compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de la Commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle des Français de l'étranger et au sein de la Commission centrale de classement des débits de tabac.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires sociales et la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation à présenter respectivement des candidatures.

La nomination au sein de ces organismes extraparlementaires aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

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DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le Président a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur le crédit d'impôt recherche, établi en application de l'article 34 de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche, et le rapport 2006 relatif aux perspectives d'activité et aux fonds propres de la société DCN, établi en application de l'article 78 de la loi de finances n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 rectificative pour 2001.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils seront transmis à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et seront disponibles au bureau de la distribution.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président. M. le Président a reçu de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, le rapport évaluant les incidences de la libéralisation du régime de l'usure sur les modalités de financement des petites et moyennes entreprises, établi en application de l'article 7 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires économiques et sera disponible au bureau de la distribution.

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NOMINATION DES MEMBRES DE DEUX MISSIONS D'INFORMATION COMMUNES

M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la mission d'information commune sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver.

La liste des membres de cette mission, désignés à partir des propositions des groupes politiques pour les commissions des affaires culturelles, des affaires économiques, des affaires étrangères, des affaires sociales et des finances, a été affichée.

Il n'y a pas d'opposition ?....

En conséquence, sont déclarés membres de la mission d'information commune : M. Jean-Paul Amoudry, Mme Marie-France Beaufils, MM. René Beaumont, Michel Billout, Mme Nicole Bricq, MM. Gérard César, Marcel Deneux, Eric Doligé, Claude Domeizel, Philippe Dominati, Ambroise Dupont, Michel Esneu, Pierre Laffitte, Serge Lagauche, Mme Elisabeth Lamure, MM. Gérard Longuet, Dominique Mortemousque, Jean-Marc Pastor, Jackie Pierre, Xavier Pintat, Daniel Raoul, Thierry Repentin, Henri Revol, Michel Sergent, Bruno Sido, Jacques Valade, André Vallet et Mme Dominique Voynet.

L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la mission d'information commune ayant pour objectif d'étudier le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle.

La liste des membres de cette mission, désignés à partir des propositions des groupes politiques pour les commissions des affaires culturelles, des affaires sociales et des finances, a été affichée.

Il n'y a pas d'opposition ?....

En conséquence, sont déclarés membres de la mission d'information commune : MM. Bertrand Auban, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Serge Dassault, Mmes Annie David, Isabelle Debré, M. Jean-Pierre Demerliat, Mmes Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, MM. Jean-Léonce Dupont, Yann Gaillard, Paul Girod, Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Jean-François Humbert, Serge Lagauche, Jacques Legendre, Mme Valérie Létard, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Melot, M. Roland Muzeau, Mmes Gisèle Printz, Janine Rozier, M. Bernard Seillier, Mme Esther Sittler, MM. Louis Souvet et Robert Tropeano.

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Article 9 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la prévention de la délinquance
Division additionnelle et articles additionnels après l'article 9

Prévention de la délinquance

Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention de la délinquance (nos 102, 132).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer une division additionnelle après l'article 9.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la prévention de la délinquance
Article 9 bis

Division additionnelle et articles additionnels après l'article 9

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission demande la réserve des amendements tendant à créer une division additionnelle après l'article 9 jusqu'après l'amendement n° 134, dernier d'une série d'amendements tendant à insérer des articles additionnels après ledit article.

En effet, si ces amendements ne sont pas adoptés, la division additionnelle n'aura pas de sens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. La réserve est de droit.

L'amendement n° 59, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 621-2 du code du commerce, après les mots : « celui du débiteur », sont insérés les mots : «, constitué notamment lorsqu'une situation de dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée est établie »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Au fil des lectures, le texte que nous examinons s'est transformé en projet de loi portant diverses dispositions relatives à la délinquance. Principalement axé sur la délinquance des mineurs à l'origine, il est désormais transversal. Notre but est d'essayer de lutter contre toutes les formes de délinquance, y compris la délinquance économique et financière.

De toute évidence, le Gouvernement cherche à exclure du champ de la délinquance une certaine catégorie de personnes se rendant pourtant coupables d'agissements et de montages financiers frauduleux, dont les ravages sont catastrophiques en termes d'emplois et pour les finances publiques.

Trop souvent, l'État se trouve dans l'obligation de payer les conséquences de ces agissements condamnables, comme dans le cas de Metaleurop. La lutte contre la délinquance financière a donc toute sa place, nous semble-t-il, dans le présent projet de loi.

Notre amendement tend à préciser la notion de confusion des patrimoines entre une société mère et une filiale.

Dans l'affaire Metaleurop, la cour d'appel de Douai avait constaté, dans son arrêt du 16 décembre 2004, la confusion entre les patrimoines des sociétés SAS Metaleurop Nord et Metaleurop SA et ordonné l'extension à la SA Metaleurop de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SAS. Les juges ont estimé que la filiale se trouvait dans un « état de dépendance décisionnelle et financière particulièrement marqué » et que ses relations avec Metaleurop SA étaient devenues anormales.

Cet arrêt a constitué une avancée dans la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères vis-à-vis des entités qui lui sont subordonnées. La Cour de cassation a néanmoins cassé cet arrêt le 19 avril 2005 au motif qu'il manquait de base légale.

Notre amendement vise donc à inscrire clairement, noir sur blanc, cette base légale dans le code du commerce et à préciser que, lorsqu'une situation de dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée est établie, il convient d'étendre à la société mère l'ouverture de la procédure collective décidée pour la filiale.

J'invite notre assemblée à adopter cet amendement afin de combler une lacune du texte en matière de délinquance économique et financière.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je donnerai l'avis de la commission après la présentation de l'ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 9, car il sera identique sur chacun d'eux.

M. le président. Je vais donc appeler en discussion les dix-neuf autres amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 9.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 60 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 123 est présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 458 du code des douanes est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 60.

Mme Éliane Assassi. Aux termes de l'article 458 du code des douanes, les infractions à la législation et à la réglementation financières ne peuvent être poursuivies que sur la plainte du ministre de l'économie et des finances.

Il est particulièrement étonnant que la poursuite et, par conséquent, la sanction de telles infractions soient subordonnées à la seule appréciation du ministre de l'économie et des finances.

Nous souhaitons donc que l'article 458 du code des douanes soit abrogé afin de faciliter les poursuites en ce domaine, ce qui aurait l'avantage de ne pas soumettre la répression de ces infractions au pouvoir politique et permettrait de mieux lutter contre la délinquance financière.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 123.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L'article 458 du code des douanes prévoit que la poursuite des infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger ne peut être exercée que sur la plainte du ministre de l'économie et des finances.

Nous souhaitons que cet article soit abrogé afin de faciliter les poursuites dans ce domaine et de marquer la volonté de prévenir la délinquance économique.

Comme l'a dit Mme Éliane Assassi, il ne suffit pas de parler de la délinquance qui concerne une certaine catégorie de la population - les pauvres, les étrangers, les mineurs, les malades, c'est-à-dire les plus fragilisés de notre société. Les puissants, ceux qui ont des privilèges résultant de l'exploitation des plus pauvres et du système ultra-capitaliste, doivent aussi être concernés par ce projet de loi.

Il serait donc important d'inscrire dans ce projet de loi des dispositions relatives à la délinquance économique et financière.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 61 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 132 rectifié est présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 225-10-1 du code pénal est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 61.

Mme Éliane Assassi. L'amendement n° 61 tend à supprimer le délit de racolage passif inscrit à l'article L. 225-10-1 du code pénal par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

La répression du racolage passif répondait avant tout au souci du ministre de l'intérieur de nettoyer certains quartiers des prostituées. Il fut adopté pour de simples raisons d'affichage politique et nullement dans le but de démanteler les réseaux de proxénètes.

La preuve en est que, si la prostitution est aujourd'hui moins visible dans certains quartiers de la capitale et dans les centres des villes, elle s'est déplacée vers les faubourgs, les forêts, ainsi que dans de prétendus instituts de massage, et qu'elle s'est développée de façon fulgurante sur Internet et via les petites annonces.

Les réseaux de proxénétisme n'ont nullement été inquiétés par la répression du racolage passif. En revanche, les femmes qui se prostituent sont désormais dispersées pour échapper aux contrôles de police. Par conséquent, les associations ont plus de difficultés à les localiser.

L'effet pervers de la loi du 18 mars 2003 est double : d'une part, les prostituées sont moins sensibilisées au discours de prévention - elles sont donc susceptibles de contracter des maladies -, d'autre part, elles sont davantage isolées et soumises aux pressions physiques et morales de leurs proxénètes.

Les policiers, de leur côté, pendant qu'ils procèdent aux arrestations de prostituées, ne sont pas mobilisés pour démanteler les réseaux. Il faut avouer que ces opérations d'investigation sont moins visibles et donc médiatiquement moins rentables !

Nous sommes par conséquent logiquement conduits, compte tenu de ses effets néfastes, à demander l'abrogation de l'article 225-10-1 du code pénal.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 132 rectifié.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Dans la même logique, il convient de lutter contre ce que l'on qualifie aujourd'hui de « traite des blanches ». Ainsi, ce sont les trafics, les proxénètes et non les prostituées qui doivent être fortement frappés. Le délit de racolage dit « passif », qui place les prostituées dans une situation de vulnérabilité accrue face à leurs proxénètes, doit être abrogé.

Le rapport de la commission « citoyens-justice-police », commission composée de la Ligue des droits de l'homme, du syndicat de la magistrature et du syndicat des avocats de France, a mis en évidence la fragilisation des prostituées résultant de la répression du racolage dit « passif ».

Celles-ci sont contraintes, parfois même du fait du harcèlement policier, d'exercer dans les zones suburbaines où elles doivent souvent payer leur place ; d'autres exercent en appartement en payant à des réseaux des loyers sans lien avec ceux du marché. Celles qui avaient gagné leur indépendance deviennent ainsi vulnérables.

Le rapport de l'association Médecins du monde sur le même sujet, intitulé Prostitution : fragilité accrue au nom de la loi, a mis en évidence les effets pervers de cette loi.

Le rapport d'Amnesty International sur les violences faites aux femmes souligne également l'échec de cette disposition de la loi du 18 mars 2003.

Le nombre de condamnations en ce domaine n'a pas évolué de façon significative. Le texte n'a donc pas eu une grande efficacité en matière de lutte contre le proxénétisme et n'a pénalisé que ses victimes.

C'est la raison pour laquelle ce texte doit être abrogé ; tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 2-20 du code de procédure pénale, inséré un article ainsi rédigé :

« Art..... - Tout comité d'entreprise ou de groupe, ou à défaut tout représentant du personnel, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les abus de biens sociaux ayant entraîné la liquidation judiciaire de l'entreprise et des suppressions d'emplois. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement ouvre la possibilité aux représentants des salariés, en cas de faillite organisée par l'employeur reconnue, de prétendre à la réparation du préjudice pour la perte de leur emploi en se constituant partie civile dans les procédures d'abus de biens sociaux.

À l'heure actuelle, en matière pénale, dans le cadre d'abus de biens sociaux, ni le comité d'entreprise, ni les organisations syndicales, ni les salariés ne peuvent se constituer partie civile pour faire valoir leurs droits.

En effet, en matière de liquidation judiciaire, le motif de licenciement économique ne peut pas être contesté, car celui-ci est considéré a priori comme justifié.

Or, si ce sont des malversations financières caractérisant l'abus de biens sociaux qui sont à l'origine de la liquidation judiciaire et donc des licenciements, il est nécessaire de reconnaître aux salariés le droit de se constituer partie civile afin d'obtenir la réparation du préjudice subi.

Nous souhaitons saisir l'opportunité offerte par ce texte, d'une part, pour renforcer les droits de ces salariés et, d'autre part, pour limiter un tant soit peu les pratiques abusives et frauduleuses de certains employeurs.

Il s'agit en quelque sorte d'une mesure de prévention.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 63 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 128 rectifié est présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 18 du code de procédure pénale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art.... - Des officiers et agents de police judiciaire sont détachés auprès de l'autorité judiciaire dans chaque tribunal de grande instance, afin d'y travailler sous la direction des magistrats du parquet et des juges d'instruction. D'autres fonctionnaires habilités à la recherche et à la constatation des infractions peuvent être détachés dans les mêmes conditions. Les modalités d'affectation de ces fonctionnaires sont fixées par décret en Conseil d'État. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 63.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement vise à ce que des officiers et agents de police judiciaire puissent être détachés auprès de l'autorité judiciaire dans chaque tribunal de grande instance afin d'y travailler sous la direction des magistrats du parquet et des juges d'instruction.

D'autres fonctionnaires habilités à la recherche et à la constatation des infractions pourraient également être détachés dans les mêmes conditions.

Ne voyez pas dans cette disposition, monsieur le ministre, une mise en cause de l'indépendance de la police judiciaire. Au contraire, les compétences des officiers de police judiciaires ainsi détachés seraient exploitées au mieux s'ils n'avaient pas à souffrir d'une organisation schizophrène de leur travail.

En effet, on éviterait des situations peu cohérentes dans lesquelles les personnels mis à la disposition des magistrats restent sous l'autorité du ministère de l'intérieur. De plus, les risques d'instrumentalisation de la police judiciaire seraient grandement limités.

La demande formulée par cet amendement reste modeste si on la compare avec ce qui existe dans d'autres pays, puisqu'il n'est pas question de transférer toute la police judiciaire au ministère de la justice.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 128 rectifié.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Considérant que la police judiciaire n'est pas l'organe de propagande d'un quelconque ministre candidat qui agirait pour lui avec une myriade de journalistes et de caméras, il nous semble indispensable d'autoriser les parquets et les juges d'instruction à travailler également avec quelques officiers de police judiciaire qui seraient détachés de leur administration d'origine.

La police judiciaire ne doit pas être instrumentalisée dans des opérations « coup-de-poing » ou donner, face aux caméras, un spectacle aux résultats concrets dérisoires.

Magistrats, policiers et gendarmes doivent travailler en équipe et en confiance. Il est aujourd'hui trop facile pour le ministre de l'intérieur de donner des ordres aux gendarmes et aux policiers qui travaillent en matière judiciaire, simplement pour des opérations médiatiques. Dans d'autres pays, comme nous l'avons dit précédemment, la police judiciaire ne dépend que des magistrats avec lesquels elle travaille.

L'objectif de cet amendement est justement de prévoir la possibilité, pour les parquets et les juges d'instruction, de travailler avec quelques officiers de police judiciaire qui seraient détachés de leur administration d'origine.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 64 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 125 est présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le dernier alinéa de l'article 706-73 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«...° Délits de corruption, prévus par les articles 432-11, 433-1, 435-1, 435-2 et 435-3 du code pénal. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 64.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le culte de l'argent porté par l'idéologie néolibérale, la mondialisation des marchés et l'internationalisation des affaires ont ouvert à la criminalité financière des capacités de développement illimitées. En cette matière aussi, la situation a changé depuis 1945. En témoignent la persistance et le développement des paradis fiscaux offrant toute sécurité contre des poursuites.

En France, en raison notamment de la privatisation des services publics, les marchés publics représentent des sommes très attractives et constituent un secteur particulièrement exposé à la corruption.

Les thèmes étudiés par le service central de prévention de la corruption depuis 1993 témoignent de la complexité de la lutte contre ce phénomène, et ce d'autant plus que les ramifications de tels réseaux sont souvent mondialisées.

La signature à Mérida de la convention des Nations unies contre la corruption, ratifiée par la France, est la marque de la bonne volonté des États à mener des actions contre la corruption.

Afin de lutter efficacement contre la corruption et au regard de l'extrême gravité de ce délit, il nous semble opportun que la procédure d'exception prévue par l'article 706-73 du code de procédure pénale soit étendue aux délits de corruption prévus par le code pénal. Ce serait une façon de nous adapter à l'évolution de la criminalité, ce qui théoriquement vous tient à coeur.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 125.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce projet de loi a un caractère discriminatoire dans la mesure où il met en avant la délinquance tout en ignorant totalement la délinquance « en col blanc ».

Vous vous focalisez de façon quasi obsessionnelle sur la délinquance supposée « essentialiste » des jeunes parce que pauvres et trop souvent étrangers à vos yeux.

Or la vraie délinquance, celle qui empêche la France de se développer de façon soutenable, voire de croître, c'est la corruption, cette corruption que l'on dénonce dans les autres pays, mais que l'on préfère ignorer ici ou bien que l'on nomme autrement : prise illégale d'intérêt, délit d'initié...

C'est pourtant la corruption qui cause la première des insécurités, l'insécurité sociale ! C'est elle qui nourrit les trafics, y compris les trafics internationaux. Le délit de corruption doit donc figurer sur la liste des infractions pour lesquelles les moyens procéduraux d'exception sont prévus par la loi Perben II.

Le service central de prévention de la corruption, qui a aussi pour mission de prévenir la délinquance financière, doit devenir une autorité administrative indépendante et son rôle doit être sensiblement renforcé afin de lui permettre de conduire des enquêtes préliminaires qui devront être transmises au parquet si elles révèlent l'existence d'infractions.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 65 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 133 est présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 154-1 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L.... - Le fait de se soustraire à l'obligation de paiement des salaires selon les modalités définies aux articles L. 143-1 à L. 143-3, L. 147-1, L. 147-2 est puni de 3 750 euros d'amende. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 65.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le contexte économique difficile que connaît actuellement la France, la peur du chômage, la surprotection du patronat exposent les travailleurs aux pratiques abusives de certains employeurs.

En l'état du droit, le défaut de paiement des salaires est sanctionné par une contravention de troisième classe. Autrement dit, les patrons peu scrupuleux s'exposent à une amende de 450 euros maximum, alors qu'ils exposent les salariés à des situations économiques et humaines extrêmement difficiles.

Afin de tenir compte des enjeux en présence, nous proposons par notre amendement de punir d'une amende de 3 750 euros le fait de se soustraire à une telle obligation.

Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, M. Philippe Houillon, rapporteur, avait justifié le rejet d'un amendement identique en prétextant que la jurisprudence sanctionne des peines prévues pour le travail dissimulé tout défaut de paiement de salaire volontaire. Ces amendements seraient donc déjà satisfaits par la jurisprudence.

Il nous semble au contraire utile que le législateur intervienne pour clarifier l'encadrement normatif de telles situations.

Il est vrai que la dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 324-10 du code du travail peut-être caractérisée s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnée, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui qui a réellement été effectué. Cependant, il s'agit du défaut de mention d'heures supplémentaires et non du défaut de paiement de salaire.

Il ne nous semble pas que la Cour de cassation se soit prononcée sur la question de savoir si le défaut de paiement de salaire constitue un travail dissimulé.

En tout état de cause, même si une telle jurisprudence existait, elle pourrait être abandonnée. L'argument selon lequel la règle serait fixée dans la jurisprudence pour refuser l'intervention du législateur nous paraît donc peu sérieux.

Vous avez le souci de caractériser de plus en plus en détail chaque type ou subdivision de délit, mais, en matière de fraude patronale, le flou semble l'emporter, et il n'est pas à l'avantage des salariés, c'est le moins que l'on puisse dire !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 133.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La prévention de la délinquance en matière de droit du travail est primordiale. Nous devons donc correctionnaliser le non-paiement frauduleux des salaires, qui n'est passible, aujourd'hui, que d'une contravention de troisième classe.

La prévention des infractions en ce domaine commande de prévoir des sanctions mieux proportionnées aux enjeux. Avec l'adoption de cet amendement, seules les infractions aux dispositions réglementaires relatives aux modalités de paiement des salaires demeureraient sanctionnées par une contravention.

Surtout en période de chômage, il est temps que le patronat soit, lui aussi, puni et ne bénéficie pas d'une impunité en cas de fraude.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 66 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 131 est présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° L'article L. 228 est abrogé.

2° Le troisième alinéa de l'article L. 230 est supprimé.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 66.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement a pour but de renforcer la réactivité et la transparence des procédures en matière de fraude fiscale.

Dans ce domaine, les procédures sont examinées par la commission des infractions fiscales ; or les compétences accordées à cette commission soulèvent un certain nombre de problèmes.

En effet, c'est elle qui apprécie l'opportunité des poursuites et non le parquet. Actuellement, les sanctions fiscales font souvent l'objet de négociations, de transactions aux divers stades de la procédure ou encore de plaintes qui ne peuvent être déposées que sur avis conforme de la commission.

Quand on sait qu'il revient au parquet d'apprécier l'opportunité des poursuites pour l'ensemble des autres infractions, on ne peut tolérer l'existence de cette justice quelque peu déviée.

Pour mettre fin à un tel système, préjudiciable à la garantie d'une justice équitable, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 131.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Les sanctions fiscales sont souvent l'objet de négociations ou de transactions aux divers stades de la procédure. Elles sont examinées par une commission des infractions fiscales, et les plaintes ne peuvent être déposées que sur avis conforme de cette commission.

On ne saurait admettre que l'opportunité des poursuites soit appréciée par le parquet pour l'ensemble des infractions et par une commission spéciale en matière d'impôt. Ce système est emblématique d'une justice à deux vitesses, alors que la fraude fiscale est une délinquance dont la partie la plus préjudiciable est organisée au niveau international.

La prévention de ce type de criminalité passe notamment par un renforcement de la réactivité et de la transparence des procédures en matière de fraude fiscale. Cet amendement vise donc à supprimer la commission des infractions fiscales.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 67 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 127 est présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence est ainsi modifiée :

1° Le deuxième alinéa de l'article 1er est ainsi rédigé :

« La mission est une autorité administrative indépendante, dirigée par un collège de trois membres, désignés respectivement par les assemblées générales de la Cour de cassation, du Conseil d'État et de la Cour des comptes pour une durée de trois ans. » ;

2° Le deuxième alinéa de l'article 2 est complété par les mots : « ou du collège directeur de la mission ».

II. - Dans toutes les dispositions législatives et réglementaires, les mots : « mission interministérielle d'enquête sur les marchés » sont remplacés par les mots : « mission indépendante d'enquête sur les marchés ».

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 67.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement tend, lui aussi, à prévenir la délinquance économique et financière, singulièrement s'agissant du secteur des marchés publics, lequel reste très vulnérable à la corruption.

Le groupe d'États contre la corruption, le GRECO, placé auprès du Conseil de l'Europe, s'est exprimé en faveur du renforcement des garanties s'agissant de la mission interministérielle d'enquête sur les marchés publics, dont le rôle est de prévenir cette forme de délinquance. Le GRECO s'est notamment inquiété de l'absence de transmission au parquet des enquêtes de cette mission interministérielle.

Afin de mettre un terme à d'éventuels soupçons et de permettre à la mission d'assurer pleinement ses fonctions, nous proposons de lui conférer une indépendance suffisante ainsi qu'un pouvoir d'initiative pour commencer les enquêtes.

Il convient d'avoir l'assurance qu'un dossier traité par la mission interministérielle d'enquête sur les marchés publics à la suite d'une demande d'avis technique et ayant conclu à une violation des règles applicables conduise à une transmission des faits au parquet. Actuellement, la mission ne transmet pas ses conclusions au parquet. Il est donc difficile, voire impossible de sanctionner les éventuels manquements constatés.

Tel est l'objet de cet amendement, qui a tout à fait sa place dans un texte relatif à la prévention de la délinquance.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 127.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il va de soi que l'octroi des marchés publics doit être rendu beaucoup plus transparent. Nous le savons, ce secteur est particulièrement vulnérable à la corruption et au délit d'initié.

Cet amendement a donc pour objet de prévenir la délinquance en conférant à la mission une indépendance suffisante pour mettre un terme aux soupçons qui lui imputent une réserve inappropriée dans le traitement de certains dossiers. Il vise aussi à conférer à la mission un pouvoir d'initiative pour commencer les enquêtes afin d'améliorer sa réactivité et son efficacité.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 68 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 126 est présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : «, placé auprès du ministre de la justice, » sont supprimés ;

2° L'avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le service est une autorité administrative indépendante, dirigée par un collège de trois membres, désignés respectivement par les assemblées générales de la Cour de cassation, du Conseil d'État et de la Cour des comptes pour une durée de trois ans. » ;

3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Il peut procéder à des enquêtes préliminaires dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. Des officiers de police judiciaire sont détachés à cette fin auprès du service. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 68.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le présent projet de loi contient des propositions tout à la fois disparates et cohérentes : elles tendent toutes au contrôle social et à la répression de catégories bien ciblées de la population.

Le Gouvernement « surpénalise » ici la délinquance de proximité, mais ignore totalement la délinquance économique et financière. À ce titre, le texte revêt un caractère discriminatoire indéniable.

Si la délinquance économique et financière est moins visible que la délinquance dite « ordinaire », il n'en demeure pas moi qu'elle coûte très cher à la collectivité. C'est pourquoi nous proposons par le présent amendement de nous attaquer à cette forme de délinquance. Notre objectif est de renforcer le service général de prévention de la corruption, qui a pour mission de prévenir la délinquance en ce domaine.

Cet organisme a été placé par la loi du 29 janvier 1993 auprès du garde des sceaux.

Il s'agit là d'une situation ambiguë qu'il convient, selon nous, de supprimer. Ce service doit en effet devenir une autorité administrative indépendante.

Quant à son rôle, nous considérons qu'il est aujourd'hui trop modeste, car ce service n'a pas la possibilité de procéder à des investigations.

Pour mémoire, je rappellerai que cette faculté, envisagée par le législateur de 1993, a été censurée par le Conseil constitutionnel du fait d'un encadrement insuffisant. Aussi proposons-nous de doter cette autorité du pouvoir de conduire des enquêtes préliminaires qui devront être transmises au parquet si elles révèlent l'existence d'infractions.

En conséquence, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement, qui tend à renforcer le service central de prévention de la corruption, d'une part, en lui conférant un statut d'indépendance et, d'autre part, en prévoyant une direction collégiale dont les conditions de nomination garantissent cette indépendance.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 126.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme vient de l'indiquer Mme Mathon-Poinat, le service central de prévention de la corruption ne bénéficie actuellement ni de l'indépendance suffisante ni de la légitimité lui permettant d'assurer de façon satisfaisante sa mission.

Nous proposons donc que cette instance qui, je le rappelle, a pour mission de prévenir la délinquance financière devienne une autorité administrative indépendante. Son rôle doit être sensiblement renforcé pour lui permettre de conduire des enquêtes préliminaires qui devront être transmises au parquet si elles révèlent l'existence d'infractions.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 69, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 84 de la loi de finances rectificatives pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) est abrogé.

II. - En conséquence, la loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises et les textes réglementaires s'y référant sont rétablis dans leurs rédactions antérieures à la loi n° 2002-157 du 30 décembre 2002 précitée.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Par cet amendement, nous proposons de rétablir le dispositif de contrôle des fonds publics accordés aux entreprises prévu dans la loi de janvier 2001, dite « loi Hue », qui a été supprimée par la droite dès son arrivée aux affaires en 2002.

Il s'agit de prévenir la fraude aux aides accordées par l'État et les collectivités publiques en rétablissant la commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises. Nous sommes bien là dans le cadre de la prévention d'une certaine forme de délinquance.

Je le rappelle, cette loi avait été adoptée à la suite de l'annonce par Michelin - il y en a eu d'autres du même genre concernant JVC et Daewoo - de la suppression de 7 500 emplois sur trois ans alors que l'entreprise affichait un résultat net en progression de 17 %, que le cours de l'action avait connu une hausse de 11 % et qu'elle avait bénéficié depuis 1983 de plus de 10 milliards de francs d'aides publiques.

Cette commission de contrôle avait donc pour but de concourir à l'objectif national de maintien et de création d'emplois, de favoriser l'essor des qualifications, de lutter contre l'explosion de la précarité et de permettre le développement d'investissements utiles à la création de richesses.

Je rappelle les trois objectifs essentiels qui avaient été fixés par cette loi.

Tout d'abord, elle visait à assurer la lisibilité et la transparence des aides publiques accordées aux entreprises alors que, bien souvent, ni les salariés ni les élus, qu'ils soient locaux ou nationaux, ne sont en mesure de connaître la réalité des sommes en jeu et les flux financiers qu'elles provoquent.

Parce que les sommes en jeu sont précisément très importantes, il est indispensable de rassembler des informations fiables à l'échelle locale, voire nationale, afin de connaître la réalité des concours financiers.

Ensuite, la loi tendait à assurer le suivi détaillé et concret de l'utilisation des aides dans l'entreprise et à mesurer leur impact sur l'emploi, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise. La connaissance de l'impact externe peut en effet être utile aux élus, notamment pour connaître la situation du bassin d'emploi au coeur duquel l'entreprise est placée.

Enfin, cette loi visait à confier à la commission de contrôle nationale et décentralisée une sorte de droit d'alerte afin de contrôler la réalité de l'impact de la dépense publique consacrée aux entreprises à partir de l'analyse concrète de son efficacité sur le terrain, rôle qu'elle peut tenir notamment du fait des conditions de sa saisine.

À notre sens, il est donc nécessaire de rendre possible la suppression, la suspension, voire le remboursement des aides publiques en fonction des résultats en termes d'emploi et de formation.

Tel est le sens de cet amendement que nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter afin de nous assurer d'une meilleure transparence dans l'utilisation de l'argent public.

M. le président. L'amendement n° 134, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 432-11 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L.... - L'employeur communique à la demande du comité d'entreprise ou du délégué du personnel le montant et l'utilisation des aides publiques accordées par l'État, les collectivités locales ou leurs établissements publics.

« Le comité d'entreprise ou le délégué du personnel peut saisir l'organisme gestionnaire d'aides ou l'autorité compétente lorsqu'il estime que l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits pour bénéficier des aides.

« L'organisme ou l'autorité saisi peut décider, après avoir entendu l'employeur et les représentants du personnel, de suspendre ou de retirer l'aide accordée.

« Le cas échéant, il peut en exiger le remboursement. Il en apprécie l'utilisation en fonction notamment de l'évolution de l'emploi dans l'entreprise considérée, des engagements formulés par le chef d'entreprise pour bénéficier de ces aides et des objectifs avancés par les salariés et leurs organisations syndicales. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La prévention des fraudes concernant les aides publiques doit également être une priorité concrète.

Par conséquent, il convient de rétablir et de renforcer une disposition de la loi du 4 janvier 2001 afin de permettre aux comités d'entreprise d'obtenir l'information nécessaire sur les aides publiques dont bénéficie leur société et d'alerter les autorités si ces aides ne sont pas utilisées conformément à leur objet.

M. le président. J'appelle maintenant en discussion les deux amendements visant à créer une division additionnelle, qui ont été réservés conformément au souhait de la commission.

L'amendement n° 70, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

Chapitre...

Dispositions tendant à prévenir la délinquance économique et financière

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Vous l'avez compris, avec cette division additionnelle, nous voulons introduire dans le présent projet de loi un chapitre consacré à la prévention de la délinquance économique et financière.

Les amendements que nous avons présentés ont l'ambition de combler l'absence, dans un texte qui est pourtant censé prévenir la délinquance, de dispositions relatives à l'une des formes de la délinquance, à savoir celle relevant du domaine économique et financier ainsi que d'autres infractions graves.

Par ces amendements et avec ce nouveau chapitre, nous voulons mettre en place une meilleure répression de la corruption, rendre la police judiciaire plus efficace, soustraire l'exercice des poursuites à l'influence de la raison d'État et du politique en matière de relation financière et de fraude fiscale, renforcer le droit pénal du travail, enfin, améliorer la répression du proxénétisme et dépénaliser le racolage passif.

Il s'agit d'affirmer une réelle volonté de prévenir toutes les formes de délinquance sans exclusive car, je le rappelle, cette forme de délinquance est tout aussi préjudiciable à la société que la délinquance urbaine, par exemple.

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

Chapitre...

Dispositions tendant à prévenir la délinquance économique, financière et d'autres infractions graves

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce projet de loi, comme cela a déjà été dit, contient des propositions fourre-tout mais qui relèvent d'une certaine cohérence : elles visent au contrôle social et à la répression ultra-sécuritaire. Elles touchent bien entendu les plus pauvres, les plus démunis, les plus précaires et continuent à être muettes en ce qui concerne les plus privilégiés et la délinquance en col blanc.

Voilà ce qui, à l'instar de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, nous a motivés pour déposer des amendements directement inspirés par le syndicat de la magistrature, dont j'ai évoqué tout à l'heure le rapport. Ils sonnent comme un rappel à l'ordre et une dénonciation de la politique du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Tous les amendements portant articles additionnels après l'article 9, à l'exception des amendements nos 61 et 132 rectifié, visent à insérer dans le projet de loi des dispositions concernant la délinquance économique et financière. Or ils n'ont pas de lien réel avec le texte, a fortiori en deuxième lecture. En effet, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, sont irrecevables les dispositions additionnelles sans relation directe avec une disposition restant en discussion.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Les amendements nos 61 et 132 rectifié ont pour objet, selon leurs auteurs, de supprimer le délit de racolage passif. En fait, si nous y regardons de plus près, ils visent à abroger l'article 225-10-1 du code pénal. Celui-ci dispose que « le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ».

Dans ces conditions, ce serait le délit de racolage qui serait purement et simplement supprimé. La commission estime que l'adoption d'une telle mesure serait assez peu cohérente dans le cadre d'un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Elle a donc émis également un avis défavorable.

Quant aux amendements nos 70 et 124 portant division additionnelle après l'article 9, ils deviendraient sans objet si aucun des amendements précédents n'était adopté. La commission a donc également émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pour ce qui concerne l'amendement n° 59, je rappellerai que la procédure de sauvegarde des entreprises, des commerçants et artisans a été introduite dans le but d'aider les acteurs économiques en difficulté. L'assainissement de la situation de l'entreprise étant l'objectif, on comprend mal cet amendement qui viendrait en restreindre le champ en limitant le nombre de personnes susceptibles de voir leur patrimoine impliqué.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Concernant les amendements nos 60 et 123, qui visent à abroger l'article 458 du code des douanes permettant au ministre du budget d'apprécier l'opportunité des poursuites en tenant compte à la fois du caractère de gravité de la fraude et des incidences diplomatiques éventuellement en cause, le Gouvernement émet bien évidemment un avis défavorable.

S'agissant des amendements nos 61 et 132 rectifié, qui visent à abroger le délit de racolage, je rappelle que le ministre de l'intérieur avait pris l'engagement solennel de lutter en priorité contre les réseaux et que cet engagement a été tenu.

Nous sommes, là encore, disposés à assurer la transparence des résultats, mais nous ne voulons en aucun cas revenir sur ces dispositions, qui ont largement porté leurs fruits. Elles nous ont permis de désorganiser un certain nombre de réseaux en matière de traite des êtres humains et plus particulièrement en matière de prostitution.

M. Philippe Goujon. Très bien !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 62 ; le préjudice des salariés, si regrettable soit-il, ne saurait s'analyser comme un préjudice direct et personnel.

En ce qui concerne les amendements nos  63 et 128 rectifié, je rappelle que la police judiciaire est dirigée par l'autorité judiciaire. Elle est organiquement rattachée aux ministères de l'intérieur et de la défense. Cette solution s'explique notamment par le fait que les forces de l'ordre ont le plus souvent, à côté de leur mission de police judiciaire, un rôle de police administrative et de prévention de l'ordre public. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

Sur le plan procédural, l'idée émise au travers des amendements nos 64 et 125 d'étendre à la lutte contre la corruption certains moyens d'enquête spéciaux pourrait être pertinente. Cependant, afin de donner une cohérence d'ensemble aux moyens à mettre en oeuvre dans la lutte contre la corruption, le Gouvernement a prévu d'inscrire cette modification dans un projet de loi spécifique actuellement en cours d'élaboration. J'émets donc un avis défavorable.

En ce qui concerne les amendements nos 65 et 133, je dirai que l'effet cumulatif est suffisamment lourd pour que la sanction soit dissuasive et parfaitement proportionnée à l'enjeu. Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission des infractions fiscales, la CIF, que visent à supprimer les amendements nos 66 et 131, est une instance administrative. Dès lors, son avis ne préjuge en rien la décision du parquet, qui reste le seul maître de l'opportunité des poursuites. J'émets donc un avis défavorable.

Concernant les amendements nos 67 et 127, je vous indique qu'une mission conjointe, confiée à l'Inspection générale des services judiciaires et à l'Inspection générale des finances, portant sur la mission interministérielle d'enquête sur les marchés et le service central de prévention de la corruption est en cours. Elle devrait permettre d'aboutir à un bilan circonstancié de l'activité de ces instances et de dégager des pistes de réflexion pour leur évolution future. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.

À propos des amendements nos 68 et 126, je rappelle qu'une mission conjointe devrait également permettre d'obtenir un bilan circonstancié de l'activité de ces instances. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

Les amendements nos 69 et 134 sont inutiles, car la mesure qu'ils visent à introduire est déjà prévue dans la loi. Le Gouvernement y est donc défavorable.

L'amendement no 70, qui vise à introduire une division additionnelle après l'article 9, recueille également un avis défavorable de la part du Gouvernement. Il en va de même de l'amendement n° 124, qui évoque des sujets dépourvus de tout lien avec le projet de loi. Le Gouvernement ne souhaite pas le retenir pour préserver la cohérence d'ensemble des moyens à mettre en oeuvre pour lutter contre la criminalité organisée.

Nous travaillons d'ailleurs actuellement à l'élaboration d'un projet de loi spécifique, plus largement consacré à la lutte contre la corruption internationale. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 60 et 123.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 61 et 132 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 et 128 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 et 125.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 et 133.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 66 et 131.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes heureux de nous trouver en grand nombre soudainement, et nous voyons dans cet afflux de collègues un signe de l'intérêt qu'éprouve à juste tire le Sénat pour les dispositions proposées aux fins de lutter contre la corruption financière. C'est en effet un sujet qui suscite légitimement l'intérêt !

En cette période où l'on parle beaucoup de la réforme de la grammaire - je vois, monsieur le président, que cela suscite tout particulièrement votre intention -...

M. le président. J'étais déjà très attentif !

M. Jean-Pierre Sueur.... j'insiste sur le fait que le présent projet de loi est relatif à la prévention de « la » délinquance. « La » est un article défini et donne donc un sens générique au nom qu'il introduit : la délinquance doit donc être considérée dans sa totalité. Chacun admettra ici cette simple définition !

Je m'étonne donc de constater que les amendements qui viennent d'être présentés par nos collègues suscitent une sorte d'indifférence,...

M. Jean-Pierre Sueur.... au moins chez une partie des membres de cet hémicycle ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Nous ne sommes pas indifférents !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour notre part, mes chers collègues, nous pensons qu'il serait très important, voire hautement significatif, d'affirmer que la délinquance n'est pas seulement le fait des loubards, des « petits », de certains jeunes !

Certes, nous admettons qu'il faut s'en prendre à cette délinquance, même si nous ne sommes pas toujours d'accord sur les solutions qui sont proposées. Mais comment expliquer que soit exclue complètement du champ cette autre forme de délinquance qu'est la délinquance économique, qui englobe tous les phénomènes de corruption, d'évasion fiscale, sans parler de l'incivisme dont font preuve certains de nos concitoyens qui vont s'établir en d'autres contrées ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Laurent Béteille. Certains sont de vos amis !

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, un certain nombre de réalités connues de tous sont mal vécues par beaucoup et doivent être combattues tout autant que la forme de délinquance contre laquelle vous voulez lutter, à juste titre bien sûr !

Il existe donc sur ce point un profond déséquilibre. Introduire davantage d'équité donnerait plus de pertinence au texte.

Par ailleurs, j'ai été étonné, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous jugiez ces amendements hors sujet. C'est en effet un comble au vu du texte que vous nous présentez et que vous avez enrichi de quantité de mesures de toutes sortes !

M. Alain Gournac. Elles sont très utiles !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons dressé hier la liste des nombreuses dispositions qui n'ont qu'un rapport très indirect avec le sujet.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous considérons notamment qu'il est scandaleux de maintenir les mesures relatives aux malades mentaux. Les malades mentaux seraient-ils des délinquants ?

M. Alain Gournac. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Sueur. Évidemment, non !

Il en va de même sur de nombreux sujets dont nous avons parlé hier et dons nous reparlerons tout à l'heure.

C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous n'acceptons pas la condamnation de nos amendements au motif qu'ils seraient hors sujet. Ils font au contraire partie du sujet et il faut les considérer comme tels !

Enfin, monsieur le ministre, il est surréaliste de vous entendre nous annoncer que vous travaillez sur le sujet de la corruption internationale et que vous allez rapidement nous présenter un projet de loi ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au mois de mars !

M. Jean-Pierre Sueur. Visiblement, en l'occurrence, vous n'éprouvez pas la même hâte que celle qui vous a conduits à déposer ce huitième texte de loi sur la délinquance, lequel ne porte en fait que sur une partie du sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, hier, vous avez défendu avec beaucoup d'éloquence et de talent une motion tendant à opposer la question préalable, au motif essentiel qu'il s'agissait d'un texte fourre-tout ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Comme, au travers de ces amendements, n'ont été proposées que des dispositions soit inutiles, soit hors-sujet, j'ai pensé que proposer leur rejet ne pouvait que vous donner satisfaction ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. En fait, ce texte manque de souffle et souffre d'une absence de vision globale. Il procède d'une façon de légiférer sous le coup de l'émotion que nous avons dénoncée, et l'article qui suit en offrira la parfaite illustration.

On nous oppose que les amendements qui viennent d'être présentés sont hors-sujet. Or il se trouve que l'article 9 bis traite des délits de détournement massif des fonds de l'ASSEDIC. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'était présent lors du débat à l'Assemblée nationale un responsable de la mission d'information traitant de ce sujet !

Autrement dit, vous êtes incapables d'avoir une vision globale et vous ne traitez les sujets que lorsque l'actualité s'en est emparée !

L'exemple que je vous ai cité démontre de façon très claire que la délinquance financière - il en est question au travers de cette modification du code de procédure pénale proposée à l'article qui suit - fait parfaitement partie du sujet, contrairement à ce que vous dites !

Au reste, monsieur le ministre, tout cela ajouterait à la confusion. Mais, au point où nous en sommes, il ne me semble pas que ce serait très grave !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme nous sommes à l'origine d'une partie de ces amendements que le Gouvernement et la commission jugent hors-sujet, je voudrais ajouter quelques mots après Jean-Pierre Sueur.

Je me réjouis que nous ayons déposé ces amendements de classe à l'occasion d'un texte relatif à la délinquance puisque cela suscite le débat !

Votre explication, monsieur le ministre, prête à sourire. Effectivement, avec nos collègues, nous avons défendu des motions qui visaient à rejeter ce texte, notamment parce qu'il est répétitif et qu'il ne procède qu'à des ajouts d'affichage - ce qui est toujours dangereux pour la démocratie - dans le code pénal et dans le code de procédure pénale, ajouts qui n'ont rien à voir avec la prévention, comme nous l'avons dit !

En fait, monsieur le ministre, nous savions bien que la majorité refuserait d'adopter nos motions. Nous avons souhaité au moins améliorer le texte. Notre critique n'est ni systématique ni aveugle.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Ah bon ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les propositions précises que vous proposez en matière de répression que nous réprouvons. Il nous a donc paru nécessaire, dans un souci de cohérence, puisque vous vous targuez de lutter tous azimuts contre la délinquance, d'introduire des dispositions concernant la délinquance financière et tout particulièrement la conduite frauduleuse de certains employeurs !

Vous qui êtes soucieux d'agir après chaque fait divers, reconnaissez qu'en matière de délinquance patronale, laquelle met à la rue des milliers de salariés, les faits divers n'ont pas manqué depuis votre arrivée au Gouvernement, c'est le moins que l'on puisse dire ! Je n'ai pas le chiffre exact, mais les salariés victimes des délocalisations et mis à la rue par les employeurs depuis 2002 se comptent par milliers.

M. Jean-Patrick Courtois. Et les victimes de Staline par millions !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, il est quand même très curieux qu'à propos d'un amendement concernant le paiement des salaires vous me répondiez qu'il ne s'agit pas d'un préjudice personnel ! Dites aux intéressés que le fait de ne pas percevoir leur salaire parce que le patron a mis la clef sous la porte n'est pas un préjudice personnel ! Vous qui avez toujours le mot « victime » à la bouche, en l'occurrence, vous feriez oeuvre utile en pénalisant les patrons voyous ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je voudrais dire à mon collègue Jean-Pierre Sueur, qui est un linguiste distingué, qu'en matière de délinquance il existe aussi la délinquance lexicale et qu'un certain nombre de personnes dépourvues de vocabulaire sont obligées d'inventer de nouveaux mots. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne tue ni ne blesse personne !

M. le président. La parole est à M. José Balarello, pour explication de vote.

M. José Balarello. Je tiens simplement à rappeler à M. Sueur, qui a parlé de légiférer sur la corruption, qu'il y a quelques années nous avons examiné un texte, dont j'étais d'ailleurs le rapporteur, visant à transposer en droit interne une directive européenne relative à la lutte contre la corruption.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors continuons !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Pour ma part, je rappellerai tout d'abord avec beaucoup de cordialité à mes collègues de l'opposition que nous sommes en deuxième lecture, ce qu'ils semblent avoir oublié. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les amendements du Gouvernement !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ensuite, pour répondre à l'observation de M. Peyronnet sur l'article 9 bis, qui était frappée au coin du bon sens, je rappellerai qu'une proposition visant à étendre au délit d'escroquerie des procédures spécifiques applicables à la délinquance organisée a été adoptée en première lecture par les députés, mais que mon homologue, le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, avait semblé quelque peu dubitatif quant aux suites éventuelles au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Enfin, je me permettrai de faire observer à mes collègues de gauche, avec, encore une fois, la plus grande cordialité, qu'ils n'avaient pas porté à notre attention, lors de la première lecture, l'ensemble de ces amendements, dont ils n'ont découvert, qu'à l'occasion de la deuxième lecture, toute l'importance et l'intérêt.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Les arguments juridiques que vient d'énoncer M. le rapporteur sont de peu de portée. Ils montrent simplement que la délinquance financière n'entre pas dans le champ de conscience du Gouvernement.

On traite de la délinquance en général mais, dans l'esprit de certains, la délinquance financière ne semble pas être une vraie délinquance, elle serait à peine une faiblesse, alors qu'elle est fondamentale et ruine l'esprit public. Sans vouloir employer de grands mots, je dois dire que je suis quand même étonné que soit laissé de côté un aspect aussi important - et qui l'est de plus en plus - de la délinquance.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 66 et 131.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 67 et 127.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 68 et 126.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 70 et 124 n'ont plus d'objet.