sommaire

présidence de M. Jean-Claude Gaudin

1. Procès-verbal

2. Désignation d'un sénateur en mission

3. Convention relative à la diversité des expressions culturelles. - Adoption d'un projet de loi

Discussion générale : Mmes Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; Catherine Tasca, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Yves Dauge, Jack Ralite.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

Mme la ministre déléguée.

4. Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. - Adoption d'un projet de loi

Discussion générale : Mmes Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; M. Jack Ralite.

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Mme Catherine Tasca, M. Jacques Legendre.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

5. Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel. - Adoption d'un projet de loi

Discussion générale : Mmes Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; Catherine Tasca, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; M. Jack Ralite.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

6. Protocole modifiant la convention portant création d'un Office européen de police (Convention Europol). - Adoption d'un projet de loi

Discussion générale : Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; MM. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, Hubert Haenel.

Mme la ministre déléguée.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

7. Accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine nucléaire. - Adoption d'un projet de loi

Discussion générale : Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; M. Roger Romani, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Articles 1 et 2. - Adoption

Adoption du projet de loi.

8. Conventions internationales. - Adoption de sept projets de loi en procédure d'examen simplifiée

M. le président.

Convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel. - Adoption de l'article unique du projet de loi.

Protocole à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière. - Adoption de l'article unique du projet de loi.

Accord de coopération entre la Communauté européenne et la Suisse pour lutter contre la fraude. - Adoption de l'article unique du projet de loi.

Accord avec la Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure. - Adoption de l'article unique du projet de loi.

Protocole modifiant la convention de 1976 relative à la responsabilité en matière de créances maritimes. - Adoption de l'article unique du projet de loi.

Traité sur le droit des marques. - Adoption de l'article unique du projet de loi.

Accord avec la Norvège, la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord relatif à un système de sauvetage sous-marin. - Adoption de l'article unique du projet de loi.

9. Prévention des violences lors des manifestations sportives. - Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Discussion générale : MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Philippe Goujon, rapporteur de la commission des lois ; Jean Boyer, Simon Sutour.

Clôture de la discussion générale.

Articles 1er A, 1er B, 1er C, 1er, 1er bis et 2. - Adoption

Vote sur l'ensemble

Mme Éliane Assassi, M. Christian Cambon.

Adoption définitive de la proposition de loi.

10. Modification de l'ordre du jour

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Christian Poncelet

11. Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires espagnols

12. Allocution de M. le président du Sénat

MM. le président, Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement.

13. Règlement définitif du budget de 2005. - Discussion d'un projet de loi

Discussion générale : M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.

présidence de Mme Michèle André

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mme Nicole Bricq, MM. Roger Karoutchi, Aymeri de Montesquiou, Thierry Foucaud, Jean-Jacques Jégou, François Marc.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

M. le ministre délégué.

Clôture de la discussion générale.

Articles 1 et 2 (et tableau A annexé). - Adoption

Mme la présidente.

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Roland du Luart

Articles 5 (et tableau D annexé) et 6 (et tableau E annexé)

débat de contrôle de l'exécution des crédits de la défense

MM. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.

M. Robert Del Picchia, Mme la ministre.

M. Aymeri de Montesquiou, Mme la ministre.

Mmes Hélène Luc, la ministre.

Mmes Jacqueline Gourault, la ministre.

M. Didier Boulaud, Mme la ministre.

Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, la ministre.

M. Pierre Laffitte, Mme la ministre.

M. Robert Bret, Mme la ministre.

M. Jean-Pierre Godefroy, Mme la ministre.

M. Jacques Peyrat, Mme la ministre.

M. Jean-Pierre Fourcade, Mme la ministre.

M. le président de la commission des finances, Mme la ministre.

Clôture du débat.

Adoption des articles 5 (et tableau D annexé) et 6 (et tableau E annexé)

Renvoi de la suite de la discussion.

14. Dépôt de propositions de loi

15. Transmission d'une proposition de loi

16. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

17. Dépôt d'un rapport

18. Dépôt d'un rapport d'information

19. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

désignation d'un sénateur en MISsion

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 26 juin 2006 par laquelle il a fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre de l'écologie et du développement durable, M. Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin.

Cette mission porte sur la qualité de l'air en France.

Acte est donné de cette communication.

3

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles
Discussion générale (suite)

Convention relative à la diversité des expressions culturelles

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles
Article unique (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (n°s 384, 394, 414).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 20 octobre 2005, l'UNESCO a inscrit dans le droit international la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, en adoptant la convention que la France et ses partenaires francophones appelaient de leurs voeux dès 2002.

Ce texte constitue une avancée majeure dans la mesure où il garantit le droit souverain des États de décider de leurs politiques culturelles. Il consacre la valeur spécifique des biens et des services culturels et affirme l'importance de la solidarité culturelle internationale.

Il y avait urgence. Je voudrais rappeler ces quelques chiffres : 85 % des places de cinéma vendues dans le monde concernent des films produits à Hollywood ; 50 % des fictions diffusées à la télévision en Europe sont d'origine américaine, cette proportion atteignant même 67 % en Italie ; neuf des dix écrivains les plus traduits dans le monde sont des écrivains de langue anglaise ; 90 % des langues parlées aujourd'hui risquent de disparaître à la fin de ce siècle.

Pour la première fois, le droit international reconnaît donc que les États ont le droit de conserver, d'adopter et de mettre en oeuvre les politiques et les mesures qu'ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire. En cela, la convention garantit un droit fondamental aux yeux de la France, celui de permettre à tout État de préserver et de promouvoir sa culture et son patrimoine.

La convention confirme par ailleurs le rôle central des artistes et des créateurs ; elle reconnaît que les biens et services culturels sont porteurs de valeurs et de sens, donc de l'identité même des hommes et des sociétés. Ils ne sauraient de ce fait être soumis aux seules lois du marché.

La convention institue en droit international un régime particulier pour les biens et services culturels, complémentaire du droit de l'Organisation mondiale du commerce, sans subordination d'un corpus juridique à l'autre. En cela, elle affirme un principe défendu depuis longtemps par la France et par la francophonie : la volonté, à l'époque de la mondialisation où tout s'échange et où tout peut devenir objet de commerce, de donner à la culture une place particulière.

La culture n'est pas un bien marchand comme les autres. Elle a sa singularité, elle véhicule une identité, elle est diversité. Soutien mutuel, complémentarité et non-subordination guideront ainsi les relations de la convention avec les autres instruments juridiques internationaux.

Cette convention encouragera les parties à prendre en considération l'objectif de diversité culturelle lors des négociations de leurs obligations commerciales ainsi que pour l'application et l'interprétation des accords auxquels elles sont liées.

L'article 21 prévoit en outre que « les parties s'engagent à promouvoir les objectifs et principes de la présente convention dans d'autres enceintes internationales. » Il conviendra cependant de rester vigilant. En effet, la stratégie de certains États qui n'ont pas adopté la convention vise à multiplier la conclusion d'accords bilatéraux de libéralisation des échanges de biens et de services culturels avec le plus grand nombre d'États, qu'ils soient ou non parties à la convention.

Enfin, celle-ci consacre pour la première fois la dimension culturelle du développement et prévoit de renforcer la coopération internationale dans ce domaine. Elle servira notamment à soutenir la professionnalisation des métiers de la culture dans les pays en développement, à permettre l'émergence d'industries culturelles viables sur leur territoire et à favoriser la mobilité des artistes et des oeuvres.

La France est très attachée à ce volet « solidarité » de la convention, qui lui permettra de conforter les actions déjà menées en matière de coopération culturelle et de continuer à mettre en oeuvre des partenariats avec les pays du Sud. Nous investissons en effet déjà dans des programmes comme « Afrique en créations » - 5,9 millions d'euros sur trois ans -, le Fonds Sud cinéma - doté de 2,2 millions d'euros par an -, ou encore pour l'appui au désenclavement numérique en Afrique subsaharienne - programme ADEN - et pour l'accueil et la formation d'artistes étrangers en France. Depuis 2004, l'Organisation internationale de la francophonie a également inscrit la promotion de la diversité culturelle au titre de ses programmes de coopération.

S'il fallait résumer l'esprit de la convention, je citerais volontiers Léopold Sédar Senghor, dont nous fêtons cette année le centième anniversaire de la naissance et qui proposait de « s'enrichir de nos différences pour converger vers l'universel ».

L'universel, dans la vision du poète, ne se confond pas ici avec l'uniformisation, ne se substitue pas aux cultures ou aux héritages propres à chaque peuple. Au contraire, il les prolonge et les dépasse. Car, écrivait encore Senghor, « ce qui nous unit, c'est l'esprit de la civilisation, des civilisations, par quoi se définit la culture. C'est l'esprit, qui est raison et imagination, liberté créatrice. »

La convention internationale qui vous est soumise aujourd'hui est la traduction en actes, sur le plan culturel, de cette éthique de la différence. Elle représente un pari humaniste pour que cette différence soit maintenue et valorisée, pour l'enrichissement de tous.

Cette convention est ainsi porteuse de valeurs et de principes défendus de longue date par la France et par ses partenaires de la francophonie. Elle reconnaît l'égalité des cultures, la diversité des identités culturelles et la liberté d'expression des artistes, des créateurs et des peuples.

Le Président de la République a inauguré le 20 juin dernier le musée du quai Branly, entièrement consacré aux arts d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et d'Amérique. Pour le Chef de l'État, « en montrant qu'il existe d'autres rapports au monde, le musée du quai Branly célèbre la luxuriante, fascinante et magnifique variété des oeuvres de l'homme. Il proclame qu'aucun peuple, aucune nation, aucune civilisation n'épuise ni ne résume le génie humain (...). L'ouverture de ce musée réalise en effet une belle ambition : permettre la pluralité des regards et reconnaître la place qu'occupent des civilisations parfois négligées, oubliées voire méprisées. »

C'est par référence à ces valeurs que le Président de la République a entendu conférer une solennité particulière au processus de ratification de cette convention en demandant au Gouvernement de la soumettre au Parlement. L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi de ratification à l'unanimité le 8 juin dernier. Tout me laisse à penser qu'il en sera de même au Sénat.

La ratification par la France de ce texte par la voie parlementaire sera un signal fort vis-à-vis de nos partenaires qui l'ont adopté en octobre dernier. Trente ratifications sont nécessaires pour que la convention entre en vigueur. À ce jour, deux États - le Canada et l'île Maurice - ont déposé leur instrument de ratification auprès de l'UNESCO, et quatre - le Burkina Faso, Djibouti, la Croatie et la Roumanie - sont sur le point de le faire. Tous ces États sont membres de l'Organisation internationale de la francophonie. Les États et les gouvernements francophones qui ont porté avec détermination cette convention en octobre dernier se sont engagés lors de la conférence ministérielle de Tananarive, à l'automne 2005, à devenir parties au texte avant le sommet de Bucarest des 28 et 29 septembre prochains.

À cet égard, qu'il me soit permis de rappeler avec force, dans cette enceinte, la contribution majeure de la francophonie et de son secrétaire général, le président Diouf, à notre combat pour la promotion de la diversité culturelle dans le monde.

Mais aussi sur le plan communautaire, l'Union européenne et ses États membres ont su présenter un front uni tout au long de la négociation et ils mènent la ratification de cette convention en parallèle.

En la ratifiant dans un délai bref, la France démontrera qu'elle est fidèle à ses engagements. Elle donnera toutes ses chances à la nouvelle convention d'entrer en vigueur et de s'appliquer. Elle prolongera sur le plan normatif l'action qu'elle mène à travers sa coopération culturelle internationale, afin de préserver le droit de chacun d'être lui-même.

Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la convention adoptée à l'UNESCO le 20 octobre 2005 à la quasi-unanimité, seuls les États-Unis et Israël ayant voté contre, constitue pour les cent quarante-huit États signataires un engagement fort et une véritable chance à condition de le vouloir vraiment.

En effet, dans le contexte de la mondialisation croissante, la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sont tout à la fois un enjeu culturel et démocratique, un impératif éthique et un enjeu de politique internationale.

L'uniformité culturelle est un risque réel, déjà à l'oeuvre avec la disparition de nombreuses langues et en raison de la prééminence des États-Unis, pour qui la diffusion des produits cinématographiques, télévisuels et musicaux constitue une source de profit économique et un réel pouvoir d'influence.

Pour être plus qu'une idée, la diversité culturelle doit donc se doter d'instruments juridiques efficaces s'appliquant à un maximum de pays.

Le texte, dont il vous revient d'autoriser la ratification, est le résultat d'un long processus. Dès novembre 2001, l'adoption de la déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle avait affirmé l'importance d'un engagement international en faveur de « la féconde diversité des cultures » face aux risques d'homogénéisation et de repli identitaire liés à la mondialisation.

La convention de 2005 constitue une étape décisive dans ce processus, car elle instaure un cadre mondial de protection et de promotion de la diversité culturelle. Elle est l'aboutissement de la gestation réussie du nouveau concept de diversité culturelle dans l'ordre juridique international grâce au travail accompli dans diverses instances.

Au tout premier rang, l'Organisation internationale de la francophonie, au sein de laquelle il faut souligner l'engagement personnel de son secrétaire général Abdou Diouf, a développé un véritable plan de sensibilisation des États et gouvernements membres pour accompagner l'avant-projet à l'UNESCO.

Au niveau européen, l'attitude des États membres de l'Union a évolué de façon positive à l'égard de l'adoption de cette convention, ayant pour conséquence une adhésion de l'Union européenne à la convention le 19 mai 2006. Cette décision est un feu vert pour son adoption par chaque État membre.

À l'échelon national, il faut souligner le rôle moteur de certains États. Le Canada et le Québec ont été pionniers avec la création du réseau international des politiques culturelles. Le Canada a été le premier pays à ratifier la convention pour la diversité culturelle, le 23 novembre 2005.

Les Français, quant à eux, ont, les premiers, introduit la notion d'exception culturelle dans les relations internationales, notion qui a déterminé dans notre pays des politiques publiques volontaristes et caractérisées par une remarquable continuité à travers les alternances politiques. Il a fallu bien sûr dépasser le débat sémantique entre « exception culturelle » et « diversité culturelle », les termes de diversité culturelle recueillant à l'évidence une plus large adhésion, dont on avait bien besoin pour imposer l'idée d'une convention.

Aujourd'hui, pour tous, la diversité culturelle est l'affirmation que le champ culturel doit faire l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre des négociations internationales.

Les apports de la convention sont multiples : sa portée n'est pas seulement symbolique, même si cette dimension est fondamentale ; elle est surtout juridique et doit se traduire dans les faits sur le plan politique.

La convention consiste pour l'essentiel en une permission donnée aux gouvernements d'agir sans se voir opposer les règles du commerce international, pour défendre, s'ils le souhaitent, la diversité culturelle. Elle est aussi une incitation pour les États à ne pas se refermer sur eux-mêmes, à confronter et échanger avec les autres pays.

La coopération internationale, en particulier avec les pays en voie de développement, est essentielle, car elle compense l'aspect « protectionniste » que pourrait, aux yeux de certains, revêtir cette convention. L'articulation de la convention avec les autres instruments juridiques internationaux a été l'un des sujets les plus difficiles au cours des négociations.

Cela a abouti à l'article 20, qui pose clairement le principe selon lequel cette convention n'est pas subordonnée aux autres traités. Les États s'engagent à en tenir compte dans les autres accords auxquels ils sont ou seront parties.

C'est une véritable avancée en droit international, même si cela n'évite pas une certaine ambiguïté avec le paragraphe 2 de l'article 20. Ainsi, s'agissant de l'OMC, la convention ne préjuge pas l'inclusion ou l'exclusion des biens et services culturels dans les futurs accords commerciaux.

Autre avancée significative : le règlement des différends amènera les États à soumettre leurs litiges à un mécanisme spécialement prévu pour que les considérations culturelles, et non seulement commerciales, soient prises en compte. Le poids de la convention sera donc réel dans les négociations internationales.

L'enjeu de la ratification française sur la scène internationale est grand : cette convention doit être renforcée par une mobilisation internationale, largement portée jusqu'ici, aux côtés des États, par la société civile et les coalitions pour la diversité culturelle. Il est indispensable que le nombre d'États ayant ratifié ce texte dépasse rapidement la trentaine, afin de lui conférer une autorité politique internationale. Or les États-Unis font campagne contre cette ratification, ce qui fait hésiter nombre de pays en difficulté sur le plan économique.

Dans ce contexte, madame la ministre, nous attendons du Gouvernement qu'il soit très actif pour obtenir un maximum de ratifications, en mobilisant tous ses réseaux et, en particulier, celui de la francophonie, qui regroupe un quart des États de la planète.

Au moment où Assia Djebar entre à l'Académie française et où s'ouvre à Paris le musée des Arts premiers, la France doit continuer de jouer un rôle moteur dans cette bataille pour la diversité culturelle. Elle sera d'autant plus crédible dans ce rôle qu'elle saura conforter sa propre politique de promotion de la diversité au niveau national et qu'elle sera vigilante, à l'échelon européen, pour que l'Union tire toutes les conséquences de cette convention dans ses décisions concernant la directive Télévision sans frontières, le programme Média, la directive services.

La France doit être en mesure de prouver son engagement et de donner un signal fort, en ratifiant cette convention avant le Sommet de la Francophonie de Bucarest, en septembre 2006. Cette ratification aurait force d'entraînement auprès de pays qui peuvent aujourd'hui être hésitants.

C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose d'adopter sans réserve le présent projet de loi. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à me réjouir à la fois que le Gouvernement ait fait le choix, qui ne s'imposait pas juridiquement, d'une ratification de cette convention par la voie parlementaire et de la saisine pour avis de notre commission sur ce texte, ce qui est exceptionnel s'agissant d'une convention.

Cette saisine se justifie naturellement par l'importance de ce texte et son impact dans tous les domaines du champ de la culture.

Je commencerai par répondre à deux questions, afin de mettre en exergue la réussite que représente cette convention, qui est aussi, madame le ministre, un succès pour la diplomatie française et, plus largement, pour celle des pays francophones.

En premier lieu, pourquoi faut-il protéger et promouvoir la diversité culturelle ? En second lieu, quelles avancées représente la convention dans le droit juridique international ?

Les enjeux sont à la fois culturels et économiques, les deux étant liés. En effet, la mondialisation de l'économie et les progrès des technologies de l'information et de la communication facilitent la circulation des biens et services culturels, mais les mécanismes en vigueur ne jouent pas nécessairement en faveur de relations culturelles équilibrées. Avec la concentration des entreprises et la production de biens et services uniformisés, nous sommes confrontés à un risque à la fois de domination et d'appauvrissement culturels. Nous savons que, compte tenu de la spécificité des biens et services culturels, c'est l'avenir du pluralisme culturel, y compris linguistique, qui est en jeu.

Le défi est donc politique ; il est aussi économique. La part des industries créatives et culturelles dans le produit intérieur brut mondial et dans les échanges mondiaux ne cesse de croître et leur impact est donc considérable sur les économies.

Le seul secteur audiovisuel représente plus d'un million d'emplois pour l'Union européenne, pour un chiffre d'affaires de 88 milliards d'euros en 2003, dont 81 % pour la télévision et 19 % pour le cinéma.

Cette réalité explique sans doute le fort engagement des Américains en vue d'une libéralisation de ces échanges et, parallèlement, leur faible enthousiasme - c'est un euphémisme ! - à l'occasion des négociations.

La convention de l'UNESCO représente des avancées incontestables puisque, pour la première fois, la culture se trouve intégrée en tant que telle dans le droit international.

Mme le ministre et Mme le rapporteur de la commission des affaires étrangères l'ont dit avant moi, la convention reconnaît la double nature, économique et culturelle, des activités, biens et services culturels.

La convention concerne la diversité des « expressions culturelles » et autorise les parties à prendre des mesures appropriées destinées à les promouvoir ou à les protéger lorsqu'elles sont soumises à un risque d'extinction ou à une menace grave. Ces mesures peuvent concerner, par exemple, des aides financières publiques, l'encouragement et le soutien d'institutions ou d'artistes, ainsi que la promotion de « la diversité des médias ».

Sont visées à la fois la création, la production, la diffusion et la distribution des expressions culturelles, mais aussi la faculté pour les individus et les groupes sociaux d'avoir accès aux diverses expressions culturelles provenant de leur territoire ainsi que des autres pays du monde.

Elle incite également les parties à reconnaître l'importante contribution des artistes et de tous ceux qui sont impliqués dans le processus créateur, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Le texte encourage les États à mettre en place des programmes d'éducation, de formations et d'échanges dans le domaine des industries culturelles.

Je m'étonne cependant que les mesures relatives à la langue ne figurent dans le texte que de façon incidente, alors qu'il s'agit là d'un volet essentiel du concept de diversité culturelle. Mais il convient de replacer ce texte dans le cadre plus général du corpus juridique existant, qu'il vient ainsi compléter. Je pense, en particulier, à la convention sur la protection du patrimoine culturel immatériel, dont nous allons débattre dans quelques instants et qui concerne aussi les langues, en tant que facteurs indispensables à la transmission de ce patrimoine.

Je crois, et j'espère, que la convention que nous examinons aujourd'hui renforcera la prise de conscience et la motivation des États, pour à la fois défendre l'usage de leur langue et encourager la diversité linguistique.

Enfin, je me réjouis que cette convention comporte un important volet en faveur de la coopération internationale. À ce titre, par exemple, la conclusion d'accords de coproduction et de codistribution est encouragée.

Je n'irais toutefois pas jusqu'à dire que ce texte reprend complètement les souhaits émis par notre pays puisque, comme tout compromis, il comporte aussi des limites.

On peut ainsi regretter, comme il a été dit précédemment, que soit fixé un statut juridique en réalité peu contraignant : en premier lieu, en raison de la délicate articulation entre cette convention et les autres instruments juridiques internationaux - le texte consacre le principe de non-subordination de la convention aux autres traités, mais sa rédaction sibylline n'est pas sans ambiguïté - ; en second lieu, à cause de la faiblesse du mécanisme de règlement des différends, qui n'est assorti d'aucune clause contraignante ni de sanctions.

Je crois néanmoins que nous ne devons pas sous-estimer l'intérêt d'un tel mécanisme, dont le caractère incitatif n'en sera pas moins réel.

La convention vient d'ailleurs d'ores et déjà conforter les politiques culturelles françaises et européennes. Elle constitue une référence incontournable et l'on peut déjà mesurer son impact concret, que ce soit dans le nouveau programme européen « Culture 2007-2013 », qui inclut désormais des industries culturelles non audiovisuelles, dans la nouvelle proposition de directive Télévision sans frontières ou dans le secteur du cinéma.

On peut penser que le processus d'adoption de la convention a pesé dans la récente décision de la Commission européenne d'approuver, sous conditions, le dispositif français de soutien à la production et à la diffusion cinématographique.

Nos politiques culturelles se voient ainsi confortées par la convention. Il nous faudra néanmoins, ne nous y trompons pas, faire preuve de vigilance et de volonté politique pour que cette dernière ait un impact réel, notamment dans le cadre des négociations commerciales internationales de l'OMC. Nous pouvons compter sur les États-Unis pour poursuivre leur stratégie de contournement, qui consiste à multiplier les accords bilatéraux comportant des clauses culturelles, avec des États parties à la convention.

Il est donc souhaitable à la fois d'atteindre dès que possible l'objectif des trente ratifications, condition de l'entrée en vigueur du texte, mais aussi d'aller au-delà, afin de renforcer sa portée. J'espère que cet objectif sera en passe d'être atteint pour le onzième Sommet de la Francophonie, qui se tiendra à Bucarest du 25 au 29 septembre prochain. Nous aurions là un motif de satisfaction réelle pour fêter le vingtième anniversaire des Sommets de la Francophonie.

Dans cette perspective, nous pouvons nous réjouir de la forte mobilisation d'institutions internationales telles que le Conseil de l'Europe ou l'Assemblée parlementaire de la francophonie, qui se réunira en assemblée générale à Rabat à la fin de la semaine. Il sera demandé à tous les États de la francophonie de faire diligence.

Je pense aussi à la trentaine de « coalitions européennes pour la diversité culturelle », qui rassemblent plus de 500 organisations professionnelles de la culture.

Je propose aussi, mes chers collègues, que les uns et les autres, dans le cadre des groupes interparlementaires d'amitié que nous présidons ou dont nous sommes membres, nous exposions à nos collègues étrangers les enjeux de cette convention et l'intérêt qu'il y aurait pour leur pays de procéder rapidement à sa ratification. Vous recevrez bientôt, mes chers collègues, une lettre en ce sens.

Mobilisation et vigilance sont à l'ordre du jour. Nous pouvons cependant nous réjouir aujourd'hui, dans notre vie politique qui n'est pas toujours exaltante, de voir des signes qui, eux, peuvent au contraire nous rassembler et qui représentent la concrétisation d'une grande idée à laquelle nous sommes tous attachés, sur l'ensemble de ces travées.

Je pense, tout d'abord, à l'Algérienne Assia Djebar, écrivain, qui vient d'entrer à l'Académie française. Ce fut, pour ceux qui ont entendu les discours de réception, un grand moment de notre histoire et dans nos rapports avec un pays qui nous est encore si proche.

Je pense également à l'inauguration du musée du quai Branly. La proclamation qui a été faite de l'égalité des oeuvres de l'art s'incarne maintenant sur les bords de la Seine.

Je pense aussi au colloque important consacré à la pensée et à l'action politique de Léopold Sédar Senghor, qui s'est tenu hier à l'Assemblée nationale, sur l'initiative de l'Assemblée parlementaire de la francophonie.

Enfin, aujourd'hui, le Sénat examine le projet de loi autorisant l'approbation de la présente convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui constitue la mise en oeuvre législative de la pensée guidant tous ces actes.

Mes chers collègues, la commission des affaires culturelles, à l'unanimité, vous invite à adopter, sans modification, le présent projet de loi. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'évidence, cet événement est unique dans l'histoire de l'UNESCO puisque aucune convention n'a été adoptée à une majorité aussi forte.

Ces votes traduisent un moment politique fort qui a été ressenti au sein de l'UNESCO. Tous ceux qui ont suivi cette longue marche - assez rapide au demeurant : quatre années de préparation et deux ans de négociation - peuvent en témoigner. Les raisons tiennent à une autre façon de voir la mondialisation et d'aborder les problèmes du développement, notamment dans le tiers monde.

Permettez-moi de revenir un instant sur la méthode. La France a quelquefois joué trop seule. Là, au contraire, elle a su créer un réseau d'alliances sur une vision qui n'était pas défensive - à un moment donné, nous étions sur un concept qui ne permettait pas de gagner - et qui présentait la culture comme un élément essentiel du développement.

Ce thème fédérateur a permis non seulement de rassembler tous les réseaux politiques qui ont été évoqués, mais aussi de conclure des alliances avec les milieux professionnels. De ce point de vue, la société civile doit rester un des éléments décisifs du succès politique qu'il faut obtenir.

À cet instant, madame la ministre, je tiens à rendre hommage à l'immense professionnalisme dont ont fait preuve les diplomates français de l'UNESCO, MM. Musitelli et Guéguinou, soutenus par le Président de la République et les Premiers ministres successifs.

La démarche qui a été suivie pourrait être utilisée au sein d'autres instances internationales, où la France n'a pas été toujours suffisamment présente non pas seulement sur le plan physique, mais aussi sur le plan du concept, des idées, du rayonnement culturel. Pour avoir souvent travaillé avec l'UNESCO, je dois dire qu'à une époque j'étais désespéré de constater l'absence de la France. Pourtant, après la guerre, elle avait revendiqué l'installation de cet organisme à Paris. Mais, une fois l'édifice construit, elle s'en est désintéressée.

Madame la ministre, il importera de se montrer très attentif au choix des représentants de la France dans les institutions internationales, notamment celle-ci.

Bien entendu, il n'est pas dans mon intention de critiquer certains ambassadeurs. Mais il est insoutenable de constater notre absence dans des lieux et des débats essentiels au regard des prétentions que nous affichons.

C'est d'ailleurs également le cas au sein d'autres instances, notamment de l'Union internationale pour la conservation de la nature, l'UICN, grande organisation non gouvernementale internationale, où la France est complètement écrasée par le monde anglo-saxon. Ainsi, lors des assemblées générales auxquelles j'ai pu assister et qui rassemblent des milliers de participants venant du monde entier, j'ai pu observer qu'aucun texte n'est écrit en français, aucune intervention en séance plénière n'est formulée en français.

Dès lors, je m'interroge : comment pouvons-nous défendre les causes qui nous sont si chères ?

Nous devons faire une révolution culturelle chez nous, poursuivre dans la voie qui nous a conduits à ce succès diplomatique et mettre les moyens suffisants dans les organisations internationales partout dans le monde.

Vous l'avez tous dit, la base juridique est bonne, même si elle fait l'objet de critiques. Nous aurions pu nous trouver en situation de subordination ; nous sommes à égalité. Mais il nous faut rester attentifs à la jurisprudence qui sera déterminante.

Nous devons suivre l'exemple de la convention de Rio, de 1992, à partir de laquelle s'est créée une jurisprudence, où comme dans des domaines similaires, les décisions des juges ont tenu compte des questions environnementales. Il nous faut accompagner cette évolution juridique avec une grande attention. À l'évidence, un combat politique est à mener, à l'intérieur même de l'UNESCO.

Ceux qui connaissent bien la maison le savent, les États-Unis imposent une pression énorme, accompagnant systématiquement toutes les informations montant à la direction générale de leurs commentaires, critiques, remises en cause, ce qui crée une espèce de double pouvoir au sein de l'organe. Cette situation est liée à une vision politique de l'instant. Je fais d'ailleurs une distinction entre cette machine politique qui veut prendre le pouvoir partout et l'esprit créatif, le rayonnement politique des Américains dans le monde, que chacun est prêt à reconnaître et à soutenir.

Il faut donc que nous commencions à anticiper, comme nous l'avons fait tout au long de ce processus, et que nous nous interrogions sur le dispositif interne qui se doit se mettre en place à l'automne 2007, selon le calendrier fixé. Selon toute vraisemblance, tout se jouera à ce moment. J'espère que d'ici là le seuil des trente ratifications sera atteint, voire dépassé.

Une Conférence des parties aura lieu ; un comité technique sera mis en place. La France interviendra-t-elle afin d'anticiper sur la préfiguration du dispositif ? Le secrétariat ne sera-t-il qu'un embryon résultant de la volonté forte de certains de le réduire au minimum ou parviendra-t-on à constituer une équipe puissante, à l'instar du comité du patrimoine mondial, créé à l'époque grâce à M. Mayor, dans le cadre de la convention de 1972, que l'on peut comparer avec la convention qui nous est soumise aujourd'hui ? La France apporte d'ailleurs un soutien constant au fonctionnement de ce comité.

L'organisation de ces structures ne s'improvisera pas, d'où la nécessité d'anticiper.

Il importe de réfléchir aux politiques à mener. Se contenter d'adopter une position d'observateur, de compter les points et de prendre connaissance d'un rapport bisannuel est très décevant.

La France doit absolument garder la même stratégie d'anticipation, en s'appuyant sur ses réseaux, pour envisager une politique dès maintenant, avant même que cette convention soit ratifiée, car elle aura un poids politique et psychologique considérable dans le monde. Elle ne doit pas baisser la garde !

À l'extérieur de l'UNESCO, nous disposons d'un réseau mondial puissant dans le domaine culturel, comprenant plus de mille alliances.

Nous avons également cent cinquante centres culturels, mais, comme nous le savons tous, madame la ministre, ce réseau ne va pas bien du tout.

M. Jack Ralite. Eh oui !

M. Yves Dauge. Ce sujet a d'ailleurs fait l'objet de rapports. Je ne veux pas me montrer trop pessimiste, mais je tiens à attirer votre attention sur le fait qu'il est très difficile de faire vivre ce réseau avec les moyens budgétaires qui lui sont affectés actuellement. De nombreux centres avec lesquels je suis en contact n'ont plus les ressources financières suffisantes pour fonctionner, voire pour payer les salaires de leurs effectifs. Faute de crédits, les actions ne peuvent plus être menées et les partenariats deviennent impossibles.

Si l'on peut comprendre, par ailleurs, certains choix budgétaires, il ne faut pas oublier l'importance de la voix de la France ! Nous devons veiller à rester cohérents avec nous-mêmes, car nous avons créé une attente considérable dans le monde.

Un des outils de la France pour promouvoir sa vision de la diversité culturelle est précisément le réseau culturel français. Il importe donc de le mettre au coeur de notre action.

Les réseaux culturels ont une mission de professionnalisation à accomplir, en aidant les pays à révéler leurs talents, à créer des industries culturelles. Ils ne peuvent plus se contenter d'une représentation de nos artistes. Notre politique culturelle doit aller au-delà de nos propres talents. Nombre de réseaux s'y emploient déjà, mais il faut renforcer leurs moyens. C'est tout l'esprit de la présente convention et c'est aussi notre travail.

J'insiste sur ce point, madame la ministre, car ses incidences budgétaires soulèvent le problème de la cohérence de nos décisions par rapport à la belle victoire que représente cette convention. Aussi, je vous pose très clairement la question de savoir si des crédits seront bien ouverts, dans le projet de loi pour 2007, en faveur du fonds international pour la diversité culturelle prévu par la convention, sauf à mettre en cause notre crédibilité.

Une réflexion est à mener à cet égard, notamment sur le montant des crédits, avec le soutien probable du président de la commission des finances.

À l'automne, il faut qu'ait lieu une grande manifestation, comme l'ont laissé entendre d'ailleurs les rapporteurs, autour de la ratification de la convention par la France afin de lancer la dynamique

Enfin, s'agissant du Fonds européen de développement, il me paraît important qu'une ligne budgétaire pour la diversité culturelle soit inscrite dans le cadre de l'aide apportée aux pays d'Afrique sub-saharienne, des Caraïbes et du Pacifique, ACP. Ce fonds, qui dispose de moyens considérables, est alimenté à hauteur de 25 % par la France. Est-il normal de ne pas retrouver dans les actions quotidiennes un soutien financier européen puissant, puisque l'Europe nous a suivis dans cette affaire ?

Elle devrait donner, elle aussi, des preuves concrètes en soutenant cette politique. Il me paraît absolument fondamental qu'elle s'engage aux côtés de la France, que nous soyons à la pointe des décisions financières en Europe, afin de montrer que nous sommes cohérents avec nos idées.

Monsieur le président, je m'adresse à vous qui êtes président de la délégation du Bureau du Sénat à la coopération décentralisée. La France voit se développer depuis longtemps une grande politique de coopération décentralisée. Il m'importe que la dimension culturelle soit de plus en plus présente dans ce cadre.

Je rappelle, à cet égard, que le Sénat a participé au sommet Africité qui s'est tenu à Yaoundé voilà deux ans. En outre, le lancement officiel de la cérémonie des Africités 2006 aura lieu au mois de septembre, à Nairobi, en Afrique anglophone. La France sera présente, notamment le Sénat, comme vous le savez, monsieur le président. Cet événement nous fournira l'occasion de développer ce thème porteur devant cette assemblée de toutes les villes d'Afrique et de prouver que nous continuerons à nous mobiliser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au risque de décevoir certains, j'exprime un certain malaise au moment de ce vote - que j'émettrai positivement, et que le groupe auquel j'appartiens émettra positivement. Mais on est obligé, dès le départ, d'avoir dans sa musette des engagements de vigilance, des engagements d'initiative, des engagements d'action.

Catherine Tasca a évoqué tout à l'heure diversité et exception. Je veux y revenir, non pas pour faire de l'histoire, mais pour placer le problème sur ses bases de départ.

J'ajouterai tout de suite que le travail tant de Catherine Tasca que de Jacques Legendre, pour les deux commissions dont ils sont les rapporteurs, me convient. Je vais néanmoins apporter une note un peu grave.

La diversité culturelle a succédé à l'exception culturelle, concept qui, je le rappelle, pendant plus de dix ans a rallié des forces telles qu'avec lui nous avons gagné alors tous les combats. Il y eut celui de la directive « Télévision sans frontières » ; puis, au moment du GATT, celui de la mise de côté, qui, sans être totale, fut néanmoins intéressante, de nombreux domaines de la culture. Il y eut encore celui du rejet de l'Accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI - je m'en souviens, ayant présidé au Sénat même la première conférence de presse sur la question : certes, un seul journal, Le Film français, était présent, mais les professionnels étaient nombreux. Il y eut enfin Seattle. L'exception culturelle n'était donc pas de l'eau, c'était un carburant fort efficace dès l'instant qu'on le faisait vivre.

J'ai depuis participé à toutes les actions, à tous les débats sur les questions qui nous réunissent aujourd'hui. Les États-Unis ont vécu tout cela comme un échec retentissant et ont publié à l'époque des documents explicitant leur réaction programmée, leur réaction stratégique : ils l'ont mise en route et continuent de la mener, de la façon lourdaude mais souvent efficace qu'ils ont.

Un certain jour d'octobre 1999 s'est produite cette fameuse substitution de vocabulaire : les treize représentants des pays qui alors constituaient l'Europe se sont réunis pour discuter de l'exception culturelle et se sont séparés en ayant accepté unanimement la diversité culturelle. Tout de suite, aux États-Unis, un monsieur qui, alors, croyait pouvoir parler très fort, à savoir Jean-Marie Messier, a crié bravo à la modernité de la diversité culturelle, hourra à la chute de l'archaïque exception culturelle, qu'il appelait, dans une déformation réductrice, « l'exception française ».

Dans l'exception culturelle, la prise en compte de la culture comme marchandise différente des autres était nette, précise. Elle court-circuitait dans certaines circonstances le capital. La diversité ignore le capital ; elle peut vouloir dire « tous les grains d'une même grappe de raisin » et non « tous les fruits du monde ».

Je le dis comme je le pense, je me suis tout de suite méfié : quand tant de gens se sont déclarés satisfaits, je me suis dit que, tout de même, quelques-uns devaient pactiser, pour parler comme René Char.

Je ne ferai aucune réserve négative sur la potentialité de la convention de l'UNESCO, que Catherine Tasca a si justement évoquée, en la considérant comme une véritable chance ; mais je ne peux oublier la bataille qu'il a fallu mener. Jacques Legendre a rappelé les trente coalitions et les cinq cents organisations professionnelles ; comme Catherine Tasca, il a évoqué la francophonie. Des colloques importants se sont tenus en France, dont l'un, organisé au musée du Louvre sur l'initiative de ce qui n'était pas encore la coalition française, s'est conclu par une réception importante, et intéressante, et positive, donnée par le Président de la République à l'Élysée. Je peux aussi rappeler le colloque « Diversité culturelle, mondialisation et globalisation » à La Villette les 4, 5 et 6 juin 2003, dont j'ai prononcé le discours d'ouverture.

L'action a donc été énorme, et c'est elle qui a été l'auteur de la partie « réussite » du document. Il ne faut pas non plus sous-estimer le fait que l'UNESCO a adopté la résolution à l'unanimité moins deux voix, cela a été évoqué. J'ai assisté au vote : c'est un moment qui faisait battre le coeur. Les États-Unis - qui étaient représentés par une dame - n'étaient pas fiers, Israël non plus ; les autres applaudissaient, pas frénétiquement, non, mais tout de même, comme dans un meeting populaire, ce qui est bien !

Donc, vous le constatez, je ne suis pas négativiste, pas du tout. Pour autant, il demeure que trois points minent et mineront la convention. Certes, l'article 21 précise : « Les parties s'engagent à promouvoir les objectifs et principes de la présente convention » ; mais l'article 20 pose que « rien dans la présente convention ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des parties au titre d'autres traités ». Quels sont les traités visés ? En premier lieu, celui de l'OMC, où le commerce sans rivages et « l'esprit des lois » nouvelle manière concurrencent la convention et règnent sans partage, et qui, pour le moment, ne fut jamais mis en échec.

Par ailleurs, l'article 25, qui traite des différends, ne prévoit aucune clause contraignante, aucune sanction. En cas de désaccord, il faut chercher une solution ; si l'échec survient, on se débrouillera pour trouver un tiers qui organisera la conciliation ; mais, s'il la trouve, les parties pourront la récuser. Il me semble que, là, quelque chose ne va pas ! On a l'impression de s'entendre dire : vous avez le droit à la culture, mais moi j'ai le droit au commerce, et mon droit est fort, tandis que le vôtre est faible.

Enfin, l'OMC, c'est l'état-major impitoyable de la « sensure », alors qu'à l'UNESCO c'est le sens !

Je sais bien qu'il est difficile de rappeler tout cela le jour même où l'on va voter, et où je vais voter. Mais il faut le dire, parce que cela implique des engagements - et je souscris totalement aux propositions d'Yves Dauge - qui sont sans commune mesure avec hier. D'ailleurs, c'est de plus en plus net : les lois sont votées, les décrets sont publiés, mais, déjà à l'échelon national, rien ne s'applique ; qu'attendre, dès lors, de l'échelon international ! Le travail qui reste à fournir est énorme ! Certes, des embryons de lois internationales ont vu le jour, à l'UNESCO même ; il n'est que de citer des noms comme Florence, en 1950, ou Nairobi, en 1976, pour se rappeler que, déjà, il était prévu, sur l'initiative des États-Unis, qu'un État qui était en difficulté pouvait prendre des mesures particulières. Mais quel fut le résultat ?

La convention est donc un tremplin. Mais, autant la culture est un tremplin inusable, autant celui-ci peut s'user : on a donc besoin, si je puis dire, de femmes de ménage et d'hommes de ménage ; encore faut-il balayer là où c'est nécessaire !

Ce n'est pas étonnant, quand l'un des objectifs de la convention pose une double nature des services culturels ! Moi, je ne peux pas accepter cela, et je ne l'accepterai jamais.

La culture, c'est la culture. Que l'industrie s'en occupe, c'est son droit ; mais quand un homme crée, il ne pense pas à ce que l'industrie fera : il crée, et cette création est humaine, privée, bien public, bien personnel, elle n'a pas de double nature. Malraux disait : « N'oubliez pas que le cinéma est aussi une industrie » ; aujourd'hui, on nous explique que le cinéma, en quelque sorte, a une double nature. Ici, la sémantique compte, et il faut avoir son dictionnaire - y compris le Dictionnaire culturel récemment publié.

Nous sommes aujourd'hui quelque peu éloignés de la culture qui n'est pas une marchandise comme les autres, comme l'avait définie Jacques Delors à la Défense, à l'occasion des discussions qui entouraient la directive « Télévision sans frontières ». Qui plus est, chacun sait bien qu'actuellement la culture n'est pas une préoccupation première. Moi qui me bats dans ce milieu-là depuis tellement longtemps, je me souviens de moments très forts ; mais je sens bien qu'en ce moment ce n'est pas une préoccupation particulière. Il n'est plus naturel de parler de culture au moment où le marché est totalement naturalisé, c'est-à-dire falsifié dans ses origines historiques. Car le marché a été inventé par les hommes pour qu'ils s'en servent, alors que c'est maintenant le marché qui se sert des hommes : c'est cela, la naturalisation. Mais la culture, elle, n'est pas naturalisée !

Comme j'aime bien, la veille d'un débat, le faire, j'ai téléphoné hier à des fonctionnaires de Bruxelles. Je les ai trouvés beaucoup plus pessimistes que d'habitude. Ils ont souligné à quel point c'était dur en ce moment, car ils ne sont écoutés nulle part : ni à la Commission, ni au conseil des ministres, ni au Parlement, qui zozote un peu sur cette question.

J'ai de l'émotion, parce que c'est grave. Je vais voter ce projet de loi, mais je mets dans ce vote tout un poids d'histoire et d'avenir, et je suis sûr que beaucoup ici le feront dans les mêmes conditions. Mais il faut le dire, car on sait bien ce qui va mal à ce sujet !

J'ai rencontré à l'occasion du débat sur le droit d'auteur de nombreux juristes, en Allemagne, à Bruxelles, mais aussi en France. J'ai discuté avec eux du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui : ils lui dénient tout caractère juridique. Moi qui, tout de même, y croyais un peu... Ils m'ont promis d'écrire des articles sur le sujet.

Il est indéniable qu'il y a un mouvement. Mais, fondamentalement, rien n'est écrit, et tout dépendra de nos actions.

La concentration et la financiarisation augmentent dans les industries culturelles, et l'Amérique bilatéralise dans un sens contraire à celui de la convention : il n'est que de voir ce qui s'est passé en Corée ! Il a fallu que, à Cannes, soit organisée une manifestation pour aider les Coréens. Ils étaient en furie, et on les comprend !

L'Europe tergiverse comme jamais. Certes, Mme Reding insiste sur le fait que les services non linéaires ont été inclus dans le champ de la diversité culturelle. Mais il aura fallu du temps, et nous ne sommes pas pour autant certains du sort de la directive « Télévision sans frontières » ! De plus, certains textes en préparation sont prometteurs !

Yves Dauge a rappelé que la convention prévoit la création d'un fonds ; mais, dans sa définition même, sa pépie est organisée. Alors, oui, il faut que la France y mette ses deniers ! La présidente du MEDEF a annoncé que celui-ci, au cours de son université d'été - tout le monde organise son université d'été, et c'est bien ! - devrait discuter de l'universel et du diversel. J'ai regardé dans le dictionnaire d'où venait ce mot, « diversel » : c'est un mot créole. Mais elle le détourne ! Elle fait de l'universel une modernité homogénéisante et du diversel une postmodernité hétérogénéisante.

Certains débats montrent bien que tout n'est pas clos. Dans le cadre des accords de Doha, les questions ne sont pas réglées, et la rencontre de Hongkong a été le théâtre d'une offensive sur la culture et l'audiovisuel à laquelle je ne suis pas sûr que la résistance sera suffisante.

Des problèmes subsistent donc. J'ai évoqué le MEDEF, non pas du tout dans le souci de tirer sur lui, mais parce que, dans la situation présente, en France, c'est lui qui s'occupe de l'intermittence et qui, finalement, a le dernier mot jusqu'ici. C'est donc que, lorsqu'il parle, il y a des oreilles pour l'écouter. Je ne dis pas qu'il ne faut pas l'entendre, mais il ne faut pas faire le petit soldat devant lui.

Comme cela a été relevé, seuls trois États ont ratifié la convention : le Canada, l'île Maurice et le Burkina-Faso. Ce n'est pas assez, il en faudrait au moins trente.

J'ai rencontré beaucoup de monde ; avec les coalitions, c'est obligé. Eh bien, un problème revient de plus en plus dans la bouche notamment des fonctionnaires qui représentent certains États, et cela me fait de la peine. Il y a la lenteur des ratifications, c'est un véritable marais sur le plan des idées, mais je vois poindre une nouvelle source d'inquiétude dont m'ont fait part au moins cinq ou six représentants. Oui, madame la ministre déléguée, l'idée circule en ce moment que « les articles 20 et 21 ne sont peut-être pas aussi bien qu'on le dit ». Cela signifie que nous devons nous battre.

Vigilance, exigence, bataille, initiative combative doivent être notre loi et notre pratique.

En vérité, il faut faire triompher l'idée que la culture est un bien public. Alors serait marquée la différence entre les biens publics et les biens marchands.

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Ralite.

M. Jack Ralite. Permettez-moi, pour terminer, de vous citer quelques extraits d'une intervention prononcée devant 3 500 personnes par Monique Chemillier-Gendreau, juriste internationale, lors d'une réunion des états généraux de la culture, le 12 octobre 2003 au Zénith, ayant pour thème au départ les intermittents du spectacle.

« Affirmer qu'une chose est bien public, c'est rappeler d'abord que les biens publics et les biens marchands n'ouvrent pas le même type de relations entre les humains. Sans doute l'argent est-il nécessaire dans tous les cas. Mais il ne joue pas le même rôle. Pour les biens marchands, il est un profit, souvent très supérieur aux coûts de production et il sert un intérêt individuel. Pour les biens publics, l'argent provient d'un effort de la collectivité pour produire, protéger, sauver quelque chose d'essentiel à cette collectivité. Sans cela, le libre marché attaque certains biens, par exemple la culture, dans sa vérité qui est la liberté et la diversité. Le marché est articulé à la demande solvable. Le régime de bien public est la garantie que quelque chose puisse exister même là où il n'y a pas de demande solvable. »

Voilà une démarche intéressante, madame la ministre déléguée.

Mme Chemillier-Gendreau ajoute qu'à l'intérieur de la catégorie des biens publics, il est toujours possible de réintroduire des formes de marché, limitées et encadrées. Et les mesures de partage équitable seront différentes selon la rareté du bien et son caractère renouvelable ou épuisable.

« La culture, l'éducation, le savoir sont les seuls biens qui ne diminuent pas lorsqu'on les partage. » Cette notion est fondamentale et, en l'introduisant dans le débat, Mme Chemillier-Gendreau nous invite à nous préoccuper de cette dimension.

Mais j'achève ma citation : « La culture, par essence, ne peut être ni privatisée, ni marchandisée, ni nationalisée. Toutes ces hypothèses sont des négations de la culture. L'on tente de la réduire à un échange sordide : j'ai produit, tu achètes. Mais la culture se décline sur le mode : nous nous rencontrons, nous échangeons autour de la création de quelques-uns, nous mettons en mouvement nos sensibilités, nos imaginations, nos intelligences, nos disponibilités. Car la culture n'est rien d'autre que le Nous extensible à l'infini des humains. Et c'est bien cela qui aujourd'hui se trouve en danger, et requiert notre mobilisation. »

Je suis, comme tout le monde, heureux de la création du musée des Arts premiers - on discute sur le nom, mais là n'est pas la question - comme j'ai été heureux de la création de l'Institut du monde arabe. Il y a là une filiation française qu'il faut poursuivre et développer. Mais il faut une troisième création, qui ne serait pas matérialisée par un monument en pierre, non, car ce serait en quelque sorte un monument humain. Comme l'a dit Yves Dauge, il faut organiser une fête-colloque, ou une féria si vous voulez, un peu comme l'a fait Ariane Mnouchkine pour 1789, une fête-colloque à laquelle la France - si elle peut le faire avec d'autres, tant mieux - convoquerait les coalitions et les États. Et nous aurions là un travail commun croisé sur une convention dont nous serons tout de même peu nombreux aujourd'hui à autoriser l'approbation, probablement en raison de la fin de la session.

Ce serait une initiative tout à fait importante et les défauts du texte seraient lus à la lumière de Michaux : « La pensée avant d'être une oeuvre est trajet ». Nous y sommes, et nous avons besoin, ô combien, de cantonniers intelligents. (Sourires.)

La convention à laquelle on nous demande d'autoriser l'adhésion est, en vérité, un texte inaccompli, mais il « bourdonne d'essentiel », comme dirait René Char. Alors, faisons-le bourdonner ! (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée à Paris le 20 octobre 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Je remercie l'ensemble du Sénat de ce vote à l'unanimité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à apaiser certaines des inquiétudes dont vous vous êtes fait l'écho.

Cette convention n'est qu'un point de départ ; le combat, qui est celui de toute la francophonie, et pas seulement celui de la France, doit être poursuivi.

Mais ce qui me réjouit aujourd'hui, c'est de constater que la francophonie, loin d'être une idée ringarde, une idée du passé, est au contraire une idée moderne, dynamique, attractive, une force qui permet de mener des combats jusqu'à la victoire, et nous en remporterons d'autres.

Certains ont évoqué l'environnement. La francophonie est à la pointe du combat pour défendre une belle idée française : l'organisation des Nations unies pour l'environnement.

Nous avons donc encore beaucoup de choses à faire avec tous nos amis de la francophonie. Nous avons obtenu une belle victoire grâce à cette convention, mais je le répète, ce n'est que le début d'un combat que nous allons continuer à mener tous ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre unanimité et je souhaite que nous puissions continuer à travailler dans le même esprit. (Applaudissements.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles
 

4

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
Discussion générale (suite)

Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
Article unique (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (nos  292, 369).

Dans la discussion générale, la parole est Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France est riche d'un important patrimoine culturel immatériel. Elle s'est engagée de longue date pour en effectuer un inventaire scientifique, le sauvegarder et en assurer le respect, ainsi que pour sensibiliser le public à son importance. La mission à l'ethnologie, les « ethnopôles » et les différents acteurs de la société civile contribuent à mettre en oeuvre cette politique, dont les productions scientifiques et les résultats sont reconnus aujourd'hui dans le monde entier.

Pourtant, la protection du patrimoine culturel immatériel reste une dimension méconnue de l'action publique. L'expression même ne nous est pas familière. Notre pays a longtemps préféré celle de « patrimoine ethnologique », consacrée par la création en 1980 du Conseil du patrimoine ethnologique. D'autres États utilisent des terminologies différentes.

Adoptée à l'UNESCO le 17 octobre 2003 et entrée en vigueur le 20 avril 2006, la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a donc pour premier mérite de créer un cadre universel de compréhension et de coopération pour ces politiques.

Elle définit de manière opératoire le patrimoine culturel immatériel comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ».

Cette définition s'applique aux traditions et expressions orales - y compris la langue -, aux arts du spectacle, aux pratiques sociales, rituels et événements festifs, aux connaissances et pratiques concernant la nature et l'univers, aux savoir-faire liés à l'artisanat traditionnel, toutes formes d'expression culturelle souvent fragiles ou menacées de disparition.

La convention prévoit également que les États parties élaborent des inventaires nationaux des biens à protéger, et leur propose une palette d'instruments pour sauvegarder et valoriser le patrimoine culturel immatériel et en assurer la reconnaissance, avec la participation des communautés concernées. Les engagements souscrits sont compatibles avec les engagements relatifs aux droits de la propriété intellectuelle ou à l'usage des ressources biologiques et écologiques.

Cette convention n'ajoute aucune contrainte à ce que notre pays fait déjà, mais elle inscrit et valorise son action dans un cadre multilatéral reconnu. La ratification n'implique donc aucune modification de notre droit. Elle constituera en revanche un pas supplémentaire dans la reconnaissance de ce patrimoine dans notre pays et illustrera notre forte implication dans la défense de la diversité culturelle.

Plus globalement, cette convention marque également un jalon important pour compléter le droit international du patrimoine, dont l'UNESCO est la source et le garant et auquel nous sommes traditionnellement très attachés.

Sa négociation a répondu à la demande d'États du Sud, notamment africains et océaniens, qui se reconnaissent peu dans les dispositions de la convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972, convention qui n'appréhende le patrimoine culturel que sous l'angle du patrimoine bâti, au détriment d'une conception plus large.

La dimension immatérielle du patrimoine, qui est à la fois la plus fondamentale et la plus vulnérable, méritait que l'on consacre à ce patrimoine un instrument international à part entière. C'est désormais chose faite, et le Président de la République, dont vous connaissez l'engagement en faveur de la diversité culturelle, a salué à l'UNESCO cette convention qui « rend hommage à des peuples trop souvent ignorés, des peuples qui disparaissent, année après année, dans l'indifférence de l'humanité, des peuples pourtant dépositaires d'expériences irremplaçables pour notre avenir, ces peuples Premiers qu'il est urgent de protéger, de respecter et de rétablir dans leurs droits. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que la représentation nationale saura reconnaître à son tour l'importance de ce texte. En autorisant sa ratification rapide, vous illustrerez notre constance dans nos engagements. Vous enverrez aux cinquante-deux États membres de l'UNESCO, qui l'ont déjà approuvée, un message de solidarité de la France, et vous manifesterez notre intérêt pour la défense de la diversité culturelle sous toutes ses formes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la convention que nous examinons aujourd'hui porte sur un sujet que d'aucuns pourraient qualifier d'énigmatique : le « patrimoine culturel immatériel ».

L'assemblée générale de l'UNESCO a adopté ce texte en 2003 afin de compléter la notion de « patrimoine culturel mondial », telle que définie par la convention de 1972. Cette convention a eu, vous le savez, un impact déterminant pour la protection de sites naturels ou bâtis, dont la liste est périodiquement complétée.

Cependant, certaines civilisations s'expriment par des types de création autres que les oeuvres bâties, je pense en particulier aux langues.

C'est pour prendre en compte leurs réalisations qu'a été élaborée la présente convention : elle vise à protéger le patrimoine culturel immatériel, défini comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que des communautés et des groupes reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ».

La négociation de ce texte a répondu à la demande d'États du Sud, notamment africains et océaniens, qui souhaitaient promouvoir une conception plus large du patrimoine culturel, incluant une dimension « immatérielle » qui traduit la vulnérabilité de ce patrimoine.

La convention vise donc à répondre à ce voeu et à distinguer des expressions culturelles différentes. La France est à la pointe de cette conception élargie de la sphère culturelle, comme l'a souligné le Président Jacques Chirac devant la dernière conférence générale de l'UNESCO, saluant un instrument juridique qui « rend hommage à des peuples trop souvent ignorés, des peuples qui disparaissent alors qu'ils sont dépositaires d'expériences irremplaçables pour notre avenir, ces peuples Premiers qu'il est urgent de protéger, de respecter et de rétablir dans leurs droits ».

C'est une coïncidence particulièrement heureuse, me semble-t-il, que l'examen de cette convention sur le patrimoine immatériel se déroule très exactement une semaine après l'inauguration par le Président de la République du musée consacré aux Arts premiers, quai Branly. L'ouverture de ce musée prouve à elle seule tout l'intérêt que notre pays attache à ces formes d'expression artistiques ou culturelles, diverses et multiples, spontanées ou raisonnées, à leur continuité et à leur préservation.

Ce texte, enfin, complète et parachève l'édifice conventionnel et normatif de l'UNESCO dans le domaine de la préservation du patrimoine culturel comme dans celui, parfaitement complémentaire, de la diversité culturelle.

La convention est d'ores et déjà entrée en vigueur en avril 2006, trois mois après qu'elle eut été ratifiée par trente États.

La France a pesé de tout son poids dans les négociations qui ont abouti au présent texte pour une définition la plus rigoureuse possible de la notion de patrimoine immatériel, soulignant la nécessité que les expressions ainsi distinguées aient bien un caractère de tradition continue et toujours vivante parmi les populations qui les pratiquent.

La notion de patrimoine immatériel vise donc, dans un souci de préservation de la diversité culturelle mondiale, à distinguer des oeuvres relevant autant de l'ethnologie que de la culture au sens occidental du terme.

Rappelons également que les travaux de l'école ethnologique française ont beaucoup contribué à l'évolution du regard occidental sur le contenu de la notion de « culture », jusqu'alors confinée dans les limites d'une approche artistique classique et conventionnelle.

Mes chers collègues, l'examen de ces éléments positifs a conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à vous recommander, à l'unanimité, l'adoption du présent projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, notre époque est caractérisée par le changement et les innovations technologiques.

Dans ce contexte, la culture populaire rurale et urbaine ainsi que ses sujets d'étude se transforment rapidement.

Selon les termes du communiqué final de la déclaration adoptée à Istanbul par les États participant à la table ronde de l'UNESCO, les 16 et 17 septembre 2002, « le patrimoine culturel immatériel constitue un ensemble vivant et en perpétuelle recréation de pratiques, de savoirs et de représentations, qui permet aux individus et aux communautés, à tous les échelons de la société, d'exprimer des manières de concevoir le monde à travers des systèmes de valeurs et des repères éthiques ».

Il comprend « les traditions orales, les coutumes, les langues, la musique, la danse, les rituels, les festivités, la médecine et la pharmacopée traditionnelles, les arts de la table et les savoir-faire ».

Ce patrimoine, fondé sur la tradition et transmis oralement ou par imitation, dénommé patrimoine ethnologique, présente tout à la fois un caractère intangible et un renouvellement constant dans ses formes d'expression.

Il est l'affirmation d'une culture traditionnelle et populaire et un garant de la diversité culturelle.

Il est, en raison de sa précarité, soumis au risque de disparition, d'où l'enjeu des inventaires, des travaux de recherches et d'études et de valorisation permanente grâce à tous les moyens que les technologies modernes de fixation et de conservation permettent.

Il est essentiel de préserver ces traditions pour faciliter la prise de conscience, chez chacun de nous, de notre culture première - pour reprendre un mot à la mode -, de notre enracinement et des pratiques culturelles vivantes qu'elles alimentent, à condition d'être des tremplins.

Des actions bien ciblées doivent donc être appliquées pour interpréter de façon efficace la mémoire d'un peuple : le patrimoine ethnologique comme le patrimoine archéologique doivent être révélés, conservés et transmis dans le cadre d'une politique cohérente conduite à l'échelle nationale comme sur le plan international.

Ministères, municipalités, organismes spécialisés ou pas, entreprises et particuliers doivent être concernés par la protection du patrimoine matériel et immatériel, par l'ethnologie et ses découvertes comme par l'interprétation faite de cet héritage.

Les ressources ethnologiques du patrimoine immatériel mettent en évidence l'importance qu'il il y a à se pencher sur un aspect du patrimoine culturel encore mal exploré.

En effet, le patrimoine immatériel doit être connu et mis en valeur pour diversifier les compétences des régions.

L'étude et la mise en valeur du patrimoine immatériel visent le maintien et le développement des cultures régionales, nationales et planétaires, la préservation de leur identité et de leur diversité.

Si, pendant longtemps, l'identité a été définie à partir des traditions immatérielles propres à une culture - la langue, les coutumes, les croyances, les rites, notamment -, ou d'éléments provenant de soi, elle est maintenant de plus en plus souvent considérée comme découlant aussi de l'Autre, c'est-à-dire d'emprunts faits à d'autres cultures.

Aujourd'hui, il faut donner toute leur place à ces patrimoines métissés face au danger du repli sur soi et aux développements, guerriers ou violents, donnés aux conflits politiques.

Il est nécessaire que l'effort public favorise la diffusion des connaissances du patrimoine ethnologique et la mise à jour de la discipline par sa contribution financière ou par son soutien logistique à l'occasion de la réalisation d'enquêtes, de recherches, d'inventaires et de publications diverses.

L'enquête ethnologique de terrain contribue à nourrir et à revitaliser les archives, qui jouent un rôle crucial dans la préservation à long terme des résultats de collecte, car elles détiennent une expertise unique dans ce domaine.

Ces données et ces archives, en permettant l'étude de la formation historique des identités culturelles, individuelles et collectives, conduisent à l'observation et à l'étude de ces identités dans leur dynamique contemporaine.

L'attention, si elle se porte tout particulièrement sur une réalité, permet aussi une démarche comparative afin de ne pas enfermer l'interprétation dans un seul système référentiel.

Ce décloisonnement est renforcé par une démarche résolument interdisciplinaire impliquant un véritable dialogue et une collaboration efficace entre plusieurs disciplines afin d'explorer de nouvelles voies théoriques, méthodologiques et analytiques pour une ethnologie de l'identité et de la diversité culturelle.

Cette double attitude, comparatiste et interdisciplinaire, est incontestablement la marque distinctive de la recherche.

Ces caractéristiques propres permettent de prendre une part très active, à l'échelle internationale, aux grands débats qui animent aujourd'hui les sciences humaines et sociales.

C'est pourquoi nous considérons qu'il est nécessaire d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée à Paris le 17 octobre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article unique.

Mme Catherine Tasca. Le présent projet de loi ne saurait se lire et s'apprécier isolément. Il est important de l'inscrire dans l'ensemble des textes qui sont soumis au Sénat ce matin.

Nous avons tous entendu tout à l'heure l'appel à la vigilance de notre collègue Jack Ralite sur l'évolution du monde.

Il a rappelé à juste titre que, aujourd'hui, la culture n'est pas toujours au centre des préoccupations, non seulement des politiques, mais aussi des peuples.

Sur tous les continents, les peuples sont aujourd'hui assaillis par des questions de survie, par des difficultés matérielles très difficiles à surmonter. On ne peut donc pas s'attendre à ce qu'ils donnent spontanément la priorité à la défense de leur culture, matérielle et immatérielle.

Ce texte, en ce qu'il consacre la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, revêt à nos yeux une importance toute particulière.

D'abord, il apporte une réponse magnifique au matérialisme croissant de notre univers et à la marchandisation qui occupe tous les espaces, y compris celui des expressions culturelles.

Ensuite, il constitue, je le crois, une défense utile contre un ethnocentrisme très largement présent sur la planète, en tout cas dans notre région du monde. Il est aussi un appel au respect des autres cultures dans ce qu'elles ont de plus fragile, c'est-à-dire des savoir-faire, des traditions, des us et coutumes qui sont sans doute les premiers exposés au grand vent du matérialisme.

Cette convention est une défense contre l'ethnocentrisme et un appel à la solidarité auquel nous sommes très attachés. C'est une des raisons pour lesquelles notre groupe votera ce texte.

Enfin, s'agissant de la politique culturelle française, autant nous avons fait la démonstration de notre attachement à la création vivante, au patrimoine matériel - le texte que nous allons évoquer tout à l'heure en est une preuve supplémentaire -, autant il nous reste du chemin à faire en ce qui concerne le respect et la protection du patrimoine immatériel.

Il y a dans nos pays des cultures régionales qui méritent aujourd'hui de trouver leur place dans le bien commun national. Il y a aussi de plus en plus, M. Jack Ralite vient de le rappeler, un métissage ou, à tout le moins, des confrontations, des rencontres de connaissances, de savoir-faire venus d'horizons divers, d'au-delà de nos frontières, auxquels nous devons accorder le même respect qu'à nos propres traditions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, sur l'article unique.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous ne pouvons pas ne pas rapprocher la présente convention de l'UNESCO du débat que vient d'avoir le Sénat à propos de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. J'ai alors regretté que cette convention ne fasse allusion aux langues qu'une seule fois, et encore la mention était-elle précédée d'un « notamment ». Or, à notre époque, la disparition des langues constitue un problème crucial.

Une langue est en effet l'instrument d'expression d'une culture. Or, nous le savons, des milliers de langues sont en train de disparaître. Ce phénomène inquiète certains de nos plus grands linguistes : que l'on pense aux propos de M. Claude Hagège, professeur au Collège de France.

Nous ne pourrons jamais accepter qu'une langue disparaisse au nom de la simplification. Certains considèrent que les frais de traduction sont toujours excessifs et que moins il y aura de langues, mieux on se comprendra. Nous estimons au contraire, pour notre part, que cette optique n'est pas la bonne. La diversité du monde exige le respect de chaque langue. Il faut donc s'efforcer de comprendre ce que l'autre exprime dans sa langue et le traduire sans le trahir.

Aujourd'hui, le Sénat est saisi d'un projet de loi visant à permettre l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel ; je note que les langues y sont citées, même si, curieusement, il semble que l'on ait quelque peu hésité à les introduire dans le texte. Il ne faut pas être timide dans ce domaine, car la disparition des langues est un des vrais drames de notre époque. Personne ne doit l'accepter et nous devons tous nous demander ce que nous pouvons faire pour garder en vie les éléments constitutifs du coeur d'une culture.

Quelle matinée ! Après avoir adopté le projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui comporte certes des insuffisances mais qui a au moins le mérite d'exister, le Sénat va sans doute, dans un instant, voter le projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Il nous restera à veiller que ces conventions soient appliquées dans toutes leurs dimensions, y compris en faveur des langues.

Chacun connaît la lutte que je mène, avec de nombreux autres sénateurs, pour la défense de la langue française. Lorsque l'on aime sa langue, lorsque l'on veut qu'elle rayonne, on se doit de respecter toutes les langues : c'est le sens profond de notre combat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
 

5

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles
Discussion générale (suite)

Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles
Article unique (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles (nos 388, 2004-2005, 281).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre du Conseil de l'Europe, la convention relative à la protection du patrimoine audiovisuel et son protocole sur la protection des productions télévisuelles ont été adoptés à Strasbourg le 8 novembre 2001, et signés par la France le 14 mars 2002. À ce jour, cinq ratifications sont encore nécessaires pour permettre leur entrée en vigueur.

Le constat de la perte irrémédiable de certaines oeuvres majeures du cinéma muet, en l'absence d'un système légal de protection et de restauration, est à l'origine de ces textes, l'idée ayant été émise de proposer aux États européens un modèle de protection de leurs patrimoines audiovisuels. Ces réflexions, qui ont conduit à l'adoption des deux textes aujourd'hui soumis à votre approbation, constituent les premiers instruments internationaux contraignants en la matière.

Le patrimoine audiovisuel visé par la convention comprend exclusivement les oeuvres cinématographiques, pour lesquelles est instauré un système de dépôt légal. Il s'agit de l'obligation faite aux États de déposer les images en mouvement, produites ou coproduites sur leur territoire, auprès d'un organisme d'archives qui doit en assurer la conservation, la documentation, la restauration et la mise à disposition à des fins de consultation.

En outre, la convention prévoit que les modalités d'application du dépôt légal des images en mouvement autres que les oeuvres cinématographiques seront précisées dans des protocoles. C'est ainsi que le protocole sur la protection des productions télévisuelles a pour objectif de faire appliquer aux oeuvres télévisuelles les principes de la convention, en instaurant un système de dépôt légal obligatoire.

Pionnière en matière de dépôt légal, la France ne pouvait que soutenir cette initiative de coopération entre États, laquelle est susceptible de donner corps à la notion de patrimoine audiovisuel européen. La loi du 20 juin 1992 organise le dépôt légal dans notre pays autour de deux institutions : le Centre national de la cinématographie, le CNC, est responsable de la collecte et de la conservation des oeuvres cinématographiques, tandis que l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, formalise la mise en place du dépôt légal pour les oeuvres télévisuelles et radiophoniques.

Depuis près de cinq ans, ces institutions travaillent à la numérisation et à la valorisation de ce patrimoine. La France peut donc, par la ratification de la convention et de son protocole, réaffirmer son engagement en faveur de la sauvegarde du patrimoine audiovisuel, conformément à sa pratique interne. Elle enverra un signal fort à ses partenaires européens, en permettant que l'on se rapproche de l'entrée en vigueur de ces deux instruments.

Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles, qui font l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et son protocole sur la protection des productions audiovisuelles, qui sont soumis à notre approbation, découlent d'initiatives du Conseil de l'Europe.

Ces textes apportent un net progrès, au regard des nombreuses législations nationales qui existent en matière de protection des images. C'est un prolongement heureux, et concret, de notre débat sur la diversité culturelle, puisqu'il s'agit de conserver la mémoire des oeuvres audiovisuelles.

Pour sa part, la France a fait oeuvre pionnière, en se dotant d'un important dispositif en ce domaine.

La présente convention est née d'un constat dressé par le Conseil de l'Europe : dans la plupart de ses quarante-six États membres, la sauvegarde du patrimoine audiovisuel dépendait uniquement d'un acte de dépôt volontaire, ce qui conduisait à une protection lacunaire.

Le texte instaure donc le principe du dépôt légal obligatoire pour les images en mouvement produites et mises à disposition du public dans chacun des États membres. Le dépôt légal implique non seulement l'obligation de remise d'un exemplaire de référence dans un organisme d'archives, mais aussi l'obligation de le conserver en bon état, ce qui nécessite, le cas échéant, des travaux de restauration.

Il s'agit des premiers instruments internationaux contraignants qui instituent un archivage systématique des oeuvres audiovisuelles, afin de les faire bénéficier des nouvelles technologies en matière de conservation et de restauration et de lutter ainsi durablement contre leur dépérissement.

Le dépôt légal est le seul moyen d'assurer la protection de ce patrimoine. Toute nouvelle image en mouvement doit être déposée, pour garantir l'existence d'un exemplaire de référence, seule manière de protéger efficacement l'oeuvre.

Le dispositif français de dépôt légal des images repose, pour l'essentiel, sur trois institutions.

La Bibliothèque nationale de France, la BNF, détient déjà, sur le site François-Mitterrand, 250 000 images documentaires, 900 000 documents sonores et 90 000 vidéogrammes. Le département de l'audiovisuel, créé en 1994, collecte le patrimoine audiovisuel. Le dépôt légal lui apporte, chaque année, 15 000 documents sonores, 7 000 vidéos et 7 000 documents multimédias et électroniques.

Le Centre national de la cinématographie, le CNC, sera chargé, à la suite de l'adoption de la présente convention, de gérer le dépôt légal des oeuvres audiovisuelles sur support numérique, dont la BNF est actuellement dépositaire. Il se prépare depuis deux ans à recevoir, dans son site de Bois-d'Arcy, ces oeuvres sur support numérique, dont le stockage et la conservation sont moins onéreux que ceux des oeuvres argentiques, car les données peuvent être stockées sur disque dur.

La collecte des films par le CNC a concerné 881 titres en 2005, contre 869 titres en 2004.

L'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, quant à lui, gère un fonds d'images et de sons constitué des archives des chaînes publiques de radio et de télévision, depuis leur création. S'y ajoute, depuis le 1er janvier 1995, le dépôt légal auquel est astreint l'ensemble des diffuseurs nationaux hertziens de télévision privée et publique, ainsi que les cinq chaînes nationales de Radio France.

Ce dépôt légal représente, annuellement, plus de deux millions de documents, dont 700 000 heures de télévision et 400 000 heures de radio.

L'utilité de ce dispositif trouve une preuve éclatante, s'il en était besoin, dans l'extraordinaire succès auprès du public de la mise en ligne d'archives audiovisuelles sur le site internet de l'Institut national de l'audiovisuel.

L'extension, par la présente convention, à l'ensemble des États membres du Conseil de l'Europe de dispositifs existant dans notre pays permettra une meilleure collecte et une préservation accrue d'oeuvres soit artistiques, soit reflétant la vie quotidienne des pays européens.

Cette convention marque également l'avancée de l'Europe de la culture et l'attractivité du modèle français de politique culturelle.

Aujourd'hui, nous connaissons tous la part dominante que prend l'image, tant pour sa création que pour sa diffusion auprès du grand public, dans l'environnement culturel de nos concitoyens. À travers cette convention, c'est, très largement, l'avenir de la transmission culturelle qui est en jeu. C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande de l'adopter. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Je souhaite simplement appuyer les propos que vient de tenir Mme Catherine Tasca.

J'ai connu, en tant que journaliste, les débuts de la télévision. Je me souviens de l'école des Buttes-Chaumont, à une époque où la télévision se faisait « en direct ». On répétait, puis on tournait. Il existe là un capital de culture française et internationale étonnant ! Les hommes qui y ont participé ont, pour l'essentiel, disparu. Je pense notamment à Lorenzi, Prat, Barma ou Kerchbron, ainsi qu'à beaucoup d'autres !

M. Roger Romani. Santelli !

M. Jack Ralite. Peu d'entre eux vivent encore, comme Dumayet, Tchernia ou Bluwal.

Quand on va à la Grande bibliothèque pour assister, par exemple, lors de soirées-débats organisées sur initiative conjointe de la Grande bibliothèque et de l'INA, à la projection d'oeuvres de Bluwal, on est ému par les documents que l'on retrouve à cette occasion.

Mais tout dépend de la qualité de l'image conservée. Certaines d'entre elles se trouvaient en grand péril voilà encore quatre ans ou cinq ans. Le nouveau directeur de l'INA, de ce point de vue, a effectué un travail énorme, qui n'était d'ailleurs pas très populaire. Il a, en effet, concentré ses crédits sur la restauration de ces documents. C'est que, avant d'aller plus loin, il fallait s'assurer que la voiture avait bien ses quatre roues ! L'action du directeur de l'INA a donc été capitale pour permettre l'accès à des oeuvres anciennes.

Quand on a un certain âge - c'est mon cas ! -, on est ému de retrouver ces images du passé. Nous devons d'ailleurs être des millions dans ce cas ! Au demeurant, les jeunes ont grand besoin de découvrir ce travail, car il n'y a pas d'autre solution que de se souvenir de l'avenir ! (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles, adoptés à Strasbourg le 8 novembre 2001, et dont les textes sont annexés à la présente loi.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles
 

6

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du protocole du 27 novembre 2003 établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol) modifiant ladite convention
Discussion générale (suite)

protocole modifiant la Convention portant création d'un Office européen de police (Convention Europol)

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du protocole du 27 novembre 2003 établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol) modifiant ladite convention
Article unique (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation du protocole du 27 novembre 2003 établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un Office européen de police (convention Europol) modifiant ladite convention (nos 157, 355)

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Office européen de police, ou Europol, a pour but d'améliorer l'efficacité des services de police européens et leur coopération, de manière à lutter contre le terrorisme et les formes graves de criminalité internationale.

À l'origine, ses activités étaient limitées à la lutte contre la drogue. Aujourd'hui, le champ d'action d'Europol couvre plus d'une vingtaine d'infractions, comme le terrorisme, les homicides volontaires, le trafic d'armes ou encore la criminalité informatique et la criminalité contre l'environnement.

Les missions essentielles d'Europol sont l'échange d'informations, leur analyse et un soutien opérationnel aux services nationaux de police. La compétence de l'office peut s'exercer dès lors que deux États membres de l'Union au moins sont concernés et qu'une organisation criminelle est impliquée.

Prévu dans le traité de Maastricht, cet office a été créé par une convention du 26 juillet 1995, entrée en vigueur en octobre 1998 et révisée par cinq protocoles successifs. Dernier en date, le protocole du 27 novembre 2003 est également le seul que la France n'ait pas encore ratifié. Fruit d'une initiative danoise, ce protocole témoigne de la volonté de permettre à Europol de jouer efficacement son rôle de pivot de la coopération policière européenne, en simplifiant et en améliorant certaines de ses procédures.

Les principales modifications apportées concernent l'étendue du champ de ses compétences. Le protocole prévoit, « [...] lorsqu'il y a raisonnablement lieu de croire qu'une organisation criminelle est impliquée », la possibilité de contacts directs entre des services nationaux et Europol, la consultation directe, mais limitée, du Système d'information Europol, ou SIE, par ces services nationaux, la simplification des modalités de création des fichiers de travail à des fins d'analyse et le renforcement du contrôle des demandes de données, notamment par le renforcement du rôle du Parlement européen vis-à-vis d'Europol.

Le Parlement pourra, par exemple, entendre un représentant de la présidence du Conseil de l'Union européenne, éventuellement assisté du directeur d'Europol, sur toute question générale liée à l'Office. En outre, la coopération avec Eurojust sera intensifiée, par la voie d'accord entre les deux organes.

L'article 2 du protocole prévoit les conditions de son entrée en vigueur, qui se fait quatre-vingt-dix jours après que le dernier État membre a notifié au Conseil l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises pour l'adoption de ce protocole. À la fin du mois de mai dernier, cinq États membres, outre la France, étaient encore dans cette situation.

En résumé, ce protocole devrait contribuer à renforcer le rôle opérationnel d'Europol au service de la coopération policière en Europe. C'est pourquoi les chefs d'État et de Gouvernement européens ont souligné, à plusieurs reprises depuis les attentats de Madrid de mars 2004, l'urgence qui s'attache à son entrée en vigueur.

Telles sont les principales observations qu'appelle le protocole établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un office européen de police, ou convention Europol, modifiant ladite convention, fait à Bruxelles le 27 novembre 2003. Dans la mesure où il comprend des dispositions de nature législative, ce protocole est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, le présent texte, qui concerne l'Office européen de police, est d'une importance particulière.

Europol a été créé en 1995 par les quinze pays membres de l'Union européenne de l'époque pour renforcer leur coopération en matière de lutte contre les formes les plus graves de criminalité internationale.

L'Office a rapidement vu sa légitimité reconnue, notamment en raison de la qualité de son travail. La pression accrue de la criminalité transfrontalière dans l'ensemble européen a conduit à renforcer, par deux fois déjà, ses compétences.

Le présent texte est le troisième à accentuer le caractère opérationnel d'Europol, en procédant à une série de modifications ponctuelles. Il manifeste la reconnaissance, par un nombre croissant d'États membres, de l'efficacité d'Europol. C'est notamment le cas de la France, qui, initialement réservée face à cette institution, manifeste aujourd'hui une vision plus positive de son action.

M'étant rendu personnellement au siège d'Europol, à La Haye, le 15 mars dernier, j'ai pu mesurer l'efficacité de la synthèse effectuée par les services d'Europol à partir des informations fournies par les États membres, et me réjouir que le présent texte étende les capacités de consultation des nombreux fichiers d'informations constitués par Europol.

Cependant, madame la ministre déléguée, j'ai constaté aussi que la France était sous-représentée numériquement, notamment dans les postes de responsabilité.

M. Hubert Haenel. C'est vrai !

M. André Rouvière, rapporteur. Il existe un décalage entre notre participation financière et notre participation en personnels. À mon avis, il ne faudrait pas grand-chose pour que la France retrouve la place qui devrait être la sienne, à condition de ne pas laisser la situation en l'état et de se saisir de toutes les opportunités.

Europol se présente en effet comme un outil irremplaçable pour l'échange d'informations entre États membres, auxquels se sont joints, à titre volontaire, sept pays ayant conclu des accords de coopération avec cette institution : le Canada, les États-Unis, l'Islande, la Norvège, la Suisse, la Bulgarie et la Roumanie. Par ailleurs, des accords « stratégiques » permettant des actions communes ont également été passés avec la Colombie, la Russie et la Turquie. Enfin, Europol travaille en liaison étroite avec Interpol.

On voit bien qu'Europol occupe désormais une place centrale dans l'organisation de la lutte contre la criminalité internationale et qu'il constitue un pôle majeur de regroupement d'informations sur les criminels et les trafics dans lesquels ils sont impliqués.

Son action contre la cybercriminalité mérite d'être soulignée, car cette forme moderne de criminalité risque, hélas, de se développer. Il paraît important, madame la ministre déléguée, de développer la formation de cyberpoliciers et de cyberjuristes. Il serait intéressant que vous puissiez nous donner quelques renseignements sur ces formations - même sous forme de note ultérieurement - afin que nous sachions où nous en sommes.

La commission des affaires étrangères forme le souhait que la France, qui tire, pour ses propres enquêtes, un grand bénéfice des informations synthétisées par Europol, y renforce sa présence en personnels. En 2006, seuls 37 employés sur 500 sont français, ce qui est peu au regard de la contribution financière de notre pays. Celle-ci se montait, en effet, en 2006, à 8 millions d'euros, sur un total de 63 millions, soit une proportion, appréciable, de 16 %, qui fait de la France le troisième contributeur, après l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Avant de conclure, madame la ministre déléguée, je voudrais réitérer une demande que j'ai faite au ministre présent à chaque fois que j'ai eu l'honneur de rapporter une convention ou un accord international : il serait important d'avoir, une fois par an ou tous les deux ans, une sorte de bilan de l'application de ces textes. Tous les ministres en acceptent le principe, comme notre collègue Jack Ralite le rappelait tout à l'heure à l'occasion d'un autre texte, et j'imagine que vous allez faire de même, mais, pour l'instant, ces textes que nous votons souvent dans l'enthousiasme ne font l'objet d'aucun suivi ; nous ne savons donc pas ce qu'ils deviennent.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, à l'unanimité, vous recommande, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi autorisant l'approbation du protocole modificatif. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel.

M. Hubert Haenel. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je ne reprendrai pas ici le contenu du rapport de notre excellent collègue André Rouvière. Je m'en tiendrai, dans mon intervention, à trois observations concernant le rôle du Parlement français en matière européenne.

Je précise, madame la ministre déléguée, si besoin était, que les observations que je vais faire ne vous sont pas personnellement destinées ; elles illustrent cependant ce que le Conseil d'État stigmatise régulièrement dans ses rapports sur l'administration française et l'Europe.

Première observation, pourquoi avoir tant tardé à présenter ce projet de loi ? Le protocole modifiant la convention instituant l'Office européen de police, Europol, a été adopté par le Conseil en novembre 2003. Or ce n'est qu'en décembre dernier que le projet de loi autorisant l'approbation de ce protocole a été déposé sur le bureau du Sénat. Fallait-il réellement deux années aux services pour rédiger l'exposé des motifs ?

J'ai tendance à croire que ce retard est surtout dû au désintérêt de l'administration française pour tout ce qui concerne l'Union européenne, et cela d'autant plus que j'ai relevé une curieuse coquille dans l'exposé des motifs. Il y est fait référence « au traité sur la Constitution européenne qui sera soumis à la ratification par voie référendaire au printemps 2005 ». Je doute que les services concernés aient ignoré le résultat du référendum du 29 mai dernier ! J'en déduis donc que ce projet de loi sommeillait dans les tiroirs d'un ministère depuis plusieurs mois ...

Vérification faite, le Conseil d'État a rendu son avis le 8 décembre 2005, le conseil des ministres a adopté le projet de loi le 11 janvier 2006, lequel a été déposé sur le bureau du Sénat le même jour. Étant donné que le texte doit encore être examiné par l'Assemblée nationale, il aura fallu, en définitive, au moins trois ans pour approuver une simple convention !

Au moment où la France traverse une période que l'on peut qualifier d'assez délicate au niveau européen, cette attitude n'est pas de nature à améliorer l'image de notre pays auprès de nos partenaires, vous en conviendrez, madame la ministre déléguée.

En effet, la quasi-totalité des autres États membres ont d'ores et déjà approuvé ce protocole, et notre pays est régulièrement montré du doigt à Bruxelles. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner - le rapporteur vient de le souligner à juste titre - que notre pays, troisième contributeur au budget d'Europol, avec une contribution de l'ordre de 8 millions d'euros, n'arrive qu'au sixième rang des nationalités qui composent le personnel d'Europol et, surtout, qu'aucun Français n'occupe un poste de responsabilité !

Ma deuxième observation porte sur la place réservée aux questions européennes dans notre assemblée.

La plupart des sujets évoqués en séance publique présentent une dimension européenne plus ou moins prononcée. C'est le cas des conventions européennes, des projets de loi de transposition des directives, mais aussi d'un grand nombre de projets ou de propositions de loi. Or, la plupart du temps, l'aspect européen est largement occulté dans nos débats. Il en va ainsi des textes qui ont fait l'objet, avant leur adoption, de résolutions adoptées par notre assemblée.

Ainsi le protocole sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer a fait l'objet, lors de son élaboration, d'une proposition de résolution qui a été examinée et adoptée par la commission des lois du Sénat. J'ajoute que le rapporteur de cette proposition de résolution était notre collègue Alex Türk, qui est l'ancien président de l'Autorité commune de contrôle d'Europol et qui connaît donc particulièrement bien ces questions. Or je constate qu'il n'est fait nulle part mention de ces travaux du Sénat.

Tout se passe comme si les travaux antérieurs du Sénat n'avaient pas existé. Nous avons trop souvent le sentiment d'être saisis pour la pure forme, sans qu'il soit tenu compte de nos résolutions.

L'Assemblée nationale vient de modifier son règlement afin de mieux prendre en compte cette dimension européenne. Dorénavant, les rapports faits sur un projet ou une proposition de loi portant sur les domaines couverts par l'activité de l'Union européenne comporteront en annexe des éléments d'information sur le droit européen applicable ou en cours d'élaboration, ainsi que les positions prises par l'Assemblée par voie de résolution.

Sera-t-il nécessaire de suivre l'exemple de l'Assemblée nationale et d'aller jusqu'à réviser notre règlement pour modifier nos pratiques ?

Enfin, ma troisième et dernière observation porte sur le fond et concerne la place des Parlements nationaux, et donc du Parlement français, dans le contrôle d'Europol. En effet, c'est sur cette unique question que portait la résolution adoptée par notre assemblée. À cet égard, je voudrais rappeler brièvement les différentes étapes.

Ce protocole est issu d'une initiative du Danemark. Lorsqu'il a été déposé devant le Conseil, le texte initial rendait possible la création d'une commission composée de représentants du Parlement européen et des Parlements nationaux pour « examiner les questions liées à Europol ». La création d'une telle commission avait été proposée par la première conférence interparlementaire de La Haye sur Europol, en juin 2001.

Toutefois, au cours des négociations au sein du Conseil, cette disposition a été modifiée et le contrôle par les Parlements nationaux a été supprimé. C'est la raison pour laquelle le Sénat et sa commission des lois avaient adopté une résolution « appelant le Gouvernement à s'opposer à l'adoption de ce texte tant que n'aura pas été inscrite une disposition permettant la création d'une commission, composée en particulier de parlementaires nationaux, chargée d'examiner les questions liées à Europol et de procéder à la comparution du directeur d'Europol ».

Par la voix de notre représentant permanent auprès des institutions européennes, la France a tenté, sans succès, de réintroduire cette disposition afin d'associer les Parlements nationaux au contrôle d'Europol.

Nous n'avons pas pu avoir satisfaction, mais la France a obtenu une déclaration précisant que l'adoption de ce protocole est sans préjudice des droits des Parlements nationaux et de futurs arrangements concernant le contrôle des activités d'Europol par le Parlement européen et les Parlements nationaux.

L'idée que les Parlements nationaux doivent être associés au contrôle des activités d'Europol est largement partagée.

La coopération policière porte sur des questions très sensibles qui touchent directement aux droits des individus.

C'est pourtant sur ces questions de sécurité et de justice - souvenez-vous du référendum sur la Constitution européenne - que les attentes sont les plus fortes et que l'opinion publique estime, à juste titre, que l'Europe n'en fait pas assez dans ce domaine.

Vous conviendrez, madame la ministre déléguée, qu'il est légitime, dans une démocratie, que le Parlement exerce un droit de regard sur les services de police. Au demeurant, s'agissant d'un domaine qui relève jusqu'à nouvel ordre de la coopération intergouvernementale, tout le monde s'accorde sur la nécessité d'associer les parlements nationaux au contrôle d'Europol.

Je le rappelle, la Commission européenne et le Parlement européen y sont favorables, tout comme d'ailleurs l'Assemblée nationale et les autres Parlements, britannique, néerlandais ou danois, notamment.

J'ajoute que la Constitution européenne prévoyait que le Parlement européen et les Parlements nationaux s'associent au contrôle d'Europol, et le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire lui-même, M. Sarkozy, s'était prononcé en ce sens lors d'une audition devant le Sénat.

Dans ce contexte, je dois vous avouer, madame la ministre déléguée, ma surprise et aussi mon inquiétude à l'égard des discussions qui se déroulent actuellement au niveau européen à propos de l'avenir d'Europol et à l'égard de la position défendue par le Gouvernement.

En effet, la présidence autrichienne a lancé un vaste débat sur l'avenir d'Europol. Parmi les pistes évoquées figurent notamment le remplacement de la convention institutive d'Europol par une décision du Conseil, l'élargissement de ses compétences et un accroissement de son rôle opérationnel, notamment en liaison avec les équipes communes d'enquête.

Cette réflexion a donné lieu à des conclusions sur l'avenir d'Europol, qui ont été adoptées lors du dernier Conseil « Justice et affaires intérieures » des 1er et 2 juin dernier. Or à aucun moment et dans aucun document on ne trouve une référence quelconque au contrôle démocratique d'Europol par les Parlements nationaux. Au contraire, et pis encore, les Parlements nationaux se verraient privés du droit d'autoriser ou non toute modification de la convention Europol.

Je voudrais donc savoir, madame la ministre déléguée, si le Gouvernement entend respecter ses engagements, en faisant valoir la nécessité d'un contrôle d'Europol par les Parlements nationaux.

Cette question est d'autant plus importante que les activités de l'Office européen de police vont prendre à l'avenir, comme M. le rapporteur l'a souligné, un caractère de plus en plus opérationnel.

L'association des Parlements nationaux n'est pas une question accessoire. À mes yeux, c'est une condition de la légitimité d'Europol. Il n'est pas acceptable qu'un tel organisme se trouve en dehors d'un véritable contrôle parlementaire.

D'une manière plus générale, la réhabilitation de la fonction politique et parlementaire dans notre pays passera nécessairement par un rééquilibrage institutionnel, afin que le Parlement trouve sa juste place et que les positions, propositions, suggestions et critiques, au sens le plus noble du terme, du Sénat et de l'Assemblée nationale soient entendues par le Gouvernement et soient prises en compte par les administrations.

Même si mes propos peuvent gêner un certain nombre de mes collègues, je n'aurais pas été dans mon rôle et n'aurais pas assumé mes responsabilités de parlementaire si j'avais passé sous silence les constatations que j'ai faites lors de l'examen du protocole modifiant la convention Europol.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Monsieur Haenel, je tiens à vous dire que, sur les vingt-cinq États membres d'Europol, l'Irlande, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède, la Belgique et l'Allemagne n'ont pas encore ratifié le présent protocole. La France n'est donc pas à pointer du doigt dans le processus de ratification qui est ici engagé.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous nous faites part de votre inquiétude quant au manque de contrôle démocratique des parlements nationaux sur les activités d'Europol.

Je souhaite, tout d'abord, rappeler que, si les travaux du groupe Europol qui ont conduit à la rédaction de ce protocole n'ont certes attribué aucun droit de regard aux Parlements nationaux, il n'en demeure pas moins vrai que le contrôle démocratique de l'Office européen de police s'est vu élargi et renforcé par les nouvelles dispositions prévues aux articles 32 bis et 34 de la convention. Ce contrôle sera renforcé via un accès des documents de l'Office au public.

En effet, l'article 32 bis obéit à la logique de transparence vis-à-vis du public et de contrôle démocratique prônée par les institutions de l'Union européenne. En outre, le nouvel article 34 dispose que le Parlement européen sera, d'une part, annuellement destinataire d'un rapport spécial sur les travaux menés par Europol, et qu'il pourra, d'autre part, entendre le commissaire chargé de la justice et des affaires intérieures ainsi que le directeur d'Europol sur les sujets ayant trait à l'action de l'Office européen de police.

Ensuite, je crois que l'orientation des travaux en cours sur l'avenir d'Europol au niveau européen est de nature à vous rassurer.

En effet, ces travaux partent du constat établi par la présidence autrichienne selon lesquels les trois protocoles successifs visant à améliorer l'action d'Europol ne sont toujours pas entrés en application, faute de ratification par l'ensemble des États membres. Ces protocoles portaient pourtant sur l'extension de la compétence d'Europol au blanchiment et sur la participation de l'Office européen de police aux équipes communes d'enquête, questions purement opérationnelles visant à doter Europol des moyens lui permettant de lutter plus efficacement contre le crime organisé.

Tant les États membres qu'Europol sont persuadés que l'Office européen de police ne peut plus se permettre d'être, eu égard au caractère ultra-dynamique de la criminalité organisée en Europe, en décalage au niveau de ses moyens et des instruments mis à sa disposition.

Une réflexion sur l'avenir d'Europol, notamment sur le cadre juridique même de la convention, a été lancée sous la présidence autrichienne. Le Conseil « Justice et affaires intérieures » des 1er et 2 juin 2006 a décidé de finaliser la ratification des trois protocoles d'Europol et de commencer leur mise en oeuvre avant la fin de 2006.

À la fin de l'année 2006, la présidence finlandaise fera le point. Au début de l'année 2008, les États membres entameront une réflexion visant à améliorer le fonctionnement d'Europol.

Quant au bilan d'Europol, monsieur le rapporteur, je vous indique que la France est jusqu'à ce jour en tête des utilisateurs d'Europol, non seulement pour ce qui concerne les fichiers d'analyse, mais également pour les cas initiés, les affaires, les enquêtes, ainsi que pour l'utilisation d'échanges multilatéraux. Nous utilisons le mieux le potentiel d'Europol et le bureau de liaison français est le plus actif d'Europol.

Au total, cet investissement massif de nos services nationaux porte ses fruits puisque de nombreuses enquêtes se sont conclues, en 2005, par des arrestations et le démantèlement de réseaux au bénéfice de la France.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du protocole du 27 novembre 2003 établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol) modifiant ladite convention
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'approbation du protocole établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un Office européen de police (convention Europol) modifiant ladite convention, adopté à Bruxelles le 27 novembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du protocole du 27 novembre 2003 établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol) modifiant ladite convention
 

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Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire
Discussion générale (suite)

Accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine nucléaire

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire
Article 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire (n°s 293, 327).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 26 avril 1986, survenait la catastrophe de Tchernobyl, dont nous avons célébré cette année le vingtième anniversaire.

Cet effroyable accident nucléaire a fait naître de nouvelles préoccupations, notamment en matière de réparation des dommages. Il a en effet révélé la nécessité de moderniser en profondeur le régime international de la responsabilité civile nucléaire, qui avait été élaboré dans les années soixante, et ce afin d'assurer une meilleure protection des victimes d'accident nucléaire et de mieux prendre en compte les effets transfrontières de ces accidents.

C'est pour répondre à cet objectif que les membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques qui étaient parties à la convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile nucléaire et à la convention complémentaire du 31 janvier 1963 ont engagé des négociations, qui ont abouti à la signature, le 12 février 2004, de deux protocoles.

La France, dont la législation en matière de responsabilité civile nucléaire était plus exigeante pour les exploitants et plus généreuse pour les victimes que ne l'exigeait le régime international, a joué un rôle très actif dans ces négociations. Ces deux textes internationaux permettront, une fois en vigueur, de disposer de moyens accrus de réparation pour indemniser un plus grand nombre de victimes, sur la base d'une définition élargie des dommages ; ils apportent donc d'incontestables améliorations au régime existant.

La première modification notable réside certainement dans l'élargissement de la notion de « dommage nucléaire », qui n'inclut plus seulement les dommages aux personnes et aux biens, mais comprend également les dommages immatériels, le coût des mesures de sauvegarde et celui des mesures de restauration d'un environnement dégradé, ainsi que d'autres pertes qui étaient susceptibles de représenter une part importante des dommages résultant d'un accident nucléaire.

Par ailleurs, le champ des activités couvertes par la convention a été étendu pour garantir la réparation du plus grand nombre de dommage possible. Les installations d'évacuation des déchets radioactifs, de même que les installations en cours de déclassement, ont ainsi été insérées dans la définition d' « installation nucléaire ».

Enfin, d'autres mesures visent à contribuer à renforcer la protection des victimes et à prendre en compte la dimension internationale des accidents nucléaires.

Dans le régime actuel, la réparation d'un dommage n'est possible que si l'accident nucléaire est survenu sur le territoire d'une partie contractante et si le dommage y est subi. Le nouveau protocole permettra, en revanche, d'indemniser les dommages subis par des États non parties aux conventions. La condition - peu restrictive - est que ces derniers n'aient pas d'installation nucléaire sur leur territoire ou dans leur zone maritime. Les États côtiers placés sur les routes maritimes qu'empruntent nos transports de matières radioactives bénéficieront notamment de ce nouveau dispositif.

L'approbation de ces instruments par la France donnera donc à ces États les garanties qu'ils réclament et favorisera, nous l'espérons, l'acceptation de ces transports qui participent du bon fonctionnement de notre industrie nucléaire et de celle de nos partenaires.

La seconde amélioration très notable qu'apportent ces instruments réside dans la modification des modalités financières de la réparation et dans l'augmentation des trois tranches de réparation qui sont alimentées par l'exploitant, par l'État de l'installation, et par un fonds international constitué par les parties contractantes.

La première tranche sera portée à 700 millions d'euros, contre 18 millions d'euros actuellement ; la deuxième sera comprise entre 700 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros ; enfin, la troisième portera la réparation totale à 1,5 milliard d'euros, contre 152 millions d'euros dans le cadre actuel.

Pour toutes ces raisons, les deux protocoles aux conventions sur la responsabilité civile nucléaire renforceront de manière significative le régime international en la matière. Il importe que nous fassions le nécessaire pour permettre une entrée en vigueur aussi rapide que possible de ces dispositions, alors qu'un nombre accru d'États reconnaissent la contribution que peut apporter l'énergie nucléaire pour satisfaire les besoins énergétiques et les exigences du développement durable.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les protocoles à la convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile nucléaire et à la convention complémentaire du 31 janvier 1963, qui font l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Roger Romani, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères a, le 3 mai dernier, examiné ce projet de loi visant à autoriser l'adhésion de la France à deux accords multilatéraux sur la responsabilité civile dans le domaine nucléaire au moment même où - vingt ans après - l'attention se portait de nouveau sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, survenue le 26 avril 1986.

La gravité exceptionnelle de cet accident, sans équivalent dans l'histoire de l'énergie nucléaire, soulève aujourd'hui encore de multiples questions.

Certaines sont en lien direct avec notre débat d'aujourd'hui dans la mesure, notamment, où il apparaît clairement que les conséquences d'un accident nucléaire peuvent dépasser largement les frontières d'un État.

L'amélioration des règles internationales constitue donc une nécessité, tant dans le domaine de la prévention - au travers des normes de sûreté - que, le cas échéant, dans le domaine de la réparation des dommages.

Les années qui ont suivi l'accident de Tchernobyl ont été marquées par un renforcement des conventions internationales relatives à l'énergie nucléaire, tels les deux protocoles signés à Paris le 12 février 2004 dans le cadre de l'Agence de l'énergie nucléaire de l'OCDE.

Je ne reviendrai pas sur les différentes améliorations apportées par ces protocoles au régime de responsabilité civile de la Convention de Paris, à laquelle adhèrent la France et les autres pays d'Europe occidentale, car je les ai détaillées dans mon rapport écrit et Mme la ministre déléguée vient de les rappeler.

Ces améliorations portent sur une extension notable des risques couverts, grâce à une définition plus large du dommage nucléaire, à la possibilité d'indemniser des pays par lesquels transitent des matières nucléaires et à l'allongement à trente ans du délai de prescription en cas de décès ou de dommage aux personnes.

Ces améliorations résultent également, et surtout, du relèvement du montant des indemnisations pour chacun des trois niveaux de réparation : l'exploitant, l'État de l'installation et le Fonds international d'indemnisation.

Le montant total des indemnisations sera ainsi pratiquement multiplié par dix et atteindra 1,5 milliard d'euros.

La commission des affaires étrangères a pleinement approuvé ces deux protocoles qui renforcent notablement la couverture du risque nucléaire, même si ce régime de responsabilité civile demeurerait insuffisant - hélas ! - dans le cas où une catastrophe exceptionnelle, comparable à celle de Tchernobyl, venait à se produire.

Il faut également souligner que, avant même l'achèvement de la procédure de ratification, la France - nous devons en être fiers - a mis sa législation en accord avec les protocoles.

En effet, le Sénat, sur l'initiative de sa commission des affaires économiques, a adopté, lors de l'examen du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire un amendement allant dans ce sens et qui est devenu l'article 55 de la loi du 13 juin 2006.

Cette loi, tout comme celle sur la gestion durable des déchets radioactifs, également définitivement adoptée par le Parlement au cours de cette session, démontre que notre pays continue de perfectionner le cadre législatif, réglementaire et administratif déjà très étoffé qui régit les activités nucléaires.

L'amélioration des législations nationales et le renforcement de l'encadrement international des activités nucléaires paraissent aujourd'hui indispensables.

On constate en effet de par le monde un regain d'intérêt pour l'énergie nucléaire - en particulier en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, comme nous l'avons constaté lors de la réunion entre le Premier ministre britannique et le Président de la République.

Ce phénomène très intéressant et positif contribuera, compte tenu du renchérissement des énergies fossiles, à réaliser des économies et à lutter contre le réchauffement climatique.

Pour conclure, je veux une nouvelle fois insister sur l'ampleur des efforts accomplis par notre pays pour renforcer la sûreté et la sécurité des installations nucléaires.

Je tiens à rendre un hommage particulier à EDF et à ses personnels, qui ont développé les procédures de contrôle interne de façon extrêmement approfondie, compétente et sérieuse.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Roger Romani, rapporteur. Mes chers collègues, pour l'ensemble des raisons que je viens de développer, la commission des affaires étrangères vous demande d'adopter ce projet de loi autorisant l'approbation des deux protocoles du 12 février 2004 modifiant les conventions de l'OCDE sur la responsabilité civile nucléaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire
Article 2 (début)

Article 1er

Est autorisée l'approbation du protocole portant modification de la convention du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, fait à Paris le 12 février 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire
Article 2 (fin)

Article 2

Est autorisée l'approbation du protocole portant modification de la convention du 31 janvier 1963 complémentaire à la convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, fait à Paris le 12 février 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi. - (Adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire
 

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Conventions internationales

Adoption de sept projets de loi en procédure d'examen simplifiée

M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen de sept projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales, pour lesquels la conférence des présidents a retenu une procédure simplifiée.

Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, comme vous le savez, la conférence des présidents a engagé depuis plusieurs mois une réflexion sur l'amélioration du travail sénatorial.

Dans ce cadre, lors de sa réunion du 31 mai dernier, elle a approuvé à l'unanimité la proposition de M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, consistant à expérimenter une procédure d'examen simplifiée de certaines conventions internationales.

Selon cette procédure, les projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales sont directement mis aux voix par le président de séance, sans intervention, chaque groupe politique gardant la possibilité de demander l'application de la procédure habituelle dans un délai fixé par la conférence des présidents.

La conférence des présidents a décidé d'appliquer cette procédure à sept projets de loi inscrits à notre séance de ce jour.

La présidence n'a reçu aucune opposition à la mise en oeuvre de la procédure simplifiée dans le délai requis.

En conséquence, je vais mettre successivement aux voix ces sept conventions.

convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel

(Adoption définitive d'un projet de loi)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel, signée à Strasbourg le 24 janvier 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel (nos 448, 2004-2005, 368).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

protocole à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière

Article unique

Est autorisée l'approbation du protocole n° 2 à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales relatif à la coopération interterritoriale, fait à Strasbourg le 5 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant l'approbation du protocole n° 2 à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales relatif à la coopération interterritoriale (nos 150, 282).

(Le projet de loi est adopté.)

accord de coopération entre la communauté européenne et la suisse pour lutter contre la fraude

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers, signé à Luxembourg le 26 octobre 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi

M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre la Communauté européenne et ses État membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers (nos 201, 356).

(Le projet de loi est adopté.)

accord avec la chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

(Adoption définitive d'un projet de loi)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Pékin le 8 janvier 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (nos 222, 283).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

protocole modifiant la convention de 1976 relative à la responsabilité en matière de créances maritimes

(Adoption définitive d'un projet de loi)

Article unique

Est autorisée l'adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, fait à Londres le 2 mai 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes (nos 294, 395).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

traité sur le droit des marques

(Adoption définitive d'un projet de loi)

Article unique

Est autorisée l'approbation du traité sur le droit des marques, adopté à Genève le 27 octobre 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du traité sur le droit des marques (nos 295, 328).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord avec la norvège, la grande-bretagne et l'irlande du nord relatif à un système de sauvetage sous-marin

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Norvège et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la propriété commune d'un système de sauvetage sous-marin, signé le 9 décembre 2003 à Bruxelles et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Norvège et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la propriété commune d'un système de sauvetage sous-marin (nos 325, 396).

(Le projet de loi est adopté.)

9

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives
Discussion générale (suite)

Prévention des violences lors des manifestations sportives

Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives
Article 1er A

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives (nos 383, 409).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives achève aujourd'hui devant vous un parcours aussi diligent que consensuel.

Je me réjouis que chacune des deux assemblées ait accordé à ce texte toute l'importance qu'il requiert : non seulement il aura pu être examiné en moins de trois mois - cette proposition de loi a été déposée le 29 mars dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale - mais il n'a rencontré aucune opposition, ni sur les bancs de l'Assemblée nationale ni sur les travées du Sénat.

Aussi, permettez-moi de remercier, au nom du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, l'ensemble des députés et des sénateurs qui se sont ainsi associés à l'initiative du groupe UMP de l'Assemblée nationale.

Je veux saluer, en particulier, le travail remarquable effectué par les rapporteurs respectifs des deux assemblées, MM. Philippe Goujon et Claude Goasguen.

Si ce texte a rencontré une telle adhésion, c'est que chacun en mesure les enjeux. Il s'agit, au moyen de nouveaux outils opérationnels, de lutter plus efficacement contre les formes les plus détestables et les plus insidieuses de la violence des hooligans. Car cette violence, aujourd'hui, gangrène le sport le plus populaire de notre pays : le football !

Certaines tribunes, nous le savons, sont devenues le théâtre de luttes d'influence entre groupes rivaux dont la brutalité s'exprime sans limite et répand dans nos stades les relents de l'idéologie la plus nauséabonde, venue des bas-fonds de l'extrême droite !

Face à ces violences inacceptables, nous avons mis en oeuvre trois types de réponses, que je voudrais rappeler en quelques mots.

La première réponse est la mobilisation d'importantes forces de maintien de l'ordre : pour les matchs à risque, jusqu'à 2 000 fonctionnaires de police sont parfois appelés en renfort.

La deuxième réponse est l'identification individuelle des hooligans. Depuis le mois de février, un coordonnateur national chargé du football, au sein de la direction générale de la police nationale, supervise la nouvelle organisation opérationnelle mise en place avec la Ligue de football professionnel.

Le travail de ciblage effectué notamment grâce à la vidéosurveillance se double d'un effort d'interpellations très soutenu. En effet, 512 personnes ont été interpellées à l'occasion du championnat 2004-2005 de Ligue 1, et 504 personnes lors de la saison 2005-2006.

La troisième réponse, enfin, est l'interdiction administrative de stade. Grâce à un amendement à la loi du 23 janvier 2006, les préfets peuvent désormais interdire à un individu violent d'assister à un match et de fréquenter les abords du stade. Soixante-dix mesures d'interdiction administrative ont été prises à ce jour. Les premiers résultats sont encourageants pour une raison simple : les individus visés, tenus éloignés des stades, ne peuvent les perturber !

Cependant, notre arsenal juridique comportait encore une lacune importante. Cette proposition de loi vient la combler en permettant la dissolution par décret d'une association ou d'un groupement dont les caractéristiques sont précisément celles du hooliganisme, mais qui ne sont que celles du hooliganisme.

Oui, il faut mettre hors d'état de nuire ces groupes de hooligans, qui, au mépris des valeurs du sport, au mépris des lois de la République, viennent perturber les matchs !

Le nouveau dispositif de dissolution administrative sera à la fois opérationnel et respectueux des libertés publiques, puisque la procédure de dissolution aura un caractère contradictoire. Les personnes concernées auront le droit de présenter leur défense devant une commission spécialement créée à cette fin, à savoir la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives. La composition de cette commission a été utilement précisée par les deux assemblées ; son indépendance et sa compétence se trouvent ainsi pleinement garanties.

J'ajoute que la discussion du texte dans chacune des deux chambres a été ouverte et fructueuse ; elle a permis de l'enrichir et de l'affiner.

Qu'il s'agisse de demander aux réservistes de la police nationale de participer à la prévention de la violence dans le monde sportif amateur, de renforcer le régime des interdictions judiciaires de stade en prévoyant une obligation de pointage, de communiquer aux fédérations sportives les noms des personnes faisant l'objet d'une interdiction administrative de stade ou de veiller à ce que les systèmes de vidéosurveillance installés dans les enceintes sportives soient en état de marche, les amendements présentés en première lecture à l'Assemblée nationale ont utilement complété le texte.

Pour sa part, le Sénat, en plein accord avec le Gouvernement, a judicieusement élargi la composition de la commission nationale consultative. Vous avez également procédé à un renforcement ciblé des sanctions pénales en cas de reconstitution de groupes dissous pour les motifs les plus graves, tenant à la haine ou à la discrimination. Il faut remercier le rapporteur de la Haute Assemblée, M. Philippe Goujon, d'avoir été à l'initiative de cet amendement particulièrement bienvenu.

Compte tenu de ce travail constructif, compte tenu du résultat consensuel auquel il a permis d'aboutir, le texte adopté par le Sénat en première lecture a été adopté en l'état par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, à l'exception d'une modification formelle qui justifie que la Haute Assemblée en soit à nouveau saisie aujourd'hui.

Avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a en effet inséré les dispositions du projet de loi dans le code du sport, qui a été publié par une ordonnance du 23 mai.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans notre société qui, trop souvent, s'interroge et doute d'elle-même, le sport reste une activité exemplaire. Nécessaire à l'équilibre de chacun, le sport est également une chance pour la cohésion sociale, car il est porteur de ces valeurs qui nous font avancer, individuellement et collectivement : le dépassement de soi, l'esprit d'équipe, le respect de l'autre.

Au nom du Gouvernement, je me réjouis que le Parlement, en adoptant cette proposition de loi dans un esprit consensuel, montre sa détermination à défendre les valeurs du sport.

De surcroît, à quelques heures de son match en huitième de finale de la Coupe du monde, permettez-moi de voir dans ce texte un encouragement donné à l'équipe de France de football. Le vote de la Haute Assemblée sera un soutien pour les joueurs qui, ce soir, défendront les couleurs nationales à Hanovre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Vive la France !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre délégué, je sais tout l'intérêt que vous attachez à la promotion des activités sportives dans notre pays, en qualité de membre du Gouvernement bien sûr, mais aussi à titre personnel. Chacun connaît en effet votre passé prestigieux de champion sportif.

Et quelle heureuse coïncidence - vous l'avez d'ailleurs rappelée - que l'examen de ce texte en deuxième lecture le jour même d'un match du Mondial particulièrement attendu dans cet hémicycle et dans tout le pays, notamment à Marseille, monsieur le président. (Sourires.)

Le 29 mai 1985, 400 millions de téléspectateurs prenaient conscience, en direct, de la réalité de la violence dans les stades européens.

Lors de la finale de la Coupe d'Europe des clubs champions, qui opposait la Juventus à Liverpool au stade du Heysel, une charge des hooligans anglais contre les supporters italiens se traduit par trente-neuf morts et des centaines de blessés.

En France, le phénomène du hooliganisme, bien que plus récent, n'est pas moins présent.

Le 28 août 1993, lors du match Paris-Saint-Germain contre Caen, un fonctionnaire de police est ainsi blessé dans la tribune Boulogne du Parc des Princes. Un rapport sur la lutte contre la violence dans les stades est établi à la demande du ministre de l'intérieur, et la loi du 6 décembre 1993 relative à la sécurité des manifestations sportives, dite loi Alliot-Marie, est alors adoptée sous le gouvernement Balladur. Celle-ci constitue la principale base législative de la lutte contre le hooliganisme dans notre pays.

Malgré cette législation et les mesures exceptionnelles qui sont prises à l'occasion de chaque compétition importante, nous avons eu à déplorer depuis lors de nombreux incidents graves. Je pense notamment à ceux qui se sont produits à Lens, lors du Mondial de 1998, au cours desquels le gendarme Nivelle devait être grièvement blessé par des hooligans allemands.

Désormais, vous l'avez fort justement rappelé, monsieur le ministre délégué, tous les matchs « à risque » entraînent la mobilisation d'importantes forces de l'ordre, comme lors de la finale de la Coupe de France, qui opposa le PSG à l'OM, le 29 avril dernier, au Stade de France, où 4 000 policiers ont permis d'éviter des débordements.

Ces violences doivent être combattues sans faiblesse. Elles sont la négation même de l'esprit sportif, de cet idéal olympique que Pierre de Coubertin a su faire revivre.

Le sport est une école de démocratie, une école de la tolérance. La Charte olympique énonce que « le mouvement olympique a pour but de contribuer à bâtir un monde pacifique et meilleur en éduquant la jeunesse par le moyen du sport pratiqué sans discrimination d'aucune sorte » et dans un esprit qui « exige la compréhension mutuelle, l'esprit d'amitié, la solidarité et le fair-play ».

Le respect des principes éthiques fondamentaux universels ne peut souffrir d'exception ; il n'est pas négociable. C'est pourquoi, en préalable, je voudrais formuler trois observations avant d'examiner notre texte.

Tout d'abord, je me réjouis de l'étroite coopération européenne qui se déploie actuellement afin d'assurer la sécurité des matchs de la Coupe du monde de football, en Allemagne. Ainsi, onze policiers français en civil, que l'on appelle des spotters, sont venus joindre leurs compétences à celles de leurs collègues néerlandais, britanniques et allemands, afin de repérer les fauteurs de troubles et de les mettre hors d'état de nuire. Nous pouvons nous féliciter à cette occasion de l'action du ministère de l'intérieur.

Les moyens mobilisés sont considérables. Les hooligans, dans tous les pays d'Europe, doivent savoir que nos démocraties ne capituleront pas devant la barbarie qu'ils voudraient nous imposer.

En revanche, au nom des principes que j'invoquais il y a un instant, en particulier le respect de la dignité humaine, nous ne pouvons admettre cette violence faite aux femmes à laquelle notre Haute Assemblée, qui a encore récemment marqué son intérêt pour la lutte contre les violences conjugales et les violences faites aux femmes, est très sensible. Je veux parler de l'organisation par des réseaux criminels d'une prostitution massive accompagnant en Allemagne ce grand évènement sportif qu'est le Mondial. Nous ne pouvons que la condamner avec la plus grande énergie. Je tenais à manifester mon indignation devant la Haute Assemblée.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Philippe Goujon, rapporteur. Enfin, troisième observation, je regrette que notre commission n'ait pas retenu à ce stade la disposition conférant aux arbitres le statut d'autorité chargée d'une mission de service public, car ils sont de plus en plus victimes de violences : 400 dans l'année !

Pour renforcer leur protection, je souhaite que la proposition de loi de notre collègue Jean-François Humbert portant diverses dispositions relatives aux arbitres aboutisse dès que possible.

C'est dans ce contexte que le Sénat est aujourd'hui saisi, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.

Ce texte, dont l'initiative revient à notre collègue Claude Goasguen, député de Paris, vise à répondre à l'augmentation des faits de violence commis par certains groupes de supporters et de hooligans à l'occasion de manifestations sportives. Il complète heureusement la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives afin de permettre la dissolution par décret d'une association ou d'un groupement de fait de supporters dont les membres se livrent, soit à des dégradations de biens, soit à des actes de violence contre les personnes, soit à des incitations à la haine ou à la discrimination à caractère raciste et discriminatoire.

Ce décret de dissolution devrait être précédé de la consultation d'une commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives dont la présente proposition de loi prévoit également la création.

En première lecture, le 18 mai dernier, le Sénat avait conforté le texte proposé par l'Assemblée nationale sur deux points principaux.

D'une part, il avait complété la composition de la commission consultative par la désignation d'un représentant des ligues de sport professionnel. D'autre part, il avait renforcé le dispositif répressif en cas de reconstitution d'une association dissoute en prévoyant le relèvement des peines encourues lorsque la dissolution de l'association a été décidée en raison d'infractions présentant un caractère raciste ou discriminatoire, la détermination d'un régime de sanctions pénales spécifiques pour les personnes morales et la mise en place d'une peine complémentaire de confiscation des biens de l'association.

En deuxième lecture, le 8 juin dernier, l'Assemblée nationale a approuvé l'ensemble de ces modifications.

Cependant, après l'examen du texte auquel nous avions procédé, les dispositions de la loi du 16 juillet 1984 ont été codifiées par ordonnance au sein d'un nouveau code du sport. L'Assemblée nationale a donc dû modifier chaque article de la proposition de loi afin de substituer aux références de la loi du 16 juillet 1984, désormais abrogée, celles du code du sport. C'est la raison pour laquelle nous en débattons aujourd'hui.

Les modifications introduites par les députés ne revêtent donc qu'un caractère technique. Au nom de la commission des lois, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter la présente proposition de loi sans autre modification.

En outre, je vous rappelle que ce texte est très attendu par les milieux sportifs. Ainsi, par exemple, la préfecture de police attend sa publication, désormais imminente, afin de communiquer au PSG l'identité des personnes sous le coup d'une interdiction de stade, mesure dont on attend une grande efficacité dans l'avenir, notamment lors des matchs « à risque ».

Pour conclure, n'oublions pas ce que disait Albert Camus : « Ce que je sais de plus sur la morale et les obligations de l'homme, c'est au football que je le dois. » (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la Coupe du monde de football en Allemagne tombe à point nommé, car elle coïncide avec l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.

Ce soir, le coeur de millions de Français battra en souhaitant bien sûr que la France gagne.

Cela étant, je me félicite qu'en Allemagne la Coupe du monde soit placée sous le signe de la fête, de la rencontre, de l'échange, de l'amitié et de la convivialité. Le sport reste roi !

En soulignant cet évènement, je veux simplement rappeler l'état d'esprit qui prédomine au coeur des stades. C'est beau de les voir remplis, c'est bien que la joie l'emporte, que les couleurs du monde soient magnifiquement représentées.

Non par principe, mais par vérité, je tiens à saluer le travail remarquable effectué par notre rapporteur, M. Philippe Goujon. On peut voir qu'il aime le sport et qu'il le connaît bien. Cela s'est traduit dans sa précédente intervention et dans celle de ce matin.

Fondamentalement, le sport doit rester un jeu. Il comporte en cela des aléas, des incertitudes faisant partie, j'allais dire, du jeu et de l'esprit des disciplines évoluant en équipe. La dure loi du sport doit être comprise autour de ces impondérables. En effet, le sport ne peut être codifié comme un principe administratif, comme une arithmétique bien huilée. Il doit s'affermir en fonction de l'évolution et des comportements de nos sportifs.

Oui, nous le savons tous, le sport est une école de vie. Tous ceux qui s'y intéressent et qui partagent cette conviction ne peuvent que souffrir de l'exception de la violence. La violence, la haine et l'extrémisme ne font pas partie du vocabulaire des sportifs et des amoureux du sport.

Oui, le Sénat a eu raison de marquer sa différence en aggravant les peines encourues et en imaginant un régime spécifique de sanctions pénales applicables aux personnes morales.

Oui, nous avons la chance de disposer en France d'équipements sportifs de haut niveau. D'ailleurs, toutes nos collectivités locales, quelle que soit leur sensibilité politique, ont contribué indéniablement au développement et à l'attractivité de ces derniers.

Je n'évoquerai pas l'encadrement sportif. De ce point de vue, je sais que vous-même, monsieur le ministre délégué, ainsi que votre collègue M. Jean-François Lamour, ministre plus directement chargé des sports, vous battez sans relâche et avec une véritable générosité.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué Albert Camus. Cela m'a rappelé une citation de cet auteur, qui a séjourné dans mon département en 1944, dans une période difficile de sa vie. Il écrivait ceci : « La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent.»

M. Philippe Goujon, rapporteur. Très bien !

M. Jean Boyer. Nous construisons également l'avenir, me semble-t-il, avec le sport.

C'est pourquoi la violence n'a naturellement pas sa place dans cette organisation. Le législateur doit véritablement marquer sa différence pour éviter la reproduction de schémas inadmissibles, qui aboutiraient directement à des incitations à la haine ou à la discrimination raciale, sexuelle ou religieuse.

Le sport est un facteur de cohésion sociale, d'ouverture, de tolérance, d'intégration, d'engagement, et pas autre chose.

L'amour du sport ne se décrète pas. Il se vit au contraire au quotidien. Il réunit autour de lui des vertus fondamentales issues de toutes les modes et de toutes les époques de notre société.

Permettez-moi à cette occasion de rendre hommage à tous ceux qui s'investissent sans compter pour faire partager la passion du sport aux jeunes générations. Chaque semaine, ils parcourent de nombreux kilomètres, consacrent beaucoup de leur temps et s'investissent énormément pour apporter à notre jeunesse l'exemple d'une passion et l'expression d'un choix de vie. Cela donne au sport ses lettres de noblesse.

L'Assemblée nationale a fait preuve d'esprit d'équipe en ouvrant le jeu du débat parlementaire et en n'apportant que des modifications rédactionnelles. Face à certaines dérives en matière de violence, il est important que la représentation nationale ait accompagné sa réflexion d'une volonté commune, marquée par une certaine sérénité, mais également, disons-le, par une belle unité.

Oui, le sport n'a ni âge ni couleur. Il n'a pas non plus de frontières, ni de monopole. Il s'appuie sur l'envie de se dépasser, d'agir, ainsi que sur l'émulation.

Mes chers collègues, il me paraît important de ne pas oublier la mission de nos arbitres, dont l'exercice devient de plus en plus difficile. Nous devons les comprendre, les accompagner, mais également les protéger. Sans arbitres, il n'y aurait plus de match, donc plus de sport collectif.

Oui, le sport c'est l'émulation et non la ségrégation !

Le groupe de l'UC-UDF votera la présente proposition de loi avec détermination. Nous espérons parvenir à faire passer ce message : plus aucune tolérance ne sera accordée à tous ceux qui prennent les stades et le sport comme un prétexte à l'expression de leur violence et de leur haine.

Monsieur le ministre délégué, je vous remercie de votre volonté de servir la France avec objectivité, détermination et compétence. Le message que vous avez adressé à l'instant en est une illustration. Je vous remercie pour le sport, pour la France sportive et pour le respect et la sécurité de tous. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ainsi que cela a été dit, nous devons cette nouvelle lecture au fait que les dispositions de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives viennent d'être codifiées par ordonnance au sein du code du sport, ce qui a entraîné l'abrogation de cette loi en tant que telle.

Un tel chassé-croisé illustre l'instabilité croissante du droit, ce qui est source de complexité et d'insécurité. Le phénomène est d'ailleurs dénoncé de longue date par les plus hautes autorités de l'État, qu'il s'agisse du Président de la République, ou des présidents du Sénat, de l'Assemblée nationale, du Conseil constitutionnel ou encore du vice-président du Conseil d'État.

Toutefois, il ne s'agit pas d'intenter de mauvais procès. La codification contribue à la simplification formelle du droit, car elle clarifie et ordonne les règles applicables pour les citoyens.

La position du groupe socialiste n'a pas varié. Nous adopterons la présente proposition de loi, mais en signalant que l'ensemble des réserves que nous avions soulevées en première lecture n'ont trouvé aucun écho ni de la part du Gouvernement ni de la part du rapporteur de la commission des lois.

Je ne reviendrai pas sur les modalités de présentation de cette proposition de loi. Le Gouvernement a préféré le véhicule d'une proposition de loi plutôt que celui d'un projet de loi. Or un travail préalable et approfondi aurait permis de traiter des questions connexes.

J'insisterai sur le risque de dérives auxquelles peut conduire l'adoption de deux catégories de mesures.

Je pense à la disposition relative à la participation de la réserve civile de la police nationale à la prévention des violences à l'occasion des manifestations sportives, ainsi qu'à la mesure phare de cette proposition de loi, c'est-à-dire la nouvelle dissolution administrative des associations et groupements de fait dont les membres commettent des violences lors des manifestations sportives.

S'agissant du premier point, j'avais dénoncé en première lecture une telle extension déguisée du champ d'action de cette catégorie d'intervenants, ainsi que l'absence d'information sur les modalités pratiques de ces recours, en particulier les conditions de rétribution des réservistes, alors que ces derniers sont tenus à un nombre restreint de missions.

S'agissant du second point, qui vise à permettre la dissolution par décret de toute association violente et raciste, on peut être surpris par le choix de créer une commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, alors que le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, vient de nommer un coordonnateur national chargé du football. On nous certifie qu'il ne s'agit pas là d'un énième « comité Théodule ». Nous voulons bien le croire. L'avenir le dira !

Cependant, et je le redis, le recours à une nouvelle instance de temporisation correspond à une forme d'éclatement de l'autorité de l'État. Celui-ci n'ose plus prendre directement ses responsabilités, alors qu'il dispose déjà sans conteste des moyens d'agir.

Il serait excessif d'évoquer le rétablissement de la loi du 8 juin 1970 tendant à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance, dite loi « anti-casseurs », qui permettait de poursuivre tout participant à un rassemblement interdit sans qu'il ait nécessairement commis personnellement des violences. Une telle « responsabilité collective » heurte de plein fouet un principe du droit pénal, selon lequel chacun est responsable de ses propres actes et pas de ceux de son voisin, sauf au risque d'injustices flagrantes.

Cependant, le dispositif de la présente proposition de loi, dont les objectifs sont certes louables, ouvre la voie à la mise en place d'une législation de ce type. La pression sécuritaire est telle que ce qui avait été abrogé en 1981 pourrait de nouveau sembler légitimé par les faits. En effet, la crise des banlieues et les défilés contre le contrat première embauche, le CPE, ont créé un appel d'air. Ainsi, le 18 mars 2006, un député a déposé une proposition de loi tendant au rétablissement de la loi anti-casseurs. Une telle demande est relayée par les mouvements et partis extrémistes. Évidemment ! Or il faudrait au contraire agir avec prudence et éviter d'entretenir ce climat délétère.

En outre, je regrette que le Sénat ait rejeté les garanties demandées par le groupe socialiste, qui visaient à rendre obligatoire l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, sur la mise en place des fichiers de supporters.

En effet, dans la mesure où l'application concrète des mesures judiciaires ou administratives d'interdiction de pénétrer dans une enceinte sportive ou de se rendre aux abords peut se traduire par l'enregistrement informatique des personnes ainsi frappées d'exclusion, il convenait de prévoir le recours à l'avis préalable de la CNIL et de le rendre obligatoire dans le texte de la proposition de loi.

Cela aurait permis de s'assurer que la mise en place de ces dispositifs se fait en parfaite conformité avec la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite loi « informatique et libertés ».

Je suis d'autant plus surpris que, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, projet de loi qui sera définitivement adopté cette semaine, la commission des lois avait elle-même souhaité que, pour la gestion informatique des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, on renvoie à la loi du 6 janvier 1978.

Tout le monde connaît le rôle essentiel que joue la CNIL en matière de protection des droits et des libertés fondamentales. Il faut conforter le rôle de cette autorité administrative indépendante dans la loi chaque fois que nous le pouvons.

Je profite de cette occasion pour mentionner l'excellent rapport intitulé Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié, que vient de rédiger notre collègue le doyen Gélard dans le cadre des travaux de l'office parlementaire d'évaluation de la législation.

J'espère simplement que, lorsque notre collègue déclare que l'indépendance de ces organisations ne doit pas signifier l'irresponsabilité, il ne cherche pas à écorner indirectement leur autonomie et donc leur mission de contrôle.

Cela dit, et en dépit des réserves que je viens de rappeler, le groupe socialiste juge légitime l'objectif visé par cette proposition de loi. C'est la raison pour laquelle il émettra un vote positif.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Qu'aurait-il fait sans ces réserves ? (Sourires.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Discussion générale (suite)
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Article 1er B

Article 1er A

[Pour coordination]

Après l'article L. 331-4 du code du sport, il est inséré un article L. 331-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 331-4-1. - Les fédérations mentionnées à l'article L. 131-14  peuvent être assistées, dans le cadre de leurs actions de prévention des violences à l'occasion des manifestations sportives à caractère amateur, par des membres de la réserve civile de la police nationale mentionnée à l'article 4 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A
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Article 1er C

Article 1er B

I. - Le premier alinéa de l'article L. 332-11 du code du sport est ainsi modifié :

1° Après les références : « L. 332-3 à L. 332-10 », sont insérés le mot et la référence : « et L. 332-19 » ;

2° Sont ajoutés deux phrases ainsi rédigées :

« La personne condamnée à cette peine est astreinte par le tribunal à répondre, au moment des manifestations sportives, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par la juridiction. Dès le prononcé de la condamnation, la juridiction de jugement précise les obligations découlant pour le condamné de cette astreinte. »

II. - L'article L. 332-13 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après les mots : « manifestation sportive », sont insérés les mots : « ou qui, sans motif légitime, se soustrait à l'obligation de répondre aux convocations qui lui ont été adressées au moment des manifestations sportives » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé. - (Adopté.)

Article 1er B
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Article 1er

Article 1er C

[Pour coordination]

Après le quatrième alinéa de l'article L. 332-16 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le préfet du département et, à Paris, le préfet de police peut communiquer aux fédérations sportives agréées en application de l'article L. 131-8 et aux associations de supporters mentionnées à l'article L. 332-17 l'identité des personnes faisant l'objet de la mesure d'interdiction mentionnée au premier alinéa. » - (Adopté.)

Article 1er C
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Article 1er bis

Article 1er

Après l'article L. 332-17 du code du sport, il est inséré un article L. 332-18 ainsi rédigé : 

« Art. L. 332-18. - Peut être dissous par décret, après avis de la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, toute association ou groupement de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive mentionnée à l'article L. 122-1, dont des membres ont commis en réunion, en relation ou à l'occasion d'une manifestation sportive, des actes répétés constitutifs de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

« Les représentants des associations ou groupements de fait et les dirigeants de club concernés peuvent présenter leurs observations à la commission.

« Cette commission comprend :

« 1° Deux membres du Conseil d'État, dont le président de la commission, désignés par le vice-président du Conseil d'État ;

« 2° Deux magistrats de l'ordre judiciaire, désignés par le premier président de la Cour de cassation ;

« 2° bis Supprimé ;

« 3° Un représentant du Comité national olympique et sportif français, un représentant des fédérations sportives et un représentant des ligues professionnelles, nommés par le ministre chargé des sports ; 

« 4° Une personnalité choisie en raison de sa compétence en matière de violences lors des manifestations sportives, nommée par le ministre chargé des sports.

« Les conditions de fonctionnement de la commission sont fixées par décret en Conseil d'État. » - (Adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives
Article 2

Article 1er bis

Après l'article L. 332-2 du code du sport, il est inséré un article L. 332-2-1 ainsi rédigé : 

« Art. L. 332-2-1. - Lorsqu'un système de vidéosurveillance est installé dans une enceinte où une manifestation sportive se déroule, les personnes chargées de son exploitation, conformément à l'autorisation préfectorale délivrée en application de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, et l'organisateur de la manifestation sportive s'assurent, préalablement au déroulement de ladite manifestation, du bon fonctionnement du système de vidéosurveillance.

« Est puni de 15 000 € d'amende le fait de méconnaître l'obligation fixée à l'alinéa précédent. » - (Adopté.)

Article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

Après l'article L. 332-17 du code du sport, sont insérés trois articles L. 332-19 à L. 332-21 ainsi rédigés :

« Art. L. 332-19. - Le fait de participer au maintien ou à la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'une association ou d'un groupement dissous en application de l'article L. 332-18 est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« Le fait d'organiser le maintien ou la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'une association ou d'un groupement dissous en application de l'article L. 332-18 est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

« Les peines prévues aux premier et deuxième alinéas sont portées respectivement à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende et à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende si les infractions à l'origine de la dissolution de l'association ou du groupement ont été commises à raison de l'origine de la victime, de son orientation sexuelle, de son sexe ou de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

« Art. L. 332-20. - Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies par le présent chapitre encourent les peines suivantes :

« 1° L'amende dans les conditions prévues à l'article 131-38 du code pénal ;

« 2° Dans les cas prévus par les articles L. 312-14, L. 312-15, L. 312-16, L. 332-8, L. 332-9, L. 332-10, L. 332-11 (deuxième alinéa) et L. 332-19 du présent code, les peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal.

« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

« Art. L. 332-21. - Les personnes physiques ou morales coupables des infractions prévues par l'article L. 332-19 encourent également les peines suivantes :

« 1° La confiscation des biens mobiliers et immobiliers appartenant à ou utilisés par l'association ou le groupement maintenu ou reconstitué ;

« 2° La confiscation des uniformes, insignes, emblèmes, armes et tous matériels utilisés ou destinés à être utilisés par l'association ou le groupement maintenu ou reconstitué. » - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme Éliane Assassi. Les critiques que nous avions exprimées en première lecture sur la proposition de loi, qui avaient motivé notre abstention, restent les mêmes et sont toujours d'actualité.

Par conséquent, je me limiterai à rappeler quelques principales remarques à l'égard de cette proposition de loi.

Permettez-moi d'abord d'émettre une observation sur la forme. Je m'étonne encore de la rapidité avec laquelle ce texte, pourtant d'origine parlementaire, aura finalement été adopté par le Parlement, c'est-à-dire, comme l'a rappelé M. le ministre délégué, moins de trois mois seulement après son dépôt.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne faut pas s'en plaindre !

M. Philippe Goujon, rapporteur. Il faut s'en réjouir !

Mme Éliane Assassi. Or, dans le même temps, nombre d'autres propositions de loi votées dans l'une ou l'autre de nos assemblées parlementaires ne vont jamais au terme du parcours législatif. Pire encore, certaines sont tout simplement « retoquées » dès la discussion générale.

Je voudrais ensuite faire une remarque sur le fond. Certes, nous partageons le constat : il est nécessaire de lutter contre les violences commises à l'occasion de manifestations sportives dans les stades et aux abords. En revanche, s'agissant des moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir, nous ne pouvons pas vous suivre.

Bien entendu, nous condamnons fermement de telles violences, qui prennent racine dans le racisme, l'antisémitisme ou l'homophobie. Elles salissent l'image du football français et, plus largement, celle du sport.

Cependant, je pense utile de souligner que le hooliganisme reste un phénomène marginal parmi les supporters.

Il convient également de préciser que la situation de notre championnat de football est moins noire que celle d'autres championnats européens.

En effet, la violence à l'intérieur de nos stades est plus ou moins contrôlée. On procède aux fouilles des spectateurs, on sépare les différents clubs de supporteurs, on met même à l'écart les supporters les plus furieux dans des secteurs grillagés et on a recours à la vidéosurveillance.

Pourquoi donc durcir encore la législation en vigueur et ajouter de la répression à la répression ? Vous avez recours au fichage, à l'exclusion, le tout en vous inspirant du modèle britannique. Nous connaissons pourtant les effets pervers de ce dernier. Je pense notamment au déplacement de la violence au-delà des arènes sportives et dans les divisions inférieures ou à la sélection des spectateurs par l'argent du fait de l'envolée du prix des billets d'entrée.

Selon nous, la présente proposition de loi est un texte répressif de plus, qui s'inscrit dans la lignée des autres projets de loi concoctés par le Gouvernement et dont le dénominateur commun est le « tout sécuritaire ». Il s'agit d'une loi de plus, d'une loi de trop, comme si notre pays était dépourvu de toute législation en la matière.

Afin d'être brève, je ne citerai pas toutes les lois en vigueur dans ce domaine, mais l'arsenal législatif existe bel et bien. Pourquoi y ajouter sans cesse de nouvelles lois alors que les résultats escomptés ne sont même pas au rendez-vous ?

Je pense vraiment qu'on ne combat pas le hooliganisme uniquement à coup d'articles de loi, fussent-ils désormais codifiés ! Cela vaut également pour d'autres sujets.

Plutôt que de légiférer au coup par coup, au détour de propositions de loi, pourquoi ne pas mener une réflexion plus globale avec tous les acteurs concernés - supporters, dirigeants, joueurs - sur la question de la sécurité dans les stades, mais aussi, et au-delà, sur les rapports entre le sport et l'argent ?

À cet égard, c'est peu dire que le football professionnel est malade.

Le sport le plus populaire de la planète est entré dans l'ère du business, avec ses dérives tout aussi inévitables qu'insupportables : violences, racisme, hooliganisme, mais également corruption, dopage, paris clandestins, paiements occultes, transferts douteux, matchs arrangés, comptes truqués et, aujourd'hui, prostitution organisée, comme l'a évoqué M. le rapporteur.

On le voit, on est bien loin des valeurs originelles du football, les valeurs de tolérance, d'intégration, de respect mutuel, de rapprochement entre les peuples, de lutte contre le racisme, de fair-play.

Dubitatifs hier quant au contenu de la présente proposition de loi, qui ne permettra pas à elle seule de régler le problème du racisme, des injures et autres agressions violentes dans les arènes sportives, nous le sommes tout autant aujourd'hui.

Comme lors de l'examen en première lecture, nous nous abstiendrons sur l'ensemble de ce texte. Il ne s'agit en effet que d'une proposition de loi de circonstance, d'un texte d'affichage, qui met en avant, une fois de plus, le thème de l'insécurité.

Cela étant dit, j'espère de tout coeur que l'équipe de France remportera ce soir le match qui l'opposera à l'Espagne. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Nous allons adopter dans quelques instants la proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives, et ce dans les termes de l'Assemblée nationale.

À ce stade, je souhaite, ainsi que le groupe UMP, remercier notre excellent rapporteur, Philippe Goujon, de sa contribution essentielle en première lecture.

Ainsi, sur ses propositions, la Haute Assemblée a renforcé le dispositif répressif en cas de reconstitution d'une association dissoute.

À l'instar de mes collègues, j'insisterai sur le symbole que constitue l'adoption de ce texte aujourd'hui, en pleine Coupe du monde de football.

Cette manifestation sportive, la plus importante du monde, à l'exception des jeux Olympiques, est à chaque fois, on le sait, le théâtre d'un formidable engouement populaire, l'occasion de scènes de liesses fabuleuses, que seuls les grands événements sportifs peuvent provoquer. Mais elle est malheureusement aussi l'occasion de tous les débordements, comme l'ont récemment démontré les affrontements entre supporters anglais et allemands et les forces de l'ordre.

Aujourd'hui, un grand quotidien du matin faisait un état des lieux, assez inquiétant, du hooliganisme. Les statistiques sont saisissantes : le nombre d'infractions a progressé de 29 % par rapport à la saison passée. Mais ces statistiques sont également encourageantes. En effet, le nombre d'interpellations a progressé, lui, de 89 %. Cela prouve que, lorsque les pouvoirs publics veulent se donner les moyens d'agir, la violence n'est pas une fatalité. M. le ministre de l'intérieur nous l'a démontré sur ce sujet encore en ajoutant à la loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers une mesure permettant aux préfets d'interdire aux hooligans condamnés l'accès aux stades. Nous attendons les heureux effets que cette mesure ne manquera pas d'avoir très rapidement.

Ce texte, que le groupe UMP s'apprête à adopter, permettra ainsi de compléter notre édifice législatif et de sécuriser nos stades afin qu'ils redeviennent des lieux de fête conviviaux, où l'on pourra de nouveau se rendre en famille et partager l'esprit de compétition pacifique qui doit seul caractériser les grandes manifestations sportives. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

Mme Éliane Assassi. Le groupe CRC s'abstient !

(La proposition de loi est définitivement adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives
 

10

Modification de l'ordre du jour

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement :

- ajoute à l'ordre du jour prioritaire de la séance du jeudi 29 juin, sous réserve de sa transmission, la proposition de loi relative à la fixation des rendements des vins à appellation d'origine contrôlée pour la campagne 2006-2007 ;

- inscrit à l'ordre du jour de la séance du vendredi 30 juin la lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires respectivement sur le projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, sur le projet de loi portant engagement national pour le logement et sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.

En conséquence, l'ordre du jour des séances des jeudi 29 et vendredi 30 juin s'établit comme suit :

Jeudi 29 juin :

À 9 heures trente et l'après-midi, après les questions d'actualité au Gouvernement : déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation, sur les finances publiques et les finances sociales ;

Le soir :

- projet de loi portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes ;

- sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la fixation des rendements des vins à appellation d'origine contrôlée pour la campagne 2006-2007.

Vendredi 30 juin :

À 9 heures trente :

- conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information ;

- conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant engagement national pour le logement ;

L'après-midi : conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

11

Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires espagnols

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans la tribune officielle, d'une délégation de sénateurs du Sénat du Royaume d'Espagne en visite dans notre pays, à l'invitation du groupe France-Espagne que préside notre collègue le président Jean-Pierre Bel.

Les sénateurs composant la délégation conduite par M. Iñaki Anasagasti, président du groupe Espagne-France, et qui appartiennent à tous les groupes politiques, se proposent de dialoguer avec leurs homologues français sur les grands sujets institutionnels, géographiques et sociaux qui traversent nos deux pays.

Après la venue, voilà deux mois, de Sa Majesté le roi Juan Carlos Ier, la présence de la délégation sénatoriale est emblématique de l'amitié entre nos deux pays. Nous nous en réjouissons.

Je forme des voeux pour que le séjour des membres de la délégation réponde à leur attente et je leur souhaite, en mon nom personnel et au nom du Sénat tout entier, la plus chaleureuse bienvenue. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

12

allocution de M. le président du Sénat

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'est très agréable de sacrifier, une nouvelle fois, au rituel républicain que constitue cette allocution annonçant la fin de notre session ordinaire annuelle. Ce discours estival revêt en outre cette année une signification particulière puisqu'il vient clore nos derniers travaux avant une nouvelle année parlementaire - la dernière de la législature, la dernière aussi du premier quinquennat - riche d'échéances électorales dont nous mesurons, les uns et les autres, pleinement l'importance.

Au terme d'une année parlementaire dense, riche et parfois exceptionnelle, je tiens à exprimer ma reconnaissance à toutes celles et tous ceux qui ont permis au Sénat de tenir pleinement et constamment son rôle, quelles qu'aient pu être les circonstances, au coeur de nos institutions. Je veux adresser à chacune et à chacun d'entre vous mes plus chaleureux remerciements.

Permettez-moi d'abord, monsieur le ministre, de vous remercier très sincèrement de votre disponibilité, toujours teintée d'humour, et de la courtoisie républicaine que vous savez manifester en toutes circonstances et à laquelle nous sommes sensibles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mais il va de soi que si le Sénat a rempli sa mission de législateur pondéré et avisé tout au long de l'année parlementaire écoulée, fût-ce au prix de quelques cadences infernales, il le doit à tous les acteurs de l'institution sénatoriale et d'abord, mes chers collègues, à chacune et à chacun d'entre vous, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez.

C'est, je le sais, en votre nom que je peux exprimer aujourd'hui ma plus vive gratitude à chacun des présidents de groupes, responsables politiques majeurs qui jouent un rôle déterminant dans l'expression de toutes les sensibilités au sein de notre assemblée.

Je veux naturellement associer à ces remerciements les vice-présidents du Sénat, ces chefs d'orchestre d'une symphonie sénatoriale par nature inachevée, mais presque toujours harmonieuse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. Robert Bret. Il ne manque que le diapason !

M. le président. Je pense bien sûr aussi à tous les présidents des commissions permanentes, véritables orfèvres législatifs qui améliorent inlassablement les textes qui leur sont soumis et développent les activités de contrôle de l'action gouvernementale, donnant ainsi tout son sens aux travaux de notre institution.

Mes remerciements vont également aux questeurs du Sénat, qui permettent à chacun d'entre nous de travailler dans les meilleures conditions possibles. Je sais que je peux compter sur leur appui constant et ils savent que je leur en suis très reconnaissant. Je pense plus généralement à tous les membres du Bureau du Sénat, qui ne ménagent pas leur soutien dans l'effort constant de modernisation du Sénat que nous avons entrepris ensemble.

Mes chaleureux remerciements, mes sincères félicitations et ma vive gratitude vont aussi naturellement à l'ensemble de nos collaborateurs. Les fonctionnaires du Sénat, quels que soient leur cadre et leur grade, font preuve d'une compétence, d'un dévouement et d'un attachement à notre institution, sans lesquels le Sénat ne serait pas lui-même. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)

Les collaborateurs des groupes politiques et les assistants des sénateurs remplissent aussi une lourde tâche, qui s'apparente parfois à un sacerdoce. Mais ils savent que nous en sommes conscients et qu'ils peuvent compter sur notre gratitude.

Mes remerciements iront encore à la chaîne parlementaire Public Sénat, à son président, dont le talent et le professionnalisme n'ont plus à être vantés, et à chacun de ses collaborateurs, dont la compétence et le dynamisme permettent d'élargir sans cesse l'audience du Sénat.

Je remercie enfin tous les journalistes qui suivent les travaux de notre institution et en rendent compte ; mon seul souhait est qu'ils soient toujours plus nombreux et aussi soucieux de contribuer au débat démocratique.

Ce rendez-vous annuel de fin de session est aussi l'occasion de dresser un premier bilan des travaux accomplis et d'en tirer quelques enseignements pour l'avenir.

Je le redis avec clarté, avec fermeté, et non sans une certaine fierté : le Sénat a tenu pleinement son rôle au coeur des institutions tout au long de l'année écoulée.

Quelles qu'aient pu être les circonstances, quelles qu'aient pu être - nous nous en souvenons - les pressions du moment, le Sénat a conforté sa réputation de législateur attentif et rigoureux. Il a illustré, si besoin était, la nécessité d'un bicamérisme équilibré mais différencié. Une nouvelle fois, le taux de reprise par l'Assemblée nationale des amendements adoptés par le Sénat a dépassé 93 % : ce chiffre me dispense de tout commentaire et devrait, me semble-t-il, satisfaire les contempteurs les plus exigeants de notre assemblée...

D'un simple point de vue quantitatif, ce ne sont pas moins de 45 lois et plus de 2 500 amendements, soit près d'un tiers des amendements déposés, qui auront été adoptés au cours de la session ordinaire qui s'achève.

Plus remarquable encore - je ne suis pas sûr qu'il faille s'en réjouir ! -, nous aurons siégé plus de 900 heures en séance publique, ce qui constitue notre record absolu depuis les débuts de la Ve République. Nous avons atteint, pour la première fois depuis la révision de 1995, le plafond de 120 jours que celle-ci avait institué. Je soulignerai enfin que nous avons siégé 9 jours de plus que l'Assemblée nationale en séance publique, ce qui est aussi sans précédent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Guy Fischer. C'est le CPE !

M. le président. Si ces données chiffrées peuvent être mises au crédit d'un Sénat tolérant, nous ne devons pas pour autant mesurer l'efficacité du Parlement à la seule aune de son temps de délibération. Nous avons, dans plusieurs circonstances, atteint les limites de l'exercice de la navette.

Lors de l'examen du projet de loi portant engagement national en faveur du logement, nous avons ainsi examiné en deuxième lecture plus d'amendements qu'en première lecture, et ce au moment même où le Conseil constitutionnel nous rappelait les vertus de « l'entonnoir », c'est-à-dire du rapprochement progressif des points de vue entre les deux assemblées.

Cela ne doit pas dissimuler l'efficacité incontestable des travaux sénatoriaux.

Ainsi, sur les douze propositions de loi qui sont devenues ou qui vont devenir lois de la République, sept sont d'origine sénatoriale. Plus important encore à mes yeux, celles-ci reflètent politiquement la diversité des capacités d'initiative existant au sein de notre assemblée, pour peu que chacun entende les saisir.

Nos séances mensuelles réservées nous ont également permis, cette année, la tenue de quatre débats de contrôle budgétaire, ainsi que d'une dizaine de débats à la suite de questions orales. Le débat initié par la commission des affaires économiques sur l'application de la loi relative au développement des territoires ruraux me semble ainsi avoir illustré une démarche tout à fait judicieuse.

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. Je me réjouis également du travail remarquable effectué sur plusieurs projets de loi importants - la recherche, le logement, ou la fonction publique territoriale - qui ont été soumis en premier examen au Sénat. Il m'est même arrivé de penser, monsieur le ministre, que le Gouvernement aurait pu recourir plus fréquemment à cette faculté, ce qui lui aurait permis d'éviter, me semble-t-il, certains désagréments à l'occasion de premières lectures à l'Assemblée nationale...

Plus généralement, sur tous les textes, souvent majeurs, qui lui ont été soumis - recherche, droits d'auteur, ou égalité des chances -, le Sénat a su jouer pleinement son rôle de législateur tempéré et pondéré, et confirmer ainsi sa place centrale dans nos institutions.

Notre assemblée a enfin conforté, tout au long de l'année écoulée, parallèlement à son travail législatif, son rôle de contrôleur vigilant. De nouvelles avancées ont été réalisées sur ce front essentiel : le Sénat a d'abord brillamment réussi l'examen de passage de la première loi de finances « lolfienne ». La commission des finances est même allée plus loin en mettant en oeuvre des modalités judicieuses de débat du projet de loi de règlement, permettant un meilleur contrôle sur l'exécution du budget.

La commission des affaires sociales a, de son côté, fait prendre un tour nouveau à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui dure désormais une semaine entière, et créé en son sein une « mission d'évaluation et de contrôle » pour rendre son contrôle plus efficient et plus lisible.

Ces initiatives sénatoriales constituent de puissants moteurs de la réforme de l'État et de la dépense publique. Il nous appartient de les utiliser à bon escient dans le cadre de notre devoir de contrôle. Ainsi, c'est ma conviction, le Sénat sera encore plus utile, apprécié et davantage respecté !

Pour satisfaisant qu'il soit, ce bilan d'ensemble n'en reste pas moins, à mes yeux, largement perfectible. Il nous reste encore beaucoup à faire sur le chemin de la rénovation et de l'adaptation nécessaires de nos méthodes de travail.

Les travaux que j'ai souhaité entreprendre à ce sujet, avec l'ensemble des sénateurs membres de la conférence des présidents, parallèlement aux études conduites par la commission des lois, nous ont déjà permis d'ouvrir des voies de réflexion nouvelles, dans la nécessaire concertation.

Sur proposition de la commission des affaires étrangères et de la défense, la conférence des présidents a ainsi approuvé, à l'unanimité, le principe d'un examen simplifié des conventions internationales et de l'organisation de deux ou trois débats annuels dans les domaines des affaires étrangères et de la défense. C'est une avancée concrète.

L'un des sujets auxquels nous avons à réfléchir touche directement le droit d'amendement, cette pierre angulaire de notre mandat de parlementaire. La décision du Conseil constitutionnel du 16 mars 2006 rend susceptibles de censure les amendements sans relation directe avec les dispositions restant en discussion après la première lecture. Nous devons prendre conscience de cette évolution qui s'impose à tous, mais qui peut avoir de profondes incidences sur le déroulement de nos débats.

La route reste longue, mais je ne doute pas que nous parviendrons, à partir des propositions qui me seront présentées, à de nouveaux progrès, à des conclusions communes et à des dispositions concrètes qui nous permettront d'améliorer à la fois la qualité du travail législatif et l'activité de contrôle de notre assemblée.

Excluant évidemment de procéder par voie autoritaire ou unilatérale, j'ai souhaité que notre processus de rénovation soit fait de concertation et de pluralisme des interventions et des propositions de réforme. C'est une voie plus longue, qui tourne le dos aux réformes précipitées ou imposées, lesquelles restent le plus souvent textuelles, au profit d'un mûrissement progressif des pratiques. Favoriser ainsi l'évolution des idées et des usages me paraît plus conforme au tempérament profond de notre assemblée, toujours tournée vers le concret, mais après réflexion.

Le Sénat, assemblée de proximité, doit enfin poursuivre son ouverture sur la société telle qu'elle est et sous toutes ses formes. Il le fait d'abord en cultivant sans cesse les spécificités constitutionnelles qui sont les siennes.

Il s'agit, bien sûr, de la représentation des collectivités locales, illustrée par les travaux de l'Observatoire de la décentralisation qui, je le souhaite, ne manqueront pas de se développer avec une participation de tous les groupes politiques...

M. Bernard Frimat. Ce n'est pas fait !

M. le président. ... et par la poursuite des « États généraux des élus locaux », dont la vingtième étape se tiendra, dès cette semaine, en région Picardie.

Il s'agit aussi de la représentation des Français établis hors de France, illustrée par l'action inlassable de nos douze collègues représentant les Français de l'étranger, mais aussi, le 4 mars dernier, par la première « Journée des Français de l'étranger », dont le succès nous encourage à continuer et à amplifier notre action.

M. le président. Notre assemblée doit, plus généralement, poursuivre son ouverture, seule manière, c'est ma conviction, de lutter contre la fracture qui continue de séparer, dans de nombreux pays, les citoyens de leurs représentants.

Le Sénat a pris - vous avez pris, mes chers collègues - tout au long de ces dernières années, de nombreuses initiatives pour ouvrir notre assemblée sur le monde économique ; celles-ci se sont notamment traduites par les stages accomplis, d'ores et déjà, par près de deux cents d'entre vous dans des entreprises de toute taille. C'est, je crois, un exemple unique parmi les assemblées parlementaires : nous pouvons nous aussi, parfois, donner l'exemple !

Ce succès a été étendu à l'ouverture de notre assemblée sur le monde judiciaire : à ce jour, plus de cent vingt stages en juridictions ont ainsi déjà été organisés. Les difficultés rencontrées au cours des derniers mois par l'institution judiciaire justifient, ô combien, cette nouvelle initiative !

Le Bureau du Sénat a enfin retenu, dans le même esprit, le principe de nouveaux stages, pour ceux d'entre vous qui le souhaiteront, au sein d'unités militaires. Ces déplacements vous seront proposés dès le début de la prochaine année parlementaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je conclurai en formant un seul voeu : celui que, tous ensemble, membres de la majorité comme de l'opposition, nous unissions nos efforts, à l'approche des prochaines échéances électorales, pour promouvoir, dans les projets mais plus encore dans nos actions, un bicamérisme pérennisé, un bicamérisme ressourcé, un bicamérisme équilibré, un bicamérisme différencié, bref, un bicamérisme efficace au service de notre République et de notre démocratie !

C'est dans cet espoir que je souhaite très chaleureusement, à chacune et à chacun d'entre vous, d'excellentes vacances ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, je souscris à mon tour, bien volontiers, au rituel républicain que vous avez rappelé au début de votre allocution.

Cette avant-dernière session de la législature a été effectivement particulièrement riche et dense. Elle aura duré, certes, cent vingt jours, mais cela s'explique essentiellement par l'approfondissement du travail parlementaire effectué par votre assemblée. D'ailleurs, au cours des derniers mois de la session, si votre rythme de travail a été soutenu, il a été utilement et positivement concerté en conférence des présidents.

Au nom du Gouvernement, je voudrais remercier le Sénat de sa contribution essentielle à l'oeuvre législative. Les commissions permanentes ont efficacement participé à l'amélioration des projets de loi par de très nombreux amendements adoptés définitivement dans une proportion très élevée ; vous y avez fait allusion, monsieur le président.

Je rappelle par ailleurs l'adoption définitive de sept propositions de loi d'origine sénatoriale sur les douze définitivement votées.

Parmi les quarante-cinq textes les plus importants, je soulignerai ceux qui concernent l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, l'engagement national pour le logement, le retour à l'emploi, l'égalité des chances, l'immigration et l'intégration, enfin la réforme des successions et libéralités. Tous concourent à améliorer le quotidien de nos concitoyens, particulièrement dans le domaine de l'emploi, priorité du Gouvernement, et à préparer l'avenir.

Votre action a également permis de trouver des solutions pour des textes complexes comme le projet de loi relatif aux droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information ou le projet de loi de programme pour la recherche.

Je rappellerai, en outre, que le Gouvernement a déposé en premier lieu, sur le Bureau de votre assemblée, en signe de reconnaissance de l'expertise approfondie à laquelle vous procédez, des projets de loi extrêmement importants, par exemple ceux qui concernent le logement, la recherche ou la fonction publique territoriale.

Pour la quatrième année consécutive, tous les textes ont été adoptés par accord entre les deux assemblées. C'est l'illustration du bicamérisme de confiance auquel le Gouvernement est particulièrement attaché.

Ce bilan législatif est donc tout à fait positif.

J'ajoute que le Gouvernement suit avec un réel intérêt vos réflexions visant à améliorer et à rénover vos méthodes de travail. Il se félicite déjà de la mise en oeuvre, pour la première fois au Sénat, aujourd'hui, de la procédure d'examen simplifié des conventions internationales, ainsi que de l'organisation de plusieurs débats annuels dans les domaines des affaires étrangères et de l'Europe.

De même, le Gouvernement est particulièrement intéressé par vos réflexions sur la qualité du travail législatif et, en particulier, sur le droit d'amendement. En effet, le Conseil constitutionnel a rappelé, lors de récentes décisions, que les amendements devaient avoir un lien direct avec les dispositions restant en discussion après la première lecture et que la deuxième lecture devait être l'occasion du rapprochement progressif des points de vue des deux assemblées.

Monsieur le président, vous venez d'indiquer que, dans plusieurs circonstances, le Sénat avait atteint les limites de l'exercice de la navette. L'examen du texte portant engagement national pour le logement en est l'illustration, puisque les sénateurs ont déposé plus d'amendements en seconde lecture que lors du premier examen de ce texte par la Haute Assemblée.

Le Conseil constitutionnel rappelle donc chacun à une meilleure discipline, notamment pour permettre une amélioration de la lisibilité des débats et un fonctionnement plus rationnel de la procédure d'adoption des lois. Une discipline librement consentie par les acteurs de la vie parlementaire permettrait de lutter contre des discussions « chronophages », qui contribuent à afficher le record absolu de temps de séance publique sous la ve République.

Outre le vote de la loi, vous avez exercé votre mission de contrôle avec beaucoup de constance ; pas moins de dix débats ont été organisés. Vous avez par ailleurs mis en oeuvre trois innovations au cours de cette session.

En premier lieu, l'examen de la loi de finances pour 2006, qui a rendu beaucoup plus dynamique et donc plus intéressante la discussion en séance publique, a permis de rénover l'article d'équilibre par des débats thématiques et de revaloriser le droit d'amendement

En deuxième lieu, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale a donné l'occasion au Sénat de créer une mission d'évaluation et de contrôle afin de rendre l'exécution de cette loi plus efficace et plus lisible.

Enfin, en troisième lieu, il convient de souligner la réactivation de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, avec un excellent rapport sur les autorités administratives indépendantes, ainsi que le travail d'évaluation de l'application des lois engagé par votre commission des affaires économiques. La mission d'évaluation de la loi me paraît devoir être encouragée ; elle correspond en effet à une attente forte et constitue un moyen incontestable de revalorisation du travail parlementaire.

La qualité du travail législatif, de contrôle et d'évaluation accompli par votre Haute Assemblée est aussi le résultat de l'ouverture sur la société, favorisée par les différentes initiatives que vous avez prises, monsieur le président, notamment les stages tant dans les entreprises que dans le monde judiciaire. Votre sens des réalités à permis à votre assemblée de remplir pleinement, et avec efficacité, son rôle constitutionnel.

En terminant, monsieur le président, je voudrais vous exprimer, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, mes remerciements. Je remercie également les vice-présidents et les six présidents des commissions permanentes, ainsi que le président de la Délégation pour l'Union européenne.

Mes remerciements vont aussi naturellement et sincèrement aux sénateurs qui ont, sur des textes souvent techniques et difficiles, fourni un travail législatif de grande qualité et apporté leur soutien sans faille à l'action du Gouvernement et, bien sûr, à leurs présidents de groupe.

Aux sénateurs de l'opposition, qui ont contribué à des débats de haute tenue, et aux présidents de leurs groupes, je redis l'esprit d'ouverture avec lequel le Gouvernement entend travailler.

À tous, j'exprime mes remerciements pour les relations de franchise et de confiance que mes collaborateurs et moi-même avons tissées, au fil des mois, avec tous nos interlocuteurs de la Haute Assemblée.

Enfin, si vous le permettez, j'associe à ces remerciements le personnel de votre assemblée, monsieur le président, l'ensemble des collaborateurs des groupes politiques, ainsi que les assistants des sénateurs.

Qu'il me soit permis de souligner le travail de la presse parlementaire, dont le rôle est incontournable et indispensable dans notre démocratie.

Pour conclure, permettez-moi, monsieur le président, de m'associer aux propos que vous avez tenus pour souhaiter à toutes et à tous d'excellentes vacances bien méritées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. Nous vous remercions, monsieur le ministre, de ces compliments adressés au Sénat. Les membres de notre assemblée, ainsi que les fonctionnaires qui travaillent à leur côté, y ont été très sensibles.

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Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2005
Discussion générale (suite)

Règlement définitif du budget de 2005

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2005
Article 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2005 (nos 417,418).

Mes chers collègues, comme vous le savez, l'examen de ce projet de loi obéit cette année à un nouveau calendrier prévu par la loi organique relative aux lois de finances, puisqu'il intervient non pas en octobre, ce qui était le cas les années précédentes, mais en juin.

Il est en effet essentiel que le Parlement puisse être mis en mesure, comme nous l'avons souhaité les uns et les autres, d'apprécier concrètement la mise en oeuvre de l'autorisation budgétaire qu'il a donnée avant de discuter des orientations du budget à venir. Ainsi s'enclenchera un « cycle vertueux » : loi de règlement, débat d'orientation budgétaire, puis examen du projet de loi de finances.

Dans cette perspective, et afin de préparer nos débats, la commission des finances a procédé, en commission élargie, à l'audition de dix ministres, ce qui a permis de passer au crible les missions correspondantes. Ces auditions ont été particulièrement intéressantes : je vous félicite et vous remercie, monsieur le président de la commission des finances, de cette initiative ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)

Je rappelle que, sur proposition de la commission des finances et avec l'accord de la conférence des présidents, interviendront, dans le cadre de la discussion des articles, quatre débats « interactifs », sous forme de questions-réponses, ouvrant un droit de réplique.

Ces débats porteront sur les crédits concernant la défense, ce soir à 22 heures 30 ; l'administration générale et territoriale de l'État, puis l'écologie et le développement durable, demain après-midi ; le sport, la jeunesse et la vie associative, demain soir.

Place maintenant au débat, et tout d'abord à une discussion générale « classique ».

La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat sur le projet de loi de règlement est désormais un rendez-vous d'une importance majeure dans notre calendrier budgétaire, dont M. le président du Sénat vient de rappeler les grandes lignes.

Pour la première fois, nous allons pouvoir examiner les résultats de l'exercice clos avant d'étudier, jeudi prochain, les orientations du prochain budget.

À cet instant, je voudrais rendre hommage au travail de la commission des finances du Sénat, qui a tout fait pour que ce rendez-vous soit une préfiguration aussi complète que possible de ce que sera le débat de l'année prochaine sur le projet de loi de règlement, quand seront connus tous les indicateurs de résultats de chaque mission, ainsi que les « rapports annuels de performance ». Le moins que l'on puisse dire, c'est que la méthode que le Sénat a expérimentée cette année est tout à fait intéressante. Je me suis volontiers prêté à l'exercice, et je crois savoir que les auditions de mes collègues du Gouvernement concernés par d'autres missions ont donné lieu à des échanges très riches.

Je souhaite profiter de cette occasion pour évoquer à la fois la situation budgétaire et la manière dont nous souhaitons améliorer nos pratiques.

En 2005, nous avons été au rendez-vous de tous nos engagements : maîtriser la dépense publique sans sacrifier nos priorités ; réduire le déficit budgétaire et ramener le déficit de l'ensemble des administrations publiques sous le seuil des 3 % par rapport au PIB ; préparer le passage à la LOLF et jeter ainsi les bases d'une gestion nouvelle et responsable des finances publiques, dans l'esprit de ce que la Haute Assemblée a souhaité.

Le premier engagement portait donc sur la maîtrise des dépenses publiques.

En 2005, nous avons tenu les dépenses de l'État : pour la troisième année consécutive, le plafond de dépenses voté par le Sénat a été strictement respecté. Je ne dirai pas, comme je le fais habituellement, « à l'euro près », parce que, en fait, le total des dépenses est inférieur de 21 millions d'euros au montant qui avait été prévu.

Il était important d'atteindre cet objectif pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, nous avons naturellement vocation à respecter l'autorisation parlementaire. C'est un exercice auquel nous nous livrons depuis 2002, et il n'y avait pas de raison de déroger à la règle.

Ensuite, il convenait de montrer aux Français que, même si la croissance est moins forte que l'on pouvait le souhaiter, les finances de l'État sont tenues.

Enfin, il était normal d'indiquer à nos partenaires européens les voies et moyens que nous utilisons pour tenir les engagements que nous avons pris à leur égard.

Nous avons donc cherché à atteindre cet objectif de maîtrise des dépenses avec la plus grande détermination. Il ne faut pas se raconter d'histoire : tout cela n'est pas le fruit du hasard ; c'est la mise en place, dès janvier 2005, d'une réserve de précaution, pour un montant total de 7,5 milliards d'euros, qui a tout changé dans nos pratiques de gestion quotidienne. Cette nouvelle méthode a permis de tenir la dépense publique tout en assumant les éventuels aléas liés à des dépenses imprévisibles.

Pour autant, jamais il n'a été question de compromettre nos objectifs à plus long terme ou de sacrifier nos priorités, en particulier en matière d'investissements : à structure comparable, ceux-ci ont progressé de 7 %.

Le corollaire, évidemment, c'est un effort de maîtrise des autres dépenses de l'État, qui ont été quasiment stabilisées en valeur, avec une hausse de 0,2 % l'année dernière.

Tout cela s'est fait en enrayant la mécanique infernale des reports, dont la « bulle » représentait en 2002, avant le changement de gouvernement, 14 milliards d'euros, ce qui était un record absolu. Ce montant a été réduit à 9,7 milliards d'euros au début de 2005, puis, à la fin de cette même année, à 4,6 milliards d'euros. Et j'entends bien que nous terminions le travail d'ici à la fin de 2006 !

Le deuxième engagement avait trait à la réduction des déficits.

Là aussi, l'engagement a été tenu. Malgré une conjoncture un peu moins bonne que prévu, l'année s'est terminée sur un déficit de 43,5 milliards d'euros, soit un montant inférieur de 1,7 milliard d'euros au solde de la loi de finances initiale.

Cela étant, je voudrais surtout insister, cet après-midi, sur le fait que le déficit de l'ensemble des administrations publiques est, quant à lui, repassé pour la première fois depuis 2001 sous le seuil de 3 % par rapport au PIB, en s'établissant à 2,88 % exactement.

À ce propos, je souhaite m'arrêter brièvement sur les observations qui ont été formulées par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution du budget de 2005.

Je regrette que le terme « insincérité » ait pu être employé à cette occasion. En effet, si nous avons traditionnellement, avec la Cour des comptes et parfois même avec la commission des finances du Sénat, des débats récurrents sur les modalités de prise en compte de telle ou telle dépense ou recette - je pense par exemple aux versements de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, sujet qui avait également été évoqué sous le gouvernement de M. Lionel Jospin -, je ne vois là rien qui soit de nature à remettre en cause la validité de nos résultats. Nous nous en sommes d'ailleurs longuement expliqués, Thierry Breton et moi-même, dans notre réponse au rapport de la Cour des comptes.

En outre, j'observe, et c'est pour moi le point le plus important, que la Cour des comptes a conclu que nos comptes étaient réguliers. Or, à mes yeux, ces mots ont un sens : cela signifie que nos comptes étaient pleinement conformes au droit en vigueur. Cela mérite peut-être d'être dit de manière suffisamment claire, afin que nul ne l'ignore !

Enfin, s'il est important de lire les rapports de la Cour des comptes, il n'est pas inutile de lire ceux d'Eurostat, l'office européen de statistiques, qui passe au peigne fin la totalité des statistiques de finances publiques de l'ensemble des pays de la zone euro et qui a validé, en avril dernier, nos résultats pour 2005.

Je voudrais insister sur un dernier point, car certains consacrent suffisamment de temps à chercher des raisons de critiquer ce que nous faisons pour que nous mettions en exergue ce que nous réussissons.

En 2003, les déficits publics des quatre plus grands pays de l'Union européenne, à savoir la France, l'Italie, le Royaume-Uni et l'Allemagne, étaient très supérieurs à 3 % du PIB. Or le seul de ces quatre pays - je dis bien le seul - qui ait, à la fin de 2005, ramené son déficit en deçà de ce seuil, c'est la France !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C'est la vérité !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela méritait sans doute d'être rappelé.

Le troisième engagement était de préparer le passage à la LOLF en modernisant nos outils de gestion.

Nous avions pour objectif, en 2005, de tout mettre en oeuvre pour que ce passage, au 1er janvier 2006, soit un succès. Tous les chantiers ouverts - introduction d'une démarche de performance, nouvelles modalités de gestion, réformes comptables - ont été menés à bien.

Certes, tout n'est pas parfait dans le meilleur des mondes, car il s'agit d'un exercice difficile, et des « loupés » ont pu être constatés ici ou là. Cependant, je tiens à saluer le travail tout à fait remarquable qui a été accompli par l'ensemble de nos administrations pour que ce passage à la LOLF s'opère dans les meilleures conditions possibles.

Je saisis cette occasion pour remercier les deux parlementaires en mission, MM. Lambert et Migaud, qui m'accompagnent depuis maintenant deux années, afin de veiller à ce que la mise en application de cette nouvelle constitution budgétaire se déroule au mieux.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ajoute que ce « bébé » de six mois qu'est la LOLF évolue bien. En particulier, sur le plan de la structure gouvernementale, nous avons procédé à un rapprochement, que je crois très utile, entre le ministère du budget et celui de la réforme de l'État, ce qui permet de mettre en oeuvre quelques idées simples.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire - on a pensé que c'était une boutade de ma part, alors que, dans mon esprit, ce n'en était pas du tout une -, ce n'est pas le budget qui absorbe la réforme de l'État, c'est la réforme de l'État qui absorbe le budget, avec un objectif : l'efficacité de la dépense publique. L'idée est de faire en sorte que les Français en aient pour leurs impôts.

C'est dans cette perspective que j'ai lancé, à la fin de l'année 2005, les premiers audits de modernisation. Comme vous le savez, d'ici à la fin de l'été, nous aurons réalisé une centaine d'audits qui couvriront 100 milliards d'euros sur les 265 milliards d'euros du budget de l'État. Notre objectif est d'être en mesure de justifier et d'expliciter chacun des gains de productivité que nous obtenons, chacune des économies que nous réalisons, aussi bien en termes de crédits que de non-remplacement de départs à la retraite. C'est sur cette base que nous bâtissons le budget pour 2007.

Au total, au travers du budget de 2005, le Gouvernement a montré qu'il est possible de rompre avec certaines facilités observées dans le passé, vers la fin des années quatre-vingt-dix.

Tout d'abord, en stabilisant les dépenses en volume trois années consécutives, nous avons commencé à prendre de bonnes habitudes.

Ensuite, en mettant fin à la « bulle » des reports, le Gouvernement a choisi de revenir à une situation saine dans la conduite de l'exécution budgétaire. Il me semble même me rappeler que le rapport de la Cour des comptes en dit du bien...

Enfin, en affectant le produit des plus-values de recettes à la réduction du déficit, le Gouvernement a fait le choix d'une gestion correspondant aux attentes en matière de responsabilité. Ce choix se situe quelque peu aux antipodes de ceux qui avaient été faits à la fin des années quatre-vingt-dix, quand les plus-values avaient atteint des montants extrêmement importants, mais n'avaient été affectées qu'à hauteur de 10 % au désendettement, tout le solde ayant été consacré au financement de dépenses publiques supplémentaires. Autres temps, autres moeurs !

Ces résultats sont le socle de crédibilité sur lequel il nous faut maintenant bâtir les étapes suivantes.

En 2006, nous passons à la vitesse supérieure.

Le premier défi est de réussir la mise en oeuvre effective de la LOLF ; nous y travaillons activement.

Le deuxième défi est de respecter pour la quatrième année consécutive, grâce à un dispositif de régulation rénové, le plafond de dépenses voté par le Parlement. Là encore, je m'y engage clairement : nous tiendrons nos engagements pour 2006, avec la mise en place, comme le prévoit la LOLF modifiée, de la réserve de précaution.

Le troisième défi est de gérer de façon responsable les fruits de la croissance. Nous oeuvrons en ce sens : l'intégralité des plus-values de recettes qui surviendraient en gestion sera affectée au désendettement. Nous estimons aujourd'hui ces plus-values entre 1 milliard et 3 milliards d'euros pour l'année. Ce montant sera consacré au désendettement.

Grâce à ces résultats, nous pouvons préparer un budget pour 2007 qui marquera un véritable tournant. Je souhaite d'ores et déjà vous confirmer que nous serons là aussi au rendez-vous de nos engagements.

La feuille de route était en effet très claire : si l'on veut assurer le retour à l'équilibre des comptes publics en 2010, comme s'y est engagé le Premier ministre, il faut faire baisser la dépense de l'État tout en respectant une exigence absolue : préserver les dépenses d'investissement.

Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les outils que constituent les audits et le rapprochement des ministères du budget et de la réforme de l'État, qui permet un travail très fin d'économies structurelles sur chacun des budgets ministériels.

Voilà qui marquera un tournant puisque, après quatre années de stabilisation, le budget pour 2007 que nous présenterons comportera une baisse de la dette publique de l'ordre de 1 % en volume, tandis que les effectifs de fonctionnaires seront réduits à hauteur de 15 000 équivalents temps plein, par non-compensation de départs à la retraite.

Dans le même temps, nos priorités seront toutes financées, et cela, je m'y engage, en préservant et même en améliorant la qualité du service public, grâce, en particulier, aux techniques nouvelles d'information et de communication.

L'année 2005 a été une bonne année budgétaire, au regard à la fois des résultats atteints et des progrès réalisés. C'est donc bien de 2005 que tout est parti. C'est sur ces acquis qu'avec le soutien de la majorité de la Haute Assemblée nous avons jeté les bases sur lesquelles se construisent la LOLF et la stratégie de désendettement.

Cela signifie que le budget pour 2007 que nous sommes en train de préparer nous permettra aussi de prendre date avec l'opposition, à la veille d'une échéance électorale majeure. Le choix sera simple.

La première possibilité est de faire le choix de la responsabilité, c'est-à-dire de la capacité de financer les priorités politiques à propos desquelles les Français attendent des résultats, tout en maîtrisant la dépense publique et en réduisant le déficit et l'endettement.

La seconde possibilité est de faire le choix de la dépense publique supplémentaire, donc de l'impôt supplémentaire et de la dette, comme semble en témoigner le programme qui vient d'être présenté par le parti socialiste.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Comme ce dernier ne paraissait pas en mesure de chiffrer son programme,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut l'aider !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... il m'a semblé utile d'apporter une contribution à ce chiffrage, en accomplissant un travail très précis. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Ainsi, je suis en mesure de confirmer que la mise en oeuvre de ce programme se traduirait par un coût de 115 milliards d'euros en 2012, (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) dont 104 milliards d'euros de charges annuelles et 11 milliards d'euros au titre de la renationalisation d'EDF.

Ce sont des sommes considérables, que je suis prêt à détailler si vous le souhaitez.

Mme Nicole Bricq. Je doute de votre sincérité !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez tort ! Je tiens à votre disposition toute la démonstration sur ce point.

Par exemple, la mise en place d'un contrat d'entrée dans la vie active pour tous les jeunes, qui n'est rien d'autre qu'un « RMI jeunes », représente 15 milliards d'euros.

L'abrogation de la loi « Fillon » portant réforme des retraites, au-delà du caractère irresponsable d'une telle démarche, coûterait 12 milliards d'euros.

La renationalisation à 100 % d'EDF correspondrait à 11 milliards d'euros.

Et je pourrais continuer de décliner le reste des mesures. Quand j'ai eu le malheur de dire que 115 milliards d'euros représentait beaucoup d'argent, le parti socialiste, inquiet d'avoir oublié de procéder à ce calcul, a rétorqué qu'il avait la solution : ces mesures seraient financées par la croissance. Le problème, c'est que cela correspond à sept points de croissance ! Les dépenses publiques atteindraient alors 61 % du PIB. Même Cuba n'a pas osé... Nous avons donc quelques raisons d'être vigilants en la matière. D'autant que cela nécessiterait une croissance de 8 % par an. Là, la référence est non plus Cuba, mais la Chine. Nous en sommes encore loin !

En vérité, si ce programme devait être appliqué, la seule manière de le financer serait d'augmenter les impôts et l'endettement, c'est-à-dire exactement l'inverse de ce que nous préconisons.

Sur ces sujets, il sera indispensable que nous ayons avec les Français un débat de fond l'an prochain, car c'est bien deux visions de notre société qui vont s'opposer.

Mme Nicole Bricq. C'est bien vrai !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce moment sera l'occasion de le rappeler aux uns et aux autres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(Mme Michèle André remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce projet de loi de règlement va nous permettre de tourner une page de notre histoire budgétaire puisque, jusqu'ici, la loi de règlement était un exercice rétrospectif, comptable et ingrat, qui intéressait peu le Parlement. Avec la loi organique relative aux lois de finances, il en va différemment : la « reddition des comptes » devient l'heure de vérité. Enfin, nous pouvons concentrer nos débats sur la comparaison entre prévisions et réalisations.

Avant la LOLF, il était fréquent de comparer des prévisions aux prévisions et des réalisations aux réalisations. L'État ne s'était jamais astreint à cet exercice de nécessaire transparence qui consiste à comparer, fonction par fonction, programme par programme, la prévision au 1er janvier et la réalisation au 31 décembre.

Pour des raisons symboliques et afin que l'intitulé du projet de loi corresponde à la réalité, la commission des finances vous proposera un amendement tendant à rédiger ainsi cet intitulé : « Projet de loi portant règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2005 ».

Vos collègues du Gouvernement ont bien voulu se prêter à l'exercice des questions-réponses interactives et brèves qui, la semaine dernière en séance de commission, nous ont permis de passer en revue dix départements ministériels. Je crois pouvoir dire que les sénateurs des différentes commissions, et pas seulement les membres de la commission des finances, se sont impliqués dans cet exercice et ont bien voulu le faire vivre.

L'année 2005 est assurément une année de transition en matière de gestion budgétaire et comptable. Nous sommes en période de rodage ; il est encore difficile de bien juger des performances d'une machine, quelque peu lourde, qui se met en ordre de marche selon les nouvelles règles du jeu.

Il est vrai que la globalisation des crédits comporte quelques aspects déroutants. Il ne nous est plus possible de calculer, avec une précision suffisante, la progression des dépenses de fonctionnement, par exemple, ou de bien repérer le concept d'investissement auquel nous sommes habitués.

Des efforts restent donc à accomplir pour faciliter le passage d'un référentiel à l'autre, ainsi que pour mieux connaître les effectifs de l'État. Il faudra sans doute un jour y intégrer les personnels qui sont rémunérés non pas par l'État, mais par ses opérateurs, c'est-à-dire les établissements publics qui dépendent totalement de l'État.

Il convient de relever que le décalage entre le cadre des missions dans lequel s'apprécie dorénavant la performance et la réalité budgétaire et comptable soumise à l'approbation du Parlement ne disparaîtra pas totalement l'année prochaine, et ce pour une série de raisons.

Tout d'abord, les emplois sont comptabilisés au niveau des ministères et non des missions.

Ensuite, la responsabilité spécifique des directeurs de programme devra encore être précisée par rapport à celle des ministres.

Enfin, la non-correspondance entre la structure de la nomenclature budgétaire et l'organisation administrative peut aboutir à limiter les capacités de manoeuvre et l'autorité des responsables de programmes.

Nous allons donc nous appliquer ensemble à opérer cette transition de la meilleure façon possible.

L'année 2005 est une année de transition non seulement en termes de méthode, mais aussi en termes de politique budgétaire.

En 2004, l'ampleur du rétablissement, qu'il convient de rappeler, tenait, pour une large part, au caractère inattendu du retournement de la conjoncture et à l'amélioration particulièrement significative des comptes en raison de la prudence des estimations initiales, n'est-ce pas cher Alain Lambert ?

En 2005, la réalité se présente sous des abords plus classiques, avec moins d'écarts entre les prévisions initiales, les ajustements en cours de gestion par la loi de finances rectificative et les résultats définitifs figurant dans la loi de règlement.

En dépit du poids des mesures non reconductibles et bien que nous ne soyons toujours pas parvenus à atteindre le solde stabilisant la dette publique, la commission des finances considère que l'on est en droit de parler d'une année de consolidation budgétaire. Cette performance n'est pas mince eu égard aux incertitudes de la conjoncture que nous avons connue.

Le Gouvernement est parvenu, il faut vous en donner acte, monsieur le ministre, à atteindre ses objectifs dans des conditions que nous pouvons estimer, sur le plan des chiffres, globalement satisfaisantes.

Pour apprécier les résultats, il convient de distinguer le fond des choses de la manière.

D'une part, en faisant le lien avec le débat d'orientation budgétaire que nous aurons jeudi, je ne peux que répéter que l'heure n'est manifestement pas aux largesses budgétaires. La France reste plus que jamais en état d'urgence financière, comme l'a montré, parmi d'autres travaux, le rapport de Michel Pébereau.

D'autre part, s'agissant de la manière, la commission s'est efforcée de faire le tri entre des pratiques acceptables et celles qui le sont moins et qui ont vocation, de notre point de vue, à être rectifiées dans l'avenir.

Mais l'essentiel est de rappeler que le Gouvernement est parvenu à une consolidation, qui est loin d'être aussi négligeable que d'aucuns voudraient bien le dire.

Je citerai à cet égard trois exemples.

En premier lieu, il convient de noter la diminution très marquée des reports de crédits : ces « épées de Damoclès » de l'exécution budgétaire représentaient, à l'entrée de l'exercice 2005, 11,9 milliards d'euros ; à la sortie de cet exercice, ils ne représentaient plus que 5,2 milliards d'euros. Ce résultat est peut-être peu médiatique, mais il est réel ; il convient, monsieur le ministre, de vous en remercier et de saluer les efforts qui ont été faits, car ce résultat n'a évidemment pas été obtenu sans mal.

En deuxième lieu, il faut rappeler que le solde s'établit un peu en deçà de 3 %. Nous souhaiterions, certes, un meilleur taux, mais si nous regardons à l'extérieur de nos frontières en Europe, un tel résultat est à l'honneur de la France.

En troisième lieu, il importe de souligner, monsieur le ministre, que vous vous êtes astreint au respect des autorisations parlementaires de dépenses et que la règle « zéro volume » a été appliquée une nouvelle année sans défaillance.

Certains collègues ont évoqué en commission le rapport de la Cour des comptes. Bien entendu, nous avons été extrêmement attentifs, d'une part, aux propos du Premier président de celle-ci que nous avons auditionné et, d'autre part, au rapport écrit que cette institution nous a livré. S'il est vrai que quelques pratiques sont perfectibles, il n'en reste pas moins qu'aucune de ces pratiques n'est de nature à entacher la sincérité budgétaire globale de l'exercice.

D'ailleurs, la plupart des remarques formulées par la Cour des comptes portent sur des questions de répartition entre l'État et la Sécurité sociale. Je ne saurais négliger ces questions qui ont leur importance, mais, en termes de présentation consolidée et de résultats « maastrichtiens », en termes de comptes à rendre à nos partenaires de l'Union européenne, les chiffres du Gouvernement, qui caractérisent bien la réalité, me semblent tout à fait irrécusables. Sans doute, des progrès restent-ils à faire, mais c'est une autre affaire.

Dans le domaine des comparaisons des finances publiques des différents États européens, la commission des finances estime qu'Eurostat est un organisme tout à fait perfectible. Il devrait devenir un jour une véritable autorité veillant à la permanence des méthodes et aux conditions de comparabilité des budgets des différents États. Nous n'en sommes pas encore là, loin s'en faut !

La Cour des comptes a donc émis quelques critiques.

En ce qui nous concerne, nous ne saurions condamner la réforme des acomptes de l'impôt sur les sociétés. Car cette mesure, qui constitue une amélioration de la gestion de la trésorerie de l'État, ne se traduira pas par une dégradation du solde les années suivantes.

Il est vrai que nous avons observé le maintien de quelques pratiques discutables en matière de sous-budgétisation de certaines dotations, de retards de paiement générateurs de charges d'intérêts pour le budget ou d'arriérés de paiement de l'État au détriment de la sécurité sociale.

Les exemples en la matière sont connus : recouvrement de la créance de 1,2 milliard d'euros sur l'UNEDIC ; versement de la CADES au budget général pour 3 milliards d'euros, lequel est considéré comme une opération budgétaire alors que la créance ainsi remboursée n'a jamais été comptabilisée en dépenses ; reprise de la dette du FFIPSA par le budget général, qui s'expose à la même critique.

La LOLF, mes chers collègues, est un outil que nous devons encore améliorer. Elle comporte naturellement beaucoup d'aspects positifs et constitue un levier efficace pour la réforme de l'État, mais elle ne saurait se substituer à la volonté politique qui, elle, permettra de réaliser cette réforme de l'État. En outre, nous devons sans doute nous défier, comme en toute chose, d'un perfectionnisme excessif : il ne faudrait pas mettre en place une bureaucratie « lolfienne », ou recentraliser des politiques à partir d'une application trop littérale des nouvelles dispositions.

La commission mesure, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement, à la fois les progrès accomplis par les administrations et le chemin qui reste à parcourir pour que les principes de la loi organique soient appliqués non seulement dans leur lettre, mais aussi et surtout dans leur esprit.

Pour concrétiser mon propos, monsieur le ministre, je prendrai un seul exemple, celui de la comptabilité patrimoniale. Une telle réforme est, elle aussi, peu médiatique, mais elle est fondamentale en termes de concept. C'est une véritable innovation apportée par la LOLF et il nous faudra bien définir, tous ensemble, ce qu'est le bilan d'entrée de l'État.

Ainsi, il est prévu que les monuments historiques dont l'État est le détenteur en termes patrimoniaux soient valorisés, à partir de 2006, à l'euro symbolique. Il s'agit, selon moi, d'une erreur de gestion, car la dégradation de ces monuments ne sera pas constatée dans les comptes par le biais d'amortissements ou de provisions.

Or il paraît clair que la valeur minimale de ces monuments devrait correspondre à la valeur des travaux de maintien en l'état qu'il est inéluctable d'engager pour qu'ils continuent à exister ; il s'agirait de chiffrer les seuls travaux conservatoires, mais ce minimum devrait en toute logique représenter la valorisation desdits monuments historiques.

Si l'on procédait ainsi, on se conformerait aux principes de rigueur et de sincérité comptables, mais, surtout, on donnerait à l'opinion publique et à la représentation nationale une idée des travaux à engager pour que notre génération laisse à la suivante un patrimoine intact.

Le raisonnement que je développe en ce qui concerne les monuments historiques peut naturellement s'appliquer à beaucoup de catégories d'actifs qui vont se trouver comptabilisés dans le bilan de l'État.

C'est en même temps un exemple des avancées que la loi organique, si elle est bien mise en pratique, peut nous permettre de faire en termes de transparence des enjeux et de qualité de la gestion de l'État.

À la vérité, mes chers collègues, le peuple français, qui est l'usager des services publics, a le droit de savoir et de bénéficier de prestations de la collectivité calculées au meilleur coût, financées de la meilleure façon possible : c'est un témoignage de respect à l'égard de nos électeurs, à l'égard du peuple français dans son ensemble, que de bien gérer l'argent public.

Bien entendu, monsieur le ministre, lorsque vous vous inquiétez, s'agissant de certains projets aventureux, en matière de gestion économique et budgétaire, la majorité de la commission ne peut que vous suivre et mettre en garde : l'heure n'est pas aux largesses, elle est à la bonne gestion ! C'est par la bonne gestion que l'on retrouvera les marges de manoeuvre qui rendront à l'État sa crédibilité, car un État sans marges de manoeuvre est un État impuissant, un État où ne se joue plus qu'un théâtre d'ombres,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...où l'on n'entend plus que des incantations. Et l'opinion publique, qui ne peut manquer de s'en apercevoir, serait nécessairement très sévère envers un État qui connaîtrait de telles dérives. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. La loi de règlement est un exercice imposé par le calendrier budgétaire. Son intitulé, son rituel dans la formule de l'ordonnance du 2 janvier 1959, le fait aussi qu'elle close un exercice déjà ancien de deux ans n'incitent généralement pas au débat de fond. La confrontation de deux appréciations forcément divergentes, celle de la majorité et celle de l'opposition, est elle-même, malgré les efforts des uns et des autres, généralement assez plate.

Cependant, la loi portant règlement définitif du budget de 2005 multiplie les sources d'intérêt et justifie qu'on la traite en « rupture » - c'est un mot à la mode ! - avec l'habitude.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un excellent mot !

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme Nicole Bricq. D'un point de vue formel, il s'agit en effet de la dernière loi de règlement avant la mise en oeuvre de la LOLF, et elle prendra alors tout son sens : il importe d'y voir clair dans les comptes de l'État et d'apprécier sa performance au regard des orientations déclinées dans les missions du projet de loi de finances. Il est permis d'espérer que la loi de règlement devienne le « moment de vérité budgétaire » tant attendu.

Plusieurs questions se poseront dès le printemps 2007, lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2006, correspondant au premier budget entièrement voté en mode « LOLF ».

Quel usage aura été fait de la fongibilité asymétrique des crédits au sein d'un programme ? Quels redéploiements auront été opérés par rapport à la répartition indicative des crédits entre les actions d'un même programme ?

Les résultats mesurés dans les rapports annuels de performance seront-ils cohérents avec les prévisions figurant dans les projets annuels de performance ? Les écarts ne seront-ils pas de nature à justifier des redéploiements de crédits lors de l'examen du projet de loi de finances initiale de l'année suivante, compte tenu des règles susceptibles d'être définies dès le débat d'orientation budgétaire ?

La revalorisation de la loi de règlement implique des adaptations de forme et de fond, nous l'avons bien compris lors de cet exercice un peu expérimental.

Sur la forme, il conviendrait de consacrer une semaine en séance publique à l'examen du projet de loi de règlement, préparé par les auditions des ministres gestionnaires. À cet égard, je tiens à saluer les efforts méritoires du président de la commission des finances et du Sénat afin d'organiser un débat, même si les auditions de ministres en commission élargie et publique s'apparentaient plus à des réponses formelles à des questions d'actualité ou à des questions orales sans débat qu'à une véritable confrontation sur l'exercice.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est un premier pas !

Mme Nicole Bricq. Les membres du groupe socialiste ont participé à ces auditions, de la même manière qu'ils participeront, ce soir, au débat.

Sur le fond, il conviendrait d'inclure des éléments d'analyse des crédits, détaillés par unité de vote, dans le rapport sur le projet de loi de règlement.

Par ailleurs, une association encore plus étroite avec la Cour des comptes serait la bienvenue. Comme celle-ci remettra quatre rapports sur l'exécution budgétaire, une telle association contribuerait également à renforcer l'information du Parlement, selon des modalités à définir avec la Cour des comptes.

La loi de règlement présente aussi l'occasion, compte tenu du calendrier politique, de faire un bilan de la gestion des finances publiques conduite par l'actuelle majorité, avant d'enchaîner avec le débat d'orientation budgétaire. Ce détail a son importance, car le regard que l'on porte sur le passé conditionne l'appréciation de l'avenir.

Enfin, ce budget de 2005 présente une singularité puisqu'il est celui du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'automne 2004, qui prétend, du moins dans son camp, conduire les affaires de la France et qui, dans sa triple posture de ministre, de candidat potentiel à l'échéance suprême et de président de l'UMP, doit être jugé sur son bilan avant que de l'être sur ses promesses.

Or ce bilan n'est pas bon, et nous sommes nombreux à partager cette conviction quand on regarde de près l'exécution du budget de 2005. À ce titre, je veux relever deux contrastes assez stupéfiants.

Le premier contraste concerne l'audition du premier président de la Cour des comptes devant la commission des finances le 30 mai, eu égard au rapport lui-même, dans lequel est bien indiqué le problème posé par l'exercice 2005 « au regard du principe de la sincérité budgétaire », et à l'avenir radieux qui nous a été présenté pas les deux ministres, le 21 juin, au Sénat.

Le deuxième contraste se situe entre le rapport d'information du rapporteur général daté du 12 avril, dans lequel celui-ci faisait part de « son scepticisme sur la soutenabilité à moyen et à long terme de nos finances publiques », et son exposé, le 21 juin devant notre commission, où il saluait, en parlant de l'exécutif, « des efforts méritoires en prélude aux réformes ». J'admire la formule, que l'on pourrait tout de même qualifier d'euphémisme !

Il serait dès lors facile, dans ce débat, de reprendre point par point le rapport de la Cour des comptes mettant en évidence des manoeuvres budgétaires et comptables dont le but est très clairement d'arriver en dessous du seuil fatidique des 3 % de déficit budgétaire. On a pu arriver à un tel résultat - encore une heureuse formule du rapporteur général ! - « grâce à la résistance inattendue des rentrées fiscales et à la mobilisation de recettes exceptionnelles. » Comme c'est bien dit !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la vérité !

Mme Nicole Bricq. Je ne vais pas reprendre le rapport de la Cour des comptes, ce serait sans intérêt ; je ne retiendrai que ce qui, à mes yeux, constitue une preuve flagrante d'insincérité budgétaire. (M. le ministre délégué s'exclame.) Moi aussi, monsieur le ministre, je crois aux mots, et « régulier » n'est pas synonyme de « sincère ».

En tant que maire de Meaux, quand la chambre régionale des comptes approuve les comptes de votre ville, monsieur le ministre, vous êtes satisfait et vous en faites la publicité !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je n'en rajoute jamais, je suis modeste !

Mme Nicole Bricq. On vous connaît...

Les avis de la Cour des comptes ne sont pas à géométrie variable : quand celle-ci dit que les comptes de l'État ne sont pas convenables, il faut tout au moins considérer cet avis comme une source d'inflexion notable.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Disons que cela mérite réflexion !

Mme Nicole Bricq. Je reviens sur l'insincérité budgétaire.

Selon la Cour des comptes, bien que l'hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % retenue en loi de finances initiale n'ait pas été, loin s'en faut, réalisée, puisqu'elle a été finalement de 1,2 %, l'équilibre des recettes pour 2005 n'en a pas été pour autant bouleversé. La Cour démontre ainsi que la prévision du taux de croissance des recettes fiscales de 2005 était appliquée à la base de 2004, elle-même fortement sous-estimée.

De plus, la création par la loi de finances rectificative d'un nouvel acompte d'impôt sur les sociétés versé en décembre a apporté une recette supplémentaire de 2,3 milliards d'euros.

Ainsi, comme le disaient les Romains, « la pièce est dite » ! Le niveau des recettes est proche de celui qui était prévu par la loi de finances initiale, malgré des baisses d'impôts massives. La conséquence relevée par la Cour des comptes - ce qui m'apparaît comme le plus important -, c'est la déconnexion entre la dette de l'État et le solde budgétaire, déconnexion qui en dit long sur le sérieux du plan quinquennal de réduction de la dette qui nous a été présenté la semaine dernière par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En vérité, le bilan de la législature est mauvais : le poids de la dette s'est accru de plus de dix points par rapport au PIB ; les dépenses publiques ont augmenté de 2,3 points de PIB ; les prélèvements obligatoires ont crû d'un point de PIB ; la France est en déficit excessif chronique et sa croissance est en moyenne, depuis 2002, de 1,4 % par an. Les finances traduisent les mauvais résultats économiques.

J'ajoute que le déficit du commerce extérieur a triplé entre 2004 et 2005. Les causes n'en sont pas seulement conjoncturelles : importations et prix du pétrole ; elles témoignent, plus largement, de la faiblesse structurelle de notre appareil productif.

Devant un tel panorama, il ne faut pas s'étonner que le pays ne soit pas porté à un optimisme serein.

De ce constat, je veux tirer des enseignements. À ce titre, je reviendrai sur deux paramètres essentiels pour nos finances : la croissance et la dette.

S'agissant de la croissance, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'est réjoui, la semaine dernière, devant notre assemblée, qu'elle ait atteint 0,54% au cours du premier trimestre. Or il faut se méfier de l'utilisation d'un chiffre pour bâtir une hypothèse budgétaire compte tenu de ce que nous avons constaté dans le budget de 2005, pour lequel l'hypothèse la moins crédible avait été retenue. Nous avions auditionné en commission des finances l'ensemble des économistes libéraux et keynésiens, qui nous avaient tous dit, sans exception, que la croissance n'atteindrait pas 2,5 %.

Pour autant, pourrait-on se passer de la référence à la croissance pour établir un budget ? Certainement pas, car le PIB reste l'indicateur qui nous permet d'établir des comparaisons internationales. Nous savons bien que, même avec une croissance potentielle de 2,25 %, la France ne dégage pas de marges de manoeuvre qui lui permettent de remédier à ses faiblesses structurelles, et notamment de réarmer son appareil productif dans le jeu mondial. De la même manière, cette croissance ne permet pas, autrement que par le biais démographique, de créer suffisamment d'emplois dans le secteur privé.

En réalité, nous avons besoin d'objectifs clairs et non démagogiques d'amélioration des perspectives de la croissance à moyen terme. À cet égard, le budget, année après année, au moyen de la LOLF, devrait traduire la progression vers ces objectifs sur un temps forcément long. C'est cela qu'il faut faire, plutôt que de chercher à instrumentaliser des chiffres ponctuels de croissance.

J'en viens maintenant à la dette : elle est très clairement l'ennemie de gauche.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dites-le bien à vos amis !

Mme Nicole Bricq. Je vais vous expliquer pourquoi !

Elle doit être combattue, car ses effets sont profondément injustes. Même s'il s'agit d'un raccourci, ce sont ceux qui paient le plus largement la TVA, c'est-à-dire les couches populaires, qui paient, par la charge de la dette, une rente à ceux qui ont prêté à l'État, ceux-là même qui ne comptent pas parmi les plus défavorisés et qui bénéficient par ailleurs des baisses d'impôts massives que vous avez consenties de manière aussi inefficace qu'injuste, en même temps que le Gouvernement augmentait les charges sociales acquittées par les salariés.

N'oublions pas que les mesures de 2005 pèseront encore en 2006 et en 2007, et que celles de 2006 pèseront en 2007 et en 2008. Nous avons fait le compte : il y en a déjà pour 6 milliards d'euros, avant même qu'ait été engagé le débat d'orientation budgétaire.

En considérant le rapport Pébereau d'un seul côté, à savoir la réduction des dépenses budgétaires, vous oubliez l'autre volet qui préconise de maîtriser les dépenses fiscales. En clair, il s'agit de ne plus baisser les impôts. Vous passez sous silence le fait que le solde primaire, qui mesure le déficit avant paiement des intérêts de la dette, a toujours été négatif depuis le début de la législature, signe d'un dérapage évident.

Le compte de résultat de l'État se dégrade fortement : 41 milliards d'euros de déficit, contre 34,7 milliards en 2004. Cela s'explique en grande partie par la forte progression des remboursements et des dégrèvements d'impôts, conséquence de la floraison des niches fiscales. Le problème ne réside donc pas a priori dans les dépenses, mais dans le différentiel entre les recettes et les dépenses.

Vous omettez de dire que les dépenses de l'État ne représentent que 19 % du PIB, ce qui n'est pas exagéré au regard des comparaisons internationales.

Ce n'est donc pas en réduisant de façon drastique et aveugle les dépenses que l'on désendettera la France. C'est en restructurant les dépenses publiques dans le seul but d'augmenter notre potentiel de croissance.

Quelle que soit la majorité qui sortira des urnes au printemps 2007, elle aura à combiner croissance et désendettement. D'où l'importance de bâtir des hypothèses crédibles, et pas uniquement aux yeux des observateurs qui sont au fait de l'économie et du budget. C'est de crédit démocratique que je veux parler. À cet effet, nous devons disposer d'outils de lecture fiables, rénover la comptabilité publique en calculant la dette nette et non la dette brute, c'est-à-dire en déduisant les actifs détenus par l'État, comme le fait une entreprise. Car la démonstration est faite que brader les actifs, à l'instar de votre majorité, n'améliore pas la dette, bien au contraire.

Cet appauvrissement de l'État ne permet pas par ailleurs de faire face aux enjeux liés au vieillissement. À cet égard, il est regrettable que le fonds de réserve des retraites n'ait pratiquement pas été abondé au cours de cette législature.

Autre impératif, il faut disposer d'un code de responsabilité budgétaire qui interdise, comme l'a fait la Grande-Bretagne, de financer les dépenses de fonctionnement par le déficit.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Enfin, le budget doit être établi sur une prévision de croissance dont le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'ait pas le monopole. Cela lui évitera, quel qu'il soit, d'être tenté de nous raconter des histoires. Nous disposons déjà, avec l'INSEE, d'un organisme indépendant pour arrêter la prévision de croissance.

Je ne sais pas si le débat présidentiel portera sur le fond des problèmes. Pour ce qui nous nous concerne, nous le souhaitons. Si, comme nous le croyons, les orientations économiques, budgétaires et fiscales traduisent des enjeux sociaux, il y aura le choc de deux projets. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une loi de règlement procède traditionnellement aux constatations comptables et aux derniers ajustements de crédits permettant d'apurer la gestion budgétaire. Elle permet également de faire le point sur la situation financière de l'État, de faire apparaître les priorités et la hiérarchie effective de leur mise en oeuvre en révélant les performances de l'action administrative.

Ce second aspect prend, cette année, toute sa portée. Le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 est en effet le premier à être examiné en juin, juste avant le débat d'orientation budgétaire pour 2007. Il devrait prendre ainsi toute sa place dans le « cycle vertueux » que la commission des finances souhaite voir s'instaurer entre les résultats de l'exécution budgétaire et la préparation de la prochaine loi de finances, dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances.

Bien sûr, monsieur le ministre, nous ne disposons pas de tous les éléments d'information nécessaires, car ce budget est le dernier budget « ancien format », c'est-à-dire présenté dans les conditions fixées par l'ordonnance organique de 1959. Il faudra attendre le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2006 pour disposer des rapports annuels de performances qui permettront d'apprécier réellement l'efficacité de la gestion des différents ministères, dans le cadre des missions et des programmes.

Néanmoins, nous pouvons commencer par appliquer la LOLF dans l'esprit, avant de pouvoir pleinement le faire dans la lettre. C'est le sens des auditions de dix ministres gestionnaires qui se sont déroulées la semaine dernière en commission des finances élargie et auxquelles ont participé de nombreux sénateurs de différentes commissions. Il convient d'en remercier et d'en féliciter le président Jean Arthuis, parce que c'est une initiative heureuse, qui a permis dans bien des cas de lever des ambiguïtés et de répondre à de nombreuses questions.

C'est aussi le sens des débats spécifiques en séance publique, qui concerneront cette année quatre missions au sens de la LOLF.

C'est également le sens du groupe de travail « LOLF et réforme de l'État », que le groupe UMP du Sénat a récemment mis en place pour assurer le suivi des réformes structurelles sur la base des audits de modernisation. Ces audits, monsieur le ministre, dont vous avez lancé la quatrième vague le 21 juin dernier, constituent une démarche inédite, ambitieuse et concrète, que nous tenons à saluer. Nous savons combien vous êtes un pionnier en la matière.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Merci !

M. Roger Karoutchi. Mais nous savons aussi que les rapports d'information et d'inspection ont parfois tendance à rester dans les tiroirs des administrations. C'est pourquoi le groupe de travail « LOLF et réforme de l'État », animé par nos collègues Alain Lambert et Philippe Marini, souhaite changer cet état d'esprit. Les quatre-vingt-onze sénateurs UMP qui le composent ont déjà rencontré les personnes concernées dans dix ministères pour examiner les suites qui seront données à quarante audits de modernisation de ces ministères et portant le plus souvent sur la gestion de l'année 2005.

Avec les principaux responsables des cabinets et des administrations, nous avons analysé les résultats de ces audits et les gains qui peuvent en être attendus pour les usagers, en termes d'amélioration du service rendu, et pour les contribuables, en termes d'économies budgétaires.

La démarche que nous avons engagée se veut constructive et productive, dans un esprit de réforme. Au travers de cette démarche, le groupe UMP veut réaffirmer l'importance qu'il accorde à la modernisation de l'État et aux réformes structurelles engagées en ce sens par les différents ministres.

Les sénateurs UMP auront l'occasion d'évoquer de nouveau ces audits lors des débats spécifiques de ce soir et de demain, puis à l'occasion du débat d'orientation budgétaire de jeudi prochain.

Il s'agit en effet pour nous d'une opération vérité indispensable pour évaluer les politiques déjà engagées et éclairer les choix budgétaires. C'est cette opération vérité qui montre concrètement et précisément qu'il est possible de réduire les dépenses et les effectifs dans certains secteurs, tout en préservant ou en améliorant la qualité du service public, y compris dans l'éducation nationale.

Mme Bricq disait tout à l'heure que les éléments du passé sont porteurs de ce que sera l'avenir. En la matière, les socialistes refusent d'admettre un certain nombre de vérités, préférant se cantonner dans des postures idéologiques et pratiquer la fuite en avant dans la dépense publique, comme l'atteste leur programme électoral.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Roger Karoutchi. Ils font semblant d'oublier que les mêmes maux produisent les mêmes effets et que nous payons encore aujourd'hui le prix des errements budgétaires de la précédente législature.

Au moment où nous examinons le projet loi portant règlement définitif du budget de 2005, il convient de se souvenir de celui de 2002. Cette année-là, la nouvelle majorité a dû faire face à un dérapage de la dépense évalué à plus de 10 milliards d'euros par l'audit réalisé par Jacques Bonnet et Philippe Nasse. Cette dérive s'expliquait notamment par l'importance des crédits de l'exercice 2001 que le gouvernement de Lionel Jospin avait reportés sur l'année suivante. Ces reports ont dépassé les 14 milliards d'euros en 2002.

À cette époque, notre rapporteur général, Philippe Marini, avait souligné que l'ampleur de ces reports constituait une véritable « épée de Damoclès » pesant sur la dépense : réserve de crédits souvent mal appréhendée, elle poussait structurellement les gestionnaires à la dépense.

Il faut donc aujourd'hui féliciter le Gouvernement d'avoir ramené le montant total de ces reports à environ 5 milliards d'euros de 2005 vers 2006, soit deux fois moins que lors de l'exercice précédent.

C'est l'un des acquis essentiels de l'exécution du budget de 2005.

Conjugué à une bonne maîtrise des dépenses de l'État et à de meilleures recettes, malgré une croissance du PIB inférieure aux prévisions, il a permis d'aboutir, comme l'a rappelé tout à l'heure M. le rapporteur général, à un déficit de 43,5 milliards d'euros, au lieu des 45,2 milliards d'euros prévus initialement.

Ce bon résultat est, d'abord, le fruit de la persévérance en matière de dépenses : en 2005, pour la troisième année consécutive, le plafond de dépenses voté par le Parlement a été strictement respecté.

Cette politique responsable doit être poursuivie et amplifiée. À cet égard, il faut saluer la volonté du Gouvernement de diminuer la dépense de l'État en « volume » en 2007, avec une progression de 1 point inférieure à l'inflation.

Une gestion rigoureuse des dépenses publiques s'impose d'autant plus que la bonne tenue des recettes en 2005 s'explique partiellement par des facteurs non reconductibles, mais aussi et surtout parce que la dette publique atteint un niveau inquiétant, ce que souligne très régulièrement, et à juste titre, M. le rapporteur général. En la matière, madame Bricq, nous sommes heureux d'apprendre que la dette est l'ennemi de la gauche ; en fait, elle est l'ennemi de tous,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il y en a qui ne s'en sont pas rendu compte !

M. Roger Karoutchi. ...mais certaines politiques favorisent son augmentation !

Notre dette a triplé en proportion de la richesse nationale depuis vingt-cinq ans. Si l'État fait des efforts depuis 2002 pour maîtriser ses dépenses et réduire ses effectifs, si la réforme de l'assurance maladie commence à porter ses fruits,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Très bien !

M. Roger Karoutchi. Je savais que cela vous irait droit au coeur, monsieur le ministre !

... malheureusement, certaines collectivités locales continuent à hypothéquer l'avenir en multipliant les dépenses inconsidérées, comme nous pouvons le constater, les uns et les autres, dans la région d'Île-de-France.

Le Gouvernement a pris la mesure de la menace que constitue la dette pour les générations futures et vient de présenter un engagement national de désendettement. Il s'agit, là aussi, d'une opération vérité et d'un acte de responsabilité politique.

L'examen du projet de loi de règlement y contribue largement en permettant de faire le lien entre prévisions et réalisations, en amont du débat d'orientation budgétaire et de l'examen du projet de loi de finances pour 2007.

C'est dans cet esprit et dans cette perspective, mes chers collègues, que le groupe UMP aborde la discussion du projet de loi soumis à notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, année après année, les gouvernements successifs tentent de nous convaincre que l'ère de l'irresponsabilité financière est révolue. Hélas ! nous sommes bien forcés de constater que l'état financier de la France se dégrade toujours un peu plus - même si l'on constate un mieux -, la conduisant à une situation insupportable.

Le ministre des finances, à son arrivée à Bercy, avait impulsé un ton nouveau, en rupture avec nombre de discours convenus. Il affirmait que la France vivait au-dessus de ses moyens ; il tenait enfin le langage de vérité dont nous ne pouvions plus faire l'économie. Malheureusement, les comptes de l'État s'illustrent toujours par l'ampleur de leur déficit.

Si l'endettement massif n'est historiquement pas une nouveauté, jamais notre pays n'avait connu d'aggravation tendancielle et prolongée comme celle des vingt-cinq dernières années. L'énormité des chiffres confine à l'abstraction : plus de 1 060 milliards d'euros de dette et, si la tendance se poursuivait, un ratio d'endettement de 130 % en 2020 et de 400 % en 2050.

Aujourd'hui, la gravité de la situation nous interdit toute présentation fallacieuse. Le rapport de notre collègue Paul Girod, consacré à la dette, mettait en évidence que l'extrême fragmentation des passifs de l'État travestissait la réalité en excluant certaines dettes de la comptabilité générale : caisse d'amortissement de la dette sociale ou CADES, service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF, budget annexe « contrôle et exploitation aériens ».

Dans le même ordre d'idée, les engagements financiers latents de l'État, qui incluent surtout le régime de retraite des fonctionnaires d'État, pèseraient 380 milliards à 490 milliards d'euros supplémentaires.

Monsieur le ministre, la discussion du projet de loi de règlement a servi jusqu'à présent à constater sommairement l'écart entre les prévisions de la loi de finances initiale et l'exécution effective. Ce temps est révolu. L'adoption de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, a profondément modifié la pertinence de ce texte. Ce débat devient un moment de « vérité budgétaire », selon l'expression que M. Arthuis a utilisée l'année dernière.

Néanmoins, comme l'a relevé la Cour des comptes, l'exécution de la loi de finances pour 2005 a été marquée par d'importants efforts pour atteindre les objectifs initiaux en termes de soldes, de réduction, de régulation et de reports de crédits. Mais le déficit courant, établi à 43,5 milliards d'euros, est en réalité minoré par la hausse de l'encours des correspondants du Trésor. Il faut y ajouter le recours non pérenne aux cessions d'actifs de l'État qui, si elles permettent des apports en trésorerie, ne peuvent être regardées comme des opérations de gestion efficaces, car elles ne sont pas renouvelables et sont assimilables à un investissement négatif.

La sincérité budgétaire est également affectée par des petites irrégularités, peu douloureuses prises isolément, mais qui finissent par affecter l'ensemble de l'équilibre des finances publiques. Il en est ainsi de la sous-évaluation de 1,8 milliard d'euros des dotations de rémunération des personnels, soit 0,6 % des dépenses du budget général, et des ouvertures de crédits par décrets d'avance, en violation de l'article 13 de la loi organique.

Il me faut également souligner les opérations de trésorerie effectuées entre deux exercices budgétaires qui, profitant ainsi du passage d'un compte à un autre, neutralisent artificiellement l'incidence budgétaire de milliards d'euros de dépenses. Ainsi, je citerai le remboursement à l'État de 5,9 milliards d'euros effectué le 5 janvier 2006 par l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole, rattaché juridiquement à l'exercice 2005, mais suivi le même jour d'un nouveau tirage qui sera, lui, imputé sur l'exercice 2006.

Encore plus inquiétante est l'évolution de la dette constatée au cours de cet exercice budgétaire : plus de 38 milliards d'euros, soit 14 % des dépenses du budget général.

Comme je l'ai déjà évoqué, notre stock de dette publique, qui continue toujours de croître à un rythme beaucoup trop important, rend l'obligation de solvabilité des administrations publiques de plus en plus difficile à remplir.

En euros constants, cette dette a augmenté de 6 % par an en moyenne entre 1980 et 2004. Chaque Français supporte ainsi sans le savoir une dette d'environ 41 000 euros, soit le double de la dette privée médiane. L'organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, a estimé que la France devrait connaître un excédent budgétaire courant au moins égal à 1,7 % pour ne serait-ce que stabiliser le ratio dette/PIB. Nous en sommes, hélas ! bien loin.

La charge de cette dette constitue le second poste de dépense de l'État. Quel ménage, quelle entreprise, quelle collectivité locale pourrait supporter une telle contrainte sur le long terme ? Il faut prélever toujours plus de ressources sur la production nationale pour réparer l'absence de courage des gouvernements successifs.

L'objectif n'est pas, bien sûr, de supprimer la dette de l'État. Mais il faut concentrer nos politiques d'emprunt uniquement sur les investissements qui satisfont l'intérêt général, et lui seul. C'est exactement ce qu'a fait le Royaume-Uni, monsieur le ministre, en instaurant en 1998 un code de stabilité budgétaire dont l'objectif avoué est d'appliquer aux investissements publics les mêmes règles qu'à l'investissement privé. Ainsi, l'endettement public ne peut dépasser 40 %, et le rendement attendu d'un investissement doit satisfaire ex ante la dépense initiée.

Les dépenses d'investissement sont donc sanctuarisées, même si la conjoncture est cycliquement défavorable. Chez nous, ce sont certaines dépenses de fonctionnement qui le sont. Par cette politique volontariste et raisonnée, le Royaume-Uni a très significativement renforcé ses investissements publics sans détériorer ses finances publiques.

Telle est la tâche qui nous incombe : réduire les dépenses de fonctionnement de facilité qui réduisent d'autant nos marges de manoeuvre en sacrifiant les seules dépenses pérennes. Au rythme actuel, seul un cinquième des dépenses peut vraiment être consacré à des postes budgétaires nouveaux : trois cinquièmes sont absorbés par des dépenses courantes, un cinquième par la dette et sa charge.

L'exemple britannique démontre qu'il est possible de redresser des situations très mal engagées.

En 1996, le ratio dette/PIB du Canada atteignait un pic de 68,4 %. En 2003, après sept années d'exercices excédentaires, il chutait à 44 %.

Encore plus spectaculaire est le cas de la Nouvelle-Zélande : entre 1984 et 2004, la part de la dette publique est passée de 63 % à 17 % grâce à une politique d'affectation des excédents budgétaires au remboursement des charges des passifs.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En combien de temps ?

M. Aymeri de Montesquiou. En vingt ans : de 1984 à 2004.

Les autres excédents ont même permis de réduire le poids de la fiscalité. Illustration de l'adage « l'impôt tue l'impôt », les recettes de l'État ont augmenté de 20 %.

Monsieur le ministre, la sincérité budgétaire est indispensable, et il n'est pas question de présenter aux autorités européennes des agrégats qui satisfont seulement en apparence aux critères de convergence. Il est surtout vital de remettre la France sur le chemin de la croissance et du plein-emploi. Ainsi, le rapport Pébereau a proposé des pistes de réforme qui devraient garantir les perspectives de croissance et de solidarité. Les mettrez-vous en application ou ce rapport aura-t-il pour destin une étagère agrémentée de lauriers ?

Face à la contrainte du vieillissement de la population, le pilotage de nos finances publiques doit se décliner selon trois principes simples mais catégoriques : la non-augmentation du niveau global des prélèvements obligatoires, accompagnée d'une affectation des recettes non reconductibles ou exceptionnelles au désendettement ; la réduction des dépenses publiques - vous l'avez proposée - qui doit permettre un retour à l'équilibre courant en cinq ans grâce à la stabilisation en volume des dépenses ; le réexamen spécifique de l'efficacité des dépenses pour encourager celles qui sont jugées prioritaires, ce qui signifie notamment que toute dépense nouvelle doit être compensée par la réduction à due concurrence d'une dépense non prioritaire.

Poussons le pragmatisme un peu plus loin : pourquoi ne pas accroître les pouvoirs de certification de la Cour des comptes ? Pourquoi même, à l'image du régime des comptables publics, ne pas imputer la responsabilité à celui qui est juridiquement responsable d'une décision financièrement inconséquente ? Est-il normal que, au-delà de tout bon sens, le périple du porte-avions Clemenceau ait coûté 12 millions d'euros aux contribuables sans que quiconque ait à rendre de comptes ?

La crédibilité de la France en Europe est aujourd'hui affectée par cette fragilité économique chronique, qui alimente un chômage de masse que nombre de nos voisins ont su endiguer. Si la France veut continuer à jouer un rôle moteur dans l'Union européenne, cela ne peut être qu'au prix d'une réduction drastique des dépenses inefficaces associant le Parlement. Quelles propositions financières réalistes pouvons-nous préparer pour restaurer la crédibilité de la France après le « non » au référendum du 29 mai 2005 ?

La prochaine loi de règlement permettra de mesurer les premiers effets d'un budget entièrement exécuté sous les règles de la LOLF. Malheureusement, la France aura continué à s'endetter, paralysée par le couperet électoral présidentiel.

Monsieur le ministre, Anatole France, proche de la SFIO et revendiqué par la droite,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Personne n'est parfait !

M. Michel Mercier. On peut progresser !

M. Aymeri de Montesquiou. ...écrivait : « Les gouvernements impopulaires durent autant que les autres. D'abord il n'y a pas de gouvernements populaires : gouverner, c'est mécontenter ». Ayez l'audace, monsieur le ministre, de mettre en oeuvre les mesures que la France n'en peut plus d'attendre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ça va être autre chose ! (Sourires.)

M. Thierry Foucaud. Ah oui, c'est certain !

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, artifices comptables, recettes appelées en avance, reports massifs de crédits budgétaires pourtant votés par le Parlement, tout concourt, pour l'exercice budgétaire 2005, à constater que cette loi de règlement témoigne des choix idéologiques désastreux qui ont conduit, depuis le début de la législature, à dénaturer l'action publique, tout en accroissant les déficits cumulés, alors que la croissance économique n'était pas au rendez-vous.

De la soulte exigée d'EDF au versement anticipé du premier acompte de l'impôt sur les sociétés, des annulations de crédits aux arrêtés de répartition, tout a été mis en oeuvre cette année !

Et pour quel résultat ? Un niveau de déficit maintenu artificiellement sous la barre des 3 %, mais représentant une masse de près de 200 milliards d'euros en total cumulé depuis 2002, pour une croissance inférieure à 1,5 % !

Comme l'a indiqué Nicole Bricq, la discussion du projet de loi de règlement est aussi le moment de dresser un bilan. Vous pensez que les choix budgétaires que vous avez validés de manière systématique depuis 2002 sont les seuls qui doivent s'appliquer à la situation de notre pays. Il s'agit tantôt de confirmer nos choix européens, auquel cas, nous nous enfermons dans des critères de convergence qui paraissent chaque fois plus inaccessibles, tantôt de donner à nos entreprises plus de compétitivité, sans sourciller quant à l'utilisation qui est faite in fine des marges financières qui leur sont offertes.

Pour ne prendre que ce seul exemple, comment ne pas établir un lien entre l'insolente santé de nos marchés boursiers, malgré l'affaiblissement momentané du CAC 40, et la controverse persistante sur la réalité de la création d'emplois ?

Les moyens financiers de nos entreprises n'ont sans doute jamais été aussi importants -  Total, par exemple, profite des effets de la hausse continue des prix du pétrole brut -, mais les augmentations les plus notables portent uniquement sur la rémunération du capital, les parachutes dorés et les primes d'installation confortables des PDG de nos plus grandes entreprises.

On peut estimer que Antoine Zacharias est allé un peu loin en ce qui concerne sa rémunération au sein du groupe Vinci, mais le quotidien de la plupart de nos grands patrons consiste à accumuler des plus-values sur les cessions d'actions, des avantages en nature, des rémunérations spécifiques diverses, autrement dit à procéder à une véritable vampirisation continue des recettes mêmes des entreprises. C'est arrivé à un point tel que l'on peut être incompétent, ignorer les délais de livraison de la production de sa propre entreprise, et percevoir de juteuses plus-values financières sur plans d'option d'achat d'actions !

Le contexte dans lequel nous débattons de ce projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 est profondément marqué par cette actualité, véritable insulte pour toutes celles et tous ceux qui subissent quotidiennement les effets de la régulation budgétaire.

Parmi ceux qu'il nous a été donné d'auditionner ces derniers jours, il n'est pas de ministre qui ne se soit félicité d'avoir réussi à maîtriser autant que possible la dépense publique réelle de son département ministériel, pas un qui ne loue les effets de la fongibilité des crédits sur la capacité à dégager des gains de productivité et des économies, dont le caractère exclusivement comptable constitue d'ailleurs la limite. On économise des bouts de chandelle, mais l'incendie continue de se propager !

Deux faits politiques majeurs ont marqué l'année 2005, mes chers collègues.

Le premier, au détour de la large controverse populaire et publique menée au cours de l'hiver et du printemps, a été le rejet massif, par le suffrage universel, du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Ce vote témoigne de la large condamnation par les Français d'une certaine manière de voir la vie, de concevoir le fonctionnement de notre économie et de notre société, qui continue pourtant à trouver défense et illustration dans les politiques menées par le Gouvernement.

Le second fait majeur, ce sont les événements de l'automne 2005, dans les banlieues et les quartiers populaires, et qui n'ont suscité, pour l'heure, que deux réactions inadaptées : tout d'abord, la mise en oeuvre d'un état d'urgence stigmatisant, héritage d'une époque révolue, et désignant à la vindicte publique les jeunes issus des milieux les plus modestes et offrant à quelques-uns l'occasion de faire jouer la fibre sécuritaire, à défaut de rétablir la sécurité ; ensuite, face aux difficultés d'emploi dont souffrent ces jeunes, la mise en place du contrat première embauche, le fameux CPE, véritable destruction programmée du droit du travail.

Mes chers collègues de la majorité, ce CPE, vous l'avez soutenu, contre toute évidence et contre l'opinion largement majoritaire de nos compatriotes, des salariés, de la jeunesse étudiante et lycéenne ! Vous avez dû consacrer sa disparition ici même, voilà deux mois et demi, sans pour autant tirer les conséquences réelles de la situation.

Depuis des années et des années - trop d'années -, vous condamnez notre pays à la précarisation des conditions de travail, à l'insécurité de l'activité professionnelle, au nom de la compétitivité de nos entreprises, mais surtout de la restauration permanente de leur rentabilité financière. Depuis vingt ans, nous assistons, pour toute politique, à la baisse continuelle de l'impôt sur les sociétés, à la réduction de son assiette, à la diminution de la taxe professionnelle, à l'allégement des cotisations sociales normalement dues par les entreprises.

Au terme de cette phase historique, les sommes ainsi dépensées se révèlent particulièrement spectaculaires. Ainsi, depuis 1985, 450 milliards d'euros auront été engloutis dans ces politiques de moins-disant social et fiscal en faveur des entreprises ! Je dis bien 450 milliards d'euros, mes chers collègues, c'est-à-dire la moitié de l'encours de la dette publique négociable de l'Etat !

Et puisque vous êtes si attentifs et sourcilleux quant aux évolutions de la dépense publique, comment ne pas pointer le fait que le coût annuel de la prise en charge par l'État des cotisations sociales des entreprises sera passé, entre 1992 et 2005, de 6 milliards de francs à une facture de 22,2 milliards d'euros, soit vingt fois plus ?

Pour quel résultat, serait-on conduit à s'interroger au moment même où d'aucuns souhaitent faire des parlementaires les observateurs sourcilleux de l'engagement des deniers publics ?

Nous notons d'ailleurs, ce qui ne nous étonne guère au demeurant, que nous n'aurons pas de débat thématique, en séance publique, sur les crédits consacrés à la mission « travail et emploi », alors même que le chapitre des exonérations de cotisations sociales représente, à lui seul, 30 % des dépenses d'intervention publique du titre IV de la loi de finances pour 2005.

C'est pourtant cette clairvoyance budgétaire qui devrait nous animer au cours de ce débat. Mais nous en sommes évidemment loin, d'aucuns préférant sans doute désigner à la vindicte les fonctionnaires ou les retraités que le budget de l'État prend à son compte !

Devrais-je rappeler à ceux qui l'oublient toujours un peu vite que ces fonctionnaires, ce sont nos voisins de palier, c'est l'institutrice de nos enfants, le policier qui règle la circulation aux carrefours, l'agent des services de l'équipement qui déneige la route en hiver...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne faut pas oublier les infirmières !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ni les aides-soignantes !

M. Thierry Foucaud. ... et, bien sûr, l'aide-soignante qui fait tant défaut à l'hôpital !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Et les cantonniers !

M. Thierry Foucaud. ¨Par ailleurs, jusqu'à plus ample informé, les traitements et pensions des agents du secteur public constituent un élément du revenu des ménages, c'est-à-dire des moyens de développement de la consommation qui, à ce jour, porte encore cette croissance molle que nous observons depuis 2002.

En tout état de cause, nous ne pourrons évidemment pas voter ce projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005, qui illustre avec éclat le caractère inadéquat des politiques publiques qui sont menées aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, les choses bougent !

Récemment encore, la loi portant règlement définitif du budget n'intéressait que peu de parlementaires, que ce soit dans cet hémicycle ou à l'Assemblée nationale, où j'ai eu l'occasion d'examiner un certain nombre de projets analogues, avec vous, monsieur le ministre !

Les choses ont changé avec l'arrivée de la LOLF, car nous considérons que c'est le moment de vérité, celui où le Parlement exerce véritablement son contrôle, ce qui constitue son essence même, sa « seconde nature », selon l'expression de M. le président du Sénat.

Si les choses changent, nous le devons aussi au président de la commission des finances, que je tiens à féliciter et à remercier pour les débats qu'il a su organiser, à l'intention non seulement des membres de la commission, qui sont traditionnellement portés au contrôle et à l'examen des textes portant règlement définitif du budget, mais aussi de nombreux collègues.

Ce projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 est l'occasion de me réjouir, au nom du groupe UC-UDF, que cet exercice soit le dernier à être régi par l'ordonnance de 1959. L'application de la LOLF, dont on voit déjà poindre les effets au regard de la nécessité d'analyser le niveau de la dépense publique et son efficacité dès le premier euro, devra nous permettre, dès l'année prochaine, de débattre de ces points, mission par mission et programme par programme, afin de mesurer l'efficience de la gestion des finances du pays.

Le présent texte est également l'occasion pour moi d'exprimer des réserves quant au bien-fondé et, au risque d'utiliser un terme qui fâche, à la « sincérité » de cette exécution budgétaire.

Monsieur le ministre, lorsque l'on vous écoute, on doit se chausser de lunettes roses...

M. Jean-Jacques Jégou. Roses, pour le moral ! En effet, vous nous donnez une image quelque peu excessive des bons comptes de la nation. Entre la « sincérité » et la « régularité » que vous avez évoquées, selon votre sémantique et avec le talent d'orateur que nous vous connaissons, des questions se posent, qui appellent des réponses complémentaires.

J'en viens au fond. Une fois n'est pas coutume, monsieur le ministre, je formulerai un certain nombre de remarques positives...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Yes !

M. Jean-Jacques Jégou. ...au sujet de l'exécution d'un budget à l'encontre duquel nous avions émis, lors de son examen, un certain nombre de doutes sérieux.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous voyez qu'il faut me croire ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou. Comme l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport annuel, il faut reconnaître, ainsi que l'ont souligné nos collègues de la majorité, que la conduite de la politique budgétaire a été marquée, en 2005, par des efforts importants pour atteindre les objectifs de solde budgétaire contenu dans la loi de finances initiale et par des progrès réalisés dans la gestion de la régulation et la réduction des reports de crédits. Cette dernière constitue un progrès particulièrement apprécié par la commission des finances, comme l'a dit Roger Karoutchi.

Par ailleurs, vous nous avez indiqué que vous aviez lancé une centaine d'audits de modernisation, évoquant les « cent », formule qui reflète d'ailleurs bien votre dialectique et votre communication toujours pointue.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pédagogique !

M. Jean-Jacques Jégou. Nous saluons cette initiative et nous espérons être en mesure d'analyser les conclusions de ces audits avec vous, au cours des prochains mois, afin d'essayer d'améliorer les résultats de nos comptes publics.

Cependant, monsieur le ministre, ne nous réjouissons pas trop vite, hélas ! et ne faisons pas preuve de trop d'optimisme, car, en définitive, les réserves que nous avions émises en loi de finances initiale n'ont pas été totalement démenties et certains points peuvent poser problème.

Ainsi, l'exécution du budget de 2005 me semble marquée par l'absence d'amélioration du déficit budgétaire et par le recours à de nombreux artifices comptables.

Permettez-moi d'examiner, tout d'abord, le solde budgétaire. Il est clair que le Gouvernement n'a pas géré ses dépenses et ses recettes avec suffisamment de rigueur, ce qui a généré le maintien d'un déficit élevé.

Vous conviendrez, monsieur le ministre, que l'on ne peut pas s'enorgueillir d'un déficit de 43,5 milliards d'euros - et la population de notre pays serait peut-être plus émue encore si je parlais en francs. Même s'il a connu une baisse de 0,5 milliard d'euros, il n'en demeure pas moins supérieur, hélas ! à ceux des années 1997 à 2001, et ne voyez dans cette référence aucune intention d'être désagréable.

Par ailleurs, comme l'indique la Cour des comptes, le résultat patrimonial de l'État pour 2005 - M. le rapporteur général l'a évoqué - se dégrade encore et enregistre un déficit de 41 milliards d'euros, contre 34,7 milliards d'euros en 2004.

La première cause de ce déficit est à chercher dans des dépenses qui n'ont pas toujours été contrôlées avec suffisamment de rigueur. L'objectif « zéro volume » des dépenses n'a pas été atteint. Je sais, monsieur le ministre, que vous considérez que le « zéro valeur » aurait plus d'intérêt, mais je sais aussi combien il vous est difficile de l'obtenir de vos collègues.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous y arriverons en 2007, et, je l'espère, avec votre vote !

M. Jean-Jacques Jégou. Je vous souhaite d'y parvenir, et je le souhaite à la France.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'a pas dit non !

M. Jean-Jacques Jégou. Le rapport de la Cour des comptes est parfaitement explicite sur le sujet : en 2005, « la norme zéro volume d'augmentation des dépenses est loin d'avoir été respectée ». La Cour des comptes estime, en effet, que la dépense budgétaire a progressé de 2,3 % en valeur, et non de 2 %, soit 0,5 point de plus que l'objectif « zéro volume ».

Peut-être, monsieur le ministre, me taxerez-vous de partialité, mais reconnaissez que l'on ne peut mettre en cause l'objectivité de la Cour des comptes, même si elle nous déplaît ! En tant que maires, nous sommes heureux quand la chambre régionale des comptes nous accorde un satisfecit ; lorsqu'elle nous dépeint une situation insuffisante, il faut l'accepter.

Cinq catégories de dépenses ne sont pas prises en compte pour la mesure des dépenses de l'État selon les principes retenus dans la charte de budgétisation : les dépenses fiscales ; les fonds de concours ; les remboursements et dégrèvements autres que ceux sur les impôts d'État ; les prélèvements sur recettes fiscales au profit des collectivités locales et de l'Union européenne ; les opérations à caractère définitif effectuées sur les comptes spéciaux du Trésor ou de gestion du patrimoine de l'État.

Or ces cinq catégories de dépenses croissent plus vite que la dépense nette et représentent en 2005 près de 149,4 milliards d'euros non pris en compte, contre 134,5 milliards d'euros en 2004, soit une hausse de 11 %. Si on les additionnait aux dépenses nettes du budget général, on arriverait à un total de 438,2 milliards d'euros en 2005, contre 418,1 milliards d'euros en 2004, soit une hausse de 4,8 %.

Nous ne sommes donc pas vraiment proches de la rigueur que vous nous avez annoncée, monsieur le ministre ! Vous venez de nous assurer que l'objectif du « zéro valeur » serait atteint en 2007. Si cela se confirme, ce sera très bien, et vous nous verrez alors à vos côtés. Cela sera-t-il suffisant ? Je ne le crois pas.

Nous sommes donc confrontés à de mauvais résultats, obtenus qui plus est par le biais d'artifices comptables mis en évidence par la Cour des comptes.

Je ne reviendrai pas sur l'imputation budgétaire d'un remboursement de la CADES, dont vous avez indiqué qu'elle était régulière, mais qu'elle n'était pas insincère, et qui s'élève à 3 milliards d'euros.

Vous n'avez pas évoqué la reprise de la dette de 2,5 milliards d'euros du fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, comptabilisée non en dépenses, mais en trésorerie - excusez-moi du peu ! Vous n'avez fait aucun commentaire sur ce point, monsieur le ministre, et je vous pose la question : est-ce véritablement sérieux, alors qu'il s'agit non pas de trésorerie, mais d'une dette supplémentaire de 2,5 milliards d'euros ?

La Cour a également mentionné des minorations de remboursements aux organismes de sécurité sociale, à hauteur de 1,3 milliard d'euros ; une avance accordée à l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole, l'ACOFA, remboursée et renouvelée le jour même, pour 4,2 milliards d'euros ; ou encore des prélèvements sur la trésorerie d'organismes liés à l'État non prévus dans la loi de finances rectificative pour 2005.

Au total, le solde budgétaire se trouve ainsi amélioré artificiellement de plus de 11 milliards d'euros. Cela nous amène à nous poser, à l'instar de la Cour des comptes, des questions quant à la sincérité et la régularité du budget de l'État !

En ce qui concerne les recettes, elles augmentent plus vite que la richesse nationale, du fait notamment des recettes exceptionnelles, que nombre de mes collègues ont mentionnées, en hausse de 5,5 % pour les recettes brutes, fiscales et non fiscales. Il paraît particulièrement malsain de tabler sur des recettes exceptionnelles, donc conjoncturelles, pour réduire un déficit structurel ! Qui plus est, monsieur le ministre, vous avez jugé bon de consacrer à la réduction du déficit 3 % seulement du surplus de 11,9 milliards d'euros de recettes constaté en 2005, alors que 82 %, je suis obligé de le constater, étaient destinés à des dépenses nouvelles.

Se pose également, en matière de recettes, la question de la créance de 1,2 milliard d'euros de l'État sur l'UNEDIC, due depuis 2002 : que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour que l'UNEDIC, qui a déjà recours aux marchés financiers asiatiques pour payer les indemnités de chômage, parvienne à rembourser cette créance ?

Dans ces conditions, quelle solution pouvons-nous préconiser ? Je suis certain qu'elle passe par la sincérité budgétaire. Nous, parlementaires, ne demandons qu'à connaître la vérité et à prendre la mesure exacte de la situation. Nous saurons alors prendre nos responsabilités et soutenir votre combat contre la persistance et l'aggravation de la dette publique.

Pour y parvenir, il me semble qu'il faut cesser d'intégrer des ressources ponctuelles pour afficher un moins mauvais solde budgétaire ; stabiliser les dépenses en valeur et non plus seulement en volume, mais vous avez répondu sur ce point ; faire prévaloir le consensus des économistes concernant l'ensemble des prévisions qui permettent d'établir la loi de finances ; enfin, modifier le plan comptable en y réintégrant certaines dépenses aujourd'hui non budgétisées. Tels sont les chantiers dans lesquels nous souhaiterions nous engager d'urgence.

Je conclurai mon propos en soulignant que nous sommes un certain nombre sur ces travées à attendre beaucoup de la LOLF, qui doit nous permettre de contrôler l'efficacité de la dépense publique dès le premier euro. Nous en sommes encore loin aujourd'hui, comme nous l'avons constaté avec le projet de loi de finances pour 2006 : lors de son examen, nous avons déploré les économies que nous n'avons pas pu faire puisque nous n'avons pu aller au-delà de 30 millions d'euros.

Vous avez commencé à maîtriser le dérapage, monsieur le ministre. Il faut aller plus loin encore et se plier à la nécessité impérieuse d'analyser et de débusquer les dépenses inefficaces afin de les réduire.

Ce projet de loi de règlement fait état de résultats somme toute décevants et qui soulignent la situation alarmante des finances publiques de la France - M. le rapporteur général l'a d'ailleurs rappelée -, avec une dette publique qui culmine à plus de 60 % du PIB, une dépense publique qui continue de croître pour passer de 53,3 % du PIB en 2004 à 54 % en 2005, et des prélèvements obligatoires qui augmentent de 1 point de PIB pour s'établir à 44,1 % de ce dernier en 2005.

Certes, les déficits publics sont passés en deçà de la barre des 3 %. Mais - et vous le savez, monsieur le ministre - c'est parce que vous avez eu recours à des artifices comptables qui m'amènent, comme la Cour des comptes, à juger que votre projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 n'est pas sincère au regard des principes de la LOLF qui sont mis en oeuvre depuis le 1er janvier 2006.

J'estime de plus que vous avez essayé de dissimuler que les dépenses augmentaient plus vite que la richesse nationale, que vous avez surestimé la croissance et, surtout - c'est là le principal reproche que nous pouvons vous adresser -, que vous ne faites pas du retour à l'équilibre la priorité première de votre gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le ministre, je ne peux commencer mon intervention sans déplorer la dégradation extrême des relations et du dialogue entre l'État et les collectivités locales en 2005.

Cette dégradation, si elle trouve son origine première dans le bricolage constitutionnel qui a présidé à l'« acte II de la décentralisation », s'est vue confortée par la mise en oeuvre de la réforme globale de l'architecture des dotations.

À la politique de délestage systématique de compétences non financées s'est ajouté un discours intolérable de culpabilisation et de transfert délibéré de la responsabilité sur les collectivités, qui n'en peuvent mais et font les frais de certains choix mûrement réfléchis, pour ne pas dire idéologiques, de réduction des recettes fiscales. Car à la volonté de réduire les dépenses de l'État s'est ajoutée celle de brider les recettes : les citoyens, les administrations, les collectivités, sont donc priés de se serrer doublement la ceinture !

Or, à l'instar de notre collègue Nicole Bricq, je voudrais appeler l'attention sur les enseignements qu'il appartient au Gouvernement de tirer du dernier rapport de la Cour des comptes, notamment de ce jugement selon lequel « l'opportunité de baisser les impôts devrait être appréciée à l'aune des niveaux d'endettement ».

Vous persistez pourtant dans cette politique sans vous poser de questions, monsieur le ministre, puisque votre majorité a voté pour 2006 une baisse de l'impôt sur le revenu d'un montant de 3,5 milliards d'euros dont les conséquences sur le budget n'interviendront en fait qu'en 2007.

Mais si vous persistez dans cette voie, c'est que vous avez décidé de faire supporter à d'autres, aux collectivités locales principalement, les efforts nécessaires pour corriger vos erreurs. Il y a en effet beaucoup d'hypocrisie à proposer aux collectivités un pacte pour sceller des engagements réciproques en fin de législature. Je vous ai entendu vous en féliciter, mais une attitude responsable aurait été de le proposer en début de législature, avant la décentralisation Raffarin, avant le plafonnement des impôts et le bouclier fiscal !

À nos yeux, ce pacte n'est en réalité qu'un prétexte ; les engagements n'ont rien de réciproque, puisque vous ne les tenez pas, et son seul objet est de mettre les collectivités locales à contribution alors qu'elles ont déjà subi des réductions de crédits au titre de I'ADEME, du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, sans parler des transferts de compétences non compensés ou du plafonnement de leurs recettes.

Et voilà que le Gouvernement voudrait, sous prétexte de ce pacte, encadrer leurs dépenses et réduire les dotations de l'État, alors que celles-ci ne sont que la compensation promise de prélèvements opérés dans le passé sur leurs recettes !

Rappelons encore, monsieur le ministre, que les collectivités ne sont responsables que de 0,1 % du déficit public, comme vous l'avez vous-même reconnu, et que leur endettement est maîtrisé et réservé à l'investissement ainsi qu'à l'équipement de notre territoire.

Cependant, le poids des transferts non compensés plombe les comptes des collectivités, particulièrement ceux des régions et des départements. Le mythe de la « compensation à l'euro près » a vécu,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Non !

M. François Marc. ... il est mort et enterré !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pas du tout !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il se porte bien !

M. François Marc. Selon les estimations de l'Assemblée des départements de France, l'ADF, les impayés de l'État envers les départements s'élèvent à 850 millions d'euros pour le seul financement du RMI.

À la lecture du projet de loi de règlement et de l'analyse critique qu'en a faite la Cour des comptes, on ne peut qu'être consterné par la mauvaise foi dont vous faites preuve.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est agréable !

M. François Marc. La situation économique, la perte de marges de manoeuvre en matière de finances publiques et l'endettement croissant appellent des solutions vigoureuses que vous ne semblez pas prêt à envisager.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La renationalisation d'EDF, par exemple !

M. François Marc. Au contraire, votre souci principal semble être de vous défausser sur les collectivités locales et de les mettre à contribution.

Ne nous y trompons pas : le but visé consiste à instruire à charge contre des collectivités locales prétendument responsables de la dérive des comptes publics. En vérité, vous le savez bien, la situation financière des collectivités s'est améliorée en 2005,...

M. Roger Karoutchi. Mais pas la nôtre !

M. François Marc. ... et ce alors que les prestations sociales en espèces ont progressé de 9,6 % en 2005 et compte tenu des charges transférées dans les conditions que l'on sait par l'acte II de la décentralisation !

Si jamais un doute subsistait sur ces travées ou sur les bancs du Gouvernement sur cet aspect, l'étude réalisée par le cabinet Philippe Laurent Consultants, parue ce matin dans Les Échos, est édifiante. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Alors là !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un cabinet indépendant !

M. François Marc. Elle conclut en effet que la hausse des dépenses de fonctionnement des conseils généraux en 2005 est due pour plus de 90 % à des facteurs exogènes ! L'allocation personnalisée d'autonomie, le RMI, l'aide sociale à l'enfance... autant de dispositifs dont le nombre de bénéficiaires évolue en fonction de facteurs par nature exogènes !

Je voudrais à présent évoquer brièvement la réforme de l'architecture des dotations de l'État et les critères de la DGF.

Alors que l'attribution de la dotation de péréquation urbaine reposait sur des critères de charges précis, la dotation de fonctionnement minimale ne repose toujours que sur le potentiel financier des départements. Cette restriction est très regrettable, car le critère retenu ne permet pas d'appréhender les différentiels de charges entre départements.

M. Michel Moreigne. Très bien !

M. François Marc. Monsieur le ministre, dans cette réforme d'envergure, nous identifions très clairement une grande perdante : la péréquation.

La péréquation étant devenue un principe constitutionnel depuis la révision de 2003, la loi de finances initiale pour 2005 donnait la possibilité de consacrer cette ascension dans la hiérarchie des normes en investissant enfin ce concept de monnaie sonnante et trébuchante. Hélas, il n'en a rien été !

On nous a expliqué à l'époque que la grande réforme des critères de la DGF correspondait aussi à la grande loi sur la péréquation annoncée depuis 2003 et sans cesse repoussée... Or, ce projet de loi de règlement, monsieur le ministre, confirme la volonté affichée en 2005 de réduire la mesure statistique des inégalités territoriales !

En effet, le passage au potentiel financier était critiquable car le potentiel fiscal demeure la meilleure mesure, même imparfaite, des écarts de richesses entre collectivités.

Or on se rend compte, en définitive, que votre réforme n'a abouti qu'à diminuer le besoin de péréquation.

Je citerai quelques exemples des résultats de 2005.

Pour la Creuse, monsieur Moreigne, la dotation de péréquation a diminué de 10 %.

Pour la Lozère, elle a baissé de 12,6 %, pour le Cantal de 7 %.

A l'inverse, la dotation de péréquation a augmenté de 52 % pour les Hauts-de-Seine ...

M. Michel Moreigne. C'est curieux !

M. François Marc. ...et de 95 % pour Paris.

M. Roger Karoutchi. Vous voyez !

M. François Marc. Je pourrais citer d'autres exemples de ce type.

Je pense qu'il faut fonder un projet alternatif de démocratie territoriale sur une véritable autonomie financière et fiscale des collectivités, qui passe notamment par une vraie péréquation. Celle-ci permettrait de corriger les inégalités entre les territoires riches et les territoires pauvres, dans la mesure où les sommes actuellement consacrées à la péréquation ne représentent - j'y insiste - que 6 % du montant des dotations.

Sans cette mesure importante et ambitieuse, il n'existe ni cohésion sociale ni aménagement du territoire ni égalité de nos territoires.

Un parfait exemple de ce que j'avance est donné par la politique de financement de l'eau.

Aussi permettez-moi, pour terminer, de m'arrêter un instant sur le budget de l'écologie, emblématique s'il en est de la stratégie de désengagement délibéré de l'État par rapport aux collectivités territoriales.

Rappelons en effet que ce budget a été victime de la rigueur, puisqu'il a baissé de 3,6 % en loi de finances initiale pour 2005, les crédits de paiement passant de 856 millions d'euros en 2004 à 825 millions d'euros.

L'un des grands axes du ministère était constitué par la rénovation de la politique de l'eau. Or, outre le fait que le levier principal de mise en oeuvre de cette rénovation passait par le projet de loi sur l'eau, toujours en navette et qui n'est toujours pas adopté un an et demi plus tard, on peut noter que cette baisse affichée de 3,6 % renvoie en fait à une réalité autrement plus complexe.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de ce budget, déclare ainsi que si l'on compare les moyens inscrits pour 2005 aux moyens de 2004, c'est en réalité une baisse de 22,6 % qu'il faut noter pour les fonds de concours et les crédits inscrits en loi de finances. Nous voyons bien que c'est toute la question du financement de la politique de l'eau qui est inscrite en filigrane de cette déclaration.

Nous avons déjà eu l'occasion de démontrer ici en quoi le FNDAE, destiné à financer les travaux des communes rurales, avait été « saccagé » en 2005 et l'on sait aujourd'hui que les interventions financières des agences de l'eau ont, alors, été très loin de compenser les interventions antérieures de l'État.

Monsieur le ministre, je dirai en conclusion que, avec ce projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005, vous avez surtout semé l'inquiétude chez les élus locaux, et votre souhait exprimé récemment de remettre en cause le contrat de solidarité et de croissance ne fait que renforcer cette inquiétude de l'avenir.

Pour l'opposition, le challenge est donc clair : il faut semer la confiance chez les élus locaux de notre pays. Nous devons avoir l'ambition de relever ce défi.

Pour l'heure, notre jugement sur le projet de loi qui nous est soumis ne peut être que négatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis à mon tour du temps que nous consacrons à l'examen du projet de loi de règlement.

Nous sommes en période de transition. La loi organique relative aux lois de finances est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2006 et nous examinons la gestion de 2005. C'est si vrai que nous avons pu avoir un débat sémantique.

Les dépenses peuvent être régulières, elles ne sont pas forcément sincères, et c'est la portée révolutionnaire de la loi organique relative aux lois de finances que de poser l'exigence de la sincérité des comptes publics et de demander à la Cour des comptes d'exprimer une opinion à cet égard.

C'est quasi révolutionnaire. Nous savions bien les uns et les autres que, dans la sphère publique, toutes les dépenses étaient régulières, et nous élaborions des lois pour leur conférer ce caractère de régularité. Désormais - c'est là que réside le changement - les comptes publics devront être sincères.

Les appréciations sur la gestion 2005 peuvent diverger, mais nous sommes dans l'épaisseur du trait et, comme l'a rappelé M. le rapporteur général, ce n'est pas de nature à modifier le déficit public, puisqu'il s'agit d'une consolidation. Et s'il est vrai, monsieur le ministre, que nous avons eu un débat lors de l'examen de la loi de finances rectificative, notamment sur le versement des 2,5 milliards d'euros au fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, la discussion a été suffisamment claire...

M. Michel Moreigne. Acrobatique !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...pour que tous les lecteurs du Journal officiel puissent considérer qu'il y a, en effet, sincérité.

Je me réjouis que nous ayons pu, dès cette année, donner de la consistance à la discussion de la loi de règlement, alors que nous aurions pu attendre logiquement le printemps 2007 pour accomplir ce geste novateur. Je ne suis pas sûr que les meilleures conditions auraient alors été réunies pour qu'il en soit ainsi ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Si ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il était donc vital que nous puissions, dès cette année, préfigurer ce que doit être une saine et bonne discussion de la loi de règlement, une loi de règlement qui pourrait s'intituler autrement ; c'est le sens de l'amendement que M. Philippe Marini défendra, au nom de la commission des finances.

Je pense que l'on aurait pu l'appeler : « Projet de loi d'approbation des comptes et rapport de gestion », mais la Constitution vise expressément le règlement, comme au début du XIXe siècle...

Cependant, nous avons innové par le temps que nous consacrons à cette discussion. Il y a une semaine, nous avons procédé, dans un hémicycle bis, à l'audition de dix ministres, dont vous-même, monsieur le ministre ; soyez-en remercié.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'en garde un excellent souvenir !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Chacune de ces auditions a été intéressante, interactive, vivifiante, stimulante, enrichissante. Dans quelques heures, nous allons ouvrir la discussion avec quatre de vos collègues : Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable ; enfin, M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Puis nous conclurons sur la loi de règlement pour 2005.

Je précise que, durant ces auditions qui se sont étalées sur trois jours, nous avons accueilli soixante sénateurs, quatre présidents de commission, onze rapporteurs spéciaux, quatorze rapporteurs pour avis ; tous ont pu participer aux échanges avec les ministres.

Par ailleurs, la commission des finances, à travers son rapporteur général, a publié cette année un tome II de son rapport sur le projet de loi portant règlement définitif du budget, ce qui est sans précédent. Ce tome II regroupe les contributions de dix-huit de nos collègues rapporteurs spéciaux.

L'objectif de la commission des finances est de publier désormais autant de contributions qu'il y a de missions. C'est dire que les rapports présentés lors de la loi de règlement seront au moins aussi importants que les rapports soumis au Sénat lors de la discussion du projet de loi de finances. C'est une novation et je me réjouis que nous ayons pu l'engager dans d'aussi bonnes conditions.

À cet égard, je remercie l'ensemble de nos collègues et les services du Sénat qui ont mis à notre disposition la salle Médicis et la salle Clemenceau. Nous avons pu enregistrer chacune des séances et nous les avons ouvertes au public.

Il ne faut pas hésiter, en effet, à faire venir vers nous tous ceux qui s'intéressent à la vie parlementaire : je pense aux spécialistes du droit parlementaire, aux étudiants. Ce sont des moments importants, puisqu'il s'agit de la reddition des comptes et de l'application de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par ailleurs, le bilan que nous dressons est positif. C'est ainsi que, au fil des discussions portant sur des données aussi factuelles que possible, les représentants des différentes composantes qui siégeaient autour de nos tables sont parvenus à un consensus sur la nécessité de tendre vers l'équilibre des finances publiques, ce consensus allant au-delà des clivages partisans traditionnels Il n'y a pas si longtemps, on pouvait entendre encore telle ou telle personnalité proclamer qu'accroître le déficit public relevait du volontarisme politique.

De même, et toujours au-delà des clivages politiques, se manifeste aujourd'hui une très large volonté de réduire la dette publique.

En outre, le niveau des effectifs n'est plus un sujet tabou...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...et l'on peut commencer à en discuter, à condition de prendre appui sur des audits, sur des données factuelles, sur des documents qui nous mettent à l'abri d'une coupe claire ou d'une décision arbitraire.

Ce tabou est donc en passe d'être levé et nous devons nous en réjouir, mes chers collègues.

Nous sommes dans une période de transition, puisque ce projet de loi de règlement est le dernier à être présenté dans les formes prévues par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

Nos discussions ont été tout à fait intéressantes, les auditions ont été riches et nous ont apporté de nombreux enseignements, mais le contenu est resté encore un peu formel. Et, à l'heure du bilan, s'il fallait énoncer les dix mesures susceptibles de générer immédiatement des économies au niveau des dépenses publiques, nous ne serions pas très à l'aise pour les formuler précisément !

Mes chers collègues, notre approche reste encore un peu littéraire, la rhétorique l'emportant sur le factuel. Par conséquent, si le Gouvernement doit s'engager résolument dans la voie des audits, comme le prescrit M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, le Parlement va devoir s'astreindre à des méthodes plus rigoureuses pour que ses dossiers aient un contenu réel qui permette des prescriptions, des prises de décisions et des actions concrètes, faute de quoi nous pourrons poursuivre nos brillantes discussions au sein de l'hémicycle, mais nous ne changerons rien à la situation des finances publiques !

Il convient que nous prenions appui sur des regards extérieurs pour réaliser ces audits - pas d'autoévaluation ! - que nous attendions les vérifications de la Cour des comptes et que nous tirions profit des enquêtes qui sont menées au nom de la commission des finances.

Mais encore faut-il - je le répète - que les rapports de la Cour des comptes perdent un peu de leur dimension littéraire pour privilégier l'aspect factuel et pour préconiser des lignes d'action permettant au Parlement comme au Gouvernement de prendre des décisions concrètes.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a prévu de supprimer 15 000 postes de fonctionnaires en 2007. Il s'agit là d'une décision courageuse. Permettez-moi néanmoins d'émettre l'hypothèse que, lorsqu'on y regardera de plus près, on constatera qu'une partie de ces emplois n'étaient pas pourvus et que, en définitive, cette décision ne changera pas grand-chose ; elle permettra simplement de diminuer l'enveloppe des crédits mis à la disposition du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce n'est déjà pas rien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous devrons, à l'avenir, avoir une vision beaucoup plus fine et précise de l'état réel des effectifs, afin d'être en mesure de préconiser des suppressions de postes opportunes. Alors, la réforme pourra devenir réalité.

Le contrôle parlementaire devra, lui aussi, gagner en rigueur méthodologique. Nous devons nous engager sur cette voie.

Mais la réforme de l'État, ce n'est pas simplement la LOLF : la LOLF c'est une loupe, à défaut d'être une longue vue, ce n'est qu'un instrument. Sans volonté politique ferme, il ne se passera rien. Pendant un certain temps, nous pourrons toujours évoquer cette réforme, parce que nous appliquerons la LOLF, mais les résultats seront insignifiants.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, il ne saurait être question d'accréditer l'idée que le Parlement peut être le complice du dysfonctionnement de l'État. Nous disposons d'un instrument pour effacer cette présomption de complicité : c'est la LOLF. À nous d'en faire bon usage et de manifester toute la volonté requise. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Madame la présidente, permettez-moi, à l'issue de cette passionnante discussion générale, de répondre aux différents intervenants en commençant par le premier d'entre eux, M. Philippe Marini.

Monsieur le rapporteur général, je tiens tout d'abord à vous remercier de l'appréciation que vous avez portée sur les résultats que nous avons atteints en 2005, dans un contexte économique moins favorable que celui qui avait été initialement prévu.

Vous avez parfaitement résumé la vocation de la loi de règlement sous le régime de la LOLF, en soulignant qu'il s'agit de permettre à l'exécutif de rendre compte de sa gestion de manière mécanique, structurée et organisée.

M. Arthuis vient de rappeler l'esprit qui a présidé à l'organisation de nos travaux et j'en garde, pour ma part, un excellent souvenir. L'initiative de la commission des finances est très intéressante. Certes, on peut toujours améliorer le contenu des documents, mais j'avais le sentiment d'avoir fourni un effort dans ce domaine. Peut-être faudra-t-il faire encore plus ? On peut toujours faire plus !

Mme Nicole Bricq. Et surtout faire mieux !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'avais pourtant eu le sentiment que, même à gauche, on avait trouvé que les documents que je vous avais fournis avaient du contenu. Mais, peu importe ! En tout état de cause, je suis à votre disposition pour continuer de travailler sur ce sujet.

Monsieur le rapporteur général, vous avez également évoqué la comptabilité patrimoniale de l'État, qui nous tient tous deux à coeur.

C'est un sujet majeur sur lequel, je le reconnais, il reste beaucoup à faire. Une première étape a été franchie, et vous l'avez saluée, concernant la politique immobilière de l'État qui a pris un tour nouveau depuis les années 2002 et 2003 grâce, d'une part, à l'initiative de M. Alain Lambert, que je salue, et, d'autre part, au rapport de M. Georges Tronc. Nous sommes passés à la vitesse supérieure dans ce domaine.

Toutefois, certaines questions subsistent dont une, la valorisation du patrimoine monumental, mérite d'être évoquée. Combien valent une grande cathédrale ou le musée du Louvre ? Il est bien difficile de répondre à cette question. L'État a décidé de céder certains de ses biens, mais il est évident que personne n'imagine un instant qu'il pourrait procéder à la vente de cette partie du patrimoine. Néanmoins, pourquoi ne pas le comptabiliser ? C'est un des sujets intéressants sur lesquels je serais heureux de pouvoir poursuivre avec vous le travail qui a été engagé.

Vous avez prévu de déposer un amendement sur la dénomination de ce projet de loi. Il s'agit, là encore, d'une question importante sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir au moment de la discussion du texte. Nous devons affiner notre conception de la loi de règlement qui est, pour l'heure, en pleine mutation, ce dont nous ne pouvons, les uns et les autres, que nous réjouir.

Cette année, la discussion de ce projet de loi a lieu avant l'examen des orientations budgétaires, ce qui est de bonne gouvernance, comme on dit aujourd'hui.

Madame Bricq, fidèle à mon habitude, je vous ai écoutée avec une attention soutenue. Je mesure combien votre vie est parfois difficile, car il m'arrive de me retrouver dans les idées que vous défendez !

Vous affirmez, à juste titre, que « la dette ne doit pas être l'ennemi de la gauche ».

Mme Nicole Bricq. Non ! J'ai dit que la dette était l'ennemi de la gauche !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Excusez-moi, je me suis laissé emporter par mon élan en cette fin d'après-midi. (Rires.)

Vous avez tout à fait raison, madame, mais cela m'amène à me poser une question. Votre parti a présenté un programme dont le coût est terrifiant et qui ne pourra être financé que par un nouveau recours à la dette ou par un prélèvement d'impôt supplémentaire. Dans la mesure où je sais qu'il vous arrive parfois de vous demander si vous ne devriez pas voter les baisses d'impôts avec la droite, je me dis que votre programme ne pourra donc qu'être financé par l'accroissement de la dette. Et je vous vois souffrir.

Par ailleurs, lorsque vous appelez de vos voeux l'adoption de règles de bonne gestion, je ne peux que saluer cet appel. J'espère qu'il sera entendu par vos amis politiques.

Mme Nicole Bricq. Mais c'est vous qui êtes aux responsabilités !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Entre 1997 et 2001, les plus-values fiscales ont représenté des sommes considérables, mais vous n'en avez consacré que 10 % au désendettement.

Mme Nicole Bricq. La cagnotte !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Oui, la fameuse cagnotte ; je constate que vous avez bonne mémoire !

Mme Nicole Bricq. Vous aviez dit qu'il fallait la rendre aux Français !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Oui, et j'avais même trouvé que la ristourne de M. Fabius sur le trop-perçu était bien « radine ». Quand je disais qu'il fallait la rendre aux Français, je visais bien entendu le désendettement ou la baisse des impôts, ce qui est très bien aussi.

Bref, lorsque j'écoute vos propos s'agissant de la dette ou des règles de bonne gestion, je pense que vous pourriez nous rejoindre. Si vous cherchez des relations pour opérer un transfert vers l'UMP, sachez que je vous pistonnerai ! (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Bricq. Il n'y a aucun risque !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Karoutchi, pour ce qui vous concerne, il n'y a aucun doute, vous êtes bien à l'UMP ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) Vous n'avez pas envisagé de passer dans les rangs du parti socialiste et vous avez bien fait, car nous avons besoin de vous et de votre soutien !

M. Roger Karoutchi. Je ne demande pas de piston pour aller chez les socialistes ! (Rires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez ouvert une voie. Les encouragements que vous avez adressés au Gouvernement constituent un très heureux présage de votre engagement sans faille à nos côtés lorsqu'il s'agira de passer aux choses encore plus sérieuses, c'est-à-dire à la discussion du projet de budget pour 2007 qui, si j'ai bien compris vos propos, rencontrera votre adhésion totale.

J'ai en effet le sentiment que, avec le projet de budget que nous préparons, nous serons en phase avec ce que vous attendez pour la France de demain, pour la fameuse « France d'après » ! Autant dire que j'ai bu vos paroles avec beaucoup de plaisir. (Sourires.)

En revanche, monsieur Foucaud, nous ne sommes d'accord sur rien du tout ! Vous avez évoqué notre action dans des termes très durs, à la limite de la caricature. Certaines des formules que vous avez employées m'ont paru en décalage avec la réalité.

Je pense, comme vous, qu'il faut répartir la richesse, mais je considère que, pour ce faire, il faut au préalable l'avoir créée. C'est une grande divergence entre nous et c'est bien pourquoi, en vous écoutant, je me félicitais de ne pas être communiste. (Sourires.)

M. Thierry Foucaud. Et l'égalité sociale ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'idée qui consiste à vouloir sans cesse répartir une manne que vous n'avez pas vous conduit forcément, à terme, à dire qu'il faut faire payer les riches. Le problème est que, à force d'augmenter les impôts, les riches ne sont plus assez nombreux pour financer vos projets, car ils sont tous partis !

Mme Nicole Bricq. Il en reste !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En conséquence, vous êtes obligés de « taper » sur les classes moyennes, c'est-à-dire sur ceux qui travaillent.

On ne peut pas continuer ainsi ! Il faut sortir de cette logique ! C'est possible. Nous en avons fait la démonstration depuis 2002 et j'espère pouvoir vous prouver que c'est la seule manière de répartir équitablement les fruits de la croissance, sans oublier qu'une partie de ces fruits doit contribuer au désendettement. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet à l'automne.

M. Thierry Foucaud. Vous n'êtes pas objectif !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Parce que vous étiez objectif, vous ?

M. Thierry Foucaud. Je le crois !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous n'étiez pas objectif. Vous étiez d'une sévérité invraisemblable, voire un peu injuste. En effet, bien que vous n'ayez pas voté le projet de budget pour 2007, vous auriez au moins pu saluer le fait que nous avons respecté à l'euro près l'engagement que nous avions pris devant le Parlement de ne pas dépasser le plafond de 21 millions d'euros de dépenses publiques. Mais ce n'est pas grave et je respecte vos idées comme, je l'espère, vous respectez les miennes.

Monsieur Jégou, j'ai cru percevoir dans vos propos quelques encouragements à continuer à avancer dans le sens d'une meilleure gestion des finances publiques. J'ai cru également déceler que vous aviez l'impression que je progressais dans ce domaine.

J'ai pris cela comme un encouragement à poursuivre dans la voie que je me suis fixée. Je nourris l'espoir secret que, si le projet de loi de finances pour 2007 montre que l'on peut dépenser moins et dépenser mieux, s'il démontre, non avec des arguments idéologiques, mais documents à l'appui, grâce à des audits, que les fonctionnaires qui partent à la retraite peuvent ne pas être remplacés, que l'on peut offrir un meilleur service public sans forcément embaucher sans cesse, peut-être pourrons-nous alors nous retrouver. Et peut-être votre groupe votera-t-il ce projet de budget. Ce serait pour moi une très grande satisfaction, car cela signifierait que nous sommes capables de nous retrouver dans les moments essentiels.

Certes, nous ne sommes pas en phase sur tout. Nous apprécions avec des nuances le respect de la stabilité des dépenses en volume. J'ai déjà eu ce débat avec M. de Courson à l'Assemblée nationale. Je ne peux pas vous rejoindre sur tout, notamment s'agissant des dépenses fiscales. Il faut en effet distinguer les dépenses fiscales et les dépenses budgétaires ; il ne s'agit pas du même périmètre.

Je n'entrerai pas dans le détail aujourd'hui, mais sachez que nous aurons sans doute un débat approfondi sur ce point, lors de la discussion du prochain projet de loi de finances. Je serai alors très heureux de pouvoir en discuter avec vous.

En ce qui concerne le FFIPSA, le Gouvernement a, je le rappelle, consenti un effet très important afin d'absorber une part importante du stock de la dette - pratiquement 2,5 milliards d'euros. J'espère vous présenter à l'automne de nouvelles pistes pour essayer d'en résorber le flux progressivement. En tout état de cause, il s'agit là d'un vrai boulet.

Monsieur Marc, vous avez été dur ! (M. François Marc sourit.).

M. Michel Moreigne. Qui aime bien, châtie bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Moins que vous, monsieur Foucaud, mais quand même ! En tout cas, beaucoup plus que Mme Bricq !

En effet, je ne peux pas me retrouver dans vos propos, en particulier sur la question des collectivités locales. Nous avons beaucoup avancé sur ce sujet. Or, en vous écoutant, on avait l'impression d'entendre un discours datant de deux ans. Mais nous avons vieilli de deux ans et, pendant ce temps, il s'est passé beaucoup de choses ! À l'occasion de la première conférence nationale des finances publiques, nous avons notamment mis sur la table un certain nombre de sujets qui fâchent. Mais il n'y a rien de tel pour crever les abcès !

Cela m'a permis de dire, par exemple, que je suis de ceux qui militent pour un nouveau contrat avec les collectivités locales. Mais je n'ai jamais parlé de remettre en cause le contrat de croissance et de solidarité concernant les dotations pour l'année à venir !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai même dit exactement l'inverse, et cela pour deux raisons : d'abord, parce que l'on ne casse pas un contrat de manière unilatérale. Les temps ont changé ! Je considère que les choses doivent être faites de manière transparente et dans un cadre bien compris. Ensuite, parce que l'on est en année préélectorale.

M. François Marc. On peut le dire plus simplement comme cela ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Reconnaissez avec moi que ce serait grotesque,...

M. Michel Moreigne. On peut le dire comme cela !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Oui ! J'ai dit que je n'utilisais plus la langue de bois, alors parlons-nous et, sur ce sujet, disons les choses jusqu'au bout : ce serait grotesque de remettre en cause un contrat de croissance et de solidarité, et donc les dotations, alors que, sur un certain nombre de sujets, j'entends que l'État fasse tout son devoir, notamment qu'il associe pleinement les collectivités locales à des changements de normes, que l'on gèle les transferts de compétences, que, sur un certain nombre de sujets, on puisse parler librement, par exemple de l'évolution du statut de la fonction publique territoriale.

On a beaucoup de sujets à mettre sur la table et j'aimerais qu'on les y mette tous en même temps !

Pour être tout à fait complet, monsieur Marc, j'ajoute qu'il y a lieu de faire une vraie distinction entre les catégories de collectivités.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je pense, par exemple, que les agglomérations et les communes se heurtent moins à des problèmes liés à la décentralisation, ou encore à des problèmes financiers, dans leurs relations avec l'État, qu'à des problèmes d'articulation commune ; personne n'en disconvient. Il s'agit en réalité davantage d'un problème de rapports de force, de transfert de compétences interne.

Je pense également que les régions n'ont pas du tout de problèmes d'argent. En tout cas, si elles en ont, ce n'est sûrement pas à cause de la décentralisation et encore moins à cause de l'État ! Étant donné les augmentations absolument hallucinantes de la fiscalité régionale depuis 2004, je crois franchement qu'elles ont plutôt de quoi se constituer des cagnottes colossales. Il faudra d'ailleurs qu'elles en rendent compte aux électeurs des régions respectives.

En tant que conseiller régional, je suis, comme tous les élus de la région d'Île-de-France, absolument effaré par les augmentations d'impôts. Que vont-ils faire de tous ces impôts, si ce n'est de la dépense publique locale peut-être encore immaîtrisée ? Cela nous permet d'imaginer ce que seront les augmentations d'impôts s'il y avait un jour, par malheur, un gouvernement de gauche ! Nous essayons par conséquent, du mieux que nous le pouvons, de baisser les prélèvements obligatoires. Je vois bien où sera le clivage l'année prochaine ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste. - Rires sur les travées de l'UMP.)

Je pense aussi aux problèmes des départements, dont nous avons souvent parlé. Je souhaite qu'ils soient au coeur de nos débats. Je vous signale que la conférence nationale des finances publiques a confié à M. Pierre Richard, président du directoire de Dexia banque, une mission sur la maîtrise et le pilotage de la dépense publique locale. Dans quel cadre ? Dans quelles conditions ? Voilà un sujet très intéressant qu'il convient d'aborder sans aucun tabou.

Enfin, monsieur Arthuis, je tiens à vous remercier pour la qualité de vos propos et la manière dont vous avez organisé ces minidébats au sein de la commission. Personnellement - je l'ai dit tout à l'heure -, j'ai trouvé que c'était très intéressant et j'en garde un très bon souvenir. Naturellement, il faut continuer d'améliorer les choses, mais je pense que c'est une grande première. Cela doit permettre de donner à la loi de règlement un nouveau contenu.

C'est très intéressant également en termes de préfiguration pour l'avenir, car, en clair, cela veut dire que la notion de contrôle de gestion - contrôle dans lequel le Parlement doit pouvoir jouer toute sa part - est évidemment en première ligne.

A ce propos, monsieur le président de la commission des finances, je vous signale que les rapports d'audit sont à votre disposition - comme à celle de tous les Français d'ailleurs -, puisqu'ils sont en ligne. C'est une nouveauté majeure, car ces rapports étaient généralement « planqués » au fond des tiroirs. Nous, nous les mettons à la disposition de tout le monde et c'est aussi une manière de contribuer à l'information des Français sur la gestion des finances publiques.

Je suis, vous le savez, un grand militant de la pédagogie en matière économique, car je pense que notre pays a besoin de s'investir davantage dans la connaissance des finances publiques. Cela permet de remettre chacun à sa juste place par rapport à ces questions.

C'est ainsi que nous avons lancé le jeu « cyber-budget ». L'idée est d'inviter l'internaute à devenir ministre du budget le temps du jeu seulement, car je veux bien prêter le poste, mais je le reprends après ! (Sourires.) La millième gagnante m'a accompagné toute la journée - elle était tout à l'heure dans les tribunes pour assister à nos débats -, et elle a eu la chance formidable de passer une journée avec le ministre du budget !

Mme Nicole Bricq. On le sait, c'est dans les journaux !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ça, c'est vraiment de la jalousie ! (Nouveaux sourires.)

C'est un peu « Vis ma vie de ministre du budget », à l'image de l'émission de télévision « Vis ma vie » !

En un mot, tout ce qui permet de contribuer à l'information des Français sur les questions de finances publiques est évidemment bienvenu et ces rapports d'audit y contribuent largement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce que je souhaitais dire en réponse à vos très intéressantes interventions. Nous aurons, bien sûr, l'occasion d'évoquer plus en détail ces sujets lors de la discussion des articles, mais je tenais d'ores et déjà à vous remercier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2005
Article 2 et tableau A annexé

Article 1er

Les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2005 sont arrêtés aux sommes mentionnées ci-après :

(En euros)

 

Charges

Ressources

Solde

A. - Opérations à caractère définitif

 

 

 

Budget général

 

 

 

Recettes brutes

 

385 334 520 182,28

 

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales et des Communautés européennes

 

64 400 392 740,05

 

Recettes nettes des prélèvements

 

320 934 127 442,23

 

À déduire :

 

 

 

- Dégrèvements et remboursements d'impôts

 

 69 423 516 106,61

 

- Recettes en atténuation des charges de la dette

 

 2 396 932 676,21

 

Dépenses ordinaires civiles brutes

311 347 713 902,59

 

 

À déduire :

 

 

 

- Dégrèvements et remboursements d'impôts

69 423 516 106,61

 

 

- Recettes en atténuation des charges de la dette

2 396 932 676,21

 

 

Dépenses ordinaires civiles nettes

239 527 265 119,77

 

 

Dépenses civiles en capital

21 580 481 076,98

 

 

Dépenses militaires

33 157 968 159,74

 

 

Total pour le budget général

294 265 714 356,49

 249 113 678 659,41

-45 152 035 697,08

Comptes d'affectation spéciale à caractère définitif

 

 

 

Recettes

 

11 447 858 849,45

 

Dépenses ordinaires civiles

1 069 098 976,70

 

 

Dépenses civiles en capital

10 009 542 532,33

 

 

Total pour les comptes d'affectation spéciale

11 078 641 509,03

 11 447 858 849,45

369 217 340,42

Totaux (budget général et comptes d'affectation spéciale)

305 344 355 865,52

260 561 537 508,86

- 44 782 818 356,66

Budgets annexes

 

 

 

Aviation civile

1 573 223 828,23

1 573 223 828,23

 

Journaux officiels

196 706 817,21

196 706 817,21

 

Légion d'honneur

22 472 883,25

22 472 883,25

 

Monnaies et médailles

79 234 547,67

79 234 547,67

 

Ordre de la Libération

826 523,00

826 523,00

 

Totaux pour les budgets annexes

1 872 464 599,36

 1 872 464 599,36

»

Totaux des opérations à caractère définitif (A)

307 216 820 464,88

262 434 002 108,22

- 44 782 818 356,66

B. - Opérations à caractère temporaire

 

 

 

Comptes spéciaux du Trésor

 

 

 

Comptes d'affectation spéciale à caractère temporaire

5 022 972,46

1 543 691,97

- 3 479 280,49

Comptes de prêts

1 680 792 316,08

1 623 696 142,80

- 57 096 173,28

Comptes d'avances

74 134 862 269,36

74 980 717 808,70

845 855 539,34

Comptes de commerce (solde)

- 494 740 500,27

 

494 740 500,27

Comptes d'opérations monétaires (hors FMI) (solde)

- 30 187 056,65

 

30 187 056,65

Totaux des opérations à caractère temporaire hors FMI (B)

75 295 750 000,98

76 605 957 643,47

1 310 207 642,49

Solde d'exécution des lois de finances hors FMI (A+B)

 

 

- 43 472 610 714,17

Solde d'exécution des lois de finances hors FMI, hors FSC

 

 

- 43 472 826 771,79

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2005
Article 5 et tableau D annexé

Article 2 et tableau A annexé

Le montant définitif des recettes du budget général de l'année 2005 est arrêté à 320 934 127 442,23 €. La répartition de cette somme fait l'objet du tableau A annexé à la présente loi. (1)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2 et du tableau A annexé.

(L'article 2 et le tableau A annexé sont adoptés.)

(1) Se reporter aux documents annexés au projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 (n° 3109), sans modification.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux.

Conformément aux décisions de la conférence des présidents, nous les reprendrons à vingt-deux heures trente, avec l'examen des articles 5 et 6, relatifs aux dépenses militaires, ordinaires et en capital. Dans le cadre de ces articles se tiendra le débat sur l'exécution des crédits de la défense.

Les articles 3 et 4, relatifs aux dépenses civiles, ordinaires et en capital, du budget général, sont réservés jusqu'après l'article 6. A l'occasion de leur examen, auront lieu, demain, trois débats de contrôle de l'exécution des crédits : « Administration générale et territoriale de l'État », « Écologie et développement durable », « Sport, jeunesse et vie associative ».

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2005.

Nous allons aborder l'examen des articles 5 et 6, relatifs aux dépenses militaires, ordinaires et en capital.

Article 2 et tableau A annexé
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2005
Article 6 et tableau E annexé

Article 5 et tableau D annexé

Le montant définitif des dépenses ordinaires militaires du budget général de 2005 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis conformément au tableau D annexé à la présente loi (1).

(En euros)

Désignation des titres

Dépenses

Ajustements de la loi de règlement

Ouvertures de crédits complémentaires

Annulations de crédits non consommés

III. - Moyens des armes et services

18 871 143 946,41

66 375 750,62

38 529 477,21

Totaux

18 871 143 946,41

66 375 750,62

38 529 477,21

(1) Se reporter aux documents annexés au projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 (n° 3109), sans modification.

Article 5 et tableau D annexé
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2005
Débat de contrôle de l'exécution des crédits de la défense (début)

Article 6 et tableau E annexé

Le montant définitif des dépenses militaires en capital du budget général de 2005 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis conformément au tableau E annexé à la présente loi (1).

(En euros)

Désignation des titres

Dépenses

Ajustements de la loi de règlement

Ouvertures de crédits complémentaires

Annulations de crédits non consommés

V. - Équipement

14 116 152 865,01

1,11

2,10

VI. - Subventions d'investissement accordées par l'État

170 671 348,32

»

0,68

Totaux

14 286 824 213,33

1,11

2,78

(1) Se reporter aux documents annexés au projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 (n° 3109), sans modification.

M. le président. Dans le cadre de ces articles, la conférence des présidents a décidé d'organiser un débat sur l'exécution des crédits de la défense.

Débat de contrôle de l'exécution des crédits de la défense

Article 6 et tableau E annexé
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2005
Débat de contrôle de l'exécution des crédits de la défense (interruption de la discussion)

M. le président. Mes chers collègues, après les interventions des deux rapporteurs spéciaux et du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, les orateurs des groupes pourront poser leurs questions.

Mme la ministre répondra en deux temps, tout d'abord aux rapporteurs, puis aux orateurs des groupes.

La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c'est une première !

Pour la première fois dans l'histoire budgétaire de la France, l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget n'est plus global. Il porte sur un ministère particulier, qui a d'ailleurs été bien choisi puisqu'il s'agit du ministère de la défense.

Les dépenses militaires, à elles seules, ont augmenté de 5 % en 2005, pour atteindre 44 milliards d'euros. Certes, dans la conjoncture actuelle, cette augmentation est peut-être de nature à vous étonner, mes chers collègues, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Eh oui !

M. Yves Fréville, rapporteur spécial. ... mais les seules dépenses en capital du budget de la défense représentent près de 43,6 % des investissements de l'État et progressent de 13,41 %.

Toutefois, cet accroissement doit être relativisé, car, entre 1991 et 2000, le budget d'équipement avait diminué, en euros constants, de près de 40 %.

Mes chers collègues, il s'agit aussi aujourd'hui d'une première dans la continuité de la politique engagée depuis quelques années.

En effet, pour la troisième année consécutive, non seulement les prévisions budgétaires sont conformes à la loi de programmation militaire mais, fait plus rare, les dépenses en capital sont globalement conformes à l'autorisation budgétaire. Leur taux d'exécution est en effet de 101 % des crédits initiaux avant reports. Le taux d'exécution des dépenses ordinaires, dont mon excellent collègue François Trucy parlera tout à l'heure, dépasse de 3,76 % les crédits initiaux en raison essentiellement de la sous-budgétisation initiale des OPEX, les opérations extérieures.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Il s'agit enfin d'une dernière, mes chers collègues, au sens où nous disons aujourd'hui un adieu définitif à l'ordonnance organique de 1959.

Désormais, les dépenses militaires ne seront plus isolées au sein de l'article d'équilibre du budget. Nous allons donc indiquer pour la dernière fois leur part dans le budget de l'État : en 2005, après transferts, les dépenses militaires représentaient 11,27 % des dépenses du budget général.

Toutefois, ce satisfecit général mérite d'être nuancé. Pour ma part, je m'en tiendrai aux questions financières, M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées apportant de la matière aux arêtes financières que je vais décrire.

S'agissant des dépenses en capital, j'évoquerai deux questions. Comment l'augmentation des dépenses a-t-elle été compatible avec la régulation budgétaire ? Par ailleurs, comment l'exécution du budget satisfait-elle aux exigences définies par la loi de programmation militaire ?

S'agissant de la contrainte liée à la régulation budgétaire, vous aviez à faire face à un grave problème, madame le ministre. En effet, au cours des années passées, nous avions laissé se constituer une « bosse de reports de crédits » de 2,8 milliards d'euros, qui a atteint son maximum en 2004, et un report de charges inquiétant puisque des factures pour un montant de 3 milliards d'euros n'avaient pas été payées en fin d'année et avaient donné lieu, pour un certain nombre d'entre elles, au paiement d'intérêts moratoires.

La première cause de cet état de choses est bien connue. Je vous la rappelle pour mémoire, mes chers collègues, il s'agit de la sous-budgétisation des OPEX ; mais nous y avons apporté une solution un peu différente cette année.

La seconde cause est plus fondamentale : elle tient au fait que, dans un budget d'équipement en croissance rapide, les dépenses d'équipement s'étalent dans le temps. Ainsi, les engagements pris voilà deux, trois ou quatre années se répercutent sur la dépense de l'année en cours. Or, il est toujours difficile de calibrer deux ans ou trois ans auparavant les dépenses d'une année. C'est là une spécificité du budget de la défense.

Naturellement, il n'est pas possible de tout financer, et la régulation budgétaire est la contrainte supplémentaire qui n'est pas inscrite au titre des crédits budgétaires !

Mes chers collègues, la commission des finances est très attachée au fait que les dépenses de l'année ne doivent pas dépasser le montant de l'autorisation initiale prévu dans la loi de finances. En cas de reports, se pose donc la question de la régulation budgétaire.

Certes, je constate que la situation est en voie d'amélioration puisque les reports de crédits ont été ramenés de 2,8 milliards d'euros à quelque 2 milliards d'euros, à la fin de l'année 2005, soit une baisse considérable de 800 millions d'euros.

Ce résultat a pu être atteint tout d'abord grâce à l'annulation de 611 millions d'euros de reports de crédits non engagés en provenance de l'ancienne loi de programmation militaire, ce qui a été relativement facile. Ensuite, madame le ministre, vous avez dû obtenir l'autorisation de dépasser la norme de dépense de quelque 200 millions d'euros.

La question se pose maintenant de savoir si l'on pourra continuer à l'avenir à diminuer les reports de crédits.

Quant aux reports de charges, ils ont été réduits, par voie de conséquence, de plus de 900 millions d'euros, et ont ainsi été ramenés à 2,14 milliards d'euros à la fin de 2005. Il faudra naturellement apurer cette dépense au début de l'année 2006. À partir du 1er janvier 2006, une notion plus précise sera mise en place, celle des « charges à payer ». La commission des finances sera particulièrement attentive au montant de ces charges qui figurera au bilan d'ouverture de l'État au 31 décembre 2005.

Par ailleurs, nous vous en donnons acte, madame le ministre, les conséquences néfastes des retards de paiement pour les entreprises, et notamment les PME, ont été atténuées en début d'année par la mise en place d'un mécanisme de cession par les entreprises des créances non payées à des organismes financiers rémunérés par les intérêts moratoires dus par l'État. Cette intermédiation financière est une solution quelque peu curieuse, à laquelle j'espère voir mis un terme au cours des années à venir.

J'évoquerai maintenant la seconde question : l'exécution de la loi de programmation militaire est-elle satisfaisante ?

Si certaines critiques ou certains doutes voient le jour quant à la qualité de l'exécution de la loi de programmation militaire, il convient de les replacer dans un cadre temporel. En effet, certaines critiques portent sur le passé, d'autres sur le présent, et d'autres encore sur le futur.

Pour ce qui concerne le passé, l'objectif à atteindre reste l'exécution du modèle d'armée 2015. Toutefois, entre 1995 et 2002, soit avant votre entrée en fonctions, madame le ministre, un certain retard a été pris, qui a atteint la somme de 12 milliards d'euros, soit une annuité des dépenses. Cet écart sera difficile, voire impossible, à rattraper.

Pour ce qui concerne le présent, globalement, la loi de programmation militaire actuelle est correctement exécutée, sous réserve de l'utilisation des 2 milliards d'euros de reports de crédits. Je sais que la décision a été prise de supprimer ces reports de crédits d'ici à 2008. Cela signifie que le ministère de la défense aurait le droit de dépasser, dans des proportions assez considérables, la norme de régulation budgétaire que j'ai évoquée tout à l'heure. J'aimerais que vous nous apportiez des précisions en la matière, madame le ministre.

Par ailleurs, pour le présent, certains soulignent que l'exécution de la loi de programmation ne correspond pas exactement à ce qui était prévu par l'annexe de cette loi et évoquent des « bourrages » et des « glissements de crédits ».

Personnellement, de tels glissements de crédits ne me paraissent pas absurdes dans l'optique du financement de la recherche duale, de la recapitalisation de DCN ou de GIAT Industries. Un tel choix peut être nécessaire par rapport à d'autres opérations moins urgentes, et je ne vous en fais donc pas le reproche.

En ce qui concerne le futur immédiat, la gestion de 2005 se clôt avec près de 9 milliards d'euros d'autorisations de programme non engagées. Ces dernières se divisent en deux catégories : d'une part, 6 milliards d'euros d'autorisations de programme affectées et non engagées, dont le report ne devrait pas poser de difficulté ; d'autre part, 3,4 milliards d'euros d'autorisations de programme ni engagées ni affectées, et qui, n'étant plus « éternelles », devraient donc normalement disparaître.

Mais qu'en sera-t-il alors du programme Barracuda, qui est gagé à hauteur de 1,1 milliard d'euros sur ces crédits ? Dans quelle mesure le ministre des finances vous autorisera-t-il à utiliser ce volant de 1,1 milliard d'euros de crédits ?

Reste maintenant le futur plus lointain, pour lequel les problèmes les plus délicats se posent.

La montée en puissance de la loi de programmation militaire et l'allongement de la durée des programmes se conjuguent pour accroître les perspectives de dépenses au-delà de l'horizon 2008.

En effet, le montant des restes à payer au 31 décembre 2005, c'est-à-dire la différence entre les engagements pris et les paiements déjà effectués, s'élève à 45 milliards d'euros. Étant donné l'allongement des programmes, 40 % de cette somme sera à payer sur les crédits futurs, soit au-delà de l'année 2008.

Le problème est donc le suivant : au vu de cette contrainte de paiement pour l'avenir, dans quelles conditions se préparera la future loi de programmation militaire ?

Je sais, madame le ministre, que vous avez arrêté au début de l'année, dans un délai très bref, ce dont je vous félicite, la version actualisée du référentiel 2006, ou VAR 2006. Je serais heureux que vous puissiez nous indiquer quelles solutions vous préconisez.

Mes chers collègues, l'année prochaine, le budget d'équipement éclatera en trois programmes : les recherches en amont iront dans le programme « Environnement et prospective de la politique de défense », le « gros » du développement et de la construction ira dans le programme « Équipement des forces », et le maintien en condition opérationnelle, le MCO, ira dans le programme « Préparation et emploi des forces terrestres, navales et aériennes » - et je ne parle pas de l'infrastructure.

J'ose espérer que la synthèse entre ces programmes, qui dépendra naturellement des votes du Parlement, laissera très clairement transparaître les choix que vous avez continué à faire en faveur des recherches en amont et du MCO.

Mes chers collègues, je laisserai à François Trucy le soin de conclure et de vous donner l'avis de la commission des finances

Je dirai simplement qu'en matière d'équipement nous remontons la pente, et ce non seulement parce que la loi de programmation militaire est exécutée correctement, mais aussi, madame le ministre, parce que la gouvernance, la gestion de votre ministère, avec la recherche du moindre coût, s'inscrit dans la continuité d'une véritable stratégie de réforme.

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. François Trucy, je ne résiste pas au plaisir de vous annoncer que l'équipe de France mène contre l'Espagne par deux buts à un !

Mme Hélène Luc. Et même trois à un, Zidane venant de marquer le troisième but !

M. le président. La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.

M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame le ministre, je pensais commencer mon propos en formant des voeux pour que la défense de l'équipe de France tienne aussi bien que le budget de la défense, mais je suis déjà exaucé ! (Sourires.)

Autant que mon collègue Yves Fréville, j'approuve la méthode qui est la nôtre cette année. En définitive, cela nous donne une occasion supplémentaire de parler des choses importantes, de le faire dans un autre état d'esprit, celui de la LOLF, et de savoir quelle utilisation a été faite des crédits. Il me semble que nous sommes sur la bonne voie.

J'ai la grande satisfaction de dire d'entrée de jeu que la consommation des crédits du titre III est tout à fait exemplaire. En conséquence, madame le ministre, plutôt que de me livrer à des appréciations qui ne pourraient être moins bonnes que cette dernière, je préfère vous poser un certain nombre de questions.

Les crédits disponibles étaient de 18,98 milliards d'euros et le taux de consommation s'établit à 99,42 %. Il n'est pas arrogant de dire que ce dernier est meilleur que le taux de consommation des dépenses d'équipement, parce que nous savons très bien que les conditions d'exécution ne sont pas les mêmes.

S'il est louable de ne pas dépenser plus que les crédits disponibles, il l'est tout autant de ne pas voter des crédits qui ne seraient pas consommés !

En réalité, une telle performance concernant le taux de consommation ne doit pas nous étonner puisqu'elle a été préparée par des calculs extrêmement serrés au moment du vote du budget.

Cette première remarque nous permet-elle de dire que tout est en ordre par rapport à la loi de programmation militaire, en particulier sur le problème des effectifs ?

On doit s'interroger tout de même en matière d'effectifs. Depuis trois ou quatre ans, nous discutons calmement chaque année d'un sous-effectif qui tourne, en général, autour de 4 000 postes civils et militaires non pourvus.

Cependant, n'ayant jamais, en définitive, constaté de gros problèmes sur le terrain, au contact des officiers et des états-majors, nous nous sommes un peu habitués à cet état de fait, au point que certains, qui habillent de mots remarquables des choses qui pourraient nous fâcher, ont parlé d'un « état d'équilibre » !

Peut-on parler d'un état d'équilibre lorsque l'on ne réussit pas à pourvoir quelque 4 000 postes, année après année, même si tout se passe à peu près convenablement partout ?

L'annonce dans le budget de 2007 de la disparition de 4 387 postes militaires dans le cadre de la réduction générale des effectifs de la fonction publique n'est-elle pas, d'une certaine façon, un moyen de prendre acte de cette situation et de la régulariser ?

Madame le ministre, quelle est votre opinion sur ce sujet, sachant que nous ne critiquons pas ce point, mais que nous voudrions comprendre ?

L'exécution du titre III du ministère de la défense appelle quelques remarques.

Le Sénat a été le témoin, année après année, de votre remarquable combat pour les OPEX. Vous avez eu à vous battre contre Bercy pour parvenir à obtenir un début substantiel de programmation dans la loi de finances - c'est tout de même la moindre des choses à l'heure où l'on parle de la transparence du budget !

Plutôt que de vous demander comment vous avez fait en 2005 pour retomber sur vos pieds, madame le ministre, je préfère vous interroger sur les perspectives de cet important budget.

En 2005, il a fallu trouver 421 millions d'euros supplémentaires, qui étaient prévus par le décret d'avance. Que se passera-t-il maintenant ?

Madame le ministre, deux sujets mériteraient que vous nous les expliquiez.

Premièrement, est-il exact que la revalorisation du point de la fonction publique, qui donne lieu à des discussions sans fin, interdit en définitive de fixer l'évolution de cette revalorisation pour les crédits militaires ? Peut-on éviter que le budget militaire ne soit suspendu à des décisions civiles ?

Deuxièmement, la Cour des comptes s'est autorisée à critiquer le versement de 104,27 millions d'euros supplémentaires. Du simple point de vue formel, êtes-vous d'accord avec cette critique ?

J'ai noté également avec un peu de surprise que les dépenses d'alimentation ont augmenté de 4,9 % entre 2004 et 2005.

Je n'éprouve pas d'inquiétude à ce sujet, les crédits d'alimentation étant destinés plus que les autres encore à être consommés. D'autant, je vous rassure, que, faisant la visite d'unités et de bases, je n'ai pas encore vu d'obèses ! (Sourires.)

Quelles sont néanmoins les raisons d'une telle augmentation, madame le ministre ?

En revanche, comment faites-vous pour retomber sur vos pieds pour ce qui concerne la consommation de carburant, compte tenu de l'augmentation du prix du pétrole ? La diminution de 12 % de vos dépenses à ce titre depuis 2001 est un critère de bonne gestion !

S'il y a du mieux en ce qui concerne la poursuite des activités opérationnelles en faveur desquelles nous intervenons auprès de vous année après année, certains points restent encore éloignés des objectifs à atteindre.

J'ai relevé que les heures de vol des pilotes d'hélicoptère de combat, d'avion de transport, mais aussi d'hélicoptère de la marine et de la patrouille maritime, avaient diminué.

Bien entendu, on pourrait se réjouir de ces réductions en pensant qu'elles entraînent des économies. Mais elles ont tout de même deux conséquences un peu perverses. D'abord, lorsque l'on s'entraîne moins, on est moins opérationnel. Ensuite, le fait, pour ces pilotes, de ne pas remplir le programme d'heures de vol qui leur a été donné pour l'année nuit à leur carrière.

Par ailleurs, madame le ministre, pas un jour ne passe sans que je considère que les dépenses de personnel civil et militaire des armées ont été considérablement sous-estimées lors de la professionnalisation des armées, que nous avons votée de grand coeur même si la disparition du service militaire a suscité en nous quelques craintes, en particulier dans le domaine social. Peut-être aurions-nous dû, à cette époque-là, tenir compte de l'exemple des armées anglo-saxonnes.

Enfin, et c'est ma dernière question, il paraît qu'Eurostat veut considérer maintenant les locations d'équipements militaires comme des locations financières, et non comme des locations simples. Cela aggrave-t-il la dette de l'État ? Par voie de conséquence, une telle affectation aura-t-elle une incidence sur le déficit public et la dette publique ?

Quoi qu'il en soit, vous avez bien compris, madame le ministre, que la commission des finances, dans sa majorité, a jugé l'exécution de ce budget digne d'éloges ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je tiens tout d'abord à saluer l'initiative de la commission des finances visant à permettre, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement, un débat spécifique sur les crédits de la défense.

Nous considérons, en effet, que l'exécution de ce budget mérite un examen particulièrement attentif, non seulement parce qu'il s'agit de l'un des plus importants budgets de l'État -et le premier des budgets d'investissement -, mais également parce que, dans le domaine de la défense, nous possédons, avec la loi de programmation militaire, un cadre de référence pluriannuel qui a été établi autour d'objectifs cohérents.

Le suivi régulier des réalisations au regard de ces objectifs répond donc à une nécessité. Le projet de loi de règlement, désormais examiné par le Parlement au plus près de la clôture du dernier exercice, constitue pour cela une occasion privilégiée.

Je ne reviendrai pas en détail sur les principales caractéristiques de la gestion du budget de la défense au cours de l'année 2005. Je n'en mentionnerai que deux : pour les dépenses ordinaires, une couverture satisfaisante des besoins supplémentaires engendrés par les opérations extérieures et par la hausse des prix des carburants ; pour les dépenses en capital, un montant de dépenses constatées en nette augmentation qui atteint un niveau sans équivalent depuis de nombreuses années, malgré une annulation de 611 millions d'euros survenue à l'automne pour gager les ouvertures de crédits au titre III.

Globalement, la commission constate que l'exercice 2005 traduit une application satisfaisante de la loi de programmation militaire, qui a désormais dépassé la mi-parcours. La grande continuité de l'effort réalisé depuis 2002 dans le domaine de la défense témoigne d'une volonté politique forte et constante d'autant plus méritoire dans le contexte économique et financier actuel que le retard pris durant la période précédente exigeait une forte remise à niveau.

J'en viens aux observations et aux questions de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Madame la ministre, nous nous interrogeons bien entendu sur les crédits reportés. Ceux-ci ont fortement augmenté en 2003 et en 2004 en raison, notamment, du plafond de dépenses imposé au ministère de la défense. Leur décrue sur l'année 2005 est en grande partie liée à l'annulation de crédits d'équipement intervenue à l'automne. La possibilité de consommer le volant restant, soit un peu plus de 1,9 milliard d'euros, d'ici à la fin de la loi de programmation, comme l'engagement en a été pris, représente un enjeu important afin d'éviter d'accroître les intérêts moratoires ou de décaler les calendriers de livraison.

Je souhaiterais également vous interroger sur l'observation formulée par la Cour des comptes. Celle-ci évoque, sur la période 2003-2005, un montant de « 1,2 milliard d'euros de dépenses étrangères à la loi de programmation militaire ».

Des efforts très importants ont été effectués afin d'éviter de prendre sur les crédits d'équipement, comme cela avait trop souvent été fait par le passé, des charges non prévues en programmation, telles que la recapitalisation des entreprises publiques, la reconversion de la Polynésie française ou le démantèlement des usines de matières fissiles de la vallée du Rhône. Par ailleurs, la contribution de la défense au budget civil de recherche et développement est aujourd'hui largement orientée vers des activités duales, qui ont des retombées pour la défense, notamment dans le domaine spatial.

Qu'en est-il donc des montants évoqués par le rapport de la Cour des comptes ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur la contribution ces dernières années du budget d'équipement aux restructurations de DCN et de GIAT Industries ?

Plus généralement, il nous semble que, compte tenu de la mise en oeuvre de la LOLF et des changements qu'elle implique, le Parlement devrait à nouveau être officiellement destinataire d'un rapport annuel sur l'exécution de la loi de programmation, comme cette dernière le prévoit.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées m'a en outre chargé de vous interroger sur le financement des opérations extérieures, qui a commencé à trouver une solution avec la création d'une ligne spécifique et l'inscription de crédits significatifs dès la loi de finances initiale. Nous estimons que, après les pas franchis en 2005 et en 2006, il faudra désormais se rapprocher plus résolument du niveau réel des surcoûts, qui est en grande partie prévisible lors de l'élaboration du budget.

S'agissant des équilibres généraux du budget d'équipement, nous souhaiterions avoir des précisions sur l'évolution des coûts de maintien en condition opérationnelle. Il s'agit là d'un poste de dépenses qui a fortement augmenté ces dernières années et qui pèse indirectement sur la part revenant aux acquisitions de matériels neufs. Vous avez fait procéder à différentes évaluations afin de trouver des moyens pour mieux maîtriser cette dépense, notamment dans le domaine de la maintenance des matériels aériens. Quel est le bilan de ces évaluations ? Quelles sont les voies d'amélioration envisageables ?

Enfin, madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur l'état d'avancement de certains programmes qui ont pu connaître des décalages sur l'exercice 2005 pour des raisons tant techniques que financières.

Les difficultés d'ordre industriel rencontrées en 2005 sur l'hélicoptère de combat Tigre et sur la version « marine » de l'hélicoptère de transport NH90 sont-elles désormais pleinement surmontées ?

Concernant le programme Leclerc, dont l'échéance finale a été régulièrement repoussée ces dernières années, peut-on optimiser le coût d'entretien de ce parc, étant donné qu'il est moins appelé que d'autres matériels à être utilisé en opération ?

Le programme des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda a lui aussi été différé, notamment pour des raisons de disponibilité des crédits. Son lancement est désormais crucial compte tenu de l'arrivée en fin de potentiel à un horizon proche des sous-marins de la classe Rubis. Depuis la phase de définition, plusieurs facteurs ont concouru à l'augmentation du devis que la Délégation générale pour l'armement qualifiait à l'automne 2005 de « déraisonnable ».

La commande du premier Barracuda devait intervenir en 2006 et mobiliser plus de un milliard d'euros d'autorisations d'engagement reportées. Ce calendrier pourra-t-il être maintenu ? Selon quel rythme ce programme devrait-il progresser et devrons-nous envisager une réduction temporaire du nombre de sous-marins nucléaires d'attaque en parc ?

Madame la ministre, un rapport d'information sur les drones, réalisé par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a mis en lumière un certain nombre de difficultés et d'interrogations. C'est le cas notamment du système intérimaire de drones MALE, utilisant le drone israélien Eagle, dont la mise en service opérationnelle a été fortement retardée. Où en est-on aujourd'hui ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur l'évolution du programme EuroMALE ?

Il semblerait désormais qu'une coopération avec l'Allemagne soit étudiée, et que cette perspective soit de nature à modifier le contenu même du projet et son calendrier. Le rôle des drones est très certainement appelé à se développer, mais nos rapporteurs avaient exprimé une certaine perplexité en constatant le foisonnement de projets en Europe et la difficulté de converger vers des concepts communs. La réflexion du ministère de la défense a-t-elle progressé sur ce point ?

Je vous remercie, madame la ministre, des réponses que vous pourrez nous apporter. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur le projet de loi de règlement définitif du budget de 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat sur le projet de loi de règlement définitif du budget est effectivement une nouveauté, et je m'en félicite. Il s'inscrit pleinement dans la logique de transparence voulue par la LOLF, mais également dans celle que j'ai souhaité instaurer depuis mon arrivée dans les relations entre le Sénat ou l'Assemblée nationale et le ministère de la défense. Il permet également plus de cohérence entre les différents exercices budgétaires.

Ce débat est en outre l'occasion pour moi de souligner que l'année 2005 a été marquée, pour la défense, par des évolutions très positives en matière de gestion financière et d'acquisition de capacités.

Premièrement, les engagements politiques ont été respectés.

En 2005, comme en 2003 et en 2004, la loi de finances initiale a été votée par vos soins conformément à la loi de programmation militaire. Il en a été de même pour la loi de finances de 2006 et, si vous le voulez bien, il en sera ainsi du projet de loi de finances pour 2007. Ce parfait respect des engagements politiques, conforme aux besoins de nos armées et aux intérêts de la France, mérite d'autant plus d'être souligné que tel n'avait pas été le cas au cours des lois de programmation précédentes, tout particulièrement lors de l'avant-dernière. Ministre depuis mai 2002, j'en suis heureuse pour la défense et pour la France.

En exécution, l'année 2005 marque aussi un progrès important concernant en particulier la réduction des reports et le financement des OPEX.

La réduction des reports, évoquée longuement par M. Fréville, était un engagement que j'avais pris. Les reports ont été réduits d'un tiers conformément aux orientations du Président de la République.

Comme l'a rappelé M. Dulait, les reports s'élèvent désormais à 1,9 milliard d'euros. En 2006, leur apurement sera poursuivi grâce à des crédits de paiement qui dépasseront le montant de la loi de finances. Nous pourrons donc utiliser au moins 800 millions d'euros de reports cette année : 184 millions d'euros au titre de la précédente loi de programmation militaire et au moins 600 millions d'euros au titre de l'actuelle loi de programmation militaire. L'objectif, et je réponds là à M. Dulait, demeure bien un apurement intégral à la fin de 2007.

Le financement des OPEX a pu se faire sans mise à contribution des crédits de la loi de programmation militaire, et la budgétisation en loi de finances initiale continue. À cet égard, je suis tout à fait de l'avis du Parlement : il est nécessaire d'aller vers une plus grande sincérité de la loi de finances, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ... et donc de se rapprocher du budget réel des OPEX.

Cela dit, nous le savons tous, il n'est pas possible, pour des raisons évidentes, de programmer un an à l'avance tout ce qui pourra être fait. C'est pourquoi il subsistera toujours une part d'incertitude. Néanmoins, il est évident que, pour la bonne application de la loi de finances, il faut se rapprocher le plus possible du budget réel. De ce point de vue, le projet de loi de finances pour 2007, que j'aurai l'honneur de vous présenter à l'automne, marquera, après les progrès réalisés depuis 2005, une nouvelle et très importante progression dans ce domaine.

Telles sont les raisons pour lesquelles l'exécution de la gestion 2005 mérite d'être saluée.

Naturellement, de nombreux progrès restent encore à effectuer, et je ne dirai pas le contraire. Toutefois, pour rassurer le Sénat, notamment MM. Fréville et Dulait, je tiens à préciser que la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ne subit pas de bourrages, ni sur la recapitalisation de GIAT, ni sur le soutien apporté à la Polynésie, ni sur le démantèlement des usines nucléaires, contrairement à ce qui s'était passé pour les précédentes lois de programmation militaire.

Quant à la recherche, nous apportons effectivement des crédits à la recherche duale. Tout le travail effectué par le ministère de la défense a justement consisté à bien identifier les recherches intéressant la défense et à mener une politique d'encouragement de la recherche duale. C'est là l'un des honneurs de la France que de savoir investir dans la recherche. C'est l'une de nos contributions à l'avenir de la France.

Deuxièmement, la gestion 2005 a permis des résultats concrets, qui sont en eux-mêmes porteurs de la meilleure santé de nos armées et du renforcement de notre outil de défense.

De nouveaux matériels équipent nos forces. L'année 2005 a ainsi vu l'entrée en service de deux bâtiments de projection et de commandement, de dix Rafale, du satellite Syracuse IIIA ainsi que des hélicoptères EC725 des forces spéciales.

Nous ne devons bien entendu pas nous contenter du matériel que nous recevons. Nous devons toujours anticiper, comme l'ont remarquablement dit MM. les rapporteurs. Nous sommes d'ailleurs dans un domaine ministériel où l'anticipation a souvent lieu longtemps à l'avance.

D'importantes commandes ont donc été passées en 2005, notamment les huit premières frégates européennes multi-missions, les deux avions TLRA, 130 missiles MICA et 88 véhicules VBL. Début 2006, ont également été passées les commandes de M51 et les premières commandes FELIN, ou Fantassin à équipements et liaisons intégrées.

MM. Fréville et Dulait m'ont interrogée sur un sujet qui concerne plus l'avenir que l'année 2005, mais qui est bien entendu d'un grand intérêt. Il s'agit des 6 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et de leurs conséquences éventuelles sur le programme Barracuda.

Je voudrais vous dire ceci : les 6 milliards d'euros d'autorisations d'engagement sont bien reportés. Nous disposons ainsi de la totalité des autorisations d'engagement pour passer les commandes, et ce conformément à la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

Certes, nous avons rencontré des difficultés s'agissant du programme Barracuda. La raison en est simple. Lorsque nous avons reçu les estimations des industriels sur ce programme, nous nous sommes retrouvés en présence d'un coût qui était quasiment le double de celui qui avait été initialement prévu. Il n'était pas question pour moi d'accepter une telle situation.

Par conséquent, je me suis adressée aux industriels en leur faisant savoir que je n'entrerais pas dans le jeu consistant à accepter des dépassements considérables. Je leur ai ainsi demandé de revoir le coût de ce programme avec la Délégation générale pour l'armement, ainsi qu'avec l'état-major de la marine qui avait également sa part de responsabilité dans cette augmentation. Des études ont donc été menées.

Aujourd'hui, le dialogue avec les industriels laisse penser que ce programme sera effectivement engagé avant la fin de l'année 2006. Cela correspond, me semble-t-il, à un besoin, mais il était nécessaire de procéder à un sérieux recadrage.

M. Dulait a évoqué un certain nombre d'autres programmes. Il risque d'être difficile de revenir sur chacun d'entre eux.

Il est vrai que les drones constituent certainement l'un des matériels de l'avenir.

S'agissant du programme EuroMALE, nous avons constaté un certain nombre d'errements et d'attentes du côté des industriels. De nouvelles propositions sont en train de nous être faites en la matière.

Je partage votre sentiment : ce n'est pas parce que les drones représentent effectivement un matériel indispensable de l'avenir que nous devons avoir une trop grande dispersion. En même temps, nous devons rechercher les programmes les mieux adaptés aux besoins et les plus équilibrés d'un point de vue financier.

M. Fréville a évoqué les problèmes de la version actualisée du référentiel, la VAR. Cette dernière sera transmise à Bercy cette année, comme elle l'avait été l'année dernière. Je suis à votre disposition pour que nous puissions effectivement en préciser le contenu dans le cadre qui paraîtra le mieux adapté.

Je le rappelle, la VAR a pour objet de procéder aux ajustements qui sont parfois nécessaires, le contexte pouvant être modifié et de nouveaux matériels dont le besoin serait prioritaire pouvant apparaître. Finalement, c'est ce dispositif qui nous permet d'être toujours le plus en adéquation possible avec la situation. En effet, celle-ci peut très bien évoluer pendant toute la durée d'application d'une loi de programmation militaire.

Vous m'avez également interrogée sur le maintien en condition opérationnelle et sur la disponibilité des matériels. Il y a eu une nette progression de la disponibilité des matériels en OPEX et une progression importante de la disponibilité dans la marine. Le niveau de disponibilité des matériels de l'armée de l'air est aujourd'hui relativement bon, des progrès ayant même été enregistrés. En revanche, beaucoup de problèmes demeurent s'agissant des matériels de l'armée de terre.

De ce point de vue, un certain nombre de domaines suscitent mon inquiétude. En effet, nous nous trouvons en présence soit de matériels relativement anciens dont l'entretien est de plus en plus coûteux, comme pour une voiture, soit de matériels très modernes avec un coût d'entretien également en augmentation du fait de la sophistication.

Le maintien en condition opérationnelle, le MCO, constitue donc une véritable préoccupation. Tout comme j'en avais fait une véritable priorité dans la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008, il me paraît indispensable d'y consacrer une part importante dans la future loi de programmation militaire. En effet, le MCO est la condition de la disponibilité de nos matériels.

Monsieur Trucy, la situation a été assainie en matière de carburants grâce à un effort budgétaire d'environ 300 millions d'euros par an, auquel s'ajoute un mécanisme de couverture mis en place depuis le mois de septembre 2005, dans le cadre d'une démarche inédite menée en étroite collaboration avec les services de Bercy.

Je souhaite à présent évoquer les objectifs en matière d'activité. L'activité, c'est effectivement l'entraînement. C'est donc pour nous un domaine important. En effet, comme j'ai eu l'occasion de le préciser à plusieurs reprises dans cet hémicycle, l'entraînement est la condition tant de l'efficacité que de la sécurité des militaires qui sont en opération extérieure. En la matière, les objectifs ont été globalement atteints, à 95 %. Nous avons notamment observé des progrès tout particuliers pour les pilotes de chasse.

Nous pouvons également considérer que la situation des effectifs est satisfaisante. La gestion des recrutements a été régulière et sans à-coup. Les effectifs sont aujourd'hui stabilisés à 430 000 hommes.

J'entends parfois parler de sous-effectifs, voire de réduction des formats. Permettez-moi de rappeler que dans l'univers « lolfien », si vous me pardonnez cette expression, la seule référence est celle de la masse salariale. Or nous nous sommes préparés dès 2004 à cette logique, ce qui a conduit le ministère à travailler avec de nouveaux outils en matière de prévision et de gestion des effectifs.

Je voudrais revenir sur certaines questions plus précises qui m'ont été posées notamment par M. Trucy.

Ainsi, 4 400 suppressions d'emplois ont été évoquées à propos du projet de loi de finances pour 2007. En l'occurrence, le débat ne porte plus sur l'exécution des crédits pour l'année 2005, mais, puisque certains ont fait cette extension, je vais essayer de répondre à leurs questions.

Je voudrais d'abord signaler que la seule suppression réelle est de 3 000 postes, qui correspondent en réalité à des vacances d'emplois.

En revanche, environ 1 400 postes seront créés. Cela correspond à un effort particulier, notamment en matière de gendarmerie, de service de santé des armées et de cryptologie pour la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE. Ces créations sont possibles grâce aux réformes de la stratégie ministérielle d'emploi, qui nous permettent de gager un certain nombre de postes.

Par ailleurs, vous m'avez interrogée sur les critiques de la Cour des comptes quant aux 104 millions d'euros qui auraient été versés selon un mode irrégulier. Le décret du 29 avril 2005 a déployé 104 millions d'euros sur des chapitres de rémunération. Mais il ne s'agit pas d'une procédure irrégulière. En effet, le virement des crédits de fonctionnement vers la masse salariale est autorisé, puisque les règles de la LOLF sur la fongibilité asymétrique ne se sont appliquées qu'en 2006. En l'occurrence, il s'agit bien d'opérations qui ont été réalisées en 2005.

Le point de fonction publique constitue un véritable problème, lié à une réelle difficulté méthodologique. Il est vrai que le projet de loi pour 2006 a été conçu sans connaître l'évolution du point de fonction publique. Le coût qui en résulte pour le ministère de cette évolution est de 66 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable et intervient en cours d'année.

L'objectif du ministère est de maintenir les effectifs à leur niveau de 2005. Afin de ne pas réclamer de crédits supplémentaires, j'ai demandé que les recrutements du ministère soient gérés de la manière la plus fine possible. Mais il faut bien reconnaître que c'est un travail extrêmement complexe et difficile. Il serait préférable que l'augmentation du point de fonction publique puisse réellement être prise en compte dans le budget. Sinon, le problème risque de se poser pour chacune des lois de finances.

Vous avez également abordé le problème de l'alimentation. Vous m'avez même demandé si nous avions mis les militaires en alimentation forcée. (Sourires.) En réalité, l'augmentation de 4,9 % que vous avez constatée en 2005 est liée à l'apurement de reports de charges, qui étaient de 22 millions d'euros à la fin de l'année 2004. Nous avons terminé la gestion à l'équilibre. C'est un signe que ce poste est désormais géré de manière saine et que les insuffisances de budget sont réglées.

Tels sont les points que je souhaitais évoquer à propos des personnels. Les résultats sont, me semble-t-il, satisfaisants. Toutes les missions du ministère sont conduites avec efficacité. Dans le même temps, la stratégie ministérielle de réforme que j'ai définie en 2003, et que je continue de suivre depuis en l'actualisant, a permis d'économiser un certain nombre d'emplois, notamment grâce à la modernisation. En effet, la création d'un portail permet de libérer un certain nombre d'emplois.

Dans le même temps, et toujours dans un souci de gestion au plus juste des moyens mis à la disposition de la défense, j'ai essayé de mener une politique immobilière dynamique.

Ainsi, les cessions immobilières sont passées de 50 millions d'euros en 2004 à 127 millions d'euros en 2005, avec un effort tout particulier pour mettre en oeuvre les dispositifs immobiliers prévus par la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI.

Nous avons également renforcé notre politique de dépollution, avec la création d'un fonds interarmées de dépollution. Celui-ci est alimenté par les cessions immobilières que je viens d'évoquer.

On peut globalement dire que le redressement capacitaire de nos armées s'est accompagné d'une clarification de nos procédures de financement.

Comme dirait M. Jean Arthuis, il s'agit d'un « cercle vertueux », conforme aux principes que j'avais définis dès mon arrivée au ministère. Les moyens supplémentaires que nous accorde la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 nous créent des devoirs en matière d'efficacité, d'imagination et également de transparence.

De ce point de vue - c'est ma troisième remarque globale -, je suis convaincue que nous pouvons encore améliorer l'efficacité du ministère et la transparence que nous mettons en oeuvre dans nos rapports avec le Parlement.

Les progrès accomplis en 2005, que je viens de rappeler, nous ont permis d'aborder la LOLF dans de bonnes conditions et de développer un dialogue enrichi avec le Parlement.

Pour renforcer sa performance, le ministère de la défense a suivi plusieurs axes. Ainsi, la responsabilité du chef d'état-major des armées a été revue, complétée et affirmée par le décret de mai 2005. Il s'est agi d'un complément à la réforme de la DGA, que j'avais menée quelques mois auparavant. Dans les deux cas, ce qui a été recherché et, je le crois, obtenu est un renforcement de la capacité d'arbitrage et une clarification des rôles.

On ne peut pas, me semble-t-il, avoir de véritable transparence sans une responsabilité bien claire des uns et des autres, et la réciproque est vraie.

Grâce aux objectifs et aux indicateurs, le contrôle de gestion a été développé au sein du ministère. Les indicateurs de la LOLF, qu'il est toujours possible de discuter et d'améliorer, permettent notamment de suivre l'évolution des devis et la progression des programmes. En la matière, les premiers résultats que nous avons obtenus dès 2005 me paraissent très encourageants.

Les « programmes LOLF », que nous avons beaucoup évoqués ici, permettent plus de responsabilité et de fongibilité. Je me réjouis que la taille des programmes, taille qui a parfois été critiquée et dont nous avions discuté, soit aujourd'hui reconnue comme pertinente.

L'architecture de la LOLF à la défense accentue la lisibilité, grâce aux nombreuses actions et sous-actions, dont nous essayons de faire en sorte qu'elles soient les plus claires possible. Je le dis très simplement, je suis tout à fait prête à ce que nous discutions des indicateurs et des moyens d'améliorer la transparence.

En effet, cela relève de ma responsabilité à votre égard, mais cela représente également une aide pour moi dans le pilotage des finances.

Un dialogue plus riche entre le Parlement et la défense, entre le Sénat et le ministère, est pour moi le complément naturel de cette recherche d'efficacité. Le débat d'aujourd'hui en est la preuve. Les auditions récentes des grands responsables du ministère de la défense que sont le chef d'état-major des armées, le secrétaire général pour l'administration ou le délégué général pour l'armement l'ont également montré.

À l'automne 2006, nous aborderons les débats budgétaires avec une maquette consolidée. J'aurai l'honneur de vous présenter le rapport sur l'exécution de la loi relative à la programmation militaire, comme le prévoit son article 9.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je tiens à dire que je reste à la disposition de la commission des finances, ainsi que de la commission des affaires étrangères et de la défense pour trouver les moyens d'un dialogue plus régulier.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Chaque fois que l'une ou l'autre commission a souhaité me poser des questions, je suis venue y répondre.

À cet égard, je vous renouvelle mes propositions de réunion trimestrielle de suivi de la consommation de nos crédits, à l'instar de ce qui se pratique depuis 2003 avec la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la gestion 2005 a été la dernière à suivre les règles de l'ordonnance de 1958, la dernière avant l'entrée en application de la LOLF. Voilà pourquoi j'ai tenu à vous faire cette présentation, de façon peut-être un peu longue, comme j'ai tenu à ce que l'année 2005 soit la plus efficace possible au ministère de la défense.

L'année 2006 confirmera 2005 s'agissant du respect de la loi de programmation militaire, du renforcement capacitaire des forces armées, des réponses apportées par la défense à toutes les missions qui lui sont confiées.

Le respect des engagements en matière de défense est un signe fort pour la place de la France dans le monde, pour son dynamisme économique, car nos lois de programmation et nos lois de finances se traduisent par des investissements importants - je rappelle que le ministère de la défense est le premier investisseur de notre pays - pour la préparation de l'avenir, pour l'Union européenne et pour tous ceux qui s'interrogent sur l'action politique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces engagements ont pu être tenus - je tiens à le souligner ce soir - grâce à votre soutien continu. Je tiens à vous en remercier tous, très sincèrement, pour la défense et pour la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est une première. Jusqu'à présent, l'examen des projets de loi de règlement était un exercice formel et donnait lieu à une discussion sans grand intérêt avec le seul ministre du budget. Nous passions à côté de la seule loi de vérité budgétaire qu'est la loi de règlement. Je vous remercie, madame la ministre, de vous être prêtée avec autant de sincérité à cet exercice.

Il me paraît très important que le Parlement soit pleinement éclairé sur les données budgétaires. Pendant trop longtemps, on a eu la fâcheuse idée que le premier adversaire de votre ministère était peut-être le budget. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Il faut donc dissiper ce malentendu. Le souci de transparence que vous manifestez est à n'en pas douter la meilleure réponse que l'on puisse imaginer.

Par ailleurs, n'hésitez pas, madame la ministre, à user de toute votre influence au sein du Gouvernement afin que le Parlement soit désormais informé sur la situation patrimoniale de l'État. La LOLF étant applicable depuis le 1er janvier 2006, il est important que nous connaissions les actifs, les engagements et les dettes de l'État à cette date.

Par conséquent, toute omission, toute sous-estimation de dette ou d'engagement fera surface dans les années à venir et anéantira la manifestation des bons résultats attendus. Les 2,1 milliards d'euros que, avec tant d'imagination et tant de soin, l'État n'a pas voulu constater comme étant une dépense, mais qui, pour les PME, sont une créance, sont incontestablement une dette, comme l'a signalé Yves Fréville. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous attacherons de l'importance à ce que cette dette soit constatée au 1er janvier 2006.

De la même façon, les programmes engagés, les 45 milliards d'euros devront bien être pris en charge un jour.

M. Didier Boulaud. Il faudra bien les payer un jour !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ils devront apparaître au 1er janvier 2006 dans la situation patrimoniale de l'État.

Je vous remercie donc, madame la ministre, de votre contribution aussi déterminée à la sincérité des comptes publics.

M. le président. Nous en venons maintenant aux questions des orateurs des groupes politiques.

Afin de préserver le caractère interactif de nos débats, je rappelle que l'auteur de la question dispose de trois minutes, le ministre de trois minutes pour la réponse et l'orateur, s'il le désire, de deux minutes en réplique. Je vous demande à tous de bien vouloir respecter cette règle.

La parole est à M. Robert Del Picchia.

M. Robert Del Picchia. Madame le ministre, je vous remercie à mon tour de toutes les explications techniques que vous nous avez apportées. Comme l'a dit Jean Arthuis, vous avez été assez claire, pour nous en tout cas. Permettez-moi à présent de vous poser quelques questions plus généralistes, mais qui contribueront peut-être à notre information.

En réponse à mon intervention sur le budget de la défense pour 2005, vous aviez dit : « Renforcer la défense européenne, c'est également, pour nous, un moyen de renforcer notre capacité de travailler pour la paix dans le monde et pour la stabilisation d'un certain nombre de zones. »

Nous examinons ce soir le projet de loi de règlement définitif de ce budget dans un contexte international troublé, où la capacité tant française qu'européenne de travailler pour la paix est plus que jamais un impératif.

Vous me permettrez donc, madame le ministre, d'évoquer la défense européenne.

Le Président de la République soulignait, lors du sommet franco-britannique qui s'est tenu le 9 juin dernier, l'impératif que se sont fixé les deux partenaires : « développer nos capacités de sécurité et de défense ».

Lors de la préparation du budget pour 2005, nous nous étions inquiétés des lacunes de certains pays européens. En effet, en matière opérationnelle, seuls deux États, la France et la Grande-Bretagne, jouent un rôle cadre. Ce n'est apparemment pas suffisant. Madame le ministre, le couple franco-britannique reste-t-il, aujourd'hui, le moteur de la défense européenne ? Est-ce suffisant ?

La notion de homeland security était également au coeur des débats de l'Europe en raison de la menace terroriste, toujours présente. Les difficultés pour rendre imperméables les frontières de l'espace Schengen sont plus que jamais d'actualité, tant en Espagne, laquelle a récemment demandé l'aide de l'Union européenne, que dans les nouveaux pays adhérents qui souhaiteraient intégrer cet espace de libre circulation. Madame la ministre, quel regard portez-vous sur cette question délicate, qui peut avoir des implications budgétaires ?

En ce qui concerne le porte-avions franco-britannique, le Président de la République a annoncé que, le « programme de coopération a désormais atteint la phase de définition détaillée qui doit être achevée à la fin de l'année ». Cette phase terminée, viendra alors le temps des industries européennes et de leurs propositions. Madame le ministre, pouvez-vous nous confirmer que le lancement de programme est bien prévu pour 2007 ?

Au crépuscule de la présente loi de programmation et à l'aube de la prochaine, pouvez-vous nous dire quels seront les enjeux réels dans les domaines de l'industrie, de la recherche et de la défense européenne ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Del Picchia, en Europe, seules deux armées sont capables de faire face à quasiment toutes les situations et deux budgets de la défense sont très nettement supérieurs à tous les autres, au regard du PIB : ceux de la Grande-Bretagne et de la France. Cela nous amène à être souvent côte à côte dans les opérations et à faire avancer ensemble l'Europe de la défense.

Les groupements tactiques 1500, notre force d'intervention très rapide européenne, sont une initiative franco-britannique. L'Agence européenne de défense et de l'armement est une initiative franco-germano-britannique.

Dans tous ces domaines, nous sommes ensemble. Si nous n'avons pas systématiquement la même vision sur tous les sujets, nous sommes côte à côte s'agissant des opérations, des engagements, des grands projets et des grands programmes. Nous avons la même volonté d'essayer de sensibiliser nos autres partenaires européens sur la nécessité pour eux de renforcer leurs efforts. La première responsabilité d'un État est en effet d'assurer la sécurité de ses citoyens et de ses ressortissants et il n'y a pas, dans le monde dans lequel nous vivons, de sécurité assurée sans un renforcement de l'effort financier en faveur de la défense.

Il est évident que, face aux nouvelles menaces, comme le terrorisme de masse, les pays européens doivent se mobiliser et agir de façon collective. Avec le programme européen de recherche sur la sécurité, la Commission a pris une initiative utile dans le domaine de la recherche et du développement.

Mais ne l'oublions jamais : la défense est aussi un acteur majeur de la lutte contre le terrorisme, grâce aux opérations extérieures. Certaines opérations ont lieu sur le théâtre national, mais la plupart du temps, nous le voyons bien, les origines du terrorisme et de biens d'autres menaces se situent à l'extérieur. Il faut donc être capable d'intervenir. Le seul moyen de le faire est d'avoir une défense dotée des moyens de cette action.

Enfin, monsieur Del Picchia, vous m'avez interrogée sur le deuxième porte-avions franco-britannique. Oui, le lancement du programme franco-britannique est bien prévu en 2007.

Notre premier objectif est de disposer à la fin de l'année 2006 d'une offre industrielle engageante pour la réalisation de ce porte-avions sur la base d'un design commun. Ce sera l'occasion de consolider le coût prévisionnel du programme. Nous avons en effet constaté que ce rapprochement permettait une certaine réduction des coûts.

Notre second objectif est de passer au stade de la réalisation et de la notification du contrat de réalisation en 2007.

M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.

M. Robert Del Picchia. Je vous remercie, madame la ministre. Je suis rassuré s'agissant du porte-avions, ainsi que sur l'engagement en matière de défense.

Si, en France, on n'a pas toujours conscience ou connaissance du rôle de la défense, sachez que tel n'est pas le cas des Français établis hors de France, dont je suis l'un des représentants dans cette assemblée. Ils apprécient beaucoup en effet que l'on prenne en compte leur défense à l'étranger. Merci pour eux.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Au XVIIIe siècle, et surtout au XIXe et au XXe siècles, avec la conscription, s'est constitué en France un réseau de casernes très important. D'une part, cela représente un patrimoine considérable ; d'autre part, ces bâtiments ne correspondent plus aux besoins d'une armée de métier équipée de nombreux matériels.

Madame la ministre - ce sera ma première question, à laquelle vous avez d'ailleurs partiellement répondu -, dans un souci de bonne gestion, comptez-vous mettre sur le marché, et d'une manière systématique, tous ces bâtiments obsolètes, souvent situés au centre des villes, et construire, dans un souci de rationalisation, sur des terrains extérieurs, beaucoup moins chers et moins nombreux, des infrastructures infiniment mieux adaptées à la défense de notre époque ?

Ma seconde question porte sur l'Agence européenne de l'armement, qui reste encore un objectif. Son retard est source d'inefficacité. Ainsi, les Américains, dont le budget de la défense représente plus du double de l'ensemble des budgets des pays de l'Union, mettent en place une capacité de projection qui est à peu près dix fois supérieure à celle de l'Union européenne. Quand cette Agence deviendra-t-elle une réalité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur de Montesquiou, il y a longtemps que j'ai commencé à vendre les casernes, à tel point que cela pose aujourd'hui un problème pour le projet « Défense deuxième chance » ! Ce programme s'adresse à des jeunes en grande difficulté. Il leur offre une remise à niveau comportementale et scolaire, mais également un apprentissage professionnel, qui exigent qu'ils soient accueillis en internat.

Aujourd'hui, je reçois un très grand nombre de demandes émanant de jeunes, notamment à l'occasion de la journée d'appel de préparation à la défense, la JAPD, et nombre de militaires en disponibilité sont volontaires pour encadrer ces jeunes. Mon problème, c'est de trouver des locaux.

Il y a des bases aériennes ; d'autres ministères, notamment celui de la jeunesse et des sports, ont déjà proposé des bâtiments. De nombreuses casernes seraient également disponibles, mais, comme vous l'avez souligné, elles ne sont plus aux normes et il est extrêmement difficile de les adapter. Nous devons donc chercher ailleurs.

Par conséquent, je suis tout à fait prête à céder ces casernes dès lors qu'elles ne sont pas utilisées. Cependant, bien des lieux ainsi disponibles comportent des pollutions qui sont à la fois extrêmement coûteuses et longues à éliminer. Si, aujourd'hui, des retards sont constatés dans la cession de ces locaux, en particulier à des collectivités territoriales - je souhaite en effet que ces cessions contribuent à l'aménagement du territoire -, c'est essentiellement pour ces raisons.

Vous voulez aller encore plus loin, en suggérant que nous cédions les casernes situées en centre-ville dont nous avons encore aujourd'hui l'usage pour construire sur des terrains extérieurs. Je précise, d'abord, qu'il reste relativement peu de casernes dans les centres-villes et, surtout, que je n'ai pas les moyens de mettre en oeuvre une politique systématique de reconstruction à l'extérieur, qui demanderait des années d'efforts.

Nous sommes donc obligés d'examiner les situations au cas par cas. Toutefois, soyez persuadé que ma volonté, comme l'intérêt du ministère, est de poursuivre cette action. Ainsi que je l'ai dit tout à l'heure, nous avons fait des progrès considérables, puisque les cessions se sont élevées à 127 millions d'euros en 2005. Il ne sert à rien de conserver des locaux devenus inutiles ou qui sont inadaptées.

D'ailleurs, sur Paris même, je suis en train de procéder à deux grands regroupements : l'un concerne la direction générale de la gendarmerie nationale à Issy-les-Moulineaux - de douze implantations sur la région parisienne, nous arriverons à une seule ; l'autre, qui est à l'état de projet, concerne la DGA, pour laquelle l'efficacité commande également de regrouper les personnels sur un même lieu.

Cette politique de regroupement, qui s'appuie sur une volonté de modernisation et de plus grande efficacité, ne peut pas se faire du jour au lendemain.

Ensuite, vous m'avez interrogée sur l'Agence européenne de défense.

Il y a trois ans, peu croyaient à ce projet. Aujourd'hui, l'Agence fonctionne, a un budget, un certain nombre de chercheurs et des programmes, qui ont été définis par les ministres de la défense.

Nous avons mis en place la structure ; il faut ensuite l'alimenter par un budget.

L'année dernière, nous avons déjà considérablement augmenté le budget de l'Agence, mais il est, selon moi, encore insuffisant. Si nous voulons être efficaces, il faut aller plus loin, ce qui, bien entendu, requiert le consensus des différents pays contributeurs, qui, pour certains, opposent quelques freins.

De toute façon, nous ne parviendrons jamais au niveau de crédits qui est celui des États-Unis. Néanmoins - c'est un motif de satisfaction -, il n'y a pas de fossé technologique avec les États-Unis. Cela signifie qu'au niveau de nos pays et, je l'espère, au niveau de l'Agence, nous sommes, semble-t-il, plus efficaces dans la gestion des crédits.

M. le président. Madame la ministre, veuillez conclure !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Nous faisons le maximum avec le peu d'argent dont nous disposons. Les États-unis ont beaucoup d'argent mais mon homologue américain se plaint, parfois publiquement, que cet argent ne soit pas toujours utilisé efficacement.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, votre volonté est évidente. Néanmoins, il existe beaucoup de bâtiments militaires non utilisés dont on pourrait vraiment optimiser la gestion. Il est dommage qu'ils restent vides.

L'Agence européenne de l'armement - j'utilise volontairement cette dénomination - était un objectif proposé par M. Chirac en 1995. Il me semble qu'aujourd'hui, si l'on n'en est plus tout à fait aux balbutiements, on pourrait encore optimiser largement notre potentiel en rationalisant toutes les unités de fabrication d'armements qui existent à travers les divers pays de l'Union européenne.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je crains que l'intérêt de ce débat en séance publique sur l'exécution des crédits de la mission « Défense » ne soit assez limité, faute d'une discussion générale sur l'évaluation politique du budget de la défense au sens large.

Nous devons donc nous en tenir à des questions.

On nous demande en fait de tester la loi de règlement selon la nouvelle formule de la LOLF, qui mettrait, paraît-il, en avant le rôle essentiel de contrôle et d'évaluation du Parlement.

Je rappelle que le groupe communiste républicain et citoyen s'était fermement opposé au principe même de la LOLF, qui n'a en réalité d'autre objectif que de diminuer à tout prix le déficit.

Procéder à l'examen comparatif entre les crédits inscrits en loi de finances initiale et leur exécution, alors qu'il y a un changement de nomenclature, est particulièrement difficile. En effet, les crédits de la défense pour 2005 ont été établis sur la base de l'ordonnance organique de 1959 et non sur celle de la LOLF. Comment, dès lors, peut-on vraiment contrôler l'exécution des crédits d'un programme qui n'existait pas en 2005 ?

Par ailleurs, comme le souligne le rapporteur pour avis M. Dulait, cette nouvelle méthode n'a empêché ni les ponctions opérées sur les crédits d'équipement ni les annulations de crédits en cours d'exercice.

Dans ces conditions, peut-on vraiment considérer que la loi de programmation militaire a été intégralement respectée en 2005 ? Pour ma part, je pencherais plutôt pour l'analyse de la Cour des comptes, qui a souligné l'impossibilité d'atteindre les objectifs fixés en matière d'investissements militaires.

On cite parfois les retards ou les décalages dans certains programmes d'équipements pour justifier cette impossibilité. Permettez-moi, mes chers collègues, d'examiner avec vous un exemple qui servira de base à ma question.

Vous expliquez souvent, madame la ministre, les retards dans le déroulement du programme de chars Leclerc - en 2005, seuls 37 exemplaires avaient été réceptionnés par la DGA sur les 58 prévus - par des défauts de qualité imputables à GIAT Industries.

Mais quelles sont, selon vous, les raisons des insuffisances de GIAT Industries, entreprise qui, je le rappelle, a été vidée de sa substance à la suite de milliers de licenciements et de nombreux plans sociaux ? Dans ces conditions, que comptez-vous faire pour donner à GIAT Industries les moyens de livrer à notre armée de terre des matériels de qualité ?

Enfin, permettez-moi une question subsidiaire, puisque vous avez évoqué le problème des terrains nécessaires à l'installation des centres de « Défense deuxième chance ».

Je sais que la ville de Saint-Chamond et les salariés de GIAT avaient proposé leur site, qui, malheureusement, va fermer, pour installer l'un de ces centres. Cette candidature a-t-elle une chance d'être retenue ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Luc, au 1er juin 2006, 357 chars Leclerc sur 406 avaient été livrés. Il reste donc 49 chars à livrer.

Un certain nombre d'améliorations ont dû être apportées aux 96 derniers chars, en ce qui concerne la protection des équipages, les systèmes de vision et de détection par tous temps et l'intégration du système d'information terminale.

Mais, en sus de ces évolutions, GIAT doit contractuellement corriger une liste d'anomalies qui ont été enregistrées au cours des dernières années et elle doit organiser le rétrofit sur tous les chars concernés. Cela fait partie du contrat. Nous agissons comme client et celui-ci doit se voir livrer le matériel correspondant à ses besoins.

De très nombreuses anomalies ont été constatées au cours des opérations de vérification des chars par la DGA au début de 2006. Ces chars doivent donc être repris avant l'acceptation et la livraison aux forces, ce qui a entraîné et va entraîner encore des retards de livraison.

Huit chars seulement ont pu être acceptés depuis le début de 2006. À court terme, c'est-à-dire entre juin et juillet, GIAT Industries doit présenter pour acceptation douze chars supplémentaires ; j'espère qu'ils pourront effectivement être acceptés. De toute façon, la chaîne de production des chars Leclerc s'arrête en 2006.

La candidature de Saint-Chamond au titre du programme « Défense deuxième chance » a bien été enregistrée. Comme pour toutes les candidatures en la matière, il appartient à la direction de l'établissement public d'insertion de la défense, l'EPID, après étude de l'ensemble des données, de déterminer si les bâtiments proposés correspondent effectivement aux normes requises pour la restauration et l'hébergement des stagiaires et du personnel, et pour l'installation des salles de classe. C'est au vu de cette analyse que sont transmis les résultats. Mais, en tout état de cause, notre objectif est de pouvoir implanter ces centres sur l'ensemble du territoire afin de répondre aux besoins des jeunes.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Madame la ministre, bien sûr, les chars Leclerc qui présentent des défauts doivent être repris. Mais vous ne donnez pas les raisons de ces anomalies. Vous persistez à dire que le programme des chars Leclerc avait pris un retard considérable. Or les retards sont liés à la situation critique de GIAT, au manque de personnels, notamment des personnels qualifiés qui ont quitté l'entreprise.

Vous m'avez expliqué que la restructuration engagée est de nature à redresser cette situation et qu'elle pourra permettre à GIAT de fournir à l'armée de terre les matériels de qualité dont elle a besoin ; je le conteste.

Je persiste en effet à penser que la méthode choisie, celle de la filialisation, que j'interprète comme un désengagement progressif de l'État du capital de l'entreprise, va, au contraire, fragiliser le groupe, le démanteler et en faire, au nom de la seule rentabilité, une proie facile pour les capitaux étrangers, notamment allemands.

À terme, nous perdrons la maîtrise de nos armements terrestres.

Il faut bien avoir présent à l'esprit que la politique de restructuration, telle qu'elle est menée dans le cadre européen, n'empêchera pas les fonds de pension américains, par exemple, de contrôler nos industries d'armement !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Madame le ministre, mes questions porteront sur la budgétisation des opérations extérieures, les OPEX, même si j'ai bien entendu ce que vous avez dit tout à l'heure à ce propos.

En la matière, je ne peux que saluer les efforts de budgétisation qui ont été réalisés et qui doivent impérativement être poursuivis dans les années qui viennent, comme vous vous y êtes engagée.

En loi de finances initiale pour 2005, la dotation budgétaire prévue à cet effet s'élevait à 100 millions d'euros, contre 24,5 millions d'euros chaque année depuis 1999. En dépit de cet effort, force est de constater que la ligne budgétaire prévue pour le surcoût des OPEX reste encore très insuffisante par rapport aux crédits consommés. En 2005, 421 millions d'euros supplémentaires ont été prévus par décrets d'avance, sur les 550 millions d'euros de crédits consommés.

Les crédits consommés en 2005 pour les OPEX sont inférieurs de plus de 100 millions d'euros à ceux qui ont été consommés en 2004. On voit bien là toutes les difficultés de budgétisation des OPEX. Est-ce par souci d'économie que nous avons décidé un plus faible déploiement des forces françaises en 2005 ou est-ce tout simplement que l'actualité internationale n'a pas été aussi agitée en 2005 qu'en 2004 ?

Dans cette même perspective, j'aimerais savoir, madame le ministre, pourquoi la ligne budgétaire concernant le surcoût des OPEX ne prend en compte que les primes versées aux personnels mobilisés. Un coût global incluant également les efforts en termes d'équipement correspondrait davantage à la réalité.

Enfin, j'ai souhaité élargir mon intervention à une nouveauté issue de l'application de la LOLF. La nouvelle nomenclature budgétaire - et c'est une avancée importante par rapport à la présentation budgétaire de 2005 - prévoit une rubrique consacrée aux opérations intérieures, qui vise les cas où l'armée intervient dans le cadre de catastrophes naturelles ou du plan Vigipirate, notamment.

Cette ligne budgétaire n'a pas été dotée en 2006, alors que l'armée est intervenue à plusieurs reprises dans ce genre d'opérations. Je souhaitais obtenir un éclairage sur ce point particulier, afin que nous puissions évaluer les coûts de ces opérations pour les années à venir et que la loi de finances initiale reflète le plus fidèlement possible la réalité des besoins de notre armée pour accomplir toutes ses tâches, même si je perçois, bien sûr, la difficulté de cet exercice.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Gourault, vous posez grosso modo trois questions sur les OPEX.

Tout d'abord, un des chiffres que vous citez ne me paraît pas exact, je ne sais pas d'où vous le tenez : il s'agit de la différence de 100 millions d'euros concernant le coût des OPEX entre 2004 et 2005. Ce chiffre ne correspond pas du tout aux miens.

Nous observons certes une variation, nous en avons parlé tout à l'heure, en fonction des sollicitations : quand un tsunami se produit, il est évident qu'il en résulte des surcoûts non budgétés. Mais, d'une façon générale, cette variation est relativement limitée. Les dépenses d'OPEX tournent toujours autour de 500 millions à 550 millions d'euros : telle est à peu près la norme. Elles se sont élevées à 565 millions d'euros en 2004 et à 521 millions en 2005. La moyenne sur les dernières années s'établit à peu près à 560 millions d'euros. Ces chiffres sont approximatifs : une variation de 20 millions à 30 millions peut se produire d'une année sur l'autre mais, en général, cet ordre de grandeur est respecté, ce qui nous permettra d'ailleurs d'inscrire un montant à peu près crédible en loi de finances initiale.

Pourquoi seules les primes versées aux personnels sont-elles prises en compte dans le calcul des surcoûts ? Tout simplement pour identifier le coût réel des OPEX, car les personnels sont payés de toute façon, qu'ils soient en OPEX ou non ; ces primes représentent donc le seul surcoût véritablement lié aux OPEX.

En revanche, les opérations sur le territoire national concernent principalement la gendarmerie et très peu les armées, sauf dans le cadre du plan Héphaïstos de lutte contre les incendies ou, parfois, lors des inondations, où l'armée de terre intervient parce qu'elle est la seule à disposer des matériels nécessaires. Le coût de ces interventions est comptabilisé dans les crédits OPINT, pour opérations intérieures, et non pas OPEX. Si vous le souhaitez, je vous communiquerai les chiffres correspondants, mais ce n'est peut-être pas l'objet de notre débat de ce soir.

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons examiner les crédits de la défense dans le cadre de la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005, même si j'ai parfois le sentiment, à entendre un certain nombre d'interventions, d'assister à un débat sur le projet de loi de finances pour 2007 !

Cet exercice est quelque peu académique et techniquement étrange dans la mesure où nous devons « analyser » ces crédits avec la nomenclature et dans la perspective de la LOLF, tout en sachant que le cadre d'exécution du budget de 2005 était celui de l'ordonnance de 1959... Tout cela rend délicates les comparaisons faites au sein d'un même programme et, encore plus, entre programmes de la même mission « Défense ».

Il est important toutefois de remarquer que, malgré les circonstances que je viens de décrire, le travail de contrôle parlementaire reçoit aujourd'hui une nouvelle impulsion. C'est bien, et il faudra à l'avenir améliorer et approfondir la voie ainsi ouverte par la LOLF.

Cela dit, pour que ce travail soit effectif, cohérent et utile, nous devrons tous, rapporteurs et membres des commissions parlementaires, faire preuve de curiosité, de rigueur et d'esprit critique pour aller au bout de la démarche. Ainsi, au vu des rapports actuels, somme toute assez conformistes, j'ai préféré me pencher sur les récents rapports de la Cour des comptes pour poser ma question.

Les documents budgétaires fournis par votre ministère présentent 2005 comme la troisième année de conformité globale à la loi de programmation militaire 2003-2008, avec un taux d'exécution financière de 97 %. Toutefois, comme je l'évoquais dans mon propos d'introduction, la lecture du rapport de la Cour des comptes et des rapports parlementaires nous révèle une réalité beaucoup moins satisfaisante.

J'évoquerai en premier lieu le vulnérable programme « Équipement des forces », pour lequel la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exercice 2005, met en doute « la capacité à exécuter financièrement la stratégie telle qu'elle a été définie et contractualisée dans le cadre de la loi de programmation militaire 2003-2008 ». Je rappelle que ce programme est le premier programme d'investissement de l'État - en loi de finances initiale pour 2005, il représente 9,25 milliards d'euros - et qu'il rassemble les deux tiers des crédits d'investissement de l'ensemble de la mission « Défense ».

En second lieu, la Cour des comptes soulève la question des impayés sur le budget d'investissement du ministère de la défense, les difficiles situations engendrées par les reports de crédits de paiement et par les reports des autorisations d'engagement ; elle constate l'existence d'un différend qui « oppose le ministère de la défense et celui des finances sur le caractère automatique ou non des reports d'autorisations d'engagement. L'enjeu pour le ministère de la défense est de 6 milliards d'euros ».

Elle signale aussi l'insuffisance des inscriptions de crédits au titre des OPEX, qui vient d'être évoquée : le problème est récurrent. Autant de points que nous avions déjà mis en lumière au cours de débats précédents et qui ne semblent pas tous résolus.

Nous nous inquiétons encore des intérêts moratoires, résultant des retards de paiement, qui sont en augmentation : leur montant s'élevait à 20,13 millions d'euros en 2003 ; il est passé à 28,25 millions d'euros en 2004 et à 33,5 millions d'euros en 2005.

Madame la ministre, cette mauvaise gouvernance budgétaire décrédibilise la loi de programmation militaire votée par le Parlement il y a trois ans. Même les rapporteurs issus de votre majorité gouvernementale ont fustigé les mesures « exceptionnelles et inadmissibles » qui ont grevé le budget en 2004-2005, en particulier la suspension des paiements en matière de crédits d'équipement intervenue à la fin de l'exécution du budget 2004.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Didier Boulaud. Mme la ministre ne me répondra pas, monsieur le président ; je peux donc avoir un peu plus de temps !

Tous ces constats tendent à confirmer le manque de sincérité des budgets annuels et jettent une lumière inquiétante sur l'avenir du budget de la défense.

À l'occasion de l'évaluation de l'exécution du budget pour 2005, à la veille d'une série d'importantes consultations électorales et dans la perspective de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire, je vous demande, madame la ministre, de nous indiquer le niveau d'exécution exact de la dernière loi de programmation militaire adoptée.

Je fais mienne la remarque de la Cour des comptes qui signale qu'« une interrogation subsiste sur la capacité du ministère de la défense à réaliser à terme intégralement la loi de programmation militaire compte tenu de l'encours élevé de ses reports de crédits ». On ne saurait mieux dire !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Merci de me donner l'occasion de vous répondre, monsieur Boulaud !

La Cour des comptes a émis son appréciation. Je l'ai contestée en écrivant à son Premier président pour exprimer mon désaccord sur cette analyse qui me paraît totalement infondée !

S'agissant de la capacité du ministère de la défense à exécuter la loi de programmation militaire, je puis vous dire que celle-ci sera exécutée en totalité, tous les arbitrages rendus vont en ce sens. Elle le sera, sous la réserve des seules améliorations ou atténuations liées aux VAR successives, qui traduisent, ainsi que je le disais tout à l'heure, notre aptitude à évoluer avec le contexte.

En ce qui concerne le problème des reports d'autorisations d'engagement, j'ai dit que j'avais obtenu ce report : vous voilà donc rassuré à ce propos, monsieur Boulaud !

Nous avons réglé le problème des impayés à l'égard des PME et PMI, parce que j'avais le souci que ces petites entreprises n'en subissent pas les conséquences.

En ce qui concerne les OPEX, nous avons tous constaté que la situation s'était améliorée.

Pour ce qui est des intérêts moratoires, le fait que nous soyons en train de récupérer les reports de crédits nous permet de les réduire dès cette année.

Enfin, j'ai déjà dit que le problème des reports de crédits serait réglé d'ici à la fin de 2007. Je pense que vous pourrez donc dormir d'un sommeil paisible, monsieur Boulaud, ainsi que M. le Premier président de la Cour des comptes !

M. Didier Boulaud. C'est votre successeur qui va mal dormir !

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame le ministre, vous nous avez donné ce soir un certain nombre de précisions sur le projet de second porte-avions franco-britannique et je vous en remercie. Vous le savez, c'est un sujet qui me tient à coeur et j'aurai sans doute l'occasion de vous en reparler à l'occasion de la discussion du prochain budget.

Lors de l'examen du projet de budget de la défense pour 2005, je vous avais interrogée sur les moyens budgétaires attribués par votre ministère et par l'Union européenne à l'Eurofor en Bosnie. Je souhaiterais également connaître le bilan précis et les enseignements que vous tirez de cette opération et, plus généralement, des OPEX qui ont eu lieu en 2005, sur le plan budgétaire comme sur le plan opérationnel.

Je souhaiterais également vous interroger plus précisément sur les suites données à l'audit relatif à la fonction communication dans les forces armées.

Le groupe UMP du Sénat a mis en place un groupe de travail « LOLF et réforme de l'État » afin d'assurer le suivi des réformes structurelles sur la base des audits de modernisation. Ces audits, dont la quatrième vague a été lancée le 21 juin dernier, constituent une démarche inédite, ambitieuse et concrète. Le groupe UMP a tenu à accompagner cette démarche en organisant une série de rencontres avec dix ministères, l'objectif étant de faire le point sur les résultats des audits qui les concernent et sur les gains réels qui peuvent en être attendus, pour les usagers, en termes d'amélioration du service rendu et, pour les contribuables, en termes d'économies budgétaires. Il s'agit, là aussi, d'une démarche inédite au sein d'un groupe parlementaire, dans l'esprit de la LOLF.

Dans le cadre de ces rencontres, nous avons eu l'occasion d'auditionner une délégation du ministère de la défense, et nous tenons à remercier vos collaborateurs, madame le ministre, pour leur participation active à cette démarche qui se veut constructive et productive, dans un esprit de réforme.

La fonction communication dans les forces armées concerne environ 1 200 personnes, pour un budget de l'ordre de 70 millions d'euros par an. L'audit permet une meilleure appréhension de cette fonction et formule des propositions en matière de coût et de professionnalisation.

La mutualisation de la rédaction des revues d'armées est à l'étude, de même qu'une simplification de l'organisation des services d'information et de relations publiques, les SIRPA.

L'objectif de la professionnalisation est de normaliser les achats, renforcer la formation et éviter les doublons. Il est aussi de disposer d'équipes compétentes et d'une organisation réactive pour faire face aux enjeux modernes de la communication, comme l'illustre le dossier du Clemenceau.

Je souhaiterais connaître, madame le ministre, les décisions que vous comptez prendre dans ce domaine, ainsi que les gains attendus en matière de qualité du service et de coût, tout en saluant, une fois de plus, la démarche de modernisation que vous avez entreprise au sein de votre ministère.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Garriaud-Maylam, en Bosnie, l'Union européenne a relevé l'OTAN en 2004. La mission de stabilisation de la situation en Bosnie se poursuit. La situation sécuritaire est relativement calme ; aujourd'hui, nous insistons tout particulièrement sur la prise en compte de la criminalité organisée, qui est un des problèmes majeurs de ce pays. Dans la logique de sortie de crise dans laquelle nous nous trouvons, le transfert des responsabilités confiées aux forces militaires en direction des missions civiles, d'abord internationales puis nationales, est en cours.

S'agissant de votre deuxième question, vous savez que j'attache un grand intérêt à la communication et à sa modernisation, parce qu'elle est non seulement indispensable au sein d'une armée professionnelle pour conserver un état d'esprit, mais encore essentielle pour maintenir le lien entre l'armée et la nation.

La modernisation de la communication fait donc partie de ma stratégie ministérielle de réforme. Elle est déjà bien engagée au niveau de l'organisme central qu'est la délégation à l'information et à la communication de la défense, la DICODE. Je rappelle que le budget de communication de la DICODE et de l'établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense, l'ECPA-D, a diminué de 3 % en 2006 et que des économies de 10 % en matière de fonctionnement et d'investissement ont été réalisées.

Il s'agit aujourd'hui de prolonger cet effort en le faisant porter sur les armées. L'audit est à ce titre particulièrement intéressant. Certaines de ses propositions ne posent pas de difficulté majeure. En revanche, d'autres ont suscité un certain nombre de résistances : c'est le cas de la mutualisation des rédactions des différentes revues, car chaque armée tient beaucoup à son identité, ou de la simplification de l'organisation des SIRPA.

Ces sujets sont à l'étude et des décisions seront prises au début du mois de juillet. Au demeurant, un certain nombre des suggestions de l'audit ont déjà été prises en compte.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Madame la ministre, la dynamique économique et militaire des États dépend de plus en plus de l'innovation. À cet égard, l'exemple des États-Unis est bien connu, avec les interventions massives de la DARPA, la Defense advanced research projects agency, et de la sécurité intérieure dans le domaine des recherches duales.

En France, le Gouvernement a agi dès 2005, avec la création des nouvelles agences et l'élaboration de la loi de programme pour la recherche, mais les montants affectés ne correspondent pas à une vraie rupture ou au sursaut nécessaire.

Votre engagement en faveur de la recherche duale, que vous venez de confirmer après l'avoir annoncé en réponse à une question orale que je vous avais posée voilà plus d'un an, m'amène à vous demander si vous pouvez préciser les chiffres pour 2005 et nous fournir d'éventuelles données supplémentaires concernant 2006 et 2007.

Inscrire la recherche duale au rang des priorités serait sage, car cela permettrait au premier investisseur de France de labelliser certains projets émanant de pôles de compétitivité. Une telle démarche présenterait l'intérêt de faire cofinancer par l'industrie privée nombre de projets, et donc - ce cofinancement étant généralement de l'ordre de 70 % - de renforcer grandement la recherche duale tout en dynamisant les pôles de compétitivité, qui ont l'avantage d'être largement répartis sur le territoire, et en associant PME et institutions universitaires et de recherche. En conséquence, la communication du ministère de la défense en direction de ces milieux serait rendue beaucoup plus facile.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Nous consacrons, en 2006, 3,7 milliards d'euros aux dépenses de recherche et de développement, ce qui représente une contribution très importante, souvent ignorée, du ministère de la défense à l'effort général de recherche et de développement de notre pays.

Les pôles de compétitivité, auxquels nous prenons une part importante, sont un autre exemple de notre implication dans la préparation de l'avenir de notre pays. Nous y participons par nos centres de recherche, par nos écoles, par un certain nombre de nos entreprises, comme DCN. Par là même, nous mettons en oeuvre une synergie avec les autres acteurs.

Au-delà, le problème est de convaincre, comme vous le souhaitez, le secteur privé de participer un peu plus à cet effort de recherche. Cependant, cette question ne relève pas directement du domaine qui nous intéresse.

Je me bornerai à faire observer que, au travers de la politique de développement de démonstrateurs, j'ai mis en place, à l'adresse tant des autres pays européens que des entreprises, une démarche par laquelle l'État apporte une contribution financière relativement importante à des programmes, à condition que d'autres acteurs s'engagent à leur tour.

C'est là, me semble-t-il, une voie intéressante parce que très incitative. Au-delà, nous attendons de l'Agence européenne de défense, dont c'est l'une des missions principales, qu'elle joue tout son rôle en matière de coordination et de développement de la recherche.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, et des précisions qu'elle comporte.

Il convient effectivement de renforcer la dynamique que nous avons évoquée, grâce à un certain nombre de pôles de compétitivité, notamment le pôle « mer », auquel participe DCN, et les pôles liés au Commissariat à l'énergie atomique, qui sont financés en partie par votre ministère. Je préside d'ailleurs, en ce qui me concerne, le pôle de compétitivité « solutions communicantes sécurisées ». Il me paraît également important de prendre en considération l'apport des collectivités territoriales.

En tout état de cause, il serait intéressant, me semble-t-il, d'accroître et de mieux faire connaître votre implication dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. La lecture de ce projet de loi de règlement, s'agissant de l'exécution des crédits de la défense pour 2005, fait apparaître des divergences sensibles entre la consommation des crédits affectés et les objectifs affichés.

Cela est tout particulièrement vrai en ce qui concerne la préparation opérationnelle des forces.

En effet, nos trois armées et la gendarmerie ont quelques difficultés à atteindre les objectifs d'activité qui leur sont assignés par la loi de programmation militaire.

Si l'entraînement de l'armée de terre a pu connaître une légère progression en 2005, avec 96 jours d'activité pour les forces et 160 heures de vol pour les pilotes de l'aviation légère de l'armée de terre, la loi de programmation militaire avait néanmoins défini une norme de 180 heures de vol pour les pilotes d'hélicoptère.

L'armée de l'air n'a pas, elle non plus, pleinement atteint ses objectifs. Les pilotes de chasse et de transport ont ainsi effectué, en moyenne, 170 et 279 heures de vol, contre 180 et 400 heures programmées.

En ce qui concerne la marine, si elle parvient à assurer une activité de 92 jours à la mer en moyenne, il faut garder à l'esprit que la loi de programmation militaire prévoyait 8 jours de plus. Encore faut-il noter que l'activité de la flotte a été limitée afin de ne pas trop puiser dans les stocks de carburants, dont les prix, on le sait, ne cessent d'augmenter. En revanche, les pilotes de chasse ont dépassé largement leurs objectifs, avec 183 heures de vol en moyenne.

Enfin, en ce qui concerne la gendarmerie, les personnels n'ont pas suivi les 35 journées d'instruction prévues. Du fait de l'intensité et de la multiplicité de leurs tâches, ils n'ont pu en accomplir que 25.

J'arrête là cette énumération, qui traduit tout de même quelques manques dans le respect de la loi de programmation militaire. Comme vous le savez, madame la ministre, ces lacunes sont souvent douloureusement ressenties au sein même de l'institution militaire.

Cela étant, loin de moi l'idée de peindre tout en noir ou d'insinuer que nos troupes seraient mal préparées ; toutefois, vérifier a posteriori la bonne utilisation des crédits ne présente d'intérêt que si l'on en tire des enseignements.

Je voudrais donc savoir, madame la ministre, quelles mesures vous comptez prendre à l'avenir pour améliorer la situation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Bret, nous sommes partis d'une situation très mauvaise, que nous améliorons d'année en année.

En effet, en 2002, les crédits prévus étaient insuffisants, en particulier pour assurer l'entretien des matériels. Par conséquent, comme les matériels n'étaient pas disponibles, les heures d'entraînement ne pouvaient être effectuées. Telle était la situation que j'ai trouvée en 2002, et que j'ai essayé d'améliorer les années suivantes, jusqu'à aujourd'hui.

En 2005, globalement, les objectifs d'entraînement ont été respectés à concurrence de 95 %. Je ne reprendrai pas ce que vous avez dit à cet égard, notamment en ce qui concerne les pilotes de chasse et les pilotes d'hélicoptère.

Pourquoi les objectifs n'ont-ils pu être respectés à 100 % en 2005 ?

Tout d'abord, on ne rattrape pas le retard pris, en matière de maintien en condition opérationnelle, d'une année sur l'autre. Nous améliorons la situation chaque année, mais tout n'est pas encore parfait, parce que nous sommes partis de très loin !

Par ailleurs, nous avons dû assumer une activité très soutenue au titre des OPEX et, s'agissant de la gendarmerie, des opérations intérieures. Je vous remercie d'avoir souligné ce dernier point, monsieur Bret.

Enfin, l'envol des prix des carburants a constitué pour nous une surprise en 2005. Nous avons partiellement desserré cette contrainte, grâce à l'effort budgétaire que nous avons consenti sur ce poste, qui représente quelque 300 millions d'euros par an, je le rappelle, et au dispositif de couverture du « risque pétrole », que nous avons mis en oeuvre en septembre 2005. Cela nous permet d'améliorer la situation, comme vous pourrez le constater en 2006.

Cela étant, je tiens à le dire par volonté de transparence à l'égard de la représentation nationale, le problème n'est pas totalement réglé. Ce sujet méritera une attention particulière à l'avenir, notamment au cours de l'élaboration du budget de 2007.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. J'ai bien entendu vos propos sur l'« héritage » et sur le fait que vous êtes partie de très loin, les crédits affectés à l'entretien des matériels étant insuffisants en 2002, lorsque vous avez pris vos fonctions.

Je relève également l'importance que vous attachez à la préparation opérationnelle de nos forces et au fait que les objectifs d'entraînement fixés par la loi de programmation militaire ont été respectés à hauteur de 95 % en 2005.

Je tiens compte des contraintes que vous avez rappelées voilà un instant, notamment l'envol des prix des carburants, qui ont une incidence déterminante sur les capacités opérationnelles de nos forces navales et aériennes.

Cela étant, la situation que nous connaissons n'est-elle pas aussi due aux nombreuses interventions de nos forces sur les théâtres d'opérations extérieurs, qui représentent une dépense de 560 millions d'euros par an ? La question qui se pose à nous est peut-être la suivante, madame la ministre : les moyens, notamment financiers, dont nous disposons sont-ils à la hauteur de nos ambitions ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il y aurait beaucoup à dire sur l'exécution du budget de 2005, notamment pour ce qui concerne l'équipement de la marine nationale et les programmes d'armement dévolus à DCN.

Lorsque la Cour des comptes avait examiné le contrat d'entreprise régissant les relations entre DCN et l'État pour les années 2003 à 2008, elle avait conclu que ce contrat reposait sur un carnet de commandes évalué à près de 9 milliards d'euros, comprenant, à parts quasiment égales, des constructions neuves et des opérations de maintien en condition opérationnelle des bâtiments de la marine nationale.

Parmi les programmes de construction prévus par la loi de programmation militaire et le contrat d'entreprise, il en est un qui cumule les retards : je veux parler, madame le ministre, du programme Barracuda. Comme le montrent les tableaux d'exécution du budget, ce sont, pour ce seul programme, plus de 1,1 milliard d'euros d'autorisations de programme qui, en 2005, sont restés non affectés.

Madame le ministre, vous assurez que ce programme n'est pas remis en cause. Je n'en doute pas, et je vous remercie d'ailleurs d'avoir régulièrement reçu les parlementaires de la région de Cherbourg pour évoquer avec eux ce dossier.

Cependant, les propos du président-directeur général de DCN sont moins optimistes : devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, comme lors de sa visite à Cherbourg, le 16 juin dernier, il a manifesté de réelles inquiétudes. Il reconnaît ainsi que des baisses d'effectifs sont à craindre, du fait des retards que j'ai évoqués et d'un bras de fer budgétaire qui devra cesser au plus vite, même si je comprends tout à fait votre position.

Le programme Barracuda représentera, dans les années à venir, 70 % de la charge de travail du site de DCN à Cherbourg. Il revêt donc une importance capitale pour les salariés concernés et présente un caractère d'urgence : DCN, qui a remis à la fin du mois d'avril une troisième offre à la direction générale de l'armement, souhaite obtenir la commande d'une première tranche ferme - développement du sous-marin et commande du premier bâtiment - et la confirmation des tranches conditionnelles à raison d'un sous-marin tous les dix-huit mois ou deux ans.

Ces inquiétudes ne seront levées que lorsque le contrat aura été signé. Il avait été question de juin 2006, mais vous évoquez maintenant la fin de 2006. J'aimerais savoir quelle est la véritable échéance. Le retard pris en 2005 pourra-t-il être rattrapé ? J'en doute, madame le ministre. Quelle incidence cela aura-t-il sur le remplacement des bâtiments en service et sur le plan de charge de DCN ?

Pour conclure, je m'écarterai quelque peu de la discussion du projet de loi de règlement.

Parmi les dossiers qui pourraient permettre de palier les sous-charges inévitables induites par les retards accumulés, il en est un qui pourrait être important pour DCN, celui des sous-marins pour la marine pakistanaise. Selon la revue Defense news, votre ministère vient de donner son accord pour que la société ARMARIS propose au Pakistan la livraison de trois sous-marins, ce qui lève une barrière bureaucratique, voire diplomatique, contrariant les efforts d'exportation de cette entreprise, qui souhaite vendre des sous-marins de type Marlin. Pouvez-vous nous le confirmer, madame le ministre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Godefroy, il est de ma responsabilité de bien gérer les deniers de l'État, qui sont, ne l'oublions pas, le produit de l'impôt. Je ne puis donc admettre que l'on me présente un programme dont le coût a brusquement doublé ! Ce n'est pas sérieux, et c'est ce que je ne cesserai de dire aux industriels. Je pense qu'ils ont compris ma détermination. Si l'on se déclare par avance disposé à accepter leurs propositions, on peut être certain que les prix ne baisseront pas ! En revanche, si l'on annonce que la réponse sera négative si des efforts ne sont pas consentis, comme par hasard, tout le monde devient raisonnable...

Or, ce que je souhaite, c'est précisément obtenir une proposition qui réponde à nos besoins pour un prix qui soit raisonnable. Actuellement, les études sont en cours. Il est prévu que l'on me remette, durant l'été, le dossier de lancement de réalisation. Une offre a effectivement été présentée, mais cela ne signifie pas que les discussions ne continuent pas.

Par conséquent, le dossier progresse, ce qui me permet d'être optimiste quant à la conclusion du contrat. Toutefois, il y a des points sur lesquels je ne céderai pas.

Par ailleurs, il est exact que le dossier pakistanais, après avoir été quelque peu gelé pendant un certain temps, évolue de nouveau. Cela étant, comme vous le savez, un certain nombre de procédures doivent être respectées, surtout quand il s'agit de pays sensibles. Aujourd'hui, le dossier est donc relancé. Si je ne suis pas en mesure d'annoncer ce soir qu'il est conclu, il offre néanmoins un certain nombre de perspectives d'activité.

M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.

M. Jacques Peyrat. Je souhaite vous interroger, madame le ministre, sur l'audit relatif à la reconversion dans les forces armées et, plus globalement, sur la question des personnels.

Lors de l'examen du projet de budget de la défense pour 2005, je vous avais fait part de certaines inquiétudes quant à un fléchissement des effectifs, notamment dans l'armée de terre. Vous m'aviez alors rassuré à ce sujet.

Par ailleurs, alors qu'un repyramidage avait été évoqué, j'avais insisté sur la nécessité de ne pas négliger le corps des sous-officiers, qui contribue de manière essentielle, à mon sens, à l'efficacité et à la discipline, notamment sur les théâtres d'opérations extérieurs. Ils contribuent de manière essentielle à l'efficacité et à la discipline, notamment sur les théâtres d'opérations extérieures. Je souhaiterais connaître le bilan de l'année 2005 dans ce domaine, ainsi que les perspectives pour les années suivantes.

Enfin, la question de la reconversion dans les forces armées me paraît également essentielle.

Le rapport d'audit rendu public la semaine dernière souligne que le ministère de la défense a besoin de militaires jeunes, en raison de la pénibilité physique de nombreux emplois. Par voie de conséquence, il insiste sur la nécessité d'assurer la reconversion vers des emplois civils de ceux qui quittent l'armée, alors qu'ils sont encore en âge de poursuivre une activité professionnelle.

Toujours selon cet audit, 30 000 militaires par an quittent l'armée ; de ce fait, le chômage des anciens militaires devient préoccupant, entraînant une charge budgétaire significative sur le budget de votre ministère. Cette charge était, semble-t-il, de 75,5 millions d'euros en 2004. De combien sera-t-elle en 2005 ?

Mais, au-delà de la question du niveau des crédits, je voudrais connaître les mesures que vous comptez prendre pour remédier aux dysfonctionnements constatés par l'audit et pour améliorer la performance du dispositif de reconversion, dans l'intérêt des anciens militaires, auxquels nous devons reconnaissance, mais aussi assistance lorsqu'ils retournent dans le civil.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J'ai évoqué tout à l'heure, dans mon intervention, la stabilisation des effectifs et, de ce point de vue, nous ne pouvons que nous réjouir de la responsabilité et de la souplesse que nous confère la LOLF.

La globalisation des crédits nous permet de manoeuvrer plus facilement que lorsque nous devions rester dans le cadre strict des emplois. Au cours des années passées, des inquiétudes émanant de certaines armées, relayées par certains journaux, s'étaient exprimées d'une façon plus ou moins officielle et plus ou moins « éthique ». Il n'en a pas du tout été de même cette année. Aujourd'hui, le système, qui met chacun devant ses responsabilités, permet de répondre à ces craintes.

Cela dit, vous avez eu raison de souligner que l'efficacité de nos armées soumet les personnels à un certain nombre de contraintes et de pressions, notamment en termes d'âge. Il est de notre responsabilité de nous occuper de leur reconversion.

La reconversion passe déjà par la formation que nous dispensons. L'audit a permis de relever nos difficultés et nos points forts en la matière. Je ne pourrai pas vous donner ce soir toutes les réponses aux problèmes soulevés, je me bornerai à vous faire part de certaines des observations qu'ils ont suscitées.

Le ministère est conscient de la nécessité de favoriser le reclassement grâce à un partenariat accru avec d'autres fonctions publiques, d'État ou territoriale, et avec un certain nombre de grandes entreprises, dans des secteurs d'activités ciblés ou des cercles d'entreprises locales. Nous allons développer ce partenariat.

Le coût du chômage, qui était de 75 millions en 2004, a augmenté en 2005 de plus de 11 %, pour atteindre un peu plus de 84 millions. Toutefois, un certain nombre de statistiques plus récentes nous laissent espérer une stabilisation, voire une diminution de cette dépense. Je pense que ces résultats encourageants sont directement liés à l'augmentation importante du nombre de prestations de reconversion accordées en 2005, qui sont en hausse globale de 26 % par rapport à 2004, et de 64 % pour les seuls militaires du rang.

Au-delà de ces aides et de ces indemnités, nous souhaitons donner de nouvelles perspectives professionnelles aux militaires du rang, qui, pendant les années passées dans les armées, ont acquis des compétences professionnelles et un comportement appréciés des entreprises Ils peuvent en effet faire profiter les entreprises de leur capacité de cohésion, de leur esprit d'équipe et de leur sens du service.

M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.

M. Jacques Peyrat. Les parlementaires peuvent éprouver des craintes ou des doutes. Vous savez les rassurer ; je vous en remercie, madame le ministre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question porte sur les chantiers d'externalisation.

En présentant les projets de budget pour 2004 et 2005, vous avez annoncé qu'afin de redéployer l'ensemble de nos armées sur les missions opérationnelles certains chantiers d'externalisation pouvaient être engagés. Pour 2005, deux grands chantiers et deux plus modestes étaient prévus.

Le premier grand projet concernait la gestion d'une partie du parc immobilier de la gendarmerie nationale, composé de nombreux gîtes et casernes, afin de recentrer les effectifs sur leur mission première. Le deuxième, encore plus important, était relatif à la gestion et à la maintenance d'un parc de plus de 20 000 véhicules de gamme commerciale. Les deux plus petites opérations portaient, l'une sur l'extension de la formation initiale des pilotes d'hélicoptères à Dax, qui devait être confiée à une entreprise privée, et l'autre, qui peut relever de la nouvelle théorie du partenariat public-privé, sur la rénovation, l'entretien et l'exploitation de l'École interarmées des sports de Fontainebleau.

L'examen de l'exécution du budget de 2005 montre que ces quatre opérations ont rencontré certaines difficultés. Où en est-on ? Envisagez-vous, notamment pour régler les problèmes de dépollution que vous avez évoquée lors d'une précédente réponse, d'aller un peu plus loin dans la voie du partenariat public-privé, pour mieux concentrer votre budget sur des missions opérationnelles ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Plus encore que de recentrer les militaires sur leurs missions opérationnelles, il s'agit de permettre aux personnels du ministère de la défense, qu'ils soient civils ou militaires, de pouvoir exercer véritablement les métiers auxquels ils se sentaient appelés lors de leur engagement, engagement qui revêt une signification particulière dans l'armée comparé au reste de la fonction publique.

Cette volonté n'est pas idéologique, mais elle correspond au souci de répondre à une aspiration, tout en agissant de la façon la plus pragmatique possible. Nous avons donc choisi certains lieux pour procéder à une expérimentation dont les résultats seront évalués. C'est là aussi, me semble-t-il, une bonne utilisation des deniers publics.

Je profite de l'occasion pour dire au président de la commission des finances que l'externalisation nous pose un problème budgétaire important. En effet, elle exige beaucoup plus d'autorisations d'engagement dans la mesure où l'ensemble de la dépense doit être couvert dès le départ. Il faudrait donc en tenir compte dans les budgets à venir. C'est une des causes des retards que nous avons connus, en plus des freinages de certaines administrations qui ne changent pas facilement leurs habitudes.

Nous avons cependant avancé en matière d'externalisation du parc automobile. La procédure est très lourde et il faudra réfléchir à la façon de l'accélérer.

En ce qui concerne le parc immobilier, je me suis heurtée à un certain nombre de freins et de réticences. J'ai donc décidé d'externaliser ce qui marchait le moins bien. Certains biens immobiliers appartenant à la gendarmerie étant en très mauvais état, celle-ci n'ayant pas été capable de les entretenir, j'ai dit : voyons si cela ira mieux avec le privé ! Personne ne peut rien trouver à redire à cela.

L'expérimentation a été lancée sur trois lots importants : les régions PACA, Île-de-France et Nord - Pas-de-Calais. Elle s'achèvera avant la fin de l'année 2006.

À Dax, l'opération est en cours ; elle est même bouclée. À Fontainebleau, des contacts ont été pris ; je vous communiquerai une réponse plus précise demain.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'externalisation se heurte à un problème lié à la TVA. La France est dans une position très singulière à cet égard, et j'aimerais connaître les initiatives que la France pourrait prendre au niveau communautaire pour régler enfin cette question.

Certaines situations confinent à l'absurde. Ainsi, on m'a fait savoir qu'un fournisseur d'équipements français commercialise ses produits par l'intermédiaire d'une agence située à Ulm en Allemagne. Comme l'armée allemande s'approvisionne auprès de ce revendeur, l'armée française s'est livrée à des achats auprès de lui à Ulm également, et donc hors TVA. L'administration des impôts a soumis l'entreprise à un redressement car elle a estimé que l'achat en l'Allemagne constituait une dissimulation destinée à permettre à l'armée française de ne pas payer la TVA. J'ai attiré l'attention du ministre du budget sur la situation de cette PME qui peut se trouver demain en difficulté.

Il faut absolument régler ce problème, qui pénalise l'externalisation dans la mesure où les coûts sont augmentés de la TVA, ce qui n'est pas le cas en interne. L'impact de la TVA doit donc être neutralisé au plan budgétaire, d'autant qu'il n'a pas d'effet sur l'équilibre du budget.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je souhaite remercier le président de la commission des finances de me soutenir dans une demande que je formule auprès de tous les ministres des finances et du budget depuis que je suis ministre. Nous ne pourrons pas avancer tant que la question de la TVA rendra plus coûteux les projets que nous souhaitons externaliser.

M. le président. Le débat sur l'exécution des crédits de la défense est clos.

Je mets aux voix l'ensemble de l'article 5 et du tableau D annexé.

(L'ensemble de l'article 5 et du tableau D annexé est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 6 et du tableau E annexé.

(L'ensemble de l'article 6 et du tableau E annexé est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Débat de contrôle de l'exécution des crédits de la défense (début)
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2005
Discussion générale

14

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de Mmes Annie David, Nicole Borvo Cohen-Seat, Eliane Assassi, Josiane Mathon-Poinat, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Hélène Luc, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera, François Autain et Pierre Biarnès une proposition de loi tendant à permettre la représentation par le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité devant les juridictions civiles.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 424, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de Mme Valérie Létard, M. Nicolas About, Mme Sylvie Desmarescaux et M. Jean-Marie Vanlerenberghe une proposition de loi portant réforme des minima sociaux.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 425, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

15

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la fixation des rendements des vins à appellation d'origine contrôlée pour la campagne 2006-2007.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 427, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

16

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 90/424/CEE du Conseil relative à certaines dépenses dans le domaine vétérinaire.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3176 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1321/2004 sur les structures de gestion des programmes européens de radionavigation par satellite.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3177 et distribué.

17

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les apports de la science et de la technologie au développement durable, Tome I : Changement climatique et transition énergétique : dépasser la crise, établi par MM. Pierre Laffitte et Claude Saunier, sénateurs, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le rapport sera imprimé sous le n° 426 et distribué

18

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jean Bizet un rapport d'information, fait au nom de la commission des affaires économiques et du groupe de travail chargé de suivre le déroulement des négociations commerciales multilatérales au sein de l'OMC, sur le déroulement des négociations à l'Organisation mondiale du commerce.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 423 et distribué.

19

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 28 juin 2006 à quinze heures et le soir :

1. Examen d'une demande présentée par la commission des affaires culturelle tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information portant sur la diversité sociale et l'égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles.

2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 417, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2005.

Rapport (n° 418, 2005-2006) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Avis des commissions des affaires culturelles, des affaires économiques, des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Débats de contrôle de l'exécution des crédits : (à l'occasion de l'examen des articles 3 et 4)

- Administration générale et territoriale de l'Etat

- Écologie et développement durable

- Sport, jeunesse et vie associative

Ces débats seront organisés selon le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs de groupes.

Aucune inscription de parole dans les débats n'est plus recevable.

Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation, sur les finances publiques et les finances sociales ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les débats : mercredi 28 juin 2006, à dix-sept heures.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes (n° 398, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 28 juin 2006, à dix-sept heures

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 27 juin 2006, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 28 juin 2006, à zéro heure quarante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD