sommaire

présidence de M. Roland du Luart

1. Procès-verbal

2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

3. Conseil européen des 15 et 16 juin 2006. - Débat sur une déclaration du Gouvernement

MM. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères ; Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères ; Hubert Haenel, président de la Délégation pour l'Union européenne.

MM. Denis Badré, Didier Boulaud, Jacques Blanc, Aymeri de Montesquiou, Bruno Retailleau, Robert Bret.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes.

Clôture du débat.

Suspension et reprise de la séance

4. Immigration et intégration. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. François Baroin, ministre de l'outre-mer.

Article 67 (priorité)

Mmes Lucette Michaux-Chevry, Gélita Hoarau, Catherine Tasca, M. le ministre.

Amendements identiques nos 266 de M. Bernard Frimat et 459 de Mme Eliane Assassi. - M. Bernard Frimat, Mme Gélita Hoarau, MM. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; François Baroin, ministre de l'outre-mer ; Mme Lucette Michaux-Chevry. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 68 (priorité)

Amendement no 460 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 69 (priorité). - Adoption

Article 70 (priorité)

Amendements nos 461 de Mme Eliane Assassi et 91 rectifié de M. Georges Othily. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement no 461 ; adoption de l'amendement no 91 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 71 (priorité)

Amendements nos 500 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 90 rectifié ter et 93 rectifié bis de M. Georges Othily. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre, Bernard Frimat, Christian Cointat. - Rejet de l'amendement no 500 ; adoption des amendements nos 90 rectifié ter et 93 rectifié bis.

Adoption de l'article modifié.

Article 72 (priorité)

Amendement no 462 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 72 bis (priorité). - Adoption

Article 72 ter (priorité)

Amendements nos 69 rectifié de la commission et 94 rectifié bis de M. Daniel Marsin. - MM. le rapporteur, Georges Othily, le ministre. - Retrait de l'amendement no 94 rectifié bis ; adoption de l'amendement no 69 rectifié rédigeant l'article.

Articles additionnels après l'article 72 ter (priorité)

Amendement no 88 rectifié de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendements nos 97 rectifié et 89 rectifié de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux amendements.

Amendement no 92 rectifié de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 256 rectifié de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 95 rectifié de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 96 rectifié de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendements nos 255 rectifié bis et 253 rectifié de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux amendements.

Amendement no 254 rectifié de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 73 (priorité)

Amendement no 463 de Mme Eliane Assassi. - Mme Gélita Hoarau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 74 (priorité)

Amendement no 464 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 75 (priorité)

Amendements identiques nos 502 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery et 465 de Mme Eliane Assassi ; amendements nos 70 et 71 de la commission. - Mmes Alima Boumediene-Thiery, Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements nos 502 rectifié et 465 ; adoption des amendements nos 70 et 71.

Adoption de l'article modifié.

Article 76 (priorité)

Amendement no 466 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Articles 76 bis et 76 ter (priorités). - Adoption

Article 77 (priorité)

Amendement no 467 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 78 (priorité)

Amendements nos 468 de Mme Eliane Assassi et 72 de la commission. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement no 468 ; adoption de l'amendement no 72.

Adoption de l'article modifié.

Article 79 (priorité)

Amendement no 469 de Mme Eliane Assassi. - Mme Gélita Hoarau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Philippe richert

Article 24 bis

Mme Alima Boumediene-Thiery.

Amendements identiques nos 176 de M. Bernard Frimat et 369 de Mme Eliane Assassi ; amendements nos 39 de la commission, 119 rectifié et 116 rectifié bis de Mme Muguette Dini. - M. Pierre-Yves Collombat, Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, Yves Détraigne, Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Rejet des amendements nos 176 et 369 ; adoption des amendements nos 39, 119 rectifié et 116 rectifié bis.

Adoption de l'article modifié.

Article 25

Amendement no 370 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi. - Retrait.

Amendement no 40 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 25 bis

Amendement no 177 de M. Bernard Frimat. - Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 26

Mmes Alima Boumediene-Thiery, Monique Cerisier-ben Guiga.

Amendements identiques nos 178 de M. Bernard Frimat et 371 de Mme Eliane Assassi ; amendements nos 479 de M. Yves Pozzo di Borgo, 179, 180 de M. Bernard Frimat, 372 de Mme Eliane Assassi et 127 rectifié bis de Mme Muguette Dini. - M. Jean-Pierre Sueur, Mme Éliane Assassi, MM. Yves Pozzo di Borgo, Yves Détraigne, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Retrait des amendements nos 127 rectifié bis et 479 ; rejet des amendements nos 178 et 371, 179 et 372 ; adoption de l'amendement n° 180.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 26

Amendement no 373 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Article 26 bis

Amendements identiques nos 181 de M. Bernard Frimat et 374 de Mme Eliane Assassi ; amendement no 85 rectifié bis de M. Jean-Patrick Courtois. - M. Pierre-Yves Collombat, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Patrick Courtois, le rapporteur, le ministre délégué, Alain Vasselle, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme Bariza Khiari. - Rejet des amendements nos 181 et 374 ; adoption de l'amendement n° 85 rectifié bis.

Adoption de l'article modifié.

Article 27

Mme Bariza Khiari.

Amendements identiques nos 182 de M. Bernard Frimat et 375 de Mme Eliane Assassi ; amendements nos 376 et 377 de Mme Eliane Assassi. - M. Jean-Pierre Sueur, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Rejet des amendements nos 182, 375, 376 et 377.

Adoption de l'article.

Article 28

Amendements identiques nos 183 de M. Bernard Frimat et 378 de Mme Eliane Assassi ; amendements nos 184 à 186 de M. Bernard Frimat, 379 et 380 de Mme Eliane Assassi. - Mme Bariza Khiari, MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Rejet des amendements nos 183, 378, 184, 185, 379, 186 et 380.

Adoption de l'article.

Article 29

Amendements nos 381 de Mme Eliane Assassi et 187 de M. Bernard Frimat. - Mme Éliane Assassi, MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait de l'amendement no 381 ; rejet de l'amendement no 187.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 29

Amendement no 382 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Article 29 bis

Amendement no 41 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 29 ter

Amendement no 383 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 29 quater

Amendement no 384 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 29 quater

Amendement no 141 rectifié de M. Philippe Goujon. - MM. Philippe Goujon, le rapporteur, le ministre délégué, Pierre-Yves Collombat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Renvoi de la suite de la discussion.

5. Transmission d'un projet de loi

6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

7. Dépôt de rapports

8. Dépôt d'un rapport d'information

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉPÔT D'UN RAPPORT du gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité pour la période 2005-2015, en application de l'article 6 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires économiques.

3

CONSEIL EUROPÉEN DES 15 ET 16 JUIN 2006

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 15 et 16 juin 2006.

Comme vous le savez, le Sénat a été unanime à souhaiter que les réunions du Conseil européen soient précédées d'un débat afin que nous puissions faire le point, à l'intention du Gouvernement, sur les principaux enjeux qui seront évoqués à Bruxelles.

Avant de donner la parole à M. le ministre des affaires étrangères, je tiens à vous transmettre les regrets de notre président, M. Christian Poncelet, qui ne peut présider cette séance car il reçoit en ce moment le Premier ministre israélien, M. Ehud Olmert.

La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, dès demain, avec Catherine Colonna, j'accompagnerai le Président de la République à Bruxelles pour la réunion du Conseil européen. Conformément à l'engagement pris il y a un an, je suis heureux de pouvoir évoquer en détail avec vous les différents volets de cette échéance importante pour l'Europe et pour notre pays.

Malgré les doutes et les interrogations, l'Europe fonctionne aujourd'hui et continue d'avancer, malgré aussi les critiques trop souvent injustes qui lui sont adressées. Depuis un an, la France a pleinement joué son rôle d'incitation et de proposition sur ce chemin marqué, ces derniers mois, par de nombreuses initiatives.

J'en veux pour preuve les résultats importants que nous avons obtenus : d'abord, les perspectives budgétaires européennes qui ont été adoptées pour la période 2007-2013 assureront le financement équitable de l'élargissement tout en préservant les politiques auxquelles nous tenons, en particulier la politique agricole commune ; ensuite, la proposition de directive sur les services a été entièrement révisée, permettant de préserver nos services publics et d'abandonner le principe du pays d'origine ; enfin, les premiers jalons d'une véritable politique européenne de l'énergie ont été posés.

Bien sûr, chacun d'entre nous le sait, d'autres avancées sont indispensables si nous voulons répondre de manière efficace aux préoccupations légitimes de nos concitoyens. C'est dans cet esprit que la France abordera le prochain Conseil européen, qui peut, si nous en avons la volonté, apporter de nouveaux progrès concrets et permettre le retour de la confiance auquel nous travaillons inlassablement depuis un an.

Sur la question du traité constitutionnel, les chefs d'État ou de gouvernement ont décidé, il y a un an, d'une période de réflexion pour procéder à une appréciation d'ensemble des débats nationaux et convenir de la suite à donner au processus.

Quinze États membres ont en effet procédé à la ratification du traité, dont cinq depuis le mois de juin 2005. Plusieurs pays ont parallèlement choisi de ne pas se déterminer. Tel est l'état des lieux qui s'impose aujourd'hui : il implique de tenir compte de la décision prise par quinze de nos partenaires, tout comme, évidemment, du vote des électeurs français et néerlandais.

Dans ce contexte, notre responsabilité consiste à donner à l'Union élargie les moyens d'être plus efficace, plus transparente et plus démocratique, dans le respect du vote du 29 mai. Nous attendons ainsi du Conseil européen de cette semaine qu'il décide de délais raisonnables pour la poursuite de la « période de réflexion », au terme desquels des propositions concrètes devront être faites.

Comme l'ont dit il y a quelques jours le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel, nous souhaitons que la future présidence allemande soit en mesure de présenter des propositions, au premier semestre de l'année prochaine, pour que des décisions puissent être prises ensuite, notamment pendant la présidence française au second semestre 2008.

Chacun sait en effet qu'une réforme du cadre institutionnel européen reste plus que jamais nécessaire, étant donné l'élargissement à vingt-cinq, et bientôt vingt-sept pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'autre grand défi que nous devons relever consiste à restaurer la confiance, c'est-à-dire, avant toute chose, faire de l'Union un projet partagé et compris. La France, depuis un an, travaille à apporter des réponses concrètes aux attentes exprimées par les citoyens : c'est l'Europe des projets, une Europe pragmatique, comme l'a souhaité le Premier ministre dans son discours à l'université Humboldt de Berlin, une Europe qui fait la preuve de sa valeur ajoutée.

Le prochain Conseil européen sera l'occasion de poser de nouveaux jalons. Je pense à la dimension extérieure de la politique européenne de l'énergie, un enjeu stratégique pour l'avenir. Nous aurons l'occasion d'examiner sur ce point une contribution soumise par Javier Solana, conjointement avec la Commission.

Je pense aussi aux progrès qui peuvent être accomplis sur les questions migratoires, sujet sensible s'il en est. Depuis plusieurs semaines, les îles Canaries doivent faire face à des arrivées massives de migrants. Là aussi, nous attendons du Conseil européen de cette semaine qu'il donne les impulsions nécessaires pour permettre à la solidarité européenne de s'exprimer concrètement.

Car la question migratoire n'est évidemment pas le problème de l'Espagne, c'est celui de l'Union européenne dans son ensemble. Dans ce contexte, nous attendons beaucoup aussi de la conférence sur les migrations et le développement, qui aura lieu à Rabat les 10 et 11 juillet prochains. Cette conférence est organisée sur l'initiative de l'Espagne, du Maroc et de la France. C'est pour nous l'occasion de confronter les points de vue, en envisageant la question migratoire à travers les préoccupations des pays d'origine de l'immigration, des pays d'accueil et des pays qui voient transiter sur leur territoire un nombre de plus en plus croissant de migrants en route vers l'Europe.

Pour avancer sur l'ensemble de ces sujets, nous devons envisager avec lucidité toutes les options aujourd'hui ouvertes afin de préserver la capacité d'action et de décision de l'Union.

C'est la raison pour laquelle la France a présenté des propositions permettant d'apporter, dès à présent, des améliorations au cadre institutionnel, dans le cadre des traités existants. Catherine Colonna a pris une part active dans ces initiatives et nos idées ont reçu un accueil généralement positif. Nous disposons donc d'une base, d'un consensus, sur lequel le Conseil européen peut s'appuyer pour fixer un certain nombre d'orientations communes. J'en citerai trois.

La première orientation, et je sais que vous y êtes particulièrement attachés, concerne les Parlements nationaux qui doivent être associés de manière bien plus étroite aux processus de décision.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Ce n'est pas gagné !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. La seconde orientation concerne le renforcement de la cohérence de l'action extérieure : il s'agirait de confier à Javier Solana, le Haut Représentant de l'Union pour la politique étrangère et de sécurité commune, des mandats précis afin que l'Europe tienne toute la place qui lui revient sur la scène internationale - je pense en particulier au récent déplacement de Javier Solana à Téhéran, pour y représenter non seulement l'Union européenne, mais également la communauté internationale ; je pourrais également parler du Proche-Orient.

Enfin, troisième orientation : la sécurité intérieure, qui doit être renforcée et consolidée dans son efficacité, notamment dans certains domaines soigneusement choisis de la coopération policière et pénale.

La dernière question que je tiens à aborder avec vous aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, porte sur la question de l'élargissement, qui sera discutée au Conseil européen. Cette question, nous le savons, a motivé nombre des inquiétudes qui se sont exprimées le 29 mai 2005.

Trop souvent, dans le passé, les Français ont eu le sentiment d'un élargissement trop rapide, non maîtrisé, préjudiciable au projet européen lui-même.

Nous devons apporter des réponses claires et précises à cette préoccupation, que le commissaire européen Olli Rehn qualifie de « fatigue de l'élargissement ».

Les futurs élargissements doivent être vécus comme un choix. C'est là un impératif majeur, et c'est précisément pourquoi notre pays a décidé de les soumettre, dorénavant, à référendum.

Dans ces conditions, il est impératif de mieux prendre en compte la capacité de l'Union à « assimiler » de nouveaux membres. Nous le disons clairement à nos partenaires : le rythme des élargissements futurs doit intégrer la prise en compte de cette capacité d'assimilation de l'Union. Ce qui implique de répondre à des questions simples : dans une Union à trente ou plus, quelle sera la nature des politiques communes ? Quelles seront les modalités du financement futur ? Quelles seront les nouvelles institutions ? Quel sera, enfin, au vu des réponses apportées à ces questions, le soutien apporté par les citoyens, sachant qu'ils attendent d'être mieux associés aux décisions clés qui engagent leur avenir ?

Vous le voyez, il ne s'agit pas de remettre en cause les engagements que nous avons contractés, notamment la perspective européenne des Balkans occidentaux. Mais l'Europe, c'est une évidence, ne se fera pas sans les peuples de l'Union ni sans l'engagement des citoyens qui la composent. À nous de leur apporter des réponses adaptées.

Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux objectifs que la France entend faire valoir avec force, dès demain, à Bruxelles.

En conclusion, vous me permettrez de rendre hommage, d'un mot, à la présidence autrichienne, qui, tout au long des derniers mois, en dépit d'un contexte difficile, a su mener les travaux de l'Union avec intelligence, dynamisme et efficacité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Le Conseil européen s'ouvrant demain doit examiner deux questions décisives pour l'Union européenne : la stratégie d'élargissement et le sort du traité constitutionnel, ou tout au moins du contenu de celui-ci, au terme de la période de réflexion ouverte par son rejet par la France et par les Pays-Bas.

Sur ces deux sujets, le débat devrait se poursuivre. Après la réunion des ministres des affaires étrangères qui s'est tenue à Vienne les 27 et 28 mai derniers, une prolongation de la période de réflexion s'est imposée.

S'agissant de l'élargissement, la Commission européenne travaille sur les critères d'adhésion, et, singulièrement, sur demande française, sur celui qui concerne la capacité de l'Union à assimiler de nouveaux membres.

Cette prolongation des débats illustre l'incertitude qui marque l'Europe aujourd'hui, mais cette réflexion est indispensable.

En effet, aucun consensus ne paraît pouvoir se dégager dans l'immédiat. Il n'est pas concevable que la France et les Pays-Bas reprennent le processus de ratification. Les sondages récents nous montrent que la position des Français n'a pas changé, et le débat dans le pays n'a pas évolué.

Faut-il, alors, faire le deuil de l'ambition portée par le traité ? Faut-il l'enterrer dignement et passer à autre chose, ainsi que le préconisent notamment les tenants d'une Europe limitée au seul marché intérieur ? Évidemment non, et pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, parce que le processus de ratification peut, théoriquement, se poursuivre. Par ailleurs, les États ayant ratifié le texte, comme nos partenaires allemands, sont attachés, ainsi que l'a rappelé Mme Merkel, au traité constitutionnel, et peinent à comprendre pourquoi le refus de deux États, fussent-ils des membres fondateurs, devrait peser davantage que leur propre engagement.

Ensuite, parce que le traité constitutionnel lui-même invite le Conseil européen à se saisir des difficultés de ratification et à rechercher une solution, dès lors qu'un nombre significatif d'États membres auront ratifié le texte, ce qui pourrait être bientôt le cas.

Enfin, le traité de Nice, conçu pour une Europe à vingt-sept, nous oblige, en tout état de cause, à une réforme institutionnelle, notamment à celle de la Commission, à l'horizon de 2009. Le statu quo n'est donc pas envisageable.

Ce constat étant posé, les réponses à apporter divergent.

Entre les tenants d'une renégociation du traité et ceux qui souhaitent son maintien en l'état, il existe un espace de compromis. Il s'agit non pas d'opérer une « ratification rampante » du traité, qui verrait la mise en application discrète de certaines de ses dispositions, ce qui serait légitimement mal perçu par les citoyens et risquerait en même temps de nuire à l'équilibre défini par le traité, mais bien d'utiliser la phase de réflexion qui se poursuit pour tenter de préserver les avancées institutionnelles qu'il prévoyait, et dont certaines sont indispensables au projet européen.

Vous nous direz, monsieur le ministre, comment la France, dans son dialogue avec ses partenaires et avec ses citoyens, entend aborder cette nouvelle période, et avec quels objectifs.

Dans cette perspective, nous devons travailler dans deux directions. On a beaucoup, et légitimement, évoqué l'Europe des projets, pour montrer ce que la construction européenne peut apporter concrètement aux citoyens, notamment dans les domaines de l'emploi et des questions sociales, où leurs attentes sont fortes.

Cela étant, nous avons aussi, et peut-être surtout, besoin d'une ambition. J'ai la conviction que nous devons également développer de tels projets dans les domaines de la politique étrangère et de la défense, qui sont notre horizon pour l'Europe et que vous avez d'ailleurs pris pour exemples à l'instant.

Dans l'esprit des citoyens, cette Europe existe déjà, c'est pourquoi ils sont prompts à regretter ses insuffisances. Faisons cependant le pari que l'Union européenne peut contribuer à la stabilité en Afrique, comme elle s'apprête à le faire au Congo, qu'elle peut mener à bien l'immense tâche entreprise dans les Balkans, qu'elle peut faire entendre une voix attendue, écoutée et respectée sur la scène internationale. Développons les échanges sur ces sujets, afin de produire l'analyse commune qui fait actuellement défaut, en esquissant peut-être la mise en place du service diplomatique européen et du ministre européen des affaires étrangères. Nous vous rejoignons sur ce point, monsieur le ministre. C'est sur ces terrains que l'Union européenne démontrera qu'elle n'a pas laissé de côté son ambition politique. C'est aussi sur ces terrains-là que la cohérence de l'action internationale de l'Union doit être améliorée.

J'ajoute que, s'agissant de la défense européenne, son articulation avec l'OTAN, en termes de concurrence ou de complémentarité, reste au coeur du débat. On peut craindre que le sommet consacré aux futures missions de l'OTAN qui se tiendra à Riga dans quelques mois n'illustre les divergences entre ceux qui sont, au sein même de l'Union, les principaux acteurs de la défense européenne.

Par ailleurs, monsieur le ministre, certains sujets de l'actualité internationale feront sûrement l'objet d'une discussion au sein du Conseil européen, comme la question du nucléaire iranien ou celle, tout aussi complexe, de l'aide européenne à la population palestinienne, et même, au-delà, d'une approche européenne spécifique de ce conflit, plus que souhaitable aujourd'hui, au moment où le chaos menace. Peut-être pourrez-vous nous dire tout à l'heure quels seront, sur ces questions, les axes de la position défendue par la France.

Quoi qu'il en soit, de même que l'Europe n'est pas la source de tous nos maux, elle n'est pas non plus la réponse systématique à tous nos besoins. C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer une dynamique dans notre propre pays et de poursuivre nos efforts en matière de réformes. L'Europe nous y incite, et peut nous y aider. Forts d'une confiance retrouvée dans la capacité de notre pays à prendre toute sa place dans la dynamique de l'économie mondiale et à créer de la richesse et de l'emploi, nos concitoyens porteront un regard différent sur le projet européen et accepteront mieux de lui donner les moyens de progresser.

Cela m'amène au second sujet, celui de l'élargissement de l'Union européenne.

La réunification de l'Europe, en mai 2004, qui devrait être parachevée par l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, a été accueillie par nos concitoyens avec sympathie.

À l'évidence, si l'on se réfère à la teneur des débats auxquels a donné lieu le référendum, les autres élargissements annoncés sont davantage perçus comme une fuite en avant et comme une alternative à l'approfondissement. Si nous n'y prenons pas garde, pour reprendre les termes de Mme Ferrero-Waldner, commissaire européen chargé des relations extérieures, « les citoyens ne nous suivront plus », avec les conséquences que la règle constitutionnelle du recours au référendum implique dans notre pays. L'élargissement ne peut plus être seulement l'instrument idéal d'une politique étrangère européenne ; il est désormais un enjeu politique tout court, avec les exigences de pédagogie, d'explications que cela suppose pour nous tous, responsables politiques nationaux.

La réforme institutionnelle et l'élargissement sont interdépendants. L'adhésion à l'Union européenne a été et reste un réel moteur pour promouvoir les réformes démocratiques et réduire l'instabilité, mais celle-ci n'a pas disparu en Europe. Le référendum qui vient de se tenir au Monténégro a été une nouvelle étape du morcellement de l'ex-Yougoslavie, et l'avenir des négociations sur le Kosovo nous dira si ce processus risque ou non de se poursuivre encore.

Cependant, la paix et la stabilité ne découlent pas de la seule adhésion. Elles sont aussi le fruit de la dynamique d'un projet et de la volonté de travailler ensemble, que seules des institutions solides et une Europe sûre d'elle-même et de ses capacités peuvent garantir.

Que dire d'une Union dont la nature serait bouleversée par l'adhésion d'un pays candidat ? Que dire d'une Union dont les politiques de solidarité seraient remises en cause par l'arrivée d'États qui en espèrent précisément le bénéfice ? Que dire d'une institution paralysée par l'adhésion de pays qui comptent sur son action et sa dynamique ? C'est là, je crois, le sens des interrogations de nombre de nos compatriotes sur l'élargissement : le projet européen est riche de promesses, il nous appartient de les tenir.

Dans la crise que traverse actuellement l'Union européenne, toutes les options restent ouvertes. L'Allemagne et la France se sont accordées sur de nouvelles échéances et poursuivent la discussion sur la méthode. Sans apporter de réponse immédiate, le Conseil européen devrait s'efforcer de redonner un cap au navire européen : c'est ce que nous en attendons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le Conseil européen des 15 et 16 juin sera la conclusion de la présidence autrichienne : une présidence sans doute peu spectaculaire, mais utile, constructive, concrète, et très ouverte aux autres. Quand on songe aux procès d'intention que nous faisions à ce pays il n'y a pas si longtemps, cela devrait nous inciter à plus de prudence et de discernement dans nos jugements sur nos partenaires.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Comme à l'accoutumée, beaucoup de sujets - trop, peut-être - sont inscrits à l'ordre du jour du Conseil européen. Je souhaiterais centrer mon propos sur un seul : la subsidiarité.

Déjà, la présidence néerlandaise avait engagé une réflexion de fond sur le problème de la subsidiarité. La présidence autrichienne a poursuivi cette réflexion. Cela a fait apparaître un très large consensus pour estimer qu'un meilleur contrôle de la subsidiarité et de la proportionnalité constituait une des voies à suivre pour répondre au malaise actuel des opinions publiques.

Au moment de la campagne référendaire, j'ai participé à près de 120 réunions en faveur du traité constitutionnel, et j'ai constaté que beaucoup d'électrices et d'électeurs ne se retrouvaient pas dans la manière dont l'Europe fonctionnait et intervenait.

Il y a des domaines où l'on trouve que l'Europe n'en fait pas assez, par exemple la politique étrangère, la coopération judiciaire et policière, ou encore l'harmonisation des règles sociales.

En revanche, il y a des domaines où l'on trouve que l'Europe en fait trop : personne ne comprend ce qui se passe à propos de la TVA sur la restauration ; personne ne comprend pourquoi le dispositif «  Natura 2000 » descend à ce point dans le détail ; et je ne parle pas du maquis réglementaire qu'est devenue la politique agricole commune ! (M. Gérard César approuve.)

L'Europe doit s'occuper des questions pour lesquelles elle représente le bon échelon pour agir, et seulement de ces questions-là ; elle doit limiter ses interventions à ce qui est nécessaire.

M. Gérard César. Très juste !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. À cet égard, je voudrais prendre un exemple récent.

Dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, le Sénat vient d'être saisi d'un texte concernant uniquement la Suède. Il se trouve que, dans ce pays, il fait beaucoup plus froid dans le nord que dans le sud - chez nous aussi, mais à un moindre degré -, ce qui n'est pas surprenant, et que les habitants du nord consomment donc beaucoup plus d'électricité que ceux du sud. Le Gouvernement suédois, qui est très soucieux d'égalité, a eu l'idée de faire payer aux habitants du nord du pays une taxe sur l'électricité plus faible que dans le sud. Vous vous demanderez sans doute en quoi cela nous concerne, mes chers collègues. Eh bien, compte tenu de la législation européenne, pour prendre cette modeste mesure, qui ne vise que les particuliers, et pas du tout l'industrie, la Suède a besoin d'obtenir l'accord du Conseil européen, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission !

M. Gérard Delfau. C'est fou !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Vingt-quatre pays doivent dire « oui » à une mesure qui ne les concerne en rien. Comment veut-on que les citoyens comprennent, et a fortiori approuvent, des règles de ce genre ?

M. Gérard Delfau. Il a raison !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Si nous voulons que les citoyens se réconcilient avec l'Europe, il faut prendre au sérieux le principe de subsidiarité, et, pour cela - c'est l'un des acquis de la Convention -, il faut s'appuyer sur les parlements nationaux.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. En effet, si l'on s'appuie uniquement sur les acteurs du jeu communautaire, la subsidiarité finit toujours par être oubliée. Et quand je parle des acteurs du jeu communautaire, je ne vise pas seulement les institutions européennes, car ce sont souvent les administrations nationales qui poussent au non-respect de la subsidiarité, et l'administration française - je ne pense pas, à cet instant, au Quai d'Orsay ! -, d'une manière générale, n'est pas en reste.

M. Jacques Blanc. Tout à fait !

M. Didier Boulaud. Elle est même en avance !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Là encore, je vais prendre un exemple récent.

La Commission européenne vient de présenter une proposition de directive sur la gestion des risques d'inondation. Une intervention européenne dans ce domaine est tout à fait justifiée pour les fleuves transnationaux et les bassins transfrontaliers, mais il n'y a pas de raison impérieuse que ce texte couvre aussi les risques purement nationaux. Le Royaume-Uni a souligné qu'il n'avait aucun fleuve en commun avec un autre État membre,...

M. Didier Boulaud. Par définition !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. ...et qu'il venait de se doter à grands frais d'un plan national de prévention des inondations, plan qu'il serait obligé de refaire entièrement si la directive devait s'appliquer à tout le territoire de la Communauté européenne.

Cet argument paraît de bon sens. Or, quelle est la position de la France ? Dans la « fiche d'impact simplifiée » que nous avons reçue, il est indiqué, sans que la moindre explication soit fournie, que « la France est attachée à ce que cette directive s'applique à tout le territoire de la Communauté et ne soit pas limitée aux bassins transfrontaliers comme certaines délégations le demandent ».

M. Jean-Claude Frécon. Qui a écrit cela ?

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Ce qui est frappant, c'est que la Commission européenne, quant à elle, avait adopté une position beaucoup plus ouverte : c'est notre administration qui demande que l'on aille contre la subsidiarité. Je serais d'ailleurs très curieux de savoir s'il y a vraiment eu un débat et une décision interministériels en France qui ont conduit à l'adoption de cette position.

M. Gérard Delfau. M. le ministre va répondre !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Ce type d'attitude est d'autant plus critiquable qu'il se retourne souvent contre nous. En effet, c'est en procédant de cette manière que nous nous trouvons, en définitive, confrontés à des textes que nous ne sommes pas capables d'appliquer nous-mêmes et qui nous valent de coûteuses condamnations par la Cour de justice des Communautés européennes. Notre ministère chargé de l'environnement, très prolixe, a poussé à l'adoption du dispositif « Natura 2000 », et, quatorze ans plus tard, nous avons encore les plus grandes difficultés à nous mettre en règle.

Il est vrai que nous ne sommes pas seuls. Aujourd'hui, il n'y a pas un seul État membre qui ne soit pas poursuivi devant la Cour de justice pour des questions d'environnement. Faute de respecter la subsidiarité, on a une législation inadaptée au « terrain » et cela débouche sur des contentieux interminables et coûteux.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Ce n'est pas la seule voie de progrès, mais c'est surtout en permettant aux parlements nationaux de se faire entendre que nous pourrons contrebalancer cette tendance.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Comme chacun le sait, le traité constitutionnel avait adopté cette optique. Certes, on ne peut, aujourd'hui, appliquer ce traité. Mais nous pouvons avancer sur la base des traités actuels, à droit constant.

Le président Barroso a fait, dans cet esprit, des propositions pragmatiques. Il s'est déclaré prêt à ce que la Commission adresse directement aux parlements nationaux ses propositions législatives, ses « livres verts » et ses « libres blancs » ; et il s'est déclaré prêt à recevoir les observations en retour des parlements nationaux, notamment en ce qui concerne la subsidiarité et la proportionnalité, à condition qu'elles soient, bien entendu, adressées en temps utile. Ainsi, un dialogue direct pourrait s'ouvrir, dans la transparence.

Nous pouvons donc, à traité constant, mettre en place une formule de « veille » des parlements nationaux en matière de subsidiarité et de proportionnalité.

La Commission, je l'ai déjà dit, se déclare favorable à cela. La présidence autrichienne s'est prononcée très clairement dans ce sens. Et lors de la COSAC de Vienne, les 20 et 21 mai, toutes les délégations, y compris celle du Parlement européen, ont approuvé cette idée. Au sein des parlements, il y a donc un consensus.

Il faut donc aujourd'hui que le Conseil européen consacre ce mouvement de fond en lui apportant son appui.

Ce serait là un signal positif en direction des citoyens. C'est un fait que les citoyens, malheureusement, ne connaissent généralement pas les députés européens qui les représentent. La régionalisation du mode de scrutin n'a pas changé grand-chose sur ce point. Nous le savons tous, c'est aux parlementaires de leur département que les citoyens s'adressent, même pour les questions européennes. Si demain nous pouvons leur dire que désormais leurs députés ou leurs sénateurs pourront directement relayer certaines de leurs préoccupations auprès de la Commission européenne, ils auront le sentiment qu'on cherche à rendre l'Europe moins lointaine, moins inaccessible, qu'on tient compte de certaines des inquiétudes qui se sont exprimées le 29 mai de l'an dernier.

J'espère qu'au Conseil européen la France pèsera de tout son poids dans ce sens. Selon mes informations, qui datent d'hier, trois gouvernements bloqueraient un accord : la Belgique, le Luxembourg, et l'Italie. C'est paradoxal : alors que les représentants des Parlements nationaux sont parvenus à se mettre d'accord à l'unanimité, les exécutifs n'y parviendraient pas !

M. Denis Badré. C'est insensé ! Vive la démocratie !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Or, de quoi s'agit-il ? De mettre en oeuvre de façon simple, pratique, en appliquant seulement les traités existants, un dialogue permanent entre les parlements nationaux et la Commission.

Qu'il faille l'unanimité, que trois pays sur vingt-cinq puissent s'opposer à une mesure de cette nature est incompréhensible et inquiétant pour l'avenir de l'Europe.

Si le Conseil européen n'est pas capable de trouver un accord sur un sujet aussi simple, aussi pratique, qui répond aux préoccupations des Européens et associe plus étroitement les Parlements nationaux à la construction européenne, alors c'est à désespérer du rôle moteur, prospectif que peut et doit avoir le Conseil européen. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous sommes à la veille du quatrième sommet européen depuis le 29 mai 2005. Les deux qui se sont tenus sous présidence britannique n'ont pas apporté grand-chose, mais personne n'attendait de grands résultats de ces sommets et de cette présidence ; les deux suivants ont eu lieu sous présidence autrichienne. M. Hubert Haenel rappelait fort justement tout à l'heure que ces présidences ont été marquées par l'expression d'une conviction et d'une volonté d'avancer de façon pragmatique que je salue. Je salue également le travail et l'engagement personnel tout au long de ces quatre sommets de notre ministre déléguée aux affaires européennes, dont les uns et les autres ont pu constater combien elle s'investissait sur ces dossiers difficiles mais ô combien cruciaux pour l'avenir.

Je voudrais en quelques mots faire le point sur l'état de la construction européenne, sur l'état de l'Union comme on dit aux États-Unis. Depuis le 29 mai 2005, l'Union balbutie : les progrès n'ont été que mineurs et très partiels.

Sur la Turquie, on a avancé, mais est-ce vraiment un progrès ? On ne le dit pas assez, on se moque des Turcs en disant qu'on les engage dans un processus de négociation et d'adhésion, alors que l'on sait très bien qu'au terme du processus le non de tel ou tel peuple leur fermera la porte de l'Union européenne. Il faudrait avoir au moins le courage de leur dire qu'ils sont engagés dans une impasse et qu'ils pourraient légitimement négocier une autre formule que l'adhésion. C'est le thème des cercles concentriques. Nous proposons là une vraie ouverture.

À propos de la directive sur les services, dont on a parlé depuis le 29 mai 2005, les États se sont mis d'accord sur un texte qui n'est plus celui du début, ce qui réjouit beaucoup d'entre nous, mais dont le résultat n'est pas terrible. Ce texte « braque » ceux qui voulaient plus et ceux qui voulaient moins. Je ne suis pas certain que c'était le sujet sur lequel il fallait d'emblée mettre l'accent pour remettre en route l'Europe.

Sur les perspectives financières, je ne développe pas mon propos, madame la ministre déléguée : vous savez tout le mal que je pense de notre structure budgétaire. C'est dramatique que nous soyons repartis sur cette base pour sept ou huit ans. J'espère qu'il n'en sera ainsi que pour trois ans et que nous mettrons à profit le rendez-vous de 2009 pour revenir enfin sur cette structure budgétaire, qui est à un vrai budget ce que le Canada Dry est au whisky.

Quelle perception ont les Français de l'état de la progression de la construction européenne ? Silence radio ! Les Français ont le sentiment qu'il ne s'est rien passé depuis le 29 mai 2005. On ne leur a rien dit, ils n'ont rien entendu, on ne leur a surtout pas demandé leur avis, ils n'ont pas pu s'exprimer.

Prenons les sujets qui ont fait l'actualité de l'Union européenne : sur la Turquie, ils auraient préféré qu'on ne leur en parle pas ou qu'on leur en parle autrement ; sur la directive relative aux services, c'est la même chose ; quant au budget, ils ne savent pas ce que c'est. Sur les deux premiers sujets, le résultat est négatif, et sur le troisième, il est nul : il n'y a donc aucun progrès.

Avant le 29 mai, on a beaucoup dit qu'il était formidable que les Français se soient passionnés pendant cette campagne et qu'ils se soient enfin intéressés à l'Union européenne. Le 30 mai, on a arrêté de leur en parler : c'est dommage ! Il fallait continuer à faire de la pédagogie et à les associer : ils se seraient ainsi approprié le projet européen et auraient pu reprendre confiance dans une réalisation qu'ils auraient enfin comprise.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est vrai !

M. Denis Badré. Qu'en est-il des moteurs de la construction européenne ? On parle beaucoup du couple franco-allemand. Le dernier sommet a montré que ce couple avait des ratés. On a aussi parlé du couple franco-britannique, qui aurait peut-être pu enrichir le débat européen, le Royaume-Uni ayant une attitude quelque peu nouvelle sur la question. Lors du dernier sommet bilatéral, les deux parties ont parlé de tout, sauf de l'Europe : il faut éviter les sujets qui fâchent ! Aujourd'hui, c'est à Romano Prodi de reprendre l'initiative quelques semaines après son élection. Je l'approuve : tous les responsables européens devraient agir ainsi !

Quant à la France, quels que soient les avis que l'on porte sur tel ou tel sujet, elle est largement muette. J'ai entendu M. le ministre dire, pendant les quelques minutes où il s'est adressé à nous, que nous attendons quelque chose du sommet européen. C'est à désespérer ! L'Europe, c'est nous ! C'est elle qui attend la France ! Allons au sommet européen avec des propositions, des initiatives et envoyons des signaux forts ; les autres nous attendent ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. - MM. Jean-Claude Frécon et Michel Mercier applaudissent également.)

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. L'Europe commence chez soi !

M. Denis Badré. J'en viens à l'ordre du jour de ce sommet : il est complètement inaudible ! Si c'est avec un ordre du jour pareil que l'on veut donner le sentiment aux Français que l'Europe les concerne et qu'on la construit pour eux, on se trompe !

Qu'ai-je entendu sur la Constitution européenne ces derniers mois ? On fait une pause, puis on réfléchira pour en tire des conclusions ; ensuite, on se concertera et on verra si on peut faire des propositions. Je parle sous le contrôle de Hubert Haenel, de Bernard Frimat et de tous ceux qui ont participé avec nous à des réunions de représentants des parlements nationaux. Il faudra bien sortir un jour de cette situation. Je ne développe pas davantage, Serge Vinçon ayant très bien fait le point sur la question de la Constitution européenne.

Sur l'élargissement à la Roumanie et à la Bulgarie, je regrette, là aussi, que la France n'ait pas encore ratifié le traité. On me dit que c'est pour bientôt. J'aurais aimé qu'on soit les premiers à le faire ! Bien qu'on soit les grands défenseurs des Roumains et des Bulgares, on trouve que l'élargissement pose des problèmes et, finalement, on est les derniers à ratifier le texte. Ce n'est pas sérieux !

Passons aux questions monétaires.

La Slovénie va rejoindre l'Eurogroupe : c'est très bien ! On veut progresser sur le sujet de la gouvernance économique : il serait temps ! Je regrette qu'on ne l'ait pas fait plus tôt. On se gargarise des progrès que cela pourra entraîner. Faisons-les aujourd'hui !

Je regrette par ailleurs que la France, là encore, ne soit pas de ceux qui agissent pour que la Lituanie puisse rejoindre l'Eurogroupe. On reproche à ce pays d'avoir un taux de croissance trop élevé et, donc, une inflation trop forte. Au contraire ! C'est l'un des rares pays d'Europe à avoir un taux de croissance qui lui permet d'entraîner les autres, dans la mesure qui est la sienne puisque c'est un petit pays. Acceptons qu'elle ait une inflation qui dépasse de quelques décimales le taux admissible, sachant que, par ailleurs, nous ne sommes pas les mieux placés pour donner des leçons sur le respect du pacte de stabilité !

J'en viens à l'initiative de M. Zapatero sur les Canaries, qui souhaite que l'Europe parle enfin de l'immigration. Depuis huit jours, nous débattons, dans cet hémicycle, du projet de loi sur l'immigration. Nous constatons que la politique relative à l'immigration ne peut être définie au niveau national, mais qu'elle doit l'être au niveau européen puisqu'il n'y a plus de frontières à l'intérieur de l'Union européenne. Dire le contraire est absurde !

MM. Gérard Delfau et Jacques Pelletier. Très bien !

M. Denis Badré. Si M Zapatero le dit aujourd'hui, c'est très bien ! Je regrette que la France ne l'ait pas fait plus tôt et de manière plus forte. Comme je le disais au ministre d'État il y a huit jours, j'aimerais que la France prenne enfin une initiative sur ce sujet. Si la France propose à l'Europe de traiter des questions d'immigration, elle sera obligée d'y associer immédiatement une véritable politique de développement qui redonnerait du sens à la construction européenne. Je vais d'ailleurs y revenir dans un instant.

L'ordre du jour prévu n'est donc pas formidable. Heureusement, il y a quelques points positifs. MM. Serge Vinçon et Hubert Haenel rappelaient que les parlements nationaux commencent à voir leur rôle reconnu. Nous avons fait du très bon travail sur ce point. À partir du moment où vous mettez ensemble des parlementaires nationaux des différents États de l'Union, ils sont à la hauteur de leurs responsabilités et se rendent compte des enjeux de la construction européenne. Il faut les écouter, j'espère que cela sera le cas, d'abord sur l'article 88-5 de la Constitution française, introduit pour permettre la ratification de la Constitution européenne mais qui subsiste même sans celle-ci. Utilisons-le sans tergiverser, sans nous retrancher derrière le fait que tel ou tel gouvernement trouve que le dispositif pourrait être meilleur ! Avançons, de grâce avançons !

C'est un constat : l'Europe est en panne et la France, qui est elle-même en panne dans l'Europe, n'assume plus ses responsabilités. À l'origine de beaucoup d'initiatives, elle a été longtemps coupable d'arrogance. Aujourd'hui, on nous a « rabattu le caquet ». À Bruxelles, on est moins arrogants. Tant mieux ! Mais je ne voudrais pas que, écrasée par sa responsabilité dans l'après-29 mai, la France n'assume plus sa responsabilité historique : celle d'être ouvreur de la construction européenne. Elle a en effet toujours exercé cette responsabilité jusqu'à présent.

Il faut restaurer la confiance. Il faut parler aux Européens, et, en particulier, aux Français. Il faut retrouver le sens de l'avenir. Pour cela, il faut centrer l'action sur des projets concrets. Construire une politique scientifique, c'est très bien ; construire une politique européenne de l'énergie, c'est nécessaire ; préparer une Europe de la sécurité et de la défense, c'est indispensable ; proposer des réseaux transeuropéens, c'est essentiel. Tout cela, c'est concret. Les Européens comprennent ce que c'est et ils comprendront donc que l'Europe représente quelque chose pour leur avenir.

Il faut surtout renouer avec la formidable méthode Schuman. On en a surtout retenu qu'il fallait avancer pas à pas. Pour Robert Schuman, il s'agissait surtout de proposer à la fois un grand dessein, en 1950 la paix, et des réalisations concrètes pour y parvenir, à l'époque la mise en commun du charbon et de l'acier.

Quel est notre grand dessein, notre paix d'aujourd'hui ? Quelles sont nos réalisations concrètes, notre mise en commun du charbon et de l'acier de 2006 ? Nous attendons aujourd'hui de tels projets de ceux qui portent la responsabilité de la construction européenne, de ceux qui vont aller au sommet de Bruxelles demain.

Que représente la stratégie de Lisbonne pour les Européens ? Ils n'y comprennent rien. C'est illisible, incompréhensible. Vous devriez expliquer aux Européens que vous avez compris que leurs préoccupations portent sur l'immigration et sur les délocalisations. Pour y répondre, vous devriez proposer deux grandes politiques, qui seraient l'équivalent de la nécessité de construire la paix en 1950 : une politique d'aide au développement, pour réduire l'écart avec les pays les plus pauvres, et une politique de développement scientifique et d'innovation, pour être compétitifs par rapport aux pays les plus avancés. Les problèmes de l'immigration et des délocalisations pourraient ainsi être traités d'une façon plus ambitieuse.

Monsieur le ministre, le doute donne sens à la foi, à condition qu'il ne l'étouffe pas ! La construction européenne est devenue molle, illisible, imperceptible.

Le monde de 1950 était autrement menaçant et imprévisible. Pourtant, ceux qui, à l'époque, étaient en charge de l'avenir ont su bousculer toutes les raisons d'attendre et de ne rien faire. Ils - et c'étaient d'abord des Français - ont offert un avenir à notre continent exsangue et déchiré, à l'heure où c'était le plus difficile.

Aujourd'hui, ce sont le Président de la République, le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, qui êtes en charge de cet avenir. L'histoire vous jugera sans doute d'abord sur ce point. Avez-vous assumé vos responsabilités au regard de la construction européenne en 2006 ? C'est votre responsabilité la plus lourde et la plus éminente.

Les Français attendent, les Européens attendent - on peut même dire sans emphase, le monde attend. Et vous, vous nous dites que vous attendez le Conseil européen ! Mais avez-vous le droit d'attendre encore ? Le temps de gérer la panne est passé. Le temps de l'attentisme est révolu. Le temps est de nouveau celui de l'avenir, de l'inspiration au service d'une foi à soulever les montagnes !

C'est à vous, monsieur le ministre, qu'il appartient d'envoyer un signal très fort aux Français et aux Européens, de montrer aux Européens que la France assume de nouveau son rôle d'ouvreur, de montrer aux Français qu'il n'y a pas d'avenir pour eux hors de l'Europe !

C'est à vous, monsieur le ministre, qu'il appartient de prendre des initiatives ayant du sens et de faire des propositions pour les mettre en oeuvre. Il est déjà bien tard. Monsieur le ministre, levez-vous, prenez de la hauteur, les enjeux sont considérables ! Soyez présent au rendez-vous que vous donne l'histoire, et d'abord, demain, au sommet de Bruxelles ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP. - M. Jean-Claude Frécon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous sommes amenés à débattre pour la quatrième fois de l'ordre du jour du Conseil européen dans cet hémicycle.

Le débat préalable au Conseil européen organisé aujourd'hui dans notre assemblée nous permet d'être mieux associés, en tant que parlementaires, aux processus de décisions européens. Je me réjouis donc que le principe d'un débat préalable à chaque Conseil européen soit désormais acquis, mais je regrette, comme nous l'avons déjà demandé lors du précédent débat, que nous ne soyons pas associés plus en amont de la préparation du sommet.

C'est dans une Europe hésitante que s'ouvre demain à Bruxelles ce nouveau Conseil européen des chefs d'États et de gouvernement ; une Europe plus que frileuse, enlisée et immobile, qui repousse ses grands enjeux et menace ainsi son avenir.

L'élargissement réalisé en mai 2004 a été une réussite et, aujourd'hui, nous pouvons nous réjouir du bilan positif que nous pouvons en tirer. L'entrée officielle de dix nouveaux États membres a eu pour eux un impact économique significatif

Malgré cette réussite, des hésitations sont plus que perceptibles quant aux prochaines étapes de l'élargissement de l'Union, hésitations qui conduisent à reporter au niveau des États membres le débat sur les frontières que nous souhaitons donner à l'Union européenne.

Je déplore ici que la France participe à ces hésitations dans un document de travail exposé il y a un mois aux ministres des affaires étrangères de l'Union. Après de premières lignes élogieuses, est avancé le concept vague de « capacité d'assimilation ou d'absorption de l'Union ». C'est la Commission européenne qui devra « à chaque fois qu'est envisagée une nouvelle étape du processus d'élargissement » évaluer la capacité du pays candidat à entrer dans l'Union.

La France renonce à ce que ce débat soit inscrit à l'ordre du jour de ce Conseil.

Ce document annonce-t-il votre intention d'éluder la question des frontières de l'Union européenne demain et après-demain à Bruxelles ? Quels éclaircissements pouvez-vous nous donner, monsieur le ministre, quant à vos positions à Bruxelles sur ce point et sur la question de l'élargissement ?

Alors que l'Europe est mal perçue par nos concitoyens, qu'elle est délaissée dans le débat politique, alors qu'il faudrait d'urgence élaborer un plan de relance européen, il serait important de valoriser les domaines de réussites européennes. Il serait également essentiel de n'envoyer ni aux pays candidats ni aux populations des pays déjà membres des messages négatifs, dont celui d'une Union indécise et frileuse.

Lorsque l'on défend une conception ambitieuse de la construction européenne, l'élargissement de l'Union européenne doit se poursuivre.

Le déroulement des négociations d'adhésion doit constituer une priorité centrale. C'est de notre responsabilité. Les pays candidats doivent respecter scrupuleusement les critères définis par le Conseil européen de Copenhague avant leur entrée. Les avancées dans ces négociations dépendront surtout des candidats eux-mêmes et de leur capacité à appliquer l'acquis communautaire. Mais, alors que l'Europe leur a ouvert ses portes, il ne serait pas judicieux de déjà les refermer.

Un projet de loi ratifiant le traité d'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne a été présenté en conseil des ministres le 23 mai et devrait nous être soumis très bientôt.

Les conditions de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie ont été convenues dans un traité d'adhésion signé en avril 2005 par les vingt-cinq États membres et les deux pays. La Bulgarie, la Roumanie et quatorze États membres l'ont déjà ratifié. Ce traité prévoit que la Bulgarie et la Roumanie adhéreront le 1er janvier 2007. Or la dernière recommandation émise par la Commission européenne à l'égard des candidatures bulgare et roumaine, datée du 16 mai 2006, reporte tout feu vert à octobre 2006, en raison de « déficits sérieusement inquiétants ».

Il est fondamental, pour les nouveaux candidats, de respecter les critères définis lors de l'engagement dans le processus d'adhésion, en particulier dans les domaines judiciaires.

Relancer l'Europe, c'est redéfinir son projet et ses frontières, puisque l'Union européenne demeure aujourd'hui un outil majeur pour maîtriser notre avenir. Sa construction passe par des coopérations renforcées, afin d'en éviter une conception figée.

Je m'attacherai ensuite à évoquer plus particulièrement la perspective européenne offerte aux pays des Balkans occidentaux, perspective à laquelle je suis, vous le savez, monsieur le ministre, très attaché.

Le 13 mars 2006, lors de la réunion informelle des ministres des affaires étrangères de l'Union à Salzbourg, ces derniers ont réaffirmé la perspective européenne de la Croatie, de l'Albanie, de la Serbie, du Monténégro, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine et ont précisé que « l'objectif ultime » du processus de stabilisation et d'association en cours avec ces pays est l'adhésion pure et simple à l'Union européenne. Derrière cette affirmation de principe à laquelle je m'associe pleinement, pouvez-vous clarifier les étapes concrètes qui précéderont cette intégration ?

L'élargissement de l'Union européenne a une portée politique et morale qu'il ne faut pas oublier. En 2004, l'Union a mis fin à la coupure brutale du continent, divisé depuis 1945 entre le monde libre et le monde communiste ; de nombreux États ont pu rejoindre la famille démocratique européenne et partager le grand dessein des pères fondateurs.

Pour réussir, l'unification de la Grande Europe devra prendre en compte les préoccupations légitimes de ses populations en matière de sécurité, de droits sociaux, d'immigration et d'agriculture. L'Union devra faire en sorte que l'accroissement du nombre de ses membres ne se fasse pas au détriment de leur intégration.

C'est pourquoi, pour ma part, je souhaite qu'elle poursuive son élargissement aux Balkans occidentaux, par ailleurs garantie essentielle pour que cette zone ne soit pas de nouveau déchirée par la guerre dans quelques années.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Tout à fait !

M. Didier Boulaud. Face au risque d'émiettement géographique et identitaire contenu ne serait-ce qu'en ex-Yougoslavie, l'Europe doit être capable d'apporter des propositions. Mais, là encore, je rappelle que l'ouverture ne peut se faire que dans l'échange.

C'est au titre de l'exigence de paix et de justice qu'ont été suspendues les négociations régissant l'accord de stabilisation et d'association avec la Serbie. L'arrestation de Ratko Mladic ne peut être traitée comme un problème annexe.

L'objectif fondamental de l'Union européenne pour la région des Balkans occidentaux est de créer une situation dans laquelle tout conflit militaire soit inconcevable, étendant à cette région la zone de paix, de stabilité, de prospérité et de liberté établie au cours des cinquante dernières années par l'UE et ses États membres.

Ces questions soulevées dès lors que l'on aborde les possibilités d'élargissement de l'Union européenne nous mènent à nous interroger sur l'avenir et l'organisation institutionnelle de l'Union.

Un an après le référendum français et le rejet du projet de traité constitutionnel, l'Europe navigue à vue ; elle hésite. Les Vingt-cinq, divisés sur l'avenir de la Constitution, semblent incapables de s'entendre sur un « plan B »...

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Il n'y a pas de plan B !

M. Didier Boulaud. ...qui n'existait pas, qui permette d'améliorer la prise de décision et le dialogue entre les institutions européennes et les citoyens.

Faute de projet fédérateur, le Conseil européen s'apprête à prolonger la « période de réflexion » jusqu'en 2008. Aucune formule pour relancer le projet ne fait l'unanimité. Les ministres des affaires étrangères européens ont décidé, en mai dernier, de reporter toute véritable prise de décision à 2009 au plus tôt, année des élections européennes et de l'évaluation à mi-parcours du budget européen.

Après la passion qui avait animé la campagne pour le référendum en France, je ne peux que m'étonner de l'indifférence qui lui a succédé pour tout ce qui relève de l'Europe.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est vrai !

M. Didier Boulaud. Le résultat du référendum contenait un message d'inquiétude profonde. Or, à ce jour, aucune leçon ne semble en avoir été tirée, les questions soulevées par ce résultat ont été ignorées, aucun débat constructif n'a eu lieu pour permettre à l'Europe de continuer à se construire.

Croire que l'Europe peut sortir de la crise qu'elle traverse en décrétant une pause est une illusion : un ralentissement, voire un blocage prolongé, pourrait lui être fatal.

Il peut être facile, voire dangereux, de considérer que la crise européenne va se résoudre d'elle-même ; il faut être prudent, l'Europe est un bien qu'il faut protéger et le temps qui s'écoule peut lui être nuisible.

L'allongement de la période de réflexion proposé dans le document de travail établi par la France il y a un mois est, à nos yeux, dangereux. Les citoyens français risquent de penser qu'il y a peu de différence entre une Europe dynamique et une Europe en crise.

La profonde crise politique que connaît la France actuellement empêche certainement et paradoxalement toute discussion, et l'incompréhension du Gouvernement à l'égard des Français bloque toute tentative de proposition d'avancée européenne.

L'inertie du Président de la République, malgré ses promesses lors de la présentation de ses derniers voeux, oblige nos concitoyens, et par ricochet l'ensemble des Européens, à attendre les élections présidentielles françaises pour voir émerger de nouvelles propositions. Nous trouvons cet « enterrement » regrettable et surtout dangereux.

Un an après les résultats du 29 mai, aucune initiative politique de la part de l'exécutif français n'a eu lieu. L'Europe est en panne et n'a pas été capable de se relancer après le choc du « non ».

La pause de réflexion réaffirmée par Jacques Chirac et Angela Merkel à l'occasion du sommet informel franco-allemand du 6 juin dernier n'est qu'une preuve supplémentaire de l'immobilisme qui prévaut aujourd'hui entre partenaires européens.

La France doit apprendre à mieux travailler avec tous ses partenaires européens. Le calendrier politique de sortie de crise devra être défini et accepté par tous les États membres de l'Union.

La coopération franco-allemande sur les questions européennes est indispensable mais elle n'est pas exclusive. Elle ne suffira pas seule à résoudre les difficultés que traverse l'Union, comme vient d'ailleurs de le rappeler Jacques Delors dans la vigoureuse critique qu'il vient d'adresser aux dirigeants européens qu'il accuse d'entraîner l'Europe dans la plus grave crise de son histoire en refusant de parler des problèmes qui les divisent.

La France doit aujourd'hui renforcer ses relations avec ses autres partenaires européens, à la fois pour les convaincre de ses positions et pour être à l'écoute de leurs souhaits, de leurs préoccupations et de leurs réflexions. Il ne faut pas oublier que l'Union Européenne a vocation à être une zone d'échanges intellectuels et culturels autant que commerciaux. J'ose espérer que ce débat ne patinera pas ces jours-ci à Bruxelles.

En conclusion, je suis plutôt pessimiste quant aux résultats de ce Conseil européen. J'ose espérer que le débat que nous avons ici permettra d'éviter au Conseil européen d'avoir des conclusions convenues, vivement regrettables, sur un ordre du jour attrayant qu'il convient toutefois de ne pas vider de son contenu.

La stratégie européenne passe par un redressement national et par un plan de relance européen articulé autour de principes fondamentaux et solides.

Les Européens aspirent aujourd'hui à devenir une puissance « tranquille » qui, sans renoncer à ses ambitions politiques ou à sa défense, s'impose au reste du monde par ses valeurs. Incarner et défendre les valeurs européennes : voilà, madame, monsieur les ministres, l'objectif et la spécificité que nous souhaitons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Très bien ! Le maire de Nevers a bien parlé !

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je débuterai mon intervention par un constat : un débat préalable au Conseil européen est organisé au Parlement, conformément à sa volonté. C'était le souhait du Sénat, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, cela a été la volonté du Gouvernement, que M. le ministre en soit remercié !

C'est l'occasion pour nous de sortir du nombrilisme et des querelles internes pour aborder les vrais problèmes européens, afin d'intéresser les Français aux débats de l'Europe.

Ayons tout de même l'honnêteté intellectuelle de rappeler que, voilà un an, le « non » des Français à la constitution européenne a entraîné un choc ! Nous ne pouvons accuser le Président de la République, ni du choix que les Français ont fait contre sa volonté, ni d'avoir organisé un référendum que toutes les formations politiques souhaitaient.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. C'est vrai !

M. Jacques Blanc. Nous ne pouvons pas non plus en accuser les ministres.

Dans ce « non », ce n'est pas violer l'analyse objective de la démocratie que de souligner que la bascule vient sans doute de ceux qui ont cru aux affirmations dangereuses de ceux qui parlaient de l'existence d'un plan « B ».

Si, aujourd'hui, la France a des difficultés à faire passer son message, c'est bien parce qu'elle a dit « non ». C'est pourquoi je tiens, pour ma part, à féliciter M. le Président de la République, M. le ministre et Mme la ministre déléguée.

Ce sont ceux qui ont trompé les Français sur l'existence d'un plan B qui sont responsables de cette situation : il ne faut tout de même pas l'oublier !

M. Roland Muzeau. Il ne manquait plus que ça ! Et puis quoi encore !

M. Robert Bret. Il prend ses désirs pour des réalités !

M. Roland Muzeau. Est-ce contre les 54 % de Français qui ont voté non que vous criez ainsi ?

M. Gérard Delfau. Ce ne sont pas eux qui gouvernent ! Qui est président ? C'est invraisemblable !

M. Jacques Blanc. Pour ma part, je me réjouis de la volonté de la France et de sa capacité à se remettre de ce choc pour récupérer peu à peu son influence.

Nous ne pouvons pas accuser ceux qui veulent sortir de cet état de choc d'être responsables du choc. Il faut de temps en temps faire preuve de bon sens !

M. Robert Bret. Mettez donc ce principe en application !

M. Jacques Blanc. La situation est la suivante : il n'y avait pas de plan B et il faut trouver des solutions.

La France ne pourra pas être seule à trouver les solutions. Il faudra bien que nous le fassions de concert avec ceux qui construisent l'Europe avec nous.

Or deux pays ont dit non, d'autres pays ont dit oui et d'autres encore s'interrogent. Il faudra bien trouver une solution pour concilier ces points de vue, respecter ceux qui ont dit oui, tenir compte des deux pays qui ont dit non jusqu'à présent et, surtout, éviter de tomber dans le piège de ceux qui, n'ayant pas l'ambition du Gouvernement, voudraient utiliser cette situation pour réduire l'Europe à une zone de libre-échange. À cet égard, je tiens à souligner que personne ne peut suspecter le ministre des affaires étrangères d'avoir manqué d'une grande ambition européenne, et nous sommes en phase avec lui ! Ce n'est pas parce qu'il y a eu des évolutions politiques qu'il faut oublier ces réalités. Personnellement, je ne les oublie pas.

C'est avec nos partenaires qu'une solution pourra être trouvée, et non en nous faisant plaisir. Il est donc naturel que la France attende la réponse du Conseil européen et de ses partenaires.

M. Denis Badré. On attend !

M. Jacques Blanc. Lorsqu'on a dit non, il est plus difficile de faire des propositions que si on a porté le oui !

M. Roland Muzeau. Il faut dissoudre le peuple !

M. Jacques Blanc. La France a eu le mérite, malgré le non, d'avancer un certain nombre de propositions, de petits pas. Certes, nous aurions préféré, après un oui au référendum, être le grand moteur de l'Europe, son porte-flambeau. Peut-être n'avons-nous pas assez communiqué sur l'Europe ?

M. Roland Muzeau. Pas assez ?

M. Robert Bret. Pourtant, vous avez mis le paquet !

M. Jacques Blanc. Peut-être avons-nous trop rejeté les difficultés sur l'Europe ?

Tout à l'heure, le président de la délégation pour l'Union européenne disait, à juste titre, que le dispositif Natura 2000 avait irrité nos concitoyens. Ce n'est pas l'Europe qui a compliqué la situation - il n'est qu'à voir ce qui se passe dans les autres pays -, c'est la France, ce sont nos administrations, et notre pouvoir politique qui ne s'est pas imposé !

M. Roland Muzeau. Allez hop, il faut dissoudre l'administration !

M. Jacques Blanc. Certes, Natura 2000 est un exemple qui remonte à un certain temps déjà. Cependant, quels qu'aient été les gouvernements, nous sommes tous responsables de ne pas avoir mis en valeur l'Europe et d'avoir rejeté sur elle la faute de ce qui n'allait pas.

Un sommet européen va avoir lieu. Vous avez fait des propositions, monsieur le ministre, et vous nous les avez rappelées.

M. Robert Bret. Quelles propositions ?

M. Jacques Blanc. Je souhaite m'arrêter un instant sur quelques points.

Tout d'abord, le nouveau traité est bien nécessaire.

Aujourd'hui, l'Europe fonctionne grâce au traité de Nice, qui ne méritait peut-être pas tout le mépris dont on l'a accablé, d'autant que ce traité était transitoire.

Beaucoup ont oublié que le traité de Nice a permis de répondre à l'attente angoissée des peuples victimes de Yalta, du système communiste,...

M. Roland Muzeau. Il y avait longtemps !

M. Jacques Blanc. ...et qui attendaient de l'Europe un signe. C'est ce signe, rappelons-le, que le traité de Nice a permis !

Pour ma part, je souhaite que nous puissions adopter le projet de loi autorisant la ratification du traité d'adhésion de la Bulgarie et la Roumanie avant la fin de la session parlementaire : ce serait un geste fort.

Je souhaite également que nous adressions un message d'espoir à la Croatie.

Quant à la Turquie, laissons se dérouler les négociations sans arrière-pensées et cessons d'agiter des épouvantails ! Chacun sait bien que les négociations seront longues, qu'elles dureront dix ou quinze ans. Ce grand peuple fait des efforts formidables en matière de réformes. Pour s'en convaincre, il n'est qu'à voir la difficulté que la France connaît pour réformer !

Les Turcs ont accepté de grandes avancées positives dans le sens des droits de l'homme - en particulier en matière de droit des femmes - et de la démocratie.

Nous avons besoin d'un grand pays qui serve de contrepoids dans cette partie du monde pour assurer la paix, car les tensions qui règnent dans la région ne sont pas faciles à gérer.

Arrêtons donc de cultiver les phobies et les craintes. La Turquie a accepté de se soumettre aux historiens en ce qui concerne le drame des Arméniens. Respectons-la. Laissons les négociations se poursuivre, et nous verrons dans dix ou quinze ans !

Ayons le courage de reconnaître que le Président de la République - n'en déplaise à certains ! -  a apporté une réponse très européenne sur ce point.

Pour ma part, je ne suis pas enfermé dans une vision étriquée. Je crois vraiment qu'il nous faut regarder ce qui se passe dans le monde et en Turquie.

Monsieur le ministre, je vous ai accompagné et j'ai pu constater combien votre façon de respecter la volonté des Turcs a été parfaite. (Exclamations et sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Robert Bret. Comme d'habitude !

M. Jacques Blanc. Je dis ce que je pense ! Je l'ai vu faire !

Monsieur le ministre, vous avez bien su exprimer les sentiments des Françaises et des Français, ce qui n'était pas une tâche facile.

Nous nous trouvons aujourd'hui à la veille d'une réflexion indispensable sur les problèmes de l'élargissement. Vous n'avez pas parlé de frontières, et vous avez bien fait, mais vous avez parlé de capacités d'assimilation.

Que sera l'Europe demain ? À quelle réalité correspondra-t-elle ?

Nous devons avoir pour ambition de forger une Europe forte, capable d'avancer sur le socle des valeurs qui nous sont communes. C'est peut-être, d'ailleurs, une première réponse.

Nous devons également avoir pour ambition de forger une Europe capable de favoriser les coopérations entre ceux qui veulent aller plus loin pour répondre au difficile problème du chômage, développer l'emploi, maintenir un aménagement rural, un espace équilibré.

Si nous n'avions pas l'Europe - et ce n'est pas Denis Badré qui me contredira - que serait notre agriculture ?

M. Denis Badré. Certainement pas : c'est tellement vrai !

M. Jacques Blanc. Sans la PAC, où en serions-nous ?

Où en serions-nous si le Président de la République et les différents gouvernements n'avaient pas eu la volonté de sauver la PAC, sans complexe, parce qu'elle est autant d'avant-garde que la nécessaire politique en faveur de la recherche et du développement ?

Oui, mes chers collègues, croyons en l'Europe. Sans l'Europe, nous le savons bien, il nous sera impossible de régler le problème des migrations.

Par ailleurs, je souhaite, madame, monsieur les ministres, que nous soyons le moteur des politiques de voisinage - le Président de la République est allé dans ce sens à Barcelone.

En effet, nous ne devons pas oublier que nous avons besoin des pays situés de l'autre côté de la méditerranée, qui ne peuvent entrer dans l'Union. Nous avons besoin d'une Euro-Méditerranée pour équilibrer le Nord et le Sud.

M. Robert Bret. C'est mal parti !

M. Jacques Blanc. À Barcelone, pour les dix ans du processus de Barcelone, le Président de la République a demandé qu'une partie des crédits pour la politique de voisinage soit consacrée au rapprochement avec les pays méditerranéens. Soyons les moteurs de cette politique.

La France a une mission historique dans cette affaire afin de concilier les intérêts du Nord avec ceux du Sud en les arrimant ensemble, via une vraie politique de voisinage.

Il s'agit d'une position de voisinage forte.

S'agissant des pays de l'Est, que se passera-t-il ? Cela dépendra des évolutions. En attendant, il faut avancer sur le problème des Balkans.

Tous ces sujets formidables, seule l'Europe peut les traiter.

Il suffit d'en parler, de nous dépouiller de nos arrière-pensées nombrilistes, pour que les Françaises et les Français s'intéressent davantage à ces sujets.

Certes, il y a eu des excès dans l'application de la politique en matière d'environnement, mais sans l'Europe, jamais nous n'arriverons à faire passer cette idée dans le monde - je dis bien : dans le monde !

Le monde, pour rester multipolaire, a besoin de l'Europe. Or si l'Europe veut jouer un rôle important, il lui faut avancer en matière de gouvernance, d'institutions - je ne parle pas de Constitution afin de ne choquer personne, mais le principe d'une Constitution européenne ne me gêne pas. L'Europe a besoin d'affirmer sa propre réalité.

La situation est donc extrêmement difficile, mais, grâce à vous, madame, monsieur les ministres, l'Europe n'est pas restée en panne sèche. Elle a avancé sur un certain nombre de sujets.

En ce qui concerne la directive « services », les demandes de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ont été suivies. Le Parlement, en harmonie avec la Commission et soutenu par le Conseil, a proposé des solutions.

Il s'agit là d'une nouvelle façon de fonctionner, d'une nouvelle méthode de démocratie.

Dans la démocratie européenne, oui les parlements nationaux doivent jouer un rôle nouveau s'agissant du contrôle de la subsidiarité. En cela, ils pourraient être aidés - je suis le seul à en parler - par le Comité des régions d'Europe. En effet, ce Comité des régions d'Europe peut offrir le moyen de s'extraire des grands débats nationaux pour aller au plus près des problèmes que rencontrent les femmes et les hommes d'Europe. Ce n'est pas opposer l'Europe des États à l'Europe des régions, c'est apporter un supplément d'âme à l'Europe.

Mes chers amis, je souhaite que le Conseil européen réponde à une cette ambition. Je sais que le Gouvernement a la volonté de contribuer à la renaissance de l'espérance en l'Europe et qu'il est déterminé. L'UMP est à vos côtés, dans ce combat qui transcende notre petite vision habituelle, afin de nous porter tous au service de l'Europe et des femmes et des hommes du monde ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, quel avenir pour l'Europe ? Le traité constitutionnel, dont la nécessité apparaît à chaque négociation comme évidente, appartient-il au passé ?

Déjà un an s'est écoulé depuis la victoire du non aux deux référendums français et néerlandais. Nous avons sans doute absorbé le traumatisme, mais la « pause » de réflexion décidée dans la foulée ne doit pas signifier résignation, car si la panne est flagrante, l'absence de propositions ne l'est pas moins - en dehors peut-être du domaine budgétaire.

Très animée pendant la campagne référendaire, la France s'est tue : sa réflexion européenne demeure totalement asthénique depuis le 29 mai 2005.

M. Gérard Delfau. Effectivement !

M. Aymeri de Montesquiou. Certes, il y a eu quelques prises de parole du chef de l'État ou de membres du Gouvernement sur « l'Europe des projets » ou « l'Europe du G6 », qui ont, hélas ! un goût de faux-semblants.

Il y a eu aussi le sommet franco-allemand, qui a permis des échanges. Mais la France, qui faisait preuve d'une grande fécondité en matière de propositions, se montre aujourd'hui trop stérile.

Il n'existe aucun véritable débat public : le Gouvernement des Pays-Bas a, lui, entre autres choses, lancé une grande enquête sur l'avenir de l'Union européenne par Internet, enquête dont il communiquera les résultats lors du Conseil.

Les yeux rivés sur l'élection présidentielle de 2007, candidats déclarés ou potentiels et journalistes semblent oublier que la France reste une des clés pour sortir de la crise.

Je note, d'ailleurs, que tous ceux qui ont justifié leur rejet du traité par un hypothétique plan B sont aujourd'hui les plus silencieux.

Face à cette sorte d'omerta française, les quinze pays qui ont déjà ratifié le traité constitutionnel veulent que leur choix soit pris en compte.

Pionnière du oui, l'Espagne entend bien que soit respectée sa décision démocratique.

Des chefs de gouvernement tels que Guy Verhofstadt ou Romano Prodi ont récemment plaidé pour une intégration de type « noyau dur » dans le cas où la crise ne pourrait se résoudre à vingt-cinq.

L'Allemagne, quant à elle, a annoncé une proposition substantielle durant sa présidence au 1er semestre 2007, sans renoncer toutefois à faire accepter le texte en l'état.

Entre ces deux camps, il y a ceux qui ne se sont pas prononcés.

Après l'Estonie, la Finlande a exprimé son intention de ratifier le traité, mais les perspectives dans les autres pays sont beaucoup moins claires. Certains semblent attendre que le destin du traité comme les intentions de la France et des Pays-Bas soient clarifiés à l'échelon européen.

Disons-le, nous sommes dans une impasse. Et, puisque personne n'est aujourd'hui capable de présenter une solution pragmatique, tout porte à croire que le Conseil européen décidera simplement de prolonger la période de réflexion.

Il est sans doute plus sage d'admettre que le traité n'entrera pas en vigueur dans les deux ou trois prochaines années.

La seule réaction aujourd'hui pour faire face à l'impasse est l'immobilisme et l'absence de propositions, en particulier après le vote français. Quel triste signal envoyons-nous à nos concitoyens !

Qu'est devenu l'enthousiasme européen qui animait la France ? Comment convaincre les Français de la nécessité d'une évolution institutionnelle lorsque l'Union européenne renvoie sine die ses décisions sur le traité ou sur l'entrée de nouveaux membres, et lorsqu'elle reste inaudible sur la crise nucléaire iranienne, malgré l'envoi de son haut représentant à Téhéran ?

L'incapacité de montrer la voie, de souligner l'intérêt national et européen risque de maintenir nos concitoyens dans une indifférence hostile.

Le vote de l'année dernière sanctionnait une manière de faire l'Europe, mais pas l'Europe ! En témoigne le sondage Eurobaromètre de mai, qui montre de fortes attentes des citoyens en matière de politique étrangère et de sécurité commune.

Il me semble que ce serait une énorme erreur de ne pas agir. De plus, pourquoi attendre ? Le Conseil européen doit appeler fermement les pays qui ont « gelé » le processus de ratification à le reprendre et, dans le même temps, faire des propositions concrètes afin d'avancer dans le cadre des traités existants. Cette stratégie à double action apparaît la meilleure tant d'un point de vue pratique que d'un point de vue politique.

En l'absence de toute solution immédiate, un mouvement favorable aux ratifications chez ceux qui ne se sont pas encore déclarés donne au moins une chance de faire jouer le dispositif prévu par la déclaration 30 annexée au traité. En effet, on peut être plutôt optimiste quant à la possibilité d'atteindre le seuil de quatre États sur cinq ayant ratifié, auquel cas le Conseil devra se saisir de la question.

Quoi qu'il en soit, les options ne seront pas nombreuses.

Renoncer à une Constitution n'est pas envisageable, en tout cas pour les européens convaincus. Chacun sait que le fonctionnement de l'Union est paralysé par les traités en vigueur, qui sont totalement inadaptés à une Europe à vingt-cinq.

Présenter un nouveau projet n'est guère plus réaliste. Non que celui qui est proposé soit parfait, mais il est le résultat d'un compromis global. Il est donc peu probable qu'une proposition quelconque recueille soudain l'unanimité. Par ailleurs, rien ne justifie de demander aux quinze peuples qui l'ont déjà ratifié de renoncer.

Enfin, faire voter les Français et les Néerlandais une seconde fois sur le même texte est difficilement imaginable.

Dès lors, que faut-il faire ? Certains proposent de faire adopter une version plus courte du traité qui exclut la partie III. Cela paraît une solution. Cette partie, qui concerne d'avantage des choix politiques évoluant au gré des différentes majorités, est en effet celle qui a cristallisé la plupart des réticences en France et aux Pays-Bas.

L'adoption des parties I, II et IV donnerait à l'Union un cadre institutionnel stable, qui permettrait un fonctionnement à vingt-cinq et un nouvel élan. Quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition, qui pourrait d'ailleurs être évoquée utilement dès demain ou après-demain ? Sinon, quelles adaptations considère-t-il nécessaires pour rendre le traité acceptable par tous ?

J'évoquais tout à l'heure une stratégie à double action. Je crois en effet qu'au-delà du sort à réserver au projet de Constitution il est urgent de réconcilier les citoyens avec l'Europe en leur démontrant qu'elle est concernée par leurs problèmes quotidiens.

Nos concitoyens attendent une meilleure prise en compte de leurs préoccupations. Le Conseil européen doit donc élargir sa réflexion et proposer des actions concrètes.

La France débat du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, du ministre de l'intérieur. La Grande-Bretagne, le Danemark et l'Allemagne, quant à eux, durcissent à coups de quotas et de tests leurs exigences s'agissant de l'entrée d'étrangers sur leur territoire. En revanche, d'autres sont moins restrictifs. L'Union est-elle incapable de définir une approche commune ? À quoi cela sert-il que certains posent des verrous alors que d'autres laissent la porte entrouverte ?

Par ailleurs, où en est-on de la stratégie de Lisbonne pour l'emploi, qui a évoquée à plusieurs reprises ?

Sur le plan économique, l'Europe fait du surplace. Jean-Claude Juncker, européen pragmatique, propose une gouvernance économique européenne, malgré les égoïsmes nationaux. Voulez-vous rechercher un équilibre essentiel entre le pôle économique et le pôle monétaire ? Ce sera dans les deux ans à venir l'un des tests de la crédibilité de l'Europe et de sa viabilité.

Enfin, comment renforcer le rôle de l'Union dans le monde sans un ministre des affaires étrangères et un service diplomatique européens ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, nous faire le point sur l'état du dossier ?

Sur tous ces thèmes, des actions concrètes sont possibles dans le cadre des traités existants. J'aimerais croire que le Conseil européen ne se bornera pas uniquement à se donner bonne conscience en prolongeant la période de réflexion sur l'avenir de l'Europe.

M. Didier Boulaud. En effet !

M. Aymeri de Montesquiou. Ne réduisons pas nos ambitions à une intégration sectorielle. Parler d'une « Europe des projets concrets » sans vision politique globale, c'est enfermer le projet européen dans un court terme aléatoire et l'éloigner d'un citoyen en quête de sens.

Ceux qui prônent cette Europe citent couramment la méthode « des petits pas » conçue par Jean Monnet, et que Denis Badré a d'ailleurs rappelée voilà quelques instants. Ils oublient que la création de la CECA comportait un objectif politique clair, à savoir la préservation de la paix, et que c'est cette vision politique qui donnait du sens à la méthode.

Pour nous, membres du RDSE, l'enjeu fondamental reste donc celui de l'Union politique et, avec lui, celui d'une réforme des institutions.

Madame, monsieur les ministres, vous devez porter haut et fort cette ambition avant la simple gestion des affaires courantes et l'absence d'initiative qu'entraînera inévitablement la campagne pour l'élection présidentielle. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, pour ma part, je ne partirai pas de Suède, mais je resterai dans l'Hexagone, plus précisément dans mon département de Vendée où, lundi, Dominique Bussereau effectuait une visite de terrain. Il a alors annoncé la décision du Gouvernement de donner 1 000 euros à chaque agriculteur qui accepterait de passer à l'agriculture raisonnée.

Bonne et sage décision, mais les agriculteurs, qui sont devenus des experts en matière de réglementation bruxelloise, lui ont fait remarquer que cette décision était inapplicable en raison de la règle dite de minimis.

Cette anecdote résume à elle seule la situation dans laquelle nous sommes un an après le « non » français à la Constitution. Tout se déroule en effet comme si rien ne s'était passé. Tout se passe également comme si le Gouvernement tenait pour négligeable l'expression du peuple français.

Si vous en doutez, je vais vous donner trois exemples pris dans les quatre dernières semaines et choisis parce qu'ils portent sur les trois motifs principaux de l'inquiétude des Français et des raisons du rejet du traité : la dérive fédéraliste, la Turquie, la directive Bolkestein.

Premier exemple : la dérive fédéraliste.

Le 21 avril dernier, le Gouvernement a soumis à la présidence autrichienne des « propositions pour améliorer le fonctionnement des traités ». Parmi celles-ci figure l'abandon du vote à l'unanimité pour les affaires de police et de justice en matière pénale grâce à l'utilisation de la clause passerelle de l'article 42 du traité sur l'Union européenne.

Comme par hasard, cette disposition figurait également dans le projet de traité constitutionnel, qui a pourtant été rejeté. On tente aujourd'hui de la réintroduire par la fenêtre. Heureusement, il y avait l'Allemagne et Angela Merkel !

Deuxième exemple : la Turquie.

Voilà un pays candidat qui se moque des accords internationaux, qui ne respecte pas, en particulier, le protocole d'Ankara et qui n'a toujours pas reconnu un État membre de l'Union. Qu'à cela ne tienne ! Ce n'est pas sur ce pays que la France et d'autres États membres ont fait pression pour qu'il respecte ses accords, mais sur Chypre afin que la Turquie franchisse, avant hier, une étape décisive vers son adhésion.

Troisième exemple : la directive Bolkestein.

Cette directive à peine reformulée, la Commission a annoncé le 8 juin dernier une nouvelle directive libéralisant les services de santé pour la fin de l'année. Ces services, avec d'autres, étaient pourtant au coeur du refus de la première mouture de la directive « services ».

Madame, monsieur les ministres, avez-vous adressé la moindre protestation ? Pour le moment, je n'en ai lue aucune. C'est pourquoi vous me permettrez de douter de la loyauté du Gouvernement à l'égard de la volonté du peuple français, qui, comme le montrent tous les sondages - plusieurs orateurs l'ont reconnu -, reste fidèle à son vote du 29 mai.

En réalité, les eurocrates sont persuadés que c'est le peuple français qui s'est trompé, et surtout pas eux ! Leur objectif est bien d'organiser un contournement du verdict des urnes en utilisant différents moyens, alternatifs ou cumulatifs.

Il s'agit, tout d'abord, de la voie subreptice, par le biais du mémorandum français du 21 avril ou par le découpage du projet de Constitution européenne en tranches. J'ai même lu que l'on proposait de débaptiser purement et simplement le traité.

Il s'agit, ensuite, de la voie parlementaire. Après l'élection présidentielle en France, les élections législatives aux Pays-Bas, et sans oublier l'anniversaire du traité de Rome en mars 2007, c'est-à-dire entre la fin de la présidence allemande et celle de la présidence française en décembre 2008, gageons qu'une mouture du traité, voire la même version, sera soumise à un vote parlementaire.

Il s'agit, enfin, de la voie juridictionnelle, avec la Cour européenne de justice, complice de toujours du projet fédéral. Je veux parler de l'arrêt du 13 septembre 2005, qui est un saut important vers la communautarisation du droit pénal.

Le « non » français et néerlandais représente une formidable opportunité de poser les bases d'une nouvelle Europe, plus proche des citoyens et plus respectueuse de la souveraineté de chaque nation.

La responsabilité du Gouvernement est de respecter scrupuleusement le message des Français et de saisir cette opportunité.

Dans un premier temps, c'est à lui de proposer l'abandon définitif de la Constitution européenne, qui a été rejetée, à l'instar de ce que demandent les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou encore la Pologne.

Dans un second temps, c'est à lui de donner un contenu au concept d'« Europe des projets » tel qu'il a été ébauché à Hampton Court.

Comme vient de le dire M. de Montesquiou, l'Europe des projets ne doit pas être un faux-semblant, une nouvelle finasserie. N'employons pas des mots différents pour désigner une réalité semblable ! Il faut une autre Europe, et non une Europe où tout le monde fait la même chose au même moment, au même rythme, dans les mêmes conditions et suivant les mêmes modalités. Dans un ensemble de plus en plus hétérogène, il est totalement illusoire d'imposer à tous des convergences qui sont de plus en plus artificielles.

L'Europe qui réussira, l'Europe de la puissance sera l'Europe des réseaux, l'Europe différenciée où les piliers seront les démocraties nationales qui s'associeront librement afin de développer des projets en commun selon des formations à géométrie variable.

L'Europe nouvelle, c'est une Europe respectueuse des souverainetés nationales, c'est-à-dire, comme le disait le général de Gaulle, des démocraties ! (M. Philippe Darniche et Mme Lucette Michaux-Chevry applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, il y a un an, lors du référendum du 29 mai 2005, une majorité de Français votait « non », rejetant ainsi le projet de loi de ratification du traité constitutionnel européen. Ce « non » français a été porté par une majorité de gauche.

Cette date du 29 mai ne représente pas un jour noir pour la construction européenne. Elle symbolise au contraire l'espoir d'un renouveau du projet européen.

Un an après le revers infligé par le peuple souverain aux tenants d'une Europe où règne la loi des marchés, l'Union européenne est toujours en déshérence. Les référendums français et néerlandais ont mis en lumière toutes les contradictions latentes de la construction européenne. Ils ont aussi dévoilé le fossé béant existant entre les citoyens et les dirigeants européens.

Depuis maintenant plus d'un an, on entend trop souvent que le « non » français et néerlandais aurait entraîné la crise européenne que l'on connaît aujourd'hui, alors que c'est la crise européenne qui a conduit à ce « non » !

Cette crise politique que traverse le projet européen pose avec force la question de l'avenir de l'Europe et de son sens.

Depuis un demi-siècle, la construction européenne s'est réalisée sur des politiques libérales conduisant à l'impasse.

On le constate indubitablement, l'Union européenne se trouve confrontée à un ralentissement de la croissance, de l'économie et de l'emploi. Tandis que les inégalités augmentent, les droits sociaux et les services publics se fragilisent, et cela dans le contexte de la persistance d'un niveau élevé de chômage, de pauvreté, d'exclusion sociale et de précarité de l'emploi. Ce sont autant d'éléments qui affaiblissent le « modèle social français » et européen et qui nous éloignent de l'avènement d'une prospérité accrue et partagée.

Plutôt que de proposer des solutions novatrices et d'offrir des sources d'espérance pour les peuples européens, les principes cardinaux de la construction européenne ne faisaient qu'inscrire dans le marbre les sacro-saintes lois du marché et de la libre concurrence. Dès lors, comment s'étonner du rejet d'un tel texte par le peuple français !

Le peuple souverain s'est exprimé, que cela vous fasse plaisir ou non. Mais plutôt que d'enterrer ce texte désavoué, les chefs d'État et de gouvernement s'étaient donné un an de « pause » pour réfléchir au sort du traité constitutionnel tout en laissant les États membres qui le souhaitaient libres de poursuivre leur ratification.

Le groupe communiste républicain et citoyen avait alors dénoncé cette décision allant à l'encontre de la volonté du peuple souverain et constituant une véritable hypocrisie. Or la « période de réflexion » sur l'avenir de l'Europe n'a donné lieu à aucune prise de conscience de la part des dirigeants européens et aucun enseignement n'en a été tiré.

Les ministres européens des affaires étrangères, réunis les 27 et 28 mai derniers, ont décidé à l'unanimité que le projet de Constitution devait être poursuivi en tant que projet européen. « Sa peine de mort n'a donc pas été prononcée. »

Mme Ursula Plassnik, la ministre autrichienne des affaires étrangères, a indiqué que « personne n'avait déclaré morte la constitution ».

Les ministres européens des affaires étrangères ont au contraire exprimé leur volonté commune de définir les prochaines étapes du traité constitutionnel européen. Ils se sont engagés à trouver un accord sur la future base juridique de l'Union européenne d'ici à 2009 au plus tard.

Les conclusions du sommet européen des deux prochains jours à Bruxelles devraient comprendre la décision de prolonger la « période de réflexion ». C'est tout simplement inadmissible.

Je le rappelle, le traité constitutionnel européen doit être ratifié par tous les États membres de l'Union européenne pour entrer en vigueur. Or cette condition n'est pas remplie, puisque les référendums français et néerlandais se sont soldés par une réponse négative. Le traité a donc été rejeté. Par conséquent, il doit être déclaré caduc une fois pour toutes.

Il faut nous saisir d'une telle occasion pour amorcer une relance de la construction communautaire dans le sens d'une Europe des peuples, démocratique, synonyme de progrès social, de coopération et de paix. C'est ainsi que nous concevons l'avenir de l'Europe. Et c'est dans ce cadre que l'Union européenne doit décider d'une nouvelle négociation sur ses institutions et sur les politiques économiques et sociales en y associant naturellement les peuples européens.

Le lundi 29 mai dernier, un an après la victoire du non lors du référendum sur le projet de constitution, le Conseil européen des ministres du commerce intérieur s'est mis d'accord sur l'ouverture des services à la concurrence.

Certes, les modifications adoptées par le Parlement européen au mois de février et par la Commission européenne au début du mois d'avril ont été prises en compte. Sous la pression des luttes sociales et politiques à l'échelle européenne, les parlementaires européens et la Commission ont été amenés non pas à réviser entièrement le projet de directive dite « Bolkestein », comme vous venez de l'affirmer, monsieur le ministre, mais à en retirer les points les plus controversés, notamment le « principe du pays d'origine ». En outre, ils ont exclus de son champ d'application certains des services sociaux les plus sensibles, comme la santé, le logement social ou l'audiovisuel.

Il n'en demeure pas moins que l'accord adopté le 29 mai dernier reste fondamentalement marqué par la logique de la libéralisation. Si le « principe du pays d'origine » n'est plus mentionné, la menace n'en est pas écartée pour autant.

Ainsi, le Parlement européen a refusé que la notion de « pays d'accueil », qui interdirait clairement de pratiquer des conditions sociales inférieures à celles du pays accueillant, y figure.

Surtout, l'actuel projet de directive fait explicitement référence à la jurisprudence européenne. Or celle-ci s'est systématiquement et très clairement inscrite dans la logique du principe du pays d'origine.

De même, le Parlement de Strasbourg a refusé l'exclusion explicite des services publics du champ de la directive. Dès lors, en l'absence d'une directive cadre sur les services publics et sur l'harmonisation des législations sociales, et compte tenu du flou juridique qui existe entre les notions de « services d'intérêt général » et de « services d'intérêt économique général » - ces derniers sont concernés par la directive -, la menace d'une mise en concurrence des services publics persiste.

Or, nous en sommes convaincus, l'avenir de l'Europe dépend du développement des services publics, à travers le lancement de grands travaux et le renforcement des politiques de recherche et de développement. Encore faut-il réellement en avoir la volonté et s'en donner les moyens.

Les services publics sont synonymes de croissance et de solidarité.

Pour parvenir à un tel équilibre, qui répond aux attentes des peuples, le budget de l'Union mériterait d'être accru et redistribué dans un esprit de solidarité. Malheureusement, l'accord conclu lors du Conseil européen de décembre 2005 sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 témoigne que nous en sommes encore bien loin.

Un montant équivalant à 1,045 % du revenu national brut, le RNB, de l'Union européenne est très insuffisant et n'est pas en mesure de permettre une relance de l'Europe.

Les objectifs d'emploi, de justice sociale et de développement humain doivent se substituer aux obsessions libérales des dirigeants de l'Union européenne, qui sont focalisés sur les aspects strictement économiques. Il convient donc de réformer tous les dispositifs qui ont démontré leur inefficacité pour la construction d'une Europe sociale. Nous pensons notamment au carcan que constitue le pacte de stabilité et de croissance et à l'impasse à laquelle conduit la politique monétaire menée librement par la Banque centrale européenne.

Par ailleurs, le groupe communiste républicain et citoyen souhaiterait clarifier sa position sur l'élargissement. Nous y sommes tout à fait favorables. Et, pour être tout à fait clairs, nous ne concevons pas cette question à travers l'image populiste et dangereuse d'une prétendue « invasion des travailleurs des pays de l'Est ».

Notre principale préoccupation est au contraire de défendre l'intérêt des travailleurs européens, quelle que soit leur nationalité. Ceux-ci se trouvent confrontés aux mêmes périls sociaux, c'est-à-dire l'exploitation et la précarisation.

À l'écoute de la volonté populaire, nous croyons à une Europe sociale et à une harmonisation de la protection sociale des États membres par le haut. Telle est notre définition de la valeur ajoutée, notion que vous avez évoquée dans votre intervention, monsieur le ministre.

La relance du projet européen ne peut plus reposer sur les formules simplistes de l'économie libérale. Le principe de solidarité doit enfin se concrétiser dans les rapports au sein de l'Union européenne.

De ce point de vue, le secteur de l'énergie pourrait effectivement offrir un cadre privilégié. En effet, il s'agit d'un secteur à la fois stratégique et vital pour l'avenir - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre -, mais également symbolique, puisque la construction communautaire a commencé en 1951 avec l'adoption du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la CECA.

Malheureusement, comme dans d'autres domaines, la Commission européenne a donné la priorité à la libéralisation du marché intérieur du gaz et de l'électricité. Or, jusqu'à présent, une telle politique a surtout eu pour effets d'accélérer la concentration du secteur entre les mains de quelques grands groupes et de favoriser le remplacement des monopoles publics par des monopoles privés.

La libéralisation se traduit également par des augmentations de prix et remet en cause le droit à l'énergie pour tous.

De plus, nous devons continuer à promouvoir la diversité énergétique et le développement des énergies renouvelables, ce qui implique des investissements importants en faveur de la recherche.

Monsieur le ministre, de telles questions doivent se situer au coeur d'une stratégie de développement et de croissance. Elles devraient figurer au premier rang des priorités du septième programme-cadre de recherche et développement lancé par la Commission européenne.

En effet, il convient de tirer toutes les conséquences de la libéralisation. La sécurité énergétique est impossible sans la maîtrise publique de la production énergétique.

Une vision à long terme s'impose donc, car elle seule permet d'intégrer la charge des coûts externes majeurs que sont le traitement et la gestion des déchets, le démantèlement des installations, ainsi que la prise en compte des risques, notamment nucléaires.

Aussi est-il nécessaire d'instaurer une réelle transparence, une circulation effective des informations et un exercice concret de la citoyenneté.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué la question migratoire. Permettez-moi juste de dire un mot sur ce sujet. Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, déposé par votre gouvernement, nous montre clairement votre conception de l'Europe. Vous voulez une « Europe forteresse », incapable de relever les grands défis, notamment la politique de codéveloppement entre le Nord et le Sud !

Je souhaite également exprimer un sentiment paradoxal.

Certes, nous pouvons nous réjouir de la tenue de ce débat devant la représentation nationale à la veille d'un conseil européen.

Mais nous exprimons une fois de plus un avis purement informatif. Votre gouvernement n'est absolument pas tenu de le prendre en considération. Or, comme nous le savons, le déficit démocratique qui caractérise la construction européenne est notamment lié à l'absence de contrôle parlementaire sur l'activité communautaire du Gouvernement. De fait, au sein du Conseil des ministres, en participant à l'élaboration des décisions européennes, le Gouvernement récupère des compétences nationales transférées.

Cette situation, qui entraîne mécaniquement une régression des pouvoirs législatifs et financiers du Parlement, est tout simplement inacceptable ! Elle ne peut pas durer. Peut-être certains s'en satisfont-ils, mais ce n'est pas le cas des sénateurs du groupe CRC.

Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement. Je n'ai entendu ni proposition concrète ni volonté réelle de mettre en oeuvre une véritable politique de relance de la construction communautaire qui irait dans le sens des aspirations des peuples européens.

Certes, vous pourrez toujours dire qu'il faut agir avec les peuples si l'on ne veut pas agir contre eux. Mais votre intervention démontre que vous faites le contraire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient en effet de répondre à vos observations, M. Douste-Blazy étant retenu par un engagement diplomatique important.

Permettez-moi en préalable de vous dire combien je me réjouis de la tenue d'un tel débat, ainsi que, d'une manière générale, de tout ce qui peut contribuer à mieux associer le Parlement aux questions européennes.

Comme vous l'a indiqué M. le ministre des affaires étrangères, le Conseil européen de juin permettra aux chefs d'État et de gouvernement de faire le point sur la période de réflexion engagée voilà maintenant un an. Il leur permettra également de débattre des questions liées à l'élargissement, ainsi que de la politique européenne de l'énergie, des questions migratoires et de plusieurs sujets sur lesquels nous avions émis des propositions. Je pense notamment au projet de création d'une capacité européenne de réponse aux catastrophes naturelles et aux crises. À cet égard, des premières mesures opérationnelles ont déjà été décidées cette semaine.

Vos interventions ont porté sur la recherche des moyens pour continuer à faire avancer une Europe concrète au service des citoyens, sur les questions institutionnelles et sur la nécessité d'une réflexion quant à l'élargissement. Je vous répondrai sur ces différents points.

Tout d'abord, comme vous le savez, faire avancer une Europe concrète au service des citoyens est depuis un an la priorité de l'action européenne du Gouvernement. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il faut que l'Europe retrouve la confiance des citoyens. Vous avez d'ailleurs été nombreux à le souligner aujourd'hui. Pour atteindre un tel objectif, nous devons développer des politiques efficaces, concrètes, qui répondent aux attentes des citoyens, ainsi que le président Vinçon le soulignait.

C'est pourquoi les principaux axes de l'action de l'Union européenne depuis un an ont été la croissance et l'emploi, la sécurité, l'énergie, les investissements accrus dans la recherche et l'innovation, les actions en faveur de la jeunesse, la problématique des migrations et du développement, l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, et la politique extérieure, notamment en Iran et au Proche-Orient.

Peu importe que l'on appelle « Europe des projets » ou « Europe des résultats » l'action déterminante de l'Union européenne sur ces dossiers. En revanche, la nécessité d'une telle orientation a été reconnue comme prioritaire et essentielle par tous les gouvernements européens, et pas seulement par le nôtre, ainsi que par la Commission européenne. Dans ces conditions, l'Europe a su agir.

Je tiens à le dire ici, l'Union européenne fait son travail. Elle prend les décisions qui s'imposent. Certes, le contexte étant celui que nous connaissons, elle le fait parfois avec plus de difficulté ou plus de lenteur qu'il ne serait souhaitable. Mais, en tout état de cause, elle fait son travail.

Comme il faut parler concrètement, je mentionnerai quelques exemples pour illustrer mon propos, ainsi que Philippe Douste-Blazy l'avait fait lui-même.

J'évoquerai d'abord le budget. Voilà encore quelques mois, nombreux étaient ceux qui doutaient de la capacité des États membres à s'accorder sur un budget. Or, depuis l'accord avec le Parlement européen intervenu au printemps dernier, l'Europe dispose d'un budget et même d'un bon budget. En effet, celui-ci est conforme à ce qu'il doit être pour bâtir une Europe forte, compétitive et solidaire.

À cet égard, je ne rappellerai qu'un seul chiffre. Pour la période budgétaire 2007-2013, ce budget s'élève à 864 milliards d'euros, soit 55 milliards d'euros de plus que le budget précédent.

L'Europe peut ainsi faire monter en puissance un certain nombre de politiques qu'il convenait de développer. Je pense notamment à tout ce concerne la sécurité des citoyens, ce que l'on appelle la justice et les affaires intérieures, mais également à la politique de cohésion, à la recherche et développement, ainsi qu'à la politique étrangère et de sécurité commune, pour ne mentionner que quelques exemples.

Ensuite, MM. Badré et Bret ont évoqué la proposition de directive sur les services. Soyons clairs sur ce point. En un an, nous avons réussi à renverser totalement la situation et à convaincre nos partenaires et le Parlement européen de prendre nos préoccupations en considération.

Le premier projet n'était pas acceptable. Il a donc été réformé. L'accord politique conclu par consensus voilà deux semaines par les Vingt-cinq reprend le texte adopté par le Parlement européen, qui était très satisfaisant.

Je voudrais faire quelques rappels devant la représentation nationale. D'abord, le principe du pays d'origine a été supprimé. Par conséquent, c'est le droit du travail français qui s'appliquera en France selon le principe du pays de destination. Ensuite, les services publics seront préservés, tout comme un certain nombre de secteurs sensibles et importants, notamment la santé, le social, la culture et l'audiovisuel.

À présent, nous pouvons donc envisager un marché intérieur des services respectueux de la dimension sociale de l'Union européenne et permettant également le développement des échanges, ce qui est notre intérêt.

S'agissant de cette négociation, il est également important de souligner deux faits.

D'une part, contrairement à ce que l'on prétend parfois, la démocratie européenne a bien fonctionné. (Mme Borvo Cohen-Seat manifeste son scepticisme.) D'autre part, l'Europe arrive à concilier l'économique et le social. Ce n'est pas rien.

L'Europe concrète a avancé tout au long de cette année dans d'autres domaines.

Ainsi, dans le secteur de l'énergie, les jalons d'une véritable politique européenne, qui est nécessaire, ont été posés au mois de mars.

M. Denis Badré a rappelé, à juste titre, l'importance de la méthode Schuman et celle de mettre sur pied des politiques communes. Nous le pensons comme lui. Non seulement nous le pensons, mais nous le faisons, ce qui est mieux. C'est bien la France, monsieur le sénateur, qui a proposé à ses partenaires que l'Union se dote d'une politique européenne de l'énergie, qui n'existait pas.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Les premiers pas ont été faits.

M. Denis Badré. Très bien !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Dans le domaine de la recherche, l'Europe concrète avance également. Les moyens budgétaires consacrés à la recherche sont en hausse de 35 %. En outre, le Conseil européen a décidé, au mois de mars, d'utiliser une facilité de financement de la Banque européenne d'investissement afin d'augmenter ces fonds d'un montant pouvant atteindre, par un effet de levier, jusqu'à 30 milliards d'euros.

Je rappelle également que, dans le domaine de la recherche et des technologies d'avenir, deux décisions importantes ont été prises cette année concernant les projets ITER et Galileo, deux investissements majeurs pour l'avenir et l'indépendance des européens.

Nous obtenons également des résultats en matière de sécurité, par exemple dans le domaine aérien. Une liste noire européenne des compagnies aériennes dangereuses a ainsi été publiée. Par ailleurs, grâce à l'introduction prochaine de la biométrie dans les visas, les titres de séjour seront mieux sécurisés sur tout le territoire de l'Union.

Des résultats sont là également en matière d'éducation. Nous pensions qu'il fallait augmenter le nombre de bourses Erasmus et Leonardo...

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Ah oui !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. ...pour les étudiants, mais aussi pour les jeunes apprentis. C'est fait et c'est une bonne chose, parce que ce sont les jeunes qui feront l'Europe de demain.

Je mentionnerai également l'Europe de la défense et la politique étrangère et de sécurité commune, qu'a notamment évoquées M. Serge Vinçon. Dans ce domaine également, des avancées ont été réalisées. Elles ont même été rapides ! Qui aurait pensé il y a encore quelques années que l'Union serait en mesure de mener en même temps onze missions dans le monde, dont deux opérations militaires - une en Bosnie-Herzégovine, l'autre, qui a été lancée avant-hier, en République démocratique du Congo - et neuf opérations civiles de gestion de crise : en Bosnie-Herzégovine, en République démocratique du Congo encore, à Aceh en Indonésie, dans l'ancienne république yougoslave de Macédoine, à Rafah et dans les territoires palestiniens, dans les Balkans et en Irak ? Voilà des résultats, comme vous l'avez dit, monsieur le président. L'Europe a donc bien une ambition politique.

Permettez-moi de rappeler à ce propos, comme Philippe Douste-Blazy, le rôle essentiel que joue actuellement l'Europe dans le dossier du nucléaire iranien, au sujet duquel vous vous êtes inquiété, monsieur de Montesquiou. Or c'est bien le Haut Représentant de l'Union européenne, et nul autre, qui a présenté à l'Iran l'offre de toute la communauté internationale : l'Europe, les États-Unis, la Chine et la Russie réunis. C'est un rôle nouveau pour l'Europe. La démocratie européenne est en avance sur les autres, monsieur le sénateur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces exemples montrent que l'Europe agit et décide. Il reviendra au Conseil européen du mois de juin de faire avancer davantage encore cette Europe concrète en abordant deux autres sujets essentiels.

Il s'agit, tout d'abord, des questions migratoires, dont il est inutile de rappeler l'importance. Notre pays plaide depuis toujours pour une approche globale, c'est-à-dire pour le renforcement à la fois des contrôles et de la coopération et du développement, car le problème doit être également traité à sa source. C'est l'enjeu de la conférence euro-africaine qui se tiendra à Rabat les 10 et 11 juillet, comme l'a souligné M. le ministre des affaires étrangères.

Par ailleurs, j'informe de nouveau la représentation nationale, notamment M. Denis Badré, que nous n'avons pas attendu la semaine dernière pour mobiliser les Européens.

Ainsi, lors du sommet de Barcelone, à la fin du mois de novembre 2005, une importante initiative franco-espagnole a été prise. Nous avons également pu, lors du Conseil européen du mois de décembre dernier, reconstituer le Fonds européen de développement. Cela signifie 22 milliards d'euros pour le développement pour la période budgétaire 2007-2013. Nous avons également prévu, lors de ce même Conseil européen, que 3 % des fonds du programme MEDA seront réservés au traitement de la question des migrations.

Nous ne sommes donc pas restés les deux pieds dans le même sabot ! Ce n'est d'ailleurs pas le style de M. le ministre des affaires étrangères, comme vous le savez, monsieur le sénateur.

Il s'agit, ensuite, des questions énergétiques, sur lesquelles le Conseil reviendra. Il avait demandé au mois de mars dernier de définir en premier lieu une politique extérieure de l'énergie, notamment à l'égard de nos principaux fournisseurs. Le Haut Représentant de l'Union européenne, Javier Solana, et la Commission européenne ont donc proposé un plan d'action, que les chefs d'État ou de gouvernement devraient valider - il le faut - demain ou après-demain.

Lançons un dialogue ambitieux avec la Russie sur notre sécurité énergétique en utilisant les moyens existants, notamment au titre de la politique de voisinage de l'Union, pour atteindre nos objectifs. La France est attachée à la mise en place progressive, pan par pan, d'une politique énergétique européenne, pour laquelle elle oeuvre, car c'est l'une des clés de notre indépendance.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, même dans un contexte difficile, l'Europe avance. Il faut notamment en savoir gré à la présidence autrichienne, qui a bien conduit son affaire.

M. Denis Badré. C'est vrai !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Je remercie aussi tous ceux d'entre vous qui l'ont souligné, car nous devons savoir mesurer à leur juste valeur les progrès accomplis, au lieu de céder à la facilité. Nous devons surtout savoir nous mobiliser pour progresser encore, car l'Europe peut et doit, bien sûr, continuer à gagner en cohérence et en efficacité.

Je veux dire aussi de la manière la plus claire, ici, au Sénat, que la France tient son rang en Europe. La plupart des décisions que j'ai évoquées ont pour origine des propositions de notre pays. Je le dis tout particulièrement à M. Badré, qui s'en inquiétait.

M. Denis Badré. Qui est attentif !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Sur tous ces sujets, monsieur le sénateur - l'énergie, la recherche, l'éducation, le budget européen, les migrations -, notre pays a été à l'origine d'initiatives et a su peser de tout son poids pour entraîner les autres.

Je n'ai pas besoin non plus de rappeler à la représentation nationale tout ce qui a été fait depuis un an pour mieux associer le Parlement, mais aussi les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et tous les Français, aux questions européennes. Je rappellerai toutefois, pour ceux qui l'ignoreraient, l'adresse du site Internet que nous avons créé, sur lequel chacun peut s'exprimer : « www.touteleurope.fr » Vous le voyez, monsieur de Montesquiou, nous entendons faire au moins aussi bien que les pays voisins. J'encourage d'ailleurs chacune et chacun à se rendre sur ce site et à s'y exprimer.

J'en viens aux deux autres grands sujets que vous avez évoqués, les questions institutionnelles et l'élargissement.

Tous les orateurs l'ont souligné, les chefs d'État ou de gouvernement aborderont, bien sûr, à l'occasion de ce Conseil européen, la grande question de l'avenir du traité constitutionnel. Vous avez tous souhaité savoir où il en est.

Comme l'a rappelé M. le ministre des affaires étrangères, quinze pays l'ont ratifié. La Finlande devrait en principe se prononcer au cours du second semestre 2006 - c'est en tout cas l'intention qu'elle a fait connaître publiquement. Deux États l'ont rejeté par un vote qui s'impose. Quant à ceux qui ne se sont pas encore prononcés - ils sont huit aujourd'hui -, nous savons bien qu'il serait difficile pour certains d'entre eux de le faire. C'est d'ailleurs un fait auquel il faut donner l'importance qu'il mérite, ce qui n'est pas toujours le cas.

Disons donc les choses de la façon la plus claire et la plus simple possible : il n'y a pas aujourd'hui de solution à court terme pour l'avenir du traité. Il n'y a pas non plus de consensus, comme vous l'avez dit, monsieur le président. Dans ces conditions, les Vingt-cinq se dirigent vers la prolongation de la période de réflexion ouverte l'an dernier, et ce pour plusieurs années, car plusieurs présidences seront nécessaires pour que la question institutionnelle trouve une réponse adéquate.

Le Président de la République et la Chancelière fédérale allemande l'ont indiqué lors de leur rencontre du 6 juin, la présidence allemande devrait permettre de faire la synthèse des propositions possibles. Le premier semestre 2007 devrait ainsi être le début d'une séquence, qui se prolongera jusqu'au second semestre 2008 avec la présidence française, peut-être même au-delà.

Voilà ce que nous pouvons vous dire aujourd'hui sur l'état de la situation.

Cela étant, comme vous l'avez dit, monsieur Jacques Blanc, cette situation délicate, difficile même, ne remet pas en cause le problème de fond : le besoin d'institutions rénovées reste entier. Nous ne pourrons pas en rester durablement au traité de Nice. Un nouveau traité sera nécessaire.

La France, par la voix du Président de la République, a proposé, dans cette attente, d'améliorer déjà ce qui peut être amélioré dans le cadre des traités actuels. C'est pourquoi Philippe Douste-Blazy et moi-même avons transmis à la fin du mois d'avril à nos partenaires européens une contribution à la réflexion commune comportant plusieurs propositions précises et concrètes, que je vous présenterai brièvement parce qu'elles me semblent rejoindre nombre des préoccupations que vous avez exprimées aujourd'hui.

Nous avons ainsi proposé d'améliorer la sécurité des citoyens en rendant plus facile la prise de décision dans ce domaine grâce au passage à la majorité qualifiée dans certains cas, qui seraient décidés à l'unanimité. Il faudra d'ailleurs, comme le président Haenel l'a justement souligné, développer d'une façon générale le passage à la majorité qualifiée pour prendre des décisions.

Nous avons également fait des propositions sur la dimension sociale de l'action de l'Union, qu'il faut mieux faire prendre en compte, et sur son action extérieure, pour renforcer la cohérence, la visibilité et l'unité entre tous les acteurs concernés, qui sont nombreux - la Commission, le Conseil, les États membres, ainsi que le secrétaire général et Haut Représentant.

Cependant, je rappelle à M. de Montesquiou que pour avoir un véritable ministre des affaires étrangères européen, qu'il appelle de ses voeux, il faut un nouveau traité. C'était même prévu.

Nous avons également fait des propositions sur la coordination des politiques économiques, qui est indispensable pour renforcer notre efficacité collective, comme la France l'a toujours souhaité.

Nous en avons fait également sur le rôle des parlements nationaux. C'est une exigence démocratique fondamentale. À cet égard, je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit M. Haenel. Le contrôle du principe de subsidiarité et de proportionnalité par les parlements nationaux doit être renforcé. Vous avez d'ailleurs fait, monsieur le président, de très intéressantes réflexions sur la subsidiarité, étayées par l'exemple.

Il est certain qu'un meilleur équilibre doit être trouvé entre harmonisation et subsidiarité. L'une comme l'autre sont nécessaires.

Le texte du traité constitutionnel comporte d'ailleurs des dispositions précises pour assurer un meilleur respect de la subsidiarité, ce qui prouve non seulement que notre pays le préconise depuis plusieurs années - depuis que la réflexion s'est engagée sur les institutions au début des années 2000 -, mais que ses partenaires en étaient également convaincus puisque qu'ils en avaient ainsi décidé et que ce texte avait fait l'objet d'un accord.

Mais n'oublions pas non plus que l'harmonisation est, elle aussi, nécessaire. C'est même l'un des principes de base de l'Union européenne. Et c'est ce qui explique parfois que la même règle s'applique en droit à tous, même si tous ne sont pas concernés dans la même mesure.

Quant à votre remarque sur les fleuves, monsieur le sénateur, elle paraît à première vue fort pertinente. Philippe Douste-Blazy et moi-même la prendrons pleinement en compte et nous vous informerons de la façon dont a été forgée, ou non, la position interministérielle sur ce sujet.

Cela dit, monsieur le président, le Gouvernement avait agi en faveur de la subsidiarité et le traité validait cette ligne. Comme il n'est pas en vigueur, le Gouvernement continue d'oeuvrer en ce sens. La France souhaite que les parlements nationaux soient mieux associés et a proposé des mécanismes précis dans la contribution que j'ai précédemment évoquée et qu'elle a adressée à ses partenaires au mois d'avril.

Vous avez souligné, monsieur le sénateur, que le président José Manuel Barroso a repris cette idée. Nous le remercions en effet d'avoir bien voulu s'inspirer des propositions françaises, sur ce sujet comme sur quelques autres, dans l'importante contribution que la Commission européenne a rendue publique voilà quelques semaines, au mois de mai.

Pour répondre à votre question, je peux vous assurer que la France souhaite que le prochain Conseil européen marque clairement la direction : elle a pour cela le soutien de la Commission et de la présidence, ce qui est essentiel. Elle l'a redemandé lundi lors du conseil affaires générales et relations extérieures. J'observe cependant, comme vous, que les négociations se poursuivent sur les conclusions afin de lever les réticences de quelques États membres qui sont prêts, sur ce point, à aller moins loin que nous.

D'une manière plus générale, je voudrais rappeler à MM. Boulaud et de Montesquiou qu'en faisant ces propositions à traités constants dans le cadre des textes actuels, nous avons avant tout voulu être pragmatiques et efficaces et envisager très concrètement tout ce qui pouvait être amélioré dès maintenant. C'est non seulement possible, puisque les textes le permettent dans un certain nombre de cas, mais c'est nécessaire pour rendre la période de réflexion pleinement active et utile.

C'est donc tout le contraire d'une pause ou de l'inaction. Permettez-moi de redire que c'est la France, et elle seule, qui a fait ces propositions.

Le Conseil européen doit permettre d'arrêter des orientations claires pour avancer sur plusieurs de ces propositions et poser ainsi des jalons pour l'avenir.

J'en viens à présent au second sujet majeur de ce Conseil européen : l'élargissement.

La France, vous vous en souvenez, avait souhaité que la réflexion sur ce sujet occupe davantage de place dans le débat européen.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est très important !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Les Français l'ont aussi clairement demandé et vous vous en êtes fait l'écho de nouveau aujourd'hui.

Je souhaite aujourd'hui, devant la représentation nationale, rappeler la position du Gouvernement sur cette question.

D'abord, n'oublions pas que l'élargissement a été une réussite, un accomplissement historique, dirai-je même,...

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Tout à fait !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. ...conforme à la vocation première de la construction européenne : bâtir sur notre continent - dont on connaît l'histoire - un espace de paix, de démocratie - nous étions encore divisés il y a quinze ans. Qui voudrait de l'alternative qui eût été de garder le continent divisé en deux ? Qui pourrait croire d'ailleurs que, dans le monde globalisé d'aujourd'hui, il y ait d'autre choix que d'unir nos forces pour réussir notre développement économique et social ?

Cela étant, et ainsi que l'ont rappelé MM. Serge Vinçon et Jacques Blanc, beaucoup de nos compatriotes ont pu avoir le sentiment que ce processus leur échappait, même si leurs représentants y ont toujours participé, comme il se doit. Ainsi, a pu se faire jour le sentiment d'une absence de contrôle politique adéquat sur ce processus. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'on ne fera pas l'Europe sans les peuples. Ce contrôle politique, il faut donc le renforcer.

C'est fort de cette conviction que le gouvernement français a demandé - et obtenu - que l'Union engage un débat de fond sur la stratégie d'élargissement avant d'accueillir de nouveaux membres.

L'élargissement concerne, bien sûr, les pays candidats mais aussi l'Union elle-même. En effet, il a des conséquences tant sur la nature, l'identité de l'Union que sur son fonctionnement. Nous devons donc veiller à ce que ce processus reste une réussite, pour les pays candidats mais aussi pour l'Union elle-même.

C'est en gardant cela à l'esprit qu'il nous faut répondre aux différentes questions concrètes qui se posent et qui se poseront lors de ce Conseil européen : quelles seront les politiques communes d'une Union élargie ? Quel sera son budget et avec quelle clé de financement ?

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Eh oui !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Quelles seront ses institutions ? Et comment s'assurer du soutien des peuples à ce processus ?

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est fondamental !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Ce que l'on appelle la « capacité d'absorption » ou « capacité d'assimilation », concept qui existe depuis 1993, doit être non seulement rappelée au Conseil européen mais précisée. C'est ce que la France souhaite.

Lors du Conseil européen, nous devons donc progresser sur ce point et engager immédiatement la réflexion, tout en demandant qu'elle se poursuive aussi sous les présidences suivantes.

Permettez-moi aussi de vous assurer que nous resterons d'une très grande vigilance dans le suivi au jour le jour des discussions et des négociations en cours, qu'il s'agisse des pays adhérents, des pays candidats ou bien encore des pays des Balkans auxquels a été reconnue une perspective européenne. Le récent rapport de la Commission sur la Bulgarie et la Roumanie vous montre que le processus est conduit avec sérieux.

Pour répondre à la question judicieuse posée par M. Denis Badré, mais également par MM. Didier Boulaud et Jacques Blanc, je précise que les débats sur la ratification du traité d'adhésion s'engageront à l'Assemblée nationale le 27 juin prochain.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Et au Sénat à la rentrée !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Au total, la France se rend à ce Conseil européen en étant une force de propositions, et en incitant ses partenaires à aborder ouvertement tous les sujets concernant l'avenir de l'Europe, même ceux qui sont difficiles.

C'est en effet ce que nous demandent nos concitoyens. Les Françaises et les Français restent attachés à l'Europe comme projet politique, j'en suis convaincue. Ce projet est porteur de valeurs et profondément respectueux de l'identité des peuples. Il est également porteur d'un idéal, celui de la fraternité et de la raison, où les nations décident librement de faire prévaloir ce qui les unit sur ce qui les divisait.

Tel est le cap ; gardons-le ! L'écho de mes paroles ira jusqu'à M. le président Vinçon, par la pensée, puisqu'il s'est absenté.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Il reçoit en commission le général Henri Bentegeat !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Au moment de conclure cette intervention, je souhaiterais rappeler, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont fait, afin que personne ne l'oublie, que l'Europe ne sera que ce qu'est notre volonté collective commune.

M. Denis Badré. C'est vrai !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Monsieur Badré, je partage pleinement votre conviction - que vous avez exprimée avec force -, et je m'attache à le démontrer dans mes fonctions.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est vrai !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. C'est en étant guidé par cette conviction que le Gouvernement agit depuis un an, en étant une force d'initiative pour faire avancer l'Europe, et c'est ce qu'il continuera de faire, car c'est son devoir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Madame la ministre, je vous remercie de vos réponses.

Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 391 et distribuée.

Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

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Article 24 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Titre VI (priorité)

Immigration et intégration

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 67 (priorité)

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration (nos 362, 371).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des articles 67 à 79 relatifs à l'outre-mer, appelés en priorité.

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que nous abordons l'examen du titre VI du projet de loi relatif à l'immigration et l'intégration, permettez-moi de prendre brièvement la parole et de répondre aux orateurs d'outre-mer et de métropole qui ont bien voulu s'exprimer sur les mesures relatives à nos territoires ultramarins.

Je me réjouis que, comme à l'Assemblée nationale, nous examinions de jour les mesures concernant l'outre-mer. C'est un signal important - le fait est suffisamment rare pour est souligné - que nous adressons à nos compatriotes ultramarins, qui apprécieront la volonté de la Haute Assemblée de donner tout le relief nécessaire à des mesures importantes qu'ils attendent depuis fort longtemps.

La situation dramatique que nous connaissons, et que j'ai évoquée lors de la discussion générale, exige en effet des mesures spécifiques, adaptées aux particularités de ces territoires. Nous ne pouvons plus attendre, notamment à Mayotte, comme l'ont souligné ses représentants.

Je tiens également à remercier Mme Michaux-Chevry et MM. Giraud, Ibrahim et Virapoullé pour leurs interventions et leur soutien, ainsi que M. Othily pour son fort degré d'implication, ses propositions et son investissement personnel dans le cadre de la commission d'enquête.

Monsieur le sénateur, vous m'avez fait l'honneur de m'interroger, peu après M. le ministre d'État, sur le problème de l'immigration outre-mer, et je vous avais donné mon point de vue à cette occasion. Nous partageons, à bien des égards, la même analyse objective s'agissant du caractère choquant de la situation qui existe dans certains de nos territoires, en particulier en Guyane.

J'ai bien noté l'opposition du groupe communiste républicain et citoyen. Mme Assassi considère qu'il n'est pas nécessaire de prendre de mesure spécifique pour l'outre-mer. Je regrette cette prise de position. Ces propos révèlent une méconnaissance profonde de la réalité de ces territoires et surtout de l'évolution historique plus récente, qui donne toute la puissance aux mesures que le Gouvernement propose en la matière.

Pour le groupe socialiste, M. Frimat pense que la situation de l'outre-mer nécessite un traitement particulier. J'ai compris le sens de son message sur la nécessité d'un consensus autour d'un texte spécifique, détaché des mesures prises pour la métropole. Il y aura un parallélisme des formes - mais peut-être est-ce le point que vous contestez ? - et en même temps des mesures sur lesquelles nous pourrons avoir un débat utile pour aboutir à des solutions consensuelles.

Au cours de ce débat, et notamment de l'examen des amendements, nous devons être animés par une double exigence : d'abord le respect de la Constitution et de son article 73, relatif à l'adaptation de notre législation aux spécificités et aux contraintes de l'outre-mer, mais aussi de l'article 74, qui concerne plus particulièrement Mayotte, et impose l'élaboration d'une législation conforme aux intérêts propres de nos collectivités d'outre-mer, et de cette île en particulier, au sein de la République.

Notre seconde exigence est l'amélioration du dispositif présenté. Je tiens à cet égard à saluer l'important travail réalisé par la commission et son rapporteur, M. Buffet. J'étudierai avec attention tous les amendements qui seront présentés aujourd'hui et m'efforcerai d'y répondre point par point.

TITRE VI (priorité)

DISPOSITIONS RELATIVES À LA MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION OUTRE-MER

CHAPITRE IER

Dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers outre-mer

Titre VI (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 68 (priorité)

Article 67 (priorité)

I. - Dans l'intitulé du chapitre IV du titre Ier du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « commune de Saint-Martin (Guadeloupe) » sont remplacés par le mot : « Guadeloupe ».

II. - Après l'article L. 514-1 du même code, il est inséré un article L. 514-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 514-2. - Les dispositions de l'article L. 514-1 sont applicables dans les communes du département de la Guadeloupe autres que celle de Saint-Martin, pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n°          du                   relative à l'immigration et à l'intégration. »

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, sur l'article.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dispositif que le Gouvernement a prévu de mettre en place dans les départements et les territoires d'outre-mer peut sembler plus répressif que celui qui s'applique au reste du territoire national, même si le respect du droit commun reste le principe fondamental.

Monsieur le ministre, vous avez découvert sur le terrain la réalité de la situation en outre-mer, particulièrement à Mayotte, mais aussi dans l'ensemble de ces territoires. À cette occasion, vous avez, à juste titre, fait part de vos impressions. Mais en France, lorsque l'on dit certaines vérités, on se fait vertement critiquer.

Le rapport du Sénat sur la situation des départements d'outre-mer en matière d'immigration clandestine est éloquent. Pourtant, il reste timide et ne traduit pas la totalité de la réalité. En effet, sans vouloir dramatiser les faits, on peut qualifier d'explosive cette situation, car la stabilité de nos institutions est en cause.

Quelle est l'origine de cette situation ? Pour survivre, des étrangers viennent chez nous. Ces personnes, qui sont très malheureuses, même si elles ont conservé leur dignité - et c'est souvent lorsqu'un être humain se trouve en situation de détresse que le mot « dignité » prend tout son sens -, en arrivent à accepter et à faire n'importe quoi, en travaillant au noir, ou parfois même en étant traités comme des esclaves. Elles vivent dans des conditions intolérables, se cachent durant la journée pour éviter les forces de l'ordre et ne sortent que la nuit. Elles se comportent aussi parfois de façon répréhensible, donnant de leur pays d'origine -  je pense notamment à Haïti - une image qui ne correspond pas à la réalité.

Savez-vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nos amis de la zone hollandaise ne se plaignent pas du tout de l'immigration clandestine ? Pour leur part, ils sont sans pitié quand il s'agit de faire repartir les étrangers. N'oublions pas que l'aéroport Princess Juliana est sous leur contrôle et qu'ils ont fixé une taxe très élevée. Quand cinquante étrangers passent à raison de cinquante dollars chacun... Voilà pourquoi les étrangers viennent tranquillement se faire soigner dans nos hôpitaux, dans nos cliniques et cherchent à percevoir notre RMI.

La France n'a pas vu venir les conséquences dramatiques de l'immigration sur son sol. Elle en est restée à une conception forte de ses valeurs humanistes, qui est belle et généreuse mais ne correspond plus à la réalité. Est-il généreux d'accepter de recevoir sur son sol des êtres humains qui viennent chercher chez nous plus de bonheur et du travail mais qui, en réalité, y trouvent plus de misère ?

Nos institutions sont ébranlées par des transports organisés de clandestins, les enfants étrangers vont à l'école avec leurs propres véhicules, il existe une économie et une banque souterraines, ces personnes achètent des véhicules et font sortir beaucoup d'argent du territoire français. Vous avez surpris, vous avez choqué, mais vous avez eu raison : pour se faire entendre dans notre pays, il faut, hélas ! choquer.

Mais ce projet de loi est encore trop modéré, et nous devrons y revenir. J'évoquais tout à l'heure certains comportements dont j'ai eu connaissance ou dont mon collègue Georges Othily m'a fait part. Monsieur le ministre, je n'ai pas besoin de dire devant vos collaborateurs, qui la connaissent aussi bien que nous-mêmes, que notre région est une terre de générosité, d'accueil et de spontanéité, où on a plaisir à recevoir les gens et à discuter avec eux, même quand on ne partage pas les mêmes opinions politiques. Il y a chez nous une chaleur humaine et une qualité de vie extraordinaire. Or celle-ci est en train de se détériorer.

En effet, il arrive fréquemment qu'à l'occasion de fêtes de famille ou de mariages on se fasse agresser par des hordes de gens qui n'hésitent pas à faire irruption dans nos maisons. En conséquence, nos concitoyens se préparent à l'auto-défense. Est-ce là l'image que nous voulons donner de la France dans cette zone géographique ?

Ce texte, qui a le mérite de contenir certaines mesures draconiennes et de conférer certains pouvoirs à la justice, notamment au procureur de la République et au préfet, était nécessaire.

Est-il acceptable que sur nos routes des véhicules conduits par des étrangers dépourvus de permis de conduire et d'assurance provoquent des accidents dont les conséquences sont dramatiques ? M. Dominique Lacroix, directeur adjoint de votre cabinet, est au courant de cette réalité, que nous vous avons signalée à maintes reprises.

Je voterai ce texte sans état d'âme. Je sais très bien que la France est un pays généreux. Pour ma part, moi aussi, je suis généreuse et, je le dis haut et fort, je suis fière d'être française. Mais je souhaite aussi que nos valeurs humanistes, nos valeurs de coeur et de dignité, ne soient pas ternies par une immigration sauvage et clandestine non maîtrisée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Georges Othily applaudit également. )

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau, sur l'article.

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade de la discussion, je voudrais exprimer le sentiment que m'inspirent ces dispositions spécifiques pour l'outre-mer, mais aussi relater un certain nombre de faits qui, dans l'océan Indien, portent atteinte à l'image de la France et fragilisent les efforts déployés par la Réunion pour permettre une meilleure insertion dans son environnement régional.

La lutte contre l'immigration clandestine ne saurait justifier que l'outre-mer devienne un laboratoire d'expérimentation de mesures inhumaines, contraires au respect des droits fondamentaux et à la fraternité inscrite dans notre devise républicaine.

Le projet de loi soumis à la discussion de notre assemblée n'a pas encore été adopté mais, déjà, plusieurs exemples viennent apporter un éclairage sur les effets inhumains qu'il générera.

Ce sont tout d'abord ces deux enfants turcs que des policiers sont venus chercher à l'école maternelle où ils étaient scolarisés. Cette incursion dans un lieu où tous les enfants doivent se trouver à l'abri des querelles des hommes et faire l'objet d'une protection sans faille a, dès qu'elle a été connue de l'opinion publique, légitimement suscité une très vive émotion.

Mais ce que l'opinion publique métropolitaine ne sait pas, c'est qu'en outre-mer, dans l'océan Indien, dans l'île de Mayotte, des faits semblables se renouvellent quotidiennement, et parfois avec un déploiement de forces armées habituellement réservé aux opérations de répression du grand banditisme.

Je souhaite porter à la connaissance de notre assemblée un fait précis. Le 6 juin dernier, à cinq heures du matin, douze camions des forces de gendarmerie ont investi le village de Combani. Au terme de cette opération, soixante personnes ont été raflées et expulsées de Mayotte, l'après-midi même, en direction de l'île d'Anjouan. Du fait de ce délai très court, aucun des moyens légaux de recours n'a pu être mis en oeuvre contre ces expulsions. De ce fait, il n'est pas rare qu'au drame de ces expulsions viennent s'ajouter des situations d'une inhumanité inimaginable.

Ainsi des enfants ont-ils été raflés devant l'école où ils étaient scolarisés, parfois depuis plusieurs années. Conduits au centre de rétention à l'insu de leurs parents, ils ne peuvent échapper à une expulsion immédiate que si le chef de l'établissement d'enseignement concerné est averti à temps et accepte d'intervenir pour certifier qu'il s'agit d'enfants scolarisés.

La situation inverse, tout aussi inhumaine, s'est déjà produite. Des mamans raflées (protestations sur les travées de l'UMP) - le terme est sans doute un peu fort, mais il correspond à la réalité ! - et aussitôt expulsées se retrouvent à Anjouan, et c'est à leur retour de l'école que leurs enfants constatent qu'ils sont ainsi privés de leur mère.

De telles situations, pourtant qualifiées de « très cruelles » par le ministre de l'intérieur à cette même tribune, sont quotidiennes à Mayotte, où les autorités préfectorales s'activent pour respecter la consigne gouvernementale selon laquelle il faut « faire du chiffre ». Des dispositions ont donc été prises pour que, chaque jour, il soit procédé à une quarantaine d'expulsions.

Ces dispositions, pour être « efficaces », supposent une violation permanente des droits fondamentaux des personnes ainsi visées. Aujourd'hui, dans l'archipel des Comores, à Mayotte, la meilleure façon de se débarrasser d'un voisin dont on convoite le logis, d'un rival amoureux, voire d'un concurrent, est de le dénoncer aux autorités comme « Comorien ».

Si ces dérives sont possibles, c'est parce que l'île de Mayotte, n'étant ni la Sarthe ni le Loiret - théâtres récents d'expulsions scandaleuses -, ne se trouve pas sous les feux de l'actualité. Les faits qui s'y déroulent quotidiennement indiquent ce qui se passerait en métropole si ce projet de loi était voté. Personne dans cette assemblée ne peut se satisfaire d'une société où triompherait l'idée fausse selon laquelle la sécurité des uns dépend de l'insécurité où sont plongées, par la loi, d'autres personnes, pourtant déjà fragiles.

C'est pourquoi j'appelle au retrait de ce dispositif inhumain, qui porte atteinte aux droits humains dont la France s'est toujours voulu la patrie.

Enfin, et j'en aurai terminé, je souhaite attirer l'attention de votre gouvernement et de mes collègues sur les changements en cours dans cette région de l'océan Indien, devenu aussi centre de gravité de l'islam. L'importance et la signification de ces changements n'ont pu échapper à votre attention et vous ne pouvez donc ignorer le trouble et les interrogations que suscitent, notamment chez nos partenaires comoriens, les actions que je viens de décrire. Celles-ci sont de nature à compromettre le rôle de la Réunion dans toutes les actions de codéveloppement auxquelles nous participons en notre qualité de collectivité de la République présente dans la zone sud-ouest de l'océan Indien et qui fait de nous une frontière active de l'Union européenne dans cette région en plein devenir.

Plus encore que les faits, la géographie est têtue et je suis persuadée que, face à la carte de notre région, il paraîtra évident à chacun que l'avenir de ces îles ne peut s'envisager dans une exclusion vécue comme un véritable apartheid socio-économique.

La seule réponse durable est la mise en oeuvre d'une ambitieuse politique de coopération et de développement. En ce sens, la France se doit d'être exemplaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.

Mme Catherine Tasca. Il est regrettable, monsieur le ministre, que l'outre-mer trouve sa place dans cette législature à travers un texte répressif sur la maîtrise de l'immigration. Nous aurions pu espérer, au début de ce xxie siècle, que votre gouvernement nous propose une loi d'ensemble pour l'outre-mer et une vision prospective de l'évolution des relations entre nos territoires ultramarins et la métropole.

Alors que nous attendons en vain que vous inscriviez à l'ordre du jour des assemblées la révision constitutionnelle concernant le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie pour une juste application des accords de 1998, c'est donc seulement sous l'angle du contrôle de l'immigration que vous abordez le sort de ces terres si liées à notre histoire et baignant dans un environnement régional très particulier.

Nous ne pouvons que reconnaître les problèmes spécifiques et difficiles que pose à nos concitoyens d'outre-mer une immigration nombreuse de proximité, dans des départements qui connaissent par ailleurs des difficultés considérables et où se manifestent encore de très grandes inégalités économiques, sociales et culturelles.

En aucun cas la spécificité du problème de l'immigration outre-mer ne peut servir d'alibi à une politique exclusivement répressive de l'immigration dans notre pays : traitez le sujet outre-mer, mais n'en faites pas un point d'entrée pour votre politique contre l'immigration, monsieur le ministre !

Faut-il le rappeler ici, les droits de l'homme, avec les garanties qui s'y attachent, doivent faire l'objet du même respect outre-mer que sur l'ensemble de notre territoire.

Enfin, monsieur le ministre, nous attendons de voir quelles initiatives votre gouvernement prendra pour mettre en oeuvre de vraies politiques de codéveloppement avec les pays des régions où se trouvent les territoires pour lesquels vous nous proposez ces nouvelles dispositions, et je pense à la Guyane, à la Guadeloupe, à Mayotte et à La Réunion.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Je tiens à répondre à ces trois interventions, d'abord par respect, puis parce qu'il s'est dit des choses importantes, avec cependant parfois, en particulier dans la bouche de Mme Hoarau, des mots qui, sans doute, dépassaient la pensée.

L'intervention de Mme Michaux-Chevry a, évidemment, été très pertinente : sa qualité d'élue locale lui donne une approche précise de la réalité de la situation de l'archipel guadeloupéen, dans lequel nous étions ensemble il y a peu.

Je ne parle pas là de Saint-Martin, mais je fais allusion au climat général lié à l'instabilité de la situation haïtienne, à l'état d'esprit et à la mentalité qui se développent en Guadeloupe, et donc, justement, à l'urgente nécessité qu'il y a d'adapter, au nom des valeurs qui nous rassemblent et qui sont celles de la République, notre dispositif juridique et législatif pour faire entendre le vrai message quant à ce que la France peut offrir.

Ce vrai message, c'est que nous ne sommes en mesure d'accueillir que celles et ceux qui pourront rester sur notre territoire dans des conditions humainement décentes, économiquement viables et permettant à chacun de s'intégrer, car nous ne sommes pas en situation, sur une île où la densité dépasse 480 habitants au kilomètre carré, d'ouvrir des perspectives heureuses à nos amis haïtiens, qui eux-mêmes s'interrogent sur leur propre destinée.

Cela me permet de rebondir sur les propos de Mme Tasca, car cela va effectivement de pair avec une politique diplomatique vigoureuse et, naturellement, avec des accords de codéveloppement. Le secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l'immigration se rendra d'ailleurs d'ici peu sur l'archipel guadeloupéen et en Haïti pour discuter avec les autorités locales des modalités d'application de coopérations, aussi bien au niveau de l'État qu'en liaison avec les collectivités territoriales disposant des moyens nécessaires, afin de financer des échanges, des projets, des établissements scolaires ou, selon les besoins, des dispensaires.

Madame Tasca, vous avez abordé de manière un peu elliptique la question de la définition du corps électoral pouvant participer aux élections des assemblées délibérantes en Nouvelle-Calédonie. Vous le savez, le projet de loi a été présenté en conseil des ministres et approuvé, et des rapporteurs vont être désignés.

M. Bernard Frimat. Oui, quand ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans un certain temps...

M. François Baroin, ministre. Un engagement a été pris par le Président de la République de régler cette question, importante, avant l'échéance de son mandat présidentiel ; il sera tenu : la balle sera sous peu dans le camp des parlementaires.

Par ailleurs, madame Tasca, vous nous reprochez de n'avoir abordé l'outre-mer que par le biais de ce projet de loi relatif à l'immigration. Je vous engage à considérer, avec peut-être un peu plus d'objectivité, tout ce qui a été fait depuis un an pour replacer - « replacer », c'est vrai - l'outre-mer dans les débats nationaux.

À cet égard, l'immigration est un sujet qui justifie pleinement, dans un profond respect du pacte républicain, un accompagnement de la part des pouvoirs publics de nos compatriotes ultramarins pour leur donner les moyens de vivre ensemble.

Quant à nos autres actions, elles sont conformes à la feuille de route tracée pour atteindre l'objectif, fixé par le Président de la République, de rattrapage économique : application de la loi de programmation au travers de la loi de finances de 2006, politique de continuité territoriale avec une évolution de la politique des transports, ou encore politique du logement social.

Dans ce dernier domaine, pour combler le retard de 15 000 logements sociaux en outre-mer, je souhaite proposer dans les prochaines semaines un dispositif de rattrapage prévoyant un doublement des constructions ; cet effort s'échelonnera sur les trois ans qui viennent afin d'offrir, notamment aux populations jeunes, des logements abordables.

S'agissant des « grands mots », droits de l'homme et respect des principes républicains, ce n'est pas à moi qu'il faut adresser des reproches, et certainement pas sous cette forme !

S'il y a eu une révision constitutionnelle en 2003, permettez-moi de vous le rappeler, c'est précisément pour que les adaptations nécessaires à nos départements d'outre-mer soient fonction de leurs « contraintes particulières » et pour assurer aux collectivités d'outre-mer un statut qui tienne compte « des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République ». Je vous renvoie ici aux articles 73 et 74 de notre Constitution, articles qui font pleinement partie de notre loi fondamentale et qui ne sauraient donc, que cela soit dit une fois pour toutes, contredire le Préambule dont chacun sait qu'il a lui-même intégré les droits et principes proclamés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 !

Madame Hoarau, nous nous connaissons depuis un certain temps et j'ai de l'estime pour votre qualité d'élue locale ; je regrette que votre appartenance au groupe communiste vous amène à réciter mécaniquement - permettez-moi, sans être désobligeant à votre égard, d'utiliser cette expression, car c'est bien ce que j'ai ressenti - la logorrhée traditionnelle en ignorant la réalité du terrain. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. C'est scandaleux !

M. Robert Bret. Votre réponse ne vous honore pas !

M. François Baroin, ministre. Vous parlez d'inhumanité, de rafles, d'apartheid, de censure, même.

M. Robert Bret. C'est la réalité, monsieur le ministre !

M. François Baroin, ministre. Vous qui venez d'un département qui n'est pas si éloigné de Mayotte, dites-moi ce qui est le plus inhumain : les mesures proposées par le Gouvernement ou les corps de clandestins qui s'échouent sur les côtes mahoraises ?

Est-il plus inhumain de continuer à admettre que, sur une île grande comme l'île d'Oléron, on puisse compter 30 % ou 40 % de clandestins ou de dire, de façon ferme et définitive, à nos amis comoriens que cela ne sera plus comme avant, notamment afin d'éviter que des femmes mahoraises - françaises - ne se rassemblent devant les écoles pour dénoncer la scolarisation des enfants de femmes clandestines ?

N'est-il pas inhumain que 80 % des femmes enceintes viennent d'Anjouan, de Mohéli ou de la Grande Comore accoucher à Mayotte après avoir pris des risques insensés pour leur propre vie et en ayant comme seule perspective la clandestinité, avec la menace, en effet, de se voir dénoncées par ceux qui les ont employées, un peu à titre de revanche de l'histoire ?

M. Robert Bret. Votre loi ne va rien arrêter !

M. François Baroin, ministre. Qu'est-ce qui est inhumain, madame Hoarau ? Ne rien faire, ne rien dire, comme beaucoup d'entre vous, ou, au contraire, ouvrir les yeux, regarder la réalité en face, l'accepter et prendre, dans le cadre de notre pacte républicain, les mesures adéquates afin, par exemple, que la maternité de Mamoudzou ne soit plus la plus active de France ou qu'il n'y ait plus chaque année 8 000 personnes reconduites à la frontière entre Mayotte et les Comores, ce qui représente une reconduite à la frontière sur quatre dans les statistiques nationales présentées par le ministère de l'intérieur ?

Ce sont en effet des choix politiques qui s'opposent au « prêt-à-penser » traditionnel récité depuis cinquante ans et qui visent à l'adaptation de nos politiques, dans le cadre de notre pacte républicain et dans la logique constitutionnelle de l'article 74, pour la collectivité de Mayotte, adaptation qui permettra d'offrir un message d'espérance à ceux qui, à travers Mayotte, voient dans la France un eldorado, un pays mythique.

Mayotte n'a pas les moyens d'absorber une telle immigration clandestine et des mesures doivent être prises. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est celles qu'aujourd'hui le Gouvernement vous propose. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 266 est présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 459 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 266.

M. Bernard Frimat. Comme vous l'avez remarqué, monsieur le ministre, à l'instar de nos collègues socialistes à l'Assemblée nationale, notre groupe a déposé peu d'amendements sur les dispositions relatives à l'outre-mer. J'ai eu l'occasion, dans la discussion générale, d'expliquer pourquoi et de dire que nous aurions préféré une autre démarche.

Trop souvent - et ce n'est pas de votre fait, monsieur le ministre, mais c'est le fait du Gouvernement -, la loi se réfère à l'outre-mer pour justifier un certain nombre de dispositions qui, si elles peuvent se comprendre outre-mer, ne sont pas transposables en métropole, vu le caractère tout à fait spécifique des régions où elles doivent s'appliquer. La mission que nous avons conduite était est tout à fait éclairante sur ce point : la situation en Guyane et à Saint-Martin n'est en rien comparable à la situation de la métropole.

Nous avons toutefois déposé un amendement de suppression de l'article 67, qui prévoit d'étendre à l'ensemble de la Guadeloupe la règle selon laquelle les recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière n'ont pas un caractère suspensif, règle actuellement applicable en Guyane et dans l'île de Saint-Martin.

Les contacts que nous avons pu avoir avec de nombreux magistrats de l'ordre administratif nous ont en effet convaincus de l'absence de nécessité de l'extension à l'ensemble de la Guadeloupe du caractère non suspensif des recours.

C'est d'autant plus inutile que notre arsenal juridique prévoit la possibilité d'un référé-suspension, et je parle là sous le contrôle de notre collègue François-Noël Buffet, rapporteur du présent projet de loi comme de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine. Dès lors, du fait de la coexistence des deux mesures, on voit bien que la suppression du caractère suspensif du recours aura pour seul effet de permettre la publicité autour de cette procédure, ce qui nous semble relever de la même volonté de « faire du chiffre ».

Je crois que Georges Othily ne me démentirait pas si je disais que, pour le Gouvernement, obtenir des statistiques magnifiques et multiplier le nombre des reconduites à la frontière, notamment en Guyane, est relativement facile. La difficulté est de mesurer le nombre des retours, retours que l'éloignement, comme le disait hier, notre collègue Hugues Portelli, n'empêche pas.

Au surplus, et au-delà de notre désaccord de principe, nous estimons, comme nos collègues socialistes représentants de la Guadeloupe à l'Assemblée nationale, qui ont voté conte cette disposition, que la durée de cinq ans prévue est trop longue.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que la situation soit maintenue en l'état en Guadeloupe.

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau, pour présenter l'amendement n° 459.

Mme Gélita Hoarau. L'article 67 vise à étendre à l'ensemble de la Guadeloupe les délais dérogatoires de mise à exécution des mesures de reconduite à la frontière.

La procédure applicable en matière de contentieux des étrangers prévoit que le recours en annulation exercé contre l'arrêté de reconduite à la frontière présente un caractère suspensif. Il doit être présenté dans les quarante-huit heures suivant la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière, le juge devant ensuite statuer dans les soixante-douze heures. Cela constitue la procédure « de droit commun ».

Je mets des guillemets, car le contentieux des étrangers déroge déjà à la procédure administrative de droit commun en matière de recours contentieux.

Le législateur a fait le choix, depuis 1993, d'appliquer une procédure dérogatoire à cette procédure « de droit commun » sur les territoires des quatre départements d'outre-mer, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion, ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Depuis 2003, seule la commune de Saint-Martin en Guadeloupe se voit soumise à ce régime dérogatoire. L'application d'un tel régime dérogatoire dans les DOM est justifiée par les gouvernements successifs du fait du nombre important d'étrangers en situation irrégulière dans ces départements.

Aujourd'hui, le Gouvernement entend étendre ce régime dérogatoire à l'ensemble du territoire guadeloupéen pour une durée de cinq ans. En prévoyant la possibilité d'une mise à exécution immédiate de l'arrêté de reconduite à la frontière et l'absence d'effet suspensif du recours en annulation contre cet arrêté, ce régime porte manifestement une atteinte grave aux droits de la défense et priverait un grand nombre d'étrangers d'un contrôle effectif d'atteintes portées à leurs droits fondamentaux.

C'est pourquoi nous contestons l'extension d'un tel régime à l'ensemble du territoire guadeloupéen, comme le prévoit l'article 67, article dont nous demandons par conséquent la suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ces deux amendements visent à supprimer l'article 67. Il est inutile de rappeler la situation que vivent nos territoires ultramarins en termes d'immigration irrégulière.

La commission d'enquête du Sénat et l'ensemble des collègues qui se sont rendus en Guyane, en Guadeloupe, à Saint-Martin, à Mayotte, ainsi qu'à Anjouan et en Grande Comore, ont pu constater la pression extrêmement forte que subissent les nationaux, et les mots sont bien faibles pour traduire la réalité.

Il est clair que la situation matérielle, y compris de ceux qui viennent sur ces territoires, n'est pas facile. Nous sommes d'accord pour l'entendre, mais ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas envoyer des messages clairs.

Chacun l'aura compris, il s'agit par cet article de supprimer, sur tout le territoire de la Guadeloupe, le caractère suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière pendant une durée de cinq ans.

Je le rappelle, cette mesure a paru justifiée à la commission par l'importance de l'immigration clandestine dans le département de la Guadeloupe, où le nombre d'arrêtés exécutés a crû de plus de 15 % en un an.

Faut-il rappeler que ce dispositif est en vigueur en Guyane depuis 1993 et dans les communes de Saint-Martin ? Il a incontestablement permis de dissuader l'exercice de recours dilatoires devant la juridiction administrative.

Faut-il rappeler que l'absence d'effet suspensif ne remet pas en cause sur le plan juridique la possibilité pour le requérant de joindre à sa requête en annulation un recours en suspension d'exécution ou en référé-liberté ? Ces voies de droit sont parfaitement ouvertes. Ainsi, les droits du requérant, notamment les droits de la défense, sont parfaitement respectés.

Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 266 et 459.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements. L'argumentation développée par M. le rapporteur est conforme à celle qui a nourri l'analyse du Gouvernement pour proposer la rédaction de l'article 67. L'objectif du texte est de faire en sorte qu'il y ait moins de clandestins.

Là-dessus, soit on s'en tient à une doctrine, soit on choisit ce qui marche. Nous avons expérimenté ce dispositif avec un certain succès - même si nous avons constaté une évolution inquiétante des flux migratoires en Guyane. Le parallélisme des formes nous amène à le proposer pour la Guadeloupe où, je l'évoquais tout à l'heure en répondant à Mme Michaux-Chevry, l'instabilité haïtienne pousse à un développement considérable de ces flux.

C'est la raison pour laquelle M. le ministre de l'intérieur a fixé des objectifs plus élevés en termes de reconduite à la frontière.

Dans la mesure où les amendements visent à supprimer l'article 67, le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 266 et 459.

M. Bernard Frimat. Dire que votre réponse me surprend vous étonnerait, monsieur le ministre.

Je voudrais simplement dire à M. le rapporteur que, là encore, les choses sont claires. Nous avons fait ces constatations sur l'explosion des flux migratoires ensemble, pour moi, en Guyane, et, pour mes collègues, à Mayotte. Nous ne nions pas le caractère spécifique de l'importance des migrations de ce type pas plus que nous ne nions les difficultés qui en résultent ; nous l'avons même écrit dans la contribution publiée avec le rapport de la commission d'enquête sénatoriale.

C'est votre argumentation, mon cher collègue, qui ne peut que vous poser problème. Certes, notre collègue Jean-Claude Gaudin dit souvent qu'une argumentation peut le faire changer d'avis mais qu'elle ne peut pas faire changer son vote. Je le conçois. Je voudrais quand même, sans avoir d'illusion sur votre vote, vous mettre en garde : vous dites qu'on ne change pas un dispositif qui fonctionne. Mais précisément, s'il fonctionnait si bien que cela depuis 1993, en serions-nous encore là ? Ne pensez-vous pas qu'en treize ans le caractère bénéfique de la suppression du caractère suspensif du recours se serait traduit dans les faits ? Que cela permette d'augmenter le nombre des reconduites à la frontière et de publier des bilans chiffrés, nous n'en doutons pas un seul instant. Mais rien au-delà !

Compte tenu des caractéristiques géographiques de la Guyane, les coefficients de progression des reconduites à la frontière peuvent être tout à fait remarquables et permettre au ministre de l'intérieur de nous montrer l'efficacité dont il pense faire preuve.

Mais, monsieur le rapporteur, si l'on traverse le fleuve dans un sens, on peut le traverser de nouveau dans l'autre sens ! Voilà pourquoi la mesure a déjà montré ses limites puisqu'en treize ans, et je me fie à vos propos, on ne peut pas dire qu'elle ait réglé le problème de l'immigration.

Et ce piètre résultat est obtenu au prix d'une mesure administrative qui est juridiquement loin d'être idéale, puisqu'il s'agit de reconduire des personnes avant que leur recours ait été jugé. Sans doute cela a-t-il simplifié le problème des magistrats administratifs, mais il y a dans ce texte - nous aurons l'occasion d'en reparler à l'article 41 - une volonté de se diriger vers une justice d'abattage dans le domaine administratif qui nous prépare de véritables « Outreau administratifs ».

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que les droits de la défense restent ouverts. Encore une chance que vous n'ayez pas pu tout supprimer ! Les procédures du référé-liberté et du référé-suspension ouvrent en effet une possibilité d'agir. Les demandeurs d'asile ont un délai de cinq jours pour déposer leur demande, mais peuvent être reconduits excessivement vite faute de caractère suspensif de la procédure. Cette discordance dans les délais est encore une raison supplémentaire pour que nous votions ces amendements, sans espérer toutefois vous avoir convaincu, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.

Mme Lucette Michaux-Chevry. D'abord, la mesure qui a été appliquée à Saint-Martin a été efficace. Ce sont deux parlementaires de la Guadeloupe qui, à l'Assemblée nationale, ont demandé l'extension de ce texte à la totalité de leur département. Je m'étonne qu'une collègue de La Réunion prétende mieux apprécier que la légitime représentante du peuple guadeloupéen les mesures nécessaires pour la Guadeloupe !

Ensuite, s'agissant du codéveloppement, je suis extrêmement surprise de constater que beaucoup parlent de choses qu'ils méconnaissent.

La France est la première à intervenir financièrement en Haïti pour la défense des droits de l'homme, contre la politique américaine : elle pratique des vaccinations, des scolarisations et elle humanise les hôpitaux.

Je le dis haut et fort, il y a quatre ans que l'île de Montserrat est détruite de façon permanente par une irruption volcanique. Or le seul pays à être régulièrement présent et à apporter son soutien à ces populations abandonnées, c'est la France.

Donc, le codéveloppement, il existe. Mais il faudrait avoir le courage de dire qu'en Haïti le révérend père Jean-Bertrand Aristide, très soutenu par l'association France Libertés, a pris des mesures extrêmement graves, rétablissant le collier de l'esclave et faisant brûler des êtres humains. Alors, les populations prennent peur et se réfugient chez nous.

Je m'étonne que certains ici nous considèrent comme des mineurs, incapables de voir ce qui se passe dans nos régions. Serions-nous incapables de nous exprimer, de parler au nom des peuples que nous représentons ici légitimement ?

Je maintiens que les mesures proposées par le Gouvernement ne sont même pas suffisantes, compte tenu de la gravité de la situation dans les régions d'outre-mer, qui risquent une véritable déstabilisation.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 266 et 459.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 67.

(L'article 67 est adopté.)

Article 67 (priorité)
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Article 69 (priorité)

Article 68 (priorité)

Dans la première phrase de l'article L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots : « à destination » sont insérés les mots : « du Venezuela, ».

M. le président. L'amendement n° 460, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Cette même phrase est complétée par les mots : «, sauf s'ils demandent l'asile pour des raisons politiques ou humanitaires ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. J'espère que Mme Michaux-Chevry me permettra de parler des départements et territoires d'outre-mer, même si je vis en métropole. Je trouve qu'elle a tenu des propos un peu outranciers. (Mme Michaux-Chevry proteste.) Nous parlons des DOM-TOM, madame, donc nous parlons de la République.

L'article 68 autorise l'éloignement d'office des membres d'équipage vénézuéliens se livrant à des activités de pêche illicite en Guyane.

La loi de novembre 2003 donne déjà la possibilité à l'administration d'éloigner d'office les membres d'équipage brésiliens, surinamiens et guyaniens se livrant à des activités de pêche illicites dans les eaux de la Guyane.

Cela constitue une autre procédure dérogatoire applicable dans les DOM, en l'espèce en Guyane. Comme la précédente mesure dérogatoire, prévue à l'article 67, il est proposé ici d'étendre la procédure d'éloignement d'office aux membres d'équipage vénézueliens.

Afin d'éviter que ceux-ci ne fassent l'objet d'une telle procédure accélérée s'ils se trouvent dans une situation de demandeurs d'asile, nous vous proposons d'ajouter au texte de l'article 68 un cas d'exclusion du dispositif si ces pêcheurs demandent l'asile pour des raisons politiques ou humanitaires.

Nous souhaitons, avec cet amendement, que soit prise en compte la dimension humaine qui pourrait pousser des pêcheurs à fuir leur pays et à venir demander l'asile en Guyane.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable. La précision est inutile, les éloignements d'office ne pouvant intervenir qu'avec le consentement des personnes concernées. À défaut, la procédure normale s'applique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. L'avis est également défavorable. À Mme Assassi, dont je me réjouis qu'elle participe à ce débat, je rappelle néanmoins que la révision constitutionnelle de 2003 a supprimé les territoires d'outre-mer. Il n'y a plus de TOM, madame le sénateur. Cette précision vous permettra de progresser dans votre connaissance de l'outre-mer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre collègue a parlé de l'outre-mer ! Ne prenez pas ce ton ! Restez membre du Gouvernement ! Nous ne sommes pas des élèves !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 460.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 68.

(L'article 68 est adopté.)

Article 68 (priorité)
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Article 70 (priorité)

Article 69 (priorité)

L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 561-2. - Sont applicables sur le territoire défini à l'article L. 111-3 les mesures d'interdiction du territoire prononcées par toute juridiction siégeant à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie ainsi que les mesures de reconduite à la frontière et d'expulsion prononcées par le représentant de l'État à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. » - (Adopté.)

Article 69 (priorité)
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Article 71 (priorité)

Article 70 (priorité)

I. - L'article L. 611-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par les mots : « ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire des communes de Saint-Georges et de Régina ».

II. - Après le même article L. 611-10, il est inséré un article L. 611-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 611-11. - Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n°          du                   relative à l'immigration et à l'intégration, les dispositions des articles L. 611-8 et L. 611-9 sont applicables, en Guadeloupe, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que sur les routes nationales 1 et 4. »

III. - Après l'article 10-1 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, il est inséré un article 10-2 ainsi rédigé :

« Art. 10-2. - Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n°          du                 relative à l'immigration et à l'intégration, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, les officiers de police judiciaire, assistés des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés respectivement à l'article 20 et au 1° de l'article 21 du code de procédure pénale, peuvent procéder, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République, à la visite sommaire de tout véhicule circulant sur la voie publique, à l'exclusion des voitures particulières, en vue de rechercher et constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte.

« Dans l'attente des instructions du procureur de la République, le véhicule peut être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder huit heures.

« La visite prévue au premier alinéa, dont la durée est limitée au temps strictement nécessaire à la recherche et au constat des infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte, se déroule en présence du conducteur et donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal mentionnant les dates et heures du début et de la fin des opérations. Un exemplaire de ce procès-verbal est remis au conducteur et un autre transmis sans délai au procureur de la République. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 461, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 70 étend à de nouvelles zones de la Guyane la possibilité de procéder à des visites sommaires de véhicules.

Il est également proposé d'instituer ces contrôles pour une durée de cinq ans, en Guadeloupe et à Mayotte. Au terme de ce délai, cette mesure deviendrait caduque sauf à être pérennisée par le législateur, comme l'ensemble des mesures temporaires prises en matière de procédure pénale.

Initialement, les véhicules pouvaient être immobilisés pour une durée ne pouvant dépasser quatre heures, ce qui constituait déjà un régime dérogatoire par rapport à celui qui est prévu par le code de procédure pénale en matière de fouille de véhicules.

À titre d'exemple, en matière de prévention d'une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, le véhicule peut être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder trente minutes, dans l'attente des instructions du procureur de la République.

Toutefois, sur l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale, il a été décidé d'aggraver ce régime dérogatoire afin de porter la durée maximale d'immobilisation du véhicule à huit heures au lieu de quatre.

Cette durée semble exorbitante eu égard à la gravité des infractions recherchées. De fait, il est difficilement acceptable d'étendre l'application, à titre temporaire, d'un tel régime dérogatoire au droit commun en Guadeloupe et à Mayotte.

Telles sont les raisons pour lesquelles il nous paraît nécessaire de supprimer l'article 70.

M. le président. L'amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Compléter le I de cet article par les mots :

«, et sur la départementale 6 et la nationale 2 sur la commune de Roura »

La parole est à M. Georges Othily

M. Georges Othily. Le territoire de la commune de Roura est un point de passage obligé vers Cayenne pour les étrangers en situation irrégulière en provenance de l'est de la Guyane, c'est-à-dire du Brésil.

La commune de Roura étant située dans bande comprise entre le littoral et vingt kilomètres en deçà, les contrôles d'identité prévus à l'article 78- 2 du code de procédure pénale sont applicables sur une partie de sont territoire. En revanche, les dispositions concernant les visites sommaires des véhicules ne lui sont pas applicables.

Le présent amendement vise à compléter le dispositif prévu à l'article 70 du projet de loi en étendant le périmètre de visite sommaire des véhicules en Guyane, tel qu'il est prévu à l'article L. 611- 10 du CESEDA, sur la départementale 6 et la nationale 2 sur la commune de Roura en direction de Cayenne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 461 qui tend à supprimer l'article 70, la commission y est défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 91 rectifié, je rappelle que l'article 70 prévoit déjà d'étendre à d'autres parties du territoire de la Guyane la possibilité de procéder à des visites sommaires de véhicules. Notre ami Georges Othily connaît bien la situation qui prévaut en Guyane. Dès lors, la précision qu'il apporte à travers cet amendement est tout à fait judicieuse et la commission y est, bien entendu, favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Je partage l'avis exprimé par M. le rapporteur sur ces deux amendements.

Je rappellerai simplement, en ce qui concerne l'amendement n° 461, que le Conseil constitutionnel n'a pas déclaré inconstitutionnelle l'adoption de mesures similaires pour la Guyane.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

En revanche, comme M. le rapporteur, il est favorable à l'amendement n° 91 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 461.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 70, modifié.

(L'article 70 est adopté.)

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Article 72 (priorité)

Article 71 (priorité)

I. - Après l'article L. 622- 9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 622- 10 ainsi rédigé :

« Art. L. 622- 10. - I. - En Guyane, le procureur de la République peut ordonner la destruction des embarcations fluviales non immatriculées qui ont servi à commettre les infractions visées aux articles L. 622- 1 et L. 622- 2, constatées par procès-verbal, lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions.

« II. - En Guadeloupe et en Guyane, le procureur de la République peut ordonner l'immobilisation des véhicules terrestres qui ont servi à commettre les infractions visées aux articles L. 622- 1 et L. 622- 2, constatées par procès-verbal, par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule, lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions. »

II. - Après l'article 29- 2 de l'ordonnance n° 2000- 373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, il est inséré un article 29- 3 ainsi rédigé :

« Art. 29- 3. - Le procureur de la République peut ordonner l'immobilisation des véhicules terrestres qui ont servi à commettre les infractions visées au I de l'article 28, constatées par procès-verbal, par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule, lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 500, présenté par Mmes Boumediene- Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery

Mme Alima Boumediene-Thiery. Les dispositions contenues dans cet article ne nous semblent absolument pas acceptables.

En effet, au motif de lutter efficacement contre l'immigration clandestine, elles pérennisent la volonté du Gouvernement d'étendre un régime dérogatoire au droit commun à toutes les collectivités ultramarines.

Or le régime de ces « destructions » et « neutralisations » des moyens de transport ne présente pas de garanties juridiques suffisantes, puisqu'elles s'effectuent en l'absence de tout jugement, dans des conditions qui ne sont pas clairement définies, alors que des saisies ou des immobilisations sont d'ores et déjà possibles.

À cet égard, le code de procédure pénale prévoit, depuis 1993, la possibilité de procéder à des contrôles dits frontaliers, dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention de Schengen, et une ligne tracée en deçà de vingt kilomètres, ainsi que dans tous les ports, gares et aéroports ouverts au trafic international. Par conséquent, les espaces que nous visons dans cet amendement sont de fait inclus et régis par ces dispositions du code de procédure pénale.

J'ajoute que, dans ces zones, les contrôles n'ont pas besoin d'être motivés. Les agents peuvent procéder à la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique et les immobiliser pendant une durée de quatre heures au plus.

Cette possibilité a, d'abord, été étendue au territoire de la Guyane, le Gouvernement envisageant de l'élargir aux « zones frontalières ». En outre, le présent projet de loi prévoit également l'application de cette mesure en Guadeloupe « dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que sur les routes nationales 1 et 4 ».

Par ailleurs, il est prévu d'étendre les contrôles d'identité frontaliers ainsi que l'immobilisation des véhicules, selon des dispositifs analogues, au territoire de Mayotte.

Notons, au passage, qu'à Mayotte il est envisagé de porter à huit heures - au lieu de quatre heures, comme le prévoit le code de procédure pénale - le temps maximal pendant lequel une personne peut être, arbitrairement, retenue afin que son identité puisse être vérifiée, son véhicule étant dès lors immobilisé. Or rien ne justifie une telle dérogation au code de procédure pénale.

De surplus, le projet de loi prévoit une nouvelle disposition permettant au procureur de la République d'ordonner, sur le territoire de la Guyane, la destruction des embarcations fluviales non immatriculées ayant servi à commettre des infractions en matière d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers des étrangers. Ces infractions devront avoir été constatées par procès-verbal.

Quant à la destruction de ces embarcations, elle est soumise à une autre condition, à savoir qu'« il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions ». Or nous ne voyons pas très bien comment cette condition pourra être appréciée et l'on peut, dès lors, imaginer que ces embarcations seront quasi systématiquement détruites.

De la même façon, en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte, le procureur de la République, qui, là encore, agira sans décision du juge, pourra immobiliser les véhicules terrestres « par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule ». On retrouve là la condition même qui est exigée pour la destruction des embarcations. En effet, la « neutralisation » du véhicule doit être entendue comme sa destruction, si l'on s'en tient au commentaire de la disposition figurant dans le projet du 9 février. Ce qui est gênant pour un État de droit comme le nôtre, c'est que tout cela se passe sans intervention du juge, et cela n'est pas acceptable.

M. le président. L'amendement n° 90 rectifié bis, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

I - Dans le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 622- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

« véhicules terrestres »

insérer les mots :

«, des aéronefs »

II - En conséquence, procéder à la même insertion dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article 29- 3 de l'ordonnance n° 2000- 373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

L'amendement n° 93 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  - En Guyane, les agents des sociétés de transports non urbains de voyageurs sont habilités à demander la production d'un titre d'identité ou d'un titre de séjour régulier lors de l'embarquement des passagers du départ d'une commune frontalière. Ils peuvent refuser d'embarquer les personnes qui ne peuvent ou qui refusent de produire un tel titre. »

La parole est à M. Georges Othily, pour défendre ces deux amendements.

M. Georges Othily. L'amendement n° 90 rectifié bis vise à permettre l'immobilisation des aéronefs en Guyane, et leur destruction.

En effet, ces appareils peuvent être utilisés par des filières clandestines, de mieux en mieux organisées et équipées pour le transport des étrangers en situation irrégulière à l'intérieur de la forêt guyanaise.

J'observe simplement - et je tiens à en vous faire part, mes chers collègues - que la destruction du matériel servant à ce transport est une nécessité, compte tenu du pillage de l'or de la Guyane, qui est notre richesse, et dont nous ne savons d'ailleurs pas précisément aujourd'hui sur combien de tonnes il porte.

S'agissant de l'amendement n° 93 rectifié, il tend à habiliter les agents des sociétés de transports non urbains de voyageurs à exiger la production de titres d'identité ou de séjour régulier, afin d'éviter l'embarquement, dans les cars partant de la zone frontalière, d'étrangers en situation irrégulière.

Ce dispositif ne soulève d'ailleurs pas de problème de nature juridique, dès lors que les compagnies aériennes peuvent procéder à de tels contrôles et que la Guyane connaît déjà des règles dérogatoires en matière de contrôle des véhicules et de l'identité des personnes dans la bande littorale ou frontalière des vingt kilomètres, dispositif validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 97- 389 du 22 avril 1997.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur l'amendement n° 500, qui vise à supprimer la possibilité d'immobilisation et de destruction des embarcations et des véhicules ayant servi à commettre des infractions à l'aide à l'entrée et au séjour des étrangers, la commission est évidemment défavorable. En effet, le dispositif prévu dans le projet de loi est absolument nécessaire pour lutter contre l'immigration clandestine ; il suffit pour s'en convaincre de voir comment les kwasa kwasa, dont les propriétaires font payer très cher le passage vers Mayotte, servent à alimenter les filières d'immigration ; leur destruction est évidemment nécessaire.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 500.

Pour ce qui est de l'amendement n° 90 rectifié bis, il ne vise que les aéronefs. La commission n'ayant pas été saisie de cette rectification, je ne puis émettre un avis favorable qu'à titre personnel, sous réserve d'une amélioration syntaxique : il serait sans doute souhaitable que M. Othily ajoute le mot « et », avant les mots « des aéronefs ».

M. le président. Accédez-vous à cette demande, monsieur Othily ?

M. Georges Othily. Volontiers, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 90 rectifié ter, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, et ainsi libellé :

I  - Dans le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 622- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

« véhicules terrestres »

insérer les mots :

« et des aéronefs »

II - En conséquence, procéder à la même insertion dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article 29- 3 de l'ordonnance n° 2000- 373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Pardonnez-moi, monsieur Othily, mais il conviendrait également de modifier l'amendement n° 93 rectifié pour remplacer les mots : « du départ » par les mots : « au départ ».

M. le président. Monsieur Othily, acceptez-vous cette modification ?

M. Georges Othily. Absolument, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 93 rectifié bis, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  - En Guyane, les agents des sociétés de transports non urbains de voyageurs sont habilités à demander la production d'un titre d'identité ou d'un titre de séjour régulier lors de l'embarquement des passagers au départ d'une commune frontalière. Ils peuvent refuser d'embarquer les personnes qui ne peuvent ou qui refusent de produire un tel titre. »

Veuillez poursuivre et achever votre propos, monsieur le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je dois à la vérité de dire que la commission s'est longuement interrogée sur ce dispositif et souhaite connaître la position du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Je dirai, tout d'abord, que le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 500 dans la mesure où la neutralisation des embarcations fluviales, dont la pertinence a été évoquée par M. le rapporteur, a pour but d'empêcher la récidive, ce qui, précisément, est notre cible.

Sans qu'il soit ici question de destruction automatique et irréversible, cette disposition est de nature, madame la sénatrice, à faciliter grandement le travail des forces de l'ordre sur le terrain.

Quant à l'amendement n° 90 rectifié ter, le Gouvernement y est favorable en ce qu'il tend à compléter le dispositif existant et à renforcer les contrôles terrestres. Il s'agit donc là d'un élément tout à fait positif qui va dans la bonne direction.

Enfin, s'agissant de l'amendement n° 93 rectifié bis, le Gouvernement y est également favorable, monsieur le rapporteur, dans la mesure où il s'agit non pas d'habiliter les conducteurs de bus à procéder à des contrôles d'identité, mais de rendre plus difficiles à un étranger en situation irrégulière la circulation et l'accès aux centres urbains en Guyane. Dans cet esprit, et dans cet esprit seulement, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 93 rectifié bis ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 500.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 93 rectifié bis.

M. Bernard Frimat. Nous nous prononcerons contre cet amendement.

En effet, s'il convient de tenir compte de la situation particulière à la Guyane, il reste que la mesure contenue dans cet amendement nous paraît par trop extensive concernant les personnes habilitées à procéder aux contrôles d'identité.

À l'heure actuelle, ne peuvent procéder à un contrôle de titre de séjour que les officiers de contrôle judiciaire, les OPJ, ainsi que les agents de police judiciaire sur ordre ou sous le contrôle d'un OPJ, alors qu'un agent des transports publics est simplement habilité à contrôler l'identité, ce qui, en soi, n'a rien de choquant.

En revanche, cet agent des transports publics n'étant pas un fonctionnaire auxiliaire de police, il n'a pas pour mission de contrôler la validité des titres de séjour. S'il en vient à constater un flagrant délit après avoir effectué un contrôle d'identité, il a toujours la possibilité de retenir la personne et d'appeler un officier de police judiciaire.

La mesure qui nous est ici proposée nous paraît donc trop extensive.

Loin de nous l'idée de remettre en cause la nécessité de prévoir des instruments particuliers pour la Guyane. Cela étant dit, nous ne pouvons accepter que les agents des transports publics soient transformés en auxiliaires de police, en l'occurrence en auxiliaires de la police de l'immigration, car telle n'est pas leur mission.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Contrairement à M. Frimat, je voterai cet amendement. En effet, mes chers collègues, celui-ci tend à introduire une disposition qui est tout à fait naturelle, dans la mesure où elle trouve déjà à s'appliquer : quand vous vous rendez dans un pays qui exige l'obtention d'un visa, vous devez montrer celui-ci au personnel de l'agence de voyages, sinon vous n'obtenez pas de billet. Si vous voulez prendre l'avion, vous devez préalablement montrer votre passeport ou votre carte d'identité.

Mes chers collègues, quand vous achetez un billet d'avion, vous devez prouver que vous êtes habilité à voyager vers votre pays de destination. Cela me paraît tellement naturel que je ne vois pas pourquoi on soulève une difficulté là où il n'y en a pas, d'autant moins qu'il existe une immigration clandestine massive en Guyane et que l'on veut la combattre.

Si nous voulons affronter cette immigration clandestine, encore faut-il nous en donner les moyens. Or, mes chers collègues, il ne s'agit pas là d'une mesure d'exception, mais d'une pratique courante.

Dès lors, pourquoi ne pas appliquer cette mesure là où elle est nécessaire ? C'est pourquoi j'appuierai cet amendement, comme d'ailleurs je l'ai déjà fait en commission, avant même de connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 71, modifié.

(L'article 71 est adopté.)

Article 71 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 72 bis (priorité)

Article 72 (priorité)

L'article L. 831-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 831-2. - L'autorisation de travail accordée à l'étranger sous la forme d'une des cartes mentionnées à la sous-section 6 de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du chapitre IV du même titre est limitée au département dans lequel elle a été délivrée. Elle lui confère le droit d'exercer, sur le territoire du département, toute activité professionnelle salariée de son choix dans le cadre de la législation en vigueur. »

M. le président. L'amendement n° 462, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre amendement vise à supprimer l'article 72 du projet de loi. En effet, celui-ci limiterait considérablement la liberté de circulation dans les départements d'outre-mer, en obligeant les détenteurs de la carte de résident et de séjour temporaire « vie privée ou familiale » à travailler uniquement dans le département où l'une de ces cartes leur aurait été délivrée.

Nous ne comprenons pas pourquoi il existerait des normes particulières pour un travailleur détenant ce type de cartes de résident ou de séjour temporaire : si celui-ci trouve un travail en dehors des départements d'outre-mer, par exemple en métropole, ces nouvelles dispositions ne lui permettront pas d'aller y exercer son activité professionnelle !

Pourquoi imposer une telle interdiction de circuler à un étranger qui possède une autorisation de travail ?

Cette disposition pose en fait un problème d'égalité. Pourtant, aux dires de nos collègues rapporteurs de la commission des lois et de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, il y a aucune raison de considérer que les cartes délivrées dans les DOM sont des « sous-titres » ouvrant des droits inférieurs à ceux qui sont alloués en métropole.

Monsieur le ministre, nous avons la fâcheuse impression que les départements d'outre-mer ne sont pas traités de la même façon que ceux de la métropole. En l'occurrence, pourquoi cet article institue-t-il un traitement différent dans les départements d'outre-mer ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est d'abord un amendement de suppression, auquel par conséquent la commission ne peut être favorable.

Sur le fond, nous étendons - faut-il le rappeler ? - à la carte « vie privée et familiale » le dispositif qui existe déjà pour la carte de résident. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement a la même position et il émet le même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 462.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 72.

(L'article 72 est adopté.)

Article 72 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 72 ter (priorité)

Article 72 bis (priorité)

La dernière phrase du premier alinéa de l'article 10 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 précitée est complétée par les mots : « ou qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière, ne remplissent pas les conditions prévues à l'article 4 ». - (Adopté.)

Article 72 bis (priorité)
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Articles additionnels après l'article 72 ter (priorité)

Article 72 ter (priorité)

Il est créé une commission chargée d'apprécier l'application de la politique de régulation des flux migratoires, et les conditions d'immigration en Guadeloupe et à la Martinique. Cette commission, qui portera le nom : « Observatoire de l'immigration », proposera les mesures d'adaptation nécessaires.

L'observatoire comprend des parlementaires, des représentants de l'État et des collectivités territoriales ainsi que des acteurs socio-économiques de la Guadeloupe et de la Martinique.

La première réunion de cette commission est convoquée au plus tard six mois après la publication de la présente loi.

« Un décret pris dès la publication de la présente loi fixe les modalités d'organisation et de fonctionnement de cette commission.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 69 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. Après l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 111-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-11. - En Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion, un observatoire de l'immigration évalue l'application de la politique de régulation des flux migratoires et les conditions d'immigration dans chacun de ces départements d'outre-mer.

« Chaque observatoire peut proposer au Gouvernement les mesures d'adaptation rendues nécessaires par les caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.

« Il comprend les parlementaires, des représentants de l'État et des collectivités territoriales ainsi que des acteurs socio-économiques du département d'outre-mer concerné. »

II. Les articles 93 et 94 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité sont abrogés.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de donner davantage de lisibilité au dispositif prévu à l'article 72 ter du projet de loi, qui crée un observatoire de l'immigration commun à la Guadeloupe et à la Martinique.

Tout en insérant cette disposition dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers, il tend, tout d'abord, à regrouper en un même article les observatoires existant en Guyane et à la Réunion et, ensuite, à créer deux observatoires qui seraient propres respectivement à la Guadeloupe et à la Martinique. Ceux-ci permettraient à la fois de faciliter la constitution et les réunions des commissions chargées d'apprécier les conditions d'immigration et de prendre en compte les spécificités de chacun des territoires concernés au regard de la pression migratoire.

Cet amendement a été rectifié pour tenir compte de la suppression de l'article 1er bis du projet de loi, qui prévoyait d'introduire un article L. 111-11 dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. le président. L'amendement n° 94 rectifié bis, présenté par MM. Marsin, Othily et Barbier, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  - Les commissions chargées d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion sont consultées pour avis par la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour sur les demandes d'admission exceptionnelle au séjour formée par les étrangers qui justifient par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans et qui résident en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique ou à la Réunion au moment où est effectuée cette demande.

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Compte tenu de la nature et de l'ampleur particulières de l'immigration dans les départements français d'outre-mer, le présent projet de loi crée des commissions chargées d'apprécier les conditions d'immigration en Guadeloupe et à la Martinique. Ces instances viennent s'ajouter à celles qui ont déjà été créées pour la Guyane et La Réunion par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Le 31 janvier dernier, le préfet de Guyane a d'ailleurs installé l'une de ces nouvelles commissions dans son département.

En outre, le projet de loi prévoit qu'une commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour se prononcera sur les demandes d'admission exceptionnelle formées par les étrangers qui justifieront par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.

Cet amendement vise à instaurer un passage préalable des demandes d'admission exceptionnelle au séjour devant les commissions chargées en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion d'apprécier les conditions d'immigration. Celles-ci rendraient un avis consultatif à la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour sur les demandes qui émaneraient d'étrangers résidant dans leurs départements.

Les commissions chargées d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion rempliraient ainsi leur mission d'appréciation et pourraient éclairer la commission nationale grâce à leur expertise et leurs connaissances relatives à la situation très spécifique en matière d'immigration de ces territoires de la France d'outre-mer, d'autant que, je l'espère, des représentants de l'outre-mer siégeront dans ces commissions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 94 rectifié bis ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je le rappelle, cet amendement vise à imposer la consultation préalable des observatoires de l'immigration en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion par la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour relativement aux demandes d'admission émanant d'étrangers résidant dans ces départements.

Or une telle consultation obligatoire, même si elle ne débouche que sur la formulation d'un avis simple, risque bien sûr d'allonger les délais d'examen des dossiers par la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

En outre, je rappellerai que, pour des raisons d'efficacité et de rapidité, l'intervention des commissions départementales du titre de séjour a été supprimée en Guyane. Il serait donc peu cohérent de la part de la commission des lois d'instituer une telle saisine pour avis.

Enfin, les observatoires de l'immigration déjà créés ou prévus par cet article du projet de loi ont vocation à susciter des mesures d'adaptation du droit en vigueur dans les départements d'outre-mer, et non à traiter de cas individuels.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion commune ?

M. François Baroin, ministre. S'agissant de l'amendement n° 69 rectifié, qui tend à clarifier les modalités de la création et du fonctionnement des observatoires de l'immigration en Guadeloupe et en Martinique, le Gouvernement émet un avis favorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 94 rectifié bis, le Gouvernement en demande le retrait, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

En effet, si je comprends bien les préoccupations des auteurs de cet amendement, je ne parviens pas aux mêmes conclusions qu'eux. Je souscris aux arguments développés par M. le rapporteur, qui a souligné que, dans les départements d'outre-mer, les commissions chargées d'apprécier les conditions d'immigration doivent essentiellement réfléchir, et non traiter de cas individuels. Si M. Othily retirait cet amendement, cette position pourrait être partagée par tous.

M. le président. Monsieur Othily, l'amendement n° 94 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Georges Othily. Compte tenu de ces explications, puisque les commissions installées en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion, sont chargées de réfléchir et de porter une appréciation sur les phénomènes migratoires en général, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 94 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 69 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 72 ter est ainsi rédigé.

Article 72 ter (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 73 (priorité)

Articles additionnels après l'article 72 ter (priorité)

M. le président. L'amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En Guyane, pendant une période de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, le représentant de l'État, soit d'office, soit à la demande du maire, soit à la demande de l'organe exécutif d'une autre collectivité territoriale ou de l'établissement public concerné peut faire constater, par procès-verbal, l'implantation sur le domaine public ou le domaine privé de l'État, d'une collectivité territoriale ou de leurs établissements publics ou d'un établissement public de coopération intercommunale, de toute construction, même ne comportant pas de fondation, ou la réalisation de travaux à cette fin.

Lorsque la construction est implantée sur le domaine d'une collectivité territoriale ou de l'un de ses établissements publics, ou d'un établissement public de coopération intercommunale, le procès-verbal est aussitôt transmis, pour information, au maire de la commune intéressée et, le cas échéant, à l'organe exécutif de la collectivité territoriale ou de l'établissement public dont le domaine public ou privé est concerné.

Sur le fondement de ce procès-verbal et après mise en demeure notifiée par tout moyen restée sans résultat, le représentant de l'État prescrit, par arrêté, la destruction de la construction ou des éléments de construction, ainsi que la remise en état des lieux. Cet arrêté est aussitôt transmis, pour information, aux autorités mentionnées à l'alinéa précédent.

L'arrêté du représentant de l'État est transmis, aux fins d'homologation, au juge des référés administratifs. Celui-ci se prononce dans les cinq jours de sa saisine.

Dans le cas où la construction est utilisée pour l'habitation, l'arrêté mentionne les possibilités de relogement provisoires offertes aux occupants en attendant qu'il soit statué sur la régularité de leur situation sur le territoire national.

Le représentant de l'État ne peut recourir à l'exécution forcée pour l'application des dispositions du présent article qu'après la notification de la décision du juge des référés l'homologuant.

Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice de celles de l'article L. 173-4 du code forestier.

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Le présent amendement a pour objet de donner à l'État les moyens de lutter efficacement contre la prolifération incontrôlée et préoccupante en Guyane des constructions illicites réalisées par les immigrés en situation irrégulière sur les domaines public et privé de l'État et des collectivités territoriales.

Ce phénomène est en pleine croissance, en raison des flux migratoires et de la géographie du département. En Guyane, 8 000 constructions de ce type ont d'ores et déjà été recensées, auxquelles viennent s'ajouter chaque année au moins mille constructions supplémentaires.

De telles constructions illégales sont sources de désordres importants, qui dépassent largement la simple illégalité. En effet, réalisées en dehors de toute autorisation conforme aux règles d'urbanisme, elles ne répondent pas aux normes d'habitabilité en vigueur. Leur occupation porte ainsi préjudice à la salubrité publique et constitue une atteinte grave au respect de l'environnement. Elles sont d'ailleurs à l'origine d'importantes zones de déforestation.

Le régime très ancien, très particulier et très rigoureux de la domanialité publique est dominé par l'idée que le domaine est inaliénable et que l'administration doit exercer des pouvoirs très étendus pour en garantir l'intégrité. L'administration a ici une véritable obligation de résultat.

Quant au domaine privé des collectivités publiques, même s'il est en théorie soumis à un régime de droit privé, il n'en constitue pas moins un élément de la propriété publique, laquelle est protégée par la Constitution au même titre que la propriété privée.

Depuis l'incorporation de la charte de l'environnement de 2004 à la Constitution, la protection de l'environnement est un objectif de valeur constitutionnelle, tout comme, depuis déjà de nombreuses années, la protection de la santé publique. La protection de l'ordre public constitue, de même, une obligation constitutionnelle pour toutes les autorités publiques. Or, la situation que connaît la Guyane étant devenue intolérable, il convient d'y mettre fin.

Cet amendement tend donc à instaurer un dispositif adapté à la situation particulière de ce département, afin de permettre au représentant de l'État d'intervenir, soit d'office, soit à la demande du maire ou de l'organe exécutif d'une autre collectivité publique concernée, dès que l'implantation d'une construction contrevenant aux règles d'occupation des domaines privé et public de l'État est constatée.

L'arrêté du représentant de l'État ne pourrait entrer en vigueur qu'après son homologation par le juge administratif des référés. Cette procédure est très étroitement inspirée de celles qui sont déjà en vigueur pour les immeubles menaçant ruine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à prendre en compte la situation effectivement intolérable de la Guyane, où le domaine public de l'État, notamment le domaine forestier, fait l'objet de nombreuses appropriations privées, dans des conditions inacceptables.

Pour autant, la commission des lois est quelque peu réservée sur la procédure proposée, au regard des modalités d'intervention du contrôle juridictionnel. Celui-ci serait en effet du ressort du juge administratif des référés, dans le cadre d'une procédure d'homologation.

C'est pourquoi la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Sur le fond, je ne suis pas en désaccord avec l'analyse de M. Othily. J'ai d'ailleurs engagé une réflexion sur ce problème, dont nous avons déjà discuté en Guyane.

Toutefois, un autre véhicule législatif est susceptible d'accueillir ces dispositions. Il s'agit du projet de loi organique portant diverses dispositions statuaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Je considère que ces dispositions trouveraient davantage leur place dans ce texte que dans la partie consacrée à l'outre-mer du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.

Je suis tout à fait prêt à en discuter et à envisager des avancées législatives, mais pas dans le cadre du texte que nous examinons aujourd'hui.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Othily, l'amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?

M. Georges Othily. Monsieur le président, j'accepte de retirer cet amendement. J'espère que le projet de loi organique, attendu depuis si longtemps, nous sera soumis avant la fin de l'année et que nous pourrons y intégrer la présente mesure. Cela permettra de régler les difficultés rencontrées non seulement par le préfet, mais aussi par les maires de toutes les communes de Guyane dans lesquelles s'installent, d'une manière insolente, ceux qui se dirigent prétendument vers l'« eldorado » de Manoa.

M. le président. L'amendement n° 88 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune, qui sont présentés par MM. Othily, Marsin et Barbier.

L'amendement n° 97 rectifié est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, les parents étrangers ne peuvent bénéficier des prestations familiales que s'ils justifient d'une résidence stable et régulière depuis au moins cinq ans. »

II. L'article L. 523-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, lorsque le père, la mère ou la personne physique qui assume la charge effective de l'enfant sont de nationalité étrangère, il ne peut bénéficier de l'allocation de soutien familial que s'il justifie d'une situation stable et régulière depuis au moins cinq ans. »

III. Avant le dernier alinéa de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, l'allocation de parent isolé ne peut être attribuée que si son bénéficiaire réside de façon stable et régulière depuis au moins cinq ans. »

IV. L'article L. 531-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, le bénéfice de la prestation d'accueil du jeune enfant est subordonné pour les étrangers à une résidence stable et régulière depuis au moins cinq ans. »

V. Après le premier alinéa de l'article L. 161-2-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, dans le département de la Guyane et par dérogation à l'article L. 380-1, les personnes étrangères doivent justifier d'une résidence stable et régulière depuis au moins cinq ans pour bénéficier des dispositions de l'alinéa précédent. »

VI. L'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, les personnes de nationalité étrangère ne peuvent bénéficier des dispositions du présent article que si elles justifient d'une résidence stable et régulière depuis au moins cinq ans. »

VII. L'article L. 816-1 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable au département de la Guyane.

VIII. Après le 4° de l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, le bénéfice pour les personnes de nationalité étrangère des prestations visées par le 1°, le 2° et le 3° est subordonné à la justification d'une résidence stable et régulière sur le territoire. »

L'amendement n° 89 rectifié est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, les personnes de nationalité étrangère ne peuvent bénéficier des dispositions du présent article que si elles justifient d'une résidence stable et régulière. »

II. Après le quatrième alinéa de l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, le bénéfice pour les personnes de nationalité étrangère des prestations visées par les 1°, 2° et 3° est subordonné à la justification d'une résidence stable et régulière sur le territoire. »

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. La protection sociale des individus résidant sur le sol de la Guyane s'apparente désormais à une aide au développement aux États voisins.

Par l'amendement n° 97 rectifié, nous souhaitons encadrer l'attribution des prestations sociales aux étrangers, lesquels devront justifier de conditions de séjour stables et régulières et d'une certaine durée pour bénéficier des prestations familiales et de la couverture maladie universelle.

Déjà, en 1993, le Conseil constitutionnel avait estimé que la situation juridique des étrangers et des nationaux différait. Dans la même décision, il avait rappelé que les étrangers jouissent des mêmes droits à la protection sociale que les nationaux, dès lors qu'ils résident de façon stable et régulière sur le territoire.

Le paragraphe VII de cet amendement tend à rendre inapplicable à la Guyane l'article 42 de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, lequel supprime la condition de résidence régulière pour bénéficier de l'allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse.

L'amendement n° 89 rectifié a un objet similaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 97 rectifié tend à prévoir des conditions spécifiques pour permettre aux étrangers de bénéficier en Guyane des prestations sociales suivantes : allocation de soutien familial, allocation de parent isolé, prestation d'accueil du jeune enfant, prestations en nature des assurances maladie et maternité, protection complémentaire en matière de santé.

Tout en reconnaissant l'effet attractif que peuvent exercer les prestations sociales offertes aux étrangers en Guyane, la commission estime que l'institution d'un régime dérogatoire sur ce territoire se heurte aux dispositions de l'article 73 de la Constitution. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n° 89 rectifié tend à instaurer, pour le seul département de la Guyane, une condition de résidence stable et régulière sur le territoire, qui sera opposable aux étrangers souhaitant bénéficier, d'une part, de la protection complémentaire en matière de santé et, d'autre part, des prestations de l'aide médicale de l'État, de l'aide sociale à l'enfance et de l'aide sociale en cas d'admission dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale.

S'agissant de la protection complémentaire en matière de santé, la commission estime qu'une telle condition de résidence est déjà satisfaite par les textes actuels, plus particulièrement par l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale. Il est donc inutile de l'exiger de nouveau.

Sur les autres prestations, la commission est bien consciente que l'existence d'un système de santé et d'accueil très développé en Guyane, par comparaison, évidemment, à celui qui peut exister au Surinam, au Guyana ou dans l'état brésilien frontalier d'Amapa, crée incontestablement un effet d'attraction sur les populations voisines de ce département.

Pour autant, au regard de l'article 73 de la Constitution relatif aux départements d'outre-mer, la commission s'interroge sur la possibilité de modifier, pour la seule Guyane, les conditions d'octroi de ces prestations aux étrangers. C'est pourquoi, tout en étant favorable à certaines différenciations entre le droit applicable en Guyane et en métropole, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, pour une raison essentielle : la Guyane étant un département d'outre-mer, c'est l'analyse de la commission sur l'interprétation de l'article 73 de la Constitution qui doit prévaloir.

Je précise néanmoins que nous publierons très prochainement un décret, dans lequel nous définirons de façon rigoureuse l'ensemble des prestations de sécurité sociale et les modalités d'appréciation du critère de stabilité de résidence, ce qui nous permettra de disposer d'un cadre juridique sûr et aisément applicable.

Au demeurant, au-delà même du risque d'inconstitutionnalité par rapport à l'article 73 de la Constitution, le fait d'exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de l'aide médicale de l'État aurait des conséquences négatives sur la situation sanitaire de la Guyane, qui doit d'ores et déjà bénéficier d'un rattrapage. J'ai d'ailleurs sollicité mon collègue ministre de la santé en ce sens.

M. le président. Monsieur Othily, les amendements nos 97 rectifié et 89 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Georges Othily. Non, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 97 rectifié et 89 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article ainsi rédigé :

I. - Après l'article L. 2561-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ...  : En Guyane, le maire de la commune sur laquelle réside un étranger demandant la délivrance d'un des titres de séjour définis par l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la durée est supérieure à six mois, est consulté par le préfet sur cette demande. L'avis du maire est réputé donné s'il n'est pas intervenu dans un délai de trente jours. Le maire est informé des décisions prises. »

II. - Après l'article L. 3444-7 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ...  : En Guyane, le président du conseil général est consulté par le préfet sur la délivrance des titres de séjour définis par l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la durée est supérieure à six mois. L'avis est réputé donné s'il n'est pas intervenu dans un délai de trente jours. Le président du conseil général est informé des décisions prises. »

III. - Après l'article L. 4433-3-4 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... : En Guyane, le président du conseil régional est consulté par le préfet sur la délivrance des titres de séjour définis par l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la durée est supérieure à six mois. L'avis est réputé donné s'il n'est pas intervenu dans un délai de trente jours. Le président du conseil régional est informé des décisions prises. »

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Afin de mieux répondre à la pression migratoire en Guyane, nous souhaitons instituer par cet amendement une procédure d'association des collectivités territoriales à l'exercice des compétences de l'État en matière d'immigration. Les dispositions proposées s'inspirent de l'article 34 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Il est ainsi prévu de recueillir l'avis des exécutifs locaux sur la délivrance des cartes de séjour temporaire et des cartes de résident, ce qui se justifie compte tenu de leurs compétences respectives : les écoles pour les maires, les collèges pour les présidents des conseils généraux, les lycées et le développement économique pour les présidents des conseils régionaux.

Les dispositions du présent amendement s'appliquent également à l'autorisation de travail, celle-ci étant délivrée lors de l'attribution de la carte de séjour temporaire sous la forme de la mention « salarié » apposée sur cette carte.

D'une façon générale, lorsque le préfet délivre la carte de séjour et la carte d'autorisation de travailler, il y a un impact extrêmement important pour les finances de la commune, du conseil général et du conseil régional concernés. En effet, la personne à qui est délivré ce document devra obligatoirement faire scolariser ses enfants. Or une telle situation n'est pas prise en compte dans la fixation des dotations complémentaires versées aux exécutifs locaux, lesquelles sont calculées per capita.

C'est la raison pour laquelle il nous semble légitime de prévoir une consultation des élus locaux sur les conditions d'entrée, de séjour et de travail des étrangers dans notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande à notre collègue Georges Othily de bien vouloir retirer cet amendement. En Guyane, comme dans les autres départements français, le maire sera saisi pour avis par le préfet sur la délivrance des cartes de résident, en application de la nouvelle rédaction de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que nous avons adoptée à l'article 5 du présent projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. Monsieur Othily, l'amendement n° 92 rectifié est-il maintenu ?

M. Georges Othily. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 92 rectifié est retiré.

L'amendement n° 256 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article 16-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé:

« Dans le cadre de la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité en Guyane, le juge peut demander à l'intéressé de se soumettre à un test génétique. Celui-ci peut refuser mais ce refus constitue une présomption de fraude. »

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Nous reprenons ici l'une des pistes évoquées par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine dans son récent rapport. Il s'agit de renforcer le dispositif permettant de lutter contre les reconnaissances de paternité fictives et frauduleuses en Guyane.

Si le projet de loi consacre une partie de son chapitre II aux reconnaissances d'enfants frauduleuses à Mayotte, il ne propose pas de mesures spécifiques pour la Guyane, alors que la situation sur le terrain l'impose tout autant, comme l'a d'ailleurs rappelé la commission d'enquête.

C'est pourquoi nous proposons que, en Guyane, le refus de se soumettre à un test génétique visant à lutter contre la reconnaissance frauduleuse de paternité constitue une présomption de fraude, et j'insiste bien sur l'idée qu'il s'agit d'une présomption de fraude et non pas d'une fraude.

M. le président. Mon cher collègue, j'aimerais comprendre : une paternité peut être frauduleuse ; mais, si elle est frauduleuse, elle ne peut être fictive !

M. Georges Othily. Certes, mais cela n'empêche pas l'exigence d'un test génétique !

M. le président. Cette incertitude juridique me dépasse ! (Sourires.)

M. Robert Bret. La Guyane est un cas très particulier, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'institution d'une règle spécifique en matière de reconnaissance de paternité en Guyane se heurte à l'obstacle que constitue l'article 73 de la Constitution, lequel ne permet pas d'envisager un tel dispositif dérogatoire pour un département d'outre-mer.

Par ailleurs, je tiens à préciser que, dans son rapport, la commission d'enquête n'avait pas émis de recommandations particulières sur ce point, en tout cas pas de façon très claire ni très nette.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Monsieur Othily, l'amendement n° 256 rectifié est-il maintenu ?

M. Georges Othily. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 256 rectifié est retiré.

L'amendement n° 95 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le département de la Guyane, sous réserve de l'application et de la réciprocité des engagements internationaux de la France, la nationalité française ne peut s'acquérir que par les voies suivantes :

1° La filiation ;

2° Le mariage ;

3° Une déclaration de nationalité ;

4° Une décision de l'autorité publique.

II. - L'article 21-7 et le premier alinéa de l'article 21-11 du code civil ne sont pas applicables au département de la Guyane.

III. - Après l'article 21-7 du code civil, il est inséré ainsi rédigé :

« Art. L. ...  Tout enfant né en Guyane de parents étrangers ne pourra demander l'acquisition de la nationalité française que dans les trois années qui suivent sa majorité, si, à la date de sa demande, il a en France sa résidence principale, et s'il a eu sa résidence principale en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis l'âge de onze ans.

« L'alinéa précédent ne s'applique qu'à la personne dont l'un des parents au moins a été en situation régulière au regard des lois et accords internationaux relatifs au séjour des étrangers en France pendant la période durant laquelle elle a eu sa résidence habituelle en France ».

IV. - L'article 21-12 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'alinéa précédent n'est applicable dans le département de la Guyane que sous réserve que soit apportée par la personne qui a accueilli l'enfant la justification d'une résidence stable et régulière à la date à laquelle l'enfant a été accueilli. »

V. - Pour l'application de l'article 21-2 du code civil au département de la Guyane, la dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots « et d'une résidence régulière sur le territoire de la République ».

VI. - Le 1° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable dans le département de la Guyane.

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Cet amendement vise à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française dans le département de la Guyane et à lutter contre les abus constatés. En effet, certaines personnes étrangères entrent irrégulièrement sur le territoire, simplement pour accoucher et bénéficier, par ricochet, des avantages liés au fait d'avoir un enfant né sur le sol français.

L'acquisition de la nationalité par la naissance sur le territoire de la République est non pas un principe constitutionnel, mais simplement une norme de rang législatif. Dans sa décision n° 93-325 du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel a énoncé que la pression migratoire particulièrement élevée que peuvent subir les départements d'outre-mer, combinée à leur éloignement, justifie à elle seule que le législateur ait la possibilité de prendre des mesures spécifiques.

Ainsi, dans le paragraphe I de cet amendement, nous définissons les modes d'acquisition de la nationalité française sur le territoire du département de la Guyane.

Le II vise à rendre inapplicable à la Guyane l'automaticité de l'acquisition de la nationalité française par la seule naissance sur le territoire du département.

Il y est substitué, dans le III, un dispositif parallèle et non automatique d'acquisition, qui s'appuie sur un acte de volonté et une condition de résidence. Cependant, les individus dont les deux parents auront été en situation irrégulière ne pourront y prétendre.

Dans le IV, nous subordonnons la possibilité offerte à un enfant recueilli en Guyane de réclamer la nationalité française au fait que la personne qui l'a élevé aura été en situation régulière.

Dans le VI, nous levons l'obstacle juridique qui empêche aujourd'hui la reconduite à la frontière des individus en situation irrégulière, ne vivant pas en état de polygamie et parents d'un enfant né sur le sol de la Guyane.

Avec ces propositions, il s'agit non pas de satisfaire l'intérêt propre de la Guyane, mais de tenir compte des particularités de ce territoire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces problèmes juridiques assez particuliers ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement, eu égard, encore une fois, à l'article 73 de la Constitution.

M. Robert Bret. Eh oui, monsieur Othily, vos propositions sont anticonstitutionnelles ! Le doyen Gélard le dirait mieux que personne ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Monsieur Othily, comme vous le savez très bien, c'est moi-même qui ai provoqué ce débat, en prenant position et en avançant des arguments qui ont permis d'éclairer l'opinion publique française sur la réalité de la situation en matière d'immigration irrégulière dans trois de nos territoires, à savoir la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte.

Certes, nous pouvons avoir un débat de juristes sur l'application de l'article 74 de la Constitution relatif aux collectivités d'outre-mer. C'est d'ailleurs sur cet article que je me suis fondé pour ouvrir le débat de façon quelque peu spectaculaire. Pour autant, il n'en est pas de même à l'article 73 de la Constitution relatif aux départements d'outre-mer, pour lesquels nous disposons d'un cadre contraint, parfaitement défini par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Par conséquent, le Gouvernement partage la position de la commission sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Othily, l'amendement n° 95 rectifié est-il maintenu ?

M. Georges Othily. Monsieur le président, je suis très content que le Gouvernement et la commission aient pu préciser leurs positions. En effet, nous savons tous désormais que l'article 73 de la Constitution ne permet pas un développement normal et harmonieux des départements d'outre-mer !

De surcroît, l'article 74 de la Constitution ne permet pas plus aux collectivités qu'il régit de sortir des règles définies dans le quatrième alinéa de l'article 73 de la Constitution, car il s'agit de pouvoirs de l'État auxquels il ne pourra pas être dérogé, sauf à réformer de nouveau la Constitution

Cela étant, je retire également cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n ° 95 rectifié est retiré.

L'amendement n° 96 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est inséré après le premier alinéa de l'article 47 du code civil un alinéa ainsi rédigé :

« Les documents d'état civil mentionnés à l'alinéa précédent font l'objet d'un contrôle de régularité, d'authentification et de vérification des faits qui y sont déclarés dès lors qu'ils sont établis en vue de déposer dans le département de la Guyane une demande d'acquisition de la nationalité française ou de titre de séjour ou qu'ils sont fournis à l'appui d'une demande de mariage. »

II. - Les articles 71 et 72 du code civil ne sont pas applicables au département de la Guyane.

III. L'article 21-13 du code civil n'est pas applicable au département de la Guyane.

IV. - La reconnaissance de filiation telle que prévue par le titre VII du Livre 1er du code civil ne peut être établie par acte de notoriété dans le département de la Guyane.

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. En raison des doutes, légitimes, pouvant naître sur l'état civil des étrangers en situation irrégulière, cet amendement formule un nouveau cadre pour la Guyane.

Afin de lutter contre la multiplication des mariages de complaisance en Guyane, le I de cet amendement oblige l'individu qui contracte mariage à résider de façon régulière pour prétendre obtenir la nationalité française.

Les III et IV empêchent l'acquisition de la nationalité par possession d'état ou acte de notoriété de la filiation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement paraît à la commission tout à fait incompatible avec l'article 73 de la Constitution et, par ailleurs, l'article 47 du code civil fera l'objet d'une réforme dans le cadre du projet de loi sur la validité des mariages.

À cette occasion, il me semble qu'il sera possible d'en discuter. En conséquence, j'émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis que la commission, monsieur le président.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Othily ?

M. Georges Othily. Non, je le retire, en relevant, encore une fois, l'inapplicabilité de l'article 73 de la Constitution quand il s'agit de faire évoluer des institutions outre-mer et singulièrement dans le département de la Guyane.

M. le président. L'amendement n ° 96 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 255 rectifié bis, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les étrangers ayant leur résidence régulière et stable sur le territoire de la Guyane depuis plus de dix ans sont régularisés.

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Cet amendement reprend une résolution du dernier congrès des élus de la Guyane qui, réuni le 30 mai 2006, a décidé de demander la régularisation des étrangers établis régulièrement sur le territoire guyanais depuis plus de dix ans.

Ils vont à l'école, ils ont leur maison, ils sont stables, ils sont réguliers. On a supprimé récemment la régularisation automatique mais certaines personnes, en Guyane, mériteraient d'être régularisées.

M. le président. L'amendement n° 253 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les étrangers qui, ne vivant pas en état de polygamie, justifient par tout moyen résider habituellement en Guyane depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, ils ont séjourné en qualité d'étudiant, obtiennent de plein droit une carte de séjour «  vie privée et familiale » valable sur le seul territoire de la Guyane.

Cette carte est délivrée aux étrangers qui en font la demande avant le premier jour du sixième mois qui suit la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Il est proposé, par le présent amendement, d'accorder de plein droit aux étrangers pouvant justifier de dix années de résidence en Guyane, une carte de séjour « vie privée et familiale » valable sur le seul territoire de la Guyane, s'ils en font la demande dans les six mois qui suivent la promulgation de la loi.

Cette proposition répond ainsi au voeu du congrès des élus départementaux et régionaux de la Guyane réuni le 30 mai 2006.

M. le président. Chacun aura compris, mon cher collègue, que vous vous faites ici le porte-parole des élus guyanais, ce qui peut expliquer le caractère quelque peu contradictoire de ces amendements-là par rapport à ceux que vous avez pu défendre précédemment.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission avait émis un avis défavorable sur l'amendement n° 255 rectifié avant qu'il ne soit rectifié bis, mais elle n'a pas été saisie de la nouvelle version.

Je vais donc vous communiquer un avis personnel : le projet de loi a supprimé la régularisation de dix ans et prévoit une procédure d'admission exceptionnelle au séjour. Je pense que, si des mesures doivent être prises, elles le seront dans le cadre de ce dispositif.

C'est la raison pour laquelle j'émettrai un avis défavorable sur cet amendement n °255 rectifié bis.

S'agissant de l'amendement n °253 rectifié, la commission en demande le retrait puisqu'il a pour objet de mettre un terme à la situation spécifique des nombreux sans-papiers présents en Guyane, effectivement constatée par la commission d'enquête. Pour autant, la régularisation collective n'est pas la philosophie retenue par les auteurs du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements pour les raisons développées par le rapporteur : dans ce cas également, il existe un parallélisme des formes qui est incontournable.

M. le président. Les amendements sont-ils maintenus, monsieur Othily ?

M. Georges Othily. Je les retire, monsieur le président. À la lecture du Journal officiel, chacun pourra connaître la position de la commission, celle du Gouvernement et celle du Sénat.

M. Robert Bret. Dont acte !

M. le président. Les amendements nos 255 rectifié bis et 253 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 254 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En Guyane, les personnes en situation irrégulière du fait du non-renouvellement de leurs pièces d'identité bénéficient d'une régularisation.

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. En Guyane, certaines personnes en situation irrégulière du fait du non-renouvellement de leur pièce d'identité doivent bénéficier d'une régularisation.

Il s'agit de jeunes gens qui vivent en Guyane depuis près de quinze ans. Ils ont eu une carte nationale d'identité - notamment ceux qui vivent sur le fleuve Maroni - ; ils ont eu un passeport. Au moment de le renouveler, on leur dit qu'ils ne peuvent pas le faire au motif qu'ils n'ont pas d'état civil.

Nous demandons donc que ces personnes au moment où elles présentent leur passeport français, voire européen; soient régularisées. C'est également une volonté qui a été exprimée lors du dernier congrès des élus de la Guyane.

Il faut savoir que ces jeunes sont très nombreux qui, au moment de suivre des études en France métropolitaine, et bien qu'étant bacheliers français, ne peuvent partir faute d'avoir un passeport ou une pièce d'identité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le problème est réel. Pour autant, faut-il aller vers une régularisation aussi large et dans les conditions demandées ? La commission émet un avis défavorable, préférant naturellement une régularisation, si elle doit intervenir, opérée au cas par cas.

M. le président. Si les intéressés ont une pièce d'identité en bonne et due forme, comment faites-vous, monsieur le ministre ?

M. François Baroin, ministre. Ce sont là des cas de figure, monsieur le président, que nous constatons, malheureusement ou heureusement, régulièrement, ce qui permet d'ailleurs aux autorités administratives de procéder la plupart du temps à la régularisation. C'est bien la raison pour laquelle, d'ailleurs, tout amalgame, toute politique globale; toute inadaptation à la réalité de terrain peut aboutir à des politiques qui sont à l'opposé des principes qui rassemblent la plupart d'entre nous.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement. Cela étant, j'entends parfaitement le message du sénateur Othily et c'est dans cet esprit que des instructions seront données au préfet de Guyane en vue de réexaminer la situation des personnes concernées.

Le Gouvernement est donc globalement opposé à des régularisations massives pour des raisons de fond comme de forme : de fond, parce que cela risque de créer des injustices de traitement ; de forme, parce que, comme vous le savez - c'est d'ailleurs tout le sens de ce projet de loi - un tel message ne manquerait pas de créer un appel d'air.

A-t-on besoin d'un appel d'air ? La réponse est non et je parle sous votre contrôle, monsieur le sénateur.

A-t-on besoin d'une politique rigoureuse ? La réponse est oui.

Pouvons-nous nous doter d'outils efficaces ? La réponse est oui, et c'est ce que nous proposons.

Devons-nous aller plus loin ? Probablement, en fonction de l'adaptation à l'évolution de la situation.

Pouvons-nous « tordre le bras » à l'article 73 de la Constitution ? Le Gouvernement n'aurait pas cette audace.

M. le président. Mon cher collègue, pour ce qui est du Journal officiel, vous avez satisfaction ; dans ces conditions, retirez-vous cet amendement ?

M. Georges Othily. Oui, monsieur le président, parce que les propos de M. le ministre figureront au Journal officiel et parce que mes compatriotes pourront les lire et connaître ainsi la position du Gouvernement sur une situation qui est plus qu'alarmante !

Mais ma satisfaction, si je puis dire, va encore beaucoup plus loin, dans la mesure où des collectifs s'organisent actuellement en Guyane et font le travail que les forces de l'ordre et le Gouvernement ne sont pas encore en mesure de faire sur le territoire de la Guyane française !

M. Robert Bret. Ce n'est pas républicain : cela s'appelle des milices !

M. Georges Othily. Cela étant, je retire l'amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n °254 rectifié est retiré.

CHAPITRE II

Dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, à l'état des personnes et aux reconnaissances d'enfants frauduleuses à Mayotte

Articles additionnels après l'article 72 ter (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 74 (priorité)

Article 73 (priorité)

L'article 20 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique à Mayotte, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l'article 19 et au premier alinéa du présent article, les frais mentionnés au premier alinéa sont personnellement et solidairement à la charge du père ayant reconnu un enfant né d'une mère étrangère et de celle-ci, lorsqu'elle ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 6 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte. Cette disposition s'applique même lorsque la reconnaissance fait l'objet de la procédure prévue aux articles 2499-2 à 2499-5 du code civil. »

M. le président. L'amendement n° 463, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. L'article 73 vise à limiter l'attractivité de Mayotte en matière de santé. Les frais d'hospitalisation, de consultation et d'actes externes sont acquittés directement par les personnes qui ne sont pas affiliées au régime d'assurance-maladie de Mayotte où - c'est une particularité par rapport à la métropole - l'aide médicale de l'État n'existe pas.

Si nous sommes tout à fait d'accord pour reconnaître sa situation particulière de Mayotte, elle ne justifie pas pour autant toutes ces dispositions anticonstitutionnelles que nous allons examiner.

Pourquoi instaurer un régime d'exception pour Mayotte ? Pourquoi toujours suspecter et punir la même catégorie de la population et ne jamais inquiéter les auteurs responsables d'une telle situation ?

Avec cet article, ces frais seront solidairement à la charge du père mahorais qui reconnaîtrait un enfant naturel d'une mère étrangère sans papiers, même si la reconnaissance est contestée. L'exposé des motifs est d'ailleurs assez clair puisqu'il s'agit de mettre à la charge personnelle du père ayant reconnu un enfant naturel les frais de maternité de la femme étrangère en situation irrégulière.

Je pense que cette disposition et les raisons qui la justifient ne sont pas acceptables, puisqu'il s'agit toujours de suspicion. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article 73, article dont je rappelle qu'il permet de dissuader le commerce florissant des reconnaissances de paternité à Mayotte en mettant à la charge du père ayant reconnu un enfant à Mayotte les frais médicaux liés à la naissance.

Rappelons simplement quelques chiffres : le nombre de reconnaissances de paternité à Mayotte a été multiplié par six depuis 2001, alors que, dans le même temps, le nombre des actes de naissance n'a augmenté que de 15 %.

L'article 73 est un outil de dissuasion important aux yeux de la commission, qui a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable.

Continuez, madame Hoarau, à confondre les articles 73 et 74 de la Constitution, et vous serez toujours dans l'erreur sur les politiques adaptées à Mayotte ; continuez à pratiquer la politique de l'autruche et à ne pas voir la réalité, et vous resterez sans politique pour Mayotte ; continuez à rédiger des amendements de suppression et vous ferez le lit du développement de l'immigration clandestine sur le territoire mahorais (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 463.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 73.

(L'article 73 est adopté.)

Article 73 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 75 (priorité)

Article 74 (priorité)

L'article 3 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application de l'alinéa précédent, le père et la mère doivent être des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte. À défaut, la filiation ne peut être établie que dans les conditions et avec les effets prévus par le code civil. »

M. le président. L'amendement n° 464, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je trouve que l'arrogance de M. le ministre envers notre groupe devient de plus en plus déplaisante : franchement, monsieur le ministre, vous pourriez au moins entendre les propos de ma collègue !

Que vous ne soyez pas d'accord, nous le comprenons et nous vous le concédons, mais quand même....

L'article 74 restreint les conditions d'application de la dation de nom qui emporte filiation dans le statut civil de droit local, en opposant que les deux parents relèvent du statut civil de droit local.

Ainsi, lorsque seul le père relève dudit statut, l'enfant naturel reconnu par le père est soumis au droit commun du droit civil qui impose l'obligation alimentaire du père.

Nous nous opposons formellement à la suspicion de reconnaissances de complaisance, ni plus ni moins, qu'induit cet article.

On peut en effet se demander si l'on ne cherche pas à dissuader les pères mahorais ou métropolitains de reconnaître un enfant de mère comorienne en situation irrégulière.

S'il existe effectivement des réseaux d'organisation de reconnaissance de paternités frauduleuses, pourquoi ne prendrait-on pas des dispositions plus en amont pour neutraliser ces prétendus réseaux ?

Nous n'avons de cesse de le répéter depuis le début de ce débat : vous vous en prenez toujours, monsieur le ministre, à des individus que vous soupçonnez à tout va de paternités frauduleuses à des fins financières ou clandestines, sans jamais vous préoccuper des causes.

Cherchons à développer Mayotte plutôt que de poursuivre des coupables présumés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable, sans arrogance !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 464.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 74.

(L'article 74 est adopté.)

Article 74 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 76 (priorité)

Article 75 (priorité)

I. - L'article 2492 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 2492. - Les articles 7 à 32-5, 34 à 56, 58 à 61, 63 à 315 et 317 à 515-8 sont applicables à Mayotte. »

II. - L'article 2494 du même code est abrogé.

III. - Dans le titre Ier du livre V du même code, sont insérés cinq articles 2499-1 à 2499-5 ainsi rédigés :

« Art. 2499-1. - Les articles 57, 62 et 316 sont applicables à Mayotte sous les réserves prévues aux articles 2499-2 à 2499-5.

« Art. 2499-2. -  Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer que la reconnaissance d'un enfant est frauduleuse, l'officier de l'état civil saisit le procureur de la République et en informe l'auteur de la reconnaissance.

« Le procureur de la République est tenu de décider, dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine, soit de laisser l'officier de l'état civil enregistrer la reconnaissance ou mentionner celle-ci en marge de l'acte de naissance, soit qu'il y est sursis dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder, soit d'y faire opposition.

« La durée du sursis ainsi décidé ne peut excéder un mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. Toutefois, lorsque l'enquête est menée, en totalité ou en partie, à l'étranger par l'autorité diplomatique ou consulaire, la durée du sursis est portée à deux mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. Dans tous les cas, la décision de sursis et son renouvellement sont notifiés à l'officier de l'état civil et à l'auteur de la reconnaissance.

« À l'expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître à l'officier de l'état civil et aux intéressés, par décision motivée, s'il laisse procéder à l'enregistrement de la reconnaissance ou à sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant.

« L'auteur de la reconnaissance peut contester la décision de sursis ou de renouvellement de celui-ci devant le tribunal de première instance, qui statue dans un délai de dix jours à compter de sa saisine. En cas d'appel, le tribunal supérieur d'appel statue dans le même délai.

« Art. 2499-3. - Tout acte d'opposition mentionne les prénoms et nom de l'auteur de la reconnaissance, ainsi que les prénoms et nom, date et lieu de naissance de l'enfant concerné.

« En cas de reconnaissance prénatale, l'acte d'opposition mentionne les prénoms et nom de l'auteur de la reconnaissance, ainsi que toute indication communiquée à l'officier de l'état civil relative à l'identification de l'enfant à naître.

« À peine de nullité, tout acte d'opposition à l'enregistrement d'une reconnaissance, ou à sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant, énonce la qualité de l'auteur de l'opposition, ainsi que les motifs de celle-ci.

« L'acte d'opposition est signé, sur l'original et sur la copie, par l'opposant et notifié à l'officier de l'état civil, qui met son visa sur l'original.

« L'officier de l'état civil fait, sans délai, une mention sommaire de l'opposition sur le registre d'état civil. Il mentionne également, en marge de l'inscription de ladite opposition, les éventuelles décisions de mainlevée dont expédition lui a été remise.

« En cas d'opposition, il ne peut, sous peine de l'amende prévue à l'article 68, enregistrer la reconnaissance ou la mentionner sur l'acte de naissance de l'enfant, sauf si la mainlevée de l'opposition lui a été remise.

« Art. 2499-4. - Le tribunal de première instance se prononce, dans un délai de dix jours à compter de sa saisine, sur la demande de mainlevée de l'opposition formée par l'auteur de la reconnaissance, même mineur.

« En cas d'appel, le tribunal supérieur d'appel statue dans le même délai.

« Le jugement rendu par défaut, rejetant l'opposition à l'enregistrement de la reconnaissance ou à sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant, ne peut être contesté.

« Art. 2499-5. -  Lorsque la saisine du procureur de la République concerne une reconnaissance prénatale ou concomitante à la déclaration de naissance, l'acte de naissance de l'enfant est dressé sans indication de cette reconnaissance. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 502 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

L'amendement n° 465 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 502 rectifié.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le texte entend mettre en place une procédure de contestation des reconnaissances d'enfants tout à fait inédite en droit de la famille, au point de créer en la matière un bouleversement inacceptable.

Les dispositions de cet article permettent à l'officier d'état civil qui reçoit la reconnaissance d'un enfant de saisir le parquet s'il estime qu'il existe des indices sérieux laissant présumer que la reconnaissance est invraisemblable ou frauduleuse.

Le parquet devra alors dans un délai de quinze jours autoriser la reconnaissance ou s'y opposer. Il pourra aussi décider de surseoir pendant deux mois maximum, de faire procéder à une enquête avant de prendre une décision.

L'auteur de la reconnaissance pourra bien sûr contester la décision de sursis ou d'opposition et la reconnaissance pourra être alors sans cesse retardée d'un ou deux mois, sans parler du fameux délai de dix jours devant le tribunal de grande instance.

Actuellement, même si un officier d'état civil ne peut pas juger de la sincérité d'une reconnaissance, il pourrait signaler une reconnaissance qui lui paraîtrait mensongère. C'est donc seulement quand la reconnaissance est invraisemblable, par exemple lorsque la différence d'âge entre l'enfant et le père est inférieure à douze ans, que l'officier d'état civil peut refuser de la recevoir et saisir le parquet. Sinon, il lui suffit d'avertir l'intéressé d'un risque d'annulation.

En fait, on s'aperçoit que seuls les étrangers en situation irrégulière, auxquels on prête toujours les pires intentions, sont obligés de s'en tenir au strict droit du sang. Bien entendu, même si ce projet de réforme du code civil n'en fait pas mention, il ne fait aucun doute qu'il ne cible que les sans-papiers.

Les femmes comoriennes qui viennent accoucher à Mayotte et qui sont suspectées de rechercher un Mahorais prêt à reconnaître la paternité de leur enfant, sont explicitement visées par ce dispositif.

Si, comme nous le font croire vos récentes déclarations, monsieur le ministre, le champ d'application de cette réforme concerne tout le territoire national, force est de constater que les sans-papiers qui reconnaîtraient un enfant français pourraient être les principales personnes touchées par ladite réforme. En fait, vous avez maintenant décidé de réduire ce champ d'application, en particulier à Mayotte.

En ce qui concerne les risques réels de fraude, on peut s'interroger sur la nécessité de prévoir une procédure de contrôle a priori reposant uniquement sur des indices qui s'avèrent humiliants et injustes pour des personnes de bonne foi, alors qu'il existe déjà une procédure d'annulation a posteriori plus fiable et respectueuse des droits de la personne.

Une nouvelle fois, on s'aperçoit que ce dispositif repose entièrement sur la suspicion a priori de l'officier d'état civil. L'expérience a démontré que ce type de contrôle était source de nombreux dérapages, tels le refus systématique des maires hostiles aux étrangers, la saisine abusive des parquets effectuée sur le seul fondement du séjour irrégulier.

À ce propos, il convient de relever que des enquêtes intrusives sont déjà menées dans la vie privée des candidats au mariage. D'ailleurs, de nombreux détournements de procédure sont opérés par l'administration. Le dépôt du dossier en mairie devient un moyen d'identifier puis de reconduire à la frontière les candidats au mariage qui sont en situation irrégulière, quelle que soit la réalité des sentiments qu'éprouve chaque partie.

Le contrôle a priori des reconnaissances d'enfants risque fort d'aboutir au même résultat. Quels indices sérieux l'officier d'état civil va-t-il rechercher pour conclure à un risque de fraude, sinon la situation irrégulière de l'un des parents ?

Pour conclure, à l'instar des suspicions pesant sur le mariage, le présent projet de loi, qui réformera certaines dispositions du code civil dont le champ d'application est territorialement limité à Mayotte, pourra être destiné à dissuader tous les étrangers de faire valoir leur droit de vivre en famille. Il s'agit, encore une fois, d'une violation des droits fondamentaux, et nous ne pouvons l'accepter.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 465.

Mme Éliane Assassi. Je n'ai jamais eu le plaisir de me rendre à Mayotte pour y rencontrer nos concitoyens. Cependant, j'ai quelques notions de géographie et je sais qu'il convient que nous soyons très attentifs à la situation économique, sanitaire ou scolaire des Comores, ainsi qu'aux difficultés politiques prévisibles.

La mise en place d'un plan de développement régional qui éviterait les migrations forcées de cet archipel semblerait plus efficace et respectueuse de la vie humaine que le renforcement, bien aléatoire, du contrôle des frontières ou de la reconnaissance frauduleuse de la paternité.

Dans une île où la moitié de la population est âgée de moins de vingt ans, porter une attention privilégiée aux problèmes des enfants devrait être une priorité encore plus affirmée. Mais, au lieu de cela, nous sommes amenés à légiférer sur le fantasme gouvernemental relatif à l'invasion des bébés français de mères comoriennes qui engendre la chasse à la paternité de complaisance.

La loi du 26 novembre 2003 avait consacré la suspicion : tout mariage mixte ne serait qu'un mariage blanc ou de complaisance destiné à protéger l'immigration illégale. En toute logique, après le contrôle de la validité des mariages apparaît la suspicion de fraude à la reconnaissance de paternité, ou « paternité blanche », face aux nouveau-nés de parents français et étranger.

Dans les deux cas, le dispositif repose entièrement sur la suspicion a priori de l'officier d'état civil.

À Mayotte coexistent deux états civils. L'état civil de droit commun découle du code civil, mais la majorité de la population relève d'un statut personnel de droit local, inspiré du droit coranique et prévu par l'article 75 de la Constitution. Ce statut est héréditaire sauf renonciation, cas peu fréquent. Jusqu'en 2001, le cadi tenait un registre d'état civil. Depuis cette date, le service d'état civil est censé tenir le registre de droit commun comme celui de droit local. Mais les mariages coutumiers, sans valeur juridique, semblent fréquents.

Si l'évolution administrative de l'île entraîne des adaptations, ces dernières ne doivent pas justifier des entorses aux droits de l'homme. Les écueils constatés en matière d'asile, comme le non-accès aux soins et à la scolarisation, ne sont pas acceptables sur le territoire français et ne peuvent être des moyens de lutte contre l'immigration irrégulière. Il y va non seulement de la francophonie, mais aussi de l'évolution et du rayonnement des droits de l'homme dans cette région du monde. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons d'adopter l'amendement n° 465.

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article 2492 du code civil, après la référence :

61,

insérer la référence :

62-1,

L'amendement n° 71, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au dernier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 2499-3 du code civil, remplacer les mots :

la mainlevée

par les mots :

 une expédition de la mainlevée

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 502 rectifié et 465 et pour présenter ces deux amendements.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 502 rectifié tend à supprimer la procédure d'opposition aux reconnaissances frauduleuses de paternité à Mayotte. Il est évident que la commission y est défavorable. Le même avis vaut pour l'amendement n° 465.

Par ailleurs, les dispositions de l'article 2492 du code civil relatives aux conditions d'accouchement sous X n'avaient pas pris en compte le cas de Mayotte, oubli auquel l'amendement n° 70 a pour objet de remédier.

L'amendement n° 71, quant à lui, est purement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements en discussion commune ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 502 rectifié et 465.

Madame Assassi, je pourrais vous parler à nouveau de la politique de l'autruche, mais vous trouveriez cela arrogant !

Mme Éliane Assassi. Ce ne sont pas des arguments !

M. François Baroin, ministre. Je pourrais vous répéter que plaider contre une évidence n'a jamais fait un bon avocat, mais vous pourriez considérer cela comme déplaisant.

Je pourrais comparer la superficie de Mayotte à celle de l'île d'Oléron, vous rappeler sa situation géographique, démographique, le pourcentage de clandestins atteignant les 30 % à 40 %, le taux de natalité le plus élevé de France, le fait que 80 % des femmes donnant la vie sont arrivées illégalement sur le territoire, mais, mesdames les sénateurs du groupe CRC, vous pourriez estimer qu'il s'agit d'une mauvaise manière de ma part.

Alors, madame Assassi, je n'aurai qu'une chose à dire : allez-y, allez à Mayotte, et peut-être pourrons-nous reprendre le débat, si, d'aventure, vous avez changé d'avis.

M. Alain Gournac. Oui ! Allez-y !

M. François Baroin, ministre. Par ailleurs, le Gouvernement est naturellement favorable aux amendements nos 70 et 71 de la commission.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 502 rectifié et 465.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 75, modifié.

(L'article 75 est adopté.)

Article 75 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 76 bis (priorité)

Article 76 (priorité)

Le I de l'article 29-1 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après les mots : « contracter un mariage », sont insérés les mots : « ou de reconnaître un enfant » et, après les mots : « un titre de séjour », sont insérés les mots : « ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement » ;

2° Dans le deuxième alinéa, après le mot : « mariage », sont insérés les mots : « ou de la reconnaissance d'un enfant ».

M. le président. L'amendement n° 466, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Ayant demandé la suppression de l'article 75, nous demandons en toute logique celle de l'article 76.

Sur quels indices sérieux se fondera en priorité l'officier d'état civil pour conclure à un risque de fraude, sinon la situation irrégulière de l'un des parents ? Si la reconnaissance d'un enfant fait encourir le risque d'une reconduite à la frontière, rares seront les pères sans papiers qui tenteront le diable ! Or sont concernés des enfants, des individus, des êtres humains, qui ont besoin d'une reconnaissance préalable pour démarrer une vie affective équilibrée, quels que soient les liens biologiques entre les adultes qui les accueillent et eux-mêmes.

Les officiers d'état civil savent à quel point le lien biologique n'est pas la condition sine qua non de ce départ dans la vie. La société ne saurait considérer ces enfants, ces êtres humains, comme des justificatifs administratifs, bureaucratiques, et estimer a priori que leurs pères sont des délinquants.

À l'instar des dispositions relatives au mariage, ce projet de réforme du code civil territorialement limité à Mayotte est avant tout destiné à dissuader les étrangers de faire valoir leurs droits à vivre en famille.

On s'étonnera que le Gouvernement ait osé aborder un domaine sensible du droit de la famille au travers d'une énième réforme du droit des étrangers, sans avoir songé un instant à consulter les personnes compétentes en ce domaine.

Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe CRC ont déposé le présent amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. À partir du moment où cet amendement tend à supprimer la pénalisation de la reconnaissance frauduleuse de paternité à Mayotte, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Avis identique !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 466.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 76.

(L'article 76 est adopté.)

Article 76 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 76 ter (priorité)

Article 76 bis (priorité)

L'article 30-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pendant une période de trois ans à compter de la publication de la loi n°          du                 relative à l'immigration et à l'intégration, pour l'application du deuxième alinéa du présent article, les personnes majeures au 1er janvier 1994 qui établissent qu'elles sont nées à Mayotte sont réputées avoir joui de façon constante de la possession d'état de Français si elles prouvent, en outre, qu'elles ont été inscrites sur une liste électorale à Mayotte au moins dix ans avant la publication de la loi n°          du                 précitée et qu'elles font la preuve d'une résidence habituelle à Mayotte. » - (Adopté.)

Article 76 bis (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 77 (priorité)

Article 76 ter (priorité)

Le deuxième alinéa de l'article 26 de la délibération de l'assemblée territoriale des Comores n° 61-16 du 17 mai 1961 relative à l'état civil à Mayotte est ainsi rédigé :

« La célébration du mariage est faite en mairie en présence des futurs époux et de deux témoins par l'officier d'état civil de la commune de résidence de l'un des futurs époux. » - (Adopté.)

CHAPITRE III

Dispositions modifiant le code du travail de la collectivité départementale de Mayotte

Article 76 ter (priorité)
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Article 78 (priorité)

Article 77 (priorité)

I A. - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 330-11 du code du travail applicable à Mayotte, le mot : « cent » est remplacé par le mot : « mille ».

I. - L'article L. 610-4 du même code est abrogé.

II. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 610-6 du même code, après les mots : « les travailleurs à domicile », sont insérés les mots : « ou les employés de maison ».

III. - L'article L. 610-11 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cadre des enquêtes préliminaires diligentées pour la recherche et la constatation des infractions prévues aux articles L. 312-1 et L. 330-5 du présent code, les officiers de police judiciaire assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire, peuvent, sur ordonnance du président du tribunal de première instance de Mayotte ou d'un juge délégué par lui, rendue sur réquisitions du procureur de la République, procéder à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction dans les lieux de travail des salariés visés à l'article L. 000-1 et ceux des travailleurs indépendants et des employeurs exerçant directement une activité, même lorsqu'il s'agit de locaux habités.

« Le juge doit vérifier que les réquisitions du procureur de la République mentionnées à l'alinéa précédent sont fondées sur des éléments de fait laissant présumer l'existence des infractions dont la preuve est recherchée. »

M. le président. L'amendement n° 467, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L'article 77 du projet de loi vise à permettre le contrôle des employés de maison à Mayotte et l'accès, dans le cadre d'enquêtes préliminaires relatives au travail dissimulé et à l'emploi d'étrangers sans titres, aux locaux d'habitation.

Ce projet de loi renforce ainsi les moyens de contrôle de l'emploi illégal à Mayotte. Si nous sommes favorables à un tel renforcement, ...

M. François Baroin, ministre. Ah ? Très bien !

Mme Éliane Assassi. Nous l'avons toujours affirmé, monsieur le ministre. Vous n'avez pas assez bien écouté mon intervention dans la discussion générale : je n'ai pas cessé de le répéter !

M. François Baroin, ministre. Pas assez !

Mme Éliane Assassi. Je répète donc, une fois de plus, que, si nous sommes favorables au renforcement des moyens de contrôle de l'emploi illégal, en revanche, nous estimons que les inspecteurs du travail n'ont pas à participer à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, ni à effectuer un contrôle de la nationalité. D'ailleurs, rien dans leurs attributions ne les y oblige. Pour cela, il existe des services spécialisés, comme la police aux frontières.

En réalité, vous prenez prétexte du renforcement des moyens de contrôle de l'emploi illégal à Mayotte pour détourner la mission des inspecteurs du travail vers un contrôle des étrangers travaillant sans autorisation. C'est une pression supplémentaire exercée sur les inspecteurs du travail, eux qui subissent déjà une forte contrainte depuis la circulaire du 27 février 2006 aux termes de laquelle ils doivent se prévaloir de leurs fonctions pour contrôler les étrangers travaillant sans autorisation.

Il s'agit d'un détournement du code du travail !

Notre pays manque d'inspecteurs du travail. Dès lors, pourquoi vouloir leur faire faire autre chose que ce pour quoi ils sont formés et employés ?

Compte tenu de leur faible effectif, ces agents connaissent déjà de grandes difficultés pour remplir leur mission première qui est de surveiller et de punir les travailleurs clandestins et surtout les employeurs de main-d'oeuvre irrégulière qui tirent profit de ces travailleurs clandestins, corvéables à merci et sous-payés.

D'ailleurs, l'intersyndicale des inspecteurs du travail n'est pas favorable à l'élargissement des missions des intéressés qui, de surcroît, va se faire sans aucune contrepartie.

Au moment où le Gouvernement prône la suppression de 15 000 postes de fonctionnaire, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mais pas de postes d'inspecteur du travail ! On en crée, au contraire !

Mme Éliane Assassi. ...on est en droit de se demander comment une telle mesure va pouvoir se traduire concrètement.

Que cela soit clair : les membres du groupe CRC sont favorables à un renforcement des moyens de lutte contre le travail clandestin, mais pas dans les conditions figurant à l'article 77, dont ils vous proposent, mes chers collègues, la suppression pure et simple.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le dispositif mis en place par l'article 77 est évidemment placé sous le contrôle permanent de l'autorité judiciaire, garante des libertés individuelles. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 467.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 77.

(L'article 77 est adopté.)

CHAPITRE IV

Dispositions modifiant le code de procédure pénale

Article 77 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 79 (priorité)

Article 78 (priorité)

I. - L'article 78-2 du code de procédure pénale est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n°        du                   relative à l'immigration et à l'intégration, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi :

« 1° En Guadeloupe, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que dans une zone de un kilomètre de part et d'autre, d'une part, de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre, Gourbeyre et Trois-Rivières et, d'autre part, de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-François ;

« 2° À Mayotte, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà. »

II. - Dans l'article 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité, les mots : « de l'avant-dernier » sont remplacés par les mots : « du huitième ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 468, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 78 prévoit un renforcement des contrôles d'identité en Guadeloupe et à Mayotte. Ce faisant, il constitue une dérogation supplémentaire au code de procédure pénale, dérogation que nous ne pouvons accepter, même si elle est limitée dans le temps. On sait très bien que le temporaire peut durer.

Avec le titre VI du projet de loi consacré à la maîtrise de l'immigration outre-mer, on assiste à la mise en place d'un véritable régime dérogatoire au droit commun, comme si ces territoires représentaient une terre d'exception.

La situation en outre-mer, si compliquée soit-elle, ne saurait pourtant justifier l'instauration d'un régime d'exception : recours non suspensif en matière de reconduite à la frontière étendu à l'ensemble de la Guadeloupe, visites sommaires des véhicules, élargissement des possibilités de contrôle d'identité, et je ne suis pas exhaustive.

Pourquoi un tel acharnement ? Pouvons-nous disposer d'informations sur les éventuels effets positifs que vous escomptez obtenir avec de telles mesures, qui risquent tout de même de porter atteinte aux libertés individuelles ?

Les modalités de contrôle de l'identité étaient initialement très encadrées par la loi, sous le regard attentif du Conseil constitutionnel, je vous le rappelle, mais, peu à peu, au gré de l'adoption des différentes lois sécuritaires, cet encadrement a connu des modifications telles que l'on peut se demander si les libertés individuelles sont aussi bien sauvegardées aujourd'hui qu'hier.

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. L'article 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité est abrogé.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 468.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'article 3 de la loi du 10 août 1993 prévoit que certaines dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale sont applicables à compter de l'entrée en vigueur de la convention de Schengen.

Celle-ci étant entrée en vigueur depuis plusieurs années, cette mesure n'a plus lieu d'être.

L'amendement n° 72 tend donc à l'abroger purement et simplement.

L'amendement n° 468, quant à lui, visant à supprimer le dispositif de contrôle d'identité spécifique, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Sur l'amendement n° 468, le Gouvernement émet un avis défavorable et, sur l'amendement n° 72, il émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 468.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 78, modifié.

(L'article 78 est adopté.)

Article 78 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 24 bis

Article 79 (priorité)

Dans le troisième alinéa de l'article 78-3 du code de procédure pénale, après les mots : « quatre heures », sont insérés les mots : «, ou huit heures à Mayotte, ».

M. le président. L'amendement n° 469, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. L'article 79 a pour objet d'allonger le délai de rétention des personnes soumises à un contrôle d'identité à Mayotte pour le porter de quatre heures à huit heures.

Il s'agit, là encore, d'une dérogation au code de procédure pénale à laquelle nous sommes opposés et dont nous demandons la suppression.

Le Gouvernement justifie cette mesure par le fait que « compte tenu des conditions particulières de l'immigration clandestine à Mayotte, les services de police ne sont pas en mesure dans cette collectivité de procéder dans le délai de quatre heures aux vérifications nécessaires pour établir l'identité des personnes retenues. »

Nous estimons qu'une telle dérogation au régime de droit commun ne saurait être justifiée par l'insuffisance des moyens des services de police.

Si, demain, le délai de huit heures lui paraît insuffisant...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Mme Gélita Hoarau. ... le Gouvernement va-t-il l'allonger encore, au risque de porter une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles ?

Ce n'est pas sérieux ! Si le Gouvernement veut lutter efficacement contre l'immigration clandestine à Mayotte, qu'il y mette les moyens, au lieu de rogner un peu plus chaque fois les libertés individuelles !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de suppression : la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 469.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 79.

(L'article 79 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration outre-mer.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre II, à l'article 24 bis.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L'IMMIGRATION POUR DES MOTIFS DE VIE PRIVÉE ET FAMILIALE (suite)

CHAPITRE IER

Dispositions générales (suite)

Article 79 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 25

Article 24 bis

La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :

« Sous-section 7

« L'admission exceptionnelle au séjour

« Art. L. 313-14. - La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.

« Les critères d'admission exceptionnelle au séjour mentionnés à l'alinéa précédent sont précisés par la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

« Cette commission présente chaque année un rapport évaluant les conditions d'application en France de l'admission exceptionnelle au séjour.

« La demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans est soumise à l'avis de la commission.

« Un décret en Conseil d'État définit les modalités d'application du présent article et en particulier la composition de la commission, ses modalités de fonctionnement ainsi que les conditions dans lesquelles le ministre de l'intérieur, saisi d'un recours hiérarchique contre un refus d'admission exceptionnelle au séjour, peut prendre l'avis de la commission. »

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Usine à gaz, gadget, éléphant blanc ou écran de fumée : je ne sais comment qualifier, monsieur le ministre, la proposition de création de cette énième commission qui figure à l'article 24 bis. La France souffre vraiment de la maladie de la « commissionite » !

Cette proposition résulte directement de votre embarras à présenter et à défendre l'abrogation de la disposition permettant de régulariser les migrants étrangers après dix ans de présence sur le territoire.

Ainsi, à l'Assemblée nationale, vous vous êtes livré à une nouvelle opération qui s'inscrit dans votre stratégie générale alliant affichage et tromperie.

Affichage, parce que vous continuez de vouloir maintenir la fiction de l'humanité de votre projet de loi. Ainsi, monsieur le ministre, vous avez présenté cette commission à l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière en vue, je vous cite, « d'homogénéiser les pratiques préfectorales et de préciser les critères d'admission exceptionnelle au séjour, qui pourront prendre en compte des exigences humanitaires ou des motifs exceptionnels invoqués par les étrangers ».

Je vous le dis avec regret, ces arguments ne tiennent pas. En effet, vous dites vouloir en finir avec l'appréciation au cas par cas des dossiers d'admission exceptionnelle par les préfets, mais cette disposition ne fera que renforcer leur pouvoir discrétionnaire parce que, en l'état actuel du texte, c'est le préfet qui soumet le dossier à ladite commission.

Ce qui signifie donc que l'administration, au lieu d'appliquer directement les critères relativement objectifs de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pourra instaurer une sorte de filtre, en soumettant à la commission les seuls dossiers qu'elle estime bons.

Parmi les dossiers qui ne trouveront pas grâce aux yeux des préfectures, figureront sûrement ceux dont les titulaires auront du mal à prouver leur résidence habituelle en France. Or, c'est justement pour éclairer le préfet sur la question de savoir si l'étranger apporte des preuves suffisantes de sa présence en France que cette commission est créée.

De plus, l'intérêt d'une nouvelle commission est considérablement limité, si l'avis qu'elle émet ne lie pas l'administration. Apparemment, au vu du texte, c'est bien l'administration qui aura tout de même le dernier mot.

Il convient également de combattre la création de cette commission qui a pour effet collatéral de paralyser le recours contentieux. En effet, en cas de refus d'attribuer le titre de séjour, le recours devant les tribunaux administratifs aura peu d'effet puisque les juges ne pourront sanctionner les préfectures sur la base de la violation d'un droit qui n'existera plus.

Monsieur le ministre, compte tenu de l'architecture alambiquée de la saisine de cette fameuse commission, pouvez-vous nous éclairer sur le devenir des recours gracieux et hiérarchique ?

Se pose également la question du principe même de l'examen de dossiers individuels par une commission nationale. Comment feront les migrants et leur avocat pour quitter leur région et venir à Paris plaider leur dossier ? Devront-ils aussi, dans ces cas-là, choisir un avocat parisien ?

Comment une telle instance pourra-t-elle gérer tous les dossiers ? Selon les critères que vous établissez, cette commission ne s'occupera pas seulement des cas de migrants résidant en France depuis dix ans, mais également des migrants répondant à des considérations humanitaires. Or ces critères sont toujours flous et ne correspondent à aucune définition claire dans le droit français.

Les instances départementales qui sont prévues par la loi n'ont presque jamais fonctionné, sauf dans de très rares cas. Pourquoi donc créer une commission thématique supplémentaire dont la composition est, de surcroît, plus qu'imprécise ?

Pourquoi ne pas réactiver plutôt les commissions qui existent déjà et sont plus proches de la réalité, puisque leur ressort est départemental ?

Monsieur le ministre, cette commission ne servira à rien d'autre qu'à faire croire qu'on a tenté de répondre à un souci humanitaire mais, une fois de plus, on renvoie les personnes à leur clandestinité. Telle est précisément la politique que votre Gouvernement promeut, et nous ne pouvons l'accepter.

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune ; les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 176 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 244 rectifié est présenté par MM. Delfau, Baylet, A. Boyer, Collin et Fortassin.

L'amendement n° 369 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat et Mathon-Poinat.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 176.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement de suppression résulte de notre désaccord avec l'ensemble des articles qui restreignent les possibilités de régularisation des étrangers.

L'article 24 bis nouveau se veut un correctif à ce durcissement, s'agissant notamment des étrangers qui justifient d'une présence en France de plus de dix ans et qui pourront donc, demain, faire appel à cette commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Ma collègue Alima Boumediene-Thiery vient de formuler un ensemble de critiques que je fais miennes. Je ne reviendrai donc pas sur le détail de son argumentation.

Nous ne savons pas comment cette commission supplémentaire sera composée, puisqu'un décret en Conseil d'État définira « les modalités d'application du présent article et en particulier la composition de la commission, ses modalités de fonctionnement ainsi que les conditions dans lesquelles le ministre de l'intérieur, saisi d'un recours hiérarchique contre un refus d'admission exceptionnelle au séjour, peut prendre l'avis de la commission ».

C'est pourquoi nous préférerions nous passer de cette commission nouvelle, qui ne fait qu'alourdir le dispositif et l'éloigner des demandeurs et des réalités du terrain, et réactiver les commissions départementales du titre de séjour, qui sont précisément plus proches des gens et du réel.

Nous ne voyons donc pas pourquoi cette commission est créée, sinon pour des motifs d'affichage, pour bien faire voir à ceux qui pourraient s'émouvoir que l'on a ménagé une sorte de soupape de sécurité.

M. le président. L'amendement n° 244 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 369.

Mme Éliane Assassi. L'article 24 bis, qui crée une procédure d'admission exceptionnelle au séjour, a été introduit à l'Assemblée nationale. Les critères d'admission exceptionnelle au séjour seront précisés par la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Dans les faits, cette commission ne sert qu'à légitimer la réduction des catégories pouvant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour - je pense ici, en particulier, à l'abrogation du droit au titre de séjour après dix années de présence habituelle en France - et n'ouvre aucun droit nouveau.

Nous considérons que, loin de régler le problème de la régularisation des sans-papiers au bout de dix ans de résidence sur le territoire français, l'instauration d'une telle commission ne fera que compliquer la situation de ces étrangers.

De plus, elle est loin de constituer une nouveauté puisque le préfet peut déjà, de façon discrétionnaire, décider de régulariser un étranger en situation irrégulière pour des considérations humanitaires ou pour des motifs exceptionnels. Avec une différence de taille, cependant : les étrangers qui pouvaient demander leur régularisation au bout de dix ans de présence en France n'auront plus, avec ce texte, qu'un droit à déposer un dossier devant la commission.

C'est cette même commission qui aura à examiner « au cas par cas » la situation des enfants scolarisés en France nés de parents étrangers, alors que, avant que la loi du 26 novembre 2003 n'entre en vigueur, ces enfants ne pouvaient être expulsés. Il s'agit donc, une fois de plus, de passer du droit à l'arbitraire.

Quant à la mission de cette commission d'harmonisation des pratiques, il est à craindre qu'elle ne se trouve, dans les faits, rapidement compromise par les circulaires, directives et télégrammes émanant du ministère de l'intérieur !

En ce qui concerne le fonctionnement de la commission, l'avis que celle-ci émettra ne liera pas la préfecture ou le ministère, et les étrangers concernés ne pourront pas se prévaloir des critères qu'elle aura dégagés pour contester en justice un rejet de leur demande.

Dans ces conditions, plutôt que de créer une énième commission, pourquoi ne pas réactiver les commissions départementales du titre de séjour existantes, dont les avis, au moins, liaient les préfectures ?

La logique de la saisine semble, quant à elle, difficile à appréhender. En effet, dès lors que l'étranger justifie d'une présence en France depuis plus de dix ans, sur quel autre aspect de son dossier la commission sera-t-elle appelée à se prononcer ?

Tous ces éléments nous ont amenés à déposer cet amendement de suppression de l'article 24 bis, que nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

La Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour exprime un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour mentionnés à l'alinéa précédent.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les choses, afin de ne pas ériger la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour en quasi-autorité administrative indépendante.

À cette fin, il prévoit que ladite commission exprimera un simple avis sur les critères définis par l'autorité administrative compétente.

M. le président. L'amendement n° 119 rectifié, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Morin-Desailly et G. Gautier, MM. Détraigne, Zocchetto, Merceron, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une phrase ainsi rédigée :

Ce rapport est annexé au rapport mentionné à l'article L. 111-10.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Dans la mesure où le projet de loi prévoit la création d'une commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, il convient de permettre à cette instance de joindre ses observations au rapport du Gouvernement qui sera remis chaque année au Parlement.

Ce rapport portera sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration, en vertu de l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il nous semble que les observations de la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour y auront toute leur place.

M. le président. L'amendement n° 116 rectifié bis, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Payet, Morin-Desailly et G. Gautier, MM. Détraigne, Zocchetto, Merceron, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile :

« L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1, la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. »

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. J'indiquerai en préambule que le groupe de l'UC-UDF tient particulièrement à cet amendement.

L'article 24 tend à modifier sensiblement la rédaction de l'article L. 331-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui porte sur la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », notamment en supprimant l'alinéa qui prévoyait la régularisation des étrangers résidant irrégulièrement en France depuis plus de dix ans.

L'article 24 bis, qui a été introduit par les députés, vise à instituer une commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour chargée de préciser les critères d'admission au séjour des étrangers ne vivant pas en état de polygamie et dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'ils font valoir.

La création de cette autorité est censée contrebalancer la suppression de la régularisation au terme de dix années de séjour sur le territoire français.

À cet égard, si une partie des sénateurs de l'UC-UDF se sont émus de la suppression du 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la solution de remplacement trouvée par les députés ne nous satisfait pas non plus tout à fait.

En effet, la création de la commission précitée ne répond pas de manière satisfaisante à la disparition de la règle que j'évoquais, qui existe depuis 1993.

C'est pourquoi, au travers de l'amendement n° 116 rectifié bis, nous souhaitons confier aux commissions départementales du titre de séjour, et non pas à la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, le soin d'examiner ces cas d'espèce, souvent difficiles et qui recouvrent parfois des situations humaines dramatiques.

En la matière, la proximité nous paraît devoir garantir un meilleur traitement des demandes. En effet, comment une commission nationale pourrait-elle apprécier l'effort d'intégration accompli par la personne concernée ? Il nous semble que les préfets, les élus, les responsables locaux et les associations, sont plus à même de se prononcer sur la régularisation des personnes vivant sur notre territoire depuis plus de dix ans. Il s'agit véritablement de problématiques humaines, relevant d'un traitement de proximité, au cas par cas ; par conséquent, attribuer cette compétence à une autorité nationale nous paraîtrait tout à fait inapproprié.

Certes, les techniques modernes de communication permettent une transmission rapide des informations, mais l'appréciation de ce qui relève du concret et de l'humain ne pourra jamais faire l'objet d'un traitement numérique. Nous préférons donc confier l'examen des dossiers - ce sont autant de cas d'êtres humains - aux commissions départementales du titre de séjour déjà existantes.

Tel est l'objet de cet amendement ; j'espère avoir convaincu le Sénat de son intérêt.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements autres que celui qu'elle a elle-même présenté ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur les amendements identiques nos 176 et 369 de suppression de l'article, la commission émet bien évidemment un avis défavorable.

Sur le fond, je soulignerai que la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour présentera un double intérêt.

Tout d'abord, lorsque le ministre sera saisi sur recours hiérarchique, sa décision pourra être éclairée par un avis de ladite commission, ce qui n'est tout de même pas négligeable dans ce type de situation.

Par ailleurs, la commission d'enquête avait souligné la nécessité de procéder à une harmonisation des méthodes préfectorales et de l'appréciation de ces dossiers par les préfectures, ce que permettra précisément la création de la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour. Je rappelle que ce point était visé expressément dans le rapport.

En ce qui concerne l'amendement n° 119 rectifié, je dois à la sincérité du débat d'indiquer que la commission des lois a considéré qu'il s'agissait là d'instituer un rapport supplémentaire, alors même que l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit déjà la remise d'un rapport, auquel de nombreux organismes doivent joindre leurs observations.

La commission des lois n'a donc pas manifesté un enthousiasme débordant devant cet amendement, dont elle a souhaité le retrait. Toutefois, nous attendons de connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

Enfin, l'amendement n° 116 rectifié bis tend à attribuer aux commissions départementales du titre de séjour la mission de rendre un avis sur les demandes de régularisation émanant d'étrangers justifiant d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, tandis que le projet de loi prévoit de réserver cette compétence à la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Lorsque la commission des lois a examiné cet amendement, elle a souligné l'intérêt évident qu'il y aurait à réactiver les commissions départementales du titre de séjour. Toutefois, elle a alors émis de fortes réserves sur le fait que leurs avis puissent lier les décisions des préfets. Or la rectification apportée au présent amendement, qui n'a pu être examiné par la commission des lois dans sa nouvelle version, nous rassure sur ce point. C'est la raison pour laquelle j'émettrai, à titre personnel, un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Cet article a une première vertu : inscrire dans la loi une possibilité d'admission exceptionnelle au séjour.

En effet, le pouvoir de régularisation au cas par cas que le Conseil d'État a reconnu au préfet se trouve ici consacré dans le projet de loi. Un étranger qui n'a pas droit au séjour mais qui fait valoir des motifs humanitaires ou d'autres motifs exceptionnels pourra bénéficier d'une carte de séjour : c'est une « soupape de régularisation » nécessaire, que le Gouvernement assume pleinement en proposant de l'inscrire dans la loi.

La seconde vertu de cet article tient à la rationalisation de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour qu'il prévoit. C'est d'ailleurs le sens de la création de la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour. Celle-ci sera composée, je le rappelle, de représentants de l'administration, mais aussi de représentants des associations s'intéressant aux droits des étrangers et d'élus.

La commission aura, aux termes du projet de loi initial, deux missions essentielles : d'une part, donner un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour, afin d'harmoniser les pratiques préfectorales - concrètement, dès son installation en septembre prochain, elle devra, par exemple, donner un avis sur la question des enfants scolarisés ; d'autre part, donner un avis au ministre de l'intérieur sur un dossier individuel lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique et qu'il souhaite être éclairé par la commission.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a souhaité lui confier une troisième mission. Puisque vous avez défendu un amendement de suppression de l'article, je vous ferai d'ailleurs observer, madame Assassi, que cette troisième mission a été introduite par M. Patrick Braouezec, qui avait présenté un amendement en ce sens au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains.

J'ai trop de respect pour M. Braouezec pour ne pas souligner, à cet instant, que cela ne signifie nullement qu'il adhère à la philosophie du texte. Tout comme vous, il n'a eu de cesse, au contraire, de rappeler qu'il était opposé aux principes qui sous-tendent ce projet de loi. Je tenais à insister sur ce point, par souci d'honnêteté.

Néanmoins, M. Braouezec a estimé que cet article 24 bis pouvait malgré tout constituer une avancée et qu'il était possible d'aller encore plus loin que ne le prévoyait sa rédaction initiale, en ouvrant à tous ceux qui peuvent justifier de leur résidence en France depuis plus de dix ans le droit de demander à la commission nationale d'examiner leur dossier.

Hier, à propos de l'article 24, la suppression de l'automaticité de la régularisation au bout de dix ans de présence irrégulière sur le sol français a été contestée sur les travées de votre groupe, madame Assassi. Pour sa part, M. Braouezec a donc souhaité, s'agissant de l'article 24 bis, que l'on permette aux personnes se trouvant dans cette situation de voir leur cas examiné par la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Il me semble, dans ces conditions, que le dispositif présenté peut répondre à certaines de vos attentes. Je voulais relever ce point, car, en présentant un amendement de suppression de l'article, vous allez quelque peu à l'encontre des intentions de M. Braouezec, qui a souhaité donner une dimension supplémentaire au dispositif en prévoyant, pour les étrangers concernés, un droit à l'examen de leur dossier par la commission nationale.

Ce principe doit être conservé, mais le Gouvernement a évolué dans son appréciation du niveau pertinent d'examen des demandes. La réflexion conduite par la CIMADE nous a, je tiens à le dire, beaucoup aidés à cet égard. Que les choses soient claires : en faisant ainsi référence à cet organisme, je n'entends nullement me prévaloir d'un quelconque soutien de sa part. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'exclame.)

Vous savez, madame la sénatrice, j'ai soif de vérité et de transparence : je reconnais donc que la CIMADE n'a jamais apporté son appui au texte. Cependant, elle a contribué à l'élaboration de certaines de ses dispositions, en indiquant comment, même si elle n'est pas complètement favorable à ce projet de loi,...

M. Jean-Pierre Sueur. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... il serait possible, sur certains points, de l'améliorer dans le sens qu'elle souhaite.

Loin de moi, encore une fois, l'arrière-pensée de revendiquer un soutien de la CIMADE : ses responsables ont dit et répété qu'ils étaient hostiles au projet de loi ; dont acte. Toutefois, cela ne nous a pas empêchés d'échanger avec eux de manière approfondie sur les dispositions du projet de loi, non pour rechercher leur caution, mais pour bénéficier de leur éclairage. En effet, cette association est à nos yeux tout à fait respectable, et les propositions qu'elle formule permettent même parfois de faire évoluer les points de vue.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il s'agit donc non pas de se convaincre, mais au moins de s'écouter. Certains échanges que nous avons eus avec les interlocuteurs associatifs nous conduisent à être favorables à l'évolution très importante proposée par l'amendement n° 116 rectifié bis du groupe UC-UDF et de son président Michel Mercier.

Les dossiers des étrangers résidant en France de manière irrégulière depuis plus de dix ans seront examinés non pas par la commission nationale, mais par les commissions départementales du titre de séjour. L'échelon départemental paraît en effet le plus pertinent pour un tel examen individuel.

Je tiens, cher président Mercier, à saluer également le rôle déterminant pour notre réflexion de l'association lyonnaise Forum réfugiés, que vous connaissez bien. Elle m'a autorisé à indiquer au Sénat qu'elle était tout à fait prête à siéger au sein de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour. Vous pouvez en attester puisque vous avez des relations très constructives avec cette association.

J'en viens maintenant aux amendements déposés sur l'article 24 bis.

Sur la base de ce que je viens d'indiquer, bien évidemment, j'émettrai un avis défavorable sur les amendements n° 176 et 369 de suppression.

Je remercie M. le rapporteur de l'amendement n° 39, qui tend à préciser que la commission nationale donne un avis sur les critères de régularisation, étant entendu que l'admission au séjour reste une compétence de l'État.

S'agissant de l'amendement n° 119 rectifié, le Gouvernement y est très favorable.

Pour ce qui est de l'amendement n°116 rectifié bis, j'ai expliqué les raisons pour lesquelles nous y étions favorables. Je précise d'ailleurs que les préfets seront tenus de soumettre les demandes pour avis aux commissions départementales.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 119 rectifié ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 176 et 369.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. À l'évidence, pour des raisons humanitaires, nous restons hostiles à l'idée qu'un étranger en France depuis dix ans ne bénéficie que d'une admission exceptionnelle au séjour, avec des restrictions de toutes sortes, au lieu d'une régularisation définitive de sa situation.

On a déjà souligné le nombre important de commissions. Cette commission nationale pose quand même quelques difficultés. Elle ne pourra donner qu'un avis consultatif, basé sur des critères généraux. Comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, cet avis, comme celui des commissions départementales, ne liera en aucun cas le préfet, dont on reste totalement dépendants.

Vous nous présentez l'admission exceptionnelle au séjour comme une nouveauté ! Or elle existe depuis bien longtemps pour des étrangers résidant en France depuis moins de dix ans. Cette belle magnanimité est prévue dans notre droit et elle est d'usage constant.

Cette nouvelle Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour est donc loin d'être aussi merveilleuse que vous le prétendez ! Si certaines associations jugent bon de s'en contenter, on peut le comprendre : en permanence sur le terrain, elles se disent que mieux vaut sauver un étranger que personne.

Monsieur le ministre, les étrangers en situation irrégulière depuis dix ans en France pourront-ils saisir eux-mêmes cette Commission ? Si oui, dans quelles conditions pour leur propre sécurité ?

En tout cas, cette restriction incroyable des droits des étrangers vivant en France, même agrémentée d'une nouvelle commission, n'est pas acceptable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 176 et 369.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 24 bis, modifié.

(L'article 24 bis est adopté.)

Article 24 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 25 bis

Article 25

L'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : «, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;

2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire » sont remplacés par les mots : « ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ».

M. le président. L'amendement n° 370, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat et  Mathon-Poinat, est ainsi libellé :

Supprimer le 1° de cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination destiné à supprimer toute référence à l'article L 311-7. L'article 2 ayant été adopté, je retire cet amendement pour les mêmes raisons que celles qui ont été précédemment développées.

M. le président. L'amendement n° 370 est retiré.

L'amendement n° 40, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

3° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le conjoint et les enfants d'un étranger bénéficiaire de la protection subsidiaire ne doivent pas être soumis à l'obligation de visa de long séjour pour obtenir une carte « vie privée et familiale ». En effet, il est impossible de demander à des membres de la famille d'un étranger menacé dans son pays de retourner dans celui-ci pour obtenir un visa.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25, modifié.

(L'article 25 est adopté.)

Article 25
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 26

Article 25 bis

La première phrase de l'article L. 314-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complétée par les mots : « ni à un ressortissant étranger poursuivi pour avoir commis sur un mineur de quinze ans l'infraction définie à l'article 222-9 du code pénal, ou s'être rendu complice de celle-ci ».

M. le président. L'amendement n° 177, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer le mot :

poursuivi

par le mot :

condamné

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, prévoit un nouveau cas de non-délivrance de la carte de résident pour l'étranger poursuivi pour avoir commis sur un mineur de quinze ans des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, telle que l'excision.

Nos collègues de l'Assemblée nationale ont eu raison d'évoquer ces violences d'un autre âge faites aux femmes au nom de traditions ancestrales, que je qualifierais de barbares. Ces pratiques ne sauraient être tolérées chez nous ; elles doivent être sévèrement condamnées.

Sur le fond, nous sommes tout à fait d'accord pour lutter contre ce type de violences et ne pas délivrer de carte de résident à leurs auteurs. Mais nous sommes soucieux de respecter le principe constitutionnel de la présomption d'innocence. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons remplacer le mot : « poursuivi » par le mot : « condamné ».

Je suis heureuse qu'on étende l'article L 314-5, qui était réservé aux étrangers vivant en état de polygamie, aux infractions qui pourraient être commises en cas d'excision.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je rappelle que cet article a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Il prévoit que la carte de résident ne peut être délivrée à un étranger poursuivi pour avoir commis une excision sur un mineur de quinze ans.

L'amendement que vous proposez respecte parfaitement le principe de la présomption d'innocence, auquel nous sommes tous attachés. Le Gouvernement y est bien évidemment favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25 bis, modifié.

(L'article 25 bis est adopté.)

Article 25 bis
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Article additionnel après l'article 26

Article 26

Après l'article L. 314-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 314-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 314-5-1. - Le retrait, motivé par la rupture de la vie commune, de la carte de résident délivrée sur le fondement du 3° de l'article L. 314-9 ne peut intervenir que dans la limite de quatre années à compter de la célébration du mariage sauf si un ou des enfants sont nés de cette union et à la condition que l'étranger titulaire de la carte de résident établisse contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut pas procéder au retrait. »

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, ce projet de loi, mais également le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, qui a d'ailleurs été opportunément retiré de l'ordre du jour du Sénat, démontrent à merveille la suspicion perpétuelle que vous avez à l'égard de chaque migrant. Pour vous, un migrant étranger est forcément un « faux » : faux étudiant, faux malade, faux mineur abandonné, faux père, et maintenant faux époux.

Le message que vous adressez aux Français n'est autre que le suivant : « Françaises, Français, ne tombez pas amoureux d'un migrant étranger, surtout s'il est en situation irrégulière ! ».

Après avoir créé en 2003 le délit de mariage de complaisance et renforcé, la même année, les contrôles lors de la célébration du mariage, votre Gouvernement entend maintenant durcir les conditions pour obtenir un titre de séjour.

Pendant très longtemps, la seule qualité de conjoint de Français donnait droit à une carte de résident, dans la mesure où cela suffisait à démontrer des attaches personnelles, fortes et durables, en France.

Mais une fois que le migrant étranger a obtenu si difficilement ce titre de séjour, une fois qu'il a passé l'obstacle de la célébration du mariage, à la différence de n'importe quel ressortissant français, il se voit appliquer un droit au divorce « parcellaire ».

Il est ainsi prévu de retirer la carte de résident en cas de rupture de la vie commune dans un délai de quatre années suivant la célébration du mariage. C'est donc maintenant un recul du droit au divorce, après les limitations apportées à la liberté du mariage, y compris d'ailleurs pour les Français qui ont le tort d'aimer un étranger.

Cette condition est plus que discriminante, car elle force le migrant, quoiqu'il arrive dans sa vie de couple, à continuer de vivre avec son conjoint. Vous en faites un prisonnier de son mariage. Même s'il n'aime plus son conjoint français, ou même si celui-ci ne l'aime plus, il doit tout mettre en oeuvre, dans les quatre années qui suivent son mariage, pour rester marié.

Cette condition fait réfléchir lorsque l'on sait que les deux tiers des couples français se séparent au bout de trois ans de vie commune.

Pis, vous écartez la possibilité pour un couple binational d'avoir des problèmes et, pendant un temps - qui peut être plus ou moins long, d'ailleurs : quelques semaines ou quelques mois - de se séparer pour faire le point, avant de se retrouver.

Selon vous, il y aurait, d'un côté, l'amour entre Français, exempt de suspicion et pouvant se vivre sous toutes les formes et, de l'autre, l'amour entre un Français et un étranger, qui doit être conditionné, contenu, restreint, évalué, et en tout cas maintenu dans une suspicion permanente. Heureusement que les débats à l'Assemblée nationale ont permis d'amoindrir la portée de cet article en permettant de prendre en compte la naissance d'un enfant et les violences conjugales.

Mais cela ne suffit pas ! Outre le fait d'avoir un enfant né de l'union, le migrant doit en plus établir qu'il a effectivement contribué à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance.

Vous le savez, monsieur le ministre, cette condition est plus qu'injuste. Depuis quand le fait de s'occuper de son enfant est-il une preuve de la réalité des liens du mariage ?

Nous avons tous vécu ou connu personnellement des cas de couples de Français réellement mariés, mais dans lesquels l'homme, ou la femme d'ailleurs, n'entretient pas son enfant. Pourquoi demander plus au conjoint étranger qu'au conjoint français ?

De plus, la disposition concernant la naissance d'un enfant entre la célébration du mariage et la rupture de la vie commune écarte de facto un nombre trop important de personnes. Quid des couples, que vous appelez « mixtes », qui ne veulent ou ne peuvent avoir d'enfant et dont la vie commune est rompue pendant cette période de quatre ans ? Cette mesure est tout simplement discriminatoire.

Je terminerai en évoquant l'autonomie et l'indépendance de l'être humain. Ces dispositions conduisent en effet à instaurer une dépendance durable du conjoint étranger vis-à-vis du conjoint français.

Avez-vous pensé à tous ces cas, qui ne relèvent pas d'une pure fiction, où vous avez un homme, ou parfois une femme, qui use de tous les chantages, de tous les stratagèmes afin de faire pression sur son conjoint ? Vous rendez-vous compte de la pression que pourra représenter la menace de la rupture de la vie commune entre les mains d'un époux abusif ? Il n'aura même pas à dire que sa femme étrangère veut divorcer ou à prouver son absence. Il pourra se contenter de quitter le domicile conjugal ou d'en chasser sa femme, puis d'aller la dénoncer aux autorités compétentes. Celle-ci risquera alors de se voir retirer sa carte de résident.

En fait, vous imposez au conjoint étranger de choisir entre le maintien d'un couple, malgré toutes les difficultés lorsque celui-ci ne fonctionne plus, ou la clandestinité.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, mon intervention portera sur les articles 26, 27 et 28 du projet de loi, qui forment un tout.

Monsieur le ministre, je voudrais que vous répondiez à une question : qu'a ce Gouvernement contre les familles binationales ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le fait d'épouser des étrangers est prévu depuis bien longtemps dans notre droit de la nationalité, dans notre code civil. La loi de 1927 en est un exemple ! Mais nous en reparlerons au moment de l'examen des articles sur la nationalité.

Que se passe-t-il ? Pourquoi cet acharnement soudain ? Les articles 26, 27 et 28, ajoutés aux dispositions portant sur le visa de long séjour et l'acquisition de la nationalité, ont pour finalité évidente de précariser la situation des conjoints étrangers de Français sur le territoire national.

Ce gouvernement fait peser une suspicion sur les 90 000 mariages binationaux célébrés chaque année ; celle-ci se décline en mesures tracassières et répressives, d'autant plus pénibles qu'elles se cumulent. Ce n'est pas tant chaque disposition - souvent odieuse, au demeurant - que l'accumulation de celles-ci qui devient terrifiante.

Je rappelle qu'un visa de long séjour est maintenant exigé préalablement à l'entrée en France du conjoint étranger, ce qui signifie en pratique que le séjour du conjoint n'est plus de plein droit : il est soumis aux mêmes conditions administratives que n'importe quel étranger. La vie familiale n'entraîne aucun droit au séjour en France ; c'est clair !

L'acharnement contre le conjoint étranger, et donc contre la famille binationale, continue à l'article 28, puisque l'on y abroge la délivrance de plein droit d'une carte de résident au bout de deux ans de vie commune. Le conjoint étranger devra donc faire une demande, soumise à la condition d'intégration dans la société française.

Cette condition ne devrait pas poser trop de difficultés, dans la mesure où l'étranger qui vit dans le pays de son conjoint a souvent très envie de s'intégrer, en particulier les premières années.

Néanmoins, je voudrais que vous m'expliquiez selon quels critères vous allez mesurer l'intégration. La manière de s'habiller, de se nourrir, de parler à ses enfants ? A-t-on encore le droit d'employer sa langue maternelle avec ses enfants ou bien faut-il à tout prix leur parler uniquement français pour être bien intégré ? Convient-il d'appartenir à des associations, à un parti politique, que sais-je encore ? Qui va mesurer l'intégration, et comment ? Par ailleurs, si l'intégration est jugée insuffisante, quelle carte de séjour délivrera-t-on au conjoint ?

Ces questions ne sont pas purement rhétoriques, monsieur le ministre, et je souhaite obtenir des réponses.

En outre, au durcissement des conditions administratives s'ajoute la prolongation des délais. Aux termes de l'article 27, trois ans de vie commune sont dorénavant nécessaires à l'obtention de la carte de résident. Enfin, une mesure punitive couronne le dispositif, l'État disposant d'un délai de quatre ans après la célébration du mariage pour retirer la carte de séjour en cas de rupture de la vie commune.

Incidemment, vous remarquerez que les couples binationaux ne doivent surtout pas se séparer provisoirement. Ce genre de fantaisie conjugale, pourtant relativement fréquent, leur est interdit. Pour les couples binationaux, c'est l'union ou l'expulsion !

Pour terminer, l'aumône d'une indulgence sera accordée aux couples qui auront enfanté : ils ne peuvent être soupçonnés de mariage blanc ! Mais, pour en bénéficier, le conjoint étranger devra prouver qu'il a effectivement subvenu aux besoins de ses enfants depuis leur naissance. Il faudra donc conseiller aux mères étrangères qui allaitent de se faire délivrer en temps utile un certificat par la PMI, et aux pères étrangers de conserver un livre de comptes bien tenu, avec les pièces justificatives relatives à toutes les dépenses effectuées au profit de leurs enfants : achats de couches, de vêtements, etc.

Il reste enfin le cas de grande bienveillance envers la femme étrangère battue, qui sera protégée de l'expulsion, même si elle quitte son conjoint violent. Effectivement, il valait mieux l'inscrire dans la loi, car, dans l'état d'esprit où nous sommes, une telle disposition n'allait pas de soi !

Je vous le dis franchement, le jour où les Norvégiens, les Américains, les Sénégalais ou les Brésiliens exigeront les mêmes conditions administratives et d'intégration au séjour des conjoints français mariés à leurs ressortissants, il faudra mettre en place des procédures énergiques de rapatriement.

Combien de Français mariés à des Norvégiens parlent couramment la langue après deux ans de séjour et commencent à rire des mêmes plaisanteries ? Combien de Français au Sénégal se sont donnés la peine d'apprendre le wolof et connaissent le rôle des Mourides dans la vie économique et politique de ce pays ? J'en connais peu ! Je dois reconnaître que les femmes de ma génération ayant vécu en Tunisie étaient très peu nombreuses à parler l'arabe convenablement au bout de quelques années.

Si les conditions que nous imposons aux étrangers nous étaient appliquées à l'étranger, nous trouverions cela insupportable et vous multiplieriez les protestations diplomatiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 178 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 371 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat et  Mathon-Poinat.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour défendre l'amendement n° 178.

M. Jean-Pierre Sueur. Après les plaidoyers éloquents de Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, qui connaissent bien ces questions, je n'ai pas grand-chose à ajouter. Mais j'espère, monsieur le ministre, que vous apporterez des réponses précises aux questions posées par Mme Cerisier-ben Guiga.

Je prenais connaissance, aujourd'hui encore, des articles parus dans la presse relatifs à la décision du ministre de l'intérieur, que vous avez annoncée hier, monsieur Estrosi, quant à la régularisation possible de la situation des enfants dont les parents n'ont pas de papiers. Le fait de vérifier que ces enfants ne parlent pas la langue de leurs parents me paraît proprement ahurissant ! Pouvez-vous citer un autre pays au monde, monsieur le ministre, où l'on demande à quelqu'un de bien vouloir attester qu'il ne parle pas la langue de ses parents pour obtenir une régularisation administrative ? Cette condition est ridicule et il faut absolument la supprimer !

Les dispositions de l'article 26, que notre amendement vise à supprimer, sont du même ordre. Nous avons le sentiment d'un véritable acharnement à l'égard des couples mixtes.

Tout d'abord, il est mis fin à la délivrance de plein droit d'une carte de résident aux conjoints de Français, puisque ceux-ci devront désormais en faire la demande, soumise à la condition d'intégration dans la société française, par ailleurs difficile à vérifier.

Ensuite, la durée de mariage requise pour bénéficier de la carte de résident passe de deux à trois ans. Nous serions heureux que quelqu'un nous explique pourquoi ! Les couples mixtes semblent faire l'objet d'une suspicion perpétuelle...

Enfin, en cas de rupture de la vie commune dans les quatre années qui suivent le mariage, la personne qui n'est pas de nationalité française se voit retirer son droit de séjour. Cela est stupéfiant, monsieur le ministre ! Nous n'accepterions pas que des Français soient traités de la sorte dans un autre pays !

Comme l'ont souligné Mmes Cerisier-ben Guiga et Boumediene-Thiery, une telle disposition comporte des risques de pression de toutes natures. Les couples qui souhaitent se séparer seront amenés à différer leur rupture pendant quatre ans, de manière à remplir cette condition administrative. Nous pensons qu'il conviendrait au moins de renoncer à cette condition exorbitante, monsieur le ministre.

Si vous ne donniez pas un avis favorable sur notre amendement de suppression, monsieur le ministre, il faudrait vraiment répondre aux questions précises qui vous ont été posées.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 371.

Mme Éliane Assassi. Le plaidoyer de Mme Cerisier-ben Guiga était excellent, à la fois pertinent et en phase avec les réalités de la vie. Aussi n'aurai-je pas grand-chose à ajouter.

J'affirme à mon tour que l'article 26 précarise les couples mixtes et les conjoints étrangers. Sa suppression me semble donc tout à fait justifiée.

M. le président. L'amendement n° 479, présenté par M. Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

« Art. L. 314-5-1. - Le refus de renouvellement de la carte de séjour temporaire motivé par la rupture de la vie commune, délivrée sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11, ne peut intervenir que dans la limite de quatre années à compter de la célébration du mariage sauf si un ou des enfants sont nés de cette union et à la condition que l'étranger titulaire de la carte de séjour temporaire établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants.

« Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut pas procéder au non-renouvellement. »

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. J'ai tendance à adhérer aux propos que j'ai entendus.

Mon amendement, en substituant le refus de renouvellement de la carte de séjour temporaire au retrait de la carte de résident, a pour objet d'instituer un cadre moins rigide et moins contraignant pour les personnes concernées.

Cette mesure ne figerait pas, à titre définitif, une situation déjà difficile ; les personnes concernées n'atteignent pas le point de non-retour avec cette décision. Tout le monde a droit à la rémission des péchés.

M. le président. L'amendement n° 179, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer le mot :

quatre

par le mot :

deux

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'un amendement de repli, ainsi d'ailleurs que l'amendement n° 180.

M. le président. L'amendement n° 372, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le mot :

union

supprimer la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous venons de le voir, l'article 26 apporte une restriction importante au droit au séjour du conjoint étranger s'il se sépare de son conjoint français dans les quatre années qui suivent le mariage.

Cependant, cette disposition ne s'applique pas si des enfants sont issus de cette union et - la condition est cumulative - si l'étranger titulaire de la carte de résident établit qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance.

La première condition, introduite par nos collègues députés, a immédiatement été complétée par le Gouvernement de la deuxième condition.

Cette dernière mesure nous semble tout à fait inutile et tend, une fois de plus, à jeter l'opprobre sur les couples mixtes suspectés de s'être mariés dans le seul but d'obtenir un titre de séjour ou, pire, la nationalité française.

Nous ne pouvons accepter cette logique de suspicion, et ce d'autant plus fortement lorsque des enfants sont issus de cette union. Nous considérons que leur simple existence suffit à démontrer qu'il ne s'agit pas d'un mariage de complaisance.

C'est pourquoi nous souhaitons supprimer la deuxième condition introduite par le Gouvernement à l'Assemblée nationale qui prévoit que le parent étranger « établisse contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants ».

M. le président. L'amendement n° 180, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 314-5-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

la communauté de vie a été rompue 

insérer les mots :

par le décès de l'un des conjoints ou

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 127 rectifié bis, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Morin-Desailly et  G. Gautier, MM. Détraigne,  Zocchetto,  Merceron,  Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile par les mots :

, ni refuser le renouvellement du titre de séjour

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. L'article 26 prévoit le retrait de la carte de résident remise au conjoint étranger s'il y a rupture de la vie commune pendant les quatre ans suivant la célébration du mariage.

Cet article a donc pour objet de limiter les mariages dits « de complaisance ».

L'amendement voté par nos collègues de l'Assemblée nationale vise à empêcher l'autorité administrative de retirer la carte de résident à l'étranger qui, en raison des violences subies de la part de son conjoint français, a rompu la communauté de vie.

L'amendement 127 rectifié bis va plus loin : il tend à interdire à l'autorité administrative de refuser le renouvellement de la carte de résident à l'étranger victime de violences.

En effet, le retour dans le pays d'origine peut, dans ce cas, être dangereux lorsque la famille est susceptible d'exercer des sanctions ou des représailles qui menacent directement l'intégrité physique et morale de la victime de violences. La rupture de la vie commune par une jeune fille peut, par exemple, être perçue comme un véritable déshonneur dans certains pays.

La France ne doit pas être complice de ces actions, et il convient d'assurer la protection de ces personnes - en général, il s'agit de femmes - victimes de violences en leur permettant de se maintenir sur le territoire français.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques nos 178 et 371.

Je rappelle que, dans le cas d'un couple séparé avec des enfants, si la preuve est rapportée de leur éducation, l'étranger conserve son titre.

En ce qui concerne l'amendement n° 479, l'article L. 313-12 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile dispose déjà que le renouvellement de la carte de séjour « vie privée et familiale » délivrée à un conjoint de Français est subordonné au fait que la communauté de vie n'a pas cessé.

Cet amendement est donc en grande partie déjà satisfait par le droit en vigueur. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

La commission est également défavorable aux amendements nos 179 et 372.

Elle est favorable à l'amendement n° 180, qui tend à rendre impossible le retrait de la carte de résident lorsque la rupture de la vie commune est la conséquence du décès de l'un des conjoints.

Quant à la précision apportée par l'amendement n°127 rectifié bis, elle me paraît inutile puisque la carte de résident, en application du deuxième alinéa de l'article L. 311-2, est déjà renouvelable de plein droit. Elle l'est donc aussi en cas de violences conjugales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avant toute chose, je veux répondre à la question de M. Sueur, qui n'a aucun rapport avec l'article 26.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela procède du même esprit !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. La circulaire signée hier par le ministre d'État n'indique nullement que, parmi les critères de régularisation des familles ayant un enfant scolarisé, figurerait l'obligation de vérifier que l'enfant est incapable de parler la langue de son pays d'origine. C'est donc faux !

M. Jean-Pierre Sueur. Alors, la presse aussi a mal compris !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je le prends comme un propos de café du commerce !

Le mariage avec un Français, je le rappelle pour ceux qui semblent l'ignorer dans cette assemblée, est devenu le premier motif de l'immigration familiale : 50 000 en 2004.

Nous ne disons pas que tous les mariages mixtes sont des mariages de complaisance, madame Cerisier-ben Guiga, ...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... mais nous sommes convaincus que, parmi les 50 000 titres de séjour délivrés en 2004, certains le sont à tort, en raison d'automatismes dangereux, peut-être pas pour vous, mais pour les règles qui régissent la République française.

Je n'ai rien contre les mariages binationaux, mais comme vous feignez d'ignorer qu'il y aurait des mariages de complaisance, voire de contrainte, dans notre pays, je citerai un certain nombre d'exemples à l'intention de toutes celles et tous ceux qui ont défendu, sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, des amendements de suppression.

Le 17 mai 2006, à Saint-Gilles, dans le Gard, un Marocain est interpellé. Il avait épousé une jeune fille française de dix-huit ans, en fugue. La fraude a été établie et l'intéressé s'est révélé un entremetteur ayant organisé quatorze mariages frauduleux.

En avril 2006, à Montpellier, interpellation de quarante-sept personnes appartenant à une filière d'organisation de mariages de complaisance. Pour mettre en relation des Nord-Africains avec des Françaises, les intermédiaires percevaient 9 000 euros versés par le client étranger, le prix d'achat d'une épouse française donnant droit automatiquement à une carte de séjour, puis à une carte de résident, puis à la nationalité française !

En janvier 2006, dans les Pyrénées-Orientales, quatre organisateurs de mariages blancs entre Français et Russes sont interpellés. L'enquête démontre qu'ils prenaient en charge des femmes russes pour leur procurer des papiers. La séparation était systématique après deux ans de vie commune, dès que la carte de résident était obtenue.

En novembre 2005, à Chamonix - les Alpes, la montagne ! - interpellation d'une entremetteuse ayant organisé huit mariages blancs entre Françaises et Tunisiens depuis 2002. Le tarif était de 1 000 euros par mariage pour l'entremetteuse et jusqu'à 9 500 euros pour la Française acceptant de se marier !

D'ailleurs, on se demande pourquoi une telle différence de tarif entre tous ces cas ! (Sourires.)

En octobre 2005, à Perpignan, deux intermédiaires sont arrêtés. Ils organisaient des mariages moyennant la somme de 15 000 euros, dont 700 euros pour le ressortissant français acceptant de se prêter au jeu.

En septembre 2005, à Mulhouse, deux intermédiaires turcs sont interpellés.

En septembre 2005, à Brest, un intermédiaire turc est interpellé ; il pratiquait un tarif de 8 000 euros.

En juillet 2005, à Lille, interpellation d'un Marocain qui recrutait des Françaises pour contracter des mariages de complaisance, moyennant le paiement de 3 000 euros, cette fois, par le client marocain.

En juin 2005, à Marseille, est démantelée une autre filière franco-marocaine qui, elle, tarifait la rencontre entre 6 000 et 15 000 euros, dont 4 000 euros étaient versés aux futures épouses françaises.

Madame Cerisier-ben Guiga, nous ne parlons pas d'une question théorique : les mariages de complaisance ou les mariages forcés sont une réalité ! Vous avez choisi de participer à ce débat en feignant d'ignorer cette réalité. Il était de notre devoir de veiller à ce que cette réalité soit enfin reconnue et identifiée, et que nous puissions y mettre un terme.

Il est donc tout à fait logique de prévoir que la carte de résident de dix ans sera délivrée aux conjoints de Français trois ans après le mariage, et non plus seulement deux ans - j'ai fait suffisamment de démonstrations pour légitimer ce passage à trois ans -, à condition que le conjoint soit intégré ; nous le verrons à l'article 27.

La carte de résident peut être retirée en cas de rupture de vie commune dans les quatre ans qui suivent le mariage, c'est-à-dire, en réalité, dans l'année qui suit la date de délivrance de la carte de résident.

J'ajoute qu'à l'Assemblée nationale nous avons veillé à corriger certains effets pervers de cette nouvelle règle de retrait de la carte de résident, car nous avons été sensibles aux arguments présentés notamment par les églises chrétiennes.

Le Gouvernement a ainsi été très favorable à deux amendements visant à préciser que l'on ne peut retirer sa carte de résident à l'étranger qui contribue à l'éducation d'un enfant né de ce mariage, ni à l'étranger qui a rompu la communauté de vie en raison des violences conjugales qu'il a subies.

Il a semblé au Gouvernement que les églises chrétiennes apportaient une contribution importante pour que nous rendions ces dispositions plus justes et plus équitables.

Fort de ces explications, j'en viens à l'examen des amendements.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 178 et 371.

Il demande le retrait de l'amendement n° 479, car il est déjà satisfait par l'article L. 313-12 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 179 et 372.

En revanche, il est favorable à l'amendement n° 180, car il estime utile de prévoir expressément que le décès d'un conjoint n'est pas une cause de rupture de vie commune.

Enfin, le Gouvernement demande le retrait de l'amendement n° 127 rectifié bis. Il partage le souci de M. Détraigne de prévoir non seulement que la carte de résident n'est pas retirée au conjoint victime de violences conjugales, mais également que celui-ci a droit au renouvellement de sa carte de résident. Néanmoins, cet amendement est déjà satisfait par le droit actuel puisque l'article L. 314-1 dispose que la carte de résident est renouvelable de plein droit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 178 et 371.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, si mes souvenirs sont bons, un décret paru en mars 2005 offre aux services consulaires et au parquet de Nantes, où sont centralisées toutes les affaires, la possibilité de refuser la transcription d'un acte de mariage célébré à l'étranger. Le parquet de Nantes peut éventuellement requérir l'annulation du mariage. Des dispositions ont donc été prises il y a un an !

Les consulats sont très motivés - et ils ont raison de l'être ! - pour lutter contre ce que j'appelle les mariages « migratoires », qui constituent des abus à l'institution du mariage à des fins migratoires. En se donnant beaucoup de mal, ils ont détecté 1 000 cas au sujet desquels ils ont saisi le parquet de Nantes.

Je suis d'ailleurs passée récemment dans des consulats très concernés - Annaba, Rabat, Pondichéry - et j'ai constaté que ces mesures donnaient un travail considérable aux services consulaires, travail qu'ils accomplissent avec beaucoup de dévouement et souvent beaucoup de finesse.

Je vous rappelle que 45 000 mariages binationaux sont célébrés en France, 45 000 à l'étranger, soit un total de 90 000 mariages : seuls 1 000 cas sur 90 000 sont soumis au parquet de Nantes ! Monsieur le ministre, pour 1 000 fraudeurs qui utilisent le mariage à des fins migratoires, on rend la vie vraiment très difficile, pour ne pas dire parfois impossible, à 90 000 couples par an. Il y a disproportion !

Vous utilisez un énorme marteau pour écraser une tête d'épingle, soyons gentils, une tête de clou, sur une enclume - les consulats et le parquet de Nantes - que vous allez finir par « casser ». Ils ne sont pas en mesure de faire ce que vous leur demandez !

Le point n'a même pas pu être fait, monsieur le ministre, sur l'application du décret de mars 2005 et vous êtes déjà en train de prendre d'autres dispositions. Dans un an ou deux, on doublera de nouveau les délais, on compliquera encore les choses, sans avoir analysé les résultats.

Je ne défends pas du tout les mariages de ce type : ils provoquent des drames humains épouvantables, et je suis trop patriote pour approuver que l'on joue avec la nationalité française.

Du temps de ma grand-mère, il existait ce que l'on appelait « les chasseurs de dot ». Les familles se méfiaient terriblement, et à juste titre, de ces jeunes gens. Ils présentaient bien, mais ils n'en voulaient qu'aux biens que la jeune fille pouvait apporter. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Cette disposition est du même ordre !

Quand j'avais vingt ans, de jeunes internes en médecine, doués, mais pas alliés aux familles médicales qui comptaient, cherchaient à épouser la fille du patron dans l'objectif de servir leur carrière.

Et du temps de la marquise de Sévigné, les nobles désargentés épousaient de riches roturières afin de fumer les terres.

Le détournement du mariage à des fins autres que matrimoniales n'est donc pas nouveau. Il prend une forme que je juge particulièrement odieuse. Pour autant, aller jusqu'à rendre suspects tous les couples mixtes - 90 000 mariages par an ! -, c'est totalement disproportionné ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 178 et 371.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, l'amendement n° 479 est-il maintenu ?

M. Yves Pozzo di Borgo. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 479 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 179.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 372.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 127 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. Non, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 127 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'article 26, modifié.

(L'article 26 est adopté.)

Article 26
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 26 bis

Article additionnel après l'article 26

M. le président. L'amendement n° 373, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les étrangers qui, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, sont titulaires d'une carte de séjour temporaire d'un an autorisant à travailler, reçoivent de plein droit une carte de résident à la première échéance de l'un de ces titres de séjour ou de travail.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Par le présent amendement, nous souhaitons insérer dans le projet de loi un nouvel article, afin de conforter l'insertion sociale et professionnelle grâce à l'accès à la carte de dix ans.

La multiplication des cartes de séjour d'un an précarise leurs détenteurs et handicape notamment leur accès à l'emploi et au logement. Nous proposons donc les dispositions suivantes : « Les étrangers, qui, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, sont titulaires d'une carte de séjour temporaire d'un an autorisant à travailler, reçoivent de plein droit une carte de résident à la première échéance de l'un de ces titres de séjour ou de travail ».

Je tiens à rappeler que cette mesure avait été votée à l'unanimité par le Parlement en 1984.

Depuis 1984 - année de création de la carte de résident de dix ans -, l'accès à un titre de séjour de longue durée a constitué un instrument légal d'intégration de dizaines de milliers de migrants. Or, depuis la loi du 26 novembre 2003, on assiste à un retournement majeur dans la conception de l'intégration, renforcée aujourd'hui par votre réforme. Dorénavant, la délivrance d'un titre de séjour devient la « récompense » de l'intégration.

L'intégration suppose un minimum de stabilité dans le droit au séjour permettant un véritable ancrage dans le pays d'accueil non soumis à l'aléa ou à la précarité.

L'intégration ne vous sert en réalité qu'à constituer une condition supplémentaire - donc, un obstacle - à la régularisation de nombre de situations administratives.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 373.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 26
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 27

Article 26 bis

Après l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 314-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 314-6-1. - La carte de résident d'un étranger qui ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3 peut lui être retirée s'il fait l'objet d'une condamnation définitive sur le fondement des articles 433-3, 433-4 ou 433-6 du code pénal.

« La carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" lui est délivrée de plein droit. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 181 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 245 rectifié est présenté par MM. Delfau,  Baylet,  A. Boyer,  Collin et  Fortassin.

L'amendement n° 374 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 181.

M. Pierre-Yves Collombat. L'article 26 bis a été introduit par l'Assemblée nationale. Il ne figurait donc pas dans le texte initial, qui était pourtant passablement répressif. Cela prouve que l'on peut toujours en rajouter. D'ailleurs, je vois déjà poindre la soixante-douzième modification de l'ordonnance de 1945.

Cet article dispose que la carte de résident d'un étranger qui ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3 peut lui être retirée - une carte d'un an portant la mention « vie privée et familiale » lui est délivrée - s'il fait l'objet d'une condamnation définitive pour menaces et actes d'intimidation ou pour acte de rébellion à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public.

Cet ajout de l'Assemblée nationale peut paraître de bon sens. Comment peut-on conserver sur notre sol des gens qui se rebelleraient contre l'autorité publique, me direz-vous ? Certes ! Sur le plan des principes, nous n'avons rien à redire. Toutefois, la notion d'intimidation ou de rébellion est assez difficile à définir et elle est particulièrement aléatoire.

Le rapport annuel de la Commission nationale de déontologie de la sécurité fait apparaître de nombreux cas où les accusations de rébellion servent à cacher - je voudrais employer une litote -, disons des irrégularités de procédure, des comportements douteux, souvent liés d'ailleurs à des situations difficiles et à un manque d'encadrement, et parfois même, j'en ai eu des exemples dans mon département, des règlements de comptes. Cette notion peut donc servir à autre chose qu'à faire respecter la grandeur de la France.

En outre, cet article ne fait pas référence à la gravité de l'acte. Un pied de nez est-il du même ordre que des coups et blessures ?

Étendre à ce point la notion de rébellion paraît tout à fait excessif. Si l'on n'y prend garde, cet article pourrait être extrêmement destructeur et aboutir au résultat inverse de celui qui est recherché.

M. le président. L'amendement n° 245 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 374.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 26 bis prévoit de nouvelles possibilités de retrait de la carte de résident d'un titulaire qui est protégé contre une mesure d'expulsion.

On pourrait croire que cet article vise les étrangers qui se retrouveraient mêlés à des manifestations, telles que celles qui ont été organisées cet hiver contre le CPE, ou à des violences urbaines, comme celles que nous avons connues dans nos banlieues à l'automne.

En fait, les infractions de rébellion ou de menace contre les forces de l'ordre sont systématiquement invoquées par ces dernières lorsque des confrontations ont lieu. Ainsi, si cet article est adopté, ce serait le moyen de retirer de façon quasi automatique la carte de résident à ces étrangers.

Je tiens à insister sur le fait que cette sanction interviendrait après que l'étranger a fait l'objet d'une condamnation définitive. Si la justice l'a sanctionné, il n'apparaît pas nécessaire de le sanctionner à nouveau ; sinon, cela ressemblerait à une double peine.

M. le président. L'amendement n° 85 rectifié bis, présenté par MM. Courtois,  Dassault et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 314-6-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

433-4 ou

par les mots :

433-4, 433-5, du deuxième alinéa de l'article 433-5-1 ou de l'article

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. L'article 26 bis permet de retirer la carte de résident, qui est le signe d'une intégration dans la société française, aux étrangers condamnés pour avoir commis des violences urbaines, et même des violences rurales.

Il est légitime d'ajouter aux incriminations retenues par l'article L. 314-6-1 du CESEDA celles qui sont visées à l'article 433-5 du code pénal relatives à l'outrage à personne chargée d'une mission de service public et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie, dès lors qu'elles témoignent d'un déficit flagrant d'intégration.

La version rectifiée de cet amendement ajoute, conformément au débat ayant eu lieu en commission des lois, une nouvelle forme d'outrage pouvant entraîner le retrait de la carte de résident : il s'agit de l'outrage fait publiquement à l'hymne national ou au drapeau tricolore.

MM. Paul Girod et Henri de Raincourt. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements identiques nos 181 et 374 visant à supprimer l'article, la commission a bien évidemment émis un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 85 rectifié bis, la commission a émis un avis très favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 181 et 374.

En revanche, il est très favorable à l'amendement n° 85 rectifié bis. Un étranger condamné pour outrage à l'encontre d'une personne chargée d'une mission de service public ou dépositaire de l'autorité publique : c'est évidemment l'objectif ! Ajouter l'outrage au drapeau tricolore ou à l'hymne national ne peut que conforter la dimension que nous avons voulu conférer à ce texte. Un tel comportement démontrerait en effet que la personne n'est pas intégrée

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 181 et 374.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 85 rectifié bis.

M. Alain Vasselle. Je me réjouis d'autant plus volontiers de l'initiative de MM. Courtois et Dassault que, comme tous les membres du groupe de l'UMP, je suis cosignataire de cet amendement.

Cela étant, j'aimerais que la rigueur qui prévaut pour les étrangers s'applique de la même manière aux Français qui ont un comportement peu respectueux vis-à-vis des personnes chargées d'une mission de service public ou des premiers magistrats des communes. Jusqu'à ce jour, les tribunaux ne s'empressent pas de prendre des mesures à l'encontre de ces concitoyens.

Cette mesure n'est-elle pas un coup d'épée dans l'eau ? Je le répète, j'approuve les dispositions législatives visant les étrangers qui n'auraient pas un comportement citoyen, mais il faudrait que ces mêmes mesures s'appliquent aux Français. (Mme Bariza Khiari applaudit.)

Plusieurs premiers magistrats dans mon département ont été victimes d'insultes de la part de certains de nos concitoyens. Or nous attendons encore que la justice se prononce à l'égard de ceux qui ont eu ce comportement condamnable.

Je ne doute pas que M. le ministre s'empressera de prendre une circulaire ministérielle pour rappeler aux magistrats, avec le concours du garde des sceaux, qu'il y a lieu de faire preuve de sévérité à l'égard tant des étrangers que des citoyens français.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Voilà le type même de mesure qui paraît fortement défendre la dignité nationale. C'est très bien, mais qui jugera de la réalité des faits ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les juges !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Quand on voit ce qui se passe dans les tribunaux et dans les commissariats de police, quand on entend le témoignage des avocats ou quand on lit le rapport de la commission de déontologie de la sécurité, je crains vraiment que ce texte ne favorise les abus de droit caractérisés.

Les comportements dont nous parlons sont bien évidemment condamnables, mais il faudrait les juger avec toute la sérénité nécessaire. Or ces conditions ne sont pas réunies dans un grand nombre de tribunaux. En flagrant délit, les affaires sont jugées les unes après les autres, à toute allure, avec des avocats commis d'office qui ne savent pas de quoi il retourne quelques secondes auparavant. On peut donc avoir des craintes. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

MM. Jean-Patrick Courtois et Paul Blanc. C'est inacceptable !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame Cerisier-ben Guiga, remettre systématiquement en cause les décisions de justice, alors que toutes les voies de recours existent, me semble une attitude franchement insupportable ! (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) C'est trop facile !

Si des individus se comportent mal vis-à-vis de l'autorité publique, vis-à-vis du drapeau, qui représente tout de même la nation,...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vis-à-vis des symboles de la République !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ... ou vis-à-vis de symboles de la République, il est normal qu'ils en assument les conséquences s'ils sont condamnés.

Certains disent qu'il ne faudrait pas prononcer de sanctions.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous n'avons jamais dit cela !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les individus concernés seraient, paraît-il, mal jugés et injustement condamnés.

Je le répète, madame Cerisier-ben Guiga : votre généralisation est insupportable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Patrick Courtois. C'est scandaleux !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. J'ai particulièrement apprécié l'intervention de notre collègue Alain Vasselle.

En effet, cette intervention démontre en creux qu'il y a une discrimination à l'égard des étrangers...

M. Alain Vasselle. Je n'ai pas parlé de discrimination !

Mme Bariza Khiari. ... et que le présent projet de loi, notamment à l'article dont nous débattons actuellement, tend à renforcer ce phénomène.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Apparemment, nous en sommes à nous raconter nos différentes anecdotes personnelles.

Dans ces conditions, je voudrais m'adresser à mon collègue Alain Vasselle. J'ai remarqué que le président de la commission ne s'était pas insurgé contre les propos de M. Vasselle sur la manière dont les juges traitent ceux qui insultent les premiers magistrats.

Pour ma part, j'ai été confronté au problème à plusieurs reprises. J'ai pu constater avec satisfaction que ceux qui m'avaient insulté et menacé avaient été sanctionnés.

Par conséquent, mon cher collègue, peut-être votre département se caractérise-t-il par un laxisme particulier, mais ce n'est pas le cas du mien. Alors, ne généralisons pas !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est pourtant ce qu'a fait Mme Cerisier-ben Guiga !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Non, je n'ai pas généralisé !

M. Pierre-Yves Collombat. En pratique, la définition concrète de la notion de « rébellion » est extrêmement floue. Le dispositif risque donc de provoquer de multiples bavures.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 26 bis, modifié.

(L'article 26 bis est adopté.)

Article 26 bis
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Article 28

Article 27

L'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, le mot : « également » est supprimé ;

2° Dans le 1°, les mots : « aux enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire » sont remplacés par les mots : « aux enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 », et le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

3° Dans le 2°, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

4° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° À l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. »

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.

Mme Bariza Khiari. Comme c'était déjà le cas pour l'article précédent, la lecture de cet article 27 démontre que l'objet de ce projet de loi est non pas de maîtriser l'immigration ou d'améliorer son pilotage, mais bien de précariser à l'extrême les parcours de séjour des étrangers dans notre pays.

Cet article comporte deux volets. Tout d'abord, il tend à créer de nouveaux critères pour la délivrance de la carte de résident aux conjoints de Français et aux bénéficiaires du regroupement familial. Ensuite, il vise à porter le délai de séjour régulier préalable à la délivrance d'une carte de résident de deux ans à trois ans.

Ces mesures laissent une nouvelle fois une grande part à l'arbitraire administratif. Monsieur le ministre, vous faites du respect des conditions d'intégration et de la continuité de la communauté de vie des préalables à la délivrance d'une carte de résident. Vous supprimez donc de fait les délivrances de plein droit de ces titres de séjour. En outre, l'ajout d'une condition d'intégration me laisse plus que perplexe. Plutôt que de contribuer à l'intégration des étrangers en leur accordant la stabilité du séjour, vous faites du contrat d'accueil et d'intégration un préalable.

Tout cela est bien la preuve de l'utilisation que vous voulez faire du contrat d'accueil et d'intégration. Si nous sommes favorables à ce dispositif, nous sommes en revanche inquiets quant à l'usage qui en sera fait. Selon nous, ce contrat ne sera aucunement un moyen de favoriser l'intégration des primo arrivants dans notre pays. Vous souhaitez au contraire en faire un outil d'exclusion et de précarisation des parcours de séjour.

Ensuite, l'allongement de deux ans à trois ans de l'obligation de séjour préalable à la délivrance d'une carte de résident pour les conjoints de Français, les bénéficiaires du regroupement familial et les parents d'enfants français n'a pas de raison d'être. Pour le justifier, vous avancez la nécessité de lutter contre les mariages forcés. Vous avez ainsi égrené toute une liste d'entraves. Nous admettons tout à fait l'existence de mariages forcés ou des filières de complaisance. Mais ce n'est pas une raison pour jeter l'anathème sur l'ensemble des couples mixtes !

Monsieur le ministre, ce projet de loi ne participe pas d'une politique de l'immigration. Cet article 27 ne sert à rien. Comme toute la philosophie qui sous-tend ce texte, il s'agit seulement de vous permettre d'affirmer que vous avez une nouvelle fois durci la législation.

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste demandera la suppression de cet article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 182 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 375 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 182.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, permettez-moi de faire une remarque préalable.

La déclaration enflammée de M. Vasselle de tout à l'heure comportait une conclusion qui m'est apparue quelque peu choquante. En fait, mon cher collègue, vous avez émis l'idée selon laquelle le ministre de l'intérieur pourrait envoyer une circulaire aux juges.

M. Alain Vasselle. Le garde des sceaux !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est le garde des sceaux qui peut envoyer une circulaire aux parquets ; nous sommes bien d'accord ?

M. Jean-Pierre Sueur. Il était préférable de clarifier ce point. Le procès-verbal fera foi, mais j'avais cru vous entendre parler du ministère de l'intérieur.

J'en viens à présent à l'amendement n° 182.

Les conditions de délivrance de la carte de résident sont aujourd'hui définies par les articles L. 314-8 à L. 314-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'article L. 314-9 traite spécifiquement des cas de délivrance de la carte de résident à certaines catégories d'étrangers présents en France depuis une durée inférieure au délai de droit commun de cinq ans.

Or l'article 27 du présent projet de loi tend à modifier sensiblement ce dispositif.

D'une part, les étrangers entrant en France par la voie du regroupement familial, qu'il s'agisse de conjoints, d'enfants ou de parents de Français, devront justifier de trois années de présence régulière en France, et non plus seulement de deux.

D'autre part, les conjoints de Français relèveront désormais de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non plus de l'article L. 314-11 pour l'accès à la carte de résident.

Il s'agit d'une modification très substantielle. En effet, ces personnes ne bénéficieront plus d'une carte de résident de plein droit après une certaine durée de séjour, mais elles devront faire une demande dans les conditions de droit commun. L'administration aura donc un pouvoir d'appréciation sur l'opportunité de délivrer cette carte, ce qui rendra très difficile la situation d'un certain nombre de couples mixtes.

Par ailleurs, la durée de vie commune nécessaire pour qu'un conjoint de Français puisse bénéficier de la carte de résident sera portée de deux ans à trois ans, par cohérence avec l'allongement équivalent de la durée nécessaire pour pouvoir demander la nationalité française dans le cadre du mariage.

Monsieur le ministre, selon nous, l'ensemble de ces dispositions sont contraires à la lettre et à l'esprit de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui pose le principe du droit à la vie familiale.

C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 27.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 375.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article 27, qui décline l'article 5 du présent projet de loi, symbolise une fois de plus la suspicion généralisée et la précarisation de l'étranger dans notre pays, y compris s'il décide de fonder un foyer avec un homme ou une femme de nationalité française.

Comme l'indique M. le rapporteur, le prétexte de cette précarisation extrême est la « satisfaction de la condition d'intégration dans la société française ».

Comment cette satisfaction sera-t-elle évaluée en pratique ? Par l'allongement de deux ans à trois ans du délai pour l'obtention de la carte de résident du conjoint ou des enfants mineurs de l'étranger et même du conjoint étranger d'une Française ou d'un Français !

À quelques mois d'une échéance électorale, je ne cesse de m'étonner de ce nouveau durcissement d'une législation que M. Sarkozy avait lui-même ardemment préconisée et défendue en 2003.

Comment ne pas percevoir des raisons d'opportunité dans cette obsession du ministre de l'intérieur, du Gouvernement et de certains sénateurs siégeant sur ces travées à remettre sur le tapis la question de l'immigration et de la sécurité lorsque la marmite sociale bouillonne ?

En fait, quel bilan peut-on tirer de la réforme précédente ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire à quelle date les décrets d'application ont été rendus exécutoires ? À moins que cet article 27 ne soit purement idéologique !

C'est un rappel à la rigueur législative et républicaine qu'il faudrait plutôt formuler. La France doit donner une image d'elle-même autre que celle d'un pays apeuré, agressif et d'exclusion.

Vous venez d'adopter un amendement tendant à sanctionner l'outrage au drapeau tricolore. L'article 27 constitue un outrage à tout humanisme !

M. le président. L'amendement n° 376, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° de cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Les dispositions que le 2°de l'article 27 tend à instituer sont motivées par les échéances électorales à venir. Je viens de le dire, mais je peux le répéter : c'est tellement vrai !

En fait, en évoquant le texte en vigueur, M. le rapporteur explique que : « Cette rédaction est issue de la loi du 26 novembre 2003. Auparavant, les regroupés bénéficiaient immédiatement d'un titre de même nature et de même durée que celui du regroupant. »

M. Buffet souligne ainsi - j'ignore s'il le fait volontairement ou non - le caractère particulièrement oppressant de la législation actuelle et la violence supplémentaire proposée par cet article, et tout particulièrement par son 2°.

Aussi, un étranger, conjoint ou enfant, qui doit déjà passer la barrière de l'accès au territoire national - ce n'est pas simple du tout et nous pouvons compter sur la vigilance obsessionnelle de l'actuel gouvernement -, devra patienter trois ans, et non plus deux ans, pour sortir de la précarité statutaire et obtenir une carte de résident.

L'enfant scolarisé sera-t-il maintenu dans cette précarité et les jeunes époux seront-ils également soumis à cette précarité au détriment de la sérénité nécessaire à l'épanouissement de leur vie familiale ou, plus simplement, de leur vie ?

La croissance depuis 2003 est-elle si importante qu'il faille véritablement durcir encore la législation ?

M. le président. L'amendement n° 377, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 4° de cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je crains que l'on ne me prête des intentions que je n'ai pas.

S'agissant des amendements identiques nos 182 et 375, est-il utile de rappeler que l'allongement des délais contribue également à lutter contre les fraudes ? En outre, obtenir la carte de résident n'est pas un droit qui s'acquiert par simple capitalisation des années. Nous devons nous appuyer sur ces deux principes.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression, ainsi que sur les amendements nos 376 et 377, qui sont des amendements de repli.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, vous avez mentionné l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Comme vous avez la réputation d'être un bon législateur, donc un bon juriste, je vous invite à lire la jurisprudence sur ce sujet.

Ainsi, aux termes de l'arrêt Abdulaziz, Cabales et Balkandali contre Royaume-Uni de la Cour européenne des droits de l'homme du 28 mai 1985, « l'article 8 ne saurait s'interpréter comme comportant pour un État contractant l'obligation générale de respecter le choix, par des couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux dans le pays. »

Par ailleurs, je vous rappelle que les dispositions de l'article 27 ont été largement validées par l'assemblée générale du Conseil d'État.

Depuis le début de cette discussion, j'ai le sentiment d'assister à une tentative de manipulation des esprits sur certaines travées (Marques d'étonnement sur les travées du groupe socialiste.), et vous en êtes l'un des principaux instigateurs, monsieur Sueur, même si vous le faites avec une certaine modération, sous des dehors généreux, solidaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

À la demande de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, je suis venu vous présenter hier soir, par respect pour la Haute Assemblée, le contenu de la circulaire que M Sarkozy a signée hier et adressée ce matin à tous les préfets de France pour expliquer les dispositions devant être prises pour préserver la présence d'un certain nombre d'enfants d'origine étrangère scolarisés en France.

Dès cet instant, j'ai vu la mise en oeuvre d'une démarche coordonnée visant à dénaturer l'esprit et la lettre de cette circulaire. Je veux donc, dès ce soir, profiter de l'occasion que vous m'offrez de mettre un terme à toute tentative de manipulation.

J'ai lu ce matin, dans un organe de presse qui se disait autrefois très proche d'un parti implanté place du Colonel-Fabien, un article assez délirant - il est peut-être votre source d'inspiration -, qui me semble témoigner de cette tentative de manipulation.

M. Jean-Pierre Sueur. Je lis Libération !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cet article était intitulé : « Faudra-t-il leur couper la langue pour qu'ils puissent rester ici ? ».

Lorsque le ministre d'État a défini les conditions dans lesquelles il convenait, par humanité, d'envisager la régularisation de certaines familles, il a évoqué la situation d'enfants arrivés en France en bas âge ou nés en France, qui ne connaissent que la France.

Je relis les propos qu'il a tenus ici même, au Sénat, le mardi 4 juin : « Lorsqu'un enfant étranger est né en France où qu'il y est arrivé en très bas âge, qu'il est scolarisé en France, qu'il ne parle pas la langue de son pays d'origine,...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est cela le problème !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...qu'il n'a aucun lien avec ce pays, il serait très cruel de l'y reconduire de force ! Car ce pays d'origine, en réalité, n'est pas le sien. Les attaches de cet enfant sont en France et son départ serait vécu comme une véritable expatriation, un déracinement. »

Telles sont les propos qu'a tenus Nicolas Sarkozy. Voilà où se situe votre manipulation, monsieur Sueur ! Une manipulation d'extrême gauche voudrait nous faire croire aujourd'hui que l'on interdit aux enfants étrangers de parler la langue de leur pays d'origine. C'est tout simplement un procès stalinien (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et je voulais ce soir, devant ceux qui en sont à l'origine, effectuer la mise au point nécessaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Pierre-Yves Collombat. C'est ridicule !

M. Thierry Foucaud. C'est vieillot !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. D'ailleurs, les uns et les autres utilisent de façon répétée le même vocabulaire : « précarisation extrême », « obsession », « article purement idéologique ».

Vous vous en êtes pris, madame Cerisier-ben Guiga, à M. Alain Vasselle,...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... qui a proposé que soit adressée une circulaire aux parquets, afin que ceux-ci se prononcent de manière uniforme dans toutes les juridictions de France. On pourrait citer tant et tant d'exemples ! (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'exclame.) C'est vous qui, hier, soupçonniez la police nationale ou les pompiers de travailler au noir ! Tous les Français installés aux Etats-Unis seraient en situation clandestine. Et je pourrais ainsi faire référence à l'ensemble de vos interventions devant la Haute Assemblée...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est de la mauvaise foi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...depuis quelques jours, et ce soir encore.

Quel crime y aurait-il à prévoir dans la loi que tous ceux qui portent atteinte au drapeau, à l'hymne national, aux symboles de la République, puissent être sanctionnés ?

Vous considériez hier - car ce sont vos propositions ! - que nous pouvions donner l'image d'un pays où l'irrégularité de tous ceux qui viennent en France sans en respecter les règles devrait être une référence dans le monde entier.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Quelle leçon êtes-vous en train de donner à tous ceux qui attendent que nous redonnions un peu de repères, un peu d'authenticité, un peu d'identité aux fondements de notre histoire, aux lois de la République et aux règles qui régissent les valeurs de la nation française ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je tenais à faire cette mise au point au moment où le ministre d'État prépare un texte sur la prévention de la délinquance des mineurs. Il s'agit, notamment par une réforme de l'ordonnance de 1945, d'assurer l'égalité de tous les Français devant la loi : les crimes les plus odieux doivent être punis de la même manière, devant toutes les juridictions de France, quel que soit l'âge auquel ils ont été commis. Malheureusement, lors des violences urbaines du mois de novembre dernier, nous avons pu constater que les mineurs qui avaient commis des actes barbares étaient jugés de façon totalement différente selon les juridictions.

Je crois donc que le rappel qu'a effectué M. Vasselle tout à l'heure était tout à fait justifié et qu'il est légitime que nous fassions ces propositions. C'est l'expression de la démocratie ! C'est elle qui nous permet aujourd'hui de proposer un certain nombre de réformes. Que des sénateurs de la République se soient engagés dans cette voie et fassent des suggestions au Gouvernement me paraît parfaitement fondé.

Pour toutes ces raisons, bien évidemment, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 182 et 375, ainsi qu'aux amendements n°s 376 et 377. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote, sur les amendements identiques n°s 182 et 375.

M. Jean-Pierre Sueur. Il importe de ne pas entrer dans le procès instruit par M. le ministre.

Vous me dites, monsieur le ministre, que j'ai l'air généreux, mais qu'en réalité je fais de la manipulation. Je suis le représentant - c'est bien connu ! - de l'extrême gauche. (Rires.) Vous devriez en parler à l'extrême gauche ! Je tiens des discours staliniens, tout le monde le sait.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je parlais de votre comportement, pas de vos discours !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'acceptons pas que vous profériez de telles accusations !

Je cherchais tout à l'heure le texte exact de la circulaire, mais les déclarations de M. le ministre d'État, dont vous venez de donner lecture, sont très claires : parmi les conditions posées à la régularisation des enfants de sans-papiers, il y a bien le fait, pour ceux-ci, de ne pas parler la langue de leur pays d'origine.

Cela signifie que l'un des critères pour bénéficier de cette circulaire est de ne parler que le français. Cela nous paraît extrêmement critiquable, car on ne peut tout de même pas reprocher à un enfant de parler la langue de ses parents ou de l'un de ses parents ! De nombreux enfants d'immigrés parlent à la fois le français et la langue de leur pays d'origine.

Il ne s'agit pas là d'une manipulation de notre part, monsieur le ministre : nous commentons simplement les propos de Nicolas Sarkozy, que vous venez de rapporter.

Nous assistons, en ce moment - nous en sommes tous témoins - à un mouvement de solidarité avec ces enfants. Et ce mouvement dépasse largement les frontières politiques : nous rencontrons tous des parents d'élèves qui ne comprennent vraiment pas pourquoi tel élève, qu'ils connaissent, devrait quitter notre pays.

Lorsque M. le ministre d'État décide de mettre en oeuvre, par circulaire, un dispositif en faveur de ces enfants, je trouve cela positif. Mais à la lecture de cette circulaire, je suis plus dubitatif ; je viens d'expliquer pourquoi. Quand j'entends que ce dispositif ne saurait concerner que huit cents enfants, je ne comprends plus du tout ! En effet, puisque l'on demande aux préfets de procéder à un examen au cas par cas de la situation de ces enfants, il n'est pas possible de dire combien d'entre eux seront concernés par ce dispositif avant que cet examen ait eu lieu !

Annoncer qu'une réponse sera apportée au problème et déclarer que celle-ci ne concernera que huit cents enfants, n'est-ce pas de la manipulation ?

Vous nous assénez des propos sur les sapeurs-pompiers et les policiers.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce n'est pas moi !

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai un grand un respect pour les sapeurs-pompiers, avec qui je travaille dans mon département. J'ai également un grand respect pour les policiers. Je ne vois pas pourquoi on devrait suspecter tel ou tel groupe ; d'ailleurs, je n'en suspecte aucun.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Adressez-vous à Mme Cerisier-ben Guiga !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cessez, monsieur le ministre ! La calomnie a ses limites !

M. Jean-Patrick Courtois. C'est ce qui a été dit hier !

M. Jean-Pierre Sueur. On a le droit d'émettre des critiques, mais on doit respecter les sapeurs-pompiers et les policiers ! Tel est tout à fait notre état d'esprit.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je termine, monsieur le président, mais M. le ministre s'est longuement exprimé, sur de nombreux sujets.

M. le président. Le temps de parole de M. le ministre n'est pas limité.

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne pensais pas devoir avoir la cruauté, mais je vais finir par l'avoir, de répéter ici les propos qu'a tenus M. Nicolas Sarkozy en 2003, lorsqu'il a présenté la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Il a dit, en substance : avec cette nouvelle loi, la question va enfin être résolue, alors qu'avant ce n'était pas le cas ; enfin, nous apportons les réponses ; il va y avoir des reconduites à la frontière ; on va réduire l'immigration clandestine, etc.

Or nous avons montré que, si l'on excepte le cas particulier de l'outre-mer, le nombre de reconduites à la frontière n'a pas augmenté sensiblement : le même décalage subsiste entre le nombre de personnes en situation irrégulière et celui des reconduites à la frontière. Pourtant, M. Nicolas Sarkozy est là depuis cinq ans !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est la fin de ma conclusion ! (Rires.)

Lorsque, à quelques mois d'une échéance électorale, on nous soumet un nouveau texte sur l'immigration, avec la volonté évidente que le débat politique s'organise autour de ce sujet, alors que ce n'est sans doute pas la meilleure façon de le faire avancer, n'est-ce pas, là aussi, une forme de manipulation ?

Que chacun dise ici ce qu'il a à dire, mais, moi, je n'accuse personne de manipulation ! J'ai trouvé, monsieur le ministre, que votre plaidoyer était très largement excessif.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ayant enseigné les lettres françaises et la langue française pendant vingt-huit ans, j'ai appris à mes élèves à ne pas déformer les propos, à ne pas tirer d'un texte ce qui n'y figurait pas. Nous verrons donc, à la lecture du compte rendu de nos débats dans le Journal officiel, qui, ici, dit la vérité et qui déforme sciemment les propos d'autrui. Je n'en dirai pas plus sur ce sujet !

Pour en revenir à l'article 27, je tiens tout de même à souligner l'incohérence de l'obligation d'une communauté de vie continue depuis le mariage imposé aux familles binationales. En effet, depuis la mise en oeuvre du décret de mars 2005, un grand nombre de ces couples passent plusieurs mois sans pouvoir mener une vie commune et certains d'entre eux, d'après les magistrats qui traitent ces problèmes, passeront même plusieurs années dans cette situation. Notre État impose à ces couples, dont le mariage est - parfois à raison, mais aussi parfois à tort - suspecté, une condition qu'ils ne peuvent remplir.

Il n'est donc pas honnête, vis-à-vis des familles binationales qui se sont constituées à l'étranger, d'imposer comme condition la vie commune depuis la célébration du mariage pour l'obtention d'un droit au séjour en France.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 182 et 375.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 376.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 377.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27.

(L'article 27 est adopté.)

Article 27
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 29

Article 28

L'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le 1° est abrogé ;

2° Dans le 2°, les mots : « a moins de vingt et un ans » sont remplacés par les mots : « est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 », et sont ajoutés les mots : «, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois » ;

3° Dans le 8°, les mots : « mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire » sont remplacés par les mots : « dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 », et sont ajoutés les mots : « ainsi qu'à ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié est un mineur non accompagné » ;

4° Dans le 9°, les mots : « mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire » sont remplacés par les mots : « dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 » ;

5° Le 10° est abrogé.

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 183 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 378 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 183.

Mme Bariza Khiari. L'article 28 tend à modifier les conditions de délivrance de plein droit de la carte de résident.

Tout d'abord, il réduit les catégories d'étrangers pouvant bénéficier d'une carte de plein droit afin d'obliger les personnes qui en relèvent à passer par le parcours d'intégration et afin de vérifier qu'elles satisfont à la condition d'intégration.

Ainsi, par coordination avec l'article 27, les conjoints de Français ne relèveront plus de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - délivrance de plein droit de la carte de résident - par la suppression du 1° de cet article.

Il en sera de même, par l'abrogation du 10° de l'article L. 314-11, des étrangers en situation régulière depuis plus de dix ans.

Ensuite, le 2° de l'article 28 vise à modifier la procédure de délivrance de plein droit de la carte de résident aux enfants et parents étrangers de ressortissants français. En effet, l'article L. 314-11 permet d'accorder une carte de résident aux enfants de moins de vingt et un ans et aux ascendants à charge de ressortissants français. Ces derniers devront produire un visa de long séjour qu'ils ne pourront obtenir que dans leur pays d'origine.

Enfin, le 3° de l'article 28 vise à étendre au contraire les cas de délivrance de plein droit de la carte de résident aux ascendants directs d'un mineur non accompagné qui a obtenu le statut de réfugié. Ce cas très spécifique est en effet le seul où la législation française en matière de regroupement familial est moins favorable que la directive du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial.

Cette disposition permettra donc à la France d'achever la transposition de cette directive.

L'immigration dite « subie », les membres de la famille et même les conjoints sont, en l'espèce, particulièrement visés : le mouvement entrepris il y a plusieurs années et consistant à réduire les catégories d'étrangers pouvant obtenir de plein droit la carte de dix ans se poursuit avec ce projet. Outre les membres de la famille et les parents d'enfants français en 2003, il s'agit maintenant d'exclure du droit à bénéficier de ce titre stable les conjoints et ceux qui peuvent justifier de dix ans de situation régulière, sauf si, pendant cette période, ils ont été en possession d'une carte de séjour portant la mention « étudiant ».

Le projet de loi construit ainsi, monsieur le ministre, des précarités perpétuelles.

Toutes ces raisons conduisent le groupe socialiste à demander la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° 378.

M. Thierry Foucaud. L'article 28 tend à réduire les possibilités de délivrance de plein droit de la carte de résident de façon inacceptable.

La carte de résident est non seulement la plus stable qui soit, mais c'est aussi elle qui garantit une véritable intégration de l'étranger dans notre société.

Vouloir en restreindre l'accès apparaît donc comme un non-sens de ce point de vue, surtout lorsque l'on met en avant, comme le fait le Gouvernement, cette notion d'intégration, de la même manière qu'il est aberrant de conditionner l'obtention de cette carte à l'intégration républicaine. C'est un raisonnement par l'absurde, puisque la carte de résident permet d'assurer cette intégration.

Les conjoints de Français sont les premiers pénalisés par cette réforme. En effet, le 1° de l'article 28 vise à leur supprimer la délivrance de plein droit de la carte de résident. Désormais, ils seront soumis au 3° de l'article L. 314-9 qui ne prévoit qu'une simple faculté de délivrance. Le préfet aurait donc la possibilité de la leur délivrer si certaines conditions sont remplies, mais n'en aurait plus l'obligation.

Ainsi que notre groupe l'a répété, nous ne pouvons cautionner l'attitude réactionnaire du Gouvernement à l'encontre des mariages mixtes.

Je ne reviendrai pas non plus sur le fait qu'il semble complètement absurde de demander à l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française qui a moins de vingt et un ans ou qui est à la charge de ses parents de produire un visa de long séjour s'il veut obtenir une carte de résident. Quel est l'intérêt de lui demander de retourner dans son pays s'il a déjà passé plusieurs années en France ?

Enfin, la délivrance de la carte de résident aux étrangers résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans est purement et simplement supprimée. Je n'y reviens non plus, nous en avons déjà parlé.

À tous les points de vue, cet article rend lui aussi pratiquement impossible la vie de famille, que ce soit pour les étrangers ou pour les familles franco-étrangères.

Dans ces conditions, la suppression de l'article 28 nous semble pleinement justifiée.

M. le président. L'amendement n° 184, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 1° de cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 185, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° de cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Il est également défendu.

M. le président. L'amendement n° 379, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa (2°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... °Au mineur étranger recueilli régulièrement en vertu d'une décision de kafala judiciaire par un ressortissant de nationalité française et à la charge de ce dernier » ;

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. La loi du 6 février 2001 dispose : « L'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ».

Par conséquent, les enfants nés dans les pays de droit coranique ne peuvent être adoptés par des candidats de nationalité française. Or ces enfants sont d'ores et déjà accueillis par des couples français dans le cadre d'une kafala judiciaire, qui est « le recueil légal des enfants abandonnés ou dont les parents s'avèrent incapables d'assurer l'éducation ».

Avant l'introduction de cette disposition dans l'article 370-3 du code civil, le juge appréciait au cas par cas la situation des enfants et prononçait le plus souvent une adoption, qu'elle soit simple ou plénière.

Depuis 2001, la France s'interdit d'accepter ces enfants sur son territoire dans le cadre de la procédure d'adoption.

Dans son rapport annuel pour 2004, la Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, dénonce cet état de fait : « Il s'agit d'un véritable recul dans la prise en compte de l'intérêt de ces enfants, pour lesquels la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation ouvrait cette possibilité. » Elle ajoute, sur ce sujet, d'autres éléments qui vont dans le même sens.

Par ailleurs, les pratiques en matière de délivrance des visas d'entrée et des autorisations de séjour sont très diverses pour les enfants recueillis régulièrement en kafala judiciaire par nos concitoyens.

Saisi à plusieurs reprises de recours contre des décisions de refus d'autorisation d'entrer en France demandée pour des enfants recueillis en kafala dans le cadre de la procédure du regroupement familial, le Conseil d'État a annulé ces refus en rappelant, conformément aux principes de la Convention internationale des droits de l'enfant et de la Convention européenne des droits de l'homme, ceci : «  Si les dispositions combinées de l'article 15 et de l'article 29 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 prévoient que l'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l'enfant adopté, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'une décision refusant le bénéfice du regroupement familial demandé pour une enfant n'appartenant pas à l'une des catégories mentionnées ne porte pas une atteinte excessive aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, selon lesquelles " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". »

De plus, la loi du 26 novembre 2003 a mis en place une «  période de stage » de cinq ans avant que puisse être déposée une demande de nationalité française, pour l'enfant recueilli et élevé par une personne de nationalité française, et de trois ans pour un enfant qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance.

Avant l'adoption de ces dispositions, la possibilité de réclamer la nationalité française était donnée à ces enfants, dès lors qu'ils résidaient sur le sol français, et elle n'était assortie d'aucune condition de durée.

En raison de l'ensemble de ces dispositions, les familles françaises ayant accueilli des enfants en kafala judiciaire et, au premier chef, les enfants subissent une discrimination intolérable.

Or la kafala judiciaire, reconnue par les conventions internationales, est considérée par les autorités des pays d'origine et des pays d'accueil, y compris par des représentants de la France au Maroc et en Algérie, comme une procédure « structurée, encadrée et sécurisée ».

Enfin, nous tenons à souligner qu'en Europe la France fait figure d'exception dans ce domaine.

Les principaux pays européens ont en effet voulu et su régler les différents aspects du recueil d'enfants en kafala par leurs citoyens.

M. le président. Monsieur Foucaud, je vous prie de conclure.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On a déjà eu ce débat hier !

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, je ne me suis guère exprimé ce soir, et le sujet est important.

M. le président. Mon cher collègue, je comprends votre souci, mais vous devez respecter les temps de parole qui ont été fixés.

M. Thierry Foucaud. J'ajoute seulement que tel est le cas de l'Espagne, de la Suisse et, tout récemment, de la Belgique qui, par une loi en date du 6 décembre 2005, vient de modifier son code civil pour permettre l'entrée sur le territoire belge et l'adoption d'enfants « dont l'État d'origine ne connaît ni l'adoption ni le placement en vu d'adoption ».

La situation actuelle fait de ces enfants qui ne sont pas adoptables, tout en étant abandonnés, des enfants au « milieu du gué », pour reprendre une expression utilisée en 1996 par le professeur Jean-François Mattei dans le rapport qu'il a établi au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale.

L'objet de cet amendement est donc de mettre fin à cette discrimination et de permettre à l'enfant recueilli en kafala judiciaire par une personne de nationalité française de bénéficier de la délivrance de plein droit de la carte de résident.

Ainsi, si notre amendement était adopté, ce que nous espérons, il s'inscrirait dans les dispositions prévues par l'article L. 211-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit notamment la délivrance des titres de séjour pour l'adoption et le regroupement familial.

Je vous remercie, monsieur le président de m'avoir laissé parler une minute de plus.

M. le président. C'était plus d'une minute, mon cher collègue ! Vous ne pouvez pas, sur chaque article ou chaque amendement, dépasser systématiquement les cinq minutes de temps de parole. Le règlement intérieur, qui est la base du travail parlementaire, s'applique à tout le monde et je demande à chacun de le respecter.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 186 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 246 rectifié est présenté par MM. Delfau,  Baylet,  A. Boyer,  Collin et  Fortassin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 5° de cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 186.

Mme Bariza Khiari. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 246 rectifié n'est pas soutenu.

L'amendement n° 380, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le 5° de cet article :

5° Le 10° est ainsi rédigé :

« 10º A l'étranger qui est en situation régulière depuis plus de dix ans ou qui a travaillé régulièrement en France pendant plus de cent vingt mois cumulés sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ». »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. S'il est exact qu'aux termes de la jurisprudence du Conseil d'État le caractère discontinu du séjour régulier d'un étranger ayant passé plus de dix ans en France s'oppose à ce qu'on lui reconnaisse le bénéfice d'une situation régulière depuis plus de dix ans, cette interprétation a toutefois été retenue dans le cas d'étrangers dont le séjour régulier avait été interrompu à la suite de circonstances ne pouvant être imputées en aucune façon à la responsabilité de l'administration préfectorale.

De même, cette interprétation a été admise dans le cas de travailleurs saisonniers, dont le caractère occasionnel du travail et du séjour n'avait pas été remis en question. Rien n'interdit en effet, dans la rédaction de l'article L. 314-11 du CESEDA, de prendre en compte la totalité des périodes de séjour régulier d'un travailleur migrant permanent, en partant du principe que, dans le cas d'un travailleur qui effectue des « saisons » de huit mois, le caractère discontinu du séjour est factice et que l'interruption de celui-ci est purement artificielle.

Cette interprétation serait du reste parfaitement conforme à la volonté du législateur au moment du vote à l'Assemblée nationale des dispositions relatives à la carte de résident de dix ans. En effet, l'origine de cet article remonte à la loi 81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, qui définissait des catégories d'étrangers non expulsables, parmi lesquels figuraient les titulaires d'une rente d'accident du travail et les personnes ayant leur résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans.

La loi 84-622 du 17 juillet 1984 attribuait de plein droit une carte de résident à ces mêmes étrangers.

Enfin, la loi 86-1025 du 9 septembre 1986 a ajouté le critère de la résidence régulière depuis plus de dix ans.

Si l'on examine les débats parlementaires relatifs à ces diverses modifications de la législation sur les étrangers, on constate une rare unanimité sur la nécessité de protéger les travailleurs migrants qui, eux aussi, ont contribué à créer les richesses de notre pays.

J'aurais pu citer les propos tenus à l'époque par Charles Ledermann, au Sénat, et Roger Rouquette, à l'Assemblée nationale.

En outre, le droit externe reprend à son compte cette volonté des législateurs de protéger les travailleurs migrants en fonction de la pérennité de leur emploi et impose la délivrance d'un titre de séjour dans des cas similaires à celui d'un travailleur saisonnier habituel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements de suppression nos 183, 378, 184 et 185.

S'agissant de l'amendement n° 379, la commission a émis un avis défavorable, à la suite des explications qui ont été fournies hier sur ce sujet.

La commission est également défavorable aux amendements nos 186 et 380.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 183 et 378.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. J'évoquerai une seule des raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de l'article 28.

Cet article tend à supprimer le dixième alinéa de l'article L. 314-11 du CESEDA, aux termes duquel un étranger présent en France depuis dix ans et en situation régulière bénéficie de plein droit d'une carte de résident.

Dix ans, c'est beaucoup dans une vie ! Quand un étranger a passé dix ans en France, sans avoir causé de trouble à l'ordre public et sans que l'on puisse lui reprocher quoi que ce soit, on peut tout de même avoir l'élégance, la générosité, l'ouverture d'esprit et de coeur de lui donner une carte de résident de plein droit. Cette mesquinerie, cette fermeture, même dans un cas comme celui-là, sont vraiment insupportables.

Cet article, qui tend à supprimer la possibilité, pour quelqu'un qui travaille, qui vit et qui paie ses impôts en France depuis dix ans, d'obtenir de plein droit une carte de résident, est l'un des pires de ce projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 183 et 378.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 379.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 186.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 380.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 28.

(L'article 28 est adopté.)

Article 28
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article additionnel après l'article 29

Article 29

I. - Le premier alinéa de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase, les mots : « une autorisation provisoire de séjour » sont remplacés par les mots : « une carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale» », et, dans la dernière phrase, les mots : « Cette autorisation provisoire de séjour » sont remplacés par les mots : « Cette carte de séjour temporaire » ;

2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. »

II. - La dernière phrase de l'article L. 316-2 du même code est ainsi rédigée :

« Il détermine notamment les conditions de la délivrance, du renouvellement et du retrait de la carte de séjour temporaire mentionnée au premier alinéa de cet article et les modalités de protection, d'accueil et d'hébergement de l'étranger auquel cette carte est accordée. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 381, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. L'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger, pour lequel il existe des motifs raisonnables de croire qu'il est victime des infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, bénéficie, s'il le souhaite, d'un délai de réflexion de trois mois pendant lequel il est autorisé à séjourner sur le territoire, afin de lui permettre de se rétablir, de se soustraire à l'influence des auteurs des infractions et de décider en connaissance de cause de coopérer ou non avec les autorités compétentes. » ;

2° Le premier alinéa est remplacé par une phrase ainsi rédigée : « Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée à l'étranger qui coopère avec les autorités publiques concernant les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal commises à son encontre. » ;

3° Dans la seconde phrase du premier alinéa, les mots : «  Cette autorisation provisoire de séjour » sont remplacés par les mots : «  Cette carte de séjour temporaire » ;

4° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. ».

II. La dernière phrase de l'article L. 316-2 du même code est ainsi rédigée : «  Il détermine d'une part les conditions de délivrance, renouvellement et retrait de l'autorisation à séjourner prévue pour le délai de réflexion et de la carte de séjour précitée, d'autre part les modalités de protection, d'accueil et d'hébergement de l'étranger auquel ce délai ou cette carte sont accordés. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, l'article 29 vise à transposer la directive 2004/81/CE de l'Union européenne du 29 avril 2004 prévoyant la délivrance d'un titre de séjour aux ressortissants des pays tiers victimes d'atteintes à la dignité humaine qui témoignent ou portent plainte. Désormais, ces personnes se verront remettre non plus une autorisation provisoire de séjour, mais une carte de séjour temporaire.

Si l'on peut se féliciter d'une telle amélioration du statut offert aux victimes acceptant de participer aux procédures engagées pour faire cesser les atteintes en question, il convient toutefois de rappeler que celles-ci ne bénéficieront pas du délai de réflexion nécessaire leur permettant de mesurer la réelle portée de leur engagement à collaborer. En effet, elles peuvent légitimement craindre des représailles contre elles-mêmes ou leurs proches en cas de collaboration à l'identification des auteurs des violations dont elles ont été victimes et refuser alors toute participation à la manifestation de la vérité.

L'instauration d'un délai de réflexion leur permettrait de s'engager ou non, de façon éclairée, dans une coopération. C'est d'ailleurs ce que prévoit la directive européenne arrivant à échéance le 6 août 2006, qui instaure un tel délai afin de les aider à décider en connaissance de cause si elles entendent ou non coopérer avec les autorités policières, répressives et judiciaires - compte tenu des risques encourus - afin qu'elles coopèrent librement et donc plus efficacement.

En outre, la convention sur la lutte contre la traite des êtres humains adoptée par le Conseil de l'Europe réaffirme la nécessité d'offrir un délai de réflexion « lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire que la personne concernée est une victime ». Cette convention précise que « ce délai doit être d'une durée suffisante pour que la personne concernée puisse se rétablir et échapper à l'influence des trafiquants et/ou prenne, en connaissance de cause, une décision quant à sa coopération avec les autorités compétentes. Pendant ce délai, aucune mesure d'éloignement ne peut être exécutée à son égard. [...] Pendant ce délai, les parties autorisent le séjour de la personne concernée sur leur territoire ». Cette convention n'a cependant pas encore été signée par la France.

L'adoption de notre amendement serait le moyen de reconnaître la situation de ces personnes, qui sont avant tout des victimes.

M. le président. L'amendement n° 187, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le 1° du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Dans le dernier alinéa, les mots : « peut être » son remplacés par le mot : « est »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a institué une procédure spécifique de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pour l'étranger qui porte plainte ou témoigne contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions de traite des êtres humains et de proxénétisme, sous réserve que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace à l'ordre public. Ces dispositions sont aujourd'hui codifiées.

L'article 29 prévoit la possibilité d'accorder aux personnes qui acceptent de collaborer avec la justice pour lutter contre le proxénétisme et la traite des êtres humains une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale ».

Nous proposons que cette carte soit de droit. Il est indispensable, en effet, de garantir à ces personnes vulnérables une réelle protection à l'issue du dépôt de la plainte ou du témoignage. Ce serait une manière efficace de lutter contre les réseaux de traite des êtres humains, qui sont l'une des plaies de notre vie moderne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il convient de tenir compte des situations évoquées dans l'amendement n° 381. Mais il faut aussi éviter de créer des conditions trop larges d'obtention de la carte de séjour temporaire, afin d'éviter d'éventuels détournements de procédure. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 187, la délivrance d'une carte de séjour à une personne témoignant dans des affaires de proxénétisme et de traite des êtres humains doit relever de l'appréciation de l'autorité administrative. En effet, l'expérience a montré qu'il existait des risques de détournement de procédure : certains témoignages pourraient être faits dans le seul but d'obtenir un titre de séjour. L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Assasi, je comprends la démarche qui sous-tend votre amendement n° 381, mais le délai de réflexion de trois mois que vous proposez me semble un peu long. Nous envisageons, pour notre part, de retenir le délai d'un mois ; il sera fixé par le décret d'application prévu au II de l'article 29.

Cette disposition n'étant pas en contradiction avec votre démarche, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Monsieur Collombat, nous sommes très attachés aux dispositions de la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003. Je sais que Jean-Patrick Courtois, qui était le rapporteur de ce texte au Sénat, partage mon sentiment ; j'en étais pour ma part le rapporteur à l'Assemblée nationale.

Notre objectif était d'engager une démarche à l'encontre non pas des prostituées elles-mêmes, mais plutôt des proxénètes, ainsi que des responsables des filières de prostitution et de traite des êtres humains. En accord avec le ministre de l'intérieur, nous avions donc proposé que toutes celles et tous ceux qui contribueraient à apporter à l'administration ou à la justice des éléments nous permettant de démanteler ces filières et ces réseaux puissent bénéficier de dispositions visant à les protéger, comme la délivrance d'une autorisation de séjour, de courte durée dans un premier temps, puis de plus longue durée, ainsi que de mesures sociales, voire d'une autorisation de travail sur le sol français.

Les dispositions prises de manière déterminée dans la loi du 18 mars 2003 me semblent donc avoir eu un effet déterminant.

Dans cet article 29, le ministre de l'intérieur propose de renforcer cette dimension en allant encore plus loin. D'ailleurs, monsieur Collombat, je ne vous cache pas que j'ai d'abord été tenté d'être favorable à votre amendement. La seule raison qui me conduit à ne pas l'être tient au fait que je considère malgré tout nécessaire que l'administration comme l'autorité compétente gardent leur marge d'appréciation, ce qui ne serait pas le cas si les mots « peut être » étaient remplacés par le mot « est ».

À titre d'exemple, cela pourrait conduire à accorder la carte de séjour y compris à des personnes qui, pour profiter de la situation, feraient des dénonciations calomnieuses.

Par prudence donc, et sachant que le présent projet de loi va encore plus loin que les dispositions de la loi de 2003 et qu'il constitue une grande avancée pour protéger toutes celles et tous ceux qui sont, hélas ! victimes des filières d'immigration clandestine ou des proxénètes, j'émets donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, la meilleure façon de faire cesser la tentation est d'y succomber...

Dans le cas d'espèce, il me semble que c'est en envoyant un signal fort à ces filières que l'on aura le plus de chance de les démanteler. Il faut donc commencer par faire savoir à ceux qui prendront le risque de les dénoncer que l'on s'occupera d'eux. Ensuite, si d'aventure une dénonciation se révélait calomnieuse, les circonstances qui avaient justifié la délivrance de la carte disparaissant, cette dernière serait retirée à son bénéficiaire.

La crainte d'encourager la création de filières, comme pour les mariages blancs, me paraît donc excessive. C'est peut-être passer à côté d'un moyen pour porter le fer là où est le mal.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, le décret accordera aux victimes un délai d'un mois.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Tout à fait !

Mme Éliane Assassi. C'est une petite avancée, mais une avancée tout de même, et je retire donc mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 381 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 187.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 29.

(L'article 29 est adopté.)

Article 29
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 29 bis

Article additionnel après l'article 29

M. le président. L'amendement n° 382, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La carte de séjour temporaire prévue à l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut être délivrée pour un an à l'étranger qui justifie d'une démarche de réinsertion, attestée notamment par la participation à un programme de réinsertion, en accord avec les personnes concernées, organisé par les services de l'État ou par une association figurant sur une liste établie chaque année par arrêté préfectoral dans le département concerné, et qui se propose, par son statut, d'aider les victimes.

Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelable à deux reprises dans les mêmes conditions et pour la même durée.

À l'expiration de ce délai, la carte de séjour temporaire peut être renouvelée si l'étranger apporte la preuve qu'il peut vivre de ses ressources propres.

Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article.  

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Pour ne prendre que l'exemple de Paris, 70 % des personnes prostituées d'origine étrangère, venant des pays de l'Est ou d'Afrique, seraient victimes de réseaux mafieux.

Soumises à des violences terribles de la part de leurs exploiteurs, elles sont privées de tout droit et de toute dignité, car nous savons bien que la prostitution est synonyme de violences et d'humiliation et qu'elle s'inscrit toujours dans un rapport de domination.

Il s'agit donc d'aider ces personnes à recouvrer leur dignité et, pour cela, de les considérer comme des victimes, avec toutes les conséquences que ce statut induit.

Or, en s'en prenant aux personnes prostituées pour atteindre leur proxénète, la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a favorisé les reconduites à la frontière des personnes prostituées étrangères.

Ces reconduites à la frontière, opérées sans que rien ne garantisse que les personnes concernées ne courent aucun danger, sont inacceptables. C'est pourquoi nous proposons qu'une personne prostituée étrangère ait droit à la délivrance d'un titre de séjour temporaire dès lors qu'elle entame une démarche de réinsertion, et cela qu'elle ait ou non dénoncé ses exploiteurs.

Il nous semble en effet exclu et contraire aux libertés fondamentales de conditionner cette protection à une collaboration avec la justice dans la lutte contre les proxénètes. Ce serait la première fois dans notre droit qu'une liberté essentielle de l'individu - en l'occurrence sa sécurité - serait conditionnée.

De plus, ces victimes, qui ont subi des menaces et des violences terribles, sont généralement dans un état psychologique très fragile. Elles ont peur de dénoncer, d'autant qu'elles n'ont souvent pas confiance dans les services de police. Le titre de séjour temporaire, renouvelable, doit être assorti d'une autorisation de travail, afin qu'elles soient en mesure de « s'en sortir ». À l'issue de la période de validité de ce titre, on retomberait dans le « droit commun » des titres de séjours provisoires, avec la nécessité de prouver des ressources suffisantes.

Ainsi, les services de l'État ou des associations agréées prendraient ces personnes en charge et leur proposeraient un accompagnement jusqu'à ce que les conditions soient réunies pour qu'elles puissent éventuellement retourner dans leur pays d'origine, si elles le souhaitent et si elles sont en mesure de le faire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Une fois de plus, les intentions sont généreuses. Néanmoins, la commission estime que les conditions d'obtention du titre de séjour sont beaucoup trop larges et, faute de précision, elle émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Assassi, vous abordez des sujets auxquels je suis sensible et je comprends votre démarche, mais elle remettrait en cause les avancées importantes que nous avons obtenues en termes de résultat grâce à la loi de 2003.

C'est en effet en contrepartie du dépôt d'une plainte et des indications qu'elles peuvent nous donner que nous accordons aux victimes du proxénétisme ou de la traite des êtres humains notre protection et une autorisation de séjour ; nous allons même jusqu'à les placer dans un dispositif social, parfois accompagné de mesures d'éloignement, qui les met à l'abri de toute menace et qui leur permet ensuite une réelle réinsertion.

La référence à une démarche de réinsertion constitue évidemment une proposition intéressante. Mais, si j'acceptais de retenir votre amendement, ce serait un retour en arrière : j'affaiblirais la démarche que nous avons adoptée en mars 2003, puisque la condition relative à la dénonciation du proxénète disparaîtrait.

Or c'est bien cette contrepartie qui nous a permis, depuis 2003, en délivrant 1 039 autorisations provisoires de séjour dans le cadre de ce dispositif, de mettre 880 proxénètes ou responsables de filières de traite d'êtres humains, dont 596 hommes et 284 femmes, hors d'état de nuire, non seulement en France mais aussi à l'étranger, car nous avons passé des accords avec les pays depuis lesquels bon nombre de ces dangereux individus opèrent et organisent les filières.

C'est donc grâce aux indications qui nous ont été fournies dans ce cadre ainsi qu'aux partenariats passés entre la France et les pays d'origine que nous sommes parvenus à démanteler des réseaux.

Aussi, je le répète, même si votre proposition relative à la démarche de réinsertion est intéressante, je ne peux qu'y être défavorable puisque, en supprimant la contrepartie, elle affaiblirait les dispositions que nous avons prises en mars 2003.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 382.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 29
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 29 ter

Article 29 bis

Dans l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « appartenant aux catégories mentionnées à l'article L. 313-11, au 1° de l'article L. 314-9 et aux 8°, 9° et 10° de l'article L. 314-11 » sont remplacés par les mots : « dont au moins l'un des parents appartient aux catégories mentionnées à l'article L. 313-11, au 1° de l'article L. 314-9, aux 8° et  9° de l'article L. 314-11, à l'article L. 315-1 ou qui relèvent, en dehors de la condition de majorité, des prévisions du 2° de l'article L. 313-11 ».

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans cet article après les mots :

des prévisions du 2°

insérer les mots :

et du 2°bis

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. C'est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 29 bis, modifié.

(L'article 29 bis est adopté.)

Article 29 bis
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Article 29 quater

Article 29 ter

L'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les exceptions prévues aux 1° et 2° du présent article ne s'appliquent pas lorsque l'étranger bénéficiaire de l'aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d'une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint. »

M. le président. L'amendement n° 383, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.  

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. En novembre, lors des violences qui ont eu lieu dans certaines villes, le ministre de l'intérieur expliquait dans L'Express, à propos des responsables de ces violences : « Ils sont tout à fait français juridiquement. Mais disons les choses comme elles sont : la polygamie et l'acculturation d'un certain nombre de familles font qu'il est plus difficile d'intégrer un jeune Français originaire d'Afrique noire qu'un jeune Français d'une autre origine. »

Ces mots sont terribles, parce ce que ce sont des mots qui méprisent, qui divisent ; ce sont des mots dangereux. Ils traduisent la recherche constante de boucs émissaires et, parmi eux, les familles polygames, brandies comme une menace dès qu'on parle d'immigration, parce qu'on tente de faire croire qu'elles seraient présentes en France en très grand nombre.

Or, d'après la Commission nationale consultative des droits de l'homme, les situations de polygamie concernent environ 180 000 personnes,...

M. Paul Girod. C'est déjà beaucoup !

Mme Josiane Mathon-Poinat. ...adultes et enfants compris, ce qui représente moins de 0,3 % de la population française. Comment d'ailleurs pourrait-il y avoir afflux ou raz-de-marée puisque la polygamie est, tout simplement, interdite en France ?

La première loi qui a interdit la délivrance d'une carte de résident aux étrangers vivant en état de polygamie est la loi Pasqua du 24 novembre 1993, qui a d'ailleurs été confirmée depuis et même renforcée par la loi du 26 novembre 2003.

Il faut faire attention : accorder une importance disproportionnée à un phénomène statistiquement marginal alimente l'idée que, décidément, les immigrés ne sont pas intégrables. Ce sont d'ailleurs à peu près les propos du ministre de l'intérieur.

La réalité, c'est qu'on brandit la polygamie pour faire accepter des mesures toujours plus sévères, plus répressives, plus restrictives.

Nous sommes évidemment opposés à la polygamie : il faut la combattre. Elle est contraire à notre conception des droits des femmes, de leur dignité, de leur égalité avec les hommes, et c'est au titre de cette égalité que l'on ne doit pas pénaliser encore plus les épouses concernées et leurs enfants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'article 29 ter retire l'immunité dont bénéficient les membres de la famille d'un étranger en situation irrégulière qui commettent le délit d'aide au séjour et à l'entrée irrégulière en France lorsque cet étranger vit en état de polygamie.

Je rappelle que cet article, dont l'objectif est bien évidemment de lutter contre la polygamie, a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Comme l'a rappelé le rapporteur, l'amendement de Mmes Brunel et Morano qui a conduit à l'introduction de cet article additionnel dans le projet de loi a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.

La suppression de l'immunité lorsque le séjour clandestin en cause est celui d'un polygame est de surcroît totalement conforme à nos engagements européens.

Vous vous plaisez souvent à citer la Cour européenne des droits de l'homme. Je vous signale que, dans son arrêt du 29 juin 1992, la Cour a jugé que les mesures dites d'immunité familiale ne s'appliquaient pas aux étrangers polygames.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 383.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 29 ter.

(L'article 29 ter est adopté.)

Article 29 ter
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Article additionnel après l'article 29 quater (début)

Article 29 quater

Dans le premier alinéa de l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale, après les mots : « l'intérêt des enfants », sont insérés les mots : « ou lorsque la personne ayant la charge des enfants a été reconnue comme vivant en état de polygamie ».

M. le président. L'amendement n° 384, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. La fiche n°8 du document de présentation du Comité interministériel à l'intégration, réuni le 24 avril dernier, s'intitule : « Encourager la décohabitation des femmes issues de ménages polygames ».

Dans ce document, le Comité interministériel à l'intégration décide de favoriser l'autonomie des épouses concernées par diverses mesures, notamment « le versement des allocations familiales à la femme qui a la charge de l'entretien et de l'éducation des enfants sur un compte bancaire personnel, dès lors qu'elle est en situation de recherche d'un logement à son nom ».

Quelques jours après, le Gouvernement lui-même soutenait un amendement prévoyant une règle différente : la tutelle et non l'autonomie !

Cette mise sous tutelle introduite par l'Assemblée nationale me semble injuste, car elle rendra plus difficile encore la vie des enfants et de leur mère ; elle fragilisera leur quotidien au mépris de l'intérêt des enfants.

Elle me paraît, de plus, inutile : le code de la sécurité sociale prévoit déjà que les prestations familiales peuvent être versées à la personne qui assure l'entretien de l'enfant au quotidien, le plus souvent la mère, plutôt qu'à l'allocataire. Il suffit de la désigner « attributaire » auprès de la caisse d'allocations familiales.

En mettant ainsi sous tutelle des prestations qui ont vocation à contribuer au bien-être matériel des enfants, il me semble qu'on ne lutte pas contre la polygamie. Une nouvelle fois, au prétexte de lutter contre ce qui est un problème, ce sont les victimes qui sont pénalisées, plutôt que les initiateurs, et rien n'est fait pour résoudre les causes. Car, en tout état de cause, le problème reste entier.

La lutte contre la polygamie suppose de favoriser les conditions de la décohabitation, comme l'indique si bien cette fiche n° 8, adoptée par plusieurs ministres.

Tout d'abord, cela supposerait de favoriser l'attribution de logements sociaux pour les personnes concernées, des femmes en général.

Cela supposerait également que les associations de terrain qui sont aux côtés de ces femmes, qui tentent de les aider, ne voient pas leurs subventions diminuées. Le regroupement des subventions au sein de l'agence de cohésion nationale, sous la tutelle du ministère de l'intérieur, ne peut que susciter des inquiétudes.

Que la polygamie soit condamnable, c'est certain ! Mais, franchement, ne pose-t-elle pas moins de problèmes à la France qu'aux femmes qui en sont les victimes et qu'à leurs enfants ?

Si l'on condamne la polygamie, c'est au nom de l'égalité des sexes et de la dignité des femmes. Attention à ce que les mesures répressives ou, à l'inverse, l'absence de mesures de soutien ne lèsent d'abord ces femmes et leurs enfants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable.

Il s'agit d'une simple mise sous tutelle et non pas d'une suppression. De surcroît, cet article a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 384.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 29 quater.

(L'article 29 quater est adopté.)

Article 29 quater
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Article additionnel après l'article 29 quater (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 29 quater

M. le président. L'amendement n° 141 rectifié, présenté par MM. Goujon,  Karoutchi,  Peyrat et  Cambon, Mme Procaccia et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l'article 29 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le sixième alinéa (5°) de l'article 225-19 du code pénal est ainsi rédigé :

« 5° La confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction prévue à l'article 225-14 ; »

La parole est à M. Philippe Goujon

M. Philippe Goujon. Il s'agit, par cet amendement, d'intensifier la lutte contre ceux qui exercent l'effroyable activité de marchands de sommeil, soumettant de nombreux étrangers en situation irrégulière à des conditions d'hébergement totalement incompatibles avec la dignité humaine, abusant de leur vulnérabilité et de leur dépendance.

L'élu de la capitale que je suis, qui a vécu les incendies dramatiques survenus à Paris en août dernier, au cours desquels pas moins de vingt-quatre personnes d'origine africaine ont perdu la vie dans des conditions atroces, sait que, même quand les pouvoirs publics organisent le logement d'urgence, l'hébergement dans des hôtels meublés contrôlés par la préfecture de police, la sécurité n'est pas forcément garantie. A fortiori, il convient de lutter contre ceux qui font peu de cas de la sécurité d'autrui et des conditions de vie.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de compléter l'article 225-19 du code pénal, qui permet de confisquer les fonds de commerce destinés à l'hébergement de personnes et ayant servi à commettre cette infraction prévue par l'article 225-14 du même code.

Il s'agissait alors de sanctionner et de dissuader les propriétaires d'hôtels meublés. Or il est apparu que les marchands de sommeil utilisent désormais d'autres lieux pour contourner la loi et ce, de façon massive, en louant des pavillons, des appartements ou même des immeubles de bureau, afin de les transformer en dortoirs pour des étrangers, évidemment toujours en situation irrégulière.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de contrer ces nouvelles dérives en étendant la possibilité de confiscation à tout ou partie des biens de ces marchands de sommeil, quelle que soit la nature de ces biens, meubles ou immeubles, dès lors qu'ils ont servi à enfreindre l'article 225-14 du code pénal, relatif à la soumission à des conditions de travail et d'hébergement incompatible avec la dignité humaine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est un excellent amendement.

Depuis 1998, la loi permettait de sanctionner les marchands de sommeil qui exploitaient des hôtels meublés pour y installer des étrangers en situation irrégulière, avec les conséquences malheureusement dramatiques que nous avons pu voir.

Par cet amendement, Philippe Goujon propose d'aller au-delà des seuls propriétaires d'immeubles meublés, puisqu'on se rend compte aujourd'hui que ce sont des pavillons, voire quelquefois des immeubles de bureaux qui sont utilisés par ces marchands de sommeil pour exploiter des étrangers en situation irrégulière et les placer dans des conditions d'hébergement tout à fait insalubres ou dangereuses et, surtout, pouvoir tirer le meilleur profit de cet hébergement.

Je pense donc, monsieur Goujon, que le Sénat ne peut que voter à l'unanimité votre amendement En tout cas, le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Le trafic des marchands de sommeil étant, avec la traite des êtres humains, l'une des plaies contre lesquelles il faut absolument lutter, nous voterons cet amendement : le dispositif proposé nous paraît efficace.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 29 quater.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Article additionnel après l'article 29 quater (début)
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Discussion générale

5

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant dispositions statuaires applicables aux membres de la Cour des comptes.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 398, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

6

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide financière exceptionnelle de la Communauté au Kosovo.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3163 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil, déterminant le montant du soutien communautaire en faveur du développement rural pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013, sa ventilation annuelle, ainsi que le montant minimal à affecter aux régions pouvant bénéficier de l'objectif « convergence ».

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3164 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil fixant les règles applicables à la modulation facultative des paiements directs prévus par le règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant le règlement (CE) n° 1290/2005.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3165 et distribué.

7

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. André Lardeux un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi réformant la protection de l'enfance (n° 330, 2005-2006).

Le rapport sera imprimé sous le n° 393 et distribué.

J'ai reçu de Mme Catherine Tasca un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (n° 384, 2005-2006).

Le rapport sera imprimé sous le n° 394 et distribué.

J'ai reçu de M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes (n° 294, 2005-2006).

Le rapport sera imprimé sous le n° 395 et distribué.

J'ai reçu de M. Jean-François Humbert un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur sa proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux arbitres (n° 323, 2005-2006).

Le rapport sera imprimé sous le n° 397 et distribué.

J'ai reçu de M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Norvège et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la propriété commune d'un système de sauvetage sous-marin (n° 325, 2005-2006).

Le rapport sera imprimé sous le n° 396 et distribué.

8

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur les nouvelles formes de parentalité et le droit.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 392 et distribué.

9

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 15 juin 2006 :

À neuf heures trente :

1. Désignation des membres de la mission d'information commune sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'y attachent en termes d'attractivité du territoire national ;

2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique énergétique de la France;

Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.

À quinze heures et le soir :

3. Suite de la discussion du projet de loi (n° 362, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration ;

Rapport (n° 371, 2005-2006) de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Projet de loi réformant la protection de l'enfance (n° 330, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 juin 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 juin 2006, à seize heures.

Conclusions de la commission des lois (n° 386, 2005-2006) :

- sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues sur le statut et la destination des cendres des personnes dont le corps a fait l'objet d'une crémation (n° 464, 2004 2005) ;

- et sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur relative à la législation funéraire (n° 375, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 juin 2006, à dix-sept heures.

Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Christian Gaudin visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant (n° 158, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 juin 2006, à dix-sept heures.

Question orale avec débat (n° 8) de M. Philippe Leroy à M. le ministre délégué à l'industrie sur la gestion de l'après-mines ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures.

Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Jean-François Humbert portant diverses dispositions relatives aux arbitres (n° 323, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 juin 2006, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 15 juin 2006, à zéro heure vingt-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD