisante. En lançant la concertation sur la réforme de l'enseignement supérieur, vous aviez résumé ainsi le problème : « L'autonomie, d'accord ! Mais pour quoi faire ? »

Le texte que nous allons adopter permettra de réformer en profondeur le système universitaire, autour des cinq chantiers que vous avez décrits. C'est avec confiance que nous vous apporterons notre soutien.

Nous serons particulièrement attentifs aux solutions qui pourront être envisagées pour remédier à l'échec constaté dans le premier cycle universitaire : en 2004, seulement 47 % des étudiants de première année sont passés en deuxième année, alors que 28 % redoublaient et que 24 % sortaient du système universitaire. Au total, seuls 59 % des étudiants français entreprenant des études universitaires les achèvent avec un diplôme, ce qui représente onze points de moins que la moyenne des pays de l'OCDE.

Il sera donc essentiel, comme vous l'avez expliqué, madame la ministre, de revoir totalement la question de l'orientation et de l'information. Pour corriger très en amont les mauvaises orientations, il est indispensable d'améliorer l'information des lycéens et des étudiants, de mieux définir les parcours de formation et d'insertion professionnelle et d'amplifier les échanges entre les acteurs du second degré et des universités.

Lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, j'avais d'ailleurs proposé au Sénat d'adopter un amendement au rapport annexé, qui visait à prévoir que « les universités et les établissements d'enseignement supérieur font connaître les acquis préalables qu'ils estiment nécessaires à la réussite des étudiants dans les filières dont ils ont la charge. Ces informations sont portées à la connaissance des lycéens. »

Hélas, le rapport annexé a été supprimé pour des raisons de procédure par le Conseil constitutionnel, et le problème demeure. Il nous faut maintenant le régler, dans l'intérêt des étudiants et de la nation.

Madame la ministre, votre projet de loi est nécessaire. Il marque le début de la reconstruction de notre enseignement supérieur. Le groupe de l'UMP, soyez-en sûre, vous accompagnera avec détermination dans cet indispensable effort. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord féliciter M. le rapporteur, ainsi que l'ensemble de la commission des affaires culturelles et les orateurs qui se sont succédé à cette tribune. Je pense en particulier à M. Legendre, qui a précisément mis l'accent sur l'urgence et la nécessité d'un tel texte.

La réforme des universités, c'était l'Arlésienne ! Pour l'essentiel, la situation actuelle remonte aux turbulences de 1968, avec la loi Faure, dont les principales dispositions se sont retrouvées dans la loi Savary.

Avec le texte élaboré par François d'Aubert, et repris, sur mon initiative, par la commission des affaires culturelles du Sénat, puis par Claude Allègre, nous avons essayé d'ouvrir une nouvelle voie.

Par ailleurs, l'an dernier, à l'occasion de l'examen du projet de loi de programme pour la recherche, un certain nombre de points ont été évoqués. Nous avions, en particulier, présenté un amendement visant à expérimenter une gouvernance nouvelle des universités. Malheureusement, le ministre de l'époque a écarté cette possibilité d'expérimentation, au motif que le texte n'était pas consacré aux universités. Nous aurions pu démontrer que cette voie est particulièrement intéressante dans les universités ayant mis en place un pôle de recherche et d'enseignement supérieur, dispositif comparable aux formules adoptées par nos partenaires étrangers.

Bien que la compétition internationale se soit accrue, notre système éducatif reste attractif, car il possède une éthique, des valeurs, des compétences et suscite des dévouements que beaucoup nous envient. Cependant, il n'a ni souplesse, ni lisibilité, ni capacité de libérer les énergies et de faciliter l'émergence d'équipes. Il faut avoir, comme moi, participé à des conseils de perfectionnement dans des écoles et à des conseils d'université pour savoir que ces structures n'ont rien à voir entre elles ! C'est le jour et la nuit !

D'un côté, il y a un véritable pilotage, de réelles capacités d'action ; de l'autre, au contraire, on ne fait que bavarder pendant des journées entières. Ce n'est donc pas la peine de chercher à y intégrer des personnalités extérieures, car, bientôt dégoûtées, elles cessent progressivement de participer à des discussions sans fin où elles ne se sentent pas à leur place parce qu'il n'y est jamais question de stratégie.

Or voici enfin un texte consacré aux stratégies ! Il est d'autant plus nécessaire que, si différents phénomènes tels que l'émergence de la Chine, de l'Inde, du Brésil, de l'Afrique du Sud, la puissance financière des pays du Golfe, la menace pour l'économie mondiale du déficit structurel du commerce extérieur américain, renforcent un certain nombre d'inquiétudes, ils font également naître des opportunités, en particulier pour notre enseignement supérieur et pour l'attractivité de la France et de l'Europe.

L'évolution vers un monde multiculturel et multipolaire, la naissance de nouvelles priorités, notamment en matière de développement durable, de coopération européenne renforcée et de coopération euro-méditerranéenne, voilà des opportunités phénoménales dont le Gouvernement a compris l'importance et qu'il nous faut saisir. C'est dire si libérer les énergies est urgent et indispensable !

Certains, à juste titre, se sont plaints que le Parlement n'ait pas disposé de beaucoup de temps pour examiner ce texte. Mais faut-il attendre une autre rentrée universitaire ? Ce n'est pas pensable, d'autant moins que le présent projet de loi sur la gouvernance des universités n'est qu'un premier pas, qui sera suivi d'autres.

Il fallait bien commencer, et tous ceux qui s'intéressent à l'université et qui sont en contact avec l'institution sont d'accord pour reconnaître qu'il fallait commencer par là. C'est ainsi que ce projet de loi se fait l'écho d'une demande formulée de longue date par la conférence des présidents d'université, laquelle a été auditionnée à différentes reprises par la commission des affaires culturelles. Quant à l'Académie des sciences, voici en quels termes elle a formulé son avis s'agissant des universités : « Il faut leur assurer une gouvernance rénovée qui donne une place importante aux enseignants-chercheurs de haut niveau, et aux personnalités extérieures dont le nombre devrait être significativement relevé, pour leur permettre de mener une stratégie à long terme, tout en laissant une place suffisante aux représentants des étudiants et des diverses catégories de personnels qui devraient être élus au scrutin uninominal. À cet égard, il est essentiel que le président de l'université soit élu par l'ensemble des membres du conseil d'administration. »

Ainsi, à juste titre, me semble-t-il, l'Académie des sciences récuse le mode d'élection du conseil d'administration prévu par le projet de loi en évoquant un scrutin uninominal. Le scrutin de liste est, à mon sens, inadapté pour le collège des professeurs, maîtres de conférences et assimilés. Je crains qu'il ne conduise un certain nombre d'universités à devenir prisonnières d'une minorité très active.

Tout le monde comprendra que je vise ici les personnes qui, par dogmatisme, n'aiment ni l'excellence scientifique ni l'innovation. Certaines, en effet, sont réfractaires à l'idée même d'excellence, qui leur paraît antidémocratique, car insuffisamment égalitariste, et réfractaires à la notion d'innovation, qui leur semble, et ils n'ont pas tort, liée à l'utilisation par le monde économique et la société des résultats des recherches fondamentale et appliquée.

Toutefois, si une telle dérive est à craindre, elle n'est pas l'objet du présent projet de loi. Elle pourrait cependant en être une conséquence perverse, si le scrutin de liste donnait la majorité à ces dogmatiques.

Un tel effet pervers se retournerait d'ailleurs contre les usagers, c'est-à-dire contre les étudiants. Les universités concernées, faute d'accéder à l'excellence et d'attirer les meilleurs esprits, ne pourraient que devenir moins attractives aux yeux des étudiants. Seuls seraient pénalisés ceux dont les familles ne peuvent se permettre de supporter les frais que représente un changement d'université. Il s'agirait donc d'une dérive antidémocratique. Au nom de la démocratie véritable, je regrette cette disposition.

J'évoquerai maintenant les opportunités qu'il nous faut saisir et la nécessaire attractivité de l'université.

Il faut que notre système universitaire s'apprête à jouer de nouveau un rôle majeur au niveau international. Il est en effet nécessaire de développer l'attractivité de la culture française dans le monde.

Je voyage beaucoup pour mener diverses études sur le développement durable et favoriser la création d'un espace européen de l'innovation, sujet sur lequel j'ai d'ailleurs été chargé par la Commission européenne de préparer un mémorandum. Quel est le constat ? Partout, aux Indes, au Danemark, en Catalogne, en Bavière, à Berlin, à Shanghai, à Londres, à Milan, partout, donc, grandit l'intérêt pour ce qui se passe en France.

C'est que, effectivement, il se passe quelque chose dans notre pays, grâce aux pôles de compétitivité, grâce aux technopoles françaises, grâce aux nouvelles structures telles que les PRES, les RTRA, les instituts Carnot. Bref, un ferment d'innovation traverse toutes nos régions, suscitant dans le monde entier un intérêt croissant pour notre enseignement supérieur, d'autant que l'image des États-Unis s'est quelque peu ternie.

M. Pierre Laffitte. Je pense en particulier aux difficultés liées à l'obtention d'un visa. Mais il faut compter aussi avec une volonté de multiculturalisme.

Aussi bien pouvons-nous disposer aujourd'hui des compétences de haut niveau, scientifiques, techniques, économiques ou médicales, en ce qui concerne tant les enseignants en année sabbatique que les étudiants en master ou en doctorat, qui nous permettront de renforcer notre attractivité, à condition toutefois de faire des efforts en ce sens.

S'agissant de l'Europe du Sud, nous avons de grands projets conjoints avec nos amis grecs, italiens et espagnols. Ces derniers nous permettront de mettre en place une politique de rayonnement autour de ce qui fut la capitale intellectuelle du monde, à savoir la Méditerranée.

J'en viens au problème des infrastructures qui sont nécessaires pour le rayonnement de nos universités.

Aux États-Unis, les grandes universités ont des Guest Houses ou des Faculty Clubs. En France, pour le moment, de telles structures d'accueil sont rares ; une est en construction à Sophia Antipolis, sans doute parce que nous avons là-bas fait la preuve que les efforts étaient payants en termes d'attractivité internationale, dans la mesure où nous attirons sur place des milliers de cerveaux de tous les pays du monde.

Pour être en mesure d'offrir à tous le gîte et le couvert ? Primum vivere, deinde philosophari ?, il faut des lieux d'accueil spécifiques. De tels clubs ? résidences spécialisées, avec des salles de séminaires et de restauration collective ? sont nécessaires auprès de chaque système universitaire et de recherche publique et privée.

Dans le cadre des projets État-régions, avec l'appui de la Caisse des dépôts et consignations et, le cas échéant, de fondations, cette question, certes bien terre à terre, du gîte et du couvert, est en réalité inhérente à une stratégie offensive nouvelle de l'enseignement supérieur français dans le cadre d'une mondialisation maîtrisée.

En outre, madame le ministre, vous ouvrez un certain nombre de chantiers, notamment sur la vie étudiante. Bravo ! C'est sur cette évocation que je terminerai, en précisant que la majorité du groupe du RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en premier lieu, on peut s'interroger sur le caractère prioritaire de ce projet de loi.

Avant d'aborder les questions de l'organisation et de la gouvernance de l'université, il aurait été bon que le Parlement puisse débattre des finalités et des enjeux de l'enseignement supérieur dans sa totalité. Ces questions essentielles, qui dépassent très largement le seul cadre de l'université, méritaient d'être au centre des réflexions. Autrement dit, il aurait été sage de définir le fond avant la forme, même si la forme, je vous le concède, madame la ministre, c'est le fond qui remonte à la surface ! (Sourires.)

Par ailleurs, le premier problème de l'enseignement supérieur est non pas son mode d'organisation, mais bien le taux élevé d'échec à l'université. La première « brique » législative de la vaste réforme de l'université annoncée par le Gouvernement aurait dû être consacrée aux réponses susceptibles d'améliorer significativement les chances de succès de chaque étudiant, sans oublier, naturellement, l'ampleur et la diversité des problèmes auxquels est confrontée l'université : taux d'échec élevé des étudiants en premier cycle, difficultés d'insertion professionnelle pour de nombreux jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, baisse significative des effectifs dans les disciplines scientifiques, insuffisance du nombre d'inscrits en master de recherche ? particulièrement préoccupante pour l'avenir de notre pays ?, manque de visibilité au niveau international, et je ne parle pas de la vétusté de ses locaux et de l'indigence de ses moyens.

Tout cela appelait des mesures d'urgence.

Pour répondre à la crise du système de l'enseignement supérieur et de la recherche, il fallait une réforme ambitieuse, susceptible d'impulser un nouvel élan au service public des universités. Le Gouvernement s'était d'ailleurs engagé à faire de cet enjeu « la réforme la plus importante de la législature ». Mais nous sommes encore bien loin du compte, même si ce projet de loi comporte quelques dispositions intéressantes.

Toutefois, ce texte n'est pas anodin. Il s'inscrit pleinement dans une perspective de refonte de l'enseignement supérieur et de la recherche s'appuyant sur une vision étroitement utilitariste que dessinait déjà le Pacte pour la recherche.

Cela dit, l'autonomie peut contribuer à l'émergence d'une université du XXIsiècle. Encore faut-il que cette autonomie ne contredise pas la gestion collégiale et démocratique de l'université. De même l'autonomie des établissements ne doit-elle pas exister dans un cadre national où chaque université est soumise aux mêmes règles et dispose des moyens nécessaires lui permettant de mener ses missions à bien. Si le terme « autonomie » fait consensus, pour les universités comme pour les organismes, le contenu que chacun y met est très variable...

Renonçant à élaborer, avec l'ensemble de la communauté universitaire, un projet global intégrant toutes les composantes tant de l'enseignement supérieur ? universités, grandes écoles, IUT, STS ? que de la recherche ? universités et organismes de recherche ?, le Gouvernement a choisi de soumettre au Parlement plusieurs textes thématiques, qui ont été qualifiés tout à l'heure de « chantiers ».

Le premier, qui est consacré à la gouvernance et aux nouvelles compétences de l'université, et qui a été rebaptisé à la dernière minute « projet de loi relatif aux libertés des universités », a, de toute évidence, été rédigé à la hâte, sans donner du temps au temps. Et que dire de l'urgence déclarée pour ce texte... On est loin de la volonté affichée de revaloriser le rôle du Parlement !

La détermination de la conférence des présidents d'université, des étudiants et des personnels de l'université aura permis d'amender significativement un texte qui, dans sa première mouture, était désastreux en même temps qu'il était révélateur.

L'autonomie optionnelle aurait indéniablement renforcé les disparités dans un système d'universités qui est déjà à plusieurs vitesses. Le paysage universitaire aurait été alors constitué de quelques rares pôles d'excellence, richement dotés, existant aux côtés de nombreux établissements de second rang contraints, au quotidien, à gérer la pénurie.

Si l'émergence d'un système extrêmement concurrentiel demeure toujours possible, l'intervention de la communauté universitaire aura permis de placer quelques garde-fous pour prévenir d'éventuelles dérives vers une telle organisation de l'enseignement supérieur. Elle aura permis d'en préserver le cadre national et le caractère indivisible. Le monde universitaire aura réaffirmé avec force que, pour reprendre les termes de la conférence des présidents d'université, « toutes les universités ont vocation à atteindre l'excellence ».

Cela étant, on ne répétera jamais assez que l'un des enjeux de toute réforme de l'université, c'est la réussite des étudiants. Je regrette que cette question, par ces temps de « révolution conservatrice », n'ait pas été traitée de manière prioritaire.

Combattre l'échec à l'université suppose de mener une politique éducative ambitieuse non seulement dans l'enseignement supérieur, mais aussi dans le premier et le second degré. L'université constitue en effet l'ultime maillon d'une chaîne qui commence dès la maternelle. Assurer l'égalité des chances de chaque jeune, lui permettre d'accéder à l'enseignement supérieur et créer des conditions pour qu'il obtienne un diplôme nécessite d'engager un effort considérable pour l'éducation nationale, à tous les niveaux.

Ces derniers jours, le Président de la République a déclaré : « La grande priorité, c'est le défi de la connaissance, c'est l'éducation ». Mais, dans les faits, c'est la logique comptable qui prévaut et non l'analyse des besoins et des missions. C'est ainsi que, à la rentrée 2008, 17 000 postes supplémentaires seront supprimés. L'État s'engage un peu plus encore sur une voie dangereuse pour l'avenir. Les « économies » réalisées aujourd'hui, la nation risque de les payer cher demain.

Il y a trop de comptables supérieurs, arrogants et glacés, qui nous disent que « tout cela coûte cher ». Mais ils oublient que c'est l'absence de ce « tout cela », c'est-à-dire de la formation, de la culture, de l'art, de la recherche, qui coûte cher !

Je reviens au texte. Celui-ci prévoit une systématisation du contrat pluriannuel d'établissement. Toutefois, aucune disposition ne garantit que l'État demeurera le principal financeur de l'université. À l'inverse, de nouvelles mesures visent à encourager le mécénat d'entreprise. Les universités sont donc fortement incitées à recourir à l'aide du secteur privé. Sur ce point, le Président de la République a été très clair ; en janvier dernier, il indiquait que la réforme vise à « associer directement l'entreprise à la gouvernance et au financement des universités ».

Si l'ouverture au secteur privé est en soi acceptable, et je dirais même souhaitable, elle ne peut s'accompagner d'un désengagement de l'État et surtout venir au secours des fins de mois difficiles d'un État jouant les nécessiteux. Toute remise en cause du financement public engendrerait une concurrence exacerbée entre établissements. En outre, l'université, devenue dépendante de l'aide financière des entreprises, courrait le risque de voir celles-ci exercer un droit de regard sur le contenu des formations et sur l'orientation des étudiants.

Un désengagement de l'État se traduirait également par l'assèchement progressif de la recherche dans un certain nombre de disciplines, en particulier dans les sciences humaines et sociales, qui apparaissent comme les moins rentables d'un point de vue économique. En effet, toutes les disciplines ne sont pas à égalité lorsqu'il s'agit d'attirer des investissements privés...

L'indépendance de l'université, l'enseignement par et pour la recherche, dans toutes les disciplines, à chaque cycle, dépendent bien du soutien de l'État. Pour être ambitieuse et répondre aux problèmes des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, l'autonomie doit s'accompagner d'un effort financier sans précédent de l'État leur permettant d'assurer leur mission première de production et de diffusion du savoir scientifique. Et cet investissement massif dans notre enseignement supérieur devrait se concrétiser dès cette année. La mise en place d'un collectif budgétaire est indispensable, de même qu'une véritable loi de programmation pluriannuelle des moyens de l'université.

Autre disposition du projet de loi qui suscite les plus vives critiques de la communauté universitaire : le recrutement des enseignants-chercheurs, en un mot la création par le futur conseil d'administration de comités de sélection.

Selon la conférence permanente du Conseil national des universités, la mise en place d'un tel système « porterait atteinte au principe du recrutement par concours, de la collégialité et au principe constitutionnel d'indépendance des professeurs d'université ». On peut en effet s'interroger sur la légitimité du recrutement opéré par des comités créés par des conseils d'administration qui ne compteraient pas des spécialistes de chaque discipline. Seule une structure reconnue dans chaque discipline est en mesure d'opérer le recrutement des futurs enseignants-chercheurs sur la base d'une évaluation objective de leurs qualités universitaires.

Nous ne pouvons certes nous satisfaire de la procédure actuelle, qui connaît de nombreux dysfonctionnements. La majorité des enseignants-chercheurs souhaite réformer un système marqué par l'endogamie excessive des commissions de spécialistes qui engendre parfois des comportements clientélistes.

Ne serait-il pas judicieux de créer des commissions spécialisées à un niveau interrégional ? De telles commissions, composées en grande partie d'enseignants-chercheurs de la même discipline que le postulant, présenteraient le double avantage d'atténuer le « localisme » tout en restant proches du terrain.

Autre question de fond soulevée par ce texte : l'avenir du statut de l'enseignant-chercheur qui, à l'heure actuelle, demeure un agent de la fonction publique d'État. La « liberté » accordée au président de recruter des agents contractuels pour des emplois d'enseignement et de recherche ouvre la porte à la remise en cause progressive de ce statut, d'autant que ces contractuels pourront être embauchés en CDD, mais aussi en CDI... Dans un contexte de non-remplacement des fonctionnaires qui partent en retraite, cette possibilité de recruter des agents contractuels laisse craindre, à court terme, une réduction de la dotation des universités en personnels.

Il ne s'agit pas là d'une question d'ordre corporatiste. Leur statut garantit aux enseignants-chercheurs leur indépendance intellectuelle et scientifique. Face à la tentation permanente de vouloir dissocier recherche et enseignement supérieur, il est indispensable de maintenir la double qualité de ces personnels. Ceux-ci sont à l'origine de la production de nouvelles connaissances et ont vocation à diffuser le fruit de leurs travaux.

Par ailleurs, la stabilité offerte par le statut de fonctionnaire de l'enseignant-chercheur contribue à rendre ce métier attractif. La disparition progressive de ce statut risque d'entraîner les plus brillants à se détourner de la recherche universitaire, déjà peu gratifiante du point de vue du revenu.

Outre ces nouvelles prérogatives, les présidents d'université disposeront de pouvoirs étendus dans le cadre de la rénovation de la gouvernance. Si certaines dispositions sont recevables pour conforter l'autorité des présidents, d'autres contredisent ouvertement les principes de collégialité et de fonctionnement démocratique de l'université. Ainsi en est-il, par exemple, de cette espèce de droit de veto conféré aux présidents en matière d'affectation des personnels. L'autonomie ne saurait en aucun cas s'accommoder d'un renoncement à la démocratie universitaire.

Je vous rappelle, madame la ministre, mes chers collègues, que c'est le droit de veto et la fuite stoppée à Varennes qui ont conduit Louis XVI à sa perte ! (Sourires.)

M. Ivan Renar. De même, l'université ne peut se définir contre ses étudiants et ses personnels. Il est ainsi souhaitable que le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire voient leur rôle propositionnel maintenu. Il est indispensable que le conseil d'administration soit représentatif de toute la communauté universitaire et que le président demeure élu par les trois conseils, ce qui lui confère une plus grande légitimité.

Je terminerai par une remarque sur la carte universitaire, totalement absente du projet de loi.

Dans le cadre d'une grande réforme, il aurait été pertinent de créer les conditions d'une réflexion sur l'éclatement du paysage universitaire. Nombre d'établissements n'ont pas la masse critique leur permettant d'échanger, dans les meilleures conditions, avec les universités étrangères. N'était-ce pas là l'occasion de penser à une réorganisation sous forme de pôles régionaux ? indépendamment des PRES et des pôles de compétitivité ?, qui favoriserait l'émergence d'universités couvrant tous les champs disciplinaires ?

Une telle concentration aboutissant à une rationalisation, notamment de la carte des formations, ne constituerait-elle pas une amélioration dès lors qu'elle n'engendre pas de difficultés d'accès pour les étudiants ? Cela renforcerait la visibilité du système d'enseignement supérieur et de recherche, tout en mettant fin aux rivalités qui s'expriment entre les établissements coexistant sur un même territoire.

Madame le ministre, je reconnais que la communauté universitaire demeure divisée sur cette question.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Eh oui !

M. Ivan Renar. Une chose est sûre, elle doit être consultée préalablement à toute réforme dans ce domaine.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Voilà !

M. Ivan Renar. Nous sommes donc bien d'accord.

Madame la ministre, nous estimons qu'il est grand temps de rendre à l'enseignement généraliste, scientifique et humaniste dispensé par l'université toute sa place dans notre pays. La richesse et la diversité de la formation initiale, en lien permanent avec la recherche, constituent en effet des atouts majeurs face aux défis que suscite un environnement économique en permanente transformation. Il nous faut des jeunes dotés d'une culture large et pluridisciplinaire. L'autonomie de l'université mise en oeuvre dans un cadre national est plus que souhaitable. Elle doit se fonder sur un mode de gestion collégial et démocratique, dans un réel esprit de service public qui a toujours fait sa grandeur.

La responsabilité publique nationale doit être pleine et entière. C'est dans cet esprit constructif que le groupe CRC a déposé des amendements. Madame la ministre, vous le savez bien, il ne suffit plus de chanter, tels les choeurs du fameux opéra, « Marchons, marchons ! », tout en restant sur place ! (Sourires.)

Sur la question des moyens, les déclarations d'intention ne manquent pas. Avec la promesse d'un milliard d'euros par an à partir de 2008, on est loin du compte, tant les moyens humains et financiers font défaut. En écoutant les déclarations enflammées de mes collègues, l'excellent rapport de notre collègue M. Jean-Léonce Dupont, dont je ne partage pas les conclusions, ou encore M. le président de la commission d es affaires culturelles, je pense à Jean Cocteau, qui disait : « En amour, ce ne sont pas les déclarations qui comptent, ce sont les manifestations. »

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Exactement !

M. Ivan Renar. Vous l'aurez compris, madame la ministre, le groupe communiste républicain et citoyen est extrêmement réservé sur le projet de loi qui nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.)

M. Charles Revet. Réservé, mais pas contre ...

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc devant « la réforme la plus importante de la législature », selon les propres termes du Premier ministre. À sa lecture, madame la ministre, et avec tout le respect que j'ai pour votre connaissance du dossier, personne ne peut le croire sans tordre la vérité et abîmer un peu sa bonne foi.

D'ailleurs, la méthode est un aveu, un verdict même. Avez-vous déjà vu dans l'histoire de notre démocratie une grande loi, une grande réforme, qui est discutée, amendée et votée par notre chambre seulement huit jours après l'adoption du texte par le conseil des ministres ?

Voilà pour les grandes phrases sur la « revalorisation du travail du Parlement » et sur « l'ouverture aux idées et aux propositions de l'opposition ». Espérons seulement que la gouvernance des universités ne prendra pas pour exemple la gouvernance du pays que vous inaugurez ainsi.

Pourtant, oui, la grande réforme de notre enseignement supérieur est nécessaire, tant le rôle de celui-ci pour la grandeur de notre pays et sa place dans le monde est majeur, tant l'idée qu'on se fait de l'intelligence, du progrès humain et de la culture en général y est présente, concentrée au maximum.

Il n'est qu'à constater le malaise profond dans nos universités pour savoir que le moment est venu de cette grande réforme, de cette grande ambition commune. Oui, tout le monde était prêt à aborder ce chantier sans oeillères. Alors, pourquoi un petit projet de loi sur la seule gouvernance, sans même définir ensemble au service de quelle ambition, de quels objectifs et avec quels moyens matériels et humains ?

Au-delà de classements internationaux aux méthodes contestables, le malaise est bien là. Les enseignants-chercheurs vivent de plus en plus mal le fait de devoir assumer de lourdes charges administratives et de travailler dans des salles de cours et des laboratoires dont l'état est digne de pays en voie de développement.

Les personnels administratifs et techniques vivent de plus en plus mal le fait de devoir administrer la pénurie des moyens.

Les étudiants vivent de plus en plus mal la précarisation de leurs conditions de vie et le risque de l'échec ? 90 000 jeunes sortent ainsi tous les ans de l'enseignement supérieur sans diplôme.

Les présidents d'université vivent de plus en plus mal le fait d'être cantonnés dans un rôle d'animateur d'instance sans autre véritable pouvoir que celui de protester auprès du ministère face à l'insuffisance récurrente des budgets.

La communauté universitaire dans son ensemble vit de plus en plus mal la stigmatisation de l'université qui, d'héritière de la Sorbonne qu'elle était, ne serait plus désormais qu'un monstre bureaucratique accueillant des bacheliers « trop médiocres » pour intégrer les filières sélectives des grandes écoles, stigmatisation sans cesse alimentée par les idéologues « déclinistes » de votre majorité.

M. David Assouline. Rappelons tout de même que les universités françaises ont réussi à gérer le décuplement de leurs effectifs en quarante ans.

Rappelons aussi qu'elles ont mis en place avec rapidité le système licence-master-doctorat, dit « LMD », première étape d'un véritable espace universitaire européen.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Grâce à Luc Ferry !

M. David Assouline. Mais il faut reconnaître que l'organisation des universités issue de la loi Faure de 1968 et de la loi Savary de 1984 doit être réformée, assouplie, « débureaucratisée ». II est ainsi aberrant de constater que les créations de postes d'enseignants-chercheurs sont exclusivement effectuées en fonction du nombre d'inscriptions dans chaque filière.

Dans ce contexte général, la première urgence, le premier geste gageant une volonté sincère, aurait dû être de soumettre au Parlement dès l'été un collectif budgétaire au bénéfice notamment des universités. Sans cela ? pardonnez-nous de le craindre ?, donner l'autonomie aux établissements peut apparaître comme une façon de transférer la responsabilité de la gestion de la pénurie des moyens sur la seule communauté universitaire.

Car il faut bien parler de pénurie : la dépense moyenne de l'État par étudiant se montait à 6 800 euros en France en 2005 contre 9 000 euros en moyenne dans les autres pays de l'OCDE.

D'ailleurs, madame la ministre, à la suite de l'annonce par votre collègue Xavier Darcos de la suppression de 17 000 postes dans l'éducation nationale au budget de l'an prochain, pouvez-vous dire solennellement devant la représentation nationale que la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans les années à venir ne s'appliquera pas à l'enseignement supérieur et à la recherche ?

Plus généralement, comme Ségolène Royal l'affirmait dans son Pacte présidentiel (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP), ...

M. Éric Doligé. Les Français n'en ont pas voulu !

M. David Assouline. ...l'enjeu est d'assurer à notre université les moyens de l'excellence et, sur cette base seulement, de chercher à savoir comment les universités pourraient mieux fonctionner en interne, notamment avec plus d'autonomie. C'est pourquoi il aurait fallu dès maintenant travailler à un projet de loi de programmation pluriannuelle visant à donner à l'université les moyens de cette excellence.

M. Éric Doligé. Encore fallait-il se faire élire d'abord !

M. David Assouline. Telle est d'ailleurs la principale revendication qui ressort de résolutions qui vous ont été adressées ces derniers jours, madame la ministre, par nombre de conseils d'administration d'université.

Ce projet de loi de programmation aurait été construit autour de cinq priorités : premièrement, l'augmentation de 10 % par an pendant cinq ans du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'objectif étant que la dépense publique en sa faveur atteigne 3 % du produit intérieur brut ; deuxièmement, la lutte contre l'échec en premier cycle et la précarité des conditions de vie de beaucoup d'étudiants ; troisièmement, la valorisation des jeunes chercheurs, notamment en apportant des garanties de carrière aux doctorants ; quatrièmement, l'amélioration de la gouvernance par l'octroi de responsabilités supplémentaires aux établissements en contrepartie d'un approfondissement de la démocratie ; cinquièmement, enfin, l'évaluation régulière des établissements d'enseignement supérieur, de leur gestion et de leurs résultats, par l'État.

Par ailleurs, nous tenons à réaffirmer que la réponse à l'échec dans les premiers cycles universitaires ne réside pas dans plus de sélection, mais passe par mieux d'orientation aux moments décisifs du parcours de chaque étudiant - entrée dans l'enseignement supérieur, obtention de la licence.

Dans cette perspective, il est temps de mettre fin au maquis existant des structures et des processus d'orientation et d'instaurer un service public national de l'orientation.

Quant à la réponse au manque de moyens des établissements français par rapport aux grands campus étrangers, elle ne consiste pas en l'accroissement systématique de la part des financements privés dans le budget des universités, mais en une gestion optimisée de moyens publics plus importants.

Il ne faut pas s'interdire non plus d'abattre certains murs qui séparent aujourd'hui le monde des universités, vivant de bouts de ficelle, de celui des grandes écoles, incontestablement privilégiées.

Dans ce contexte, les syndicats des personnels et les organisations étudiantes ont pleinement raison de rappeler qu'ils n'étaient pas demandeurs d'un projet de loi sur la seule gouvernance.

Mais parlons-en. Oui, il faut plus d'autonomie ; elle est nécessaire. Avec l'autonomie, nous voyons, nous, socialistes, une possibilité plus grande d'agir, d'innover, d'être réactifs. Nous voyons la responsabilité ; nous voyons, outre le renforcement de l'exécutif, l'approfondissement de la démocratie délibérative ; nous voyons la confiance de la nation dans sa communauté universitaire. Mais nous savons que la droite y a toujours mis la concurrence entre universités, la sélection, la privatisation rampante.

Derrière l'affichage d'un certain pragmatisme s'est toujours cachée beaucoup d'idéologie.

Et il n'est pas anodin que le projet de loi ait été rebaptisé et fasse désormais référence aux « libertés des universités », comme en 1984, quand, pour parler de l'enseignement privé, la droite disait « liberté de l'école ». (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Idéologie, quand tu nous tiens !

La dernière fois que la droite a voulu réformer l'université, là encore au nom de l'autonomie, avec le projet Devaquet de juillet 1986, il s'agissait de permettre aux universités de fixer librement leurs droits d'inscription, de sélectionner les étudiants et d'adapter leur offre d'enseignements et de diplômes exclusivement en fonction des besoins du marché du travail, en cassant leur valeur nationale. Toutes ces libertés étaient synonymes de compétition entre composantes du service public, et toutes ces libertés allaient soulever la jeunesse et la communauté universitaire dans son entier, y compris les présidents, contre le projet de loi.

Il y a encore quelques semaines, les orientations affichées pendant la campagne du candidat Sarkozy pour l'enseignement supérieur et la recherche étaient, nettement et de manière parfaitement assumée, d'inspiration anglo-saxonne et libérale.

Il y a quelques jours encore, l'avant-projet de loi, qui était encore « relatif à l'organisation de la nouvelle université », contenait aussi des mesures s'inscrivant tout à fait dans le corpus idéologique mi-libéral, mi-bonapartiste du chef de l'État : autonomie à la carte des établissements, sélection à l'entrée en master des étudiants, concentration du pouvoir aux mains des présidents.

M. Éric Doligé. Du calme !

M. David Assouline. Mais puisque, pour le moment, vous avez reculé sur ce point, notre pragmatisme à nous, bien réel celui-ci, nous conduit à être ouverts au besoin de réforme de la gouvernance des universités et à apprécier les avancées que ce texte technique peut apporter au fonctionnement de ces établissements, mais aussi à corriger, par nos amendements et nos propositions, tout ce qu'il comporte comme reculs dans la démocratie universitaire et la gestion des personnels.

Enfin, l'économie du texte est restée celle du projet initial quant à la présidentialisation abusive du pouvoir, notamment s'agissant des procédures de recrutement des enseignants-chercheurs.

Madame la ministre, vous le savez, les nouvelles compétences dont vous souhaitez doter les présidents d'université dans le domaine de la gestion des recrutements et des affectations d'enseignants-chercheurs inquiètent ces derniers, qui verraient dans l'adoption de ces dispositions législatives une atteinte évidente à leur indépendance, pourtant constitutionnellement garantie, et à leur statut.

L'accueil que vous réserverez à certains de nos amendements nous permettra de mesurer votre volonté d'ouverture sur ce texte, ouverture à laquelle nous tenons.

Donc, alors que débute la discussion de ce texte, nous sommes ouverts et vigilants.

M. Éric Doligé. Assouline ouvert ? Cela se saurait !

M. David Assouline. Notre vote dépendra des garanties et des corrections que notre délibération aura permis d'apporter.

En tout état de cause, la gauche surveillera avec une particulière attention la politique universitaire du Gouvernement dans les mois et les années qui viennent. L'enjeu, pour la nation entière, est trop important pour laisser s'installer l'idée que ces défis seraient relevés grâce à une gestion strictement managériale de l'université. La connaissance n'est pas une marchandise, l'université n'est pas une entreprise.

Mais, madame la ministre, je laisse répondre Jean-Jacques Rousseau à l'intitulé de votre projet de loi : « La liberté n'est pas celle des marchands ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Éric Doligé. Enfin un autre ton !

M. Hugues Portelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi relatif aux libertés des universités qui nous est soumis est une vraie réforme, sans doute la plus importante depuis la loi Savary de 1984, en ce qui concerne l'organisation, le fonctionnement et le financement des universités.

Ces modifications sont bienvenues dans la mesure où elles peuvent permettre de renforcer l'autonomie des universités et de libérer tant les énergies que le dynamisme qui ne demande qu'à s'y développer.

La réforme qui nous est proposée n'aborde cependant pas tous les sujets qui interpellent aujourd'hui la communauté universitaire.

En particulier se pose la question de l'échec de masse. En effet, une grande partie des étudiants sont touchés, qui s'inscrivent à l'université mais ne franchissent pas le barrage des deux premières années, ...

M. Charles Revet. C'est vrai !

M. Hugues Portelli. ...abandonnant ainsi leurs études supérieures sans diplôme et sans laisser la moindre trace de leur passage. C'est un problème crucial qu'il faudra bien, un jour, aborder de face. En effet, cette sélection de fait est la forme la plus hypocrite de toutes les sélections.

Le projet de loi ne traite pas des droits d'inscription. Certes, ils sont très bas en France, mais il faut souligner qu'ils ne constituent pas l'unique source de financement des universités dans les pays modernes. Bien évidemment, leur augmentation ne serait pas populaire ; de surcroît, elle ne serait pas utile en l'absence d'un système de bourses digne de ce nom ; enfin, elle conduirait à renforcer la sélection par l'argent.

Le projet de loi ne traite pas non plus de la sélection à l'entrée du master. Si les étudiants n'en veulent pas, il faut néanmoins être franc et reconnaître qu'une telle sélection existe déjà dans les faits par le biais du système de notation et d'équivalence.

C'est donc sur la gouvernance, l'organisation et le financement des universités que se concentre le texte, qui change radicalement les règles en vigueur, caractérisées jusqu'à ce jour par l'absence d'autonomie, la pénurie de moyens et une approche purement bureaucratique des problèmes.

Sur tous ces sujets, le projet de loi pose un regard neuf, centré sur les concepts d'autonomie et de gestion managériale, déclinés dans tous les chapitres abordés.

Le texte donne une impression générale de modernité et de responsabilité qu'il faut saluer après des décennies de prudence synonyme d'immobilisme et de déclin.

On ne peut que se féliciter des nouvelles compétences transférées aux universités, qu'il s'agisse des finances, de la gestion des ressources humaines ou du patrimoine.

La possibilité pour les universités de se rapprocher enfin des entreprises de façon naturelle et de se doter de fondations susceptibles d'attirer le mécénat constitue un tournant historique dont il faut se réjouir.

De même, la volonté de doter les universités d'un système de décision efficace, en réduisant de moitié l'effectif de leur organe délibérant et en plaçant à leur tête un exécutif doté de véritables pouvoirs, donnera à ces établissements une gouvernance qui leur permettra d'exercer effectivement leurs nouvelles compétences.

Bref, le texte qui nous est soumis pourrait être aux universités ce que les lois de décentralisation de 1982 et 1983 ont été aux collectivités territoriales : l'occasion de rattraper un retard considérable sur les autres États européens et de libérer des énergies créatrices longtemps bridées.

Notre satisfaction serait totale, si le projet de loi ne manquait d'équilibre sur un point central : la place des universitaires au sein de l'université.

Dans une bonne gouvernance, tout est question d'équilibre : après 1968, le souci louable de faire participer toutes les composantes de l'université à son fonctionnement et à ses choix échoua du fait du refus initial des étudiants de profiter de leur nouveau pouvoir mais aussi du fait d'un système de décision proche du régime d'assemblée, où un pouvoir délibérant pléthorique empêche l'exécutif d'exercer ses compétences.

Il ne faudrait pas que, dans un juste souci de correction, le balancier parte trop loin dans l'autre sens, et que les pouvoirs nombreux des futurs présidents ne soient pas équilibrés par les instances représentatives de la communauté universitaire. Or cet équilibre entre pouvoir de décision et pouvoir de contrôle interne est une liberté universitaire fondamentale, dont le Conseil constitutionnel a rappelé l'importance dans sa décision du 20 janvier 1984 et qui est constitutive, depuis l'origine, du concept même d'université.

M. Daniel Raoul. Redites-le !

M. Hugues Portelli. Volontiers, mon cher collègue : cet équilibre est constitutif, depuis l'origine, du concept même d'université.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Hugues Portelli. Concentrons-nous, si vous le permettez, sur trois questions qui, parmi les enseignants et les enseignants-chercheurs, ne font pas l'unanimité : leur représentation au sein du conseil d'administration, l'absence d'identification des grands secteurs de discipline scientifique dans la structure de l'université, enfin, les procédures de recrutement et d'affectation du personnel enseignant.

S'agissant de la représentation au sein du conseil d'administration, un conseil d'administration à la composition resserrée est une nécessité reconnue par tous. Mais sa composition doit rester équilibrée et surtout réellement représentative. Nul ne conteste, par exemple, l'utilité des personnalités extérieures, bien au contraire ! Mais il est aussi nécessaire que le corps enseignant trouve une représentation qui corresponde à une exigence essentielle et qui est la marque de l'autonomie universitaire depuis l'origine : une représentation spécifique des professeurs, principaux acteurs de l'université.

Or le conseil d'administration prévu, s'il est trop restreint, ne peut être réellement représentatif. La première version du projet de loi prévoyait un conseil d'administration réduit à vingt membres. La version actuelle prévoit « de vingt à trente membres », dont huit à quatorze représentants des enseignants-chercheurs, dont la moitié de professeurs des universités et personnels assimilés. Cette mesure constitue un progrès, mais il reste insuffisant.

La deuxième difficulté concerne la place des grands secteurs scientifiques au sein de l'université, c'est-à-dire au sein des UFR, des instituts, des écoles, notamment.

La représentation des grandes disciplines disparaît dans le projet de loi, alors que c'est une obligation imposée par la loi en vigueur. Le projet de loi prévoit la création des UFR, des instituts et des écoles par seule délibération du conseil d'administration, ce qui pourrait aboutir, à terme, à leur disparition programmée. Or l'État doit garantir, nonobstant l'autonomie renforcée, un équilibre national des grandes disciplines sur le territoire, sous peine de voir disparaître ici ou là des formations ou des instituts de recherche, sacrifiés à une politique locale d'université.

Durant ses années d'études universitaires, l'étudiant ne connaît que la discipline et ses instances : il étudie l'économie, le droit, la médecine, les sciences, pour exercer ensuite une activité professionnelle. Son appartenance à une université est certes importante, mais elle est contingente et concerne son encadrement administratif et sa vie quotidienne. S'il cherche à s'inscrire dans telle ou telle université, c'est parce que, dans la discipline qu'il a choisie, les enseignants sont réputés et reconnus par leurs pairs. Par conséquent, la faculté ? l'UFR aujourd'hui ? compte donc davantage dans la réputation des études et des recherches que l'université en tant que telle.

Il faut d'ailleurs constater que, dans toutes les grandes universités, la structure des facultés, représentative des grands secteurs scientifiques, demeure une réalité et que ce sont ces structures qui ont continué à représenter l'université auprès des acteurs économiques.

On devrait donc retrouver au sein du conseil d'administration la participation de droit des directeurs d'unités de formation et de recherche, d'instituts et d'écoles, ce qui permettrait de répondre au double objectif de représentation des enseignants-chercheurs et des disciplines scientifiques présentes dans l'établissement. On lèverait ainsi l'obstacle potentiel de l'inconstitutionnalité du texte de loi en maintenant « une représentation propre et authentique » des professeurs et des disciplines scientifiques, pour citer les termes mêmes du Conseil constitutionnel dans sa décision de 1984.

Faute d'une telle représentation, une solution alternative consisterait à permettre un regroupement cohérent d'UFR ou d'instituts sur un plan régional et scientifique, par un arbitrage de l'État, au niveau ministériel ou rectoral, ainsi que la constitution de grands établissements spécifiques, notamment en médecine et en droit.

La troisième difficulté concerne les procédures de recrutement et d'affectation du personnel enseignant.

M. Hugues Portelli. Le renforcement de l'autonomie des universités semble aller de pair avec une plus grande autonomie des recrutements et de la gestion des personnels. Cette logique pourrait être approuvée si le milieu universitaire n'était pas fortement endogène. Le projet de loi y répond à par la possibilité de recruter des personnels contractuels. Mais l'important est de s'assurer de la qualité des personnels recrutés et affectés dans l'université. Or, en l'état, le projet de loi ne permet pas d'en être sûr.

Il convient d'abord de vérifier que les meilleurs professeurs et maîtres de conférences seront recrutés dans les disciplines concernées. Il faut également lutter contre la tendance naturelle au recrutement des candidats « locaux », connus mais pas nécessairement reconnus comme les meilleurs.

De ce point de vue, il est nécessaire, selon nous, de découpler autonomie des universités et modes de recrutement. Le recrutement doit correspondre à deux exigences fondamentales : la qualité et l'égalité.

Les concours nationaux comme l'agrégation répondent, dans la République, à ces deux critères et ont montré leur efficacité, en permettant de conserver la qualité reconnue en droit, en économie, en médecine et en pharmacie. Ce sont eux qui, depuis toujours, apportent un sang neuf et un renouvellement aux facultés tout en pérennisant l'excellence scientifique de l'élite universitaire. Il faut donc maintenir ces concours et, surtout, la liberté d'affectation à la sortie du concours.

Le droit de veto des présidents d'université sur ces affectations fera perdre toute utilité au concours dont se détourneront les meilleurs. Il est même vraisemblablement inconstitutionnel dans la mesure où, dans l'état actuel du texte, le président pourrait, sans être professeur des universités, disposer du pouvoir d'intervenir dans le recrutement d'universitaires au mépris de leur indépendance constitutionnellement garantie.

De même, la création d'un « comité de sélection » regroupant les différentes disciplines sous l'autorité du président d'université comporte le risque de disparition de certaines disciplines scientifiques, dans le jeu purement local des rapports de force. Et l'on ne voit pas comment une appréciation scientifique raisonnable serait portée dans un comité de sélection transdisciplinaire. Dans les modes de recrutement, le seul moyen sérieux d'apprécier la qualité d'un candidat est de le mettre en présence de ses pairs scientifiques et d'assurer une égalité de traitement au niveau national comme au niveau local.

Madame la ministre, il est donc indispensable de rééquilibrer le projet de loi sur ces différents points, faute de quoi la contestation pourrait rassembler des composantes universitaires disparates sur trois critiques : l'absence de représentativité des enseignants-chercheurs dans les conseils, la disparition de la visibilité des disciplines scientifiques et la perte de crédibilité des procédures de recrutement. Il ne faudrait pas que, du fait de ces quelques problèmes, le projet de loi cristallise une opposition alors qu'il a vocation à être favorablement accueilli.

Mes chers collègues, la réforme des universités ne peut plus attendre. Elle doit permettre la modernisation résolue d'un système d'enseignement et de recherche qui s'est trop souvent coupé du monde extérieur, notamment économique, et a laissé le champ libre aux grandes écoles et, surtout, à la concurrence étrangère. Mais cette modernisation ne doit pas faire table rase des libertés universitaires qui sont constitutives, depuis l'origine, de l'enseignement supérieur. Ces libertés sont d'ailleurs de rang constitutionnel, ainsi que l'a rappelé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel dans des décisions qui n'ont pas hésité à corriger le dispositif de la loi en lui imposant les garanties constitutionnelles destinées à préserver l'indépendance et la liberté de l'enseignement et de la recherche.

Laissons donc les universités fixer librement, dans le nouveau cadre qui leur est proposé, leur mode de fonctionnement et de gouvernance dans le respect de leur histoire, de leur enracinement local et de leur degré de pluridisciplinarité. Confions plus que jamais à l'État le soin de veiller à l'excellence du recrutement des enseignants-chercheurs et à l'efficacité de la formation démocratique des étudiants.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Hugues Portelli. Ces deux objectifs d'importance nationale seront plus faciles à atteindre grâce à cette nouvelle loi, pour peu qu'elle intègre les modifications qui vous sont suggérées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE ? M. Daniel Raoul applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui revêt l'urgence d'une grande cause nationale. En effet, comment ne pas être collectivement consternés devant la dégradation de l'université française ? Les chiffres, accablants, sont connus : 37 % d'une classe d'âge accèdent à la licence, quand la moyenne de l'OCDE est de 53 %, celle des États-Unis de 66 % et celle des pays scandinaves de 70 %. Rappelons qu'au sommet de Lisbonne, en 2000, la France s'était engagée à porter ce chiffre à 50 % en dix ans.

Autre constat : le taux d'échec est de 50 % en premier cycle. Un gâchis humain et financier insupportable !

Enfin, la dépense annuelle de l'État est de 10 170 euros pour un lycéen, de 13 100 euros pour un étudiant en classe préparatoire et de 6 700 euros seulement pour un étudiant à l'université. Comment avons-nous pu abandonner ainsi une partie de notre jeunesse et compromettre à ce point l'avenir de la France ? Disant cela, je n'incrimine aucun gouvernement en particulier, car il s'agit d'une longue dérive. Et je n'aurai garde d'oublier l'effort considérable des enseignants et des personnels administratifs et techniques...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Oui !

M. Gérard Delfau. ...qui, jour après jour, ont permis à l'université d'assumer sa mission en dépit de l'afflux massif d'étudiants et de la pénurie de moyens.

Ce bilan sommaire indique que la tâche sera longue et que le texte que nous examinons aujourd'hui n'épuise pas, loin s'en faut, le sujet. Il traite essentiellement de la gouvernance, c'est-à-dire du bon fonctionnement et de la gestion des établissements au sein de l'ensemble universitaire. Il laisse délibérément de côté la question budgétaire ? j'y reviendrai ?, les conditions de la vie étudiante, la réforme plus globale des premiers cycles, entre autres. Pourquoi pas ? Il faut bien commencer par un chantier, mais cela suppose, madame la ministre, que vous nous indiquiez clairement au cours de ce débat le calendrier du Gouvernement pour la poursuite de cette oeuvre de longue haleine : reconstruire l'université française.

Vous avez intitulé ce texte « projet de loi relatif aux libertés des universités ». Cette formule un peu racoleuse, vous en conviendrez, met l'accent sur votre volonté de renforcer l'autonomie des établissements.

Une plus grande autonomie de chaque université dans le choix de ses moyens et dans sa libre administration, c'est-à-dire l'allégement de la tutelle trop souvent tatillonne de l'éducation nationale, tel est donc l'objectif. Mais l'autonomie de chaque établissement doit se conjuguer avec les caractéristiques d'un service public national, démocratique et libre d'accès pour tout jeune Français qui a obtenu le baccalauréat ou son équivalent. Bref, pour nous, autonomie ne signifie pas sélection à l'entrée du premier cycle universitaire ni dérégulation des droits annuels d'inscription, encore moins disparition du caractère national des diplômes. Et votre projet de loi donne à ce sujet les garanties nécessaires.

Le renforcement de l'autonomie suppose aussi une meilleure gouvernance. L'architecture actuelle, qui date de 1968 et a été revue en 1984, est trop complexe et aboutit souvent à une forme de paralysie, sans pour autant intégrer suffisamment les différentes UFR dans un projet stratégique d'ensemble.

Votre texte repose essentiellement sur la création d'un véritable exécutif autour du pôle « présidence-conseil d'administration ». C'est une bonne chose. Attention toutefois à ne pas déséquilibrer les rapports entre les différentes structures qui composent cet ensemble ni à restreindre inconsidérément la place accordée aux étudiants dans ce circuit de décision. De ce point de vue, je proposerai, avec mes collègues du RDSE, divers amendements qui permettront, s'ils sont adoptés, de laisser une certaine autonomie de fonctionnement au conseil scientifique et au conseil des études et de la vie étudiante tout en associant les étudiants à la présidence. Ces institutions ont fait la preuve de leur pertinence.

De même, je propose qu'au moins un étudiant figure obligatoirement au sein du bureau entourant le président pour ce qui concerne la gestion quotidienne. C'est évident, me dira-t-on ! Il me paraît néanmoins préférable que nous introduisions ce point dans la loi.

Le droit de veto conféré au président sur les nominations est une mesure énergique, qu'il faudra donc manier avec prudence...

En outre, s'agissant des nominations aux emplois hospitalo-universitaires dans les facultés ou les départements de médecine et d'odontologie, il faut tenir compte de la spécificité du secteur, qui doit combiner sa double vocation de formation des étudiants et de lien étroit avec le centre hospitalier universitaire. Il importe en effet d'éviter que ces postes ne soient détournés au profit d'autres disciplines dans le cadre de décisions mal fondées d'un président d'université. Lors de la discussion des articles, je défendrai à ce sujet un amendement cosigné avec Pierre Laffitte et certains membres de mon groupe.

Enfin, à l'article 15, je proposerai la création d'un bureau université-emploi destiné à faire entrer dans la pratique l'objectif d'orientation et d'insertion professionnelle que l'article 1er va ajouter aux tâches dévolues à l'université. Certes, de tels organismes existent déjà, mais il serait bon que le texte en fasse obligation, afin de montrer que la finalité professionnelle s'impose à tous les établissements et qu'elle n'est nullement incompatible, bien au contraire, avec l'exigence de culture générale, caractéristique de notre tradition universitaire.

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est très bien !

M. Gérard Delfau. Telles sont quelques-unes de mes réflexions sur votre texte, madame la ministre. Elles sont brèves, non pas que j'aie épuisé le sujet, mais parce que le temps qui m'est imparti est écoulé, hélas !

Comme vous le constatez, j'aborde la discussion dans un état d'esprit positif.

M. Gérard Delfau. L'acceptation ou le rejet par le Sénat d'un certain nombre de mes amendements visant à préciser ou à compléter votre projet de loi détermineront mon vote.

Un autre élément sera également décisif à mes yeux : madame la ministre, il importe que le Gouvernement s'engage devant le Sénat à proposer dès la rentrée un collectif budgétaire qui amorce le budget exceptionnel de 5 milliards d'euros alloué aux universités et promis par le Président de la République.

C'est cette décision qui donnera sa pleine crédibilité à la politique que vous nous demandez de soutenir pour la rénovation de notre système universitaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'avenir de l'université dans toute la République m'intéresse bien évidemment, mais j'évoquerai ici la situation singulière de l'université à la Réunion.

La Réunion, région française d'outre-mer intégrée à l'Union européenne et membre actif de la Commission de l'océan Indien, s'attache à nouer des liens sans cesse renforcés avec les Mascareignes et ses voisins malgaches, indiens, sud-africains et mozambicains, ainsi qu'avec d'autres pays riverains de l'océan Indien, tels le Vietnam et l'Australie, et, plus loin encore, avec la Chine, d'où sont issus bon nombre de Réunionnais.

Du fait de sa position géographique et de son histoire, la Réunion et son université disposent d'atouts originaux qui doivent permettre à l'île de jouer pleinement son rôle de frontière interactive de l'Union européenne.

L'université et ses enseignements sont très inégalement répartis. Au nord du département, le chef-lieu, Saint-Denis, concentre l'essentiel des enseignements et des structures. Dans le sud de l'île, principal bassin de population de la Réunion, seuls quelques enseignements sont dispensés dans les villes de Saint-Pierre et Le Tampon. Une telle situation pénalise bien évidemment le sud du département, d'autant que les difficultés de communication sont telles que le trajet pour aller de Saint-Pierre à Saint-Denis dure deux heures, voire trois.

En vingt ans, le nombre d'étudiants est passé de 2 000 à 12 000. Les jeunes originaires du Sud doivent se loger à Saint-Denis dans des conditions si onéreuses que beaucoup parmi les moins favorisés abandonnent leurs études dès la première année. Cependant, les résultats remarquables obtenus au baccalauréat indiquent que la barre des 20 000 étudiants sera bientôt atteinte.

La réussite en licence et l'amélioration des conditions de vie étudiante ? deux des cinq piliers du projet de loi ? dépendent donc d'une délocalisation effective et équitable des enseignements entre le nord et le sud de la Réunion.

Il s'agit non pas de dupliquer dans le Sud les installations universitaires du Nord et leurs enseignements, mais bien plutôt d'établir des filières liées au développement économique du Sud afin de réunir les conditions les plus favorables à leur essor.

Dans le Nord comme dans le Sud, il est urgent de construire des milliers de logements étudiants, sans lesquels la poursuite d'études supérieures se révèle impossible pour les jeunes moins favorisés, qui, du reste, ne sont pas les moins méritants ou les moins talentueux.

Madame la ministre, malgré son dynamisme économique et un taux de croissance supérieur à celui de la métropole, la Réunion connaît d'importants retards structurels privant d'emploi 30 % des actifs. En matière de taux d'encadrement administratif, la Réunion se classe au dernier rang des départements.

C'est assez dire que, outre ses missions classiques, l'université doit contribuer au développement durable, seul capable de créer les emplois pérennes dont la Réunion a besoin dans la fonction publique, notamment en ce qui concerne les services à la personne.

Madame la ministre, si des filières permettant la mise en valeur des atouts de la Réunion sont nécessaires, il faut aussi conjurer les dangers spécifiques à ces régions, dangers qui risquent de toucher également la métropole.

Ces dangers s'appellent « maladies émergentes ou résurgentes ». L'épidémie de Chikungunya qui a sévi en 2005-2006 en est l'une des illustrations. À la demande de nos parlementaires, le précédent gouvernement, en partenariat avec le conseil régional et le conseil général, a mis en place un Centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes dans l'océan Indien. Une telle création représente une avancée considérable pour notre île, ainsi que pour tout l'océan Indien. En outre, ce centre préfigure ce que pourra être le Centre hospitalier régional puis le futur Centre hospitalier régional universitaire, le CHRU.

En permettant d'ouvrir des débouchés et de créer de nouveaux emplois pour nos jeunes chercheurs, ces structures permettront également à la Réunion de jouer pleinement son rôle dans l'océan Indien et de concrétiser la volonté commune des États de la zone et de la Réunion de nouer des accords de codéveloppement.

La Réunion se situe dans un océan où la quasi-totalité des pays riverains sont anglophones. Trois d'entre eux sont appelés à jouer un rôle croissant : en 2025, l'Inde, dont la population sera bientôt de 1,3 milliard d'habitants, s'affirmera comme une superpuissance de l'océan Indien ; l'Afrique du Sud, forte de 49 millions d'âmes aujourd'hui, frôlera les 100 millions d'habitants et deviendra une grande puissance régionale ; enfin, toute proche des rivages réunionnais, Madagascar, qui comptait 4 millions d'individus en 1947, dépassera la barre des 35 millions d'habitants.

J'ajoute que Madagascar, l'un des pays les plus pauvres du monde, dispose de potentialités impressionnantes. Pour les mettre en valeur, il a un besoin urgent de partenariats. Contrairement à la France, et alors qu'ils n'ont aucun lien historique avec la Grande Île, la Chine et le Canada répondent déjà à cette demande. Il est de notre devoir d'apporter notre concours au développement de Madagascar et à la formation corrélée de nos jeunesses respectives, grâce notamment à l'université. Si nous tardons, d'autres le feront.

Madame la ministre, la Réunion ne peut attendre. Elle est confrontée au défi d'un accroissement de 28 % de sa population (Mme la ministre acquiesce.), qui atteindra un million d'habitants en 2030.

De surcroît, elle doit faire face aux changements climatiques. Des recherches sont entreprises, car l'eau, l'agriculture, l'aménagement du territoire, les modes de déplacement, le logement doivent être étudiés différemment. La région s'est également résolument lancée dans la recherche en matière d'énergies renouvelables, avec l'objectif d'atteindre l'autosuffisance en 2025.

Dans tous ces domaines, l'université est un partenaire incontournable. Toutes les recherches et innovations peuvent très rapidement déboucher sur des créations d'emplois.

Enfin, madame la ministre, la situation que nous vivons à la Réunion n'est réductible à aucune autre. Nous ne quémandons rien. Nous demandons qu'elle soit prise en compte sans réserve, afin que nos jeunes et leurs camarades des îles voisines disposent des moyens indispensables, qui leur permettront de partir à la conquête de territoires scientifiques inconnus.

La République et l'Union européenne ont aussi besoin de cette université-là pour jouer pleinement dans cette région le rôle important que seule notre présence leur offre l'opportunité de tenir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour mieux assurer leurs missions, les universités françaises ont besoin d'une ambitieuse réforme. L'idée fait l'objet d'un consensus et suscite même de l'impatience.

Ici et là, des talents, des réussites montrent bien tout le potentiel présent, malgré un contexte assez destructeur.

En effet, en France, l'université est privée d'une partie significative d'excellents étudiants, happés par les grandes écoles.

En France, les filières dédiées aux bacheliers des sections techniques ou professionnelles sont bouchées, obligeant ces derniers à refluer vers des formations universitaires ne correspondant ni à leurs acquis ni à leurs envies.

En France, contrairement aux communes, aux départements et aux régions, l'État a négligé son patrimoine : vétusté, fissures, amiante, évitement de la part des commissions de sécurité et gouffres énergétiques sont monnaie courante. C'est la gestion de la pénurie qui tue l'université.

Nous attendons de l'université publique qu'elle transmette, produise et diffuse les savoirs, qu'elle offre la possibilité à chacun de construire sa propre autonomie, dont le choix des perspectives professionnelles, et qu'elle soit le lieu d'émergence d'applications ou d'interprétations nouvelles.

Pour qu'elle fonctionne ainsi, il faut revoir l'autonomie des étudiants, car la « galère » financière de certains bat en brèche la démocratisation. Pourquoi ne pas prévoir un statut, un revenu de base, puis des bourses variables selon la situation sociale ?

II faut également revoir les ressources de l'université, à commencer par le calcul des financements récurrents, fondés sur des normes par mètre carré devenues obsolètes et quasiment inférieures de moitié aux besoins. Il convient en outre de se pencher sur la taxe d'apprentissage.

Enfin, il faut se donner des outils permettant de conduire le développement et de faire vivre un vrai projet d'établissement, dans lequel le lien fécond entre recherche et enseignement doit être garanti.

Madame la ministre, vous annoncez cinq chantiers, parmi lesquels les conditions de la vie étudiante et la situation des enseignants-chercheurs. Le Président de la République annonce des moyens.

C'est précisément de ces deux points dont nous aurions voulu débattre, car ils sont prioritaires à nos yeux et relèvent plus de l'urgence que la gouvernance.

En effet, mine de rien, même sans faire allusion à l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, l'AERES, à l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, le texte a des implications sur la recherche, s'agissant notamment des dispositions concernant les modes de recrutement, ou encore sur le service public et la nécessaire égalité des chances, puisque les fondations risquent d'engendrer, faute de péréquation, des distorsions dans le domaine de l'aménagement du territoire.

Or il n'est question dans le texte que de gouvernance et de compétences.

L'autonomie, comme la décentralisation, est une perspective à la fois enthousiasmante et risquée. Elle doit être évaluée avec les mêmes critères que ceux qui définissent une bonne décentralisation.

L'adéquation doit s'en trouver améliorée, ce qui n'est possible que si la démocratie est au rendez-vous.

Or vous diminuez la légitimité du président, lequel est désormais moins bien élu. Vous privez le conseil d'administration de vraies propositions du Conseil des études et de la vie universitaire, le CEVU, et du Conseil scientifique.

Vous confiez au président l'attribution des primes et le recrutement de contractuels ? y compris des titulaires de contrats à durée indéterminée ! ? sans prévoir de cadrage, notamment quant au pourcentage des ressources humaines, ni de dispositif de transparence, sans partenaires débattant du mode d'attribution ... et même sans moyens spécifiques.

Les moyens sont globalisés, direz-vous... Oui ! Mais gardons-nous de reproduire l'exemple de l'hôpital, où nous savons à quoi cela a conduit : c'est la suppression de postes qui a permis de dégager les moyens de la revalorisation de certains !

La seconde condition d'une bonne autonomie, c'est que l'État soit garant : garant des moyens pour faire, garant de l'égalité des chances, garant de la laïcité, garant des diplômes.

Les moyens pour faire, ce sont aussi des ressources humaines administratives, ou d'ingénierie quand il est question de bâtiment.

L'égalité des chances peut exister dans l'autonomie, mais pas dans la concurrence débridée. Il faut des cadrages : la parole de l'État dans les contrats pluriannuels devra refléter son souci d'aménagement du territoire. La survie et le développement de disciplines non valorisables par des brevets, ou même dérangeantes, mais ô combien nécessaires ? épidémiologie, toxicologie, systématique ?, sont aussi du devoir de l'État.

L'ouverture aux personnalités extérieures, que la commission aggrave potentiellement en invitant celles-ci dans le corps électoral, et le financement par des fondations peuvent être facteurs autant de dynamisme que d'inégalités, voire d'atteintes à la laïcité des contenus.

L'entrisme des créationnistes aux États-Unis et leur financement significatif ont ainsi conduit les responsables de plusieurs universités à céder à leur demande et à interdire l'enseignement de Darwin, et même de la paléontologie.

Nous n'en sommes pas là ;...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Pas encore !

Mme Marie-Christine Blandin. ... mais, plus près de nous, au Collège de France, Mme Bettencourt finance une chaire sur l'innovation technologique, et bien évidemment pas sur les poètes du Moyen Âge ! Comment faire en sorte que le souci d'un conseil d'administration de garder ces précieux financements ne le conduise à s'autocensurer sur l'étude du risque des nanomatériaux dans les crèmes de beauté, par exemple ? Là aussi, nous attendons l'État.

Telles sont nos interrogations, madame la ministre. Nous serons attentifs à vos réponses, malgré les délais et les rythmes contraires au bon travail du Parlement que nous impose le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. ? M. Gérard Delfau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Fourcade. Mes premiers mots, madame la ministre, seront pour vous féliciter d'avoir pris en charge un texte attendu autant que redouté, un texte nécessaire autant que combattu. Les débats, et les semaines qui suivront, nous montreront quels remous provoqueront les mesures courageuses que vous nous proposez.

J'ai pris connaissance du texte ; j'ai étudié les rapports des commissions ; j'ai entendu M. Valade, président de la commission des affaires culturelles, qui connaît par coeur l'ensemble du dispositif.

M. Jean-Luc Mélenchon. Attention à l'interrogation écrite ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Fourcade. À condition, mes chers collègues, d'être modifié par les amendements de la commission, le projet de loi va à mon avis dans le bon sens.

Bien entendu, certains l'ont souligné, ce texte ne constitue qu'une première étape, et il faut voir quelle sera la suite. Mais comme cette première étape est attendue depuis vingt-cinq ans,...

M. Jean-Pierre Fourcade. ... le moment me semble venu de l'engager.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. Je ne ferai pas l'analyse critique du système universitaire actuel, car tous nous connaissons les chiffres. Les excellents rapports des deux commissions me permettront d'éviter de descendre dans l'extrême détail. Néanmoins, je souhaiterais obtenir quelques éléments de réponse sur trois points.

Le premier point concerne la spécificité française. Le mécanisme européen LMD ? licence, master, doctorat ? est en train de s'imposer et constitue un élément essentiel de la compétitivité de nos universités dans la conjoncture mondiale. Pourrons-nous, dans ce cadre, maintenir les quatre branches de notre système universitaire, à savoir, tout d'abord, les sections de technicien supérieur, ou STS, les instituts universitaires de technologie, ou IUT, et les classes préparatoires, puis l'université proprement dite, ensuite, les grandes écoles et, enfin, les grands organismes de recherche ?

Compte tenu de l'effectif de ces quatre branches, il sera difficile de maintenir un tel système, et ce malgré les passerelles et les synergies qui peuvent exister, en particulier les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, inventés par la commission des affaires culturelles du Sénat. En outre, les STS et les IUT reposent sur un cursus en deux ans, alors que le monde entier s'oriente vers un système de licence en trois ans. Comment ferons-nous pour maintenir la spécificité française ? Ne faudra-t-il pas, après avoir étudié la gouvernance des universités ? c'est le premier pas ?, aller vers des réformes un peu plus importantes et essayer de rebâtir une licence en trois ans ? Le but serait d'éviter ce choc formidable des premières années qui ne débouchent pas sur de bons résultats et de nous glisser dans un mécanisme européen, et même mondial ? je pense aux universités chinoises ou américaines... ?, qui réponde aux nécessités actuelles.

Le deuxième point que je souhaite aborder concerne la formation et l'orientation dans les lycées. Au lieu de critiquer l'absence de sélection dans l'université ? elle est à mon avis une conséquence plus qu'une cause ?, ne faudrait-il pas s'intéresser davantage aux mécanismes d'information et d'orientation ?

Mme Valérie Pécresse, ministre, et M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Fourcade. Moi qui ai longuement administré une ville comptant quatre lycées, j'ai été frappé de constater que les élèves des classes de seconde, première et terminale ne savent rien sur les carrières qui offrent des postes et sur celles qui sont fermées, ignorent quels mécanismes de formation permettent d'aller vers les carrières prometteuses et n'ont aucune idée de la manière dont il faut travailler et concevoir l'apprentissage des langues étrangères, le développement de l'informatique ou le recours aux sciences les plus modernes pour aborder ces carrières.

Plus que la sélection, qui serait trop stricte dans les STS et les IUT et insuffisante dans l'université, le vrai problème est l'amélioration de la formation des professeurs de lycée : ceux-ci devraient être en mesure de mieux orienter l'ensemble de leurs élèves. C'est ainsi, me semble-t-il, que l'on évitera un certain nombre d'essais touristiques expérimentaux dans des formations qui n'offrent aucune perspective de carrière ? je ne songe à rien de précis, même si l'on en trouve très près de chez moi ?, et que l'on évitera aussi bien des échecs.

Il est donc essentiel, madame la ministre, d'envisager les questions de l'information et de l'orientation, qui sont beaucoup plus importantes que les problèmes de la sélection.

Enfin, le troisième point que je souhaite aborder concerne le nombre d'universités. J'ai constaté, en lisant les rapports et des comptes rendus de tables rondes, qu'un certain nombre de bons esprits se posaient la question de savoir si, avec quatre-vingt-cinq universités, le dispositif français n'était pas trop important et s'il ne fallait pas essayer de le concentrer pour améliorer la structure, les orientations et les filières universitaires. Je ne le pense pas.

M. Jean-Pierre Fourcade. Il me semble que manque à votre projet de loi, madame ? mais ce sera peut-être l'objet de la deuxième étape ?, un élément qui apporterait souplesse et compétitivité : la possibilité de créer de nouvelles universités.

M. Jean-Luc Mélenchon. Ça, c'est très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. Face à de grands « mammouths », comme dirait M. Allègre, face à des structures dans lesquelles les conflits internes entre le droit, la médecine, la sociologie ou la psychologie... empêchent tout développement et bloquent tout progrès, la création d'universités nouvelles par des personnes dynamiques voulant informer, former, créer des filières importantes, reprendre des contrats d'apprentissage, faire le pont avec les centres de formation d'apprentis et les autres éléments de formation, voire quelques grandes écoles, permettrait d'améliorer le paysage et de donner plus de vie au texte que vous nous proposez.

Tels sont, madame la ministre, les trois points sur lesquels je m'interroge. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Le projet de loi marque un premier pas, et j'y souscris volontiers. La gouvernance me paraît constituer un élément très important. J'approuve le principe du budget global, à la condition qu'au bout de quelques années il ne soit pas découpé en rondelles, comme nous l'avons vu dans les hôpitaux, et que des administrations trop nombreuses se croyant trop efficaces n'imposent pas de consacrer x % à tel sujet, y % à tel autre, z % à tel autre,...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce n'est plus un budget global !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... car, alors, il n'y a plus de budget global du tout !

Il vous faudra donc, madame la ministre, être d'une vigilance absolue à l'égard de vos fonctionnaires pour éviter que la notion de globalité du budget, élément important de la nouvelle gouvernance, ne soit perdue de vue, et que le budget ne soit saucissonné et ne se transforme en quelques années en un mécanisme d'où la globalité aura disparu. Nos universités doivent pouvoir embaucher des chercheurs internationaux de bon niveau et les payer sans que le contrôleur financier vienne objecter que leur rémunération est trop élevée par rapport à celle d'un ingénieur des Ponts et Chaussées ou d'un professeur de collège.

M. Francis Giraud. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. La souplesse, la gouvernance doit être totale.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est cela, l'autonomie !

M. Jean-Pierre Fourcade. Je plaide en faveur de tels mécanismes, et le projet de loi me paraît les permettre. J'espère donc, madame la ministre, que vous répondrez positivement à ma demande ; je voterai alors bien volontiers ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le débat sur le projet de loi relatif aux libertés des universités intervient l'année où nous célébrons le vingt-cinquième anniversaire de l'université des Antilles et de la Guyane. Ce sera donc pour moi l'occasion de rappeler à votre attention la situation très particulière et inquiétante de l'enseignement supérieur aux Antilles et en Guyane.

Le projet de loi dont nous discutons, que les universitaires appelaient de leurs voeux depuis de nombreuses années, s'inscrit dans la continuité de la loi Faure de 1968 et de la loi Savary de 1984, qui ont posé le principe de l'autonomie des universités. Pourtant, faute de dispositions adéquates, la réalité de ce principe est restée lettre morte, ou presque, et ce jusqu'à aujourd'hui.

Or, la dégradation du système universitaire français n'est plus à prouver. Les chiffres des dépenses par étudiant, des bourses, des crédits d'équipement ou de recherche parlent d'eux-mêmes ? cela a déjà été évoqué. Les conditions de travail, trop souvent déplorables, ne font que les confirmer.

Par ailleurs, nous devons désormais faire face à une concurrence internationale croissante, en particulier britannique et allemande. Le classement des universités mondiales nous est bien trop souvent défavorable.

Il est donc largement temps d'agir, de réformer l'organisation et le fonctionnement de nos établissements d'enseignement supérieur. En effet, c'est bien l'absence d'autonomie qui, jusqu'à aujourd'hui, les entrave en les privant de leur capacité d'initiative, de leur vitalité. Nous devons libérer ces énergies et donner à nos universités les moyens de devenir plus réactives, plus modernes.

Plus d'autonomie et de responsabilité, voilà ce dont les universités ont besoin pour être poussées à l'excellence et pour que la concurrence avec les universités étrangères soit moins biaisée.

Mais, comme vient de le souligner notre excellent collègue Jean-Pierre Fourcade, nos universités ont aussi besoin que les étudiants soient correctement orientés, motivés et sélectionnés. Cela passe notamment par l'une des mesures phares de votre projet de loi, madame le ministre : la transformation radicale de la gouvernance des universités.

Ainsi, les présidents d'université seront investis de nouveaux pouvoirs, beaucoup plus larges, et devront être porteurs d'un « projet d'établissement ». Cela renforcera leur légitimité et leur autorité au sein d'un conseil d'administration remodelé et resserré.

Cette gouvernance forte et crédible apparaît comme la condition sine qua non d'une réelle autonomie des universités.

C'est pourtant là que le bât blesse, madame le ministre, et que je me dois de vous rappeler certaines caractéristiques propres à l'enseignement supérieur en Guyane. En effet, si la réforme s'avère extrêmement pertinente dans un contexte régional, elle paraît sur plusieurs points difficilement applicable aux Antilles et en Guyane.

Tout d'abord, le conseil d'administration de l'université des Antilles et de la Guyane est actuellement composé de soixante membres, à raison de vingt membres pour chacun des pôles : Guadeloupe, Guyane, Martinique. Cette parité entre les trois pôles est l'une des clefs de l'unité de l'établissement.

Le contexte social, économique et même scientifique de la Guyane est cependant très différent de celui des Antilles. Il paraît dès lors très improbable que l'université puisse répondre efficacement aux enjeux de la Guyane alors que la représentation de celle-ci au conseil d'administration diminuerait. C'est pourquoi, madame le ministre, je présenterai à l'article 6 du projet de loi un amendement tendant à porter à quarante-cinq le nombre maximal des membres des conseils d'administration.

L'article 6 pose par ailleurs le problème des huit personnalités extérieures siégeant au conseil d'administration. Cela ne peut s'adapter à la particularité territoriale de l'université des Antilles et de la Guyane.

Actuellement, son conseil d'administration comprend quatorze personnalités extérieures, dont six sièges attribués aux trois conseils généraux et aux trois conseils régionaux.

Le texte, en prévoyant parmi les huit personnalités extérieures la présence d'un seul représentant du conseil régional, est particulièrement inadapté à la situation de l'université des Antilles et de la Guyane. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement tendant à porter le nombre maximal de personnalités extérieures membres du conseil d'administration à quatorze.

Le nouveau mode d'élection envisagé pour les présidents d'université ne me semble pas aller dans le sens du renforcement de la légitimité et de la crédibilité des présidents. Il conduirait en effet à la désignation du président par un maximum de vingt-deux élus, dont quatorze seraient des représentants des enseignants-chercheurs. Ces derniers auraient donc automatiquement une majorité absolue. Or, un président d'université est d'autant plus fort que son élection est l'expression d'une large représentation de la communauté et des partenaires de l'université.

J'ai donc souhaité m'associer à l'amendement déposé par notre collègue Pierre Laffitte, qui a vu, comme moi, à quel point il était indispensable d'inclure les personnalités extérieures dans le corps électoral, ce qui induit par ailleurs une modification du mode de désignation de ces personnalités, modification que nous proposerons dans un autre amendement.

Par ailleurs, une ambiguïté doit être levée au sujet des présidents d'université.

Le dernier alinéa de l'article 6 du projet de loi prévoit que les présidents d'université ont voix prépondérante en cas de partage des voix. Cette formulation sous-entend que le président a voix délibérative au conseil, alors même qu'il n'en est pas membre au sens de l'article L. 712-3 du code de l'éducation.

Et, dès lors qu'il deviendrait membre du conseil d'administration après son élection, il pourrait rompre le principe de parité, rappelé dans ce même article, entre les professeurs des universités et les autres enseignants. Madame le ministre, pouvez-vous me donner votre sentiment sur ce point ?

Le texte introduit un élément essentiel en créant une vice-présidence au sein du Conseil des études et de la vie universitaire qui sera spécialement chargée des questions de la vie étudiante.

Cependant, la rédaction du projet de loi ne fait pas apparaître clairement la qualité d'étudiant de ce vice-président, qualité qui est pourtant fondamentale. J'ai donc déposé un amendement tendant à rendre cette qualité plus explicite.

L'une des motivations principales de cette réforme, je l'ai déjà dit, est le renforcement de la gouvernance de l'université. À cet effet, il est curieux que le texte donne au président de l'université un droit de veto sur les affectations, alors que cette prérogative est laissée aux directeurs d'instituts ou écoles relevant de l'article L. 713-9 du code de l'éducation.

Je présenterai donc un amendement visant à modifier l'article L. 713-9 du code de l'éducation et à supprimer le droit de veto des directeurs d'instituts et écoles sur les affectations.

S'agissant enfin du comité de sélection, la nécessité qu'il soit composé de 50 % de membres extérieurs à l'établissement peut constituer pour l'université des Antilles et de la Guyane une source d'accroissement important des dépenses, dans la mesure où les membres extérieurs viennent le plus souvent de la métropole.

Sans vouloir nuire au caractère national du recrutement, j'ai néanmoins déposé un amendement prévoyant que l'université des Antilles et de la Guyane pourra constituer des comités de sélection comportant moins de 50 % de membres extérieurs, mais au moins deux enseignants-chercheurs d'un autre établissement.

Madame le ministre, je tiens à rappeler ici à quel point la Guyane mérite, du fait de sa situation géostratégique si particulière, un traitement adapté.

La Guyane française présente des caractéristiques démographiques, économiques et sociales telles qu'elle mérite des actions complémentaires afin de faire de ce territoire un centre d'excellence dans son environnement régional.

La structure universitaire en Guyane est dispersée et, par conséquent, bien peu lisible. Elle est composée de diverses entités : quatre établissements plus ou moins autonomes, des délocalisations de services communs ainsi que l'UFR de médecine administrés depuis les Antilles ; une représentation du président de l'université et de son administration sur le pôle Guyane a pour mission de coordonner l'ensemble.

Que voulons-nous faire de l'université des Antilles et de la Guyane ?

La création d'un établissement autonome doté d'une personnalité morale unique apparaît comme une nécessité évidente et urgente. J'appelle de mes voeux la création rapide de cette université de Guyane autonome avec une gouvernance forte.

L'enseignement supérieur en Guyane gagnerait considérablement et incontestablement en efficacité et en compétitivité si toutes ces structures fusionnaient enfin.

Cette revendication est tout à fait légitime et pertinente ; elle émane tant du corps enseignant, du personnel universitaire et des étudiants de Guyane que de l'ensemble des Guyanais et de leurs élus.

Madame le ministre, telles sont les raisons pour lesquelles j'ai déposé des amendements, qui permettront à moyen terme, grâce aux aménagements qu'ils prévoient, de préparer la collectivité guyanaise à aller vers une université de plein exercice. C'est avec confiance que je soutiendrai votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, nous avons examiné votre texte avec beaucoup d'attention et d'intérêt, et je limiterai mon propos à trois points.

Le premier concerne l'autonomie nécessaire. Cette dernière doit aller de pair avec une conception juste de l'aménagement du territoire. Comme l'a dit Mme Blandin, nous avons le même problème avec la décentralisation : si des collectivités concurrentes n'ont pas les mêmes moyens ou des moyens comparables, cela peut engendrer de grandes disparités. Et si l'autonomie consistait à établir une concurrence entre des universités de taille différente et, surtout, disposant de moyens très dissemblables, on aboutirait à de grandes injustices sur notre territoire.

Dans le département des Hauts-de-Seine, à côté de l'université de Nanterre, le conseil général a eu l'idée de favoriser la création de l'université dite « Léonard de Vinci ».

La comparaison des moyens affectés par étudiant, d'une part, dans cette université qui a été voulue par une collectivité locale de notre République et, d'autre part, dans l'université de Nanterre, située à quelques centaines de mètres, fait apparaître un véritable scandale.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, quels moyens avez-vous prévu de donner aux universités pour que ce mouvement nécessaire vers une plus grande autonomie ne se fasse pas au détriment de la justice et du juste aménagement du territoire ?

J'en viens au deuxième point de mon intervention : je trouve dommageable ? mais c'est un sujet extrêmement difficile ? que vous n'ayez pas saisi l'occasion de ce projet de loi pour poser le problème de la nécessaire articulation de nos grandes écoles, voire de nos classes préparatoires aux grandes écoles, avec les universités.

La France est l'un des rares pays où les grandes écoles constituent un réseau souvent indépendant, juxtaposé à l'université, même s'il y a de nombreux liens entre les laboratoires, les chercheurs et les enseignants. Il faudra nécessairement, tout en prenant en compte nos spécificités et nos traditions, trouver une cohérence, dans chaque territoire concerné, entre le réseau des grandes écoles, voire des classes préparatoires, et l'université elle-même. Madame la ministre, j'aimerais connaître vos intentions à cet égard.

Enfin, le troisième point que je voudrais aborder concerne l'article 16, qui a trait aux pouvoirs des présidents d'université. Il est important que ces derniers aient les moyens d'exercer pleinement leur mission. Mais il ne faudrait pas que cela dérive sur ce que j'appellerai une « hyper-présidentialisation », même si un tel phénomène est quelque peu à la mode dans d'autres sphères... Il est nécessaire que les responsabilités des présidents soient clairement établies, mais il y a certaines limites qui, à notre sens, ne doivent pas être franchies : je pense à la nomination des personnels, en particulier des personnels enseignants et donc des enseignants-chercheurs.

Aux termes de l'article 16, des comités de sélection seront mis en place dans chaque université. Ces comités seront-ils créés pour chaque nomination ?

Si l'on constitue un comité de sélection pour chaque poste à pourvoir, l'on risque fort de se retrouver avec des comités ad hoc,  avec toutes les dérives imaginables : clientélisme, « localismes »,...

Il me paraîtrait beaucoup plus sage de créer un comité de sélection par discipline ? ce serait en somme la nouvelle mouture de la commission de spécialistes ?, et non pour chaque poste à pourvoir, cette dernière solution, nécessitant la constitution d'un nombre très important de comités, étant source d'une grande complexité.

Par ailleurs, il est important que ce comité soit clairement représentatif de la discipline concernée. Le projet de loi prévoit que 50 % de ses membres sont choisis dans la discipline concernée. Ne serait-il pas opportun que le pourcentage soit un peu plus élevé, même si je pense qu'il est judicieux de prévoir que la moitié des personnes choisies sont extérieures à l'université, car cela nous prémunit contre les risques d'un trop grand « localisme » dans le recrutement des enseignants ?

Toutefois, madame la ministre, ce qui nous préoccupe surtout, c'est que le président puisse nommer de sa propre autorité un enseignant-chercheur contre l'avis dudit comité. En effet, aux termes de l'article 16, il n'est pas prévu de faire statuer une instance nationale du type Conseil national des universités, comme c'est le cas le plus fréquent pour la nomination des enseignants des universités.

Dès lors, dans le projet de loi tel qu'il est rédigé ? mais peut-être avons-nous mal compris ?, un président pourrait nommer quelqu'un de sa seule autorité, sans l'avis d'une instance nationale. Si tel n'est pas le cas, il convient de le préciser dans l'article 16.

Ce recrutement pourrait avoir lieu contre l'avis du comité de sélection, à supposer qu'il ne soit pas un comité ad hoc. J'en conclus, madame la ministre ? peut-être ai-je tort, mais je pense avoir bien lu ?, que le président pourrait décider d'une telle nomination sans suivre l'avis d'aucune instance à caractère scientifique.

Cette situation est inacceptable. Dans les universités étrangères, cela ne se passe pas ainsi, et, pour être recruté, il faut donner des gages scientifiques, notamment à ses pairs, c'est-à-dire à des enseignants, des chercheurs de la discipline concernée. Il nous semble donc extrêmement important de revoir la rédaction de l'article 16, afin d'éviter des dérives et de rester fidèles à cet esprit en vertu duquel l'université est dirigée principalement par des enseignants-chercheurs, désignés eu égard à leurs compétences, leurs travaux et leurs recherches.

Madame la ministre, la position qui sera prise par le Gouvernement au cours de la discussion quant aux amendements déposés sur cet article 16 aussi bien par le groupe socialiste que par la commission déterminera notre vote final sur ce projet de loi. Il est donc très important de clarifier les choses.

Je conclurai en disant que, pour nous, ces dispositions sont importantes car, même si vous nous dites que la question du recrutement est marginale, il s'agit de faire face à des situations d'urgence et de ne pas prendre dix-huit mois pour recruter un professeur. Dans ce cas, améliorons les procédures, changeons les dispositifs pour que le recrutement soit plus rapide.

Toutefois, il est essentiel que l'université repose sur la prise en compte de l'universalité des savoirs et du mouvement de la science, et que les personnels enseignants au sein de nos universités soient d'abord recrutés pour des raisons scientifiques et pédagogiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. ? MM. Gérard Delfau et Pierre Laffitte applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Francis Giraud. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Francis Giraud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souscris pleinement à l'analyse et aux propos de notre excellent collègue Jacques Legendre, concernant le projet de loi relatif aux libertés des universités.

Dans la discussion générale, notre collègue Hugues Portelli a posé des questions fort pertinentes sur les relations entre les UFR, les unités de formation et de recherche, encore appelées « facultés », et les universités.

En 2006, j'ai mené une mission sur l'évolution des missions des centres hospitaliers et universitaires. Je limiterai donc mon propos aux relations spécifiques qui unissent le monde de la santé et l'université.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Francis Giraud. Tout le monde connaît l'historique de la question.

Avant 1958, il y avait deux entités distinctes et antagonistes : l'hôpital et l'université. En 1958, une volonté politique forte a consacré le rapprochement de la biologie et de la médecine clinique, qui existait déjà aux Etats-Unis, sous l'impulsion d'une nouvelle génération de médecins chercheurs.

L'ordonnance du 30 décembre 1958, texte remarquable de concision, a fondé l'union de l'hôpital et de l'université, donnant naissance aux centres hospitaliers et universitaires, les CHU.

La réforme Debré a institué un corps de professeurs des universités-praticiens hospitaliers à plein temps, les PU-PH.

Cette rencontre de la médecine hospitalière et de l'université a produit, il faut bien le dire, des résultats remarquables. L'excellence des CHU a été reconnue dans les années qui ont suivi. Pourtant, les liens avec l'université n'ont jamais été tout à fait satisfaisants.

Les relations entre les doyens et les présidents d'université sont très variables, et ce en raison de la confusion de leurs rôles respectifs.

L'article L. 713-3 du code de l'éducation précise que les directeurs des UFR, les « doyens », ont la responsabilité de la formation des étudiants. Mais, en 1984, l'article 32 de la loi Savary leur a donné un pouvoir dérogatoire pour signer les conventions hospitalo-universitaires, qui demeurent toutefois soumises à l'approbation du président de l'université.

Les présidents d'université signent les contrats avec l'État, définissent la stratégie et ont la maîtrise des locaux et des personnels. Les doyens ? et tel est l'objet des sollicitations qui nous ont été adressées ? conservent, avec l'hôpital, le directeur général et le président de la commission médicale d'établissement, la CME, le choix des postes de PU-PH à pourvoir.

L'article 12 du projet de loi qui nous est présenté vise à aménager les régimes dérogatoires dont bénéficient les composantes de santé des universités, notamment pour ce qui concerne les conventions hospitalo-universitaires et les affectations de postes.

Vous le savez tous, mes chers collègues, les modifications envisagées inquiètent vivement ? c'est un euphémisme ! ? les directeurs d'UFR, les directeurs généraux des centres hospitaliers et les présidents de CME des centres hospitaliers et universitaires.

Il faut effectivement reconnaître qu'il serait inconcevable, en raison des répercussions sur la santé publique d'une telle décision, que le choix des postes hospitalo-universitaires à pourvoir puisse être détourné au profit d'autres disciplines universitaires.

Par ailleurs, les postes universitaires ? il convient de le souligner ? doivent assurer la permanence des disciplines médicales dans leurs missions de formation et de recherche et ne pas répondre uniquement aux seuls besoins hospitaliers, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. En effet, dans certaines spécialités médicales, on compte trop d'universitaires, tandis que, dans d'autres, on en manque cruellement. À terme, ces spécialités pourraient disparaître, car, sans formation, on ne peut plus assurer les soins.

Les amendements proposés par le rapporteur Jean-Léonce Dupont et adoptés par la commission des affaires culturelles tendent à instaurer un équilibre satisfaisant entre la légitime spécificité des CHU et les responsabilités des doyens, des directeurs généraux, des présidents de CME et des présidents d'université.

En effet, la commission a adopté un amendement visant à préciser que les conventions hospitalo-universitaires « respectent les orientations stratégiques de l'université définies dans le contrat pluriannuel d'établissement, notamment dans le domaine de la recherche bio-médicale ».

Par ailleurs, s'agissant des emplois hospitalo-universitaires, il est indiqué qu'ils « sont affectés dans le respect des dispositions de l'article L. 952-21 ».

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !

M. Francis Giraud. Ainsi, les effectifs des emplois hospitalo-universitaires « sont fixés, pour chaque centre et pour chaque catégorie, par décision commune des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé ».

L'adoption de l'article 12 du projet de loi devrait dissiper les inquiétudes qui se sont exprimées.

Je terminerai mon intervention en abordant les relations entre la recherche universitaire et le monde de la santé.

De ce point de vue, le déficit est notable. Le dernier classement de Shanghai, celui de 2007, qui distingue maintenant cinq grands domaines, est peu brillant pour ce qui concerne les sciences médicales et pharmaceutiques.

M. Jean-Luc Mélenchon. Il n'est pas acceptable !

M. Francis Giraud. Quoi qu'on puisse penser de sa méthodologie, ...

M. Francis Giraud. ...ce classement est devenu un outil de comparaison internationale.

M. Jean-Luc Mélenchon. Nous ne pouvons pas l'accepter !

M. Francis Giraud. La recherche fondamentale et les projets de recherche en santé requièrent des échanges accrus et une concentration de moyens. Cela ne peut se faire que dans le cadre universitaire. La nécessité de disposer de grands plateaux scientifiques et techniques s'impose. Et, surtout, l'interdisciplinarité est une exigence. En témoigne le fait que dix des quatorze derniers lauréats du prix Nobel de physiologie et de médecine ne sont pas médecins.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, et M. Paul Blanc. Eh oui !

M. Francis Giraud. On peut se féliciter du développement, dans notre pays, de la recherche clinique dans le cadre des centres hospitaliers et universitaires. Si l'on tient compte du caractère interrégional des recherches, qui peut représenter une difficulté pour les différentes universités concernées, on observe que de grands progrès ont été réalisés ces dernières années.

Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, créés par la loi de programme pour la recherche, qui associent pour la première fois les CHU à d'autres structures scientifiques et universitaires, sont un espoir pour l'avenir de la science médicale.

Il en résulte que la médecine, quelle que soit sa spécificité, a elle aussi besoin de réformes. Son excellence dépend d'un meilleur ancrage dans l'université.

On peut convenir avec les auteurs d'une récente tribune que « les facultés de médecine ne gagneront rien à devenir des écoles professionnelles ; elles ne gagneront rien à s'isoler sous forme d'universités de santé alors que partout ailleurs les universités se regroupent en pôles de recherche et d'enseignement supérieur polydisciplinaires ».

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Francis Giraud. « Au contraire, elles gagneront tout à rester au contact des autres disciplines et ne doivent pas avoir peur de l'émulation, voire de la concurrence, qui peut naître de cette proximité. »

Madame la ministre, je suis intimement persuadé que ce texte relatif aux libertés des universités peut contribuer à favoriser un nouvel essor de la médecine française, et donc de la santé publique dans notre pays. Cette réforme se situe dans le prolongement de celle qui avait été lancée, en 1958, par Robert Debré. Je voterai donc ce texte et son article 12, après adoption des modifications proposées par la commission des affaires culturelles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous cacherai pas ma satisfaction, en tant qu'universitaire, de voir la Haute Assemblée saisie des questions universitaires, à propos desquelles le Premier ministre a parlé de « réforme fondamentale ».

Mes collègues viennent de rappeler l'enjeu que représente l'avenir de nos universités, et mes réflexions rejoignent bon nombre de celles qui ont été évoquées ici. Toutefois, à mes yeux, il est essentiel d'avoir une vision prospective de ce que doit être l'enseignement supérieur, de ses finalités et de l'équilibre difficile, mais indispensable, qui doit exister entre formation, recherche et professionnalisation. Cette réflexion aurait mérité une loi d'orientation.

Comme mes collègues, je regrette vivement que ce projet de loi ne traite que les questions de gouvernance. Certes, il s'agit d'un sujet central, je vous l'accorde, madame la ministre, mais il n'a de sens que si nous l'abordons de front, en trouvant des solutions aux principales difficultés que rencontrent nos universités, à savoir notamment le manque de moyens, la réussite des étudiants de premier cycle et leur insertion professionnelle. L'organisation de la recherche, grande absente du texte qui nous est ici proposé, madame la ministre,...

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est la loi de 2006 !

M. Daniel Raoul. ... aurait pourtant pu contribuer à assurer une meilleure efficacité et à améliorer la visibilité, et donc l'attractivité de notre pays sur le plan économique.

J'avais déjà eu l'occasion de dire à François Goulard, alors ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, que l'université était absente de son pacte pour la recherche.

Pour respecter le parallélisme des formes, vous avez quant à vous, madame la ministre, oublié la recherche dans le texte qui nous est soumis. (Mme la ministre s'exclame.)

Dans le cadre d'une économie de l'intelligence, prônée lors du sommet de Lisbonne par le président Chirac, l'enseignement supérieur et la recherche constituent notre arme de pointe dans la compétitivité internationale.

Nous sommes tous convaincus dans cette enceinte, j'en suis persuadé, que notre pays doit se doter d'une architecture ambitieuse, fruit d'une étroite collaboration entre tous les partenaires. Voilà l'un des enjeux essentiels du texte dont nous débattons et qui aurait dû se traduire par une véritable loi d'orientation et de programmation.

Eu égard à la priorité affichée par le nouveau Président de la République, Nicolas Sarkozy, nous avions tous compris qu'il allait en être ainsi. En lieu et place, nous devons toutefois nous contenter de ce texte sur la gouvernance, alors même que les moyens budgétaires ne sont pas prévus pour cette année et qu'ils seront peut-être de 1 milliard d'euros en 2008.

Et pourtant, il s'agit bien là d'intelligence, de création, de transmission des connaissances et de valorisation de la recherche. L'université est un acteur prépondérant dans une économie mondialisée. Elle doit pouvoir s'adapter, se rénover et, par-dessus tout, elle doit avoir les moyens de fonctionner de manière moderne.

Un euro investi dans une université du troisième millénaire ? j'emploie volontairement le mot « investi » plutôt que « dépensé » ? sera démultiplié à très court terme.

Nos étudiants doivent recevoir une formation suffisamment générale pour avoir les moyens d'évoluer dans leur carrière, en fonction des évolutions économiques et technologiques, et suffisamment professionnalisante pour être immédiatement efficace.

Par ailleurs, notre recherche doit être suffisamment fondamentale pour satisfaire l'impérieux besoin de connaissance, et suffisamment appliquée pour accompagner notre économie, son développement et la croissance.

L'université est au croisement de ces deux paradigmes, les enjeux sont primordiaux, et nous devons nous demander si ce texte contribue à y répondre. Toutefois, madame la ministre, force est de constater que quelques zones d'ombres subsistent, s'agissant notamment des PMU, les petites et moyennes universités, comme celle du Maine-et-Loire.

Quels moyens envisagez-vous d'accorder aux petites et moyennes universités, qui connaissent déjà un encadrement moindre que les grandes universités, afin d'éviter que ne se crée un système universitaire à deux vitesses ? L'autonomie à laquelle nous sommes tous attachés ici ne doit pas se traduire par l'abandon.

Enfin, quel sera l'avenir des pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, qui ont été introduits par le pacte pour la recherche ? J'ai d'ailleurs envie de traduire PRES par « pôle régional d'enseignement supérieur » et de laisser au mot « recherche » une autre signification, car l'enseignement supérieur intègre à mon avis forcément la recherche. Accoler les mots « recherche » et « enseignement supérieur » me paraît donc redondant.

Les PRES, instaurés depuis peu, constituent avant tout un outil de mutualisation tant pour les universités que pour les autres établissements d'enseignement supérieur. Cette mutualisation revêt tout son sens lorsqu'elle concerne les moyens et les activités. La logique de sites géographiquement proches permet de renforcer la visibilité et l'efficacité tant de l'enseignement que de la recherche.

Dotés d'une taille critique suffisante, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur doivent permettre une plus grande attractivité des établissements concernés ainsi que des territoires sur lesquels ils sont implantés. Mais n'aurait-il pas été intéressant d'utiliser une pédagogie directive pour définir leur périmètre et éviter ainsi que ne se constituent des baronnies ?

La nouvelle gouvernance des universités est indispensable. Elle est un outil de travail en commun qui, dans un contexte de forte compétition internationale, constitue la pierre angulaire de notre politique d'enseignement supérieur et de recherche.

Toutefois, comme l'a rappelé Jean-Pierre Sueur, il ne faut pas tomber dans l'« hyper-présidentialisation » dans laquelle risque pourtant de nous entraîner la rédaction actuelle de l'article 16 du projet de loi.

Nous sommes dans une attitude constructive, voire positive, à condition que le texte soit modifié, s'agissant en particulier du recrutement dérogatoire.

Madame la ministre, permettez-moi, par déformation professionnelle, de noter votre projet.

Pour le côté positif, je relève la prise de conscience de l'enjeu pour l'économie française, l'idée des fondations, à condition qu'elles soient contrôlées, des conseils d'administration resserrés, conseils qui sont aujourd'hui sclérosés et frappés d'inertie.

Pour le côté négatif, je déplore, avec nombre de mes collègues, un calendrier restreint, un décalage d'un an au moins entre l'autonomie et l'affectation réelle des crédits supplémentaires, sans oublier le fameux article 16.

Au total, dans l'état actuel de votre copie, mon appréciation sera : « Peut mieux faire ». Je suis d'ailleurs persuadé que vous le pouvez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. ? M. Gérard Delfau applaudit également.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)