PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.

Demande de priorité

Article 24
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 24 (début)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le président, le Gouvernement souhaiterait que le Séant débatte des articles 67 à 79 relatifs à la maîtrise de l'immigration outremer dès demain après-midi, à l'issue du débat sur la déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen des 15 et 16 juin 2006.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 24 (interruption de la discussion)

Article 24 (suite)

M. le président. Nous en revenons, au sein de l'article 24, aux amendements identiques nos 169 et 348, sur lesquels la commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Je veux revenir sur les propos qu'a tenus M. le ministre tout à l'heure quand il a qualifié de lâches les politiques qui ont été menées depuis quelques décennies.

Je suppose qu'il ne s'adressait pas à Charles Pasqua. Il évoquait peut-être Jean-Pierre Chevènement. Or je ne crois pas que l'on puisse dire que ce dernier ait fait preuve de lâcheté dans son approche des problèmes de l'immigration. Bien au contraire, la disposition législative qui offrait la possibilité - je dis bien qu'il s'agissait d'une possibilité - d'une régularisation automatique au terme de dix années de présence en France me paraît pragmatique.

S'agissant de l'article 24, mes collègues ont dit tout le mal qu'ils pensaient des restrictions apportées à la délivrance de la carte de séjour « vie privée et familiale ».

Je souhaite, pour ma part, m'attarder sur l'abrogation de la disposition qui permet aujourd'hui à un étranger présent sur notre territoire depuis plus de dix ans, ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant, de bénéficier d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Ces personnes méritent de voir leur situation régularisée. Présentes en France depuis plus de dix ans, elles y ont noué des liens familiaux ou personnels très forts. Leur présence aussi longue sur le sol français justifie à elle seule de leur bonne intégration au sein de la société française. Leur régularisation ne relève pas seulement de la simple humanité.

Vous nous avez rétorqué qu'il s'agissait d'une prime à la clandestinité prolongée. Je ne partage absolument pas votre point de vue. Il me semble normal que la France accorde un statut à tous ces étrangers vivant depuis longtemps sur son territoire, d'autant que leur force de travail est bien souvent exploitée. Nous ne pouvons méconnaître leur détresse.

Vous arguez des dangers que font peser les clandestins sur la société et l'économie françaises. Soyons sérieux ! Vous savez bien, puisque ce chiffre est cité dans l'exposé des motifs du projet de loi, que cette procédure de régularisation partielle concerne moins de 3 000 personnes par an, d'autant que les critères des préfectures sont très stricts à cet égard. D'ailleurs, si l'on se réfère au rapport de Thierry Mariani, on peut y voir que le nombre de régularisations effectuées en 1999 s'est élevé à 2 595, contre 2 486 en 2005, ce qui dénote une baisse. Votre argument n'est donc pas recevable.

Mettre fin à la possibilité de régularisation de la situation de ces personnes et stigmatiser ces dernières comme vous le faites sont des procédés indignes de la France.

En outre, cette mesure sera inefficace puisqu'elle ne conduira qu'à augmenter le nombre des sans-papiers. N'ayant donc qu'un objectif d'affichage et de communication, elle traduit votre volonté de stigmatiser encore plus les migrants à l'approche des élections.

Jusqu'à présent, les régularisations au terme d'une période de dix ans s'effectuaient tranquillement, selon un processus fluide. En le bloquant, vous savez parfaitement que la France sera confrontée un jour à la nécessité de procéder à des régularisations de grande ampleur.

Certes, nous direz-vous, la possibilité de régularisation est préservée, dans une moindre mesure, par le biais de l'article 24 bis introduit par l'Assemblée nationale. Ainsi, les demandes de régularisation des personnes résidant en France depuis plus de dix ans seront soumises à la Commission nationale de l'admission exceptionnelle de séjour. Mais, contrairement à ce que vous avez affirmé devant l'Assemblée nationale, cette disposition ne vise pas à permettre les régularisations que la France devra nécessairement opérer. En effet, ces admissions au séjour seront exceptionnelles et fondées non pas sur le lien familial ou personnel, mais uniquement sur des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels que votre texte ne précise pas.

Dès lors, n'en déplaise à M. Gélard, nous ne cesserons de répéter tout au long de nos débats que ce projet de loi n'est pas bon, que ses dispositions frappent durement, stigmatisent et précarisent un peu plus les migrants. L'effet cocotte-minute, excellemment décrit par ma collègue Mme Cerisier-ben Guiga, se manifestera très vite et contraindra votre gouvernement, ou un autre - vous voyez que je ne préjuge de rien ! -, à revoir ce dispositif, que vous le vouliez ou non.

Monsieur le ministre, votre attitude est systématique. Vous renforcez considérablement le droit au séjour, mais vous concédez un petit quelque chose qui serait la preuve d'une grande humanité et que vous nous présentez comme une avancée.

Nous ne sommes pas dupes ; nous le répéterons sans cesse au cours de l'examen de ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous pouvons regretter ce soir qu'une mesure de bon sens et d'humanité prise par Jean-Louis Debré en 1997 soit abrogée. Elle tenait pourtant compte de la réalité et des conditions de vie difficiles des personnes installées de longue date en France.

Il ne faut pas se raconter d'histoires : quand on est jeune et insouciant, la situation irrégulière est relativement facile à vivre ; en revanche, pour l'étranger qui vieillit dans un pays, elle engendre un sentiment d'insécurité particulièrement pénible, et l'on ne s'y résout que si l'on n'a pas d'autre solution.

J'aimerais poser une question à nos collègues : combien d'entre nous n'ont-ils pas un parent ou un grand-parent ayant été « irrégulier » à son arrivée en France ? Combien de Français ne sont-ils pas descendants d'Espagnols, d'Italiens, de Polonais, de ressortissants de pays d'Europe centrale s'étant trouvé en séjour irrégulier ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Patrice Gélard. Ils n'étaient pas clandestins !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. N'en faisons pas un crime ! Le contexte international contraint parfois certains, pour survivre, à se déplacer et à accepter des conditions de vie difficiles à l'étranger, dans un pays où rien n'est connu.

À ce propos, je me souviens d'une publicité télévisée d'Amnesty International qui montrait des hommes nus, sortant d'une station de métro, accompagnée du commentaire suivant : « Ils sont des centaines de milliers dans le monde à être nus dans des pays où tout le monde est habillé, parce qu'ils n'ont pas de papiers ».

En voulant « jouer les gros bras », en refusant de transiger dans ce domaine, vous méconnaissez totalement les conditions de la vie internationale !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J'ajouterai aux propos qui ont été tenus par mes collègues et auxquels je souscris totalement que cette régularisation exceptionnelle qui était en vigueur jusqu'à présent et qui n'était pas automatique était difficile à obtenir, puisque le demandeur devait justifier de conditions de séjour strictes et que la procédure était longue et complexe.

Je rappelle surtout que cette catégorie avait été créée pour tenir compte de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales visant à garantir le respect de la vie privée et familiale, afin de préserver les liens familiaux ou personnels. La suppression de cette catégorie revient à remettre en cause l'acquis de la Convention.

Par ailleurs, s'agissant des jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance, l'ASE, depuis l'âge de seize ans, domaine que je connais bien à titre professionnel, ils pouvaient jusqu'à présent obtenir la nationalité française.

Or, aujourd'hui, vous nous faites croire, monsieur le ministre, que, dans un grand élan de générosité, vous leur donnez une carte de séjour temporaire d'un an alors qu'ils n'avaient rien auparavant.

Je vous rappelle que c'est la loi de M. Sarkozy de novembre 2003 qui les a laissés dans ce vide juridique, en leur retirant la possibilité de bénéficier de la nationalité française à dix-huit ans.

Vous avez d'ailleurs déjà essayé de combler ce vide juridique puisque, par une circulaire du 2 mai 2004, M. Sarkozy a demandé aux préfets de réexaminer, au cas par cas, la situation des jeunes qui avaient été confiés à l'ASE depuis au moins trois ans.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 169 et 348.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 202 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 127
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 349, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° de cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais, en préambule à la présentation de cet amendement, qui porte toujours sur l'article 24, rappeler que l'on ne soulignera jamais assez combien la législation, de plus en plus restrictive depuis les lois Pasqua, a fabriqué de clandestins ou de sans-papiers.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si on laisse entrer tout le monde, c'est sûr qu'il n'y aura pas de sans-papiers !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous nous conformons bien sûr à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, mais le préambule de notre Constitution garantit, lui aussi, le droit à la vie privée !

Monsieur le ministre, vous avez qualifié d'avancée le paragraphe de l'article 24 que nous souhaitons supprimer. J'ajouterai : une avancée... par rapport au recul qui l'a précédée !

Mme Catherine Tasca. Un pas en avant, deux pas en arrière !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas une grande avancée : ce n'est que la correction d'un recul marqué par les lois précédentes. Il s'agit d'accorder la carte de séjour temporaire à l'enfant confié depuis l'âge de seize ans au service de l'ASE. Or, en pratique, la multiplication des conditions posées la rendra difficilement applicable et laissera une trop large place au pouvoir d'appréciation de l'administration, c'est-à-dire à l'arbitraire, et à la différence de traitement selon l'endroit. De plus, la structure d'accueil à laquelle est confiée la mission de service public de la protection de l'enfance n'a pas pour vocation de donner son avis sur l'insertion d'un étranger dans la société française.

Par ailleurs, ce paragraphe a été complété à l'Assemblée nationale par un amendement, présenté par M. Alain Marsaud, qui vise à exclure de la carte de séjour de plein droit les étrangers qui ne résident pas habituellement en France avec leurs parents légitimes, naturels ou adoptifs, à l'exception de ceux qui ont été confiés au service de l'ASE : ainsi, le séjour sera refusé à nombre de personnes qui vivent en France parfois depuis leur plus jeune âge.

Une telle restriction n'a aucun sens puisque la disposition visée découle précisément non pas des attaches familiales de l'intéressé, mais des forts liens qu'il a pu tisser en France du fait de l'ancienneté considérable de sa présence sur son territoire, parfois, je le disais, depuis son plus jeune âge. En outre, elle a pour effet d'exclure toute possibilité légale de régularisation pour les jeunes confiés à un tiers autre que ses parents.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression du 2° de l'article 24.

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

« 2° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, la filiation étant établie dans les conditions prévues à l'article L. 314-11 ; la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée ; »

II. - Après le 2° de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Un amendement présenté à l'Assemblée nationale par le rapporteur avait précisé les conditions dans lesquelles un mineur qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis l'âge de treize ans peut obtenir la carte « vie privée et familiale » à sa majorité : l'étranger devait justifier résider habituellement en France avec ses parents légitimes, naturels ou adoptifs ; dans ce dernier cas, l'enfant devait avoir été adopté en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger. L'objet de cet amendement est de lutter contre l'immigration clandestine d'enfants mineurs qui sont confiés par leurs parents, restés dans leur pays d'origine, à un membre de la famille établi légalement en France.

Toutefois, il est apparu au cours des auditions que la rédaction retenue par l'Assemblée nationale exigeait que l'enfant ait résidé avec ses deux parents. Le présent amendement tend donc à prévoir qu'il suffit que l'enfant ait résidé avec au moins un de ses parents, afin de prendre en compte les situations de divorce, de séparation ou de décès.

Par ailleurs, l'amendement a été rectifié de façon que le texte proposé pour le 2° bis prévoie qu'une carte de séjour puisse être délivrée à un mineur de seize ans confié à l'ASE s'il souhaite exercer une activité professionnelle. Ce cas de figure sera vraisemblablement assez rare, mais il ne faut pas l'interdire. Le projet de loi prévoit d'ailleurs qu'un titre de séjour, chaque fois qu'il est délivré à un jeune majeur, peut également l'être à un mineur de seize ans qui souhaite travailler.

Enfin, je souhaite rectifier une dernière fois l'amendement pour tenir compte de la remarque formulée tout à l'heure par notre collègue Jean-Pierre Sueur et, dans le texte proposé pour le 2° bis, remplacer les mots : « sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie » par les mots : « sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation », de manière que les choses soient le plus claires possible.

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié bis est donc ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

« 2° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, la filiation étant établie dans les conditions prévues à l'article L. 314-11 ; la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée ; »

II. - Après le 2° de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 171 rectifié est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 491 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa du texte proposé par 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

, depuis qu'il a atteint l'âge de seize ans,

La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l'amendement n° 171 rectifié.

M. Louis Mermaz. Il ne s'agit que d'un amendement de repli, mais qui pourrait épargner à certains jeunes des situations particulièrement pénibles.

En effet, il est prévu qu'une carte de séjour temporaire peut être accordée à l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, ou à l'étranger qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve, comme cela vient d'être évoqué, du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

Tout cela est très étrange, et Stendhal, s'il vivait encore, ne voudrait plus rédiger à l'image du code ; les codes sont de plus en plus embrouillés et ne constituent guère un bon exemple de syntaxe : tout est fait pour que l'on se prenne la tête à deux mains afin d'essayer de comprendre ce qui est proposé.

Nous pensons donc qu'il faudrait supprimer cette limitation d'âge, qui est particulièrement cruelle - comme au demeurant de nombreux aspects de ce texte. Le projet de loi prévoit, ce qui relève actuellement de simples circulaires, de régler la situation des jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance depuis l'âge de seize ans. Et voilà que maintenant l'on pose des conditions tenant au sérieux du suivi de la formation, à l'absence de liens avec la famille restée dans le pays d'origine, à l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française... On ne voit pas comment on pourrait réunir autant de renseignements depuis le territoire national, ni en quoi la structure d'accueil est chargée de se prononcer sur la qualité de l'insertion du jeune !

D'ailleurs, cette prise en considération des mineurs isolés doit être estimée à sa juste valeur. Non seulement il est très difficile d'obtenir une place à l'aide sociale à l'enfance, mais, lorsque les jeunes l'ont obtenue, ils se voient délivrer un titre d'un an seulement, alors qu'avant la loi du 26 novembre 2003, plus couramment appelée « loi Sarkozy », ils pouvaient se voir reconnaître la nationalité française. C'est donc déjà une formidable régression !

Notre amendement tend à supprimer la condition d'âge. En effet, lorsque les jeunes ont été confiés à la structure d'aide sociale à l'enfance après l'âge de quinze ans, ils sont expulsables à leur majorité. On se demande pourquoi notre pays mettrait à leur disposition des gens dévoués, ferait ce qu'il peut pour les éduquer, leur apprendre la langue française..., tout cela pour pouvoir les expulser quand ils atteignent dix-huit ans ! En dehors de l'inhumanité de la proposition, c'est, du point de vue de l'intérêt national, une absurdité qui, en outre, priverait de papiers des jeunes qui ont la volonté de s'intégrer, d'apprendre un métier, et les réduirait à une situation de grande détresse.

Monsieur Estrosi, l'un de vos collègues s'appelle Azouz Begag. Je le connais bien, puisqu'il vient de la même région que moi. Récemment, dans l'Isère, il appelait à la naissance d'une France « à la brésilienne » et soulignait avec beaucoup d'humour qu'il faudrait que l'équipe de France compte davantage de Blancs et la haute fonction publique davantage de Noirs... Il me semble que vous devriez vous concerter sur ce point, au sein du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 491.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, la régularisation des jeunes entrés en France avant l'âge de treize ans, je vous le rappelle, se fonde sur des liens personnels qu'ils ont noués sur le territoire et qui doivent bien sûr rester indépendants des liens familiaux qu'ils pourraient posséder par ailleurs.

Imposer, en l'occurrence, une limite d'âge n'aura qu'une conséquence : précariser encore plus la situation des mineurs isolés, même s'ils sont entrés régulièrement en France - il en existe !

Ces jeunes sont des enfants qui se retrouvent dans des situations très précaires, isolés, affaiblis, en proie à tous les trafics, à toutes les violences et à toutes les exploitations.

Or, à la différence de ce que nombre de membres de votre majorité parlementaire annoncent, ces enfants ne constituent en rien la tête de hordes, invasives, d'étrangers.

Nous devons arrêter de nourrir de tels fantasmes qui créent des peurs dans la société française et qui, à mon avis, engendrent du racisme et de la discrimination.

Il convient ainsi de ne pas imposer de limite d'âge dans la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à ces enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance.

M. le ministre de l'intérieur ne peut pas se contenter de venir ici, le coeur sur la main, nous dire qu'il fait preuve d'humanité en annonçant la régularisation de parents d'enfants scolarisés, alors que nous apprenons que cette régularisation, laissée au bon vouloir des préfets, sera fondée sur des critères restrictifs, injustes, qui risquent de laisser sur le carreau certains jeunes, notamment ceux dont les parents sont déboutés du droit d'asile.

Nous aimerions d'ailleurs connaître la date de publication de cette circulaire, car vous nous l'avez annoncée le 6 juin, nous sommes le 13 juin, et elle n'a toujours pas été publiée. On peut se demander si elle va enfin voir le jour ou si elle va finir, comme la suppression de la double peine, dans les bas-fonds de l'oubli.

M. le président. L'amendement n° 350, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa de cet article, remplacer les mots :

depuis qu'il a atteint l'âge de seize ans

par les mots :

sans condition d'âge

 

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit d'un amendement de repli qui fait suite à celui que j'ai défendu tout à l'heure, puisque nous sommes hostiles aux dispositions prévues dans l'article 24, qui méconnaissent la réalité.

Les jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans doivent suivre une formation dont le caractère réel et sérieux sera vérifié - je remercie M. le rapporteur d'avoir modifié cette phrase qui n'exprimait pas son intention -, ne pas avoir de liens avec la famille restée au pays et bénéficier de l'avis positif de la structure d'accueil.

Cette disposition serait justifiée par l'existence de réseaux d'immigration clandestine qui enverraient des enfants non accompagnés en France. On est en pleine paranoïa ! En fait, le nombre d'enfants confiés à l'ASE est très limité, ce que nous déplorons car tout mineur isolé devrait être confié à l'ASE. Or, c'est loin d'être le cas.

La condition d'âge qui est posée est donc trop restrictive, d'autant qu'elle s'ajoute aux autres conditions.

Pour notre part, nous souhaitons que tout enfant ayant bénéficié de l'aide sociale à l'enfance puisse se voir attribuer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », puisqu'il a vocation a priori à rester en France.

En réalité, ces enfants n'ont aucune chance de retrouver un milieu familial et social accueillant dans leur pays d'origine. La plupart d'entre eux sont venus dans des conditions extrêmement difficiles. Personnellement, j'ai rencontré des enfants qui avaient été vendus, violés, qui étaient arrivés en France dans des conditions épouvantables. Ils commencent à se reconstruire à l'ASE. En général, ils ont une très grande volonté d'intégration, ils veulent apprendre un métier, ils suivent une formation, et on va leur dire que, s'ils ne remplissent pas toutes sortes de conditions théoriques, on va les renvoyer dans leur pays d'origine ! Ce serait absolument inhumain, et vous devriez bien réfléchir, mes chers collègues, avant de voter une telle disposition.

M. le président. L'amendement n° 170, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

et sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française

 

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Il s'agit également d'un amendement de repli qui tend à supprimer les conditions introduites par le projet de loi pour faire bénéficier les enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance d'une carte de séjour d'un an.

Le caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion des étrangers dans la société française, tout cela nous semble d'une lourdeur extraordinaire.

L'aide sociale à l'enfance est une structure sérieuse qui n'accepte pas n'importe qui sans une enquête. Le fait même que le mineur ait été accepté par cette structure est déjà une preuve de sérieux, le reste est superfétatoire.

Quant aux liens avec la famille restée dans le pays d'origine, comment apporter la preuve qu'ils n'existeraient pas ou n'existeraient plus ? Il est en effet pratiquement impossible d'apporter la preuve de l'absence de quelque chose.

Voilà encore une mesure d'affichage, qui ne concernerait qu'un petit nombre de personnes. Mais pourquoi vouloir leur appliquer un traitement aussi inhumain ? L'amendement n° 170 vise donc à apporter un peu plus de souplesse et d'intelligence dans le traitement de jeunes en grande détresse. À une situation humaine catastrophique, il ne faut pas ajouter des complications et des impasses administratives.

M. le président. L'amendement n° 492, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots : 

et sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine

 

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit également d'un amendement de repli qui, je l'espère, sera considéré comme un amendement de bon sens.

L'aide sociale à l'enfance est une institution qui représente l'État. Elle n'est certes pas parfaite, je le reconnais, mais les hommes et les femmes qui en ont la charge effectuent un travail remarquable, avec peu de moyens et avec un grand dévouement.

Or les dispositions de l'article 24, en plus de restreindre excessivement les conditions d'octroi de plein droit d'un titre de séjour temporaire, laissent croire que l'ASE ne fait pas son travail et qu'il faudrait le contrôler, le vérifier pour voir s'il y a un vrai suivi et une formation sérieuse.

En outre, les preuves que vous exigez ne sont pas acceptables. Dans de nombreux pays d'Afrique ou d'Asie, il est extrêmement difficile, voire impossible, d'apporter la preuve qu'il n'y a plus de liens avec la famille d'origine. Quand, de surcroît, le pays est en guerre, comment prouver que vos parents ont disparu, qu'ils sont peut-être décédés ou qu'ils vous ont abandonné ?

On pourrait d'ailleurs considérer que le placement en ASE suppose la vérification de la rupture des liens familiaux, puisque c'est l'ASE elle-même qui éduque le jeune. C'est d'ailleurs dans ce sens que s'est prononcé le Conseil d'État, à travers sa décision du 21 avril 2000, considérant que tout mineur devenu majeur et qui témoigne de sa volonté d'intégration et de mener à bien des études pour accéder à une formation professionnelle doit bénéficier d'un titre de séjour de plein droit. En effet, à partir du moment où il a été confié à l'ASE, il est considéré comme n'ayant plus de liens permanents avec sa famille.

Enfin, ces dispositions marquent un immense recul pour les droits et les garanties des jeunes migrants isolés. Les structures qui s'occupent des migrants isolés ont déjà beaucoup de difficultés. Or les restrictions en matière de délivrance de titres de séjour auxquelles vont aboutir les mesures que vous préconisez vont leur imposer un travail supplémentaire pour lequel elles ne recevront certainement pas de moyens supplémentaires.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 172 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 351 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine

 

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 172.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement de repli tend à supprimer la condition relative à la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine.

Nous l'avons déjà dit, il est tout à fait impossible d'apporter la preuve de l'absence de quelque chose.

Par ailleurs, pourquoi voulez-vous exiger de ces jeunes, qui sont souvent sans nouvelle d'une famille dispersée, laquelle les a parfois abandonnés, d'une famille dont ils ont un vague souvenir, une absence totale de liens avec leur famille d'origine ?

Après une guerre civile par exemple, on vit dans l'espoir de retrouver de la famille, et il n'est pas impossible de la retrouver quinze ans ou vingt ans plus tard.

Les conditions que vous voulez imposer sont kafkaïennes. Elles démontrent en tout cas une parfaite méconnaissance des traumatismes lourds que peut subir une personne lors des troubles, des massacres qui secouent certains pays.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 351.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement n° 351 est également un amendement de repli car nous nous interrogeons, nous aussi, sur l'expression « la nature des liens ». De quels liens s'agit-il ? Dans quelles circonstances ces liens seront-ils de nature à faire obstacle à l'obtention d'un titre ?

Par ailleurs, nous souhaitons rappeler que le droit français dans son ensemble exclut la nécessité de la preuve d'un fait négatif, en considération de son caractère impossible à établir.

En outre, toute demande de présentation de documents prouvant le décès d'une personne proche introduirait une rupture d'égalité devant la loi.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 352 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 493 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le quatrième alinéa de cet article, supprimer les mots :

et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 352.

Mme Éliane Assassi. S'agissant des jeunes étrangers confiés à l'ASE, parmi les nouvelles conditions cumulatives requises désormais pour obtenir une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » figure l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de ces étrangers dans la société française.

La multiplication des conditions d'accès telles qu'elles sont formulées ici laisse à l'administration un large pouvoir d'appréciation et amoindrit de fait la notion de plein droit qui devrait gouverner la délivrance d'un tel titre de séjour.

Par ailleurs, comme nous l'avons déjà souligné, nous nous étonnons de l'utilisation de vocables différents dans ce projet de loi pour évoquer l'intégration des étrangers à la société. Sont évoqués pêle-mêle l'intégration, l'insertion, le respect des principes de la République. Comment peut-on s'y retrouver ?

Outre le fait qu'il s'agit de notions très floues, à la définition juridique plus qu'incertaine, je tiens à rappeler que les travailleurs sociaux n'ont pas vocation à se transformer en agents de contrôle au service de la politique migratoire engagée par le Gouvernement.

Cette demande est en totale contradiction avec les missions et l'éthique qui gouvernent la pratique sociale en France.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 493.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, votre projet de loi, article après article, ne cesse d'exprimer votre volonté de plonger l'étranger dans l'arbitraire le plus absolu.

En effet, vous le faites ici encore en donnant un poids exorbitant aux familles et aux structures d'accueil.

Vous refusez ainsi de reconnaître qu'il n'y a pas d'uniformité dans le traitement des structures d'accueil, chacune pouvant diverger d'une région à l'autre, d'une personne à l'autre. Des écarts considérables peuvent être observés d'une structure à une autre, l'une pouvant donner des avis négatifs là où une autre aurait donné des avis positifs.

De plus, exiger l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion des étrangers dans la société française est en totale contradiction avec les missions des travailleurs sociaux et l'éthique de la pratique sociale. Les travailleurs sociaux n'ont pas vocation à se transformer en agents de contrôle au service de la politique migratoire.

Enfin, un enfant placé dans une structure d'accueil peut se révéler parfaitement inséré, alors même qu'il sera confronté à des difficultés relationnelles ou à des désaccords avec les membres de la structure ou de la famille d'accueil.

Qu'en est-il de la stabilité du droit ? Où est l'équilibre, l'équité, la justice ?

Monsieur le ministre, je vous invite à tout mettre en oeuvre afin d'éviter que ne s'instaure une exception dans la règle de droit et donc à revenir sur les dispositions de cet article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 353 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 494 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le cinquième alinéa de cet article.

 

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 353.

Mme Annie David. Par cet amendement de repli, nous souhaitons supprimer le cinquième alinéa de l'article 24, introduit à l'Assemblée nationale à la suite du vote d'un amendement déposé par M. Alain Marsaud. Nous avons déjà évoqué cet alinéa précédemment. Je ne m'y attarderai donc pas.

Je tiens toutefois à préciser que cette disposition, qui a pour objet d'exclure du bénéfice de la carte de séjour de plein droit les étrangers qui ne résident pas habituellement en France avec leurs parents légitimes, naturels ou adoptifs, à l'exception de ceux qui sont confiés aux services de l'ASE a été adoptée à l'Assemblée nationale sans aucun débat. Il s'agit pourtant d'une disposition lourde de conséquences puisqu'elle entraîne un refus de séjour, à leur majorité, à des personnes vivant en France parfois depuis leur plus jeune âge.

Là encore, vous reprenez le leitmotiv de la lutte contre l'immigration clandestine, qui justifierait tous les abus de votre projet de loi, toutes les atteintes aux droits les plus fondamentaux de la personne humaine et à l'intérêt supérieur de l'enfant, car, il faut le rappeler, nous parlons ici de jeunes étrangers. Mais qu'importe pour vous, pourvu qu'à la fin de l'année vous atteigniez le chiffre des 25 000 reconduites à la frontière !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Bien plus, j'espère !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 494.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Lors des débats à l'Assemblée nationale, certains députés de la majorité ne se sont pas privés de proposer une série d'amendements extrêmement restrictifs en termes de droits et de libertés des migrants étrangers, y compris de ceux qui sont en situation régulière, car il y en a ! Tous les étrangers ne sont pas sans-papiers !

Le cinquième alinéa de l'article 24, issu d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, aggrave de façon inacceptable la situation des jeunes migrants qui ne résident pas habituellement en France avec leurs parents. Sont exclus de l'octroi d'un titre de séjour temporaire les mineurs isolés ainsi que ceux confiés à un parent - oncle, tante, frère, grande soeur -, et tous les jeunes qui ne sont pas pris en charge par l'ASE. Le Gouvernement les condamne ainsi à demeurer dans des situations de clandestinité quasiment non sujette à régularisation, donc dans une clandestinité illimitée.

Monsieur le ministre, avec une telle politique, vous allez obtenir le contraire de ce que vous annoncez. En même temps, vous continuez à alimenter toutes les catégories de « ni-ni », ceux qui ne sont ni expulsables, ni régularisables. En effet, ces jeunes mineurs que l'on ne pourra pas expulser, on ne voudra pas non plus les régulariser.

Il est temps de cesser de s'enfermer dans des dogmes et d'ouvrir les yeux sur la réalité.

M. le président. L'amendement n° 173, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

qui justifie, en outre, résider habituellement en France avec ses parents légitimes, naturels ou adoptifs

 

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Toutes ces dispositions relèvent d'un comportement maniaque, voire obsessionnel. Ainsi, pour pouvoir demeurer en France, le fait d'avoir un oncle ou une tante résidant dans notre pays ne suffira plus. Cet amendement tend donc à supprimer l'obligation introduite par l'Assemblée nationale, pour les jeunes arrivés en France avant l'âge de treize ans, de justifier qu'ils résident habituellement en France avec leurs parents légitimes, naturels ou adoptifs.

Selon les termes actuels du projet de loi, il n'est pas suffisant que ces enfants, qui ont pu être confiés à un oncle, une tante, une grande soeur ou à des amis de la famille, soient très certainement scolarisés. Ils doivent en plus résider avec leurs parents. Certes, le législateur, dans sa grande bonté, a accepté de prévoir que l'enfant réside avec son père ou sa mère, et non forcément avec ses deux parents. Mais cela ne va tout de même pas très loin.

Nous trouvons cette restriction tout à fait absurde. Pour ma part, j'ai souvent assisté à des audiences au tribunal de grande instance de Bobigny où de jeunes étrangers étaient assistés par leur oncle. Jusqu'à présent, cette pratique était considérée comme normale. Faudra-t-il désormais que les magistrats se plient à une nouvelle pratique maniaque ?

M. le président. L'amendement n° 354, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après le cinquième alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° À l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen suivre une formation française, dispensée soit par un organisme public soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État ; »

 

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a débouché sur une politique de l'immigration extrêmement répressive à l'égard des étrangers présents sur le territoire français.

L'orientation répressive de la loi a été accentuée par les déclarations successives du ministre de l'intérieur sur son souhait de voir augmenter considérablement le nombre des reconduites à la frontière pour atteindre, à la fin de cette année, le chiffre de 25 000 expulsions. Une telle politique du chiffre n'est évidemment pas sans conséquences, notamment sur les conditions de rétention des étrangers. Elle a également mis en lumière des cas problématiques de mineurs ou de jeunes majeurs étrangers, scolarisés en France mais menacés d'une reconduite à la frontière.

Ces élèves se trouvent dans une situation précaire, c'est le moins que l'on puisse dire. Chaque jour, l'actualité dévoile des situations dramatiques d'enfants arrachés à leur école, à leurs copains, à leurs enseignants, pour être renvoyés du territoire français.

Le plus souvent, ces enfants sont arrivés en France après avoir fui leur pays, car ils y étaient en danger. Certains sont des mineurs isolés et ne disposent pas de titre de séjour. La loi ne les oblige d'ailleurs pas à en posséder. D'autres vivent en France avec leurs parents, mais ceux-ci n'étant pas systématiquement en situation régulière, ils sont donc, eux aussi, menacés de reconduite à la frontière.

Avant la mise en oeuvre de la loi de 2003, ces jeunes pouvaient poursuivre leur scolarité normalement et obtenaient, le plus souvent, la régularisation de leur séjour en France, les préfectures prenant en compte leur situation familiale et scolaire, laquelle traduisait généralement une forte volonté d'intégration et d'établissement durable en France. Mais, depuis plusieurs mois, nous sommes confrontés à cette situation injuste et indigne d'un pays comme le nôtre, dans laquelle de jeunes étrangers, scolarisés en France, se trouvent sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière.

Dans tous ces cas, c'est l'intérêt et le droit à l'éducation des enfants qui sont bafoués, que ceux-ci soient en situation régulière ou non. Leur refuser ce droit n'est aujourd'hui pas justifié, d'autant plus que le nombre de mineurs isolés n'est pas aussi important que certains voudraient le laisser croire. Selon la Défenseure des enfants, on estime en effet entre 2 500 et 3 000 le nombre de mineurs étrangers isolés en France. Nous voulons permettre à ces jeunes de bénéficier d'une scolarité « normale », car ils font preuve d'une grande détermination à suivre leurs études en France et y envisagent, pour la plupart, leur avenir familial et professionnel.

C'est pourquoi il est nécessaire de leur accorder une protection, qui n'est aujourd'hui pas spécifiquement prévue par les textes. Au-delà des déclarations d'intention et des circulaires ministérielles, nous proposons d'inscrire ce principe dans le marbre de la loi. Et, afin de permettre à chacun de se prononcer librement et clairement sur cette proposition, nous demandons un vote par scrutin public.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 349, 171 rectifié et 491.

S'agissant de l'amendement n° 350, craignant que la suppression de la condition d'âge ne crée les conditions d'un appel d'air extrêmement fort, elle a émis un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 170, je rappellerai que les conditions mises à l'obtention de la carte de séjour par les mineurs ont pour but d'éviter que ceux-ci ne soient utilisés dans des filières d'immigration clandestine, ce qui pourrait provoquer un effet d'appel d'air. L'avis de la commission est donc défavorable.

La commission émet le même avis sur les amendements nos 492, 172, 351, 352, 493, 353 et 494.

L'amendement n° 173 est en partie satisfait par l'amendement n° 37 rectifié bis de la commission, aux termes duquel l'étranger doit simplement justifier qu'il réside en France avec un de ses parents et non avec les deux. L'avis est donc défavorable.

Enfin, l'amendement n° 354 vise à régulariser tous les mineurs ayant été scolarisés en France. Ce principe est contraire à l'esprit du projet de loi. En outre, des propositions ont été faites par le Gouvernement afin de régulariser un certain nombre de jeunes moyennant le respect de certaines conditions. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 349. La mesure que nous souhaitons prendre à l'égard des jeunes étrangers arrivés en France alors qu'ils étaient mineurs est protectrice. Elle tend en effet à délivrer de plein droit une carte de séjour aux jeunes étrangers isolés en France qui ont été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance et se sont inscrits dans un parcours d'insertion financé par les conseils généraux. Cette mesure nouvelle bénéficiera à peu près à 1 000 enfants qui, aujourd'hui, n'ont pas le droit d'obtenir des papiers à leur majorité.

Vous vous opposez donc à l'opportunité offerte à ces enfants de voir leur situation régularisée. Notre devoir est de donner un titre de séjour à ces jeunes, mais notre responsabilité est aussi de ne pas encourager le développement de filières incitant des jeunes de dix-sept ans non accompagnés à se rendre en France, avec en tête l'idée qu'ils seront automatiquement régularisés à l'âge de dix-huit ans.

C'est pourquoi nous précisons, de manière claire et équilibrée, les critères d'admission au séjour de ces jeunes : ils doivent être arrivés en France pendant l'enfance, au plus tard à l'âge de seize ans, suivre une formation avec sérieux, être insérés en France - ce dont témoigne l'avis positif de la structure d'accueil - enfin, ne plus avoir de liens avec leur famille restée dans le pays d'origine.

Le fait de remonter cette limite d'âge de seize à dix-sept ans, c'est-à-dire quasiment à la majorité, favoriserait le développement d'un certain nombre de filières de traite des êtres humains, de prostitution, etc.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La prostitution, ça commence avant seize ans !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous voulons des mesures protectrices et le projet de loi a pour but de respecter la dignité de tous ceux dont nous souhaitons favoriser l'installation dans notre pays. Apparemment, cette vision n'est pas la vôtre... Pour notre part, nous sommes très fermes parce que nous défendons une position humaniste.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 37 rectifié bis ; la précision rédactionnelle qu'il tend à apporter est très utile.

L'avis du Gouvernement est défavorable sur les amendements nos 171 rectifié, 491 et 350, pour la raison déjà invoquée à propos de l'amendement n° 349. L'âge de seize ans est le dernier palier avant l'âge adulte. Si le seuil retenu était fixé à dix-sept ou dix-huit ans, nous régulariserions des jeunes arrivés en France quasiment à l'âge adulte et non plus seulement des enfants. La suppression de toute condition d'âge reviendrait à régulariser de nombreux mineurs non accompagnés de plus de seize ans et donc à favoriser l'existence de filières d'immigration clandestine.

Je m'étonne d'ailleurs, madame Boumediene-Thiery, que vous ayez utilisé, dans la défense de votre amendement, des arguments qui n'avaient rien à voir avec celui-ci. Vous avez ainsi évoqué, de façon totalement déplacée, la double peine. Or la suppression de la double peine est une réalisation de la majorité actuelle, tandis que vous et vos amis en avez parlé pendant des années sans rien faire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l'avez rétablie immédiatement !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous avons abrogé près de 900 arrêtés d'expulsion d'étrangers qui avaient payé leur dette à la société. Contrairement à vous, nous faisons ce que nous disons ! Vous avez donc utilisé un très mauvais argument.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si vous voulez des exemples de doubles peines, j'en connais !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. En ce qui concerne le projet de loi qui nous occupe, nous ferons ce que nous avons dit, comme cela a toujours été le cas jusqu'à présent.

Monsieur Mermaz, vous avez défendu l'amendement n° 170 dans les mêmes termes que Mme Boumediene-Thiery l'amendement n° 492 ; le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Vous souhaiteriez que tous les jeunes étrangers admis à l'aide sociale à l'enfance bénéficient, à leur majorité, d'un titre de séjour. Monsieur Mermaz, nous aussi : c'est notre objectif, mais nos approches au service d'un même objectif sont totalement différentes !

Vous proposez de supprimer tous les critères d'insertion et de liens avec la France, et donc de donner un titre de séjour à tous ces jeunes quel que soit leur comportement. Pour notre part, nous entendons leur adresser un message clair : oui, vous pourrez bénéficier d'un titre de séjour à votre majorité, mais celui-ci ne vous sera accordé que si vous avez suivi votre formation avec sérieux et si la structure qui vous a accueilli estime que vous avez fait des efforts pour vous insérer en France.

Je l'ai rappelé tout à l'heure à M. Sueur, il faut instituer une notion de mérite. Nous savons ce que sont les structures d'aide sociale à l'enfance et ce qu'est le difficile métier d'éducateur dans ce secteur. Les éducateurs sont mieux placés que quiconque, monsieur Mermaz, pour donner un avis et nous dire si, oui ou non, l'adolescent de moins de dix-huit ans a fait les efforts nécessaires pour qu'à l'âge de dix-huit ans il puisse bénéficier automatiquement d'une autorisation de séjour, ce qui, à ce jour, ne lui est pas permis.

M. Louis Mermaz. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous en prie, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Louis Mermaz. Monsieur le ministre, à propos de toutes les dispositions, on nous dit qu'elles sont prises dans l'intérêt des étrangers et notamment des jeunes. C'est plein de bons sentiments, mais, quand on y regarde de plus près, on constate que l'empilement de conditions à satisfaire est tel que, pour en bénéficier, il faut accomplir un véritable parcours du combattant.

Les obstacles et difficultés sont tels que, pour mériter de se voir appliquer un des articles de la loi, il faut, comme on dit familièrement, « se lever de bonne heure ». On a pu s'en rendre compte à propos de cette affaire qui soulève beaucoup d'émotion à travers la France, à savoir la possibilité de rester sur le territoire national pour les enfants scolarisés menacés d'expulsion à partir du 4 juillet, jour de la fin des classes, affaire qui a pu faire apparaître le ministre comme étant d'une extraordinaire générosité - même un journal du soir y a été sensible ! - alors que, si l'on examine les conditions qu'il faut remplir, on voit que très peu nombreux seront ceux qui bénéficieront de cette « générosité ».

Il en va toujours ainsi : quand on entre dans le détail, on s'aperçoit que toutes les mesures sont à l'opposé de la générosité affichée, et c'est bien ce qui est grave.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Mermaz, permettez-moi de vous dire que, non seulement nos intentions sont généreuses,...

M. Louis Mermaz. Tant mieux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Intention n'est pas action !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...mais qu'en plus, nous démontrons systématiquement qu'une fois encore nous appliquons les dispositifs que nous mettons en place.

Je vais répondre très précisément à la question que vous évoquez, qui fait d'ailleurs l'objet du dernier amendement de cette série, car nous ne nous laissons pas, nous, bercer de belles paroles : nos engagements sont suivis d'actes précis, et vous allez une fois de plus en avoir la démonstration.

Au demeurant, je m'étonne beaucoup du tour qu'a pris la discussion sur tous les sujets cet après-midi, alors que la semaine dernière s'est achevée sur un débat très constructif : il n'était plus question pour vous, mesdames, messieurs de l'opposition, de vilipender systématiquement ce projet de loi, et vous avez fait un certain nombre de propositions, que nous avons d'ailleurs retenues.

Mme Éliane Assassi. Ah bon ?...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Et maintenant, vous présentez l'action du Gouvernement comme totalement absente de tout sentiment humanitaire.

Mme Bariza Khiari. C'est sûr !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Selon vous, nous serions d'abominables liberticides, sectaires à l'égard de l'immigration.

Pourtant, plus encore que les articles que nous avons examinés ensemble la semaine dernière, les articles que nous discutons aujourd'hui reposent sur une profonde humanité. Jamais il n'avait été fait autant pour que les étrangers que nous accueillons chez nous bénéficient du respect qu'ils méritent.

Votre réaction, monsieur Mermaz, est encore très modérée, mais je m'étonne que certains aient profité de l'occasion pour tenir des propos indignes d'un sénateur de la République. Si j'additionne les affirmations énoncées aujourd'hui par Mme Cerisier-ben Guiga, je dois en conclure que tous les policiers, tous les sapeurs-pompiers seraient des travailleurs clandestins,...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je n'ai jamais dit cela !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...que tous les Français installés aux États-Unis seraient en situation irrégulière !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le mensonge est dans le « tous » !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pour vous, madame Cerisier-ben Guiga, la France, pour être un grand pays généreux, devrait avoir pour règle, inscrite dans notre droit, d'admettre que chacun y puisse venir clandestinement et irrégulièrement !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La caricature ne prend pas, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est ce que vous n'avez cessé de dire, madame Cerisier-ben Guiga !

Vos propos seront retranscrits dans le compte rendu et je n'ai aucun état d'âme à y faire référence tant j'ai été outré parce que vous avez pu dire de certains de nos concitoyens, d'hommes et de femmes engagés au service des lois de la République et qui, dans leur métier, se dévouent au quotidien pour les faire respecter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trop, c'est trop !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interrompre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous en prie, madame le sénateur.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, j'estime que je suis mise en cause d'une façon outrancière. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Vous ajoutez systématiquement « tous » quand j'ai dit « il y a des cas » ; j'ai dit, en effet, qu'à New York, où je vais assez fréquemment, je rencontre chaque fois des irréguliers...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Et vous récidivez !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Bien sûr ! Nous avons, nous aussi, des irréguliers !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. M. Doligé vous a demandé cet après-midi de vous expliquer...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et des policiers « ripoux », nous n'en avons pas ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...et de fournir des éléments précis,...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Vais-je aller dénoncer mes voisins, dénoncer tous ceux qui utilisent de la main-d'oeuvre clandestine ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...car je trouve vos propos indignes d'un sénateur de la République !

La pire des choses, madame le sénateur, est de laisser entendre, en parlant de « certains cas », que tout le monde pourrait être concerné ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça, c'est vous qui le dites !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, c'est faux !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Quand on s'engage dans une telle voie, on donne des éléments précis !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est vous qui généralisez ! Moi, je n'ai jamais employé le mot « tous ».

Mme Annie David. C'est incroyable !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je constate en tout cas que vous êtes en grande difficulté...

M. Bernard Frimat. C'est ridicule !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. S'agissant des amendements identiques nos 172 et 351, je ferai remarquer que la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine est un critère classique que la jurisprudence du Conseil d'État retient couramment pour l'attribution des diverses cartes « vie privée et familiale ».

Le critère devra, comme toujours en ces matières délicates, être apprécié au cas par cas, avec bon sens et humanité.

Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 352 et 493, l'avis est défavorable. Comme je l'ai déjà dit à propos des amendements nos 170 et 492, nous assumons totalement l'idée que la structure d'accueil qui connaît le jeune étranger et qui l'a suivi pendant quelques années donne un avis sur son insertion en France et que cet avis conditionne la délivrance du titre de séjour. Nous récompensons ainsi les jeunes qui font l'effort de s'insérer, nous donnons un droit au séjour à ceux qui respectent leurs devoirs.

Le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements nos 353 et 494 non plus qu'à l'amendement n° 173. Leurs auteurs souhaitent que tous les étrangers arrivés en France avant l'âge de treize ans bénéficient automatiquement à leur majorité d'une carte de séjour quels que soient les liens de parenté qui les unissent aux personnes avec lesquelles ils ont résidé. Je comprends l'intention généreuse qui les anime, mais elle me paraît insuffisamment éclairée.

L'alinéa qu'il est proposé de supprimer et que l'amendement n° 37 rectifié bis de la commission réécrit de manière très claire a été introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative de M. Marsaud pour lutter contre les phénomènes de détournement que M. le rapporteur a parfaitement exposés en présentant son amendement.

J'ajoute que le dispositif d'admission exceptionnelle au séjour que nous créons par ailleurs à l'article 24 bis permettra de prendre en compte, au cas par cas, des situations qui ne répondraient pas à ces critères. À titre humanitaire, ces situations pourront toujours être régularisées : je le répète, la « soupape » existe.

Enfin, l'amendement n° 354, défendu par Mme David au nom du groupe CRC, va me permettre de répondre aux sous-entendus de M. Mermaz sur la régularisation de parents d'enfants scolarisés, puisqu'il prévoit la délivrance automatique d'une carte de séjour à tous les jeunes étrangers scolarisés. C'est une mesure d'apparence généreuse, mais, du fait de sa généralité, elle serait totalement irresponsable. Le Gouvernement y est, bien évidemment, défavorable.

La logique que suit celui-ci est équilibrée.

D'une part, il serait irresponsable d'être le seul pays au monde - je dis bien le seul - où la scolarisation d'un enfant donnerait, sans autre critère, automatiquement un droit au séjour. Il suffirait alors d'entrer en France illégalement et d'y faire scolariser un enfant le lendemain pour avoir droit à un titre de séjour ! Ce serait favoriser la création d'une nouvelle filière d'immigration clandestine, et même la gauche, entre 1997 et 2002, n'y avait pas songé...

D'autre part, nous avons conscience de ce que, dans certaines situations, il serait inéquitable de ne pas envisager une admission au séjour pour des jeunes majeurs scolarisés ou pour les parents de mineurs scolarisés.

C'est dans cet esprit que le ministre d'État, comme il s'y était engagé mardi dernier devant la Haute Assemblée, a donné des instructions, par une circulaire - je l'ai ici - signée aujourd'hui et qui leur sera adressée dès demain matin, à tous les préfets.

Dans les deux mois qui viennent, les familles ayant un enfant scolarisé depuis l'année scolaire 2005-2006 sont invitées à se présenter dans les préfectures.

Première mesure, ces familles se verront d'abord proposer une aide au retour...

Mme Éliane Assassi. Comme c'est généreux !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...exceptionnelle, d'un montrant très élevée puisqu'elle représentera le double du pécule de l'aide au retour normale, soit 7 000 euros pour un couple, 2 000 euros par enfant mineur jusqu'au troisième, puis 1 000 euros par enfant supplémentaire.

Deuxième mesure, dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation, les préfets pourront admettre au séjour certaines de ces familles dans l'intérêt des enfants. Ainsi, dès lors que les critères qui figurent dans la circulaire et que je vais énoncer sont remplis, on régularise la situation des parents, ce qui règle automatiquement la situation des enfants.

Ces critères sont les suivants : l'enfant est scolarisé au moins depuis septembre 2005 ; l'enfant est né en France ou y est arrivé en bas âge, à treize ans au plus ; la famille manifeste une réelle volonté d'intégration, caractérisée notamment par la scolarisation des enfants, leur maîtrise du français, le suivi éducatif des enfants, le sérieux de leurs études et l'absence de troubles à l'ordre public.

Telle est la réponse équilibrée, nuancée pour tenir compte de la complexité de la question qui nous est posée, que nous apportons aujourd'hui à l'ensemble de ces familles et de ces enfants.

Nous refusons la logique d'automaticité qui est celle de l'amendement n° 354, car nous refusons de créer une nouvelle filière d'immigration irrégulière, mais, dans le même temps, nous ouvrons la porte à des admissions exceptionnelles au séjour pour tenir compte d'exigences humanitaires dans l'intérêt des enfants. Reconnaissez, monsieur Mermaz, que la position du Gouvernement est une position juste, ferme, équilibrée, qui revêt une véritable dimension humaine, pour les enfants et pour leurs familles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 349.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 171 rectifié, 491, 350, 170, 492, 172, 351, 352, 493, 353, 494 et 173 n'ont plus d'objet.

La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote sur l'amendement n° 354.

M. Éric Doligé. Nous avons entendu un certain nombre de choses assez surprenantes.

Vous passez votre temps, mes chers collègues de l'opposition, à stigmatiser notre pays. Vous dites sans cesse : « c'est indigne de la France ! » Sachez que les propos qui sont tenus ici sont entendus à l'extérieur et que nous ne sommes pas là pour qualifier de la sorte notre pays, qui est l'un des plus généreux en la matière.

J'ai entendu dire à plusieurs reprises que les agents de l'ASE n'avaient pas pour mission de faire du contrôle, pas plus d'ailleurs que les inspecteurs du travail ou les préfets, à qui on demande de ne pas entrer dans un système de contrôle pour éviter de créer des inégalités d'un département à l'autre. Personne ne devrait contrôler quoi que ce soit dans ce pays ! C'est ce que M. le ministre qualifiait, à mon sens avec raison, d'ultra-libéralisme : on ne contrôle plus rien, et entre qui veut.

Comment les choses se passaient-elles avant ? Il y avait des filières.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi ? Elles n'existent plus ?

M. Éric Doligé. Tout à l'heure, j'ai écouté avec beaucoup d'attention mon collègue Sueur, élu du même département que moi. Pour avoir été maire d'Orléans, il sait bien comment cela se passait : on se retrouvait tous les soirs avec 1 500 à 2 000 sans-papiers à loger à l'hôtel. Ils débarquaient dans le département avec trois adresses qui correspondaient à des filières. Ils se disaient que l'on pouvait venir comme on voulait dans cette ville. Progressivement, ils ont été de plus en plus nombreux à suivre ces filières, et la prostitution a dépassé tout ce que l'on pouvait imaginer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La prostitution se porte bien !

M. Éric Doligé. Cela se passait sur le quai du Roi. C'était « royal », disait-on à l'époque. La situation étant devenue insupportable, on a commencé à organiser des contrôles.

M. Bernard Frimat. Qui « on » ?

M. Éric Doligé. L'état, évidemment ! Il y a un an, entraient dans la ville d'Orléans quarante personnes en situation irrégulière. Aujourd'hui, n'entrent plus dans le département du Loiret que quatre personnes par semaine, parce que l'État contrôle, suit, fait attention.

On se retrouve maintenant avec environ 500 à 600 personnes à loger. De ce fait, l'ASE peut s'occuper un peu mieux des cas véritablement difficiles. Autrefois, de nombreux enfants sans parents entraient dans le département par le biais de filières ; on les remettait à l'ASE. Aujourd'hui, on arrive à peu près à contrôler ces jeunes, à s'occuper d'eux. Avec le présent texte, on pourra leur offrir des perspectives qu'ils n'avaient pas avant.

Au lieu d'afficher de la générosité en parole, il faut pratiquer la générosité sur le terrain, ce que nous faisons tous les jours, contrairement à certains qui ne songent qu'à faire pleurer dans les chaumières. Nous, nous sommes sur le terrain pour nous battre et trouver des solutions pour ceux qui le méritent.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez d'opposer ceux qui sont sur le terrain et ceux qui seraient dans je ne sais quelle stratosphère... Mon cher collègue, cela fait très longtemps que la traite des êtres humains est interdite, figurez-vous ! Comment se fait-il qu'il était impossible de poursuivre les filières dans le passé alors qu'on peut le faire maintenant ?

Il n'y a plus de filière, dites-vous, et malgré tout vous nous demandez de voter une loi qui va aggraver la situation de tous les étrangers sur le territoire !

De caricature en caricature, on en arrive à faire croire que l'on peut entrer dans notre pays comme dans un moulin et que des hordes d'étrangers ont envahi la France. Je dis que c'est faux, et vous n'êtes pas en capacité de prouver le contraire.

Monsieur le ministre, compte tenu de la circulaire que vous nous avez annoncée et qui est signée, paraît-il, vous devriez être favorable à notre amendement.

Croyez-vous vraiment que nous pensions qu'il faut régulariser les parents de faux enfants scolarisés qui ne veulent rien faire à l'école, de mauvais parents qui sont venus exprès avec leurs enfants pour les inscrire à l'école afin de pouvoir rester en France ? Franchement, vous nous prenez pour des idiots !

En fait, vous avez changé les termes de la circulaire par rapport au moment où elle a été annoncée à grand fracas dans la presse. Alors, il ne s'agissait que des enfants nés en France, maintenant, vous ajoutez : « ou venus en France en bas âge jusqu'à treize ans ».

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Retirez donc votre amendement, il n'est plus légitime !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais non, c'est le contraire ! Vous devez y être favorable maintenant puisqu'il est tout à fait dans la ligne de votre circulaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 354.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 203 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 119
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 355 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 478 rectifié est présenté par M. Pozzo di Borgo.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 3° de cet article.

 

La parole est à Mme Annie David, pour défendre l'amendement n° 355.

Mme Annie David. Le troisième alinéa de l'article 24 abroge la possibilité de régulariser les sans-papiers qui résident habituellement sur le territoire depuis plus de dix ans ou de quinze ans si, au cours de cette période, ils ont résidé en tant qu'étudiant.

Cette disposition a bien évidemment suscité de nombreux débats à l'Assemblée nationale, mais, surtout, de l'inquiétude au sein des associations de défense des droits des étrangers.

Loin de constituer une prime à l'irrégularité ou une récompense à une violation prolongée de la loi de la République, cette possibilité de régularisation est une preuve de la reconnaissance des attaches personnelles nouées par un étranger ayant vécu et travaillé en France. Elle n'est que la prise en compte des dix années passées sur notre territoire dans une situation précaire et difficile. La supprimer revient à condamner les étrangers concernés à la précarité sans aucun espoir de voir leur situation se régler. C'est les soumettre à une très grande précarité en matière de travail. Les employeurs peu scrupuleux continueront de disposer ainsi d'une main d'oeuvre corvéable à merci, totalement dépourvue en matière de protection sociale et d'accès aux soins.

Revenir sur cette disposition ne semble pas plus justifié au regard des chiffres. N'oublions pas que le nombre d'étrangers n'a pas augmenté depuis trente ans et que le nombre de personnes concernées par la régularisation au bout de dix ans a toujours été compris entre 2 500 et 3 000. Nous sommes donc loin d'une vague incontrôlable d'immigrés clandestins qui envahiraient la France.

Dans ces conditions, rien ne justifie l'abrogation d'une disposition voulue par Jean-Louis Debré en 1997, à la suite de la grève de la faim de sans-papiers à l'église Saint-Bernard. Si cette abrogation est maintenue, il y a fort à parier que d'autres événements de ce genre ne manqueront pas de se multiplier.

Le vendredi 9 juin, Le Figaro a publié un sondage dans lequel 63 % des Français se montraient favorables à la régularisation automatique des immigrés vivant en France depuis au moins dix ans. Même si cela n'a pas de rapport direct avec le texte, j'ajouterai que, dans ce même sondage, 68 % des Français se déclaraient favorables à l'octroi du droit de vote pour les élections municipales à tous les étrangers vivant en France depuis au moins dix ans. Or, parmi ces 68 %, 54 % se disaient sympathisants de droite.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour défendre l'amendement n° 478 rectifié.

M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement étant identique à celui que propose le groupe CRC, on va peut-être se demander si l'UDF ne cherche pas à s'entendre avec les communistes ! Eh bien, je tiens à réaffirmer avec force que, pour ma part, je suis un sénateur UDF qui se sent bien au sein de la majorité, même si j'aime discuter et dire ce que je pense. (Sourires sur les travées du groupe CRC.) Dois-je vous rappeler, chers collègues communistes, que je n'ai pas voté avec vous au Conseil de Paris ?

Au demeurant, je le précise, j'ai tenu à déposer cet amendement à titre personnel et ce n'est absolument pas mon groupe qui m'a incité à le faire.

J'estime en effet que cette disposition ne répond pas aux préoccupations actuelles et peut être analysée comme un pas en arrière, contraire à nos traditions, notamment à celle qui fait de notre pays une terre d'asile ; mais tout cela a déjà été dit au cours de la discussion générale.

Il s'agit en fait de revenir à la législation en vigueur, c'est-à-dire à l'application de l'article L.313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet la régularisation de l'étranger après dix ans de présence sur le territoire hexagonal.

Monsieur le ministre, mon propos n'est nullement d'encourager la clandestinité des étrangers, mais d'ouvrir les yeux sur des situations que l'on connaît bien à Paris, peut-être plus, d'ailleurs, que dans d'autres départements ou d'autres villes.

Personnellement, je suis pour une très grande sévérité en matière d'entrée des étrangers, et je soutiens les mesures que vous prenez en ce sens. Toutefois, compte tenu de l'arsenal juridique, administratif et policier qui existe actuellement en France, rares sont ceux, me semble-t-il, qui peuvent échapper quotidiennement aux contrôles : un ticket de métro validé, par exemple, permet de savoir à quelle heure exactement une personne est entrée dans telle station ; de même, l'utilisation d'une carte de crédit permet de savoir que son détenteur se trouvait à telle heure à tel endroit. Quand, voilà quarante ans, je lisais le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley, j'étais loin d'imaginer que la réalité actuelle irait bien au-delà ! Et cela est vrai aussi bien en France que dans tous les pays occidentaux.

Dès lors, comment concevoir qu'un étranger présent dans notre pays pendant dix ans puisse, tout ce temps, échapper à des contrôles, policiers ou autres ? Si tel est le cas, c'est qu'il y a incurie ou, pour le moins, manque d'efficacité de ces contrôles ! Disons-le franchement, c'est qu'il y a faillite du système !

Je suis certes élu d'un quartier bourgeois de Paris, mais je connais tout de même beaucoup de cas de gens en difficulté, et notamment des étrangers, qui sont tout à fait sérieux, qui travaillent.

Mettez-vous un instant à la place de ces étrangers qui sont présents en France depuis dix ans : il faut bien qu'ils aient l'espoir de voir s'améliorer leurs conditions de vie, qui, jusque-là, ont été difficiles, stressantes. Car il faut savoir ce que représente la moindre sortie en ville pour ceux qui vivent dans la clandestinité, sans cesse aux aguets, dans la crainte d'un éventuel contrôle de police : leur vie sociale est réduite à néant, alors qu'ils sont souvent chargés de famille.

En vérité, leur angoisse permanente est préjudiciable à leur propre équilibre, mais aussi à celui de la société tout entière.

De telles situations ne peuvent que perturber le pacte social et nous nous devons donc de trouver des solutions à ces problèmes. Le retour à une vie normale est une priorité pour tout être humain

Or le dispositif voté par l'Assemblée nationale tendant à supprimer la régularisation au bout de dix ans ne permet pas d'aboutir à ce résultat. Je suis désolé de le dire, monsieur le ministre, mais le système proposé dans le présent projet de loi est encore bien pesant, pour ne pas dire kafkaïen !

En effet, certains étrangers qui vivent dans les conditions que j'ai décrites pendant dix ans s'entendront dire, au bout de ce délai, qu'une commission est enfin prête à examiner leur cas. De grâce, monsieur le ministre, un peu de « classe » ! Vous n'êtes pas le chef de bureau d'une préfecture qui, seul dans son coin, s'inquiète et a peur des étrangers ou adopte une sorte de morgue aristocratique. Encore une fois, les gens dont je parle sont là depuis dix ans. En Amérique, pour reprendre l'exemple que vous avez mentionné, on tire au sort les attributaires de visa ! Or, très souvent, les bénéficiaires de ce système s'intègrent parfaitement.

Si, comme je le propose, on revient à la régularisation automatique au bout de dix ans, l'énergie que l'étranger aura déployée pour se cacher pendant tant d'années pourra alors être consacrée à une bonne intégration à nos règles de vie et à notre culture.

Sans avoir pu participer à l'ensemble des débats, monsieur le ministre, j'ai tout de même l'impression que le Gouvernement, à travers ce texte, ne mesure pas à quel point l'intégration des étrangers constitue un apport fantastique pour notre pays.

Je reviens, avec quelques collègues, d'un voyage en Afrique : je puis vous dire que ce n'est pas avec plaisir que certains Africains viennent chez nous. J'ai, notamment, passé dix jours en Afrique du Sud : personne, là-bas, ne m'a parlé d'émigration. Le problème auquel doit faire face l'Afrique du Sud, qui est un grand pays, est celui de l'immigration, tant il est vrai que beaucoup d'habitants d'autres pays d'Afrique souhaitent s'y installer.

Par ailleurs, si l'on tient compte du rapport de l'OCDE concernant le taux de croissance que devrait prochainement connaître l'Afrique, il n'est pas sûr que, dans dix ou douze ans, les Africains auront toujours envie de venir chez nous. Il ne faut pas oublier que, si les gens viennent en France, c'est parce qu'ils ne trouvent pas de conditions de vie acceptables dans leur propre pays.

J'ajoute, enfin, qu'ils représentent un important facteur de croissance pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n°  495, présenté par Mmes Boumediene- Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par le  3° de cet article pour le 3° de l'article  L. 313- 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

« 3° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J'adhère totalement à ce qui vient d'être dit.

Cet amendement de repli ne vise qu'à tenter d'atténuer les effets dévastateurs du dispositif que le Gouvernement veut mettre en oeuvre à travers ce projet de loi.

Oui, monsieur le ministre, nous avons l'impression que vous vous inscrivez dans une logique de surenchère, offrant des gages à la droite de votre droite. Or, s'agissant d'un texte d'une telle importance, je pense, pour ma part, qu'il est temps de se montrer un peu plus humain et de faire preuve de bon sens.

Nous l'avons rappelé à plusieurs reprises : la procédure de régularisation, qui est exceptionnelle, difficile et longue, concerne à peine 3 000 personnes, soit une infime partie de ceux qui se trouvent en situation irrégulière.

D'ailleurs, la régularisation « au fil de l'eau », selon l'expression consacrée, ne constitue en rien cette prime à la clandestinité dont vous parlez. Tout le monde ici pourrait vous le dire : aucune personne, que ce soit en Afrique, en Asie ou ailleurs, ne décide de manière délibérée de venir en France pour y demeurer dix ans dans la clandestinité, en proie à toutes les discriminations, à toutes les exploitations, dans l'espoir hypothétique - puisque la décision de la préfecture ne va nullement de soi - d'être régularisée un jour.

Il s'agit donc là d'une mesure tout à fait injuste et qui, même si elle est symbolique, en dit long sur votre état d'esprit.

La personne qui réside en France depuis plus de dix ans, voire parfois depuis quinze ans, a naturellement tissé des liens sociaux, privés, familiaux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement pour elle !

Mme Alima Boumediene-Thiery. J'évoquerai ici l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : sachant que les amis de la personne concernée, ses enfants, son ou sa partenaire, en un mot ses proches, vivent tous en France, cet article nous impose, à tout le moins, de conserver cette procédure exceptionnelle.

Je considère donc que la mesure qui nous est proposée est tout à fait contreproductive, ne faisant que s'inscrire dans la surenchère à laquelle je faisais allusion et que nous ne pouvons accepter.

Si elle est votée, tous les sans-papiers qui se trouvent actuellement sur notre territoire non seulement ne pourront être régularisés, faute de pouvoir justifier de dix années de présence sur notre sol, mais seront, dans le même temps, exclus de l'ensemble des critères, extrêmement restrictifs, contenus dans le présent projet de loi.

Par conséquent, vous êtes en train de les condamner à une irrégularité à perpétuité !

En conclusion, je voudrais revenir sur certains propos tenus, lors de son discours d'ouverture, par M. le ministre de l'intérieur. Ce dernier a, paradoxalement, cité les exemples de l'Espagne et de l'Italie, affirmant que c'était la politique de régularisation massive de ces deux pays qui était à l'origine des tentatives désespérées de certains migrants à Ceuta et Melilla.

Tout d'abord, nous avons pu constater que des gouvernements courageux, de droite ou de gauche, qu'il s'agisse, en Espagne, de celui de M. Zapatero - comme, hier, celui de M. Aznar - ou, en Italie, de celui de M. Prodi, ont procédé à de nombreuses régularisations. Or il a été démontré que, loin de créer un appel d'air, ces régularisations étaient nécessaires ; je pense, en particulier, à celles qui interviennent tous les cinq ans.

D'ailleurs, lors des auditions de la commission auxquelles j'ai assisté, en présence de M. le rapporteur, tous les spécialistes ont fait le même constat. Quant à certaines études, comme celle de Mme Wihtol de Wanden, elles attestent que de telles régularisations, outre qu'elles répondent aux considérations de dignité de la personne humaine et sont conformes aux clauses de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, profitent automatiquement à l'économie de notre pays en particulier et des pays d'accueil en général.

Monsieur le ministre, si des Africains risquent aujourd'hui leur vie sur les barbelés de Ceuta et de Melilla ou en Méditerranée, lorsqu'ils tentent de débarquer aux îles Canaries, ce n'est pas parce que l'Espagne régularise massivement. Non, si ces damnés de la terre agissent ainsi, c'est simplement parce que l'Europe, qui est en train de se construire, tend à s'ériger en Europe forteresse, une Europe qui ne cesse de repousser toujours plus loin ses frontières et qui a choisi de laisser à d'autres États le soin de contrôler ces dernières.

Dès lors, comment voulez-vous que réagissent des Africains qui sont dans un dénuement total - et cela, notamment, parce que nous, Européens, non contents de piller leurs richesses, soutenons les dictateurs qui les oppriment ! - quand des enclaves telles que Ceuta et Melilla les narguent avec leur mode de vie et leur consommation ? Comment, dans ces conditions, ces Africains ne tenteraient-ils pas à toute force de venir en Europe ?

C'est avec cette même force que je vous demande, monsieur le ministre, de vous libérer du poids des dogmes et de regarder la réalité en face !

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° de cet article pour le 3° de l'article L. 313- 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

« 3° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311- 3, dont l'un des parents est titulaire de la carte de séjour « compétences et talents » ou de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié en mission », ainsi qu'à l'étranger dont le conjoint est titulaire de l'une de ces cartes. Le titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié en mission » doit résider en France dans les conditions définies au dernier alinéa du 5° de l'article L. 313- 10; »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 355, 478 rectifié et 495.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 38 rectifié est un amendement de coordination, d'une part, avec l'amendement n° 20, proposé par la commission, tendant à préciser que la carte « vie privée et familiale » est délivrée au conjoint ou aux enfants d'un titulaire d'une carte portant la mention « salarié en mission », et, d'autre part, avec l'amendement n° 527, déposé par M. Portelli.

Il m'apparaît en effet nécessaire de préciser que le parent ou le conjoint titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié en mission » doit rester en France dans les conditions définies au dernier alinéa du 5° de l'article L.313- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Pour ce qui est des amendements n°s 355, 478 rectifié et 495, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Si j'ai bien compris le sens des amendements n°s 355 et 495, Mmes David et Boumediene-Thiery nous proposent la suppression ou la suspension de la suspension de la prime à la clandestinité !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il n'y a pas de « prime à la clandestinité » !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mais, madame Boumediene-Thiery, les Espagnols savent pertinemment, eux qui ont régularisé 570 000 clandestins au cours du premier semestre de 2005, que cela n'a fait qu'encourager des milliers de malheureux migrants africains à traverser le Sahara dans l'espoir d'obtenir des papiers en Espagne, avant qu'ils ne se heurtent aux barbelés de Ceuta et Melilla.

Quant aux Italiens, ils connaissent également bien le problème, eux qui régularisent des centaines de milliers de personnes tous les deux ou trois ans ; or cela ne les empêche pas d'avoir à accueillir de plus en plus d'étrangers, ce qui, de facto, implique toujours plus de régularisations. D'ailleurs, le nouveau gouvernement italien vient d'annoncer une nouvelle régularisation de 500 000 clandestins. C'est son choix ; ce n'est pas celui du gouvernement français.

Avec l'amendement n° 38 rectifié, monsieur le rapporteur, vous proposez la délivrance à certaines personnes de la carte de séjour « vie privée et familiale » sous certaines conditions et à la famille de l'étranger titulaire d'une carte portant la mention « salarié en mission ».

Le Gouvernement est très favorable à une telle disposition.

Enfin, monsieur Pozzo di Borgo, vous m'avez demandé d'être « classe » et de ne pas m'abaisser en quelque sorte au niveau d'un chef de bureau ! Personnellement, j'ai beaucoup de respect pour les chefs de bureau, ainsi que pour tous ces fonctionnaires qui effectuent un travail exceptionnel et difficile,...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... notamment dans le domaine qui nous occupe, et qui le font, permettez-moi de vous le dire, avec beaucoup d'humanité.

Cela étant dit, je vous remercie d'avoir précisé que le groupe UDF ne s'est pas associé à votre amendement. Et pour cause : celui-ci est totalement en contradiction avec l'amendement n° 116 rectifié que votre groupe présentera à l'article 24 bis et qui, lui, recueillera un avis favorable du Gouvernement.

Monsieur le sénateur, on ne peut à la fois être favorable à l'automaticité de la régularisation des étrangers en situation irrégulière - car telle est votre position - et proposer, comme le fait le groupe UDF dans l'amendement n° 116 rectifié, que les étrangers bénéficient non pas d'un droit à la régularisation, mais d'un droit à l'examen de leur situation par les commissions départementales du séjour des étrangers.

Eh bien, monsieur Pozzo di Borgo, je crois être « classe » en considérant que le groupe UDF répond ainsi à une exigence tout à fait légitime et, si j'ai un conseil à vous donner, c'est donc de vous rallier à l'amendement qu'il a déposé à l'article 24 bis.

M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, l'amendement n° 478 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Pozzo di Borgo. Il n'existe aucune contradiction entre l'amendement que je défends à titre personnel et celui qu'a déposé le groupe UDF, et que j'ai d'ailleurs moi-même signé !

J'espère simplement que l'amendement n° 478 rectifié sera adopté : on peut toujours rêver ! Dans le cas contraire, je me rallierai à la solution de rechange offerte par l'amendement n° 116 rectifié.

Toutefois, en mon for intérieur, je préférerais que nous mettions un terme à la situation que vivent ces étrangers et que nous leur disions tout net que, puisqu'ils sont présents et ont des papiers, ils peuvent rester.

Je maintiens donc l'amendement n° 478 rectifié, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Pozzo di Borgo, je veux vous éclairer et tenter de vous convaincre. Je suis très attentif à vos propos, comme d'ailleurs à ceux de tous les membres de la Haute Assemblée, sur quelque travée qu'ils siègent. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Comment, avez-vous dit tout à l'heure, un étranger en situation irrégulière pourrait-il passer dix années en France sans se faire interpeller au moins une fois par la police ou repérer, par exemple, à partir d'une carte de paiement ?

M. Robert Bret. Ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je ne sais pas si vous avez déjà visité un centre de rétention, comme les parlementaires y sont autorisés par la loi.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous y allons régulièrement !

Mme Éliane Assassi. Ne vous inquiétez pas pour nous !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. En tout cas, pour ma part, je les visite régulièrement, car je tiens à savoir comment les choses se passent.

Vous le savez, les étrangers sans papiers ou en situation irrégulière qui sont interpellés - et ils sont nombreux ! -, après avoir commis un délit ou non, d'ailleurs, sont nécessairement conduits dans les centres de rétention, où des investigations sont menées. Parfois, les enquêteurs parviennent à obtenir l'identité et le pays d'origine de l'étranger ; en effet, pour pouvoir prendre des mesures de raccompagnement, il est nécessaire d'obtenir du consul du pays d'origine la reconnaissance de la nationalité de l'intéressé.

Cependant, très souvent, les consuls eux-mêmes ne reconnaissent pas les étrangers, qui atteignent donc le terme du délai réglementaire de maintien en centre de rétention, puis sont remis en liberté, car il n'existe aucune autre solution, malheureusement. Trois, quatre ou six mois plus tard, les mêmes étrangers sont de nouveau interpellés et placés en centre de rétention, et les mêmes investigations sont menées, avec les mêmes résultats.

Il reste, monsieur Pozzo di Borgo, que, dans les filières de travail clandestin, il y a quelques étrangers qui parviennent à ne jamais être interpellés pendant la période de dix années.

M. Robert Bret. C'est la majorité des étrangers !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Toutefois, nombre d'entre eux sont régulièrement interpellés pendant cette période et, malgré cela, les autorités françaises sont totalement démunies, ne disposant d'aucun moyen pour les renvoyer dans leur pays d'origine.

Mme Éliane Assassi. Et alors ? On va les laisser dans cette situation ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Pozzo di Borgo, contrairement à ce que vous affirmiez tout à l'heure, il se peut qu'un étranger en situation irrégulière soit plusieurs fois interpellé, mais que nous n'ayons pas les moyens de le renvoyer dans son pays. Cela montre bien que notre législation n'est pas adaptée et c'est pourquoi nous souhaitons la modifier. Ce projet de loi a pour objectif d'apporter les solutions qui nous manquent.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 355 et 478 rectifié.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, vous venez de nous expliquer que même avec les dispositions du projet de loi que vous nous proposez d'adopter, vous ne pourrez renvoyer les étrangers dans leur pays d'origine !

La suppression de la règle des dix ans ne pourra s'appliquer : elle n'a pas de sens et, en tout cas, n'est pas cohérente avec la politique que vous préconisez.

Je crois que les arguments ont été clairement présentés.

Le 3° de l'article 24 du projet de loi ne vise pas à régler le problème de l'immigration. Au contraire, il vise à rejeter des gens qui ont travaillé et vécu pendant dix ans dans notre pays. Il me semble que vous repoussez leur main tendue.

Je considère en outre que, si la législation en vigueur a été appliquée pendant tant d'années par des gouvernements de gauche comme de droite, c'est qu'elle n'était pas si mauvaise, au fond.

En réalité, votre politique n'est que de l'affichage. Il s'agit pour vous de battre l'estrade, de montrer que vous êtes vraiment des « durs », d'alimenter, en lui donnant des fondements, la peur de l'étranger dans l'esprit de nos concitoyens, et tout cela dans la perspective de l'élection de l'an prochain !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Bien évidemment, les arguments de M. Yung sont irrecevables.

M. Bernard Frimat. Au contraire, ils sont excellents ! Ils sont d'une objectivité sans pareille !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Absolument pas, monsieur Frimat, et je vais vous en faire la démonstration.

Tout d'abord, vous le savez, dans la vie, il faut toujours faire preuve d'humilité, ...

M. Bernard Frimat. Exactement !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... et cela que l'on appartienne à un gouvernement de gauche ou de droite. Ce n'est pas parce que nous avons tous été dans l'erreur que nous devons persévérer !

Nous, nous avons décidé de ne pas persévérer et de nous accorder les moyens de lutter contre certaines situations qui ne sont plus acceptables pour notre pays.

Ensuite, contrairement à ce que vous avez affirmé, ce n'est pas seulement cet article du projet de loi qui nous permettra de gagner en efficacité, mais un ensemble de dispositions qui incluent la réorganisation de nos consulats et de la délivrance des visas.

Monsieur Yung, je vous le rappelle, en 2002, nous organisions 8 000 raccompagnements de clandestins par an ; à la fin de 2005, nous en étions à 20 000 et nous atteindrons probablement 25 000 en 2006. Cela signifie qu'il y a de moins en moins de clandestins qui se trouvent dans la situation que nous évoquons.

M. Pierre-Yves Collombat. Sauf si, ensuite, il en rentre plus sur notre territoire !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce résultat est imputable, notamment, à la mise en place dans tous nos consulats des visas biométriques, en accord avec nos partenaires de l'espace Schengen.

En effet, n'oubliez pas que la France n'est pas la seule à proposer de telles mesures en matière de délivrance de visas touristiques de moins de trois mois : ce sont tous les pays membres de l'espace Schengen qui ont décidé de mutualiser leurs moyens dans les consulats à l'étranger, à partir de la fin de l'année 2006 et du début de l'année 2007, afin que personne ne puisse passer au travers du dispositif mis en place.

Grâce aux visas biométriques, aux empreintes digitales ou à la photographie de l'iris de l'oeil, entre autres, les situations auxquelles nous sommes systématiquement confrontées aujourd'hui disparaîtront. Toutes les données ainsi recueillies sont d'ailleurs centralisées sur un fichier automatisé qui est installé à Strasbourg, puisque sa gestion informatisée a été confiée à la France.

Monsieur Yung, vous le voyez, votre argument ne tient pas un seul instant. Une nouvelle gestion de la délivrance des visas permettra, grâce à la biométrie, de mettre un terme au cas des étrangers clandestins installés depuis plus de dix ans en France.

Parallèlement, nous proposons pour ces derniers un traitement beaucoup plus humain : désormais, leur situation sera réglée au cas par cas, sans qu'il soit nécessaire d'attendre dix ans, alors que, jusqu'à présent, la régularisation était automatique au bout de dix ans.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Elle n'a jamais été automatique !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Boumediene-Thiery, en somme, vous demandez aux étrangers en situation irrégulière, auxquels s'applique la législation élaborée par M. Chevènement, ...

M. Pierre-Yves Collombat. Et la loi Sarkozy de 2003 !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... de surtout tenir pendant dix ans pour recevoir, en bout de course, la récompense d'une régularisation.

Pour notre part, nous leur déclarons que si, avant le terme de ce délai, c'est-à-dire au bout de trois, quatre ou cinq ans, ils sont en mesure de se conformer à certaines règles, nous pourrons les régulariser au cas par cas.

Dès lors que nous leur proposons un dispositif qui leur permettra d'être régularisés, notre démarche est beaucoup plus humaniste, généreuse et respectueuse de la place de l'étranger dans notre pays que celles que vous aviez mises en oeuvre par le passé. Ainsi, notre position et nos propositions sont beaucoup plus humaines que les vôtres.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour ma part, je ne crois plus aux contes de fées.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous non plus !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je constate que cette disposition du projet de loi revient à supprimer la « respiration » qui était laissée à des populations se trouvant en situation irrégulière. Je pense qu'elle n'a d'autre but que de satisfaire une opinion publique que vous croyez beaucoup plus hostile aux étrangers qu'elle ne l'est en réalité.

On peut, en général, dire : « Tous ces étrangers en situation irrégulière, c'est très mal, c'est criminel... » et, en pratique, à partir du moment où l'on connaît personnellement un étranger ou une étrangère qui se trouve dans cette situation, changer complètement d'attitude parce qu'on ne voit plus qu'un être humain dans la détresse.

Pas plus tard que la semaine dernière, à Lannion, ville très traditionaliste et catholique, la population s'est rassemblée sur la place principale afin de protester contre l'expulsion d'un étranger père d'un enfant français qui se trouvait en situation irrégulière et ne résidait pas en France depuis dix ans. Tout le monde s'est mobilisé autour de la mère et de l'enfant pour défendre le droit de ces gens à vivre en famille.

Du reste, il n'est pas surprenant que les associations chrétiennes aient dénoncé ces dispositions particulièrement inacceptables du projet de loi que vous nous présentez.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Monsieur le ministre, en quoi le nouveau dispositif proposé dans le projet de loi qui nous est soumis et le maintien de la régularisation automatique au bout de dix ans seraient-ils contradictoires ? En effet, rien n'empêche d'appliquer la nouvelle disposition qui nous est proposée et, en outre, pour les étrangers qui n'auraient pas été régularisés d'une façon ou d'une autre et seraient donc passés entre les mailles du filet, de prévoir une mesure automatique.

Je connais, dans ma commune, beaucoup de gens qui se trouvent dans cette situation.

M. Robert Bret. C'est la grande majorité des étrangers !

M. Hugues Portelli. Ils ne sortent pas tout juste des centres de rétention puisque je les croise tous les matins.

M. Robert Bret. Bien sûr ! Ils vont travailler et ils ont une famille !

M. Hugues Portelli. Croyez-moi, monsieur le ministre, ils résident en France depuis déjà au moins dix ans.

D'ailleurs, je peux vous raconter à ce sujet une anecdote assez significative. Récemment, dans ma commune, soixante-quinze sans-papiers squattaient un immeuble qui devait être détruit. On les a interpellés, et il est apparu que certains d'entre eux vivaient là depuis de nombreuses années. Une liste de noms a été dressée et le préfet a pu constater que, parmi eux, il s'en trouvait qui avaient été reconduits à la frontière voilà sept ou huit ans. Mais ils se promenaient toujours dans les rues de ma commune !

M. Robert Bret. En effet, les étrangers reviennent !

M. Hugues Portelli. Permettez-moi de prendre dix secondes pour raconter une anecdote. Après tout, vous parlez bien pendant des heures !

M. Bernard Frimat. Mon cher collègue, nous ne vous interrompons pas !

M. Hugues Portelli. Car l'histoire ne s'arrête pas là.

Chaque année, en liaison avec EDF, j'accueille les nouveaux arrivants dans ma commune. La mise en marche d'un compteur électrique est en effet la manifestation de leur arrivée. Or, cette année, j'ai vu des gens qui n'étaient pas tout à fait les « clients » que je reçois habituellement dans ces circonstances : mes sans-papiers ! (Sourires.) Ceux-ci avaient fait une demande d'installation de compteur électrique, et comme EDF n'a pas le droit de refuser, ils ont tous débarqué à la mairie, où nous les avons d'ailleurs reçus comme tous les autres.

Tout cela pour dire que les étrangers qui se trouvent en situation irrégulière depuis dix ans ou davantage ne sont pas tous des gens dont on n'arrive pas à connaître l'identité. Je puis vous affirmer que je connais parfaitement l'identité des étrangers qui se trouvent en situation irrégulière depuis plus de dix ans dans ma commune !

D'ailleurs, conformément à la loi toujours en vigueur, j'écris régulièrement à M. le préfet, voire à M. le ministre pour leur demander de régulariser ces personnes et de régler enfin leur situation.

M. Robert Bret. C'est ce que nous faisons aussi !

M. Hugues Portelli. Encore une fois, monsieur le ministre, en quoi le fait d'instaurer une procédure pour éviter d'attendre dix ans avant de régler une situation est-il incompatible avec le maintien de la régularisation automatique au bout de dix ans ? Nous devons conserver une attitude empreinte d'humanisme vis-à-vis des personnes qui, au terme de cette période, sont toujours en situation irrégulière sur notre territoire. Au reste, vous venez de nous le dire vous-même, l'importance de cette catégorie de la population ne fera que diminuer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. Bernard Frimat. Il est bien, ce M. Portelli ! (Sourires.)

M. Robert Bret. M. Pozzo di Borgo aussi ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je remercie notre collègue Hugues Portelli d'avoir prononcé des paroles de bon sens. En l'espèce, il s'agit effectivement d'une question de bon sens.

Monsieur le ministre, vous n'arrêtez pas de parler à la première personne du pluriel. Je suppose que ce « nous » englobe, sinon l'ensemble du Gouvernement, du moins le ministre de l'intérieur et vous-même.

Vous nous dites ne pas vouloir favoriser la clandestinité et promettre une « récompense » au bout de dix ans. Vous préférez privilégier un traitement individualisé des situations, au cas par cas, pour des personnes vivant en France depuis moins de dix ans et qui peuvent éventuellement être régularisées.

La régularisation de droit instaurée au bout de quinze ans, puis de dix ans, n'a jamais été motivée par la volonté de récompenser la clandestinité ! Tout à l'heure, vous avez ergoté sur la différence entre régularisation « de droit » et régularisation « automatique ». Aujourd'hui, la régularisation est bien de droit, mais elle est soumise à des critères relativement rigoureux ; il faut notamment prouver sa présence sur le territoire pendant dix ans. Par conséquent, ceux qui veulent tricher ont bien du mal à le faire !

Je le répète, il faut considérer les situations avec bon sens. Les personnes qui vivent clandestinement sur notre territoire pendant dix ans ont, de fait, échappé aux contrôles. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs été expulsées, puis sont revenues. Quoi qu'il en soit, que vous le vouliez ou non, elles ont tissé des liens avec notre pays et se sont intégrées puisqu'elles y vivent et y travaillent depuis dix ans. Bien que leurs conditions de travail et de logement soient évidemment tout à fait précaires, il n'empêche qu'en général leurs enfants sont scolarisés en France et que tous leurs amis y résident.

Eh bien, monsieur le ministre, le bon sens commande de reconnaître cette réalité ! Par la force des choses, les personnes concernées sont peu nombreuses. En effet, celles qui sont entre-temps retournées dans leur pays ou sont parties ailleurs avant de revenir en France ne remplissent pas les critères de régularisation. Pour les autres, au bout de dix ans de présence sur notre territoire, qu'elles ne quitteront vraisemblablement plus, il est normal de reconnaître qu'elles sont intégrées et qu'elles ont le droit d'y vivre normalement.

C'est la raison pour laquelle ce droit à la carte de séjour et à la régularisation a été instauré.

Monsieur le ministre, selon votre philosophie, la législation actuelle récompense la clandestinité. Mais ce n'est pas du tout dans ce sens que le dispositif a été créé. Revenons-en donc à l'esprit qui a présidé à son élaboration, car ce dispositif permet effectivement de régler des situations tout à fait anormales. En effet, vivre sans papiers, cela ne devrait pas exister !

M. Bernard Frimat. Voilà une vision humaniste !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous avez raison, madame Borvo Cohen-Seat : il ne devrait pas y avoir de sans-papiers en France, et tel est bien d'ailleurs notre objectif !

Imaginez la réaction des étrangers qui sont en France en situation régulière, avec des papiers, quand ils voient qu'ils finissent par être considérés de la même manière que ceux qui sont en situation irrégulière et sans papiers !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans ce domaine, la France doit tout de même envoyer un message clair.

Je vous remercie d'ailleurs, monsieur Portelli, de votre excellente question.

M. Charles Revet. Comme toujours !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous vous demandez ce qui empêche de concilier, d'une part, la régularisation au cas par cas des personnes qui se mettraient en règle dans un délai de moins de dix ans et, d'autre part, la régularisation automatique de celles qui se seraient maintenues en situation irrégulière pendant dix ans.

Je vous réponds très simplement : faire savoir que la France est un pays dont les règles permettent à tout étranger qui parvient à s'y maintenir en situation irrégulière pendant dix ans de bénéficier d'une régularisation de sa situation n'est pas le message idéal à envoyer au reste du monde.

M. Yves Pozzo di Borgo. Ce n'est pas vrai ! Vous êtes parano !

M. Robert Bret. Vous croyez à ce que vous dites, monsieur le ministre ?

M. Pierre-Yves Collombat. Dix ans, c'est énorme !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'esprit de notre texte, c'est de doter notre pays d'une immigration choisie, équilibrée, de montrer qu'il est à la fois ferme et juste. Au moment où nous devons expliquer qu'il y a des règles que chacun doit respecter et appliquer, il est normal de ne plus envoyer ce message selon lequel il suffit de tricher pendant dix ans pour pouvoir être régularisé ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Pourquoi « tricher » ? Pourquoi cette suspicion permanente ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment voulez-vous que les gens en situation précaire se projettent dix ans après ?

M. Robert Bret. C'est comme pour les membres du Gouvernement ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, nous sommes en train de procéder sur le sujet qui nous occupe à ce qu'on appelle un screening.

Je sais bien que vous avez reçu pour instruction de répéter que ce projet de loi était ferme, juste et équilibré. De notre côté, chaque fois que vous reprendrez cette antienne, nous ne manquerons pas de vous répondre que ce texte est inique et déséquilibré, qu'il contient des propositions scandaleuses et anti-humanistes, bref, qu'il nous déplaît souverainement. Nous sommes d'ailleurs prêts à faire un concours de répliques avec vous !

Pour en revenir au problème posé, si nous avons de nettes différences d'appréciation avec notre collègue Hugues Portelli, nous considérons que son témoignage en tant que maire manifeste une bonne appréhension du problème. En effet, monsieur le ministre, il faut prendre l'exacte mesure de la réalité des chiffres : il n'y a que 3 000 régularisations par an !

Croyez-vous vraiment qu'au fin fond de l'Afrique des gens se disent : « Voilà la solution à nos problèmes ! Il suffit d'aller vivre en France pendant dix ans. Passé ce délai, si nous réussissons à prouver notre présence sur le territoire pendant ces dix années, si notre dossier est accepté, nous aurons de bonnes chances d'être régularisés ! » ?

Croyez-vous vraiment que ces 3 000 régularisations par an peuvent constituer une menace pour les 62 millions d'habitants de notre pays ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sidérant !

M. Bernard Frimat. En fin de compte, votre argumentation tombe d'elle-même si nous nous plaçons sur le plan quantitatif.

Sur ce dossier, il s'agit tout de même d'avoir un peu d'humanité. Je vous l'accorde, car vous l'avez largement démontré, ce projet de loi n'en contient pas une once ! Au contraire, vous avez voulu un texte d'affichage, pour envoyer un message.

Du reste, ce message n'est pas adressé à l'Afrique. En réalité, vous nous mettez en garde : « Attention, il n'y a plus d'appel d'air ! Nous serons fermes : tel Zorro, nous résisterons, nous serons partout sur le pont, en permanence, pour combattre les irrégularités. Vous allez voir ce que vous allez voir ! Pendant cinq ans, s'il le faut, nous ne tolérerons pas la moindre situation anormale ! » Tel est votre seul message : nous n'aimons pas les étrangers.

MM. Jean-Guy Branger et Jean-Patrick Courtois. Mais non !

Mme Bariza Khiari. Ce n'est pas digne de la France !

M. Bernard Frimat. Et c'est à nous que vous l'envoyez. Nous sommes en profond désaccord avec vous, car une telle attitude, comme vient de le dire ma collègue Bariza Khiari, n'est pas digne de la France.

Que mon langage vous déplaise, j'en suis ravi ! Pour marquer notre désaccord, nous allons occuper de plus en plus le terrain, parce que nous attendons autre chose de la France, car nous avons tous nos histoires personnelles et nos propres expériences.

Comme d'autres ici, j'ai enseigné dans un certain nombre de ces pays d'émigration. En France, j'ai eu pour étudiants des ressortissants de ces mêmes pays. L'image qu'ils avaient de la France n'était pas celle d'un pays qui les refusait. Au contraire, ils considéraient la France comme un pays porteur de certaines valeurs. Je conclurai donc en reprenant une boutade que j'ai entendue dans la bouche de l'un d'eux : « Si on m'expulse, je m'en irai... avec les oeuvres de Voltaire ! » (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Malgré de nettes différences d'appréciation, il nous est arrivé de tomber d'accord sur un certain nombre de sujets, parce que cela relevait du simple bon sens. Ainsi, à la suite de la proposition de notre collègue Jacques Pelletier sur le visa de long séjour, nous avons réussi à trouver un système tel que, en cas de mariage mixte, le conjoint étranger ne soit pas obligé de retourner dans son pays pour se voir délivrer ce document.

En l'espèce, le simple bon sens devrait également l'emporter. Franchement, monsieur le ministre, qui peut croire que la perspective de « galérer » dans la clandestinité pendant dix ans pour espérer une régularisation risque d'entraîner un appel d'air considérable ?

M. Robert Bret. Ils ne le croient pas eux-mêmes !

M. Pierre-Yves Collombat. Encore une fois, nous parlons de personnes qui vivent déjà en France ! Pourquoi refusez-vous de maintenir le dispositif existant, qui n'est tout de même pas si laxiste que cela ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger, pour explication de vote.

M. Jean-Guy Branger. Monsieur le président, je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais je n'admets pas que notre collègue se permette de nous donner des leçons en matière de générosité !

J'ai, moi aussi, enseigné à des étudiants étrangers. L'établissement que je préside en reçoit un nombre important. On ne peut tout de même pas dire que la France n'accepte pas les étrangers, voire les repousse, alors qu'il y a des centaines de milliers d'étudiants étrangers qui viennent en France chaque année ! (Marques d'étonnement sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mes chers collègues, conservons une certaine mesure ! Nous n'avons pas la même philosophie, soit ! Vous ne partagez pas tous nos points de vue, soit ! Mais convenez que ce projet de loi a au moins le mérite de recadrer un peu les choses. Vous ne nous ferez pas croire que, si vous revenez demain au pouvoir, vous abrogerez la totalité des mesures proposées !

Encore une fois, conservons à ce débat un peu de sérénité. Comment pouvez-vous affirmer que notre pays n'est pas généreux ? Vous n'arriverez pas à me citer un autre pays de l'Union européenne qui naturalise 150 000 étrangers chaque année.

J'ai récemment présidé une réunion de la commission des migrations du Conseil de l'Europe, au cours de laquelle je me suis entretenu avec l'ancien président de cette commission, un Anglais qui vient de cesser ses fonctions. Je lui ai appris à cette occasion que 10 % de la population française était d'origine étrangère.

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Alima Boumediene-Thiery, et M. Bernard Frimat. Pas 10 %, 7 %, selon les chiffres officiels !

M. Jean-Guy Branger. Il m'a répondu, en français, que je devais faire erreur, et j'ai donc dû lui confirmer ce pourcentage. Il m'a alors annoncé que la proportion était de 3 % en Angleterre. Je n'invente rien !

Par conséquent, évitons de dire n'importe quoi ! Je le répète, la France est un grand pays, généreux, qui accueille des centaines de milliers d'étudiants et qui naturalise 150 000 étrangers par an.

Dans ce projet de loi, il n'y a pas de proposition scandaleuse. Il fallait remettre les choses à plat : c'est ce qui est fait. Continuons à agir avec générosité. Jusqu'à maintenant, nous débattons de façon démocratique, et le Gouvernement a accepté des amendements.

Je l'avoue, j'ai été choqué par certains propos pleins d'inexactitudes. On ne peut tout de même pas laisser dire n'importe quoi !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 355 et 478 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 204 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 130
Contre 191

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 495.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 174 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 356 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 4° de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 174.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement de repli tend à supprimer, pour l'étranger marié à un Français, l'obligation de communauté de vie « depuis le mariage », c'est-à-dire, plus exactement, depuis la célébration du mariage.

Je ferai d'abord remarquer qu'il s'agit seulement de délivrer une carte de séjour temporaire d'un an et non pas de donner un droit au séjour de longue durée, stable, propice à la recherche d'un emploi et d'un logement pour la famille constituée d'un conjoint français et d'un conjoint étranger.

Sous l'empire des dispositions prises en 2003, les 90 000 couples binationaux qui se constituent chaque année devront continuer à subir la déstabilisation induite par le droit au séjour trop court du conjoint étranger.

Or, voilà qu'à toutes les conditions déjà posées à la délivrance de cette carte de séjour temporaire d'un an - l'entrée régulière en France, la continuité de la communauté de vie, l'obligation pour le conjoint français de n'avoir pas perdu la nationalité française et la transcription du mariage à l'état civil français - s'ajoute la communauté de vie depuis la célébration du mariage.

C'est toujours pareil : aucune de ces conditions n'est en soi exorbitante ; ce qui est terrifiant, c'est leur accumulation ! Et vous proposez d'en ajouter encore une !

Pourquoi pas, après tout ? Mais encore faudrait-il que la législation en vigueur depuis 2003 et la pratique administrative n'interdisent pas de plus en plus souvent la communauté de vie depuis la célébration du mariage.

Je sais bien qu'il y a des mariages dont l'objectif partiel ou total est de migrer vers la France et je suis d'accord pour dire qu'il faut lutter contre ce détournement.

Il reste que l'arsenal mis en oeuvre depuis 2003 pour lutter contre ce phénomène et qui va se trouver renforcé par la loi sur la validité des mariages célébrés à l'étranger tend à rendre la communauté de vie impossible au début du mariage, pendant une période minimum de plusieurs mois et qui pourra atteindre, selon les juristes du ministère de la justice, jusqu'à trois ans.

J'en veux pour preuve un seul exemple : la plupart des couples n'auront pas pensé à demander le certificat de capacité à mariage avant de se marier en Allemagne, au Brésil ou en Algérie. De ce fait, leur mariage sera rendu suspect, ce qui conduira les consulats à soumettre la transcription de l'acte à une audition séparée des conjoints. Or le délai de rendez-vous pour ces auditions atteint six mois dans les consulats les plus concernés ; je pense notamment à ceux du Maroc !

Les tracasseries aux guichets des consulats sont innombrables, et j'en ai fréquemment des témoignages dans les courriers que je reçois : on demande, par exemple, le livret de famille en plus de l'acte de mariage transcrit, comme si ce dernier ne suffisait pas, ou encore un certificat d'authenticité du mariage célébré en France. Ces demandes émanent de l'agent qui est au guichet et même si, une fois averti, le consul s'en étonne et rétablit les choses, la situation s'en trouve compliquée pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Le délai pour l'obtention du visa de long séjour sera donc, dans le meilleur des cas, de six semaines à deux mois, d'après les agents qui le délivrent. Cependant, compte tenu du manque de personnel dont souffrent les consulats et la sous-direction de la circulation des étrangers de Nantes, le délai d'attente dépassera vite les six mois. Pendant ce laps de temps, toute communauté de vie sera impossible : l'un des conjoints sera à l'étranger tandis que l'autre résidera en France.

Si, de surcroît, le parquet de Nantes est saisi et requiert l'annulation, il pourra s'écouler un an ou deux avant que le tribunal prononce son jugement, de sorte que les intéressés pourront n'obtenir le droit d'être mariés avec un acte de mariage français qu'après avoir été privés pendant plusieurs années du droit de vivre en famille.

Les conditions actuelles sont déjà difficiles à remplir, mais, avec celle que vous proposez d'ajouter, il deviendra absolument impossible de les réunir toutes.

M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 356.

Mme Eliane Assassi. Le 4° de l'article 24 supprime, pour les conjoints étrangers, la référence à l'entrée régulière sur le territoire français pour se voir délivrer la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Cette suppression ne les dispense toutefois pas de l'obligation de détenir un visa de long séjour. Il est d'ailleurs précisé dans le rapport que cette obligation s'applique pour les conjoints ne disposant pas de titre de séjour. Elle s'appliquera donc forcément aux conjoints étrangers qui se seront mariés alors qu'ils détenaient déjà un visa de long séjour.

Autrement dit, à l'expiration de leur visa, s'ils introduisent une demande de carte de séjour « vie privée et familiale », ils devront retourner dans leur pays d'origine pour obtenir un nouveau visa.

Cela revient à soumettre le droit au séjour du conjoint au bon vouloir des autorités consulaires de son pays d'origine avec un délai pouvant effectivement approcher six mois.

Comment, alors, satisfaire à la condition selon laquelle la communauté de vie ne doit pas cesser depuis le mariage ?

Ainsi, encore une fois, tout est organisé pour entraver la liberté de se marier.

De nouveau, nous sommes obligés de constater que les dispositions qui encadrent le séjour des conjoints étrangers en France portent atteinte au droit à mener une vie familiale normale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements, étant précisé, concernant l'amendement n° 356, que nous avons déjà voté le sous-amendement n° 100 rectifié quinquies, dit « amendement Pelletier », qui a réglé une partie du problème.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Nous jugeons la rédaction proposée pour le moins « peu pratique » : d'une part, l'obligation de retour dans le pays d'origine pour l'obtention d'un visa de longue durée interrompt nécessairement la communauté de vie ; d'autre part, il est extrêmement difficile de prouver la continuité absolue de ladite communauté de vie. En effet, l'un des conjoints peut s'absenter soit pour obtenir ce visa, soit pour suivre des études ou accomplir des missions à l'étranger. Ces absences de l'un des conjoints ne signifient pas pour autant que la communauté de vie est terminée.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que cette proposition n'est pas réaliste, qu'elle est inapplicable et qu'il sera impossible de répondre aux deux conditions supplémentaires ici prévues.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 174 et 356.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 357, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 4° bis de cet article.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. Cet amendement est un amendement de coordination.

Dès lors que nous contestons le fait de devoir détenir un visa long séjour afin qu'un conjoint étranger puisse se voir délivrer une carte de séjour temporaire vie privée et familiale, nous pensons que cette obligation ne doit pas s'appliquer, non plus, à l'étranger marié à un ressortissant étranger titulaire d'une carte de séjour portant la mention « scientifique ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 357.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 175 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 358 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 4° ter de cet article.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 175.

M. Richard Yung. Nous considérons que cette nouvelle rédaction du 4°ter s'inscrit dans la logique de ces articles où l'on double les durées : celle les peines comme celle des délais demandés. Cela fait partie de cette politique de Gribouille que nous dénonçons depuis le début de ce débat.

Par ailleurs, nous estimons que le fait de porter de un an à deux ans la démonstration de la contribution aux frais d'éducation contrevient à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 358.

Mme Annie David. Le 4° ter de l'article 24, qui a été introduit à l'Assemblée nationale, prévoit que l'étranger père ou mère d'un enfant français, s'il veut obtenir la carte de séjour « vie privée et familiale » devra désormais effectivement contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant pendant deux ans et non plus pendant un an.

Dans ce domaine, les régressions ne cessent de se succéder. Avant l'adoption de la loi de 2003, l'étranger père ou mère d'un enfant français pouvait obtenir ce titre de séjour à condition d'exercer, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou de subvenir effectivement à ses besoins. Mais, depuis lors, le vent de la suspicion a soufflé sur les étrangers parents d'enfant français, au détriment non seulement du droit au séjour de ces derniers, mais également de l'intérêt de l'enfant de vivre avec ses deux parents.

Au nom de cette lutte acharnée que livre le Gouvernement contre les paternités de complaisance, c'est le droit à mener une vie familiale normale pour les parents étrangers qui est remis en cause.

Nous n'acceptons pas cette régression de leur droit ni cette suspicion systématique à leur encontre ; c'est pourquoi nous avons déposé cet amendement

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 175 et 358.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 359, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 5° de cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement se justifiait pleinement au regard de notre opposition à la condition posée par l'article 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonne la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la production par l'étranger d'un visa de long séjour. Nous souhaitions, par conséquent, supprimer toutes références à l'article précité.

Dans la mesure où l'article 2 du projet de loi a été adopté, il est bien évident que nous ne voulons pas restreindre les droits des étrangers en supprimant une disposition les délivrant de l'obligation de produire un visa de long séjour. C'est pourquoi je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 359 est retiré.

L'amendement n° 360, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le 5° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

... ° Après le 6°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° À l'étranger qui est père ou mère d'un ou plusieurs enfants résidant en France et suivant, de manière attestée, une formation française, dispensée soit par un organisme public soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat ; »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Avec cet amendement, comme avec notre amendement n° 354, notre volonté est de protéger d'une mesure d'éloignement les enfants étrangers scolarisés.

Bien qu'une telle mesure soit particulièrement injuste pour ces enfants et manifestement contraire à leur intérêt, le Gouvernement, par sa politique du chiffre à n'importe quel prix, a largement contribué à l'expulsion de plusieurs dizaines d'enfants scolarisés.

Il en est de même pour de jeunes lycéens qui, une fois leur dix-huitième anniversaire passé, se retrouvent menacés par une mesure d'éloignement. L'amendement n° 354 prévoyait donc la délivrance de plein droit d'une carte de séjour à ces jeunes étrangers scolarisés. Malheureusement, le Gouvernement n'a pas entendu nos arguments.

Nous espérons qu'il les entendra pour ce qui concerne les parents d'enfants scolarisés. En effet, quand ce ne sont pas les jeunes majeurs qui sont directement visés, ce peut être la situation irrégulière de certains parents qui met en péril l'avenir de leurs enfants, même quand ces derniers sont inscrits dans un établissement scolaire.

Notre objectif est donc de prévoir une protection particulière pour ces parents et de leur permettre de régulariser leur situation afin de donner une chance à leurs enfants de continuer leur scolarité normalement, comme n'importe quel enfant.

Nous voulons empêcher ces drames humains qui touchent ces familles étrangères et qui affectent également la vie de nos établissements scolaires, où parents d'élèves et professeurs s'investissent un peu plus, jour après jour, pour protéger ces enfants.

L'amendement n° 360 tend donc à régler ces situations personnelles très dures à vivre, aussi bien pour ces enfants que pour leurs parents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La nouvelle procédure d'admission exceptionnelle au séjour permettra de d'examiner au cas par cas les situations. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cet avis est défavorable. J'ai déjà fourni des explications sur ce point lors de l'examen de l'amendement n° 354 ; j'ai notamment évoqué la circulaire adressée aux préfets.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 360.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 361 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 496 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 6° de cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 361.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La nouvelle rédaction du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soulève un certain nombre de problèmes. En effet, désormais, les étrangers qui n'entrent pas dans les catégories bien précises énoncées dans ce texte seront soumis à des conditions plus drastiques quant à la nature des liens qui les unissent à la France.

Ces liens seraient « appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine ».

Deux interprétations peuvent être faites de cette prescription.

Soit il s'agit de critères supplémentaires pour bénéficier d'une carte de séjour sur le fondement de liens personnels et familiaux en France. Dès lors, cette modification est contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme que transpose le 7° de l'article L. 313-11 du code susvisé. En tout état de cause, cette restriction est aberrante puisqu'on exigera de personnes en situation irrégulière, n'étant donc pas autorisées à travailler officiellement, des conditions de ressources et de logement.

Soit il s'agit de simples indications délivrées pour l'application du droit au séjour sur le fondement de liens personnels et familiaux. Mais alors, ce genre de disposition n'a pas sa place dans un texte législatif et, étant dépourvu de portée normative, relève d'une simple circulaire.

Pour finir, avant que le Gouvernement ne prétende qu'il s'est appuyé sur la jurisprudence du Conseil d'État en la matière, nous souhaitons montrer l'insincérité qui entache cette disposition.

L'Observatoire du droit à la santé des étrangers a établi un recueil de jurisprudence qui montre que, selon les juridictions administratives, le séjour des parents d'enfants malades et la protection contre leur éloignement sont garantis par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'actuel 7° de l'article L. 313-11 précité, que le Gouvernement souhaite démanteler. Ainsi, ils peuvent chacun bénéficier d'une carte de séjour temporaire. Il semble que le Gouvernement ait écarté cette jurisprudence.

Vous avez préféré prétendre, jeudi dernier, que ces personnes se trouvaient dans un vide juridique et les condamner à la précarité. Peut-être était-ce parce que vous ne pouviez en aucun cas justifier que l'on puisse opposer à la demande de séjour de parents d'un enfant atteint de saturnisme que leur logement insalubre ne remplit pas les conditions d'existence prévues par le projet de loi.

Parce que nous refusons un tel tour de passe-passe, qui est de surcroît un déni du droit, nous demandons la suppression de cet alinéa.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 496.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Pour ce qui concerne, tout d'abord, la notion de liens personnels et familiaux, la rédaction actuelle du projet de loi ne permet pas une prise en compte réelle de la vie privée des personnes. L'expression « liens personnels ou familiaux » serait d'ailleurs, par cette simple substitution de conjonction de coordination, beaucoup plus conforme au respect de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

S'agissant des critères d'appréciation, la prise en compte des conditions d'existence et de l'insertion d'une personne dans la société française ne peut, à l'évidence, concerner une personne qui ne possède pas de titre de séjour. Comment prendre en compte les conditions d'existence et d'insertion dans la société française d'une personne considérée comme clandestine ?

Les conditions d'existence font référence aux ressources et au logement du demandeur qui, par définition, sont instables puisque la personne en cause est dépourvue de titre de séjour, n'est donc pas autorisée à travailler et rencontre des difficultés pour accéder durablement à un logement.

Quant à l'exigence de l'insertion dans la société française, elle est rigoureusement inapplicable. Cette notion est tellement floue qu'elle engendrera une interprétation arbitraire et elle est si difficile à remplir qu'elle privera l'immense majorité des demandeurs d'un droit au séjour.

L'ajout de ces deux critères rend cette disposition inapplicable et constitue, de fait, une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale.

J'en viens maintenant aux critères qui permettent d'apprécier les liens personnels ou familiaux. Ils relèvent plus d'une circulaire que d'un texte législatif dans la mesure où ils ne sont pas contraignants puisque, selon le projet de loi, ils sont « appréciés notamment au regard... ». Cette disposition ouvre la porte à l'arbitraire de l'administration. D'ailleurs, ces critères apparaissent dans la circulaire d'application du mois de mai 1998, qui est souvent citée dans les circulaires ultérieures d'application de la loi sur l'immigration, mais non dans les lois actuellement en vigueur.

M. le président. L'amendement n° 362, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le 6° de cet article :

1°) supprimer le mot :

notamment

2°) supprimer les mots :

de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, 

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le présent amendement vise à ôter du projet de loi des formules vagues, susceptibles de donner lieu à des interprétations subjectives, qui ne s'avèrent pas être des outils juridiques utiles au travail des représentants de l'État. Par expérience, nous savons tous que l'intensité - d'ailleurs, comment la mesurer ? -, l'ancienneté et la stabilité des liens familiaux et affectifs ne sont pas des critères administratifs suffisants, eu égard à la complexité d'une vie humaine, pour répondre à la réalité des familles recomposées, monoparentales ou dispersées en raison des nécessités de la vie, a fortiori lorsque les conditions de vie sont difficiles.

Les restrictions prévues par le présent article n'ont, de plus, aucun sens dans la mesure où la personne, notamment quand elle est jeune, a pu tisser des liens très forts en France du fait de sa présence sur ce territoire depuis son plus jeune âge, quels que soient ses liens de parenté avec les personnes qui l'entourent.

Les dispositions de l'article 8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui garantissent le droit au respect de la vie privée et familiale, comme celles de la convention internationale relative aux droits de l'enfant répondent à cette complexité et suffisent.

M. le président. L'amendement n° 497, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le 6° de cet article, remplacer les mots :

de leur intensité, de leur ancienneté

par les mots :

de leur intensité ou de leur ancienneté

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Encore une fois, cet amendement est motivé par ce que je considère comme le bon sens.

Est envisagé le cas où l'on octroie à un migrant une simple carte de séjour temporaire. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas du tout laxiste. Au contraire, il prévoit déjà des conditions très strictes. Dès lors, pourquoi ajouter une série de conditions qui, en l'état actuel de la rédaction dudit article, sont cumulatives et ne reposent que sur des considérations très subjectives ?

Ces dispositions, au caractère excessivement restrictif, n'apportent pas de garanties suffisantes en termes de respect effectif des droits des migrants. Une fois de plus, nous sommes confrontés au caractère exorbitant et discrétionnaire du pouvoir de l'administration préfectorale, qui se trouve encore renforcé, au détriment de la stabilité des droits des migrants étrangers, qui, selon moi, devrait faire partie de l'état de droit.

M. le président. L'amendement n° 363, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le 6° de cet article, supprimer les mots :

, des conditions d'existence de l'intéressé

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'article 24 du projet de loi soulève un certain nombre de questions parce qu'il fait, comme l'indique M. Buffet dans son rapport écrit, « une sorte de synthèse de la jurisprudence en cette matière » et énumère des critères qui n'auront pas force de loi. M. le rapporteur ajoute en effet que ces critères « n'enferment pas pour autant les magistrats dans une lecture restrictive du droit à une vie familiale normale. L'article 8 de la CEDH est d'application directe. » Dès lors, à quoi sert cette disposition ?

Pour ce qui concerne plus précisément l'amendement n° 363, nous ne savons pas précisément à quoi fait référence l'expression « conditions d'existence » du paragraphe 6° de l'article 24, sinon à un contrat de travail et à un logement. Or, dans la pratique, ces deux conditions sont liées aux conditions de séjour de la personne étrangère. Il serait donc nécessaire que soient précisées les conditions qui sont le préalable des autres et que les garanties exigées par les employeurs et les propriétaires de logement soient légalement définies autrement.

Cela n'étant pas très réaliste, nous vous proposons simplement de supprimer le critère des conditions d'existence.

M. le président. L'amendement n° 364, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le 6° de cet article, supprimer les mots :

, de son insertion dans la société française

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans ce texte, on a renoncé à décliner de façon précise les conditions requises pour pouvoir prétendre à une carte de séjour temporaire au titre des attaches personnelles et privées.

Mais, comme j'ai eu l'occasion de le souligner précédemment, la formule proposée est inquiétante parce que trop vague. L'adverbe « notamment » laisse entendre que d'autres éléments pourront être pris en compte et laisse une large marge de manoeuvre aux préfets, notamment la reconduite manu militari à la frontière d'enfants de trois ans.

Avant l'entrée en vigueur de la loi Pasqua du 24 août 1993, la personne étrangère qui justifiait avoir sa résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans obtenait, de plein droit, une carte de résident. Le droit de se voir délivrer une carte temporaire d'un an en raison d'une présence de quinze années en France a été rétabli en 1997, à la suite de la grève de la faim à l'église Saint-Bernard. Il s'agissait alors d'obliger le législateur à reconnaître les liens privés et familiaux que ces personnes avaient noués pendant cette tranche de vie. Quinze ans, cela représente en effet une belle « tranche de vie » !

M. le président. L'amendement n° 365, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le 6° de cet article, supprimer les mots :

ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par cet amendement, nous proposons de supprimer, dans le 6° de l'article 24, la référence à la nature des liens avec la famille demeurant au pays d'origine.

Cette condition, pour le moins imprécise, était absente de précédentes versions du projet de loi : pourquoi son ajout, si ce n'est pour verrouiller davantage la délivrance de la carte « vie privée et familiale » ?

La commission des lois s'est contentée, comme pour les autres critères intégrés dans cet alinéa, d'évoquer une « sorte de synthèse de la jurisprudence » permettant « un cadre de lecture plus aisé » n'enfermant pas la position susceptible d'être prise par les magistrats.

Le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale est un peu plus prolixe. On y lit que le refus d'accorder le titre de séjour concerné « ne peut être considéré comme une violation du droit à la vie privée et familiale de l'intéressé que si ce dernier ne peut pas exercer ce droit dans son pays d'origine ». Elle oppose les notions de « nature » et d'« existence » des liens, indiquant par exemple que la présence d'un membre de la famille au pays d'origine n'entraînera pas par principe le refus de la carte de séjour. Mais qui va décider ?

En réalité, cette restriction renforcera le pouvoir discrétionnaire des préfets et induira, comme le souligne le Conseil national des barreaux, « une appréciation subjective et incontrôlable par le juge ». On va demander à l'intéressé de prouver un fait négatif, ce qui est généralement exclu en droit français.

Cela renforcera aussi les pouvoirs de contrôle des autorités consulaires, car qui d'autre interviendra pour apprécier la situation de l'intéressé dans son pays d'origine ?

Alors que les possibilités de revendiquer ces liens privés et familiaux ont d'ores et déjà été considérablement réduites par voie de circulaire, en fixant des conditions non prévues par la loi, ici, c'est la loi elle-même qui fixe les conditions.

Comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui, bien que n'ayant pas été consultée, a donné son avis, les conditions ajoutées à la délivrance de la carte « vie privée et familiale » seront très difficiles à remplir pour les personnes dépourvues de papiers.

L'obligation de référence à la nature des liens familiaux dans le pays d'origine fait manifestement partie de ces conditions auxquelles il sera très difficile de satisfaire. Elle ne peut que porter atteinte au principe d'égalité des droits.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Puisqu'il s'agit, pour l'essentiel, d'amendements de suppression et que j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer la position de la commission, je me bornerai à indiquer que celle-ci a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il est défavorable à ces sept amendements.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous voterons pour ces amendements, mais je tiens à insister sur le caractère totalement inacceptable de la mention de l'intensité des relations familiales de l'étranger.

Nous sommes vraiment là dans du mauvais Orwell ! Comment l'intensité des relations familiales sera-t-elle mesurée ? Dans certaines familles, cette intensité se traduit par d'incessantes querelles ; dans d'autres, au contraire, les rapports familiaux « baignent dans l'eau de rose ». (Sourires.)

En vérité, l'appréciation ne peut être que totalement subjective. Les familles seront livrées à l'arbitraire du jugement d'un agent de guichet. Aucun tribunal ne pourra retenir une notion aussi floue.

Nous sombrons là dans la mesquinerie ! La voie est grande ouverte aux tracasseries sans fin et ce qu'on aura édicté se révélera impossible à appliquer.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 361 et 496.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 362.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 497.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 363.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 364.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 365.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 366, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer l'antépénultième alinéa (7°) de cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. De même que l'amendement n° 359, l'amendement no 366 et - je l'annonce dès à présent - les amendements nos 367 et 368 se justifiaient tous les trois pleinement par notre opposition à la condition posée dans l'article 311-7, qui vise à subordonner la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la production par l'étranger d'un visa de long séjour.

C'est pourquoi, monsieur le président, nous retirons ces trois amendements.

M. le président. Les amendements nos 366, 367 et 368 sont retirés.

Je donne néanmoins lecture des amendements nos 367 et 368.

L'amendement n° 367, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer l'avant-dernier alinéa (8°) de cet article.

L'amendement n° 368, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa (9°) de cet article.

Je mets aux voix l'article 24, modifié.

(L'article 24 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 24 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Discussion générale