sommaire

présidence de M. Adrien Gouteyron

1. Procès-verbal

2. Prolongation d'une mission d'information

3. Loi de finances pour 2007. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Aide publique au développement

Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers

Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux

MM. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

Mmes Hélène Luc, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jacques Pelletier, Robert Hue, Jean-Louis Carrère, Mme Catherine Tasca, MM. Jean Besson, Yves Dauge.

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Roland du Luart

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

Article 34 et état B

Amendements nos II-10 et II-11 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mmes la ministre déléguée, Catherine Tasca, MM. Yves Dauge, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Philippe Marini, Adrien Gouteyron, Jacques Legendre. - Adoption des deux amendements.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Aide publique au développement ».

Adoption des crédits des deux missions « Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers » et « Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux ». 

Adoption de l'article.

Articles 42 et 42 bis. - Adoption

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

MM. Gérard Le Cam, André Lejeune, Daniel Soulage, Paul Girod, Georges Mouly, Mme Évelyne Didier, MM. Bernard Piras, Claude Biwer, Yann Gaillard, Aymeri de Montesquiou, Marcel Rainaud, Michel Doublet, Gérard Delfau, Mme Yolande Boyer, MM. Gérard Bailly, Yvon Collin, Paul Raoult, Mmes Adeline Gousseau, Odette Herviaux, Élisabeth Lamure.

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Guy Fischer

M. Alain Vasselle.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Article 34 et état B

Amendement no  II-9 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Alain Vasselle, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Retrait.

Amendement no  II-8 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Ambroise Dupont, le rapporteur général, Bernard Piras, Paul Raoult, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Adoption.

Amendement no  II-156 rectifié bis de M. Gérard César. - MM. Gérard César, le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption.

M. Bernard Piras.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Adoption des crédits de la mission « Compte d'affectation spécial : Développement agricole et rural ».

Article 41

Amendement no  II-121 rectifié de M. Jacques Blanc. - MM. Jacques Blanc, le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption.

Amendement no II-154 rectifié de M. Gérard César. - MM. Gérard César, le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 41

Amendement no II-229 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial, Alain Vasselle. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 41 bis. - Adoption

Articles additionnels après l'article 41 bis

Amendement no II-76 rectifié ter de M. Yann Gaillard. - MM. Yann Gaillard, le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no II-75 rectifié ter de M. Yann Gaillard. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no II-193 rectifié de M. Gérard César. - MM. Gérard César, le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Sécurité sanitaire

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances ; MM. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Patricia Schillinger, MM. Bernard Barraux, François Autain, Mme Odette Herviaux.

MM. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités ; Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Article 34 et état B

Amendement no  II-44 de M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis. - M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis ; Mme le rapporteur spécial, M. Dominique Bussereau, ministre. - Retrait.

Amendement no II-31 de la commission. - Mme le rapporteur spécial, Xavier Bertrand, ministre. - Rejet.

Adoption des crédits de la mission « Sécurité sanitaire ».

Article 52

Amendement no II-157 de Mme Nicole Bricq. - Mme le rapporteur spécial, M. Dominique Bussereau, ministre. - Retrait.

Amendement no II-64 de M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis. - M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis ; Mme le rapporteur spécial, M. Dominique Bussereau, ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

4. Retrait de l'ordre du jour de questions orales

5. Dépôt d'un rapport

6. Dépôt d'avis

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

prolongation d'une mission D'INFORMATION

M. le président. M. le président du Sénat a été saisi par Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de poursuivre la mission d'information, autorisée par le Sénat le 1er février 2006, portant réflexion sur le fonctionnement du Sénat à la lumière des méthodes de travail des parlements nationaux des pays de l'Union européenne.

Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.

3

Article additionnel après l'article 48 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Deuxième partie

Loi de finances pour 2007

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 34 et état B
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 34 et état B

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 77 et 78).

Aide publique au développement

Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers

Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits relatifs aux missions : « Aide publique au développement » (et articles 42 et 42 bis), compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec un montant prévisionnel de 9,2 milliards d'euros, soit une hausse de 10 % par rapport à 2006, la France respectera pour 2007 l'objectif fixé en 2002 par le Président de la République d'un seuil de 0,5 % du revenu national brut, le RNB, pour notre aide publique au développement.

Ce résultat s'inscrit dans une tendance générale de hausse de l'aide au développement des pays de l'OCDE, qui a atteint près de 107 milliards de dollars en 2005. La France figure de nouveau en très bonne place parmi les pays donateurs - selon les cas, elle se situe au premier ou au deuxième rang - et fait preuve d'initiative et d'imagination dans la recherche de nouveaux moyens de financement pérennes. Les deux nouvelles facilités internationales de financement pour la vaccination - je pense notamment à la taxe sur les billets d'avion - et l'achat de médicaments contribuent ainsi à l'atteinte de certains objectifs du Millénaire pour le développement. Nous ne faisons donc pas que suivre le mouvement. Nous jouons également un rôle moteur, en particulier sur les enjeux déterminants que sont la santé et la lutte contre les pandémies dans les pays pauvres.

Mes chers collègues, comme vous le savez, la mission interministérielle que nous examinons actuellement ne constitue qu'une fraction minoritaire, 43 % en 2007, de l'effort global d'aide publique au développement, ou APD. Une quinzaine d'autres programmes budgétaires représente environ un quart de cette aide publique et le solde se répartit entre les prêts qui ne sont pas budgétairement comptabilisés, l'aide des collectivités territoriales, la quote-part du prélèvement sur recettes au profit du budget européen, qui s'élève tout de même à 900 millions d'euros, et surtout les annulations de dette, qui devraient encore s'élever à plus de 2 milliards d'euros, après avoir atteint 3 milliards d'euros en 2006.

Le nouveau format de la LOLF a permis d'améliorer la présentation et la mesure de l'efficacité de notre aide. Les objectifs des deux programmes de la mission « Aide publique au développement » sont pertinents et paraissent désormais stabilisés. Le nombre d'indicateurs a été opportunément réduit. L'information sur les annulations de dettes, en particulier celles portées par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, a été améliorée. Cela n'empêchera pas une mission de contrôle conjointe du rapporteur spécial des crédits de cette compagnie et de moi-même dans le courant de l'année, comme nous l'avons annoncé avec Paul Girod. Cependant, il y a de réelles marges de progression, que je vais illustrer par quelques points.

Le périmètre de la mission « Aide publique au développement » pourrait encore évoluer. Certaines actions devraient en sortir. C'est le cas de la promotion de la culture française, qui n'est pas spécifiquement de l'aide au développement, et des dotations pour la dépollution et la sécurité nucléaire. Inversement, d'autres pourraient y figurer, notamment la quote-part de subventions aux organismes de recherche. Nous avions d'ailleurs déjà fait cette demande l'année dernière.

Les critères de notification à l'OCDE sont à certains égards opaques et révèlent des logiques différentes selon les bailleurs. Prenons l'exemple de l'écolage et de l'aide aux réfugiés, qui représentent 15 % de notre aide en 2007. C'est donc très important, mais nous n'avons aucune assurance sur le respect réel des conditions de comptabilisation fixées par l'OCDE. En outre, l'information du Parlement est assez sommaire et nous avons l'impression qu'il n'y a pas vraiment de stratégie coordonnée sur ces actions.

Malgré les efforts que vous avez accomplis par rapport à l'an dernier, madame la ministre, le document de politique transversale manque encore de clarté et certaines informations ne figurent plus sur la ventilation de l'aide par instrument.

Les cibles de plusieurs indicateurs de performance paraissent quelque peu artificielles et atteintes trop tôt.

Si l'esprit de la LOLF souffle avec vigueur à Paris, on constate qu'il souffle un peu moins fort dans les postes. Mon collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la mission « Action extérieur de l'État », et moi-même l'avons observé sur place. Cela prendra sans doute un peu de temps, mais il est indispensable d'impliquer fortement le réseau dans la démarche de performance.

L'évolution et l'effort de l'APD française comportent également des ambiguïtés. L'aide multilatérale, que l'on ne voit pas, car elle est noyée dans un « magma » international, devrait fortement progresser en 2007, à hauteur de 35 %. Dans le même temps, l'aide bilatérale, qui est visible, car elle permet de pointer les actions et les réalisations de la France, serait stable. Les annulations de dette, l'écolage et l'aide aux réfugiés, qui représentent la moitié de l'aide en 2006 et sont comptabilisées ex post, sont aujourd'hui des variables commodes pour afficher une hausse de notre aide.

Pourtant, si elles coûtent aux contribuables, de telles actions ne concourent pas directement au développement. En outre, la comptabilisation complexe de beaucoup de catégories d'aides en France et à l'étranger nourrit des doutes sur la fiabilité des chiffres retenus par le Comité d'aide au développement, le CAD. Les chiffres de l'APD font donc encore un peu figure de « boîte noire ».

Mes chers collègues, nous pouvons rencontrer de réelles difficultés pour respecter l'objectif de 0,7 % du revenu national brut en 2012, objectif fixé par le Président de la République en même temps que les 0,5 % de 2007, car les volets bilatéraux et multilatéraux des annulations de dette diminueront à partir de 2008. Ces annulations sont aujourd'hui très concentrées sur certains pays, tels que l'Irak, le Cameroun, la République démocratique du Congo et le Nigeria en 2006.

C'est en particulier pour cette raison que la commission des finances vous proposera en fin de débat un amendement ayant pour objet de mieux garantir la pérennité sur le long terme de l'aide-projet bilatérale, qui est l'aide visible.

S'agissant de la sincérité du budget, les justifications au premier euro sont plus précises que l'année dernière, en particulier sur le programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Mais les hypothèses relatives à l'aide-projet de l'Agence française de développement, l'AFD, souffrent encore d'incohérences. En outre, les modalités de financement de la facilité internationale de financement pour la vaccination, ou IFFIm, après 2007 sont peu claires ; je pense notamment à la taxe sur les billets d'avions. L'incertitude prévaut sur les modalités de financement des rémunérations des assistants techniques transférés à l'AFD et, surtout, la bonne rentabilité de cette agence permet de compenser l'insuffisance des dotations budgétaires. C'est particulièrement vrai pour les contrats de désendettement-développement, les C2D, dont le financement en 2006 a été problématique, notamment pendant l'été. Mme la ministre le sait d'ailleurs fort bien. En 2007, ces contrats ne seront financés qu'à hauteur de 8 % par des crédits budgétaires, ce qui semble traduire la persistance de l'erreur déjà commise en 2006.

À ce sujet, ma mission au Mozambique au mois de juillet dernier me conduit à m'interroger quelque peu sur l'efficacité et la fiabilité des C2D. L'outil est original et assure une certaine visibilité. Mais la procédure est complexe, l'appropriation par les acteurs locaux insuffisante et l'effet sur le développement inégal. On peut craindre dans certains cas un effet d'éviction sur les canaux plus traditionnels et visibles de l'aide. Dès lors, est-il prévu de réformer et de simplifier ce dispositif, sur lequel nous n'avons aucune véritable garantie du bon emploi des fonds, conformément au contrat, comme je l'ai relevé à Madagascar sans malheureusement pouvoir en dire plus ?

Au-delà des aspects quantitatifs, il faut mettre au crédit de votre ministère, madame la ministre, un réel effort en matière de stratégie, de formalisation des objectifs et de réforme des opérateurs. C'est indispensable compte tenu de la multiplicité de nos intervenants, multiplicité que l'OCDE a d'ailleurs critiquée. De même que la commission des finances craignait une excessive « agencisation » de l'État, il nous faut veiller à ce que le ministère chef de file de l'APD garde la pleine maîtrise de sa politique et de ses moyens.

Néanmoins la direction générale de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères, la DGCID, s'est réorganisée. Les recommandations de la Cour des comptes et de la commission des finances sur l'octroi et le suivi des subventions aux ONG ont été largement entendues. Des conventions d'objectifs et de moyens ont été signées ou sont en cours avec les principaux opérateurs, notamment l'AFD, CulturesFrance, l'Association française des volontaires de progrès, ou AFVP, Égide, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, ou CIRAD, et l'Institut de recherche pour le développement, ou IRD. Mais il faut aller plus loin, ce qui m'amène à formuler trois observations.

D'abord, la fusion de certains opérateurs doit absolument susciter des gains de productivité, aussitôt traduits dans les montants des subventions. L'amendement de la commission des finances sur la subvention à CulturesFrance illustre cette préoccupation.

Ensuite, malgré le renforcement de France coopération internationale, ou FCI, les opérateurs de l'assistance technique sont encore beaucoup trop dispersés et les effectifs ne doivent plus diminuer. Pour l'heure, FCI joue un rôle insuffisamment transversal et il faut franchir un nouveau palier dans la lisibilité, la simplification et la compétitivité de notre dispositif, faute de quoi nous serons de moins en moins crédibles sur les marchés internationaux de coopération administrative et notre influence locale en pâtira. Vous trouverez d'ailleurs dans mon rapport la proportion des Français encore affectés dans les grandes organisations internationales. Malheureusement, depuis plusieurs années, notre place a fortement tendance à diminuer, non pas parce que nous ne serions pas bons ou compétents, mais parce que l'administration est souvent incapable de présenter dans les délais requis des candidats hautement qualifiés, en dehors des assistants de coopération, qui soulèvent un autre problème.

Enfin, l'AFD entend respecter l'objectif de consacrer les trois quarts de ses dons à l'Afrique subsaharienne. Mais son activité globale, rentabilisée par les prêts, se diversifie dans les pays émergents - on la trouve à présent en Chine, en Inde, au Brésil, en Indonésie ou en Turquie - et dans les biens publics mondiaux. Ce concept est séduisant, mais flou. La vocation de l'Agence n'est pas d'entrer quasiment en concurrence avec les bailleurs privés dans des pays où l'épargne abonde. L'Agence française de développement acquiert une visibilité de plus en plus forte parmi les bailleurs internationaux, mais l'engagement dans les pays émergents doit être plus prudent et plus sélectif.

Pour conclure, je souhaite vous faire partager une conviction. Respecter nos engagements chiffrés, en particulier ceux pris par le Président de la République en 2002 pour redresser une situation très dégradée, ne nous dispense pas de rechercher constamment l'efficacité de notre aide, comme celle de notre dispositif. Cela exige notamment de hiérarchiser plutôt que de collectionner les priorités, de simplifier nos structures, de nous montrer fermes sur l'appropriation et l'utilisation de l'aide par les acteurs locaux et d'afficher clairement et sans honte les apports français.

Nous devons également veiller à ce que l'action culturelle soit véritablement utile à la France et se déroule principalement à l'étranger plutôt que sur notre territoire, et que les crédits ne soient pas partiellement utilisés pour traduire des livres français en langue anglaise.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et cela recommence !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Cela ne me paraît pas le meilleur moyen de diffuser la francophonie.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il faut également harmoniser sur place l'aide entre bailleurs, soutenir l'aide-projet et promouvoir les solutions structurantes et l'effet de levier sur les bailleurs privés, par exemple, par la microfinance et les emprunts obligataires de l'IFFIm, c'est-à-dire la facilité internationale de financement pour les vaccinations.

Il ne faut pas s'en remettre trop aveuglement aux mirages, comme le bénévolat international et les ONG, qui ne sont pas toujours respectueuses de l'argent public et qui agissent parfois avec des arrière-pensées totalement contraires à notre politique et aux intérêts de notre pays. Je plaide d'ailleurs de longue date pour que l'on supprime toute aide aux ONG qui critiquent ouvertement la France à l'étranger. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'exclame.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de cette mission et des deux comptes de concours financiers qui lui sont liés, ainsi que les deux articles rattachés et, naturellement, les amendements qu'elle a déposés. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le combat pour la langue française et la francophonie est un engagement essentiel. Il est au coeur du grand débat fondamental pour la sauvegarde de la diversité culturelle dans un monde qui se resserre et pour un dialogue des cultures, qui est le meilleur antidote aux tentations communautaristes et au repli sur soi. Il est également un élément de la présence de la France dans le monde.

Je me réjouis donc que le débat budgétaire nous fournisse chaque année l'occasion d'évoquer ce combat, même si je m'étonne que, par un caprice de l'architecture de la LOLF, ce soit à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Notre contribution statutaire à l'Organisation internationale de la francophonie, l'OIF, atteint 12 millions d'euros et notre participation au Fonds multilatéral unique est reconduite, comme vous l'avez confirmé en commission, madame la ministre, à 55 millions d'euros, ce qui permet le financement de quatre des cinq opérateurs de la francophonie. Ce niveau est globalement satisfaisant, à deux réserves près.

Tout d'abord, le budget ne consacre que 9,2 millions d'euros au financement de bourses de mobilité, alors que, conformément au plan de relance de Beyrouth, elles bénéficiaient jusqu'alors de 10 millions d'euros. Envisagez-vous, madame la ministre, de compléter cette enveloppe en procédant par redéploiements ?

Ensuite, la mise en réserve de 5 % des crédits est, je le sais, une règle systématique. Mais, faut-il aussi l'appliquer aux contributions que la France s'est engagée, sur le plan international, à verser dans leur intégralité ? Le respect de la parole de la France ne mérite-t-il pas une exception à cette sacro-sainte règle budgétaire ?

J'évoquerai maintenant la subvention accordée à TV 5, le cinquième opérateur de la francophonie, même si elle est rattachée à une autre mission, la mission « Médias ». La hausse de ses crédits à hauteur de 4,4 % paraît modeste au regard de l'ambitieux programme de développement qui lui est assigné pour les années 2006-2009.

Nous ne devons pas ménager nos efforts pour défendre la place que TV 5 a su conquérir dans le monde très concurrentiel de l'audiovisuel international grâce au soutien prééminent de la France. Les vicissitudes qui ont marqué, il y a peu, la diffusion de TV 5 en Roumanie, pays de tradition francophone et qui vient d'accueillir le sommet de la francophonie, témoignent des menaces auxquelles la chaîne doit faire face pour conforter sa diffusion.

À l'occasion du sommet de Bucarest, que je viens d'évoquer, de nouveaux membres se sont joints à l'OIF. Je ne méconnais pas l'intérêt politique que représente un élargissement de la francophonie à de nouveaux États, notamment européens, mais j'estime que celui-ci ne doit pas se payer au prix d'une dilution de l'engagement pour la langue française, qui rabaisserait l'OIF à une simple « ONU du pauvre ». Il faut donner une définition plus précise des droits et des obligations attachés aux différentes situations statutaires - celle d'observateur de membre associé ou de membre à part entière - et veiller à leur strict respect.

Deux accords internationaux me paraissent incarner les forces et les faiblesses de notre combat pour la diversité linguistique. L'adoption de la convention de l'UNESCO, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, sur la diversité culturelle par 148 voix contre 2 est un incontestable succès. Pourriez-vous nous donner, madame la ministre, des précisions sur sa ratification par la France et par l'Union européenne, ainsi que sur son entrée en vigueur, qui sont, semble-t-il, l'une et l'autre imminentes ?

J'ai toujours à l'esprit, madame la ministre, la déclaration du président Georges Pompidou qui affirmait : « Si nous reculons sur notre langue, nous serons emportés purement et simplement. » N'oublions pas ses paroles, car la réforme du protocole de Londres sur le brevet européen me semble constituer une régression préoccupante.

Je me suis alarmé, à plusieurs reprises déjà, à propos des inconvénients d'un tel texte, car des titres juridiques partiellement rédigés dans une langue étrangère pourraient créer, en France, des obligations. En le ratifiant, nous donnerions, sur le plan international, un signal contradictoire avec notre engagement en faveur du multilinguisme. Je souhaite que le Gouvernement se préoccupe de cette question.

S'agissant de la défense de la langue française en France, je souhaite rappeler que le Sénat a adopté, le 10 novembre 2005, à l'unanimité, une proposition de loi d'origine sénatoriale visant à actualiser la loi Toubon, notamment dans le domaine des relations du travail.

Nous percevons aujourd'hui, mieux qu'en 1994, à quel point l'entreprise et le monde du travail constituent un enjeu essentiel pour la préservation du rôle du français. La récente fusion entre Alcatel et Lucent, annoncée à Paris, en anglais, fournit une nouvelle illustration du préjugé exprimé par certaines élites, selon lequel un groupe international s'exprimerait nécessairement et uniquement en anglais, même si le plus important des protagonistes est Français et si ses représentants sont majoritaires dans le nouveau conseil d'administration. Il n'existe pas de langue de l'entreprise ; il y a une langue des salariés de l'entreprise, une langue des dirigeants de l'entreprise et une langue des clients de l'entreprise.

J'invite donc le Gouvernement à inscrire, sans tarder, la discussion de cette proposition de loi à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.

Au bénéfice de ces observations, la commission des affaires culturelles vous propose d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement », tout particulièrement ceux de la francophonie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'a rappelé notre collègue Michel Charasse, le Président de la République a pris, il y a cinq ans, l'engagement de porter l'effort de la France en faveur du développement à 0,5 % de la richesse nationale.

En 2007, cet engagement est tenu, notre pays devrait consacrer plus de 9 milliards d'euros aux pays les plus pauvres, alors que, en 2002, le montant total de notre aide était de 5,8 milliards d'euros.

La commission des affaires étrangères se félicite du respect de cette parole donnée, qui correspond à l'importance du rôle que notre pays entend jouer sur la scène internationale pour une mondialisation mieux équilibrée.

Notre commission se félicite également de ce que cette politique spécifique fasse l'objet d'une mission interministérielle dont les crédits sont plus lisibles et assortis de vrais objectifs de performance. Elle souhaite que cette lisibilité soit renforcée en matière de politique culturelle, afin de ne conserver sur les crédits de la mission que ceux qui relèvent prioritairement du développement. Elle voudrait donc une unification des subventions accordées aux opérateurs culturels sur une même mission et non un éparpillement de cette aide, comme nous le constatons trop souvent.

À l'heure des premiers bilans sur les objectifs du Millénaire pour le développement, nous savons bien qu'ils ne seront pas tous atteints à l'échéance fixée. Il s'agit non pas de céder au découragement, mais de redoubler d'efforts, notamment en Afrique où sont concentrés les pays les plus pauvres et les difficultés les plus nombreuses.

J'insiste une nouvelle fois sur le fait qu'il faut déterminer une zone de solidarité plus resserrée, réellement prioritaire, dans laquelle notre pays engagerait sa responsabilité sur des objectifs clairs en partenariat avec des pays moins nombreux, mais qui seraient toutefois assurés d'un soutien à la fois massif et durable.

La commission des affaires étrangères a exprimé son inquiétude quant à l'évolution des autorisations d'engagement au titre de l'aide bilatérale. Cette forme d'aide, malmenée par la réforme de la coopération, semblait de nouveau promise à un bel avenir. Nous y insistons très fortement, elle doit non plus être la variable d'ajustement de nos engagements multilatéraux, mais elle doit être préservée et confortée dans ce qu'elle a d'exemplaire. Si nous souhaitons notamment une véritable Agence française de développement, donnons-lui les moyens d'intervenir sur dons, grâce à des dotations plus substantielles. Sinon, elle sera contrainte de ne développer que ses activités sur prêts dans des pays plus solvables.

Par ailleurs, j'observe avec satisfaction que l'assistance technique qui semblait vouée à la disparition revient en grâce, non pas tant dans les effectifs qui continuent, malheureusement, de décroître, mais au moins dans le débat. La nécessité d'avoir une présence sur le terrain, notamment dans le secteur de la santé, semble enfin de nouveau reconnue, mais il reste à traduire cette orientation dans les faits.

Ne cédons surtout pas à la tentation du chèque. C'est facile de faire un chèque ou de donner simplement des médicaments coûteux ! Mais, dans certains cas, s'en tenir là est presque une mauvaise action.

À cet égard, je prendrai l'exemple du sida. La mise des populations sous antirétroviraux nécessite un accompagnement de longue durée, car l'interruption des traitements est plus dommageable encore que leur absence et favorise des formes résistantes du virus. Il est donc nécessaire d'avoir sur place des médecins compétents pour administrer le traitement, mais il est presque plus important encore de former des infirmières pour assurer le suivi régulier des malades, et ce pour des durées malheureusement presque indéterminées. Nous ne devons surtout pas donner des médicaments, administrer un premier traitement et partir la conscience tranquille.

Enfin, j'exprimerai un motif de grande satisfaction en tant qu'élue par les Français de l'étranger : la levée enfin du tabou sur le règlement de la situation des retraités des caisses africaines.

Je salue votre engagement personnel et votre détermination pour faire progresser ce dossier, madame la ministre, et vous en remercie profondément, car il est primordial, pour beaucoup de nos compatriotes, que ce grave problème soit enfin réglé. Devant l'urgence, si des blocages persistent, je souhaite que nous allions, si nécessaire, jusqu'au précompte immédiat sur l'aide au développement.

La France tient sa parole à l'égard de nos amis africains ; il importe que, dans une relation confiante et équilibrée, ses partenaires tiennent la leur envers ses ressortissants.

Voilà, très rapidement, les principales observations formulées par la commission des affaires étrangères sur les crédits de la mission interministérielle « Aide publique au développement », sur lesquels elle a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 10 minutes ;

Groupe socialiste, 23 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'aide publique au développement est un grand problème posé à notre société et au monde. Beaucoup de choses en dépendent, comme la vie ou la survie des gens, l'équilibre des sociétés ou encore la paix dans le monde.

Nos compatriotes ont d'ailleurs pris la mesure de la gravité de cette question, puisque de récents sondages ont montré que 61 % d'entre eux ont considéré que cette aide devait se poursuivre, bien que la situation économique et sociale de notre pays soit difficile. En outre, 83 % d'entre eux pensent aussi que notre pays joue un rôle utile et important dans ce domaine.

L'aide publique au développement est donc une priorité affichée de la communauté internationale et de notre pays. Nous nous sommes tous fixés des objectifs ambitieux puisque les pays riches doivent y consacrer 0,7 % de leur revenu national brut et que les objectifs du Millénaire pour le développement visaient à réduire la pauvreté d'ici à 2015.

Le Président de la République s'est engagé devant les Français à ce que l'APD atteigne 0,5 % du revenu national brut d'ici à 2007 et 0,7 % en 2012, pour atteindre l'objectif fixé par l'ONU. Toutefois, nous savons bien que cela ne suffira pas à régler les problèmes les plus cruciaux.

Avec 9 milliards d'euros pour 2007, les crédits de cette mission traduisent incontestablement un effort important, que je reconnais bien volontiers, puisque notre contribution sera passée en cinq ans de 0,3 % à 0,5 % de notre richesse nationale, ce qui nous permettra de tendre vers l'objectif des 0,7 %.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. C'est un progrès !

Mme Hélène Luc. Certes, mais ce n'est tout de même pas suffisant !

Selon l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, nous sommes également en tête de l'Union européenne pour ce qui concerne le volume de notre aide, ainsi que du G 8, en pourcentage de la richesse nationale.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Exactement !

Mme Hélène Luc. Dans le même temps, nous sommes mal classés, s'agissant de nos contributions aux organismes spécialisés de l'ONU.

Nous sommes, par exemple, au onzième rang concernant le Programme des Nations unies pour le développement, au treizième pour le Programme alimentaire mondial, au quinzième pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, au douzième pour l'UNICEF, ainsi que pour l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, et surtout au dix-neuvième rang pour ONUSIDA, bien que notre contribution ait doublé.

Je sais bien qu'il s'agit là de l'éternel problème que pose l'équilibre entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale, mais ces classements ne sont tout de même pas très glorieux pour notre pays.

Cela étant, face à l'ampleur et à la gravité des problèmes, les moyens que la communauté internationale et nous-mêmes mettons en oeuvre sont-ils suffisants ?

Je ne le crois pas. Ils sont bien insuffisants pour sortir certains peuples de la pauvreté, des pandémies et de la malnutrition, ainsi que pour les aider à se développer économiquement et socialement.

Cette insuffisance saute aux yeux lorsque l'on sait que le sida tue 3 millions d'hommes et de femmes chaque année et que la faim fait 854 millions de victimes à travers le monde.

En outre, la ventilation sectorielle des crédits de cette mission entre les différents programmes peut être discutable, ainsi que la réalité même de la progression que vous affichez dans votre budget, madame la ministre.

Au sein des objectifs du Millénaire pour le développement, je regrette, par exemple, le manque d'information sur le volume de notre aide dans les grands secteurs consacrés aux programmes de santé, d'éducation ou d'accès à l'eau et à l'énergie.

Si vos crédits de paiement augmentent de 4,7 % pour atteindre 3,12 milliards d'euros, je note, en revanche, que les autorisations d'engagement diminuent d'un tiers, ce qui est inquiétant pour l'avenir.

Sur les deux programmes qui composent votre mission, l'augmentation des crédits du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » est due, pour une bonne part, aux 75 millions d'euros de la contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. L'aide sanitaire est évidemment une bonne chose, encore faut-il être conscient qu'une grande partie de celle-ci ne doit rien à un effort du Gouvernement, puisqu'elle est financée par les passagers des compagnies aériennes désormais assujettis à une taxe sur les billets d'avion. Nous avions d'ailleurs voté en faveur de cette mesure.

C'est pourquoi il serait nécessaire que notre pays augmente de façon plus importante son aide bilatérale en matière de santé, suivant en cela les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, qui préconise d'y consacrer 50 % de l'aide publique sanitaire.

Enfin, les deux programmes de votre mission incluent des subventions à l'Agence française de développement. Bien que celle-ci ait été désignée comme opérateur pilote de l'aide publique au développement, nous savons qu'elle sera victime de restrictions budgétaires en 2007. Puisque la baisse des crédits de paiement pour les subventions-projets, les bonifications de prêts et l'indemnisation des annulations de dettes devra être compensée par des prélèvements sur les résultats de l'Agence, nous pouvons douter, à juste titre, que ceux-ci suffisent à pallier l'insuffisance des crédits.

C'est pour cet ensemble de raisons que le groupe communiste républicain et citoyen votera contre les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « les mauvais signaux donnés par une planification imposée d'en haut peuvent être remplacés par la responsabilité personnelle des assistants techniques et par une évaluation indépendante des crédits d'aide qui inciteront à rechercher ce qui marche sur le terrain, selon le lieu et l'époque ».

C'est en ces termes que William Easterly, chercheur à la New York University, critiquait la planification du développement en vogue aujourd'hui, lors du séminaire de l'Agence française de développement de décembre 2005. Sa condamnation d'une aide publique mondiale planifiée comme aux temps du Gosplan me renforce dans mon scepticisme sur l'évaluation de l'aide que nous pouvons apporter au développement d'autrui.

Elle me renforce aussi dans mon rejet de certains détournements du concept d'aide au développement et des mensonges statistiques internationaux auxquels la France apporte sa contribution.

Je répète inlassablement tous les ans, et je crois que je ne cesserai pas, que le progrès culturel, social et économique d'une société surgit du coeur de son peuple, grâce à des entrepreneurs et des intellectuels dynamiques, liés à leur société par ce que nous appelons - dans le cadre de l'État nation - le patriotisme et grâce à l'action de leaders visionnaires. Le développement trouve sa source dans une telle convergence. La Corée du Sud, l'île Maurice et la Tunisie ont utilisé l'aide internationale, plus ou moins généreuse, mais celle-ci n'a été qu'un adjuvant, apporté par des coopérants qui se sentaient personnellement responsables des résultats obtenus.

Nous constatons que la France a opté, depuis une dizaine d'années, pour la participation au système multilatéral d'aide. Le transfert de l'essentiel des actions bilatérales à l'AFD achève cette évolution qui était probablement inévitable et qui, dans certains cas, renforce notre action, surtout face aux pandémies.

De grâce, soyons bien conscients que le rationalisme du système multilatéral est un habillage plus qu'une réalité et qu'il trouve sa limite face au réel.

La lutte victorieuse contre la pauvreté relève, en réalité, d'un travail de fourmi au service de groupes sociaux - les femmes par exemple - qui veulent s'en sortir eux-mêmes, et non de la planification, fût-elle mondiale. Je rejoins sur ce point le rapporteur spécial, Michel Charasse : la planification mondiale n'est ni mesurable, ni contrôlable ; bien qu'indispensable, elle est source de problèmes.

Rappelons aussi que les plus grands ennemis du développement, en Afrique aujourd'hui, sont les gouvernements prédateurs qui servent les intérêts patrimoniaux d'un clan au pouvoir, se perpétuant désormais par filiation, et les intérêts des pays développés et émergents, tels que la Chine, en quête de matières premières. En réalité, ces gouvernements servent nos intérêts. Cessons donc de dire que nos intérêts sont communs avec ceux des pays pauvres, c'est souvent faux !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ils sont communs avec ceux des peuples !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Dans cette perspective, je m'élèverai contre le détournement du concept de codéveloppement.

Le codéveloppement, madame la ministre, était et reste, de mon point de vue, la participation des migrants au progrès de leur pays d'origine, comme on peut le constater dans la région de Kayes : c'est grâce à l'aide des migrants qu'on a construit des dispensaires, des écoles, et développé l'adduction d'eau. Ce ne sont ni l'État central malien, ni l'aide publique au développement qui ont contribué à la modernisation sociale et au développement économique de cette région, mais les migrants, grâce à leurs transferts financiers et leurs associations.

Dire maintenant, comme vous l'avez fait, madame la ministre, plus ou moins ouvertement, que le codéveloppement consiste à prendre en compte la question migratoire dans les documents-cadres de partenariat et considérer comme de l'aide au développement des projets tels que l'organisation de l'état civil ou le soutien aux forces de sécurité, c'est détourner le concept en fonction de nos propres intérêts. Ces actions servent à faciliter la réadmission des migrants dans leur pays. Elles sont nécessaires, mais seulement du point de vue du ministère de l'intérieur, et ne relèvent pas de la lutte prioritaire contre la pauvreté.

Nous le disons tous, cette migration est une tragédie à la fois pour ceux qui perdent la vie en traversant le Sahara et l'Atlantique et pour les sociétés d'origine qui perdent leur jeunesse. Nul n'empêchera les Africains de vouloir cette migration, parce qu'ils constatent que l'amélioration de leur vie quotidienne résulte plus des apports des migrants que de l'aide publique internationale. Dans ce domaine, et c'est un de mes points de désaccord avec M. le rapporteur spécial, ce sont les ONG qui apportent l'aide technique la plus appropriée.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Quelle naïveté !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les ONG voient leurs crédits augmenter, mais elles s'inquiètent pour l'avenir compte tenu du montant très faible des autorisations d'engagement. Que leur répondez-vous sur ce point, madame la ministre ?

Cette question m'amène à m'élever contre le mensonge statistique auquel la France recourt, avec les autres pays de l'OCDE, pour gonfler artificiellement le montant et la progression de son APD. Les dettes qu'on annule actuellement, dont celles qui sont dues à la COFACE, n'auraient de toute façon pas été payées.

Si les allégements des dettes irakienne, nigériane et autres étaient honnêtement comptabilisés à 10 % de leur valeur nominale, car c'est ce qu'elles valent, quel montant d'aide publique au développement afficherions-nous ?

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Mais c'est bien le contribuable français qui paie !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et pourriez-vous me dire comment le coût d'accueil des étudiants étrangers dans les universités françaises a été calculé ? Comment a-t-il pu passer de 365 millions d'euros en 2000 à 930 millions d'euros en 2005, alors que le nombre des étudiants en provenance des pays pauvres croît très peu depuis 2002 ?

La location, pour trente millions d'euros de la base militaire de Djibouti relève-t-elle de l'APD ? Les prêts concessionnels de l'AFD aux pays émergents sont-ils à bon droit comptabilisables en APD ? Je passe sur bien des interrogations que suscitent les « bourrages » de l'enveloppe.

Au lieu de gonfler artificiellement l'APD, et pour assurer le succès du pari des 0,7 % du PNB, les autorisations d'engagement doivent augmenter. Or, contrairement à ce que vous avez dit en commission, madame la ministre, elles cessent de progresser. Dans le projet de loi de finances pour 2007, elles s'élèvent à 3 973 millions d'euros contre 5 310 millions en 2006.

Ce budget présente donc une APD artificiellement gonflée par la comptabilisation d'annulations de dettes et l'intégration d'actions qui ne relèvent pas de l'aide au développement. Il ne prépare pas une véritable croissance de l'APD dans les années à venir. C'est pour cette raison que le groupe socialiste ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.

M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons entendu beaucoup de chiffres à propos des crédits de la mission « Aide publique au développement » que nous examinons.

Madame la ministre, je développerai dans un premier temps les réflexions qu'ils m'inspirent avant de vous parler des retraites, comme ma collègue Paulette Brisepierre, dont j'appuie totalement la démarche.

L'engagement pris par le Président de la République est donc en voie d'être tenu, puisque nous y répondons avec 0,5 % du revenu national brut consacré à l'aide publique au développement, soit 9,2 milliards d'euros. Il faut préciser et rappeler que ce montant ne prend pas en compte la contribution de solidarité sur les billets d'avion que nous avons votée l'année dernière. Cette initiative française a déjà été suivie par quarante-cinq pays ! À l'époque, certains pensaient que nous serions bien seuls.

Avec ce budget, la France est le premier pays de l'Union européenne par le volume de son aide au développement et le premier pays du G8 par le pourcentage du PNB consacré à cette aide. C'est donc un effort sans précédent.

Mais nous devons être lucides : en matière d'aide au développement, il est peut-être temps de changer d'échelle. Nous savons tous qu'il faudra doubler d'ici à 2050 le montant des aides à l'Afrique, par exemple, et porter notre aide au développement à 0,7 % du PNB en 2012.

Madame la ministre, la France devrait fixer avec les pays destinataires des objectifs plus précis dans les domaines prioritaires - la santé et l'éducation, bien sûr - mais aussi développer une action inscrite dans la durée et plus rapide dans son évolution. Il faudrait aussi que le dialogue et la concertation avec ces pays soient encouragés. La clé du développement est dans les mains des Africains eux-mêmes : nous serons d'autant plus efficaces que nous serons capables d'adapter nos solutions aux situations locales, en nous inspirant de ce qui réussit et en améliorant ce qui ne fonctionne pas.

Une solution d'avenir consisterait à permettre, par exemple, aux banques privées de financer les initiatives économiques des plus pauvres, leur accès au logement, à la santé ou à l'éducation.

Associer le secteur privé à notre politique de coopération serait aussi une bonne solution même s'il en existe d'autres. Nous savons que l'effort des États ne suffira pas à lui seul et qu'il nous faut, dès aujourd'hui, mettre en place de nouvelles sources de financement. La France l'a fait, pour les moyens de lutte contre le sida, la tuberculose, le paludisme, en lançant cette taxe sur les billets d'avion, sous l'impulsion du Président de la République.

Dans le domaine de l'aide au développement, l'Europe a aussi son rôle à jouer et doit augmenter ses ressources. À nous d'inciter nos partenaires européens à le faire !

L'Afrique a besoin de stabilité et de sécurité pour relever tous ses défis particuliers et pour trouver sa place dans la mondialisation. L'aide au développement va dans ce sens. Une Afrique non développée, c'est l'immigration assurée, avec les conséquences que nous connaissons, en Europe et dans notre pays. Elles ne feront que s'aggraver tant que des gens seront prêts à perdre leur vie pour fuir l'Afrique dans l'espoir d'une vie meilleure. Je rappelle que, d'ici à 2050, la population de l'Afrique doublera et que celle de l'Europe diminuera de 10 %.

Madame la ministre, si je constate avec satisfaction que l'Afrique reste la priorité de la France avec les deux tiers de son aide bilatérale, je souhaiterais néanmoins rappeler que certains de nos partenaires africains ne respectent pas les accords bilatéraux, en particulier les conventions de sécurité sociale. Je souhaite, sur ce point, appuyer les propos de ma collègue Paulette Brisepierre.

L'année dernière, madame la ministre, j'avais tiré la sonnette d'alarme sur la situation de nos compatriotes retraités d'Afrique qui ont travaillé et cotisé pendant vingt ou trente ans mais ne perçoivent plus, depuis des années, leurs pensions des caisses locales de sécurité sociale.

Je tiens à témoigner devant la Haute Assemblée que mon appel n'est pas resté sans réponse. Vous avez pris personnellement ce dossier en main, madame la ministre, avec succès, puisqu'une nette évolution est observable dans les trois pays où les difficultés sont les plus importantes : le Cameroun, le Gabon, et le Congo.

Au Cameroun, plus de la moitié des dossiers ont déjà été mis en paiement, les autres devant être complétés.

S'agissant du Gabon, je sais qu'une commission mixte de sécurité sociale devrait se réunir à Paris, les 20 et 21 décembre 2006, mais qu'un premier examen des dossiers doit avoir lieu auparavant avec les autorités gabonaises. Seriez-vous en mesure de nous donner des précisions à ce sujet ?

En ce qui concerne le Congo, vous avez lancé un appel d'offres pour la réalisation d'un audit sur place par un prestataire de services privé, afin de vérifier au cas par cas les dossiers de nos ressortissants. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quel prestataire a été retenu et à quelle date il commencera sa mission ? En outre, le processus sera-t-il mis en oeuvre en concertation avec les associations de retraités concernées ?

Si je pose ces questions, c'est parce que nos compatriotes qui attendent le versement de ces pensions depuis des années sont inquiets. De jour en jour, leurs revenus diminuent, et ils sont bien sûr très préoccupés par cette situation. Nous espérons très vivement que, grâce à votre action, les arriérés de pensions pourront enfin être versés aux bénéficiaires dans le courant de l'année 2007 et que tous les dossiers pourront être apurés.

Il n'en reste pas moins que le non-respect des conventions bilatérales de sécurité sociale par plusieurs États africains doit pousser le ministère des affaires étrangères dans la voie d'une renégociation de ces accords. Pouvez-vous nous dire si une telle démarche est en cours ou prévue ?

Par ailleurs, s'il est clair que l'aide publique au développement est un élément indispensable de la croissance des pays bénéficiaires, elle est aussi un outil nécessaire aux équilibres internationaux et à la gouvernance mondiale. Il faut que l'Afrique trouve sa place dans la mondialisation, que ce soit dans le commerce international ou dans les institutions financières internationales - à cet égard, on est peut-être sur la bonne voie grâce aux actions gratuites qui seront développées par la Banque mondiale -, tout en maîtrisant ses ressources et en luttant pour le développement durable. C'est son intérêt, mais aussi celui de la France, mes chers collègues.

La France doit être aux côtés de l'Afrique, en particulier grâce à l'aide publique au développement. Sur ce point, madame la ministre, comment voyez-vous l'évolution de notre coopération à moyen terme ?

En conclusion, c'est avec conviction que je voterai les crédits de la mission « Aide publique au développement », qui respectent nos objectifs et préservent les intérêts des différents partenaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en matière d'aide publique au développement, le projet de loi de finances pour 2007 vise à atteindre l'objectif intermédiaire, annoncé voilà quelques années par le Président de la République, de 0,5 % du PIB consacré à l'aide publique au développement, le but final étant de parvenir à 0,7 % en 2012. Les promesses sont donc tenues, ce dont je me félicite, madame la ministre.

Dans cette perspective, quelques interrogations portent sur le caractère plus ou moins artificiel de la comptabilisation des dépenses d'aide - annulations de dettes, écolage et aide aux réfugiés représentent 3,3 milliards d'euros, soit plus d'un tiers des crédits, ce qui est tout de même énorme -, sur la place réduite de l'aide bilatérale et sur l'absence de lisibilité de l'effort de la France qui en résulte.

Les documents budgétaires comprennent de multiples informations sur les crédits destinés à l'aide publique au développement pour l'année 2007, cela dans un grand souci de transparence et d'explication, que je salue.

La présentation du projet de budget au format LOLF constitue, à cet égard, un incontestable progrès. Cela étant souligné, on peut toutefois s'interroger sur la stratégie d'aide publique au développement de la France.

Y a-t-il un cadrage de la politique française d'aide publique au développement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Bien évidemment !

M. Jacques Pelletier. Sans doute pas à moyen terme : du reste, la loi de finances est, par définition, un document annuel.

Néanmoins, dès lors qu'un objectif à moyen terme est fixé, il serait approprié de présenter le projet de budget dans cette perspective, en précisant selon quelles modalités cet objectif sera atteint.

Ainsi, comment parviendra-t-on à atteindre l'objectif de 0,7 % du PIB consacré à l'aide publique au développement en 2012 ?

Mme Catherine Tasca. On n'y parviendra pas !

M. Jacques Pelletier. Quels ajustements seront nécessaires entre les quatre grandes masses de l'APD que sont l'aide multilatérale, l'action européenne, les annulations de dettes et l'aide bilatérale ?

La réponse à ces questions révèle des enjeux importants.

Ces dernières années, les grandes masses de l'APD ont évolué, la part de l'aide bilatérale pouvant être affectée à de véritables actions de développement variant de 20 % à 30 % du total. Un tel montant est évidemment peu élevé, d'autant qu'il est réparti entre plusieurs opérateurs : ministère des affaires étrangères, ministère des finances, Agence française de développement. L'effet de levier dont peut bénéficier l'influence française s'en trouve réduit, à l'égard tant des pays en développement que de nos partenaires dans un cadre bilatéral, multilatéral ou européen.

Il y a donc là un enjeu au regard de la préservation et du renforcement de l'outil de coopération bilatérale de la France, d'autant que la baisse programmée des annulations de dettes offrira des marges de manoeuvre pour allouer de nouvelles ressources aux secteurs et activités considérés comme prioritaires.

Quand on établit le budget alloué à la coopération et au développement, on additionne d'abord nos contributions aux fonds mondiaux et européens, puis les annulations de dettes qui ont été promises aux différents pays : le solde, permettant d'aboutir au pourcentage désiré, soit 0,5 % en 2007, est consacré à la coopération traditionnelle bilatérale, qui est la forme la plus porteuse de développement direct.

Dans les toutes prochaines années, les annulations de dettes vont diminuer pour tendre vers zéro, tout au moins pendant un certain temps, car puisque nous continuons à accorder des prêts et qu'un certain nombre de pays bénéficiaires ne pourront pas les rembourser dans l'avenir, il faudra bien encore annuler des dettes.

Si nous persistons, comme je l'espère, à accroître le pourcentage de notre PIB affecté à l'aide publique au développement pour arriver à 0,7 %, la part consacrée à l'aide bilatérale va devoir augmenter très fortement, de plusieurs milliards d'euros, et dépasser largement 50 % du budget de l'APD.

Je me réjouis d'une telle évolution, madame la ministre, mais aurons-nous alors les moyens humains et techniques de faire face à cette très importante augmentation mathématique des crédits consacrés à l'aide bilatérale ?

Il est vrai que la coopération gouvernementale pourra financer beaucoup plus largement qu'aujourd'hui les projets de terrain mis en place par les ONG et les collectivités territoriales, qui accomplissent un excellent travail et peuvent faire davantage. Cependant, cela ne suffira pas. Existe-t-il un cadrage, en termes de cohérence, des politiques à l'égard des pays en développement ?

En effet, le soutien aux pays en développement ne relève pas seulement de l'aide financière ; d'autres politiques peuvent avoir des incidences, positives ou négatives, sur les pays en développement, et donc, indirectement, sur l'efficacité de la politique d'aide : ce sont les politiques commerciale, agricole, environnementale, migratoire, d'investissement.

Sur le plan géographique, si la priorité africaine est rappelée, rien n'est dit, ou du moins peu de choses, au sujet du bassin méditerranéen. La France a pourtant des liens culturels et historiques avec cette région. Les conflits qui la traversent, avec tous les risques de déstabilisation qu'ils comportent, appellent un soutien important aux pays qui la composent, voisins immédiats de l'Europe.

L'examen du projet de loi de finances n'est évidemment pas le cadre approprié à la présentation d'un rapport d'ensemble sur l'aide sous toutes ses formes aux pays en développement.

Cela étant, un cadrage d'ensemble permettrait de donner au Sénat les moyens d'apprécier le bien-fondé des allocations de ressources budgétaires qui lui sont proposées.

La stratégie française d'aide publique au développement gagnerait à être clarifiée : à ce titre, plusieurs constats peuvent être faits.

Du point de vue des objectifs, il est clairement annoncé que la France, par son aide, vise l'atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement, la réduction de la pauvreté et la promotion de la croissance dans les pays en développement. Elle accorde la priorité à l'Afrique. Sur tous ces points, nous sommes d'accord.

L'aide concerne trois des huit enjeux mondiaux : lutte contre les maladies transmissibles et émergentes, lutte contre le changement climatique, préservation de la biodiversité. Retenir ces problématiques est légitime, mais leur champ excède les seuls pays en développement. Le financement de ces « biens publics mondiaux » pourrait ainsi conduire, à terme, à dériver une partie de l'aide publique au développement.

M. Jacques Pelletier. S'agissant de l'aide bilatérale, il serait utile d'avoir un éclairage sur le rôle du fonds de solidarité prioritaire, dès lors que, dans chaque pays, la coopération concentre ses activités, à hauteur de 80 %, sur trois des huit objectifs du Millénaire, les politiques sectorielles qui leur sont consacrées relevant entièrement de la responsabilité de l'Agence française de développement : celle-ci se voit ainsi confirmée dans son rôle d'« opérateur-pivot ». Quant à la lutte contre la pauvreté, elle est menée essentiellement à travers les relais européens et multilatéraux.

Or ces institutions se caractérisent par une inflation rampante de leurs missions, qui n'est pas de nature à éclairer leur rôle, tandis que le paysage multilatéral se densifie avec l'apparition de nouvelles structures.

Le secteur de la santé, essentiel au développement, en fournit une illustration frappante avec l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, la Banque mondiale, principal financeur du secteur, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l'ONUSIDA, la Facilité internationale de financement pour la vaccination, et maintenant UNITAID - la facilité internationale d'achat de médicaments -, sans oublier les puissantes fondations privées américaines, comme celles qui ont été créées par Bill Gates et Bill Clinton.

Cela fait beaucoup, et il y a une dispersion des crédits qui est préjudiciable. J'espère que vous y voyez plus clair que moi, madame la ministre ; nous aimerions connaître votre sentiment sur ce point.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Les coûts de fonctionnement sont énormes !

M. Jacques Pelletier. S'agissant de l'aide européenne, il est nécessaire d'avoir une réflexion sur la mise en oeuvre de la complémentarité entre les États membres et la Commission.

Devant le Haut Conseil de la coopération internationale, le commissaire européen Louis Michel avait avancé, voilà quelques mois, des objectifs ambitieux à cet égard, qui méritent notre soutien.

En dehors des réunions traditionnelles des vingt-cinq ministres chargés du développement, qui évoquent, avec la Commission européenne, la philosophie du développement et le fonds européen de développement, avez-vous beaucoup de contacts bilatéraux avec vos collègues, madame la ministre, pour faire en sorte que, dans le domaine du développement, où il y a tant à faire et où il y a de la place pour tout le monde, les pays européens ne se marchent pas sur les pieds ? Est-il possible d'en faire plus et mieux en matière d'harmonisation des politiques nationales de développement avec celle de la Commission européenne ? Le manque de concertation est tout à fait contre-productif.

Sur le plan bilatéral, les annulations de dettes ont en principe une contrepartie, dans les pays bénéficiaires, en termes d'allocation budgétaire prioritaire aux secteurs sociaux. Toutefois, cela reste ambigu, dans la mesure où une part importante des annulations concerne des dettes commerciales.

Par ailleurs, les dépenses d'écolage sont constatées, et les dépenses en faveur des réfugiés, pour légitimes qu'elles soient, ne participent pas directement au soutien au développement. Dans le même temps, M. Gentilini, dans son rapport présenté au Conseil économique et social, s'inquiète, à juste titre, de la perte de capacité de la coopération française, précisément dans le domaine de la santé.

Enfin, alors que le développement culturel est une composante importante du développement d'un pays, il apparaît que l'action de la coopération française dans ce domaine n'est pas fondamentalement différente de l'action culturelle extérieure poursuivie dans les pays autres que ceux en développement. Cela amène à s'interroger sur l'utilisation qui est faite d'une partie des crédits de l'APD au regard des objectifs du Millénaire.

Au total, la part de l'aide publique au développement bilatérale véritablement dédiée aux objectifs annoncés est limitée, d'autant qu'une fraction de celle-ci est clairement affectée à des objectifs essentiellement commerciaux.

Quant aux indicateurs de performance, ce sont plus des indicateurs d'activité, ou d'efficacité, que de résultats, car ils ne permettent pas de vérifier si ces derniers seront atteints.

Je dirai, pour conclure, qu'il existe un certain décalage entre les objectifs et les réalités. Ce projet de budget, comme les précédents du reste, donne davantage l'impression d'une juxtaposition d'activités que d'un véritable pilotage. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous donniez votre avis sur l'évolution de l'aide bilatérale au développement et sur une meilleure coordination européenne.

Sous ces quelques réserves, j'approuverai, avec bon nombre de mes collègues du RDSE, les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un budget important consacré à l'aide publique au développement. La communauté internationale, parmi laquelle la France, en a fait une priorité affichée.

Dans le texte, ce projet de budget pour 2007, année marquant la fin de la législature, s'annonce en hausse avec une augmentation de 72 millions d'euros. Nous nous réjouissons de cette progression.

En réalité, ce texte comporte un certain nombre d'incohérences sur lesquelles je souhaite revenir. Compte tenu du temps qui m'est imparti, mon propos s'attachera plus particulièrement aux relations de coopération entre la France et l'Afrique, au moment où M. le Premier ministre, en visite en Afrique du Sud, n'a pas hésité à parler d'un nouveau partenariat entre notre pays et l'Afrique. Madame la ministre, vous pourrez peut-être nous éclairer sur cette nouvelle conception.

Pourtant, comme le rappelle Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, « la mondialisation a oublié l'Afrique ». Effectivement ! La mondialisation s'est incontestablement accélérée et a laissé sur la touche des populations entières. L'aide publique au développement n'a pas rempli sa mission, et les déséquilibres entre les pays riches et les pays pauvres s'accentuent, invariablement. Tous les rapports vont dans ce sens.

Sur 820 millions de personnes sous-alimentées dans le monde, 200 millions sont concentrés dans la seule Afrique. Plus de 40 % des ménages africains en zone urbaine vivent avec à peine un dollar par jour. Le sida - certains de mes collègues en ont parlé - tue encore et encore. En Afrique subsaharienne, entre 25 millions et 30 millions de personnes sont infectées par le virus de l'immunodéficience humaine. Quelque 13 millions d'enfants sont devenus orphelins. Si les conditions actuelles perdurent, la pandémie - cette question a été au coeur de l'opinion ces derniers jours - pourrait toucher 90 millions d'individus en 2007. Si on meurt aujourd'hui du sida, ce n'est pas parce que les médicaments n'existent pas, mais parce qu'un jeu insupportable d'accords privilégie les laboratoires pharmaceutiques fabriquant des médicaments que les pays du Sud ne peuvent pas acheter.

Les efforts - vos efforts ! - concernant la santé restent bien trop faibles. L'Afrique concentre la moitié des décès des mères pendant l'accouchement. Un enfant sur deux n'est pas scolarisé. Si les exportations des pays en voie de développement augmentent régulièrement, celles des pays africains ont progressé à un rythme beaucoup plus lent.

Comme vous le constatez, l'Afrique n'arrive pas à sortir de la pauvreté et, pour reprendre les termes de M. Diouf, directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, « les promesses ne donnent pas à manger ». D'ailleurs le Fonds monétaire international indique, non sans cynisme, que la plupart des pays d'Afrique subsaharienne ne pourront pas atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement et l'éradication de la pauvreté d'ici à 2015, faute d'investissements suffisants de la part des pays développés.

Après la conférence de Nairobi sur les changements climatiques, la fracture entre les pays du Nord et les pays du Sud est toujours aussi béante ; elle s'agrandit même ! Un plan pour l'Afrique a été annoncé, mais aucune décision n'a été arrêtée quant à son financement. Pourtant, la température en Afrique a augmenté de 0,7 degré ces cent dernières années et pourrait augmenter de 6 degrés au cours de ce siècle. Ainsi, l'Afrique serait doublement victime du changement climatique.

Dans ce contexte, qu'en est-il des efforts de la France ? Madame la ministre, le Gouvernement se targue d'atteindre l'objectif de 0,5 % du PIB consacré à l'aide publique au développement dans les Objectifs du Millénaire. Même si, évidemment, nous ne boudons pas cet effort, l'aide est-elle vraiment efficace, et quels en sont les réels bénéficiaires ? Soulager les pays concernés par un effacement de leur dette est essentiel - encore faut-il activement s'y consacrer -, mais leur procurer une aide concrète et utile est indispensable.

En effet, qu'en sera-t-il lorsque ces effacements de dettes seront achevés si un nouveau type d'outils de coopération et de co-développement ne prennent pas le relais ?

Réorganiser l'aide publique au développement sur d'autres bases, entreprendre les chantiers de l'alphabétisation, de la santé, du logement, développer l'agriculture et l'agro-industrie vers l'autosuffisance alimentaire, promouvoir l'accès des entreprises africaines aux technologies à un prix raisonnable, appuyer les initiatives nationales, régionales et locales pour le développement, la paix et la stabilité, telles sont les priorités pour lesquelles nous devrons, dans un avenir proche, construire des partenariats d'un type nouveau.

Le développement agricole est un exemple frappant de l'inertie en matière économique. L'Afrique est le seul continent où la production agricole par habitant a baissé au cours des vingt dernières années. La population africaine devrait atteindre 1,8 milliard d'habitants en 2050 ! Comment pourront-ils se nourrir ? Pour relever ce défi, la production devra absolument être accrue. La construction de routes, de ponts, et de chemins de fer ainsi que l'accès à l'énergie électrique devront être développés. La part de l'Afrique dans les échanges mondiaux ne dépassant pas 2 %, il va être difficile, sinon impossible, sans aide concrète de les aider à relever ce défi.

La France est attachée à la souveraineté de chacun dans les négociations commerciales. Je pense particulièrement à celles en cours pour le renouvellement des accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique. La France doit défendre le droit de chacun à déterminer librement sa politique agricole et ses choix commerciaux en fonction de ses priorités de développement.

Enfin, il me semblerait particulièrement utile de promouvoir la coopération non gouvernementale, qui reste encore très timide. L'absence de transparence des crédits qui sont alloués aux organisations non gouvernementales dans la loi de finances nuit considérablement à leur efficacité sur le terrain.

Voilà du concret, une réalité que je souhaitais rappeler au-delà des chiffres, des tableaux et des agrégats comptables. « La seule voie qui offre quelque espoir d'un avenir meilleur pour toute l'humanité est celle de la coopération et du partenariat ». Cette phrase n'est pas de moi ; elle émane du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies. Une véritable solidarité financière, une politique de coopération ambitieuse, des outils adaptés et développés en direction des États les plus concernés pour ainsi permettre l'accès de tous aux droits fondamentaux, tel est le sens d'une véritable politique humaine d'aide au développement. Les conditions pour une telle politique n'étant malheureusement pas réunies dans le projet de budget que vous nous soumettez, nous ne pourrons le voter.

Mme Hélène Luc. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, depuis quelques années, il est devenu habituel de dire que l'aide publique au développement est une priorité de la communauté internationale. Cette assertion, répétée année après année, ne parvient pas pour autant à cacher la triste réalité. Les écarts se creusent entre un certain nombre de pays riches, vivant dans une prospérité inégale, et des pays pauvres, marginalisés, soumis à des violences diverses, sans espérance et sans issue.

Hélas, nous savons déjà que, malgré les déclarations solennelles des grands de ce monde, les Objectifs du Millénaire, destinés à éradiquer la pauvreté et fixés par les Nations unies, ne seront pas atteints. Les rapports chiffrés, toujours alarmistes, se succèdent sans faiblir et dressent cet amer constat : 854 millions de personnes sont sous-alimentées dans le monde, dont 820 millions dans les pays en développement. Selon le Programme des Nations unies pour le développement, 40 % de l'humanité vit toujours avec moins de deux euros par jour. C'est un constat d'échec. Il faut faire plus, et il faudra surtout faire autrement, puisque les méthodes employées pour atteindre ces Objectifs du Millénaire se sont révélées inopérantes.

Or, face à cette situation, notre pays ne peut pas dire qu'il est exempt de tout reproche. Le temps qui m'est imparti ne me permet pas de développer le détail de mon argumentation démontrant que les données trop flatteuses affichées par le Président de la République et reprises par le Gouvernement cachent une tout autre réalité.

Divers artifices comptables servent à présenter une aide publique au développement en hausse constante depuis 2002. Mais cette augmentation purement virtuelle est obtenue - comme beaucoup d'orateurs l'ont souligné avant moi - grâce à la prise en compte, d'une part, de certaines dépenses fort éloignées de l'aide au développement, et d'autre part, par l'inclusion dans l'aide publique globale au développement des annulations de dettes et de créances commerciales garanties par la Compagnie française pour l'aide au commerce extérieur.

Or, nous savons que ces annulations de dettes ne contribuent pas vraiment au développement des pays concernés ; en outre, elles vont décroître avec la fin annoncée de l'initiative du Club de Paris pour les pays pauvres très endettés. On peut d'ores et déjà se demander comment dégager les crédits nécessaires, les prochaines années, pour prendre le relais des annulations de dettes et tenir l'objectif de 0,7 % du revenu national brut en 2012.

Ce budget en trompe-l'oeil ne prépare pas l'avenir, c'est pourquoi nous ne pouvons pas le voter. J'en donnerai pour exemple le sort réservé à la coopération décentralisée - sur laquelle je m'attarderai - et aux organisations non gouvernementales.

Permettez-moi de relever que ce projet de budget pour 2007 ne fait que reconduire les crédits pour la coopération décentralisée. En effet, celle-ci devrait bénéficier de 11,5 millions d'euros, comme en 2006. Signalons cependant un fait positif : la Commission nationale de la coopération décentralisée a finalement été réunie le 3 octobre 2006, après plus de trois années d'inactivité !

Toujours en ce qui concerne la coopération décentralisée, ce budget semble étriqué, y compris à la lumière des ambitions affichées par le ministère des affaires étrangères. Le « bleu » budgétaire affirme que « l'appui à la coopération décentralisée mise en oeuvre par les collectivités territoriales françaises concerne des projets de développement ainsi que des actions conduites par des associations de collectivités. Les projets correspondent à des actions de formation des élus, à la professionnalisation des fonctionnaires territoriaux et au renforcement des services publics gérés par les collectivités étrangères. »

C'est un bien vaste programme pour un financement beaucoup trop exsangue !

Madame la ministre, pour conclure, je souhaite attirer votre attention sur l'importance de la proposition de loi relative à l'action extérieure des collectivités territoriales adoptée par le Sénat et transmise à l'Assemblée nationale le 27 octobre 2005. Ce texte devrait être inscrit rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. En effet, nous attachons une grande importance à la coopération décentralisée, et nous pensons que cette proposition de loi apportera à cette pratique une sécurisation juridique indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, la réforme de la loi de finances instituée l'année dernière représente, dans son principe, un progrès pour les droits du Parlement dans la discussion budgétaire. On pouvait en attendre une clarification de la présentation budgétaire permettant une vraie réflexion stratégique sur les politiques publiques à mener, en l'occurrence les priorités de l'aide publique au développement.

Malheureusement, vous utilisez la nouvelle présentation pour masquer trois insuffisances majeures de votre action.

Premièrement, le budget réel de l'APD est inférieur à celui qui est affiché par le Gouvernement, comme l'ont déjà souligné mes collègues.

L'effort national consacré à cet objectif essentiel pour la sécurité et la prospérité mondiales est insuffisant. On constate en effet que le projet de budget est en stagnation. Les crédits de paiement s'élèvent à 4,40 milliards d'euros, contre 4,39 milliards d'euros en 2006. Ils ne représentent que 0,47 % du PIB, soit une proportion toujours trop modeste de la richesse nationale. L'APD est censée atteindre 15 milliards d'euros en 2012, soit 0,7 % du PIB, comme s'y est engagé le Chef de l'État. On en est bien loin !

Je pense, comme M. le rapporteur spécial, que le document de politique transversale déjà existant pour l'APD peut être amélioré,...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est sûr !

Mme Catherine Tasca.... afin de fournir une vision non faussée de l'effort national dans ce domaine.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Absolument !

Mme Catherine Tasca. Il me semble nécessaire d'établir un indicateur de l'évolution réelle de l'APD, qui exclurait les annulations de dettes, les frais d'écolage qui ne correspondent pas à des formations d'étudiants pour le développement, les dépenses liées au traitement des demandes d'asile et l'aide en direction des territoires d'outre-mer.

La deuxième faiblesse de ce projet de budget est que l'APD française ne profite pas assez aux pays les plus pauvres.

En effet, seuls quatre pays, sur les dix premiers bénéficiaires de l'APD bilatérale française, font partie des pays les moins avancés, contre cinq pays à revenu intermédiaire ou territoires d'outre-mer. Et si les chiffres sont en augmentation, ils sont là aussi faussés par les annulations de dettes.

La diversification des prêts en faveur des pays émergents, conforme aux orientations stratégiques des CICID - les comités interministériels de la coopération internationale et du développement - de 2005 et de 2006 se fait au détriment de l'aide aux pays les moins avancés, particulièrement en Afrique subsaharienne, et entre en contradiction avec les Objectifs du Millénaire pour le développement. Une réorientation s'impose donc.

Permettez-moi de faire quelques suggestions.

Pour anticiper la fin de l'initiative pays pauvres très endettés et donc la baisse prévisible de l'APD française à ces pays, l'aide publique au développement sous forme de dons à destination des pays les moins avancés et des pays à faible revenu devrait augmenter fortement.

La France devrait également augmenter la proportion de son APD bilatérale affectée aux services sociaux de base, afin de rejoindre la moyenne de l'OCDE et de respecter l'objectif de Copenhague, qui est de consacrer 20 % de l'APD à ces secteurs.

Enfin, la troisième faiblesse de ce projet de budget est que l'aide aux organisations non gouvernementales, les ONG, sur laquelle j'avais attiré votre attention l'an dernier, madame la ministre, reste insuffisante.

Les ONG, acteurs majeurs de la solidarité internationale, ne sont toujours pas considérées à leur juste place dans votre projet de budget. Dans les situations de crises internationales, de plus en plus nombreuses, l'action interétatique est loin d'être toujours suffisante. Elle est parfois inadaptée, trop éloignée du terrain. Le rôle des ONG est alors déterminant.

On ne saurait non plus se passer de la coopération décentralisée des collectivités territoriales, qui est en constante expansion. Je rappelle que seulement 1,45 % du budget de l'aide publique au développement est géré par les ONG françaises. Ce taux était de 1,05 % en 2006 et de 1,09 % en 2005. Si cet effort est appréciable, il est néanmoins normal compte tenu du retard accumulé ces dernières années. Nous demeurons parmi les derniers en Europe et nous sommes encore loin d'atteindre l'objectif de 2,2 % de l'aide publique transitant par les ONG pour 2009, objectif sur lequel le Président de la République s'est pourtant engagé lors du CICID du 18 mai 2005.

Le soutien aux ONG, qui avait disparu l'année dernière de la présentation comptable des projets annuels de performance, réapparaît cette année, et c'est heureux. Néanmoins, les indicateurs concernant les ONG ne portent que sur des objectifs de rapidité de traitement des dossiers et d'évaluation des dossiers financés, qui peuvent nous renseigner sur les performances de l'administration, mais en aucun cas sur l'objectif de partenariat de l'État avec les ONG en matière d'aide au développement. Je propose donc la création d'un véritable indicateur qui permettrait de mesurer tous les ans la proportion des crédits de l'aide publique au développement transitant par les ONG comme un des objectifs stratégiques.

En conclusion, madame la ministre, une clarification de la présentation du budget de l'APD et une réorientation stratégique vers quelques priorités nous semblent indispensables : aide aux pays les plus pauvres, soutiens aux ONG, partenariat avec les collectivités locales.

Compte tenu de l'absence de garanties sur ces différents points, le groupe socialiste votera contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Besson.

M. Jean Besson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la promotion de la langue et de la diversité culturelle qui lui est attachée ne trouve pas, dans le projet de budget pour 2007, la place qui devrait être la sienne. Ce constat s'appuie sur la dissémination des crédits accordés.

Qu'on en juge : au moins six actions financières, rattachées à plusieurs programmes, relevant de quatre missions, elles-mêmes dépendantes de trois ministères, contribuent au budget de la francophonie.

Dans ces conditions, afin d'accroître l'efficacité, comment ne pas appeler de ses voeux, à l'instar de la commission des affaires culturelles, la création dans les années à venir d'un ministère dédié à la francophonie et aux relations culturelles extérieures ?

À cette complexité structurelle s'ajoute un autre point de faiblesse : il s'agit de la difficulté pour la francophonie de se positionner dans la société de l'information. Or l'issue de la bataille des contenus sur la toile conditionnera, n'en doutons pas, l'avenir de la culture française.

Cette bataille passe par la création de contenus numériques solides, mais aussi par le soutien des pays en développement dans leur accès au haut débit. Malheureusement, la réduction de la fracture numérique, notamment vis-à-vis de l'Afrique francophone, n'est pas à l'ordre du jour, ce que je regrette.

Ce projet de budget, éclaté, sans ligne stratégique affirmée, traduit la difficulté pour l'État d'assurer une véritable montée en puissance de la francophonie. C'est pourquoi il me semble opportun de promouvoir l'existence et le développement rapide de l'Association internationale des régions francophones, l'AIRF.

Ce type de réseaux décentralisés concourt efficacement à la promotion d'une francophonie des territoires et de la proximité. Si l'on veut bien faire un peu de prospective, il conviendrait par conséquent de réfléchir à une autre organisation de la francophonie, qui serait plus rationnelle au sommet de l'État, mais aussi mieux articulée avec les actions menées, en la matière, par les régions, notamment la mienne, la région Rhône-Alpes, ainsi que la région Aquitaine de notre collègue Jean-Louis Carrère.

En tout état de cause, en raison d'un manque de visibilité à long terme, d'un certain conservatisme et d'une insuffisance persistante de moyens, le projet de budget pour 2007 pour la francophonie ne peut nous satisfaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'emblée de revenir sur la question posée par Jacques Pelletier : comment parviendra-t-on à atteindre l'objectif fixé ? Comment parviendra-t-on à consacrer 0,7 % du PIB à l'aide publique au développement en 2012 ? Cette question nous concerne tous. À ce stade, je n'ai pas de réponse, et je ne vois pas bien comment on y parviendra. Il faudra également poser la question des contributions complémentaires. Il est vrai qu'il y a déjà la contribution de solidarité sur les billets d'avion. Ces contributions augmenteront-elles ? Que fera-t-on ?

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Cela dépendra du prochain gouvernement et du prochain Président de la République !

M. Yves Dauge. Il serait bien que le débat qui va avoir lieu à l'occasion de l'élection présidentielle permette d'éclairer ce sujet. Chacun peut s'y préparer, madame la ministre. D'autres avant moi l'ont dit, le Gouvernement aurait pu nous donner quelques pistes d'éclairage, mais il est vrai que cette question est difficile.

Beaucoup s'interrogent sur la coopération décentralisée. Les crédits qui y sont affectés sont passés de 11 millions d'euros à 11,5 millions d'euros. C'est un signe favorable, mais il est très difficile d'évaluer la coopération décentralisée, car on ne connaît pas la contribution des collectivités locales.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Si, on la connaît !

M. Yves Dauge. Les contributions de certaines régions sont considérables, comment vient de le rappeler M. Besson s'agissant de la région Rhône-Alpes et de la région Aquitaine. Qu'en est-il des autres régions ? J'aimerais qu'une réflexion sérieuse soit menée sur la manière de comptabiliser les apports des collectivités locales, qu'il s'agisse des régions, des villes, des universités ou des hôpitaux. Leur effort n'est pas mesuré.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Si !

M. Yves Dauge. Non, il ne l'est pas, cher collègue. La coopération décentralisée recouvre de nombreux éléments en termes de fonctionnement, de personnel...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et de voyages pour les élus !

M. Yves Dauge. Tous ces éléments doivent être comptabilisés. Il faudra bien que l'on se pose ces questions si l'on veut atteindre le pourcentage de 0,7 % du PIB, soit 15 milliards d'euros, car je ne vois pas comment l'État y parviendra seul, quel que soit le Gouvernement.

Je ferai une deuxième observation, madame la ministre : un étau se resserre, dont l'aide bilatérale fait les frais.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est sûr !

M. Yves Dauge. Comment seront ventilés ces 15 milliards d'euros ? Quelle part sera affectée à l'aide bilatérale ?

M. Michel Charasse, rapporteur. Ah oui !

M. Yves Dauge. Je suis très inquiet à ce sujet, même si je me félicite de l'aide multilatérale, encore que j'aimerais savoir, moi aussi, quel bénéfice en termes d'influence la France tire de ses contributions...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Aucune !

M. Yves Dauge.... au sein des institutions multilatérales, que ce soit l'Union européenne ou d'autres. J'aimerais qu'une expertise soit réalisée sur ce sujet.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Voilà !

M. Yves Dauge. La présence de la France dans les institutions internationales est-elle à la hauteur de ses engagements financiers ?

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien ! Très bonne question !

M. Yves Dauge. À cet égard, j'ai été très satisfait que la France, par sa contribution à l'UNESCO, ait pu mener à bien cette grande affaire qu'est la Déclaration universelle sur la diversité culturelle. Il serait dommage de baisser la garde dans le domaine culturel. Je n'en dis pas plus, même si je pense franchement que nous enverrions un mauvais signe et que nous ferions une erreur en allant dans le sens de l'amendement que nous examinerons tout à l'heure concernant CulturesFrance, même si nous pouvons demander à cette association d'être plus efficace.

Culture et développement forment un même sujet. Dans le domaine culturel, la France n'est pas une puissance moyenne. Si on peut dire qu'elle a un niveau d'intervention assez limité dans d'autres domaines, je reste persuadé que la France est une grande puissance en matière culturelle et qu'il ne faut surtout pas qu'elle baisse la garde.

Pour conclure, madame la ministre, j'évoquerai l'aide bilatérale, qui concerne surtout l'Afrique.

Je suis un peu inquiet de constater que les interventions budgétaires en dons de l'Agence française de développement ont baissé cette année. Ils passent de 300 millions d'euros à 230 millions d'euros.

J'ai également constaté que les contrats de désendettement ne sont pas financés comme ils devraient l'être et que l'on prend sur les réserves de l'Agence pour essayer de boucler le budget. Vous êtes informés de cela aussi bien que moi, madame la ministre, et j'imagine que cela ne vous fait pas plaisir. Néanmoins, c'est ennuyeux, parce que la France affiche des ambitions tellement fortes en Afrique que tous les signes contraires à cette volonté sont évidemment tout à fait désastreux pour la crédibilité de nos engagements et de notre parole politique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons, la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » (et articles 42 et 42 bis), du compte de concours financiers « Prêt à des États étrangers » et du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sous l'impulsion du Président de la République, l'aide publique au développement est, depuis cinq ans, une priorité du Gouvernement.

En effet, l'aide française est passée de 4,7 milliards d'euros en 2001 à 9,2 milliards d'euros en 2007, soit 0,5 % de notre richesse nationale. Ces calculs, fondés sur les critères de l'OCDE qui sont appliqués par l'ensemble des bailleurs de fonds, ne sauraient prêter à polémique.

Nous avons ainsi quasiment doublé les crédits alors même que nous étions engagés dans le redressement de nos finances publiques. Mais cet effort correspond aux souhaits de nos compatriotes puisque, selon un récent sondage, 61 % des Français considèrent qu'il convient d'augmenter l'aide aux pays les plus pauvres, y compris dans un contexte de difficultés budgétaires.

Les encouragements que plusieurs intervenants m'ont adressés ce matin le prouvent, cet objectif est partagé.

Sur la période comprise entre 2002 et 2007, l'augmentation de l'aide française concerne toutes ses composantes. Ainsi, les crédits du ministère des affaires étrangères consacrés à l'aide au développement seront passés de 1,7 milliard d'euros en 2002 à 2,5 milliards d'euros en 2007. Nous sommes donc loin de la « hausse fictive » que certains évoquent.

Bien entendu, comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous, l'intégralité de l'aide apportée par la France aux pays pauvres - elle est détaillée dans le document de politique transversale - n'est pas inscrite au budget de la mission « Aide publique au développement ». Je pense en particulier à l'action des collectivités locales, qui a naturellement été mentionnée par plusieurs orateurs, représente environ 50 millions d'euros. Ce chiffre repose, monsieur Dauge, sur les déclarations de ces mêmes collectivités.

Je tiens tout d'abord à souligner que l'objectif de 0,5 % sera atteint en 2007 sans que soit prise en compte la contribution de solidarité sur les billets d'avion que vous avez adoptée l'an dernier.

Il sera atteint sans retenir non plus les allégements de dette. Nous prévoyons que ceux-ci passeront de 2,8 milliards d'euros en 2006 à 2 milliards d'euros en 2007, chiffre qui ne me paraît pas irréaliste. Ces prévisions intègrent, par exemple, l'annulation de dette de la République Démocratique du Congo. Compte tenu de la situation politique que connaît actuellement ce pays, cela ne me semble pas déraisonnable.

Enfin, cet objectif sera atteint sans prendre en compte les nombreuses politiques publiques conduisant à des transferts en faveur des pays du Sud qui ne sont pas comptabilisés dans l'aide.

Ainsi, les 110 millions d'euros supplémentaires qui seront attribués aux anciens combattants ou encore les déductions d'impôt dont bénéficient les donateurs aux organisations non gouvernementales, sujet qu'a évoqué votre rapporteur spécial, n'entrent pas dans nos déclarations à l'OCDE.

Monsieur Charasse, madame Cerisier-ben Guiga, je rappelle que l'« écolage », autrement dit l'accueil gratuit d'étudiants étrangers en France, est une caractéristique de notre système universitaire, et je souhaiterais que l'on se garde de toute polémique en la matière, car s'il est vrai que le nombre d'étudiants étrangers a fortement augmenté en France ces dernières années, c'est à la suite d'une politique menée de manière constante au cours des deux dernières législatures. J'y vois la preuve d'un consensus politique au sein de notre pays.

Madame Brisepierre, concernant l'inscription des crédits de coopération culturelle sur plusieurs programmes, je souhaite vous préciser que trois raisons justifient la classification retenue selon le critère géographique.

Premièrement, le regroupement des crédits de l'aide au développement permet d'assurer une cohérence avec le chiffre que nous déclarons à l'OCDE. Cela correspond à une demande constante du Parlement. Je note que, ces dernières années, la dispersion de nos crédits d'aide a été critiquée pas moins de deux cent soixante-huit fois au Sénat.

Deuxièmement, cette classification concrétise la conception française selon laquelle la coopération culturelle concourt au développement. Le soutien à des bibliothèques ou la promotion d'artistes locaux, par exemple, constituent des facteurs importants de développement économique et d'identité des pays aidés.

Au demeurant, les productions artistiques représentent souvent une ressource économique directe pour les pays concernés : on estime que l'Afrique exporte plus de produits culturels que de coton.

J'ajoute que cette vision française du développement est de plus en plus partagée sur le plan international. Nous nous sommes ainsi engagés à développer ce type de coopération à l'occasion de la récente signature de la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Troisièmement, cette classification nous permet d'être plus efficaces sur le terrain. De nombreux projets français comportent, de manière concomitante, une dimension de formation d'enseignants et une dimension de soutien à l'environnement francophone ; or il n'est pas toujours possible de distinguer ce qui relève de la politique d'influence de ce qui relève de la politique d'appui à la réduction de la pauvreté.

Bien entendu, au-delà des engagements chiffrés, le Gouvernement a également à coeur de rendre cette aide plus efficace. Qu'entend-on par efficacité ? Le document de politique transversale que vous avez reçu le rappelle, il s'agit de viser deux objectifs fondamentaux : mettre en oeuvre les objectifs du Millénaire adoptés par les Nations Unies, qui visent à réduire la pauvreté de moitié dans le monde d'ici à 2015, et promouvoir le développement à travers les idées et le savoir-faire français.

Ce second objectif, qui relève de l'influence de notre pays, ne saurait être oublié. Il y va, comme le dit Mme Brisepierre dans son rapport, de notre crédibilité de bailleur. En effet, il est absolument nécessaire, lorsqu'on demande aux contribuables français de consacrer des sommes importantes à des dépenses réalisées en faveur de pays étrangers, de souligner que notre pays n'oublie pas ses propres intérêts.

Ainsi, Il n'est pas acceptable que les Français qui ont cotisé à des caisses de retraite africaines ne perçoivent pas le juste fruit de leur travail. C'est pourquoi, madame Brisepierre, monsieur Del Picchia, je serai particulièrement vigilante au respect des droits des retraités français dans les pays concernés.

Monsieur Del Picchia, s'agissant du Congo-Brazzaville, l'appel d'offres nécessaire au choix d'un cabinet de consultant en est à sa phase finale puisque les plis ont été ouverts hier. Par ailleurs, je veillerai à ce que la question des retraites soit traitée lors de la négociation du document-cadre de partenariat avec le Congo.

S'agissant du Gabon, dans la perspective de la commission mixte des 20 et 21 décembre, notre consulat a recensé 350 dossiers litigieux.

Aider sans oublier nos propres intérêts est un principe qui sous-tend aussi notre politique de promotion de la francophonie. Comme le souligne fort justement M. Legendre, il n'y a jamais eu autant de personnes pratiquant le français, en première ou en seconde langue.

Sortons de ce pessimisme constant dans lequel trop de nos concitoyens se complaisent. J'entends en permanence dire que notre langue se porte mal. Et pourtant, combien se sont félicités que, voilà quelques semaines, le prix Goncourt et le prix Renaudot aient été tous deux décernés à des écrivains francophones originaires non pas de France, mais des États-Unis et du Congo ?

L'aide que nous octroyons aux pays en développement contribue au rayonnement de la langue française.

Quant à la dimension économique de la francophonie, monsieur Legendre, elle est un souci permanent de l'OIF, l'Organisation internationale de la francophonie. Pour ma part, j'ai souhaité que notre politique de relance du français comporte un volet lié à nos entreprises. C'est ainsi que mon ministère, en liaison avec la chambre de commerce et d'industrie de Paris, a lancé une campagne, intitulée « Oui, je parle français », qui a connu un réel retentissement médiatique et que nous allons amplifier.

Monsieur Legendre, vous m'interrogez également sur le processus de ratification de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. À ce jour, vingt et un États, dont quatorze sont membres de l'OIF, ont déposé leurs instruments de ratification auprès de l'UNESCO. Onze États, dont cinq membres de l'OIF, ont achevé leur procédure interne et sont donc prêts à déposer leurs instruments. La Communauté européenne et ses États membres déposeront leurs instruments de ratification au plus tard le 19 décembre ; six États membres, dont la France, ont déjà achevé leur procédure.

Je ne reviendrai pas sur la réforme de notre dispositif de coopération ; je vous l'avais décrite l'an dernier. Je voudrais simplement souligner qu'elle a permis des avancées importantes, et très attendues, en matière de pilotage stratégique et de lisibilité de notre aide. Monsieur Pelletier comme vous le souhaitez, elle a aussi permis une meilleure coordination avec tous nos partenaires, en particulier européens.

Ainsi, j'ai signé depuis septembre 2005 vingt-quatre documents-cadres de partenariat, les DCP, qui constituent de véritables plans d'action conclus sur cinq ans entre la France et les pays que nous aidons. Ces documents permettent de concentrer notre aide pour la rendre plus efficace et plus visible.

Ils permettent également de la rendre plus prévisible sur le moyen terme. Mais cela doit se faire de manière souple. C'est pourquoi j'ai demandé à nos ambassadeurs, qui sont en charge de la négociation et du suivi de l'application de ces DCP, d'en réaliser une revue annuelle.

Afin d'améliorer la visibilité de notre aide sur le terrain, j'ai dévoilé, voilà quelques jours, un logo « rassembleur » pour toutes les actions de coopération menées à l'étranger par la France.

Permettez-moi de saisir l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous montrer ce logo. (Mme la ministre déléguée présente le document à l'hémicycle.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Enfin !

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Comme vous le voyez, il comprend deux éléments caractéristiques. Tout d'abord, le nom « France coopération » apparaît clairement, et il a été choisi pour pouvoir être également compris en anglais.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Par ailleurs, le drapeau tricolore est mis en avant, comme élément symbolique.

Ce logo n'est pas un logo institutionnel. Il ne représente pas un ministère particulier, ni même l'État dans son ensemble. Il est destiné, au contraire, à devenir l'emblème de l'action de la France en matière de coopération internationale.

Toute institution, tout organisme intervenant dans les pays en développement pour le compte de la France pourra donc l'arborer. Bien entendu, chaque établissement, l'Agence française de développement ou l'Institut de recherche pour le développement, par exemple, pourra continuer à y accoler son propre logo. Toutes ces conditions d'utilisation seront d'ailleurs bientôt précisées dans une charte.

Vous le constatez, notre politique allie continuité et adaptation. Je voudrais en souligner cinq aspects.

Premièrement, les objectifs du millénaire pour le développement restent le but premier de notre politique de développement.

Deuxièmement, le développement de ces pays est la seule solution à long terme au problème des migrations incontrôlées. Le codéveloppement constitue, de ce point de vue, une piste prometteuse, mais la maîtrise des flux migratoires doit surtout s'intégrer pleinement à l'ensemble de nos politiques de développement. C'est le sens des décisions que prendra le Gouvernement lors du comité interministériel qui doit se tenir cet après-midi : dans une heure et quart exactement !

Troisièmement, l'Afrique, qui ne bénéficie pas assez de la mondialisation - vous avez entièrement raison sur ce point, monsieur Hue - est et restera notre priorité, recevant les deux tiers de notre aide bilatérale.

Comme vous le soulignez, monsieur Del Picchia, son succès doit se construire aussi sur la base du secteur privé, pour lequel le Gouvernement a annoncé une initiative de 1 milliard d'euros sur trois ans.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Nous avons aussi créé cette année une première alliance pour le développement avec l'Institut Pasteur, Veolia et Sanofi, dans des projets cofinancés à Madagascar et au Niger.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Tous ces efforts commencent à porter leurs fruits : le taux de croissance économique du continent africain a sensiblement progressé et atteindra 5 % à 6 % par an sur la période 2005-2007.

Quatrièmement, le développement nécessite une amélioration de la gouvernance de ces pays. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement doit adopter, lors du comité interministériel de cet après-midi, une stratégie française, qui sera en cohérence avec celle qui a été adoptée par l'Union européenne.

Cinquièmement, un effort particulier doit être réalisé pour notre politique bilatérale, et vous avez été nombreux à le souligner. C'est particulièrement le cas en matière de santé : vous avez raison d'y insister, monsieur Pelletier, madame Brisepierre, madame Luc. Dans ce domaine, nos contributions multilatérales seront passées de 50 millions d'euros sur 2000-2002 à 1,4 milliard d'euros sur 2006-2008. Or il nous faut nous assurer qu'il y aura assez de médecins et d'infirmières pour administrer les traitements que nous prescrivons.

Nous comptons bien, madame Brisepierre, renforcer les moyens des « plateformes d'assistance technique » que vous évoquez dans votre rapport, ainsi que, globalement, notre aide bilatérale en matière de santé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces orientations en matière de moyens et d'efficacité se déclinent dans le projet de budget qui vous est soumis pour 2007.

Ce dernier reflète l'augmentation continue de nos moyens, qui dépassent, pour la première fois, 3 milliards d'euros. L'augmentation d'environ 250 millions d'euros sur 2006 est en partie financée par des dividendes de l'Agence française de développement, comme l'ont souligné les rapporteurs.

Ce budget marque aussi la continuité des efforts que nous avions engagés en faveur de nos contributions multilatérales. Nous portons à 300 millions d'euros notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida ; nous augmentons de 20 millions d'euros nos contributions aux Nations unies, de 10 millions d'euros celles destinées à l'Agence universitaire de la francophonie. Nous maintenons à un niveau élevé nos apports à plusieurs institutions financières : le Fonds africain de développement, dont nous sommes le premier contributeur en 2007, avec 114 millions d'euros, le Fonds européen de développement, ou encore le Fonds pour l'environnement mondial, dont nous sommes le cinquième contributeur, avec 36 millions d'euros en 2007.

Sur le plan bilatéral, nous prévoyons que nos décaissements augmenteront de plus de 300 millions d'euros.

Tout d'abord, 84 millions d'euros concerneront les contrats de désendettement et de développement. À cet égard, monsieur Charasse, je vous rassure : nous veillons à la parfaite cohérence entre les contrats de désendettement et de développement, les C2D, et les DCP. Au Cameroun, par exemple, j'ai signé en même temps ces deux instruments, et j'ai demandé à notre ambassadeur d'en surveiller la bonne application sur le terrain.

Ensuite, plus de 50 millions d'euros iront aux aides - projets du Fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement.

Enfin, plus de 200 millions d'euros seront affectés aux prêts, qui seront bien entendu accordés dans des conditions de vigilance forte, en examinant pays par pays s'il n'y a pas de risque de surendettement.

À quoi comptons-nous affecter cette forte augmentation de notre aide bilatérale en 2007 ? Vous le savez, dans le cadre de la LOLF, les chefs de programmes sont responsables de la bonne gestion d'enveloppes fongibles. Cela rend délicate l'annonce de chiffrages précis dès aujourd'hui, c'est-à-dire avant l'exercice de programmation détaillée de ces crédits. J'estime néanmoins devoir vous faire part des deux orientations nettes que je compte donner.

Première orientation : nous devons accomplir un effort accru en faveur des organisations non gouvernementales. Vous le savez, le Président de la République s'est engagé à doubler la part de notre aide passant par ces dernières entre 2004 et 2009.

Nous entendons la porter, tous opérateurs et instruments confondus, de 109  millions d'euros en 2006 à 157 millions d'euros en 2007. Cela représentera un quasi-doublement des volumes transitant par les ONG entre 2004 et 2007. Vous le voyez, madame Tasca, nous sommes bien en train de tenir tous les engagements qui ont été pris.

Cet effort est justifié pour renforcer la visibilité de notre pays, grâce à la vigueur de son secteur associatif. Bien entendu, cette augmentation sera assortie d'une exigence rigoureuse sur la qualité des projets, sur leur adéquation avec la politique française, ainsi que sur la rigueur avec laquelle ils seront mis en oeuvre.

C'est pourquoi trois sortes de mesures seront prises.

Tout d'abord, une typologie des ONG sera établie, pour bien identifier celles qui nous semblent les plus efficaces et ouvrir notamment la voie à leur notation.

Ensuite, les programmes d'audit des ONG qui bénéficient de nos concours seront renforcés.

Enfin, le recours à des appels à propositions sera accru.

Deuxième orientation forte : je souhaite privilégier les actions au plus près du terrain mises en oeuvre par nos ambassades.

Engagement constant depuis cinq ans sur l'augmentation des volumes de notre aide, adaptation permanente aux besoins de notre politique de coopération, clarté et prévoyance dans les objectifs : vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget est dans la continuité de ceux que vous avez votés depuis le début de la présente législature. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du RDSE.)

Aide publique au développement

Aide publique au développement - Compte de concours financiers - Prêts à des Etats étrangers - Accords monétaires internationaux
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 42

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » figurant à l'état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Aide publique au développement

3 973 496 781

3 120 776 781

Aide économique et financière au développement

1 822 525 000

994 105 000

Solidarité à l'égard des pays en développement

2 150 971 781

2 126 671 781

dont titre 2

242 771 781

242 771 781

M. le président. L'amendement n° II-10, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

20.000.000

Solidarité à l'égard des pays en développement

Dont Titre 2

20.000.000

TOTAL

20.000.000

20.000.000

SOLDE

0

L'amendement n° II-11, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

200.000

200.000

Solidarité à l'égard des pays en développement

Dont Titre 2

200.000

200.000

TOTAL

200.000

200.000

200.000

200.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre ces deux amendements.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. En ce qui concerne l'amendement n° II-10, il s'agit d'un transfert de 20 millions d'euros d'autorisations d'engagement, passant du programme « Aide économique et financière au développement » au programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Les autorisations d'engagement affectées à l'aide - projet du Fonds de solidarité prioritaire, le FSP, et de l'Agence française de développement sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », avec un total de 360 millions d'euros, s'inscrivent en diminution de 20 % par rapport à 2006, affichant ainsi une baisse de90 millions d'euros.

Si l'on considère le profil probable de l'aide publique française au développement à échéance de trois ans et la future diminution des allégements de dettes, qui contribuent aujourd'hui largement à cette aide, la diminution des autorisations d'engagement alimente les inquiétudes - et beaucoup, ici même, s'en sont fait l'écho ce matin - sur la capacité à moyen terme du ministère des affaires étrangères à financer un relèvement ou même à assurer le maintien de l'aide-projet, qui viendrait prendre le relais pour respecter l'objectif de 0,7 % d'APD en 2012.

Les autorisations d'engagement demandées pour le FSP pourraient également se révéler insuffisantes sur l'exercice 2007, compte tenu des perspectives d'adoption de projets nouveaux par le comité des projets du FSP d'ici à la fin de l'année 2006.

La commission des finances suggère donc d'accroître ces autorisations d'engagement de 20 millions d'euros sur l'action 4 « Aide en faveur du développement durable et lutte contre la pauvreté et les inégalités », en les prélevant sur les 920 millions d'euros d'autorisations d'engagement ouvertes sur l'action 1, « Aide économique et financière multilatérale », du programme 110, « Aide économique et financière au développement », au profit de la facilité financière internationale pour la vaccination, IFFIm - International Finance Facility for Immunisation.

Ces autorisations d'engagement inscrites couvrent, en effet, l'engagement de la France pour huit émissions obligataires de l'IFFIm, alors que les engagements de décaissements formellement pris ne concernent, pour l'heure, que la quote-part de la France au remboursement de la première tranche, soit 372,8 millions d'euros.

À l'évidence, nous n'aurons pas à honorer en 2007, ni même en 2008, la totalité de l'engagement, lequel n'est d'ailleurs pas de nature juridique puisqu'il n'a pas fait l'objet d'un traité en bonne et due forme.

Les autorisations d'engagement manquantes, c'est-à-dire les 20 millions d'euros que nous vous suggérons de transférer sur l'aide-projet, pourront donc être ultérieurement reconstituées sans difficulté, lorsque nous connaîtrons - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - le montant des huit émissions à venir.

L'amendement n° II-11 vise le transfert de 200 000 euros d'autorisations d'engagement et de 200 000 euros de crédits de paiement, qui passeraient du programme « Aide économique et financière au développement » au programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Il s'agit de donner suite au récent rapport de la Cour des comptes, demandé par la commission des finances en application de la LOLF, sur la gestion de l'ancienne AFAA, l'Association française d'action artistique, dont la fusion avec l'ADPF, l'Association pour le développement de la pensée française, en septembre 2006, a conduit à la création de CulturesFrance.

Ce regroupement s'inscrit dans la réforme de l'AFAA et la rationalisation des opérateurs du ministère des affaires étrangères.

L'enquête demandée à la Cour des comptes par la commission des finances nous a été remise en octobre dernier. Elle a porté sur la gestion de l'AFAA pour les exercices 2000 à 2005 et a suscité de très vives critiques de la part de la Cour.

Cette enquête fera l'objet - et je parle sous le contrôle du président de la commission des finances - d'un rapport d'information qui, publié très prochainement, comportera, notamment, le procès-verbal de l'audition en commission des finances pour « suites à donner » qui s'est tenue le 8 novembre 2006.

Ce rapport, sans doute moins accablant que celui de 2001, n'en relève pas moins des dysfonctionnements.

La Cour a notamment signalé une part trop importante d'opérations engagées en France, l'absence de véritable gestion des ressources humaines, un contrôle routinier exercé par les tutelles, le respect approximatif de certaines règles du statut associatif ou l'évaluation lacunaire de l'impact des actions.

La fusion des deux associations doit logiquement donner lieu à des économies de gestion. Le ministère des affaires étrangères les évalue lui-même à 200 000 euros dans le projet annuel de performances. Cette somme n'a donc pas été « inventée » par la commission des finances ! Elle résulte des réflexions conduites par vos propres services, madame la ministre.

En outre, la trésorerie de l'association a été jugée « confortable » par la Cour des comptes. C'est d'ailleurs ce qui a conduit notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État », à proposer un amendement - qui sera examiné jeudi - visant à réduire de 500 000 euros la subvention pour charges de service public à CulturesFrance.

De même, le projet annuel de performances de la mission « Action extérieure de l'État » mentionne une réduction d'environ quinze équivalents temps plein travaillé pour CulturesFrance.

Or la quote-part de subvention octroyée par le ministère des affaires étrangères à CulturesFrance et imputée sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » demeurerait stable en 2007, ce qui ne constitue pas une incitation à dégager des économies d'échelle. C'est pourquoi la commission des finances propose de réduire cette subvention en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, imputée sur l'action 2, « Affirmation de la dimension culturelle du développement », à hauteur des économies escomptées.

Cet amendement a un caractère principalement technique. Il ne constitue donc pas une sanction et ne compromet pas l'avenir de CulturesFrance. Il représente plutôt une incitation à la performance et à la poursuite des réformes déjà amorcées. En outre, il tient compte d'éléments objectifs sur les moyens de CulturesFrance. D'ailleurs, son directeur, M. Olivier Poivre d'Arvor, que j'ai auditionné hier après-midi, ne conteste pas nos chiffres.

À la fin de 2005, les reports de crédits de CulturesFrance ont atteint 10,5 % du budget de l'AFAA, alors que la loi organique relative aux lois de finances limite les reports à 3 %.

À la fin de 2006, CulturesFrance devrait normalement disposer de 3,4 millions d'euros d'excédents de gestion après paiement de l'ensemble de ses obligations. Ce montant représente quarante-sept jours de fonctionnement alors que CulturesFrance n'a pas d'investissement lourd à financer ni d'aléas commerciaux à couvrir.

Cette réduction ne porterait pas préjudice au montant global notifié au titre de l'Aide publique au développement dans la mesure où la commission propose de transférer les 200 000 euros en question à l'action n° 2 « Aide économique et financière bilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement », plus précisément au financement de la reconstitution du Fonds français pour l'environnement mondial, dont la couverture des autorisations d'engagement par les crédits de paiement en 2007 paraît insuffisante.

Par ailleurs, monsieur le président, j'indique d'ores et déjà que la commission recommande au Sénat l'adoption des deux articles rattachés, aussi bien l'article 42 que l'article 42 bis, qui a été introduit par l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. L'amendement n° II-10, qui vise à transférer 20 millions d'euros d'autorisations d'engagement du programme 110 au programme 209, repose sur un constat erroné, celui d'une baisse de nos engagements bilatéraux.

Je comprends bien l'origine de cette erreur, car une part importante des engagements prévus en 2007 repose en pratique sur des ressources non inscrites dans le projet de loi de finances. Ainsi, les engagements pour le Fonds de solidarité prioritaire et les dons-projets de l'Agence française de développement resteront stables en 2007, au niveau élevé atteint en 2006, soit 450 millions d'euros.

Ce montant se décompose de la façon suivante : 360 millions d'euros d'autorisations d'engagement inscrites dans le projet de loi de finances, 52 millions d'euros d'anciennes autorisations d'engagement non utilisées par l'AFD et 38 millions d'euros d'autorisations d'engagement financées sur ressources extrabudgétaires à partir du résultat de I'AFD.

Cet amendement soulève une grave difficulté en ce qu'il prélève une partie des autorisations d'engagement prévues pour la facilité internationale de financement pour la vaccination, l'IFFIm.

Ainsi, la France a prévu de contribuer à l'IFFIm à hauteur de 25 % du tour de table. Cela implique de verser sur les vingt prochaines années 900 millions d'euros en sus des 373 millions d'euros qui seront payés grâce à la contribution de solidarité sur les billets d'avion. Or le Royaume-Uni s'est engagé à apporter, si nous confirmons cette décision, une contribution pluriannuelle du même ordre à UnitAid, dont 20 millions d'euros dès 2007.

Ainsi, la révision à la baisse de 20 millions d'euros du montant des autorisations d'engagement pour l'IFFIm en loi de finances initiale pour 2007 risquerait de remettre en cause la participation britannique à UnitAid et, par là même, la mobilisation internationale en faveur d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement d'apparence anodine, puisqu'il ne concernerait qu'une vingtaine de millions d'euros d'engagements, soit moins de 1 % des crédits totaux de cette mission, aurait en pratique des conséquences bien plus graves.

C'est pourquoi le Gouvernement ne peut l'accepter.

L'amendement n° II-11, qui vise à transférer 200 000 euros de l'AFAA vers le Fonds français pour l'environnement mondial, est la conséquence, nous dit M. le rapporteur spécial, de celui qu'a adopté la commission des finances concernant la mission « Action extérieure de l'État ».

Il me semble toutefois injuste de pénaliser CulturesFrance en réduisant d'office ses dotations à hauteur des économies de gestion que cet organisme doit réaliser. L'option que nous avons retenue est au contraire de réinjecter ces économies dans de nouvelles interventions. En effet, comment inciter nos opérateurs à mieux gérer leur budget si nous réduisons automatiquement leurs dotations chaque fois qu'ils s'améliorent ?

Il est exact que la tutelle sur cet organisme pourrait encore être améliorée, mais je ne pense pas que des décisions de ce type permettent d'aller dans ce sens.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut accepter non plus cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. L'amendement n° II-11 illustre parfaitement, s'il en était besoin, le fait que l'exercice de clarification prévu par la LOLF a en partie manqué son but ou, en tout cas, n'a pas été mené à terme.

En effet, contre toute logique, nous devons nous prononcer aujourd'hui, dans le cadre de l'examen de la mission « Aide publique au développement », sur une réduction des crédits alloués à CulturesFrance alors que la même question reviendra jeudi lors de l'examen de la mission « Action extérieure de l'État ». C'est pourquoi le rapporteur spécial de la commission des finances avait envisagé de demander la réserve ; mais il n'a pas été suivi. Nous allons donc nous prononcer dès maintenant contre cet amendement, quitte à réitérer nos arguments jeudi.

La raison invoquée pour soustraire 200 000 euros, puis 500 000 euros du budget de CulturesFrance est double et s'appuie sur un rapport de la Cour des comptes.

La première raison tient à un excédent de trésorerie. Or, chacun le sait, l'organisation des saisons culturelles se fait à cheval sur deux années civiles ; et cela est vrai dans toutes les institutions culturelles ! Leur mise en oeuvre pose donc des problèmes de trésorerie en fin d'exercice. Dans ces conditions, il ne nous semble pas que l'état actuel de la trésorerie de CulturesFrance soit inadapté à ses besoins.

La seconde raison invoquée, c'est la place jugée excessive que prend, dans l'activité de l'association, l'organisation en France de manifestations culturelles étrangères. C'est là un bien mauvais procès qui est intenté à CulturesFrance. Pourquoi ?

D'abord, cette mission lui est imposée par ses tutelles, à savoir le ministère de la culture et le ministère des affaires étrangères. Ensuite, c'est un nécessaire retour des choses à l'égard des pays partenaires qui attendent légitimement une réciprocité. Enfin, ces actions en France ne pèsent que très partiellement sur le budget de l'association, car elles bénéficient en général d'un important mécénat.

Si l'on peut souhaiter la rigueur de gestion et le renforcement de l'encadrement administratif de CulturesFrance, on n'y parviendra certainement pas en privant cet organisme de moyens budgétaires importants l'année même de son démarrage, comme le propose aujourd'hui l'amendement n° II-11 et comme le proposera encore jeudi un autre amendement de la commission des finances.

Concrètement, 700 000 euros en moins, cela signifierait une lourde amputation d'actions déjà engagées à l'étranger : plus de 250 projets devraient ainsi être annulés en 2007, en particulier au Maghreb et en Afrique subsaharienne, d'où l'émoi légitime, à la fois dans ces pays et chez nous, de très nombreux artistes qui ne reconnaissent pas là la France de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre l'amendement n° II-11, tout comme il votera contre l'amendement n° II-10. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Hélène Luc. Même position !

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.

M. Yves Dauge. Je ne vais pas critiquer la commission des finances, car elle ne fait que son travail. De plus, je n'ai pas lu ce rapport de la Cour des comptes. Je veux simplement appeler votre attention, mes chers collègues, sur les conséquences de cet amendement.

J'ai, moi aussi, un certain nombre de contacts avec les professionnels du réseau culturel. Car il faut savoir que CulturesFrance travaille au sein d'un réseau, constitué notamment par les Alliances françaises et divers centres culturels. Il faut donc avoir une vision un peu plus globale et stratégique de l'action culturelle de la France dans le monde !

Et puis, vous le savez tous, les saisons culturelles étrangères ne sont pas des opérations franco-françaises. Dans la plupart des cas, il s'agit de partenariats avec d'autres pays et, comme cela vient d'être dit, il est normal que les artistes et créateurs de ces autres pays veuillent aussi s'exprimer en France. D'ailleurs, je ne comprends pas la critique qui consiste à dire : « Pourquoi organiser en France des manifestations ou événements culturels sur tel ou tel pays ? À quoi ça sert ? » En réalité, c'est le coeur même du projet !

Je n'apprendrai rien à personne en rappelant que le rayonnement de la France et son attractivité dans ce domaine sont sans rapport avec ce qu'elle est devenue à d'autres égards, à savoir une puissance moyenne. D'ailleurs, nous avons joué un rôle majeur dans l'élaboration et l'adoption de la fameuse convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Si j'interviens, ce n'est donc pas pour aller contre la commission des finances, mais pour encourager la politique culturelle de la France. Car je crains beaucoup que le message que la commission des finances nous invite à délivrer aujourd'hui ne soit mal compris à l'extérieur.

Mme la ministre nous a dit que le Gouvernement avait fait ce qu'il fallait. Quelquefois, on se demande si c'est bien vrai. Mais, en l'occurrence, il est certain que ce coup brutal aurait un effet d'affichage absolument désastreux. Et tout ça pour quoi ? Pour 200 000 euros !

Je fais partie de ceux qui sont souvent sur le terrain, y compris dans les pays étrangers. Je peux vous assurer que ce message serait très mal reçu, et je plaide vraiment pour qu'on ne l'envoie pas.

Par contre, tout le monde sera d'accord là-dessus, il faut continuer à rechercher les économies possibles et à améliorer la gestion de CulturesFrance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Si l'amendement de la commission des finances porté par notre collègue Michel Charasse n'avait pour objectif et pour effet que d'augmenter les autorisations d'engagement affectées au Fonds de solidarité prioritaire, je le voterais. Mais, tout comme l'amendement de la commission des finances qui nous sera présenté jeudi par M. Gouteyron, il s'apparente au mauvais sort jeté sur l'enfant au berceau. M. Charasse n'a pourtant rien d'une mauvaise fée ! (Sourires.) Il n'empêche, le résultat est là !

CulturesFrance venant tout juste d'être créé, les effets multiplicateurs de la fusion des deux anciennes associations ne se produiront que dans l'année à venir. Il a en effet été clairement précisé que les excédents de gestion dégagés par l'AFAA seraient réinjectés dans de nouvelles interventions l'année prochaine, justement pour donner de l'éclat à la création de cette agence.

Réduire les moyens de CulturesFrance pour saluer sa création me semble vraiment être un mauvais procédé.

Et puis c'est aussi faire dire aux auteurs du rapport de la Cour des comptes ce qu'ils n'ont pas écrit.

Il est évident que CulturesFrance doit renforcer ses compétences de gestion pour optimiser ses dépenses. Il est évident que l'association doit améliorer la qualité et la présentation de ses comptes, et il est souhaitable qu'elle devienne un établissement public afin qu'elle ne reste pas une fausse association.

En tout cas, je n'ai trouvé dans le rapport de la Cour des comptes aucune dénonciation de malversations dans la gestion des deniers publics !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne s'agit pas de malversations, il s'agit de mauvaise gestion !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il s'agit d'une association qui n'a pas les moyens techniques de sa gestion !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une association sans assemblée générale et sans organisation !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La fusion qui a été opérée doit justement permettre de l'améliorer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais non !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En tout état de cause, il faut que le Parlement lui accorde des statuts qui lui permettront d'avoir un fonctionnement plus conforme à son objet.

Pour l'heure, nous ne pouvons admettre que 250 actions soient supprimées dans la programmation de 2007, surtout celles qui sont prévues en Afrique !

Nous sommes donc d'accord avec le Gouvernement et nous ne voterons pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais ramener la proposition de Michel Charasse sur CulturesFrance à sa juste mesure.

Mes chers collègues, il ne s'agit pas d'une mauvaise manière de la commission des finances. Je rappelle que nous avons fait appel à la Cour des comptes pour nous éclairer, possibilité que nous offre la loi organique relative aux lois de finances.

La Cour des comptes a diligenté son enquête en toute indépendance, puis nous a remis son rapport. Nous avons organisé une audition afin de déterminer quelles suites il convenait de donner à ce rapport.

Il est apparu, à ce moment-là, que CulturesFrance contestait une partie des données révélées par la Cour des comptes.

Puis-je vous dire, chers collègues qui défendez avec beaucoup de passion CulturesFrance, que nous n'avons pas eu d'emblée le sentiment que cet opérateur de l'État avait conscience qu'il devait rendre des comptes au Parlement ?

Il n'y a pas si longtemps, j'ai entendu un de nos collèges se demander où était le pouvoir et si le Parlement jouait encore un rôle. Il dépend, mes chers collègues, de chacun d'entre nous que le Parlement soit ou non un lieu de pouvoir. La détermination de la commission des finances est de faire en sorte qu'il en soit effectivement un. C'est la raison pour laquelle nous demandons aux opérateurs de l'État de nous rendre des comptes !

Mme Catherine Tasca. Ça, c'est juste !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Sur ce point, nous sommes d'accord !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Partant de là, nous avons fait le constat d'une gestion qui n'était pas irréprochable. Pour tout dire, nous ne savons même pas si l'association tient son assemblée générale !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais vous savez bien que c'est une fausse association !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Que doit-on penser d'associations qui ne respectent même pas les obligations les plus élémentaires qu'emporte leur statut ?

Nous voulons rappeler aux responsables de cet opérateur de l'État qu'ils ont, eux aussi, des règles à respecter et qu'ils doivent rendre des comptes au Parlement.

Quant à la situation de trésorerie, il est clair qu'elle fera apparaître un excédent d'au moins 3,4 millions d'euros au 31 décembre 2006, ce qui n'est tout de même pas négligeable. Beaucoup de petites et moyennes entreprises rêveraient d'avoir un jour une trésorerie à ce point abondante !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et bien des communes !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait !

Nous tirons donc les conséquences des observations qui ont été faites et nous invitons les gestionnaires à amplifier leurs efforts de rigueur.

Mais, parce qu'il s'agit de culture, on voit se développer dans Paris une sorte de lobbying dénonçant la mise en péril d'une action culturelle fondamentale... Que cela cesse ! Ne nous rendons pas complices de cette propagation de nouvelles alarmistes !

Il s'agit ici de 200 000 euros et il s'agira jeudi, sur proposition d'Adrien Gouteyron, de 500 000 euros : ces sommes ne sont en rien de nature à mettre en péril l'action de CulturesFrance.

En conscience, mes chers collègues, la commission des finances vous soumet cette proposition. Nous entendons bien les arguments présentés par nos collègues, mais, de grâce, évitons de dramatiser !

Nous avons ensemble la charge de remettre de l'ordre dans la sphère publique et de mettre en cohérence nos actes avec nos grandes déclarations sur le déficit public ! En l'occurrence, il s'agit ici d'un geste symbolique, d'un signal donné à un opérateur de l'État, et nous en adresserons d'autres demain pour que l'on s'astreigne à une logique de gestion.

Après tout, les rédacteurs de la Déclaration de 1789 avaient très clairement énoncé le principe obligeant tout agent public à rendre compte de sa gestion !

Nous avons, en conscience, assumé nos prérogatives. C'est de cela que vous rend compte Michel Charasse en vous proposant un amendement mesuré et qui, je le répète, n'est en aucune façon - je tiens à rassurer Mme le ministre et nos collègues qui viennent de s'exprimer - susceptible de faire peser quelque menace que ce soit sur l'avenir de CulturesFrance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mes chers collègues, je formulerai deux remarques complémentaires.

Tout d'abord, nos travaux s'appuient sur des analyses de la Cour des comptes qui ont fait l'objet d'une audition de la commission et qui ont permis de démontrer que l'AFAA, dans l'ancienne structure, ne respectait pas les règles élémentaires de fonctionnement d'une association. Cela figure noir sur blanc dans les constatations de la Cour des comptes !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ça fait vingt ans que ça dure !

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ajoute que si, dans n'importe laquelle de nos communes, une association fonctionnait comme l'AFAA, avec des ressources d'origine quasi totalement publique et sans réunion des organes sociaux, la chambre régionale des comptes ne manquerait pas d'y voir une gestion de fait, avec les sanctions que cela suppose !

Mme Catherine Tasca. C'est l'hallali !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ensuite, puisqu'on a parlé d'affichage ou de je ne sais quelle mauvaise manière, je rappelle qu'en première partie de ce projet de loi de finances la commission des finances a obtenu du Gouvernement le vote d'un crédit supplémentaire de 2 millions d'euros afin de permettre la constitution du capital de la fondation Alliance française.

Mme Catherine Tasca. Quel rapport ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons exprimé une conviction et, là aussi, Adrien Gouteyron a été l'« élément moteur » de l'argumentation.

Nous avons pu obtenir l'accord du Gouvernement au sujet de la mise en place de ces 2 millions d'euros, qui exerceront un effet démultiplicateur, car ils permettront à des fonds d'origine différente de venir compléter la constitution des fonds propres de cette nouvelle fondation.

Par rapport à ces 2 millions d'euros, la perte de 200 000 euros d'un côté et de 700 000 euros de l'autre, mes chers collègues, est très peu de chose !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais ça n'a rien à voir !

M. Philippe Marini, rapporteur général. De plus, quand nous avons, les uns et les autres, l'honneur et le plaisir d'être en mission à l'étranger, d'être reçus dans nos postes diplomatiques par nos ambassadeurs, par nos conseillers culturels, nous constatons en règle générale que des choses tout à fait remarquables se font dans les centres culturels français à l'étranger, dans ce réseau dont nous pouvons être fiers.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cependant, en ce qui concerne la programmation proposée par l'AFAA - si j'ai bien compris il s'agira du même état-major et de la même stratégie pour CulturesFrance -, force est d'avouer, car c'est la vérité factuelle qui m'inspire ce propos, que l'on n'entend pas, loin de là, que des compliments sur la programmation, sur les spectacles offerts !

Tout prestataire doit accepter la critique de ses clients ou de ses usagers. Personne en la matière ne doit être intouchable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc des commissions.)

Mme Catherine Tasca. Les deux ministres de tutelle apprécieront !

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.

M. Adrien Gouteyron. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'exposé de M. le rapporteur spécial, ainsi que les différentes interventions qu'a suscitées son amendement relatif à CulturesFrance.

Je serai bref puisque j'aurai de nouveau l'occasion de m'exprimer sur ce point après-demain.

Ce sujet a fait l'objet, de la part de Michel Charasse et de la mienne pour la partie qui m'incombe, d'un examen extrêmement attentif. Nous avons entendu de nombreuses remarques, reçu de nombreuses personnes : nous avons été, je le crois, très ouverts à la discussion.

Cependant, rien de ce qui nous a été dit ne nous a amenés à modifier notre position. En effet, les informations qui nous étaient données étaient parfois, ou plutôt souvent, quelque peu contradictoires. Ce fait, à lui seul, justifie la proposition qui est soumise aujourd'hui au Sénat et celle qui le lui sera après-demain.

Je tiens également à souligner qu'il n'y a pas, d'un côté, ceux qui défendent la culture et, de l'autre, ceux qui en seraient les adversaires ou qui ne comprendraient rien à l'action culturelle. Il faut vraiment sortir de ces clivages !

J'ai été sensible, ce matin, lorsque je présidais nos travaux, à l'intervention de notre collègue Yves Dauge. Il a dit que, si la France était une puissance moyenne et si elle ne disposait pas toujours des moyens que nous souhaiterions lui voir déployer pour soutenir son action, il était au moins un domaine dans lequel cette action était reconnue, et bien au-delà de ce que peut faire une puissance moyenne : celui de la culture.

Je reprends à mon compte ce propos de notre collègue : c'est vrai, dans le domaine culturel, la France reste une grande puissance.

Mon souci, en l'espèce, est de faire en sorte que les moyens que nous donnons à l'action culturelle de la France soient bien utilisés, car nous devons assurer l'avenir !

Je crois en outre que nous devons, nous, parlementaires, prendre l'habitude de traduire nos rapports par des actes. Il ne s'agit nullement pour moi de donner des leçons à mes collègues - je n'ai d'ailleurs aucun titre pour le faire -, mais j'ai la conviction que, quand nous faisons des constatations, il faut qu'elles soient suivies d'effets. Or c'est justement ce qui vous est proposé au travers de cet amendement. Et le président Arthuis l'a dit avec force : c'est la dignité du parlementaire que de prendre ses responsabilités !

Tout à l'heure Mme Cerisier-ben Guiga a parlé de cette institution comme d'un petit enfant sur le berceau duquel de mauvaises fées se pencheraient pour lui jeter un sort. Et la commission des finances serait la mauvaise fée ! Non, ma chère collègue. Je vous rappelle que la création de l'AFAA remonte à 1923 ! Il est vrai que CulturesFrance est une nouvelle institution, mais elle est issue d'une structure qui, elle, est tout de même très ancienne.

Pour ma part, je ne veux pas sanctionner CulturesFrance. Nos collègues doivent bien comprendre que nous ne prenons pas des initiatives de ce genre pour nuire à qui que ce soit. Nous voulons simplement faire en sorte que la gestion soit encore plus rigoureuse et que, ainsi, l'action culturelle de la France soit établie sur des bases encore plus solides : c'est notre seule intention !

Pour finir, je remercie Philippe Marini d'avoir mentionné la dotation qui sera attribuée à l'Alliance française pour constituer sa fondation. Et il convenait de l'évoquer parce que cela compte aussi pour le développement de l'action culturelle de la France : c'en est même un élément essentiel ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc des commissions.)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les deux sont importants !

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Je veux simplement apporter un témoignage.

Chacun sait l'attachement que je porte à la francophonie, c'est-à-dire au rayonnement de notre langue et au fait qu'elle vive à travers les cultures diverses qui ont choisi de l'utiliser.

Je suis aussi président du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest de notre assemblée. Me trouvant récemment encore, à ce titre, en déplacement en Afrique de l'Ouest, j'ai été saisi par des acteurs de l'action culturelle française de plaintes quant à la nature, considérée comme fort élitiste, des spectacles qui leur étaient régulièrement proposés, voire imposés, par ce qui est maintenant CulturesFrance et qui était jusqu'à présent l'AFAA. C'est un débat ! Cela ne veut pas dire que ces personnes avaient nécessairement raison. Mais leur témoignage venait s'ajouter à ceux que nous avions pu recueillir en d'autres occasions.

Le débat suscité aujourd'hui par l'amendement n° II-11 de la commission des finances est légitime. Je ne suis pas toujours d'accord avec la commission des finances, qui a raccroché un peu bizarrement, dans la LOLF, la francophonie à l'aide au développement. (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous n'y sommes pour rien !

M. Jacques Legendre. Mais je crois que le débat qui a lieu aujourd'hui est sain.

C'est justement parce que l'AFAA, qui existait depuis 1923, vient d'être remplacée par CulturesFrance que nous voulons que soit maintenant corrigé ce qui a pu, dans le passé, apparaître comme un certain nombre d'errements. Il ne s'agit pas de réduire la place de la culture, ni d'en stigmatiser les acteurs, mais au contraire de rendre plus efficace notre engagement dans ce domaine et de faire en sorte que le Parlement y soit effectivement associé.

L'action culturelle française à l'étranger n'est l'apanage de personne. Elle se fait avec des crédits publics et donc sous le regard du Parlement. Que le Parlement s'exprime est une excellente chose et, en ce qui me concerne, je m'en réjouis ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Nous avons essentiellement parlé de l'amendement n° II-11, et je voudrais revenir sur l'amendement n° II-10, sur lequel Mme la ministre a apporté une longue réponse argumentée.

Par cet amendement, je le rappelle, la commission des finances propose de renforcer de 20 millions d'euros les autorisations d'engagement affectées à l'aide au développement et à l'aide-projet du Fonds de solidarité prioritaire.

Mme la ministre nous a dit, en résumé : « D'abord, vous ne savez pas tout et, ensuite, il n'est pas possible d'opérer un prélèvement sur l'IFFIm ! »

Ainsi, nous ne saurions pas tout. Moi, madame la ministre, je me réfère aux documents existants. Or, ce que j'y vois, c'est que 150 millions d'euros étaient affectés au FSP l'année dernière et que 130 millions d'euros lui sont attribués en 2007, ce qui fait 20 millions d'euros de moins. S'agissant de l'Agence française de développement, sur le programme 209, je constate que l'on passe de 300 millions d'euros en 2006 à 230 millions d'euros prévus pour 2007, ce qui fait 70 millions d'euros de moins. Donc, au total, la diminution est de 90 millions d'euros.

Mais, avez-vous dit, vous ne saviez pas que nous allons affecter 38 millions d'euros, pris en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur les résultats de l'AFD, et que nous allons annuler 52 millions d'euros d'anciennes autorisations d'engagement non utilisées par l'AFD.

Donc, 38 millions d'euros plus 52 millions d'euros, cela fait 90 millions d'euros. Apparemment, vous avez raison.

Le seul ennui, c'est que la prise en charge de la rémunération des assistants techniques, qui était de 11 millions d'euros l'année dernière, va passer à 51 millions d'euros cette année.

Le total des crédits FSP et AFD passe donc de 439 millions d'euros à 399 millions d'euros, soit 40 millions d'euros de moins et, pour la seule AFD, de 289 millions d'euros à 269 millions d'euros, soit 20 millions d'euros de moins.

Et il est question, dans cet amendement n° II-10, d'un transfert de 20 millions d'euros.

Madame la ministre, l'objet de notre amendement est simplement d'aider ce gouvernement-ci et celui qui lui succédera à respecter cet objectif fondamental pour la France qui consiste à consacrer 0,7 % de son revenu national à l'aide au développement en 2012. Même s'il n'est pas dans les attributions de la commission des finances de statuer sur des questions de politique étrangère, lesquelles relèvent principalement de la commission des affaires étrangères, nous avons aussi le souci de la place et de l'image de la France dans le monde !

Vous nous avez dit en outre qu'il n'était pas possible de prélever une partie des autorisations d'engagement prévues pour l'IFFIm. Pour ma part, j'ai examiné les choses de très près. L'engagement que nous avons pris sur l'IFFIm est de 1,3 milliard d'euros. Mais, sur les vingt ans qui viennent, c'est-à-dire jusqu'en 2027, il n'est que de 373 millions d'euros, puisque nous ne sommes pas allés jusqu'au bout, alors que certains de nos partenaires ont accepté de couvrir la totalité du programme. Ce sont des annuités d'emprunt que nous prenons en charge. Étant donné que nous ne sommes liés par aucun traité, donc par aucun engagement juridique, il n'y aura pas de difficulté à reconstituer sur vingt ans les 20 millions d'euros que nous proposons de prélever.

En revanche, l'objectif de 0,7 % doit être atteint en 2012 ! Et j'ai le sentiment que cette question préoccupe tous les membres de cette assemblée, quel que soit le côté de l'hémicycle où ils siègent, car elle met en jeu l'image de la France.

Par conséquent, madame la ministre, je ne peux pas vous suivre.

Simplement, je tiens à souligner - et le président de la commission des finances ne m'en voudra pas - que je n'étais effectivement pas au courant du prélèvement de 38 millions d'euros d'un côté et de l'annulation de 52 millions d'euros de l'autre, parce que, au moment où j'ai préparé mon rapport, on ne m'en avait pas informé.

Je souhaite donc que, l'an prochain, nous ayons en amont toutes les indications nécessaires ; cela facilitera grandement notre travail !

En tout cas, en l'état actuel, cet amendement n° II-10, est un amendement de fond, puisque le geste qu'il traduit - et qui n'est d'ailleurs pas suffisant - concerne l'objectif de 0,7 % du PIB en 2012, auquel la représentation nationale, notamment cette assemblée, qui a une mission constitutionnelle de représentation particulière de l'étranger, ne peut pas être indifférente.

L'amendement n° II-11 est, lui, un amendement de principe. En effet, une histoire de 200 000 euros, comme on dit en Auvergne, il n'y a pas de quoi en faire une pendule !

Mme Catherine Tasca. Il s'agit de 700 000 euros !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Non ! Les 700 000 euros, c'est avec les 500 000 euros de l'amendement de M. Gouteyron, qui sera examiné après-demain !

En tout cas, il faut comprendre la manière dont la question se pose. La commission des finances est la gardienne de l'application de la loi organique et je suis attaché à cette loi parce qu'elle est une oeuvre commune de la droite et de la gauche, c'est-à-dire de l'unité de l'institution parlementaire, pour régler les conditions dans lesquelles nous accomplissons, tous les ans, l'acte fondamental du Parlement, à savoir le vote du budget et le contrôle des finances publiques.

C'est pourquoi, lorsque la Cour des comptes nous dit que les reports de crédits, limités à 3 % par la loi organique, excèdent 10 % dans le cas de CulturesFrance, la mission de la commission des finances est d'appeler l'attention sur ce point et, comme le disait le président Arthuis il y a un instant, de donner un signal.

Car nous ne passons pas l'écrémeuse sur la totalité ! Nous ne sommes pas complètement inconscients ! Nous ne voulons pas mettre CulturesFrance dans une situation impossible, la priver de toute trésorerie : elle a quand même besoin d'un minimum. Mais convenez que 3,4 millions d'euros, c'est malgré tout un chiffre très élevé, trop élevé.

La commission des finances et tous les rapporteurs spéciaux veillent quotidiennement au respect des règles de la loi organique. Je suis donc toujours très étonné de constater que certains secteurs - en particulier celui de la culture, mais il existe deux ou trois autres qui sont aussi protégés - ne se voient jamais imposer de respecter cette règle des 3 %, alors que les autres y sont strictement contraints. Je suis désolé, mais les règles s'appliquent à tout le monde ! S'il avait dû en être autrement, MM. Lambert et Migaud n'auraient pas rédigé la loi organique de la même manière et ils auraient énuméré un certain nombre d'exceptions.

J'ajoute que les crédits sont transférés d'une association qui n'en a pas vraiment besoin, comme cela a, me semble-t-il, été démontré, au Fonds français pour l'environnement mondial, dont les crédits sont très justes, et où il est également très important que la France fasse bonne figure : 200 000 euros, mes chers collègues, ce n'est pas une histoire épouvantable !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais cela a des implications beaucoup plus importantes !

M. Michel Charasse. Quelle que soit la majorité qui emportera les prochaines élections, comme le veut l'habitude, un collectif budgétaire interviendra à brève échéance. Je peux vous affirmer que la première préoccupation du ministre des finances ou du budget - nous sommes quelques-uns ici à avoir occupé cette fonction : je parle sous le contrôle de MM. Jean Arthuis et Jean-Pierre Fourcade, et peut-être de quelques autres - sera alors de ramasser tous les tas de noisettes qui dorment ici et là ! (Rires.)

C'est ce que j'ai dit hier à M. Poivre d'Arvor : « Si vous avez un tas de noisettes qui traîne à CulturesFrance, faites attention : il ne passera pas l'année ! » (Nouveaux sourires.) Plutôt que de le faire faire ou de le laisser faire par le Gouvernement via un décret de réduction de crédits pour gager un décret d'avances, je préfère, moi qui suis un vieux parlementaire dans l'âme, que le Parlement fasse son métier.

Alors, évidemment, des raisons de fond ont été avancées par mes amis du groupe socialiste. Je ne peux pas me distinguer trop nettement d'eux,...

Un sénateur de l'UMP. Un peu tout de même !

M. Michel Charasse.... car je comprends aussi ce qu'ils veulent dire. Si j'ai un raisonnement politique, je peux les rejoindre ; mais si j'ai un raisonnement technique, qui est celui de l'éthique budgétaire, dont la commission des finances a la charge, je suis obligé de m'en tenir à ce que la commission a voté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur le banc des commissions.)

M. le président. Mes chers collègues, je considère que ce débat, très intéressant, honore le Sénat. Chacun ayant pu s'exprimer, nous allons maintenant procéder au vote.

Je mets aux voix l'amendement n° II-10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets à voix, modifiés, les crédits de la mission « Aide publique au développement » figurant à l'état B.

(Ces crédits sont adoptés.)

Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers » figurant à l'état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Prêts à des États étrangers

1 194 250 000

996 450 000

Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure

300 000 000

150 000 000

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

731 250 000

731 250 000

Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

163 000 000

115 200 000

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers » figurant à l'état D.

(Ces crédits sont adoptés.)

Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux » figurant à l'état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Accords monétaires internationaux

0

0

Relations avec l'Union monétaire ouest-africaine

0

0

Relations avec l'Union monétaire d'Afrique centrale

0

0

Relations avec l'Union des Comores

0

0

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux » figurant à l'état D.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 42 et 42 bis qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Aide publique au développement

Article 34 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 42 bis

Article 42

La garantie de l'État est accordée à l'Agence française de développement pour couvrir la contribution due par cette agence au titre du remboursement en principal et en intérêts de la première émission obligataire de la Facilité de financement internationale pour la vaccination pour un montant maximal de 372 800 000 € courants. Cette garantie s'exerce dans le cas où le montant de l'annuité due par l'agence au titre de cette contribution est supérieur à la part des recettes annuelles du fonds de solidarité pour le développement attribuée, dans des conditions fixées par voie réglementaire, au financement de la contribution française à la Facilité de financement internationale pour la vaccination, dont le montant est constaté par le comité de pilotage de ce fonds. - (Adopté.)

Article 42
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Agriculture, pêche et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Article 42 bis

Dans le I de l'article 64 de la loi de finances rectificative pour 1991 (n° 91-1323 du 30 décembre 1991), le montant : « 11 100 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 14 600 millions d'euros ». - (Adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » et des comptes de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux ».

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural

Article 42 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 34 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits relatifs aux missions : « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » (et articles 41 et 41 bis) et compte d'affectation spéciale : « Développement agricole et rural ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission ministérielle APFAR, « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », dont les crédits s'élèvent pour 2007 à 2,98 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,95 milliards d'euros en crédits de paiement, regroupe quatre programmes d'inégale importance, qui font l'objet de développements détaillés dans mon rapport spécial.

Cette présentation doit toutefois être relativisée pour deux raisons principales.

Tout d'abord, cette mission ne recouvre pas l'ensemble des concours publics en faveur de l'agriculture puisque les crédits communautaires apportent une très large contribution. En effet, les dépenses agricoles de l'Union européenne devraient s'établir à 10,5 milliards d'euros en 2007, soit plus de trois fois le montant de la présente mission. À cet égard, je tiens à souligner qu'une amélioration devrait sans doute être recherchée dans la présentation des crédits concourant à la mise en oeuvre de la politique agricole afin de mieux cerner les enjeux liés au cofinancement communautaire.

Ensuite, les dépenses fiscales, qui s'élèveront à près de 3,4 milliards d'euros en 2007, représentent un montant supérieur aux crédits budgétaires de la mission. Je souhaite que la présentation des mesures fiscales concourant à la mise en oeuvre de chaque programme soit améliorée afin de permettre une évaluation chiffrée de chaque mesure et une évaluation de leur réelle efficacité économique.

Cette mission est essentiellement centrée sur les dépenses d'intervention, qui représentent 53,5 % du total et témoignent du poids des dispositifs d'aides en faveur des agriculteurs ou des marchés.

Par ailleurs, les dépenses de personnel sont concentrées sur deux programmes, dont un programme support, et recouvrent 24,2 % des crédits de la mission.

Je tiens à souligner que ce découpage des dépenses de personnel n'est pas conforme à l'esprit de la LOLF, pas plus que l'existence d'un programme support au sein de la mission.

La lecture des « schémas de déversement analytique » des différents programmes est difficile en raison de leur complexité. J'avais déjà formulé cette remarque l'an passé, mais aucune amélioration n'est à noter cette année. Monsieur le ministre, une réflexion est-elle en cours sur la suppression, à terme, du programme support ?

Je voudrais maintenant vous faire part de mes principales observations sur les quatre programmes qui composent cette mission.

Je formulerai trois remarques préalables qui vaudront pour l'ensemble des programmes.

Premièrement, s'agissant de la définition des objectifs et indicateurs, le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est engagé avec sincérité dans une démarche de performance et nombre des remarques formulées par la commission des finances sur la définition des critères de performances de la mission ont été suivies d'effet.

Un resserrement des objectifs ainsi qu'une réflexion méthodologique sur la construction des indicateurs sont à noter. Toutefois, pour de nombreux indicateurs, des problèmes d'interprétation persistent en raison de la difficulté à renseigner statistiquement lesdits indicateurs et à disposer de séries pluriannuelles fiables.

Deuxièmement, les différents opérateurs de programme ont accompli de réels efforts dans l'application de la LOLF. Désormais, la plupart des opérateurs de la mission sont en mesure de présenter une consolidation de leurs emplois en équivalent temps plein travaillé. Toutefois, l'évaluation de la performance de ces opérateurs et de leurs actions menées pour le compte de l'État doit être améliorée.

Monsieur le ministre, la définition d'objectifs et d'indicateurs associés aux actions menées par les opérateurs de votre mission est-elle en cours ?

Troisièmement, l'architecture et la cartographie des budgets opérationnels de programme, les fameux BOP, de la mission, trop complexes, devront être simplifiées à l'avenir. À cet égard, le ministère de l'agriculture et de la pêche a encore des progrès à faire. Monsieur le ministre, quelles sont vos propositions en matière de simplification de la cartographie des BOP de la mission APFAR ?

J'en viens maintenant au détail de mes observations sur chaque programme, en commençant par le programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural ».

Celui-ci a fait l'objet d'importantes modifications de périmètre en 2007, notamment avec l'intégration des compensations d'exonérations de charges sociales, pour 40 millions d'euros, et le transfert des crédits de rémunération des agents mis à la disposition des Haras nationaux par le ministère de l'agriculture et de la pêche, pour 12,7 millions d'euros.

La justification au premier euro des crédits de ce programme est satisfaisante et permet d'identifier les dispositifs prioritaires du programme pour 2007, notamment le soutien aux territoires ruraux, l'appui au renouvellement des exploitations agricoles, avec la poursuite des actions en faveur des agriculteurs en difficulté et de l'installation des jeunes agriculteurs, les mesures agro-environnementales et la politique de la pêche.

S'agissant des actions de ce programme, j'ai besoin de précisions de votre part, monsieur le ministre.

Les crédits en faveur des aides à la mise aux normes des exploitations, notamment ceux du programme de maîtrise des pollutions agricoles, ou PMPOA, en forte baisse par rapport à 2006, permettront-ils de répondre à l'ensemble des demandes pour 2007 ?

Quel avenir réservez-vous aux contrats d'agriculture durable, les CAD, dont la dotation en crédits de paiement pour 2007 est quasiment divisée par deux par rapport à 2006 ? Une évaluation de ce dispositif a-t-elle été effectuée par votre ministère ? Ne pourrait-il faire l'objet d'un futur audit de modernisation ?

Le plan en faveur de la pêche que vous proposez et qui constitue un effort significatif au bénéfice de ce secteur - 60 millions d'euros inscrits en 2007 - sera-t-il de nature à mettre en place, au sein de la flotte française, des mesures de gestion conformes aux impératifs de conservation du stock ?

En outre, les récents accords internationaux et communautaires relatifs aux mesures de réduction des quotas officiels de pêche, d'encadrement des périodes de pêche et de hausse de la taille minimale de capture auront-ils un impact négatif significatif sur la flotte française ?

Nous avons déposé deux amendements affectant les crédits de ce programme pour 2007.

Le premier vise à réduire de 3 millions d'euros la subvention pour charges de service public destinée à l'établissement public « les Haras nationaux » afin de tenir compte des principales observations de mon rapport d'information sur cet établissement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent rapport !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Merci, monsieur le président !

En contrepartie de cette réduction, je vous proposerai d'augmenter les crédits de soutien aux filières par les offices agricoles.

Le deuxième amendement a pour objet de réduire de 5 millions d'euros l'enveloppe des autorisations d'engagement destinée au financement des charges de bonification des prêts visant à l'installation des jeunes agriculteurs, afin de tenir compte des observations très sévères de la Cour des comptes sur ce dispositif.

Sur ces deux sujets, monsieur le ministre, celui de la rationalisation des missions des Haras nationaux et celui de la réforme du dispositif des prêts bonifiés destinés à l'installation des jeunes agriculteurs, je souhaiterais avoir votre sentiment.

Le programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés » est marqué par le poids des subventions pour charges de service public versées aux principaux opérateurs que sont les offices d'intervention agricole.

Ces offices ont fait l'objet d'une réforme d'envergure en 2006 avec le recentrage de leurs missions, la création d'une agence unique de paiement des aides et la réduction de leurs coûts de fonctionnement. Des inquiétudes ont pu se faire jour quant à leur capacité financière à soutenir les filières agricoles l'année prochaine. Que pouvez-vous répondre à ces interrogations, monsieur le ministre ?

La justification au premier euro des crédits demandés pour ce programme est satisfaisante. Je remarque que les dispositifs de gestion des aléas de production financés par ce programme sont prioritaires, notamment l'encouragement à l'assurance récolte, qui bénéficie de crédits de 30 millions d'euros en 2007, en augmentation de 20 % par rapport à 2006. Il s'agit là d'un engagement fort de votre part, monsieur le ministre. Pouvez-vous nous dire si les crédits consacrés à l'assurance récolte en 2006 et ceux qui sont prévus pour 2007 permettront d'atteindre les objectifs fixés par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 ?

Pour ce qui est du programme « Forêt », j'observerai d'abord qu'il ne dispose d'aucun crédit de personnel propre et se voit transférer des crédits en provenance d'autres programmes de la mission.

Selon moi, l'incapacité à identifier, au sein du programme « Forêt » les crédits de personnel contribuant à la mise en oeuvre de la politique forestière entrave les marges de manoeuvre du responsable de programme et constitue une entorse aux principes inscrits dans la LOLF. Quels sont les progrès à attendre en la matière, monsieur le ministre ?

La justification au premier euro témoigne du poids des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs que sont l'Office national des forêts et les centres de propriété forestière.

Je me félicite d'ailleurs de la signature, avec six mois d'avance, du nouveau contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'ONF.

J'ai toutefois un regret, monsieur le ministre : la justification au premier euro n'est pas toujours assez explicite s'agissant de ce programme.

Je ne m'attarderai pas sur le programme support de la mission : « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » qui, à mon sens, a vocation à disparaître.

À l'avenir, il est nécessaire de tendre vers l'intégration, au sein de chaque programme, des crédits de soutien, sauf à remettre en cause la lisibilité du budget de la mission dans son ensemble.

Une question se pose s'agissant des crédits du programme pour 2007, celle de l'exactitude de l'évaluation des crédits de personnel. En effet, la justification au premier euro fait état de 4 821 équivalents temps plein travaillé pour une masse salariale globale de 330,7 millions d'euros, contre 5103 pour 336,2 millions d'euros en 2006.

Or un projet de décret d'avance de novembre 2006 a prévu l'ouverture de 10 millions d'euros sur le titre 2 de ce programme en raison d'une difficulté d'évaluation initiale de la masse salariale lors de la construction du projet de loi de finances pour 2006. Une sous-évaluation similaire n'est-elle pas à redouter en 2007, monsieur le ministre ?

Sous réserve de ces remarques et des amendements que je vous ai annoncés, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », ainsi que les articles 41 et 41 bis, rattachés à la mission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'agriculture pour 2007 est un budget sérieux, équilibré et cohérent. (Murmures amusés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Notre collègue Joël Bourdin l'ayant déjà fort bien analysé, je n'entrerai pas dans chacun de ses détails ; j'évoquerai simplement les points qui nous satisfont pleinement - ce sont naturellement les plus nombreux, et je ne citerai donc que les principaux - avant de dire quelques mots des éléments d'incertitude ou d'interrogation.

Commençons par les motifs de satisfaction.

Premier point, le soutien marqué au secteur de la forêt et du bois se traduit par une revalorisation de l'action correspondante à hauteur de 44 % en autorisations d'engagement et de 26 % en crédits de paiement.

Le Gouvernement a multiplié dernièrement les dispositions fiscales en faveur de la filière, pour un montant total de 106 millions d'euros, montant qui n'a rien d'excessif si l'on songe que les deux tiers des forêts touchées par la tempête de 1999 n'ont pas encore été reconstituées.

Reste à satisfaire la demande de l'ensemble de la filière du pin maritime, qui souhaite être reconnue en tant qu'interprofession maritime. Sur ce sujet, monsieur le ministre, je compte sur votre précieux soutien, car, s'il concerne l'Aquitaine, il concerne aussi un département dont vous êtes l'élu. (Sourires.)

Deuxième point très positif : l'appui à l'innovation et à la valorisation des produits.

Font ainsi l'objet de hausses substantielles les crédits permettant de financer les actions en matière de sélection animale et végétale, de soutenir l'innovation dans le secteur agroalimentaire et de renforcer la promotion à l'international.

On ne peut par ailleurs que se féliciter des nombreux pôles d'excellence rurale déjà labellisés, d'autant qu'ils seront rejoints par une nouvelle vague de labellisés d'ici à la fin de l'année.

Troisième point positif : la rationalisation et la modernisation des structures administratives.

On relèvera à cet égard la diminution de la masse salariale des agents obtenue grâce à un ajustement des effectifs du ministère ou encore le développement des téléprocédures au bénéfice des usagers. Sur ce dernier point, les indicateurs font état de performances très encourageantes.

Quant à la réduction des coûts de fonctionnement des offices du fait de leur regroupement, elle est certes conforme à une pure logique de gestion budgétaire ; cependant, il importe que ces structures restent en mesure d'accomplir leurs missions, essentielles pour le monde agricole et ses filières, dans des conditions matériellement satisfaisantes.

J'en viens à présent aux éléments d'interrogation, qui sont également au nombre de trois.

C'est d'abord la crise que traverse la filière vitivinicole, à laquelle une partie du rapport pour avis est consacrée, tant la situation est grave.

Atonie de la consommation intérieure et montée en puissance des vins dits « du nouveau monde » provoquent une chute des cours, un accroissement des stocks et, in fine, une réduction notable - de 56 % ! - des revenus des professionnels.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Vous avez pris l'initiative, monsieur le ministre, et je vous en sais gré, de mettre en oeuvre un plan de soutien à la filière, pour un montant de 90 millions d'euros,...

M. Roland Courteau. C'est insuffisant !

M. Gérard César, rapporteur pour avis.... mais nous sommes encore loin du compte, alors que la Commission européenne a présenté un projet de réforme de l'organisation commune du marché du vin qu'à juste titre - et je vous remercie de votre position énergique - vous avez jugé inacceptable, monsieur le ministre.

Pourquoi, en effet, proposer l'arrachage de 400 000 hectares de vignes alors que plusieurs dizaines de milliers d'hectares ont été plantés dans le sud de l'Union européenne sans droits, et donc en toute illégalité ?

M. Roland Courteau. C'est scandaleux !

M. Gérard César, rapporteur pour avis. N'est-il pas contradictoire de proposer en même temps la libéralisation des droits à plantation et un plan d'arrachage massif ?

M. Roland Courteau. Parlons-en, en effet !

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Pouvez-vous donc nous dire, monsieur le ministre, où nous en sommes dans ces négociations et, plus largement, quel soutien vous envisagez d'apporter au monde vitivinicole, notamment en ce qui concerne la promotion à l'export, indispensable pour surmonter la crise ?

M. Roland Courteau. Tout à fait indispensable !

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Le deuxième point sur lequel nous sommes quelque peu réservés à trait au financement de l'INAO, l'Institut national des appellations d'origine.

Dans le cadre de la dernière loi d'orientation agricole, que j'ai eu l'honneur de rapporter au nom de la commission des affaires économiques, nous avions décidé d'élargir le champ de compétence de l'institut - sans en changer le nom, je le rappelle - en lui confiant la gestion de nouveaux signes de qualité.

Un contrat d'objectifs et de moyens a été conclu pour la période 2007-2009, prévoyant un réajustement global des ressources. Or, s'il est envisageable à partir de 2008, ce réajustement ne doit pas porter sur l'année 2007, car l'INAO sera contraint de faire face à des missions supplémentaires sans avoir encore pu se réorganiser et alors qu'un audit réalisé par vos services, monsieur le ministre, confirme les besoins de financement.

Afin que cet institut, dont l'utilité et la compétence sont unanimement reconnues, soit en mesure d'assurer pleinement ses missions, il semble nécessaire de réévaluer ses crédits de fonctionnement, et je présenterai tout à l'heure un amendement en ce sens.

Troisième et dernier point d'interrogation : le financement de l'assurance récolte, chère au président de notre commission, M. Emorine.

Certes, malgré les contraintes budgétaires, l'action correspondante est revalorisée de 20 % au sein du projet de budget. Cependant, les 30 millions d'euros ainsi mobilisés restent bien inférieurs, par exemple, aux 240 millions d'euros qu'a consacrés l'Espagne en 2006 à l'assurance récolte.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Avec deux de mes collègues de la commission des affaires économiques, Dominique Mortemousque et Daniel Soulage, j'ai récemment rencontré le directeur de l'agence américaine gérant l'assurance récolte, qui nous a fait part de systèmes incitatifs a priori très intéressants - par exemple, l'obligation de posséder une assurance récolte pour obtenir des prêts - et qui nous a indiqué que cet instrument constituerait une priorité dans le prochain Farm Bill.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quels développements vous attendez en la matière pour l'année 2007 et à plus long terme, au regard notamment des engagements de principe pris dans la loi d'orientation agricole ?

Tels sont les quelques éléments que je souhaitais vous soumettre, monsieur le ministre.

Je terminerai naturellement mon intervention en appelant à voter les crédits de cette mission, qui, j'y insiste, garantissent un budget pérennisé au service du monde agricole et rural. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le volet relatif au développement rural de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », même s'il n'est pas aisé d'isoler clairement les crédits affectés à ce volet depuis la mise en oeuvre de la LOLF.

Je commencerai par dire quelques mots des crédits du budget du ministère de l'agriculture sur ces actions pour 2007, avant d'aborder le nouveau programme de développement rural pour la période 2007-2013.

S'agissant tout d'abord du projet de budget, ses orientations en matière de développement rural me paraissent contrastées et globalement inquiétantes.

Certaines évolutions, il faut le reconnaître, vont dans la bonne direction.

La prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, aide structurante pour l'aménagement du territoire, bénéficie ainsi d'une revalorisation de 5 %.

Les indemnités compensatoires de handicap naturel, qui permettent de maintenir les activités d'élevage dans les zones, telles que la montagne, où les conditions de production sont particulièrement défavorables, sont également revalorisées.

Un effort substantiel est réalisé pour le secteur forestier. En particulier, les crédits affectés à la modernisation de la filière bois augmenteront de 45 %.

Parallèlement à ces quelques « bons points » dont, je tiens à le dire, le Gouvernement peut être crédité, je me dois malheureusement aussi de souligner les importants motifs d'inquiétude que suscite ce nouveau projet de budget.

Les 118 millions d'euros mobilisés pour la prime herbagère agro-environnementale, dispositif en direction des productions extensives sur l'ensemble du territoire, financeront pour l'essentiel des contrats territoriaux d'exploitation arrivant à expiration. Seuls 17 millions d'euros sont ouverts au titre des nouveaux CTE en 2007, ce qui paraît très largement insuffisant au regard des attentes.

De la même façon, les 78,3 millions d'euros prévus pour les contrats d'agriculture durable permettront de gérer les stocks, mais non de financer de nouvelles ouvertures de contrats.

Les 12 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour les mesures rotationnelles représentent une simple reconduction du budget des précédentes années, et cette enveloppe ne permettra pas d'étendre ce dispositif de diversification de l'assolement au-delà des neuf régions qui en bénéficient aujourd'hui, ce qui est contraire à l'engagement du Gouvernement, monsieur le ministre.

On le voit, ce projet de budget, dans lequel, il faut le souligner, l'enveloppe du ministère de l'agriculture diminue en volume, laisse entrevoir un inquiétant désengagement de l'État en matière de développement rural.

Cette évolution est d'autant plus alarmante qu'elle s'inscrit dans le contexte d'une nouvelle programmation de développement rural pour 2007-2013 qui est très incertaine, et c'est le second sujet que je veux aborder.

La programmation 2000-2006 arrive à son terme, après avoir permis de financer, par l'intermédiaire de quatre fonds structurels communautaires, des actions en faveur du deuxième pilier de la PAC à hauteur de 6,4 milliards d'euros et selon trois axes : promotion d'une agriculture durable, maintien de la population sur les territoires ruraux et préservation de l'environnement.

Un règlement européen de septembre 2005 change ce cadre institutionnel et financier. Un fonds spécifique, le Fonds européen agricole pour le développement rural, ou FEADER, est dédié au soutien des actions en faveur du développement rural.

Sur la base de ses grandes orientations, chaque pays définit un plan stratégique national, dont la mise en oeuvre s'effectue par le biais d'un programme de développement rural présentant un ensemble de mesures concrètes assorties d'un plan de financement.

Ainsi le Gouvernement a-t-il arrêté, en mars dernier, l'architecture de la programmation française pour 2007-2013, qu'il a transmise pour approbation à la Commission européenne.

Cette programmation se caractérise par une déconcentration poussée et par une hiérarchisation des niveaux d'intervention : un programme dit « hexagonal » qui couvre l'ensemble du territoire hors Corse, des programmes concernant chacun des départements d'outre-mer et un dernier programme concernant la Corse.

Or, si ces programmes contiennent d'appréciables mesures de soutien au renforcement de la compétitivité de l'agriculture, à l'aménagement des espaces ruraux et à la diversification de l'économie, le niveau de leur financement paraît encore aujourd'hui très incertain.

En effet, l'enveloppe allouée par le FEADER à la France pour la période 2007-2013 sera de 6 milliards d'euros, alors que les dépenses occasionnées pendant la période précédente se sont élevées à 6,4 milliards d'euros.

C'est donc à un recul de l'engagement communautaire en matière de développement rural que nous assistons, et cela malgré l'orientation proclamée de la PAC vers un renforcement de son second pilier.

Même si le Gouvernement assure que l'enveloppe globale consacrée au développement rural sera préservée grâce à un renforcement des cofinancements nationaux et à la mobilisation de financements sans contrepartie, on ne peut qu'être inquiet au vu de cette évolution. Ne cache t-elle pas, en effet, une renationalisation sous-jacente d'une question d'intérêt communautaire risquant de remettre en cause un développement équilibré et harmonieux du territoire européen ?

Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions que m'ont inspirées les crédits consacrés à la composante « développement rural » de cette mission, crédits, vous n'en serez pas surpris, qu'à titre personnel je ne voterai pas,...

M. Aymeri de Montesquiou. C'est dommage !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.... mais que la commission vous invite à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement, au sein de la mission « Agriculture, pêche et affaires rurales », sur le secteur de la pêche.

Après avoir brièvement mentionné les crédits qui y sont consacrés, j'évoquerai de façon plus approfondie l'important problème du contrôle des pêches, qui se trouve aujourd'hui sous les feux de l'actualité et donne lieu à tant d'inquiétudes.

J'aborde donc, en premier lieu, le volet « pêche » du projet de loi de finances pour 2007.

Force est de constater qu'il s'agit là d'une des priorités du ministère. Dotée de 60 millions d'euros, contre 32 millions d'euros l'année précédente, cette action s'inscrit dans le « plan d'avenir pour la pêche 2006-2007 » que vous avez annoncé au mois de juin, monsieur le ministre, pour un montant de 80 millions d'euros.

Il faut reconnaître également que c'est une réponse attendue et, pourrait-on dire, incontournable. En effet, affectée par l'augmentation du coût de l'énergie, la raréfaction de la ressource halieutique et les problèmes sanitaires, la filière pêche traverse, comme la filière viticole, une crise profonde.

Ce plan d'aide national est naturellement conforté par les actions menées à l'échelle communautaire, dans le cadre du Fonds européen pour la pêche, le FEP. Il remplacera, à compter du 1er janvier prochain, et après deux ans de négociations, l'Instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP.

Or ce nouveau fonds se voit doté d'une enveloppe globale de 3,85 milliards d'euros pour la période 2006- 2013, soit, mes chers collègues, une diminution d'environ 33 %, ce qui devrait affecter dans une même proportion l'enveloppe octroyée à la France.

Même si une partie de cette diminution provient de la disparition des aides à la construction, nous ne pouvons qu'y voir une tendance inquiétante à un désengagement des politiques européennes de soutien ; à cet égard, je fais miens les propos qui viennent d'être tenus sur le financement des politiques rurales.

Comment comptez-vous « absorber » cette réduction du cofinancement, monsieur le ministre, alors que les dépenses consacrées à un secteur aussi fragile que celui de la pêche risquent d'aller en augmentant ?

J'en viens, à présent, au thème plus spécifique développé dans le rapport pour avis, à savoir le contrôle et le suivi des activités de pêche.

C'est, si j'ose dire, un enjeu de fond. Il s'agit d'assurer le respect de la réglementation des pêches, concernant, notamment, les taux maximaux et les tailles minimales de capture, non seulement par les pêcheurs français, mais aussi par les pêcheurs communautaires et par ceux des pays tiers. On connaît la sensibilité du sujet chez nos pêcheurs, qui ont le sentiment de subir une concurrence déloyale de la part, en particulier, des navires espagnols ou japonais. Ils sont intarissables sur ce sujet, monsieur le ministre, et leur amertume est grande !

Si la politique commune de la pêche ne prévoyait pas à l'origine d'instruments propres à garantir sa mise en oeuvre, sa réforme, en 2002, a permis d'enregistrer d'importants progrès : coopération accrue entre les différents acteurs, harmonisation des procédures et des sanctions, mise en place d'un système de surveillance des navires par satellite depuis 1er janvier de cette année, ou encore installation au 1er janvier prochain d'une agence communautaire de contrôle des pêches.

Au niveau national, vous avez lancé au mois d'avril, monsieur le ministre, une charte du contrôle des pêches rappelant les droits et obligations des divers acteurs.

Cette initiative vise, en réalité, à obtenir la levée de la sanction décidée l'année dernière par la Cour de justice des Communautés européennes à l'encontre de notre pays, qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour interdire la pêche et la vente de poissons de petite taille, sanction qui s'est traduite par une amende de 20 millions d'euros - elle a été payée en septembre 2005 -, assortie d'une astreinte semestrielle de 57,7 millions d'euros.

Ces montants sont considérables, surtout si on les rapporte au budget public consacré à la pêche. Si vous ne pouvez personnellement être mis en cause dans ce dossier qui remonte à plusieurs années, monsieur le ministre, il reste que ces conséquences auraient pu être évitées si le Gouvernement avait fait preuve d'une plus grande réactivité.

M. Roland Courteau. C'est sûr !

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis. Lors de votre audition par la commission des affaires économiques, voilà un mois, vous nous aviez fait part de votre espoir de voir cette astreinte prochainement levée.

Alors que le paiement d'une nouvelle tranche semestrielle nous menace, pouvez-vous nous apporter aujourd'hui des éclaircissements supplémentaires à ce sujet ?

Enfin, un accord est intervenu récemment au niveau européen pour limiter la pêche de certaines espèces menacées en raison, selon les experts, de la surexploitation ; cela concerne tout particulièrement le thon rouge.

Nous nous dirigeons donc vers une nouvelle réduction de l'armement et du nombre de pêcheurs vivant de leur profession.

Comment évaluez-vous l'impact de cette mesure, monsieur le ministre ? Sachez que l'inquiétude à ce sujet est grande dans les ports de la Méditerranée !

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais, en tant que rapporteur pour avis, vous livrer concernant plus spécifiquement le secteur de la pêche.

En conclusion, s'agissant des indications de vote sur l'ensemble de la mission, je m'en tiendrai à rapporter fidèlement l'avis favorable qui a été émis par la commission des affaires économiques, même si mon avis personnel sur ce budget est beaucoup moins positif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 112 minutes ;

Groupe socialiste, 55 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 25 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 21 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle, en outre, qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de soixante-dix minutes pour intervenir.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de l'agriculture pour 2007, avec 5 milliards d'euros, soit une augmentation de 1 % en euros courants, enregistre en réalité, si l'on tient compte de l'inflation, une baisse.

Qualifié de « projet restant limité » par l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, l'APCA, les quelques priorités du Gouvernement, les adaptations à la loi d'orientation agricole, la LOA, et au développement des territoires ruraux se traduisent par des coupes claires au sein d'autres crédits pourtant indispensables à un équilibre soutenu de nos agricultures. On appelle cela le redéploiement interne !

Plombé comme les autres budgets par l'obsession de la réduction de la dette, il confirme le désengagement de l'État dans des secteurs essentiels tels que le Fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, les haras nationaux, l'Office national des forêts, le développement rural ou encore l'enseignement agricole public.

La dette de l'État, sujet très sérieux s'il en est, doit cependant être relativisée et traitée autrement.

Elle doit être relativisée non seulement en comparaison de ce qui se passe dans d'autres pays européens, mais aussi en rapprochant deux chiffres : 17 500 euros de dette par personne, alors que, dans le même temps, l'État laisse un patrimoine de 166 000 euros par personne.

La dette doit, en outre, être traitée autrement que par la contraction des budgets de l'État, la réduction draconienne des effectifs de fonctionnaires, le désengagement financier de l'État et une fiscalité en faveur des plus nantis.

L'Association nationale des élus communistes et républicains estime à plus de 50 milliards d'euros de recettes qui pourraient être trouvés si l'on renonçait aux 19 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux entreprises, jugés inefficaces par la Cour des comptes, si l'on taxait les actifs financiers à 0,5 % - cela rapporterait 25 milliards d'euros -, ainsi que les mouvements boursiers et si l'on augmentait les taux de l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est, selon nous, plutôt dans ce sens qu'il faut aller s'i l'on veut réduire progressivement la dette et instituer des budgets dynamiques pour notre économie et l'emploi.

Une lecture assidue et quasi exhaustive des débats relatifs à votre budget à l'Assemblée nationale m'amène à penser, monsieur le ministre, que l'essentiel de l'exercice réside dans la manière de présenter les choses.

Si l'opposition de gauche accueille, en règle générale, votre budget d'un oeil critique, je perçois également, à travers les interventions des membres de la majorité, beaucoup d'interrogations, d'inquiétudes, d'incertitudes, voire de frustrations, ce qui ne leur interdit pas, par esprit de solidarité politique, d'émettre un vote positif.

Le programme 154 qui fait état, dans son action 03, de l'appui au renouvellement des exploitations agricoles, table sur l'installation de 6 000 jeunes agriculteurs, chiffre qui devrait être plus ambitieux, compte tenu du nombre de cessations d'activité en 2006.

Il me paraît également urgent, comme je le rappelle chaque année, d'accorder une dotation aux jeunes agriculteurs, adaptée aux jeunes installés hors DJA dont l'exploitation nécessite une consolidation financière.

Il est toujours moins coûteux de renforcer l'existant que de financer des cessations d'activité ou des plans de recyclage professionnel, voire d'apporter des solutions à des drames familiaux.

Les actions de maîtrise des pollutions d'origine agricole et de modernisation des bâtiments d'élevage, respectivement en hausse de 30 % et 14 % en 2006, sont en nette régression ; celle-ci atteint 11 % au moment même où de très nombreuses mises aux normes vont devoir s'effectuer.

La date limite étant fixée à décembre 2006, celles-ci concernent le plus souvent des exploitations de taille moyenne qui hésitaient à se lancer dans de lourds investissements de mise aux normes et de modernisation de leur outil de travail au regard des lourdes incertitudes qui pesaient et continuent de peser sur l'avenir de leur exploitation : prix du lait, crises cycliques des cours, avenir des aides PAC et politique de l'OMC. Et ce ne sont pas les mesures de la LOA, du Fonds agricole et du bail cessible qui seront de nature à faciliter l'installation. Ces mesures, couplées aux droits à paiement unique, les DPU, ne feront qu'accroître encore le coût du foncier et favoriser les plus grandes exploitations existantes.

Quant au crédit-transmission, c'aurait pu être une bonne idée, à condition de ne pas responsabiliser l'agriculteur qui laisse ses terres, d'abaisser le taux des prêts bonifiés et d'en allonger la durée.

Le programme 227 fait état de l'effort réalisé dans le cadre de la promotion à l'international des produits et du modèle agroalimentaire français, qui tente de pallier les politiques désastreuses de la PAC, cette dernière atténuant ses soutiens directs, et de l'OMC qui, en abaissant les barrières douanières, fragilise notre agriculture.

L'AUP, c'est-à-dire l'Agence unique de paiement, mise en place par la LOA, regroupe les offices et permet au passage une économie substantielle. Dès lors, on peut, à juste titre, s'interroger sur le point de savoir pourquoi l'AUP n'assure pas la prime herbagère agro-environnementale et les mesures agro-environnementales rotationnelles en lieu et place du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.

L'action 02 du programme 227 traite de la gestion des aléas. Les diverses agricultures ne constituent pas une science exacte et s'il est possible, du moins en théorie, de corriger les effets du marché afin d'assurer des prix rémunérateurs au producteur, des marges convenables aux transformateurs et aux négociants commerciaux, ainsi que des prix abordables aux consommateurs, il n'est pas possible de prévoir les sécheresses, les orages, les inondations, les invasions d'insectes, pas plus que les variations climatiques brutales.

Ainsi, de grandes productions vitales comme les céréales connaissent, à l'échelle mondiale, des variations importantes qui se répercutent sur les prix, alimentent la spéculation et affament les populations les plus fragiles.

L'instauration de l'assurance récolte au détriment du Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, correspond à un engagement de 30 millions d'euros de la part de l'État et à 60 000 contrats. Même Christian Ménard, auteur du rapport sur la gestion des risques climatiques en agriculture, juge ces crédits nettement insuffisants, en particulier pour les fourrages.

À ce sujet, monsieur le ministre, et à partir de l'expérience que j'ai vécue en 2006, il serait bon, me semble-t-il, pour ce qui est de la sécheresse et des fourrages, de faire connaître dès la fin mai la liste des départements où les fourrages peuvent être récoltés sur les jachères et de constituer une forme de banque de solidarité nationale des fourrages.

Il paraît, en effet, pour le moins choquant que des groupes d'assurances s'enrichissent à partir de ce système qui aurait dû relever de la solidarité nationale et interprofessionnelle.

Le plan gouvernemental biocarburants, engagé en 2004 par Jean-Pierre Raffarin, se fixe l'objectif d'atteindre 5,95 % des carburants distribués en 2008, 7 % en 2010 et 10 % en 2015, ce qui devrait déjà correspondre à 15 % des surfaces cultivées en céréales, betteraves et oléagineux, soit 2 millions d'hectares en 2010.

Naturellement, cela soulève la question de la nécessaire planification de ces cultures, sans perdre de vue la priorité de l'agriculture qui est de nourrir les hommes.

Pour autant, seule une politique incitative garantissant des revenus décents aux producteurs sera en mesure de déclencher leur adhésion au processus.

Or deux dangers majeurs pèsent sur la filière biocarburants : d'une part, la captation des marges pour les transformateurs, triturateurs et raffineurs ; d'autre part, l'abaissement des tarifs douaniers par l'OMC, qui rendrait non concurrentiels nos biocarburants par rapport à ceux du Brésil, par exemple.

Leur succès dépendra également du pouvoir de conviction à dominante économique et environnementale du Gouvernement en direction de l'agriculture, de la pêche, des collectivités locales, des transports en commun et du secteur industriel.

J'ajoute que des millions de particuliers sont captifs de leur mode de transport, particulièrement dans le monde rural, où l'automobile reste le seul moyen de déplacement. Nos grandes firmes de distribution de carburants, qui ont fermé des milliers de stations, auront-elles la volonté de mettre à la disposition des particuliers des carburants comme l'E85, ou le bioéthanol, dit B30 ?

Venons-en à la gestion des crises, qui peuvent être soit sanitaires, comme celle de la grippe aviaire en 2006, soit économiques, comme la crise porcine des années précédentes.

La crise viticole est là ; la crise laitière est latente ; les fruits et légumes sont régulièrement en souffrance ; quant aux cours de la viande, ils sont irréguliers.

Face à ces situations, la France manque de moyens budgétaires. Le fonds des calamités est théoriquement doté en fonction des besoins, besoins qui, faut-il le rappeler, sont toujours supérieurs aux fonds débloqués. À cet égard, les 600 000 d'euros débloqués pour la crise aviaire, notamment en Bretagne, ne suffiront pas à effacer les effets de la crise qu'a connue la filière.

Les offices chargés par la loi d'orientation agricole de favoriser l'organisation des producteurs, d'améliorer la connaissance et le fonctionnement des marchés et de verser les aides communautaires voient leurs moyens diminuer de 30 millions d'euros. Ils auront bien du mal à jouer leur rôle !

Tout cela mériterait une réflexion approfondie sur la capacité de la solidarité nationale, la constitution de caisses de prévoyance dans les périodes où les cours sont plus fastes, comme c'est le cas pour le porc en 2006, et la solidarité au sein des filières et des organisations de producteurs.

Or, au contraire, nous assistons trop souvent à la disparition des plus faibles, à la fermeture d'abattoirs ruraux et à la casse des emplois agricoles et agro-alimentaires.

En ce qui concerne les prix agricoles, je citerai les propos de deux personnalités peu suspectes de vous être hostiles, monsieur le ministre.

M. François Sauvadet, tout d'abord, déclarait : « Nous avons une mission commune : légitimer à nouveau les aides agricoles. Il n'est pas une agriculture au monde qui ne soit accompagnée par les pouvoirs publics. Doit-on continuer à le faire à travers l'impôt ou par la revalorisation des prix et un nouveau partage des marges ? Quoi qu'il en soit, on ne pourra vouloir durablement compétitivité, aménagement du territoire, diversité et sécurité alimentaire, et préservation de l'environnement sans concours publics ou prix rémunérateurs. »

M. François Guillaume, ensuite, affirmait : « Il faut pourtant compenser l'insuffisance des prix agricoles. »

Mes chers collègues, les mots clefs sont prononcés : revalorisation des prix, partage des marges, prix rémunérateurs. Même si aucune solution n'est mise en oeuvre actuellement pour faire vivre les agriculteurs, il faudra bien y venir un jour !

En ce moment, en Bretagne, particulièrement dans les Côtes-d'Armor, de nombreux paysans qui se sont orientés vers des cultures herbagères, moins polluantes, plus économiques en intrants et plus extensives se trouvent pénalisés par l'injuste répartition des aides, qui sont plus favorables aux grandes cultures.

Le jeûne qu'ils observent pour attirer l'attention des pouvoirs publics mérite d'être pris en considération. Monsieur le ministre, j'ose espérer que demain, mercredi 6 décembre 2006, votre conseiller les entendra, puisque j'ai cru comprendre qu'une rencontre avec eux devait avoir lieu ce jour-là.

Autre effet pervers de la PAC sur l'environnement : les contrôles tatillons des surfaces par satellite pénalisent les superficies entourées de haies et de talus, configuration fréquente en Bretagne. En effet, les agriculteurs abattent des arbres et détruisent des talus pour pouvoir prétendre aux aides de la PAC sans pénalité. Pouvez-vous intervenir auprès de Bruxelles sur ce sujet précis, monsieur le ministre ? Il suffirait, par exemple, d'intégrer la surface des haies aux jachères.

Enfin, j'évoquerai d'un mot le FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, dont le déficit structurel devrait avoisiner les 6 milliards d'euros à la fin de 2007. Les recettes de ce fonds proviennent pour 20 % de la profession agricole et pour 80 % des autres régimes de sécurité sociale et de l'État.

Les autres régimes de sécurité sociale étant de plus en plus mis à mal, il faudrait envisager rapidement, d'une part, de faire contribuer plus largement l'État, et d'autre part, de solliciter la grande distribution et les industries agro-alimentaires, qui réalisent de copieux bénéfices sur le dos de la profession.

Voyez-vous, monsieur le ministre, une politique agricole idéale devrait permettre à la fois de faire vivre toutes les formes d'agriculture, de maintenir de nombreux agriculteurs dans nos campagnes, de produire suffisamment en qualité et en quantité, d'exporter et d'importer de manière équilibrée en appliquant la préférence communautaire, enfin d'échanger des produits et des techniques avec les pays en voie de développement. Ce ne sont pas, pourtant, les orientations adoptées par l'OMC, la PAC et la loi d'orientation agricole !

Le réveil risque d'être douloureux pour nous tous, producteurs, transformateurs ou consommateurs, si les forces de décision ne changent pas et si l'on continue de marcher sur la tête, pour le plus grand profit de financiers peu philanthropes.

Monsieur le ministre, compte tenu de ces observations, nous ne pouvons adopter votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Lejeune.

M. André Lejeune. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici à l'heure du bilan.

Tout d'abord, monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter de l'ouverture d'esprit et du sens de l'écoute et du dialogue dont vous avez toujours fait preuve au sein de cette assemblée.

Toutefois,...

M. Josselin de Rohan. Dommage, ça commençait bien ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. Ne vous réjouissez pas trop vite, chers collègues de la majorité ! (Nouveaux sourires.)

M. André Lejeune.... vos qualités personnelles ne sauraient masquer les insuffisances du Gouvernement, dont ce projet de loi de finances est l'illustration.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Si l'ensemble des soutiens financiers publics au secteur de l'agriculture, de la pêche et du monde rural s'élèvent à 30,4 milliards d'euros, les moyens dont vous disposez, monsieur le ministre, ne sont, quant à eux, que de 5 milliards d'euros, dont moins de 3 milliards d'euros de crédits pour la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Votre majorité se félicite que ce budget soit en hausse de 1 %. C'est vrai en euros courants, certes, mais personne n'est dupe : en euros constants, ces crédits révèlent bien une baisse. Avec un budget dont le montant se réduit chaque année, il est clair que l'agriculture n'aura pas été une priorité pendant la législature qui s'achève !

Ce budget, monsieur le ministre, a au moins un mérite, celui de la continuité et de la fidélité à vos orientations. En effet, année après année, vous modelez une politique agricole qui s'inscrit de plus en plus dans une logique étroitement productiviste.

Nous pouvions espérer que le projet de loi de finances pour 2007 offrirait l'occasion d'inverser la tendance, mais force est de constater que tel n'a pas été le cas. Monsieur le ministre, vous suivez la même voie que lors de l'application des aides de la PAC issues de la réforme de 2003.

Alors que la Commission européenne avait laissé à chaque État membre certaines marges de manoeuvre, le Gouvernement a choisi de figer la situation et de maintenir la référence acquise ; aussi, 20 % des agriculteurs continuent de percevoir 80 % des aides.

De même, le Gouvernement a refusé toutes les mesures à caractère redistributif, ce qui aboutit à toujours plus d'inégalités, entre les exploitations, entre les régions et entre les productions.

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. André Lejeune. Bien évidemment, et cela ne vous surprendra pas, mes chers collègues, je ne puis souscrire à ces choix.

Aujourd'hui, les agriculteurs sont moroses. Ils s'interrogent et attendent des réponses que ce budget ne leur apportera pas.

Monsieur le ministre, à l'heure où une concurrence toujours plus vive s'exerce à l'échelle internationale et où l'Europe abandonne ses outils de régulation des marchés et d'orientation des productions, vous choisissez de diminuer la dotation globale des offices agricoles de 9 % par rapport à 2006, vous privant ainsi d'un instrument d'orientation et de structuration des filières.

La profession dans son ensemble ne s'y est pas trompée. La FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, et les chambres d'agriculture évoquent un « mauvais calcul pour l'avenir ». Elles constatent que les moyens alloués aux actions d'intervention et d'orientation diminuent de près de 20 % et que les crédits consacrés aux contrats de projet État - régions, qui sont en train d'être négociés - les agriculteurs réclament leur signature rapide -, seraient divisés par deux, paraît-il.

Monsieur le ministre, plus généralement, vous vous privez de tout outil de gestion des crises sectorielles ou climatiques, laissant les mécanismes d'assurance se charger de la régulation.

Dans le même temps, paradoxalement, vous consacrez peu de moyens à l'assurance récolte - six fois moins que l'Espagne, par exemple -, alors qu'il aurait fallu que l'État s'implique fortement dans le démarrage de ce dispositif. Si vous avez fait ce choix, il faut l'assumer !

En 2002, la nouvelle majorité s'est empressée de remplacer les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, par les contrats d'agriculture durable, les CAD, présentés comme une solution d'avenir. Or, aujourd'hui, vous ne leur consacrez plus que 78,3 millions de crédits, ce qui empêche toute mise en place de nouveaux contrats et ne permet plus de financer les mesures « herbe » des CTE classiques.

En ce qui concerne les zones sensibles, la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs, la PMSEE, joue un rôle essentiel. Or les crédits de 260 millions d'euros annoncés ne permettront pas de satisfaire des besoins estimés à 330 millions d'euros. La profession demande que les surfaces engagées en mesures herbagères dans les CTE et les CAD soient prises en compte.

Quant aux indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, le compte n'y est toujours pas ! Celles-ci sont pourtant vitales, non seulement pour les zones de montagne, mais aussi, j'y insiste, pour l'ensemble des zones défavorisées.

Pourtant, le 5 octobre dernier, à Cournon, en Auvergne, le Président de la République a rappelé l'importance de ces indemnités pour l'équilibre du territoire, et il a annoncé son intention de les revaloriser, avant 2007, de 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares.

Une nouvelle fois, le but visé était sans doute seulement de faire grimper l'applaudimètre grâce à une promesse dont on savait à l'avance qu'elle ne coûterait pas cher puisqu'elle ne serait pas tenue !

Par ailleurs, les crédits destinés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage ne sont pas à la hauteur des demandes. Les délais d'attente atteindront bientôt deux années et les 20 millions d'euros prévus en loi de finances rectificative ne seront pas suffisants pour rattraper le retard pris.

Ce retard risque d'ailleurs de priver les jeunes agriculteurs de la majoration qui leur est accordée pendant les cinq premières années de leur installation, alors qu'ils auront financé l'étude prévisionnelle. Aussi conviendrait-il que la date retenue soit celle du dépôt de la demande. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous vouliez bien m'apporter une réponse sur ce point.

Par ailleurs, la suppression des prêts bonifiés, à l'exception de ceux qui sont destinés aux jeunes agriculteurs, se révèle très pénalisante et inopportune au moment où se dessine une remontée des taux d'intérêt. Ces prêts constituent pourtant un appui indispensable à la modernisation des exploitations, et ils ont fait leurs preuves comme outils d'orientation.

Aucune ligne budgétaire n'est prévue pour les plans d'investissement, ce qui sera lourd de conséquences. Il est pourtant impératif que les plans en cours, plans d'amélioration matérielle et plans d'investissement, soient honorés jusqu'à leur terme.

Monsieur le ministre, vous venez de faire en direction des retraités agricoles un geste que j'approuve, même s'il semble plus guidé par des préoccupations électorales que par la volonté d'apporter une réponse adaptée aux besoins.

Ces retraites n'avaient bénéficié d'aucune augmentation durant les quatre dernières années, et nous sommes encore loin du compte ! Il reste beaucoup à faire pour la retraite complémentaire obligatoire des conjointes et des aides familiaux.

La situation du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles est dramatique, puisque celui-ci a cumulé 5,3 milliards d'euros de déficit en trois ans. Là encore, le Gouvernement n'apporte aucune réponse.

En ce qui concerne la forêt, les crédits alloués aux actions « Gestion de la forêt » et « Prévention des risques » diminuent respectivement de 6 % et 5 %, alors qu'il conviendrait de consolider la filière bois.

L'enseignement public agricole est délaissé, alors qu'il réclame plus de moyens et de personnels pour répondre aux attentes des milliers de jeunes qui souhaitent se former aux carrières liées aux métiers de l'agriculture, de l'agro-alimentaire, de l'environnement et de l'espace rural.

Pour l'installation des jeunes agriculteurs, qui est de plus en plus difficile compte tenu du prix du foncier, les mesures que vous proposez ne sont pas suffisantes, monsieur le ministre. Les conditions nécessaires à l'obtention de la DJA n'évoluent pas, ce qui empêche nombre de jeunes de s'installer.

Je pourrais poursuivre l'énumération des actions insuffisamment dotées, telles que l'hydraulique, l'identification et la sélection des animaux, entre autres, mais je serais trop long. Mes collègues du groupe socialiste aborderont dans leurs interventions les questions que je n'ai pas évoquées ou que je n'ai fait qu'effleurer.

En résumé, ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux et il manque d'ambition.

Monsieur le ministre, l'agriculture doit relever aujourd'hui un triple défi : alimentaire, environnemental et économique. Aussi, ce secteur mérite mieux que ce que vous lui proposez. Il exige, en particulier, une vision prospective dont je n'ai pas trouvé trace dans ce budget : les agriculteurs ont besoin de propositions qui préparent l'avenir, et notamment l'après 2013. La libéralisation croissante et l'abandon au marché dans un monde de plus en plus concurrentiel ne sont pas les solutions qu'ils attendent.

En conséquence, monsieur le ministre, le groupe socialiste ne votera pas ce budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de saluer l'excellent travail réalisé par notre collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial, et par nos collègues, Gérard César, Jean-Marc Pastor et Gérard Delfau, rapporteurs pour avis.

Je tiens également à souligner, monsieur le ministre, la qualité de votre action, ainsi que votre engagement personnel sur des sujets qui nous passionnent.

Nous sommes à la veille d'échéances électorales cruciales pour notre pays. Le budget de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » sera, comme le reste du projet de loi de finances pour 2007 qui nous est présenté, mis en oeuvre en bonne partie par une équipe gouvernementale et une majorité dont nous ignorons à ce jour les orientations.

Aussi, plutôt que de revenir point par point sur les crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui, je souhaiterais, monsieur le ministre, mes chers collègues, attirer votre attention sur quelques thèmes qui me tiennent à coeur et qui constituent les défis que nous aurons à relever.

Premièrement, je souhaite aborder la question des biocarburants.

Je veux avant tout saluer l'engagement et les efforts du Gouvernement dans ce domaine, notamment en matière fiscale. Il est primordial que nous nous investissions tous dans ce secteur, qui non seulement représente une solution de rechange, moins polluante et coûteuse, aux énergies fossiles que nous utilisons actuellement, mais en outre offre un avenir très prometteur à l'agriculture française.

Dans la loi d'orientation agricole, nous nous sommes fixés des objectifs ambitieux en matière d'incorporation des biocarburants dans l'énergie, puisque ceux-ci devraient représenter d'ici la fin de 2008, 5,75 % du total des carburants utilisés, et même 10 % d'ici la fin de l'année 2015. Or nous n'en sommes aujourd'hui qu'à 1 %.

Nous devons faire preuve d'une grande détermination, afin que les constructeurs automobiles, notamment, s'engagent résolument dans cette voie et que les distributeurs mettent en place un véritable réseau de pompes.

Par ailleurs, il est important de développer une troisième filière de biocarburants, à côté de l'éthanol et du diester ; je veux parler, bien sûr, des huiles végétales pures.

Monsieur le ministre, je vous ai interrogé à plusieurs reprises sur ce sujet, y compris récemment.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. En effet !

M. Daniel Soulage. Vous seriez déçu si je ne le faisais pas de nouveau aujourd'hui !

Je me réjouis de votre volonté de lancer une véritable expérimentation, encadrée par les pouvoirs publics, dans ce secteur. Ce dossier avance, et je suis satisfait de constater que les premiers protocoles expérimentaux pourront être signés par les collectivités locales dès le 1er janvier 2007.

Je me permets de vous rappeler une nouvelle fois que la loi d'orientation agricole prévoyait la publication d'un décret autorisant la commercialisation des huiles végétales pures dans le monde agricole. Vous avez récemment fait savoir que ce décret préciserait les conditions de production, de commercialisation et d'utilisation de ces huiles. Pouvez-vous nous dire où en est l'élaboration ce décret ?

M. Roland Courteau. Oui, ce serait bien !

M. Daniel Soulage. Deuxièmement, je souhaite attirer votre attention sur le problème de l'hydraulique agricole.

Tout d'abord, nous savons aujourd'hui avec certitude que les changements climatiques ont un impact non négligeable sur notre agriculture. L'augmentation attestée de la température entraîne, depuis plusieurs années, des sécheresses qui pénalisent la production agricole. C'est particulièrement vrai dans le Sud-Ouest. Il est donc nécessaire de mener une politique efficace en matière de gestion de l'eau, par l'instauration de mesures tendant à la fois à économiser la ressource et à créer de nouvelles ressources. Grâce au Sénat, ce dernier objectif figure désormais dans le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Encore faut-il, pour que cela devienne réalité, que ce texte soit adopté par l'Assemblée nationale !

Lors de l'examen de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » à l'Assemblée nationale, vous avez accepté, monsieur le ministre, la proposition de mon collègue et ami Jean Dionis du Séjour tendant à augmenter les crédits du programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural » de 5 millions d'euros. Je tiens à saluer ce geste, qui va dans le bon sens.

Toujours à propos de l'hydraulique agricole, je souhaite relayer une inquiétude dont m'a fait part ma collègue du Nord, Valérie Létard, concernant l'agriculture en zone humide.

Monsieur le ministre, vous avez créé, le 14 octobre dernier, une nouvelle mesure d'aide spécifique territorialisée destinée à soutenir les prairies situées dans des zones humides, l'indemnité spéciale zones humides. Cette mesure prévoit le versement de 150 euros par hectare pendant cinq ans aux agriculteurs de zones marécageuses. Or cette aide n'a qu'une valeur expérimentale et ne concerne donc pour l'instant que les marais de l'Atlantique.

De manière à assurer une plus forte égalité entre les agriculteurs, nous souhaitons que cette mesure soit généralisée le plus rapidement possible : d'autres régions, comme celles des marais audomarois, de Camargue, du Cotentin ou de la Dombes demandent aussi un tel soutien. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, l'avenir de cette indemnité ?

Enfin, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Je sais que ce texte n'est pas directement piloté par votre ministère. Néanmoins, étant en charge de la pêche, vous serez sensible aux attentes des fédérations de pêcheurs, qui ont anticipé certaines mesures prévues dans le cadre de ce projet de loi dont l'adoption devait intervenir avant la fin de l'année. Je pense notamment à la mise en place du socle de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique ainsi qu'aux modalités de financement transitoire du Conseil supérieur de la pêche avant sa transformation en un Office national de l'eau et des milieux aquatiques, ou ONEMA.

Or le report récent - sans concertation - de la discussion en deuxième lecture à l'Assemblée nationale inquiète les fédérations. Je vous demande donc, monsieur le ministre, d'intervenir pour que ce texte soit examiné le plus rapidement possible, afin de respecter le calendrier prévu.

M. Dominique Bussereau, ministre. Il le sera lundi prochain à l'Assemblée nationale !

M. Daniel Soulage. C'est parfait ! Jamais je n'ai eu une réponse aussi rapide, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Troisièmement, j'évoquerai l'assurance récolte, sujet qui me tient particulièrement à coeur.

Je me réjouis que vous ayez confié mission sur ce thème à notre collègue Dominique Mortemousque : je suis sûr que le Sud-Ouest sera bien représenté !

Par ailleurs, je me félicite qu'aujourd'hui 70 000 agriculteurs souscrivent déjà ce type d'assurance, qui leur permet de faire face aux aléas climatiques et de redémarrer plus rapidement leur activité.

Toutefois, cet essor ne me comble pas, car on est encore loin de l'objectif des 200 000 contrats d'assurance que vous avez fixé, monsieur le ministre. Nous devons donc faire preuve de plus de détermination si nous voulons que l'assurance soit plus efficace et se pérennise dans le temps.

À cet égard, deux problèmes se posent : celui du montant alloué à l'assurance, d'une part, celui de la coexistence de cette assurance avec le Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, d'autre part.

S'agissant du premier point, l'État doit octroyer une enveloppe plus importante que celle qui est affectée aujourd'hui à l'aide à l'assurance. Dans le budget pour 2007, 30 millions d'euros seulement sont prévus. C'est trop peu : cela nous permet uniquement de maintenir l'action précédente, ainsi que l'assurance récolte en viticulture, chère à nos amis viticulteurs. Or il faut impérativement dépasser cet objectif.

Quant au second point, son règlement passe par une évolution de notre système de protection contre les aléas. Si l'on ne souhaite pas conserver le schéma actuel, dans lequel deux systèmes concurrents coexistent, il semble possible de fondre ces derniers en une seule structure à deux étages. Le premier étage serait obligatoire pour tous les agriculteurs - il correspondrait au financement actuel du FNGCA -, le second étage serait, quant à lui, facultatif et complémentaire.

Après des discussions riches et instructives avec de nombreux experts, je considère que cette structure à deux étages peut être mise en place ; il suffit d'en avoir la volonté politique. Quel est votre position sur ce sujet, monsieur le ministre ?

En outre, j'aimerais que vous lanciez une réflexion sur l'assurance pêche. Cette idée n'est pas la mienne : je vous transmets ici le voeu de mon collègue vendéen Jean-Claude Merceron, qui regrette de ne pouvoir intervenir aujourd'hui.

Comme vous le savez, la pêche connaît depuis plusieurs années une situation particulièrement difficile en raison du contexte juridique européen, de l'évolution de la ressource, de la politique des quotas, ainsi que de la hausse des prix du gazole.

Après avoir observé le fonctionnement de l'assurance récolte, les responsables piscicoles sont convaincus que le même schéma assurantiel pourrait être adapté au domaine de la pêche. Cela passe par l'agrément du projet de garantie « couverture investissement » proposé par le Fonds de prévention des aléas pêche. Monsieur le ministre, à la veille de négociations européennes sur les quotas pour 2007, avez-vous des éléments à fournir à l'adresse du monde piscicole ?

Je ne saurais conclure mon propos sur l'assurance récolte sans évoquer une dernière difficulté, celle qui tient à l'incapacité des assureurs à trouver une réassurance privée suffisante. Il s'agit ici non pas de demander une intervention supplémentaire gratuite de l'État, mais de mettre en place une prestation qui serait rémunérée par ces professionnels. Aujourd'hui, les réassureurs français estiment avoir une capacité de couverture d'environ 400 millions d'euros. Cette somme est nettement insuffisante pour répondre aux besoins exprimés lors d'un grand accident climatique.

C'est pourquoi l'inscription d'une réassurance « climatique » permettrait de faire face à la plupart des aléas. Il serait néanmoins nécessaire que cette partie supplémentaire rémunérée par les professionnels se fasse par le biais de la Caisse centrale de réassurance. À cette fin, je présenterai un amendement lors de la discussion des articles rattachés.

Quatrièmement, enfin, je ne peux passer sous silence la question des petites retraites et du FFIPSA, qui me préoccupe particulièrement. La revalorisation des retraites les plus modestes qu'a annoncée le Président de la République est une bonne mesure. Elle concernera près de 300 000 exploitations et son coût s'élèvera à 162 millions d'euros pour 2007. Je salue cette avancée.

Néanmoins, cette mesure me conduit à vous faire part de mes préoccupations concernant le FFIPSA, dont le déficit devrait atteindre 6 milliards d'euros.

Je regrette une fois de plus que les débats concernant la situation du régime social agricole n'interviennent plus lors de l'examen du budget de votre ministère. Ils sont désormais masqués par d'autres débats. Cela me paraît contreproductif, car, lorsqu'ils ne sont pas mis en lumière, les déficits semblent oubliés ; malheureusement, les factures demeurent !

En conclusion, je veux vous mettre en garde, monsieur le ministre. Vous souhaitez anticiper l'avenir et moderniser votre administration. À cette fin, vous conduisez des expériences de regroupement. Cela se traduit aujourd'hui par la fusion des directions départementales de l'agriculture avec d'autres directions. Demain, c'est peut-être de la fusion de tout votre ministère qu'il sera question. Ce serait loin d'être anodin ; ce serait même grave pour la profession agricole et, en fin de compte, pour notre pays.

J'espère donc que la question ne se posera pas. Toutefois, si un rapprochement devait avoir lieu, il faudrait se montrer extrêmement prudent et ne l'envisager qu'après de nombreuses études. Après tout, on pourrait envisager un rapprochement - peut-être vais-je en faire sursauter certains ! - avec le ministère de l'écologie et du développement durable. Il me semble en effet que les agriculteurs et leur ministère sont, en fin de compte, les mieux placés pour s'occuper d'environnement.

L'agriculture de demain devra être exemplaire en termes de respect de l'environnement et il faut que les agriculteurs deviennent des acteurs essentiels du développement durable. Ils ont déjà beaucoup évolué dans ce sens et sont prêts à continuer, à condition que les pouvoirs publics leur tracent un chemin réaliste et viable, et les accompagnent dans cette démarche. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Paul Girod.

M. Paul Girod. Monsieur le ministre, je tiens à saluer la mission qui est la vôtre et la manière dont vous l'assumez. Vous exercez des fonctions ministérielles dans un pays qui présente la caractéristique de disposer de grandes surfaces cultivables par habitant. C'est une particularité en Europe. Il vous faut donc à la fois gérer une activité économique majeure et, au sein de l'Europe, faire entendre votre voix parmi celles de pays qui, n'ayant pas une telle spécificité, adoptent des raisonnements de consommateurs plutôt que de producteurs.

Parallèlement, vous avez affaire à des gens profondément dévoués à leur métier, qui ont choisi un style de vie très particulier, extrêmement contraignant, et qui se trouvent depuis des années confrontés à une évolution à laquelle ils ne pouvaient guère être préparés voilà vingt ou vingt-cinq ans. Ils s'y adaptent avec courage, mais aussi - et c'est assez naturel - avec une certaine inquiétude, dont il faut tenir compte. Mais je sais, monsieur le ministre, que vous avez le souci de faire comprendre à l'ensemble du monde agricole que ces évolutions sont inéluctables, et qu'il faut les accepter avec détermination et dans un esprit de progrès.

Or, monsieur le ministre, dans la situation actuelle, le moins que l'on puisse dire, c'est que les conditions permettant à nos agriculteurs de vivre cette évolution dans la sérénité ne sont pas tout à fait réunies ! Peut-être est-ce là l'une des raisons du non au référendum européen ; l'agriculture a, en effet, très certainement joué un rôle non négligeable dans la victoire d'un camp qui n'était pas le nôtre, qui n'était en particulier pas le mien.

À la lumière de ces considérations, j'ai examiné votre budget et écouté les différents intervenants. Je tiens à féliciter le rapporteur spécial et les trois rapporteurs pour avis de la qualité de leurs rapports sur les crédits affectés à cette mission et sur les quatre programmes qui la composent.

Toutefois, j'ai relevé deux ou trois anomalies dans certaines interventions de mes collègues sur lesquelles je souhaite revenir. Je pense en particulier à la manière évasive et allusive avec laquelle le problème de la dette a été abordé. Celle-ci s'impose à tous et pèse sur l'ensemble des budgets.

Évidemment, certains avancent, pour régler ce problème de la dette, des recettes un peu démagogiques,...

M. Gérard Le Cam. Nos solutions n'ont rien de démagogique !

M. Paul Girod.... dont l'application aboutirait vraisemblablement à assécher purement et simplement la masse contributive par la fuite générale des capitaux et des talents.

M. Gérard Le Cam. Le capital est sous-imposé, vous le savez bien !

M. Paul Girod. En réalité, la dette constitue bien une contrainte absolue. À ce sujet, monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter pour la manière avec laquelle vous avez composé avec les différentes contraintes qui pesaient sur votre budget. L'ouverture d'esprit dont vous avez fait preuve en abordant ce travail et qu'a soulignée notre collègue André Lejeune a été déterminante.

En tout cas, l'agriculture est, aujourd'hui, le seul capteur connu d'énergie solaire renouvelable qui soit de dimension mondiale et susceptible de répondre au défi de ce siècle.

Monsieur le ministre, un examen attentif de ce budget m'amène à vous interroger sur deux séries de questions.

La première série a trait aux offices, qu'ont évoqués également les rapporteurs et plusieurs intervenants. Je comprends que la réforme générale des offices introduite par la loi d'orientation agricole entraîne un certain nombre de modifications budgétaires. Pour autant, est-il absolument indispensable, dans l'équilibre interne de votre budget, que les moyens alloués aux offices subissent la cure d'amaigrissement intensive que vous leur imposez ?

J'ai d'ailleurs l'impression que l'un des amendements de notre excellent rapporteur spécial, Joël Bourdin, va dans le même sens.

Certes, l'on comprend bien que certains moyens de fonctionnement alloués aux offices soient confirmés. Ainsi, en étudiant les moyens en augmentation, je me suis aperçu que l'action 24 « Gestion des aides nationales et communautaires » permet aux offices d'avoir un bilan global qui n'est pas aussi catastrophique qu'on pourrait le penser.

Cette gestion des aides communautaires est tout de même une mission un peu particulière, qui ne s'inscrit pas spécifiquement dans les fonctions traditionnelles des offices agricoles, à savoir préparer l'agriculture à d'éventuelles crises, l'aider à s'adapter au marché et à l'évolution technique.

Par conséquent, je m'interroge sur l'arbitrage qui a été rendu et, plus particulièrement, sur les discussions en cours avec les autorités régionales pour ce qui concerne la préparation des contrats de projets. En effet, si j'ai bien compris, les moyens mis sur la table par l'État sont en diminution de près de 50 % pour les sept ans qui viennent.

Je veux bien accepter un certain nombre de raisonnements, sous réserve qu'ils soient explicitement exposés et que vous puissiez nous dire, monsieur le ministre, quelle est réellement votre doctrine sur l'évolution de l'organisation interprofessionnelle des marchés, sur laquelle a reposé, pendant très longtemps, l'évolution de l'agriculture française. Comment envisagez-vous de dégager des moyens, non seulement financiers, mais également structurels, humains et prospectifs pour faire en sorte que notre agriculture puisse s'adapter ?

Pour essayer de résoudre en partie la crise vinicole, il ne suffit pas d'augmenter les moyens de VINIFLHOR pour la prospection internationale. Sur ce sujet particulier de la réorganisation et de la prospective agricole, à travers ce grand instrument que représentent les offices, force est de constater que tout ne se déroule pas comme il le faudrait.

La seconde série de questions que je souhaite vous poser, monsieur le ministre, a trait à la conditionnalité des aides. Si ce sujet n'est pas directement traduit dans votre budget, il relève cependant de la compétence de votre ministère.

L'attitude de Bruxelles est un peu surprenante. En effet, la France - par conséquent vous, monsieur le ministre - serait en butte, selon les documents que j'ai pu lire, à une attaque de la Commission de Bruxelles au motif - écoutez-moi bien, mes chers collègues - que les reprises sur les aides seraient insuffisantes. En termes concrets, cela signifie que les pénalités appliquées aux agriculteurs ne seraient pas assez sévères. Je suis pour le moins surpris !

En effet, ce n'est pas ce que disent les milieux agricoles non français. Ainsi, lorsque l'on évoque la manière dont sont pratiqués les contrôles et dont est surveillée l'attribution des aides aux agriculteurs européens, autres que français, on s'aperçoit - et j'ai eu l'occasion de m'en expliquer avec la commissaire spécialisée sur la question - que l'attitude réglementaire de la France est plus stricte et plus dure que celle qui est pratiquée par d'autres États européens. Je ne vise pas spécialement les pays du sud de l'Europe, ceux qui se trouvent aux origines de notre civilisation, c'est-à-dire la Grèce et l'Italie. Par conséquent, le procès d'intention que fait Bruxelles à notre pays est étonnant.

D'autant que, parmi les recommandations de la Commission adressées à la France, j'ai lu une phrase assez extraordinaire : « il manque une mesure pour le thème ?structure des sols?/utilisation de machine appropriée ». Si on en est là, je me pose des questions, monsieur le ministre. L'observation de la situation de nos agriculteurs ne fait d'ailleurs que renforcer ma perplexité.

Je regarde les grilles et leur formulation, cette espèce de registre des punitions futures distribué aux agriculteurs leur expliquant que telle erreur entraînera à leur égard la suppression de tant de points. Il est précisé que, en cas de contrôle, le contrôleur établira son rapport en fonction des infractions « constatées ». Que ces dernières soient relevées, soit ! Mais le mot « constaté » signifie qu'une éventuelle procédure contradictoire ultérieure est d'avance entachée, sinon de nullité, du moins de suspicion. Je tiens à vous faire part des réactions assez vives des agriculteurs eu égard à ce terme.

Quand on regarde d'un peu plus près les réglementations qui nous sont communiquées, monsieur le ministre, on peut en relever, sans grand effort d'introspection, quelques-unes qui sont assez caricaturales. Mes chers collègues, je veux vous faire part de l'une d'entre elles, qui vaut tout de même son « pesant de moutarde », bien que la culture de cette plante ne soit pas extrêmement répandue. Pour les terres arables en production que contrôle-t-on en particulier ? « Les surfaces aidées pour la production de céréales, oléagineux, protéagineux, lin et chanvre, y compris le gel industriel doivent présenter une densité de semis minimum et être entretenues dans des conditions permettant la floraison ». (Sourires.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. C'est évident !

M. Paul Girod. Que devient le métier d'agriculteur dans ce système de contrôle ? Je n'ai jamais entendu dire qu'un agriculteur sous-ensemence son champ et ne s'arrange pas pour que les plantes quand elles fleurissent - et à cet égard il est surprenant de constater que les betteraves sont concernées - lui assurent une certaine production. Cet exemple est un peu caricatural, me direz-vous. Certes, mais il décrit une atmosphère.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que vos propres services, comme ceux qui vous aident en matière de pénalités et de contrôles, devraient faire preuve d'un peu plus d'humanité et de compréhension ?

M. Josselin de Rohan. De sérieux !

M. Paul Girod. Quand on vous explique qu'un engrais vert doit être étendu avant le 25 août et que la terre doit ensuite être retournée le 1er novembre, mais que si, par hasard, l'épandage n'a pas pu être effectué avant le 25 août, on ne peut retourner le terrain qu'après le 15 novembre, on se demande si la personne qui est à l'origine de cette mesure connaît les aléas climatiques, l'évolution des terres, qui sont soit grasses, soit sèches, en fonction de la pluviométrie ! Très honnêtement, il faut faire entrer un peu d'agriculture dans le contrôle de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Josselin de Rohan. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. « Le discours du Président de la République, à l'occasion du sommet de l'élevage, est un discours d'ambition et de conviction. [...] Les grandes orientations répondent à nos préoccupations. [...] Mais les agriculteurs ont besoin de mesures concrètes », ainsi s'exprimait la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles.

Monsieur le ministre, le temps de parole qui m'est imparti ne me permet pas de me livrer à un réel examen de votre budget, je me contenterai donc de me faire l'écho des responsables du monde agricole de mon secteur. Je reprendrai l'essentiel de la motion adoptée par les élus du Massif Central : attachement à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, l'ICHN ; poursuite de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, lors de la reconduction demandée des contrats d'agriculture durable, les CAD ; programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, PMPOA ; nécessité de consacrer des moyens suffisants à la politique de développement rural pour qu'elle puisse s'adresser à des acteurs ruraux autres que les agriculteurs.

Si je fais plus précisément écho, en cet instant, à une revendication de mon département, je me dois de mentionner - mais cela ne vous étonnera pas, monsieur le ministre - le problème de veau labellisable. L'absence de soutien public entraînera, est-il pronostiqué, la baisse rapide de la production. De ce point de vue, j'ai bien conscience qu'un effort remarquable est fait avec la mise en place du pôle d'excellence rurale « veau de lait ». Argument fallacieux, est-il répondu. Cela m'étonne beaucoup. Une explication s'impose, à faire ou à refaire. En tout cas, je suis prêt, monsieur le ministre, à relayer toute information en la matière parce que, chez nous, le problème est sérieux.

S'agissant du développement rural, je salue, comme il se doit, la politique des pôles d'excellence rurale, facteur évident d'aménagement du territoire. J'aurais pu mentionner également le pôle hippique de Pompadour, que vous connaissez, monsieur le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre. Magnifique !

M. Georges Mouly. Cela me donne l'occasion d'avoir une pensée pour les haras nationaux.

Dans le cadre d'une deuxième vague de projets, je veux mentionner celui du chef-lieu de mon département. Ainsi, je veux citer deux des trois éléments, bien ciblés, qui le composent : une ferme maraîchère d'insertion ici ; une ferme écologique et culturelle là, portée de surcroît par un établissement d'enseignement agricole, et je reviendrai sur l'enseignement agricole. Je mentionnerai en cet instant, autre élément d'aménagement du territoire, l'action conduite par une association nationale, trop peu connue, peut-être, intitulée « Notre village », qui a tenu sa place lors du récent Congrès des maires de France, en présence de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. C'est l'engagement de collectivités du milieu rural sur les cinq finalités du développement durable au titre de l'agenda 21 et du label « Notre Village Terre d'avenir ». Aménagement du territoire, ai-je dit, car sont envisagés le cadre de vie, la convivialité, le pouvoir d'un territoire qui mérite d'être reconnu et encouragé. Voilà un élément d'une politique d'aménagement du territoire que je me suis permis de mentionner.

Quant à l'enseignement agricole, monsieur le ministre, vous répondiez récemment à une collègue : « soyez assurée que l'enseignement agricole bénéficiera de l'ensemble des moyens votés par le Parlement, y compris des moyens supplémentaires ». J'ai diffusé, dans son intégralité, votre réponse auprès des chefs d'établissement de mon département, qui ont réagi, toujours dans un esprit réellement constructif. Ils n'ont pas manqué de relever les dotations globales qui contraignent à plafonner à vingt-quatre élèves l'effectif de la plupart des classes, et de mentionner la diminution du nombre des personnels d'éducation et de surveillance qui a pour conséquence le recours aux emplois aidés, ainsi que l'accumulation des retards dans le versement des bourses.

Ce sont autant d'éléments négatifs. Mais, fondamentalement, cela traduit la volonté de voir conserver, et même développer, un dispositif excellent, l'enseignement agricole, apte à réagir aux besoins des territoires quand il faut croiser formation et développement.

Puis-je citer l'exemple d'un établissement de mon département pour son ouverture et son dynamisme ? Cet établissement a peu ou prou comme partenaires des entreprises, des groupements de producteurs, des collectivités territoriales, des organismes à caractère social, les chambres consulaires et il développe une coopération internationale avec de jeunes hongrois. Bel exemple de l'ouverture et de l'importance de l'enseignement agricole !

Ce sont des sections et des filières non exclusivement agricoles, qui ne sont pas suffisamment prises en compte, me semble-t-il, dans l'orientation des jeunes. L'enseignement agricole est, en conclusion, un système dont il faut renforcer l'identité vis-à-vis tant du secteur public que du secteur privé.

En conclusion, monsieur le ministre, et pour en revenir à l'appréciation de ce budget, nul, de bonne foi, ne peut penser que le Gouvernement pourrait négliger, un tant soit peu, un secteur de l'économie qui dégage un solde positif connu de tous, et qui concerne 370 000 exploitations. C'est pourquoi, nonobstant les insuffisances sectorielles, que nous n'oublierons pas de rappeler, je note que le budget 2007 veut, pour l'essentiel, effectivement mieux armer les exploitants. À titre d'exemple, et parce que garant de l'avenir, l'exonération totale de l'impôt sur le revenu de la dotation aux jeunes agriculteurs, ou encore l'assurance récolte. Sur ce chemin-là, monsieur le ministre, la majorité des membres de mon groupe et moi-même, nous vous accompagnerons. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur deux volets importants de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » : d'une part, la forêt, qui fait l'objet essentiellement du programme 149, et, d'autre part, la pêche.

J'aborderai, tout d'abord, la situation de la pêche.

La pêche française traverse une crise profonde depuis maintenant de nombreuses années. L'an dernier encore, la politique de la mer enregistrait une baisse de 1,13 % de ses crédits, ceux-ci s'élevant seulement à 32 millions d'euros. Nous dénoncions, à cet égard, la faiblesse des crédits en faveur d'un pôle économique essentiel pour la France. Cette année -  enfin ! -, le Gouvernement semble prendre conscience de l'importance du soutien qui doit être apporté à cette filière. En effet, l'action 6 « Gestion durable de la pêche et de l'aquaculture » voit ses crédits de paiement augmenter de 88 % dont une partie servira à financer le plan d'avenir pour la pêche, adopté le 27 juin 2006. Encore faut-il que ces crédits ne soient pas gelés ! Nous verrons bien !

Certes, l'effort budgétaire est louable, mais un certain nombre de problèmes persistent. L'un d'entre eux, et ce n'est pas la moindre, concerne les ressources halieutiques. Les pêcheurs de nos côtes sont en effet de plus en plus malmenés par les politiques conduites au niveau européen et international. L'existence même de certains secteurs est d'ailleurs remise en cause.

À l'Assemblée nationale, mon collègue et ami François Liberti a évoqué la pêche au thon rouge. L'accord sur les quotas, intervenu il y a quelques jours, ne satisfait ni les associations écologiques ni les pêcheurs.

M. Dominique Bussereau, ministre. Ni moi !

Mme Évelyne Didier. Je le note, monsieur le ministre !

Cet accord risque de frapper durement les pêcheurs senneurs de la méditerranée française, soit 500 marins embarqués, et plusieurs milliers d'emplois induits.

Les exemples de réductions de quotas ou d'interdictions de pêche pure et simple se multiplient. Ainsi, en projetant de réduire de 30 % par an les captures des espèces des grands fonds, la Commission européenne programmait la fin de cette activité d'ici à trois ans. Le maintien des quotas actuels pour le sabre noir constitue une petite victoire pour les pêcheurs français, mais n'occulte pas la persistance du problème de la ressource et de la pérennité des activités de pêche.

Rappelons qu'une réduction brutale des quotas peut condamner définitivement une flottille ou un port. La question des ressources halieutiques est évidemment primordiale et les pêcheurs sont les premiers à le dire. Hélas ! la réduction de quotas ne règle pas le problème ; elle ne fait que le déplacer.

Monsieur le ministre, pour être efficaces, ces restrictions doivent s'accompagner d'aides aux professionnels. Nous l'avons noté, le financement des aides à l'arrêt d'activité bénéficiera, en 2007, de 10 millions d'euros, contre 3 millions d'euros cette année. Il était urgent d'intervenir et le plan de sauvetage et de restructuration mis en oeuvre par votre ministère est un soutien non négligeable pour un secteur fragilisé. Mais l'État ne devra pas relâcher son effort dans les années à venir.

Je voudrais aborder la question de la facture énergétique. Vous avez annoncé la fin du fonds de prévention des aléas de la pêche. Or, dans certains cas, notamment pour les hauturiers, le coût du gazole représente jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires. En Bretagne, les coopératives testent de nouveaux additifs dans le gazole, pour réduire de 4 % la consommation des moteurs de pêche. Dans ce secteur, comme dans le secteur agricole dans son ensemble, une fiscalité incitative doit être mise en place pour promouvoir l'utilisation des biocarburants.

Je me dois également d'évoquer l'interdiction à la vente des huîtres, plus particulièrement celles du bassin d'Arcachon.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Il faut le dire, la communication a été maladroite et a porté grand tort à la profession, déjà durement éprouvée. À ce sujet, nous aimerions connaître plus précisément le contenu du dispositif d'aide aux ostréiculteurs de ce bassin.

J'en viens à présent au programme « Forêt ».

La forêt constitue pour notre pays un atout considérable en termes social, environnemental et économique. Après une diminution de 5,5 % l'an dernier, nous saluons la hausse légère, mais effective, de 3,4 % des crédits affectés à ce programme.

Cependant, les investissements de l'État restent timides, notamment pour la forêt privée. Il est pourtant essentiel d'encourager durablement et régulièrement la filière bois, afin d'exploiter au maximum ce merveilleux patrimoine que constitue la forêt française. Représentant 27 % du territoire national, dont les trois quarts sont constitués de propriétés privées, la forêt fait vivre environ 500 000 personnes. Or, elle souffre d'une sous-exploitation chronique.

M. Gérard Le Cam. C'est vrai !

Mme Évelyne Didier. Sur les 90 millions de mètres cubes produits chaque année, seuls 60 millions sont récoltés. Cette situation pourrait devenir périlleuse avec l'aggravation du réchauffement climatique. En effet, une forêt qui n'est pas exploitée et qui ne peut se régénérer est une forêt en péril. C'est pourquoi l'État doit s'engager plus fortement s'il veut mener une politique efficace d'un point de vue économique et environnemental.

Heureusement, après les six années de morosité consécutives à la tempête de 1999, le prix du bois connaît une hausse notable depuis 2005. Les premières ventes d'automne organisées par l'ONF ont confirmé cette tendance récente. Malgré tout, le bois reste le combustible le moins cher. Nous espérons que la politique fiscale incitative qui a été mise en place permettra la multiplication des chauffages au bois, notamment collectifs. À l'heure actuelle, notre parc, qui comprend environ 5 millions d'appareils, est peu performant. Je le rappelle, le bois, en tant que matériau, est meilleur marché et moins polluant que l'acier ou le plastique. Bref, la reprise du secteur de la construction et, notamment, l'envolée des coûts énergétiques devraient être autant d'éléments favorables à la reprise de l'activité de la filière bois.

Dans ce contexte, l'augmentation des crédits de paiement pour 2007 de l'action 1 « Développement économique de la filière forêt-bois » est une bonne nouvelle, même si les efforts budgétaires consentis sont souvent trop limités. Ainsi, la création d'un poste budgétaire « Promotion des initiatives collectives pour la valorisation de la biomasse » constitue une avancée dans la prise en compte des questions environnementales au niveau régional et national, mais la « noblesse » du principe risque d'être paralysée par la faiblesse des crédits qui y sont consacrés.

La reprise des cours du bois ne doit pas faire oublier la fragilité d'une filière qui reste peu rentable. Cette filière connaît un faible niveau d'intégration : en effet, la répartition des marges financières est trop importante sur toute la longueur de la chaîne de production et de commercialisation.

De plus, monsieur le ministre, certaines activités sont mises en difficulté du fait des politiques menées par votre gouvernement. Nous connaissons la crise que traverse, à l'heure actuelle, l'industrie papetière, qui est véritablement « étranglée » par le coût de sa facture énergétique. De même, la fermeture généralisée des gares de fret porte un coup très dur à la filière dans son ensemble, puisque seulement 58 % de l'accroissement naturel du bois est récolté.

D'un point de vue environnemental, les forêts françaises absorbent environ 7 % des gaz à effet de serre émis en France, soit 557 millions de tonnes de CO2. Le Plan national d'allocations des quotas devait inciter les opérateurs à transformer leurs chaufferies pour développer la consommation des énergies renouvelables comme le bois. Mais les variations de cours ont perturbé cette mécanique : le prix de la tonne de dioxyde de carbone a ainsi chuté de 23 euros à 13 euros. Les industriels ont en effet pléthore de quotas à vendre, les attributions faites par le ministère de l'industrie ayant été fort généreuses. On mesure donc les limites de la méthode. Peut-être faudra-t-il trouver des incitations plus judicieuses.

Je tiens, à présent, à revenir sur l'importance des missions de l'Office national des forêts, l'ONF, eu égard, notamment, à la lutte contre l'effet de serre.

Nous avions déjà souligné, au cours du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, les dangers d'une prise de participation facilitée de l'ONF dans les sociétés privées. En janvier dernier, cinq syndicats s'étaient mobilisés pour dénoncer, d'abord, le désinvestissement de l'ONF en ce qui concerne l'accueil du public, ensuite, le projet de contrat de plan 2006-2007, qui, selon eux, accélère la course à la rentabilité, et, enfin, la baisse programmée des effectifs, laquelle varie entre 1 % et 3 % par an. Au regard de l'importance et de la diversité des missions de l'ONF pour l'ensemble de la population, nous tenons à réaffirmer que la « casse » de ce service public constitue une erreur pour l'avenir de nos forêts.

Par ailleurs, l'action 3 « Amélioration de la gestion et de l'organisation de la forêt » et l'action 4 « Prévention des risques et protection de la forêt » voient leurs crédits de paiement amputés respectivement de 6 % et de 5 %. La forêt privée représente 75 % de la surface totale et 4 millions de forestiers privés. Or, les services départementaux de l'État avaient annoncé aux syndicats des propriétaires forestiers et sylviculteurs l'arrêt de la politique menée par l'État depuis plus de cinquante ans pour constituer une ressource forestière de qualité, sous l'égide du Fonds forestier national. Celui-ci, supprimé en 1999, avait été relayé par le budget de l'État au titre de la reconstitution à la suite de la tempête de 1999.

Il est indispensable d'assurer la continuité de l'effort d'investissement forestier pour constituer une ressource forestière massive et pérenne. Les aides publiques en la matière doivent donc être préservées et pérennisées. Nous espérons que le ministère de l'agriculture prendra, comme il l'a d'ailleurs laissé entendre, les mesures nécessaires pour apporter une telle garantie.

Enfin, s'agissant de l'action 4, j'évoquerai plus particulièrement la politique de prévention des incendies de forêt, dans lesquels, chaque année, de nombreuses personnes et notamment des sapeurs-pompiers, perdent la vie. Année après année, l'État se désengage : les crédits affectés à la protection des forêts ont baissé de 10  % dans le projet de loi de finances pour 2005, tandis qu'une diminution importante des moyens financiers attribués au Conservatoire de la forêt méditerranéenne est constatée depuis plusieurs années. Ce désengagement est aggravé par une politique de décentralisation qui transfère des charges vers les collectivités territoriales dont le niveau d'investissement est loin de compenser les baisses enregistrées.

De plus, l'abandon d'une agriculture traditionnelle - pâturage en forêt, cultures coupe-feu -, l'extension des zones constructibles au détriment de l'espace naturel, qui se traduit notamment par un mitage du territoire, la stratégie de rentabilité financière de l'ONF, qui délaisse des secteurs de travail et d'exploitation des forêts, ainsi que la destruction d'un tissu industriel régional, notamment la filière bois, accroissent les risques d'incendies et diminuent les moyens de prévention.

Face à ces dangers majeurs, il faut donc rompre avec une politique engendrant un manque criant de moyens humains et matériels destinés à la lutte et à la prévention contre les incendies. C'est pourquoi nous déplorons que les crédits affectés à cette mission ne soient toujours pas à la hauteur des enjeux.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les hausses de crédits en faveur des politiques de la pêche et de la forêt ne suffiront pas pour nous permettre de relever les défis économiques ou environnementaux à venir. De plus, nous désapprouvons un certain nombre de choix budgétaires, notamment, je l'ai dit, en ce qui concerne l'ONF. Vous comprendrez donc que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposent à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget consacré à l'agriculture pour 2007 est à l'image de ceux qui ont été votés depuis 2003 : il ne prépare pas l'avenir, ne tient pas compte des problèmes présents et oublie les fondements qui ont permis à l'agriculture de constituer l'un des fleurons de notre économie.

Je partage l'ambition de la LOLF, à savoir qu'un bon budget n'est pas forcément un budget en augmentation. Je suis sensible à l'idée selon laquelle l'action publique doit se caractériser avant tout par son efficience, plutôt que par l'importance de la masse financière absorbée. Que le budget annoncé pour l'agriculture soit, en réalité, en baisse, compte tenu de l'inflation, serait donc admissible, si la stagnation affichée était justifiée par l'efficacité des réformes menées ou programmées.

Or, tel n'est absolument pas le cas. Notre agriculture et, au-delà, notre ruralité vont mal. L'inquiétude, pour ne pas dire le désarroi, est palpable. Ce malaise est amplifié par la politique conduite depuis 2003, en raison du décalage entre les paroles et les actes.

Face à ce constat, il ne ressort de ce budget que quelques modestes orientations significatives, lequel se réduit, en grande partie, à n'être que la contrepartie indispensable à la mobilisation des crédits communautaires.

Pour illustrer mon propos, monsieur le ministre, je prendrai plusieurs exemples.

L'idée d'une agriculture contractualisée et multiobjectifs est progressivement abandonnée, mais sans le dire. Celle-ci reposait sur les contrats territoriaux d'exploitation, qui ont été remplacés par le mécanisme des contrats d'agriculture durable, lesquels, selon vous, seraient mieux adaptés. Or, avec 2 000 contrats financés en 2007, nous sommes loin des 10 000 annoncés !

Le soutien à l'agriculture biologique régresse, alors qu'il s'agit d'un secteur en plein essor, qui répond par ailleurs à de nombreuses préoccupations sociétales.

Le désengagement à l'égard de l'enseignement agricole, conjugué à une absence de projet, se poursuit. Le Gouvernement ignore sa qualité et son utilité, pourtant unanimement reconnues, et annihile ainsi les efforts entrepris. Il ne reconnaît pas la vocation de cet enseignement à favoriser la profonde mutation que connaît notre agriculture, laquelle se répercute sur l'ensemble de l'économie rurale.

À ce propos, monsieur le ministre, intervenant la nuit dernière dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », j'ai souligné le désarroi des professeurs de l'enseignement agricole. S'il faut vous en convaincre, je vous invite à lire l'excellent rapport pour avis sur ce sujet, cosigné notamment par notre collègue Françoise Férat. Par ailleurs, j'espère que M. de Robien, ministre de l'éducation nationale, vous remettra la pétition contenant 2 000 signatures que les enseignants m'ont chargé de vous transmettre, au travers de laquelle ils expriment leurs inquiétudes.

L'action de structuration et d'adaptation des filières est gravement remise en cause. Elle est pourtant extrêmement importante dans un contexte d'abandon des outils de régulation et d'orientation des productions et dans un environnement international de plus en plus concurrentiel.

Le choix a été fait de favoriser le développement de l'assurance face aux aléas climatiques, sans pour autant y consacrer les moyens financiers nécessaires.

De nombreux jeunes agriculteurs ont été exclus du droit au second versement de la DJA, à la suite d'une modification des règles en cours de procédure.

Le dispositif des prêts bonifiés a été démantelé. Malgré certaines critiques formulées par la Cour des comptes, ce mécanisme a prouvé son efficacité dans l'accompagnement des projets d'investissement des agriculteurs.

La gestion des droits à paiement unique ne garantit pas une bonne redistribution des ressources, ce qui revient à entériner la réalité actuelle, à savoir que 80 % des aides vont à 20 % des agriculteurs.

Enfin, monsieur le ministre, cette législature est marquée par l'inaction dans le dossier des retraites agricoles, que vous avez tenté de masquer avec un geste modeste. Cette situation contraste fortement avec les avancées spectaculaires et sans précédent réalisées de 1997 à 2002. Le désengagement de l'État conduira le FFIPSA à enregistrer, à la fin de 2007, un déficit cumulé de 6 milliards d'euros.

Je pourrais multiplier ainsi les exemples pour démontrer que le bilan et les perspectives sont bien sombres, mais je m'arrêterai là, car je souhaite aborder maintenant la situation de la filière fruits et légumes, en prenant le cas de mon département de la Drôme.

Après plusieurs années de morosité, dues en partie aux prix de vente peu rémunérateurs, l'année 2006 a été pour les fruits d'été moins catastrophique, en matière tant de prix que d'écoulement de la marchandise.

Cependant, cette relative accalmie ne permettra pas de combler les dettes accumulées lors des précédentes saisons, qui se sont révélées fatales à de nombreuses exploitations. En outre, une lourde incertitude pèse sur la véritable nature de cette éclaircie : est-elle en effet conjoncturelle ou bien structurelle ?

Par ailleurs, la baisse constante du taux d'adhésion aux organisations de producteurs est préoccupante. La raison est double : certaines d'entre elles pâtissent d'une absence de reconnaissance, due au changement de statut des organisations professionnelles ; les formalités administratives étant à la fois plus importantes et plus complexes, elles deviennent décourageantes. Or, la désorganisation engendrée est préjudiciable tant pour la profession dans son ensemble que pour les producteurs pris isolément.

Je profite de cette intervention pour rappeler que le problème majeur posé par la maladie de la sharka est loin d'être réglé. Ce virus, qui affecte les plantations d'arbres fruitiers à noyaux tels que les pêchers, les abricotiers ou les pruniers, et qui rend la commercialisation des fruits impossible, a décimé une grande partie des vergers de mon département.

Depuis des années, à travers des questions écrites ou orales, je suis intervenu à de nombreuses reprises auprès des gouvernements successifs pour alerter sur l'incidence économique, mais également social, de ce fléau. La réponse apportée sur le terrain a toujours été largement insuffisante, donnant le cruel sentiment aux arboriculteurs que les pouvoirs publics jouaient avec le temps, laissant la maladie faire son travail de sélection naturelle.

Désormais, la sharka poursuit son extension vers le sud et le nord de la Drôme, et concernera bientôt tout le couloir rhodanien. Autour de l'épicentre, lequel concerne une dizaine de communes, on dénombre déjà 15 arrêts d'activité, 33 exploitations très sérieusement menacées et plus de 200  fortement fragilisées.

En attendant que des variétés résistantes au virus soient mises au point, que fait-on ? Va-t-on continuer à assister, impuissants, à la faillite des exploitations ? Jusqu'à présent, la profession a collaboré aux actions de prospection. Cependant, au regard des maigres résultats obtenus, le découragement a pris le dessus.

Par ailleurs, les zones les plus durement frappées se retrouvent désormais exsangues et dévastées. Une personne venue dans notre région il y a dix ans ne reconnaîtrait plus le paysage, le regard pouvant désormais s'étendre à l'infini. Quel dispositif de reconversion, susceptible de s'adapter à la configuration des parcelles, avez-vous prévu ?

Monsieur le ministre, vous avez récemment missionné M. Patrice Devos, ingénieur général du génie rural, afin qu'il procède à un état des lieux et propose des solutions, ces dernières devant être annoncées avant le 15 décembre prochain. L'attente suscitée par cette énième expertise est très importante. Ne décevez pas à nouveau la profession, les élus et la population ! Une nouvelle désillusion serait sans aucun doute fatale pour un pan entier de l'économie drômoise.

Les différents partenaires sont prêts à se mobiliser en faveur d'un nouveau projet de territoire, pour peu que l'État, par un engagement financier sans précédent, montre sa volonté indéfectible de prendre le dossier de la sharka à bras-le-corps. Les décisions prises seront lourdes de conséquences.

Au regard de tous ces problèmes non réglés, sans doute trop brièvement évoqués, faute de temps, je dois vous dire monsieur le ministre, malgré l'estime, voire l'affection, que je vous porte, que ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux. Aussi, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, dans le temps qui m'est imparti, je souhaite attirer votre attention sur trois sujets : le revenu des agriculteurs et des retraités, la filière bois et l'aménagement rural.

Auparavant, vous me permettrez de vous féliciter pour votre action. J'ai ainsi particulièrement apprécié les résultats obtenus en matière de biocarburant, tant pour notre pays que pour mon département.

S'agissant du revenu des agriculteurs, chacun sait que ceux-ci vivent de moins en moins du fruit de leur travail et de la vente de leurs productions, et de plus en plus d'aides financières émanant de l'Union européenne. Or qui dit aides dit contrôles. À cet égard, la mise en oeuvre des droits à paiement unique, les DPU, n'a évidemment pas arrangé les choses.

Lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole, j'avais suggéré de mettre en place, au lieu des contrôles tatillons et coercitifs que nous connaissons souvent et qui pénalisent parfois des exploitants agricoles n'ayant pas forcément la fibre administrative, des contrôles et des inspections un peu plus intelligents, par le biais d'une évaluation effectuée par des pairs. Ce système, tout en maintenant le principe de contrôles aléatoires, serait bien plus acceptable pour les exploitants.

Par ailleurs, dans mon département, la Meuse, des hectares peuvent se retrouver, pour des raisons diverses, sans DPU. Pourquoi ne pas transférer au niveau départemental la compétence et les moyens permettant de régler de telles situations ?

À ce stade de mon intervention, je souhaite vous faire part des préoccupations plus spécifiques des agriculteurs de la Meuse concernant leur revenu, et ce problème se pose aussi dans d'autres départements.

Les agriculteurs de mon département ont connu cette année une récolte de céréales et de colza moyenne, voire médiocre, une campagne fourragère difficile pour les pâtures, et tout particulièrement pour les maïs, une récolte de mirabelles contrariée par une pluviométrie trop importante courant août, et bien entendu les conséquences des mesures sanitaires prises dans le cadre de la lutte contre la grippe aviaire ou la fièvre catarrhale, qui limitent la commercialisation des viandes.

Jeudi dernier, lors de la séance des questions d'actualité, je vous ai interrogé sur ce dernier point, monsieur le ministre, et vous m'avez alors apporté quelques précisions. La situation n'en demeure pas moins difficile dans mon département.

En Meuse, on considère désormais qu'une exploitation sur cinq est en situation fragile, ce qui peut s'expliquer aisément puisque les gains de productivité ne permettent plus de compenser la baisse des prix et l'augmentation structurelle des charges. Ainsi, depuis 2001, le montant moyen des aides par exploitation dépasse le niveau de leur résultat courant.

Cette très grande dépendance des agriculteurs meusiens aux aides communautaires les rend d'autant plus sensibles à la réforme des aides : 4 % de modulation sur toutes les aides en 2006, puis 5 % à partir de 2007, auxquels s'ajoute 3 % de prélèvement annoncés sur la valeur initiale des DPU, c'est autant de revenu en moins pour les agriculteurs.

S'agissant du plan de modernisation des bâtiments agricoles, 21 dossiers restent à engager d'ici à la fin 2006 en Meuse, lesquels nécessitent une aide financière de l'État d'autant plus urgente qu'ils ont été déposés en 2005 : les travaux ont démarré, mais ils pourraient perdre leur éligibilité, faute d'enveloppe suffisante.

Par ailleurs, ma région n'est malheureusement pas épargnée par la fièvre catarrhale. Il a donc fallu mettre en place de grands périmètres au sein desquels les animaux sont bloqués. Quant aux marchés à l'export, ils sont durablement inaccessibles.

Je sais, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas insensible à ce problème. Vous m'avez d'ailleurs fait part, jeudi dernier, des difficultés rencontrées pour le régler mais aussi des mesures nationales prises en faveur des éleveurs. Face à cette crise, il serait bon que la solidarité européenne puisse jouer, afin que les pertes des éleveurs soient prises en charge et qu'un statut particulier de « zone de fièvre catarrhale » soit reconnu. Dans ce contexte, je vous ai demandé d'envisager la mise en place d'une assurance élevage, à l'instar de l'assurance récolte. Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre à cet égard ?

S'agissant des retraites agricoles, force est de reconnaître que des progrès ont été réalisés au cours des dernières années : la mensualisation de leur versement, la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire, les départs à la retraite facilités au terme de carrières longues. Mais il subsistait encore un certain nombre d'injustices. Cependant, au cours de l'examen de votre budget à l'Assemblée nationale, un effort a été fait en faveur des « petites » retraites, et je vous en félicite.

Monsieur le ministre, il faudra sans doute aller plus loin, notamment veiller à la montée en puissance de la retraite complémentaire obligatoire et se préoccuper de l'extension de celle-ci aux conjoints et aux aides familiaux.

En ce qui concerne la filière bois, il ne vous aura pas échappé, au cours de votre récente visite en Meuse, dont je vous remercie de nouveau, qu'il s'agit d'un département forestier et il a beaucoup souffert des conséquences de la terrible tempête de 1999.

La situation s'améliore progressivement, mais des efforts sont encore nécessaires afin d'effacer totalement les séquelles de ce traumatisme. À cet égard, pouvez-vous me confirmer que les objectifs et le calendrier du Programme forestier national, le PFN, seront bien respectés et que les dossiers présentés par les propriétaires sylviculteurs pourront être honorés en temps et en heure ?

Je voudrais enfin évoquer, en quelques phrases, l'aménagement rural, qui n'est pas une notion neutre dans un département comme le mien, encore très rural et dont la densité de population est relativement faible, moins de 30 habitants au kilomètre carré. Vous avez bien voulu, et je vous en remercie, y labelliser deux pôles d'excellence rurale dès la première désignation, ce qui constitue une marque de confiance à laquelle nous avons été très sensibles : d'autres devraient suivre.

Certains secteurs du département de la Meuse sont, par ailleurs, classés en zone de revitalisation rurale, ZRR, ce qui prouve à quel point ils méritent attention, aide et soutien. Mais force est de reconnaître qu'il est toujours aussi difficile, malgré ces classements et nos efforts soutenus, de convaincre des chefs d'entreprise de venir développer leur activité dans notre région, d'autant qu'elle est directement concurrencée par le Luxembourg, pays très accueillant pour les entreprises.

Fort de ce constat, j'ai déposé récemment sur le bureau du Sénat une proposition de loi autorisant la création, dans les ZRR, de « zones franches rurales ». Les entreprises commerciales, artisanales ou industrielles qui s'y installeraient pourraient ainsi bénéficier des exonérations fiscales déjà en vigueur dans les ZRR, auxquelles s'ajouteraient les exonérations de charges sociales s'appliquant dans les zones franches urbaines. Ce serait le meilleur moyen de redynamiser les ZRR, qui en ont grand besoin.

Enfin, je suis très étonné de constater que les pôles d'excellence ruraux ne figureront pas dans les futurs contrats de projets État-régions pour la période 2007-2013. Je vous ai récemment écrit à ce sujet, monsieur le ministre, souhaitant que le Gouvernement revienne sur cette décision, qui ne va pas dans le sens de la prise en compte du nécessaire développement des zones rurales.

Monsieur le ministre, la politique menée par le Gouvernement dans votre domaine de compétence va incontestablement dans le bon sens. Vous avez, par ailleurs, toujours été à l'écoute des parlementaires et particulièrement respectueux à leur égard, et je vous en remercie. Bien évidemment, je soutiendrai, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste-UDF, votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le ministre, je limiterai mon intervention à la forêt, même si j'aurais beaucoup à dire sur bien d'autres questions. En effet, c'est le sujet qui, en tant que président de la Fédération nationale des communes forestières de France, la FNCOFOR, me procure de nombreux motifs de satisfaction, et, monsieur le ministre, je m'empresse de vous en remercier, même si ce n'est pas toujours l'usage lors de la discussion budgétaire.

Nous avons deux raisons d'être satisfaits du budget 2007.

Je vous remercie tout d'abord pour le contrat État-ONF que vous êtes venu signer, avec Mme le ministre de l'écologie et du développement durable, à Épinal le 24 juin dernier, lors du congrès national de notre fédération, et pour l'inscription de cette ligne essentielle pour une gestion durable des forêts communales qu'est le versement compensateur à la même hauteur qu'en 2006, conformément à ce contrat d'objectif. L'État tient donc sa promesse, c'est suffisamment rare pour être souligné.

Je vous remercie ensuite d'avoir entendu l'inquiétude des forestiers, forêt publique et forêt privée, sur les investissements forestiers et l'aide à la conversion, et d'avoir introduit dans le programme de développement rural de l'hexagone, le PDRH, une mesure en faveur des investissements forestiers, sous la forme d'une ligne budgétaire, dont l'absence nous avait inquiétés.

Bien évidemment, je ne puis en rester à ce satisfecit.

Nous pourrions également nous livrer à des calculs. Ainsi, avec 300 millions d'euros, le programme « Forêt » ne représente que 6 % de l'ensemble du budget de votre département ministériel. Mais ce chiffre a-t-il une réelle signification ?

Je voudrais surtout faire une observation. La forêt fait aujourd'hui l'objet d'un programme dans le cadre de la LOLF. Il s'agit là d'un élément très important. En effet, comme le soulignait M. le rapporteur spécial, la forêt est désormais mise en lumière. À cet égard, votre politique est facile à suivre.

La filière bois-énergie est au coeur de vos préoccupations et des nôtres. Je voudrais d'ailleurs saluer les propos que vous avez tenus devant nos collègues de l'Assemblée nationale. Vous avez notamment déclaré ceci : « Nous avons beaucoup à faire : poursuivre le programme ?1 000 chaufferies au bois en milieu rural? ». Vous avez entièrement raison. À travers ce programme, la Fédération nationale des communes forestières s'engage en compagnie de ses partenaires de la forêt publique et de l'ONF, dans une action de fond auprès des élus des communes forestières, du monde rural et des intercommunalités, afin de les inciter à opter pour la filière bois-énergie. L'ambition est forte et la tâche est lourde. Nous avons besoin de votre soutien et de celui de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, pour mener ce projet à bien.

En outre, vous connaissez mon attachement à un mécanisme d'encouragement à l'investissement forestier des communes, qui est un facteur de bonne gestion de la forêt communale et une source d'activité économique et d'emploi en milieu rural.

C'est votre détermination qui nous a permis de mettre en place le Fonds d'épargne forestière. Le principe en avait été voté au mois de juillet 2001, mais il a fallu attendre cinq ans pour que la mesure - c'est le cas de le dire - sorte du bois. (Sourires.) En effet, les décrets d'application n'étaient toujours pas publiés.

Compte tenu du texte qui a été voté, les syndicats de gestion forestière se sont trouvés exclus du dispositif. Je reviendrai sur ce point de manière plus détaillée dans quelques instants à l'occasion de la présentation de mes amendements. Toutefois, je voudrais d'ores et déjà émettre un souhait, monsieur le ministre. J'espère que vous soutiendrez ces amendements ou, à tout le moins, que vous ferez preuve d'une « neutralité positive » à leur égard - un peu de sagesse du Sénat ne saurait nuire. (Sourires.)

S'agissant des ventes de bois, je tiens à le signaler, l'année 2006 se terminera bien mieux que l'année précédente. Les ventes de l'automne ont augmenté de 5 % en volume, de 17 % en prix unitaire et de 24 % en chiffre d'affaires. Chêne, sapin-épicéa et pin sylvestre se retrouvent à des cours proches de ceux de la période antérieure à la tempête de 1999. Et notre pauvre hêtre progresse également, mais seulement sur les petits diamètres.

Sur l'ensemble de l'année, la recette totale des forêts communales devrait atteindre le « seuil psychologique » des 200 millions d'euros, bien loin encore des 265 millions d'euros de 1999, mais au-dessus des 168 millions d'euros de 2004. Ainsi, sous votre houlette, nous aurons rattrapé le tiers de la perte abyssale occasionnée par les tempêtes de décembre 1999.

Par ailleurs, comme en témoignent vos déclarations et les dispositions de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, que vous avez fait adopter, vous considérez le carbone forestier comme porteur d'avenir. Le futur de la forêt réside certainement pour une bonne part dans ce dernier. De nouveaux termes, tels que « substitution », « séquestration » ou « puits de carbone », fleurissent.

De nouvelles unités apparaissent également : mégatonnes ou gigatonnes de carbone, tonne équivalent CO2. Les chiffres sont impressionnants : les forêts françaises représentent un stock de carbone de 8 milliards de tonnes équivalent CO2 et absorbent annuellement 52 millions de tonnes équivalents CO2. C'est dire le rôle que jouent nos forêts dans la lutte contre l'effet de serre !

C'est pourquoi les forestiers publics et privés proposent des projets domestiques, notamment des puits de carbone, pour identifier les meilleures pratiques sylvicoles, afin d'en accroître le stockage. J'espère qu'avec votre soutien leurs propositions seront entendues.

Enfin, je vous remercie d'avoir insisté pour que nous mettions en place une interprofession forêt-bois. En dépit de la faible popularité de la cotisation volontaire obligatoire, la CVO - vous en conviendrez, c'est un drôle de terme (Sourires) -, l'organisation qui a pris le nom de France Bois Forêt commence à travailler concrètement sous la présidence de notre collègue le député Dominique Juillot.

Et, à présent, même la deuxième transformation et le commerce du bois nous font des offres de service. C'est un signe supplémentaire que l'économie forestière progresse. Elle vous le doit en grande partie, monsieur le ministre, et c'est pourquoi elle attend encore beaucoup de vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculture française doit faire face à de profondes mutations, liées aux négociations de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, et à l'application de la réforme de la politique agricole commune, la PAC.

Dans ce nouveau contexte, une exploitation a vocation à se transformer en une entreprise agricole et rurale, novatrice dans ses activités, créatrice d'emplois et dotée de débouchés économiques durables. En conséquence, il faut adapter le parcours de formation des jeunes, ainsi que les outils de reprise d'exploitations.

À cet égard, la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole a apporté un certain nombre de réponses. Je pense notamment au bail cessible, au fonds agricole et au crédit-transmission. C'est une première étape qu'il faut saluer ! Mais le Gouvernement doit poursuivre cette démarche, car l'installation est une condition nécessaire pour que les campagnes demeurent vivantes.

Il me paraît en particulier impératif de renforcer l'accompagnement des jeunes au début de leur carrière, étant entendu que les difficultés viennent non pas du manque de cédants, mais plutôt de la nécessité de mobiliser des capitaux pour une reprise.

Monsieur le ministre, la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, et les prêts bonifiés jeunes agriculteurs, ou prêts bonifiés JA, continueront à être cofinancés dans le cadre de la nouvelle programmation de développement rural 2007-2013. Mais leur dotation budgétaire pour 2007 semble trop faible par rapport à l'enjeu. À ce compte-là, il sera difficile d'enrayer la crise démographique de l'agriculture.

Par ailleurs, les agriculteurs regrettent que les crédits du Fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, le FICIA, n'aient pas été inclus dans les contrats État-régions. Je les rejoins.

En outre, la suppression programmée des prêts spéciaux de modernisation expose les jeunes à un risque financier important et aura pour effet de freiner le plan bâtiment, qui trouvait sa complémentarité dans le dispositif des prêts bonifiés.

Monsieur le ministre, vous avez récemment indiqué qu'un mécanisme de cautionnement était en cours d'expertise. Pouvez-vous nous préciser les résultats de cette étude ?

Bien entendu, la formation et le parcours préparatoire constituent le deuxième enjeu de l'installation.

J'ai noté avec satisfaction l'augmentation des crédits de l'enseignement supérieur. Mais il me paraît néanmoins indispensable d'adapter l'offre de formation aux nouveaux enjeux et de faire évoluer le dispositif « stage six mois » vers une formule plus individualisée. Quant à la validation des acquis de l'expérience, sa mise en oeuvre devait faire l'objet d'une évaluation. Où en sommes-nous, monsieur le ministre ?

Enfin, je crois qu'il faut communiquer plus et mieux sur l'agriculture en direction des jeunes. En effet, il faut rompre avec cette vision réductrice d'une voie marginale, qui serait réservée aux enfants d'agriculteurs et destinée à former des agriculteurs. Il est indiscutablement préférable d'installer un paysan à la campagne plutôt que de maintenir un chômeur en ville !

La simplification administrative représente un autre défi pour l'agriculture.

Le dispositif des droits à paiement unique ajoute encore à la complexité, alors que les exploitants consacraient déjà au quotidien de plus en plus de temps aux démarches administratives. Que ce soit pour l'obtention des aides, la déclaration de surfaces, les obligations relatives à l'identification des animaux, la mise aux normes des bâtiments d'élevage ou encore les modalités d'embauche, le nombre de formulaires à remplir chaque année dépasse les limites du supportable, d'autant que la plupart des informations qu'ils contiennent sont déjà détenues par les services demandeurs.

La lourdeur de ces démarches à accomplir est accentuée par la multiplicité des interlocuteurs auxquels les exploitants doivent s'adresser. Ces démarches sont souvent inutiles et parfois même absurdes.

Parmi les différentes mesures à adopter, il est impératif de simplifier et d'améliorer l'accès aux aides, notamment dans le cadre de la transmission générationnelle.

Monsieur le ministre, je sais que vous avez érigé la simplification administrative au rang de priorité. Ainsi, au mois de février 2006, une vaste campagne d'appel à idées ayant pour slogan « Simplifions ! » a été lancée auprès des agriculteurs. Elle a permis de recueillir et d'étudier plus de 1 000 propositions.

Depuis le début de l'année, vous avez d'ailleurs annoncé pas moins de soixante-dix mesures concrètes de simplification. Cependant, ces efforts seraient vains si une démarche similaire n'était pas entreprise à l'échelon européen. En effet, certaines mesures sont conditionnées à une adaptation de la réglementation communautaire.

Vous avez adressé à la Commission européenne une contribution française rappelant les grands principes qui doivent guider la simplification de la PAC et proposant près de quarante mesures précises. Pouvez-vous nous indiquer les suites qui ont été apportées à cette contribution ?

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, il faut poursuivre activement ce chantier avec pour lignes directrices une meilleure prise en compte de la logique de l'entreprise, une amélioration de l'information, un allégement des formalités et des contrôles et un encouragement des téléprocédures.

Monsieur le ministre, votre budget sera voté par la majorité du groupe RDSE. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud. (M. Roland Courteau applaudit.)

M. Marcel Rainaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, l'agriculture crée des emplois et apporte son poids dans la balance commerciale du pays. Elle aménage et occupe le territoire. Elle apporte également des produits de qualité, qui sont attendus par les consommateurs. Elle nécessite donc la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse.

Monsieur le ministre, une telle politique est absente du projet de budget que vous proposez.

Certes, ce projet affiche des intentions en apparence louables. Je pense à la valorisation de la sécurité sanitaire, à la recherche ou à l'enseignement. Mais ce budget, qui s'élève à un peu plus de 5 milliards d'euros, représente une hausse minime de 1 % seulement par rapport à 2006. Il s'agit donc d'un budget en baisse en euros constant, insuffisant et contradictoire avec les engagements pris par le Gouvernement à l'occasion de l'adoption de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Marcel Rainaud. En réalité, la hausse affichée de 9 % en faveur de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments correspond à des transferts et à des augmentations inéluctables de charges.

Une fois encore, les collectivités locales seront mises à contribution, au travers des aides apportées aux groupements départementaux de défense sanitaire ou de l'action des laboratoires vétérinaires départementaux.

M. Roland Courteau. Comme d'habitude !

M. Marcel Rainaud. En effet, il est regrettable que, une nouvelle fois, les dotations ne soient pas à la hauteur des enjeux, face, notamment, au risque toujours présent de grippe aviaire ou à l'apparition sur notre territoire de foyers de fièvre catarrhale, sans parler de la rhinotrachéïte infectieuse bovine, ou IBR, dont la prévention va peser lourdement sur les comptes des exploitations.

Quant à l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche, elle masque mal la baisse de celui de l'enseignement agricole. Le nombre d'élèves ne cesse d'augmenter. La performance de l'enseignement technique agricole est reconnue. Et pourtant, la diminution de 5,7 % de ce budget s'ajoute à la suppression des 269 postes dans le cadre de la loi de finances pour 2006, à la réduction des postes ouverts aux concours et aux amputations de crédits des établissements !

J'ajoute que le volet social de ce budget paraît bien léger.

Le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles connaîtra un déficit cumulé de 5,3 milliards d'euros !

Malgré les engagements du Président de la République et les mesures annoncées ces derniers mois, le dossier des retraites agricoles est loin d'être réglé.

M. Marcel Rainaud. En outre, s'il est un domaine dans lequel votre ambition est défaillante, c'est bien celui de la viticulture,...

M. Robert Tropeano. Ça, c'est sûr !

M. Marcel Rainaud. ...qui est pourtant l'un des fleurons de l'économie de notre pays. Roland Courteau, Robert Tropeano et moi-même ne craignons pas de l'affirmer, monsieur le ministre, vous n'avez pas réellement pris conscience de la gravité de la crise viticole qui touche principalement la région Languedoc-Roussillon.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Marcel Rainaud. Dans ce projet de loi de finances, nous attendions des mesures à caractère exceptionnel sur les bases de calcul des cotisations sociales des viticulteurs et sur la question de leurs charges sociales, afin de les aider à traverser cette période difficile.

Nous espérions un réel engagement en direction des viticulteurs, qui désirent poursuivre leur activité. Nous revendiquions des aides massives à la mobilité pour faciliter les installations, un soutien fort à la réalisation des aménagements et des équipements indispensables à la reconversion.

De tout cela, nous n'avons rien obtenu ou si peu !

M. Roland Courteau. Il fallait le dire ! Très bien !

M. Marcel Rainaud. Avec tous les professionnels, je dénonce l'insuffisance des crédits que votre gouvernement consacre, dans le cadre des contrats de projets État-région, à la compétitivité des entreprises, à la commercialisation et à la promotion.

Vous laissez la France à la traîne sur les marchés mondiaux, vous laissez grignoter nos parts de marché sans que l'on sente une volonté de réagir de la part du Gouvernement !

En ne sollicitant pas Bruxelles pour le financement de préretraites acceptables et en refusant de rendre plus attractive la prime d'arrachage définitif, vous avez laissé échapper l'occasion de permettre aux viticulteurs qui le souhaitent de quitter la profession avec dignité

MM. Roland Courteau et Robert Tropeano. Exactement !

M. Marcel Rainaud. Vos orientations reviennent à un abandon pur et simple de la viticulture française, ou plutôt, devrais-je dire, de la viticulture de la région Languedoc-Roussillon !

M. Roland Courteau. Très bien ! Il fallait le dire !

M. Marcel Rainaud. Ce budget, qui ne représente que 1,7 % du total des dépenses du budget de l'État montre clairement que l'agriculture n'est plus une priorité pour le Gouvernement. Aussi, monsieur le ministre, nous ne voterons pas votre budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la deuxième année consécutive que nous traitons de la loi de finances dans le cadre de la LOLF.

Cette nouvelle présentation permet un meilleur contrôle budgétaire et introduit une idée nouvelle : la culture de résultat. Prenons garde toutefois à la manière dont cette idée est perçue car, dans les milieux agricoles, certains estiment qu'il est aujourd'hui plus difficile de suivre l'évolution des crédits année par année et que cette présentation peut remettre en cause la réalité des financements annoncés car ils se trouvent noyés dans la masse. Veillons donc à la bonne lisibilité des données.

Notre agriculture entre dans une nouvelle ère, celle de la modernité, tout en étant respectueuse de l'environnement. De nouveaux enjeux apparaissent, comme la maîtrise des risques sanitaires et des aléas, la gestion de la ressource en eau, la modernisation des exploitations, la réduction des pollutions.

Pour faire face à ces défis, votre ministère a mis l'accent, cette année, sur la simplification administrative. Initiative louable, car nos agriculteurs passent beaucoup de temps en formalités de plus en plus nombreuses et complexes.

De surcroît, l'instruction des dossiers suit la même évolution. Ils sont soumis à un nombre croissant de réglementations, de textes contractuels ou de principes régissant les orientations des organismes financeurs. Ce foisonnement de références diverses conduit les services instructeurs à des interprétations multiples et souvent divergentes qui provoquent une véritable sclérose des organes décisionnels.

Il faudrait organiser la hiérarchisation des textes dans un but de clarification, monsieur le ministre. De nombreuses situations de blocage seraient évitées à nos agriculteurs, permettant ainsi à votre ministère d'atteindre le but qu'il s'est fixé.

Autre défi faisant partie de vos priorités, monsieur le ministre, la préparation de l'avenir. Grâce à vous, l'installation des jeunes connaît des avancées concrètes comme la baisse des taux ou les prêts aux jeunes agriculteurs. Il faut poursuivre cette politique et permettre à tous les jeunes qui le désirent, issus des milieux agricoles ou non, de pouvoir s'installer. De même, la transmission transgénérationnelle doit être encouragée.

M. Dominique Bussereau, ministre. Absolument !

M. Michel Doublet. Mais, qui dit installation, dit formation. L'enseignement agricole confirme ici son caractère d'excellence. Or, des inquiétudes se font jour.

L'enseignement agricole public connaît une réduction de ses crédits de moyens, avec des suppressions de postes, et le recrutement des élèves se trouve plafonné, certains établissements allant même jusqu'à refuser des élèves qui souhaitent redoubler après avoir subi un échec à leur examen. Il conviendrait ici d'augmenter les moyens prévus, en termes tant de dépenses de personnels que de dépenses de fonctionnement et d'intervention.

M. Gérard Le Cam. C'est vrai !

M. Michel Doublet. L'enseignement agricole privé rencontre des difficultés semblables avec la suppression de 141 postes à la rentrée 2006, conjuguée à la décision de transformer 240 postes en heures supplémentaires-année. Quelle mesure, monsieur le ministre, comptez-vous mettre en oeuvre pour remédier à cette situation ?

De plus, l'enseignement agricole privé attend avec impatience la publication de la modification du décret n° 89-406 du 20 juin 1989 qui doit permettre le reclassement de 200 agents de troisième catégorie et d'organiser les mouvements d'emplois et les concours de recrutement. Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale la date de publication de ce décret ?

Notre agriculture, je l'ai dit voilà un instant, doit faire face à de nouveaux enjeux.

C'est le cas de l'eau. Le réchauffement climatique a un impact direct sur notre agriculture. Une véritable politique de l'eau doit conjuguer économie de la ressource existante et création de nouvelles ressources. Malheureusement, les crédits alloués à l'hydraulique, qui s'élèvent à 18 millions d'euros, ne permettront pas de solder l'ensemble des opérations en cours. Ils sont également insuffisants pour répondre à l'objectif de création de ressources.

Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, dans un programme décennal de création de retenues de taille modeste - notre département, la Charente-Maritime, est bien placé pour le savoir -, dont les conditions de réalisation et de gestion environnementales seront définies dans la prochaine loi sur l'eau. Or, ce plan de retenues de substitution ne bénéficie que de 5 millions d'euros en autorisations de programme, montant très insuffisant, vous en conviendrez, au regard de la grande vulnérabilité du secteur agricole à l'égard de la pénurie en eau - nous en avons eu des exemples récemment. Accordons les moyens nécessaires à l'hydraulique agricole pour qu'elle accomplisse enfin ses missions : la sécurisation des récoltes, la régularisation de la qualité de la production et la diversification des cultures. La politique d'augmentation de la ressource reste aujourd'hui essentielle.

Ainsi, la politique nationale de l'eau a clairement défini les orientations en matière de gestion quantitative : mettre en adéquation la ressource et les prélèvements. Elle définit tout aussi clairement les moyens à mettre en oeuvre : la réduction des prélèvements et l'augmentation de la ressource.

Tous ces défis ne peuvent être relevés que dans le respect de l'environnement, qui doit maintenant faire partie de notre vie quotidienne.

Sur ce sujet, je me félicite du cofinancement communautaire des mesures agro-environnementales. Le budget 2007 comporte une dotation de 121 millions d'euros pour les nouveaux contrats en faveur des prairies exploitées dans le respect de l'environnement. Ces contrats ont vocation à succéder aux actuels engagements des bénéficiaires des contrats territoriaux d'exploitation herbagers qui arrivent à échéance. Les éleveurs et le monde rural sont très attachés à ces contrats qui contribuent à une des grandes priorités de votre ministère, la réaffirmation de la place de l'agriculture dans les territoires ruraux.

Parmi ces mesures, l'indemnité compensatrice de handicap naturel enregistre une nouvelle réévaluation de 5 % qui permet de consolider les activités d'élevage dans les zones où les conditions de production sont structurellement pénalisées par l'environnement géographique, économique et climatique.

Je me réjouis également du plan végétal pour l'environnement. Ce nouveau dispositif d'aide aux investissements à vocation environnementale pour le secteur végétal doit, en effet, concilier production et préservation de l'environnement, sécurité et qualité alimentaire.

Enfin, pour terminer sur l'environnement, je constate avec plaisir que les engagements concernant le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole sont tenus. Ce dispositif vise à limiter la pollution des eaux en accompagnant la mise aux normes des exploitations. Il importe que l'État, les collectivités territoriales et les agences de l'eau poursuivent leurs engagements jusqu'en 2009, compte tenu des délais observés entre le dépôt du dossier et le paiement des travaux sur facture.

Je ne peux finir ce bref tour d'horizon sans parler du problème des retraites. De grandes avancées ont été réalisées avec la retraite complémentaire, la mensualisation, les mesures concernant les carrières incomplètes et, dernièrement, la revalorisation des petites retraites qui concerne quelque 300 000 agriculteurs. De nouvelles dispositions pourraient être envisagées, comme l'élévation du niveau des retraites à 85 % du SMIC ou un rattrapage en faveur des pensions de réversion.

Avant de conclure, monsieur le ministre, je tiens à aborder trois sujets qui me tiennent à coeur et qui concernent directement le département de la Charente-Maritime dont nous sommes tous les deux élus.

Je veux parler tout d'abord du dossier du sel artisanal sur lequel nous avons eu un échange de correspondance. En juin 2005, j'avais attiré votre attention sur la reconnaissance du caractère alimentaire du sel marin artisanal. Un décret est actuellement en cours de rédaction. Dans l'attente des résultats de l'expertise microbiologique de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que le décret sera bien pris dans un délai raisonnable car les producteurs de l'île de Ré, de l'île de Noirmoutier et de Guérande attendent cette décision avec impatience.

J'aborderai ensuite le cas des zones humides, qui sont un facteur de développement durable des territoires. Elles assurent la préservation de la diversité biologique tout en contribuant à une bonne gestion des ressources en eau ainsi qu'à la prévention des inondations. La loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole prévoit, dans son article 88, un soutien spécifique en faveur des activités économiques traditionnelles dans ces zones.

Je comprends, aujourd'hui, que la mise en place d'une indemnité spéciale zone humide supposerait de redéfinir immédiatement le zonage alors que la Commission européenne a renvoyé ce chantier à 2010. C'est une réelle difficulté mais il faut s'assurer que les crédits d'État soient inscrits à hauteur suffisante et de manière pérenne. L'État, au même titre que le département, doit prendre sa part à l'entretien des marais et lui appliquer une fiscalité appropriée. J'espère, monsieur le ministre, que les réflexions sur ce sujet se poursuivront dans la future programmation de développement rural pour la période 2007-2013.

Enfin, je désirais évoquer les crédits d'indemnité à l'abandon total ou partiel de la production laitière. En effet, de nombreux agriculteurs de notre département ont déposé des dossiers d'indemnité au titre de la campagne 2006-2007. Or, le nombre des dossiers déposés ou en cours de dépôt est supérieur aux prévisions, ce qui entraîne des conséquences en termes de financement. Il faudrait donc que les crédits nécessaires soient déployés afin de répondre à l'attente de nos agriculteurs. Quelles informations pouvez-vous nous donner sur ce point précis, monsieur le ministre ?

En conclusion, le budget que vous nous présentez aujourd'hui est un budget d'avenir pour notre agriculture et l'ensemble de la filière agricole. Par ailleurs, il répond parfaitement aux attentes nombreuses et légitimes du monde rural, c'est pourquoi, monsieur le ministre, je voterai vos crédits sans hésitation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concernera, une fois de plus - peut-être la dixième en un an -, la situation de la viticulture et de tout le secteur viti-vinicole dans la région Languedoc-Roussillon.

Je n'ai pas besoin de longs argumentaires pour établir ce sombre constat : le marché du vin reste à peu près atone, les prix proposés sont, cette année encore, inférieurs à ceux de l'an passé ; le cumul des baisses enregistrées depuis 2002 explique que le cours du vin soit aujourd'hui beaucoup moins rémunérateur qu'il y a dix ans. Quelle profession supporterait une telle diminution de ses ressources sans réagir par des actes de désespoir ? Or, nous n'en observons pas chez nous, sans doute, pour partie, par sagesse mais aussi par fatalisme.

Désormais, nombre de vignerons vivent du salaire de leur épouse ou, à défaut, d'une allocation du RMI. Ils baissent la tête, ils calculent comment sortir de cette impasse par l'arrachage ou la vente du foncier si, du moins, leurs terres sont classées en zone urbanisable. Pour les élus que nous sommes, rien n'est plus angoissant !

Pour tenter de redresse la situation, monsieur le ministre, vous avez pris - ou arraché à Bruxelles - un certain nombre de décisions dont il faut vous rendre acte : les diverses distillations qui ont désencombré le marché sans parvenir, hélas ! à redresser les cours, l'arrachage temporaire - trop faiblement souscrit, en Bordelais notamment - ainsi que des mesures plus structurelles tenant à l'organisation de la profession, comme la mise en place des comités de bassin.

Force est de reconnaître que le sursaut ne s'est pas encore produit, tout du moins pas dans la région Languedoc-Roussillon. Sans doute portons-nous une part de responsabilité, que je ne sous-estime pas !

Mais le constat demeure et, une fois de plus, l'ensemble de la population et des élus se tourne vers l'État. Il vous appartient, monsieur le ministre, de mobiliser les acteurs du secteur viti-vinicole pour enrayer la spirale déflationniste du marché, maîtriser l'arrachage, réorienter l'activité viticole, chaque fois que nécessaire, vers des productions susceptibles de maintenir l'outil foncier en l'état et de faire vivre les familles. Cela relève de votre responsabilité, bien sûr, mais vous n'êtes pas seul en cause !

Tout doit tendre à faire converger les efforts de l'État et des diverses collectivités territoriales, de la petite commune à la grande agglomération, en passant par le département et la région.

M. Robert Tropeano. Absolument !

M. Gérard Delfau. De ce point de vue, la récente - et trop tardive - réunion de travail que vous avez convoquée sur la définition du contrat de projet État-région fut un rendez-vous utile : associer les parlementaires, les présidents des grandes collectivités territoriales et les représentants de la profession a eu pour intérêt de révéler une relative unité d'analyse ainsi qu'une assez large convergence dans les propositions.

Il faut reprendre ce type d'initiative en y associant - je sais bien que c'est difficile - les représentants du négoce et ceux du secteur des hôtels-cafés-restaurants. En effet, il n'y a pas de relance possible du marché intérieur sans une telle convergence.

De ce point de vue, il n'est pas acceptable que la marge sur le repas se réalise trop souvent grâce au prix prohibitif auquel le vin est vendu.

M. Gérard Le Cam. C'est vrai !

M. Gérard Delfau. Le Gouvernement dépense des sommes considérables pour soutenir le secteur de l'hôtellerie-restauration. Ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, de lier pour partie l'octroi de ces aides de la collectivité nationale au respect d'une forme de modération sur le prix du vin ?

S'agissant de l'export, nous souhaiterions une implication plus volontariste de vos services, notamment pour surmonter les obstacles créés par la fiscalité abusive et protectionniste d'un certain nombre de pays. À cet égard, j'ai pu constater tout récemment, en Inde, les dégâts causés par une telle politique fiscale.

En ce qui concerne la vive et parfois déloyale concurrence que nous livrent l'Italie et surtout l'Espagne, pourquoi ne parvenons-nous pas à faire respecter les normes sanitaires, notamment en matière d'usage d'engrais et de pesticides ? Faudra-t-il en arriver à bloquer la frontière ?

M. Roland Courteau. On ne nous a jamais répondu sur ce point !

M. Gérard Delfau. S'agissant enfin de l'organisation commune de marché, le projet de la Commission européenne est inacceptable. Combinant un arrachage massif de 400 000 hectares de vignes avec la libération immédiate des droits de plantation, cette politique est un déni de l'effort de qualité que la viticulture du Languedoc-Roussillon a accompli depuis une trentaine d'années.

L'objectif, en réalité, est de détruire l'exploitation familiale et coopérative tout entière tournée vers l'authenticité du produit, au profit d'une viticulture industrielle livrée au négoce mondial. Toutes proportions gardées, c'est bien une forme de retour à 1907, à l'époque d'une viticulture spéculative et inauthentique, que préconise la Commission européenne. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que la France refuse cette orientation et fasse valoir notre tradition d'une viticulture de qualité, liée au terroir. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Robert Tropeano. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt, affaires rurales », mon intervention portera uniquement sur la pêche.

Je commencerai en soulignant ce qui constitue un grand changement par rapport à l'an passé : le montant exceptionnel, je n'hésite pas à le dire, des crédits de la pêche, puisqu'ils s'élèvent à 60 millions d'euros, contre 32 millions d'euros en 2006.

Bien évidemment, je me réjouis de cette évolution, même si l'on doit la relativiser : ce budget en lui-même est modeste, comparé à celui de l'ensemble de la mission et au regard de l'ampleur de la tâche et des problèmes posés.

Cette augmentation, due à la mise en oeuvre du plan d'action pour la pêche, est indispensable, bienvenue quand on analyse la situation dramatique de ce secteur de notre économie.

Voici quelques-uns des problèmes à traiter et des défis à relever : augmentation du prix du gazole, maintien et protection de la ressource, sécurité des marins pêcheurs, vieillissement de la flotte, rigueur de l'administration communautaire, et j'en passe...

Je veux maintenant rappeler en quelques chiffres l'importance de la pêche dans notre pays : 20 000 emplois embarqués, qui en induisent plus de 50 000 à terre ; une consommation évaluée à 2 150 000 tonnes, pour 35 kilogrammes de produits aquatiques consommés par personne ; un taux annuel de croissance de 2 % du marché des produits de la mer.

Derrière ces chiffres apparaît une économie qui joue un rôle essentiel dans les régions littorales. Je rappelle, à cet instant, que la façade maritime de la France est sans commune mesure avec celle des pays voisins.

Cette activité a un rôle structurant en matière d'aménagement du territoire. Elle est un élément majeur de la vie de nos côtes, car elle en est un acteur historique, un acteur économique, un acteur environnemental, enfin un acteur culturel.

En effet, elle fonde l'identité du littoral et, en Bretagne, celle d'une région tout entière. À travers les valeurs qu'elle porte, de ténacité, de courage, de solidarité, elle a une image positive.

La prise en compte des besoins de la profession par le biais du plan d'action pour la pêche nous paraît malheureusement tardive, en cette fin de législature. Au cours de mon intervention, l'an passé, je vous avais d'ailleurs interpellé, monsieur le ministre, sur le manque d'anticipation de ce plan en termes financiers.

M. Gérard Delfau. C'est vrai !

Mme Yolande Boyer. Revenons-en à quelques-unes des propositions qu'il contient : mise au point de plans de gestion pluriannuels, rattachement des quotas aux entreprises et non plus aux personnes, renforcement du rôle des organisations de producteurs, création d'une interprofession...

Ces mesures sont plutôt bien accueillies, mais le plan reste flou sur les méthodes et les moyens réellement mis en oeuvre. À cet égard, les textes relatifs aux différents dispositifs sont attendus, ainsi que les études d'impact sur les conséquences des plans de sortie de flotte. Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser les échéances et les priorités de mise en oeuvre ?

Il est en effet difficile de parler de long terme à une profession en crise qui attend des réponses immédiates, et l'on sent une certaine défiance percer au travers des propos suivants, tenus par un président d'organisation de producteurs en Normandie - « Les intentions restent louables, mais cela reste vague. Il reste à mettre en musique. » - ou par André Le Berre, le président bien connu du comité régional des pêches de Bretagne - « Certaines idées ne sont pas si mauvaises, mais nous attendons le résultat final ; pour l'instant, ce plan n'est pas concret. »

Alors, monsieur le ministre, avez-vous du concret à nous présenter ? Réussirez-vous à mettre ce plan en musique ?

Par ailleurs, quelques grands axes du plan d'action pour la pêche sont confortés par des actions à l'échelle de l'Union européenne, d'où notre inquiétude concernant les crédits du Fonds européen pour la pêche, qui doit remplacer l'Instrument financier d'orientation de la pêche, puisqu'une baisse de 33 % sur la période 2006-2013 est prévue. Cette évolution aura inévitablement des répercussions en France. Monsieur le ministre, comment expliquez-vous ce désengagement européen ?

Je voudrais maintenant évoquer la politique des contrôles et du suivi, car l'enjeu est d'importance : il s'agit notamment de respecter les taux et les tailles maximaux de capture, non seulement pour les pêcheurs français, mais aussi pour les pêcheurs communautaires et ceux des pays tiers.

À cet égard, la mise en place par le ministère d'une charte du contrôle des pêches paraît importante, mais dispose-t-on de résultats concernant cette initiative ? Où en est-on des sanctions à l'encontre de notre pays, de l'amende et des astreintes dues ? Je souhaite également souligner que permettre le développement de la pêche tout en préservant la ressource nécessite d'attribuer à I'IFREMER des crédits à la hauteur des besoins.

Par ailleurs, je voudrais insister sur le fait que l'effort financier ne peut pas tout.

Un solide rapport de confiance entre les acteurs de la filière - professionnels, scientifiques, élus du littoral, associations - est indispensable. La concertation s'impose, et je tiens à mettre en exergue, dans cette perspective, le sens de la responsabilité dont fait preuve la profession, tant dans la prise de mesures conjoncturelles que dans la participation à la construction d'un avenir pour la filière.

À propos de concertation, j'évoquerai très rapidement un sujet annexe, celui du parc marin d'Iroise. Je crois qu'il préfigure ce que pourrait être la concertation à l'échelon local, dans un objectif de gestion durable de la ressource, de préservation de l'environnement et de l'économie de pêche.

Je terminerai mon intervention, et cela ne surprendra personne, en évoquant le bon sens et la pertinence des propositions faites par l'association « Femmes entre terre et mer ». Elle regroupe des femmes de marins et de pêcheurs, du matelot à l'armateur, qui mettent en avant l'aspect social, à retenir comme indicateur d'un développement durable de la filière. C'est un élément qu'il me paraît important de prendre en compte sous divers aspects - salaire, couverture sociale, garantie d'activité type CTE pour la pêche -, afin de rendre attractive la profession. La formation des femmes doit être renforcée, car nous savons bien qu'elles jouent un rôle essentiel dans ce secteur économique.

Tels sont, monsieur le ministre, les éléments que je souhaitais mettre en évidence. La prise de conscience de tous les acteurs me semble indiscutable. Je crois que, pour assurer la survie de la pêche, il reste à l'État à donner l'impulsion et les moyens. Un premier pas est fait, il en reste beaucoup d'autres à accomplir, par exemple se donner les moyens d'une véritable politique portuaire, ainsi que l'a proposé la semaine dernière le conseil régional de Bretagne par un vote unanime. Je veux dire avec force que sans véritable politique portuaire, il n'y a pas de véritable politique maritime. Un signe fort est attendu, l'État doit le comprendre et l'inscrire dans une vraie politique nationale d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous voir de retour dans cet hémicycle pour nous présenter une nouvelle fois vos crédits. Laissez-moi vous dire que nous avons beaucoup apprécié votre action et votre efficacité au service de la politique agricole de notre pays toutes ces dernières années.

Au début de mon propos, je voudrais aborder deux thèmes qui concernent l'avenir.

En premier lieu, j'apprécie que vous ayez pour priorité de relever les défis économiques dans une Europe élargie soumise à la concurrence croissante de grands pays comme le Brésil ou la Chine et de réaffirmer l'importance de l'agriculture pour l'environnement et les territoires ruraux, qui doivent vivre en affrontant les exigences du monde actuel.

Nous voyons déjà combien la conjoncture mondiale joue sur le prix des céréales, nettement en hausse. En outre, quel sera l'avenir de nos producteurs de lait, inquiets de la baisse des prix ? Celle-ci est compensée en partie par les primes, il est vrai, mais les prix des produits laitiers ont-ils baissé dans les rayons des commerces, petits ou grands ? Quelle sera demain la concurrence exercée par ces grands pays que j'évoquais, s'agissant de nos principaux produits ? Cette question préoccupe l'ensemble du monde agricole.

En second lieu, nous constatons le renchérissement de l'énergie et la nécessité de développer d'autres sources d'énergie. Comme nombre de mes collègues, je me réjouis donc de l'accent mis sur le développement des biocarburants.

La récente loi d'orientation agricole, que nous avons longuement élaborée dans cette enceinte, a prévu que, pour le secteur du transport, la part des biocarburants par rapport aux essences et au gazole devrait atteindre 5,75 % en 2008, 7 % en 2010 et 10 % en 2015.

Pour atteindre ces objectifs, il faut soutenir les instruments de développement par une fiscalité adaptée. Le plan « biocarburants » mis en place par le Gouvernement nous fait prendre une orientation nécessaire : ouvrir de nouveaux débouchés pour nos agriculteurs, créer de la valeur ajoutée en transformant nos matières premières agricoles, utiliser nos hectares de jachères, dont le maintien constitue une absurdité, enfin créer - je l'espère - de nombreux emplois.

Nous allons donc, monsieur le ministre, vers une modification territoriale complète de notre agriculture avec les biocarburants et l'utilisation de végétaux, comme le chanvre, par exemple, pour produire différents matériaux.

Dans cette double perspective, on estime que les besoins sont d'environ 4 millions d'hectares. Des zones aujourd'hui herbagères situées en plaines ne vont-elles pas devenir céréalières ? Ne va-t-on pas voir diminuer de façon significative le nombre de bovins et d'ovins, d'autant que nous savons les contraintes de l'élevage ? Il faut se préparer à un transfert de quotas et de droits à produire, car ne pas le faire serait préjudiciable à notre économie agricole. Une réflexion a-t-elle déjà commencé sur l'importante modification structurelle, territoriale, qui va découler de la mobilisation de nombreux hectares pour la production de biocarburants ?

Après ces perspectives de moyen terme, j'en viens maintenant plus particulièrement à l'année 2007.

Je souhaite la consolidation de l'agriculture de montagne à travers la revalorisation de l'ICHN, l'indemnité compensatoire de handicap naturel.

Certes, cette dotation intègre une nouvelle réévaluation de 5 % pour les vingt-cinq premiers hectares. Cela répond à votre engagement, pris en 2003, d'augmenter l'ICHN pour les vingt-cinq premiers hectares. Il est vrai que l'on n'en sera qu'à 35 % de hausse à la fin de 2007, au lieu des 50 % annoncés. Or cette indemnité est essentielle pour aider les exploitations de taille modeste à se maintenir sur l'ensemble du territoire et représente une compensation des lourds handicaps dus au climat, au relief, à l'altitude des régions concernées.

De même, la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, primordiale pour l'équilibre des exploitations et des filières de montagne, risque de voir ses modalités d'attribution modifiées à partir de 2008, même si l'enveloppe globale reste identique. Si tel est le cas, le nombre de bénéficiaires étant élargi, la PHAE sera automatiquement moins favorable pour les actuels attributaires.

Je rappelle que de nombreux agriculteurs ont contractualisé des mesures surfaciques - hors mesures herbagères - dans le cadre des CTE. Faute de budget, ils se verront dans l'incapacité de contractualiser de nouveau, alors que les caractéristiques de leur exploitation répondent totalement au cahier des charges de la PHAE, qu'il s'agisse du taux de chargement ou du taux de spécialisation. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous rassurer car c'est un point sur lequel nous sommes souvent interpellés.

Enfin, les besoins de modernisation des bâtiments d'élevage étaient importants et ils le sont encore - et, en montagne, les surcoûts sont notoires. Ce gouvernement et la majorité ont accompli de gros efforts financiers, qui n'étaient pas fait auparavant. C'est pourquoi votre plan est un succès et, par voie de conséquence, des files d'attente apparaissent. J'espère que les 20 millions d'euros prévus en loi de finances rectificative seront suffisants pour rattraper le retard, comme dans le domaine de la mise aux normes des bâtiments, qui est indispensable.

S'agissant de la mesure agri-environnementale rotationnelle, la MAE, il est prévu une simple reconduction du budget des années précédentes, ce qui ne permettra pas d'étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire. Or cette mesure, qui vise à encourager la pratique de rotations plus longues et d'assolements plus diversifiés, est très positive. Cela permet d'améliorer la qualité de l'eau - par la limitation du recours aux intrants - et des sols, ainsi que d'accroître la biodiversité.

Aujourd'hui, onze régions bénéficient de cette mesure, dont la Bourgogne qui présente des caractéristiques agronomiques et climatiques similaires à la zone basse de la Franche-Comté. Aussi, les agriculteurs francs-comtois aimeraient comprendre pourquoi leur région n'est pas éligible. D'autant que l'incidence financière serait modeste.

Je regrette que les offices, qui sont des organismes dont l'utilité n'est plus à démontrer, voient leurs crédits quasiment divisés par deux, alors que des secteurs comme la viticulture ou les fruits et légumes connaissent des crises successives et auraient bien besoin de moyens pour s'adapter à un environnement nouveau. L'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, voit ses moyens simplement maintenus, alors qu'il va devoir, en 2007, élargir ses missions aux labels et à l'agriculture biologique et que ses tâches vont donc augmenter.

Pour renforcer la crédibilité de ces signes vis-à-vis des consommateurs, des campagnes de communication en direction du grand public sont indispensables. L'INAO a besoin en 2007 de ressources supplémentaires, tant en personnel qu'en crédits de fonctionnement, chiffrées à 400 000 euros. Que peut-on faire, monsieur le ministre, alors qu'il est plus que jamais nécessaire de défendre nos signes d'origine et de qualité ?

Avant de conclure, je ne peux pas ne pas évoquer la forêt, qui, dans mon département, représente évidemment un enjeu important. La prise de conscience du potentiel de la forêt et de ses perspectives d'avenir - le bois peut être utilisé dans la construction ou comme source d'énergie - est maintenant réelle dans notre pays, et je m'en réjouis. Le développement très rapide des chaudières à bois dans de nombreux départements, et particulièrement dans le mien, en témoigne, comme le fait que le développement de la filière bois-énergie soit retenu comme thématique dans nos contrats de projets pour la période 2007-2013 actuellement en préparation.

Si l'on veut favoriser l'utilisation du bois, il faut des crédits pour aménager des routes forestières qui permettront de collecter la ressource. Dans ce domaine, beaucoup reste encore à faire. Je me réjouis que les crédits affectés à la politique forestière augmentent de 3 %, car ce secteur offre de formidables perspectives pour l'avenir.

Monsieur le ministre, ce budget comporte de nombreux points positifs et je vous fais entièrement confiance. Aussi, comme mes collègues du groupe UMP, je le voterai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -  M. le rapporteur spécial et M. Gilbert Barbier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu d'un département où l'agriculture occupe une place prépondérante, je porte chaque année, comme nombre de mes collègues, une attention particulière à ce budget. Et parce que les attentes de la profession agricole sont fortes et nombreuses, les espérances sont, elles aussi, importantes.

Par rapport au projet de loi de finances pour 2006, le budget de l'État consacré à l'agriculture pour 2007 augmente seulement de 1 %. Cette évolution ne me paraît pas suffisante pour répondre aux problèmes structurels rencontrés par l'agriculture française, d'autant que celle-ci est aussi soumise à des crises conjoncturelles de plus en plus fréquentes et de plus en plus intenses.

En effet, vous ne mettez pas en place les outils nécessaires pour aider à améliorer la compétitivité des exploitations. Ou, plus exactement, vous privez de financement les outils existants. Je pense notamment aux offices agricoles, qui, depuis quelques années, sont soumis à des coupes sévères, alors que leurs actions de restructuration et de consolidation des filières sont reconnues.

M. Gérard Delfau. C'est vrai !

M. Yvon Collin. Le plan de modernisation des bâtiments d'élevage ne sera pas non plus à la hauteur des besoins. Les demandes vont en effet sans doute continuer à se multiplier dans un contexte où les crédits programmés pour 2007 permettront au mieux de gérer les dossiers en cours.

S'agissant du volet investissement, là aussi, on constate un sérieux désengagement de l'État. Rassurez-nous et, surtout, rassurez les agriculteurs, monsieur le ministre, sur l'avenir des prêts bonifiés. On peut comprendre que vous soyez sensible aux critiques de la Cour des comptes mais, s'il doit y avoir une réforme, elle doit être le fruit d'une discussion avec tous les acteurs du monde agricole. En tout cas, les prêts bonifiés ne doivent pas être remis en cause dans leur principe, car ils sont un instrument essentiel du développement des exploitations et de leur viabilité financière.

Je tiens également à évoquer les crédits consacrés à l'enseignement technique agricole public. Depuis 2003, celui-ci voit ses moyens diminuer. À l'issue de l'actuelle législature, 548 emplois auront été supprimés. Année après année, la dotation globale horaire est ainsi réduite. Alors que les établissements d'enseignement technique agricole permettent une bonne insertion professionnelle, ils se retrouvent aujourd'hui affaiblis, refusant, faute de moyens, l'inscription de nouveaux élèves, voire d'élèves en situation de redoublement. Cette difficulté méritait d'être soulignée tant l'avenir de l'agriculture dépend aussi de nos capacités à former des jeunes gens qui souhaitent s'engager dans ce secteur difficile.

Enfin, je terminerai en abordant le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, bien qu'il fasse désormais partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comme vous le savez, monsieur le ministre, le déficit cumulé du régime agricole va atteindre plus de 6 milliards d'euros. En théorie, une subvention d'équilibre est prévue. La situation est préoccupante, et vous n'avez visiblement pas de solution. C'est regrettable, car, au-delà de la nécessité de provisionner les engagements en cours, il serait souhaitable d'établir un nouveau plan de revalorisation des retraites qui soit à la hauteur des efforts qui avaient été fournis entre 1997 et 2002.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, parce que ce budget est peu volontaire, peu innovant et qu'il ne me semble pas de nature à répondre aux nouveaux défis posés à l'agriculture française, les radicaux de gauche ne l'approuveront pas. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour éviter les redites, mon intervention s'appuiera sur quelques questions précises qui engagent l'avenir de notre agriculture.

La première concerne l'élevage, qui connaît aujourd'hui quelques difficultés graves. La lutte contre la fièvre catarrhale touche aujourd'hui une quinzaine de départements, et en particulier le Nord. Un million de têtes de bétail sont ainsi bloquées. La restriction des transports d'animaux peut se comprendre car, si l'on compte seulement six cas dans le Nord, 1 800 cas sont recensés en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas.

M. Dominique Bussereau, ministre. Il n'y a pas seulement le Nord !

M. Paul Raoult. Et les Ardennes ! En réalité, le département du Nord sert de bouclier sanitaire pour la France entière.

Monsieur le ministre, vous avez pris des mesures d'aide : les formulaires administratifs sont en cours de distribution. Cependant, le montant de ces aides est très largement insuffisant par rapport au surcoût induit par le maintien d'animaux supplémentaires sur l'exploitation.

La solidarité nationale doit s'exprimer de manière beaucoup plus forte. Limiter le seuil d'aide à moins de 3 000 euros sur une période de trois ans n'est pas satisfaisant ni suffisant au vu des enjeux. L'ensemble de la filière étant touché, ces aides ne compensent que très partiellement les surcoûts induits.

Je me pose des questions sur l'avenir de ce problème sanitaire. Le froid fera-t-il disparaître ce virus, transmis par un moucheron piqueur ? La gêne occasionnée par les mesures de protection n'est-elle pas disproportionnée par rapport aux effets réels et à la gravité relativement modeste de cette maladie ? D'autant que demain, quels que soient nos efforts pour arrêter la maladie, le vent peut diffuser ce moucheron.

La deuxième question que je souhaite évoquer concerne la politique des quotas laitiers et du prix du lait. Aujourd'hui, la baisse du prix payé aux éleveurs laitiers n'est pas complètement compensée par les subventions. On constate une pression à la baisse de la part des industriels et l'accord de janvier 2006 va être renégocié. J'avoue mes craintes lorsqu'on voit les industriels exercer un chantage permanent et insupportable sur les éleveurs laitiers en les menaçant de refuser de collecter le lait. Il est vrai que les producteurs et les industriels sont eux-mêmes soumis à la pression des grandes surfaces, la période des fêtes étant propice au bradage de produits agricoles pour attirer le client. Il faut exiger une juste répartition de la valeur ajoutée.

Les déclarations de la commissaire européenne à l'agriculture, Mme Fischer Boel, m'inquiètent aussi : selon elle, « l'abolition du régime des quotas constitue pour le long terme le scénario le plus prometteur pour le secteur laitier de l'Union ». En clair, il n'y aura plus de quotas en 2015.

M. Dominique Bussereau, ministre. C'est inadmissible !

M. Paul Raoult. L'astuce, d'ici là, consiste à augmenter les volumes de quotas autorisés et de réduire le prix de soutien pour libéraliser progressivement le marché du lait. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce scénario inacceptable, qui entraînerait évidemment la ruine de beaucoup de nos petits éleveurs, en particulier dans le département du Nord ?

Ma troisième question liée à ce secteur agricole porte sur le soutien apporté à la culture de l'herbe par rapport à celle du maïs. Je ne suis pas contre la culture du maïs, mais il me semble que sa progression a été excessive : on est passé de 1 à 3,1 millions d'hectares. Pourtant, chacun le reconnaît, l'herbe est la meilleure garantie pour préserver la richesse de la biodiversité. Elle est le meilleur rempart contre l'érosion et l'appauvrissement des sols. Elle consomme moins d'engrais minéraux et de produits phytosanitaires. Enfin, elle assure une meilleure couverture du sol tout au long de l'année.

Je crois qu'il est temps de faire un effort décisif dans ce domaine en utilisant les crédits européens du deuxième pilier. Pour cette raison aussi, je regrette très vivement la diminution des crédits CAD ; il y a là pourtant des enjeux décisifs avec la prime herbagère agro-environnementale. Il est urgent que les crédits européens et ceux des collectivités territoriales soient utilisés par exemple pour protéger les aires d'alimentation des nappes phréatiques en collaboration avec les agences de l'eau. Dans ce domaine, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous soyez moins frileux, car l'enjeu est lourd de conséquences.

D'autres questions se posent sur l'avenir de la PAC, qui est toujours incertain. Je regrette que parfois vous ajoutiez vous-même de la complexité aux textes de Bruxelles. J'ai ainsi découvert que la France interdit la culture sur des bandes de 2,50 mètres, contre seulement 2 mètres dans le règlement européen. Ce simple exemple me semble révélateur de la manière dont notre pays en rajoute parfois dans ce domaine !

La question de l'articulation entre les crédits nationaux et les crédits européens du FEADER pour la période 2007-2013 est également importante.

Comment la France compte-t-elle soutenir l'attractivité des territoires ruraux par la diversification, encourager les pratiques respectueuses de l'environnement et le soutien à l'agriculture biologique, alors que la procédure actuelle prévoit un cofinancement à hauteur de 50 % par les crédits européens et de 50 % par l'État membre concerné ? Vous engagez-vous à octroyer les crédits nécessaires ?

Par ailleurs, quand pourra-t-on supprimer les 1,3 million d'hectares de jachère alors même que, pour soutenir le développement des cultures « énergétiques » et des biocarburants, 800 000 hectares seront nécessaires - si le plan est mis en oeuvre -, contre 350 000 hectares actuellement ? Les marges de manoeuvre dans ce domaine sont intéressantes, me semble-t-il.

Je m'interroge également sur la reprise technique des négociations sur la libéralisation du commerce mondial. La relance des négociations du cycle de Doha nous inquiète. Quelle est la position de la France ? On le voit, la tentation de la Commission européenne est de sacrifier l'agriculture pour libéraliser les services.

En conclusion, monsieur le ministre, face à ces interrogations et à ces incertitudes, la France a besoin d'un véritable pacte pour l'agriculture lui permettant de substituer une politique active aux subventions passives. Il faut donner aux agriculteurs les moyens de devenir autonomes et de vivre de leur activité.

L'agriculture doit retrouver des perspectives, avec des outils de régulation du marché et des revenus. Les filets de protection sont indispensables, mais on voit bien que, ouvertement ou insidieusement, on s'oriente vers une agriculture de plus en plus réduite, tant en surface qu'en nombre d'agriculteurs.

Aujourd'hui, votre budget me donne le sentiment, hélas ! d'accompagner ce scénario de l'inacceptable au lieu de le contrecarrer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Adeline Gousseau.

Mme Adeline Gousseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà cinq mois, je déposais, au nom de la commission des affaires économiques, un rapport sur la filière arboricole et la crise profonde qu'elle traversait, dans lequel je traçais des pistes pour la surmonter.

Tant les résultats enregistrés depuis pour les productions estivales que les efforts fournis par votre administration pour soutenir la filière, monsieur le ministre, traduisent une évolution encourageante et sont porteurs d'espoir pour l'avenir. Ainsi, en réduisant la production, la sécheresse a permis de soutenir les cours. Contrairement à 2005, et grâce à une gestion opportune de l'administration communautaire, il n'y a pas eu d'importation de produits extra-européens. En outre, très peu de cessations d'activité ont été à déplorer cette année.

Malgré cet état des lieux plutôt positif, nous devons cependant demeurer attentifs, tant la situation reste tendue pour le secteur dans son ensemble. Sans revenir sue les détails du rapport, j'insisterai sur les contraintes les plus saillantes auxquelles la filière continue de devoir faire face.

Le problème de la main-d'oeuvre reste majeur. Les exploitants ont de plus en plus de mal à recruter et à fidéliser des travailleurs, notamment en raison du caractère saisonnier des contrats et de la relative pénibilité des tâches. Dès lors, ils doivent recourir à une main-d'oeuvre européenne ou extracommunautaire, ce qui leur impose le respect de très lourdes procédures administratives.

Par ailleurs, le coût social de la main-d'oeuvre, quelle que soit son origine, reste élevé dans notre pays : les charges y sont ainsi 30 % supérieures, par exemple, à celles de nos voisins espagnols, réduisant d'autant la compétitivité de nos produits. Dans un marché où la variable « prix » est essentielle, cette contrainte est lourde de conséquences.

Enfin, se pose également, s'agissant toujours de la main-d'oeuvre, un lourd problème de logement, auquel un début de réponse a certes été apporté avec l'adoption, dans la loi d'orientation agricole, du 1 % logement en faveur des salariés du secteur primaire. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, où en est la rédaction du décret d'application de cette importante mesure ?

Outre les problèmes liés à la main-d'oeuvre, le secteur doit faire face à de nombreuses fragilités que nous avions présentées dans le rapport paru cet été et que je me contenterai de rappeler : une vulnérabilité particulière aux aléas climatiques, qui rend d'ailleurs souhaitable le développement de l'assurance récolte pour la filière ; une grande périssabilité des produits, impliquant la nécessité de les commercialiser rapidement ; un rapport de force déséquilibré avec la grande distribution, notamment du fait de l'insuffisante organisation de la filière, élément longuement développé dans notre rapport ; ou encore une certaine faiblesse de la demande, face à laquelle les professionnels du secteur ont su se mobiliser grâce à des opérations comme la « Fraich'attitude » ou encore, très concrètement, la commercialisation de fruits déjà épluchés et prêts à consommer.

Les craintes de nos producteurs sont partagées à l'échelle européenne, alors que se profile une révision de l'organisation commune de marché « fruits et légumes », aux contours incertains. Le marché européen est aujourd'hui totalement ouvert dans ce secteur : la forte pression exercée par des importations massives y provoque des crises profondes. Cette situation risque de s'aggraver un peu plus encore avec l'entrée en vigueur en 2010 des accords de libre-échange entre l'Union européenne et ses partenaires euroméditerranéens. Il conviendra donc de veiller à ce que soit maintenue à l'échelon communautaire une OCM spécifique, susceptible de maintenir le revenu des agriculteurs et de permettre une gestion préventive des crises.

Pour finir, j'évoquerai la situation particulière des horticulteurs et des pépiniéristes. S'ils participent très utilement au maintien d'un environnement urbain et périurbain de qualité, leur pérennité est aujourd'hui remise en cause. En effet, ils perdent un nombre croissant de marchés lors des procédures d'appel d'offres locales, au profit de concurrents européens, voire extracommunautaires. Par ailleurs, lors de pics d'activité liés à des événements ponctuels, comme la fête des mères, la Toussaint ou le 1er mai, ils éprouvent de grandes difficultés à embaucher du personnel à très court terme, la législation sur les travailleurs occasionnels ne s'appliquant pas. Dans ces conditions, serait-il envisageable, monsieur le ministre, de les faire bénéficier du dispositif du chèque emploi-service universel ?

Je vous suis d'avance reconnaissante, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à ces interrogations et de continuer de soutenir ces filières, indispensables à un développement économique et social harmonieux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas parce qu'un budget n'augmente pas ou augmente peu que c'est forcément un mauvais budget. Nous avons tous fait le même constat. Mais au travers de vos choix dans les différents programmes et dans les comparaisons ligne à ligne nous voyons se définir une politique que nous ne pouvons valider. Vos orientations, différentes des nôtres, traduisent une tendance au laisser-faire bien plus qu'un soutien au développement d'une agriculture durable.

Je limiterai donc mon propos à ce qui me semble être une constante dans les budgets agricoles de votre gouvernement depuis quelques années et dans la loi d'orientation agricole : l'abandon aux marchés.

Ce constat, je ne suis pas la seule à le faire puisque même le syndicat majoritaire a déclaré que si le projet de budget traduisait des efforts louables, c'était « au détriment d'actions importantes telles que la gestion des marchés, la promotion de nos produits, des dépenses d'investissement fondamentales pour donner confiance en l'avenir ».

Alors que l'Europe accentue cette fâcheuse tendance à désorganiser tous les outils de régulation du marché, il aurait été souhaitable pour nos filières que soient augmentés les moyens du programme 227 et, surtout, qu'ils soient répartis différemment.

Le soutien à la production sous signe de qualité stagne au moment même où il conviendrait de le conforter, à l'instar de la promotion de l'indication géographique protégée. L'augmentation de 5,4 % des crédits de l'INAO provient surtout, et presque exclusivement, du redéploiement des offices.

Seule l'assurance récolte augmente de 20 %, mais cela sera-t-il suffisant pour régler les problèmes liés aux aléas de production ? Monsieur le ministre, va-t-on abandonner définitivement l'idée de solidarité nationale au moment même où l'on annonce la fin des prêts calamités au 31 décembre 2007 ?

Parallèlement, les moyens alloués aux offices baissent dangereusement, remettant ainsi en cause les soutiens aux productions, ainsi que les orientations et les régulations dans ce domaine. Quelles marges de manoeuvre les offices auront-ils face à une crise ? Cela est d'autant plus grave que, dans les négociations en cours entre l'État et les régions, les crédits de l'office de l'élevage, par exemple, sont en chute libre.

La question des moyens alloués aux offices d'intervention est essentielle. Il convient donc d'examiner leur inscription dans les trois actions.

Tout d'abord, les moyens de ces offices vont diminuer une nouvelle fois, les crédits de fonctionnement passant de 51,2 millions d'euros en 2006 à 46,9 millions d'euros en 2007, des départs à la retraite n'étant pas remplacés et le nombre de CDD étant diminué. Peut-être le regroupement de ces offices à Montreuil en juillet 2007 permettra-t-il de réaliser des économies d'échelle, mais au vu des exigences sur les missions, on peut craindre beaucoup plus sûrement un régime minceur draconien !

Ensuite, les actions d'intervention et d'orientation sont en baisse de 22,7 millions d'euros. Cela est dû notamment à la quasi-division par deux des crédits contractualisés : 34,8 millions d'euros pour le nouveau contrat de projets au lieu de 69,8 millions pour l'ancien contrat de plan.

Enfin, parmi les actions de promotion, les seules hausses vont à la promotion à l'international, essentiellement afin de soutenir la viticulture à l'exportation. Certes, après avoir entendu mes collègues, je dirai que c'est pour la bonne cause.

Plus généralement, on constate qu'une partie de plus en plus importante des budgets des offices est constituée de dépenses préétablies : distribution de la prime au maintien des troupeaux de vaches allaitantes, équarrissage, promotion à l'export et, peut-être, modernisation des bâtiments porcins - à cet égard, on ne connaît même pas encore la somme arrêtée -, faisant ainsi disparaître les marges de manoeuvre qui permettraient de faire face aux crises conjoncturelles.

On peut véritablement se demander si ces offices ne sont pas devenus la variable d'ajustement du budget de l'agriculture. Cela est d'autant plus grave que, dans le même temps, on réduit de 26 millions d'euros la dotation pour l'adaptation des filières à l'évolution des marchés.

Vous savez pourtant, monsieur le ministre, que, en un peu plus d'un an, vous avez dû répondre aux crises ou aux manifestations, parfois dans l'urgence, en annonçant des crédits supplémentaires.

Ces effets d'annonce sont une bonne chose dans un premier temps, à condition toutefois que les aides arrivent rapidement, mais surtout qu'elles soient accompagnées de l'assurance d'une nouvelle stratégie pour les filières en difficulté, que l'on tienne compte de l'euro-compatibilité et de la capacité en moyens humains des services instructeurs des directions départementales de l'agriculture pour être réactifs.

Je prendrai un seul exemple : ce qui se passe dans la filière avicole depuis la crise de l'influenza aviaire. Au total, plus de 63 millions d'euros ont été fléchés.

Pourtant, à cause de dispositifs très contraignants pour l'agriculteur et pour les services instructeurs, à cause d'une suite de circulaires fondées à chaque fois sur des problèmes d'euro-compatibilité et de différences de critères, portant par exemple sur le vide sanitaire, le retard à l'enlèvement, la perte avérée de trésorerie, certains agriculteurs n'ont, à ce jour, reçu que les premiers 1 000 euros de l'État ou les compléments des collectivités locales.

L'interprofession volaille, dont on parle depuis tant d'années, n'a pas encore été totalement réalisée, contrariant ainsi la mise en place d'une véritable nouvelle stratégie, qui devra également anticiper l'arrêt futur des restitutions.

Monsieur le ministre, vous pouvez le constater vous-même, ce n'est pas le moment d'opérer une réduction sur toutes les lignes budgétaires qui pourraient favoriser l'organisation de nos filières et la régulation des marchés. En effet, l'Europe actuelle nous prépare des lendemains qui risquent de déchanter. Ne citons qu'un exemple : la réforme européenne, très libérale, du secteur des fruits et légumes !

La suppression des retraits et des aides à la transformation entraînera pour les secteurs les mieux organisés, comme ceux de ma région, une véritable catastrophe. De surcroît, la libéralisation interne, par la vente directe au consommateur, des membres d'organisations de producteurs privera ces dernières de toute possibilité d'enrayer la chute des cours en cas de surproduction.

Il convient enfin de ne pas oublier la question de l'irrigation. Il s'agit d'un problème notoire, du moins pour la Bretagne, puisqu'elle ne fait pas partie des zones aidées et que la négociation du contrat de plan tend à y faire disparaître l'irrigation.

La dérégulation d'une filière est toujours préjudiciable aux exploitants. Quelles sont donc vos intentions à ce sujet, monsieur le ministre ? Quel est votre mandat de négociation à Bruxelles ? Les crédits affectés aujourd'hui aux offices prennent-ils en compte la réforme envisagée?

Je ne peux terminer mon intervention sans attirer à nouveau votre attention sur la baisse des crédits concernant le réseau des ADASEA, associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles.

Pour la cinquième fois consécutive, la dotation attribuée diminue, de deux millions par rapport à 2006 et de 8,4 millions par rapport à 2002. En tant qu'élue de la région et en qualité de maire rural, je mesure toute l'importance de la compétence de ce réseau sur le terrain.

Peut-être convient-il de faire évoluer cette structure, certes ! Toutefois, monsieur le ministre, c'est à vous de clarifier ses missions de service public et surtout de lui donner les moyens de les assumer.

En conclusion, un budget ne se résume pas à des chiffres, c'est d'abord et avant tout une politique et des choix. Ceux que vous avez faits ne correspondent décidément pas aux nôtres et c'est pourquoi, comme mes camarades, je ne pourrai voter ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fleuron de l'agriculture française, la viticulture fait partie de notre patrimoine national. Partout dans le monde, les vins français symbolisent un certain art de vivre et restent associés à une tradition d'excellence.

Pourtant, depuis plusieurs années, ce secteur traverse des difficultés qui se muent régulièrement en crise. Les raisons en sont bien connues : la baisse de la consommation intérieure et, surtout, la concurrence internationale forte, dans un contexte de croissance continue du vignoble mondial.

Depuis l'abondante récolte de 2004, la situation en France est particulièrement préoccupante, les stocks invendus pesant sur les prix. Toutefois, monsieur le ministre, vous avez su prendre la mesure de la gravité de cette situation, et je tenais à vous en remercier. En effet, en mars dernier, vous avez proposé à la filière un plan d'aide exceptionnel doté de 90 millions d'euros.

De même, à l'occasion de la réforme de l'OCM vitivinicole, vous vous êtes courageusement opposé à des propositions de Bruxelles totalement inacceptables pour notre pays, telles que l'arrachage massif de vignes et la libéralisation des droits de plantation. À ce titre, nous vous soutiendrons dans votre détermination à défendre les intérêts français dans ce dossier.

Pour autant, notre viticulture est aujourd'hui à la croisée des chemins. Certes, quelques espoirs se font jour : les exportations affichent notamment une augmentation de près de 17 % au 1er semestre ; les analyses mettent également en évidence une croissance continue de la consommation mondiale. Il y a donc des marchés à conquérir.

Parallèlement, d'autres rumeurs nous inquiètent : l'Australie, par exemple, qui a doublé en dix ans sa surface plantée en vigne apparaît en crise de surproduction et envisagerait de prendre des mesures agressives pour doper ses ventes à l'étranger.

Pour adapter notre production à la demande et à la concurrence internationale, nous devons d'urgence mettre en oeuvre les réformes que préconisent avec force, depuis des années, de nombreux rapports, études et autres colloques.

À cet égard, une des critiques récurrentes concerne la complexité de l'offre française et le manque de lisibilité qui en découle pour le consommateur. Or, monsieur le ministre, vous avez récemment rouvert le dossier de la segmentation de l'offre devant le Conseil national de la viticulture. Comment entendez-vous mener à bien cette réforme dont on parle depuis longtemps, et selon quel calendrier ? L'idée d'une dénomination « Vin de France », qui permettrait à de nombreux producteurs de capitaliser sur l'image de notre pays à l'export, a-t-elle une chance d'aboutir rapidement ?

Enfin, nous le savons, la conquête de nouveaux marchés doit constituer une priorité. Cela passe, bien évidemment, par un soutien aux exportations et une politique de communication ambitieuse. Monsieur le ministre, le 16 novembre dernier - j'ai bien noté la date car c'était celle de la sortie du Beaujolais nouveau (Sourires) - en réponse à une question de notre collègue Gérard César, vous affirmiez, dans cette enceinte, que « lorsque nous avons une attitude offensive, nous gagnons des parts de marché ». Mais pour cela, des moyens importants sont nécessaires !

Lors d'un récent déplacement à Moscou tendant à célébrer l'arrivée du Beaujolais nouveau, je me suis rendu compte de l'importance des moyens de promotion mis en oeuvre sur place par nos concurrents du nouveau monde ; les nôtres sont malheureusement beaucoup plus modestes ! Or, comme d'autres pays s'ouvrant à l'économie mondiale, la Russie offre un débouché potentiel considérable pour nos exportations. J'y ai rencontré de nombreux jeunes, sans doute lassés par la consommation d'alcools forts, très intéressés par le vin, en particulier par les vins français. Ils s'interrogent sur nos habitudes de consommation et notre culture autour du vin.

Dans le cadre du plan de soutien de mars 2006, 12 millions d'euros ont été débloqués pour soutenir les entreprises exportatrices, et nous nous en félicitons. Cette enveloppe est-elle à ce jour dépensée ? Le budget de l'agriculture pour 2007 prévoit-il, en complément, le financement d'actions de communication en faveur de la filière vin, actions indispensables et urgentes pour sa promotion ?

Comme le suggère un récent rapport de l'Assemblée nationale, un regroupement et un renforcement des moyens existants paraissent souhaitables à l'échelon tant des organismes subventionnés par l'État que de la filière afin d'assurer à la viticulture une stratégie de promotion à la hauteur de sa réputation.

Monsieur le ministre, tels sont les éléments que je souhaitais exposer, comptant sur votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la suite de l'examen des crédits relatifs aux missions « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » (et articles 41 et 41 bis) et compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », la parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Tout d'abord, je tiens à remercier la présidence de m'avoir permis d'intervenir à cette heure, à la fin de la discussion générale, alors que mon intervention avait été programmée en milieu d'après-midi. Je fais partie des parlementaires qui exercent encore une activité professionnelle...

M. André Lejeune. Cumul ! (Sourires.)

M. Alain Vasselle. Je suis agriculteur. Si j'ai fait un saut dans mon département, c'est parce que, avec d'autres exploitants, je devais réfléchir sur l'avenir de ma propre exploitation...

M. André Lejeune. Et voilà !

M. Alain Vasselle. ...et sur les actions à mener face aux défis qui nous sont posés par la nouvelle politique agricole commune, dont quelques grandes lignes ont été semble-t-il tracées - du moins, c'était la volonté du Gouvernement - dans la loi d'orientation agricole.

Il ne m'appartient pas d'aborder ce soir les difficultés auxquelles les agriculteurs sont confrontés. En effet, d'éminents collègues ont développé ces sujets importants, avec le talent que chacun leur connaît, je pense notamment au rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, au rapporteur pour avis, M. Gérard César et au président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, qui ont tous l'expérience du vécu de la profession même s'ils l'ont quittée et qui restent en contact quotidien avec les agriculteurs.

Je veux simplement attirer votre attention, monsieur le ministre, sur quelques points, sans abuser pour autant de mon temps de parole,...

M. André Lejeune. Qui est limité !

M. Alain Vasselle. : ...même si je dispose d'un peu plus de temps que prévu grâce à mes collègues de l'UMP !

M. le président. Vous disposez de dix minutes !

M. Alain Vasselle. Certes, cependant mes collègues Bernard Murat et Jacques Blanc n'étant pas intervenus, j'ai un peu de marge ! (Sourires.)

M. André Lejeune. La loi, c'est la loi !

Un sénateur de l'UMP. M. Jacques Blanc va arriver dans quelques instants !

M. Alain Vasselle. M. Jacques Blanc ne devant pas arriver avant vingt-deux heures quinze, il faut que je tienne un peu plus longtemps à la tribune pour lui laisser le temps de nous rejoindre avant la fin de la discussion générale et la réponse du ministre à l'ensemble des intervenants !

Cela étant dit, monsieur le ministre, le point qui me paraît essentiel concerne la politique des prix agricoles.

Nous subissons, plus que nous ne l'avons acceptée, la nouvelle politique agricole commune et ses fameux droits à paiement unique, les DPU, dont une partie est couplée et l'autre découplée, cette dernière tendant à l'emporter en volume et en masse.

Ainsi, certains sont assez choqués de constater que les éleveurs et les producteurs de broutards pourront, grâce à l'aide découplée, bénéficier d'une aide quasiment pérenne jusqu'en 2013, sans justifier de l'engraissement des broutards. Autrement dit, l'éleveur qui percevait cent primes pour la centaine de broutards qu'il engraissait pour produire des babys peut dorénavant continuer à percevoir ces primes sans avoir l'obligation de produire. Il peut cesser complètement sa production. Peut-être était-ce là le but de Mme Fischer Boel ? Cela fait sans doute partie de la stratégie de la politique des prix que souhaite conduire l'Union européenne : en mettant en place de telles mesures, on pourrait contribuer, pour certaines productions, à l'arrêt de certaines activités, alors les volumes sur le marché baisseraient et on pourrait obtenir une reprise des prix, qui redonnerait un peu d'oxygène aux autres productions de la profession.

C'était un pari sur l'avenir. Il est trop tôt aujourd'hui pour en tirer des enseignements et pour dire si les choses se passeront ainsi.

Si on analyse le marché des céréales, on voit que ce pari est en passe de réussir : le prix moyen perçu par les coopératives agricoles était de 90 euros la tonne l'année dernière, il oscille aujourd'hui entre 120 et 150 euros la tonne. Cette reprise très heureuse apportera sans doute à la profession une bouffée d'oxygène, qui devrait lui permettre de passer un peu moins difficilement le cap de la première année de mise en oeuvre de la nouvelle politique agricole commune.

Cependant, la profession s'inquiète de la situation de certaines productions comme le blé, car si le prix de ce dernier revenait à son niveau de l'année dernière, soit 85, 90 ou 95 euros la tonne, nous serions en dessous du prix de revient de production. Aucune entreprise industrielle ou artisanale ne pourrait supporter une telle situation, si elle devait vendre à perte ses produits manufacturés.

La politique agricole et les droits à paiement unique visaient notamment à compenser cette éventuelle baisse des prix.

Or l'Union européenne s'est assigné comme objectif de diminuer - c'est donc une gestion purement comptable du budget agricole européen - ses concours financiers à la profession agricole et de ne plus compenser intégralement la baisse des prix.

Tel est, d'ailleurs, le sort que connaîtra la profession en Picardie - et mes collègues qui y résident le savent mieux que quiconque -, puisque c'est l'une des premières régions productrices de betterave sucrière.

M. Bernard Piras. Il n'y a pas seulement le blé et le sucre en France !

M. Alain Vasselle. Si les premiers effets de la mise en oeuvre de la politique agricole commune s'y feront sentir non pas lors de sa première année d'application, mais les années suivantes - la troisième, la quatrième, la cinquième - et si les cours de la betterave sucrière ne se ressaisissent pas entre-temps, l'ensemble de la profession connaîtra des difficultés majeures, tant sur le plan de la trésorerie qu'au niveau des revenus.

M. Bernard Piras. Avec tout ce que vous avez engrangé, il y a des stocks pour longtemps !

M. Alain Vasselle. Par conséquent, la politique des prix est une question essentielle, qui m'est posée et sur laquelle je souhaiterais que vous me précisiez la vision du Gouvernement.

Comment ce dernier entend-il mener, aux côtés de l'Union européenne, une politique de soutien des prix, afin de permettre aux agriculteurs de vivre de leur production grâce à un prix de vente honorable ?

M. Bernard Piras. Pour toutes les productions ! Pas seulement pour les céréaliers !

M. Alain Vasselle. Quelles actions entendez-vous mener au niveau de l'interprofession pour favoriser un meilleur partage de la valeur ajoutée entre le producteur et l'interprofession, je pense notamment à la grande distribution ?

Comment s'expliquent les écarts considérables entre les prix de vente du quintal de blé, du kilogramme de viande ovine ou bovine fixés par les agriculteurs...

M. Bernard Piras. C'est mieux, ça !

M. Alain Vasselle. ...et ceux qui sont payés par les consommateurs à l'étal du boucher ou dans la grande distribution ? À qui profite la différence ? C'est une question que se posent légitimement les agriculteurs.

Tel est le premier point sur lequel je tenais à attirer votre attention, monsieur le ministre.

À cela s'ajoutent les contraintes environnementales auxquelles les agriculteurs sont assujettis dans le cadre de leur production. S'il est légitime de la part de nos concitoyens d'exiger des productions agricoles respectueuses de l'environnement, encore faut-il que les agriculteurs, qui sont prêts à accepter ces contraintes, puissent en trouver la compensation par le biais de la politique des prix ou des aides au titre de la solidarité nationale !

M. Bernard Piras. C'est dur le libéralisme !

M. Alain Vasselle. Or à l'heure actuelle, l'écoconditionnalité, qui ouvre le droit à l'accès aux primes, n'est aucunement compensée. Les autres mesures environnementales résultant notamment de la loi d'orientation agricole ou de dispositions réglementaires pèsent aussi inévitablement sur les coûts de production.

Ce point m'amène à aborder un sujet très proche qui fait l'objet d'une politique ambitieuse et positive, dans laquelle le Gouvernement s'est engagé d'une manière déterminée : la production des biocarburants.

Les mesures et les engagements qui ont été pris dans le cadre de la loi d'orientation agricole satisfont les producteurs. Cependant, se pose toujours une question, et je me permets d'y revenir pour la troisième ou quatrième fois, en espérant enfin une réponse un peu plus concrète que celle que j'avais obtenue le 8 novembre dernier lorsque nous avons fait le point sur la parution des décrets d'application de la loi d'orientation agricole.

J'ai reçu une note, et je vous en remercie, de votre directeur de cabinet ou de l'un de vos conseillers techniques, à la suite des contacts que vous avez pris avec les constructeurs de matériels agricoles et dans laquelle il est précisé ceci : « L'évolution des exigences communautaires en termes de réduction des émissions n'est pas compatible avec l'utilisation des huiles végétales pures. Aussi les constructeurs considèrent-ils que les futurs moteurs ne pourront en aucun cas utiliser de l'huile végétale pure dès lors qu'ils devront respecter des normes d'émission. »

Cela pose un double problème.

Tout d'abord, sur le plan environnemental, la France risque-t-elle de subir des pénalités parce qu'elle aura encouragé la consommation d'une huile végétale pure dont les émissions portent atteinte à notre environnement ?

Ensuite, les agriculteurs pourront-ils réellement utiliser l'huile végétale à 100 % dans leurs moteurs ? Quelles négociations avez-vous engagées avec les fabricants de moteurs pour y parvenir ? Il importe en effet que nous ne restions pas dans l'illusion ou avec des engagements laissant supposer que tout est possible, alors qu'il n'en serait rien dans la réalité.

Ne voulant pas excéder le temps de parole qui m'est imparti, je n'aborderai pas les contrats d'agriculture durable, ou CAD, mais j'aurai peut-être l'occasion de revenir sur ce point lors de la discussion des articles. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Cela va me permettre de conclure la présente intervention, à la satisfaction de MM. César et Mortemousque ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Permettez-moi néanmoins d'évoquer les difficultés auxquelles se trouvent confrontés au moins les éleveurs du nord de la France avec l'apparition de la fièvre catarrhale. Selon les informations que m'a fournies la chambre d'agriculture de mon département, les aides annoncées sont loin de compenser la perte que subiront les éleveurs lors de la commercialisation de leurs broutards, de leurs vaches ou de leurs agneaux.

Sans compter qu'ils auront à payer des surcoûts alimentaires liés à la surveillance sanitaire de leurs animaux.

Aujourd'hui, les négociants feignent de céder à une psychose. Lorsqu'ils viennent dans nos régions, ils affirment que les animaux élevés dans un département sous surveillance sanitaire ou à proximité d'un département contaminé ont perdu de leur valeur. Ils se présentent donc chez les producteurs en leur proposant des prix d'achat inférieurs de 15 %, 20 % ou 25 % à ce qui pourrait être espéré. En ce moment, par exemple, le prix des broutards connaît une véritable dégringolade.

Monsieur le ministre, quelles sont les mesures que vous comptez prendre ? Les informations nous parvenant par bribes, nous aimerions disposer d'éléments un peu plus concrets afin de rassurer les éleveurs, qui sont particulièrement inquiets quant à l'obligation, qui est la leur, de maintenir des animaux sur leur exploitation. Le coût est tel que leur pouvoir d'achat risque d'être atteint.

Voilà, mes chers collègues, les quelques points sur lesquels je souhaitais appeler l'attention du Gouvernement. Ils ne sont bien entendu pas exhaustifs, mais ils complètent les interventions des différents orateurs. J'attends donc avec beaucoup d'intérêt les réponses que nous apportera M. le ministre, dont je salue le dynamisme et l'attention qu'il sait porter à notre profession. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Gisèle Printz. La brosse à reluire !

M. Alain Vasselle. Je sais qu'il fait tout son possible, mais il n'a pas les coudées franches pour répondre à toutes nos demandes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier tous les orateurs, notamment le dernier intervenant.

M. André Lejeune. Pourquoi le dernier ? (Sourires.)

M. Dominique Bussereau, ministre. Parce que les derniers seront les premiers, monsieur le sénateur, vous le savez bien ! (Nouveaux sourires.) Je remercie en particulier M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, MM. Gérard César, Jean-Marc Pastor et Gérard Delfau, rapporteurs pour avis, de leur excellent travail.

Je vais m'efforcer de répondre à toutes les questions qui m'ont été posées. Si d'aventure j'en oubliais une ou deux, je prie par avance leurs auteurs de m'en excuser et je leur répondrai bien évidemment par écrit.

Je voudrais montrer que la construction du dernier projet de budget de l'agriculture ...

M. Gérard Le Cam. Il y en aura d'autres !

M. Dominique Bussereau, ministre. ... - le dernier de la législature, monsieur Le Cam - opère une répartition efficace et juste des ressources mobilisées et répond aux enjeux de l'agriculture et de la pêche.

Messieurs les rapporteurs, je vous remercie d'avoir rappelé la place de l'agriculture et de la pêche dans notre économie. À cet égard, je ne citerai que quelques chiffres significatifs.

La production agricole française représente 63 milliards d'euros pour 370 000 exploitations professionnelles. Dans notre pays, 1,8 million de personnes travaillent dans les secteurs de l'agriculture, des industries agroalimentaires, de la sylviculture et de la pêche, ce qui représente 7,5 % de nos emplois. Si l'on prend l'industrie agroalimentaire dans son ensemble, ces chiffres sont encore plus importants. La France exporte pour 40 milliards d'euros de produits agricoles et transformés, avec un solde commercial positif de 8 milliards d'euros, solde qui sera amélioré en 2006.

Ces chiffres montrent bien l'enjeu du développement d'une agriculture innovante, d'une production agricole de qualité présente sur les marchés internationaux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez évoqué les quatre missions du ministère de l'agriculture : la mission « Sécurité sanitaire », que nous examinerons un peu plus tard dans la soirée, la mission « Enseignement technique agricole », la mission « Enseignement supérieur et recherche » et celle qui nous occupe présentement, à savoir la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Dans le projet de loi de finances, ces missions totalisent 5,066 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse de 50 millions d'euros par rapport à 2006, soit une augmentation de 1 %. À l'issue du débat à l'Assemblée nationale, compte tenu des amendements qui ont été adoptés, ce budget totalise 5,045 milliards d'euros, soit une hausse de 30 millions d'euros.

M. Bourdin l'a très bien souligné, ce budget ne recouvre pas la totalité - loin s'en faut - des crédits publics dont bénéficient l'agriculture et la pêche françaises. Avec l'État, les collectivités locales - les départements et les régions intervenant beaucoup dans ce domaine - et les crédits communautaires, l'ensemble s'élève à 30 milliards d'euros. Monsieur le rapporteur spécial, vous avez eu raison de rappeler qu'il faut également y ajouter un montant important de « dépenses fiscales ». Sur ce dernier point, il serait en effet utile que nous améliorions l'information du Parlement en indiquant l'ensemble des dépenses fiscales qui participent au développement de l'agriculture.

La mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », est portée par le seul ministère de l'agriculture et de la pêche. Les trois autres missions « Enseignement technique agricole », « Enseignement supérieur et recherche » et « Sécurité sanitaire » sont interministérielles et font donc l'objet d'un examen séparé.

La mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » est dotée pour 2007 de 2,95 milliards d'euros de crédits de paiement, en augmentation de 24,5 millions d'euros. Après l'adoption d'amendements par l'Assemblée nationale, cette augmentation est de 15 millions d'euros. Cette mission représente donc les trois cinquièmes des crédits du ministère et évolue sensiblement comme l'ensemble du budget ministériel. Elle est répartie en quatre programmes, que vous avez exposés de manière très complète, messieurs les rapporteurs, en particulier dans vos documents écrits.

Vous allez également examiner, mesdames, messieurs les sénateurs, pour un montant de 98 millions d'euros, les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Avant d'en venir au contenu du projet de budget et aux priorités qu'il dégage, je souhaite vous apporter des éléments de réponse aux questions que vous avez soulevées, monsieur le rapporteur spécial, au sujet de la construction de cette mission dans le cadre de la LOLF.

Votre première question concerne le programme support. Vous souhaiteriez que les moyens de ce programme soient répartis entre les différents programmes d'intervention. Je comprends cette préoccupation, tout à fait légitime, mais, à l'échelle d'un ministère comme le mien, qui dispose d'un budget moyen, nous préférons privilégier une mutualisation des fonctions de soutien. De plus, la polyvalence de nos services déconcentrés, lesquels assurent également des missions pour le compte du ministère de l'environnement, ne plaide pas non plus pour cet éclatement. Cela étant, nous disposons d'une comptabilité d'analyse des coûts entre les programmes.

Votre deuxième question « lolfienne », si vous me permettez d'employer cet adjectif, porte sur la cartographie des budgets opérationnels de programme. Je partage en bonne partie votre analyse. Nous devrons d'ailleurs tirer les leçons des expérimentations de fusion des DDA et des DDE en cours dans certains départements pour faire évoluer cette cartographie.

J'en viens maintenant au contenu de ce budget.

J'ai retenu trois priorités claires.

Première priorité : relever les défis économiques et mieux s'armer pour surmonter les aléas et les crises ; c'est vrai pour l'agriculture et c'est vrai pour la pêche !

Deuxième priorité : réaffirmer l'importance de l'agriculture dans nos territoires ruraux et la place des agriculteurs dans notre société en insistant sur la formation et l'installation des jeunes.

Troisième priorité : moderniser le ministère en mettant l'accent sur la simplification administrative. Beaucoup d'entre vous l'ont évoquée, dont M. Vasselle.

La première ambition de ce budget est de maintenir une agriculture performante, ce qui requiert aussi de conforter le revenu des agriculteurs, en particulier dans les zones difficiles. Vous le voyez, monsieur Le Cam, cela doit être l'une nos principales préoccupations. Nous avons essayé d'agir en ce sens depuis plusieurs années, et le projet de budget pour 2007 s'inscrit dans cet objectif.

Ainsi, je voudrais rappeler que le projet de budget présente une mesure nouvelle de 40 millions d'euros de financement des exonérations de charges sociales prévues par la loi d'orientation agricole, dont M. César a été le rapporteur, avec l'objectif d'alléger les coûts de main-d'oeuvre. C'est évidemment très important pour répondre aux préoccupations exprimées, notamment, par Mme Adeline Gousseau, qui nous rappelait le coût des personnels dans la filière arboricole.

S'agissant du revenu des exploitants, MM. Bailly, Pastor, Mouly, Lejeune et Doublet ont soulevé la question des ICHN, les indemnités compensatoires de handicaps naturels, la politique menée pour l'élevage avec le plan « Bâtiment d'élevage » et l'avenir de la prime herbagère agro-environnementale.

En ce qui concerne les indemnités compensatoires de handicaps naturels, sujet qui intéressera tous les sénateurs élus de zones de montagne, sachez qu'elles ont été fortement revalorisées depuis 2002. Une reprise de la revalorisation des vingt-cinq premiers hectares est prévue dans le projet de budget pour 2007 au bénéfice des zones de montagne. Ainsi, pour les vingt-cinq premiers hectares primés, l'augmentation depuis 2002 sera passée de 30 % à 35 %.

En 2007, les paiements, y compris la part communautaire, passeront à près de 520 millions d'euros, contre 450 millions d'euros en 2002.

Si l'on raisonne en termes de prime moyenne par bénéficiaire, on passe de 4 102 euros en 2002 à 5 160 euros en 2007, ce qui correspond à 1 000 euros de plus ou à une augmentation de 25 % - près de 5 % par an pendant cinq ans -, soit trois fois plus que l'inflation.

S'agissant du plan « Bâtiment d'élevage », qui fonctionne très bien, car il est aussi soutenu par les collectivités territoriales, tout le monde a fait un effort important. En 2005 et en 2006, près de 300 millions d'euros ont été délégués en autorisations d'engagement.

Pour sa part, l'État a engagé 93,6 millions d'euros sur ces deux années, complétés par autant de crédits communautaires. Les collectivités territoriales - départements et régions -, ce dont je les remercie, ont contractualisé, quant à elles, à hauteur de 27,5 millions d'euros en 2005 et 80 millions d'euros en 2006.

Pour 2007, le projet de budget prévoit des autorisations d'engagement à hauteur de 60 millions d'euros, en hausse de 15 millions d'euros par rapport à 2006, et le projet de loi de finances rectificative pour 2006 vous proposera, mesdames, messieurs les sénateurs, un rattrapage de crédits de paiement de 20 millions d'euros.

Pour 2007-2013, les programmations régionales FEADER font apparaître une prévision de 242 millions d'euros de crédits d'État et de 77 millions d'euros des collectivités, appelant 320 millions d'euros de FEADER. Enfin, 150 millions d'euros sont également prévus en financements complémentaires sans contreparties communautaires.

Au total, monsieur Lejeune, une masse financière de 790 millions d'euros est prévue sur les sept années, dont 286 millions d'euros sur les crédits du ministère de l'agriculture.

Pour ce qui est de la « prime à l'herbe », autrement dit l'avenir de la PHAE, il est vrai que le Gouvernement a fait le choix de l'exclure du cofinancement européen, du moins pour la période de programmation du développement rural 2007-2013. Ce choix ne remet nullement en cause l'économie générale du dispositif. Les crédits nationaux consacrés à cette nouvelle mesure seront du même ordre que les crédits nationaux et communautaires consacrés à la PHAE et aux CTE herbagers sur la période 2003-2006, soit 260 millions d'euros par an. Le projet de budget pour 2007 prévoit ainsi 117 millions d'euros au titre de la « prime à l'herbe », qui seront complétés par environ 143 millions d'euros de crédits communautaires.

Enfin, nous avons présenté à la Commission - je souhaite qu'elle l'accepte, et nous nous battrons pour le faire aboutir -, un cahier des charges qui a fait l'objet d'une concertation étroite avec les organisations professionnelles agricoles.

Vous avez posé, messieurs Pastor et Vasselle, la question des crédits pour les autres mesures agro-environnementales. M. Bourdin a également traité ce point dans son rapport.

Dans le cadre de la programmation du FEADER, les contrats d'agriculture durable en cours seront maintenus jusqu'à leur échéance. Pour la période 2007-2013, des mesures agro-environnementales territorialisées répondront principalement à deux enjeux prioritaires : la biodiversité et l'eau, avec les objectifs de la directive-cadre sur l'eau.

MM. Doublet et Soulage, notamment, ont évoqué le cas particulier des zones humides.

Nous avons souhaité réaffirmer l'engagement que nous avons pris de transmettre aux générations futures ce très bel héritage de prairies naturelles humides et d'élevage de qualité en marais. Ainsi, le ministère va simplifier les mesures de soutien en proposant une nouvelle mesure d'aide spécifique territorialisée plus ciblée. Nous allons d'abord la mettre en oeuvre à titre expérimental dans deux régions, Pays de la Loire et Poitou-Charentes. Je précise à M. Soulage que cette expérience est prévue pour une durée de deux ans avant extension.

Je mets à profit cette évocation des zones humides pour répondre à M. Doublet s'agissant du décret sur le sel artisanal : il est prêt, et nous attendons les derniers éléments de l'expertise scientifique avant de le transmettre au Conseil d'État.

En réponse à MM. Bourdin et Le Cam, qui posaient la question de la baisse des crédits du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le fameux PMPOA, je précise qu'il est doté 37 millions d'euros en crédits de paiement pour 2007, alors que les paiements devaient s'arrêter à la fin de 2006. Une souplesse a été introduite et les dossiers seront acceptés jusqu'au 31 décembre de cette année - vous pouvez le dire sur le terrain, monsieur Le Cam - pour permettre leur engagement en 2007.

M. Gérard Bailly et M. Paul Raoult m'ont interrogé sur le prix du lait. Je leur rappelle, mais ils le savent très bien l'un et l'autre, qu'un accord interprofessionnel est intervenu le 26 janvier 2006. Il faut que nous respections sur le terrain cet accord qui s'est fait dans des conditions difficiles.

J'indique enfin à M. Doublet que 14 millions d'euros seront payés en 2007 pour les indemnités à l'abandon de la production laitière et que, en complément, un dispositif d'échange facultatif de quotas laitiers sans terre a été instauré pour répondre aux préoccupations qui se sont exprimées sur le terrain.

Je veux dire à MM. Biwer et Raoult, qui ont évoqué la fièvre catarrhale, que nous avons demandé à Bruxelles un effort supplémentaire sur les pertes de la filière.

M. Bernard Piras. M. Vasselle en a parlé aussi !

M. Dominique Bussereau, ministre. Tout à fait !

Nous sommes très attentifs à l'évolution de la fièvre catarrhale ovine. Un certain nombre de régions de France, dans le Nord et dans l'Est, en Lorraine et en Alsace, font un peu barrage et sont la barrière sanitaire de la France aux côtés des Pays-Bas, de la Belgique et de l'Allemagne. Il est normal qu'il y ait une solidarité nationale. Nous avons déjà décidé un certain nombre de mesures et nous annoncerons très rapidement des mesures complémentaires.

Venons-en aux filières végétales. M. Pastor a évoqué le plan végétal pour l'environnement, qui est un nouveau dispositif d'aides aux investissements à vocation environnementale pour le secteur végétal.

Il constituera en quelque sorte, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le secteur végétal le pendant du plan national de modernisation des bâtiments d'élevage. Toutes les filières végétales sont concernées : grandes cultures, viticulture, fruits et légumes, horticulture et cultures spéciales.

Il intégrera la programmation du FEADER 2007-2013, et nous souhaitons que d'autres financeurs tels que les collectivités territoriales et les agences de l'eau puissent intervenir. Il s'agit de réaliser des investissements spécifiques permettant de mieux répondre aux exigences en termes d'environnement et d'économies d'énergies.

En 2007, 10 millions d'euros d'autorisations d'engagement seront réservés pour ce plan.

J'en viens à la filière viticole. Elle a été évoquée par M. César, qui abordé la future organisation commune des marchés. Elle a été évoquée également par Mme  Lamure, par M. Delfau, ...

M. Roland Courteau. Par M. Rainaud !

M. Dominique Bussereau, ministre. ... et par M. Rainaud, en effet, nouveau sénateur, également président du conseil général de l'Aude, que j'ai rencontré récemment.

Dans le domaine viticole les situations sont contrastées : certaines régions et appellations tirent leur épingle du jeu. On devrait d'ailleurs avoir en 2005 et en 2006 une amélioration de notre balance commerciale des vins et spiritueux.

À ce propos, j'étais il y a quelques jours en Chine, où l'on annonçait une hausse de 60 % sur les vins français et une hausse de 33 % sur les spiritueux français.

Cependant, de nombreuses régions sont touchées par une crise grave, parfois conjoncturelle, mais malheureusement le plus souvent structurelle.

C'est le cas en particulier dans la première région viticole de France - le Languedoc-Roussillon -, mais c'est le cas également d'autres régions - Mme Lamure a parlé du Beaujolais, qui rencontre également beaucoup de difficultés.

Nous avons constaté l'ampleur de la crise lorsque nous avons encouragé la distillation, avec l'Europe et grâce à l'ajout de mesures nationales : 2 millions d'hectolitres ont été souscrits dans le Languedoc-Roussillon, soit plus de la moitié des volumes portés à la distillation.

Dans l'état actuel du marché - nous l'avons évoqué avec tous les sénateurs et les députés du Languedoc-Roussillon la semaine dernière -, l'excédent structurel du vignoble du Languedoc est très important. Il est de l'ordre de 3 millions à 4 millions d'hectolitres, soit près de 20 % des surfaces, ce qui est naturellement considérable.

J'ai reçu la semaine dernière une délégation d'élus du Languedoc et nous avons parlé de ce problème, sur l'initiative du président du conseil régional. Nous avons d'abord à régler le problème sur le court terme en aidant les cas les plus difficiles par des allégements de charges sociales et fiscales. Ensuite, il nous faut reconvertir les terres qui ne sont plus adaptées à la viticulture et leur donner une autre affectation agricole ou environnementale pour permettre le maintien du plus grand nombre possible d'exploitants et éviter une désertification des territoires.

Ces deux sujets font l'objet de discussions dans le cadre du contrat de projets État-région. Nous leur accorderons les moyens nécessaires, et je souhaite que les collectivités y participent aux côtés de l'État, mais elles l'ont déjà fait et je pense qu'elles continueront à le faire.

Pour reconquérir des marchés, il faut simplifier et adapter notre offre : c'est ce qu'on appelle la segmentation.

Les professionnels ont compris bien avant nous qu'il fallait simplifier les étiquettes, alléger la réglementation et permettre l'émergence de vins simples, constants, dotés d'une identité régionale. Ainsi, en Languedoc-Roussillon, a été créé un grand vin régional, et, monsieur César, c'est le cas aussi avec les vins de l'Atlantique. Par ailleurs, nous avons décidé de la création d'un vin de France.

Les mesures que je viens d'évoquer doivent, bien sûr, être conçues dans un cadre conforme aux perspectives d'évolution de l'OCM vitivinicole. Je rappelle les grandes lignes de la position française sur cette réforme.

Nous avons l'intention de faire évoluer l'OCM vitivinicole, mais pas en respectant la copie que nous a présentée la première fois l'Union européenne.

S'agissant du potentiel de production, il est indispensable de conserver le régime des droits de plantation. On ne peut pas vouloir à la fois améliorer ou adapter l'offre à la demande et se séparer d'un outil qui nous permet structurellement d'avoir une influence sur l'offre.

L'arrachage n'est pas la panacée, mais il doit pouvoir être utilisé pour répondre à des situations individuelles - je pense à ceux qui ne sont plus dans le marché, à ceux qui veulent en sortir ou aux producteurs âgés qui veulent se retirer. Il faut également autoriser l'arrachage temporaire quand cela peut être utile. On a pu mesurer dans certains vignobles combien cette mesure avait pu être bénéfique.

Bien sûr, il faut compléter l'arrachage par des préretraites adaptées et à bon niveau.

J'ajoute que cet arrachage doit être équitablement réparti sur tout le territoire de l'Union européenne.

Pour les mesures de marché, je suis favorable à un filet de sécurité. Il ne faut pas remettre en cause la distillation. Certains vignobles européens en ont fait un objectif économique, mais telle n'est pas sa nature : la distillation n'est pas un objectif en soi.

La distillation de crise répond à une nécessité pour un secteur par nature exposé à une forte variabilité. Il faut la réformer, mais elle doit pouvoir être offerte comme une option utile dans le cadre des enveloppes nationales et elle doit pouvoir être rendue obligatoire par des États membres dans le cadre de la subsidiarité. De plus, il faut inventer des mesures de gestion préventive pour limiter ce recours quand cela est possible.

M. César a évoqué, comme M. Bailly, l'INAO. Un amendement a été déposé sur ce point et nous en parlerons dans quelques instants.

Pour la filière arboricole et pour l'OCM-fruits et légumes, je précise à Mme Gousseau, ainsi qu'à MM. Soulage, Pastor et Piras, que cette filière fait l'objet de la plus grande attention.

Nous avons eu des campagnes très difficiles depuis 2004. La campagne de 2006 a été meilleure et nous avons mis en place au mois de mars dernier une stratégie nationale pour le développement de l'arboriculture, en collaboration avec les professionnels et VINIFLHOR, pour un montant global de près de 40 millions d'euros de crédits supplémentaires et une nouvelle enveloppe de 25 millions d'euros sous forme de prêts de consolidation.

À ce jour, 11 millions d'euros ont été payés sur le terrain via VINIFLHOR pour la mesure d'arrachage des vergers. Les aides conjoncturelles à la trésorerie ont également été payées dans les principaux départements producteurs pour un montant de près de 5 millions d'euros, ainsi que les mesures financières.

Par ailleurs, 9 millions d'euros ont été notifiés et répartis dans les départements pour les prises en charge des cotisations sociales.

Les aides à la rénovation sont en cours d'instruction et les paiements interviendront au début de 2007.

Ce plan vient en complément des actions de promotion - il s'agit avant tout de promouvoir nos fruits et légumes - cofinancées par VINIFLHOR. De surcroît, 6 millions d'euros de financements publics ont été ajoutés pour les actions de promotion aux côtés des professionnels.

Des mesures pour favoriser l'emploi et mieux gérer les importations ont également été prises, ce qui nous a permis d'empêcher particulièrement cette année les importations de pommes chinoises qui avaient déstabilisé le marché l'an passé.

La Haute Assemblée et l'Assemblée nationale dans le cadre de la loi sur les territoires ruraux avaient décidé de la mise en place du coefficient multiplicateur. Le dispositif a été rendu opérationnel pour être plus réactif. Nous n'en avons pas eu besoin cet été, mais il peut dorénavant être mis en oeuvre à tout moment. C'est un instrument de dissuasion très important.

Enfin, d'autres travaux s'imposent : rendre les fruits et légumes plus accessibles dans les écoles, à la place de certaines barres chocolatées, dans les avions, dans les gares, dans les trains, dans les lieux publics. Nous poursuivrons donc nos efforts dans cette direction.

S'agissant du décret pour le 1 % logement, madame Gousseau, il est devant le Conseil d'État et devrait donc très prochainement être publié.

Nous préparons également la réforme de l'OCM-fruits et légumes dans le cadre européen ; nous y défendons avec l'Espagne et l'Italie les positions de nos pays respectifs.

S'agissant de cette OCM-fruits et légumes, je relève que le pré-projet de la Commission européenne est adéquat dans certains domaines - interprofessions et assurance récolte -, mais qu'il est beaucoup trop flou concernant la gestion des crises.

Pour ce qui concerne le chèque emploi que demandait Mme Gousseau pour les horticulteurs et les pépiniéristes, je précise que le chèque TPE, ou chèque très petites entreprises, n'est pas applicable dans les entreprises relevant du régime social de la MSA, mais qu'une extension du titre emploi agricole simplifié, le TESA, pour ces deux secteurs est en cours d'expertise.

Le TESA est plus intéressant que le chèque TPE dans la mesure où il remplace à lui seul dix formalités relatives à l'emploi de personnel.

M. Piras a évoqué avec justesse le virus de la sharka. Je sais que les collectivités territoriales et l'État travaillent au programme de lutte contre ce virus. J'ai mandaté un expert pour obtenir l'adhésion des producteurs dans cette démarche d'assainissement du verger.

Nous aurons, monsieur Piras, à la suite du rapport de M. Devos, que vous avez évoqué, des mesures très concrètes à vous proposer dans les semaines à venir. Naturellement, nous vous consulterons, ainsi que vos collègues des régions touchées par la sharka, sur la qualité et la viabilité de ces mesures.

MM. Bourdin, Bailly, Pastor et Lejeune, ont évoqué les offices agricoles.

Les soutiens des offices agricoles tiennent compte en 2007 des nouvelles modalités de contractualisation avec les régions et de la montée en charge des nouveaux contrats, qui sera progressive.

La partie contractualisée des offices agricoles, il est vrai, est ainsi abaissée, mais la marge dégagée va leur permettre d'accompagner les filières en termes de structuration et en termes de gestion de crise.

La priorité est en particulier donnée en 2007 aux actions de promotion pour les filières les plus exposées à la concurrence et à la promotion internationale des produits - c'est très important -, dont les crédits progressent de près de 20 %.

Je précise à Mme Herviaux que les crédits spécifiques pour les crises - FAC et AGRIDIFF - sont reconduits en 2007. De plus, madame la sénatrice, le Gouvernement est très attentif à l'évolution des ADASEA. Je vous ferai parvenir des informations très précises figurant dans un rapport qui vient d'être réalisé sur le sujet.

Les droits à paiement unique sont un élément très important du revenu des exploitants. MM.  Biwer, Vasselle, Pastor, notamment, les ont évoqués. Cette réforme n'était pas facile ; elle est complexe. Sa mise en oeuvre a eu lieu dans de bonnes conditions.

En effet, tous ont joué le jeu des clauses. Ce système a bien fonctionné. Nous avons eu plus de 300 000 clauses de transfert de DPU en accompagnement de transferts de foncier portant sur près de 4,5 millions d'hectares dans notre pays.

Par ailleurs, des dispositifs nationaux de dotation depuis la réserve ont été mis en place.

Tous ces programmes de dotations obligatoires ont permis de traiter prioritairement les nouveaux installés et de prendre en compte les investissements intervenus avant le mois de mai 2004.

Nous mettons en place, de surcroît, des programmes spécifiques particuliers et sectoriels pour compenser des situations individuelles de déséquilibre économique résultant du découplage.

Une marge de manoeuvre budgétaire importante a pu être dégagée.

Ainsi, nous mettons en oeuvre un programme supplémentaire de dotation complémentaire transversal et accessible à tous les agriculteurs afin, le cas échéant, de compenser une baisse d'aides liée au découplage.

Tout le monde s'attendait à un prélèvement linéaire initial de 3 %. Or, tout en finançant la réserve nationale, tout en finançant les programmes obligatoires, spécifiques et complémentaire, nous avons pu fixer le taux à 2,2 %, ce qui est une bonne nouvelle pour le revenu des exploitants.

Je dirai un mot du revenu des anciens exploitants, qui ont beaucoup travaillé.

Ce sujet a été évoqué par un grand nombre d'entre vous. Deux améliorations importantes ont été adoptées. Elles entreront en vigueur dès le 1er janvier 2007. Au total, ce sont 300 000 retraités qui verront ainsi leur pension augmentée.

MM. Doublet, Le Cam et Lejeune ont évoqué la question du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.

Je tiens à dire, de manière très solennelle devant la Haute Assemblée, qu'il n'existe aucun risque de non-versement des prestations par ce régime.

Nous tiendrons les engagements pris par la collectivité nationale, mais il est vrai que la disparition du BAPSA a entraîné des difficultés d'équilibre comptable de ce régime. Le Gouvernement est pleinement conscient - et je répondais, la semaine dernière à l'Assemblée nationale, à une question posée par M. Arnaud Montebourg sur ce sujet - de la nécessité de trouver des solutions afin de parvenir à un équilibre pérenne.

Ces solutions doivent d'abord tenir compte du fait que ce régime est bien géré. La MSA fait bien son travail. Ce régime ne dépense pas plus que les autres. Il n'y a donc pas de problème de gestion mais, compte tenu de la situation démographique du régime, plus de 80 % de ces recettes proviennent de l'État, sous la forme de taxes affectées, et des autres régimes de sécurité sociale, par les mécanismes de compensation démographique. Ces solutions doivent donc s'inscrire dans le cadre de l'équilibre général des finances publiques.

Ce n'est pas évident, nous cherchons de bonnes solutions avec les partenaires sociaux et nous étudions la possibilité de modifier les règles de compensation démographique. Et vous savez combien, dans notre pays, il est difficile de toucher aux règles de compensation démographique.

M. Yves Censi, député de l'Aveyron et président du comité de surveillance du FFIPSA, a proposé des solutions fondées à la fois sur une participation de l'État au titre de la solidarité nationale et sur une mobilisation supplémentaire des mécanismes de compensation entre régimes de sécurité sociale au titre de la solidarité interprofessionnelle.

Nous examinons, monsieur Mortemousque, l'ensemble de ces différentes pistes, et les parlementaires de votre département y travaillent également.

Je souhaiterais maintenant évoquer les innovations de l'agriculture. M. Gérard Longuet, dans un article, puis tout à l'heure MM. Alain Vasselle, Gérard Bailly et Michel Doublet ont évoqué les biocarburants.

Avec les biocarburants, nous donnons une dimension nouvelle à notre agriculture.

À cet égard, je rappellerai quelques chiffres.

La part des biocarburants dans la consommation sera de 1,75 % cette année, de 3,5 % en 2007, soit un doublement, de 5,75 % dès 2008, de 7 % en 2010 et de 10 % en 2015. La France se situera alors à cet égard dans le peloton de tête au plan européen comme au plan international.

Monsieur Bourdin, cela a un coût : pour l'année 2006, le soutien fiscal représente près de 280 millions d'euros et, en 2007, il coûtera 550 millions d'euros.

Mais cette progression des biocarburants se traduit également par des retombées sur le terrain puisque la construction de vingt et une nouvelles usines dans quatorze régions est prévue d'ici à 2010.

Par ailleurs, avec les agréments de 1 100 000 tonnes qui vont être alloués prochainement, le Gouvernement aura donné, en moins de dix-huit mois, aux opérateurs de la filière la visibilité leur permettant de réaliser les investissements nécessaires.

Deux millions d'hectares, soit 15 % des surfaces cultivées en céréales, betteraves et oléagineux, seront nécessaires pour atteindre l'objectif de 7 % en 2010.

J'ai vu naître, ici ou là - pas au Sénat, bien sûr - une mauvaise polémique sur le développement des biocarburants par rapport à nos besoins alimentaires. Je tiens à rassurer les uns et les autres : nous pourrons toujours à la fois subvenir à nos besoins alimentaires, rester le premier pays au monde exportateur de produits agroalimentaires et développer nos biocarburants. Nous aurons à le faire dans le cadre de nos obligations de préservation de l'environnement, en défendant nos productions face à celles de pays tiers. Je réponds ainsi à la remarque que vous avez à juste titre formulée, monsieur Le Cam.

En effet, il ne servirait à rien que le contribuable français fasse un effort en faveur des biocarburants, que nous investissions et que, dans le même temps, nous importions, par exemple, de l'éthanol du Brésil au lieu d'utiliser celui qui serait fabriqué en France.

Nous développons donc un certain nombre de filières : le biodiesel, le diester, le bioéthanol, l'E85, c'est-à-dire une essence à 85 % d'éthanol, à la suite du rapport d'Alain Prost. L'an prochain, 500 pompes devraient être disponibles.

Nous souhaitons aller au-delà : nous avons la volonté de développer le B30, gazole à 30 % pour les flottes captives, et le B10, en liaison avec les pétroliers. Le B30 est maintenant autorisé dans toutes les flottes d'entreprises et les collectivités territoriales.

M. Vasselle et M. Soulage, ainsi qu'il le fait très souvent dans cette assemblée, ont évoqué les huiles végétales pures.

Le cadre légal existe. Vous l'avez voté dans la loi d'orientation agricole, qui autorise l'autoconsommation des huiles végétales pures comme carburant agricole depuis le 1er  janvier 2006 et prévoit leur commercialisation au 1er janvier 2007 comme carburant agricole et pour les navires de pêche professionnelle. Les carburants représentent en effet entre 35 % et 45 % du coût de fonctionnement des navires de pêche. Donc, les autoriser à utiliser ce type de carburant, lorsqu'ils peuvent le faire, permettra de réduire leur dépendance. Le décret, monsieur Soulage, sera publié incessamment, afin que cette autorisation intervienne 1er janvier prochain.

Les collectivités territoriales souhaitent mettre en place des expérimentations d'huiles végétales pures. Une dizaine de demandes ont été formulées, la plus médiatisée ayant été celle de M. Cahuzac, président de la communauté de communes de Villeneuve-sur-Lot. MM. Branger et Doublet, le maire de La Rochelle, M. Bono, pour sa communauté d'agglomération, ainsi que d'autres élus ont formulé des demandes similaires.

Nous avons décidé de formaliser ce cadre. Les collectivités territoriales, à condition qu'elles signent une convention avec l'État, pourront, dès le 1er janvier prochain, utiliser de manière expérimentale les huiles végétales pures, qui bénéficieront du même niveau de fiscalité que le biodiesel.

Bien sûr, monsieur Vasselle, elles le feront à leurs risques et périls, en quelque sorte, car les constructeurs ne donnent pas pour l'instant de garanties techniques pour l'utilisation des huiles végétales pures, mais, je le répète, les collectivités territoriales qui le souhaitent pourront le faire dans le cadre d'une convention avec l'État.

Je voudrais maintenant évoquer les aléas et, comme MM. Bourdin, Soulage et Le Cam l'ont fait, parler de l'assurance récolte et de ses perspectives. Cette assurance récolte est chère à M. Emorine ainsi qu'à M. Mortemousque, qui va travailler sur ce sujet dans le cadre d'une mission qui lui a été confiée par le Gouvernement.

Nous accompagnons le développement de l'assurance récolte en prenant en charge une partie des primes d'assurance jusqu'à 35 % et, ainsi que vous l'avez souhaité, monsieur Emorine, jusqu'à 40 % pour les jeunes agriculteurs.

Les moyens budgétaires associés sont en hausse constante : avec 30 millions d'euros en 2007, ils augmentent de 5 millions d'euros.

En 2005, la diffusion est apparue satisfaisante pour une première année : 15 % de la production nationale et 25 % de la superficie agricole nationale concernée sont assurés et 60 000 contrats ont été souscrits.

Le bilan sectoriel est plus nuancé : les cultures très exposées - fruits, légumes, vigne - restent très peu assurées en multirisques et les nouvelles assurances se concentrent sur les « grandes cultures ».

Nous aurons donc une série de débats sur ce sujet.

Faut-il rendre l'assurance récolte obligatoire ? Comment gérer le problème de la réassurance ? Comment articuler tout cela avec le Fonds national de garantie contre les calamités agricoles ? Votre feuille de route, monsieur Mortemousque, est difficile, mais je souhaite que votre rapport puisse éclairer l'action des pouvoirs publics.

M. Bernard Piras. Dépêchez-vous, monsieur Mortemousque !

M. Dominique Bussereau, ministre. La protection contre les aléas implique aussi de s'organiser pour faire face aux épisodes climatiques de sécheresse ou, ainsi que M. Paul Raoult l'a évoqué pour le département du Nord l'été dernier, de pluies très importantes et autres événements météorologiques difficiles.

À cette fin, le Fonds national de garantie contre les calamités agricoles a été doté au cours des années récentes. Nous veillerons à son alimentation pour indemniser les victimes de la sécheresse du printemps et du début d'été dernier.

Dans ce contexte, les pouvoirs publics incitent les producteurs à une gestion adaptée de l'eau.

Vous avez souligné monsieur Doublet, l'intérêt du programme décennal de création de retenues de substitution. Nous y avons consacré des moyens importants et je souhaite que les collectivités territoriales puissent accompagner cet effort.

Si une collectivité territoriale ne veut pas contractualiser avec l'État, suivez mon regard, le ministère pourra contractualiser directement avec une collectivité à un niveau inférieur afin de ne pas retarder le développement des réserves de substitution.

M. Gérard César. Très bien !

M. Dominique Bussereau, ministre. Vous aurez saisi mon allusion à une région que nous connaissons bien !

J'en viens aux pôles d'excellence rurale, qui fonctionnent bien.

Une première vague de 176 pôles ont été labellisés. J'indique pour M. Mouly que la commission qui choisira la deuxième liste des pôles d'excellence rurale se réunira jeudi matin et que nous avons obtenu du Premier ministre la possibilité de créer des pôles supplémentaires. Nous devions en avoir 300 ; nous en avons labellisé 176 ; il en restait 124. Le Premier ministre nous a autorisés à en labelliser 200, avec un objectif de participation de l'État inchangé. Ces pôles seront donc choisis jeudi par une commission dont de nombreux élus font partie.

J'indique à M. Biwer que, même s'ils ne sont pas dans les contrats de projets État-régions, ces pôles d'excellence rurale seront soutenus.

Toujours au titre des mesures de modernisation, j'ai indiqué tout à l'heure que les aides à la mécanisation en montagne seraient bien inscrites dans le plan de développement rural.

De même, dans le cadre du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, les spécificités des zones de montagne seront maintenues.

Le soutien au pastoralisme est renforcé, et nous avons établi un plan spécifique pour le massif pyrénéen.

La politique d'installation a été évoquée par plusieurs d'entre vous, en particulier par MM. Pastor et de Montesquiou.

Nous allons poursuivre l'effort particulier engagé en faveur des jeunes agriculteurs. En première partie du projet de loi de finances, a été proposée une mesure visant à exonérer totalement d'impôt sur le revenu la « dotation jeune agriculteur ». Nous avons d'ailleurs fait en sorte, vous le savez, monsieur Piras, que cette dotation soit versée en une seule fois.

S'agissant des prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs, j'aurai l'occasion d'y revenir, puisque M. Bourdin a l'intention de présenter, au nom de la commission des finances, un amendement sur ce sujet, qui nous permettra d'en débattre. C'est un outil auquel nous croyons beaucoup et, à la demande d'ailleurs des jeunes agriculteurs, nous avons diminué les taux, maintenant de 1 % en zone défavorisée et de 2,5 % en zone de plaine.

Je précise à l'attention de M. de Montesquiou, qui a évoqué le FICIA, que les mesures d'accompagnement à l'installation sont rendues éligibles aux contrats de plan État-régions.

Il est exact qu'au vu de la moindre attractivité des prêts bonifiés nous avons décidé une mise en extinction progressive de ces prêts, avec une période de transition. Toutefois, monsieur Bourdin, cela ne remet pas en cause les « prêts calamités ».

Le dispositif de cautionnement, qui a été évoqué par M. de Montesquiou, continue de fonctionner. Nous travaillons sur le « stage six mois ».

Plusieurs d'entre vous ont évoqué les crédits de l'enseignement agricole, dont il a déjà été question au sein de la Haute Assemblée. Ils constituent une priorité pour l'action du Gouvernement. Le décret que vous attendez, monsieur Doublet, est actuellement dans le circuit interministériel des signatures.

Plusieurs d'entre vous, notamment MM. Gaillard et Bailly, ont évoqué la forêt et le nouveau contrat entre l'État et l'Office national des forêts.

Nous avons décidé de dégager des moyens supplémentaires afin de moderniser la filière forêt-bois, pour laquelle une hausse sensible des crédits est prévue.

J'indique à Mme Didier que les aides aux propriétaires forestiers et aux professionnels sont maintenues compte tenu de la faible rentabilité de ce secteur.

J'ajoute que, mises bout à bout, les mesures votées dans le cadre de la loi d'orientation agricole sur l'abaissement de la TVA pour l'utilisation du bois-énergie, et la disposition concernant les réseaux de chaleur, qui a été introduite dans la loi Borloo sur le logement à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par M. Claude Belot, forment un ensemble cohérent qui rend de plus en plus intéressant pour les collectivités et pour les particuliers l'utilisation du bois comme énergie.

Nous évoquerons tout à l'heure la politique en faveur du cheval lors de l'examen d'un amendement présenté par M. Joël Bourdin, au nom de la commission des finances.

J'en viens maintenant à la pêche.

Je remercie MM. Gérard Delfau et Joël Bourdin d'avoir souligné que nous accordions à la pêche une place importante dans ce projet de budget. Mmes Yolande Boyer et Evelyne Didier s'en sont également fait l'écho.

Les crédits sont presque doublés par rapport à 2006, afin, comme vous l'avez indiqué, madame Boyer, de financer le plan d'avenir pour la pêche.

Ce plan fixe le cap : nous souhaitons maintenir une pêche performante en France ; d'autres pays européens ont fait le choix inverse.

La question est difficile, et chacun ici connaît les problèmes de gestion de la ressource ou les problèmes d'énergie. Cela implique de mener des réformes de structure. L'objet du plan d'avenir pour la pêche est de supprimer les surcapacités et de nous permettre d'atteindre nos objectifs internationaux en termes de protection de la ressource.

J'en viens aux questions de M. Delfau et à celles de Mme Boyer.

Le fonds européen pour la pêche, le FEP, vous l'avez à juste raison noté, est moins intéressant aujourd'hui que ne l'était l'instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP, mais le contexte européen a évolué avec l'arrivée de nouveaux États membres, qui ont pris une part importante de ces crédits.

Si l'on exclut les aides à la construction, interdites depuis 2005, la baisse n'est plus que de 12 %. En outre, nous avons obtenu que les besoins des DOM, encore très importants, puissent continuer à être pris en compte pendant la période 2007-2013.

Pour absorber cette baisse, nous aurons à mieux gérer nos dossiers et à réserver les aides à la sortie de flotte en cas de nécessité absolue.

S'agissant des contrôles, la France avait été condamnée, pour une politique menée il y a quinze ou vingt ans, à payer une astreinte. Je confirme à la Haute Assemblée que, le 23 novembre dernier, la Commission européenne a notifié à la France la levée de cette astreinte de 57,7 millions d'euros. Les efforts entrepris par les pouvoirs publics, mais aussi et surtout par les pêcheurs, ont ainsi été reconnus.

Je tiens à remercier les pêcheurs, qui ont joué le jeu, malgré les difficultés que les contrôles ont suscitées dans leur vie quotidienne. Je remercie aussi tous les services qui ont contribué à créer un dispositif de contrôle équitable.

La charte de contrôle a en effet permis de trouver une manière de travailler juste et équitable, sous l'autorité des CROSS, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, évitant ainsi aux équipages l'acharnement administratif qui aurait pu résulter d'une succession de contrôles, d'abord des affaires maritimes, puis de la gendarmerie maritime et enfin des douanes. Les contrôles effectués, tant les nôtres que ceux qui ont été diligentés par l'Union européenne, ont montré que les taux d'infraction à la pêche dans notre pays étaient très faibles et que la quasi-totalité des professionnels respectaient les règles.

Vous trouverez donc dans ce budget des crédits destinés au contrôle, mais, sachez-le, nous ferons en sorte que tout continue de se dérouler dans un esprit de justice et d'équité.

À la suite de la conférence de Dubrovnik, une négociation très difficile sur la répartition des quotas du thon rouge nous attend à Kobe, au Japon, en février. Je l'ai déjà dit, monsieur Delfau, l'accord accepté par la Commission à Dubrovnik n'est pas juste : outre qu'il touche beaucoup la pêche française, notamment les petits métiers méditerranéens - je pense aux senneurs -, il ne va pas assez loin dans la lutte contre la pêche illégale. Dans quelques jours, je m'entretiendrai avec les professionnels pour voir comment gérer ces nouvelles règles.

Je m'attends à un conseil des ministres de la pêche difficile, compte tenu des propositions annoncées aujourd'hui par la Commission sur l'anchois, sur le cabillaud, sur la sole, sur la langoustine. Les négociations de fin d'année menacent d'être particulièrement délicates.

J'en viens à l'ostréiculture, en ce jour où, sur l'initiative de leur président, vos collègues de l'Assemblée nationale ont participé à une dégustation d'huîtres de tous les bassins. Y étaient présents, naturellement, les ostréiculteurs d'Arcachon, ceux d'Étel, touchés cet été, ceux de l'étang de Thau, souvent touchés, hélas, eux aussi.

Nous avons débloqué des aides d'urgence importantes. Les ostréiculteurs ont accepté notre proposition de lancer, avant les fêtes, une campagne nationale télévisée d'un budget de plus de 1 350 000 euros sur l'intérêt de la consommation des huîtres.

À l'échelon international, nous aurons d'abord à faire en sorte de consolider la réforme de la politique agricole commune de 2002-2003. De temps en temps, j'entends en effet certains à la Commission prétendre que le rendez-vous pour 2008-2009 serait un moment, non pas simplement d'appréciation, mais bien de remise en cause de la PAC.

Non, mesdames, messieurs les sénateurs, tout cela n'est que divagation, il n'est pas question d'imposer à nos agriculteurs, qui viennent à peine de commencer à se familiariser avec la mise en oeuvre de la PAC 2002-2003, de repartir, en 2008-2009, dans une autre réforme ! Si réflexion il doit y avoir, commençons à nous intéresser au financement, au chèque britannique, en particulier ! Mais, rappelons-le, la date butoir pour la PAC, c'est en 2013, et aucune inflexion ne peut être acceptée par aucun gouvernement avant cette échéance !

J'en viens à l'OMC, affaire difficile, puisque les négociations sont suspendues depuis la fin du mois de juillet. Pascal Lamy se donne beaucoup de mal pour qu'elles reprennent. Après tout, pourquoi pas, en effet, une négociation multilatérale ?

Quel est l'état des lieux ? Aux États-Unis, la situation politique est particulière, avec une administration républicaine et un Congrès démocrate. Il faut donc voir d'abord comment les États-Unis parviennent à se mettre d'accord entre eux pour nous faire des propositions. Pour l'instant, ils demandent à l'Europe de baisser la garde, sans accepter eux-mêmes la moindre mesure nouvelle sur l'accès aux marchés.

Donc, nous verrons bien comment les choses évoluent, mais la France n'a pas l'intention de changer de position.

Je rappelle à la Haute Assemblée qu'au sein de l'Union européenne une majorité très nette se rallie à la position française, refusant de nouvelles concessions unilatérales et considérant que l'agriculture n'a pas à être une variable d'ajustement de l'OMC. Pour que nous acceptions de moduler nos propositions sur l'agriculture, encore faudrait-il que d'autres fassent évoluer les leurs sur les services, sur l'industrie.

J'ajoute enfin que le cycle de Doha, tel qu'il a été conçu en 2001, est fait pour le développement, c'est-à-dire pour aider les plus pauvres à accéder à nos marchés. L'esprit des accords de Doha, ce n'est ni d'ouvrir nos marchés aux latifundiaires brésiliens ou argentins, ni de réserver les avantages aux plus développés.

Rassurez-vous, monsieur Raoult, sur ce sujet, nous resterons très vigilants, très mobilisés. L'agriculture, ce n'est pas l'ultralibéralisme, et j'en appelle d'ailleurs à tous les socialistes qui, au-delà de la France, exercent en Europe des responsabilités importantes, pour qu'ils manifestent plus de solidarité envers la position du Gouvernement.

S'agissant du FEADER, le programme de développement rural hexagonal 2007-2013 vient d'être finalisé et transmis à la Commission européenne. Il est conforme aux souhaits de M. Pastor en matière de développement rural.

Mais on ne saurait anticiper sans moderniser le ministère lui-même et sans rechercher la simplification administrative.

La modernisation de ce ministère au service des agriculteurs passe par la réforme des offices d'intervention, que M. Girod a évoquée tout à l'heure. L'efficacité dont nous avons fait preuve dans le paiement des DPU montre que les fonctionnaires de nos offices ont fait, avec ceux du ministère de l'agriculture, un excellent travail. Nous poursuivons, dans huit départements, l'expérimentation de la fusion des DDA avec les DDE, mais nous en sommes encore au stade de l'expérimentation et il ne s'agit pas aujourd'hui d'imposer cette fusion partout.

MM. Doublet et de Montesquiou m'ont interrogé sur la simplification. Dans certains départements, les téléprocédures ont connu un succès extraordinaire. Nous devons poursuivre sur la voie de la simplification, notamment pour essayer de diminuer « l'impôt paperasse ».

S'agissant des contrôles dans les exploitations, évoqués par MM. Biwer, Girod, Le Cam et Vasselle, j'ai souhaité que, sous l'autorité des préfets, ils se déroulent dans de bien meilleures conditions.

Le dispositif de diagnostic accompagné, qui a pris son envol, permet une sorte d'autodiagnostic des exploitants pour mieux appréhender un éventuel contrôle, voire pour le rendre inutile.

Nous mettrons en place la conditionnalité 2006-2007 avec la même souplesse que pour la conditionnalité 2005, afin que les agriculteurs ne soient pas sanctionnés dès la première erreur.

Ce budget traduit un effort sur la masse salariale du ministère. Monsieur Bourdin, le niveau des crédits me paraît bon. Nous n'avons pas été confrontés en 2006 à une insuffisance de nos crédits de titre 2 en 2006 ; nous avons parfois eu des problèmes de répartition entre programmes. Nous avons fait en sorte que cette répartition soit réajustée en 2007 pour éviter le risque de sous-budgétisation.

Le ministère et ses personnels font tous les efforts nécessaires pour être à la disposition des agriculteurs et des pêcheurs.

Ce budget est un outil important dans la conduite de nos politiques agricoles et de la pêche. Ce n'est pas le seul instrument que nous devons mobiliser, mais j'espère qu'il contribuera de façon efficace à la réussite de l'agriculture et de la pêche françaises, et je demande à la Haute Assemblée de bien vouloir l'adopter. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roland Courteau. C'est un peu excessif, chers collègues !

Agriculture, pêche et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 41

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » figurant à l'état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

2 962 301 386

2 939 467 842

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

1 503 906 326

1 482 434 676

dont titre 2

383 374 425

383 374 425

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

684 316 130

706 557 969

Forêt

301 154 704

310 048 300

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

472 924 226

440 426 897

dont titre 2

330 677 324

330 677 324

M. le président. L'amendement n° II-9, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

Dont Titre 2

 

5.000.000

 

 

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

 

 

 

 

Forêt

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

 

 

 

SOLDE

- 5.000.000

 

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent amendement a pour objet de réduire de 5 millions d'euros les crédits, en autorisations d'engagement uniquement, inscrits sur l'action n° 3 « Appui au renouvellement des exploitations agricoles » du programme 154 « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural ».

Cette réduction porterait plus particulièrement sur les crédits destinés au financement des charges de bonification par l'État qui concernent des prêts à moyen et long terme bonifiés destinés au financement de l'installation des jeunes agriculteurs ou d'autres bénéficiaires. Le montant des autorisations d'engagement de 65 millions d'euros, fixé par le présent projet de loi de finances, demandé au titre des engagements 2007, est fondé sur l'estimation d'une reconduction des engagements de 2006. Ce montant correspond à environ 680 millions d'euros de capitaux empruntés.

La Cour des comptes a très sévèrement critiqué le dispositif des prêts bonifiés aux agriculteurs, estimant qu'il était complexe, mal contrôlé et particulièrement coûteux.

La Cour a en effet rappelé que, dans les faits, les dépenses de bonification imputées au budget du ministère de l'agriculture ne sont payées directement ni aux agriculteurs ni aux banques qui accordent des prêts, mais, pour des raisons qui n'emportent franchement pas la conviction, au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricole, le CNASEA, lequel n'a pas rempli les missions qui lui étaient confiées.

Dès lors, du point de vue du bon emploi des fonds publics, la Cour des comptes a ainsi estimé qu'il serait bienvenu de mettre fin à ce dispositif coûteux et inefficace et de convertir les crédits consacrés aux bonifications en crédits pour l'installation des agriculteurs ou pour la modernisation des exploitations, voire en économies pour l'État.

C'est pourquoi, afin d'ouvrir un débat ici, en séance publique, sur l'utilité de conserver ce dispositif et dans le but de trouver une aide à l'installation qui emprunterait un chemin beaucoup plus direct de l'État à l'exploitant agricole, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, un amendement de réduction des autorisations d'engagement qui ne pénalise donc pas les agriculteurs bénéficiaires de ce type de prêts bonifiés mais qui réduit l'enveloppe des charges de bonifications consacrées à de futurs prêts.

Il s'agit donc de mettre un terme, non à l'aide aux agriculteurs, mais à ce système compliqué et coûteux qui fait que les prêts arrivent un jour à l'agriculteur, mais après un cheminement complexe.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette proposition de simplification ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Le Gouvernement est toujours d'accord pour simplifier. La Cour des comptes a eu raison d'émettre un certain nombre de critiques sur la gestion des prêts bonifiés. Pour en tenir compte, nous avons mis en oeuvre des modalités de suivi et de contrôle.

Quand les prêts bonifiés ne nous ont plus semblé nécessaires, nous les avons mis en extinction ; c'est le cas des prêts spéciaux de modernisation, qui étaient de moins en moins utilisés, et ce d'autant plus que nous avions mis en place de nouveaux instruments d'aide : le plan « Bâtiment d'élevage » ou le plan végétal pour l'environnement.

Il en va différemment pour le prêt bonifié aux jeunes agriculteurs auxquels ces derniers sont, à juste titre, très attachés, comme ils l'ont encore démontré lors de leur dernier championnat de France de labour. C'est d'ailleurs pour bien répondre aux demandes des jeunes agriculteurs de toutes les organisations syndicales, pas seulement ceux de JA, que nous avons décidé d'abaisser au minimum le taux de ces prêts, devenus moins intéressants avec les cours du marché, en maintenant un avantage pour les zones défavorisées, les zones de montagne.

Nous vous demandons donc une autorisation d'engagement de 65 millions d'euros pour répondre aux besoins des jeunes agriculteurs.

Vous le savez, monsieur le rapporteur spécial, le problème est de faire en sorte que de jeunes agriculteurs continuent à s'installer. Or, si, dans certains départements, notamment de l'Ouest ou de la grande couronne francilienne, le nombre de jeunes agriculteurs qui s'installent reste à un bon niveau, dans d'autres - et je pense au mien, qui est celui que je connais le moins mal -, ce nombre baisse, et cela malgré le fait que s'installent désormais non seulement des fils d'agriculteurs mais aussi des jeunes qui parfois ont entamé une autre carrière, d'universitaire, d'ouvrier, de technicien, de cadre, de fonctionnaire, ou autres, et qui, à un moment de leur vie, souhaitent entrer dans l'agriculture.

Nous donnerions un coup de frein à l'installation des jeunes si nous touchions à ces prêts qui existent depuis trente ans et auxquels les agriculteurs sont d'autant plus attachés sentimentalement qu'ils sont le fruit du travail de Michel Debatisse et du syndicalisme agricole français.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. C'est vrai !

M. Dominique Bussereau, ministre. Autant j'estime que vous avez raison de poser le problème de fond des prêts bonifiés, autant je crains que la remise en cause des prêts à l'installation ne soit perçue par les jeunes agriculteurs de toutes les régions de France comme une régression et, de surcroît, comme un message très négatif venant de l'État et de la représentation nationale au moment même où nous allons leur demander de produire, avec les biocarburants, l'énergie des Français.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur spécial, tout en comprenant parfaitement le sens de votre appel - j' y ai d'ailleurs répondu par avance dans ce projet de budget en mettant fin aux prêts de modernisation traditionnels -, je vous saurais gré de bien vouloir retirer cet amendement.

Naturellement, le Gouvernement prend l'engagement de réétudier, avec les jeunes agriculteurs et avec d'autres, la mécanique de ces prêts pendant les prochaines semaines.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu la réponse que vous venez d'apporter à Joël Bourdin, mais j'avais cru comprendre que l'objet de l'amendement était non pas de remettre en cause la bonification des prêts au profit des jeunes agriculteurs, mais bien de s'intéresser à la « tuyauterie » mise en place, laquelle est loin de donner satisfaction en termes d'efficacité.

On peut en effet s'interroger sur les pertes en ligne et sur les coûts de gestion dus à cette « tuyauterie ». N'y aurait-il pas une autre solution pour faire parvenir de façon plus rapide, plus efficiente et plus pertinente les aides aux agriculteurs ?

Par ailleurs, le CNASEA est-il vraiment l'organisme le mieux approprié pour remplir ces missions ? Sur ce point, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu aux interrogations du rapporteur spécial, et je souhaiterais que vous puissiez nous apporter un éclairage sur les intentions du Gouvernement en matière de simplification administrative, objectif dont je sais, car vous l'avez démontré à plusieurs reprises, qu'il vous tient à coeur.

Nous vous tendons une perche ; saisissez-la, et dites-nous, monsieur le ministre, quelle réponse vous envisagez de donner pour l'année prochaine à la remarque tout à fait pertinente de notre rapporteur spécial.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Comme d'autres amendements de la commission des finances, celui-ci relève d'une démarche d'audit.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Exactement !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous nous intéressons beaucoup aux audits de performance lancés au sein du Gouvernement, et nous essayons chaque fois d'en tirer toutes les conséquences. De même, nous sommes très intéressés par les travaux de la Cour des comptes, que nous nous efforçons également d'exploiter autant qu'il est possible. Enfin, je tiens à le rappeler, la commission des finances s'attache, sur toute une série de sujets concrets, à jouer son rôle en vue d'améliorer les procédures et d'optimiser l'utilisation de l'argent public.

Comme Alain Vasselle, monsieur le ministre, j'ai été un peu déçu par votre réponse, car j'ai eu le sentiment que vous nous apportiez des éléments de portée générale, auxquels, bien entendu, tout le monde peut souscrire, mais que vous ne répondiez pas directement aux préoccupations de notre commission des finances, spécialement en ce qui concerne le rôle joué par le CNASEA.

Puisque c'était, me semble-t-il, le coeur de la question posée, nous souhaiterions que cet amendement, dont l'objet était en quelque sorte d'engager un débat, nous permette d'obtenir de votre part quelques éclaircissements, voire quelques engagements.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre. Avec le président Arthuis, avec vous-même, monsieur le rapporteur général, et alors que j'exerçais les fonctions de secrétaire d'État au budget, nous avons ensemble tenu à mettre en oeuvre la LOLF et à préparer le premier projet de budget dans ce cadre,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un heureux souvenir !

M. Dominique Bussereau, ministre. ...justement afin de permettre la meilleure utilisation de l'argent public. Soyez donc assurés que je ne me déroberai pas à l'invite qui est la vôtre.

Je suis tout à fait d'accord, et je croyais l'avoir dit de manière explicite, pour que nous revoyions la « tuyauterie », en particulier le passage par la case CNASEA, et pour que nous renégociions, en vue de simplifier les choses, une convention avec les banques.

Cependant, ma réponse portait sur le principe. Je suis, comme sans doute la majorité de la Haute Assemblée, très attaché aux prêts bonifiés. Les supprimer serait un geste terrible à l'encontre des jeunes agriculteurs de notre pays.

En revanche, je suis naturellement disposé à remettre en cause la « tuyauterie » en tenant compte des observations de la Cour des comptes pour parvenir à un système plus simple et plus accessible, dans l'intérêt d'ailleurs des jeunes agriculteurs, et je le ferai en liaison avec la commission des finances et avec son rapporteur spécial. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-9 est-il maintenu ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Patientez un peu, mon cher collègue ! (Sourires.)

Comme l'ont fort bien dit Alain Vasselle et Philippe Marini, le problème tient au chemin emprunté par l'aide : les fonds sont versés au CNASEA, des avances, qui ne couvrent pas la totalité des prêts accordés, sont versées aux banques...Bref, le système est complexe, demande beaucoup de temps et implique beaucoup de paperasserie et de charges de gestion. On peut donc se demander - c'est en définitive le sens de l'observation de la Cour des comptes - s'il n'est pas possible d'aller plus directement à l'objectif.

Il n'est en effet pas question, monsieur le ministre, de bouleverser le système des aides à l'installation et, sans doute, la commission des finances m'autorise-t-elle à retirer cet amendement, mais il n'en reste pas moins qu'il faudrait avancer dans le sens d'une amélioration du dispositif.

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-9 est retiré.

L'amendement n° II-8 rectifié, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

Dont Titre 2

 

500.000

 

500.000

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

500.000

 

500.000

 

Forêt

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

  500.000

500.000 

  500.000

500.000 

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Le présent amendement, qui a pour objet de réduire de 500 000 euros les crédits, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, de l'action « Politique du cheval », concerne les Haras nationaux.

Je l'ai rappelé cet après-midi, j'ai fait, au nom de la commission des finances, un contrôle sur pièces et sur place des Haras nationaux. Ce contrôle a donné lieu à un rapport, que j'ai déposé le 9 novembre dernier et dans lequel je fais des observations sur les modes de gestion et de gouvernance, sur les objectifs, sur l'étendue et l'entretien du patrimoine ou encore sur l'organigramme de cet établissement public.

Aux termes de ces observations, je suis parvenu à la conclusion qu'il y a certainement des choses à faire pour simplifier le fonctionnement des Haras nationaux, sans remettre en cause leurs objectifs, du moins leurs objectifs essentiels, par exemple l'identification et l'étalonnage, à condition, bien sûr, de procéder à un recalibrage.

Ces diverses constatations m'ont amené à considérer qu'un premier geste pourrait être accompli cette année en réduisant de 500 000 euros des crédits qui atteignent tout de même au total plus de 46,5 millions d'euros, afin, là encore, d'indiquer le chemin.

Nous espérons inciter ainsi les Haras nationaux à se gérer différemment et à compter un peu plus sur leurs fonds propres, c'est-à-dire un peu moins sur les dotations de l'État.

Je précise que, avant d'être rectifié avec l'autorisation du président de la commission des finances et de son rapporteur général, l'amendement prévoyait dans sa version initiale une réduction des crédits de 3 millions d'euros. À la suite de contacts que j'ai pu avoir, des évaluations auxquelles j'ai pu procéder, des pressions, amicales et techniques (Sourires), du président de la section « cheval » du groupe d'études de l'élevage, Ambroise Dupont, il m'a semblé que, en effet, 3 millions d'euros, c'était un peu beaucoup pour la première année !

En revanche, une réduction de 500 000 euros devrait être supportable, ...

M. Paul Raoult. Je ne suis pas d'accord !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. ...d'autant qu'au cours de ma mission j'ai pu observer qu'il y avait des « flottements » de trésorerie, notamment des chèques encaissés très tardivement : une meilleure gestion de ces « flottements » devrait certainement permettre aux Haras nationaux de récupérer, dès cette année, ces 500 000 euros de crédits dont je propose la suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Je veux d'abord remercier M. le rapporteur spécial et M. le président de la commission des finances d'avoir procédé à ce travail d'investigation sur les Haras nationaux, car le rapport d'information de la commission des finances du Sénat a donné lieu à débat et a suscité d'intéressantes prises de position. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, permettre à la réflexion de s'engager sur les grands dossiers est bien l'un des services que le Parlement rend à nation.

J'avais indiqué à M. Bourdin, comme à un certain nombre d'entre vous, et aux responsables de la filière « cheval » qu'une réduction des crédits de 3 millions d'euros me paraîtrait difficile à absorber dans la gestion des Haras nationaux. M. Bourdin a eu la sagesse - ou le sens politique - de ramener cette réduction à 500 000 euros ; je m'en remets maintenant à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, pour explication de vote.

M. Ambroise Dupont. D'abord, je sais gré à la commission des finances, en particulier à son rapporteur spécial, d'avoir été sensible aux arguments - car il ne s'agissait pas de pressions -...

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Disons que les arguments étaient persuasifs !

M. Ambroise Dupont. ... que je leur ai présentés, me faisant le porte-parole non seulement des professionnels mais aussi de vous tous, mes chers collègues, qui soutenez l'action de la section « cheval » de notre groupe d'études de l'élevage.

C'est le moment de rappeler que l'action que nous menons depuis de longues années a trouvé l'oreille de plusieurs ministres tout à tour, en particulier M. Sarkozy, M. Gaymard, M. Lambert, M. Lamour et, enfin, pas plus tard qu'au mois de juin dernier, M. Copé. C'est dire que nous avons fait de grands progrès en matière de gestion et que nous avons avancé sur la voie de la reconnaissance de la filière équine en tant que grande filière agricole, et une filière qui contribue à l'aménagement du territoire, qui ne demande pas de quotas, qui est capable de représenter la France au plus haut niveau de compétition. N'oublions pas l'essentiel : c'est aussi une filière qui représente 62 000 emplois sur tout le territoire national, et pas seulement dans les départements réputés privilégiés pour l'élevage du cheval.

Or on sait bien qu'aujourd'hui, malgré ces progrès et l'écoute des ministres, il y a encore deux domaines dans la « famille » - je n'aime pas le mot « filière » - du cheval qui sont en difficulté. Il s'agit d'abord de la fédération équestre, ...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Triste situation !

M. Ambroise Dupont. ... ensuite des Haras nationaux. L'une et, peut-être, l'autre n'ont pas pris la mesure de leur importance et de leur mission.

Parlons ce soir, puisque c'est le moment de le faire, des Haras nationaux. Il ne faut pas oublier que, s'ils sont contraints aujourd'hui d'accepter que leur budget soit « retaillé » - ce qui est d'ailleurs normal dans le cadre de l'exercice budgétaire -, c'est à la suite de la suppression des comptes spéciaux du Trésor, ce qui correspond à une demande expresse de la commission des finances et ce dont je me réjouis. L'exercice budgétaire a en effet ce mérite qu'il oblige à poser les bonnes questions, non pas seulement sur le plan des finances, mais aussi sur celui de la politique.

Fallait-il vraiment créer un EPA et non pas plutôt un EPIC ? C'est un autre débat, mais vous nous aiderez à le trancher, monsieur le ministre, car il n'est pas clos.

Je pense que les Haras nationaux sont aujourd'hui soumis à un certain nombre de contraintes dont, en premier lieu, une pyramide des âges et une structure professionnelle extrêmement lourdes, qui tiennent, chacun le sait, au statut de la fonction publique. On ne maîtrise pas l'évolution d'une carrière ni sa durée. C'est la première charge qui pèse sur les Haras nationaux.

Vient, ensuite, l'entretien d'un patrimoine monumental exceptionnel et réparti dans la France entière. Au lieu d'incomber au ministère de la culture, cette charge a toujours été subventionnée - mal, à mon avis - par le ministère de l'agriculture et, en particulier, par les Haras, qui ont eux-mêmes assumé, au sein de leur propre budget, les dépenses afférentes.

M. Paul Raoult. Tout à fait !

M. Ambroise Dupont. Par ailleurs, depuis que leur budget a été fixé par contrat, voilà quatre ou cinq ans, il a plutôt été amputé qu'augmenté. Dès lors, l'on ne peut indéfiniment demander aux Haras de se transformer.

Certes, j'apprécie beaucoup que la réduction proposée dans cet amendement soit passée de 3 millions d'euros à 500 000 euros, monsieur le rapporteur spécial ; je salue ce bel effort. Cela étant dit, je me demande si le coup de semonce qu'a constitué votre rapport - étant donné le bruit que fait ce dernier dans notre Landerneau national, il va sûrement susciter des réflexions au sein des Haras nationaux - n'était pas suffisant et s'il était besoin de prévoir en plus une diminution de 500 000 euros des crédits.

M. Paul Raoult. C'est vrai !

M. Ambroise Dupont. Sans prolonger le débat, je voudrais insister sur le fait qu'il faut aider les Haras nationaux à retrouver ce qui, personnellement, me manque aujourd'hui, je veux parler de la dimension nationale de leur action.

Les Haras nationaux furent conçus, à l'origine, pour fournir des chevaux de guerre, puis des chevaux de travail, et ce pour tout le territoire. Or, de nos jours, cette dimension nationale a presque disparu ; il convient donc d'aider les Haras nationaux à la retrouver et, pour cela, plusieurs solutions existent.

Je pense, en premier lieu, aux métiers qu'ils connaissent bien. Nous sommes à une époque où les sociétés mères vont devoir abonder un fonds spécial pour l'achat d'étalons de compétition à destination des Haras nationaux qui, eux, ne disposent pas de l'argent nécessaire pour ce faire. Or, si l'on a des haras, mais pas d'étalons, alors il faut avoir le courage de dire qu'il s'agit ni plus ni moins d'un service administratif !

En revanche, si l'on considère que les Haras nationaux remplissent une fonction d'aménagement du territoire, d'entretien du territoire, il me semble que le moment est mal choisi pour procéder à une diminution des crédits qui leur sont alloués.

Je ne voudrais pas, monsieur le ministre, que le remède soit pire que le mal. En d'autres termes, il ne faudrait pas que les Haras nationaux en soient réduits à ne plus faire que du fonctionnement, au détriment de tout investissement.

J'entends déjà certains me rétorquer qu'il faut d'abord réfléchir à ce qu'ils ne font pas bien et à ce qu'ils devraient faire ! Je suis tout à fait d'accord sur ce point, et vous m'avez plusieurs fois entendu, chers collègues qui siégez avec moi au sein de la section « cheval » du groupe d'études de l'élevage, m'insurger contre le fait que les Haras nationaux n'avaient pas la dimension qui devrait leur revenir.

Le cheval a plusieurs dimensions dans notre pays, une dimension sociale, une dimension d'usage, une dimension d'environnement, une dimension de sécurité, qui peuvent toutes parfaitement être assumées par la filière, et c'est le rôle des Haras nationaux que de montrer comment on dresse des chevaux et de former les hommes pour s'en servir. À cet égard, ils ont toute leur place dans notre société aujourd'hui.

Voilà, monsieur le ministre, monsieur le président, ce que je voulais dire à propos des Haras nationaux à qui il faut aujourd'hui donner la chance d'évoluer une nouvelle fois !

M. Paul Raoult. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord féliciter Joël Bourdin pour la qualité tant de ses investigations que de son rapport, qui nous conduit à soulever de vraies questions.

Mes chers collègues, quelle est notre mission quand nous examinons le budget ? Cela consiste-t-il à faire des proclamations virtuelles ou à essayer de grappiller des lignes dans le Journal officiel pour satisfaire untel ou untel ? Cela ne devrait-il pas être, au contraire, l'occasion d'améliorer la gestion de l'État ? Ne devons-nous pas nous faire ici les contrôleurs de l'administration chargés de demander à celle-ci de faire des progrès en matière d'organisation et de gestion ?

Je pense, pour ma part, que les nombreux amendements présentés cette année par la commission des finances nous permettent de vraiment jouer le jeu de la loi organique.

Nous sommes tous, bien évidemment, convaincus des bienfaits de la filière « cheval », mon cher collègue Ambroise Dupont. Cela va de soi, même si la fédération est à la dérive et si les Haras nationaux doutent de leur stratégie et de leur avenir.

Ainsi, en termes d'aménagement du territoire, de patrimoine, de respect des traditions, d'animation de la vie rurale, nous ne pouvons bien entendu qu'être attachés à ce type d'activité.

Cela étant dit, faut-il, au nom de ce satisfecit général, dire amen à tout ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais non !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Joël Bourdin nous a expliqué que les Haras nationaux font face à trois problèmes : le statut, la stratégie et le mode de gestion.

Pour ce qui est du statut, nous sommes restés, monsieur le ministre, à mi-chemin en en faisant un établissement public administratif. On a ainsi personnalisé cet ancien service de l'État sans lui donner une autonomie de gestion suffisante ; d'ailleurs, le président de la commission des finances, Jean Arthuis, ainsi que le rapporteur spécial, Joël Bourdin, ont pu s'en rendre compte quand ils sont allés contrôler le mode d'encaissement de certains chèques au haras de Pompadour. Ce qu'ils ont constaté est proprement moyenâgeux, pour employer une expression imagée !

En effet, il est aujourd'hui absolument inadmissible, au sein d'un établissement public ayant la personnalité morale, de trouver des stocks de chèques qui attendent des mois avant d'être traités et encaissés. C'est quand même invraisemblable !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant de la stratégie des Haras nationaux, autrement dit leur rôle, est-on capable aujourd'hui de la définir clairement ?

Nous avons, certes, entendu, sous le mandat de la directrice générale, beaucoup de discours et de propos sur divers sujets, mais sur la stratégie, pardonnez-moi, rien de clair et de convaincant !

Le problème tient essentiellement à la mutation culturelle des Haras nationaux.

Ces derniers ont de tout temps été fort respectés grâce au professionnalisme des gardes, des agents et des cadres. Or, sincèrement, monsieur le ministre, si l'on regarde ce qu'il en est aujourd'hui - avec un oeil bienveillant comme le mien, tant il est vrai que ma région possède l'un des haras les plus remarquables -, sommes-nous encore au niveau de professionnalisme qui était traditionnellement reconnu à un tel établissement ?

Beaucoup en doutent parmi les utilisateurs ; beaucoup en doutent parmi les partenaires de la filière « cheval ».

Enfin, en ce qui concerne le mode de gestion, l'on peut avoir le sentiment que, là où existaient des chaînes de responsabilité claires, ont été mis en place des modes d'organisation beaucoup plus confus avec des cadres d'origines diverses et dont les compétences se chevauchent. (Rires.)

M. Jacques Blanc. Lapsus révélateur !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'était effectivement un lapsus, donc absolument pas prémédité, mais tout simplement révélateur, docteur Jacques Blanc ! (Sourires.)

L'amendement n° II- 8 rectifié a pour but de soulever ces questions de fond. Quant à la somme de 500 000 euros, sur le volume total du budget, il s'agit d'une piqûre somme toute assez bénigne.

J'évoquerai un tout dernier point, monsieur le ministre : les Haras nationaux vont devoir envisager leur avenir, et c'est maintenant que les choses se jouent. On peut être très attaché à ce patrimoine, d'autant plus qu'il est en danger. C'est la raison pour laquelle il est tout à fait souhaitable que nous parvenions à poser sur la table avec franchise les enjeux, la question des compétences, les relations des Haras avec les professionnels privés, et ce afin d'élaborer un plan qui se tienne.

Or, de ce point de vue, très sincèrement, le bilan de ces dernières années fait apparaître au minimum certaines lacunes.

C'est en vertu de cette analyse et confortés par le rapport de Joël Bourdin que nous nous permettons de présenter cet amendement, qui tend à réduire la subvention pour charges de service public des Haras nationaux pour un montant modéré, amendement sur lequel vous avez bien voulu, monsieur le ministre, émettre un avis de sagesse.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote.

M. Bernard Piras. Je souscris aux interrogations et aux souhaits de M. le rapporteur général.

Simplement, il ne saurait y avoir deux poids, deux mesures ! La même rigueur devrait être appliquée à tous les domaines. Or, s'agissant des retraites des fonctionnaires d'outre-mer, ce sont des sommes bien plus considérables qui ont été proposées dans cet hémicycle, et je m'étonne que M. le rapporteur spécial n'ait pas suivi l'avis du président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il l'a fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai signé et voté l'amendement.

M. Bernard Piras. Si vous le dites ! En tout cas, d'autres ne vous ont pas suivi. Nous non plus, puisque nous n'avons pas participé au vote.

Je tiens simplement à dire qu'il faut traiter l'ensemble des sujets avec la même rigueur, et pas simplement quand cela arrange les uns ou dérange les autres !

M. Michel Moreigne. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. Défendez les chevaux, mon cher collègue !

M. Paul Raoult. Si je comprends bien, il s'agit ici de réduire de 500 000 euros la subvention pour charges de service public destinée aux Haras nationaux à la suite d'un rapport de la commission des finances qui, j'en ai lu quelques échos dans la presse nationale, est très bien fait, ce dont je me réjouis, comme je me réjouis qu'un regard exercé ait été porté sur l'activité des Haras nationaux.

Cela étant dit, vouloir régler le sort des Haras nationaux, nuitamment, par le biais d'un amendement, me paraît vraiment indigne de notre assemblée.

Il conviendrait, selon moi, de soulever ce problème à l'occasion d'un autre débat pour savoir ce que deviendront demain les Haras nationaux et comment il conviendra de résoudre les difficultés qu'ils rencontreront.

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. Paul Raoult. Mais que l'on ne tente pas, à la sauvette, de régler le problème des Haras en diminuant de 500 000 euros les crédits qui leur sont alloués ! Cela me paraît vraiment dérisoire et la méthode employée est, je le répète, indigne de la façon dont la Haute Assemblée doit travailler.

Bien sûr, des problèmes se posent dans les Haras nationaux. Toutefois, quand je vois les sommes que consacrent les départements et les régions pour maintenir leurs haras là où ils se trouvent, ...

Mme Odette Herviaux. Et c'est autre chose que 500 000 euros !

M. Paul Raoult. ... pour sauvegarder la filière « cheval » dans notre pays, pour contribuer à l'aménagement du territoire et pour assurer le maintien du niveau génétique des différentes races - et je pourrais continuer cette énumération, comme l'a fait tout à l'heure l'un de mes collègues -, quand je vois tout cela, je comprends que la filière « cheval », qui connaît un véritable déclin pour de multiples raisons, doit être défendue coûte que coûte, ne serait-ce qu'au nom de la préservation de la biodiversité.

C'est pourquoi vouloir expédier le problème de fond de la gestion des Haras nationaux à la faveur d'un tel amendement de diminution de crédits ne me paraît pas correct !

Bien sûr, des questions se posent auxquelles il nous faut répondre, et le rapport est éloquent à cet égard, mais, pour ce faire, il serait bon de consacrer un moment, dans notre agenda parlementaire, afin que nous discutions de la manière de rendre la gestion des Haras plus efficace à l'avenir. Mais voter à cette heure tardive une diminution de la subvention pour charges de service public destinée aux Haras nationaux est tout simplement, j'insiste, indigne de notre assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mes chers collègues, « tout ce qui est excessif est insignifiant », je voudrais donc ramener ce débat à sa juste mesure.

Tout a été dit sur la question des Haras nationaux, et le rapport de M. le rapporteur spécial de la commission des affaires économiques a permis de jeter un éclairage sur un établissement public dont la gestion dispose de réelles marges de progression.

Monsieur Raoult, si les Haras nationaux voulaient bien porter à la banque les chèques qu'ils détiennent, cette réduction de crédits de 500 000 euros ne leur poserait aucun problème.

Joël Bourdin, Ambroise Dupont et moi-même avons constaté qu'à Pompadour une armoire contenait deux à trois mois de chèques non encaissés. Cette façon de procéder est déplorable ! La diminution de la subvention publique de 500 000 euros que nous proposons correspond à ce retard d'encaissement, et nous ne mettons donc en aucune façon en cause le sort des Haras nationaux, que cela soit bien clair.

Monsieur le ministre, peut-être faut-il que la feuille de route et les missions fixées aux Haras soient plus clairement définies ?

Si vous estimez que le siège des Haras nationaux doit se trouver à Pompadour, il faudra exiger alors que le directeur, ou la directrice, de cet établissement y exerce effectivement ses fonctions. Pendant plusieurs années, les Haras ont été obligés de louer des bureaux en région parisienne parce que leur directrice ne voulait pas résider à Pompadour, ce qui constitue une anomalie.

M. Bernard Piras. Il faut changer la direction des Haras !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, avec le président du conseil d'administration des Haras nationaux, vous devrez prendre une décision importante, c'est-à-dire trouver un successeur à la directrice de cet établissement. Je souhaite que vous nommiez à ce poste un véritable manager, c'est-à-dire quelqu'un qui puisse mobiliser les équipes des Haras nationaux, car à ce jour il n'a pas été démontré, me semble-t-il, que cet établissement disposait d'une telle compétence.

La réduction de la subvention publique constitue un signal adressé aux Haras nationaux. Ces 500 000 euros seront financés par l'encaissement des chèques qui restent enfermés dans les armoires de l'établissement, donnant l'image d'une gestion déplorable, où un comptable public - en vertu, semble-t-il, des instructions d'un trésorier-payeur général - n'a visiblement pas compris de quoi il retournait.

Je souhaite donc que les nouveaux dirigeants des Haras nationaux puissent faire prévaloir les principes d'une bonne gestion. Mes chers collègues, je n'en demande pas davantage, et la commission des finances est là dans son rôle, me semble-t-il.

L'examen des crédits par le Sénat n'est pas une formalité. Nous devons, tous ensemble, démontrer que le pouvoir est ici. Je vous invite donc à adopter cet amendement, pour lequel M. le ministre a souhaité s'en remettre à la sagesse du Sénat, ce dont je me réjouis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-8 rectifié.

M. Ambroise Dupont. Je m'abstiens !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-156 rectifié, présenté par MM. César,  Bailly,  J. Blanc,  Doublet et  Valade, Mmes Férat et  Lamure, MM. de Richemont,  Carle,  Pointereau,  Haenel,  Fournier et  Grignon et Mme Gousseau, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

Dont Titre 2

 

 

 

 

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

400.000 

 

400.000 

 

Forêt

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

 

400.000 

 

400.000 

TOTAL

400.000 

400.000 

400.000 

400.000 

SOLDE

0

0

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Le présent amendement a pour objet de réduire de 400 000 euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action n° 1 « Moyens de l'administration centrale » du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture ».

En contrepartie, il tend à abonder de 400 000 euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action n° 1 « Adaptation des filières à l'évolution des marchés » du programme 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés ».

La dotation de l'État au budget de l'INAO était initialement prévue dans le projet annuel de performance pour 2007 à hauteur de 14 516 000 euros, en diminution de 18 000 euros par rapport aux crédits inscrits au budget prévisionnel primitif de cet opérateur adopté en novembre 2005.

Pourtant, le nouvel institut prévu par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 doit accueillir, au 1er janvier 2007, le label rouge et l'agriculture biologique, tout en accompagnant les appellations d'origine dans une réforme profonde, à savoir, d'une part, la mise en place d'organismes de défense et de gestion, les ODG, ainsi que de structures de contrôle, et d'autre part, la refonte de l'ensemble des plans de contrôles.

Pour cette réforme, le Gouvernement prévoit d'ailleurs une période transitoire de dix-huit mois dans le projet d'ordonnance qui doit être présenté prochainement au conseil des ministres.

Monsieur le ministre, alerté sur cette situation, vous avez d'ores et déjà annoncé une majoration de 600 000 euros de la dotation à l'INAO, qui serait ainsi portée à 15 116 000 euros, en augmentation de 4 % par rapport à 2006.

Ce montant correspond à peu près aux charges relatives au label rouge et à l'agriculture biologique qui sont transférées du ministère à l'INAO, mais il ne couvre pas l'évolution de la masse salariale pour les personnels en poste, qui est d'environ 400 000 euros. Or un constat partagé a établi que l'INAO ne serait pas en mesure de redéployer des effectifs durant la période transitoire prévue par le projet d'ordonnance.

Mes chers collègues, l'augmentation de 400 000 euros des crédits de l'action n° 1 du programme 227 qui vous est proposée a pour objet de permettre à l'INAO de prendre en charge en 2007 ses nouvelles missions sans dégrader l'efficacité de son action en faveur des AOC, les appellations d'origine contrôlée, et des IGP, les indications géographiques protégées.

En tant que rapporteur de la loi d'orientation agricole, je confirme que nous avons confié par la loi à l'INAO de nouvelles tâches. Or, en bonne logique, à de nouvelles missions doivent correspondre des moyens financiers nouveaux, c'est-à-dire des crédits plus importants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Monsieur César, vous avez raison de rappeler que l'INAO jouera un rôle très important, comme l'a souhaité le Parlement lors du vote de la loi d'orientation agricole, car il constituera le nouvel institut de la qualité. Cet établissement doit avoir les moyens d'exercer ses missions, et par conséquent, comme vous l'avez souhaité, nous avons déjà redéployé à son profit 600 000 euros de crédits.

Vous nous proposez d'augmenter encore de 400 000 euros sa dotation. Or, en vertu de la loi organique sur les lois de finances, nous devons compenser cet abondement, c'est-à-dire prélever sur les crédits d'autres services du ministère, où une ponction aussi importante serait difficile.

Par conséquent, monsieur César, pour vous être agréable, et parce que vous avez raison sur le fond, je vous demande de bien vouloir rectifier votre amendement. En échange, j'accepterai une augmentation de la dotation de l'INAO limitée à 200 000 euros. Ainsi ferions-nous chacun un pas vers l'autre.

M. le président. Monsieur César, acceptez-vous la rectification proposée par M. le ministre ?

M. Gérard César. Tout à fait, monsieur le président. Une somme de 200 000 euros constitue un bon compromis entre zéro et 400 000 euros, me semble-t-il !

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre proposition, à titre personnel, au nom du groupe d'études de la viticulture de qualité du Sénat et au nom de l'INAO.

M. le président. Je suis donc saisi d'amendement n° II-156 rectifié bis, présenté par MM. César,  Bailly,  J. Blanc,  Doublet et  Valade, Mmes Férat et  Lamure, MM. de Richemont,  Carle,  Pointereau,  Haenel,  Fournier et  Grignon et Mme Gousseau, et qui est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

Dont Titre 2

 

 

 

 

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

200.000 

 

200.000 

 

Forêt

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

 

200.000 

 

200.000 

TOTAL

200.000 

200.000 

200.000 

200.000 

SOLDE

0

0

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-156 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » figurant à l'état B.

J'ai été saisi d'une demande d'explication de vote de la part de M. Bernard Piras.

Je rappelle que cette explication de vote vaut pour les deux missions que nous examinons.

La parole est donc à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculteur français d'aujourd'hui a bien du mal à se représenter son avenir dans un XXIe siècle placé sous le signe de la rupture avec le passé, de la globalisation, des mobilités accrues et de la mutation économique, démographique et sociologique des espaces ruraux.

La transformation est grande, et elle est rapide. Les agriculteurs de notre pays, qui sont de moins en moins nombreux, cherchent à ne pas perdre pied dans une Europe qui s'élargit à d'autres nations agricoles.

En même temps, nos agriculteurs s'inquiètent beaucoup de leur place dans une France décentralisée, où ils sont renvoyés chaque jour un peu plus vers des collectivités locales dont ils savent bien qu'elles seront, demain, leurs principales partenaires.

Ils sont pleinement conscients que le couple du productivisme et de la cogestion, qui fut le modèle de l'après-guerre et qui est cher à notre collègue Alain Vasselle, est à présent tout à fait usé. Il n'existe plus un seul modèle d'agriculture : celle-ci est fractionnée, comme la société est fragmentée.

La revendication écologique de nos concitoyens, les effets des pollutions sur la santé, l'essor de l'agriculture biologique, en contrepoint de l'évolution du génie génétique et des biotechnologies, ou encore les besoins en matière d'énergies renouvelables sont autant de demandes expresses et nouvelles adressées au monde agricole.

Dès lors, monsieur le ministre, quelle agriculture voulez-vous ? Une agriculture intensive, banalisée, exportatrice, dirigée par un nombre restreint d'entrepreneurs et qui soit à même de faire face à la concurrence internationale, en fonction d'une réglementation calquée sur la législation commerciale ? Ou une agriculture aménageuse du territoire, porteuse de qualité de vie et de production, une agriculture familiale qui permette l'installation d'un nombre significatif de paysans, ou en tout cas leur maintien ?

Le budget pour 2007 que vous nous proposez désavantage singulièrement les paysans - un terme que j'aime à employer - par rapport aux entrepreneurs.

Monsieur le ministre, ce n'est pas faute pour nous d'avoir tiré la sonnette d'alarme, à l'occasion, notamment, de l'examen des précédents budgets de l'agriculture ou de la loi d'orientation agricole. Toutefois, vous ne nous avez globalement proposé qu'une baisse des aides économiques, sans soutenir suffisamment le volet « aménagement et multifonctionnalité ».

La baisse de l'aide accordée aux zones défavorisées via les indemnités compensatoires de handicaps naturels ou les crédits dévolus aux CTE et aux CAD, les contrats territoriaux d'exploitation et les contrats d'agriculture durable, éclaire significativement votre politique. D'ailleurs, les mesures agro-environnementales en général sont maltraitées par votre budget, puisqu'elles diminuent de 400 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 450 millions d'euros en crédits de paiement.

Nous l'avons constaté, la mise en oeuvre des DPU, les droits à paiement unique, n'est pas de nature à rassurer ceux, les plus nombreux, qui peinaient déjà à subsister et qui reçoivent désormais des soutiens publics figés en fonction d'une situation historique.

Quant à l'installation des agriculteurs, l'enveloppe prévue pour la DJA, la dotation aux jeunes agriculteurs, ne permet pas d'être optimiste, eu égard aux facteurs de plus en plus nombreux qui dissuadent les jeunes d'exercer ce métier. Ce problème doit d'ailleurs être mis en perspective avec le désengagement de l'État en matière de prêts bonifiés.

Mes chers collègues, je n'évoquerai pas la baisse des crédits des offices, sauf pour indiquer qu'elle s'ajoute aux réductions successives des années précédentes.

Enfin, monsieur le ministre, le geste symbolique que vous avez adressé aux retraités agricoles est appréciable, mais il n'est à la hauteur ni des besoins ni de l'effort accompli sous la précédente législature.

Pour conclure, je ne parviens toujours pas à comprendre que le contrat direct entre les pouvoirs publics et l'agriculteur, un outil innovant qui prend en compte tous les aspects de l'activité des exploitations agricoles, soit à ce point mésestimé par la majorité actuelle.

Nous avions besoin d'un minimum de stabilité institutionnelle. Pourtant, au lieu de capitaliser sur l'avance que nous avions prise en matière de développement durable, nous avons marqué le pas dans ce processus et nous menons aujourd'hui une politique d'accompagnement plutôt que d'innovation.

La France a défini une stratégie nationale du développement durable sur un plan théorique, mais celle-ci a bien du mal à se traduire dans les faits, en particulier dans ce budget que, par conséquent, nous ne voterons pas.

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d'affectation spéciale : « Développement agricole et rural » figurant à l'état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Développement agricole et rural

98 000 000

98 000 000

Développement agricole et rural pluriannuel

87 950 000

87 950 000

Innovation et partenariat

10 050 000

10 050 000

M. le président. Je mets aux voix les crédits du compte d'affectation spéciale : « Développement agricole et rural ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 41 et 41 bis ainsi que les amendements tendant à insérer un article additionnel, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Article 34 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article additionnel après l'article 41

Article 41

Dans le deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : « pour 2006, à 2 % » sont remplacés par les mots : « pour 2007, à 1,8 % ».

M. le président. L'amendement n° II-121 rectifié, présenté par MM. J. Blanc,  Trillard et  César, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : « au double » sont remplacés par les mots : « au triple ».

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Cet amendement vise à résoudre un problème auquel sont confrontées les chambres d'agriculture.

L'assiette de la taxe pour frais de chambres d'agriculture est très basse et son taux varie de un à six selon les départements. Le deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural autorise les chambres départementales à augmenter le produit de cette taxe de 1,8 % au plus en 2007.

À titre exceptionnel, le ministre chargé de l'agriculture peut autoriser une chambre départementale d'agriculture, compte tenu de sa situation financière, ainsi que des actions nouvelles mises en oeuvre ou des investissements réalisés dans le cadre de conventions conclues avec l'État, à majorer cette augmentation.

Cette majoration exceptionnelle peut également être demandée l'année du renouvellement des membres des chambres d'agriculture, conformément à l'article L. 511-7 du code rural. Toutefois, elle ne peut être supérieure au double de l'augmentation fixée en application du deuxième alinéa de l'article L. 514-1.

Cet amendement vise à donner la possibilité aux chambres d'agriculture qui ont l'assiette de taxe la plus faible de tripler le taux d'imposition. Je ne propose pas cette mesure de gaieté de coeur, mais il faut savoir que, pour un département comme celui de la Lozère, la prise en charge du renouvellement des élections de la chambre d'agriculture a un coût. De surcroît, c'est à titre exceptionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Il est vrai que la situation financière des chambres d'agriculture diffère d'un département à l'autre.

Dans un département comme le vôtre, qui est certes petit, mais magnifique, monsieur Blanc, la base historique de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, qui est la même que celle sur laquelle est assise la taxe dont nous parlons, est plus faible qu'ailleurs.

Cela étant, l'adoption de cet amendement entraînerait des prélèvements obligatoires supplémentaires à un moment où le Gouvernement entend les limiter.

Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La sagesse me paraît être une bonne idée, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-121 rectifié.

M. Gérard Le Cam. Le groupe CRC s'abstient !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-154 rectifié, présenté par MM. César,  Bailly,  Mortemousque et  Revet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les droits et obligations du service d'utilité agricole inter-chambres d'agriculture relatifs au Fonds de garantie viagère sont transférés à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Dans la suite de la loi d'orientation agricole, l'ordonnance du 2 octobre 2006 réforme l'organisation et le fonctionnement des chambres d'agriculture. Elle conduit notamment à la suppression des services d'utilité agricoles, SUA, ainsi que des services d'utilité agricoles inter-chambres d'agriculture, SUAIA.

Or cette structure juridique a été retenue comme support d'un fonds de garantie viagère. Pour assurer la continuité de ce service et garantir le respect des engagements pris, il convient de transférer les droits et obligations de ce fonds à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission souhaite, là encore, connaître l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Avis favorable.

M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Avis favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-154 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 41, modifié.

(L'article 41 est adopté.)

Article 41
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 41 bis

Article additionnel après l'article 41

M. le président. L'amendement n° II-229, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les articles 564 ter, 564 quater, 564 quater A et 1698 ter du code général des impôts sont abrogés.

II. - Après l'article L. 621-12 du code rural, il est inséré un article L. 621-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L.621-12-1. - I.- L'office national interprofessionnel des grandes cultures est chargé du recouvrement des droits divers prévus dans le règlement (CE) n° 318/2006 du Conseil du 20 février 2006 portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre. Les sommes recouvrées sont reversées à l'État.

« II. - L'office national interprofessionnel des grandes cultures est chargé du recouvrement des droits divers prévus dans le règlement (CE) n° 320/2006 du Conseil du 20 février 2006 portant restructuration de l'industrie sucrière européenne. Les sommes recouvrées constituent des recettes affectées du fonds européen agricole de garantie.

« III. - Les droits divers perçus au titre des I et II sont constatés et recouvrés selon les procédures et sous le bénéfice des privilèges et sûretés prévus en matière de contributions indirectes. Les infractions sont constatées et poursuivies dans les mêmes conditions ».

La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre. L'Union européenne a accepté l'année dernière la réforme de l'OCM-sucre, qui prévoit de nouveaux prélèvements dans le cadre de la gestion des quotas. C'est à l'Office national interprofessionnel des grandes cultures qu'il appartient de le faire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je profite de l'examen de cet amendement, que je voterai, pour dénoncer tous les prélèvements effectués dans le cadre de la nouvelle OCM-sucre. La profession accepte ces prélèvements, mais il faudrait qu'ils fassent l'objet d'une compensation.

M. François Autain. Ah, la compensation !

M. Alain Vasselle. Aujourd'hui, la situation est à peu près satisfaisante, mais nous savons qu'elle est appelée à se dégrader. Si un fonds interprofessionnel existait, il permettrait, le moment venu, de venir au secours de cette filière.

Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre sur ce sujet, car, si nous n'y prenons garde, les betteraviers risquent de connaître rapidement des années extrêmement difficiles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-229.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41.

Article additionnel après l'article 41
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Articles additionnels après l'article 41 bis

Article 41 bis

Le V de l'article 25 de loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005  de finances rectificative pour 2005 est ainsi rédigé :

« V. - Le tarif de la taxe est fixé, par 100 kilogrammes de lait, à 28,54 € pour la campagne 2006-2007 et à 27,83 € pour les campagnes suivantes. »  - (Adopté.)

Article 41 bis
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Sécurité sanitaire

Articles additionnels après l'article 41 bis

M. le président. L'amendement n° II-76 rectifié bis, présenté par MM. Gaillard,  Leroy,  Poniatowski,  Nachbar et  Amoudry, Mme Férat, MM. Bailly,  Mortemousque,  du Luart,  J. Blanc,  Gerbaud,  Fournier,  Biwer,  César,  Grillot,  Longuet,  Vasselle,  de Richemont,  Guené,  Pierre,  Jarlier,  Sido,  Retailleau,  Fortassin,  Merceron et  Darniche et Mme Payet, est ainsi libellé :

Après l'article 41 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La première phrase du VI de l'article 9 de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt est ainsi rédigée : « Il est créé un Fonds d'épargne forestière destiné aux collectivités territoriales, aux syndicats intercommunaux de gestion forestière, aux syndicats mixtes de gestion forestière, aux groupements syndicaux forestiers et aux sections de communes, propriétaires de forêts, qui décident de déposer des ressources de ventes de bois ou d'autres produits de leurs forêts sur un compte individualisé. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État de l'extension du dispositif de financement de l'investissement forestier prévue au I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits fixés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° II-75 rectifié bis, présenté par MM. Gaillard,  Leroy,  Poniatowski,  Nachbar et  Amoudry, Mme Férat, MM. Bailly,  Mortemousque,  du Luart,  J. Blanc,  Gerbaud,  Fournier,  Biwer,  César,  Grillot,  Longuet,  Vasselle,  de Richemont,  Guené,  Pierre,  Jarlier,  Sido,  Retailleau,  Fortassin,  Merceron et  Darniche et Mme Payet, est ainsi libellé :

Après l'article 41 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le début du V de l'article L. 1618-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« V. - Les collectivités territoriales, les syndicats intercommunaux de gestion forestière, les syndicats mixtes de gestion forestière, les groupements syndicaux forestiers et les sections de communes peuvent déposer des ressources de ventes de bois ou d'autres produits de leurs forêts sur un compte ... (le reste sans changement). »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits fixés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Yann Gaillard, pour présenter ces amendements.

M. Yann Gaillard. L'amendement n° 76 rectifié bis vise à modifier la loi d'orientation sur la forêt de 2001 et l'amendement n° 75 rectifié bis tend à modifier le code général des collectivités territoriales.

Ces deux amendements ont pour objet de faire profiter du Fonds d'épargne forestière un certain nombre de groupements de gestion de propriétés forestières publiques à égalité avec les collectivités territoriales que sont les communes.

M. Alain Vasselle. Excellents amendements !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur ces deux amendements, et il lève le gage.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 76 rectifié ter et de l'amendement n° 75 rectifié ter.

Je mets aux voix l'amendement n° II-76 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 bis.

Je mets aux voix l'amendement n° II-75 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 bis.

L'amendement n° II-193 rectifié, présenté par M. César, est ainsi libellé :

Après l'article 41 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La garantie de l'État peut être accordée aux emprunts que pourraient contracter la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, le Centre national des jeunes agriculteurs et la Fédération nationale bovine, dans la limite respectivement de douze millions cent soixante et onze mille euros, de six cent quatre-vingt-douze mille euros et de un million six cent vingt-neuf mille euros.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Afin d'aider trois organisations professionnelles agricoles qui pourraient se trouver dans une situation financière difficile, ce qui provoquerait un bouleversement de l'agriculture française, cet amendement vise à autoriser l'État à garantir éventuellement les emprunts qu'elles contractent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. L'adoption de cet amendement entraînerait une dépense supplémentaire. La commission souhaite donc avoir l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-193 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 bis.

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » et des crédits du compte d'affectation spéciale : « Développement agricole et rural ».

Sécurité sanitaire

Articles additionnels après l'article 41 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 34 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » (et article 52).

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à cette heure tardive, je vous présenterai rapidement mes remarques essentielles, vous renvoyant au rapport écrit que j'ai rédigé au nom de la commission des finances sur la mission « Sécurité sanitaire ».

Ma première remarque a trait au respect de ce qui constitue désormais notre architecture budgétaire, la LOLF. C'est pour moi l'occasion de relever quelques motifs de satisfaction. Ainsi, des progrès ont été accomplis dans la justification au premier euro. Des améliorations sont également à relever s'agissant du calcul des équivalents temps plein travaillés.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Cela commence bien !

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. En ce qui concerne les indicateurs de performance, qui sont, nous le savons, difficilement lisibles, il faut poursuivre les efforts entrepris.

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous ferons mieux l'an prochain !

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Je vous fais confiance, monsieur le ministre.

Les véritables difficultés tiennent, je l'ai déjà souligné l'année dernière, au caractère particulièrement lacunaire de la dimension interministérielle, à la cartographie des budgets opérationnels de programme, à l'insuffisance du dialogue de gestion, à l'exécution de la dépense, qui n'est pas simplifiée, notamment pour le programme « Veille et sécurité sanitaires ». Ce dernier point ne répond pas à la recommandation de « créer une action support dans chaque programme pour y imputer les actions indivises ».

Les crédits de personnels sont inscrits en dehors de la mission, ce qui n'est pas du tout dans l'esprit de la LOLF. La responsabilité de la conduite des programmes - critère lolfien par excellence ! - s'en trouve très gravement altérée.

Je fais miennes les remarques générales qu'ont formulées nos collègues Alain Lambert et Didier Migaud dans leur excellent rapport sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances et les difficultés à la respecter dans la préparation du budget pour 2007.

La deuxième remarque porte sur le paysage toujours complexe des opérateurs qui oeuvrent dans cette mission. Deux d'entre eux n'ont toujours pas de contrat d'objectifs et de moyens : l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFFSA, devrait en signer un de façon imminente avec ses tutelles ; le contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, est en cours d'élaboration.

Je consacre un long développement à l'AFSSET dans mon rapport, pour constater que cette agence est pénalisée par une absence de coordination interministérielle. Sa tutelle relève en effet de trois ministères : le ministère de l'écologie et du développement durable, le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, et le ministère de la santé et des solidarités. Elle ne dispose pas des moyens destinés à lui permettre d'exercer sa fonction de « tête de réseau ».

J'en veux pour preuve la mollesse de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable, samedi soir, quand il s'est agi, lors de l'examen de la mission « Écologie et développement durable », de s'opposer à l'amendement de Fabienne Keller, qui visait à retirer à l'AFSSET 500 000 euros pour boucher un trou dans le budget du ministère de l'écologie.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. L'interministérialité n'a pas joué, faute d'arbitrage, alors que le ministère de l'emploi a conforté les missions de l'AFSSET, qui, je le rappelle, ont trait aux enjeux climatiques dont les répercussions sur la santé sont prévisibles.

M. Xavier Bertrand, ministre. La canicule !

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Un lien existe entre environnement et santé, c'est évident.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est pour cela que je m'intéresse à l'AFFSET !

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Je trouve dommage que le Gouvernement n'assume pas cette mission interministérielle jusqu'au bout. Ce n'est pas sérieux !

Pour ce qui concerne le paysage complexe des opérateurs, monsieur le ministre, vous semblez avoir tenu compte des remarques que j'ai formulées l'année dernière, puisque vous avez commandé un rapport au professeur Jean-François Girard. Celui-ci propose notamment de regrouper ces sept agences en trois pôles. Peut-être nous donnerez-vous des précisions sur les suites que vous entendez donner à ce rapport, monsieur le ministre.

Ma troisième remarque a trait au financement du plan de pandémie grippale. J'ai rendu compte à la commission des finances et au Sénat de la mission de contrôle que j'ai effectuée au printemps dernier sur l'exécution de ce plan.

La part du financement de l'État est réduite. Le problème de l'inconstitutionnalité du fonds de concours a été réglé par la création d'un établissement public administratif, le fonds de prévention des risques sanitaires, mais les problèmes demeurent.

Vous vous étiez engagé à ce que l'État verse 177 millions d'euros. Le décret d'avance, reporté sur 2006, vise 150 millions d'euros. Le solde de l'État ne figure pas au programme. Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que vous attendiez un chiffrage que vous avez commandé à l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, au sujet des besoins supplémentaires pour le plan de lutte contre la pandémie grippale. À ce jour, je n'ai pu obtenir le résultat de ce chiffrage. Pourriez-vous nous donner des informations sur ce point ? Selon mes estimations, les besoins complémentaires seraient bien supérieurs aux 27 millions d'euros qui manquent et seraient plutôt de l'ordre de 400 à 600 millions d'euros. Peut-être me démentirez-vous.

S'agissant du montant de la contribution de l'assurance maladie, aux termes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, ce fonds s'élève à 175 millions d'euros, dont le contributeur unique serait l'assurance maladie. N'est-ce pas totalement contradictoire avec la volonté du Sénat qui, sur l'initiative de la commission des affaires sociales, a limité à 50 % des dépenses du fonds la participation de l'assurance maladie ? Cette interrogation n'est toujours pas levée. Il s'agit, pour moi, d'un problème de fond par rapport à une politique de santé publique qu'il appartient à l'État de mener à bien et qui fait partie de ses fonctions régaliennes.

En ce qui concerne les équivalents temps plein travaillés rémunérés par les opérateurs hors plafond d'emploi du ministère de la santé, en 2007, 23 postes supplémentaires sont prévus. Cependant, je relève une anomalie quant à la dotation de l'Institut de veille sanitaire, l'InVS. Son contrat d'objectifs prévoit qu'il devrait bénéficier de 152 postes supplémentaires sur quatre ans alors qu'il ne pourrait en recruter que 9 en 2007. C'est une curieuse manière de reporter la charge des emplois au-delà de 2007. J'aurais préféré que l'État fasse un effort linéaire. C'est l'objet d'un amendement que je présenterai lors de l'examen des crédits.

Quant à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, qui finance de plus en plus ses missions par la création de taxes affectées, nous y reviendrons lors de l'examen d'un amendement déposé sur l'article 52.

Monsieur le ministre de l'agriculture, je souhaite terminer mon propos en disant quelques mots sur la réforme du service public d'équarrissage, qui a fait l'objet d'un débat au Sénat à la suite du contrôle de la Cour des comptes. Mais les objectifs fixés relatifs à l'organisation de la concurrence et au financement de ce service, qui demeure aléatoire, n'ont toujours pas été atteints. Une fois encore, un nouveau relèvement de la taxe d'abattage me semble inexorable.

En conclusion, je m'interroge sur le caractère factice, artificiel de cette mission, qui fait partie des huit missions interministérielles, tant que l'État ne réformera pas profondément son architecture afin de mener à bien, à l'avenir, cette politique publique pourtant essentielle. Or, l'objet de la LOLF est de faire en sorte que l'État parvienne à se réformer en profondeur. Pour l'instant, tel n'est pas le cas. Cette mission n'a d'interministérielle que l'appellation ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis.

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, sur ma proposition, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable aux crédits demandés pour 2007 au titre de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire », ainsi qu'à l'article 52 rattaché, sous réserve de deux amendements que je vous exposerai ultérieurement.

Cependant, le débat fut animé lors des travaux de la commission. Nous sommes évidemment convaincus de la nécessité de garantir la sécurité sanitaire. À cet égard, nous saluons le travail de surveillance, d'analyse, de préparation et de gestion des situations de crise accompli tant par les services de l'État, que par le réseau des agences sanitaires.

Je relève aussi, avec satisfaction, que bien des observations de parlementaires et de moi-même, dans mon avis budgétaire de l'an dernier, ont été prises en compte.

Mais nous constatons les effets produits par toutes ces mesures sur le terrain à l'égard des producteurs et des acteurs économiques. Mes chers collègues, messieurs les ministres, m'ont donc chargé de vous interroger sur quatre points particuliers.

D'abord, nous pensons que l'application excessive du principe de précaution ne doit pas venir bouleverser les filières économiques. Leur activité est exercée de manière responsable et, quels que soient les besoins de la sécurité sanitaire, il ne faut pas exagérer la suspicion à leur encontre.

Il ne faut pas non plus, dans notre pays de haute et ancienne tradition gastronomique, que la politique de sécurité alimentaire entraîne une aseptisation de l'alimentation qui conduirait à son affadissement, en particulier dans la restauration collective.

La commission des affaires économiques souhaite également que les normes et interdictions imposées par l'État soient similaires à celles qui sont appliquées dans le reste de l'Union européenne. Je pense, en particulier, à la gestion de la fièvre catarrhale ovine et bovine dans les départements du nord de la France.

Enfin, il faudrait aider les filières professionnelles à mieux faire de la sécurité sanitaire des produits français un puissant argument de vente auprès du public. Le nombre et la qualité des contrôles auxquels sont soumis les produits alimentaires dans notre pays les classent parmi les plus sûrs du monde. Il faut que le consommateur le sache et en soit convaincu !

Au-delà de ces quatre questions générales, messieurs les ministres, quatre points ont suscité la perplexité de la commission des affaires économiques, lorsque je lui ai présenté les deux programmes de la mission budgétaire.

Premièrement, nous rencontrons des difficultés eu égard aux dépenses en personnel, difficultés qui interdisent d'apprécier correctement, en termes de contrôle de gestion, le coût exact de la mission.

Monsieur le ministre de la santé, quelle solution entendez-vous trouver pour permettre, conformément aux préconisations de MM. Alain Lambert et Didier Migaud, la création, dans le programme « Veille et sécurité sanitaires », d'une action support pour y imputer les actions indivises, au nombre desquelles figurent les charges de personnel ?

Par ailleurs, la participation des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, au contrôle de la sécurité et de la qualité sanitaires de l'alimentation, que l'on sait importante, ne fait toujours l'objet d'aucune évaluation. Peut-on espérer, monsieur le ministre de l'agriculture, que les indications chiffrées permettant d'apprécier le niveau de ce concours de la DGCCRF sera indiqué dans le prochain projet annuel de performances pour 2008 ?

J'en viens, deuxièmement, aux fonds de concours. Si la commission des affaires économiques n'en conteste pas le principe, elle regrette que le PAP ne donne aucune explication ni sur leur origine ni sur leur affectation. Pour une meilleure information du Parlement, pouvez-vous nous assurer, messieurs les ministres, que ces explications figureront désormais dans le PAP de la mission ?

Troisièmement, je m'interroge sur le financement des dépenses de fonctionnement des cinq organismes spécialisés dans la veille et la sécurité sanitaires par des prélèvements sur leurs fonds de roulement. Ce mécanisme malsain altère la lisibilité du budget et la compréhension de ses évolutions. Aussi, la commission des affaires économiques souhaite-t-elle que les contrats d'objectif et de moyens que les agences vont signer avec leur tutelle prévoient des financements réguliers et orthodoxes. Pouvez-vous, monsieur le ministre de la santé, vous engager sur ce point ?

Enfin, quatrièmement, ayant cette année consacré mon rapport pour avis, en tant que président de la section « Fruits et légumes » du groupe d'études du Sénat sur l'économie agricole et alimentaire, aux impacts budgétaires de la lutte phytosanitaire, j'ai constaté que les trois textes réglementaires nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 36 de la loi relative au développement des territoires ruraux, dite « loi DTR », n'étaient toujours pas parus, plus de vingt mois après la promulgation de la loi !

Faute de décret, le dispositif législatif voté par le Parlement au mois de février 2005 n'est pas appliqué. Ce retard étant gravement préjudiciable à la lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux et, plus globalement, à l'activité agricole dans son ensemble, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre de l'agriculture, quand les mesures réglementaires attendues pourront être publiées. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je remercie ma collègue de la commission des finances dont la présentation très complète me permet de ne pas entrer dans le détail du programme « Veille et sécurité sanitaires », auquel la commission des affaires sociales a limité sa saisine afin de suivre uniquement les actions relevant du ministère de la santé et des solidarités. J'organiserai donc mon intervention autour de trois points, qui me paraissent devoir faire l'objet d'une attention particulière.

Le premier d'entre eux porte sur le financement des plans de réponse aux urgences sanitaires qui confirme la montée en puissance de l'assurance maladie dans leur prise en charge.

Pour illustrer mon propos, je reviendrai sur les modalités de financement imaginées pour le nouveau Fonds de prévention des risques sanitaires, destiné à remplacer le fonds Biotox créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Ce fonds assumera les dépenses nécessaires à la lutte contre la grippe aviaire et contre le bioterrorisme.

Comme l'a souligné le rapporteur spécial, selon la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, les recettes dudit fonds devaient initialement être constituées d'une contribution annuelle à la charge de l'assurance maladie - à hauteur de 175 millions d'euros en 2007 - et d'une subvention non obligatoire de l'État, qui n'est d'ailleurs pas prévue cette année dans le cadre du projet de loi de finances que nous examinons.

La commission des affaires sociales a estimé regrettable que l'État se désengage du financement de mesures qui ressortissent typiquement à ses missions régaliennes. Elle a donc proposé, et obtenu, que l'État participe obligatoirement à la moitié des recettes du fonds. Il conviendra donc, monsieur le ministre, d'inscrire ces crédits, au plus tard, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2007.

Le deuxième point que je désire aborder concerne l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS.

Cette agence a été au centre des travaux de la mission d'information de la commission des affaires sociales sur la politique du médicament, que j'avais l'honneur de présider. Dans ce cadre, nous avons émis de vives critiques sur l'indépendance de son expertise externe et sur la transparence de ses travaux.

Je voudrais ce soir saluer les efforts entrepris par cette agence, depuis plusieurs mois, pour corriger le défaut constaté. De réels progrès ont, en effet, été accomplis non seulement pour mieux connaître et contrôler les conflits d'intérêt existant entre les experts et l'industrie pharmaceutique, mais aussi pour rendre accessibles au public les comptes rendus des réunions de l'Agence.

Je souhaite que cette évolution se confirme dans les mois à venir, en particulier grâce à l'application de l'ensemble des dispositions de la directive européenne du 31 mars 2004, dont, monsieur le ministre, nous attendons la transposition.

Enfin, la commission des affaires sociales s'est interrogée sur la complexité des structures chargées de la gestion des produits sanguins.

Trois établissements se partagent aujourd'hui des missions dans ce domaine : l'Établissement français du sang, l'EFS, qui est l'opérateur unique des activités de transfusion et de distribution des produits sanguins sur le territoire national, l'Institut national de la transfusion sanguine, l'INTS, chargé d'une mission de formation universitaire et de recherche, et le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, seul habilité à produire des médicaments dérivés du plasma.

Ce dernier opérateur a vocation à fonctionner comme un laboratoire pharmaceutique indépendant, bien qu'il assure la mission de santé publique consistant à fournir les établissements de santé en médicaments de ce type. Or, tel n'est pas exactement le cas de l'EFS et de l'INTS. De fait, l'Institut national de la transfusion sanguine est financé aux deux tiers par l'assurance maladie et par l'Établissement français du sang. On comprend donc mal ce qui empêche celui-ci d'intégrer en son sein les activités de l'INTS.

Une réforme de ce type éviterait une déperdition d'énergie et de moyens dans le domaine de la gestion des produits sanguins. Elle obligerait toutefois l'État à s'investir à nouveau dans le financement de l'Établissement français du sang, alors que l'on observe, depuis quelques années, une tendance inverse, qui aboutit, dans le présent projet de loi de finances, à un total désengagement financier.

La commission des affaires sociales a déjà critiqué ce fait et le déplore encore, estimant qu'à tout le moins l'État doit assurer la prise en charge des contentieux transfusionnels gérés par l'Établissement français du sang, dont le coût sera l'an prochain compensé par une augmentation des prix, déjà élevés, des produits sanguins labiles, et donc, indirectement, mis à la charge de l'assurance maladie.

Sous réserve de ces quelques observations, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Veille et sécurité sanitaires » de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 10 minutes ;

Groupe socialiste, 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crises sanitaires successives de ces dernières années, notamment les récentes épidémies de grippe aviaire, de SRAS et de chikungunya, ainsi que les maladies nosocomiales ont montré l'urgence de renforcer la sécurité sanitaire.

M. Xavier Bertrand, ministre. N'oubliez pas la dengue !

Mme Patricia Schillinger. Effectivement, monsieur le ministre !

Aujourd'hui et plus que jamais, la sécurité sanitaire constitue un problème majeur de santé publique à l'échelon mondial et doit être une priorité politique. Nous devons tous, en permanence, rester vigilants face au SRAS, au H5N1, aux risques inhérents au bioterrorisme et aussi à l'apparition d'une tuberculose multirésistante.

Notre dispositif de veille doit pouvoir contrôler constamment l'apparition, la mutation et la diffusion des nouvelles épidémies, et, pour ce faire, définir des priorités et établir des ponts entre les surveillances humaine, animale et végétale. Le véritable défi qui s'impose à nous est d'assurer à la fois une coopération efficace entre les institutions et une collaboration entre l'organisation administrative et universitaire de la recherche.

En France, l'affaire du sang contaminé, la crise dite de la « vache folle » et, plus récemment, la canicule de l'été 2003 ont eu pour conséquences de convaincre les pouvoirs publics de créer un « système » de sécurité sanitaire structuré autour de plusieurs agences. Malheureusement, de nombreux rapports dénoncent aujourd'hui ce système et la multiplication des agences sanitaires : mises en place progressivement et sans réelle stratégie d'ensemble, celles-ci se confondent par la diversité de leurs missions, leur mode d'organisation et leur fonctionnement.

Dans le rapport publié en août dernier qu'il a cosigné, M. Jean-François Girard évoque un dispositif « relativement confus, dans lequel le nombre d'interfaces a augmenté de façon considérable ». Il ajoute que la multitude d'intervenants et le « manque de liens opérationnels entre les agences nuisent en outre considérablement à l'efficacité du dispositif global. »

La complexité de ces structures nuit à la clarté des budgets et s'avère coûteuse en raison des nombreux doublons financiers.

Dans ses grandes tendances, le budget de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2007 est en augmentation de plus de 3 %, ce qui est évidemment satisfaisant. Pourtant, en y regardant de plus près, la situation est beaucoup plus discutable et difficilement acceptable, car des moyens sont véritablement en baisse, notamment ceux qui sont accordés à I'InVS, à l'AFSSET et à l'AFSSAPS.

Pour certaines agences sanitaires, en particulier l'AFSSA et l'AFSSET, le financement est éclaté entre les programmes de plusieurs missions.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est la LOLF !

Mme Patricia Schillinger. Il devient donc difficile d'identifier clairement les crédits.

Pour l'AFSSET, la baisse de près de 29 % de la subvention versée est préoccupante, à l'heure où son renforcement devrait, bien au contraire, être une priorité. Cette agence ne bénéficie d'aucun poste supplémentaire pour 2007, alors que l'insuffisance de nombreux emplois de personnel technique et administratif est toujours à déplorer.

Concernant l'AFSSAPS, le financement pose problème, car c'est essentiellement l'industrie pharmaceutique qui le prend en charge. Il est légitime de s'interroger, comme le fait la mission d'information du Sénat, sur cette dépendance et sur ses incidences quant à la transparence, la qualité et la rigueur scientifique attendue de cette agence. Ces interrogations sont encore renforcées par la diminution prévue des crédits et par la nouvelle politique du médicament. Le risque est grand de voir apparaître des médicaments de qualité médiocre, sans réel apport thérapeutique, mais qui permettront à certains laboratoires d'engranger des profits importants.

Quant à l'Agence de la biomédecine, nous ne pouvons que dénoncer un manque de moyens au regard de ses nouvelles missions. Selon sa directrice générale, Mme Carine Camby, il est très probable que les sept emplois supplémentaires accordés, sur les dix-huit initialement demandés, ne suffiront pas à faire face à la quantité de travail, ce qui obligera cette agence à décaler dans le temps certaines de ses missions. Dans le contexte actuel, il est nécessaire de mettre en place des structures pérennes, pour relancer la promotion des dons, et d'y affecter des moyens budgétaires importants.

Je mentionne également la diminution sensible des crédits consacrés à l'action n° 3 « Production et mise en oeuvre de règles, de recommandations, de décisions et autres dispositifs » du programme « Veille et sécurité sanitaires ». Or, comment parvenir à renforcer la veille si les moyens nécessaires à cet effet ne sont pas débloqués ?

Par ailleurs, je souhaite évoquer la situation des médecins inspecteurs de santé publique, qui, je le rappelle, jouent un rôle crucial en termes de santé publique, puisqu'ils ont pour mission principale d'assurer la veille épidémiologique sur le territoire et l'application des réglementations sanitaires. Au regard des sous-effectifs malheureusement constatés, il devient urgent de renforcer leurs moyens.

Je terminerai mon propos en insistant sur l'importance d'assurer, en matière de sécurité sanitaire, une meilleure articulation entre les systèmes français et européen. En effet, Mme Catherine Geslain-Lanéelle, directrice exécutive de l'EFSA, l'Agence européenne de sécurité des aliments, a confirmé la nécessité de renforcer la coordination européenne entre les agences sanitaires des différents États membres. À mon sens, il nous faut oeuvrer au plus vite, car le risque sanitaire est présent et ignore les frontières. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Barraux.

M. Bernard Barraux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » est composée de deux programmes bien définis, mais d'inégale importance : le programme « Veille et sécurité sanitaires » incombe à la direction générale de la santé du ministère de la santé et des solidarités ; le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » vise à contribuer à l'amélioration de la qualité sanitaire des productions agricoles et de la santé des consommateurs, et est mis en oeuvre sous l'égide de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture.

Les moyens affectés à ces deux programmes s'inscrivent globalement dans la continuité des priorités fixées les années précédentes. Les réformes engagées demandent, plus que jamais, à être poursuivies et menées à terme pour, d'une part, assurer une meilleure réactivité face aux crises sanitaires, et d'autre part, renforcer la veille et le suivi tout en maintenant une expertise de qualité dans un domaine qui suscite une attention croissante de la part des citoyens.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP, auquel je suis rattaché, apportera bien sûr son entier soutien à ce projet de budget.

S'agissant tout particulièrement du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », l'ensemble des crédits de paiement pour 2007 est en progression de 3,26 %. Cet effort bienvenu mérite d'être salué ! Il bénéficiera à la filière, comme d'ailleurs à l'ensemble de la collectivité nationale.

Les priorités fixées pour l'année prochaine portent sur la lutte contre les maladies animales et sur la prévention et la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires. Elles ont été définies en tenant compte des besoins nouveaux en matière de santé animale apparus au cours de l'année 2006 ou anticipés sur 2007, ainsi que des nouvelles réglementations à appliquer.

Au cours de la dernière décennie, l'ensemble des productions animales a été touché par des crises sanitaires majeures. Dans la quasi-totalité des situations, elles ont eu pour origine des contaminations extérieures aux élevages, que les mesures d'hygiène et de prévention déclinées par tous les éleveurs n'ont pas permis d'éviter. Ces risques sanitaires, accentués par l'augmentation des échanges à l'échelle de la planète, deviennent des facteurs prédominants de déstabilisation économique et de déséquilibre des marchés, comme l'ont montré l'épizootie d'influenza aviaire et celle, plus récente, de fièvre catarrhale.

À chaque crise, l'efficacité des dispositifs de protection et de gestion indispensables à la maîtrise et à l'éradication de ces maladies repose, d'une part, sur l'action responsable des éleveurs des zones réglementées et, d'autre part, sur leur professionnalisme. Ces derniers subissent de fortes contraintes, qui perturbent les règles habituelles d'organisation de leurs exploitations et des marchés concernés. Cela entraîne évidemment des surcoûts et, donc, des pertes économiques importantes difficilement supportables.

La gravité des dernières crises sanitaires et la façon dont elles sont survenues appellent de notre part une double action : mettre en place une nouvelle organisation préventive, pour agir avec rapidité et efficacité et limiter ainsi les conséquences économiques ; assurer en même temps le soutien des éleveurs et, au-delà, de l'ensemble de la filière.

Il faut donc se réjouir des efforts notables déjà accomplis, notamment dans ce programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », qui comporte d'incontestables améliorations. Cependant, des progrès restent indéniablement à accomplir, plus particulièrement en matière d'objectifs et d'indicateurs de performance, domaines dans lesquels nous devons faire preuve d'encore plus d'ambition, d'exigence et de rigueur.

Dans un contexte de crise sanitaire continuelle, les moyens doivent être renforcés. Par conséquent, je suis au regret de ne pouvoir approuver l'amendement proposé par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, lequel vise à prélever 2 millions d'euros sur ce programme pour les transférer sur le second programme « Veille et sécurité sanitaires ».

Les moyens consacrés pour 2007 à la lutte contre les épizooties spongiformes transmissibles, EST, restent élevés, malgré la diminution continue du nombre de cas d'ESB détectés, en raison des tests de dépistage opérés sur les animaux en abattoirs ou à l'équarrissage.

À cet égard, messieurs les ministres, j'ouvrirai une petite parenthèse, profitant de la présence ce soir de mon collègue et ami Gérard Dériot, président du conseil général de notre département de l'Allier.

M. Xavier Bertrand, ministre. Excellent président !

M. Bernard Barraux. Il serait même mieux placé que moi pour vous rappeler les problèmes importants rencontrés par les laboratoires départementaux du fait de la diminution du nombre d'analyses et de recherches sur l'ESB.

La gestion de ces maladies hors EST voit son budget augmenter de plus de 14 % grâce aux programmes développés pour lutter contre la peste porcine et la fièvre catarrhale. Cependant, compte tenu de l'épisode actuel de fièvre catarrhale dans le nord-est de la France, qui crée notamment de fortes perturbations sur le marché des bovins, il est à craindre que cette enveloppe ne soit, malgré tout, insuffisante.

Dans le domaine de l'identification des animaux, l'enveloppe pour 2007 est doublée, afin de permettre la mise en place de nouvelles dispositions réglementaires. Il est important de rester vigilant sur l'utilisation de l'enveloppe de 2,5 millions d'euros réservée à la constitution d'une base de données nationale ovine et caprine, qui ne doit pas conduire à la création d'une base nationale indépendante de celles qui existent déjà. Celle-ci doit, au contraire, favoriser la complémentarité entre espèces, d'autant que la moitié des éleveurs ovins sont aussi des éleveurs de bovins.

Par ailleurs, les crédits consacrés à l'accompagnement des missions d'identification menées par les établissements départementaux de l'élevage, ou EDE, sont en augmentation de près de 20 %. Cette forte hausse nous satisfait ; cependant, messieurs les ministres, je ne suis pas dupe, car elle ne compense que partiellement la réduction de 30 % subie en 2005 !

En tout état de cause, l'identification des animaux est la condition sine qua non de toute action en matière de sécurité sanitaire sur les produits animaux. Or, malgré la multiplication et la complexification des dispositifs d'identification, les moyens d'accompagnement ne suivent pas.

C'est la raison pour laquelle il est important de procéder à un rattrapage, à l'heure où les établissements départementaux de l'élevage mettent en place une démarche de qualité pour répondre aux exigences toujours plus fortes de l'État et de la filière, et où l'État demande à ces établissements de mettre en place une comptabilité analytique pour mieux cerner les dépenses liées aux missions réglementaires.

Enfin, pour ce qui est du stockage et de l'élimination des farines animales, cette action prend désormais la forme d'une prise en charge partielle du coût de collecte et d'élimination des cadavres d'animaux morts en exploitation agricole et de ceux dont l'élimination relève de l'intérêt général. Elle permet d'assurer, par ailleurs, le financement du stockage et l'élimination des stocks de farines animales constitués jusqu'au 31 décembre 2003.

Le service public de l'équarrissage a vu la réduction de son périmètre, d'abord, avec l'exclusion des déchets d'abattoirs et d'ateliers de découpe, ainsi que des colonnes vertébrales de bovins produits par les boucheries, ensuite, avec la modification de sa gestion, l'abandon des réquisitions préfectorales et la formation d'un marché public, enfin, avec le transfert du dispositif du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, à l'Office de l'élevage.

Je suis déjà intervenu le 22 novembre dernier à cette tribune, monsieur le ministre, sur la question du financement du service public de l'équarrissage. Mais, pour enfoncer un clou, il faut parfois taper dessus plusieurs fois !

Ce financement reste confronté à deux difficultés : d'une part, son coût élevé et, d'autre part, la répartition de son financement entre les différents acteurs de la filière et l'État. Sans revenir sur l'ensemble des critiques formulées par la Cour des comptes, je souhaite simplement insister une nouvelle fois sur la nécessité de développer davantage la concurrence dans le secteur de l'équarrissage.

Il s'agit, en effet, d'un élément déterminant dans la maîtrise du coût du service public de l'équarrissage à court et moyen termes. La réforme adoptée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006 prévoyait notamment que l'exécution du service public de l'équarrissage soit attribuée sous la forme d'un marché public national à lots départementaux. La Cour des comptes a toutefois estimé que cela ne suffirait pas à instaurer une véritable concurrence dans une activité en situation d'oligopole, qui empêche les prix de se former librement.

Avec mes collègues du groupe de l'UMP, nous tenons à saluer la volonté du Gouvernement de maîtriser le coût de ce service public et d'en assurer un financement équitable, compte tenu des situations très différentes selon les acteurs concernés et d'un cadre réglementaire européen contraignant.

Nous n'oublions pas que l'enjeu est non seulement financier mais aussi, et surtout, économique et sanitaire. En effet, au-delà du financement du service public de l'équarrissage, c'est la qualité de notre viande et la confiance des consommateurs qu'il s'agit de conforter.

Je me permettrai, en conclusion, de réitérer les quelques remarques que j'avais formulées le 22 novembre dernier : j'avais alors rappelé qu'au moment de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, le Gouvernement, en application du sacro-saint principe de précaution, avait prohibé totalement et, hélas ! définitivement l'utilisation des farines de viande. Or, nous le savons tous, si les sujets de Sa Gracieuse Majesté ne s'étaient pas conduits comme des « voyous », nous n'aurions pas été amenés à diaboliser ce produit.

Je tiens à rappeler que la farine de viande est particulièrement riche en protéines de grande qualité. Et, contrairement à ce que l'on a dit, elle a surtout été utilisée pour l'alimentation des porcs et des volailles, et peu pour celle des ovins et des bovins.

La nature ayant horreur du vide, lorsqu'un produit fait défaut, on en trouve un autre : pour le plus grand bonheur des fermiers brésiliens et américains, on achète des quantités considérables de soja, OGM ou non, pour remplacer les farines de viande.

En France, nous avons la chance d'avoir de très bons vétérinaires, qui sont capables de faire la différence entre un animal mort accidentellement, c'est-à-dire sain, et un animal mort de maladie. Est-il normal que l'on persiste à transformer des animaux, certes morts, mais sains, en carburant pour les cimenteries ?

Je comprends qu'une telle décision ait pu être prise alors que sévissait la psychose de la maladie de la vache folle : nous l'avons même encouragée, unanimement. Mais peut-être pouvons-nous aujourd'hui revenir en arrière, en expliquant à nos concitoyens que toutes les garanties sont prises par nos excellents vétérinaires et que si nous réincorporions progressivement de la farine de viande à la place du soja, nous ferions de substantielles économies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, organisée vendredi dernier, la 19e Journée mondiale de lutte contre le sida était l'occasion de remobiliser le plus grand nombre autour de cette pandémie et de ses enjeux actuels.

En France, après un relatif succès des politiques de prévention dans les années quatre-vingt-dix, il semble que le sida regagne du terrain : près de 7 000 nouvelles infections ont ainsi été diagnostiquées l'an dernier. La réalité pourrait être plus inquiétante.

M. Xavier Bertrand, ministre. Elle pourrait être bien meilleure !

M. Gilbert Barbier. On estime en effet à environ 40 000 le nombre de personnes infectées par le VIH qui ignorent leur contamination. Ce chiffre pose évidemment la question de l'efficacité du dispositif de dépistage, tel qu'il est organisé en France.

Certes, notre pays a un taux de dépistage par habitant assez élevé, comparé à celui des autres pays européens. Néanmoins, la découverte de la séropositivité se fait, dans 28 % des cas, à un stade tardif, c'est-à-dire lors de l'apparition de signes cliniques ou biologiques de la maladie. En 2004, 47 % des personnes chez lesquelles un sida était diagnostiqué ignoraient leur séropositivité.

Cette situation est inquiétante, d'autant qu'une connaissance du statut sérologique favorise non seulement une prise en charge précoce permettant d'améliorer très largement l'espérance de vie des malades, mais aussi une modification des comportements vers des pratiques plus sûres.

Le Conseil national du sida, dont je suis membre, a mené une réflexion de fond sur cette question. Le rapport qu'il a adopté le 20 novembre dernier plaide en premier lieu pour un élargissement des propositions de dépistage.

La stratégie actuelle vise à proposer le test de dépistage en fonction des comportements à risque. Il faut aller plus loin en généralisant la proposition de dépistage, en particulier dans les régions à forte prévalence, lors de tout recours aux soins.

Pourquoi ne pas saisir certaines opportunités, comme la prescription d'un moyen de contraception, une IVG ou une grossesse, pour proposer un test non seulement à la femme, mais aussi au partenaire ou au conjoint ? Traitée comme n'importe quel autre problème de santé, l'infection au VIH serait moins regardée comme une maladie stigmatisante, ce qui représente à l'évidence un frein au dépistage pour une partie de la population.

Par ailleurs, il est indispensable de renforcer et d'adapter l'offre de dépistage pour les personnes à fort risque d'exposition au VIH. Certaines populations connaissent en effet une prévalence élevée : communauté homosexuelle, migrants originaires d'Afrique subsaharienne, personnes en situation de précarité, usagers de drogues et détenus.

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela va mieux ! La politique de prévention des risques a bien fonctionné !

M. Gilbert Barbier. Il faut utiliser les lieux d'accueil de ces populations, tels que les divers organismes, les centres et les associations humanitaires de santé. Par exemple, à l'arrivée en France des migrants, sur la plate-forme de l'Office des migrations internationales, l'OMI, ou des centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, les CADA, des associations pourraient proposer un test VIH dans une offre plus globale de bilan de santé.

Il serait également souhaitable de renouveler la proposition de dépistage au cours de l'incarcération, compte tenu des pratiques à risque qui existent dans les prisons.

Enfin, le Conseil national du sida propose, dans son rapport, d'améliorer le counseling et d'élargir l'utilisation des tests rapides sanguins. Le post-test counseling, indispensable pour la compréhension des résultats par le patient et l'orientation vers une prise en charge médicale, est peu pratiqué, car, dans la grande majorité des cas, les résultats sont remis directement au patient. Il faut donc permettre à d'autres structures, comme les associations de lutte contre le sida, d'assurer cette communication et de mettre en place une véritable formation initiale des personnels et des médecins.

Quant aux tests rapides, leur recours exclusivement en cabinet médical permettrait d'alléger les barrières psychologiques au dépistage et, dans les petites villes, de renforcer la confidentialité.

Monsieur le ministre, quelles suites entendez-vous donner à ces propositions et, plus largement, quelles actions envisagez-vous de mener pour identifier plus précocement les personnes infectées par le VIH ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous comptons tout mettre en oeuvre !

M. Gilbert Barbier. Un autre sujet en matière de sécurité sanitaire a occupé récemment le devant de la scène : les infections nosocomiales.

Même si ces infections ne représentent pas le principal problème en matière d'accidents médicaux sur le plan quantitatif, elles constituent en revanche, de très loin, le premier thème de sensibilisation des citoyens à la sécurité des soins. Ce terme est connu et assorti le plus souvent, hélas ! de la notion de faute, ajoutant ainsi à la « judiciarisation » croissante des activités de soins.

La politique de lutte mise en place depuis près de vingt ans a permis d'obtenir des résultats encourageants, le taux de prévalence des infections nosocomiales ayant indéniablement diminué dans les hôpitaux. Cet effort doit être poursuivi dans trois directions.

Il faut, tout d'abord, renforcer la prévention dans les établissements de santé, car la première cause d'infection exogène au patient réside dans une hygiène imparfaite des locaux, des soins et du personnel de santé.

Il importe, ensuite, de promouvoir la recherche et d'adapter le traitement des infections nosocomiales, car on sait désormais que certaines d'entre elles sont malheureusement inévitables.

Il convient, enfin, de clarifier le dispositif juridique. En effet, s'il est encore trop tôt pour juger de l'efficacité du dispositif de réparation mis en place par les lois du 4 mars et du 30 décembre 2002, il faut toutefois remédier rapidement à une difficulté clairement identifiée, celle de la rétroactivité, ou non, de la loi.

Le Conseil national de l'expertise hospitalière, le CNEH, a fait un certain nombre de propositions dans son rapport de juin 2006 : promotion des pratiques de bon usage des antibiotiques, reconnaissance des métiers de l'hygiène, notamment par la création d'un statut de l'infirmière hygiéniste, dépistage systématique de la présence de bactéries endogènes chez le patient, mise en place d'unités de référence pour la prise en charge des infections ostéoarticulaires, registre des patients porteurs de prothèses, etc. Quelles suites entendez-vous y donner, monsieur le ministre ?

Je vous remercie de vos réponses sur ces deux importants problèmes, qui touchent à la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce dernier projet de budget de la législature relatif à la sécurité sanitaire marque très clairement la poursuite du désengagement de l'État, alors même que la présentation du programme réaffirme le caractère régalien des actions de l'État dans ce domaine.

Je prendrai trois exemples pour illustrer mon propos.

M. Xavier Bertrand, ministre. Seulement trois !

M. François Autain. Je ne veux pas être trop long, pour ne pas vous importuner !

Premier exemple, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, voit sa dotation diminuer de 67,2 % et tomber à 5,4 millions d'euros, alors même que la dotation de l'État était déjà en baisse de 20 % l'année dernière : 16,4 millions d'euros, contre 18,9 millions en 2005. Est ainsi pérennisée une pratique contestable qui permet à l'État, par l'augmentation des ressources commerciales de l'Agence, de diminuer sa participation, ce qui aboutit à mettre celle-ci sous la tutelle financière des laboratoires pharmaceutiques, qui financent 85 % de son budget via les différentes taxes et redevances affectées.

Les inquiétudes de la mission d'information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments, présidée par notre excellent collègue Gilbert Barbier, se trouvent ainsi spectaculairement confirmées. Cette mission constatait en effet un désengagement financier progressif de l'État à l'égard de l'AFSSAPS et se demandait si le Gouvernement ne remettait pas en cause le principe même de sa subvention, destinée à financer les activités de l'Agence relevant pourtant des missions régaliennes de l'État, telles que la veille sanitaire, la pharmacovigilance et les inspections.

Deuxième exemple, les crédits promis pour faire fonctionner l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, sont en baisse de 29 %, ce qui risque de compromettre l'exercice de ses missions. C'est l'une des raisons qui a justifié, à l'Assemblée nationale, l'avis défavorable de Mme le rapporteur.

Troisième exemple, l'État vient de se défausser sur l'assurance maladie du financement du plan Biotox,...

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est normal ; cela relève du soin !

M. François Autain.... dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Pourtant, il s'agit là encore du cas typique d'une mission qui devrait être intégralement prise en charge par le budget de l'État. Il a fallu l'obstination du Sénat pour que la participation de l'État au financement du fonds de prévention des risques sanitaires soit garantie a minima, c'est-à-dire à hauteur de 50 %, afin de rendre son caractère subsidiaire à la contribution des régimes obligatoires d'assurance maladie.

Seul l'Institut de veille sanitaire semble avoir miraculeusement échappé à ces réductions drastiques de crédit.

Dans ces conditions, on peut craindre que l'État, en délégant le financement d'une partie de la sécurité sanitaire à d'autres acteurs, quelles que soient d'ailleurs leurs compétences et leur valeur, ne se donne plus les moyens d'exercer pleinement cette fonction régalienne.

Certes, la totalité des agences de sécurité sanitaire ont désormais signé des contrats d'objectifs et de moyens avec l'État. Mais ce dernier a-t-il encore les moyens de garantir leur application ?

En effet, et j'attire tout particulièrement votre attention sur ce point, monsieur le ministre, la question du financement des agences de sécurité sanitaire pose inéluctablement celle de leur indépendance.

Pour réaliser l'objectif d'amélioration de la sécurité sanitaire, vous réaffirmez « la nécessité de recourir à une expertise fiable et indépendante, qui se traduit par l'importance particulière du recours à une catégorie spécifique de partenaires ». Or, lorsqu'on connaît la réalité du fonctionnement de l'expertise sur le médicament, on est en droit d'avoir quelques doutes.

En écho au rapport de la Cour des comptes de 2004, la mission d'information sur le médicament a relevé que les redevances versées ou les taxes acquittées par les laboratoires pharmaceutiques au moment du dépôt d'une demande d'autorisation de mise sur le marché, ou AMM, plaçaient les agences sanitaires dans une situation paradoxale. En effet, dans la mesure où leurs revenus augmentent en fonction du nombre de dossiers qu'elles traitent, celles-ci ont intérêt à mettre sur le marché le plus grand nombre de médicaments possible.

Il est donc logique de s'interroger sur la licéité de telles relations et sur les conséquences sur la transparence, la qualité et la rigueur scientifique des travaux. Car un tel mode de financement ne permet pas aux agences d'être totalement indépendantes de l'industrie pharmaceutique, comme l'exigeraient leurs missions d'évaluation et d'expertise. Pour atteindre cet objectif d'indépendance, le financement public devrait constituer une part de plus en plus importante du budget de l'agence et devenir, à terme, son unique source de financement.

Vous en conviendrez, monsieur le ministre, le présent budget n'en prend évidemment pas du tout le chemin, bien au contraire.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. François Autain. Il est ainsi préoccupant de constater que l'objectif n° 4, « Améliorer le traitement de la délivrance des autorisations », se donne comme indicateur de performance la réduction des délais de traitement des demandes.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est une bonne chose !

M. François Autain. Une telle réduction de délai est souvent présentée comme un bénéfice pour le patient.

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais oui !

M. François Autain. Certes, vous le savez, monsieur le ministre, lorsqu'il s'agit d'une véritable innovation, les délais de traitement sont toujours trop longs. Dans ce cas-là, un tel dispositif est évidemment bénéfique.

M. Xavier Bertrand, ministre. Dans ces conditions, vous voilà exaucé !

M. François Autain. La procédure dérogatoire d'autorisation temporaire d'utilisation, ou ATU, a précisément été créée pour raccourcir encore les délais. J'observe qu'elle est de plus en plus utilisée par les laboratoires tout en étant, du moins je l'espère, parfaitement maîtrisée par les agences.

Mais qu'en est-il lorsqu'il s'agit de fausses innovations, comme c'est malheureusement trop souvent le cas ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Comme cela a trop souvent été le cas par le passé !

M. François Autain. Vous le savez, 85 % des médicaments mis sur le marché chaque année n'apportent aucune amélioration thérapeutique par rapport aux traitements existants. Dans ce cas, vous en conviendrez, le bénéfice pour le patient est nul. En revanche, il est substantiel pour les laboratoires. Or, en l'espèce, la sécurité sanitaire ne saurait systématiquement s'identifier à la sécurité financière de l'industrie pharmaceutique.

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais vous ne parlez que du passé !

M. François Autain. Il serait préférable que l'on prenne d'autres indicateurs, par exemple le degré d'amélioration du service médical rendu.

L'évaluation serait effectuée par des experts dépourvus de liens d'intérêts avec les laboratoires et se fonderait sur des essais cliniques comparatifs réalisés avant le dépôt de la demande d'autorisation de mise sur le marché.

En la matière, la rapidité est rarement un gage de qualité et de sécurité. Monsieur le ministre, rien dans votre démarche ne laisse apparaître une évolution qui aille dans le bon sens.

On peut également déplorer qu'aucune mesure ne soit engagée pour simplifier et rationaliser l'organisation même de la sécurité sanitaire dans notre pays.

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais si ! Le rapport Girard !

M. François Autain. Notre système est beaucoup trop complexe. Il comporte de nombreuses incohérences, des chevauchements et des doublons dans les compétences exercées par les différentes agences. Tout cela rend cette organisation très opaque et n'incite pas à réaliser des économies de structures.

D'autres avant moi ont ainsi évoqué les conclusions du rapport Girard intitulé Évaluation et expertise de la veille sanitaire en France, qui propose un regroupement des agences sur trois métiers, à savoir la surveillance du vivant, la sécurité des produits et la sécurité des milieux. Vous nous indiquerez peut-être tout à l'heure les suites que vous comptez donner à ce rapport.

Mais, sans attendre, je pense qu'il serait possible, sinon souhaitable, dans le domaine du médicament, de rapprocher l'AFSSAPS de la Haute autorité de santé, ces deux autorités exerçant déjà une mission d'expertise et d'information sur le médicament.

J'en suis naturellement conscient, en émettant de telles propositions, je fais de la prospective, alors qu'en cette fin de législature l'heure serait plutôt au bilan.

M. Xavier Bertrand, ministre. Pas encore !

M. François Autain. En matière de sécurité sanitaire, celui du Gouvernement est largement négatif. C'est pourquoi je voterai contre les crédits de la mission « Sécurité sanitaire », qui ne peuvent pas, me semble-t-il, être considérés comme la marque d'une implication effective de l'État dans ce domaine.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est dommage ; cela avait si bien commencé !

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après l'intervention générale de ma collègue Patricia Schillinger, je bornerai mon propos aux seuls aspects de la mission « Sécurité sanitaire » en lien avec l'agriculture et l'agroalimentaire.

Si nous voulons maintenir nos productions et leurs marchés aux niveaux national, européen ou mondial, il est absolument nécessaire de conserver des standards élevés de sécurité sanitaire.

Cela est d'autant plus vrai dans un contexte où le risque d'influenza aviaire n'a pas disparu, où notre territoire est touché par des foyers de fièvre catarrhale et où la réglementation communautaire se renforce avec l'application prochaine du « paquet hygiène »

Si certains crédits augmentent en apparence - c'est le cas de la lutte contre les salmonelles et la trichine du porc -, c'est essentiellement dû aux obligations communautaires.

En outre, les baisses que vous avez décidées sur certains postes budgétaires pourraient tout simplement compromettre la sécurité sanitaire des cheptels et des produits, donc le bon niveau actuel de notre sécurité alimentaire.

Ces diminutions affichées, ou celles qui sont liées à la faible évolution par rapport à l'inflation, touchent essentiellement les moyens des services déconcentrés de la Direction générale de l'alimentation, la DGAL, et les directions départementales des services vétérinaires, les DDSV.

On ne peut que regretter les répercutions de ces décisions sur certaines missions, notamment les contrôles des viandes dans les abattoirs et de toutes les denrées destinées à la consommation humaine. Monsieur le ministre, n'est-ce pas antinomique avec les objectifs que vous affichez en matière de contrôle et d'expertise ?

Il faut faire de la sécurité sanitaire une véritable priorité, même si les dispositifs de recherche, de surveillance et de contrôle doivent s'adapter à l'évolution des risques. L'État doit leur offrir les moyens de fonctionnement et, surtout, de mobilisation immédiate, si nécessaire. Il doit demeurer le garant d'une politique sanitaire visant l'excellence.

Au sein du dispositif français, l'AFSSA méritait un autre traitement. Hormis des transferts destinés à mener à bien l'évaluation des produits phytosanitaires et les augmentations inéluctables de charges, aucune pérennisation n'est prévue pour les effectifs de pôles d'expertise, comme sur la grippe aviaire à Ploufragan. Aucun investissement n'est envisagé pour l'avenir.

De tels choix budgétaires ne risquent-ils pas de remettre en cause, à terme, la confiance des consommateurs et de décrédibiliser nos industries agroalimentaires et nos éleveurs, qui accomplissent pourtant des efforts considérables tant dans la prévention que dans les contrôles ?

Bien entendu, la priorité est de protéger la santé de nos concitoyens. C'est pourquoi l'État, dans son soutien au travers de la DGAL, ne reconnaît que les maladies contagieuses éventuellement transmissibles à l'homme. Mais les aspects sanitaires sont également d'ordre économique. D'autres maladies très répandues chez les animaux, dans les cheptels, ne font pas l'objet de soutien.

Les programmes de recherche et les réseaux de surveillance sur la fièvre Q, la maladie d'Aujesky ou l'histomonose sont largement soutenus par les collectivités pour garantir la qualité et l'excellence sanitaire des animaux.

Des crédits avaient été dédiés à ces actions dans l'ancien contrat de plan. Mais, apparemment, rien n'est prévu dans les futurs contrats de projets, ce qui inquiète bon nombre de structures professionnelles.

Qui peut dire si certaines maladies non reconnues aujourd'hui ne constitueront pas des sujets de crainte demain ?

Nous devons préserver nos acquis là où nous avions de l'avance. Un manque de vision à long terme peut être préjudiciable tant à l'activité économique qu'à la santé de nos concitoyens.

Par ailleurs, j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer à cette tribune notre attachement au maintien du service public de l'équarrissage. C'est également une question de santé publique. Depuis 2004, ce service a nécessité chaque année des abondements supplémentaires. Votre projet de budget annonce, monsieur le ministre, le maintien de sa contribution à 44 millions d'euros.

Allez-vous, comme l'année dernière, reporter la charge des ajustements nécessaires, soit 16 millions d'euros, sur l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions, ou ONIEP ? Celui-ci devra-t-il encore rogner sur ses missions d'animation ou de soutien des filières, qui sont déjà particulièrement touchées dans le projet de budget pour la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » ?

S'agissant des farines animales, il apparaît que le montant des autorisations d'engagement de 49 millions d'euros couvrirait le loyer des entrepôts, à hauteur de 10 millions d'euros, et les nouveaux marchés de déstockage pour 300 000 tonnes de farine, à hauteur de 39 millions d'euros.

Mais avez-vous prévu la dépollution, le nettoyage et la décontamination des sites libérés ? Cette question semble poser de très sérieux problèmes sur bon nombre de sites, au grand regret des riverains.

En conclusion, monsieur le ministre, l'État doit absolument se donner les moyens de garantir la compétitivité économique de l'élevage et de l'agroalimentaire et surtout, bien sûr, la santé de ses citoyens par des outils performants de veille, de prévention, de contrôle et de suivi.

Compte tenu de ce postulat, votre projet de budget présente un certain nombre de lacunes. Notre groupe ne pourra donc pas le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est dommage !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, en matière de veille et de sécurité sanitaires, notre unique ambition est d'être en mesure d'anticiper pour pouvoir réagir.

C'est en tenant compte de l'émergence de nouvelles maladies que nous avons construit ce programme « Veille et sécurité sanitaires » au sein de la mission « Sécurité sanitaire ». Celui-ci est placé sous ma responsabilité, que je partage effectivement avec Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche ; je tenais à le préciser, madame Bricq.

Les 105,25 millions d'euros dont ce programme est doté, ce qui représente une augmentation de 2,1 % par rapport à l'an dernier, nous permettent de promouvoir une vigilance accrue, mais également une véritable évolution des consciences et des pratiques, ainsi qu'un renforcement de notre capacité à répondre aux urgences.

Ces missions, pour être menées à bien, nécessitent une expertise fiable et indépendante, ce qui est le cas aujourd'hui, monsieur Autain. Vous n'avez pas rappelé tout à l'heure, alors que nous les avions évoqués en commission, les critères qui sont non seulement exigés de l'AFSSAPS mais appliqués par elle.

Les agences de veille et de sécurité sanitaires remplissent ce rôle, avec une dotation renforcée de 80,5 millions d'euros, en progression de 4,9 %. La signature des conventions d'objectifs et de moyens avec ces agences interviendra au début de l'année 2007 pour les dernières d'entre elles, madame Bricq.

En tout état de cause, nous ne pouvons faire reculer les crises sanitaires sans nous battre également sur le terrain de la connaissance. Notre expérience de la crise, qu'il s'agisse du chikungunya, de la dengue ou de la canicule, nous a montré la nécessité de l'alerte. C'est dans cet esprit que nous avons décidé de renforcer, tout spécialement cette année, le rôle de l'Institut de veille sanitaire ; j'aurais l'occasion de vous en parler à nouveau, madame Bricq, lors de la discussion de l'amendement que vous présentez. Pour l'Institut de veille sanitaire, sont prévues une augmentation de neuf emplois et une hausse de plus de 36 % du budget alloué par mon ministère, la subvention passant de 40,7 millions d'euros à 55,4 millions d'euros.

Grâce à ces crédits supplémentaires, nous confortons d'abord les forces placées sur le terrain en sentinelle, à savoir les cellules interrégionales d'épidémiologie, ou CIRE. Cet effort portera très spécifiquement sur l'outre-mer, chacun le comprendra.

En métropole, le système d'alerte est lui aussi renforcé, s'agissant notamment de la surveillance entomologique dans le sud-est de la France et du traitement des moustiques vecteurs dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, mais aussi en Corse, bien évidemment.

Pour améliorer l'efficience de notre système de veille sanitaire dans son ensemble, madame Schillinger, j'ai confié au professeur Jean-François Girard une mission de réflexion et de proposition en mars 2006. Suivant ses conclusions, je veux doter notre pays de moyens permettant, à partir de signaux faibles, de déclencher une alerte précoce et de planifier les mesures à mettre en oeuvre en cas d'apparition de la menace. C'est au début de l'année 2007 que j'appliquerai l'ensemble des recommandations nous permettant d'améliorer nos pratiques.

Cette volonté d'expertise et de prévention des risques sanitaires explique également l'importance que Dominique Bussereau et moi-même attachons à l'AFSSA, dont nous avons pu apprécier la pertinence des avis dans la gestion de l'épizootie aviaire. Nous lui attribuons une subvention de 6,6 millions d'euros.

De même, ce projet de loi de finances doit permettre le renforcement de l'expertise dans le champ des produits de santé. L'AFSSAPS se voit ainsi confortée grâce à la création de sept nouveaux emplois.

En 2007, l'Agence de biomédecine doit poursuivre la montée en charge des nouvelles missions qui lui ont été attribuées par la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, tout en maintenant ses efforts dans le domaine de la greffe, où nous souhaitons en effet lancer une nouvelle politique ; je vous l'avais indiqué lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et Gérard Dériot, qui était rapporteur, s'en souvient certainement.

C'est pourquoi sept nouveaux emplois sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2007, madame Schillinger, et une subvention de 10 millions d'euros du ministère de la santé est également octroyée, en augmentation de 5 % par rapport à l'an dernier.

Monsieur Autain, vous proposiez de fusionner l'AFSSAPS et la HAS dans le domaine du médicament. Mais vous savez que les évaluations réalisées par ces deux organismes répondent à des objectifs bien définis et, surtout, bien différents. Par ailleurs, la HAS remplit des missions portant sur d'autres champs que les produits de santé : l'évaluation des pratiques professionnelles et l'établissement de recommandations de pratique clinique ou de manuels de certification des établissements.

Monsieur Barbier, sur ce sujet, j'ai voulu une transparence complète, comme j'ai souhaité que l'InVS publie désormais, dans le bulletin épidémiologique, les éléments d'information sur ces événements indésirables que sont les accidents à l'hôpital. Notre premier devoir est de les connaître pour élaborer de nouveaux plans d'action.

J'aurai l'occasion de proposer, en début d'année, au même titre qu'un renforcement de notre action contre les infections nosocomiales, l'amélioration des procédures, ainsi qu'un planning accéléré et plus précis concernant la certification des établissements. De nombreux accidents médicaux, de disparitions ou d'aggravations de l'état de santé pourraient ainsi être évités, selon un grand nombre de scientifiques. C'est dans cet esprit que j'ai toujours mené ma mission et que je renforcerai les mesures en la matière.

Aucun risque touchant la sécurité sanitaire ne peut être négligé. La politique que nous menons aujourd'hui est donc globale et elle envisage l'ensemble des risques auxquels sont exposés les Français.

L'importance de la surveillance de ces risques sanitaires, liés au travail et à l'environnement, est réaffirmée par la mise en oeuvre du Plan national santé environnement, le PNSE, caractérisé par sa dimension interministérielle. Nous voulons porter une attention renouvelée aux risques environnementaux et aux dangers de l'accident domestique pour nos concitoyens. Nous avons également l'ambition d'améliorer la qualité de l'air à l'intérieur du logement en nous attaquant aux polluants les plus fréquents. Notre engagement en faveur du PNSE se traduit par une dotation à hauteur de 19,3 millions d'euros.

Avec Gérard Larcher, nous faisons aussi une priorité de la santé au travail. La mise en place de l'AFSSET est désormais achevée. Ses effectifs ont crû à une vitesse sans précédent pour une agence, passant de douze emplois en 2002 à quatre-vingt-quatre emplois aujourd'hui.

Pour 2007, notre ambition est d'achever l'évaluation à mi-parcours du Plan national santé environnement, de renforcer l'animation et la coordination du réseau scientifique européen en santé environnement et de réduire l'exposition de la population aux substances cancérigènes.

Tous ces projets pourront être mis en oeuvre grâce à une augmentation du budget total alloué à l'AFSSET qui passe de 17,1 millions d'euros à 17,33  millions d'euros.

Parallèlement au programme « Veille et sécurité sanitaires », nous mettons aussi en oeuvre des moyens diversifiés et convergents pour gérer les urgences, les situations exceptionnelles et les crises sanitaires majeures.

Certains d'entre vous, Mme Bricq notamment, s'interrogent sur le fait que tous les efforts financiers que nous accomplissons ou sommes prêts à accomplir pour anticiper la survenue d'une crise sanitaire ne soient pas inscrits dans le budget sous formes de crédits d'État. Par définition, la réponse à une crise doit être adaptée et cet ajustement financier ne peut être inscrit dans une loi de finances : un budget est forcément indicatif et ne peut être limitatif.

Il est évident que nous serons toujours en mesure d'ajuster nos efforts. Prenez l'exemple du chikungunya ou de la dengue : des financements exceptionnels ont immédiatement été ouverts en 2006 pour lutter contre ces deux virus. Au total, 27 millions d'euros ont été affectés à des actions de prévention et de protection de la population, ainsi qu'à la lutte contre les moustiques, que ce soit à la Réunion ou à Mayotte.

Pour 2007, nous avons décidé de renforcer très fortement les services de lutte anti-vectorielle outre-mer. Quarante personnes seulement travaillaient à la lutte anti-vectorielle à la Réunion avant la crise. Disons-le clairement, depuis vingt ans, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, avaient baissé la garde, pensant, d'après les recommandations de l'OMS, que le paludisme avait été éradiqué et qu'on en avait terminé avec les maladies propagées par les moustiques. Nous avons décidé d'installer, le 30 octobre 2006, un nouveau service dont l'effectif atteindra 150 personnes au début de 2007 et 220 personnes d'ici à 2008, dépassant ainsi tout niveau atteint par le passé.

De même, afin de répondre à la situation d'hyperendémie de méningite en Seine-Maritime, un crédit de 35 millions d'euros sera ouvert dans le projet de loi de finances rectificative pour 2006 pour la prise en charge d'une campagne de vaccination spécifique visant à protéger l'ensemble de la population des jeunes âgés de un à dix-neuf ans dans le département.

Nous savons non seulement répondre à une crise sanitaire, mais nous allons au-delà, en anticipant autant que possible les risques sanitaires émergents. Je pense bien évidemment au plan de lutte contre la pandémie grippale aviaire, qui demeure pour nous une priorité.

Permettez-moi, à cette occasion, d'évoquer la note de conseil rédigée par M. Gagneux, inspecteur de l'IGAS, qui m'a été remise aujourd'hui.

J'avais moi-même demandé à l'IGAS, d'une part, d'évaluer les besoins complémentaires engendrés par la préparation à la pandémie grippale et, d'autre part, d'envisager une mission de conseil et d'appui. J'avais en effet le sentiment qu'après l'acquisition de moyens nouveaux et importants il nous fallait pouvoir définir plus précisément notre stratégie complémentaire, qu'il s'agisse des masques, des vaccins, mais aussi d'autres matériels comme les respirateurs.

Il nous faut d'abord assurer aujourd'hui un contrôle de la qualité pour évaluer et planifier les niveaux de renouvellement nécessaire, notamment pour les masques. Nous n'avons pas terminé notre travail sur ce sujet, même si des revues scientifiques comme The Lancet, disent que la France est certainement l'un des pays les mieux préparés au monde ; je n'insisterai pas sur le classement effectué. Je préfère demander un conseil extérieur pour que nous soyons encore plus efficaces et opérationnels ; c'est pourquoi j'ai demandé ce travail de conseil et d'appui.

Dans le cadre de la démarche opérationnelle, nous disposons aujourd'hui d'un plan de gestion quantitatif et qualitatif des stocks, avec des plans de distribution décentralisés qui doivent être précisés en vérifiant, sur le terrain, que chacun a assimilé ces éléments.

Nous devons aussi analyser l'efficacité comparée des moyens de protection et voir comment améliorer nos méthodes, concernant les masques chirurgicaux, en l'absence de contact rapproché avec des malades grippés. C'est important pour l'avenir !

Nous devons également évaluer, dans la mise en oeuvre du plan de lutte contre la pandémie, l'évolution du kit de protection destiné à l'ensemble des professionnels de santé.

Une autre étape s'ouvre. J'ai l'intention de demander à l'InVS un dispositif d'actualisation des études, qui emportera des conséquences sur les niveaux d'hospitalisation, mais aussi sur les victimes potentielles. Nous savons que les chiffres donnés au départ, prévoyant un nombre de victimes culminant à 210 000 personnes, ne tenaient pas compte de notre niveau de préparation. Il nous faut donc actualiser en permanence nos connaissances, accentuer la formation dans les établissements et voir comment la sectorisation et les plans de déprogrammation ont été intégrés. Nous avons voulu instaurer un niveau de protection important ; nous devons maintenant nous assurer que l'ensemble des prescriptions a bien été assimilé par tous les acteurs.

Nous devrons également continuer à acquérir de nouveaux respirateurs : l'achat de six cents appareils supplémentaires nous est recommandé dès l'année 2007. S'agissant des vaccinations, nous devons aussi analyser de manière objective et plus fine les résultats des laboratoires. Aujourd'hui, la France a déjà réservé quarante millions de vaccins. À l'évidence, compte tenu des informations diffusées sur les découvertes de tel ou tel laboratoire, nous devons nous assurer que les avancées décrites sont tangibles et profitables. Nous continuerons à travailler dans cet esprit.

Le renforcement des Instituts Pasteur en Afrique est un point important à nos yeux, ainsi que le renforcement des moyens de la délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire, comme nous le propose la note de conseil.

En clair, le besoin financier résultant de la mise en oeuvre de ces recommandations s'élèverait à 89,9 millions d'euros pour 2007. J'ai eu l'occasion de rencontrer moi-même M. Gagneux : nous allons engager sans tarder des actions complémentaires et veiller à ce que ces préconisations, qui ont fait l'objet d'un échange, puissent nous permettre d'améliorer notre plan : ce n'est pas une création sur papier ; ce plan a vocation à être perfectionné autant qu'il sera possible.

Tout ce que nous savons faire pour lutter contre la grippe aviaire peut nous être utile dans toute crise sanitaire majeure, quelle que soit son origine.

Pour que l'État joue tout son rôle dans la préparation de la lutte contre les crises sanitaires, la création d'un corps de réserve sanitaire va être discutée prochainement au Sénat, avec la proposition de loi de Francis Giraud. Je voulais le préciser à M. Soulage qui a évoqué ce sujet. Je pense aussi au plan Biotox, au plan variole, ainsi qu'au plan de lutte contre la peste, le charbon et la tularémie.

Dans le même ordre d'idée, pour intensifier l'effort de préparation et de lutte contre les risques sanitaires, nous avons proposé la création du Fonds de prévention des risques sanitaires, proposition que vous avez amendée en prévoyant que l'État contribuera dorénavant à hauteur de la moitié des besoins. Ce fonds aura le statut d'établissement public de l'État et se substituera au fonds de concours destiné à financer le plan Biotox et d'autres situations sanitaires exceptionnelles, comme la grippe aviaire. Ce fonds de concours existait depuis 2001, mais ses modalités de financement avaient été remises en cause par le Conseil constitutionnel en 2005. À l'avenir, les budgets finançant les réponses aux crises sanitaires abonderont directement le fonds de prévention des risques sanitaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le programme « Veille et sécurité sanitaires » apporte un appui considérable à une politique de gestion et d'anticipation des risques sanitaires que je veux globale et renforcée.

Préparer la France aux nouveaux risques émergents, tant d'un point de vue logistique que social, est une ambition qui dépasse largement les clivages politiques, ce qui est suffisamment rare pour que j'aie à coeur de le souligner. Voilà pourquoi le Gouvernement sollicite le vote positif du Sénat pour mettre en oeuvre cette politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vous remercie, madame, messieurs les rapporteurs, de la présentation que vous venez de faire du volet sanitaire des missions relevant du ministère de l'agriculture et de la pêche.

Avant de répondre aux observations qui ont été formulées et d'évoquer les crédits en eux-mêmes, je voudrais rappeler les enjeux qui s'attachent à la sécurité sanitaire de l'alimentation, et tenter ainsi d'améliorer la perception, par la représentation nationale, de notre dispositif de sécurité sanitaire, que Mme Nicole Bricq trouve encore complexe, comme elle l'indique dans son rapport.

Le premier enjeu est d'assurer une bonne prise en compte de l'augmentation des risques sanitaires.

L'année 2006, on le sait, n'a pas été facile au regard de la conduite de la politique publique de sécurité sanitaire de l'alimentation : l'influenza aviaire et, plus récemment, la fièvre catarrhale ovine ont mobilisé et mobilisent encore les services.

L'action du ministère de l'agriculture et de la pêche se caractérise par une présence quotidienne, opérationnelle des services vétérinaires, appuyés par les vétérinaires libéraux, et des services de la protection des végétaux, sur le terrain, pour assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires.

Monsieur Soulage, si le principe de précaution doit naturellement être respecté, il convient de l'appliquer à bon escient. La façon dont nous avons géré les crises tant de l'influenza aviaire que de la fièvre catarrhale ovine a montré que l'on pouvait faire face aux impératifs sanitaires tout en répondant aux impératifs économiques.

Pour 2007, j'ai souhaité qu'un effort particulier soit consenti en matière de surveillance de l'influenza aviaire, compte tenu des événements de l'an passé.

Le second enjeu est d'accompagner l'évolution du rôle des services de contrôle sanitaire.

L'entrée en vigueur, au 1er janvier 2006, du « paquet hygiène » nous fait passer d'une culture de moyens à une culture du résultat, plus pragmatique et plus efficace. Nous nous donnons les moyens, pour 2007, d'atteindre nos objectifs de prévention et de gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires.

M. Daniel Soulage, dans son rapport pour avis, a également relevé l'enjeu économique qui s'attache à la sécurité sanitaire de nos produits alimentaires. Celle-ci constitue en effet, avec la qualité, un puissant argument de vente sur les différents marchés.

Venons-en maintenant au budget dédié au programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

Avant d'entrer dans le détail, je voudrais confirmer à M. Soulage que la demande figurant dans son rapport et relative à une meilleure explicitation des fonds de concours est entendue. Les prochains documents budgétaires en tiendront compte.

Les priorités budgétaires de ce programme ont été rendues plus lisibles, je l'espère, grâce à une architecture simple de ce dernier.

S'agissant de sa mise en oeuvre opérationnelle, Mme Bricq a appelé, dans son rapport, à une simplification de la cartographie des budgets opérationnels de programme. Je reconnais qu'il y a là matière à réflexion, sachant qu'il importe aussi de veiller à une cohérence territoriale, où les échelons départementaux ont également leur place pour une partie de la gestion.

Les crédits prévus pour ce programme permettent de répondre aux ambitions que nous nous sommes fixées, grâce à une augmentation globale de près de 3,5 %, soit 19 millions d'euros.

Examinons les principales augmentations.

Les crédits affectés à la lutte contre les maladies animales progressent de 11,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 9,60 millions d'euros en crédits de paiement, avec la mise en place des crédits permettant de relever notre niveau de surveillance en matière d'influenza aviaire.

Les crédits alloués à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires augmentent de 7,4 millions d'euros. Il s'agit notamment de permettre à la France de mieux répondre aux exigences en matière communautaire. L'effort porte plus particulièrement sur la lutte contre les salmonelles et sur le dépistage des trichines chez les porcs.

Les crédits destinés à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments connaissent une augmentation importante, à hauteur de 6,52 millions d'euros. Il est exact que cette augmentation résulte, pour partie, d'un nouveau périmètre des emplois de l'agence, mais cela correspond à une volonté du Gouvernement de consolider ses moyens en personnel. Avec une dotation à l'AFSSA de 49 millions d'euros, les crédits sont renforcés.

Je précise d'ores et déjà que l'article 52 qui sera soumis au vote du Sénat tend à compléter le niveau des ressources de l'AFSSA, en lui permettant de percevoir une taxe au titre de ses nouvelles missions d'autorisation et d'homologation de produits. J'indique à M. Soulage, qui a soulevé ce point dans son rapport, que 3,2 millions d'euros vont être « dégelés », sur le programme, pour mettre à niveau la subvention pour charge de service public en 2006.

S'agissant des évolutions à la baisse observées pour les crédits destinés à la prévention et à la gestion des risques inhérents à la production végétale, je souligne qu'elles résultent de modifications de périmètre. Il importe cependant de consolider ces moyens, et non de les amputer. Nous aurons l'occasion d'en débattre en examinant l'amendement de Mme Bricq.

Vous avez relevé, monsieur Soulage, le retard pris pour la publication de textes d'application de la loi relative au développement des territoires ruraux concernant la possibilité d'indemnisation par l'État de la destruction des végétaux, sous réserve que les propriétaires cotisent à un mécanisme de solidarité professionnel ou soient assurés. Je vous confirme que le dispositif juridique est prêt, tant le projet de décret que les arrêtés. Ils seront publiés le plus rapidement possible, et je souhaite que la concertation engagée débouche très rapidement sur des solutions adaptées à l'ensemble des filières de production végétale concernées.

Par ailleurs, s'agissant de la réforme du service public de l'équarrissage, Mme Bricq, M. Barraux et Mme Herviaux, notamment, se sont exprimés sur ce sujet qui a déjà donné lieu, récemment, à un débat dans cet hémicycle. Il s'agit d'une affaire complexe ; je partage l'analyse qui a été faite, mais vous constaterez, mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l'ai déjà dit voilà quelque temps à cette tribune, que ce service est financé de manière équilibrée à partir de l'été de 2007 et que la fiabilité, sur le plan sanitaire, est assurée.

Pour ce qui est du stockage et de l'élimination des farines animales, sujet que nous avons également déjà évoqué ensemble, l'accélération du déstockage intervenue en 2006 va engendrer une baisse des paiements de loyers d'entrepôts, ce qui permettra de consacrer 27,7 millions d'euros aux opérations de déstockage sur les 51,7 millions d'euros de crédits de paiement prévus. Les autorisations d'engagement permettront de programmer un déstockage de 300 000 tonnes, pour 39 millions d'euros, et le renouvellement de loyers, pour 10 millions d'euros.

Enfin, en ce qui concerne les effectifs de ce programme, j'ai souhaité que les crédits destinés à assurer le financement des personnels non titulaires soient globalement maintenus, afin de préserver la capacité de mobilisation des services. C'est donc un effort particulier, qu'il convient de souligner, qui est réalisé sur ce plan.

En conclusion, le volume global des moyens consacrés à la politique publique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation démontre la priorité accordée par le Gouvernement aux exigences et aux enjeux internationaux et nationaux dans ce domaine. Je remercie par avance la Haute Assemblée de bien vouloir adopter ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Sécurité sanitaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 52 (début)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » figurant à l'état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Sécurité sanitaire

605 066 803

657 995 073

Veille et sécurité sanitaires

104 567 572

104 567 572

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

500 499 231

553 427 501

dont titre 2

239 849 784

239 849 784

M. le président. L'amendement n° II-44, présenté par M. Soulage, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Veille et sécurité sanitaires

5.000.000

5.000.000

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

5.000.000

5.000.000

TOTAL

5.000.000

5.000.000

5.000.000

5.000.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis.

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis. L'article 70 de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 a transféré à l'AFSSA l'évaluation des produits phytopharmaceutiques, adjuvants, matières fertilisantes et supports de culture.

Jusqu'à l'an dernier, le système français d'homologation de ces produits, qu'on appelle « intrants », avait pour caractéristique que le ministère de l'agriculture et de la pêche était tout à la fois chargé de l'évaluation et de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché, la fameuse AMM.

Cette double compétence n'était pas sans soulever de sérieuses interrogations au regard du respect du principe de séparation de l'évaluation et de la gestion du risque, qui est recommandé par les principales organisations internationales compétentes en matière de sécurité alimentaire.

C'est donc pour lever toute ambiguïté quant au rôle des pouvoirs publics et conférer une réelle légitimité au dispositif national d'homologation que l'article 70 de la loi d'orientation agricole a attribué à l'AFSSA la mission d'évaluer les intrants, le ministère chargé de l'agriculture conservant quant à lui la responsabilité d'accorder l'AMM pour chacun des produits évalués.

En ce qui concerne les implications budgétaires et fiscales de la réforme, le transfert de compétences effectué le 1er juillet dernier a eu les conséquences suivantes sur l'exercice 2006 : l'AFSSA a été conduite à recruter 90 collaborateurs supplémentaires pour le traitement des flux de dossiers, dont le nombre annuel avoisine le millier ; le ministère de l'agriculture et de la pêche a dû prévoir d'ajouter 3,2 millions d'euros à la subvention pour charge de service public versée à l'agence, dont 2,25 millions d'euros pour financer les 90 emplois précités ; le ministère a été obligé de mettre à disposition de l'agence 59 emplois pour assurer la gestion d'une partie du stock des dossiers en instance, dont le nombre est évalué à environ 5 000 ; enfin, par le biais d'un arrêté du 21 septembre 2006, a été relevé de manière très significative le montant de la taxe d'homologation jusqu'ici prélevée à l'occasion du dépôt des dossiers auprès du ministère de l'agriculture et de la pêche, et qui était l'un des plus faibles d'Europe.

S'agissant maintenant de l'année 2007, l'article 52 du projet de loi de finances organise les modalités du financement de la mission confiée à l'AFSSA en créant une taxe fiscale affectée. Son produit, évalué par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à 7,4 millions d'euros pour 2007, servira à financer, outre les frais matériels occasionnés par les travaux d'analyse et d'évaluation, les charges de personnel afférentes aux 90 personnes recrutées par l'AFSSA dans le courant de l'année 2006 pour examiner les demandes nouvelles.

Toutefois, si le financement du traitement des nouveaux dossiers par l'AFSSA est donc bien prévu, qu'en est-il du stock des quelque 5 000 dossiers en instance, dont l'agence va « hériter » du ministère de l'agriculture et de la pêche et qu'il lui faudra bien examiner ?

Le projet annuel de performances de la mission indique que l'AFSSA évalue à une soixantaine par an le nombre de recrutements à effectuer dans les trois années à venir pour traiter ce stock. Or aucun financement n'est prévu à ce titre pour l'an prochain : il y a donc une impasse budgétaire, qui peut être estimée à 5 millions d'euros pour 2007.

Monsieur le ministre, la commission des affaires économiques a estimé que cette situation n'était pas satisfaisante et qu'il convenait de prévoir les financements ad hoc pour assurer le traitement des dossiers déposés avant le 22 septembre dernier. Aussi propose-t-elle, par cet amendement n° II - 44, d'augmenter de 5 millions d'euros les crédits du programme, afin que la subvention pour charge de service public attribuée à l'AFSSA par le ministère de l'agriculture et de la pêche en 2007 soit abondée de cette somme.

La logique aurait voulu que ces 5 millions d'euros proviennent d'un programme support relevant du ministère de l'agriculture et de la pêche. Cependant, la LOLF interdisant les transferts entre missions, le gage est assuré par un prélèvement sur les crédits du programme « Veille et sécurité sanitaires ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Je comprends bien la préoccupation de la commission des affaires économiques. En effet, l'article 52 du présent projet de loi de finances affecte à l'AFSSA, à compter du 1er janvier 2007, une nouvelle taxe fiscale pour lui permettre d'assurer le financement de la mission consistant à évaluer les produits phytopharmaceutiques faisant l'objet d'une demande d'autorisation de mise sur le marché, mais le produit de cette taxe ne permettra de traiter que le flux, et non pas le stock, des dossiers.

Cela étant, je souhaiterais entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Cet amendement vise à transférer, au bénéfice de l'AFSSA, 5 millions d'euros d'un programme géré par le ministère de la santé et des solidarités à un programme suivi par le ministère de l'agriculture et de la pêche.

Je comprends parfaitement votre souci, monsieur Soulage, d'appeler l'attention sur l'absence d'inscription, dans le projet de loi de finances, des crédits destinés à assurer le financement en base de la gestion du stock des demandes d'évaluation de produits phytopharmaceutiques en instance.

L'État doit en effet assumer ses responsabilités en la matière. Cependant, les raisons de cette absence de financement en base sont relativement simples.

Tout d'abord, le coût de gestion du stock n'est pas arrêté à ce stade. Certains professionnels ont fait le choix de déposer à nouveau des dossiers, réduisant ainsi de facto le stock. Il est donc difficile, aujourd'hui, de déterminer précisément le volume de ce stock et, en conséquence, le chiffrage du coût de son traitement.

Une fois que l'évaluation des coûts aura été faite, les moyens nécessaires seront transférés à l'AFSSA, par la voie de conventions, au titre du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ». Cela explique que les crédits ne soient pas inscrits aujourd'hui dans le projet de loi de finances.

Je souhaiterais donc, pour des raisons d'ordre, que vous puissiez retirer votre amendement, monsieur Soulage.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Je trouve qu'un petit problème de fond se pose.

Je comprends bien votre argumentation, monsieur le ministre, mais je comprends aussi la préoccupation de M. Soulage. En tout état de cause, je dénonce, messieurs les ministres, le caractère artificiel de cette mission interministérielle.

M. Xavier Bertrand, ministre. On ne peut pas dire cela !

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Il s'agit plutôt, en fait, d'une juxtaposition des interventions des deux ministères. Je ne suis pas seule à le dire, des rapports ont porté sur ce thème.

En outre, je ne voudrais pas que nous soyons piégés par l'interministérialité. Comme il n'est possible de transférer des crédits que d'un programme à l'autre au sein de la même mission, je comprends que notre collègue Daniel Soulage, qui est très attentif au règlement du stock, prévoie un prélèvement dans l'autre programme.

Sur le principe, je ne peux être favorable à cet amendement, puisque je défends globalement les crédits de la mission interministérielle, même si vous savez ce que je pense de l'interministérialité...

Votre déclaration, monsieur le ministre, sur le redéploiement des crédits devrait donner satisfaction à notre collègue Daniel Soulage, mais il lui appartient maintenant de nous donner sa position.

M. le président. Monsieur Soulage, l'amendement est-il maintenu ?

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis. L'amendement n° II-44 était un amendement d'appel destiné à susciter un débat sur cette importante question du traitement par l'AFSSA des dossiers - très nombreux - encore en instance.

Monsieur le ministre, une partie du problème sera résolue, selon vous, par le dépôt renouvelé d'anciens dossiers, dans le cadre de la nouvelle procédure imposant des délais maxima pour réaliser les analyses et évaluations. C'est une assez curieuse façon de voir les choses puisque les demandeurs seront ainsi contraints de payer deux fois pour satisfaire à une obligation légale, et ce par la faute du service public.

Mais il est vrai que le montant de la précédente taxe d'homologation était si ridiculement faible que, pour les grands laboratoires concernés, il pourrait davantage s'agir d'une question de principe que d'une question économique, comme le démontre du reste le choix de redéposer les dossiers.

Restent les anciens dossiers qui ne seront pas redéposés. Pour la plupart, ce sont des petites sociétés qui sont concernées. Le retard préjudiciable qu'elles subissent ne saurait être exagérément allongé ; c'est pourquoi il est nécessaire que l'AFSSA puisse affecter à l'analyse de ces dossiers un nombre suffisant de personnels.

Monsieur le ministre, la question est importante : pour les grands laboratoires, redéposer un dossier ne représente pas un coût trop élevé au regard de leurs possibilités de financement. Le problème ne se pose donc pas pour eux.

Compte tenu du mandat que m'a confié la commission des affaires économiques, j'aimerais m'assurer que ces dossiers ne resteront pas en souffrance. Si vous vous y engagez, monsieur le ministre, je retirerai mon amendement.

M. Dominique Bussereau, ministre. Je vous le confirme !

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis. Dans ces conditions, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° II-44 est retiré.

L'amendement n° II-31, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Veille et sécurité sanitaires

2.000.000

2.000.000

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

2.000.000

2.000.000

TOTAL

2.000.000

2.000.000

2.000.000

2.000.000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Il s'agit de transférer des crédits d'un programme à l'autre. L'année dernière, j'avais fait une proposition qui allait dans le sens contraire, et vous vous y étiez opposé, monsieur le ministre.

Cet amendement tend à prélever 2 millions d'euros sur le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », action n° 1 « Prévention et gestion des risques inhérents à la protection végétale », afin d'abonder de la même somme le programme « Veille et sécurité sanitaires », action n° 1 « Veille, surveillance, expertise et alerte ». L'objectif est d'augmenter la subvention pour charges de service public de l'Institut national de veille sanitaire, pour lui permettre de pourvoir, en 2007, trente-neuf postes supplémentaires d'épidémiologistes et de renforcer les moyens des CIRE.

En contrepartie, il conviendrait que le Gouvernement accepte de relever le plafond d'emplois rémunérés par l'opérateur autorisé en 2007.

Le nouveau contrat d'objectifs prévoit 152 postes pour l'Institut national de veille sanitaire. L'État, curieusement, ne lui affecte que neuf postes en 2007, alors qu'il en faudrait une trentaine pour avoir une progression linéaire.

Ces postes me semblent nécessaires, messieurs les ministres, mais j'attends vos réponses, puisque vous êtes l'un et l'autre concernés. Il serait de bonne gestion que les annonces de postes par l'État soient non pas un simple effet d'optique, mais qu'elles se traduisent tout de suite dans les faits, de manière raisonnable et raisonnée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement pour la même raison de principe que celle que j'avais défendue l'an dernier, même si, à l'époque, vous aviez une position contraire. J'essaie de préserver la constance gouvernementale sur ce point, ce qui va bien évidemment de soi.

Nous avons créé cette année neuf emplois de plus, notamment dans les CIRE, qui sont aux avant-postes, comme j'ai pu le constater lors de mes différents déplacements outre-mer. Aujourd'hui, le véritable enjeu est de revoir les process et de mettre en oeuvre les recommandations du rapport Girard. L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés est de traduire les signaux faibles qui apparaissent à tel ou tel endroit afin d'en tirer les conséquences et d'adapter notre réponse.

C'est ainsi qu'aux États-Unis, voilà plus d'une vingtaine d'années, on a pu comprendre ce qui se passait avec le sida. À l'époque, personne ne connaissait cette maladie. Mais des signaux faibles ont été envoyés par certaines pharmacies où l'on constatait une consommation plus importante de tel ou tel médicament.

Je voudrais construire aujourd'hui un système similaire en France, au-delà de la part stratégique et de la définition de nouveaux moyens d'action. La hausse programmée correspond à cet objectif ; aller au-delà avec trente postes supplémentaires ne permet absolument pas de garantir que cette mission sera mieux remplie.

En revanche, et je me permets d'intervenir en la matière à la place de Dominique Bussereau, cet amendement conduirait à la suppression de 2 millions d'euros du programme du ministère de l'agriculture destiné, notamment, à la politique de prévention et de gestion des risques inhérents à la production végétale. Cela représente quand même 12,5 % des crédits affectés à cette action - ce qui n'est pas négligeable -, et conduirait à la suppression de toute promotion des modes de production respectueux de l'environnement. Telle n'est certainement pas notre volonté commune !

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Madame Bricq, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Sécurité sanitaire »

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion l'article 52, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Sécurité sanitaire ».

Article 34 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 52 (interruption de la discussion)

Article 52

I. - Il est perçu par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments une taxe relative aux produits phytopharmaceutiques et à leurs adjuvants mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et aux matières fertilisantes et supports de culture mentionnés à l'article L. 255-1 du même code, pour chaque demande :

1° D'inscription d'une nouvelle substance active sur la liste communautaire des substances actives ;

2° D'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique ou d'un adjuvant ou d'homologation des matières fertilisantes ou des supports de culture, d'extension d'usage d'un produit phytopharmaceutique ou d'un adjuvant déjà autorisé, de modification d'autorisation de mise sur le marché ou d'homologation ;

3° De renouvellement d'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique ou d'un adjuvant, ou d'homologation des matières fertilisantes ou des supports de culture déjà autorisés ou de réexamen d'un produit phytopharmaceutique ou d'un adjuvant suite à l'inscription des substances actives, qu'il contient, sur la liste communautaire des substances actives ;

4° D'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique ou d'un adjuvant, ou d'homologation des matières fertilisantes ou des supports de culture, identique à une préparation phytopharmaceutique ou à un adjuvant ou à des matières fertilisantes ou des supports de culture déjà autorisés en France ;

5° D'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique ou d'un adjuvant identique à un produit phytopharmaceutique ou à un adjuvant déjà autorisé dans un autre État membre de l'Union européenne et contenant uniquement des substances actives inscrites sur la liste communautaire des substances actives ;

6° D'homologation d'un produit ou d'un ensemble de produits déclaré identique à un produit ou un ensemble de produits déjà homologué ou bénéficiant d'une autorisation officielle dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans un État partie à l'accord instituant l'Espace économique européen ;

7° D'autorisation de mise sur le marché permettant l'introduction sur le territoire national d'un produit phytopharmaceutique ou d'un adjuvant provenant d'un État partie à l'accord sur l'espace économique européen dans lequel il est autorisé et identique à un produit phytopharmaceutique ou à un adjuvant autorisé en France ou concernant une origine nécessitant une comparaison avec le produit autorisé en France ;

8° D'examen d'une nouvelle origine de la substance active ;

9° D'autorisation de distribution pour expérimentation ;

10° D'inscription d'un mélange extemporané sur la liste publiée au bulletin officiel du ministère en charge de l'agriculture et de la pêche.

II. - La taxe est due par le demandeur. Elle est versée par celui-ci dans son intégralité à l'occasion du dépôt de sa demande.

III. - Le tarif de la taxe mentionnée au I est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et du budget en tenant compte de la nature de la demande et de la complexité de l'évaluation. Ce tarif est fixé :

1° Pour les demandes mentionnées au 1° du I entre 40 000 € et 200 000 € ;

2° Pour les demandes mentionnées aux 2°, 3° et 7° du I dans la limite d'un plafond de 33 000 € ;

3° Pour les demandes mentionnées aux 4°, 5°, 6° et 10° du I dans la limite d'un plafond de 15 000 € ;

4° Pour les demandes mentionnées aux 8° et 9° du I dans la limite d'un plafond de 4 500 €.

IV. - Le produit de la taxe mentionnée au I est affecté à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

V. - Le recouvrement de la taxe est assuré par l'agent comptable de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, selon les procédures, sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.

Les réclamations sont présentées, instruites et jugées comme pour les taxes sur le chiffre d'affaires.

VI. - Supprimé.

M. le président. L'amendement n° II-157, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I.- Dans l'ensemble de cet article, remplacer (cinq fois) le mot :

taxe

par le mot :

redevance

II.- Dans le premier alinéa du III de cet article, remplacer (deux fois) le mot :

tarif

par le mot :

montant

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Il s'agit d'un amendement de principe. L'objectif est d'abord de réaffirmer une position constante de la commission des finances sur la nécessité de respecter la LOLF. Or l'affectation d'une taxe à un établissement public tel que l'AFSSA constitue une entorse à l'esprit de la LOLF et contrevient aux principes budgétaires de base contenus dans notre constitution financière.

J'ai auditionné la directrice de l'AFSSA, qui est favorable à l'affectation de plusieurs taxes à son agence. L'AFSSA remplit parfaitement ses missions ; ce n'est pas du tout une critique à son encontre. J'ai fait allusion, tout à l'heure, au rapport Girard ; vous avez bien voulu me répondre, monsieur le ministre, et je vous en remercie.

Plus largement, cela pose la question du financement des agences dans leur ensemble et de leur statut vis-à-vis des pouvoirs publics. La multiplication des taxes va-t-elle aboutir à un système à l'américaine où les agences s'autofinanceraient par leurs ressources propres et ne disposeraient plus, ou de moins de moins, de subventions budgétaires ? C'est un vrai choix politique ! Je voudrais connaître votre position à cet égard, et c'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement d'appel.

J'en viens à l'amendement proprement dit : il vise à tirer les conséquences juridiques du statut de la taxe affectée à l'AFSSA. On peut considérer - je dis bien : « on peut » - qu'en procédant à ses évaluations et à ses contrôles l'AFSSA rend un service aux industriels qui sollicitent une autorisation de mise sur le marché ou une homologation de leurs produits, service pour lequel ils ont accepté de payer dans le but, notamment, d'accélérer les procédures d'évaluation et de contrôle.

Je propose donc de remplacer cette taxe par une redevance pour service rendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Madame le rapporteur, le souci des commissaires aux finances, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée nationale, de limiter l'affectation de taxes est constant, mais il pose un certain nombre de questions sur lesquelles j'ai eu à travailler lorsque j'étais secrétaire d'État au budget.

Votre amendement soulève un problème de constitutionnalité au regard de l'article 34 de la Constitution. Vous le savez comme moi, une redevance doit être exigée en contrepartie d'un service rendu. Or, en l'occurrence, lorsque l'AFSSA réalise les évaluations et les contrôles, le service rendu ne bénéficie pas directement aux professionnels, puisque c'est l'État qui décide de l'homologation et qui la prend en charge. L'évaluation n'est qu'une partie de ce processus ; elle permet de mesurer le risque. En réalité, si service rendu il y a, c'est au profit des consommateurs et non des professionnels.

Il ne s'agit donc pas seulement d'une question de forme et d'appellation. C'est aussi une question de fond : quel sens souhaite-t-on donner à l'évaluation du risque présenté par les produits phytopharmaceutiques ?

C'est pourquoi, madame le rapporteur, le Gouvernement, et j'en suis désolé, émet un avis défavorable. Mais s'agissant d'un amendement d'appel, peut-être accepterez-vous de le retirer. Il faudra cependant poursuivre le débat.

M. le président. Madame le rapporteur, l'amendement n° II-57 est-il maintenu ?

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. J'ai posé une autre question, politique celle-là : quelle vision a le Gouvernement des agences ? Si elles sont de plus en plus financées par des taxes, à un moment donné, on dira qu'elles peuvent s'autofinancer, comme dans le système américain.

M. Dominique Bussereau, ministre. C'est un long débat ! La question se pose d'ailleurs dans de nombreux domaines !

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Reconnaissez que c'est un débat de fond !

Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président, mais nous reprendrons cette discussion.

M. le président. L'amendement n° II-157 est retiré.

L'amendement n° II-64, présenté par M. Daniel Soulage, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

À la fin du troisième alinéa (2°) du III de cet article, remplacer le montant :

33 000 €

par le montant :

40 000 €

La parole est à M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis.

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis. L'article 52 organise les modalités du financement de la mission confiée à l'AFSSA par l'article 70 de la loi d'orientation agricole en créant une taxe fiscale affectée au titre de l'évaluation et du contrôle de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Due par le demandeur et versée par celui-ci dans son intégralité à l'occasion du dépôt de sa demande, le montant de cette taxe sera arrêté par les ministres chargés de l'agriculture et du budget, en fonction de la nature de la demande et de la complexité de l'évaluation.

Dans le texte adopté par le conseil des ministres, quatre classes de demandes étaient définies, fixant pour les tarifs soit des plafonds - 4 500 euros, 15 000 euros ou 33 000 euros -, soit une fourchette : de 80 000 à 100 000 euros. Le produit de la taxe était affecté à l'AFSSA à hauteur de 86,5 %, le solde de 13,5 % étant versé au budget général.

Lors de leurs travaux, le 6 novembre dernier, les députés ont adopté quatre amendements, dont deux doivent être cités : le premier tendait à affecter l'intégralité du produit de la taxe à l'AFSSA, ce qui est très satisfaisant ; le second visait à élargir de 40 000 euros à 200 000 euros la fourchette de la catégorie des tarifs les plus onéreux, afin d'être en mesure de tenir compte des coûts réels de certaines analyses qui, selon des estimations de l'AFSSA, pourraient atteindre 170 000 euros.

Ce second amendement démontre que l'évaluation ex ante du coût des analyses les plus complexes pouvait se révéler délicate puisque le Gouvernement a demandé à l'Assemblée nationale de doubler le plafond de la première catégorie de tarifs, qu'il avait pourtant lui-même fixé quelques semaines plus tôt à 100 000 euros.

C'est pourquoi, afin d'être sûr que le coût pour l'AFSSA de certaines analyses relevant de la deuxième catégorie de produits, qui pourront également se révéler complexes, ne sera pas supérieur au montant de la taxe versée par le demandeur, la commission des affaires économiques vous propose de porter le plafond de cette catégorie de 33 000 euros à 40 000 euros.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-64.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

Je mets aux voix l'article 52, modifié.

(L'article 52 est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Sécurité sanitaire ».

Article 52 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Discussion générale

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retrait de l'ordre du jour de questions orales

M. le président. J'informe le Sénat que les questions orales n° 1169 de M. Michel Teston et n° 1176 de M. Jean-Patrick Courtois sont retirées de l'ordre du jour de la séance du mardi 19 décembre 2006, à la demande de leurs auteurs.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (n° 93, 2006-2007) et sur les propositions de loi :

- n° 51 rectifiée (2004-2005) de Mme Valérie Létard, MM. Nicolas About, Marcel Deneux, Mme Muguette Dini, MM. Jean-Léonce Dupont, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, M. Jean-Claude Merceron, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Philippe Nogrix, Mme Anne-Marie Payet et M. Daniel Soulage tendant à instaurer la parité dans les fonctions exécutives municipales et à faciliter l'exercice de ces fonctions ;

- n° 147 (2004-2005) de Mme Gisèle Gautier tendant à établir la parité entre les femmes et les hommes dans les exécutifs des collectivités territoriales élues au scrutin de liste ;

- n° 226 (2004-2005) de Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Eliane Assassi, Josiane Mathon-Poinat, Marie-France Beaufils, Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, Gélita Hoarau, Hélène Luc, MM. François Autain, Pierre Biarnès, Michel Billout, Robert Bret, Yves Coquelle, Guy Fischer, Thierry Foucaud, Robert Hue, Gérard Le Cam, Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera et Jean-François Voguet tendant à appliquer la loi sur la parité à l'ensemble des élections municipales ainsi qu'au sein des exécutifs municipaux ;

- n° 269 (2004-2005) de M. Jean-Louis Masson relative à l'élection des conseillers généraux et remplaçant les cantons par des circonscriptions cantonales calquées sur les intercommunalités à fiscalité propre ;

- n° 323 (2004-2005) de Mme Gisèle Gautier tendant à accroître la place des femmes dans le collège électoral des sénateurs ;

- n° 505 (2004-2005) de M. Jean-Louis Masson tendant à rétablir le scrutin proportionnel avec obligation de parité dans les départements élisant trois sénateurs ;

- n° 88 (2005-2006) de M. Jean-Louis Masson introduisant une obligation de candidature préalable et le respect d'un seuil de parité pour les élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants ;

- n° 136 (2005-2006) de M. Jean-Louis Masson relative aux communes de plus de 3 500 habitants et tendant à instaurer une obligation de parité pour l'élection des adjoints au maire, à organiser la désignation des délégués dans les intercommunalités à fiscalité propre selon une représentation proportionnelle avec obligation de parité, à assurer la représentation des listes minoritaires dès le premier tour des élections municipales et à clarifier les choix au second tour ;

- n° 153 (2005-2006) de Mme Muguette Dini, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Férat, Valérie Létard, Catherine Morin-Desailly et M. Jean-Marie Vanlerenberghe visant à renforcer la parité dans les élections municipales, cantonales, législatives, sénatoriales et dans les exécutifs locaux et établissements publics de coopération intercommunale ;

- n° 169 (2005-2006) de M. Jean-Louis Masson tendant à instaurer une obligation minimale de parité pour l'élection des sénateurs dans les départements où le scrutin majoritaire est appliqué ;

- n° 207 (2005-2006) de M. Jean-Louis Masson tendant à instaurer des pénalités financières réellement dissuasives à l'encontre des partis politiques ne respectant pas l'article 4 de la Constitution en ce qui concerne l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ;

- n° 326 (2005-2006) de M. Jean-Louis Masson tendant à favoriser les progrès de la parité lors des élections législatives et des élections sénatoriales au scrutin majoritaire ;

- n° 374 (2005-2006) de M. Jean-Louis Masson tendant à instaurer une obligation de parité pour l'élection des vice-présidents de conseils régionaux, à assurer la représentation des listes minoritaires dès le premier tour des élections régionales et à clarifier les choix au second tour ;

- et n° 44 (2006-2007) de M. Jean-Louis Masson tendant à renforcer la parité entre les hommes et les femmes dans la vie politique en reprenant les orientations évoquées par le Président de la République en janvier et septembre 2006.

Le rapport sera imprimé sous le n° 96 et distribué.

6

DÉPÔT D'avis

M. le président. J'ai reçu de M. Laurent Béteille un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du règlement, sur la proposition de résolution (n° 63, 2006-2007), présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Michel Billout, M. Yves Coquelle, Mme Michelle Demessine, Mme Evelyne Didier, M. Gérard Le Cam, Mme Eliane Assassi, Mme Marie-France Beaufils, M. Robert Bret, Mme Annie David, M. Guy Fischer, M. Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, M. Robert Hue, Mme Hélène Luc, Mme Josiane Mathon, M. Roland Muzeau, M. Jack Ralite, M. Ivan Renar, M. Bernard Vera, M. Jean François Voguet, M. François Autain, M. Pierre Biarnès, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes de la panne d'électricité du 4 novembre 2006, et sur l'état de la sécurité d'approvisionnement de l'électricité en France dans le cadre des politiques européennes d'ouverture à la concurrence du secteur énergétique.

L'avis sera imprimé sous le n° 97 et distribué.

J'ai reçu de M. Laurent Béteille un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du règlement, sur la proposition de résolution (n° 66, 2006-2007), présentée par M. Bertrand Auban, M. Jean-Pierre Bel, Mme Maryse Bergé Lavigne, M. Jean-Pierre Plancade, M. Marc Massion, M. Jean-Pierre Masseret, M. Bernard Angels, Mme Nicole Bricq, M. Michel Charasse, M. Jean-Pierre Demerliat, M. Jean-Claude Frécon, M. Claude Haut, M. François Marc, M. Gérard Miquel, M. Michel Moreigne, M. Michel Sergent, M. Didier Boulaud, M. Jean-Louis Carrère, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, Mme Josette Durrieu, M. Jean-Noël Guérini, M. Louis Le Pensec, M. Philippe Madrelle, M. Pierre Mauroy, M. Louis Mermaz, M. Daniel Percheron, M. Gérard Roujas, M. André Rouvière, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à la création d'une commission d'enquête sur le groupe EADS et sur les raisons des retards de production et de livraison du groupe Airbus.

L'avis sera imprimé sous le n° 98 et distribué.

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ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 6 décembre 2006, à onze heures, quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos°77 et 78, 2006-2007) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).

Seconde partie. - Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales :

- Outre-mer (+ articles 50 et 50 bis) :

M. Henri Torre, rapporteur spécial (rapport n° 78, annexe n° 17) ;

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 80, tome IV) ;

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 82, tome II) ;

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 83, tome VI).

- Sécurité :

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial (rapport n° 78, annexe n° 26) ;

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (Sécurité, avis n° 83, tome VIII) ;

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Gendarmerie, avis n° 81, tome IX).

- Sécurité civile (+ article 51 septies) :

M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 78, annexe n° 27) ;

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 83, tome IX) ;

- Politique des territoires :

M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 78, annexe n° 18) ;

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 80, tome V) ;

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 80, tome V) ;

M. Dominique Mortemousque, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 80, tome V).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à onze heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits des missions pour le projet de loi de finances pour 2007

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits des missions et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2007 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à onze heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie, non joints à l'examen des crédits des missions du projet de loi de finances pour 2007

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie, non joints à l'examen des crédits des missions du projet de loi de finances pour 2007 est fixé au vendredi 8 décembre à seize heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 6 décembre 2006, à une heure cinquante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD