sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Dépôt de rapports

3. Loi de finances pour 2007. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président.

Vote sur l'ensemble

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Josselin de Rohan, Pierre Laffitte, Thierry Foucaud, Marc Massion, Jean-Jacques Jégou, François Fortassin.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.

Adoption, par scrutin public à la tribune, du projet de loi de finances.

4. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Jean-Paul Virapoullé, le président.

5. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

6. Modification de l'ordre du jour

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Adrien Gouteyron

7. Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006. - Débat sur une déclaration du Gouvernement

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes.

MM. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères ; Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

MM. Aymeri de Montesquiou, Robert Bret, Roland Ries, Denis Badré, Jacques Blanc.

Mme la ministre déléguée.

Clôture du débat.

8. Dépôt d'une question orale avec débat

9. Transmission d'un projet de loi

10. Dépôt d'un avis

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉPÔT De RAPPORTs

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en oeuvre de la convention du 19 septembre 2001 visant à améliorer l'accès à l'assurance et au crédit des personnes présentant un risque de santé aggravé.

J'ai reçu de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie, le rapport de cette commission pour 2006 sur le respect des codes de bonne conduite par les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d'électricité et de gaz.

J'ai reçu de M. Luc Machard, président de la Commission de la sécurité des consommateurs, le rapport d'activité de cette commission pour 2005.

Acte est donné du dépôt de ces trois rapports.

Ils seront transmis, le premier à la commission des affaires sociales, et les deux autres à la commission des affaires économiques. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

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Article 33 et état A (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Vote sur l'ensemble

Loi de finances pour 2007

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 77 et 78).

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la discussion budgétaire.

Le Sénat a bien travaillé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

M. le président. N'épargnant pas sa peine, il a siégé plus de 130 heures et a respecté le délai constitutionnel de vingt jours qui lui est imparti. Plus de 230 sénateurs ont pu intervenir.

Cette discussion budgétaire a permis à chacun, de la majorité comme de l'opposition, de s'exprimer : sur les 145 orateurs des groupes, 70 appartiennent à la majorité et 75 à l'opposition.

Je relève également que, sur les 109 rapporteurs spéciaux et pour avis qui ont animé nos débats, 77 sont de la majorité et 32 de l'opposition. Félicitons-nous de la diversité des points de vue qui ont ainsi pu s'exprimer dans cet hémicycle.

Au début de l'examen de ce projet de loi de finances, j'avais instamment prié chacun d'entre vous - sénateurs et membres du Gouvernement - de respecter scrupuleusement et rigoureusement les temps de parole définis par la conférence des présidents. C'est grâce à vos efforts à tous, mes chers collègues, que nous avons, dans l'ensemble, réussi à éviter de siéger trop tard la nuit ; soyez-en remerciés.

J'aurai bien sûr un mot particulier pour le président de la commission des finances, dont la disponibilité, la présence constante et la rigueur sans faille ont, une fois de plus, fait l'admiration de toutes et de tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Monsieur le rapporteur général (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.), vous nous avez régalés d'une innovation qui fera date dans l'histoire des débats parlementaires : le soutien audiovisuel qui a magnifiquement éclairé votre propos restera dans les esprits comme une marque de votre grande créativité et de votre grand talent. Mais qui s'en étonnerait ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur le président !

M. le président. Félicitons maintenant les « metteurs en scène » de cette première dans la vie parlementaire.

Merci donc une nouvelle fois à toutes celles et tous ceux - sans oublier Mmes et MM. les ministres - qui ont contribué à rendre ces débats à la fois techniques et vivants. Merci tout particulièrement à M. le ministre délégué au budget et à son équipe de la qualité de leur écoute et de leurs réponses à nos multiples questions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

J'aurai aussi une attention particulière pour nos collaborateurs, qui ont eu à faire face à un rythme soutenu de séances et qui se sont, comme toujours, trouvés fidèlement présents à nos côtés.

Mais ne nous reposons pas sur nos lauriers ! Car, dans quelques jours, nous aurons à examiner le collectif budgétaire de fin d'année. Vous savez bien, monsieur le ministre délégué au budget, ce « petit » collectif qui a pris, depuis sa naissance, un peu de poids, et qui est sans doute appelé à prospérer encore...

Le vote auquel nous allons procéder dans un instant va donc clore solennellement cette première lecture, mais pour nous tous, en fait, l'année budgétaire ne fait que commencer. À partir du 1er janvier prochain, il appartiendra au Gouvernement d'assurer la mise en oeuvre du budget, conformément aux orientations que nous avons fixées. Et les rapporteurs pourront, comme ils le font de plus en plus et de mieux en mieux, contrôler cette mise en oeuvre.

Mais demain est un autre jour ! Pour l'heure, utilisons pleinement ce moment solennel et convivial du vote sur l'ensemble de ce deuxième projet de loi de finances nouvelle manière ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Vote sur l'ensemble

Vote sur l'ensemble
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui l'ont demandée pour expliquer leur vote.

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation des débats décidée le 8 novembre par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de dix minutes et la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe de cinq minutes.

La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici donc au terme du dernier marathon budgétaire de la législature.

Il y a un an, nous achevions la discussion du premier budget au format « lolfien » et formions, de façon quasiment unanime, des voeux de pleine et entière réussite. À l'évidence, pour paraphraser Malherbe, les fruits ont passé la promesse des fleurs.

À défaut d'avoir modifié, en première partie, les fondamentaux de notre fiscalité, ce qui était compréhensible et normal pour le dernier budget de la législature, les grandes réformes ayant été discutées et adoptées il y a un an, le Sénat a su, par ses discussions relatives aux trente-quatre missions de la seconde partie, faire bouger les lignes et rompre avec le caractère liturgique et trop souvent convenu de nos échanges.

Le rapporteur général, Philippe Marini, dressera le bilan de l'apport du Sénat dans cette discussion qui ne nous aura pas permis de réduire substantiellement un déficit qui reste, malgré les efforts du Gouvernement, toujours trop élevé. Nous dépenserons encore l'année prochaine 18 % de plus que ce que nous autorisons l'État à prélever sur le fruit du travail des Français, soit 41,8 milliards d'euros.

Pour ma part, je me félicite que nous soyons parvenus à faire vivre l'esprit de la LOLF, qui consiste à donner au Parlement la capacité d'exercer lucidement ses prérogatives, à savoir autoriser le Gouvernement à prélever les impôts et à dépenser dans les limites que le Parlement a fixées, pour privilégier une culture de résultats et de performance.

À l'évidence, les discussions que nous avons eues sur les missions de seconde partie montrent que le Sénat a su, et surtout voulu, exercer pleinement sa fonction constitutionnelle. Plus encore que l'an passé, l'examen des missions et des nombreux amendements déposés sur les crédits a constitué un moment fort, parce que nous avons pu faire des choix budgétaires concrets.

Ces choix ont souvent fait l'objet d'une très large convergence de vues avec les cinq autres commissions permanentes. Ils nous ont permis, par exemple, d'accroître les crédits destinés aux bourses de l'enseignement scolaire, sur l'initiative de Philippe Richert, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles ; de renforcer, avec la commission des lois, la priorité déjà reconnue par le Gouvernement à l'aide juridictionnelle ; d'inviter l'Association CulturesFrance à une gestion plus dynamique de sa trésorerie et, en contrepartie, d'accroître l'aide destinée aux personnes ayant connu des situations difficiles, et je pense en particulier au Liban ; de rendre plus efficace - et cela répond notamment au voeu de la commission des affaires sociales - l'accès des handicapés aux bâtiments publics, amendement que nous avons adopté à l'unanimité ;...

M. Guy Fischer. C'est la moindre des choses !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances... enfin, de combler le grand écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement des programmes de construction de logements sociaux outre-mer.

Ce ne sont là que quelques exemples parmi d'autres.

Je note avec satisfaction que les six commissions permanentes ont pris une part active à ces arbitrages budgétaires et j'y vois, de la part du Sénat, la traduction d'un bicamérisme « offensif », organisé autour de ses commissions permanentes, qui ont le souci, pour reprendre une métaphore sportive, de « jouer collectif ».

Bref, tout cela souligne le caractère vivant et interactif de la discussion des amendements portant sur les crédits, même si, pour des raisons probablement liées à la fin de la législature, un très grand nombre d'amendements ont été déposés sur les articles rattachés, au risque de revenir sur des sujets récurrents et ainsi de se répéter quelque peu.

Aussi, beaucoup d'engagements ont été pris par la commission des finances ainsi que par le Gouvernement. Ils devront aboutir dans les prochains jours, notamment d'ici à l'examen du collectif. Il nous faudra cependant, mes chers collègues, faire oeuvre de pédagogie et de concision : l'ampleur du collectif, qui contient déjà près de 110 articles, et l'accélération du calendrier vont nous contraindre à accomplir un effort pour nous concentrer sur l'essentiel en évitant, autant que possible, de revenir sur des sujets que nous aurions déjà examinés à deux, voire à trois reprises, au risque de devoir envisager de siéger la veille de Noël...

J'invite donc les auteurs d'amendements à s'en tenir aux engagements pris en séance par le ministre délégué au budget et par la commission des finances. Hormis ces sujets clairement identifiés, le collectif ne sera pas la troisième ou la quatrième session de rattrapage.

Je sais que je peux compter sur chacun d'entre vous, mes chers collègues, pour que nous puissions nous concentrer sur les vraies priorités et privilégier l'opérationnel sur le rituel.

Ce second budget au « format LOLF » est donc prometteur, mais il nous faudra, à l'évidence, l'année prochaine, en affiner un certain nombre des mécanismes, et ce au terme d'une concertation aussi large que possible.

Mais la LOLF ne se limite pas au seul vote du projet de loi de finances : elle implique que se mette en place un chaînage vertueux selon lequel l'autorisation de dépenser que nous allons accorder au Gouvernement doit respecter les objectifs que nous lui avons fixés.

C'est dire que les rapporteurs spéciaux, épaulés par les rapporteurs pour avis, vont devoir poursuivre les diligences de contrôle de l'exécution budgétaire dans la perspective du prochain rendez-vous de la loi de règlement du printemps 2007, ce rendez-vous avec la réalité budgétaire, en présence des ministres gestionnaires.

Ce rendez-vous est sans doute compliqué par le calendrier électoral qui, comme nous le faisait remarquer le Premier président de la Cour des comptes lors de son audition devant la commission des finances, le 30 mai dernier, est moins propice aux innovations.

Un jour viendra où le temps consacré à la loi de règlement, c'est-à-dire à la reddition des comptes, sera bien supérieur au temps consacré à l'examen du projet de loi de finances, qui pourra judicieusement être réduit de façon significative.

L'année 2007 se présente donc sous les meilleurs auspices !

Avant de conclure, mes chers collègues, je sais me faire votre porte-parole à tous en adressant mes chaleureux remerciements à Philippe Marini, notre rapporteur général, qui, comme à son habitude, a mis sa maestria, la force de ses convictions et son sens de la pédagogie au service du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Que soient aussi remerciés les quarante-trois rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les soixante-cinq rapporteurs pour avis des cinq autres commissions permanentes, qui ont su donner de l'interactivité à nos débats.

Je remercie également tous nos collègues qui ont participé à nos discussions avec autant de conviction que de courtoisie républicaine, le tout dans le respect de nos légitimes différences, à l'image de ce que notre assemblée sait si bien faire.

Nous avons ainsi connu plusieurs moments rares d'unanimité, et donc d'autant plus appréciés.

Je veux aussi saluer les ministres, dont un grand nombre se sont prêtés avec bonheur au dialogue, en vous distinguant tout naturellement, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État : je vous remercie de votre disponibilité, de votre écoute et de votre souci de tenir tous les engagements - et ils sont nombreux - que vous avez pris devant le Sénat.

Mes remerciements s'adressent également, bien évidemment, à l'ensemble de vos collaborateurs, messieurs les ministres, ceux de vos cabinets et des services de Bercy, qui ont à nouveau prouvé leur efficacité et leur réactivité.

Je remercie enfin la présidence, vous-même, monsieur le président du Sénat, et les six vice-présidents qui ont alterné au plateau, ainsi que les services de la séance et des comptes rendus, grâce auxquels cette discussion a su, pour l'essentiel, rester d'un bout à l'autre dans l'épure que nous avions tracée.

Ces remerciements vont aussi aux membres du bureau, réunis sous votre présidence, qui nous auront permis, lors de la discussion générale, de procéder à une projection en séance destinée à animer et à éclairer nos débats. Je me félicite tout particulièrement de cette première tout à fait réussie, qui démontre que notre assemblée sait innover. Belle illustration de la créativité sénatoriale ! Je ne doute pas que cette expérimentation, dont nous pouvons être fiers, ne restera pas sans lendemain. Elle nous permet de valoriser notre travail, notre valeur ajoutée. C'est également une façon de rendre hommage à l'ensemble de nos collaborateurs, ceux de la commission des finances, bien sûr, auxquels vous me permettrez d'associer ceux des cinq autres commissions. Qu'ils en soient très chaleureusement remerciés.

Messieurs les ministres, puisse le budget que nous allons voter dans quelques instants servir de plate-forme utile à la concrétisation des espérances que font vivre dans l'esprit de nos concitoyens les échéances du printemps prochain. Puissent les fruits à nouveau passer la promesse des fleurs. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je m'efforcerai, d'abord, de recenser de manière systématique les apports du Sénat à ce projet de loi de finances initiale pour 2007 et, ensuite, de tracer quelques perspectives pour l'avenir.

Comme à l'ordinaire - et le président de la commission des finances a bien voulu évoquer l'excellente atmosphère dans laquelle se sont déroulés nos travaux, lesquels ont été très constructifs -, ce texte budgétaire comporte bon nombre d'initiatives communes résultant, pour une part, de nos propres réflexions et, pour une autre part, d'un dialogue fructueux avec le Gouvernement.

En première partie, s'agissant de la fiscalité des personnes, nous avons par exemple adopté un amendement qui contribuera à l'attractivité de notre territoire en permettant à celles ou ceux qui s'installent ou se réinstallent en France de bénéficier d'un plafond majoré de déduction en matière d'épargne retraite.

Toujours dans le domaine de la fiscalité des personnes, et sur l'initiative de Paul Girod, nous avons exonéré de droits de succession les indemnités perçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie.

Dans le domaine de la culture, grâce à vous, monsieur le ministre délégué, nous avons créé un nouveau régime incitatif pour le mécénat portant sur les édifices classés ou inscrits du secteur privé, en particulier grâce à l'intermédiation de la Fondation du patrimoine. Nous espérons que ce régime connaîtra une large diffusion et permettra bien des réalisations dans nos départements.

Toujours en matière de culture, mais cette fois-ci en relation avec la francophonie, nous avons mis en place une dotation qui permettra la constitution du capital de la nouvelle fondation de l'Alliance française.

S'agissant de la fiscalité de l'épargne et des entreprises, nous avons rétabli le régime de l'éligibilité à la provision pour investissement dont bénéficiaient jusqu'à présent un grand nombre de publications qui ne sont consacrées que partiellement à l'information politique et générale.

Nous avons adopté une disposition autorisant les collectivités territoriales à exonérer de taxe professionnelle les industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel.

Nous avons poursuivi le toilettage et l'assouplissement du régime fiscal des plus-values professionnelles pour favoriser la transmission d'entreprise.

En ce qui concerne la fiscalité locale, nous avons souscrit à un dispositif qui améliore les moyens de la collectivité territoriale de Corse.

Nous avons voté trois amendements identiques, présentés par trois groupes différents, pour régler enfin la question de l'allocation vétérance des sapeurs-pompiers.

J'en viens à la seconde partie, qui nous a retenus jusque tard ce matin.

Dans le domaine de la fiscalité de l'épargne et des entreprises, nous avons, grâce à votre acceptation, monsieur le ministre délégué, relevé le seuil d'imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières à 20 000 euros et adopté pour la suite le principe de l'indexation annuelle de ce seuil sur l'inflation. Cela, je l'espère, sera considéré comme un geste à l'égard d'épargnants que la quasi-suppression de l'avoir fiscal peut placer dans certains cas en situation difficile.

M. Jean-Luc Mélenchon. Les épargnants les plus riches !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons voté un amendement novateur qui « familialise » les droits à déduction au titre de l'épargne retraite.

Nous avons complété le régime du capital-investissement, plus exactement celui des outils de capital-risque.

Sur l'initiative de Yann Gaillard, nous avons élargi le champ des bénéficiaires du fonds d'épargne forestière et amélioré les conditions de fonctionnement du compte d'épargne forestière, qu'utilisent en particulier les communes forestières.

Sur l'initiative de Michel Mercier, nous avons étendu le crédit d'impôt pour mécénat d'entreprise aux expositions d'art contemporain.

Sur l'initiative du Gouvernement, nous avons accepté d'apporter la garantie de l'État à des emprunts que pourraient être amenées à contracter des organisations professionnelles agricoles.

Ce ne sont là que quelques exemples des mesures votées par le Sénat au fur et à mesure de l'examen de ces différents articles de première et de seconde parties.

En ce qui concerne les crédits, nos analyses ont été mieux étayées que les années précédentes, puisqu'elles se sont fondées sur les audits de modernisation et sur nos propres enquêtes pour obtenir des informations. Cela nous a permis, en séance publique, d'avancer des arguments beaucoup plus efficaces.

Par exemple, pour ce qui est de la mission « Action extérieure de l'État », nous avons eu un débat très concret et sans concession sur l'action culturelle à l'étranger, notamment la transformation de l'Association française d'action artistique, l'AFAA, en CulturesFrance.

En outre, s'agissant de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », nous avons pu tirer quelques conséquences du rapport d'information très récent établi par Joël Bourdin, au nom de la commission des finances, au sujet de la stratégie et de la gestion des Haras nationaux.

Je citerai également l'exemple de l'écologie et du développement durable : nous avons tenu compte des critiques adressées l'an passé par la Cour des comptes à l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail.

Enfin, en ce qui concerne la mission « Justice », c'est bien grâce au Sénat, en particulier au rapporteur spécial Roland du Luart, qu'a pu être obtenue la revalorisation des crédits d'aide juridictionnelle par redéploiement au sein de cette mission. Une telle décision réaliste était particulièrement attendue.

Après cet inventaire, je tracerai quelques perspectives et je mettrai l'accent sur les acquis du budget pour 2007. Je vous ferai part, ensuite, de quelques préoccupations, en insistant sur la nécessaire continuité des efforts et sur la vigilance qui s'impose à nous.

S'agissant des acquis, messieurs les ministres, la commission des finances a la ferme conviction que ce budget constitue un socle solide sur lequel bien des choses pourront être bâties. C'est un budget courageux pour une fin de législature ; nous devons le rappeler et vous en donner acte.

Les objectifs sont globalement vertueux, puisque ce budget ménage l'avenir.

Rappelons la norme de dépense « moins 1 % en volume » et la réduction de 15 000 équivalents temps plein travaillé du nombre des emplois publics, compte non tenu des transferts liés à la décentralisation.

Rappelons surtout le cheminement que nous poursuivons en matière de réduction de la dette publique et du déficit maastrichtien. Bien des efforts restent à accomplir, mais nous sommes sortis de la procédure de déficit excessif ; nous avons même été le premier pays de l'Union européenne à en sortir.

En matière de gestion budgétaire, il convient de rappeler que devront être mis à l'actif de la législature qui s'achève le dégonflement des reports, la gestion plus transparente des gels de crédits, la clarification des modalités d'affectation des surplus de recettes, la mise en oeuvre, enfin, des audits de modernisation, qui témoignent, comme le dit Jean Arthuis, que la réforme de l'État est aujourd'hui en marche.

Nous avons pu, mes chers collègues, montrer par nos débats qu'un bon budget n'est pas nécessairement un budget en augmentation et que l'essentiel est d'accroître l'efficacité des interventions de l'État. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Or, sans la loi organique et sans la capacité qu'elle offre de mieux associer le Parlement aux choix budgétaires, cette prise de conscience aurait été plus difficile et la norme de dépense n'aurait pas réussi à s'imposer en tant que variable clé de la politique budgétaire.

Ces acquis ne doivent pas faire obstacle à notre nécessaire vigilance, et je voudrais, de ce point de vue, aborder quelques questions de méthode.

Tout d'abord, la tentation des débudgétisations existe toujours. Elle est permanente, mais, grâce à leur vertu, les ministres et la majorité parlementaire doivent y résister, puisque ces débudgétisations ne sont pas conformes à l'esprit de la loi organique, qui s'est efforcée de bien limiter les exceptions aux règles d'unité et d'universalité budgétaires.

Lors de la discussion générale, je m'étais permis, afin de frapper un peu les esprits, de parler de l'« agencisation » de l'État pour évoquer la création d'établissements publics ou de personnes morales dédiés à des objectifs spécifiques ou à la mise en oeuvre de politiques particulières : celle-ci est une bonne chose s'il s'agit de bien clarifier l'exercice des responsabilités et de faire avancer la réforme de l'État, mais elle est condamnable si ce n'est qu'une simple commodité pour échapper à l'application de la norme de dépense.

Je n'émets pas un jugement défavorable sur la création d'agences, mais j'en appelle à la vigilance, en particulier pour ce qui concerne les affectations de ressources : il ne faudrait pas que la multiplication des taxes affectées constitue une forme de « prélèvement à la source budgétaire ». Il est important que ces techniques n'obscurcissent pas la vue d'ensemble du Parlement.

En d'autres termes, nous devons rester attentifs à ces tentations, qui existent toujours de la part de tel ou tel groupe représentatif d'un secteur ou d'intérêts organisés, pour capter des ressources en amont et les affecter immédiatement à une ligne de dépense donnée sans passer par le budget général de l'État. La nécessité d'un budget intégré est, à l'évidence, une exigence démocratique.

À cet égard, je rappellerai ce qu'a dit Alain Lambert dans son récent rapport sur l'application de la loi organique relative aux lois de finances. En parlant de la règle de l'unité budgétaire, notre collègue écrivait : « Cette règle a donc une double dimension : le recensement exhaustif des recettes et des dépenses, et leur présence dans un document unique soumis au vote du Parlement. Cette unité budgétaire se justifie notamment par des soucis de visibilité et de contrôle démocratique, mais aussi d'unité de la prévision budgétaire et de l'autorisation parlementaire. Elle permet d'apprécier réellement l'équilibre budgétaire, de connaître de tous les comptes - la pratique ayant montré que les comptes échappant au document unique échappaient aussi à l'autorisation parlementaire, elle doit limiter les débudgétisations qui constituent autant d'économies apparentes - d'apprécier le volume réel des dépenses de l'État et de faciliter les choix budgétaires. »

Ce sont des principes qui avaient déjà cours avec l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, dès le début de la Ve République. Ils ont été validés et actualisés par la loi organique, et il convient naturellement de les respecter.

La commission des finances est également attachée, vous le savez, à la volonté de progresser dans le sens d'une vision plus globale des finances publiques. Nous observons l'augmentation de la part des recettes fiscales dans le total des ressources de la sécurité sociale et l'imbrication toujours plus complexe, voire confuse, des flux financiers entre l'État et la sécurité sociale.

C'est pourquoi la commission des finances a appelé à une remise à plat du mode de financement de la protection sociale qui serait fondée sur la distinction entre les logiques d'assurance et de solidarité et la fiscalisation des branches santé et famille, qui, pour nous, ont vocation à être un jour intégrées dans le budget de l'État.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors, que peut-on dire pour l'avenir à moyen terme ? Si nous examinons la situation de notre pays au sein de l'Union européenne, nous observons que, même si l'euro est fort, il n'empêche pas le solde extérieur allemand de s'améliorer sans cesse, et l'on ne saurait chercher à Francfort le bouc émissaire de nos seules faiblesses, voire de nos contradictions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

L'enjeu essentiel, c'est la compétitivité, mes chers collègues ! Comment arriverions-nous à atteindre nos objectifs, à assumer nos besoins, à faire progresser la société si nos entreprises devaient continuer à être pénalisées par des charges excessives et des prix de revient trop lourds ?

M. Jean Bizet. Les 35 heures !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet enjeu pèsera sur le grand débat national, sur l'après-débat, sur la France de demain.

Ce budget, je persiste à le croire, messieurs les ministres, ménage l'avenir. C'est un socle qui permettra à bien des initiatives de s'exercer. Ce seront naturellement celles que choisiront les Françaises et les Français par leur expression souveraine au printemps prochain. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le dernier budget de la législature coïncide avec l'entrée en vigueur de la LOLF au 1er janvier 2006. C'est pour nous l'occasion de rendre l'hommage qui lui est dû à l'un des concepteurs de la LOLF, notre collègue Alain Lambert (Applaudissements sur les travées de l'UMP.), de féliciter le Gouvernement pour l'efficacité avec laquelle celle-ci a été mise en oeuvre et pour remercier le président de la commission des finances, le rapporteur général, les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, ainsi que tous leurs collaborateurs, d'avoir su conduire des débats riches et approfondis et tirer le meilleur profit de ce nouveau cadre.

Nous apportons notre soutien au projet de loi de finances pour 2007 parce qu'il traduit des orientations que nous approuvons et qu'il répond aux exigences du développement de notre économie, comme à celles d'une gestion saine de nos finances publiques.

Maîtriser notre dépense publique en réduisant nos déficits et notre endettement est non seulement un impératif de bonne gestion, mais également un devoir à l'égard des générations futures dont nous n'avons pas le droit d'obérer l'avenir.

Le poids de notre dette compromet la croissance au détriment de l'investissement. Réduire l'endettement, c'est permettre à l'État de retrouver des marges de manoeuvre et faire en sorte que notre pays soit capable de redevenir une société de projets.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Très bien !

M. Josselin de Rohan. Le projet de loi de finances va dans le bon sens en prévoyant la diminution d'un point de la dette publique dans le produit intérieur brut en 2007 pour le ramener à 63,6 %, poursuivant ainsi la baisse de deux points réalisée en 2006.

Cet assainissement de nos finances publiques est rendu possible par la réduction du déficit budgétaire, qui s'établira à 42 milliards d'euros en 2007.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur général, la Commission européenne, en mettant un terme à la procédure engagée à l'encontre de la France pour déficit excessif, a reconnu la validité de nos efforts.

Nous saluons la volonté du Gouvernement d'aboutir à une meilleure maîtrise des dépenses de l'État. Les cent audits de modernisation que vous avez lancés avec succès, monsieur le ministre délégué au budget, et auxquels notre groupe s'est particulièrement intéressé, ont permis d'opérer des économies au sein des administrations et de dégager des marges qui rendront leur action plus efficace et moins coûteuse. Ils constituent l'amorce, pour l'État, d'une véritable politique des ressources humaines.

Ainsi, après quatre années de stabilisation des dépenses de l'État en volume, le budget pour 2007 prévoit une évolution des dépenses inférieure d'un point à l'inflation. Quinze mille départs de fonctionnaires ne seront pas remplacés l'an prochain.

La diminution des dépenses en volume est d'autant plus remarquable qu'elle ne remet pas en cause le financement des priorités définies depuis 2002 en matière de défense, de justice, de recherche et des grands investissements structurants. Le contrat de croissance et de solidarité avec les collectivités locales est également respecté.

Cependant, messieurs les ministres, l'État ne saurait devenir vertueux en se déchargeant de ses responsabilités sur des collectivités qui n'ont ni les ressources en personnel ni les moyens financiers suffisants pour les assumer.

M. François Marc. Il est temps !

Mme Hélène Luc. Ce que vous avez voté vous fait peur !

M. Josselin de Rohan. Même si les transferts sont compensés, ils ne cessent de peser sur les finances publiques. La vraie question demeure de savoir si une dépense est utile et opportune et si l'échelon qui doit la supporter est le plus pertinent et le mieux à même de rendre les services attendus.

En donnant la priorité à l'emploi et à l'élévation du pouvoir d'achat, le projet de loi de finances agit dans le sens de l'équité.

La baisse de l'impôt sur le revenu restitue aux Français le fruit de leur travail.

Entre 2002 et 2007, 3,7 millions de contribuables auront vu leur impôt allégé de plus de 30 % par rapport à ce qu'ils auraient payé en l'absence de réforme. Si l'on y ajoute les mesures relatives à la prime pour l'emploi, plus des deux tiers du montant global de l'allégement bénéficient aux contribuables dont les revenus sont inférieurs à 42 000 euros par an. Sont-ce là les privilégiés et les nantis dont nous parle l'opposition ? (Marques de dénégation sur les travées de l'UMP.)

La vérité est que les bénéficiaires sont ceux qui disposent de revenus modestes. Peut-on d'ailleurs qualifier dédaigneusement d'aumône une hausse de la prime pour l'emploi, la PPE, équivalant à près d'un mois de salaire pour un salarié rémunéré au SMIC ?

Mme Marie-France Beaufils. Oui, ils ne sont pas suffisamment payés !

M. Josselin de Rohan. Nous voulons que le travail soit plus rémunérateur que l'assistance, et la PPE répond également à ce souci.

Il est aussi paradoxal que scandaleux de voir que les 35 heures coûtent 11 milliards d'euros au budget de l'État quand les allégements de charges sur les bas salaires comptent seulement pour 8 milliards d'euros. L'État dépense encore plus pour l'inactivité que pour le travail. Comment peut-on justifier une pareille chose ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le projet de loi de finances prépare l'avenir en mettant l'accent sur la recherche-développement et l'innovation pour atteindre l'objectif de 3 % du PIB en effort de recherche-développement à l'horizon 2010.

Le développement du partenariat public-privé, réalisé par la mise en oeuvre coordonnée des pôles de compétitivité, de l'Agence nationale de la recherche et la création du pôle OSEO, est fortement stimulé.

Le soutien aux PME, principale source de création d'emplois dans notre pays,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

M. Josselin de Rohan.... est renforcé grâce à l'aide qui leur est apportée pour le financement de leurs fonds propres, l'accès à l'exportation et à la commande publique.

Le programme « Gazelles », qui met en oeuvre le bouclier fiscal et l'aménagement du crédit d'impôt recherche, confortera les PME.

Mais la réforme votée l'an dernier de la taxe professionnelle, qui plafonne la taxe à 3,5 % de la valeur ajoutée des entreprises, est un signe fort que le Gouvernement veut lutter contre le handicap fiscal qui a tant desservi nos entreprises de toute taille. Ces 200 000 entreprises, confrontées à une rude concurrence internationale, verront leur pression fiscale allégée et leur compétitivité renforcée.

Lors du débat sur les recettes des collectivités territoriales, le rapporteur général, Philippe Marini, a défendu avec éloquence et courage cette réforme. Nous sommes d'accord avec lui pour estimer qu'on ne saurait à la fois dénoncer les délocalisations d'entreprises tout en leur donnant de bonnes raisons de déménager à cause des contraintes fiscales qu'on leur fait supporter.

M. Jean Bizet. Exactement !

M. Josselin de Rohan. Compte tenu d'ailleurs de la concurrence fiscale qui existe en Europe, il serait chimérique d'escompter une harmonisation de la fiscalité européenne avant longtemps. Nous devons donc être fiscalement vertueux !

Mes chers collègues, nous savons combien le possible est souvent éloigné du souhaitable ; aussi sommes-nous conscients des imperfections du projet de loi de finances.

M. Josselin de Rohan. Mais j'ai eu la curiosité, pour me consoler de mes impatiences ou de mes déceptions, de rechercher les satisfactions que pourrait nous ménager le programme de la concurrence. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) J'avoue avoir été alléché par sa conclusion : « Notre projet a tiré pleinement les leçons des expériences de la gauche au pouvoir, des avancées nombreuses et des échecs que nous avons su analyser sans complaisance. »

M. Bernard Frimat. Ce n'est pas votre cas !

M. Josselin de Rohan. Mes chers collègues, comme il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se repent que pour neuf cent quatre-vingt-dix-neuf justes, je me suis d'abord réjoui. Hélas ! les prémisses ne sont pas à la hauteur de la dernière phrase ! Non seulement on ne fait pas du neuf avec du vieux, mais on refait du vieux avec du vieux !

EDF et, bien sûr, GDF seront renationalisés. Compte tenu du cours de l'action, l'indemnisation des actionnaires représenterait près de 20 milliards d'euros, soit la moitié de notre déficit budgétaire.

Le vieux rossignol du partage du travail ressurgit avec la généralisation des 35 heures aux entreprises de moins de vingt salariés. Qu'importe le coût économique ou budgétaire de cette mesure, qu'importe le fait que nous soyons les seuls en Europe et parmi les pays développés à la préconiser, qu'importent les conséquences pour l'emploi dès lors que prévaut le principe ! Perte de recettes estimée pour le Trésor public : 7 milliards d'euros !

M. Dominique Braye. Oh là là !

M. Josselin de Rohan. Recours généralisé à l'emploi public grâce à la réactivation des emplois-jeunes et à l'embauche massive de fonctionnaires, comme si les créations d'emploi dépendaient du seul secteur public.

L'abrogation de la réforme des retraites - qui va à contre-courant de tout ce qui se passe en Europe dans les pays où la population vieillit - constituera non seulement une anomalie, mais une charge considérable pour notre sécurité sociale. Coût prévisible de la mesure : 12,5 milliards d'euros !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas !

M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas cette année ! On verra l'année prochaine !

M. Josselin de Rohan. Ce à quoi il convient d'ajouter...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'exonération de l'impôt, par exemple !

M. Josselin de Rohan.... l'allocation d'autonomie aux étudiants, le service civique obligatoire, la carte vitale professionnelle, le bouclier logement. Le compteur devient fou ! (Marques d'ironie sur les travées de l'UMP.)

Le déficit étant ignoré, la dette accrue, il va falloir payer !

Mme Nicole Bricq. Vous avez augmenté la dette !

M. Josselin de Rohan. À ce moment-là, ce sera un véritable téléthon fiscal, parce que tous les plafonds de promesses sont crevés :...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont des cadeaux fiscaux ! Alors, n'en parlons pas !

M. Josselin de Rohan.... abolition des allégements de charges pour les entreprises, progressivité de la contribution sociale généralisée, ou CSG, fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG,...

M. Josselin de Rohan.... nationalisation de la taxe professionnelle fondée sur la valeur ajoutée, taxe sur les industries pharmaceutiques, suppression du dispositif Robien !

Mme Nicole Bricq. Vous vous faites du mal !

M. Jean-Claude Frécon. Cela ne sert à rien !

M. Josselin de Rohan. On peut tabler sur ce beau programme pour encourager les expatriations, les fuites de capitaux et les délocalisations.

On nous annonce par ailleurs que la prétendante socialiste devrait ajouter des propositions de son cru. Si, par malheur, elle arrivait aux affaires, on pourra dire aux entreprises françaises : « Mourez, Ségolène fera le reste ! ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Frécon. Il est déjà dans l'opposition !

Mme Nicole Bricq. Il ne faut pas vous faire du mal comme ça !

M. Josselin de Rohan. Mes chers collègues, au moment où s'achèvent le quinquennat et la législature, le taux de chômage est revenu de 10 % en juin 2005 à 8,9 % en juillet dernier, soit une diminution de 280 000 demandeurs d'emploi en moins d'un an.

M. Guy Fischer. Les contrats précaires !

M. Josselin de Rohan. Ce chiffre, encore trop élevé, montre que les efforts continus et tenaces du Gouvernement, appuyé par sa majorité, ceux des chefs d'entreprise et des salariés français, commencent à porter leurs fruits, mais ne doivent pas se ralentir.

La création de 200 000 entreprises en 2005 nous fait espérer que le chiffre du million d'entreprises nouvelles entre 2002 et 2007 sera atteint, ce qui témoigne du dynamisme de nos entrepreneurs.

Malgré la lourdeur de notre dette, le niveau de nos prélèvements obligatoires, les pesanteurs de notre fiscalité, nous avons pu initier, grâce à la LOLF, une approche nouvelle de la dépense publique, prélude à une réforme de l'État, et nous engager dans la voie du redressement de nos finances publiques.

Les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin ont procédé à la réforme du régime des retraites, de l'assurance-maladie, de la fiscalité et de la participation, afin d'engager notre pays sur la voie de la compétitivité et de la modernité. Rien de cela n'a été acquis sans peine et sans remous. Tout peut être remis en cause en peu de temps ; d'ailleurs, nous sommes prévenus !

M. Josselin de Rohan. Mais nous devons puiser dans cette menace notre résolution de nous mobiliser et de nous battre pour préserver et conforter ce que nous avons construit, afin que nos compatriotes trouvent des raisons de croire en leur avenir.

M. Guy Fischer. Surtout les patrons !

M. Josselin de Rohan. Et si nous éprouvons quelque doute ou quelque découragement en chemin, considérons simplement ce qui attend notre pays au cas où nous échouerions pour nous donner la force de ne pas renoncer et la volonté de gagner ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je serai bref : j'aborderai la sincérité du budget pour 2007, l'assainissement des finances publiques, les actions prioritaires qui sont nécessaires et la position de la majorité de notre groupe.

Tout d'abord, le budget pour 2007 a été établi sur la base d'hypothèses de croissance comprises dans une fourchette située entre 2 % et 2,25 %. Après que certains budgets ont été adoptés sur des hypothèses trop optimistes, ce budget semble plus tempéré. La croissance enregistrée au troisième trimestre de 2006 a, certes, été moins performante, mais elle semble se redresser au cours du quatrième trimestre.

Le principe de sincérité budgétaire, même apprécié largement, doit continuer à guider l'action de ce gouvernement, comme des gouvernements qui lui succèderont.

Ensuite, le budget pour 2007 a été construit pour poursuivre un certain assainissement de nos finances publiques :

Le déficit doit être cantonné à 2,5 % du PIB, contre 2,7 % en 2006, malgré la disparition de la soulte des industries électriques et gazières, les IEG.

La dette amorce sa décrue, bien qu'elle reste à un niveau élevé : 64,7 % du PIB.

Le surplus éventuel des recettes fiscales sera, aux termes mêmes du projet de loi de finances, intégralement affecté à la réduction de la dette de l'État.

Le collectif budgétaire pour 2006, voté par l'Assemblée nationale, réduit le déficit courant de 1,2 milliard d'euros. Il établit un surplus de recettes de 4,46 milliards d'euros, en grande partie grâce au dynamisme de l'impôt sur le revenu : plus 6,5 %.

Nous sommes donc sur la bonne voie !

J'en viens à la structure des dépenses. Vous ne vous étonnerez pas que j'aborde un sujet qui nous tient à coeur, au sein de notre groupe, depuis des décennies : l'innovation, à laquelle il faut assurer une large priorité.

Ce n'est pas tant le niveau même de la dépense publique qui contribue au développement d'une économie sociale de marché : ce sont ses structures prioritaires. Nous savons que l'innovation est désormais le facteur principal dans une économie mondialisée qui ne fait pas de cadeau à ceux qui n'innovent pas.

À cet égard, malgré les décisions de principe de Lisbonne, les dépenses de recherche-développement dans l'Union européenne peuvent nous inquiéter, puisqu'elles ne progressent que de 2,3 % par an depuis 2004, soit 230 milliards de dollars pour 2006, alors que celles des États-Unis s'accroissent de 4 % par an et dépassent 330 milliards de dollars en 2006. Nous ne rattraperons évidemment pas le retard !

La Chine, de son côté, a doublé depuis 1995 son effort de recherche et développement, qui atteint maintenant 1,23 % du PIB au lieu de 0,6 % ; cette tendance va se poursuivre. D'ailleurs, ses dépenses sont d'ores et déjà supérieures à celles du Japon : 136 milliards de dollars, contre 130 milliards pour le Japon. Elles doubleront dans moins de dix ans.

Pour la France, le budget de 2006 comme le projet de loi de finances pour 2007 vont dans le bon sens. L'aide aux entreprises innovantes - les orateurs précédents ont évoqué le déplafonnement des dépenses de défense des brevets dans le calcul du crédit d'impôt recherche - est une mesure très importante, de même que les dépenses inscrites dans le budget, et d'autres qui n'y figurent pas, ce qui n'est sans doute pas correct, mais agréable dans la finalité ; je pense en particulier à l'effort à accomplir par les agences - ANR, AII, OSEO-ANVAR - mais aussi par les collectivités locales dans le cadre des pôles de compétitivité. Ce mouvement doit se renforcer, comme pour l'appel à l'Europe.

Le monde financier devrait consentir des efforts beaucoup plus importants, par exemple par une meilleure intervention sur le marché de financement et par une meilleure intermédiation bancaire, car l'orientation de l'épargne des ménages soulève un problème. Je rappelle que près de 600 milliards d'euros sont prélevés chaque année pour la seule assurance vie. Il est certain que si une part, même minime, de cet argent était utilisée intelligemment à pousser fortement l'innovation dans ses phases initiales, le développement serait beaucoup plus important, de même que le nombre de « gazelles » qui deviendraient des moyennes entreprises. La dynamique serait bien plus forte. Prenons exemple sur la Californie, le Massachusetts et Israël !

Pour rester dans ce domaine de la structure des dépenses, a été évoqué le fait que l'emploi représentait une priorité. Il est en effet important de continuer à encourager les entreprises à faire plutôt le choix de l'embauche que celui de l'attentisme. Cette politique d'offre doit être complétée par une politique de demande pour lutter contre les trappes à inactivité et inciter au travail.

Il est toutefois nécessaire de garder, dans le même temps, la maîtrise de la dépense publique dans ces domaines, le financement de l'État ne devant pas, à terme, atteindre le niveau des salaires perçus : cela empêcherait le développement économique.

Dans le même ordre d'idée, les actions prioritaires et la réforme du barème de l'impôt sur le revenu constituent des mesures importantes d'amélioration du pouvoir d'achat ; je pense surtout aux classes moyennes, en général oubliées des réformes.

Cette réduction de la fiscalité doit s'accompagner d'une diminution équivalente de la dépense publique ; l'exemple nous en a été donné.

Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du RDSE votera en faveur de ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quelques chiffres tout à fait récents suffisent, s'il en était besoin, à montrer que le projet de loi de finances est manifestement entaché d'approximations douloureuses.

Après avoir constaté la croissance nulle du troisième trimestre, voici en effet que l'INSEE annonce que la production industrielle est en baisse au mois d'octobre d'un dixième de point, ce qui ne laisse pas augurer d'un résultat florissant pour l'exercice 2006 et place 2007 sous de sombres auspices.

Dans le même temps, comme si cela ne suffisait pas, voici que M. Trichet, gouverneur de la Banque centrale européenne, met en oeuvre une nouvelle hausse des taux directeurs de son organisme, au motif qu'il conviendrait de mettre un frein à l'endettement des ménages comme des entreprises de la zone euro, et singulièrement de la France.

Bien des tendances lourdes de la situation économique sont donc inscrites qui ne contribueront pas à l'amélioration de la situation économique ; de fait, elles mettent directement en cause le « cadrage » économique dans lequel ce projet de loi de finances, de pur affichage électoral, a été défini et au nom duquel il a été défendu.

D'autres éléments de mesure de la situation réelle du pays nous ont été révélés au fil de la discussion.

Ainsi, plus de 9 millions de salariés perçoivent aujourd'hui une part de la prime pour l'emploi. Cela atteste la faiblesse de la rémunération du travail salarié, faiblesse encouragée par la modération salariale que les entreprises ont imposée et qui est d'ailleurs à la base de l'essoufflement de la consommation des ménages, lesquels sont de plus en plus endettés.

La discussion de ce projet de loi de finances est donc l'occasion pour nous de mettre en évidence les résultats de l'ensemble de la législature, une grande part des mouvements affectant les recettes comme les dépenses de l'État pour 2007 étant contenue dans les dispositions antérieurement votées. Ainsi, la réforme de l'impôt sur le revenu ne va réellement profiter qu'à ceux qui perçoivent les revenus les plus élevés : ils vont pouvoir, grâce notamment à la disparition de l'abattement de 20 %, tirer pleinement parti du nouveau barème allégé.

Bien entendu, pour faire bonne mesure, nous l'avons constaté, il se trouve encore des parlementaires dans cette assemblée pour en rajouter !

Comparez donc, mes chers collègues, le coût de l'ensemble des dispositifs en faveur des placements financiers, de la gestion de patrimoine, des successions, et celui des mesures qui portent sur les traitements, salaires et pensions : en presque dix ans, le SMIC a été doublé ; les dividendes, quant à eux, ont été multipliés par neuf ! Comparez les montants en jeu, le nombre de bénéficiaires et l'efficacité sociale et économique de toutes ces dispositions

Depuis cinq ans, le budget sert à déplacer l'argent public en direction de la sphère privée.

Ainsi, outre le report des déficits, les revenus fonciers - 24 milliards d'euros de revenus déclarés en 2004 - bénéficient d'allégements fiscaux pour 1,7 milliard d'euros. Ainsi, les revenus de capitaux mobiliers - 19,9 milliards d'euros de revenus déclarés en 2004 - profitent de plus de 7 milliards d'euros d'allégements fiscaux divers. Ainsi, les plus-values des particuliers - 10,5 milliards d'euros de revenus déclarés - tirent également parti, outre le régime particulier d'imposition à 27 %, cotisations sociales comprises, de dispositifs d'allégement pour plus de 1,8 milliard d'euros !

Dans ces trois domaines de la fiscalité des personnes, ce sont finalement plus de 10 milliards d'euros que l'État s'autorise à ne pas percevoir, sans doute pour encourager l'épargne... Mais à qui, encore une fois, profitent ces dispositifs, sinon à celles et ceux qui ont précisément la possibilité de se constituer une épargne importante, c'est-à-dire aux plus riches ?

Ce choix de classe, cette solidarité nationale à l'envers des plus pauvres, qui sont d'ailleurs de plus en plus nombreux, vers les plus riches, nous ne les acceptons pas plus cette année que nous ne les avons acceptés lors de la discussion des précédents projets de loi de finances.

Et tout cela pourquoi, et pour quels résultats ? Une législature aura suffi pour que l'endettement public, malgré la vente à l'encan de nombreuses entreprises publiques, connaisse une nouvelle explosion de 250 milliards d'euros supplémentaires, sur lesquels pèsent évidemment les intérêts correspondants.

La dette a connu une hausse de 8 points, selon la Cour des comptes ; et vous venez vous exclamer sur son montant ! Mais pour quoi et pour qui a-t-elle augmenté ? Car les inégalités sociales, dans le même temps, n'ont pas diminué ! À qui profite-t-elle ? Encore faut-il souligner que la dette nette de la France est inférieure à celle des pays de l'OCDE et de la zone euro.

Une législature aura donc suffi pour que, à la place du renforcement des capacités productrices et créatrices de notre économie, nous constations une fois encore la réduction de l'investissement des entreprises, strictement limité au renouvellement des matériels et à la substitution des machines à l'emploi salarié. Des milliers d'emplois industriels auront disparu en cinq ans - plus de 265 000 au total, une véritable hémorragie ! -, ce qui affaiblit la situation économique du pays et la rend de plus en plus dépendante de l'extérieur.

De la même manière, nous aurons connu une dégradation du solde de nos échanges commerciaux extérieurs. La situation du commerce extérieur français est déficitaire de 19,9 milliards d'euros depuis le début de l'année, déficit en hausse de 5 milliards sur l'année 2005, qui n'était déjà pas brillante. Cela découle d'ailleurs de la persistance d'un déficit avec les pays de la zone euro : c'est le principal motif d'inquiétude, au-delà des effets de la conjoncture sur les prix du pétrole, qui renchérissent nos importations énergétiques en provenance du Moyen-Orient.

C'est bel et bien une France affaiblie qu'au terme de la législature vous laissez devant les Françaises et les Français, qui seront appelés au printemps prochain à faire valoir, au travers du suffrage universel, leur droit de déterminer la politique des cinq ans à venir.

Injustice fiscale, donc, prenant la suite des injustices sociales de plus en plus intolérables que subit la grande majorité des habitants de notre pays ; inefficacité économique, argent public dilapidé en cadeaux fiscaux destinés à permettre à quelques-uns de s'enrichir ou à quelques entreprises de persévérer dans leur recherche de la rentabilité : voilà le triste bilan que vous pouvez présenter en cette fin d'année 2006 et qui imprègne le projet de loi de finances pour 2007.

Une autre politique est plus que jamais nécessaire pour répondre enfin aux attentes de la population, pour rétablir l'égalité et l'équité fiscales, pour oeuvrer avec l'argent public à une véritable croissance saine, porteuse de richesses et d'emplois, et respectueuse de l'environnement.

Le développement durable n'appartient pas à la logique de privatisation et de marchandisation du service public qui a sous-tendu l'action que vous avez menée depuis 2002, pas plus qu'il ne réside dans la déresponsabilisation des entreprises et des détenteurs de gros patrimoines. Il ne peut s'appuyer que sur une fiscalité juste et rendue plus juste par l'examen critique de ce qui, aujourd'hui, rompt avec le principe d'égalité, sur une fiscalité incitant réellement à l'usage vertueux de la richesse créée.

Il s'appuie aussi sur une utilisation efficace de l'argent public, visant des objectifs porteurs de création de richesse et d'emplois. Il suffit de dépenser entre 20 milliards et 25 milliards d'euros pour alléger les cotisations sociales des entreprises !

Tout cela n'a fait qu'accroître, année après année, le nombre des salariés pauvres, au point qu'aujourd'hui, dans près de 90 branches professionnelles, les minima salariaux, messieurs les ministres, sont inférieurs au SMIC !

Des personnes qui travaillent sont privées du droit élémentaire de se loger à des prix raisonnables parce que le marché immobilier, que vous avez encouragé, ne cesse de battre année après année des records de prix. La pauvreté et la précarité sont le quotidien de millions et de millions de Français, au point qu'elles figurent aujourd'hui parmi les préoccupations majeures de nos compatriotes. M. de Rohan n'a pas mentionné tout à l'heure, dans son exposé, qu'en 2006 les Restaurants du coeur avaient servi 75 millions de repas !

En ce qui nous concerne, nous avons essayé de démontrer pendant l'examen de ce projet de loi de finances que l'argent existe. C'est pourquoi il est grand temps de taxer les plus-values boursières : Total, par exemple, rapporterait 20 milliards d'euros ! Les actifs financiers ont augmenté de plus de 100 % en dix ans ; les taxer à 1 % représenterait 35 milliards d'euros.

Vous nous avez parlé d'audit pendant la discussion, monsieur le ministre. Mais où est l'impact des 25 milliards d'euros de cadeaux de cotisations sociales patronales, alors que la Cour des comptes nous explique que 17 milliards d'euros ne servent à rien pour l'emploi ? J'arrêterai là les exemples.

Des millions de personnes ont été, au fil du temps, placées dans des dispositifs de précarité de l'emploi, et il a fallu un mouvement particulièrement puissant de la jeunesse du pays, largement soutenue par les plus âgés, pour que ne s'impose pas une règle pour les jeunes, au travers notamment du contrat première embauche.

Car là est l'un des motifs essentiels de l'espoir qui nous anime comme des craintes qui vous habitent : la société française, dans sa diversité, dans sa multiplicité, refuse de plus en plus votre logique libérale qui ne fait droit qu'à la rentabilité du capital, au détriment de tout autre droit.

C'est porteurs de cette colère et de ce refus, porteurs de cette envie irrépressible d'autre chose, que les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen indiquent clairement ici leur rejet pur et simple du projet de loi de finances pour 2007, tel que modifié par le Sénat.

Permettez-moi, pour conclure, de remercier une fois encore les personnels de l'ensemble des services du Sénat de leur disponibilité tout au long de la discussion de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Marc Massion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Marc Massion. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dès le début de notre débat budgétaire j'avais, par un rappel au règlement, dénoncé la méthode employée par le Gouvernement, qui consiste à alléger la loi de finances et à renvoyer au collectif budgétaire que nous examinerons dès lundi nombre de dispositions importantes que j'avais énumérées alors et que je ne reprends pas.

Eh bien ! avec ce débat qui se termine, on constate que le Gouvernement et sa majorité ont continué à « charger la barque ». Nous aurons donc un collectif très dense mais, à notre avis, cette méthode ne correspond pas à une gestion efficace et transparente ; même des membres de la majorité ont marqué quelque irritation devant cette manière de faire.

Ce collectif comportait au départ quarante-cinq articles, auxquels s'ajoutent une cinquantaine d'articles. Ce n'est pas du travail sérieux, messieurs les ministres, et ce n'est pas très « lolfien ».

Le budget pour 2007 est le dernier budget de la législature et, au cours de nos échanges, il a beaucoup été question de bilan. Comment dresser avec le plus d'objectivité possible un bilan de législature ? En prenant en référence les engagements pris au début de la législature.

J'ai donc relu avec attention la déclaration de politique générale du 3 juillet 2002 du Premier ministre. Je ne ferai pas l'inventaire de tous les points évoqués, même s'il y aurait beaucoup à dire ; je me limiterai à trois sujets essentiels qui sont en lien direct avec les lois de finances : deux objectifs de base et un objectif précis.

Aux termes de cette déclaration de politique générale, le Premier ministre affirmait : « Nous allons créer les conditions d'une croissance forte. Nous allons nous y employer en menant de front baisse des prélèvements, réduction des déficits ».

M. Yannick Bodin. C'est raté !

M. Marc Massion. Échec sur toute la ligne !

Pour les prélèvements obligatoires, les chiffres parlent d'eux-mêmes : 43,1 % en 2002, 44 % en 2006,...

M. Marc Massion.... avec, en perspective, plus de 50 % de prélèvements sociaux en 2007, c'est-à-dire les prélèvements qui concernent tous les Français, et une baisse des prélèvements au profit de l'État, résultat de votre politique fiscale, au seul bénéfice des plus fortunés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Plutôt que de vouloir afficher une baisse à tout prix, il vaudrait mieux s'assurer que les prélèvements obligatoires pèsent équitablement sur les acteurs économiques en fonction de leur capacité contributive, qu'ils permettent de mettre en oeuvre les politiques publiques décidées et de fournir un niveau élevé de services publics.

Quant aux déficits, là encore, les chiffres sont éloquents : même en diminuant un peu cette année, le déficit reste supérieur à celui de 2002 et la dette publique est passée de 59 % à 63,60 % du PIB.

J'ajoute à ces deux échecs évidents votre refus dans les actes de mettre en oeuvre vos discours : je veux parler de la chasse aux niches fiscales, tant annoncée et toujours sans résultat, bien au contraire ! On le verra encore dès lundi prochain, lors de l'examen du collectif budgétaire.

Pour les prélèvements obligatoires, comme pour le déficit, les engagements étaient à la baisse, les résultats sont à la hausse. Ou bien vous avez sous-estimé la pente que vous disiez forte, ou bien vous avez surestimé les effets de votre politique.

C'est la confirmation de l'échec global de votre politique qui, tout au long de cette législature, s'est évertuée à favoriser les Français les plus riches, les plus aisés, et à ignorer la stagnation, voire le recul du pouvoir d'achat et les soutiens au plus grand nombre pour une véritable relance de la croissance.

Par petites touches, au gré des projets, ici ou là, vous avez grignoté l'impôt de solidarité sur la fortune, sans oser aller jusqu'à concrétiser votre souhait le plus fort, la suppression de cet impôt, et ce pour deux raisons : pour vous, c'est un tabou électoral, et vous n'avez aucune solution pour substituer un autre prélèvement à son produit.

Sans atteindre le niveau promis par le candidat Jacques Chirac en 2002, la baisse des impôts atteindra, au terme de cette législature, 8,5 milliards d'euros, et elle s'accompagne d'une réduction de la progressivité de l'impôt qui est, à nos yeux, un principe républicain.

En 2007, la réforme de la réduction de l'impôt sur le revenu sera concentrée à 63 % sur les 10 % des ménages les plus riches, et les 10 % les plus fortunés capteront à eux seuls 30 % du gain financier de cette réforme. Et le bouclier fiscal aggrave évidemment ces tendances, sans oublier les conséquences pour les communes.

Tout à l'heure, j'ai parlé de la pente forte. Faisant toujours référence à une formule qui avait été fortement médiatisée en 2002, je voudrais évoquer « la France d'en haut » et « la France d'en bas ».

M. André Lejeune. Où est la France d'en bas ?

Mme Nicole Bricq. Elle est au sous-sol !

M. Marc Massion. C'est un élément du bilan ! Au terme de cette législature, la France d'en haut est encore plus haut, et la France d'en bas encore plus bas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

C'est la théorie du « toujours plus » : les fortunés toujours plus fortunés, les gens aisés toujours plus aisés, les plus modestes toujours plus modestes, les pauvres toujours plus pauvres et plus nombreux. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Sinon, mes chers collègues, comment expliquer que la seule entreprise française qui a pour objectif de disparaître voie son volume d'activité croître d'année en année ? Je veux parler des Restos du Coeur !

Un engagement précis a été pris en 2002, dans la foulée de la campagne présidentielle : la baisse à 5,5 % du taux de TVA pour la restauration. Ce qui est grave, c'est que vous saviez que ce ne serait pas possible, parce que les partenaires européens y étaient opposés, mais vous en avez fait un argument électoral.

M. Pierre-Yves Collombat. C'est une honte !

M. Marc Massion. Puis, en 2005, pour les raisons que vous connaissez, changement de Gouvernement ! Et comme j'avais lu la déclaration du 3 juillet 2002, j'ai lu avec la même attention la déclaration du 8 juin 2005. À ma grande surprise, je n'ai trouvé aucune référence aux prélèvements obligatoires ou aux déficits.

J'en conclus que le nouveau Premier ministre, constatant que les engagements pris par son prédécesseur n'étaient pas en bonne voie de réalisation, a préféré s'abstenir d'en parler, c'est-à-dire de remuer le couteau dans la plaie.

Mme Nicole Bricq. Oui, mais nous nous allons le faire !

M. Marc Massion. Par ailleurs, au terme de cette législature, vous laissez les collectivités locales en grandes difficultés. Les maires, lors de leur récent congrès, ont manifesté leurs inquiétudes et notamment souhaité que soit revue la réforme de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée des entreprises, pour éviter un transfert fiscal vers les ménages.

M. Marc Massion. Finalement, cette réforme sera coûteuse pour l'État, pour les communes et pour les petites et moyennes entreprises.

Enfin, l'emploi, en particulier industriel, est en net recul. Certaines régions de France sont en voie de désertification industrielle ; on l'a vu récemment dans les Ardennes comme en Bretagne.

Nous savons tous que la baisse officielle du taux de chômage provient du traitement statistique et social du chômage.

Ce budget pour 2007 s'inscrit parfaitement, et malheureusement, dans la politique que vous menez depuis 2002. Politique injuste socialement et inefficace économiquement, donc budget injuste et inefficace, qui, par ailleurs, risque d'être rapidement malmené avec les annonces en rafale du Premier ministre : il faut s'attendre très rapidement, en début d'année, à des annulations ou à des redéploiements de crédits.

Mais heureusement, parce qu'il y a quand même un « heureusement », en juillet prochain, après l'alternance de mai et juin, un collectif vous sera présenté, qui commencera à réparer les dégâts infligés à la France et aux Français par les deux gouvernements de cette législature. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne vendez pas la peau de l'ours !

M. Christian Cambon. Demandez à M. Jospin !

M. Marc Massion. Mais chaque chose en son temps !

Il me reste à vous informer, comme vous vous y attendiez certainement, que nous voterons contre ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le ministre délégué au budget, à l'issue de l'examen de ce cinquième et dernier budget de la législature, je ne peux de nouveau que vous exprimer ma déception...

Mme Nicole Bricq. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Jégou.... face à un texte qui, du début à la fin, a manqué d'ambition.

Vous nous aviez annoncé un budget d'attente.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Nous n'avons jamais annoncé un budget d'attente !

M. Michel Moreigne. Soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?

M. Jean-Jacques Jégou. C'est bien ce que nous avons eu ! Je le déplore, car je crains que notre pays n'ait plus ni le temps ni les moyens d'attendre.

Je regrette tout d'abord que, malgré votre action volontariste, vous n'ayez pu entraîner votre gouvernement vers des chemins plus vertueux en termes de dépenses publiques ou de déficits budgétaires et plus conformes à la LOLF.

Vous avez déployé de grands efforts pour nous démontrer que la dépense nette augmentait moins que l'inflation, c'est-à-dire de 0,8 %. J'ai déjà eu l'occasion devant vous de réfuter ce chiffre, obtenu grâce à des transferts de dépenses ou des transformations de dépenses budgétaires en dépenses fiscales, ce que M. le rapporteur général a appelé pudiquement des « agencisations ».

La dépense nette s'est en réalité accrue de 2,9 % ; nous ne pouvons en être fiers, monsieur le ministre. Je regrette que nous n'ayons pas réussi, à la commission des finances, à vous aider dans votre difficile mission de réduction de la dépense publique.

Je déplore donc que nous soyons amenés à voter aujourd'hui un budget présentant un solde négatif et en dégradation, après son passage au Sénat, de 151 millions d'euros, du fait essentiellement de la mesure de décentralisation relative aux personnels TOS - techniciens, ouvriers et de service - et d'autres dispositions portant moins à conséquence.

Il est vrai que cette loi de finances n'a pas vocation à passer le cap des élections présidentielle et législatives et que la véritable loi de finances pour 2007 sera présentée par un autre gouvernement et votée par une nouvelle assemblée.

Je forme vraiment des voeux pour que ce gouvernement, de quelque bord qu'il soit, prenne en compte l'importance des déficits budgétaires et sociaux et travaille à mettre immédiatement en place les réformes qui s'imposent.

M. Josselin de Rohan. Ce sera l'union nationale !

M. Jean-Jacques Jégou. Je souhaite tout de même saluer dans ce projet de loi de finances l'adoption de quelques mesures intéressantes, comme la « familialisation » du plafond de déductibilité des cotisations d'épargne retraite, l'harmonisation de la fiscalité des plus-values d'investissements en capital-risque ou encore la mise en place d'une filière de recyclage et de traitement des déchets issus de produits textiles d'habillement ; cette dernière disposition répond à une attente urgente de la part des associations de réinsertion qui gèrent cette filière et qui sont aujourd'hui dans une situation plus que précaire.

Je tiens également à souligner les engagements que vous avez pris, monsieur le ministre délégué au budget, pour résoudre un certain nombre de problèmes d'ici à la commission mixte paritaire, notamment en ce qui concerne la taxe sur les déchets réceptionnés dans un centre de stockage.

Je regrette vivement, cependant, que d'autres sujets beaucoup plus importants aient été renvoyés à la négociation avec les partenaires sociaux ; je pense aux sur-retraites outre-mer ou encore aux régimes spéciaux de retraites.

L'excellent amendement du président Nicolas About, qui pourtant ne touchait à aucun avantage acquis et qui allait dans le sens de la justice, n'a pas pu être voté cette nuit. Il était néanmoins important, pour le groupe UC-UDF, de prendre date sur cette proposition majeure, défendue par notre candidat François Bayrou.

Ces anomalies, nous les avons pourtant pointées du doigt et critiquées pendant ces cinq dernières années, au cours desquelles, malgré une situation des finances publiques plus que critique, peu a été fait. Et je sais pertinemment que rien ne sera fait avant la prochaine législature, en dépit de votre implication personnelle, monsieur le ministre, et des efforts que vous avez déployés depuis votre prise de fonctions, voilà maintenant deux ans.

Je constate donc que, malgré votre prise de conscience, l'efficacité de votre action n'aura pas été à la hauteur de la gravité de la situation financière de notre pays et qu'elle n'a guère été meilleure que l'action des gouvernements socialistes qui vous ont précédé !

Je prendrai l'exemple de l'explosion des déficits publics : ils sont passés de 1,6 % du PIB en 2001 à 4,2 % en 2003, pour ne commencer à se réduire qu'en 2005 et revenir, en 2007, à 2,5 %, du PIB, soit un niveau encore supérieur à celui de 2001.

En effet, depuis 2001, le secteur public en général et l'État en particulier dépensent toujours trop. En cinq ans, le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale se sera accru de plus de un point de la richesse nationale portant la France au deuxième rang des pays développés, avec encore 52,9% en 2007, contre 51,6% en 2001.

Alors que tous les grands pays développés réduisaient le poids des dépenses publiques, la France continuait à l'aggraver. Pour 2007, celles-ci devraient encore augmenter de 2,9% et la réduction des effectifs dans la fonction publique est toujours trop timide.

Malgré des baisses d'impôt financées à crédit et socialement déséquilibrées, la pression fiscale et sociale s'est accrue de presque un point de la richesse nationale : 42,8% en 2001, 43,7% en 2007. En fait, le Gouvernement n'a pas baissé les impôts, il a freiné une hausse spontanée très forte.

Nous devons poursuivre nos efforts en matière de réduction des déficits publics et de la dette. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, monsieur le ministre, seulement 6% des plus-values de recettes fiscales ont été consacrés à la réduction des déficits publics durant cette législature et ceux-ci ne se réduisent que très lentement, de l'ordre de 2 milliards d'euros par an. Le déficit prévisionnel de l'État, avec 41,8 milliards d'euros en 2007 est, pour plus de la moitié, un déficit de fonctionnement. A ce rythme, il faudra encore vingt-trois ans pour revenir à l'équilibre !

Monsieur le ministre, votre projet de budget pour 2007 n'a pas traduit une véritable volonté politique ; il n'est pas le moteur qui nous permettra de sortir la France de la situation financière douloureuse dans laquelle elle se trouve. Les problèmes, vous les connaissez, nous les connaissons tous, et les Français commencent à les identifier. Alors, pourquoi attendre une nouvelle législature pour préparer l'avenir, imprimer de nouvelles orientations à notre politique économique et donner des signes plus clairs aux acteurs économiques qui font aujourd'hui la croissance de notre pays ?

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous ne pouvons adhérer au projet de budget que vous nous avez présenté, qui ne répond pas à l'urgence de la situation et qui ne présente pas les indispensables réformes structurelles attendues par tous les Français. C'est pourquoi la majorité du groupe de l'UC-UDF s'abstiendra sur le projet de loi de finances pour 2007. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, M. Yvon Collin, qui a dû s'absenter, m'a demandé d'intervenir à sa place.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a qualifié le projet de budget pour 2007 de réaliste, vertueux et juste. (Oui ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je ne peux qu'admirer une telle sémantique, mais ce sera bien mon seul sujet d'admiration ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Moreigne. Voilà un homme lucide !

M. François Fortassin. En fait, ces qualificatifs ne semblent pas coller à la réalité.

M. François Fortassin. Juste, ce budget ne l'est certainement pas, puisqu'il marque un recul encore jamais vu de la fonction redistributrice de l'État ; je veux parler de la réforme fiscale qui a été votée l'an dernier et de la réduction des dépenses publiques censée profiter aux plus fragiles de nos concitoyens, notamment de celles qui sont destinées à l'enseignement scolaire.

Ce budget serait aussi vertueux ! (Oui ! sur les travées de l'UMP.)

M. François Fortassin. Ce n'est pas le message qui ressort des excellentes analyses du rapporteur général de la commission des finances sur « l'agencisation » du budget de l'État, ni des observations éminemment sagaces du président de la commission des finances sur la créativité comptable des administrations publiques.

À ce niveau, un peu de clarté dans la langue française ne serait pas inutile pour nos concitoyens !

Ce budget serait aussi réaliste ! (Oui ! sur les travées de l'UMP.) C'est plutôt le mot de « virtuel » qui viendrait à l'esprit, virtuel non pas en raison de l'alternance politique envisageable, et même probable, en 2007... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Mortemousque. La rupture tranquille !

M. François Fortassin. ..., mais virtuel à l'image de la politique économique et budgétaire de cette législature : une croissance inférieure à notre potentiel ; des déficits publics subis, donc sans conséquence positive sur l'activité ; une dette publique qui dérive sans justification ; un projet européen qui a sombré ; une vision industrielle qui sent le roussi.

Virtualité dans le passé mais virtualité, aussi, dans l'avenir : ce n'est donc pas sans motif que M. le rapporteur général ressent un certain scepticisme au vu de la programmation pluriannuelle pour la période de 2008 à 2010.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Votre lecture de mes propos est très partielle !

M. François Fortassin. Mes amis et moi-même y voyons le résultat d'un aveuglement coupable et d'une légèreté irréelle - mais peut-être s'agit-il de l'avant-goût de la « rupture tranquille », que l'on claironne dans d'autres cénacles ! -aveuglement coupable tout particulièrement sur les implications économiques de votre projet de budget. En effet, la réduction à marche forcée du déficit public serait compréhensible si nous avions la certitude d'une croissance très forte. Nous l'espérons tous, mais pensez-vous vraiment que les conditions soient réunies pour y parvenir, du fait notamment de l'aggravation de la politique de désinflation compétitive en Allemagne avec la TVA sociale ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai pas tout compris...

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, votre gouvernement aurait-il proposé de renoncer aux politiques non coopératives de l'Europe pour retrouver le chemin de la croissance et ainsi contribuer à réconcilier nos compatriotes avec le projet européen ?

Face à l'appréciation incontrôlée de l'euro, vous vous êtes rapproché de nos partenaires afin que les gouvernements exercent enfin les compétences que leur donne le traité de Maastricht sur la politique de change de l'euro. Nous aimerions savoir ce que vous inspire le monétarisme étroit de la Banque centrale européenne qui, malgré les risques alarmants de déflation, a tendance à relever inexorablement les taux d'intérêt.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le bouc émissaire !

M. François Fortassin. Alors qu'aucun des problèmes de fond qui bride la croissance en Europe n'est résolu, c'est faire courir un extrême danger à la croissance que de serrer aussi fort le frein budgétaire. Cette politique, particulièrement hasardeuse, c'est pourtant la vôtre !

Vous faites également preuve d'un aveuglement coupable et d'une légèreté irréelle s'agissant du contexte économique dans lequel s'inscrit votre projet de budget. Vous posez une norme de réduction du volume des dépenses publiques de l'État alors que les objectifs en la matière n'ont jamais été respectés par le passé. Rien ne nous permet de dire que les choses vont changer.

M. le ministre délégué au budget nous parle beaucoup des audits qu'il a initiés et dont il paraît satisfait. Selon le président de la commission des finances, nous pourrions espérer un gain de 3 milliards d'euros en trois ans, soit un milliard d'euros par an. Et c'est, bien entendu, avec ce milliard d'euros que l'on réduira considérablement la dette publique !

Tout notre effort va au désendettement, nous dites-vous. Soit ! Mais différentes voies y mènent. Vous avez choisi la plus radicale et la plus risquée pour notre pays, alors que les catastrophes annoncées par la commission Pébereau s'amoindrissent les unes après les autres. Ainsi, l'INSEE nous annonce-t-elle que notre atout démographique, loin de disparaître, nous offrira douze points de PIB de plus que prévu en 2050. L'orientation malthusienne de votre projet de budget n'est pas la bonne.

Frilosité, refus de mettre en place une véritable péréquation, absence de solidarité territoriale...

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. François Fortassin. ..., esquisse calamiteuse des contrats de projets qui, en termes d'aménagement du territoire, ne prennent absolument pas en compte la notion d'aménagement équilibré et harmonieux du territoire national (Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées du groupe socialiste.), telles sont les caractéristiques de ce projet de budget. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a tenté, en recourant à un certain nombre d'artifices, de nous faire croire...

M. Roland Muzeau. Au père Noël !

M. François Fortassin. ... qu'il s'agissait d'un bon budget. Mais n'est pas David Copperfield qui veut ! Surtout lorsque Claudia Schiffer n'est pas là ! (Sourires.)

Pour toutes ces raisons, mes amis radicaux et moi-même ne voterons pas le projet de loi de finances pour 2007. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout a été dit !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure où s'achève ce marathon, et alors que le Sénat va se prononcer sue le dernier projet de budget de la législature...

M. Ivan Renar. On vous regrettera ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Attendez encore un peu !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne vendez pas la peau de l'ours !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ..., je tiens avant tout à remercier chacun d'entre vous. Le débat auquel nous avons participé a été passionnant. Il nous a permis, me semble-t-il, d'avancer des idées nouvelles sur la manière d'assumer la conduite des finances publiques.

Thierry Breton et moi-même, nous vous avons proposé un budget qui, pour la première fois, présentaient certaines caractéristiques : baisse des impôts...

M. Roland Muzeau. Des riches !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ..., réduction des déficits, diminution de la dette et, surtout, baisse des dépenses de l'État.

M. René-Pierre Signé. Et quels sont les résultats ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Notre feuille de route était, pour la première fois, de diminuer les dépenses de l'État sans jamais donner le sentiment que cela se faisait au détriment de la qualité du service public. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Pour y parvenir, nous avons inauguré une méthode nouvelle. Nous avons, avec votre concours, mesdames, messieurs les sénateurs, lancé un programme inédit d'audit - M. de Rohan l'a salué, ce dont je le remercie - portant sur 100 milliards d'euros et concernant l'ensemble des ministères. Il a recueilli le soutien et l'engagement personnel de tous les ministres. Nous avons ainsi pu vous présenter, à l'euro près et au fonctionnaire près, un projet de budget...

M. Roland Muzeau. Toujours insincère !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... dans lequel, pour la première fois, je le répète, la dépense de l'État avait diminué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Si je me permets, à ce stade de notre discussion, d'insister sur ce point, c'est parce qu'il y a à la clé des perspectives nouvelles pour la gestion des finances de l'État.

Ce que nous avons entrepris, de manière certes empirique mais extrêmement méthodique, je forme le voeu que, quel que soit le résultat de l'élection présidentielle, la prochaine législature le poursuive.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En effet, cela nous a permis, pour la première fois, de découpler l'économie et l'idéologie.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour la première fois, nous pouvons pu faire la démonstration que ce qui compte aux yeux des Français, c'est la dépense publique efficace, c'est-à-dire celle qui produit des résultats...

M. Jean Bizet. Tout à fait !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ..., celle qui nous permet d'assumer, devant nos concitoyens, les résultats que nous avons obtenus par rapport aux engagements que nous avons pris.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce mode de gestion des finances publiques est extrêmement innovant. Il nous permet, ainsi, de faire la démonstration qu'il n'y a plus, d'un côté, les « gentils » qui augmentent les dépenses et proposent des lendemains qui chantent, et, de l'autre, les « méchants », supposés réduire ces dépenses au nom de la responsabilité et qui incarneraient le désengagement de l'État. En réalité, c'est tout l'inverse !

Aujourd'hui, nous voulons mettre en oeuvre une nouvelle manière de gérer l'argent public, en ayant à coeur une obligation non pas de moyens, mais bien plutôt de résultats. De ce point de vue, les débats que nous avons eus ont montré assez clairement la ligne de partage. Dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, il appartiendra à la majorité d'aujourd'hui de faire campagne auprès des Français pour rappeler sans cesse que nous pouvons moderniser notre pays en finançant la totalité des engagements que nous prenons devant nos compatriotes.

Au moment du bilan, nous montrerons clairement que nous avons financé la totalité des lois de programme que nous avons fait voter, en matière de sécurité, de justice, de défense, d'éducation ou de recherche.

Avec Thierry Breton, nous avons mis en oeuvre une réforme fiscale qui vise quasi exclusivement à rendre du pouvoir d'achat aux Français, grâce à une réforme de l'impôt sur le revenu, dont le barème se situe désormais dans la moyenne des autres pays européens.

M. Roland Muzeau. Cette réforme est destinée aux riches !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous avons accru de manière très importante la prime pour l'emploi, qui est destinée à ceux qui perçoivent SMIC ; ils disposent, désormais, de l'équivalent d'un treizième mois de salaire.

M. Dominique Mortemousque. Ce n'est pas pour les riches !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Par ailleurs, avec vous et grâce à vous, nous avons mis en oeuvre une réforme très ambitieuse de la taxe professionnelle, (rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) qui permettra d'enrayer le phénomène de la délocalisation, en plaçant chacun devant ses responsabilités.

Aujourd'hui, en effet, pour 200 000 de nos entreprises, dans certaines collectivités, la taxe professionnelle peut représenter jusqu'à 10 % de la valeur ajoutée ! Les vingt et une régions présidées par la gauche qui l'ont augmentée dans des proportions inédites devront en rendre compte devant leurs électeurs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Parallèlement, nous avons engagé un processus de modernisation de la gestion publique grâce à la LOLF. À ce stade de mon propos, je souhaite remercier tout particulièrement M. le président de la commission des finances, Jean Arthuis, et M. le rapporteur général, Philippe Marini, qui, l'un et l'autre, avec les membres de la commission des finances, m'ont apporté leur contribution ; elle fut majeure, j'en témoigne devant vous avec beaucoup de sincérité. Être ministre délégué au budget, c'est passionnant ; être aidé dans cette tâche par des conseils et des recommandations dictés par la rigueur, le sérieux, mais aussi l'humour, pour celui qui veut faire son parcours initiatique au service de l'intérêt général, c'est vivre des moments d'exception.

Je remercie également tout particulièrement le groupe de l'UMP, celui de la majorité à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Messieurs de Rohan, de Raincourt et Dulait, je veux vous dire combien j'ai apprécié votre présence, votre participation très active au cours de ces longues journées et de ces longues nuits, y compris celle qui s'est achevée tôt ce matin ! Durant ces débats, votre contribution a été essentielle.

Nous avons, au gré de l'examen des différents amendements, pu préciser et ajouter un certain nombre d'éléments très importants. Je pense, notamment, au débat sur les collectivités locales, sujet toujours très difficile et source, parfois, de malentendus : l'État estime, en toute bonne foi, avoir honoré tous ses engagements, tandis que les collectivités locales considèrent que le compte n'y est pas !

M. Jean Bizet. De bonne foi !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il y a là de beaux chantiers en perspective !

M. Roland Muzeau. Vous ne serez plus là !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. De la même manière, j'ai apprécié la participation du groupe de l'Union centriste, laquelle, il faut bien le dire, contraste avec les propos très sévères que vous venez de tenir, monsieur Jégou. En vous écoutant, je pensais que je préférais discuter avec vous des amendements que vous présentiez car, même si nous n'avons pas toujours été d'accord, notre débat a été très cordial, ce d'autant plus que, sur un certain nombre d'entre eux, mon avis a été favorable, voire très favorable. Votre ton, alors, était plus équilibré et donc, peut-être, plus juste ! Mais il est vrai que nous avons fait, ensemble, avancer les choses, ce dont je vous sais gré.

Monsieur Mercier, je vous remercie tout particulièrement. Vous êtes, je le crois, satisfait du sort réservé à un amendement auquel vous teniez beaucoup. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC - Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. Ivan Renar. Ce sont des salamalecs !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je salue également les deux sénateurs du RDSE qui viennent d'intervenir. En les écoutant, j'ai bien compris qu'ils ne voteraient pas de la même manière ! Après tout, c'est aussi cela le Sénat ! Ayant eu le privilège, plus jeune, de faire mes premières armes en tant que directeur de cabinet de Roger Romani, que je salue, c'est toujours pour moi un grand moment que d'entendre les morceaux d'éloquence prononcés à cette tribune. Même si je ne partage pas toujours le point de vue de l'ensemble des sénateurs du RDSE, leurs propos valent leur pesant d'or, ce qui, pour un ministre délégué au budget, n'est pas rien ! (Rires.)

Monsieur Massion, j'apprécie votre amabilité hors micro, mais je redoute votre cruauté lorsque vous parlez à cette tribune ! Avec Thierry Breton, en entendant une diatribe aussi violente contre un budget aussi formidable, nous souffrions aussi silencieusement que possible ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Il me semblait que ce projet de loi de finances méritait mieux que d'être ainsi balayé d'un revers de main. Je vous ai entendu succomber à la caricature. Comme je vous sais, dans la vraie vie, plus modéré, j'ai pensé que vous ne pensiez pas tout ce que vous disiez ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Lorsque viendra le moment de la campagne présidentielle, il vous faudra sans doute appeler l'attention de la candidate que vous soutiendrez sur le fait que le gouvernement de la France demande une vigilance particulière quant à la conduite des finances publiques. Or le projet politique qu'elle soutient, et que vous serez donc obligé de soutenir, inclut des engagements tout à fait irresponsables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je pense, en particulier, à la généralisation des 35 heures, évoquée tout à l'heure par M. de Rohan, et à la renationalisation d'EDF et de GDF (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC., couvrant la voix de l'orateur.), sans oublier ces jurys populaires, censés faire de ceux qui ne penseraient pas comme vous les victimes expiatoires des projets que vous n'arriveriez pas à mener à terme ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. André Rouvière. C'est hors sujet !

Mme Nicole Bricq. Cela n'a rien à voir !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur tous ces sujets, je ne saurais trop vous inviter à y réfléchir à deux fois ! M'étant livré, à mes heures perdues - peu nombreuses, au demeurant -, au chiffrage du projet socialiste, j'en ai tiré la conclusion que, s'il vous fallait le financer, vous seriez obligés de dire à l'ensemble des Français, qui vous écouteront très attentivement, que vous devrez augmenter les impôts ! (Très vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Seulement ceux des riches qui n'en paient pas !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous pouvez compter sur nous pour le dire, comme pour faire observer à Mme Royal que la nouvelle technique qui consiste à adopter la doctrine du tango, un pas en avant et deux en arrière, une fois passé le temps de la sympathique modernité, nous conduira à évoquer franchement la situation, sans langue de bois, comme je le fais avec vous cet après-midi !

Quoi qu'il en soit, j'ai apprécié la qualité du débat engagé avec le groupe socialiste. Si nous n'avons pas les mêmes opinions sur de nombreux sujets, j'ai été néanmoins très sensible à la manière constructive dont nous avons travaillé sur un certain nombre de points. J'ai une pensée particulière pour vous, monsieur Massion, qui avez bien souvent pris la parole au nom de votre groupe, ainsi que pour Mme Bricq.

Enfin, le groupe CRC ne m'a pas ménagé ! Monsieur Foucaud, madame Beaufils, que n'ai-je entendu sur ces fameux « cadeaux aux riches » que nous sommes censés faire matin, midi et soir ! Comme j'aimerais qu'il y ait autant de riches !

M. Ivan Renar. Sortez dans le 6e arrondissement de Paris !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a des riches qui ne paient pas d'impôts ! Vous trouvez ça normal ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur ces sujets, il est grand temps de sortir de ces visions d'un autre temps ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Je rêve d'un discours politique dans lequel, enfin, nous cessions d'opposer sans cesse les gentils aux méchants, les pauvres aux riches. ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous le redemande : les riches ne paient pas d'impôt, vous trouvez cela normal ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En réalité, dans un grand pays comme le nôtre, nous avons besoin de chaque Française et de chaque Français : leur talent, leur audace, leur expérience, leur excellence nous sont nécessaires.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec leur talent, ils peuvent payer des impôts, même s'ils sont riches !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Chacune et chacun d'entre eux doit avoir sa chance de monter sur le podium.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci beaucoup ! Merci beaucoup !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Arrive un moment où, à force de revendiquer, comme vous le faites, l'augmentation permanente des impôts, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les riches peuvent payer des impôts ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... vous atteignez votre objectif : il y a moins de riches, car ils quittent notre pays ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Nous ne les avons plus, ni comme contribuables, ni comme citoyens ! Il est grand temps d'en finir avec ce débat d'un autre siècle !

Il est temps aussi de veiller à mettre en place une politique juste pour chaque Français.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours plus pour les riches !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est ce que nous faisons ...

M. Ivan Renar. Vous ? Vous saignez les pauvres !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... avec ce projet de loi de finances que, pourtant, vous ne voterez pas !

Mme Marie-France Beaufils. Toujours plus pour les riches !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous l'avons fait en accordant la prime pour l'emploi, en revalorisant le SMIC, en veillant scrupuleusement à ce que ceux qui bénéficient des baisses d'impôt soient ceux que l'on appelle les « classes moyennes », ceux qui gagnent entre 1 000 euros et 3 500 euros par mois et qui vont être les premiers bénéficiaires de notre courageuse réforme de l'impôt sur le revenu. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Je veux aussi dire au groupe CRC que j'ai été attentif à leurs propos. Ils s'en sortent même avec un groupe de travail sur les valeurs cadastrales, ...

M. Yves Coquelle. Vous êtes trop bon !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... au sein duquel ils sont les bienvenus.

Pour le reste, sous la houlette attentive du président Fischer, nous avons évidemment veillé, même si nous ne sommes pas d'accord, à nous écouter. Comme il se doit, nous avons débattu, parfois avec le sourire, cher Philippe Marini, mais toujours dans l'esprit de respect et d'écoute qui caractérise les valeurs de la République, que nous partageons.

M. Philippe Marini, rapporteur général. N'oubliez pas les non-inscrits !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Naturellement, je n'oublie pas les sénateurs de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe politique, notamment M. Philippe Adnot, à qui, je crois, Philippe Marini et moi-même devons offrir le verre de la réconciliation !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mesdames et messieurs les sénateurs, alors que vous allez, dans un instant, vous prononcer pour le projet de loi de finances (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) ...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ..., je voudrais vous dire, aux uns et aux autres, que le travail que nous avons accompli ensemble a été extrêmement important.

Nous avons adopté de nombreux amendements venus de l'ensemble de ces travées. Nous avons eu évidemment à coeur, sur ces sujets, de faire bouger les lignes dans de très nombreux domaines. Il nous faut maintenant passer au vote, qui va précéder la campagne présidentielle.

Pour terminer, j'adresserai mes remerciements à l'ensemble des collaborateurs qui ont travaillé au sein de la commission des finances et dans les services de cette maison ; j'aurai une pensée particulière pour ceux de mon cabinet et des différentes directions des finances. Je remercie également Thierry Breton, pour les conseils et le soutien qu'il n'a cessé de me prodiguer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je voudrais dire aux uns et aux autres l'honneur que l'on ressent d'appartenir au gouvernement de son pays et de vivre, au sein d'une équipe, avec le Premier ministre et le Président de la République, des moments de grande intensité.

M. René-Pierre Signé. Cela ne va pas durer !

M. Ivan Renar. Un vrai désastre !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Puisque nous sommes à l'heure du bilan et que l'un d'entre vous, à gauche, vient de parler de « désastre », je ne manquerai pas cette occasion pour vous inviter à méditer sur quelques éléments de comparaison.

En 1997, nous avions laissé un budget de l'État dont le déficit s'élevait à environ 40 milliards d'euros. En 2002, nous retrouvions ce déficit à près de 50 milliards d'euros. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Eh oui ! sur les travées de l'UMP.) Aujourd'hui, il est de 41 milliards d'euros.

En matière d'effectifs de la fonction publique, sous le gouvernement Jospin, il y avait 30 000 fonctionnaires de plus. Nous terminons cette mandature avec 20 000 fonctionnaires partis en retraite qui ne seront pas remplacés, et chaque décision est justifiée grâce aux audits. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

En 2002, le budget voté par M. Jospin présentait la facture, soit une dépense publique en augmentation de 0,5 point ; pour la première fois, nous réduisons de un point en volume la dépense de l'État. (Nouveaux applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Il n'y a pas de quoi se vanter !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Lorsqu'en 1999 la gauche a récupéré 10 milliards d'euros de plus-values de recettes fiscales sur le travail des Français, elle n'en a consacré qu'à peine un tiers au désendettement. Nous, nous avons eu à coeur de consacrer la totalité des plus-values fiscales au désendettement, c'est-à-dire au service de nos enfants et de leur avenir ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je tenais à vous dire avant que vous ne vous prononciez. Je vous remercie pour votre contribution, pour votre soutien. Merci à la Haute Assemblée d'être ce qu'elle est. Ensemble, nous avons eu des débats passionnants qui augurent bien de l'avenir que nous voulons construire ensemble pour la France ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. - Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Et vive le Sénat !

M. Jean-Pierre Plancade. C'est le chant du cygne !

M. le président. Vive le Sénat quand même !

Le Sénat va procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2007.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.

J'invite Mme Yolande Boyer et M. Jean-Léonce Dupont à superviser les opérations de vote.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre X.)

M. le président. Le scrutin sera clos dans quelques instants, après la fin de l'appel nominal.

Le scrutin est ouvert.

Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)

M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.

(Le nouvel appel nominal a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Mme et M. le secrétaire vont procéder au dépouillement.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 72 :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 300
Majorité absolue des suffrages exprimés 151
Pour l'adoption 173
Contre 127

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
 

4

mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, je souhaite vous présenter, ainsi qu'à l'ensemble du Sénat, mes excuses.

Je me suis rendu à mon bureau un instant et, malheureusement, l'appel nominatif s'est déroulé si vite que je n'ai pas pu participer au vote sur le projet de loi de finances pour 2007.

Je tiens néanmoins à ce que figure au Journal officiel que je soutiens l'action du Gouvernement et que je suis favorable à ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je vous en donne acte.

5

NOMINATION DE MEMBRES D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.

La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée.

Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Yann Gaillard, Roland du Luart, Aymeri de Montesquiou, Michel Charasse, Mme Marie-France Beaufils.

Suppléants : MM. Philippe Adnot, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Nicole Bricq, MM. Philippe Dallier, Yves Fréville, Alain Lambert.

6

modification de l'ORDRE DU JOUR

M. le président. J'informe le Sénat que par lettre en date du 11 décembre, le Gouvernement reporte de l'après-midi au soir du mardi 19 décembre, l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2007.

Acte est donné de cette communication et l'ordre du jour du mardi 19 décembre est ainsi modifié.

En outre, par la même lettre, le Gouvernement propose d'inscrire à l'ordre du jour prioritaire du mercredi 20 décembre au matin la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.

Le cas échéant, nous pourrons ensuite poursuivre l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2006.

Il n'y a pas d'opposition ?...

En conséquence, l'ordre du jour des mardi 19 et mercredi 20 décembre s'établit comme suit :

MARDI 19 DÉCEMBRE

À 10 heures :

- dix-sept questions orales ;

À 16 heures :

- suite du projet de loi de finances rectificative pour 2006 ;

Le soir :

-sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2007 ;

- suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

MERCREDI 20 DÉCEMBRE

À 10 heures, à 15 heures et le soir :

- sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques ;

- suite éventuelle projet de loi de finances rectificative pour 2006 ;

- deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la fonction publique territoriale ;

- projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation de la fonction publique.

.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, jeudi et vendredi, le Président de la République participera au Conseil européen qui clôt le semestre de la présidence finlandaise. Avec Philippe Douste-Blazy, je l'y accompagnerai. Conformément aux engagements pris par le Premier ministre, je suis heureuse de venir aujourd'hui débattre avec vous des enjeux de ce Conseil européen.

Sont inscrits à l'ordre du jour les sujets principaux suivants : les questions de politique étrangère, les questions liées à la justice et aux affaires intérieures, l'énergie et l'innovation, l'élargissement, les questions institutionnelles.

J'évoquerai aussi brièvement les perspectives de la future présidence allemande, qui débutera le 1er janvier 2007.

S'agissant tout d'abord des questions de politique étrangère, le Conseil européen évoquera notamment le Moyen-Orient et le Liban, l'Afrique et les Balkans.

S'agissant du Liban, la France a réaffirmé cette semaine son attachement à un Liban uni, souverain, indépendant et démocratique. Elle le fera à nouveau au Conseil et souhaite que ses partenaires apportent un appui unanime au gouvernement de M. Fouad Siniora, comme ils l'ont fait hier au niveau ministériel. Nous devrons aussi rappeler l'importance de la conférence des donateurs de Paris III, prévue le 25 janvier prochain et consacrée à la reconstruction du Liban.

Sur le Proche-Orient, le Conseil européen devrait évoquer le nécessaire soutien au président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, l'attitude que devrait adopter l'Union en cas de formation d'un gouvernement reflétant les principes du Quartet - ce que nous souhaitons -, et réfléchir aux moyens de relancer le processus de paix en retraçant une perspective politique, qui, aujourd'hui, manque cruellement.

S'agissant de l'Afrique, le Conseil européen évoquera le chemin parcouru un an après le lancement de la stratégie de l'Union pour l'Afrique de décembre 2005, avec l'objectif de définir un partenariat avec le continent africain.

Le Conseil européen devrait saluer aussi le bon déroulement du processus électoral en République démocratique du Congo, que l'Union a soutenu et accompagné, en déployant notamment la mission EUFOR RD Congo. Avec la mise en place d'un nouveau parlement et l'investiture du président Kabila, l'année qui s'achève marque un nouveau départ pour ce pays. L'Union européenne aura à nouveau fait la preuve qu'elle joue un véritable rôle sur la scène internationale grâce à une politique européenne de sécurité et de défense qui se concrétise un peu plus chaque jour.

Le Conseil reviendra aussi sur la situation dramatique au Darfour : déjà 300 000 morts sans doute, deux millions et demi de personnes déplacées, des centaines de milliers de personnes privées d'accès à l'aide humanitaire. À cela s'ajoutent les risques nés de la persistance des tensions internes au Soudan et, plus graves encore, les risques d'extension du conflit à plusieurs pays de la région. Le Conseil européen insistera ainsi sur la nécessité de convaincre les autorités de Khartoum d'autoriser le déploiement d'une mission renforcée de maintien de la paix.

Le Conseil européen évoquera enfin le Kosovo, alors que va s'ouvrir une phase cruciale des négociations sur son statut futur : l'envoyé spécial nommé par le Secrétaire général des Nations unies pour conduire ces négociations, M. Martti Ahtisaari, présentera le 21 janvier 2007 - donc après les élections générales en Serbie - ses propositions à Belgrade et à Pristina.

Dans cette perspective, l'Union doit renouveler son soutien à M. Ahtisaari, afin de parvenir à une solution acceptable par la population du Kosovo, garante de stabilité pour la région, et offrant aux communautés la possibilité de vivre en paix et en sécurité.

J'en viens aux questions liées à la justice et aux affaires intérieures.

Dans un contexte marqué par les afflux de clandestins par voie maritime en Espagne, en Italie ou à Malte, les questions migratoires ont été très présentes ce semestre. L'Union européenne a fait preuve de solidarité avec ses partenaires les plus touchés.

La France a participé aux deux opérations maritimes menées sous l'égide de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne, l'Agence FRONTEX, en envoyant des experts et en mettant à disposition des moyens matériels.

L'Europe doit continuer à se doter d'une véritable capacité d'action commune. Cela passe notamment par le renforcement de l'Agence FRONTEX, qui ne dispose pour l'heure que de 11,5 millions d'euros et de dix-sept emplois budgétaires. Le budget doit tripler en 2007 et les effectifs, doubler.

Il est également indispensable d'aborder ce sujet des migrations dans sa globalité. Il ne pourra y avoir de solution durable sans une coopération accrue entre tous les États membres mais également avec les États de départ et de transit. C'est l'esprit de l'approche globale définie par le Conseil européen il y a un an et dont les chefs d'État ou de gouvernement évalueront la mise en oeuvre.

Cette approche globale a montré toute sa pertinence et doit rester le cadre de référence de l'action européenne. Elle répond en effet à la nécessité d'une approche intégrée et équilibrée des questions migratoires, conjuguant l'intégration des migrants réguliers, la lutte contre l'immigration clandestine et le renforcement de la coopération pour le développement.

Je rappelle une fois encore que l'Union européenne et ses États membres sont les premiers contributeurs de I'aide publique au développement dans le monde : ils en fournissent en effet plus de 50 % - plus de 60 % s'agissant de l'Afrique. Nous avons pris en 2002 des engagements d'augmentation, qui sont tenus.

Nous soutenons par ailleurs la plupart des propositions présentées par la Commission pour approfondir cette approche : renforcement des activités opérationnelles de gestion des frontières maritimes, meilleure articulation entre politique migratoire et politique de développement, mise en oeuvre du plan de Rabat ou intensification du dialogue avec les pays d'origine et de transit, dans le prolongement des conférences de Rabat en juillet et de Tripoli à la fin du mois de novembre.

Nous pouvons également, sur ces sujets, accepter la perspective d'une concertation. Mais la responsabilité première en la matière doit rester aux États : nous ne pourrions accepter une gestion commune ni une définition européenne de quotas. En revanche, une discipline commune est souhaitable, tout particulièrement lorsque les activités d'un État membre liées à la gestion de la migration, des visas et des demandes d'asile peuvent avoir des conséquences sur ses partenaires.

Un premier pas positif a été franchi en octobre dernier, lors d'un Conseil « justice et affaires intérieures », avec la mise en place d'un mécanisme d'information entre États membres dans les domaines de l'asile et de l'immigration. Il faudra aller plus loin, par exemple en encourageant les échanges entre les États membres avant qu'ils ne prennent leurs décisions nationales.

Mais il faut aussi améliorer les mécanismes de décision, dont chacun voit les limites du fait de l'unanimité. C'est pourquoi, en dépit des réticences persistantes de certains partenaires, le Gouvernement reste très attaché à l'utilisation des « clauses passerelles » prévues par les traités, de manière que, sur certains sujets, les décisions soient prises à la majorité qualifiée du Conseil et que le Parlement européen devienne co-législateur en ces matières.

Je tiens à souligner à ce sujet la qualité du rapport de la délégation à l'Union européenne, rapport qui fait le point de manière exhaustive sur l'ensemble de ces questions.

Enfin, le Conseil européen devrait confirmer l'accord trouvé voilà quelques jours sur l'élargissement de l'espace Schengen. La France se félicite de cet accord qui permettra aux nouveaux États membres de rejoindre l'espace Schengen en décembre 2007. Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces Etats sont très attachés à leur entrée dans cet espace, et nous-mêmes sommes attachés à ce que la frontière extérieure de l'Union soit contrôlée avec efficacité.

Sur la question de l'énergie, si l'on fait le point et que l'on se souvient de la réflexion lancée voilà à peine un an à Hampton Court, dans le cadre de la réflexion globale sur l'avenir de l'Union européenne, on mesure les pas qui ont été franchis.

À Hampton Court, les Vingt-cinq avaient décidé de mettre progressivement sur pied une véritable politique européenne de l'énergie. Depuis l'automne 2005, le différend gazier russo-ukrainien et de récents incidents de délestage ont montré la pertinence de cette décision. Cette question est désormais abordée à chaque Conseil européen. Le Conseil européen de décembre fera le point sur les progrès concrets réalisés, comme le plan d'action pour l'efficacité énergétique présenté par la Commission ou la mise en place d'un réseau européen des correspondants pour la sécurité énergétique.

Au-delà de ce Conseil, la Commission présentera au début du mois de janvier son paquet énergie et l'analyse stratégique qui servira de base au plan d'action que le Conseil européen de mars 2007 adoptera. Ce sera un rendez-vous important.

Nous souhaitons que ce plan d'action permette la mise en place d'une véritable stratégie énergétique, orientée vers trois objectifs essentiels : sécurité d'approvisionnement, protection de l'environnement, compétitivité.

Sur le réchauffement climatique en particulier, le Conseil européen de décembre soulignera la nécessité d'intensifier les efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. L'objectif européen est de maintenir l'augmentation de la température mondiale à 2 degrés centigrades par rapport à son niveau préindustriel. C'est un gigantesque défi, mais c'est aussi une nécessité pour les générations futures ; il y a véritablement urgence à agir.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Comme je le soulignais, la politique de l'innovation figure également à l'ordre du jour du Conseil européen du mois de décembre.

En effet, la présidence finlandaise a souhaité à juste titre en faire une priorité de son mandat. À la suite du Conseil européen informel de Lahti au mois d'octobre, le prochain Conseil européen doit être l'occasion d'arrêter des décisions concrètes, notamment le lancement des premières initiatives technologiques conjointes, qui sont des partenariats public-privé entre l'Union européenne, les États membres et les industriels.

Par ailleurs, une politique européenne ambitieuse en matière d'innovation suppose d'améliorer les règles existantes, y compris en matière de brevets. Il s'agit, je le sais, d'un sujet sur lequel la Haute Assemblée s'est penchée à plusieurs reprises.

Au Conseil européen du mois d'octobre, le Président de la République a émis des propositions pour sortir du blocage actuel et prendre appui sur le cadre communautaire, afin d'unifier en priorité le contentieux des brevets en Europe. Mesdames, messieurs les sénateurs, la France poursuivra l'initiative pour que les Vingt-cinq reprennent cette proposition.

En outre, comme notre pays l'avait obtenu au mois de décembre 2005, le Conseil européen a engagé un débat sur le processus d'élargissement au mois de juin dernier. En effet, alors que le cinquième élargissement s'achève avec l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie au 1er janvier prochain, il est nécessaire de mener une réflexion sérieuse sur la perspective d'accueillir de nouveaux membres à l'avenir.

À la sortie des années de guerre en ex-Yougoslavie, l'Union européenne, sous présidence française, avait offert une perspective européenne aux pays des Balkans occidentaux, sous réserve du respect par ces derniers de conditions précises. En effet, ces pays ont vocation à rejoindre la famille européenne le moment venu, mais à deux conditions : d'abord, ils doivent scrupuleusement respecter les conditions requises pour tout candidat ; ensuite, l'Union européenne doit s'assurer de sa capacité à accueillir de nouveaux membres, et ce sans compromettre le fonctionnement des institutions, les politiques communes, leur financement, ni surtout l'ambition du projet européen.

La poursuite de l'élargissement ne pourra pas se faire sans le plein soutien des citoyens européens. L'Union devra faire la démonstration préalable que de nouveaux élargissements n'empêcheront pas l'approfondissement du projet européen. C'est forte de cette exigence que la France a souhaité replacer la réflexion sur la « capacité d'absorption » au coeur du processus d'élargissement. C'est chose faite.

Au mois de juin dernier, le Conseil européen a ainsi rappelé que le rythme de l'élargissement devait tenir compte de la capacité d'absorption de l'Union. À présent, il nous faut définir une méthode qui nous permettra d'apprécier la capacité de l'Union européenne à intégrer de nouveaux membres à chaque étape clé du processus d'élargissement. C'est notre objectif pour ce Conseil européen.

S'agissant de la Turquie, lors du Conseil « affaires générales », auquel je participais hier avec Philippe Douste-Blazy, les vingt-cinq États membres sont parvenus à un accord. Celui-ci comporte plusieurs points.

D'abord, les États membres ont décidé de suspendre huit des trente-cinq chapitres de négociation directement liés à l'union douanière, dont l'agriculture et la libre circulation des marchandises.

Ensuite, ils ont résolu de ne conclure aucun autre chapitre de négociation tant que la Turquie ne remplira pas ses obligations au titre du protocole additionnel à l'accord d'Ankara, ce qui implique notamment l'ouverture de ses ports et de ses aéroports aux navires et aux avions en provenance de Chypre.

M. Louis Le Pensec. Évidemment !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Par ailleurs, et le texte le précise, un suivi annuel et attentif de cette question sera assuré en 2007, en 2008 et, si nécessaire, en 2009, année des élections au Parlement européen.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cet accord est un bon équilibre. Il permet d'envoyer un message clair à la Turquie sans pour autant rompre le processus de négociation. En outre, il est conforme à la ligne préconisée par le Président de la République et la Chancelière allemande lors de leur rencontre de la semaine dernière en Allemagne.

S'agissant des questions institutionnelles, le Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 a défini une double démarche consistant, d'une part, à mettre en oeuvre les possibilités offertes par les traités existants, afin d'obtenir les améliorations et les résultats concrets que les citoyens attendent, et, d'autre part, à inviter la présidence allemande à présenter au cours du premier semestre 2007 un rapport au Conseil européen sur les débats relatifs au traité constitutionnel et sur les évolutions futures possibles, en vue de décisions ultérieures concernant la manière de poursuivre le processus de réforme. Bien entendu, les mesures nécessaires à cet effet devront avoir été prises « au plus tard au cours du deuxième semestre de 2008 », c'est-à-dire au cours de la présidence française.

Au Conseil européen de cette semaine, la présidence finlandaise aura pour seule mission de rendre compte des consultations bilatérales qu'elle a menées sur l'avenir du traité. Elle rappellera sûrement, comme elle vient de le faire lors des rencontres interparlementaires sur l'avenir de l'Union européenne au Parlement européen, son attachement au contenu du projet de traité constitutionnel. Vous le savez, la Finlande vient en effet de le ratifier le 5 décembre 2006, devenant ainsi le seizième État membre à le faire.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'évoquer brièvement les perspectives de la future présidence allemande.

Parmi les enjeux majeurs de cette présidence, il convient de mentionner la préparation de la déclaration politique qui sera adoptée par les chefs d'État ou de gouvernement réunis à Berlin le 25 mars 2007, pour commémorer les cinquante ans du traité de Rome. Tout comme nous, l'Allemagne voudrait parvenir à une déclaration claire, courte et politique. Celle-ci devra être remobilisatrice et évoquer à la fois les « valeurs » et les « ambitions » de l'Europe, pour faire face aux défis auxquels celle-ci est confrontée.

Par ailleurs, l'Allemagne mènera des consultations sur le processus institutionnel et en fera rapport au Conseil européen du mois de juin 2007. Nous apporterons notre plein soutien à la présidence allemande pour dégager des propositions de relance, qui devront naturellement tenir compte du résultat des deux référendums négatifs et des attentes exprimées par les citoyens européens.

Au-delà de ces questions institutionnelles, la présidence allemande s'est fixé des objectifs concrets, par exemple sur l'achèvement du marché intérieur, qui fera l'objet d'un rapport d'étape de la Commission européenne au mois de mars 2007.

Les questions énergétiques, qui sont indissociables des enjeux environnementaux, seront également au coeur des travaux du Conseil européen du printemps, au début du mois de mars. En matière de relations extérieures, la nouvelle politique de voisinage renforcée, qui inclut naturellement la Méditerranée, les Balkans occidentaux et l'Asie centrale, fait partie des priorités de la présidence allemande, priorités que nous partageons.

Vous avez pu le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006 comportera un ordre du jour chargé, ce qui reflète l'ampleur des défis que l'Union doit relever aujourd'hui.

Sachez que la France abordera, comme à l'accoutumée, cette échéance dans un esprit d'ouverture, de dialogue et avec la volonté d'avancer en compagnie de l'ensemble de ses partenaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la ministre, vous avez évoqué à l'instant toutes les crises que connaît actuellement le monde. À cet égard, je veux saluer l'action lucide et pertinente de la France pour tenter de les résoudre.

Alors que nous approchons du terme de la présidence finlandaise et que nous nous préparons à entamer un cycle, très attendu, allant de la présidence allemande à la présidence française, pour sortir de la crise ouverte par le résultat des référendums français et néerlandais, nous constatons que la construction européenne n'a pas encore retrouvé sa dynamique.

La crise existe ; elle est réelle, profonde et certainement durable.

D'abord, la crise est réelle. L'avenir institutionnel de l'Union est toujours discuté entre les porteurs d'une ambition exigeante pour l'Europe et les tenants d'une révision minimale du traité de Nice.

Ensuite, la crise est profonde. Des intérêts divergents et des visions différentes font apparaître une Union européenne divisée. Sur des sujets aussi cruciaux que la relation avec notre voisin russe, la définition d'un intérêt commun peine à se faire jour. L'Union à vingt-sept a besoin de temps pour se consolider et retrouver un élan.

Enfin, la crise est durable. Dans notre pays, en dépit d'une adhésion profonde à la construction européenne, le « non » au référendum fut le fruit non pas de turbulences passagères, mais bien d'interrogations et de doutes sur la nature et le sens mêmes de l'aventure européenne.

Chez nos partenaires, ce phénomène n'est pas non plus absent, y compris, et ce n'est pas le moins inquiétant, parmi les nouveaux États membres.

Aussi, si nous continuons à placer nos espoirs dans le semestre qui vient, reconnaissons qu'il faudra du temps pour renouer avec la confiance et la solidarité.

Dans ce contexte, nous devons, me semble-t-il, nous garder de deux écueils.

Le premier serait d'anticiper sur l'échec, en remettant en cause l'édifice patiemment construit depuis près de cinquante ans et en renationalisant des pans entiers de l'action communautaire. Je pense naturellement aux débats sur la politique agricole commune, mais également aux propos entendus ces derniers temps sur les compétences des commissaires européens. Ne remettons pas en question ce que nous avons su construire ; il est loin d'être certain que les États seuls puissent faire mieux que l'Union en matière agricole ou commerciale.

De façon symétrique, le second écueil à éviter serait de considérer la méthode communautaire comme une sorte de panacée, susceptible de créer automatiquement de la cohésion et du consensus. C'est la tentation, bien légitime, de la Commission, avec l'appui du Parlement européen, que d'essayer de faire progresser l'intégration européenne dans des domaines où les compétences ne sont pas communautaires.

Ainsi, alors que nos concitoyens ont cru devoir s'opposer à la prétendue « constitutionnalisation » des politiques communes de la troisième partie du traité constitutionnel, la passe d'armes institutionnelle entre le Conseil et le Parlement européen à laquelle nous avons assisté sur le budget de la politique étrangère et de sécurité commune ne me semble pas être de nature à rétablir la confiance. Le débat sur le traité constitutionnel n'a que trop souffert de ces reproches d'inaction supposée dans des matières où l'Union n'a pas compétence ou, à l'inverse, d'interventionnisme excessif dans des domaines qui lui sont étrangers.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Il faut appliquer le principe de subsidiarité !

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Une telle confusion n'a pas disparu, et l'on persiste à accabler l'Union européenne de maux dont elle n'est nullement responsable. Pour autant, il faut que les institutions communautaires elles-mêmes veillent au respect de ce partage.

Dans ce climat difficile, je voudrais cependant souligner plusieurs points positifs.

Le temps des difficultés est aussi celui des prises de conscience. Alors que le Conseil européen s'apprête à examiner la future stratégie d'élargissement de l'Union, un consensus relatif s'est construit sur la nécessité de différer de nouvelles adhésions. L'horizon des futurs élargissements n'est pas encore précisément défini, mais il doit préserver le temps, pour l'Europe, de retrouver un nouvel équilibre. L'appartenance à l'Union européenne, qui est fondée sur des valeurs communes, est également créatrice de solidarités et d'intérêts communs. Donnons-nous le temps nécessaire à cette consolidation. Ne nous laissons pas tenter par des aménagements marginaux au traité de Nice. La question n'est pas strictement institutionnelle ; elle est profondément politique. Elle porte sur la nature même du projet européen.

Ce consensus nous ramène à la question de la négociation pour l'adhésion de la Turquie. Nous l'avons toujours affirmé, ce processus de négociation est ouvert et sa conclusion n'est pas prédéterminée.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Et cela demeure vrai !

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Nous devons faire comprendre à nos partenaires turcs que les conditions de leur adhésion seront forcément différentes de celles qui ont prévalu lors des élargissements précédents. Cela tient au poids spécifique de ce pays, mais surtout à l'état actuel de l'Union et à sa capacité à bouleverser à brève échéance ses modes de fonctionnement.

La difficulté de la candidature turque pour l'Union tient non pas à une quelconque incompatibilité culturelle ou religieuse, mais bien davantage à la capacité de l'Union à agir après cette adhésion. Mais une fois le processus entamé et après un premier geste sur le respect du protocole d'Ankara, lié à la question chypriote, comment évaluer l'évolution de la négociation sur l'adhésion turque ?

Ensuite, et toujours au nombre des prises de conscience, il faut, me semble-t-il, faire figurer le débat sur les relations de l'Union avec la Russie.

Ce sujet l'illustre bien, l'affirmation de l'Union européenne en tant qu'acteur international écouté et respecté est une nécessité absolue, et ce non pas au nom d'une sorte de « rêve de grandeur », que d'aucuns prêtent volontiers aux ambitions françaises pour l'Europe, mais bien pour la préservation du projet européen tel qu'il existe aujourd'hui.

Une Union européenne forte, c'est une Union capable de faire prévaloir la règle de droit, avec des implications quotidiennes et très concrètes, dans un domaine aussi crucial que l'approvisionnement en énergie, pour promouvoir la paix et la prospérité. Or, la force de l'Union européenne, c'est sa cohésion politique et des mécanismes d'identification d'intérêts communs. À l'évidence, ces ressorts n'ont pas fonctionné.

Pourtant, la nécessité d'établir avec notre voisin russe une relation de partenariat et de coopération est évidente. Quels peuvent être alors, dans l'état actuel de la négociation, les fondements d'une relance du processus et les termes de notre relation avec la Russie ?

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à partir du 1er janvier prochain, entre la présidence allemande et celle de la France, la période de deux ans qui va s'ouvrir verra se jouer une part essentielle du projet européen.

Avec la réforme des institutions, se posera la question de savoir si ce projet peut s'adapter à ses propres ambitions, c'est-à-dire, en quelque sorte, à lui-même.

Avec l'Europe politique, se posera la question de la capacité d'adaptation de l'Union au monde, tel qu'il évolue dans la multiplication et l'aggravation de crises que les nations organisées ne parviennent plus à réduire.

Avec l'Europe des peuples, se posera enfin la question de l'incompréhension dont souffre l'Europe dans l'opinion, une Europe dont on attend souvent bien plus que ce qu'elle est en mesure de donner.

Dans ce climat d'incertitude, le cadre national reprend toute sa pertinence et toute sa valeur. C'est dans ce contexte que notre débat électoral va bientôt s'ouvrir. À nous de convaincre les Français qu'une partie de l'avenir européen en est aussi l'enjeu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à souligner l'intérêt de ce genre de débat. Que le Sénat et l'Assemblée nationale puissent s'exprimer avant chaque réunion du Conseil européen est un vrai progrès dans l'association du Parlement aux questions européennes. Ce soir, chacune, chacun s'exprimera non seulement en son nom, mais aussi au nom de son groupe, et pour ma part, au nom de la délégation que j'ai l'honneur de présider.

M. Jacques Blanc. Vous la présidez d'ailleurs fort bien !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Il eût été désolant que ce progrès, encore très récent puisqu'il date d'un peu plus d'un an, se trouvât compromis par les contraintes pesant sur notre ordre du jour en cette fin d'année.

Je n'ignore pas que l'ordre du jour des assemblées est souvent une équation compliquée : ce n'est pas une raison pour faire de l'Europe la variable d'ajustement.

M. Louis Le Pensec. Très bien !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Que nous le voulions ou non, l'Europe est d'ores et déjà au coeur de la vie nationale. Si nous la laissions en marge de notre vie politique, c'est le débat démocratique qui se trouverait faussé. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour surmonter ce décalage. Or, nous avons pris du retard par rapport à certains de nos partenaires.

J'ai pris connaissance, voilà quelques semaines, de l'accord qui, certes après de longues négociations, a été conclu, en Allemagne, entre le gouvernement et le Bundestag, pour améliorer le contrôle parlementaire sur les questions européennes.

Cet accord prévoit, tout d'abord, la transmission au Bundestag de l'ensemble des documents préparatoires aux décisions, y compris les documents non officiels et les instructions adressées à la représentation permanente.

L'accord pose ensuite l'obligation pour le gouvernement de fournir dans les dix jours une analyse d'impact pour chaque texte européen, comprenant une vérification du fondement juridique et du respect de la subsidiarité, une étude des conséquences du texte sur le plan national, y compris les conséquences financières, et enfin le calendrier d'adoption.

Pour les actes normatifs, le gouvernement doit en outre fournir, avant le début des délibérations du Conseil, un examen de l'impact économique, social et écologique du projet d'acte, une évaluation des coûts administratifs qu'il entraînerait, ainsi qu'une étude sur les solutions alternatives qui pourraient être proposées.

Enfin, l'accord précise comment le gouvernement doit prendre en compte les prises de position du Bundestag. Le gouvernement doit prendre pour fondement, dans les négociations, la position du Bundestag ; s'il ne peut la faire valoir ou s'il estime devoir s'en écarter pour des motifs importants de politique étrangère ou européenne, il doit alors revenir devant le Bundestag pour s'expliquer devant lui.

Si l'on compare nos procédures avec le schéma que je viens de décrire, on peut conclure, sans sourire, que nous avons devant nous une marge de progression tout à fait intéressante !

Je sais bien que les institutions françaises ne sont pas les institutions allemandes. Soit ! Mais je sais aussi qu'à force de tenir l'Europe en lisière de notre vie politique nous avons connu le résultat du 29 mai.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Certes, nous n'avons pas à imiter aveuglément tel ou tel autre pays membre. Mais nous devrions garder en mémoire la devise qu'avait adoptée la présidence autrichienne : « l'Europe commence chez soi ». J'ajouterai : « l'Europe commence chez nous ».

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Lorsque, dans nos pays, l'on constate un déficit du contrôle démocratique, c'est finalement la légitimité européenne qui est affaiblie.

On me dira que ces considérations sont très éloignées du Conseil européen d'après-demain. Je n'en suis pas sûr ! L'un des points importants à l'ordre du jour de cette réunion - vous l'avez dit, madame la ministre - est l'élargissement. Or, cette question a été viciée, me semble-t-il, par l'insuffisance de l'information et du débat.

En effet, nous sommes devant un paradoxe : l'élargissement qui vient d'être réalisé est l'une des plus grandes réussites de la construction européenne. Pourtant, il semble que cet élargissement ait été l'une des principales raisons du succès du « non ».

Si l'on considère la manière dont le processus s'est déroulé, on comprend mieux ce phénomène étrange. Lorsque la décision de principe de l'élargissement a été prise, en 1993, personne n'en a parlé ; et lorsque, des années plus tard, l'opinion a commencé à prendre conscience de ce qui était en cours, on lui a répondu que le processus était lancé et que ce n'était plus le moment de s'interroger sur lui ! Le débat public a été escamoté, si bien que, lors du débat référendaire, les rumeurs les plus fantaisistes ont pu se propager à la faveur de l'ignorance générale.

Si j'avais une suggestion à faire au Conseil européen, ce serait de tirer les enseignements de ce qui s'est passé. Avec l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, nous avons terminé un cycle. La poursuite de l'élargissement devra se réaliser dans d'autres conditions.

Je crois que nous aurions besoin d'un document qui puisse, à l'échelon européen comme dans chaque pays membre, être la base d'un débat public sur l'élargissement. Ce document, élaboré par la Commission, devrait établir le bilan du processus d'élargissement jusqu'à présent et préciser les hypothèses possibles pour la suite, sans trancher entre elles et tout en rappelant les données du problème. Il ne faut pas prendre les Françaises et les Français pour des boeufs ! (Sourires.)

Nous disposerions ainsi d'une base commune pour le débat politique, mais aussi pour l'information du citoyen. Nous pourrions ensuite, dans un cadre interparlementaire, mettre en commun les débats nationaux.

Nous ne pourrons plus, à l'avenir, construire l'Europe par la méthode du fait accompli, pour ne pas dire du despotisme éclairé. Après l'adhésion de la Croatie, toute nouvelle adhésion passera dans notre pays par un référendum. Mesurons-nous bien les conséquences d'une telle règle, que nous avons votée - pour ma part, je le regrette - seulement parce que nous pensions qu'elle assurerait le succès du « oui » ?

Désormais, il nous faudra ou bien obtenir le soutien de l'opinion publique, ou bien être le pays qui bloque tout, avec des conséquences qui pourraient se révéler singulièrement lourdes pour la France.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Mais si nous voulons, le moment venu, être suivis par l'opinion publique, il faut dès maintenant et dans la durée, montrer aux citoyens que le processus d'élargissement est contrôlé à l'échelon politique, qu'il se fait devant eux et avec leurs représentants.

À cet égard, le cours qui a été pris ces derniers jours par les négociations menées par l'Union européenne avec la Turquie me paraît tout à fait caractéristique. Vous savez que j'ai été partisan de l'ouverture des négociations avec la Turquie. Je reste toujours persuadé aujourd'hui que nous devons laisser ouverte la perspective européenne à ce pays.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Personne ne peut prendre la responsabilité de dire à la Turquie : « Non et jamais » !

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Je crois toujours que les deux partenaires, l'Europe et la Turquie, ont à y gagner. Mais je crois aussi que le processus de négociations doit faire l'objet d'un contrôle politique constant. Le psychodrame qui a précédé le Conseil européen d'après-demain est un bon exemple de ce contrôle politique. En ce sens, il me paraît sain, car il montre à nos concitoyens que l'ouverture des négociations avec un pays ne signifie pas l'entrée dans une spirale incontrôlée débouchant, quoi qu'il arrive, sur une adhésion. Comme disait un grand Européen, M. Chevènement, « on ne peut pas ne pas... » ! Tel doit être le leitmotiv.

Je voudrais, pour terminer mon propos, dire quelques mots d'un autre thème du Conseil européen, celui de l'immigration, spécialité de mon excellent collègue Robert Del Picchia.

Dans ce domaine, la situation est très différente. Nous connaissons tous les attentes des citoyens et la situation démographique de nos pays. Nous n'avons pas besoin d'un grand débat pour savoir qu'il faut lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine, faciliter l'intégration des immigrés légaux et réguler les flux migratoires dans le cadre de partenariats mutuellement avantageux avec les pays d'origine.

Le problème est de déterminer non pas où il faut aller, mais comment y aller et le plus rapidement possible.

La lutte contre l'immigration clandestine et la protection des frontières relèvent du vote à la majorité qualifiée au Conseil. Il devrait donc être aisé de progresser dans ces domaines. L'Union européenne dispose déjà d'une agence chargée de la protection des frontières, l'Agence FRONTEX. Mais celle-ci est dotée de moyens encore trop limités qu'il est indispensable de renforcer.

La Commission européenne vient de proposer la mise en place d'équipes communes d'intervention aux frontières terrestres et des patrouilles maritimes communes, notamment en Méditerranée. Je souhaite que le Conseil européen donne une forte impulsion à l'adoption de cette mesure, qui doit être la première étape de la création, à terme, de la police européenne des frontières dont nous avons besoin.

En revanche, l'immigration légale demeure malheureusement soumise à la contrainte de l'unanimité, et donc au droit de veto. Afin de progresser dans ce domaine, la Commission européenne a proposé de recourir à la clause passerelle prévue par le traité d'Amsterdam. Nous ne pouvons qu'appuyer cette proposition, car nous avons besoin d'une politique européenne cohérente. Nous ne devons plus voir ces mesures unilatérales de régularisation qui sont la négation même de l'esprit européen.

Toutefois, une politique européenne cohérente ne peut se construire qu'en partenariat avec les pays d'origine et de transit. Or, dans ce domaine, peu de progrès ont été faits à l'échelon européen. Les accords de réadmission restent encore très rares et l'approche européenne est encore trop peu coordonnée - n'est-ce pas, cher Robert Del Picchia ?

Nous ne devons plus avoir, d'un côté, une politique d'aide au développement et, de l'autre, une politique d'immigration. Faisons au contraire de la gestion des flux migratoires l'un des aspects de la politique de développement, au bénéfice des pays d'origine comme des pays d'accueil.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Voilà bien un domaine où existe un besoin d'Europe : personne, ou presque, ne le contestera. Madame la ministre, j'espère que le Conseil européen, dont c'est la fonction, saura donner l'impulsion politique pour que l'Union se donne les moyens de répondre aux attentes des citoyens.

Enfin, permettez-moi une interrogation, madame la ministre. Nous allons interrompre nos travaux vers le 20 ou le 25 février 2007. Le prochain Conseil européen, sous présidence allemande - et Dieu sait s'il sera important - risque donc de ne pas être précédé d'un débat à l'Assemblée nationale ou au Sénat. (Mme la ministre acquiesce.) Ce serait tout à fait regrettable.

Or, juridiquement, rien ne s'oppose à ce qu'un débat préalable au Conseil européen se tienne, sinon à l'Assemblée nationale, du moins au Sénat.

M. Denis Badré. Il faudra le faire !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Je me permets de poser cette question pour qu'elle figure au Journal officiel, au cas où je ne recevrais pas de réponse. Elle s'adresse non pas uniquement à vous, madame la ministre, mais aussi aux instances supérieures tant du Gouvernement que de cette maison ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il est un domaine dans lequel le Conseil européen se doit d'organiser notre avenir, c'est bien celui de l'énergie.

Hormis le nucléaire et un peu d'énergie hydraulique et thermique, l'Union européenne ne dispose que de très peu de ressources énergétiques. Soyons conscients qu'elle ne pourra se soustraire à une négociation ni à la nécessité de conclure des accords de coopération avec les principaux producteurs d'énergie qui sont à nos portes : la Russie et les États d'Asie centrale, l'Azerbaïdjan et l'Iran qui les jouxtent.

Selon les dernières statistiques publiées par Eurostat sur l'économie pétrolière en 2005, près d'un tiers de l'ensemble des importations de pétrole brut de l'Union européenne provenait, en 2005, de la Russie. La part du pétrole russe dans les importations de pétrole brut de l'Union européenne n'a cessé d'augmenter au cours des dernières années ; elle est maintenant deux fois supérieure à celle de la Norvège, deuxième fournisseur de l'Union. La Russie est donc devenue le premier fournisseur de l'Union européenne. C'est pourquoi le partenariat avec la Russie ne se discute pas : il s'impose !

De plus, l'Union européenne assure 70 % des recettes de Gazprom : l'Union européenne et la Russie sont de fait interdépendantes. Ce constat doit amener les chefs d'État et de gouvernement à fondre enfin leurs options nationales dans une véritable politique européenne à long terme de l'énergie qui réponde aux ouvertures russes.

La décision allemande de construire un gazoduc reliant la Russie à l'Allemagne par la mer Baltique est un véritable contre-exemple : elle crée de nouvelles tensions entre la Russie, d'une part, les pays Baltes et la Pologne, de l'autre. Du fait de cette brouille, la Russie menace d'imposer à partir du 1er janvier 2007 un embargo sur les produits européens d'origine animale, qui représentent un marché de 1,7 milliard d'euros par an pour l'Europe.

Mettre en place un partenariat avec les Russes, c'est d'abord renforcer les moyens d'exploitation et de transport des ressources pétrolières et gazières de la Russie, qui ne peut seule faire face à ces investissements. Faute de ceux-ci, estimés à près de 700 milliards d'euros par la Commission, l'approvisionnement de l'Europe par la Russie déclinera progressivement dans les prochaines années. Si elle n'était pas entendue, la Russie pourrait aussi se détourner de l'Europe, ce qui serait désastreux. En effet, contrairement à l'Union, elle dispose d'une solution de rechange : elle peut s'engager avec les États de la Communauté économique eurasiatique dans un partenariat privilégié avec le Japon et, surtout, la Chine qui, en raison de ses besoins gigantesques en hydrocarbures, serait un client ouvert à des concessions.

Le protocole d'accord signé par la Commission avec le Kazakhstan, le 4 décembre 2006, sur la sécurité énergétique et la coopération industrielle va certes dans la bonne direction : il prend acte d'un intérêt commun pour la construction d'un oléoduc passant par la mer Noire, il définit des routes de navigation dans la mer Caspienne et renforce la coopération existante en matière de sûreté et de fusion nucléaires. Mais cet accord ne représente qu'un tout petit pas dans la bonne direction, vu l'énormité des besoins, et il doit encore faire l'objet d'une ratification formelle.

Madame la ministre, l'Europe fait preuve d'insouciance et même d'inconscience ; le réveil risque d'être très douloureux ! Une véritable politique européenne de l'énergie implique de s'engager dès maintenant, et beaucoup plus, dans une conquête évidemment collective des ressources d'énergie.

Tous les grands pays ont mis en place une stratégie ! Les États-Unis ont jeté leur dévolu sur le Moyen-Orient et au-delà ; la Russie, sur l'Asie centrale. La Chine s'avance vers l'Iran, l'Arabie saoudite et, finalement, l'Afrique.

L'Europe agit en ordre dispersé, la somme des politiques nationales ne saurait en rien constituer une politique de l'Union. Quelle est son ambition dans ce domaine ? Si l'on en juge par l'état actuel du projet de politique communautaire de l'énergie que vous venez de rappeler, il s'agit essentiellement d'économies d'énergie ou de promotion des biocarburants. En réalité, c'est une politique de la consommation, dans le prolongement du protocole de Kyoto. Ce n'est que l'esquisse d'une politique éventuelle de garantie et de sécurité de ses approvisionnements.

C'est pourquoi il revient au Conseil européen, organe suprême d'impulsion des politiques européennes de long terme, de décider et de mettre en place une véritable politique de l'énergie. Sortons enfin de cet attentisme pour mettre en place les outils de décisions qui manquent à l'Europe, à divers niveaux : une capacité de riposte militaire, en cas de menace sur ses intérêts vitaux - c'est tout le défi de l'Europe de la défense -, mais aussi une prise en compte des nouveaux défis de la mondialisation, qui entraîne la mise en place de politiques monétaire, budgétaire, industrielle et de recherche cohérentes, à la hauteur de la compétition mondiale qui n'autorise aucune faiblesse.

Finalement, les choix énergétiques nous renvoient au débat constitutionnel. Celui-ci ne doit pas être un alibi à l'inertie de l'Europe. Nos voisins, nos amis et alliés attendent nos réponses. Le temps presse. J'y insiste à nouveau, il faut maintenant savoir saisir la main tendue par la Russie, il faut savoir répondre aux demandes de coopération euro-asiatiques !

Si ce sont autant d'actes qui s'inscrivent plus dans une perspective externe que dans une approche interne de l'avenir de l'Union européenne, ils nous permettraient de sortir de l'impasse institutionnelle par un grand projet commun !

Madame la ministre, permettez-moi maintenant d'aborder un sujet interne, pour souligner nos carences et, j'ose le dire, notre pusillanimité. Le jour même où nous abordons ce débat sur le Conseil européen, notre pays risque une amende lourde pour la non-transposition de la directive sur les cultures commerciales d'OGM. Adoptée en 2001, cette directive devait être transposée avant octobre 2002. C'est dire si nous avons du retard, le Sénat ayant adopté le texte en mars 2006 ! Située en dix-septième position sur vingt-cinq États dans le classement sur la transposition des directives, la France, en tant que membre fondateur, ne devrait-elle pas être exemplaire dans ce domaine ? Mais comment y parvenir ?

En novembre 2000, j'avais déposé une proposition de loi constitutionnelle, cosignée par Hubert Haenel, permettant à tout projet de loi tendant à transposer les dispositions de nature législative d'une directive d'être inscrit à l'ordre du jour prioritaire six mois au moins avant l'expiration du délai fixé par cette directive pour sa transposition. À défaut, toute proposition de loi ayant le même objet devait être inscrite de droit à l'ordre du jour prioritaire. Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il soit grand temps de mettre en place ce dispositif ?

La primauté du droit communautaire sur le droit français étant reconnue depuis plus de quarante ans, n'est-il pas temps également que la délégation du Sénat pour l'Union européenne se fonde dans l'actuelle commission des lois pour former une commission « de l'Union européenne, des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale » et travaille en priorité sur la question des transpositions ? (M. Jacques Blanc fait un signe de dénégation.)

M. Denis Badré. Quelle idée !

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, nos ministres désertent trop le Conseil, où nous sommes souvent représentés par des hauts fonctionnaires, face aux ministres des autres pays membres. Ce n'est pas la meilleure façon de prouver notre foi en un destin européen ni de défendre nos intérêts. Sommes-nous devenus spectateurs de la politique européenne ou plutôt de son absence de politique ?

L'Union européenne est aujourd'hui elle-même spectatrice d'un monde qui évolue à une vitesse que peu avaient prévue. Nous rêvons-nous ou nous imaginons-nous comme une immense Suisse, mélancolique et paisible, absente des grands enjeux mondiaux ?

Nous sommes non plus dans un monde stable, défini par un traité de Vienne à l'échelle planétaire, mais dans une compétition aux nombreux conflits potentiels, où non seulement les gros mangent les petits, mais les rapides mangent les lents !

L'Europe est lente, très lente. Madame la ministre, votre rôle ne consiste pas seulement à mettre en application des directives sourcilleuses et contraignantes, mais aussi, d'une part, à faire jouer une subsidiarité vivifiante, qui rassure nos concitoyens et, d'autre part, à proposer à ces derniers un projet enthousiasmant qui les entraîne, pour que l'Union, avec son extraordinaire culture et son potentiel économique formidable, trouve sa vraie place dans l'organisation de la planète.

J'ai axé mon propos sur la politique énergétique de l'Union pour tenter de démontrer que notre futur et notre place dans le débat international seront étroitement liés au poids de l'Europe dans l'économie de l'énergie.

Madame la ministre, ne désespérez pas ceux qui considèrent que notre pays ne pourra exprimer son génie dans le concert international qu'à travers l'Union européenne. Je ne veux pas insulter l'avenir, mais je souhaiterais que nous quittions cet hémicycle, après votre intervention, convaincus qu'il existe un domaine majeur où l'Union européenne mène une politique identitaire. Ne nous cantonnons pas à l'espoir, croyons fermement en l'avenir de l'Europe ! Soyons convaincus de son rôle d'équilibre, essentiel à la paix de ce monde tourmenté !

Alors, décidons et agissons ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, entre crise institutionnelle et impasse politique, quels enseignements les dirigeants européens ont-ils tirés du revers qui leur a été infligé par les peuples français et néerlandais ?

Loin d'enterrer le traité établissant une Constitution pour l'Europe, les chefs d'État et de gouvernement ont tout simplement laissé se poursuivre le processus de ratification par les États membres qui le souhaitaient.

La « période de réflexion » sur l'avenir de l'Europe n'a donné lieu à aucune prise de conscience. Les ministres européens des affaires étrangères ont au contraire exprimé leur volonté commune de définir les prochaines étapes du traité constitutionnel européen ; ils se sont engagés à trouver un accord sur la future base juridique de l'Union européenne d'ici à 2009 au plus tard, laissant passer 2007, une fois que les élections présidentielle et législatives françaises auront eu lieu.

Cette attitude est tout à fait symptomatique de l'esprit qui anime les dirigeants européens : la certitude de pouvoir continuer à construire une Europe toujours plus libérale, sans entendre les peuples qui se sont pourtant exprimés très clairement.

Concernant l'ordre du jour du prochain Conseil européen, j'évoquerai en premier lieu son thème principal, l'élargissement.

À l'heure où les chefs d'État et de gouvernement se préparent à accueillir la Roumanie et la Bulgarie et à prendre note de l'état des négociations avec la Turquie et la Croatie, il me paraît indispensable de soulever la question du problème des disparités économiques et sociales entre les anciens et les nouveaux ou futurs États membres. Éliminer ces inégalités constitue sans doute le défi le plus important pour l'Union européenne.

Or ce défi pourra être relevé par la solidarité, bien sûr, mais surtout par des coopérations libérées des logiques financières et concurrentielles, sur la base de l'égalité des droits, et non dans les conditions actuelles, où la Banque centrale européenne et le pacte de stabilité déterminent la politique économique et sociale des États en dehors de tout contrôle démocratique. Certains font mine de le découvrir aujourd'hui ; ce sont pourtant les mêmes qui ont voté le traité de Maastricht et pris parti pour le Traité constitutionnel européen, lequel confirmait l'indépendance de la Banque centrale européenne.

Loin de craindre l'entrée de nouveaux peuples, les parlementaires communistes sont favorables à l'ouverture des portes de l'Europe. Mais de quelle Europe s'agit-il, madame la ministre ? D'une Europe des marchés ou d'une Europe des peuples ?

Les citoyens attendent de l'Europe qu'elle soit un espace ouvert sur le monde, qu'elle renforce les échanges culturels et oeuvre au rapprochement effectif des peuples. Ils souhaitent qu'elle utilise ses atouts économiques, sociaux, culturels, scientifiques pour répondre aux besoins par des politiques sociales de haut niveau, par des services publics développés. Ils attendent le respect des libertés, des droits, des cultures.

Même si la réalisation de ces objectifs demeure, à l'évidence, un combat au regard de la construction européenne actuelle, il n'existe pas de raison qui puisse justifier le refus de l'élargissement.

Nous disons aux pays candidats qu'ils sont les bienvenus, mais nous leur disons aussi notre crainte de les voir s'intégrer dans un système qui ne leur apportera que des désillusions si ce système ne change pas rapidement. Cela appelle une refondation profonde de l'Europe, comme je l'ai déjà indiqué voilà un instant.

En tout état de cause, nous ne cautionnons pas les critiques véhémentes à l'égard des pays entrants fondées sur la peur, la xénophobie, ou encore le coût financier que pourrait représenter l'élargissement.

De même, nous nous opposons à la « chasse aux Roms » auquel se livre le ministre de l'intérieur en multipliant les expulsions de Roumains sans papiers, Roms pour l'essentiel, alors même que la Roumanie rejoindra l'Union européenne dans quelques semaines et que les Roumains seront donc citoyens à part entière de cette dernière.

Parallèlement, nous refusons le concept de « capacité d'absorption », sur lequel Nicolas Sarkozy insistait lors de son discours à Bruxelles, le 8 septembre dernier. On le sait, ce concept a été instauré pour éloigner, voire écarter, la perspective de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

M. Jacques Blanc. Non, pas du tout !

M. Robert Bret. Au sujet, précisément, de l'élargissement de l'Union à la Turquie, les négociations ont été ouvertes le 3 octobre 2005, soit quarante-cinq ans après la première demande d'adhésion de la Turquie. Le principe de cette adhésion, ses conditions et son calendrier ont en permanence été liés dans un seul et même processus devant aboutir, à terme, à l'intégration de la Turquie.

Hier, les ministres des affaires étrangères des Vingt-Cinq ont conclu un accord, conformément aux recommandations de la Commission européenne, tendant à geler huit des trente-cinq chapitres de la négociation - les plus importants, puisqu'ils concernent des dossiers comme l'agriculture ou la libre circulation des services.

Cette sanction s'appliquera tant que la Turquie n'aura pas ouvert ses ports et ses aéroports aux navires et aux avions en provenance de Chypre, obligation contenue dans le « protocole d'Ankara », qui a été approuvé par la Turquie et vise à étendre à la partie grecque de Chypre le bénéfice de l'union douanière. La négociation pourra s'ouvrir sur les chapitres qui ne sont pas gelés, mais elle ne pourra être clôturée que lorsque le protocole d'Ankara aura été mis en oeuvre par la Turquie.

Pour nous, s'il est clair que la Turquie doit intégrer à terme l'Union européenne, il est tout aussi clair qu'elle doit respecter au préalable les conditions d'adhésion. Cela passe, avant toute chose, par la reconnaissance de Chypre, pays membre de l'Union européenne.

S'agissant des politiques et des choix économiques préconisés par l'Union européenne, la question est aujourd'hui de savoir si l'on veut asseoir la croissance européenne sur des fondements solides et agir en faveur de l'emploi et du bien-être des populations, ou si l'on souhaite s'enfermer dans le carcan libéral des politiques de la Banque centrale européenne et du pacte de stabilité.

En effet, la devise européenne a atteint un pic à 1,32 dollar ces dernières semaines, ce qui suscite de vives inquiétudes dans les milieux économiques et financiers. Les critiques de l'euro fort sont fondées, et elles devraient s'accompagner, selon moi, d'une réflexion sur les graves dérèglements liés à la monnaie unique. La monnaie européenne est un élément de la souveraineté du peuple qui est aujourd'hui « aliéné », puisque la Banque centrale européenne est indépendante.

Nous considérons qu'il est grand temps de réorienter la politique monétaire, en allant plus loin qu'une simple baisse de taux, comme certains le proposent. La Banque centrale européenne devrait être un instrument au service du développement d'une véritable croissance, d'un projet incitant au développement d'emplois stables, au financement de bonnes formations et à la garantie d'une sécurité de revenu.

La réalisation d'un tel objectif serait financée au moyen de crédits bancaires aux entreprises dont les coûts seraient abaissés grâce à des refinancements massifs de la Banque centrale européenne. Les taux d'intérêt seraient d'autant plus bas que les entreprises programmeraient des investissements productifs créateurs d'emplois et de véritables formations pour chaque individu. Le niveau de la monnaie unique face au dollar ne peut qu'augmenter, et les critiques politiques à l'égard de l'euro qui sont déjà apparues en France pourraient donc s'étendre, madame la ministre.

En ce qui concerne l'énergie, nous aimerions savoir pourquoi une grande partie de l'Europe de l'Ouest a été plongée dans le noir, samedi 4 novembre dernier, vers vingt-deux heures. Comment une défaillance du réseau allemand de lignes à haute tension peut-elle priver d'électricité dix millions d'Européens, dont une moitié de Français ? Comment, à l'avenir, éviter de tels incidents ? Il est urgent d'apporter des réponses concrètes à ces questions, en vue de mettre en place une véritable politique de l'énergie à l'échelon européen, madame la ministre.

Au sujet de la politique d'immigration européenne, les dirigeants de l'Union européenne ont défini, lors du Conseil européen d'octobre 1999 qui s'est tenu à Tampere, les principes de base d'une politique commune en matière d'immigration, qui a été entérinée en 2004 avec l'adoption du programme de La Haye, lequel fixe des objectifs pour la période 2005-2010 en vue du renforcement de la liberté, de la sécurité et de la justice dans l'Union européenne.

Tout un arsenal juridique, policier, militaire, technologique est mobilisé. Dans le cadre d'accords bilatéraux, des « camps portails » ont déjà été installés dans divers pays limitrophes, érigés en « zones tampons ». Les droits fondamentaux y sont totalement bafoués.

L'Europe contribue ainsi à détériorer des acquis du droit international datant de 1949 et se livre à une « guerre » contre les pauvres, laissant les migrants à la merci des réseaux mafieux. Il devient évident que la gestion des migrations entre de plus en plus dans les stratégies des États et des puissances économiques et financières : contrôle des mouvements de populations eux-mêmes, gestion de la mobilité professionnelle, ségrégation spatiale des sociétés.

Le droit d'asile est malmené, l'Europe est présentée comme un continent agressé qui doit défendre ses frontières contre les migrants. La loi relative à l'immigration et à l'intégration, dont le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, a été l'initiateur, s'inscrit parfaitement dans cette vision d'une Europe « forteresse », incapable de relever les grands défis, notamment celui du codéveloppement Nord-Sud !

Pour notre part, nous considérons au contraire que l'Union européenne doit tenir le premier rôle dans la promotion de véritables partenariats et, surtout, dans la coopération internationale, en particulier avec l'Afrique, qui représente une chance pour l'Europe si celle-ci se donne les moyens d'une réelle politique de codéveloppement avec les pays de ce continent.

Oui, il faut repenser l'Europe, réorienter en profondeur la construction européenne pour lui donner de nouvelles bases, en vue de l'instauration d'une Europe citoyenne, d'une Europe sociale, d'une Europe ouverte et solidaire, d'une Europe de paix. Tout appelle aujourd'hui à relever ces défis.

Il est temps que l'Europe devienne enfin une grande puissance politique. L'Union européenne doit prendre ses responsabilités sur le plan international. S'agissant, en particulier, de la question du Proche-Orient, elle doit s'opposer à l'institutionnalisation de la politique du « deux poids, deux mesures ». Il est urgent de mettre en oeuvre un nouveau processus de règlement politique pour toute la région, sur le fondement du droit international et des résolutions des Nations unies, garantissant notamment la création d'un État palestinien dans les frontières de 1967, la pleine souveraineté du Liban et l'institution d'un État de droit démocratique où les pouvoirs publics soient les seuls à disposer de la force armée. Il y va aussi de l'intérêt d'Israël, de sa propre sécurité et de la réponse à l'aspiration de son peuple à vivre en paix avec ses voisins.

L'Union européenne ne doit pas laisser George Bush s'approprier la gestion de la crise en vertu de la thèse du « Grand Moyen-Orient ». Elle doit s'opposer fermement à la politique de la force et de remodelage régional prônée par les États-Unis au nom de la lutte contre le terrorisme et de la nécessité de « répandre la démocratie ».

Dans ce contexte, comment comprendre que le « quartet », composé de l'ONU, de l'Union européenne, des États-Unis et de la Russie, continue de renvoyer dos à dos les parties ? Nous attendons de l'Union européenne qu'elle fasse pression pour que se tienne au plus vite, sous l'égide des Nations unies ou du quartet, la conférence internationale qui avait été annoncée.

L'Union européenne doit se situer délibérément dans la perspective de la construction d'un espace méditerranéen de coopération. Un tel espace ne garantit pas automatiquement la paix, mais il constitue la seule alternative à la logique du « choc des civilisations » prônée par George Bush, dont on peut mesurer aujourd'hui l'échec. Elle a un rôle particulier à jouer pour que la politique reprenne le dessus sur la force.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Conseil européen qui va se réunir dans deux jours devrait constituer une étape importante, à un moment où l'Union européenne cherche sa voie pour relancer la dynamique de la construction européenne, aujourd'hui enlisée, nous le savons tous, à la suite de l'échec du référendum sur le Traité constitutionnel européen.

Monsieur de Montesquiou, je reprends à mon compte votre formule selon laquelle il faut empêcher que l'Union européenne ne devienne une immense Suisse mélancolique et paisible, car je la trouve superbe et extrêmement parlante ! Je crois que l'Europe doit effectivement avoir d'autres ambitions.

L'ordre du jour du Conseil européen comprend notamment trois sujets d'une actualité brûlante, sur lesquels les États membres sont loin d'être unanimes : il s'agit de l'élargissement futur de l'Union européenne, des flux migratoires et des questions liées à l'énergie.

Chacun sait que ces trois dossiers sont politiquement très sensibles et que les progrès dans la construction politique de l'Europe dépendront largement des réponses que nous serons en mesure d'apporter collectivement à ces problèmes.

Je me propose d'aborder successivement chacune de ces questions et de préciser chaque fois le point de vue du groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime ce soir.

Cependant, avant d'entrer dans le vif du sujet, qu'il me soit permis de faire une remarque préalable de méthode, qui concerne directement notre débat.

J'ai du mal à comprendre les raisons de la discussion qui s'est instaurée à propos de l'inscription de ce débat à l'ordre du jour des travaux du Sénat. De deux choses, l'une : ou bien les débats relatifs à l'Union européenne sont secondaires par rapport aux débats parlementaires nationaux, et je peux alors comprendre qu'on les « escamote » ou qu'on les organise, parallèlement à nos séances solennelles dans cet hémicycle, dans une autre salle, comme cela s'est produit en février dernier, ou bien nous les considérons comme essentiels,...

M. Roland Ries.... au même titre que nos débats nationaux. Dans ce cas, bien évidemment, ils ont toute leur place dans notre ordre du jour et il convient de prendre le temps nécessaire pour aborder les sujets au fond et permettre à la représentation nationale de donner son avis, afin d'éclairer la position que le Gouvernement sera amené à prendre lors des négociations avec nos partenaires.

J'avais cru comprendre que l'orientation générale de la Commission européenne était de mieux associer les parlements nationaux au processus de décision, et je me réjouis donc que nous puissions débattre ici de ces questions essentielles. Je regrette simplement que nous ne soyons pas très nombreux dans l'hémicycle ce soir,...

M. Louis Le Pensec. C'est affligeant !

M. Roland Ries.... même s'il est vrai que les meilleurs sont là ! (Sourires.)

J'en viens à la première question à l'ordre du jour du Conseil européen, à savoir les perspectives d'élargissement.

Cette question est évidemment extrêmement sensible. L'élargissement constitue, comme vous le savez, mes chers collègues, l'une des raisons - mais c'est loin d'être la seule - de l'échec du référendum sur le Traité constitutionnel européen,...

M. Jacques Blanc. C'est Fabius !

M. Roland Ries.... et les lignes de fracture, sur ce thème, traversent les grandes familles politiques françaises.

À la veille de l'élargissement à la Roumanie et à la Bulgarie, qui intègreront officiellement l'Union européenne le 1er janvier 2007, c'est-à-dire dans quelques semaines, la question des candidatures en cours d'examen va se poser avec une acuité nouvelle.

S'agissant tout d'abord de la Croatie, les négociations en vue de l'adhésion ont été engagées le 3 octobre 2005. Elles se déroulent selon le calendrier prévu, ce dont je me réjouis.

Se pose aussi la question de l'adhésion de l'ancienne république yougoslave de Macédoine, qui a le statut de pays candidat depuis décembre 2005.

C'est, bien sûr, la Turquie qui pose aujourd'hui les problèmes politiques les plus redoutables. Comme Robert Bret l'a rappelé, elle frappe aux portes de l'Europe depuis plus de quarante ans. Cette candidature suscite de lourds débats politiques.

N'oublions pas que d'autres pays profilent leur candidature à l'horizon. Les thèmes de l'élargissement, de la capacité d'intégration de l'Union et, plus largement, de la nature même de la construction politique de l'Europe sont donc aujourd'hui posés et attendent de notre part des réponses claires.

Cette discussion recouvre, en réalité, un débat très ancien qui remonte aux années 1950, à l'époque de l'Europe des Six. À ce moment-là, déjà, deux conceptions de la construction européenne étaient en concurrence.

D'un côté, la conception britannique consistait à créer une vaste zone de libre-échange de nature exclusivement économique et qui avait vocation à intégrer un maximum de pays européens pour tenir tête aux deux puissants ensembles économiques qu'étaient à l'époque les États-Unis d'Amérique et l'URSS. Cette orientation s'est même concrétisée par la création de l'Association européenne de libre-échange, l'AELE, qui est entrée directement en concurrence avec l'Europe des Six.

De l'autre, la conception des pères fondateurs de la Communauté européenne du charbon et de l'acier et des signataires du traité de Rome était beaucoup plus politique, étant entendu que le choix stratégique de l'époque était de commencer la construction politique de l'Europe par un rapprochement des politiques économiques. Comme vous le savez, cette dernière orientation l'a emporté puisque l'AELE a décliné et que les principaux pays qui la composaient ont, à l'exception de la Suisse, rejoint l'Union européenne l'un après l'autre.

Mais, aujourd'hui, dans le débat sur l'élargissement, j'ai le sentiment qu'on assiste à un retour en force de la conception de l'Union européenne comme une vaste zone de libre-échange, au détriment d'une démarche plus politique. C'est pourquoi nous, socialistes, préconisons dans notre projet une clarification et une définition rigoureuse des frontières de l'Europe.

S'il doit y avoir un élargissement supplémentaire, il doit être limité à l'examen des candidatures actuelles - Croatie, Macédoine, Turquie - dans le respect des critères exigés, qu'ils soient démocratiques, économiques ou sociaux.

Je note, au passage, que la Turquie a fait ces derniers jours un certain nombre de concessions concernant ses relations avec Chypre. La décision prise hier par les ministres des affaires étrangères des vingt-cinq États membres de ne pas ouvrir huit des principaux chapitres des négociations d'adhésion montre néanmoins qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire.

Globalement, nous sommes plutôt aujourd'hui dans une logique de gel, au moins partiel, des négociations ; nous approuvons, en ce qui nous concerne, la position qui consiste à faire pression sur la Turquie pour qu'elle accepte à tout le moins l'existence de Chypre, qui fait partie de l'Union européenne.

Au-delà des frontières actuelles et, le cas échéant, à venir de l'Union, des partenariats stratégiques devraient être proposés aux États voisins, notamment aux pays de la rive sud de la Méditerranée, de façon à bien marquer la frontière.

En d'autres termes, il importe de sortir de la logique d'extension sans limites, d'accepter le débat dans les années qui viennent sur les projets d'adhésion actuellement en cours et d'envisager pour les autres pays demandeurs des accords de partenariat. Telle est aujourd'hui la position des socialistes.

Je voudrais, dans un deuxième temps, aborder la question de la politique européenne des migrations et de l'immigration.

En vue de cibler les besoins européens en main-d'oeuvre issue de l'immigration, la Commission européenne a proposé, le 30 novembre dernier, de créer des portails européens sur la mobilité de l'emploi, chargés de renseigner les pays africains sur les possibilités d'emploi en Europe.

La Commission a également proposé que soient installés en Afrique des « centres de migration » destinés à « promouvoir » la formation professionnelle, des programmes de développement ou encore des cours de langues afin d'augmenter les chances des candidats à l'immigration de « trouver un emploi légal en Europe », notamment afin de faciliter « la gestion des travailleurs saisonniers, les échanges d'étudiants et de chercheurs ».

Nous sommes hostiles à cette perspective. Elle aboutirait en définitive à créer en dehors de l'Europe des sortes de réservoirs de main-d'oeuvre dans lesquels nous pourrions puiser à notre guise et selon nos besoins. En faisant venir ces travailleurs chez nous, nous appauvririons ces pays de leurs éléments les plus dynamiques et de leurs cerveaux les plus compétitifs. Il ne me semble pas que ce soit la bonne perspective.

Si nous devions aller dans ce sens, il faudrait plutôt permettre des migrations circulaires : nous pourrions accueillir des travailleurs chez nous, mais, à l'inverse, nous pourrions en envoyer dans ces pays.

Le temps m'est compté. J'aurais souhaité parler du troisième sujet important qui me tient à coeur : la question de la politique énergétique européenne. Mais je n'en ai pas le temps. Néanmoins, j'ai déjà eu à plusieurs reprises l'occasion d'intervenir à propos de la fusion Suez-GDF. Je dirai simplement que, si nous ne sommes pas en capacité de créer des pôles forts au niveau européen et une stratégie européenne de l'énergie, nous nous préparons des lendemains qui déchanteront.

En conclusion, l'Europe est aujourd'hui en panne d'idées et de perspectives. Cela fait dix-huit mois que nous débattons de la paralysie européenne. Le Président de la République participe régulièrement à des Conseils européens qui tournent largement à vide - j'espère que ce ne sera pas le cas après-demain, madame la ministre ! - faute de propositions novatrices dans les domaines qui, aujourd'hui, bloquent la machine. Les institutions, la croissance, le social, l'énergie, l'industrie, l'immigration, l'élargissement, tous ces sujets posent aujourd'hui problème, et nous empêchent de poursuivre notre démarche de construction d'une Europe politique.

Jean-Marc Ayrault l'a dit fort justement dans son intervention à l'Assemblée nationale : « En 2007, il ne suffira pas de tourner la page, de remplacer le Président de la République par son ministre de l'intérieur. Il nous faudra faire la preuve que la France change pour que l'Europe change ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme on l'a déjà souligné, ce débat est heureux. Comme d'habitude, il se tient à la veille du Conseil : je me demande quelquefois si nous ne débattons pas plutôt pour préparer le Conseil suivant que celui d'après-demain ! Il est quand même utile dans la mesure où vous nous avez apporté, madame la ministre, une information très complète et précise sur ce qui va se passer lors du Conseil. Je tenais à vous en remercier.

Si nous considérons que les parlements nationaux ont vraiment un rôle dans la construction européenne, il faut leur permettre de le jouer. Il serait ainsi satisfaisant d'organiser plus en amont et de manière plus structurée ces réunions d'avant-Conseil. Comme peut le confirmer le président Hubert Haenel, nous faisons l'effort de mettre en oeuvre le futur article 88-5 de la Constitution. Nous pourrions également accomplir les mêmes progrès dans la tenue de ce genre de débat.

Dans quel contexte se tient ce Conseil ?

D'une part, l'actualité n'est plus européenne, comme le montre cette anecdote. Faisant partie d'un panel de responsables interrogés sur l'actualité des trois derniers mois, je réponds à chaque fois depuis un an que l'important, c'est qu'aucun sujet européen ne retient l'attention. J'aimerais que l'actualité fournisse des sujets plus importants que celui de l'absence d'Europe !

D'autre part, même si l'actualité ne l'est pas, l'attente reste européenne. Je voudrais revenir sur la réunion du Mouvement européen qui s'est tenue le week-end dernier et que vous avez sûrement suivie, madame la ministre. Elle a notamment traduit une attente forte des militants du Mouvement européen et nous pouvons en tirer un certain nombre d'enseignements. Dans notre pays, comme dans d'autres de l'Union européenne, des citoyens attendent de participer, de s'exprimer et d'apporter leur contribution à l'avancée et au redémarrage de l'Union européenne.

Dans ces associations fonctionnant dans les États membres de l'Union européenne, un événement important s'est produit. Jusqu'à présent, et de manière quelque peu volontariste, on considérait que les partis politiques devaient se rapprocher pour s'entendre et avancer sur ce problème commun à nous tous, l'Europe.

Depuis ce week-end, la démarche est maintenant renversée. Ceux qui croient en l'Europe, malgré des points de vue divergents ou complémentaires sur un certain nombre de sujets, sont réunis par leur croyance dans l'Europe. Mettons en oeuvre cette diversité comme une richesse - c'est d'ailleurs bien la problématique générale de la construction européenne - pour avancer ensemble et construire cette Europe que les citoyens européens et le monde attendent.

Notre responsabilité est de répondre à l'attente de militants du Mouvement européen et de la plupart des Français ou des Européens. Comment allons-nous procéder ? Si les parlements nationaux assument leur rôle, ce sera déjà un progrès. Mais il faut aussi que les chefs d'État endossent le leur. J'en viens donc au Conseil européen.

Il y a quelques jours, lors du débat sur le prélèvement sur les recettes opéré au profit du budget européen, j'ai rappelé que les chefs d'État et de gouvernement sont président de la République ou chef du gouvernement de leur pays et défenseurs de leurs intérêts nationaux. En même temps, ils sont membres du Conseil européen et donc porteurs de l'intérêt commun européen.

Depuis un demi-siècle, nous avons constaté que, lorsqu'un chef d'État français a pris ses fonctions, il est devenu, presque dans tous les cas, plus européen et porteur de cette responsabilité collective européenne.

La campagne électorale dans laquelle nous nous lançons devrait permettre d'anticiper sur cet engagement européen : les candidats devraient entrer dans cette démarche et être à la fois défenseurs des intérêts nationaux et porteurs de leur part de responsabilité pour construire cette Union européenne. Je fais peut-être un rêve en imaginant cela.

Les candidats doivent élargir le plus possible leur assise pour être élu, mais ils ne devraient pas être obligés de réduire leurs ambitions européennes pour ne fâcher personne ou pour trouver un consensus. Tout rapprochement avec des situations réelles ou des personnages existants serait fortuit... J'aimerais que personne ne tombe dans ce défaut.

Si on entre dans cette logique, celui qui voudrait devenir le président de tous les Français devrait-il renoncer à toute ambition européenne pour ne fâcher personne ? Bien sûr que non ! Cela relèverait de l'irresponsabilité totale et constituerait la négation de cette construction européenne à laquelle nous croyons, de cette Europe qui est notre frontière, notre destin, notre chance et, bien souvent, la solution à la plupart de nos problèmes. Malheureusement, cela ne fonctionne pas toujours ainsi.

J'en viens à l'ordre du jour du Conseil de jeudi et vendredi. Il est vrai qu'il est chargé, comme vous l'avez souligné. Le risque est alors qu'en voulant parler de tout on ne parle pas de grand-chose ou, en tout cas, que le résultat soit quelque peu inaudible. Quand il y a du bruit, on ne perçoit plus rien.

Or, il faudrait pouvoir entendre l'Europe. Madame la ministre, vous devriez évoquer - si c'est possible - ce sujet avec le chef de l'État avant le Conseil. Un premier résultat serait déjà de réussir à faire émerger quelques idées fortes, afin que l'Europe soit à nouveau audible par nos concitoyens.

Dans l'ordre du jour, on retrouve le sujet classique sur l'approfondissement-élargissement de l'Union européenne. Depuis des années, on débat de cette problématique : les deux objectifs sont-ils compatibles ou contradictoires ?

S'agissant de l'approfondissement, le débat a été ouvert très heureusement par la Finlande, qui vient de ratifier le traité institutionnel. Je pense que cela devait être rappelé. On est maintenant à seize oui, deux non et sept qui n'ont rien dit.

Nous sommes aujourd'hui tous d'accord sur le fait que, à vingt-sept, le traité de Nice ne peut plus fonctionner. Il faut donc en sortir, en se respectant les uns les autres. Il faut que les seize pays qui ont dit « oui » respectent les deux qui ont dit « non », mais il faut également que les deux qui ont dit « non » respectent les seize qui ont dit « oui », parce qu'ils sont tout de même nombreux et qu'ils ont des choses à dire.

À cet égard, je ferai deux propositions.

Tout d'abord, je pense que nous ne nous en sortirons pas sans passer par le couple franco-allemand. La France et l'Allemagne sont dans les deux positions extrêmes sur ce sujet. C'est « Tout le traité, rien que le traité » pour l'Allemagne. Quant à la France, elle dit ne plus vouloir entendre parler du traité auquel elle a dit « non », car elle ne veut pas revenir sur ce qu'elle a dit. Il faut que l'Allemagne et la France fassent un effort pour rapprocher leurs points de vue et pour faire une proposition susceptible d'être l'objet d'un consensus sur le fondement duquel nous pourrions alors repartir.

Ensuite, j'ai été frappé, comme certains d'entre vous sûrement, mes chers collègues, parce que Jean-Claude Juncker nous a dit lorsqu'il a été reçu par la délégation du Sénat pour l'Union européenne. S'agissant des coopérations renforcées, il nous a dit que, lorsque nous, les Français, nous en parlions, nous envisagions toujours d'en être le centre, mais qu'il fallait savoir que c'était aussi le cas de nos partenaires de l'Union européenne, par exemple de ceux qui ont dit « oui », que ce soit le Luxembourg ou l'Espagne. Or, dans ce cas, nous n'en sommes plus : ni au centre ni ailleurs ! Il nous a donc incités à faire preuve d'un peu d'humilité, à reprendre notre rôle d'éclaireur, mais en nous mettant au service de l'ensemble de l'Union européenne et de nos partenaires. Si nous parvenions à nous mettre dans cet état d'esprit, nous progresserions et nous repartirions.

S'agissant de l'élargissement, je souhaite que l'on accueille la Roumanie et la Bulgarie un peu mieux que l'on a accueilli les autres pays d'Europe centrale et orientale le 1er mai 2004. Une réflexion doit être menée sur ce sujet. Peut-être n'est-il pas trop tard pour accueillir d'un coup, à l'occasion de l'anniversaire du traité de Rome par exemple, tous ceux qui nous ont rejoints depuis trois ans ? C'est une idée. Je pense en tout cas qu'il faut faire quelque chose. Nous ne pouvons pas être les derniers à ratifier l'élargissement à la Roumanie et à la Bulgarie et, dans le même temps, dire aux autres pays qu'il n'est pas normal qu'ils écoutent les Américains ou les Allemands plus que nous. Reprenons l'initiative ! N'attendons pas toujours que les autres nous supplient de leur venir en aide.

S'agissant toujours de l'élargissement, je m'arrêterai quelques instants sur la Turquie, car cette question sera l'un des points forts du Conseil.

Le Président de la République a eu raison, voilà quelques semaines, de déclarer que la question de l'Arménie était au centre du débat et qu'il ne fallait pas accueillir la Turquie dans l'Union européenne tant qu'elle n'aurait pas fait un effort dans ce domaine. De la même manière, je pense que la Commission a eu raison de lancer un débat concernant la relation entre la Turquie et Chypre. La Turquie ne peut pas vouloir entrer dans l'Union européenne sans reconnaître Chypre, l'un des États membres de l'Union, comme un partenaire à part entière. C'est impensable ! Je suis donc heureux que, après-demain, le Conseil suive - c'est du moins ce que j'ai compris - la position de la Commission.

À l'avenir, tôt ou tard, nous nous heurterons à un mur, à un blocage au sujet de la Turquie. Pour l'instant, nous gagnons quelques semaines, quelques mois, mais, une fois que les Turcs auront dit « oui » à l'Arménie, qu'ils auront réglé le problème de Chypre, qu'ils auront rempli toutes les obligations, repris l'acquis communautaire, il se pourra que l'un des pays membres de l'Union leur dise « non ». Il faut donc leur expliquer aujourd'hui que la Turquie n'entrera dans l'Union européenne que si tous les pays sont d'accord. On feint de l'ignorer pour l'instant, mais, le jour où cela se produira, dans quinze ans par exemple, ce sera un drame majeur. Nous devons nous y préparer, soit en faisant en sorte qu'aucun pays ne dise « non » - mais je ne pense pas que ce sera le cas ; aujourd'hui Chypre, par exemple, sans même parler de la France, dirait évidemment « non » -, soit en renouant le dialogue, pour repartir sur des bases claires et saines.

Pourquoi ces négociations ne marchent-elles pas ? Parce que l'Europe n'est pas gouvernée ! Si l'Europe était gouvernée, si l'Union européenne avait eu un président, un ministre des affaires étrangères, nous saurions depuis des années qui négocie avec la Turquie et sur la base de quel mandat. Ce responsable aurait prévenu la Turquie du risque qu'un État membre dise « non » à son adhésion en bout de parcours et lui aurait conseillé de se contenter d'une coopération renforcée. Nous aurions alors pu ouvrir avec la Turquie un dialogue beaucoup plus constructif.

Mais la Turquie ayant eu le sentiment, à juste titre d'ailleurs, qu'elle allait pouvoir adhérer à l'Union européenne, qu'elle pouvait donc être candidate, ne veut plus d'aucune autre solution. Nous sommes dans une impasse ! Il faut en sortir. L'Europe a besoin d'être gouvernée.

Je pourrais également parler du besoin de gouvernance s'agissant de l'euro. Nous avons aujourd'hui un débat sur l'indépendance de la banque centrale européenne. Nous feignons de découvrir qu'elle est indépendante. Or nous nous sommes battus pendant des années pour qu'elle le soit ! Et il est bon que ce soit ainsi. Nous avons besoin d'une banque centrale indépendante, chargée de maîtriser l'inflation. Mais, en même temps, comprenons bien que, si la banque centrale est orpheline, pour reprendre l'expression chère à Jean Arthuis, si notre monnaie est orpheline d'État, cela ne marchera pas. Il faut un pouvoir économique et un pouvoir politique. Là est le débat. Ne racontons pas n'importe quoi sur ce sujet ! Ne faisons pas de l'euro, et à travers lui de l'Europe, le bouc émissaire de toutes nos difficultés, de toutes nos incapacités à aller de l'avant. Ce ne serait ni sérieux ni responsable.

S'agissant de l'énergie, ne nous contentons pas d'aborder ce débat de manière franco-française. (M. Aymeri de Montesquiou s'exclame.)

Je n'ai pas dit de mal de ce que vous avez dit, mon cher collègue ! (Sourires.)

Ne considérons pas que, avec le débat franco-français que nous venons d'avoir, nous avons fait ce qu'il fallait en matière d'énergie. Permettre la fusion entre Suez et Gaz de France, ce n'est pas traiter le problème de l'énergie à l'échelon européen. Un débat européen sur l'énergie ainsi qu'une politique européenne de l'énergie sont nécessaires.

Je regrette qu'il ne soit pas prévu de discuter de la défense au cours de ce Conseil, ou très peu. Comment retrouver un élan aujourd'hui ? Ce n'est pas plus difficile que lorsqu'il s'est agi de réconcilier la France et l'Allemagne en 1950. Ce n'est pas plus difficile que d'avoir fait tomber le mur de Berlin. Nous sommes arrivés à relever ces défis qui, à l'époque, étaient considérables. Nous devrions donc réussir aujourd'hui à sortir du marécage dans lequel nous nous vautrons un peu trop complaisamment.

Il faut trouver des leviers. L'élargissement en est un, car il est une bonne occasion de nous pencher sur les véritables questions qui se posent aujourd'hui. Il faut l'utiliser complètement, écouter les peuples, fabriquer de bonnes institutions. Il faut proposer des projets, mais il faut surtout redonner du sens à la construction européenne. Pour cela, il faut retrouver l'intuition des pères fondateurs, qui ont décidé de construire et d'apprendre aux hommes à travailler ensemble afin que la paix qu'ils allaient bâtir jour après jour soit durable.

Aujourd'hui, madame la ministre, au Conseil d'Helsinki, vous allez évoquer, et j'en suis heureux, le développement à travers l'immigration. Vous le savez, c'est mon dada. La cause de la paix dans le monde ne peut avancer que si l'on traite les problèmes du développement, dans nos pays développés, mais surtout dans les pays qui sont en retard. Il faut mettre en place une grande politique du co-développement. Ce ne sont pas les États-Unis qui le feront, ni aucun des États de l'Union européenne, car ils n'en ont pas les moyens. Seule l'Union elle-même peut le faire.

Je souhaite que la France propose à l'Union européenne de lancer une grande politique de co-développement. Elle renouera ainsi avec sa vocation à dire quelque chose au monde. Cela redonnera du sens à la construction européenne. Cela remotivera et remobilisera les jeunes en faveur de cet extraordinaire projet qu'est la construction européenne. Au passage, nous traiterons ainsi les véritables problèmes que sont pour nos concitoyens l'immigration ou les délocalisations d'activités. Nous aurons alors fait oeuvre utile.

Jean Monnet disait qu'entre les eurosceptiques et les euro-optiministes il y avait les « eurodéterminés », dont il faisait partie. Il faut remettre notre espérance, appuyée sur notre eurodétermination, au service de l'Europe.

En conclusion, monsieur le président, j'évoquerai Bronislaw Geremek, selon qui il n'est d'engagement politique qui vaille que fondé sur une utopie. Pendant un demi-siècle, a-t-il raconté, le peuple qui est sien - le peuple polonais -, mais également les autres peuples qui vivaient derrière le rideau de fer, ont nourri une utopie : celle de recouvrer leur liberté. Cette utopie, a-t-il ajouté, ils sont arrivés à la concrétiser. Une utopie peut donc se réaliser. Il terminait son propos par cette exhortation : sois optimiste, imbécile ! Vis cette utopie ! Engage-toi en politique, fais fonctionner l'Europe, fais vivre l'Europe. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il fallait une démonstration de l'intérêt d'un tel débat, elle est faite ce soir !

Certes, nous ne sommes pas très nombreux, mais, madame la ministre, notre message est passé : pour la plupart nous souhaitons, sous des formes diverses, que l'Europe retrouve un souffle et une ambition. Nous souhaitons tous que ce Conseil, réuni dans les terres enneigées de Finlande, soit le point de départ d'une grande espérance pour tous ceux qui croient en l'Europe. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, Hubert Haenel, président de notre délégation pour l'Union européenne, ainsi que tous ceux qui sont intervenus au cours de ce débat ont exprimé une volonté politique forte.

Certes, comme vous nous l'avez rappelé, madame, le programme du Conseil est extrêmement chargé. Mais quelques-uns des points dont il sera question seront marquants, à la veille de la présidence allemande et en prévision de cette période où la France, après l'élection présidentielle, sera appelée à jouer, nous l'espérons, un rôle majeur.

Il est vrai que nous sommes encore un peu sous le choc du « non » au référendum - ce n'est pas être agressif que de le dire. Mais on ne peut pas aujourd'hui accuser Mme le ministre ou le Président de la République des conséquences de ce vote. On ne peut pas avoir impunément dit « non » alors que la plupart des autres pays ont dit « oui ». Cela ne signifie pas que nous devons nous enfermer dans ce « non », mais il va nous falloir trouver le souffle qui nous permettra d'occuper de nouveau une place capitale dans une Europe totalement différente.

Nous sommes aujourd'hui à la veille - moins d'un mois - de l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'Union européenne, ce dont nous nous réjouissons. Les négociations ouvertes avec la Turquie et la Croatie depuis le 3 octobre 2005, à la suite d'engagements pris depuis longtemps, sont en cours. C'est ainsi que va s'achever le cycle du cinquième élargissement.

L'Europe à vingt-sept est aujourd'hui une réalité. J'espère qu'elle sera également une réalité à vingt-neuf. Nous verrons...

D'autres pays sont déjà candidats : les pays des Balkans et l'Ukraine nous interpellent. Quelles réponses l'Europe va-t-elle leur donner ? Pour les définir, le Conseil va, d'une part, rappeler les conditions de Copenhague et, d'autre part, analyser la capacité d'intégration de ces pays. Leur adhésion devant déboucher sur des frontières nouvelles, il convient de donner à ces pays des perspectives compatibles avec la nouvelle gouvernance de l'Europe.

Ces pays ne sont pas responsables de notre incapacité à définir la gouvernance. Vous allez en parler, madame le ministre, et j'espère que nous arriverons rapidement à sortir de l'impasse dans laquelle nous sommes, mais qui ne vous empêche pas de vous mobiliser.

Je souhaite aborder de manière très directe un certain nombre de problèmes précis et concrets.

Je me réjouis que, ici, nous ne nous soyons pas laissé enfermer dans le problème de la Turquie. Je suis président du groupe d'amitié France-Turquie et partisan de l'adhésion de la Turquie, mais je ne prétends pas exprimer les sentiments unanimes de tous les membres du groupe UMP.

Premièrement, s'agissant de la négociation, il est normal qu'il y ait des hauts et des bas. Toutes les négociations passent par des cycles. La Turquie doit faire des efforts pour réussir à respecter les conditions de Copenhague. Elle est appelée, et elle l'a fait, à engager des réformes courageuses et souvent difficiles. Il ne faut pas fermer les yeux sur ces difficultés.

Deuxièmement, la Turquie fait face à une situation complexe. Chypre est un sujet extrêmement sensible. Ce n'est insulter personne que de dire que c'est le fameux coup d'État lancé en 1974, sous le régime des colonels grecs, par des extrémistes chypriotes qui a provoqué l'intervention des Turcs. Ils ne sont pas responsables du coup d'État !

Troisièmement, ce n'est insulter personne non plus que de rappeler qu'un référendum a été organisé sur une proposition que les Grecs, les Turcs et les pays européens avaient acceptée et qu'elle a été rejetée, non par la partie turque de Chypre, mais par l'autre partie. Nous sommes donc dans une impasse.

Il est vrai que, dans la mesure où l'Europe a accueilli Chypre, il est important que la Turquie reconnaisse ce pays,...

M. Aymeri de Montesquiou. C'est indispensable !

M. Jacques Blanc.... mais il faut aussi laisser les choses avancer. Il faut tenir compte de l'opinion publique. La Turquie est une démocratie. Il faut tenir compte de ces réalités.

Je souhaite que la France garde le cap qui a été celui du Président de la République et de tous les gouvernements de la France, qu'il s'agisse des gouvernements socialistes ou du Gouvernement actuel. Ils ont dit à la Turquie qu'elle avait sa place dans l'Europe ; il faut donc favoriser le dialogue et les échanges et ne pas minimiser les efforts faits par la Turquie pour ouvrir un port et un aéroport aux bateaux et aux avions chypriotes-grecs.

Essayons de rapprocher les uns et les autres afin de trouver une nouvelle solution qui, dans un pays réunifié, laisse la place aux minorités, comme le prévoyait le plan de Kofi Annan, plan qui a, hélas, été rejeté !

Je souhaite donc que notre pays n'abandonne pas la position, courageuse et ferme, qu'il avait prise.

Sur l'Arménie, soyons aussi très clairs ! Nous avons un devoir d'histoire, mais réunissons des historiens de différents pays pour déboucher sur une analyse objective. Ne tombons pas dans la facilité ou le piège qui consiste à se substituer aux historiens ! Chacun de nos pays peut être un jour traumatisé par de telles investigations. Pour autant, n'ayons pas peur de ces recherches quand elles sont menées scientifiquement.

Donc, là aussi, nous n'avons pas à rejeter les uns ou les autres.

Pour ma part, je rends hommage au Président de la République et au Gouvernement, qui ont su répondre à l'attente très forte d'un pays qui a été marqué politiquement, dans son organisation, par la France. L'État turc a été imprégné par l'espérance française, la culture, la civilisation, la société françaises. Il faut tout de même savoir qu'à Galatasaray certaines élites turques sont initiées à l'histoire et à la réalité françaises. Nous avons une influence.

Alors, ne tombons pas dans le piège qui consisterait, en raison de tel mouvement ou de telle situation, à nous montrer plus durs que les autres !

Les critères d'adhésion ont été définis et la Commission les fait respecter. Le problème a été maîtrisé. La solution n'est peut-être pas idéale, mais elle répond à une situation donnée. N'en rajoutons pas ! Ne laissons pas penser à nos amis turcs que la France est le plus exigeant de tous les pays européens, après avoir été un soutien des plus actifs et des plus sincères.

Il y va d'une conception du monde, de la garantie d'un équilibre. Chacun sait bien que le monde musulman ne doit pas être monolithique. La présence, dans ce monde musulman, d'un pays arrimé à la réalité européenne, respectueux, tolérant et capable d'apporter un message d'équilibre et de paix n'est-elle pas essentielle ? Il y a là une dimension stratégique que nous ne pouvons ignorer, et ce n'est faire insulte à personne que d'oser l'affirmer.

Au cours de ce Conseil européen, la définition même des perspectives nouvelles d'élargissement vous conduira à repenser les politiques de voisinage, madame la ministre. Pour ma part, je pense à l'Euro-Méditerranée : il est capital que l'Europe fasse des gestes essentiels à l'égard du Sud.

Le processus de Barcelone a également connu des moments difficiles. J'ai présidé, à ses débuts, le Comité des régions de l'Union européenne et j'ai eu l'honneur de participer à la célébration de son dixième anniversaire. Nous avons besoin de lui donner une dimension supplémentaire, et l'équilibre Nord-Sud est un objectif indispensable pour l'Europe. Or, dans cet équilibre Nord-Sud, le poids de la Turquie peut devenir, demain, un élément tout à fait positif.

Madame la ministre, nous partageons bien évidemment la volonté de voir se développer l'Europe de l'énergie, l'Europe de la défense, aussi ne m'attarderai-je pas sur ces questions. Le message essentiel que je voudrais porter est un message d'espérance.

Il est vrai que l'Europe, du fait même de son élargissement, suscite beaucoup de lassitude, d'interrogations, voire de rejet dans notre pays. Nous n'avons peut-être pas su donner les explications nécessaires.

L'Europe a beaucoup changé : elle est passée de six, à neuf, puis à quinze, à vingt-cinq, demain à vingt-sept, à vingt-neuf États membres. Mais elle garde la flamme et elle sera, je l'espère, un acteur à la fois de paix et d'organisation dans un monde qui ne peut être que multipolaire.

Elle est pour la France une chance de ne pas se fermer frileusement sur elle-même par peur du lendemain, en offrant à sa jeunesse une perspective nouvelle. Car c'est à travers l'Europe que le génie de la France pourra s'épanouir et apporter des réponses fortes aux problèmes rencontrés par les femmes et les hommes dans le monde.

C'est pourquoi je vous félicite, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation, de vous être battus pour ouvrir de nouvelles perspectives d'action aux Parlements nationaux au regard de l'Union européenne.

J'ai eu le privilège de participer à des conseils des ministres alors que l'Europe ne comportait que neuf États membres, au lendemain de l'entrée du Royaume-Uni, et Dieu sait qu'il n'était déjà pas facile de résoudre les problèmes de politique agricole !

J'ai également participé à la mise en place du Comité des régions de l'Union européenne, dont la portée est souvent sous-estimée. Ce comité rassemble des élus régionaux et locaux qui croient en l'avenir de l'Europe, qui ont envie, au-delà des instances, d'aller au plus près du coeur des femmes et des hommes d'Europe, parce que l'Europe est une question de coeur et d'intelligence.

Notre ami Montesquiou a parlé de fusionner la délégation avec la commission des lois pour former une « commission européenne des lois », ce qui ne me paraît pas être la meilleure solution - c'est le seul point sur lequel je suis réservé. Quoi qu'il en soit, je souhaite que la délégation du Sénat pour l'Union européenne prenne de l'importance, en harmonie avec les autres commissions permanentes, pour affirmer la conviction que nous avons tous, quelles que soient nos spécificités, que l'avenir de la France et du monde passe par un nouvel élan de l'Europe, auquel nous voulons apporter notre contribution.

La France a besoin de l'Europe et l'Europe a besoin de la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames et messieurs les sénateurs, après vous avoir écoutés avec attention, je vous répondrai en regroupant les points que vous avez abordés sous les quatre thèmes suivants : l'élargissement, les questions institutionnelles, les questions migratoires et l'énergie.

Permettez-moi au préalable de relever avec satisfaction, notamment après l'intervention du dernier orateur, que vous vous êtes tous déclarés attachés à une Union européenne forte, cohérente et à même de répondre aux attentes de nos peuples, tout comme l'est le Gouvernement auquel j'appartiens, et je vous en remercie.

Messieurs les sénateurs, vous êtes tous intervenus sur la Turquie et, plus généralement, sur le processus d'élargissement. Comme je vous l'ai indiqué, la décision prise par le conseil « Affaires générales et relations extérieures » constitue un bon équilibre. Cette décision permet d'envoyer un message clair à la Turquie, en regrettant l'insuffisance des progrès réalisés à ce jour et en particulier le non-respect, par ce pays, de ses engagements.

Il était nécessaire de tirer les conséquences de cette situation tout en gardant le processus ouvert, et ce afin de favoriser l'évolution et la modernisation de la Turquie, dans l'intérêt de l'Europe. C'est pourquoi nous soutenions la recommandation de la Commission et nous sommes satisfaits que le conseil « Affaires générales » soit parvenu, hier, après d'assez longs débats, à un accord unanime.

Vous êtes également revenus sur le processus d'élargissement. Comme je vous l'ai indiqué, le débat, engagé à la demande de la France en juin dernier, devra se poursuivre. Il sera d'ores et déjà à l'ordre du jour du Conseil européen des 14 et 15 décembre prochains.

L'élargissement a été un accomplissement historique. Il a été un succès, monsieur Haenel, et il doit le rester. C'est pourquoi la position des autorités françaises est très claire : l'Union ne pourra pas procéder à un nouvel élargissement avant de s'être réformée, tout particulièrement en matière institutionnelle. Nous souhaitons que les conclusions du Conseil européen reflètent cette nécessité d'une « consolidation », comme l'a dénommée M. Vinçon.

Quant à votre proposition, monsieur Haenel, elle s'inscrit dans la lignée des efforts engagés par la France pour que le processus d'élargissement soit politiquement contrôlé. C'est une nécessité. Permettez-moi de souligner devant vous que de réels progrès ont été accomplis sur ce point depuis le mois de juin 2005. La décision d'hier soir, entre autres, le prouve.

Monsieur Bret, vous avez émis des craintes au sujet du rapprochement entre les nouveaux et les anciens États membres. L'Union a fait le nécessaire en définissant un budget pour les sept prochaines années à la hauteur de ce rapprochement. La politique de cohésion devient la première politique de l'Union.

Monsieur Haenel, vous avez évoqué l'information du Parlement. Nous avons déjà fait quelques progrès en ce domaine auquel, vous le savez, je suis attachée. Il faut continuer, mais utilisons d'abord au mieux les instruments existants, en particulier l'article 88-4 de la Constitution.

Une circulaire du Premier ministre datant du mois de novembre dernier a donné aux assemblées parlementaires la possibilité de se prononcer sur davantage de textes européens. Tous les projets ayant vocation à être adoptés en codécision sont désormais systématiquement transmis au Parlement, même s'ils ne comportent aucune disposition législative au sens français du terme. C'était d'ailleurs un engagement que le Premier ministre avait pris devant la représentation nationale dès le mois de juin 2005.

Il s'agit de l'une des mesures importantes parmi d'autres - le débat qui nous réunit ce soir en est un exemple -, destinées à mieux associer le Parlement aux processus de décision. Pourtant, à ma connaissance, le Parlement n'a fait usage de cette nouvelle procédure qu'à deux reprises. Nous avons adopté un dispositif visant à vous satisfaire auquel je vous encourage à recourir.

Monsieur de Montesquiou, vous m'interrogiez sur la situation de la France en matière de transposition des directives. La France n'a jamais été parmi les bons élèves en cette matière. Je dois cependant souligner que nous avons réalisé des progrès très significatifs ces derniers temps. Pour mémoire, je rappelle que notre déficit de transposition est passé de 4,1 % en mai 2004 à 1,9 % en juillet dernier. D'après les indications données par la Commission, dans le prochain tableau qui sera publié, ce déficit devrait être égal ou inférieur à 1,5 %, objectif fixé par le Conseil européen. Selon toute vraisemblance, nous devrions aussi améliorer notre rang au sein des Vingt-Cinq.

J'en profite, monsieur le sénateur, pour saluer la contribution de la représentation nationale à cette oeuvre de transposition. Nous devons inscrire ces efforts dans la durée pour continuer d'améliorer nos performances.

Je ne reviendrai pas sur les questions institutionnelles que j'ai déjà évoquées, sinon pour acquiescer aux propos de M. Badré s'agissant de l'importance de la relation franco-allemande. Nous travaillerons aux côtés de l'Allemagne, qui aura, pendant sa présidence, la lourde tâche d'engager la relance de l'Europe sur le plan institutionnel.

Les questions migratoires, essentielles elles aussi, ont été abordées par beaucoup d'entre vous, notamment par MM. Haenel et Ries.

Il était nécessaire d'inscrire cette question au coeur de l'agenda européen. Nous l'avons fait cette année. Même si certains de nos partenaires sont plus exposés que d'autres aux migrations par voie maritime - qui ne représentent qu'une faible partie des migrations à contrôler -, nous sommes tous concernés par les phénomènes migratoires. C'est donc ensemble, de manière solidaire, que nous devons trouver les solutions pour bâtir une véritable politique européenne des migrations.

J'ai déjà indiqué que les perspectives budgétaires de l'agence FRONTEX pour 2007 seraient modestes avec tout de même un triplement de ses moyens financiers et un doublement de ses moyens humains.

Vous avez également mentionné, monsieur Haenel, la création d'équipes communes d'intervention. Cette proposition de la Commission, qui date de la mi-juillet, est en cours d'examen par le Conseil, qui va arrêter ses conclusions. Vous serez heureux d'apprendre, je l'espère, que le projet de conclusions sera soumis à l'approbation des chefs d'État et de gouvernement à partir de jeudi par les ministres des affaires étrangères et des affaires européennes.

S'agissant des migrations, l'Europe dispose d'un cadre général, l'approche globale, qui repose sur un équilibre entre le renforcement des contrôles et le renforcement de la coopération, du développement et du codéveloppement. La France soutient pleinement cette démarche. Le cinquième comité interministériel de contrôle de l'immigration, présidé par le Premier ministre, qui s'est réuni la semaine dernière, a permis de le rappeler expressément. Car nous savons bien que le problème des migrations se traitera d'abord à la source.

Dans ce cadre, il faut en particulier renforcer l'articulation entre politique migratoire et politique de développement et de codéveloppement. La Commission a ainsi proposé de mettre en place un programme « migration et développement » doté de 40 millions d'euros financés sur le neuvième FED. C'est notamment de cette façon que nous mettrons concrètement en oeuvre l'approche globale.

S'agissant de la nécessité d'améliorer les mécanismes de décision, je partage en grande partie vos interrogations, monsieur Haenel.

Certains de nos partenaires restent encore opposés à l'utilisation des « clauses passerelles » prévues par le traité d'Amsterdam. Les négociations demeurent donc ouvertes sur ce point. Il faut continuer à essayer d'obtenir gain de cause en la matière. Nous souhaitons que les conclusions du Conseil européen de cette semaine permettent de continuer à travailler sur ce sujet, même s'il n'y a pas de consensus des États membres sur la solution que nous avions proposée au mois d'avril.

L'absence de consensus est d'autant plus paradoxale que le dernier conseil « Justice et affaires intérieures » a été unanime. Son analyse sur le fond est on ne peut plus claire : les mécanismes de décision ne sont pas totalement adaptés.

Il est évident que l'unanimité est un frein. Nous devrions donc pouvoir gagner en efficacité et en légitimité en recourant à la codécision dans des domaines où les attentes de nos concitoyens sont fortes, comme la sécurité intérieure, la lutte contre le terrorisme ou le crime organisé.

J'en viens à l'énergie.

Messieurs de Montesquiou, Ries et Badré, vous avez appelé à de nouveaux efforts européens dans le domaine de l'énergie afin que l'on bâtisse une véritable politique européenne de l'énergie.

Je souhaite également que les Vingt-Cinq sachent trouver les réponses appropriées. Mais n'oublions pas qu'il y a seulement un an a été prise par l'Europe la décision de se doter d'une future politique de l'énergie. Et c'était sur l'initiative de la France !

J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de le dire, l'Union européenne ne s'était jusqu'à présent jamais préoccupée des questions d'énergie de façon globale. Elle les considérait uniquement sous l'angle du marché et de la concurrence.

Nous avons introduit ce sujet dans les priorités de l'Union voilà un an. Nous progressons pas à pas. Nous savons les uns et les autres que c'est seulement étape par étape que pourra être mise sur pied une politique de l'énergie.

Le Conseil européen du printemps 2007 décidera d'un plan d'action détaillé et des grandes priorités européennes en matière d'énergie. Je le répète, c'est un rendez-vous important. Depuis un an, cette question est abordée régulièrement à chaque Conseil européen, et le dossier progresse trimestre après trimestre.

Ainsi, au mois d'octobre dernier, la Commission a présenté un plan d'action pour l'efficacité énergétique. La France et l'ensemble du Conseil le soutiennent. Le Conseil européen confirmera cet appui.

Par ailleurs, un réseau européen des correspondants pour la sécurité énergétique devrait être mis en place au début de 2007.

Comme vous pouvez le constater, les échéances sont précises et proches, ce qui permettra de faire face avec plus d'efficacité à une éventuelle crise d'approvisionnement.

Nous le savons, il faudra faire encore davantage. Par exemple, le renforcement des infrastructures d'interconnexion est indispensable. Nous l'avions souligné dans le mémorandum français transmis au début de cette année. Cela avait été repris dans le Livre vert de la Commission, puis dans les premiers travaux du Conseil européen au mois de mars. C'est en effet indispensable.

Vous avez évoqué, monsieur Bret, un récent incident de délestage. Il ne nous fait pas changer d'orientation. Au contraire, il montre qu'il va falloir agir en la matière.

L'Europe doit apprendre à parler d'une seule voix, en particulier dans ses négociations extérieures. Comme vous le savez, notre Premier ministre a fait des propositions, notamment quant à la mise en place d'un représentant spécial pour l'énergie.

Monsieur de Montesquiou, l'Union européenne est déterminée à approfondir son partenariat stratégique avec la Russie dans le domaine commercial, qui est facilité par son adhésion à l'OMC, ainsi que dans le domaine énergétique, dans lequel l'un et l'autre des partenaires ont des intérêts communs, comme vous l'avez relevé.

Lors du Conseil européen informel de Lahti du 20 octobre, les chefs d'État et de gouvernement ont reconnu la nécessité d'intégrer dans le futur accord global entre l'Union européenne et la Russie des éléments relatifs à l'accès au marché et à la sécurité des investissements. Le lancement de ces négociations sera d'ailleurs sans nul doute l'une des priorités de la présidence allemande.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans quelques mois, vous avez été nombreux à le rappeler, nous célébrerons le cinquantenaire du Traité de Rome, qui est à l'origine du projet politique certainement le plus ambitieux du XXe siècle. La meilleure manière de témoigner notre reconnaissance à celles et ceux qui ont eu la vision et le courage de ce projet politique sans précédent est de continuer, jour après jour, avec ambition et lucidité, à bâtir cette Europe dont nous avons besoin pour le bien de nos nations et de nos peuples. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 107 et distribuée.

8

DÉPÔT D'UNE question orale avec débat

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

N° 25 - Le 21 décembre 2006 - Mme Gisèle Gautier demande à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité de dresser un bilan de l'application de la loi d'initiative sénatoriale n° 2006 399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre des mineurs. Elle l'interroge également sur les suites données aux recommandations adoptées par la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, à l'initiative de M. Jean-Guy Branger, dans son rapport d'information établi dans le cadre des travaux préparatoires à cette loi (n° 229, 2004-2005).

Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

9

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 108, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DÉPÔT D'UN avis

M. le président. J'ai reçu de M. Serge Lagauche un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances rectificative pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (n° 105, 2006-2007).

L'avis sera imprimé sous le n° 109 et distribué.

11

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 13 décembre 2006, à quinze heures et le soir :

1. Discussion des conclusions du rapport (n° 104, 2006 2007) de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes de la panne d'électricité du 4 novembre 2006 et sur l'état de la sécurité d'approvisionnement de l'électricité en France dans le cadre des politiques européennes d'ouverture à la concurrence du secteur énergétique (n° 63, 2006 2007), présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Michel Billout, Yves Coquelle, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, M. Gérard Le Cam, Mmes Eliane Assassi, Marie-France Beaufils, M. Robert Bret, Mme Annie David, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, M. Robert Hue, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon-Poinat, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera, Jean François Voguet, François Autain et Pierre Biarnès.

- Avis (n° 97, 2006-2007) présenté par M. Laurent Béteille, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

2. Discussion des conclusions du rapport (n° 103, 2006-2007) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le Groupe EADS, et sur les raisons des retards de production et de livraison du groupe Airbus (n° 66, 2006 2007), présentée par MM. Bertrand Auban, Jean-Pierre Bel, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean-Pierre Plancade, Marc Massion, Jean-Pierre Masseret, Bernard Angels, Mme Nicole Bricq, MM. Michel Charasse, Jean-Pierre Demerliat, Jean Claude Frécon, Claude Haut, François Marc, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Michel Sergent, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Josette Durrieu, MM. Jean-Noël Guérini, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Daniel Percheron, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

- Avis (n° 98, 2006-2007) présenté par M. Laurent Béteille au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

3. Débat sur les énergies renouvelables, la transition énergétique et le Plan Climat : rapport d'information de MM. Claude Belot et Jean-Marc Juilhard fait au nom de la Délégation du Sénat pour l'aménagement du territoire (n° 436, 2005-2006) et question orale avec débat n° 19 de M. Pierre Laffitte sur la transition climatique et le plan climat.

M. Pierre Laffitte rappelle à M. le ministre délégué à l'industrie que la mise en place du Plan Climat est urgente et indispensable. Il s'agit de limiter, en fait de diviser par quatre, les émissions de gaz à effet de serre. Les dérèglements climatiques conduiront à bref délai à des catastrophes d'un coût tel sur le plan financier et humain que des centaines de millions d'êtres humains vont être obligés d'émigrer et que la réparation des dégâts empêchera les investissements nécessaires pour assurer la transition énergétique qu'implique le Plan Climat : capture et séquestration du CO2 des centrales thermiques et industries consommatrices de combustibles fossiles, accélération du développement du nucléaire, des énergies renouvelables de toutes natures, économies d'énergie, isolation massive des bâtiments, réorganisation de l'urbanisme, recherche et mise en place de transports sans émissions polluantes, développement de la chimie verte, urbanisme adapté, etc.

Cela impose une mobilisation des divers services de l'État et des collectivités locales et mérite donc un large débat au Sénat.

Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.

4. Discussion de la question orale avec débat n° 23 de M. Nicolas About à M. le ministre de la santé et des solidarités relative à l'état d'application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

M. Nicolas About demande à M. le ministre de la santé et des solidarités de bien vouloir lui faire connaître l'état d'application de la loi n° 2005 102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il souhaite notamment faire le point sur l'installation des maisons départementales des personnes handicapées, dresser le bilan des premiers mois de versement de la nouvelle prestation de compensation du handicap et connaître les difficultés éventuelles rencontrées, sur les plans réglementaire, financier et pratique, dans la montée en charge de cette prestation. Il s'interroge enfin sur les mesures prises en faveur de l'intégration des personnes handicapées dans la cité, notamment en matière de scolarisation, d'emploi et d'accessibilité.

Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (n° 93, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 décembre 2006, à dix-sept heures.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Projet de loi de finances rectificative pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (n° 105, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 15 décembre 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 15 décembre 2006, à seize heures.

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la fonction publique territoriale (n° 21, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 décembre 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 18 décembre 2006, à seize heures.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation de la fonction publique (n° 440, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 décembre 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 18 décembre 2006, à seize heures.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique (n° 91, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 décembre 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 19 décembre 2006, à onze heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD