sommaire

présidence de M. Philippe Richert

1. Procès-verbal

2. Décès d'un ancien sénateur

3. Fin de mission d'un sénateur

4. Dépôt d'un rapport en application d'une loi

5. Questions orales

répartition intercommunale des charges scolaires de l'enseignement privé

Question de M. Dominique Braye. - MM. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Dominique Braye.

responsabilité des tos dans le cadre de la restauration scolaire

Question de Mme Muguette Dini. - M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

création d'un indicateur du respect des règles du commerce international par les membres de l'omc

Question de M. Jean-Paul Virapoullé. - M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants.

conditions d'accès aux assurances et au crédit des gens du voyage

Question de M. Pierre Hérisson. - MM. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants ; Pierre Hérisson.

fiscalisation des ventes directes des coopératives vinicoles

Question de M. Bernard Dussaut. - MM. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants ; Bernard Dussaut.

fermeture de l'usine dim à château-chinon

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants ; René-Pierre Signé.

participation des communes au financement des écoles privées sous contrat d'association

Question de M. Michel Mercier. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Michel Mercier.

contrat de projet état-région et gestion de l'après mine

Question de M. Jean-Marc Todeschini. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Jean-Marc Todeschini.

application de la loi sur l'accueil et l'habitat des gens du voyage

Question de M. Michel Billout. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Michel Billout.

évolution du statut de saint barthélemy et saint martin

Question de M. Daniel Marsin. - MM. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement ; Gérard Delfau, en remplacement de M. Daniel Marsin.

évaluation de l'assurance-chômage et politique du retour à l'emploi

Question de M. Claude Biwer. - MM. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement ; Claude Biwer.

réglementation des incompatibilités dans la fonction publique

Question de M. Pierre-Yves Collombat. - MM. Christian Jacob, ministre de la fonction publique ; Pierre-Yves Collombat.

renforcement de la formation des fonctionnaires français au management public européen au sein de l'institut européen d'administration publique (ieap)

Question de M. André Rouvière. - MM. Christian Jacob, ministre de la fonction publique ; André Rouvière.

aménagement du tunnel du fréjus et conditions de circulation dans les alpes

Question de M. Thierry Repentin. - MM. Christian Jacob, ministre de la fonction publique ; Thierry Repentin.

démographie médicale et zones déficitaires en offre de soins

Question de M. Daniel Reiner. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Daniel Reiner.

enseignement de la médecine générale

Question de M. Dominique Leclerc. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Dominique Leclerc.

fonctionnement des coderpa

Question de M. Bruno Sido. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Bruno Sido.

situation des radios associatives

Question de M. Gérard Delfau. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Gérard Delfau.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

6. Rappel au règlement

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président.

7. Gestion durable des matières et des déchets radioactifs. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président.

Discussion générale : M. François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Mme Anne Duthilleul, rapporteur de la section des activités productives, de la recherche et de la technologie du Conseil économique et social ; M. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. le président.

M. Aymeri de Montesquiou, Mme Évelyne Didier, MM. Claude Biwer.

présidence de M. Guy Fischer

MM. Bernard Piras, Gérard Longuet, Christian Gaudin, Simon Sutour, Jean Bizet, Michel Teston, Bruno Sido, Mme Dominique Voynet, M. Charles Guené.

Clôture de la discussion générale.

M. le ministre délégué.

Suspension et reprise de la séance

Intitulé du titre Ier

Amendement no 76 rectifié de M. Bernard Piras. - MM. Bernard Piras, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Adoption de l'intitulé modifié.

Article additionnel avant l'article 1er A

Amendements identiques nos 1 de la commission et 77 rectifié de M. Bernard Piras. - MM. le rapporteur, Bernard Piras, le ministre délégué. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Article 1er A

Amendement no 124 rectifié de M. Gérard Longuet. - MM. Gérard Longuet, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 56 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Daniel Raoul. - Rejet.

Amendement no 3 de la commission et sous-amendement no 160 de M. Bernard Piras. - MM. le rapporteur, Daniel Raoul, le ministre délégué. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement.

Amendement no 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel avant l'article 1er

Amendement no 99 rectifié de M. Bernard Piras. - MM. Michel Teston, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Dominique Voynet. - Rejet.

Article 1er

Amendement no 57 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Amendement no 58 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Amendements nos 125 rectifié bis de M. Gérard Longuet, 59 de Mme Dominique Voynet et 101 de Mme Evelyne Didier. - M. Gérard Longuet, Mmes Dominique Voynet, Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Bruno Sido. - Retrait de l'amendement no 125 rectifié bis ; rejet des amendements nos 59 et 101.

Amendement no 128 rectifié de M. Gérard Longuet. - MM. Gérard Longuet, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 1er

Amendement no 78 rectifié de M. Bernard Piras. - MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Article 1er bis

Amendement no 102 de Mme Evelyne Didier. - Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.

Adoption de l'article.

Article 2

Amendement no 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 3

Amendement no 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 60 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Amendement no 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 129 rectifié de M. Gérard Longuet. - M. Gérard Longuet. - Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 4

Mme Evelyne Didier.

Amendement no 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendements nos 11 de la commission et 103 de Mme Evelyne Didier. - MM. le rapporteur, Michel Billout, le ministre délégué. - Retrait de l'amendement no 103 ; adoption de l'amendement no 11.

Amendements nos 61 de Mme Dominique Voynet et 104 de Mme Evelyne Didier ; amendements identiques nos 62 de Mme Dominique Voynet et 79 de M. Bernard Piras. - Mme Dominique Voynet, MM. Michel Billout, Michel Teston, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des amendements nos 61 et 104 ; adoption des amendements nos 62 et 79.

Amendement no 63 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Amendement no 64 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Amendement no 12 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 14 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 100 de M. Bernard Piras. - MM. Michel Teston, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 4 bis. - Adoption

Article 5

M. Jean-François Le Grand.

Amendements nos 80 rectifié de M. Bernard Piras, 65, 74 de Mme Dominique Voynet, 53 de M. Jean Bizet et 105 de Mme Evelyne Didier. - M. Bernard Piras, Mme Dominique Voynet, M. Jean Bizet, Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait de l'amendement no 53 ; rejet des amendements nos 80 rectifié, 65, 74 et 105.

Amendement n° 54 de M. Jean Bizet. - MM. Jean Bizet, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendement n° 66 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Amendement n° 52 de M. Jean Bizet. - MM. Jean Bizet, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendement n° 15 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.

Amendements nos 16 de la commission, 68, 67 de Mme Dominique Voynet et 106 de Mme Evelyne Didier. - M. le rapporteur, Mme Dominique Voynet, MM. Michel Billout, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement no 16, les autres amendements devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Modification de l'ordre du jour

9. Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

10. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

11. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 18 mai 2006

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 18 mai 2006 a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Georges Treille, qui fut sénateur des Deux-Sèvres de 1977 à 1995.

Nous aurons l'occasion de lui rendre hommage dans cette assemblée.

3

fin de mission d'un sénateur

M. le président. M. le Président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 22 mai 2006 annonçant, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 297 du code électoral, la fin, le 27 mai 2006, de la mission temporaire confiée à M. Francis Giraud, sénateur des Bouches-du-Rhône, auprès du ministre de la santé et des solidarités et du ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Acte est donné de cette communication.

4

DÉPÔT D'UN RAPPort en application d'une loi

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, le rapport 2005 sur les opérations de la Banque de France, la politique qu'elle met en oeuvre dans le cadre du système européen de banques centrales et les perspectives de celle-ci, conformément à l'article L. 143-1 du code monétaire et financier.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des finances.

5

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

répartition intercommunale des charges scolaires de l'enseignement privé

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, auteur de la question n° 1039, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, ma question traite des frais d'écolage dus par la commune de résidence à la commune d'accueil, qui reçoit dans ses écoles élémentaires des enfants ne demeurant pas sur son territoire.

En posant le principe d'un accord entre commune de résidence et commune d'accueil pour le financement de la scolarité des enfants fréquentant une école privée sous contrat située hors du territoire de leur commune de résidence, comme cela était déjà prévu en cas d'inscription dans une école publique située dans une autre commune, l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales semble avoir fait application d'un principe de parité entre enseignement privé et enseignement public pour la répartition intercommunale des charges scolaires.

Pourtant, monsieur le ministre, ce principe de parité n'est qu'apparent puisque n'ont pas été étendues à l'enseignement privé sous contrat l'ensemble des dispositions visant l'enseignement public. L'enseignement privé se trouve donc dans une position beaucoup plus avantageuse que l'enseignement public.

Ainsi, un maire qui peut refuser le financement des frais de scolarité d'élèves de sa commune inscrits dans l'école publique d'une commune voisine, au motif qu'il a organisé dans ses écoles tous les services nécessaires à l'accueil dans des conditions optimales des enfants de sa commune, se trouve néanmoins actuellement obligé de payer pour les enfants dont les parents ont fait le choix - leur choix ! - de l'école privée.

Cette disparité de traitement, en dehors de son injustice, entre les établissements d'enseignement sous statut public et sous statut privé, pénalise fortement les petites communes, notamment rurales, qui ont consenti des efforts considérables pour conserver une capacité d'accueil suffisante à leur école publique et pour créer des services périscolaires de cantine et de garderie permettant d'accueillir, dans les meilleures conditions, tous les enfants.

Cette disparité met aussi quelquefois en grand danger, vous le savez, monsieur le ministre, l'existence même de l'école publique communale, dont on ne soulignera jamais assez l'importance dans la vie de ces petites communes !

Ainsi, dans le département des Yvelines, sur les 8 900 élèves de l'enseignement primaire privé sous contrat, 3 900 sont inscrits dans une école privée située hors de leur commune de résidence.

Dans mon département, 230 communes sur 262 - soit près de 90 % - sont ainsi concernées, dont une grande majorité de petites communes rurales, pour lesquelles cette obligation de financement des écoles privées hors commune crée une très lourde charge financière supplémentaire et menace la pérennité de leur école publique.

Monsieur le ministre, trouvez-vous normal que l'enseignement privé soit ainsi favorisé par les dispositions en vigueur et que le financement de l'école privée soit porté à la charge du contribuable local lorsque ce dernier finance déjà l'école publique de sa commune, que celle-ci peut accueillir tous les élèves de son territoire, et ce dans d'excellentes conditions puisque tous les services ont été mis en place ?

Le choix de donner à ses enfants une éducation relevant de l'enseignement privé ou de l'enseignement public est une liberté fondamentale pour tous les parents - nous y sommes d'ailleurs très fortement attachés -, mais cela ne devrait en aucun cas impliquer pour les collectivités locales et pour les contribuables locaux une obligation de financer le choix de l'enseignement privé, sauf naturellement si, comme pour l'enseignement public, les communes de résidence n'ont pas mis en place toutes les conditions nécessaires à l'accueil optimal de leurs enfants !

Comment expliquer, monsieur le ministre, que les communes soient amenées à contribuer financièrement au fonctionnement des établissements privés sous contrat situés hors de leur territoire alors qu'elles ne sont pas contraintes de le faire pour les établissements privés situés dans leur périmètre ?

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je vais répondre !

M. Dominique Braye. Quelles mesures entendez-vous donc prendre, monsieur le ministre, pour rétablir une égalité de traitement entre les établissements privés entre eux et, surtout, entre l'enseignement public et l'enseignement privé au moment où de nombreux préfets - dont celui des Yvelines - ne savent pas comment appliquer ces dispositions dans leur département ou les appliquent de façon différente d'un département à l'autre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a pour objet d'assurer une meilleure application de la loi dite « Debré » qui prévoit, comme vous l'avez souligné, la parité du financement entre les écoles publiques et les écoles privées.

Avant même l'adoption de l'amendement déposé au Sénat par M. Charasse, le principe de la contribution des communes pour les élèves scolarisés à l'extérieur de leur commune de résidence s'appliquait déjà aux écoles privées comme aux écoles publiques.

Toutefois, ce principe n'était assorti d'aucun dispositif permettant de résoudre les conflits éventuels surgissant entre les communes.

Désormais, en l'absence d'accord entre les communes, le préfet pourra, sur le fondement de l'article 89, intervenir ainsi qu'il le fait pour l'enseignement public afin de fixer la répartition des contributions entre les deux communes, celle de départ et celle d'accueil.

Cet article vise à mettre en place un règlement des conflits entre communes et, je le souligne, ne modifie pas le périmètre de la compétence de la commune pour la prise en charge des dépenses de fonctionnement des écoles situées hors de son territoire, qu'elles soient publiques ou privées sous contrat, qui scolarisent des élèves résidant dans cette commune. (M. Dominique Braye prend des notes.)

Voulez-vous que je répète cette phrase-clé, monsieur Braye ?

M. Dominique Braye. Je prenais des notes pour vous répondre, monsieur le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. La modification législative apportée par l'article 89 de loi du 23 avril 2005 vise, quant à elle, à préciser les limites de la contribution qui peut être mise à la charge de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une école privée sous contrat d'association située sur le territoire d'une autre commune.

L'article 89 de la loi du 23 avril 2005 prévoit que le coût par élève ne peut être supérieur à celui qu'aurait représenté pour la commune de résidence ce même élève s'il avait été scolarisé dans une école publique.

Des ambiguïtés sont apparues quant à l'interprétation à donner à cette disposition.

Une table ronde réunissant l'ensemble des parties concernées - l'Association des maires de France, les représentants de l'enseignement privé, le ministère de l'intérieur et le ministère de l'éducation nationale - s'est tenue sur l'initiative du Gouvernement.

Dans l'attente de la décision du Conseil d'État saisi d'un recours - elle sera probablement rendue d'ici à la fin de l'année -, cette réunion a permis de décider que chaque situation particulière serait examinée localement entre l'ensemble des parties concernées.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.

M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, il s'agit d'un problème très important pour les petites communes.

Pour être scolarisé hors de sa commune dans l'enseignement public, l'élève doit avoir une dérogation du maire de la commune de résidence, sauf dans trois cas que vous connaissez. Si la dérogation n'est pas donnée par le maire de la commune de résidence, la commune ne paie rien.

En revanche, un élève qui va dans l'enseignement privé n'a pas besoin de dérogation, et la commune paie systématiquement !

Il y a donc une disparité entre l'enseignement privé et l'enseignement public.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, le périmètre est bien changé ! Nous demandions tout simplement une parité entre enseignement public et enseignement privé, afin que les maires qui ont consenti, avec l'argent du contribuable, de très gros efforts pour mettre en place des services de cantine, de garderie matin et soir, et qui ont la capacité d'accepter ces enfants sur leur commune, puissent les scolariser !

Si les parents font le choix de l'enseignement privé, c'est à eux d'en assumer la charge et non aux contribuables, d'autant que, dans les petites communes rurales, cette fuite ruine tous les investissements des mairies et met les écoles publiques communales en danger ! Or on ne rappellera jamais assez, monsieur le ministre, l'importance qu'a, dans ces petites communes rurales, l'existence d'une école publique communale !

Je voudrais donc que l'enseignement privé ne bénéficie pas d'un avantage et qu'il soit traité de la même façon que l'enseignement public, à la condition, naturellement, que les communes aient fait l'effort d'accueillir dans des conditions optimales tous les enfants !

M. Bernard Dussaut. M. Braye a entièrement raison et je l'applaudis !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. Je confirme bien que le périmètre n'est pas changé et que les modalités d'application sont très difficiles.

Je rappelle à M. Braye que c'est au Sénat qu'a été voté l'amendement de M. Charasse, qui, dans son application, pose les problèmes que vous avez soulignés.

J'ai d'ailleurs cosigné avec le ministre de l'intérieur une circulaire pour demander aux préfets d'arranger les choses sur le plan local.

Attendons ensemble, monsieur le sénateur, à la fois les résultats du groupe de travail et la décision du Conseil d'État. Nous y verrons, je le pense, plus clair à ce moment-là.

M. Dominique Braye. M. Charasse a été dépassé par son amendement, nous le savons tous !

M. Michel Mercier. Le ministre n'avait pas opposé l'article 40 !

M. le président. Étant, à l'époque, rapporteur de la commission saisie au fond, je me souviens bien de ce débat !

responsabilité des tos dans le cadre de la restauration scolaire

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, auteur de la question n° 1033, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Muguette Dini. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les incertitudes nées de la loi du 13 août 2004 relative, notamment, aux transferts des TOS, les personnels techniciens, ouvriers et de service, aux départements.

L'article 82 prévoit que, « le département assure l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique » et que, « pour l'exercice des compétences incombant à la collectivité de rattachement, le président du conseil général s'adresse directement au chef d'établissement ».

Ce dernier encadre et organise le travail des personnels TOS placés sous son autorité et assure la gestion du service de demi-pension, conformément aux modalités d'exploitation définies par la collectivité compétente.

Pourtant, l'article 67 de cette même loi précise que les TOS exerçant leurs missions dans les collèges resteront membres de la communauté éducative et continueront à concourir directement aux missions du service public de l'éducation nationale, tout en relevant au quotidien de l'autorité fonctionnelle du principal.

Je souhaiterais donc connaître précisément les responsabilités respectives du département et de l'État dans le cadre des missions spécifiques de restauration au sein des collèges.

La jurisprudence actuelle a établi que l'intoxication alimentaire, du fait du non-respect des règles d'hygiène, était significative d'une faute du chef d'établissement, de nature à engager la responsabilité pleine et entière de I'État. Dans leurs attendus, les juges considèrent que le chef d'établissement, en tant que représentant de l'État au sein de l'établissement, est tenu de prendre toutes les dispositions afin d'assurer la sécurité des personnes et des biens, l'hygiène et la salubrité de l'établissement.

Monsieur le ministre, en cas d'intoxication alimentaire dans un collège, qui sera tenu pour responsable ? Sera-ce l'État, représenté par le chef d'établissement qui a l'autorité fonctionnelle sur les TOS, ou le département, qui est l'employeur des TOS, mais qui, conformément à la loi, a délégué son autorité fonctionnelle au chef d'établissement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame le sénateur, je pense que la réponse que je vais vous apporter intéressera certainement M. Mercier, qui préside un département avec le talent qu'on lui connaît, ainsi que M. le président Philippe Richert. C'est une question très importante à laquelle ils sont très attentifs.

Comme vous le soulignez, l'article 82 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a confié la compétence du service de restauration aux départements pour les collèges et aux régions pour les lycées.

En conséquence, dans l'hypothèse où une faute est commise dans l'organisation du service de restauration, la responsabilité de la personne responsable du service - en l'espèce, le département pour les collèges et la région pour les lycées - pourra être recherchée.

La responsabilité des départements et des régions découle dans ce cas non pas du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service, mais de la compétence qui leur a été confiée par la loi en matière de restauration.

Par ailleurs, aux termes de l'article 8 du décret du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement, le chef d'établissement, en qualité de représentant de l'État au sein de l'établissement, « prend toutes dispositions, en liaison avec les autorités administratives compétentes, pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l'hygiène et la salubrité de l'établissement ».

Ainsi, sa mission consiste notamment à porter à l'attention de la collectivité de rattachement de son établissement les éventuels dysfonctionnements constatés et à prendre, dans l'attente de l'intervention de la collectivité, les mesures propres à éviter les dommages.

Aussi, dans l'hypothèse où il serait établi que le chef d'établissement n'a pas pris les mesures appropriées, la responsabilité de l'État pourrait également être engagée.

Ce sont ces quelques précisions que je souhaitais vous apporter concernant la responsabilité de l'État ou de la collectivité dans le domaine de la restauration scolaire. J'ajoute qu'il n'est pas interdit de penser que cette responsabilité pourrait être partagée dans certains cas.

création d'un indicateur du respect des règles du commerce international par les membres de l'omc

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, auteur de la question n° 1035, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le ministre, il y a un an, les Français disaient « non » à la Constitution européenne. Ce vote a provoqué deux réactions. Certains ont voulu culpabiliser les Français ; d'autres, comme moi, qui ont voté « oui », ont plutôt cherché à comprendre pourquoi 54 % d'entre eux avaient rejeté une Constitution qui mettait en place une économie sociale de marché et qui était un embryon de pouvoir politique pour l'Europe.

Un sondage publié récemment montre que 74 % des Français sont inquiets des conditions dans lesquelles s'effectuent le démantèlement de nos tarifs douaniers et de nos quotas de production, les échanges libéraux entre l'Europe et le reste du monde. Je fais partie de ces Français !

En mettant en place le cycle de Doha, on a progressivement déréglementé nos barrières douanières et mis en compétition frontale des pays dits émergents avec des économies possédant des règles, un modèle social et un certain niveau de vie. Aujourd'hui, nous constatons que ces pays dits émergents sont devenus des puissances « submergentes ».

Qui peut aujourd'hui nier que la monnaie, qui est l'un des moyens essentiels des échanges, n'est pas soumise partout aux mêmes règles ?

Qui peut aujourd'hui nier que la Chine est le premier atelier du monde de la contrefaçon, qui porte atteinte à nos PME, alors que ce n'est pas le cas en Europe ?

Qui peut nier que l'existence d'un code du travail dans les pays dits développés et son refus dans d'autres pays placent notre classe sociale la plus laborieuse dans des conditions difficiles ?

Mon but est non pas de remettre en cause la mondialisation, mais de faire un examen de la situation et, à l'instar du médecin, vérifier la tension du malade, prendre sa température, etc.

Dans le domaine des échanges, cette mondialisation, qui a consisté à placer entre les mains de technocrates le pouvoir politique qui appartient aux élus, aboutit à un divorce entre le pouvoir démocratique et le pouvoir technocratique. Je demande donc que soient mis en place des indicateurs afin de mesurer le respect des règles fixées par l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC.

Tout le monde ne respecte pas ces règles et ne fait pas preuve de la même loyauté. Dès lors, des couches de misère apparaissent, des divorces entre des gouvernements démocratiques et leur peuple se font jour, et nous nous retrouvons dans la situation que nous connaissons aujourd'hui.

Je suis favorable à la libéralisation de l'économie, mais pas dans n'importe quelle condition ni sans en mesurer les conséquences ou sans respecter les règles fixées par l'OMC. Tel est l'objet de ma question.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, qui n'a pas pu être présente ce matin pour répondre directement à votre question. Je vais donc vous communiquer sa réponse.

La libéralisation du commerce international et l'émergence de pays en développement de plus en plus compétitifs ont renforcé le besoin d'un cadre de concurrence loyale.

Le Gouvernement comprend donc votre souhait de pouvoir disposer d'un indicateur synthétique permettant de noter les comportements des uns et des autres. Votre proposition rejoint notre volonté de tout faire pour garantir le respect des règles de l'OMC par nos partenaires.

Il convient tout d'abord de rappeler que les membres de l'OMC disposent d'outils efficaces pour examiner le respect de ces règles par tous. Chaque membre de l'OMC est soumis à une « revue » par ses pairs. Il faut renforcer ce processus de surveillance multilatérale, en particulier concernant les grands pays émergents. En cas de non-respect des règles de l'OMC, les États membres qui s'estiment lésés peuvent avoir recours à l'organe de règlement des différends.

Toutefois, la situation est plus complexe pour les domaines qui ne relèvent pas des règles de l'OMC, notamment pour certaines normes sociales et environnementales ainsi que pour les taux de change. Comme vous le savez, les discussions sur les normes sociales ont été exclues de l'agenda de négociation du cycle de Doha.

Par ailleurs, les négociations à l'OMC sur le lien entre l'environnement et le commerce sont très limitées, en raison tant des réticences des pays en développement que des organisations non gouvernementales.

J'indique cependant que les pays développés ont le pouvoir, dans le cadre des préférences commerciales unilatérales qu'ils accordent aux pays en développement, de privilégier les pays respectant un certain nombre de critères objectifs annoncés à l'avance.

Enfin, le Gouvernement mène régulièrement des enquêtes, par l'intermédiaire des missions économiques à l'étranger, sur les difficultés que les entreprises françaises rencontrent dans l'accès à des marchés tiers.

Il suit attentivement ce dossier et agit dans les enceintes compétentes, en collaboration avec la Commission européenne. Il participe aussi à la lutte contre la contrefaçon, car c'est un fléau qu'il faut combattre.

Au-delà de ces considérations, ce débat doit se poursuivre. Le Gouvernement, en particulier ma collègue Christine Lagarde, reste à l'écoute des travaux du groupe de travail parlementaire sur la mondialisation, que vous animez.

conditions d'accès aux assurances et au crédit des gens du voyage

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, auteur de la question n° 1040, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Pierre Hérisson. Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les difficultés que rencontrent les gens du voyage pour souscrire ou renouveler certaines polices d'assurance et pour accéder aux crédits auprès des organismes bancaires.

Les difficultés d'accès aux dispositifs assurantiels concernent trois types de police : la garantie des véhicules, la garantie caravane-véhicule roulant et la garantie multirisque habitation.

Or il ressort principalement que les difficultés signalées pour l'accès aux assurances et aux crédits relèvent non pas d'une problématique tarifaire, mais d'un refus de garantie. En outre, elles ne relèvent pas uniquement d'une aversion au risque plus important de la part des mutuelles et des sociétés d'assurances vis-à-vis d'assurés ayant un mode de vie particulier, ni d'une enquête de sinistralité connue permettant de quantifier le risque et de rattacher les personnes itinérantes à un tarif spécifique. Les refus allégués visent les gens du voyage quelles que soient leurs conditions matérielles d'existence, qu'ils soient itinérants, semi-itinérants ou sédentaires.

Les principaux critères de différenciation semblent tenir à des signes distinctifs d'appartenance aux gens du voyage : détention d'un carnet de circulation, mention « sans domicile fixe » sur les cartes grises ou adresse de domiciliation.

Les publics autres que les gens du voyage, mais placés dans des situations objectivement identiques, ne rencontrent pas de problèmes de garantie, qu'il s'agisse des particuliers assurant leur caravane ou des commerçants ambulants et professions itinérantes assurant leurs véhicules.

Il pourrait s'agir d'un problème de domiciliation, puisque les sociétés d'assurances motivent leur attitude par le fait que les gens du voyage ne pourraient justifier d'un domicile fixe. Elles ne reconnaissent pas l'adresse de la commune de rattachement - et, par voie de conséquence, la loi du 3 janvier 1969 - ni celle de la domiciliation - c'est la loi du 29 juillet 1998 -, qui sont couramment usitées par les administrations publiques.

Cependant, au-delà de la question de l'accessibilité aux assurances et aux crédits, et alors que l'instauration d'une taxe d'habitation pour les résidences mobiles dès le 1er janvier 2007 est envisagée, que devient le principe républicain d'oeuvrer par et pour le droit commun ?

En ma qualité de président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, permettez-moi de poser la question suivante : comment donner du sens et de la crédibilité à la mission qui m'a été confiée par M. le Premier ministre, dans l'objectif de favoriser l'insertion des gens du voyage, alors qu'ils ne peuvent pas remplir leurs obligations citoyennes pour cause de discrimination avérée ?

En conséquence, monsieur le ministre, je vous demande quelles mesures vous entendez adopter pour permettre aux gens du voyage de remplir leur devoir d'être assurés et pour garantir leur droit d'accéder aux crédits dans les mêmes conditions que chacun de nos concitoyens, c'est-à-dire dans le droit commun.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie étant retenu ce matin, il m'a prié de vous communiquer sa réponse.

Tout d'abord, pour la plupart des risques, la loi ne prévoit pas d'obligation d'assurance.

Comme l'ensemble de nos concitoyens, les gens du voyage doivent tout naturellement négocier les conditions de leurs couvertures d'assurances, en particulier les tarifs, avec les compagnies concernées. Il en est de même pour la négociation de crédits bancaires avec les établissements financiers.

Le Gouvernement agit en faveur de l'accès du plus grand nombre aux garanties et au crédit, dans le respect, bien entendu, de la liberté contractuelle entre les établissements financiers et les consommateurs.

Dans cet esprit, il convient de réfléchir aux pistes qui pourraient permettre aux gens du voyage d'accéder à une meilleure couverture assurantielle.

Vous évoquez la domiciliation des gens du voyage. M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a saisi les organisations professionnelles du secteur de l'assurance et de la banque de cette question.

Il leur a demandé de lui faire connaître les mesures nécessaires pour améliorer l'information des établissements financiers sur la législation en vigueur, s'agissant notamment des dispositions de la loi du 3 janvier 1969 et de la loi du 29 juillet 1998.

Comme vous l'avez indiqué, de telles dispositions offrent aux gens du voyage la possibilité de se domicilier dans les centres communaux d'action sociale ou dans les locaux d'associations préalablement agréées.

Une telle faculté doit répondre aux préoccupations des sociétés d'assurances, qui souhaitent bénéficier - elles le rappellent chaque fois qu'elles en ont l'occasion - d'un point de contact fixe leur permettant de se mettre aisément en rapport avec leurs assurés.

En outre, le Gouvernement propose que la mise en oeuvre de cette information et les difficultés évoquées puissent faire l'objet d'un examen approfondi par la Commission nationale consultative des gens du voyage.

Cette commission, que vous présidez, monsieur le sénateur, a pour mission d'étudier avec l'ensemble des ministères concernés les problèmes spécifiques rencontrés par les gens du voyage.

Sur de tels sujets, il est donc important que la concertation puisse avoir lieu en partenariat avec cette commission nationale, qui a, me semble-t-il, vocation à devenir le centre du dispositif, de la réflexion et in fine de la prise de décision.

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Monsieur le ministre, vous avez précisé que, même s'il n'y a pas d'obligation d'assurance, tous les acteurs concernés souhaitent que le droit commun s'applique bien à un corps social aujourd'hui composé à plus de 90 % par des personnes de nationalité française. Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour insister sur ce dernier point, car ce n'est pas toujours ainsi que les choses sont comprises sur le terrain.

Vous avez également rappelé que des problèmes de droits et de devoirs, au sens général du terme, et de respect de la légalité se posaient dans un certain nombre de domaines.

Néanmoins, j'ai bien compris que vous comptiez sur la commission consultative nationale que j'ai l'honneur de présider pour étudier ce dossier difficile, ainsi que bien d'autres sujets, notamment le stationnement, l'habitat, la fiscalité locale, les prestations sociales et familiales et la reconnaissance de certains métiers. Vaste discussion !

Il y a urgence à traiter un certain nombre de problèmes qui, si nous n'y prenons pas garde, prendront rapidement la forme d'un péril social.

J'ai bien noté dans vos propos que nous pourrions compter sur le soutien du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour engager des discussions avec la Fédération bancaire française et avec les organismes représentant les compagnies d'assurances. Cela devrait nous aider à améliorer la situation.

Les gens du voyage qui veulent s'assurer ou trouver un crédit bancaire doivent actuellement s'adresser à une seule société, qui, je tiens à le dire, réside à Monaco !

Nous pouvons, me semble-t-il, faire mieux et essayer de trouver des solutions.

Certes, il n'y a pas d'obligation de partenariat. Mais, dès lors que les personnes concernées n'ont plus d'interlocuteur pour pouvoir négocier un contrat d'assurances ou un crédit bancaire, le problème est à traiter d'urgence.

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

fiscalisation des ventes directes des coopératives vinicoles

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut, auteur de la question n° 1042, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.

M. Bernard Dussaut. Monsieur le ministre, les coopératives agricoles constituent un outil essentiel de gestion du territoire.

Alors que nous traversons une période très sensible dans les régions viticoles, ces structures constituent un élément incontournable de survie économique pour une partie des producteurs.

Dans ce contexte, l'instruction parue au Bulletin officiel des impôts n° 57 du 29 mars 2006 suscite une émotion très vive.

Son objet initial était de préciser les conditions dans lesquelles les coopératives ou leurs unions peuvent rendre des services à des sociétés dont elles détiennent des participations. Mais son champ d'intervention est en réalité beaucoup plus large, puisque cette instruction instaure une taxation des ventes directes aux consommateurs des produits des adhérents des coopératives agricoles.

Monsieur le ministre, les sociétés coopératives agricoles s'étonnent de l'instruction publiée, d'autant plus qu'une concertation avait été établie sur leur initiative avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie aux mois de janvier 2005 et de mars 2005 en vue d'une clarification de la notion de vente au détail lorsqu'elle a lieu dans un magasin distinct.

En effet, la fiscalisation existe déjà lorsque le lieu de vente est extérieur à la coopérative et elle n'est nullement remise en question par le secteur coopératif dans ce cadre particulier.

La profession a formulé des observations : il n'en a absolument pas été tenu compte !

Tous les magasins seront donc dorénavant fiscalisés, qu'ils soient ou non distincts de l'établissement principal. On ne prendra plus en compte le fait que les ventes aient lieu dans la coopérative, dans un local accolé ou dans un local nettement distinct.

On fait donc porter dorénavant la taxation sur la vente au détail en opposition à la vente en gros, alors même que les coopératives ne vendent que les produits élaborés à partir des apports de leurs associés coopérateurs en conformité avec les règles de l'exclusivisme.

Les adhérents des sociétés coopératives agricoles craignent que le maintien de cette instruction ne constitue un pas de plus vers la disparition du statut particulier des coopératives agricoles, après l'obligation qui leur a été faite d'une immatriculation au registre du commerce.

Par ailleurs, examinée sous un angle purement pratique, cette instruction instaure des contraintes qui vont considérablement alourdir la gestion des structures. Les sociétés coopératives demandent expressément le retrait de la double comptabilité exigée pour la vente aux consommateurs.

La viticulture est une profession qui souffre. Or c'est elle qui est en premier lieu concernée par de telles dispositions.

Monsieur le ministre, jugez-vous réellement opportun de porter aujourd'hui une atteinte grave au statut fiscal des coopératives agricoles, avec pour incidence particulière dans le secteur de la viticulture l'émergence d'une concurrence déloyale en faveur des vignerons indépendants ? Avez-vous l'intention de revenir sur cette instruction, qui met à mal un tissu socio-économique fondamental dans nos territoires ? Enfin, engagerez-vous une réelle concertation avec les représentants des sociétés coopératives agricoles ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, qui m'a demandé de vous communiquer sa réponse.

Comme vous le savez, le régime d'imposition des coopératives agricoles est un régime d'exception, qui est justifié par le respect des obligations liées au régime spécifique des coopératives.

Historiquement, la vente par les coopératives d'une partie de leur production sur le site même de la coopérative était considérée comme une activité civile non assujettie à l'imposition sur les sociétés.

S'agissant d'un point de vente artisanal ou considéré comme tel, cette dérogation se justifiait pleinement.

Mais, dans la pratique, nombre de coopératives ont structuré leur point de vente en ouvrant de véritables magasins, qui ne vendent d'ailleurs parfois pas exclusivement les produits de la coopérative.

Or, à coté de ces coopératives - la raison ne peut que l'accepter, monsieur le sénateur -, les petits commerces, qui sont les points de vente traditionnels, sont soumis à l'impôt sur les sociétés et à l'ensemble de la fiscalité des entreprises.

C'est pourquoi, si l'on veut conserver le régime spécifique des coopératives agricoles, il faut faire preuve de rigueur dans son application, afin d'éviter les distorsions de concurrence et d'éventuelles dérives qui ne seraient pas acceptables.

Lors des consultations menées avec M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, les représentants des coopératives ont d'ailleurs indiqué au Gouvernement avoir conscience de telles difficultés.

Le Gouvernement a donc décidé de préserver le régime des coopératives tout en renforçant ses conditions d'applications dans le sens que je viens d'expliquer. C'est l'objet de l'instruction fiscale du 29 mars 2006, qui est toute récente.

Cela étant, mon collègue M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, ne méconnaît pas les remarques émises, d'une manière d'ailleurs assez répétitive, par les représentants des coopératives viticoles.

C'est la raison pour laquelle il a tenu à engager avec eux un dialogue constructif, dialogue qui est actuellement en cours. Ainsi, une réunion a été organisée à son cabinet le 17 mai dernier et une nouvelle réunion aura lieu cet après-midi même. Les parlementaires seront informés de l'évolution de ces discussions.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse, qui me satisfait partiellement.

J'ai bien noté votre intention de réengager une concertation, notamment dans le cadre de la réunion du 17 mai dernier et de la réunion de cet après-midi.

Toutefois, ce que nous espérons, c'est que l'on puisse effectivement revenir sur cette instruction, qui pénalise réellement les coopératives, en particulier les coopératives agricoles.

À la question : « Est-il opportun de toucher au statut fiscal des coopératives dans cette période ? », je n'ai pas de réponse. De toute évidence, ce n'était absolument pas le moment !

Néanmoins, je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

fermeture de l'usine dim à château-chinon

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 1056, adressée à M. François Loos, ministre délégué à l'industrie.

M. René-Pierre Signé. Malgré le respect que je porte à M. Hamlaoui Mékachéra et l'admiration que j'ai pour les anciens combattants, je déplore que M. le ministre délégué à l'industrie ne soit pas présent pour répondre à une question aussi importante sur une entreprise qui veut survivre. C'est donc M. le ministre délégué aux anciens combattants qui va y répondre. Avouez que la symbolique n'est pas excellente !

Monsieur le ministre, la fermeture de l'usine de production DIM de Château-Chinon, annoncée lors du comité central d'entreprise du groupe Dim Branded Apparel, qui s'est tenu le lundi 15 mai 2006, a provoqué la stupeur et la colère des salariés et des élus.

Le plan de restructuration de l'entreprise concerne toute la France, mais la situation est particulièrement dramatique à Château-Chinon, dans la mesure où la fermeture pure et simple du site est programmée. Ce sont ainsi quatre-vingt-quinze personnes qui sont visées par un licenciement et autant de familles qui sont durement touchées.

Une fois encore, un groupe industriel s'abrite derrière la sauvegarde de la compétitivité pour justifier la destruction de l'emploi dans une région déjà durement atteinte par les plans sociaux et profondément marquée par le départ de ses fleurons industriels.

En conséquence, monsieur le ministre, je vous demande de prendre en considération les conséquences sociales et territoriales de cette fermeture annoncée et de m'indiquer les moyens que vous envisagez de mettre en oeuvre afin de répondre à l'inquiétude extrême des salariés.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Toutefois, ce n'est pas à vous que je rappellerai que l'unicité d'un Gouvernement est entière et que, par conséquent, l'un de ses membres peut très bien répondre à une question portant sur une matière n'entrant pas dans sa sphère de compétence.

Cela étant, dans le cas de marques renommées, comme DIM, qui est un fleuron de notre industrie, tout doit être mis en oeuvre afin de lui permettre de perdurer. Cela passe par l'innovation, la création et l'investissement.

Le Gouvernement s'est fortement impliqué dans ces trois directions. Trois pôles de compétitivité ont été labellisés dans le secteur textile. Le crédit d'impôt collection a été doublé depuis l'an dernier et le dispositif Oséo pour le textile a été renforcé il y a quinze jours.

S'agissant des restructurations, le Gouvernement sera particulièrement vigilant, monsieur le sénateur, sur la manière dont l'entreprise procèdera pour aider les salariés touchés à retrouver un emploi. Une attention particulière sera accordée à la main d'oeuvre féminine, très présente dans ce type d'activité. De manière injuste, les femmes sont en effet très souvent les premières victimes de ce fléau.

Sachez que les représentants des salariés seront reçus cet après-midi par M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Par ailleurs, la loi de programmation pour la cohésion sociale impose également à DIM de contribuer au développement économique des territoires touchés par la restructuration. L'entreprise devra favoriser des actions susceptibles de créer dans le bassin de Château-Chinon autant d'emplois qu'elle en aura supprimé.

M. le ministre délégué à l'industrie recevra d'ici à quinze jours le président de la maison mère de DIM, ainsi que le président de DIM, notamment pour leur rappeler les règles élémentaires qui doivent être appliquées.

Quant à la prise en considération des conséquences sociales et territoriales de cette fermeture annoncée, sachez que nous avons proposé à la Commission européenne de prolonger en 2007 et en 2008 le bénéfice des aides à finalité régionale pour le bassin de Château-Chinon, alors même que les zones couvertes en France seront réduites de moitié après 2006.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, vous nous dites, et je vous en remercie, que ce dossier est l'une des préoccupations du Gouvernement. Mais nous ne sommes pas dans la même logique que vous !

Vous ne parlez que de plan social. C'est donc que vous considérez que le plan d'orientation stratégique est définitivement adopté et que les licenciements seront bien réels, ce qui n'a pas encore été dit, même si nous nous doutons bien que la décision sera prise le 20 juin de fermer le site de Château-Chinon. Si une réduction d'effectifs est à la rigueur envisageable, nous ne voulons pas de la fermeture de ce site !

Les salariés, les syndicats et les élus feront à M. le ministre, s'il les reçoit - un rendez-vous a été demandé -, des contre-propositions montrant que le site de Château-Chinon est parfaitement viable et que le transfert en Chine occasionnera de nombreux inconvénients, en particulier une perte en termes de savoir-faire, de ponctualité et de compétitivité des salariés de Château-Chinon.

Ces salariés ont été soumis aux pires conditions : ils ont amputé leurs vacances, travaillé les jours fériés, fait face à des commandes imprévues. Ils ont mis en oeuvre la flexibilité, la mutabilité et l'adaptabilité, qui, dit-on, riment avec plein-emploi. Sûrement pas ! Malgré tout cela, ils seront licenciés ! C'est très choquant. En outre, la fermeture totale du site de Château-Chinon fera perdre, brutalement, à cette ville plus de 50 % de sa taxe professionnelle. C'est désastreux. Ce n'est pas acceptable pour nous.

Monsieur le ministre, je vous remercie de me dire que DIM appliquera un plan social, que des reconversions seront prévues, mais ce n'est pas ce que nous souhaitons. Nous voulons que le site ne disparaisse pas !

J'espère que nous aurons l'occasion de rencontrer M. Gérard Larcher ou M. François Loos parce que nous avons des contre-propositions à leur faire, qui pourraient, selon nous, sauver le site.

participation des communes au financement des écoles privées sous contrat d'association

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, auteur de la question n° 1045, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Michel Mercier. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la mise en oeuvre de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui a rendu obligatoire le financement de la scolarité des enfants inscrits dans une école privée sous contrat située dans une commune dont ils ne sont pas résidents par leur commune de résidence.

M. Gérard Delfau. Très bonne question !

M. Michel Mercier. Dans mon département, comme dans de nombreux autres, cette question est mal perçue et mal vécue, notamment par les maires, qui se trouvent à la croisée de deux exigences constitutionnelles contradictoires, sans pouvoir parvenir à une solution équilibrée : d'un côté, la liberté pour les parents de choisir l'école de leur enfant ; de l'autre, le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales.

L'article 89 de la loi du 13 août 2004 fait application d'une fausse symétrie entre le financement des écoles publiques et celui des écoles privées. Ainsi, un enfant peut être inscrit dans une école publique d'une commune autre que celle où il réside, à condition que le maire accorde une dérogation. S'agissant d'une école privée sous contrat, il s'agit d'une décision des parents, qui va pourtant s'imposer au maire, lequel n'aura plus la liberté de décider d'une dépense communale.

Je conçois parfaitement qu'il ne soit pas facile pour vous, monsieur le ministre, de résoudre la contradiction entre deux règles constitutionnelles aussi fortes, auxquelles nous sommes tous attachés. Néanmoins, ce problème se pose dans des petites communes, mais également dans des très grandes communes, qui comptent de grands établissements privés. Ce sont alors les petites communes qui doivent payer pour les établissements privés de la grande commune.

Monsieur le ministre, où en est le Gouvernement de sa réflexion sur cette question ? Comment envisage-t-il de régler le problème de l'application de cette règle afin que celle-ci ne crée pas de divisions entre les communes, mais également entre les Français ?

Lorsque l'existence de l'école communale d'une petite commune dépend de l'inscription de quelques élèves, qui vont dans l'école de la commune voisine, cela pose des problèmes juridiques, mais aussi relationnels entre les habitants d'une même commune. Certains soutiennent l'école, d'autres pas !

Derrière une apparente symétrie de financement de l'école publique et de l'école privée, l'article 89 soulève bien des questions difficiles à résoudre. Comment le Gouvernement envisage-t-il de régler ces problèmes juridiques pour assurer la paix scolaire dans la commune ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. Bravo ! C'est la question d'un homme de terrain !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous posez, comme à l'accoutumée, une question avisée sur un sujet important, qui, à l'évidence, préoccupe de nombreux élus locaux. Je ne m'étonne pas que vous vous en fassiez ainsi l'écho. Cette question appelle une réponse à la fois prudente et précise.

Cette question appelle d'abord une réponse prudente, et ce pour deux raisons. La première est que, comme vous le savez sans doute, la circulaire du 2 décembre 2005 prise pour l'application de l'article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales a fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État. La seconde est que, comme vous le soulignez vous-même, l'enjeu de cette question est la conciliation du principe de parité entre école publique et école privée, ainsi que la liberté de choix des parents, à laquelle nous sommes, vous et moi, attachés. La prudence commande donc d'attendre que le Conseil d'État se soit exprimé avant d'apporter une réponse définitive.

Cette question appelle ensuite une réponse précise, et ce également pour deux raisons : d'une part, parce que l'application de l'article 89, qui résulte d'un amendement de votre collègue Michel Charasse, est un sujet à la fois très sensible pour les communes et les familles concernées et relativement complexe d'un point de vue juridique ; d'autre part, parce que vous n'ignorez pas que l'article 89 et la circulaire du 2 décembre 2005 ont suscité des interrogations légitimes, voire des incompréhensions, auxquelles il convient de répondre, même à titre provisoire.

Pour commencer, rappelons la portée de cet article. Il porte sur la prise en charge par les communes de résidence des dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat pour les élèves scolarisés dans une autre commune, dite commune d'accueil. Pour les écoles publiques, cette question est traitée par l'article L. 212-8 du code de l'éducation.

En vertu de l'article L. 442-9 du code de l'éducation, le principe de la répartition des dépenses de fonctionnement par accord entre commune d'accueil et commune de résidence était déjà applicable au financement des écoles privées sous contrat. Mais, faute de procédure de résolution des conflits, aucune disposition ne permettait de surmonter d'éventuels désaccords.

L'article 89 a donc pour objectif et pour effet d'étendre au financement des écoles privées la procédure de résolution des conflits et les modalités de calcul des contributions de la commune de résidence, telles qu'elles sont prévues par les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-8.

Cette première précision est, au demeurant, une manière de rappeler que cette procédure n'a vocation à intervenir que dans les cas où aucun accord n'a pu être obtenu pour la prise en charge des dépenses de fonctionnement afférentes aux élèves « non-résidents ».

Lorsqu'il est nécessaire de mettre en oeuvre cette procédure, deux situations se présentent alors.

Si la commune de résidence est dépourvue de capacités d'accueil dans ses établissements scolaires - c'est le premier cas de figure -, il appartient au préfet de déterminer la contribution de celle-ci, après avis du conseil départemental de l'éducation nationale, le CDEN, en tenant compte de ses ressources, du nombre d'élèves concernés et du coût moyen par élève.

C'est dans le second cas de figure, si la commune de résidence dispose de capacités d'accueil dans ses établissements scolaires, qu'il existe à l'évidence une divergence d'interprétation entre l'Association des maires de France et les représentants de l'enseignement catholique, qui représente environ 97 % de l'enseignement privé sous contrat.

Selon l'AMF, la contribution de la commune n'est obligatoire que dans les cas où celle-ci devrait participer au financement d'une école publique extérieure qui accueillerait le même élève, c'est-à-dire, concrètement, si elle a donné son accord à une scolarisation extérieure ou si cette scolarisation extérieure est liée aux obligations professionnelles des parents, à l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune ou à des raisons médicales. Dans tous les autres cas, la commune serait exonérée.

Selon l'enseignement catholique -  dont j'ai d'ailleurs rencontré les représentants, voilà quelques jours -, si cette exonération est justifiée s'agissant des écoles publiques - puisqu'il s'agit de dérogations à la carte scolaire -, elle ne saurait s'appliquer aux écoles privées.

Le ministère de l'intérieur, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale, a eu à coeur, ces dernières semaines, de susciter un dialogue entre l'Association des maires de France et le Secrétariat général de l'enseignement catholique.

Nous leur avons proposé un modus vivendi, qui devrait être prochainement acté, reposant sur trois principes.

Le premier principe est de conserver à la procédure de fixation des contributions communales par le préfet son caractère résiduel, et donc de privilégier les accords locaux, dans leurs différentes formes.

Le deuxième est de prendre acte de la divergence d'interprétation et de considérer qu'elle doit être tranchée, dans la mesure du possible, dans un cadre national, par le Conseil d'État.

Le troisième principe est donc, dans l'attente de cette clarification, d'appliquer l'article 89, au moins pour tous les cas qui ne font pas l'objet d'une divergence d'interprétation.

Je terminerai en soulignant que le dialogue entre les représentants des maires et ceux de l'enseignement catholique a été marqué par une grande qualité d'écoute réciproque, qui reflète d'ailleurs la réalité du dialogue qui se noue au plan local, dans la plupart des départements. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a d'ailleurs demandé aux préfets, qui étaient réunis hier, de prolonger ce dialogue dans leurs départements.

Je crois, monsieur Mercier, que ce dialogue est de nature à régler la plupart des difficultés rencontrées et à assurer la mise en oeuvre de l'article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales dans un climat apaisé et constructif.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Il est bien normal que ce soit un Auvergnat qui essaie de nous sortir de cette affaire ! (Sourires.)

Votre habileté est grande, comme toujours, monsieur le ministre ; vous avez su tracer un certain nombre de perspectives, mais toutes ne peuvent pas aboutir, vous le savez.

Vous attendez, dites-vous, la décision du Conseil d'État. Or, vous savez bien que l'article 89 est d'application directe, qu'il n'y a donc pas eu de décret et qu'il s'agit simplement de savoir si la circulaire que vous avez prise avec le ministre de l'éducation nationale est ou non contraire à la loi. Mais cette décision ne changera pas la loi en elle-même, le Conseil d'État n'ayant pas ce pouvoir. Il peut se fonder sur la jurisprudence posée par l'arrêt du 29 janvier 1954 « Institution Notre-Dame du Kreisker », qui portait d'ailleurs sur une question extrêmement voisine, pour juger que la circulaire doit être annulée. Donc, il y a là une éventuelle solution.

Vous avez raison sur un point, qui est le plus important : il faut privilégier l'accord local par rapport à toute autre décision, sinon on ne s'en sortira pas.

Si, jusqu'à maintenant, les choses ont fonctionné, c'est parce qu'au fil du temps des accords locaux ont été trouvés, qui allaient au-delà de la loi Barangé, de la loi Debré, de tous les textes relatifs aux écoles privées, et qui, localement, ont permis qu'un modus vivendi soit établi. Chaque fois que le Gouvernement, par l'entremise des préfets, laissera un accord local secret vivre sa vie, nous aurons gagné.

Le pire serait de créer des divisions sur une question aussi importante. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de vouloir privilégier l'accord local par rapport à toute disposition législative d'ordre général qui risquerait, en n'étant pas suffisamment précise, de créer des dissensions.

contrat de projet état-région et gestion de l'après-mine

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 1057, adressée à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, pendant longtemps, la Lorraine, au regard des richesses que lui offrait l'exploitation du minerai de fer et du charbon, fut perçue comme l'Eldorado. Mais cette période est révolue, tant et si bien que l'on parle depuis plusieurs années d'« après-mines ». Cette appellation quelque peu restrictive ne saurait se limiter à la seule gestion de l'arrêt d'activités traditionnelles. Elle cache des problématiques territoriales plus larges et plus complexes que celles qu'impose une simple reconversion.

Cette reconversion du secteur minier ferrifère et charbonnier lorrain est loin d'être achevée dans la mesure où elle doit faire face à de nouvelles difficultés. Je pense à l'ennoyage, à la gestion de l'eau et aux affaissements miniers dramatiques du bassin sidérurgique ferrifère, à propos desquels d'ailleurs mes collègues Gisèle Printz, Daniel Reiner, Jean-Pierre Masseret, président de la région Lorraine, et moi-même n'avons jamais cessé d'interpeller, ici même, le Gouvernement. Je pense également aux nouvelles contraintes qui feront suite à la disparition programmée de Charbonnages de France dans le bassin houiller de Lorraine.

Qui dit « reconversion » dit « requalification urbaine et développement durable ». Entamée lors du précédent contrat de plan État-région, la requalification urbaine des cités minières demeure une priorité à la fois par l'ampleur des travaux restant à réaliser et par l'attente sociale qu'elle constitue. À cette dernière s'ajoutent les problèmes liés à l'alimentation en eau potable, l'assainissement, le traitement des friches et la gestion du foncier.

Ce sont autant de chantiers pour lesquels la région Lorraine, le département et les communes concernées ne pourront, avec la fin du contrat de plan État-région, assumer seuls les coûts financiers induits.

Permettez-moi, pour expliciter mon propos, de prendre l'exemple d'un bassin déjà fragilisé économiquement, le bassin houiller de Lorraine.

Avec la disparition programmée de Charbonnages de France, le bassin houiller de Lorraine doit réussir sa réinitialisation et les collectivités du secteur achever la réhabilitation de leurs cités minières. Ces collectivités devront également faire face à un éventuel transfert des actifs immobiliers encore propriété de Charbonnages de France.

Selon un premier recensement des besoins exprimés en fin d'année 2005, seront encore nécessaires, avant le terme du plan FNADT, le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, 70 millions à 100 millions d'euros pour les travaux de voirie et d'assainissement, 20 millions d'euros pour les travaux d'alimentation en eau potable, et 30 millions à 40 millions d'euros pour faire face aux transferts des actifs immobiliers de Charbonnages de France.

Face à de tels chiffres, de tels enjeux, l'État ne peut se désolidariser d'une région qui, par son histoire, son industrie, ses mines et son économie, fit les beaux jours de notre pays. Le gouvernement Jospin l'avait compris, lorsqu'il précisa au moment du plan FNADT, à travers lequel étaient pris en charge à 100% les travaux de voirie et d'assainissement des communes minières, que celui-ci n'était pas signé pour solde de tout compte, qu'il en faudrait certainement d'autres.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite savoir si l'État entend inscrire un volet « après-mines » lors du contrat de projet qu'il signera avec la région Lorraine, pour qu'ensemble nous réussissions cette reconversion inachevée.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Christian Estrosi, qui, empêché, m'a chargé de vous répondre aussi précisément que possible.

Le Gouvernement attache une grande importance au devenir des bassins miniers, en particulier ceux de la Lorraine et du Nord-Pas-de-Calais.

Sur la seule période 2000-2006, période actuelle des contrats de plan, 21 millions d'euros en Lorraine et 160 millions d'euros dans le Nord-Pas-de-Calais ont été consacrés au volet « après-mines ».

C'est vrai, les gouvernements successifs ont pris, dès l'an 2000 - j'y insiste -, du retard sur ces programmes. Aujourd'hui évalué à un peu plus d'un an de programmation, ce retard est dans la moyenne de ceux qui sont constatés globalement sur d'autres volets et il est d'ailleurs identique à ceux qui ont marqué les précédents contrats de plan.

Je tiens à souligner que le Gouvernement tiendra tous les engagements qu'il a pris sur la restructuration des zones minières dans le cadre des actuels contrats de plan, et ce, même s'il faut plus de temps que prévu à l'origine. C'est un engagement fort, au nom de la solidarité nationale.

Le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a toujours été favorable à ce qu'un volet « après-mines » soit envisagé dans les futurs contrats de projet pour la Lorraine. Il s'agit de terminer, au nom de la cohésion économique, sociale et territoriale, ce vaste programme commencé voilà une trentaine d'années. Sous l'impulsion du ministre d'État, mon collègue Christian Estrosi et moi-même avons porté cette conviction dans le débat gouvernemental. Et nous avons eu raison.

En effet, dans les futurs contrats de projet 2007-2013, dans la troisième des trois priorités nationales - celle de la cohésion sociale et territoriale - figure un thème intitulé « anticipation et accompagnement des mutations économiques dans les bassins les plus affectés ». C'est dans ce thème que peut et doit s'insérer le futur volet « après-mines ».

C'est d'ailleurs une parole que Christian Estrosi est allé porter devant vous, en Lorraine, en avril dernier, à l'occasion d'une réunion consacrée aux contrats de projet et à laquelle étaient conviés tous les grands élus lorrains, en particulier les parlementaires, dont vous-même, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je vous remercie de la réponse que vous venez de m'apporter, au nom de M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.

J'étais, bien sûr, présent à la préfecture de région lors de la venue de M. Christian Estrosi, car, si je n'assiste pas à toutes les réunions, sur des sujets comme celui-là, je suis en général assez attentif.

J'ai donc noté dans votre réponse que pouvait et devrait s'inscrire un contrat de projet avec la région Lorraine dans le cadre des futurs contrats de projet C'est déjà, en tout cas, une mesure certaine.

Le conseil régional, quant à lui, le 23 mai dernier, a donné mandat à son président pour négocier le contrat de projet avec l'État, notamment le projet intitulé « requalification des territoires post industriels et après-mines ».

Je déplore que le Gouvernement ait préféré reporter la discussion du volet territorial, qui est pourtant très urgente dans notre secteur. En effet, il n'est pas possible d'envisager le développement futur de territoires qui ont été aussi sinistrés sans une politique d'aménagement du territoire.

Je souligne que 80 % des propositions du préfet recoupent celles de la région Lorraine. L'ensemble des élus, toutes tendances confondues, souhaitent en tout cas que l'État soit vraiment présent dans le cadre de ce projet « après-mines ». En effet, les capacités contributives de certaines communes sont tellement faibles que, sans une participation forte des collectivités territoriales plus importantes et de l'État, l'avenir sera très sombre.

application de la loi sur l'accueil et l'habitat des gens du voyage

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 1046, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Michel Billout. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'application de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

En effet, les schémas départementaux sont aujourd'hui établis, mais la totalité des aires d'accueil n'est pas réalisée, loin de là. Je souhaite donc connaître l'état d'application de cette loi et le niveau de réalisation des objectifs déterminés par les schémas départementaux.

De plus, l'article 3 de cette loi dispose : « Si, à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la publication du schéma départemental [...] et après mise en demeure par le préfet restée sans effet dans les trois mois suivants, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale n'a pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, l'État peut acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d'aménagement et gérer les aires d'accueil au nom et pour le compte de la commune ou de l'établissement public défaillant. »

Dans ces conditions, je souhaite donc également savoir quelles mesures ont été prises par l'État pour remplir cette obligation en cas de défaillance des communes, sachant que des délais supplémentaires ont déjà été accordés.

Ainsi, dans mon département, la Seine-et-Marne, six ans après l'adoption de cette loi, 196 places ont réellement vu le jour et 78 seulement sont en cours de réalisation, alors que les besoins estimés par la préfecture en janvier dernier s'élèvent à 1 250 places !

Les retards accumulés pénalisent fortement les communes ou les intercommunalités qui ont respecté la loi et investi dans la réalisation d'aires d'accueil.

En nombre très insuffisant, les aires aujourd'hui créées ne permettent pas de garantir aux populations concernées des conditions d'accueil satisfaisantes.

Ce manque place également les communes dans des situations difficiles. En effet, malgré les tarifs attractifs des aires d'accueil - par exemple, deux euros cinquante par jour sur l'aire de ma commune pour un emplacement pouvant accueillir deux caravanes - les stationnements sauvages persistent, provoquant l'exaspération des élus et des administrés, qui ne comprennent pas l'inaction des pouvoirs publics. Les mesures administratives restent trop lourdes - intervention d'huissier et saisine en référé du tribunal de grande instance -, et inopérantes, car l'obtention d'une ordonnance du tribunal demande entre quatre et cinq jours, retardant d'autant l'intervention des forces de l'ordre.

Les communes ayant fait l'effort financier de créer des aires d'accueil sont ainsi doublement pénalisées : non seulement, elles financent l'investissement et le fonctionnement de ces aires, mais elles doivent en outre assumer la prise en charge des branchements électriques et des ponctions d'eau illicites dus aux stationnements illégaux.

L'inaction des pouvoirs publics est insupportable pour les administrés de nos communes : en Seine-et-Marne, sur 186 implantations illégales dénombrées en 2005, seules 57 ont donné lieu à des accords de concours de la force publique pour expulser les occupants.

Dans ces conditions, je souhaiterais savoir quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour permettre l'application complète de cette loi, sachant que seule la réalisation de l'ensemble des places prévues permettrait d'accueillir au mieux les gens du voyage, dans un double souci de solidarité et de responsabilisation.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, le ministre d'État, empêché, m'a demandé de répondre à sa place, comprenant parfaitement que vous souhaitiez obtenir des informations sur l'application du dispositif départemental d'accueil des gens du voyage, prévu, comme vous l'avez rappelé, par la loi du 5 juillet 2000, qui renforce les obligations des communes en la matière.

Ainsi que vous le soulignez, à ce jour, les schémas départementaux ont été signés et publiés. Toutefois, les objectifs de création d'aires d'accueil, fixés très précisément à 44 232 places, ne sont pas encore atteints, du fait des difficultés liées, notamment, à la mobilisation des terrains ou à la recherche de financements. À la fin de l'année 2005, on comptait 366 aires d'accueil en service, représentant 7 746 places, et 68 aires de passage permettant d'offrir 7 339 places, soit un taux global de réalisation de 17 %.

C'est la raison pour laquelle la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prorogé de deux ans le délai prévu pour la réalisation de ces aires.

Dans ces conditions, s'agissant des mesures prises par l'État en cas de défaillance des communes, la priorité a été accordée au dialogue avec les élus, afin de les inciter à réaliser ces aires d'accueil. C'est pourquoi aucun préfet n'a encore fait usage de la procédure de substitution. Une circulaire interministérielle est cependant en cours d'élaboration, afin d'indiquer aux préfets, en cas de refus manifeste des élus de réaliser les aires, les modalités de mise en oeuvre de leur pouvoir de substitution.

Vous vous préoccupez également de la longueur et du coût, en particulier pour les petites communes, des procédures destinées à obtenir l'évacuation forcée des résidences mobiles en stationnement illicite.

La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a apporté des améliorations à cette situation. Outre l'incrimination du stationnement illicite, désormais prévue par l'article 322-4-1 du code pénal, le maire peut mettre en oeuvre la procédure civile d'expulsion en saisissant directement le juge des référés, sans acquitter de frais de justice et sans recourir obligatoirement à un huissier pour constater une occupation illicite.

Ces mesures ne peuvent cependant s'appliquer ni au profit des communes qui n'ont pas encore réalisé leurs aires d'accueil, ni aux fins d'expulsion des personnes stationnant sur les aires aménagées.

Les conflits qui peuvent résulter du défaut de paiement des droits de stationnement ou des dégradations consécutives à l'occupation des aires relèvent d'une procédure de droit commun. Il convient, lorsque de tels faits sont constatés, de saisir le juge judiciaire pour faire prévaloir l'intérêt de la commune.

Pour faire face aux difficultés rencontrées par les communes, le ministre d'État a engagé une réflexion sur la manière d'accélérer sensiblement la procédure d'évacuation forcée des résidences mobiles pour stationnement illicite, tout en respectant les garanties fondamentales. Une procédure accélérée pourrait également être mise en place pour les séjours abusifs sur une aire d'accueil.

Pour réaliser l'objectif fixé par le législateur d'équiper le territoire en aires d'accueil, je vous rappelle que les communes de plus de 5 000 habitants qui ne rempliraient toujours pas leurs obligations légales seraient exclues de ces facilités procédurales.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Je remercie M. le ministre des précisions qu'il a apportées.

Afin d'éclairer mon propos, je précise qu'il n'est pas utile, de mon point de vue, de recourir à des procédures répressives, tant que le taux de réalisation des aires d'accueil prévues par la loi ne le permet pas. En effet, expulser des familles de gens du voyage vers des terrains qui n'existent pas encore pour les recevoir poserait de réels problèmes.

Il est donc nécessaire d'accélérer l'application de cette loi, ce qui ne peut se faire sans dialogue.

Je partage donc votre souci d'accorder la priorité au dialogue avec les élus. Mais il faut le faire avec fermeté et courage, puisque l'on se heurte aux mêmes difficultés que pour l'application de la loi SRU et la construction de logements sociaux. Ce sont toujours à peu près les mêmes élus qui refusent d'accueillir sur leur territoire des populations qu'ils jugent indésirables.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour faire diligence dans l'application de cette loi.

évolution du statut de saint-barthélemy et saint-martin

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, en remplacement de M. Daniel Marsin, auteur de la question n° 1041, transmise à M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, M. Marsin ayant eu un empêchement de dernière minute, il m'a demandé de vous poser sa question, ce que je fais bien volontiers.

Le projet de loi organique relatif au statut de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin est très attendu par les populations concernées. Or il n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour du Parlement.

Lors des consultations du 7 décembre 2003, une très large majorité des électeurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin s'est prononcée en faveur d'une évolution statuaire, conformément aux dispositions de l'article 74 de la Constitution. Depuis la réforme constitutionnelle de 2003, le dispositif de cet article permet aux collectivités d'outre-mer concernées de disposer d'un cadre institutionnel adapté à leurs spécificités, et de bénéficier du principe de spécialité législative.

Ainsi, ce nouveau cadre devrait garantir la stabilité institutionnelle, gage d'un meilleur développement. Malheureusement, cette réforme tant attendue tarde à voir le jour.

Pourtant, lors de son audition par la commission des lois, le 16 novembre 2005, M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, indiquait que le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire relatifs au statut de Saint-Barthélemy et Saint-Martin avaient été transmis au Conseil d'État le 4 novembre 2005. Il avait alors estimé que ces textes devaient être examinés par le conseil des ministres avant la fin de l'année dernière, pour être ensuite transmis au Sénat dans les premiers mois de l'année 2006, en application du second alinéa de l'article 39 de la Constitution. C'est finalement le 17 mai que vous avez présenté ces projets de loi en conseil des ministres, mais toujours sans annoncer la date de discussion dans notre assemblée.

Or, et bien que ces projets de loi correspondent à un engagement personnel du Président de la République, la longueur de leur délai de mise en oeuvre et le report des discussions pourraient nous conduire à douter de leur urgence et de leur importance pour le Gouvernement. Cette urgence est pourtant réelle pour les populations visées et les élus que nous sommes.

Il m'apparaît donc essentiel, monsieur le ministre, que le Gouvernement dissipe rapidement l'inquiétude légitime des populations de ces territoires et de leurs représentants : inquiétude quant au calendrier d'une part, mais aussi quant aux conditions de l'engagement financier, indispensable corollaire des importants transferts de compétence envisagés par le projet de loi organique.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si ce projet de loi sera inscrit à l'ordre du jour du Sénat avant la fin de la session parlementaire, ainsi que l'espèrent les habitants de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu poser cette question au nom de M. Marsin. Si vous le permettez, je vais vous répondre au nom de M. Baroin, qui est précisément en déplacement à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Le 7 novembre 2003, à l'Assemblée nationale puis au Sénat, le Gouvernement a fait une déclaration suivie d'un débat sans vote, au cours duquel tous les orateurs ont approuvé le principe d'une consultation des électeurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Comme vous l'avez justement rappelé, monsieur le sénateur, le Président de la République a décidé d'organiser, le 7 décembre 2003, une consultation des populations de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sur l'évolution institutionnelle et statutaire de leurs collectivités respectives.

Si les électeurs de Guadeloupe et de Martinique ont rejeté l'évolution institutionnelle vers une collectivité unique se substituant au département et à la région, ceux de Saint-Barthélemy, à plus de 95 %, et de Saint-Martin, à plus de 76 %, ont très largement approuvé la perspective de la création, dans chacune de ces îles, d'une nouvelle collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution.

Afin de concrétiser cette attente, j'ai présenté au nom de François Baroin, au conseil des ministres du 17 mai dernier, le projet de loi et le projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Ces deux textes comportent naturellement les dispositions nécessaires à la création des deux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, mais aussi celles qui sont rendues indispensables, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, à l'actualisation du statut de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Je vous confirme donc la volonté du Gouvernement d'inscrire ce texte à l'ordre du jour du Parlement ; tout sera fait pour que la Haute Assemblée puisse l'examiner dès que possible.

En tout état de cause, je peux vous assurer, dans le cadre des responsabilités que j'ai l'honneur d'assumer en qualité de ministre délégué aux relations avec le Parlement, de la volonté du Gouvernement de voir ce texte définitivement adopté d'ici à la fin de l'année.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, au nom de mon collègue Daniel Marsin, je vous remercie d'avoir réitéré, dans votre réponse, l'engagement du Gouvernement de faire venir en discussion ce projet de loi devant la Haute Assemblée avant même la fin de cette année.

évaluation de l'assurance chômage et politique du retour à l'emploi

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 1013, adressée à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, en mars dernier, la Cour des comptes publiait un rapport thématique consacré à l'évolution de l'assurance-chômage et formulait un certain nombre de propositions pour accélérer le retour à l'emploi des chômeurs ainsi que pour accroître, dans la mesure du possible, l'efficacité du contrôle de la recherche d'emploi.

Le nombre de sans-emploi en France, malgré une décrue significative au cours des derniers mois, est toujours aussi préoccupant.

En effet, à côté des « personnes sans emploi immédiatement disponibles recherchant un contrat à durée indéterminée à temps plein » figurant dans les statistiques officielles régulièrement publiées, nous savons bien que nombreuses sont celles qui recherchent un contrat à durée déterminée ou un contrat à durée indéterminée à temps partiel, celles qui sont en formation ou dans bien d'autres situations encore. Selon certaines informations, il y aurait, en réalité, plus de quatre millions de personnes inscrites sur les listes de l'ANPE, soit 15 % de la population active. Cette situation m'inspire plusieurs questions.

Je relève tout d'abord un phénomène curieux : comment se fait-il que les 800 agences locales pour l'emploi et les 700 antennes des ASSEDIC coexistent sans une seule implantation commune ?

Pour quelle raison le parcours des chômeurs, des ASSEDIC à l'ANPE, en passant éventuellement par des prestataires privés voire, demain, par des maisons de l'emploi, est-il toujours aussi long et complexe ?

Comment se fait-il que la structure de la liste des demandeurs d'emploi ne corresponde qu'imparfaitement aux besoins des entreprises, que les conditions d'actualisation de cette liste manquent de fiabilité, que le contrôle des versements des allocations de l'assurance chômage demeure, semble-t-il, formel, alors que la réforme de l'allocation de solidarité est toujours en suspens ?

Dans cet esprit, ne conviendrait-il pas de croiser les fichiers de l'ANPE, des ASSEDIC et des organismes de sécurité sociale, afin de combattre les fraudes ?

La Cour des comptes estime également qu'il faut faire progresser la part des formations conventionnées destinées à répondre à des besoins immédiats non satisfaits, en d'autres termes en prise directe avec le monde du travail.

En tout état de cause, de manière plus générale, notre système d'indemnisation, finalement assez généreux, mais aussi en grave difficulté financière, n'a-t-il pas un effet démobilisateur au regard de la recherche d'emploi ? Faut-il continuer à verser des allocations - je pense notamment au RMI, avec tous ses avantages annexes et le travail au noir qui en résulte parfois - sans que les bénéficiaires apportent la moindre contrepartie, alors que collectivités et associations seraient sans doute disposées à les encadrer ?

Je crois que, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, il faut être à la fois ferme et juste : juste, car il est normal de ne pas laisser un demandeur d'emploi sur le bord du chemin ; ferme, car il est dans son intérêt et dans celui du pays qu'il accepte les propositions qui lui sont faites et réintègre le plus rapidement possible le monde du travail.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ces différents points, et nous rassurer quant à la volonté gouvernementale de rendre plus lisible et plus réaliste l'ensemble du dispositif, qui comporte actuellement, il faut le reconnaître, quelques anomalies ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Je vous répondrai, monsieur le sénateur, au nom de M. Gérard Larcher, qui m'a demandé de vous prier de bien vouloir excuser son absence.

Au travers du rapport que vous avez évoqué, la Cour des comptes estime que les évolutions importantes intervenues ces dernières années dans le domaine de l'accompagnement des demandeurs d'emploi n'ont pu porter tous leurs fruits. Elle met notamment l'accent sur la complexité des parcours ou sur la problématique des implantations géographiques.

Toutefois, les travaux présentés dans ce rapport concernent, pour l'essentiel, les années 2000 à 2004 ; or la politique menée par le Gouvernement, notamment en 2005 et en 2006, apporte des solutions aux difficultés relevées par la Cour des comptes.

S'agissant de la coopération entre les partenaires du service public de l'emploi, la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale tend à mettre en place une collaboration renforcée visant à atteindre un triple objectif commun à l'ANPE, à l'UNEDIC et au Gouvernement : simplifier les démarches pour les demandeurs d'emploi, dynamiser la recherche d'emploi, optimiser le service rendu aux demandeurs d'emploi et aux entreprises.

Cette convention prévoit également de nouvelles modalités de coordination des responsabilités, avec, en particulier, un rôle renforcé du Comité supérieur de l'emploi et l'institution d'un comité tripartite de suivi.

Enfin, la convention prévoit l'amélioration des instruments de coopération par la mise en oeuvre progressive du dossier unique du demandeur d'emploi, qui, comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, est d'ores et déjà une réalité, et par l'élaboration d'un système d'information unique pour l'ANPE et l'UNEDIC porté par une structure commune aux deux institutions, elle-même créée avant le 1er octobre 2006.

S'agissant de la complexité du parcours des demandeurs d'emploi, les délais entre les entretiens à l'UNEDIC et à l'ANPE seront réduits à huit jours en juillet 2006, et à cinq jours en juillet 2007, contre souvent vingt jours aujourd'hui. En outre, plusieurs guichets uniques - un par région - seront mis en place avant la fin de cette année.

De même, depuis le 1er janvier 2006, est mis en oeuvre le suivi mensuel personnalisé des demandeurs d'emploi, élément fort d'amélioration de l'accompagnement par l'ANPE, avec des rendez-vous plus nombreux et un conseiller référent unique. L'État a mobilisé les moyens nécessaires à un déploiement rapide de ce dispositif, en permettant à l'ANPE de recruter 3 200 agents supplémentaires.

Monsieur le sénateur, je puis vous assurer, au nom de mon collègue Gérard Larcher, que le Gouvernement entend bien poursuivre ses efforts, afin que la modernisation du service public de l'emploi se traduise par des améliorations concrètes dans la vie quotidienne des demandeurs d'emploi.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions qui confirment la volonté gouvernementale, qui est d'ailleurs aussi celle du Parlement, d'avancer dans la voie indiquée.

Cependant, mon intervention portait également sur le fait que, sur le terrain, les choses ne sont pas toujours simples. Je suis convaincu que les collectivités territoriales et les associations peuvent contribuer à la recherche de solutions aux problèmes que j'ai soulevés.

C'est la raison pour laquelle j'estime que nous avons toujours intérêt à nous retrouver sur le terrain pour envisager les problèmes de manière beaucoup plus précise. Cela fait partie des souhaits que je voulais formuler.

réglementation des incompatibilités dans la fonction publique

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 1036, adressée à M. le ministre de la fonction publique.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous nous accordons tous, me semble-t-il, pour estimer que la mobilité des fonctionnaires est un incontestable gage de qualité pour la fonction publique. Diverses mesures l'encouragent d'ailleurs, à juste titre.

Cette utile mobilité, cependant, doit être conciliée avec un principe républicain essentiel, celui de la séparation des pouvoirs et des fonctions.

À cet égard, deux questions principales se posent.

En premier lieu, à quelles conditions un fonctionnaire ayant exercé, à quelque titre que ce soit, des fonctions de contrôle, administratif ou financier, d'une collectivité territoriale peut-il servir auprès de cette collectivité, par voie de détachement ou une fois la retraite venue ?

En second lieu, à quelles conditions des magistrats chargés du ministère public et des fonctionnaires de police dont la mission est le renseignement peuvent-ils rejoindre les services d'une collectivité territoriale dans le ressort géographique de laquelle ils exercent leurs fonctions ?

Certes, la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984, complétée par le décret n° 2004-715 du 20 juillet 2004, dispose déjà que les départements, les régions et leurs établissements publics ne peuvent engager des fonctionnaires ou d'anciens fonctionnaires ayant exercé, dans le même ressort territorial, au cours des deux années qui précèdent, les fonctions de préfet, de sous-préfet, de secrétaire général de préfecture ou de secrétaire en chef de sous-préfecture.

Toutefois, ce sont là, à ma connaissance, les seules dispositions légales existantes, ce qui laisse fâcheusement en dehors du champ des incompatibilités d'autres catégories de fonctionnaires ayant rempli des missions de contrôle des collectivités territoriales - par exemple les trésoriers-payeurs généraux et les comptables du Trésor ou les directeurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - ou, plus généralement, dont les fonctions exigent une totale indépendance par rapport à elles : magistrats chargés du ministère public, directeurs des renseignements généraux, etc.

Ainsi, le conseil général du Var vient d'engager par voie de détachement, sans aucun délai de carence, le directeur départemental des renseignements généraux, qui était en poste depuis plusieurs années. En dehors de toute considération de personne, cela ne paraît pas conforme à l'esprit de nos institutions républicaines. Une fonction aussi sensible que celle de directeur des renseignements généraux ne tire, en effet, sa légitimité que d'une stricte indépendance par rapport aux pouvoirs locaux.

Dans ces conditions, pensez-vous légitime, monsieur le ministre, d'étendre le champ de la réglementation encadrant les conditions dans lesquelles les fonctionnaires de l'État peuvent servir auprès des collectivités territoriales à d'autres personnes que les hauts fonctionnaires préfectoraux, notamment à celles que je viens d'évoquer ? Dans l'affirmative, quelles dispositions envisagez-vous de prendre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le sénateur, j'indiquerai tout d'abord que le recrutement auquel vous avez fait référence est conforme au droit.

Si la mobilité entre les fonctions publiques fait partie des déroulements de carrière normaux des fonctionnaires, des dispositions précises ont bien entendu été prévues pour encadrer un certain nombre de cas sensibles.

Ainsi, comme vous l'avez rappelé, les membres du corps préfectoral ne peuvent être recrutés dans les services des départements et des régions de leur ressort territorial qu'au terme d'un délai de deux ans.

En outre, les magistrats des chambres régionales des comptes ne peuvent être recrutés dans une collectivité territoriale du ressort de leur juridiction qu'après un délai de cinq ans.

Par ailleurs, à l'inverse, nul ne peut être nommé membre d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel s'il a exercé depuis moins de trois ans, dans le ressort de ce tribunal ou de cette cour, une fonction de direction au sein des services d'une collectivité territoriale.

Enfin, pour l'ensemble des fonctionnaires, le détachement n'est jamais de droit. Il suppose l'accord de l'administration d'origine.

Telles sont les règles qui s'appliquent à la mobilité des fonctionnaires entre les différentes fonctions publiques.

Voilà, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je peux apporter à la question que vous avez soulevée, en précisant encore une fois que le recrutement auquel vous avez fait allusion est tout à fait conforme au droit.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je n'ignorais certes pas, monsieur le ministre, que le recrutement que j'ai évoqué était conforme au droit.

Cela étant, ayant posé ma question sans intention polémique - sinon, j'aurais interrogé M. le ministre de l'intérieur -, j'attendais tout de même autre chose que cette réponse en pure langue de bois !

L'affaire que j'ai mise en exergue concerne un département ayant eu pour préfet M. Marchiani, et qui a donc connu le mélange des genres... Pour l'anecdote, la préfecture m'a un jour répondu, à cette époque, alors que je souhaitais parler au préfet, que ce dernier se trouvait en Angola. J'ai ensuite appris qu'il n'y séjournait pas nécessairement au Club Méditerranée !

Quoi qu'il en soit, lorsque j'ai adressé ma question, je souhaitais obtenir une réponse technique, car la réglementation des incompatibilités dans la fonction publique est un véritable sujet de préoccupation. Or, comme vous êtes aussi chargé de la réforme de l'État, monsieur le ministre, je comptais vous entendre au moins reconnaître la réalité du problème et annoncer que vous alliez engager une réflexion.

Depuis, l'actualité a tout de même montré que le mélange des genres, la porosité entre les services de renseignement et les sphères politique ou industrielle n'étaient pas très sains. Ne voulant pas polémiquer, je ne rappellerai pas ici les affaires qui s'étalent dans toute la presse, mais j'insiste sur le fait, monsieur le ministre, que vous devez, puisque la réforme de l'État relève de vos attributions, prendre en considération les problèmes que j'ai soulevés et agir, d'autant que l'on évoque une réunion de l'ensemble des services de renseignement et la constitution d'une structure unique chargée du renseignement intérieur. Toutes les dérives que nous constatons à l'échelon national ne doivent pas se retrouver à l'échelon local.

Renforcement de la formation des fonctionnaires français au management public européen au sein de l'Institut européen d'administration publique (IEAP)

M. le président. La parole est à M. André Rouvière, auteur de la question n° 996, adressée à M. le ministre de la fonction publique.

M. André Rouvière. Ma question porte sur l'Institut européen d'administration publique, l'IEAP, installé à Maastricht, aux Pays-Bas, et qui est dirigé, je le rappelle, par un Français.

J'ai visité cet institut en décembre 2005 et, à cette occasion, j'ai pu constater le faible niveau de participation des cadres de la fonction publique française à ses enseignements.

L'IEAP, créé en 1981 lors du premier Conseil européen de Maastricht, est un organisme indépendant, soutenu par les contributions financières de la Commission européenne et des États membres de l'Union européenne, dont, bien entendu, la France. Il a pour vocation de former les agents publics à la gestion des affaires européennes et de développer la recherche en matière d'intégration communautaire.

Or, en 2005, seulement 129 fonctionnaires français, soit 1,31 % du total des 9 703 participants, ont suivi un séminaire de formation à l'IEAP. À titre de comparaison, il faut savoir que 1 135 participants venaient d'Espagne, 563 d'Italie, 470 d'Autriche, 292 du Royaume-Uni et 260 d'Allemagne.

Malgré l'excellence de notre appareil de formation administrative, il semble bien que l'IEAP soit le seul établissement en mesure de proposer aux cadres de nos fonctions publiques nationale et territoriale, une approche transversale et comparative des politiques communautaires et du management européen, dont il serait dommage de se priver. En effet, la présence de la France au sein des institutions européennes nécessite des efforts toujours plus grands d'adaptation aux méthodes d'administration de nos partenaires.

Je souhaiterais donc connaître votre opinion et éventuellement les mesures de coopération et de partenariat que vous pourriez envisager de mettre en oeuvre, afin de renforcer la participation des fonctionnaires français aux formations délivrées par l'IEAP.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Tout d'abord, monsieur le sénateur, je tiens à vous dire que la France apprécie les prestations offertes par l'IEAP. Elle participe directement à sa gestion : comme tous les autres États membres, elle contribue au budget de l'institut et elle a, par ailleurs, mis un fonctionnaire français à sa disposition, qui en assure la direction.

La faible participation de stagiaires français aux enseignements proposés ne correspond absolument pas à une forme de désintérêt des fonctionnaires français pour les questions européennes. Elle tient au fait que les administrations françaises offrent elles-mêmes un large éventail de formations dans ce domaine.

Avec Mme la ministre déléguée aux affaires européennes, Catherine Colonna, nous venons de faire dresser un bilan exact des organismes de formation aux enjeux européens existant pour les fonctionnaires et agents publics français. Ce rapport, confié à M. Ralph Dassa, directeur général de l'Institut de gestion publique et du développement économique, fait apparaître une offre importante et variée d'actions de formation initiale et continue au sein des administrations françaises et de leurs écoles d'application.

De plus, depuis 1995, le Centre des études européennes de Strasbourg, le CEES, adossé à l'ENA, qui intervient régulièrement, soit directement, soit en appui des formations spécifiques, à la demande des ministères, ainsi que le pôle universitaire d'études européennes de Strasbourg, garantissent aux fonctionnaires et aux étudiants français une formation de très haut niveau, assurée par des intervenants de plusieurs nationalités.

J'ajoute un autre élément qu'il convient de prendre en compte : les frais d'inscription sont sensiblement moins élevés au CEES qu'à l'IEAP. Pour vous donner un exemple, une journée de formation au CEES coûte de 130 à 140 euros, contre 350 à 400 euros à l'IEAP. Aucun gestionnaire public ne peut être insensible à cet argument.

Pour ce qui concerne, enfin, la richesse de l'approche plurinationale des enseignements, la France a toujours souhaité privilégier les expériences européennes pratiques d'apprentissage sur le terrain et d'échanges au sein de nos administrations. J'étais en Allemagne la semaine dernière avec mon homologue : 79 hauts fonctionnaires français travaillent dans les administrations allemandes.

Au-delà de ces relations bilatérales, nous favorisons la mobilité de nos fonctionnaires vers les instances communautaires. Ainsi, aujourd'hui, 183 experts nationaux sont détachés auprès des institutions européennes, ce qui nous classe, pour les cadres de catégorie A, au premier rang des pays de l'Union européenne. Cet effort continu doit être en permanence adapté et amplifié.

Pour répondre totalement à l'inquiétude qui était la vôtre, je puis vous affirmer qu'il n'y a pas de désintérêt des agents de la fonction publique française pour les questions européennes. Simplement, la palette des enseignements offerts les conduit à choisir plutôt le Centre des études européennes de Strasbourg.

M. le président. La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Monsieur le ministre, je vous remercie de préciser qu'il n'y a pas d'opposition de principe à l'IEAP de Maastricht. Vous avez fait des comparaisons sur les coûts, mais d'autres constats peuvent être établis.

En France, et notamment à Strasbourg, nous avons des formations de qualité, qui coûtent moins cher, il est vrai. Cependant, un autre facteur doit être pris en compte, à savoir les contacts que nous pouvons nouer. Le constat que je fais pour l'IEAP, je peux le faire pour d'autres organismes européens, comme EUROPOL : il y a peu de Français par rapport à notre participation financière.

Ma question, qui déborde un peu celle que j'ai posée, porte sur le fait - c'est mon sentiment, mais j'espère me tromper - que nous sommes un peu trop absents dans de nombreux organismes européens. Cela m'a été répété à plusieurs reprises : la France n'est pas assez présente, du moins si nous comparons sa participation financière à ces instituts européens et sa participation numérique. Nous payons plus, nous aurions droit à davantage de présence.

Dans de nombreux organismes européens, les Français ont tendance à ne plus occuper les places de décision, ce qui nous pénalise ; ce n'est pas le cas à l'IEAP, dirigé, je le répète, par un Français. Nous aurions intérêt à réfléchir, non pas seulement en termes financiers, mais également en termes relationnels. L'importance des relations, au sein de l'Union européenne, ne doit pas être sous-estimée.

M. le président. Je ne peux que confirmer la qualité des formations qui sont dispensées à Strasbourg.

Il faut que nous soyons conscients, comme M. le ministre l'a rappelé, de l'intérêt croissant témoigné au niveau européen pour les formations dispensées, notamment, par le CEES et l'ENA, qui sont totalement ouverts à l'international. En plus, les enseignements y sont moins coûteux qu'ailleurs ! Il ne faudrait donc pas délaisser les institutions françaises.

aménagement du tunnel du fréjus et conditions de circulation dans les alpes

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 1053, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, il s'agit d'une question alpine, mais néanmoins internationale !

Monsieur le ministre, je souhaite, par votre intermédiaire, alerter M. Dominique Perben sur l'annonce faite par la commission intergouvernementale de contrôle du tunnel du Fréjus d'une préconisation de percement d'une galerie nouvelle, dite de sécurité, de huit mètres de large, parallèle à l'actuel tunnel existant.

Comme je l'avais exprimé lors de ma précédente question sur ce sujet, le 9 mars 2005, chacun est convaincu de la nécessité de sécuriser les tunnels en France. Ce type de mesures a été rendu indispensable après le drame de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc, que nous avons encore tous à l'esprit.

A contrario, de nombreux Savoyards, mais plus largement les populations alpines, s'inquiètent à juste titre de la solution proposée. Celle-ci consisterait tout simplement à percer un deuxième tube susceptible d'être accessible à la circulation permanente, ouvrant ainsi la voie, sans le dire, à un doublement du tunnel. Rappelons pour étayer cette crainte que les pouvoirs publics italiens, par l'intermédiaire du ministre des transports du gouvernement de M. Silvio Berlusconi, avaient avancé une telle idée.

Devant le dimensionnement d'un tel ouvrage, dont le coût financier apporterait une justification à un usage autre que l'amélioration de la sécurité, les déclarations d'intention des deux gouvernements sur la pérennité des modalités d'utilisation de cette galerie ne sont franchement pas de nature à rassurer les populations concernées sur tout l'axe de transit entre l'Italie et la France.

Je pense plus particulièrement, du côté français, aux populations résidant dans l'avant-pays savoyard, dans la cluse de Chambéry, où passent d'ores et déjà en plein centre-ville 100 000 véhicules par jour, au sein de la combe de Savoie et bien évidemment aux habitants de la vallée de la Maurienne. Je souhaite vous indiquer que, récemment, des communes françaises, comme celle de la Motte-Servolex, viennent de délibérer contre ce projet. Le maire de Bardonecchia, du côté italien, qui a fait de la lutte contre le percement de ce nouveau tube l'objet principal de son mandat, a été réélu hier, avec 70 % des voix.

Dans la. réalité, ce nouvel ouvrage pourrait être utilisé pour accroître les capacités de circulation routière dans les Alpes. Nous serions donc en totale contradiction non seulement avec nos engagements internationaux, tels que la convention alpine ratifiée par le Parlement, mais aussi avec l'expérience Modalhor en cours dans la vallée de Maurienne avec la SNCF et RFF, avec l'aspiration des populations riveraines des axes d'accès à cette vallée à voir diminuer la circulation de transit, et, enfin, avec la Charte de l'environnement adoptée par le Congrès le 26 février 2005.

Dire aujourd'hui que le percement d'une nouvelle galerie est la seule condition pour assurer la sécurité de l'actuel tunnel du Fréjus ne convainc pas : d'autres solutions ont été avancées à la suite d'études conduites par le ministère des transports.

Par ailleurs, si telle était la seule solution, envisagez-vous dans un souci de cohérence de l'imposer à tous les autres tunnels existants sur le territoire national ? Dans la négative, le tunnel du Fréjus, ainsi doublé pour la traversée des Alpes, serait une voie de passage que les pouvoirs publics ne manqueraient pas de privilégier, voire même d'imposer, par rapport aux autres, notamment au tunnel du Mont-Blanc.

Ni les élus, ni les associations, ni les populations ne sont dupes face à l'argumentation actuelle qui veut qu'une nouvelle percée de huit mètres de large ne sera utilisée demain que pour accueillir une seule chaussée, dans un sens unique de circulation.

Accepter ce discours, c'est, d'une certaine façon, rejeter la responsabilité sur ceux qui auront à assumer dans l'avenir la gestion de cet équipement et des traversées alpines : ils nous démontreront alors qu'il serait incohérent de ne pas rentabiliser des capacités inexploitées face à une augmentation du trafic routier international. L'ouvrage, lui, sera durable, une fois que seront passés les initiateurs du projet et oubliés leurs engagements.

Aussi, je vous invite à préserver avant tout l'avenir du projet ferroviaire « voyageurs » et « fret » de la liaison Lyon-Turin, à ne pas suivre l'avis préconisé par la commission de contrôle du tunnel et à choisir une solution alternative, plus respectueuse des finances et des aspirations de nos populations en matière de trafic international.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je tiens à vous présenter les excuses de Dominique Perben, qui est retenu. Je vais vous apporter les éléments de réponse qu'il m'a fournis.

Malgré les importantes mesures de sécurité qui lui ont été appliquées après le dramatique accident du tunnel du Mont-Blanc en 1999, le tunnel du Fréjus doit être mis en conformité avec les normes de sécurité les plus récentes, tant européennes que françaises. La distance moyenne entre les abris est trop importante.

Par ailleurs, contrairement au tunnel du Mont-Blanc, qui dispose d'une gaine protégée sous la chaussée servant d'issue de secours, la gaine de ventilation du tunnel du Fréjus, située en plafond sous la voûte, n'est pas susceptible de pouvoir être utilisée en toutes circonstances. Si des dispositions d'exploitation et de surveillance extrêmement strictes, ainsi que la mobilisation de moyens de secours importants rapidement opérationnels relativisent aujourd'hui cette non-conformité, il est néanmoins nécessaire de réaliser dans les meilleurs délais les aménagements prévus par la réglementation.

L'accident mortel de juin 2005 ayant rappelé l'urgence des décisions à prendre, Dominique Perben s'est accordé avec son homologue italien sur le principe de la construction d'une galerie de sécurité.

Comme vous le savez, les ministres des transports français et italien ont saisi la commission intergouvernementale chargée du contrôle du tunnel pour qu'elle en précise les caractéristiques, sur la base des recommandations d'un expert indépendant

La commission intergouvernementale leur a proposé les caractéristiques techniques de cet ouvrage non circulé, qui permettra d'assurer dans de bonnes conditions à la fois la sécurité, la rapidité et l'efficacité de l'intervention des moyens de secours et de lutte contre les incendies, mais également l'évacuation des automobilistes en cas de problème.

Ce choix permettra, en outre, de ne pas interrompre la circulation pendant les longs mois de travaux.

 Dominique Perben a clairement indiqué que sa décision reposait sur deux principes : ne pas transiger sur la sécurité et ne pas accroître la capacité routière. Je rappelle que cet engagement est conforme à celui que la France a pris en signant la convention alpine, qui impose de ne pas créer de capacité routière nouvelle pour les franchissements alpins.

En toute hypothèse, et sans entrer dans des considérations trop techniques, la réalisation d'une galerie de huit mètres de diamètre ne saurait être une façon de préparer un éventuel doublement du tunnel.

Cette décision n'a donc pas d'influence négative sur la réalisation du projet ferroviaire Lyon-Turin puisque, d'une part, la capacité des itinéraires routiers reste identique et, d'autre part, le coût des travaux n'a pas vocation à être pris en charge par les États.

À ce propos, je rappelle que Dominique Perben a signé avec son homologue italien, au nom du gouvernement français, une lettre adressée à M. Barrot en juillet 2005 dans laquelle ils ont rappelé clairement leur objectif partagé de tout mettre en oeuvre pour lancer les travaux du Lyon-Turin en 2010.

La méthode qui sera suivie consiste donc à franchir, au prix d'un travail rigoureux, les différentes étapes du projet pour respecter cet engagement. Ainsi, la totalité des financements français nécessaires pour la partie internationale, soit 95 millions d'euros pour la période 2005-2009, ont été mis en place.

Avec la collaboration active de tous les élus concernés, le ministre des transports a arrêté le tracé des accès au tunnel transfrontalier, le 17 février dernier.

Par ailleurs, l'engagement de lancer avant l'été prochain l'enquête publique du tunnel international est respecté, puisque celle-ci a débuté le 23 mai dernier.

Enfin, le groupe de travail sur le report modal a été mis en place pour proposer des mesures d'incitation au développement des modes non routiers, afin de donner au Lyon-Turin sa pleine efficacité, notamment au travers du développement de l'autoroute ferroviaire alpine.

C'est donc une politique globale et équilibrée des transports que le Gouvernement mène dans les Alpes, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le ministre, bien évidemment, je ne partage pas votre conclusion sur la politique « équilibrée » des transports dans les Alpes.

On nous dit que les abris de sécurité du tunnel du Fréjus sont trop éloignés les uns des autres pour assurer une sécurité optimale. Il conviendrait donc d'en réaliser de nouveaux, mais de tels travaux nécessitent l'arrêt de la circulation sous le tunnel du Fréjus, ce qui, nous dit-on, est impossible.

Pourtant, le tunnel du Mont-Blanc a été fermé pendant de nombreux mois pour permettre la réalisation des travaux rendus nécessaires par l'incendie. Pendant cette période, tout le trafic s'est reporté sur le tunnel du Fréjus : ce qui fut possible dans un cas l'est aussi, sans doute, dans l'autre.

Par ailleurs, les galeries de sécurité de certains tunnels font moins de trois mètres de large ; or on nous propose une galerie de sécurité d'une largeur de huit mètres, supérieure à celle de bien des tunnels existants.

On nous dit qu'il s'agit uniquement d'une galerie de sécurité, mais les populations locales et les élus qui les représentent ne sont pas dupes ! Dès lors qu'une telle galerie, parallèle à l'actuel tunnel, sera en service, le tunnel du Fréjus sera le point de franchissement des Alpes le mieux sécurisé, et le ministre en exercice alors aura tout le loisir de limiter le trafic des poids lourds, en particulier, entre la France et l'Italie au seul tunnel du Fréjus, exemptant celui du Mont-Blanc.

Cette solution n'est pas acceptable pour les populations concernées, en France comme en Italie.

démographie médicale et zones déficitaires en offre de soins

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 1037, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Daniel Reiner. Ma question porte sur la répartition de plus en plus inquiétante de la population médicale en médecine générale dans les zones déficitaires en offre de soins.

Le diagnostic est unanime : la densité médicale, qui atteint actuellement des sommets avec environ 340 praticiens pour 100 000 habitants, va chuter inéluctablement, au moins jusqu'en 2020, pour atteindre 280 médecins pour 100 000 habitants.

Le risque, selon le professeur Yvon Berland, qui vient de vous remettre le rapport de la commission « Démographie médicale » qu'il présidait, c'est que les régions qui comptent déjà peu de médecins en comptent moins encore à l'avenir. La pénurie de médecins ne touche d'ailleurs pas uniquement les campagnes : comme souvent, le monde rural partage ce problème avec les banlieues défavorisées.

La situation relève d'une simple question de courbe des âges : de nombreux médecins vont partir à la retraite dans les prochaines années et leur départ ne sera pas compensé par l'arrivée de jeunes médecins.

Le numerus clausus, qui avait été diminué ces dernières années, ne permet pas de former en nombre suffisant les étudiants qui se destinent à la médecine, en particulier à la médecine générale. Il faut près de dix ans pour former un médecin, les effets de son récent relèvement ne seront donc pas immédiats.

En Lorraine, par exemple, les chiffres sont assez alarmants : en 2005, pour 137 postes ouverts en médecine générale à l'examen national classant des internes, 53 seulement ont été pourvus, c'est-à-dire un peu plus d'un tiers, la proportion n'étant déjà que de la moitié l'année précédente. Il existe donc, cette année, un déficit de 84 postes en médecine générale. Pour la période 2006-2015, nous avons calculé que 931 médecins généralistes pourront faire valoir leurs droits à la retraite et nous savons d'ores et déjà que plus de la moitié d'entre eux ne seront vraisemblablement pas remplacés. Quatre cantons lorrains, comptant jusqu'à 4 000 habitants, n'ont déjà plus de médecin généraliste.

Certes, des explications sont avancées : l'aspiration au confort de vie des médecins, les conditions éprouvantes d'exercice en milieu rural et, d'une manière générale, le désintérêt des futurs médecins pour la médecine générale.

Monsieur le ministre, au mois de janvier, vous avez informé les parlementaires de la situation de la démographie médicale dans chacun des départements et présenté le plan « démographie des professions de santé ».

Mon département, la Meurthe-et-Moselle, est classé en zone de faible densité médicale. D'ailleurs, nous nous en doutions, car la consultation que nous avions engagée dans quelques cantons à l'occasion de la mise en oeuvre de la circulaire du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sur l'accès au service public en milieu rural a clairement mis en évidence que l'accès aux soins et la permanence des soins étaient la première préoccupation de la population.

Ce paradoxe permet de constater que les quelques mesures mises en place depuis plusieurs années sont peu efficaces et montre clairement le manque d'anticipation des politiques publiques en matière de santé et d'aménagement du territoire.

Les mesures financières incitatives demeurent très insuffisantes pour enrayer puis inverser la courbe. Certaines d'entre elles font d'ailleurs appel aux collectivités locales, qui n'en ont par nature pas les moyens, et aux organismes sociaux.

Une vraie question est donc posée : le système libéral en matière d'offre de soins, en particulier le libre choix de l'installation, ne paraît-il pas en bout de course, à un moment où la santé de nos concitoyens relève plus que jamais d'une obligation de service public et où le rôle pivot du médecin généraliste dans le parcours de soins vient d'être réaffirmé ?

Je vous demande en conséquence, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement compte faire pour remédier à une situation qui devient de plus en plus préoccupante.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, la question de la démographie médicale est au coeur de notre politique de santé publique et d'assurance maladie.

Je tiens tout d'abord à souligner qu'il n'y a jamais eu autant de médecins dans notre pays, mais il est vrai que leur nombre va diminuer de 9 % d'ici à 2025, ce qui risque, à l'avenir, de créer des problèmes d'accès aux soins.

Vous soulignez l'absence d'une politique cohérente par le passé : vous me donnerez acte que ce reproche ne s'adresse donc pas à notre gouvernement, qui, au contraire, met en oeuvre une politique globale ambitieuse pour prévenir les risques de désertification.

 Xavier Bertrand a présenté, le 25 janvier dernier, un plan pour la démographie médicale comportant une série de mesures visant à augmenter le nombre de médecins, à faciliter leur exercice professionnel, notamment en milieu rural, et à encourager spécifiquement leur installation dans les zones déficitaires.

Ainsi, le numerus clausus a été porté en 2006 à 7 000, soit une augmentation de près de 50 % depuis 2002, et ce niveau sera maintenu jusqu'en 2010.

Il est, par ailleurs, essentiel de donner envie aux jeunes médecins de devenir médecin généraliste. Ainsi, à partir du mois de septembre prochain, un stage de médecine générale sera mis en oeuvre au cours du deuxième cycle d'études, afin de faire naître des vocations.

De même, il est important de faciliter les reprises d'activité par de jeunes médecins. Ainsi, le décret permettant aux médecins qui le souhaitent d'exercer sous le statut de collaborateur d'un médecin déjà installé va être examiné au cours du mois de juin par le Conseil d'État.

Le décret alignant la durée du congé de maternité des femmes médecins sur celle du congé de maternité des salariées va paraître très prochainement ; il concernera également les autres professions de santé. Ce décret contribuera à lever un obstacle important au choix de la médecine libérale par les jeunes femmes médecins.

L'assurance maladie et les syndicats de médecins sont également en cours de négociation sur des majorations tarifaires applicables aux médecins installés dans des zones de sous-densité médicale. En Meurthe-et-Moselle, votre département, monsieur le sénateur, quarante-six communes sont concernées par ces dispositions.

Enfin, je vous indique que Xavier Bertrand a réuni, le 4 mai dernier, l'ensemble des partenaires de la permanence des soins pour évoquer le bilan de la mise en oeuvre de ce plan et les améliorations qu'il faut encore apporter au dispositif. Une permanence des soins bien organisée et bien régulée est un facteur majeur pour préserver l'attractivité de l'exercice en zone rurale. Il a notamment été décidé de généraliser la participation des libéraux à la régulation dans l'ensemble des départements et de permettre aux préfets d'étendre dans chacun la permanence des soins au samedi après-midi.

Voilà, monsieur le sénateur, les réponses très concrètes que le Gouvernement apporte aux attentes de la population et de ses élus.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. Il s'agit effectivement de mesures concrètes. Certaines ont déjà été annoncées au mois de janvier par le ministre de la santé, d'autres existent depuis plusieurs années ; je pense, en particulier, à l'allègement de la taxe professionnelle consenti par les collectivités locales.

Je tiens à cet égard à souligner que leur aide est de plus en plus sollicitée pour la création de maisons médicales, où s'exerce une médecine de groupe, ou pour celle de maisons de santé associant divers professionnels de la santé. Cela ne laisse d'ailleurs pas de désespérer les collectivités locales, car de telles aides ne relèvent pas véritablement de leurs compétences et les financements qui leur sont demandés sont néanmoins assez lourds.

Jusqu'alors, comme nous le constatons depuis plusieurs années, nous n'avons pas pu inverser la tendance.

Un professeur de médecine générale de Nancy vient de proposer deux thèses de doctorat en médecine portant sur ce sujet. À leur lecture, je me suis rendu compte - même si le Sénat avait déjà abordé cette question à l'occasion de l'enquête sur les services publics en milieu rural - que les étudiants avaient mille raisons de ne pas vouloir s'installer à la campagne et que les mesures d'incitation qui leur étaient proposées jusqu'à présent pesaient peu au regard de cette aspiration profonde, liée pour une part à la féminisation de la profession, mais aussi et surtout à la volonté d'exercer la médecine dans des conditions plus confortables.

Nous sommes bien loin du sacerdoce que représentait autrefois cette profession. Je crains que le système du libre choix de l'installation, dans lequel un jeune médecin peut s'installer là où il le souhaite, ne soit parvenu au terme de sa force propulsive. Peut-être serons-nous amenés à exiger, comme pour d'autres professions, que les jeunes médecins s'installent pendant un certain temps à tel endroit plutôt qu'à tel autre. Il s'agit d'une responsabilité globale qui n'incombe pas plus à ce gouvernement qu'au précédent. Permettre à tous nos concitoyens de bénéficier de soins, quel que soit l'endroit où ils habitent, relève en effet de la responsabilité politique.

Pour les pharmaciens, on a défini des zones selon le nombre d'habitants. Ce dispositif n'existe pas encore pour les médecins, mais peut-être devrons-nous bientôt mener cette réflexion. C'est ce qu'attendent de nous nos concitoyens, car ils sont tous appelés, malheureusement, à devenir un jour ou l'autre des patients.

enseignement de la médecine générale

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, auteur de la question n° 1028, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Dominique Leclerc. Monsieur le ministre, dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, vous avez souhaité placer au centre de notre système de soins le médecin traitant, tout en laissant une liberté de choix aux patients. Nous constatons aujourd'hui que ces derniers ont majoritairement choisi comme médecin traitant leur médecin généraliste, reconnaissant de facto la spécificité que ces professionnels réclament et qui ne leur a pas été entièrement accordée lors de la mise en place de la réforme. Ce déni est d'ailleurs l'une des raisons de leur défiance.

Ainsi, par la force des choses, les médecins généralistes sont devenus des acteurs incontournables du monde de la santé alors que, paradoxalement, la médecine générale connaît à l'heure actuelle une certaine crise.

En effet, les problèmes de démographie médicale, et notamment d'accès aux soins de premier recours, sont inquiétants et risquent, si nous n'agissons pas, de se pérenniser. Certes, pour faire face à cette situation, vous avez récemment lancé, monsieur le ministre, un plan d'action en faveur de la démographie médicale, afin d'enrayer la véritable pénurie de médecins constatée dans certaines régions. Toutes les mesures mises en place permettent de répondre aux problèmes qui se posent sur le terrain, mais cette évolution ne peut se faire que lentement, car il faut dix ans pour former un médecin.

Ce n'est pas ce gouvernement, que nous soutenons, qui a limité le numerus clausus afin de réduire l'offre médicale, et donc les dépenses de santé. Au contraire, il l'augmente progressivement, d'année en année. Mais il ne peut pas le faire dans des proportions énormes, car l'appareil universitaire doit assurer une formation complexe, qui exige des moyens humains et financiers considérables.

Les mesures que vous avez prises ces derniers mois, monsieur le ministre, et qui visent notamment à soutenir les médecins actuellement en exercice dans des zones sous-médicalisées, sont donc très appréciées et vont dans le bon sens.

Par ailleurs, le dispositif permettant de faire connaître la médecine générale aux étudiants de deuxième cycle, grâce à la mise en place de stages, est encore parcellaire et expérimental.

Il faut faire plus pour rendre attractive la médecine générale, car là est bien le problème. Nous devons absolument rendre ses lettres de noblesse à cette discipline, ce qui passe en premier lieu par la mise en place d'une filière universitaire de médecine générale. En effet, la reconnaissance que vous avez proposée en 2004, monsieur le ministre, ne suffit pas.

La médecine générale doit être reconnue au même titre que toutes les disciplines universitaires, mais il faut aussi lui permettre de conserver sa spécificité clinique dans le monde médical : un exercice de la médecine centré sur les soins de premier recours, de proximité, de synthèse, et surtout sur la continuité du soin dans un système ambulatoire.

Les pistes pour la mise en place d'une telle filière ont été diagnostiquées et approuvées depuis longtemps par les principaux acteurs de ce secteur.

Il faut accroître la visibilité de la discipline en nommant des professeurs titulaires qui seront de véritables acteurs des enseignements de premier et deuxième cycles des études médicales.

Il faut aussi faire découvrir à tous les étudiants la pratique de la médecine générale, particulièrement sa spécificité ambulatoire, en facilitant la réalisation de stages de premier et de deuxième niveaux qui permettent de présenter les aspects positifs de cet exercice de la médecine, notamment en zone rurale, ou bien encore au sein de structures privées lorsque les terrains de stages sont insuffisants, comme c'est le cas en pédiatrie et en gynécologie. Il est temps de sortir du « 100 % CHU » afin que les étudiants bénéficient d'une véritable approche de la médecine générale.

Il faut également offrir aux étudiants qui le souhaitent la possibilité de mener une carrière universitaire en créant, au sein des services universitaires de médecine générale ambulatoire, des postes de chef de clinique, de maître de conférences et de professeur titulaire de médecine générale.

Mais il nous faut encore aller au-delà en donnant, d'une part, des garanties aux résidents et internes de médecine générale quant à la titularisation d'une partie des enseignants actuels associés à la discipline, en vue de l'encadrement des futurs chefs de clinique de médecine générale et, d'autre part, la possibilité aux résidents ayant validé les mêmes enseignements théoriques et pratiques que leurs collègues internes de pouvoir accéder au DES, le diplôme d'études spécialisées.

Monsieur le ministre, ces réformes sont attendues par les représentants de cette filière. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir me faire connaître votre sentiment sur ces différentes propositions.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, la question de l'enseignement de la médecine générale retient toute l'attention du Gouvernement.

Vous avez souligné le succès de l'un des aspects essentiels de la réforme de l'assurance maladie, en faveur de laquelle vous vous étiez prononcé voilà bientôt deux ans. Aujourd'hui, dans leur très grande majorité, nos concitoyens ont fait le choix de leur médecin généraliste comme médecin traitant. C'était l'une des ambitions de cette réforme.

S'agissant plus particulièrement de la dimension universitaire de la médecine générale, plusieurs dispositions récentes, et d'autres que nous allons prendre, ont déjà donné à son enseignement un statut qui lui faisait jusqu'ici défaut.

L'enseignement universitaire de la médecine générale est désormais sanctionné par un diplôme d'études spécialisées qui en fait une spécialité à part entière. Les professeurs associés de la discipline peuvent exercer leurs fonctions jusqu'à la limite d'âge. Cette disposition a été instaurée à leur seul bénéfice.

Plus de vingt postes d'enseignant associé à temps partiel ont été créés au titre de l'année 2006, permettant de satisfaire plus des deux tiers des demandes formulées par les facultés de médecine en une seule opération de recrutement.

Au-delà des mesures déjà prises pour assurer le contact des étudiants de troisième cycle avec les médecins généralistes en exercice, il convient d'assurer la mise en oeuvre du stage d'initiation de deuxième cycle. M. Xavier Bertrand a ainsi pris la décision d'en assurer le financement dans le cadre du plan de démographie médicale.

Le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, M. François Goulard, est convaincu, comme nous le sommes, de la nécessité d'individualiser une filière universitaire complète de médecine générale, avec toutes les prérogatives qui s'y attachent. Aussi avons-nous mis en chantier l'élaboration de la maquette de cette filière avec tous les partenaires universitaires concernés.

Simultanément, des dispositions sont prises pour favoriser l'accès des médecins généralistes et des jeunes en formation qui souhaiteraient embrasser une carrière universitaire aux activités de recherche qui, avec les activités pédagogiques et la mobilité, fondent les critères universitaires de recrutement.

Jusqu'à ce que les nouvelles générations aient pu accomplir un cursus répondant à ces critères, il conviendra, à la faveur de dispositions transitoires, d'assurer l'intégration dans un corps de titulaires de ceux des professeurs associés qui ont su démontrer leur engagement dans la fonction universitaire. À cet effet, une option « médecine générale » sera associée à la sous-section de « médecine interne », en attendant que les conditions soient réunies pour qu'une sous-section spécifique puisse être constituée.

Enfin, je n'ignore pas que les résidents et les anciens résidents récemment qualifiés en médecine générale souhaitent obtenir une équivalence du diplôme d'études spécialisées de médecine générale, au motif qu'ils ont suivi un cursus analogue à celui qui est proposé aux internes. Si les dispositions législatives en vigueur ne prévoient pas cette équivalence, elles permettent cependant à un médecin qualifié d'obtenir le diplôme qui sanctionne la formation initiale.

C'est dans cette perspective que le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a élaboré un projet de décret autorisant un médecin qualifié à solliciter la délivrance d'un diplôme d'études spécialisées de la commission universitaire qui a qualité pour délivrer ce diplôme à l'issue de la formation initiale. Ce projet a reçu l'avis favorable du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.

M. Dominique Leclerc. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.

Je vous demanderai cependant d'aller rapidement plus loin que ces mesures, même si elles vont dans le bon sens, notamment celles qui ont été prises dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie. Il ne faut pas oublier en effet que, pendant de longues années, cette spécialité n'était accessible que par le biais d'un internat qualifiant. Il était donc indispensable de répondre à ce besoin de reconnaissance exprimé par les acteurs de la médecine générale.

Par ailleurs, il est urgent aujourd'hui, à la suite de la réforme de 2004 et de la mise en place d'un internat pour tous, de donner rapidement à la médecine générale ses lettres de noblesse, pour des raisons non seulement d'attractivité mais aussi de maintien de la qualité de cette filière. En effet, la médecine générale représente pour nos concitoyens le pivot de la réforme de 2004 et, également, la médecine de première instance.

C'est donc à la fois pour ces motifs d'attractivité, de noblesse mais aussi de qualité de la médecine générale que je demande la mise en place de cette filière universitaire spécifique.

fonctionnement des coderpa

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 1032, adressée à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur les normes législatives et réglementaires qui encadrent le fonctionnement des CODERPA, les comités départementaux des retraités et personnes âgées.

En effet, la loi du 13 août 2004, en son article 57, transfère non seulement aux conseils généraux la présidence du comité, la nomination de ses membres, mais aussi et surtout la définition de ses modalités de fonctionnement. C'est l'objet, monsieur le ministre, de ma question, qui est double, car elle porte à la fois sur le fond et sur la forme.

Sur le fond, l'article L.149-1 du code de l'action sociale et des familles précise que les modalités de fonctionnement des CODERPA sont « fixées par délibération du conseil général ».

Dans le même temps, les articles D.149-7, D.149-8 et D.149-9 du même code, particulièrement les deux derniers, paraissent en contradiction avec l'article L.149-1 que je viens d'évoquer. Ils font en effet référence à une présidence de ce comité par le préfet du département, ce qui correspond au fonctionnement antérieur à 2004.

Contradictoires avec la loi, ces textes réglementaires comportent, par ailleurs, des précisions sur l'organisation des CODERPA, précisions dont certains membres demandent aujourd'hui l'application.

C'est la raison pour laquelle, soucieux de répondre en toute transparence aux membres du CODERPA de la Haute-Marne, très attentifs sur ce point, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me faire savoir, d'une part, si les textes réglementaires en cause restent applicables, d'autre part et le cas échéant, ce qui est prévu pour régler la contradiction entre la loi, c'est-à-dire l'article L. 149-1 du code de l'action sociale et des familles, et le règlement, c'est-à-dire les articles D. 149-7, D. 149-8 et D. 149-9 de ce même code.

Voilà pour le fond.

Quant à la forme, au-delà du respect de la lettre de l'article L.149-1, qui offre toute liberté aux conseils généraux pour déterminer par leurs délibérations les modalités d'organisation des CODERPA, je crois que, dans un souci de bonne administration des affaires publiques, l'esprit de la loi doit en guider l'application. « Ce n'est point le corps des lois que je cherche, mais leur âme », écrivait déjà Montesquieu en 1748, dans ce best-seller de l'époque qu'est De l'esprit des lois.

En l'espèce, parce que le Gouvernement est le rédacteur de l'article 57 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, article qui encadre les modalités de fonctionnement des CODERPA, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir expliciter ses intentions concernant les modalités concrètes d'organisation et les moyens de fonctionnement des CODERPA.

Autrement dit, le respect de l'esprit de la loi contraint-il le conseil général à l'adoption d'un règlement de fonctionnement du CODERPA conforme à ce que prévoyaient les textes en vigueur jusqu'au vote de la loi du 13 août 2004, c'est-à-dire avec un bureau, des commissions, un secrétariat propre, des voitures, etc., ou, seconde hypothèse, d'autres modalités de fonctionnement, qui assurent la consultation du CODERPA, par exemple sur le schéma gérontologique, peuvent-elles valablement être mises en place, étant entendu - cela va de soi - que la majorité des membres de ce conseil consultatif est issue d'associations représentatives des personnes âgées ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je partage, monsieur Sido, votre préoccupation quant à la nécessité d'assurer une représentation de qualité des retraités et des personnes âgées auprès des institutions qui prennent les décisions les plus importantes les concernant. C'est la raison pour laquelle la loi du 13 août 2004 a prévu que, désormais, ce ne sera non plus auprès du préfet que siègeront les comités départementaux des retraités et personnes âgées, mais auprès du président du conseil général, car c'est à lui qu'il appartient d'animer, avec l'ensemble de ses services, les politiques en faveur des personnes âgées sur le plan territorial.

Monsieur le sénateur, les questions que vous posez sont parfaitement claires, et elles appellent des réponses claires elles aussi.

Premièrement, les textes réglementaires que vous citez, bien qu'ils subsistent dans le code de l'action sociale et des familles, ne sont en effet plus applicables, car ils contredisent la loi elle-même. Ce principe juridique d'interprétation s'impose, mais, pour plus de sûreté, je vais les supprimer : je profite d'un décret réglant les modalités d'organisation du conseil national représentatif des personnes âgées qui est en cours d'examen par le Conseil d'État pour effacer de nos textes ces dispositions qui pourraient induire certains en erreur.

Deuxièmement, la loi a donné aux présidents des conseils généraux toute compétence pour organiser comme ils l'entendent la composition des conseils départementaux des retraités et des personnes âgées. Il n'est pas prévu par conséquent que l'autorité réglementaire se substitue, sur le plan national, aux présidents des conseils généraux, qui doivent avoir toute latitude, pourvu, bien sûr, qu'ils constituent effectivement ces organismes de représentation et qu'ils les consultent, comme le prévoit la loi, sur toutes les politiques départementales. C'est dire que les modalités d'organisation et les moyens matériels qui doivent, je le souhaite, permettre à ces instances de fonctionner au bénéfice de tous relèvent exclusivement des départements, et non plus de l'État.

J'espère, par ces réponses, avoir été suffisamment clair et vous avoir donné tous les éléments qui permettront aux départements - mais je crois que, dans le vôtre, c'est déjà le cas - d'assurer tout à la fois une bonne consultation des représentants des personnes âgées et une bonne organisation des politiques départementales.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses particulièrement claires que vous m'apportez. Grâce aux technologies actuelles, nous avions déjà pu noter que vous aviez soumis au Conseil d'État un décret prévoyant, en son article 3, l'abrogation de ces décrets incompatibles avec la loi. Il valait en effet mieux les supprimer, car, si nous savons tous que la loi a une valeur normative supérieure à celle des décrets, quelques imprécisions demeuraient néanmoins s'agissant de l'organisation.

Il est d'une particulière importance de consulter, au niveau tant national, bien entendu, que départemental, les personnes âgées, parce qu'elles ont une grande expérience et aussi parce qu'elles sont de plus en plus nombreuses. Il convient donc que le conseil général et son président prennent l'avis des personnes âgées, par exemple sur l'organisation des maisons de retraite. Or, la question que je vous posais, monsieur le ministre, tous les présidents des conseils généraux se la sont posée ; grâce à vos réponses, sans qu'importe d'ailleurs leur sensibilité politique, ils sauront mieux comment organiser dorénavant le fonctionnement entre le conseil général et ces importantes instances que sont les CODERPA.

situation des radios associatives

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 1006, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Gérard Delfau. Je souhaite attirer l'attention du ministre de la culture et de la communication sur l'inquiétude du secteur des radios associatives quant au maintien du pluralisme radiophonique institué par la libération des ondes en 1981. En effet, les 600 radios associatives, qui assument une mission d'intérêt général et irriguent l'ensemble du territoire national, se sentent menacées dans leur existence même.

D'une part, le plan de réattribution des fréquences, prévu par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, risque de favoriser les réseaux commerciaux, déjà bien implantés, au détriment des structures associatives à but non lucratif. Plus précisément, le CSA a-t-il l'intention de sauvegarder l'équilibre actuel entre les trois composantes, service public, secteur commercial et radios associatives, qui détiennent environ 30 % du total ?

D'autre part, le financement des radios associatives est pour l'essentiel assuré par le fonds de soutien à l'expression radiophonique, qui est assis sur une taxe parafiscale. Le montant de celle-ci risque-t-il d'être revu à la baisse sous la pression des grands médias privés, qui sont les premiers financeurs ?

Par ailleurs, est-il exact que la direction du développement des médias du ministère de la culture et de la communication travaille sur un projet de modification des règles d'accès à ce fonds et envisage de supprimer la partie quasi automatique de la subvention ?

S'il convient d'être rigoureux dans la sélection des dossiers, qui doivent correspondre à une vraie prestation d'intérêt général sur le terrain, il faut prendre garde à toute évolution des modes d'attribution qui introduirait des critères subjectifs, voire politiques, dans les choix de l'administration.

Enfin, il serait question d'élargir le plafond des 20 % de ressources publicitaires, qui est, à l'heure actuelle, compatible avec l'accès au fonds de soutien. Or, il importe de souligner que la rupture de cet équilibre, longuement négocié en 1989 - j'en sais quelque chose... - et voulu par le Sénat, poserait bien des problèmes à la fois au secteur associatif et aux réseaux commerciaux.

C'est pourquoi je demande à M. le ministre de la culture et de la communication de préciser sa position sur tous ces sujets. Je souhaite le voir réaffirmer la spécificité des radios associatives, ainsi que la mission d'information et d'animation de proximité qu'elles remplissent, généralement avec le soutien des collectivités territoriales. Je demande au Gouvernement que le pluralisme d'expression radiophonique, qui concourt au débat démocratique, soit conforté et non affaibli.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Delfau, M. Donnedieu de Vabres, qui vous demande de bien vouloir l'excuser de n'avoir pu participer à cette séance de questions orales sans débat, m'a chargé de vous transmettre la réponse qu'il vous aurait sinon lui-même apportée.

Les radios associatives occupent une place essentielle pour assurer le pluralisme des courants d'expression socioculturels. C'est à ce titre que l'État s'est engagé et continue de s'engager à les soutenir à travers le fonds de soutien à l'expression radiophonique.

Pour traduire ce soutien de l'État, dont la base légale se trouve dans la loi de 1986, je retiens un nombre, celui des radios bénéficiant du fonds de soutien, nombre qui, en quinze ans, a presque doublé : en 2005, ce sont ainsi 562 radios qui sont subventionnées, ce qui représente un montant total de 24,2 millions d'euros et une aide moyenne de près de 42 000 euros par radio.

Mais vous avez raison, monsieur le sénateur, de mettre en lumière les inquiétudes qui sont ressenties parmi les acteurs de ce secteur. C'est pour apaiser ces inquiétudes que Renaud Donnedieu de Vabres s'est rendu, le 13 mai dernier, au 13e congrès du Conseil national des radios associatives et s'est attaché à rassurer ce dernier sur les retards de paiement intervenus cette année, mais aussi à tracer les perspectives.

S'agissant des paiements des subventions de 2005, le ministre de la culture et de la communication a demandé que des mesures soient prises. C'est aujourd'hui chose faite : les subventions de fonctionnement, les aides à l'équipement et les- majorations accordées ont toutes été notifiées et elles seront toutes payées d'ici au mois de juin.

Par ailleurs, la commission du fonds de soutien, qui s'est réunie le 11 mai dernier, a estimé que la meilleure solution était de reprendre pour l'avenir le mode de fonctionnement habituel, ce qui lui permettra de délibérer sur l'ensemble des demandes de subvention de 2006 dans leur ordre d'arrivée.

Quant à l'avenir, il s'inscrit dans la réforme réglementaire que Renaud Donnedieu de Vabres a lancée et que vous évoquiez à l'instant.

Cette réforme, qui est actuellement soumise à une concertation que le Gouvernement souhaite la plus consensuelle possible, a pour objet de consolider, de renforcer et d'améliorer le fonctionnement et l'efficacité de l'outil exceptionnel que constitue le fonds de soutien à l'expression radiophonique.

Quelles en seront les grandes lignes ?

D'abord, les subventions d'installation, d'équipement et de fonctionnement seront regroupées sous le vocable unique de « subventions automatiques ». L'actuelle majoration, rebaptisée « aide sélective », sera désormais fondée non plus sur cinq mais sur six critères, incluant la proportion de programmes propres produits par la radio. Il n'est, bien sûr, pas question d'obérer l'indépendance éditoriale des radios : dans une démocratie comme la nôtre, la liberté d'expression est une valeur sacrée, incarnée par les radios associatives.

Ensuite, le mode de calcul de la subvention sera renvoyé à un arrêté mais, en tout état de cause, les crédits liés à l'aide sélective ne pourront excéder 25 % du total des crédits consacrés aux subventions de fonctionnement.

Les plafonds des subventions d'installation et d'équipement seront portés de 15 250 euros à respectivement 16 000 et 18 000 euros.

Les radios auront désormais la faculté de présenter deux demandes de subvention d'équipement par période de cinq ans, dans la limite de ces plafonds.

Enfin, la commission ne délibérera plus sur les subventions à caractère automatique. En revanche, elle acquiert une compétence consultative générale et le ministre de la culture et de la communication pourra la saisir de toute question concernant le secteur des radios associatives. Le Gouvernement tient à ce qu'elle devienne plus encore un lieu de dialogue et de concertation.

Monsieur le sénateur, cette réforme n'entrera en vigueur que le 15 février 2007, de sorte que les radios aient le temps de se familiariser avec ces nouvelles dispositions. Elle ne devrait avoir que peu de conséquences sur la présentation des demandes de subvention. Il en va de même du futur plan de fréquences du CSA, le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Je ne doute pas que l'équilibre global sera maintenu et que les radios associatives y trouveront toute leur place.

L'État, comme votre Haute Assemblée et les collectivités territoriales, confirme et consolide son engagement pour le pluralisme d'expression radiophonique. Le ministre de la culture et de la communication tenait, une nouvelle fois, à en prendre l'engagement devant vous, au nom du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je suis évidemment heureux pour l'ensemble des radios associatives que le retard qui avait été pris dans le paiement des subventions du fonds de soutien à l'expression radiophonique se résorbe et que le ministre se soit engagé à ce que, très rapidement, toutes les sommes soient versées. Il y avait là, effectivement, une source d'inquiétude et de fragilisation.

S'agissant de l'évolution du fonds de soutien, je tiens à rappeler que la législation des années quatre-vingts - je le sais pour y avoir beaucoup participé, le Sénat y ayant pris une part active - s'est faite à partir d'échanges, dans le dialogue et l'accord de toutes les composantes. Je souhaite donc vivement que, comme vous l'avez indiqué, le Gouvernement continue dans ce sens. C'est un élément important de confiance et d'efficacité.

Sur deux questions que j'avais posées, en revanche, vous ne m'avez pas rassuré.

Périodiquement - et encore récemment - des menaces planent sur le montant du fonds de soutien, c'est-à-dire sur le montant de la taxe parafiscale, les gros financeurs estimant que cela pèse sur leur budget, alors que c'est quasiment dérisoire.

Vous ne m'avez pas apaisé sur ce point et je vais écrire au ministre pour qu'il me dise très exactement que ce montant ne pourra en aucun cas être diminué.

De même, je n'ai reçu aucune assurance sur le futur plan de fréquences. Je sais qu'il existe une autorité indépendante, le CSA. J'ai bien entendu quelle était l'orientation du Gouvernement ; je souhaite qu'elle se manifeste avec beaucoup de force. En effet, je le dis avec quelque solennité, une éventuelle amputation du secteur des radios associatives signifierait, au-delà du simple fait, une amputation du pluralisme démocratique. Mais, je le répète, j'ai bien entendu que ce n'est pas dans ce sens que vous voulez aller, que ce n'est pas ainsi que le CSA entend la philosophie du Gouvernement.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

6

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, mon intervention a trait à l'organisation de nos travaux et s'adresse au représentant du Gouvernement ici présent ainsi qu'à vous-même.

Le groupe CRC est préoccupé quant au bon déroulement de nos travaux d'ici au 30 juin prochain, date de la fin de la session ordinaire.

La dernière conférence des présidents a fixé l'ordre du jour des travaux du Sénat jusqu'au mercredi 14 juin ; après cette date, c'est l'inconnu, la prochaine conférence des présidents devant se tenir le 7 juin, c'est-à-dire la semaine prochaine.

Or, si rien n'est officiel, nous détenons tout de même des informations plus qu'officieuses. Dès lors, je vous interroge, monsieur le président : est-il normal que la commission des affaires sociales entame des auditions sur le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance qui n'est inscrit ni à l'ordre du jour officiel -  la conférence des présidents n'en a en effet pas été saisie - ni même à l'ordre du jour prévisionnel ?

De la même façon, la représentation nationale peut-elle admettre que la presse et les organisations syndicales annoncent la présentation d'un projet de loi de privatisation de Gaz de France avant le mois de juillet, c'est-à-dire avant la fin de la session ordinaire, sans que la représentation nationale ou, tout au moins la conférence des présidents, en ait là non plus jamais été informée ?

Par ailleurs, monsieur le président, nous avons ouï dire que le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques qui, cette fois, figure à l'ordre du jour prévisionnel serait retiré pour être reporté aux calendes grecques, alors que les sénateurs y travaillent déjà depuis quelque temps.

Enfin, nous avons été étonnés de constater que les séances de réponses aux questions budgétaires se tiendraient hors de l'hémicycle, faute de temps en séance publique. Cette pratique, qui fut inaugurée à la veille du débat sur le CPE, ne saurait, à notre sens, être reconduite, tant il est vrai qu'elle ne respecte pas les règles de publicité qui font la force du débat parlementaire.

Telles sont les remarques que je souhaitais présenter en cet instant, en espérant qu'elles seront transmises par le représentant du Gouvernement ici présent à qui de droit et que vous en tiendrez également compte, monsieur le président.

M. le président. Ma chère collègue, en ce qui concerne Gaz de France, je n'ai encore, à ce jour, reçu aucune précision concernant le dépôt d'un texte.

M. Guy Fischer. Et sur la protection de l'enfance ?

M. le président. Précisément, s'agissant de la protection de l'enfance, je sais que la commission des affaires sociales réfléchit actuellement à ce sujet et procède à des consultations. La commission est libre de son ordre du jour, et je n'ai nullement l'intention de m'immiscer dans ses affaires intérieures.

Peut-être, par précaution, afin d'être parfaitement informée au moment du dépôt du texte, a-t-elle pris l'initiative d'examiner certains sujets propres à ce projet de loi ? Quoi qu'il en soit, je le répète, le dépôt du projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance n'est pas annoncé comme prochain, ce qui n'interdit bien entendu pas à la commission des affaires sociales de préparer dès à présent ses travaux.

S'agissant du contrôle budgétaire, si mes souvenirs sont exacts, M. Arthuis a effectivement annoncé en conférence des présidents qu'il allait réfléchir à de nouvelles méthodes de débat budgétaire, compte tenu de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, ce dont, au demeurant, je ne saurais l'empêcher.

Il s'agit là d'une démarche particulière au président de la commission des finances, qui conduira peut-être ce dernier à proposer une modification du règlement sur laquelle nous aurons alors à nous prononcer. Toujours est-il que je ne puis lui interdire d'y réfléchir dès maintenant.

Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est donnée, monsieur le ministre, pour vous rappeler ce qui a été dit en conférence des présidents, à savoir que le Sénat souhaite qu'il n'y ait pas de session extraordinaire. Je le dis et je le répète pour que le président du Sénat ne soit pas accusé, au terme de la session ordinaire, de ne pas avoir sensibilisé le Gouvernement à cet égard. Par conséquent, je saurais gré à chacun d'en prendre bonne note afin que, si certaines critiques devaient être émises, elles ne visent pas le président du Sénat !

M. Bernard Piras. Nous sommes d'accord !

M. Henri Revol. Très bien !

M. Guy Fischer. Vous avez notre soutien, monsieur le président !

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Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Discussion générale (suite)

gestion durable des matières et des déchets radioactifs

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Intitulé du titre Ier

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programme, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs (n° 315, 358).

Avant d'ouvrir la discussion, je dois vous rappeler, mes chers collègues, que le Conseil économique et social a demandé que, conformément aux dispositions de l'article 69 de la Constitution, Mme Anne Duthilleul, rapporteur de la section des activités productives, de la recherche et de la technologie du Conseil économique et social, puisse, pour ce texte, exposer l'avis du Conseil économique et social devant le Sénat.

Huissiers, veuillez faire entrer Mme Anne Duthilleul.

(Mme Anne Duthilleul, rapporteur de la section des activités productives, de la recherche et de la technologie, est introduite dans l'hémicycle selon le cérémonial d'usage.)

Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 4, du règlement, le représentant du Conseil économique et social expose devant le Sénat l'avis du Conseil avant la présentation du rapport de la commission saisie au fond.

Par ailleurs, le représentant du Conseil économique et social a accès dans l'hémicycle pendant toute la durée de la discussion en séance publique. À la demande du président de la commission saisie au fond, la parole lui est accordée pour donner le point de vue du Conseil sur tel ou tel amendement ou sur tel ou tel point particulier de la discussion.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, madame le rapporteur du Conseil économique et social, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de présenter au Sénat, au nom du Gouvernement, le projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, qui a été adopté par l'Assemblée nationale le 12 avril dernier et qu'il appartient maintenant à la Haute Assemblée d'examiner.

Grâce à l'implication des établissements de recherche, de leurs évaluateurs et des parlementaires qui se sont beaucoup investis dans ce domaine, nous sommes aujourd'hui en mesure de marquer une étape décisive vers une solution sûre et à très long terme concernant tous les déchets radioactifs, et je me réjouis de pouvoir le faire avec vous.

S'agissant d'un sujet un peu complexe, je commencerai par un rappel des faits.

L'énergie nucléaire est utilisée en France à des fins aussi variées que l'électricité nucléaire, qui réduit notre dépendance à l'égard du pétrole, la médecine nucléaire, qui a permis des avancées majeures dans le diagnostic et le traitement des maladies, ou encore la dissuasion nucléaire, qui joue évidemment un rôle décisif dans notre défense nationale.

Cela étant dit, comme toute industrie, le nucléaire produit des déchets, qu'il convient de gérer avec la plus grande rigueur compte tenu de leur caractère radioactif.

Il est nécessaire de chercher des solutions de gestion à long terme, quelle que soit la place occupée par le nucléaire dans notre politique énergétique.

En effet, des déchets ont été produits depuis quarante ans ; ils sont là, et il nous appartient de les gérer. Il en va de même pour toutes les nations qui ont choisi cette énergie. Aux États-Unis, en Finlande, en Suède, en Allemagne, les mêmes questions se sont posées et les mêmes types de démarches ont été engagés pour leur apporter des réponses.

Des solutions définitives existent déjà pour 85 % du volume des déchets, qui sont stockés en surface sur des sites exploités par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, dans les départements de la Manche et de l'Aube.

Les 15 % restants, qui concentrent en fait 99,9 % de la radioactivité, sont entreposés de façon sûre dans des installations de surface à La Hague, dans la Manche, à Marcoule, dans le Gard, et à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône.

Toutefois, ces installations n'ont pas été conçues pour stocker définitivement ces résidus dont la radioactivité peut durer des centaines de milliers d'années, compte tenu des périodes de décroissance naturelle.

Afin de définir des solutions de gestion à long terme des déchets de haute activité et à vie longue, seuls trois axes de recherche scientifique semblent possibles, une fois écartés l'envoi dans l'espace, trop hasardeux, et l'injection dans des failles de subduction sous-marines, interdite par les conventions internationales.

Un premier axe de recherche porte sur la séparation des différents produits contenus dans les combustibles usés et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Il s'agit de réduire le volume et la toxicité des déchets, en distinguant les éléments les plus toxiques et à vie longue pour les transformer en éléments radioactifs à durée de vie plus courte. Des études sont actuellement menées en ce sens à Marcoule, dans le Gard.

Le stockage, irréversible ou réversible, des déchets en couche géologique profonde constitue un deuxième axe de recherche. Il a été étudié, notamment, grâce au laboratoire de Bure, dans une couche géologique vieille de 150 millions d'années, profonde et stable, à la frontière des départements de la Meuse et de la Haute-Marne.

M. Gérard Longuet. À la limite ! (Sourires.)

M. François Loos, ministre délégué. Effectivement, monsieur Longuet, à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne !

Un troisième axe de recherche porte sur l'étude de procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée en surface pour les déchets. Il vise à développer des installations qui permettraient de conserver les déchets en surface de façon sûre pendant cent à trois cents ans, contre cinquante à cent ans pour les entreposages exploités actuellement.

Toutefois, quelle que soit la durée du stockage, un entreposage reste, par définition, temporaire. Il n'est pas conçu pour apporter une solution définitive. Au terme de sa période de fonctionnement, les déchets doivent être retirés. Ce troisième axe de recherche est également suivi à Marcoule.

Pour réaliser ce projet de loi, nous nous sommes fondés sur les résultats de ces recherches, mais pas uniquement. Nous nous sommes appuyés aussi sur les rapports des établissements de recherche ainsi que sur les avis rendus par les organismes indépendants qui ont évalué ces études.

Tout d'abord, le 30 juin dernier, le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, et I'ANDRA m'ont remis, ainsi qu'à mon collègue en charge de la recherche au sein du Gouvernement, des rapports synthétisant leurs études et les résultats acquis.

Ces recherches ont été soumises à une évaluation continue par la Commission nationale d'évaluation créée par la loi de 1991. Elles ont également été confrontées aux meilleures connaissances acquises au niveau international. Ainsi, des revues ont été organisées sous l'égide de l'OCDE. Enfin, l'Autorité de sûreté nucléaire a émis un avis sur ces résultats

De même, je veux souligner l'apport très précieux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, notamment au travers des recommandations formulées dans le cadre de son dernier rapport sur le sujet. Celui-ci a été adopté en mars 2005, sous la présidence de M. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques sur ce projet de loi.

M. François Loos, ministre délégué. Nous avons complété ces éléments grâce à un débat public. Celui-ci, organisé de façon remarquable par la Commission nationale du débat public au dernier trimestre de 2005, a permis à nos concitoyens de s'informer sur ce sujet et d'exprimer leurs préoccupations. Il a éclairé le Gouvernement en lui apportant un « panorama des arguments ». Enfin, nous avons reçu le 15 mars dernier l'avis du Conseil économique et social.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai choisi de vous présenter les principaux objectifs et dispositions de ce projet de loi. La discussion générale et surtout l'examen des amendements qui la suivra nous permettront d'entrer davantage dans les détails.

En premier lieu, ce projet de loi institue un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, qui concernera non seulement les résidus de haute activité et à vie longue mais aussi, comme le recommandaient de nombreux participants au débat public, toutes les autres substances radioactives issues des activités nucléaires, c'est-à-dire les sources scellées utilisées dans la radiographie industrielle ou la médecine, les déchets issus des activités militaires, les résidus des mines d'uranium ou encore les anciens paratonnerres au radium.

Le projet de loi fixe trois principes essentiels, qui fonderont le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.

Tout d'abord, afin de réduire la quantité et la nocivité des déchets, les combustibles nucléaires usés qui sont issus des centrales électriques seront traités pour être recyclés dans des centrales.

Ensuite, les déchets qui ne peuvent être recyclés seront conditionnés dans des matrices robustes et stables et entreposés temporairement en surface.

Enfin, après entreposage, ceux des déchets ultimes qui ne pourraient être gardés définitivement en surface ou à faible profondeur seront stockés en couche géologique profonde, de façon réversible pendant une première période.

Pour le Gouvernement, il s'agit là d'une question de responsabilité. Notre génération, qui bénéficie de l'énergie nucléaire, a le devoir de définir des solutions sûres et de long terme pour tous les déchets radioactifs.

Avec le traitement des combustibles usés, le conditionnement et l'entreposage en surface pour refroidissement des déchets, enfin le stockage réversible en couche géologique profonde de ces derniers, nous choisissons une solution sûre, un schéma de référence dans lequel chacun des trois axes de recherche que j'ai énoncés joue un rôle important. Tel est l'objet de ce plan.

Un autre grand principe s'ajoute aux précédents : le projet de loi confirme l'interdiction de stocker en France des déchets étrangers et renforce la législation sur le sujet. Il prévoit que le traitement des combustibles usés en provenance de l'étranger sera encadré par des accords intergouvernementaux, qui fixeront des délais limités pour l'entreposage de ces matières et des déchets qui en sont issus après traitement.

Ces délais seront fixés au cas par cas, en fonction des contraintes techniques liées au traitement et au transport de ces substances. Le projet de loi institue un régime de contrôles et de sanctions, qui n'avait pas été prévu en 1991.

En second lieu, le projet de loi fixe un programme de recherches et de travaux, assorti d'un calendrier, afin de mettre en oeuvre le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.

Les recherches seront poursuivies selon les trois axes que j'ai indiqués, en fonction de leur degré de maturité respectif.

L'entreposage, tout d'abord, constitue déjà une réalité industrielle, même si nous pouvons encore l'améliorer afin de concevoir des installations pour lesquelles nous pourrons garantir des durées de fonctionnement plus longues.

Le stockage en couche géologique, ensuite, a été reconnu par les évaluateurs comme « faisable » et « incontournable ». L'ANDRA, dont les travaux ont été corroborés par des expertises nationales et internationales, a démontré sa faisabilité. Il faudra quelques années à l'ANDRA pour conforter les études, tester des maquettes à l'échelle 1/1, choisir un site précis et déposer une demande d'autorisation de construction.

La transmutation, enfin, reste un objectif de plus long terme, puisqu'il faut développer une nouvelle génération de réacteurs nucléaires afin d'aller encore plus loin dans le recyclage des combustibles et la réduction des déchets ultimes. Un prototype sera mis en service vers 2020.

Ces trois axes de recherche sont complémentaires. Il n'y a pas lieu de les opposer. Chacun a son utilité, mais pas au même moment ni pour les mêmes déchets. Le projet de loi dresse ainsi le bilan des quinze dernières années de la recherche scientifique et fixe des orientations pour la poursuite des investigations et des études jusqu'à la réalisation d'installations.

En troisième lieu, le projet de loi renforce l'évaluation indépendante des recherches, l'information du public et la concertation sur ce sujet, en prévoyant des procédures particulièrement complètes.

Tout d'abord, la Commission nationale d'évaluation voit son indépendance, qui était déjà totale, réaffirmée, sa composition élargie et ses prérogatives renforcées. Elle continuera de rendre chaque année un rapport public sur le programme de recherche.

Le comité local d'information et de suivi est maintenu, mais il devra plus que par le passé s'adresser au grand public. Sa mission est précisée et sa présidence confiée au président du conseil général. Son financement est rendu indépendant des producteurs de déchets.

Le projet de loi prévoit que le stockage pourra être autorisé par décret, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, débat et enquête publics, et avis des collectivités locales concernées. Aucune installation industrielle ne fait l'objet d'une procédure aussi complète !

La décision effective de construction d'un centre de stockage ne pourra intervenir que lorsque toutes les conditions de sûreté et de consultation prévues auront été remplies. D'ici là, des entreposages sûrs continueront d'accueillir les déchets.

Au cas où les études menées dans les prochaines années mettraient en évidence une difficulté technique - je n'ai aujourd'hui aucune raison de le penser -, ces entreposages continueront de jouer leur rôle aussi longtemps que nécessaire.

Sur ce sujet emblématique des débats entre science et société, la recherche est nécessaire mais elle ne suffit pas. Nous poursuivrons et renforcerons donc les évaluations indépendantes, l'information et la concertation, afin que chacun puisse se forger une opinion et s'assurer de la sûreté des solutions proposées.

Dans cet esprit, j'ai souhaité que le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs ainsi que l'inventaire national de ces substances soient régulièrement mis à jour, transmis au Parlement et rendus publics.

L'Assemblée nationale a souhaité aller encore plus loin, en prévoyant un nouveau rendez-vous parlementaire, afin que les conditions de réversibilité d'un stockage en couche géologique soient fixées avant qu'une autorisation individuelle ne puisse être accordée par décret, conformément à la répartition des pouvoirs prévue par la Constitution.

En inscrivant ce programme de recherches, d'études et de réalisations dans un calendrier d'objectifs, nous progressons dans la mise en oeuvre de solutions de gestion sûres et pérennes pour chaque type de déchets radioactifs, de façon contrôlée sur les plans technique, administratif et financier.

Confrontés à des durées si longues, nous devons éviter les deux écueils que sont la précipitation et l'indécision. En fixant ce programme, cette feuille de route, nous nous gardons de l'attitude facile qui consiste à toujours poursuivre les recherches sans jamais en dresser le bilan ni en tirer les conclusions. En inscrivant ce programme dans la durée, en laissant aux recherches et aux études le temps et les moyens qui leur sont nécessaires, nous nous gardons d'aller trop vite.

En dernier lieu, le présent projet de loi apporte les outils qui garantiront le financement de la gestion des déchets.

Deux taxes additionnelles sur les exploitants d'installations nucléaires financeront les recherches sur la gestion des déchets radioactifs ainsi que les actions de développement économique dans les départements concernés. Jusqu'à présent, en effet, ces dépenses étaient couvertes grâce à des conventions signées volontairement par les industriels. À l'avenir, ces derniers continueront à les financer, mais par le biais d'une taxe dont le niveau sera déterminé par la loi de finances.

L'accompagnement économique avait été introduit par la loi de 1991, afin de marquer la reconnaissance de la Nation à l'égard des départements concernés. Il devra être maintenu dans la transparence et l'efficacité, mais sans ostentation.

La protection de leur santé et de l'environnement est naturellement primordiale pour nos concitoyens. Le débat public a montré que l'accompagnement économique ne venait qu'ensuite dans leurs préoccupations, mais qu'il restait très attendu, ce qui ne doit pas nous étonner.

En effet, même lorsque l'on est rassuré sur la sûreté des solutions proposées, on peut encore, naturellement, préférer que le stockage soit réalisé chez le voisin plutôt que chez soi et demander un accompagnement économique.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. François Loos, ministre délégué. Ce mécanisme, d'une certaine façon, n'est pas différent de celui de la taxe professionnelle, que nous connaissons tous. (MM. Gérard César et Bruno Sido acquiescent.)

M. François Loos, ministre délégué. Au-delà des coûts de la recherche et de l'accompagnement économique, le projet de loi contient un dispositif de sécurisation du financement des charges de démantèlement et de gestion industrielle des déchets. Du fait, d'une part, des montants en jeu, qui s'élèvent, selon un rapport de la Cour des comptes, à plus de 30 milliards d'euros provisionnés dans les comptes d'EDF, d'AREVA et du CEA, et, d'autre part, de l'éloignement de certaines dépenses, une telle sécurisation est primordiale. Le coût du stockage lui-même est estimé à environ 15 milliards d'euros en valeur brute et à 4 milliards d'euros en valeur actualisée.

Les industriels du nucléaire devront non seulement évaluer périodiquement, de manière prudente, l'ensemble de leurs charges nucléaires et constituer les provisions correspondantes, mais également disposer d'actifs financiers pour couvrir intégralement ces provisions. Ces actifs seront affectés exclusivement à la couverture des frais de démantèlement et de gestion des déchets, ce qui signifie qu'ils ne pourront être utilisés pour aucun autre objet par les exploitants et qu'ils ne pourront en aucun cas faire l'objet d'une quelconque revendication par un créancier. Par ailleurs, ces actifs devront avoir un degré de sécurité, de diversification et de liquidité suffisant. Le contrôle de ces dispositions sera assuré par les pouvoirs publics.

Mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, le coût prévisionnel de la gestion des déchets est déjà pris en compte dans la fixation du prix de l'électricité. Pour vous donner un ordre de grandeur, la facture moyenne d'électricité d'un foyer est de six cents euros par an ; sur cette facture, le coût de la gestion des déchets correspondants représente dix euros. Bien gérées, les sommes ainsi collectées pourront financer, le moment venu, les charges de long terme.

Ce dispositif permet de garantir le financement du démantèlement et de la gestion des déchets sans procéder à un transfert prématuré de ces charges, et donc des risques financiers, à l'État.

Si l'urgence a été déclarée sur ce texte, à ce stade, je n'ai pas l'intention d'user de cette faculté. Je souhaite seulement que le projet de loi soit voté avant la fin de l'été prochain, ainsi que l'a expressément recommandé le Président de la République lors de la présentation de ses voeux aux forces vives de la nation.

Par nos choix, en fixant le cadre, les étapes et les moyens de la gestion des déchets radioactifs, nous pourrons apporter une solution à ce problème. Si ce texte a déjà été enrichi en profondeur lors de son examen par l'Assemblée nationale, je ne doute pas que le travail du Sénat l'améliorera encore.

J'ai d'ailleurs noté que la commission des affaires économiques de la Haute Assemblée a proposé des amendements importants, notamment pour clarifier les définitions des termes employés, préciser le rôle du Parlement dans la procédure d'autorisation d'un centre de stockage en couche géologique ou, encore, élargir les compétences de l'ANDRA à la gestion des sites orphelins pollués par des substances radioactives. Je puis d'ores et déjà vous dire, au risque de tuer le suspens, que le Gouvernement y sera favorable ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

À l'instar de l'ensemble de mon action dans le domaine de l'énergie nucléaire, j'ai souhaité que ce sujet des déchets radioactifs, qui, je le répète, nous concerne tous en tant que consommateurs d'électricité et en tant que citoyens attentifs à la protection de la santé et de l'environnement, soit abordé sans tabou et que chacun puisse s'en informer complètement et en discuter.

À cette fin, un site Internet dédié - www.loi-dechets-radioactifs.industrie.gouv.fr - a été ouvert. Nos concitoyens peuvent y retrouver tous les éléments et contributions qui nous ont aidés à élaborer ce projet de loi, ainsi que l'intégralité des interventions faites à l'Assemblée nationale lors de la discussion du texte.

L'industrie nucléaire procure des avantages importants à notre pays, en réduisant notre dépendance à l'égard des énergies fossiles importées, en produisant 80 % de notre électricité à un coût compétitif et en participant à la maîtrise de nos émissions de gaz à effet de serre. Grâce à cela, nous émettons par habitant 40 % de CO2 de moins que nos voisins allemands ou danois.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement propose au Parlement de prendre nos responsabilités L'électricité « irrigue » toutes les activités économiques et sociales : nous devons en assumer toutes les conséquences, sans reporter la charge de ces questions sur les générations futures. C'est aussi cela le développement durable. Tel est l'objet de ce texte de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est dans cet esprit de responsabilité vis-à-vis des générations futures et de transparence à l'égard du public que le Gouvernement soumet ce texte au Parlement. C'est aux scientifiques de trouver des solutions sûres, c'est aux experts indépendants de les évaluer, et c'est à l'État de prendre les décisions, en veillant à l'information du public et à la concertation. Avec ce texte, c'est bien ce que nous faisons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur du Conseil économique et social.

Mme Anne Duthilleul, rapporteur de la section des activités productives, de la recherche et de la technologie du Conseil économique et social. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un très grand honneur que d'être appelée à cette tribune pour vous présenter l'avis du Conseil économique et social sur le projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, dont vous engagez aujourd'hui l'examen au Sénat.

Le Gouvernement avait saisi le Conseil économique et social de ce texte le 15 février dernier, en lui demandant de fournir un avis avant la fin du mois de mars. Nous nous sommes efforcés de relever ce défi sans rien obérer de la capacité d'information, de discussion et de réflexion en amont des projets, qui est l'apanage de notre institution. Il me revient, en tant que rapporteur, de vous commenter ce travail, qui est avant tout collectif.

Comme vous le savez, et en grande partie grâce aux travaux parlementaires menés continûment depuis plus de quinze ans, le projet de loi initial qui nous a été soumis avait déjà une histoire, ce qui a facilité la prise de connaissance du sujet, les auditions, puis l'élaboration, la discussion et le vote de l'avis du Conseil qui vous est aujourd'hui présenté.

J'ai eu l'honneur de rapporter cet avis devant l'Assemblée nationale le 6 avril dernier. Je remercie le rapporteur du Sénat, M. Henri Revol, de m'avoir invitée à m'exprimer, préalablement à cette séance solennelle, au cours d'une réunion avec les membres du groupe d'études de l'énergie de la commission des affaires économiques de la Haute Assemblée.

Sans reprendre tout le contenu détaillé de l'avis du Conseil, je tiens à en souligner ici les points essentiels, en signalant les changements déjà introduits par le Gouvernement et par les députés à l'occasion de la première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale.

Le sujet, soigneusement encadré par la loi du 30 décembre 1991, dite « loi Bataille », est technique, complexe et sensible. Il a cependant été suivi de façon exemplaire, et, en mesurant le chemin parcouru depuis quinze ans, il nous semble évident que les mêmes principes doivent continuer à le guider : évaluation technique et scientifique, clarté et progressivité des travaux et des décisions, le tout sous un contrôle démocratique exceptionnel.

Premièrement, sur le plan technique et scientifique, comme cela vient d'être rappelé, le développement des études et recherches s'est poursuivi pendant quinze ans sur les trois axes de recherche fixés par la loi de 1991, à savoir la séparation-transmutation, le stockage en couche géologique profonde et l'entreposage, et a donné lieu à une évaluation régulière et contradictoire par nombre d'instances. À l'époque, ces trois axes avaient été retenus pour éviter de précipiter des choix qui auraient été prématurés et non suffisamment fondés. Le résultat est positif, le travail sur chacun des axes ayant avancé à son rythme et devant encore se prolonger.

Le Conseil économique et social a insisté sur la nécessité de poursuivre en parallèle les recherches et études sur ces trois axes de façon active et en s'appuyant sur les compétences acquises, même si le rôle de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, est étendu en vue d'une meilleure coordination des travaux.

En termes de programme, l'article 1er du projet de loi a été précisé par l'Assemblée nationale et met bien sur le même plan les différents axes de recherches et études, désormais qualifiés de « complémentaires » et non plus considérés comme alternatifs. En effet, aucun ne peut et ne doit être abandonné à ce stade ni n'a atteint l'ensemble des résultats utiles pour une optimisation du traitement des déchets radioactifs. Je ne détaillerai pas ce programme, dont l'essentiel est désormais bien connu, mais je reviendrai plus loin sur les observations que nous avons pu formuler sur des points sensibles.

La poursuite de la démarche d'évaluation engagée en 1991 sera renforcée par l'apport des sciences morales et politiques au sein de la Commission nationale d'évaluation et par la publication systématique de ses rapports. Cela participe du caractère exemplaire de ce processus, que soutient notre assemblée.

Deuxièmement, s'agissant de la clarté et de la progressivité des opérations, de tels sujets sont en effet complexes à gérer et nécessitent toute une série de dispositions législatives ou réglementaires en termes d'organisation et d'orientation. Le présent projet de loi en est la représentation : il découle de la volonté politique de traiter les questions non encore tranchées, au fur et à mesure que cela devient possible, par une démarche progressive, et de ne pas en laisser la charge aux générations suivantes, ce que notre assemblée approuve.

De ce point de vue, nous avons relevé dans le texte qui nous était soumis bon nombre d'avancées et quelques imprécisions ou lacunes que nous avons tenu à souligner.

Au nombre des avancées, quatre points sont à rappeler : tout d'abord, l'élargissement du champ de la loi à la gestion de toutes les matières radioactives, au-delà donc des seuls déchets radioactifs de haute activité et à vie longue, et la mise en place d'un plan national de gestion à cet effet, présenté tous les trois ans au Parlement ; par ailleurs, la clarification du principe de non-importation des déchets radioactifs étrangers pour les stocker, sauf pour un délai nécessaire au traitement ou à la recherche ; ensuite, le financement pérennisé, d'une part, des études et recherches et, d'autre part, du développement économique autour des sites de recherche et de stockage souterrain éventuel.

L'Assemblée nationale a ajouté le financement pérennisé des actions de formation et de diffusion des connaissances scientifiques et technologiques, ce qui répondra à certains souhaits, notamment exprimés par les acteurs de proximité.

Même si cela a pu être apprécié différemment par le Conseil économique et social, qui craignait l'instauration d'une « monoactivité » nucléaire dans les zones concernées, l'implication directe des producteurs de déchets dans ces projets a également été renforcée par l'Assemblée nationale, qui a prévu à ce titre de demander un rapport annuel sur leurs activités économiques locales.

Une autre avancée est constituée par le provisionnement et la couverture, par des actifs réservés et cantonnés en cas de faillite, dans les comptes des opérateurs, des montants nécessaires pour le démantèlement et la gestion des déchets des installations nucléaires actuelles sur le très long terme. En effet, ne l'oublions pas, nous raisonnons à un horizon de plus de cent ans ! J'ai noté à ce sujet qu'un travail de réflexion sur ces horizons de temps et sur la façon de les appréhender était à juste titre préconisé par la commission des affaires économiques du Sénat. Ce sont en effet des durées exceptionnellement longues pour des activités industrielles.

Tout cela représente un ensemble déjà très important, qui répond à de nombreuses questions restées en suspens en 1991.

D'ailleurs, dans son texte initial, le Gouvernement avait prévu certains ajouts : la clarification utile des définitions introduites dans la loi et de la notion de réversibilité du stockage en couche géologique profonde, auquel est assignée une durée longue, d'au moins cent ans, qui reflète nos recommandations ; la coordination des études sur l'entreposage, clairement confiée à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs et se référant au plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, lequel doit permettre de mieux traiter les sujets tels que le conditionnement ou la réversibilité, qui offrent des synergies entre les deux modes de dépôts des déchets ultimes, sans préjuger les choix futurs.

Cependant, il subsiste quelques imprécisions ou lacunes qu'il serait de l'intérêt général de corriger. Je ne citerai que les principales.

Tout d'abord, le texte ne précise pas qui, au sein de l'exécutif, sera chargé concrètement, institutionnellement, de l'élaboration du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Pour le Conseil économique et social, ce pourrait être l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, qui « tiendrait la plume » sous l'autorité du ministre chargé de l'énergie, le plan étant désormais adopté par décret, par nature interministériel, ce qui est une précision utile par rapport au texte initial.

De même, rien ne figure dans le texte en ce qui concerne l'interdiction, que notre pays se fixe implicitement à lui-même, de faire reposer sur d'autres le soin de régler les problèmes de ses déchets. Il s'agit, en d'autres termes, de l'interdiction d'exporter ceux-ci, qui serait le pendant de l'interdiction d'importer les déchets étrangers pour les stocker en France.

Ensuite, pour le financement des investissements nécessaires à l'entreposage ou au stockage, un « bouclage » entre l'ANDRA et les producteurs de ces déchets s'impose, tant sur l'évaluation des devis et la mise en réserve des montants dédiés, sur lesquels nous avions proposé d'instituer un contrôle externe, que sur les modalités de transfert de ces fonds - préfinancement et tarification en coûts complets ou financement en régie -, rien n'ayant été prévu à cet égard.

Sur ces deux points très importants, l'Assemblée nationale a apporté des réponses, prévoyant, d'une part, une affectation des fonds à l'ANDRA par voie conventionnelle et, d'autre part, un contrôle par une commission nationale de douze personnes, dont les présidents des commissions compétentes du Parlement et des personnalités désignées par les deux assemblées et le Gouvernement. La rédaction actuelle du texte nous satisfait donc pleinement.

Enfin, s'agissant du contenu des études et recherches à mener, la nouvelle rédaction ne paraît pas encore de nature à lever les ambiguïtés que notre assemblée avait notées sur des points très sensibles.

D'abord, la notion de « solution de référence » pour le stockage n'impliquait pas à nos yeux qu'elle fût sûre d'être retenue à terme, ce que semble signifier aujourd'hui le texte, lequel précise que les recherches sont conduites « de sorte que » une demande d'autorisation soit déposée avant 2015, au lieu des termes « en vue de », moins contraignants, figurant dans le texte initial.

Ensuite, en ce qui concerne le lien avec les nouvelles générations de réacteurs pour la transmutation, la date de mise en exploitation du prototype « prévue », et non plus seulement présentée comme un simple « objectif », en 2020, paraît a priori trop rapprochée, sans que l'on mesure bien les conséquences de son dépassement.

Sur ce chapitre de la clarté et de la progressivité des décisions, telles sont les observations qu'appelle encore le projet de loi qui vous est soumis. Je laisse à votre assemblée, si elle le juge utile, le soin de les prendre en considération au cours de l'examen du texte.

Le chapitre suivant, relatif au contrôle démocratique, nous conduit d'ailleurs à nuancer encore ces remarques.

S'agissant de la sensibilité du sujet et du contrôle démocratique, je voudrais revenir sur certains résultats du processus parlementaire mis en place en 1991 et du débat public de 2005, qui me paraissent particulièrement importants à retenir pour la définition et la conduite de la politique qui sera décidée en 2006 et au-delà.

La loi de 1991 avait institué une véritable obligation d'évaluation et de débat démocratique, tout au long et à l'issue de ces quinze années de recherches. Ainsi, le rendez-vous parlementaire, prévu en 1991 pour l'année 2006, est aujourd'hui tenu, et ce résultat illustre tout l'intérêt d'une loi à effet temporaire, assortie d'une véritable évaluation.

C'est la raison pour laquelle le Conseil économique et social avait proposé d'inscrire très clairement dans le nouveau projet de loi un nouveau rendez-vous au Parlement, assez lointain mais pas trop, pour aiguillonner les travaux à mener et pour permettre un nouveau débat ouvert avant les décisions lourdes qui pourraient s'ensuivre, dans le respect des pouvoirs du Gouvernement et des prérogatives du Parlement, bien sûr. L'année 2015 nous paraissait à cet égard une bonne date, à l'issue de trois plans triennaux, dont le premier est attendu avant la fin de cette année.

En outre, le Gouvernement ayant pris l'initiative d'un débat public, il convenait d'en tirer quelques leçons. Notre avis a rendu hommage à la manière ferme et ouverte à la fois dont Georges Mercadal a mené ce débat pendant quatre mois, en tant que président de la commission particulière du débat public, mise en place en 2005. Tous les avis critiques ont pu être exprimés et pris en considération, dans le dossier et dans les salles, et même ceux qui se sont tenus en dehors, que nous avons pu auditionner au Conseil économique et social pour faire le tour des points de vue, reconnaissent cette ouverture.

Sur le fond, il en est résulté principalement trois voeux que notre assemblée a soutenus.

Premièrement, la totalité des matières radioactives, et non pas seulement les déchets ultimes, devraient être gérées de façon cohérente et transparente, depuis les « inventaires » de déchets des réacteurs actuels jusqu'aux futures filières de réacteurs, dont les choix de conception devront porter également sur leur capacité à réduire à la source, ou à transmuter après séparation, les déchets les plus gênants. On peut noter le caractère exceptionnel de la filière nucléaire par rapport au développement durable, au travers de cette préoccupation en amont.

Cette préoccupation s'exprime dans le projet de loi. Elle pourrait toutefois être communiquée à tous avec plus de transparence par l'institution d'un organe de pilotage réunissant toutes les parties prenantes autour de l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs, si cette dernière était chargée de l'élaboration des plans nationaux de gestion, conformément à nos propositions.

La rédaction actuelle du projet de loi tient compte en partie de ce premier voeu, en prévoyant de rendre publics tous les trois ans, de faire évaluer les plans de gestion par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et de rendre également publics les rapports de la Commission nationale d'évaluation : est-ce suffisant pour autant ?

Deuxièmement, il faudrait que la maîtrise technique aille de pair avec un processus de décision publique clair et participatif, autant que possible, pour construire la confiance : « les gens veulent être assurés et non rassurés », concluait le rapport de la Commission du débat public. Notre proposition de rendez-vous au Parlement à échéance de 2015, avec des rapports intermédiaires rendus publics, répondait à ce deuxième voeu, selon nous.

Il semble satisfait par le vote prévu par l'Assemblée nationale sur les conditions de la réversibilité des stockages, qui abordera naturellement ces points.

Troisièmement, il faudrait que les décisions ultérieures sur les déchets radioactifs à vie longue soient prises sans précipitation, par étapes, en fonction des avancées scientifiques et techniques et en appréciant les possibilités de progrès de nos successeurs. Prévoir des dispositifs réversibles pendant un temps très long, être assez prévoyants pour préparer aussi la solution stable pendant des millénaires et porter aujourd'hui les études et les financements nécessaires, c'est là, nous semble-t-il, la seule voie acceptable. Ainsi, nos successeurs auront en main les éléments de choix entre « faire confiance à la société » et « faire confiance à la géologie » pour maintenir nos déchets ultimes en sécurité.

C'est aussi ce que souhaite faire ce projet de loi en instituant une « solution de référence » pour le stockage, qui constitue en quelque sorte « l'enveloppe » englobant toutes les solutions susceptibles de répondre au principe de précaution pour nos successeurs, en poursuivant les études et recherches sur les trois axes et en finançant l'ensemble sur le très long terme. À condition que certaines ambiguïtés soient levées, nous ne pouvons que souscrire à cette démarche de responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Pour conclure sur ce point, le Conseil économique et social préconise de prolonger le bénéfice reconnu de la démarche exemplaire engagée depuis 1991, en reproduisant un modèle qui a bien fonctionné, lors des prochaines échéances de 2015, en amont des décisions d'investissement sur un site de stockage en couche géologique profonde éventuel.

Je voudrais insister auprès de vous sur la nécessité absolue de débattre suffisamment, et en associant toutes les parties prenantes, des choix qui seront faits, au nom de ceux qui nous ont exprimé leur « souffrance » de ne pas se sentir entendus encore à ce stade, malgré tous les efforts réalisés en ce sens. Il me revient en effet de me faire aussi le porte-parole des expressions minoritaires sur ce sujet qui engage l'avenir de notre territoire et de notre terre à tous.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, le Conseil économique et social a adopté à une très large majorité l'avis que je viens de présenter à grands traits et l'a conclu en rappelant au premier chef le rôle de l'État, qui doit « assurer, tout particulièrement en cette matière, une gestion éclairée par la science, transparente et démocratique. »

M. Bernard Piras. Très bien !

Mme Anne Duthilleul, rapporteur du Conseil économique et social. Tel est le voeu que nous formons pour le projet de loi qui est soumis à votre examen, en vue d'établir une gestion durable des matières et des déchets radioactifs. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur du Conseil économique et social, mes chers collègues, si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est pour respecter le rendez-vous législatif que nous nous étions fixé il y a quinze ans, lors du vote de la loi dite « loi Bataille ».

La commission des affaires économiques de l'époque m'avait déjà fait l'honneur de me nommer rapporteur du texte de 1991, ce qui me permet aujourd'hui d'apprécier tout le chemin parcouru pendant les quinze années écoulées.

Ce furent tout d'abord quinze années de recherche représentant un effort de 2,5 milliards d'euros, essentiellement supporté par les producteurs de déchets nucléaires.

Ce furent aussi quinze années d'évaluations continues, via les rapports annuels de la Commission nationale présidée par M. Tissot, à laquelle nous pouvons rendre hommage, et les travaux d'expertise menés parallèlement par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Ce fut enfin une période de concertation et de débat avec la société.

Il est toujours possible, après coup, de formuler des observations sur la façon dont l'information aurait pu être mieux réalisée dans les premières années ou, par exemple, sur le fonctionnement du comité local mis en place auprès du laboratoire de Bure, qui a parfois été plus un lieu d'agitation que de concertation.

M. Bruno Sido. Certes !

M. Henri Revol, rapporteur. Mais au final, reconnaissons que la gestion des déchets radioactifs restera comme un exemple inédit d'échanges entre la société civile, la communauté scientifique et les responsables politiques, dont le point d'orgue aura été un débat public national, mené à la demande du Gouvernement, et qui a été d'une qualité remarquable, en particulier en matière de pédagogie.

Au terme de ces quinze années, nous voici donc appelés à nous prononcer sur le projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, après avoir fait l'objet d'un avis du Conseil économique et social, avis que vient de nous exposer avec talent Mme le rapporteur Anne Duthilleul.

Pour résumer le rapport de la commission des affaires économiques, je dirai que ce projet de loi est à la fois un texte qui voit loin et qui voit large.

C'est un texte qui voit loin parce qu'il prolonge la démarche engagée par la loi Bataille en précisant les dates auxquelles les différentes solutions pourront entrer en vigueur, sur la base des études déjà réalisées et de celles qui restent à réaliser.

Pour la séparation et la transmutation, devront être arrêtées, en 2012, les perspectives industrielles liées aux recherches sur la quatrième génération de réacteurs. À ce propos, M. le ministre a précédemment indiqué que, en 2020, nous devrions disposer d'un premier prototype. Je ne reviens pas sur les retards occasionnés, dans ces recherches sur la transmutation, par l'arrêt du précieux outil que constituait le réacteur Superphénix.

Pour le stockage réversible en couche géologique profonde, il est prévu de réunir en 2015 tous les éléments nécessaires à une autorisation. Quant au centre éventuel, sa date de mise en fonctionnement est fixée à l'échéance 2025, ce qui est tout à fait compatible avec le calendrier de production des déchets à haute activité et à vie longue, issus du cycle nucléaire français.

C'est également un texte qui voit large puisqu'il apporte deux éléments essentiels dans des domaines non couverts par la loi de 1991.

D'une part, il propose une véritable politique de gestion nationale pour l'ensemble des déchets, mais aussi pour les matières radioactives, c'est-à-dire toutes les substances radioactives, comme l'a rappelé M. le ministre, qu'elles soient ou non valorisables, en instituant un plan national de gestion des déchets radioactifs, demandé depuis plusieurs années par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et par les associations.

D'autre part, ce texte donne enfin un cadre législatif au démantèlement des installations nucléaires, et en particulier à la question des provisions financières totalement sécurisées constituées par les exploitants pour que le montant global estimé de 69 milliards d'euros, aujourd'hui jugé nécessaire par la Cour des comptes, soit disponible le jour où l'on en aura besoin. Le Parlement participera très activement au contrôle de ces provisions financières et de leur « sanctuarisation » dans les comptes des entreprises.

Enfin, ce texte renforce l'accompagnement socio- économique des territoires concernés par un éventuel stockage. La différence avec ce que l'on pensait en 1991, c'est que la perspective d'un centre de stockage concerne aujourd'hui une seule zone : celle de Bure. Le projet de loi renforce les groupements d'intérêt public de développement local déjà créés en Meuse et en Haute-Marne ; il vise à mieux impliquer directement les industriels du nucléaire dans des projets industriels locaux et il conforte le statut de la structure locale de concertation et d'information des élus et des populations.

Ce texte a été amélioré sur plusieurs points par l'Assemblée nationale, qui a notamment clairement posé le principe de réversibilité du stockage pendant au moins cent ans. Cela signifie que, à l'issue de cette période, l'installation doit permettre aux générations futures de choisir entre trois options : la sortie des colis de déchets du centre pour les stocker ailleurs ou les traiter avec des méthodes que la science aura découvertes entre-temps; la fermeture définitive du site avec les déchets à l'intérieur ; une éventuelle prolongation de la période de réversibilité.

La commission des affaires économiques du Sénat, quant à elle, a déposé des amendements concernant, d'une part, la politique d'ensemble des déchets nucléaires et, d'autre part, l'environnement du site de l'actuel laboratoire souterrain de Bure. Sur ce dernier point, mes chers collègues, elle vous propose de donner au Parlement la possibilité de bloquer l'autorisation d'un centre de stockage réversible en couche géologique profonde si certaines conditions n'étaient pas remplies au moment où une telle décision serait sur le point d'être prise.

Permettez-moi maintenant de m'adresser plus particulièrement à certains de nos collègues siégeant dans cet hémicycle et à certains de nos concitoyens.

Je souhaite tout d'abord me tourner plus directement vers nos collègues de l'opposition. Je veux en effet leur faire part d'une conviction qui n'a cessé de grandir au cours de ces quinze années : si le processus prévu par la loi Bataille a pu être mis en oeuvre de façon aussi exemplaire, c'est parce qu'il a bénéficié d'un atout essentiel, à savoir une adoption de ce texte à l'unanimité des représentants de la nation.

On entend parfois parler de crise de la démocratie représentative. Il n'empêche que, face aux interrogations et aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens, sur le plan tant national que local, l'existence d'un consensus sur la loi Bataille a constitué un argument fort en termes de confiance et de légitimité. C'est bien ce que nous pressentions lorsque, malgré notre opposition au gouvernement en place en 1991, nous avions décidé de voter ce texte.

La preuve nous est aujourd'hui donnée que nous avions fait le bon choix, celui de la responsabilité,...

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Henri Revol, rapporteur. ...alors qu'il eût été facile de trouver tel ou tel prétexte ou argument pour s'opposer ou pour s'abstenir. (M. Jacques Valade applaudit.)

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Henri Revol, rapporteur. Aujourd'hui, nous savons que des décisions essentielles en matière de stockage réversible devront être prises vers 2015 et mises en oeuvre effectivement vers 2025. Cela signifie que, comme pour la loi Bataille, nous devrons pouvoir, à l'avenir, nous appuyer sur la force du choix démocratique que nous allons faire en 2006 pour résister aux tentations de la politique de l'autruche qui ne manqueront de continuer de jouer sur les peurs, politique qui aboutirait à ne rien décider, c'est-à-dire à reporter les décisions sur les générations futures. Cette force du choix démocratique sera d'autant plus réelle si, comme en 1991, elle est conférée par l'unanimité ou la quasi-unanimité d'entre nous.

Il ne faut pas que, dans dix ou vingt ans, on puisse laisser croire qu'il s'était agi en 2006 d'une loi de la droite contre la gauche, pas plus que la loi Bataille n'avait été une loi de la gauche contre la droite. Face aux inquiétudes légitimes que suscite un problème dont les effets dépassent l'horizon temporel de notre société, voire de notre civilisation,...

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Henri Revol, rapporteur. ... il est essentiel que nos choix soient clairs et pleinement assumés.

D'ailleurs, à l'image de la France de 1991, la plupart des pays démocratiques adoptent à l'unanimité les lois relatives à la gestion de leurs déchets radioactifs, notamment à leur stockage géologique. Ainsi en était-il encore récemment de la Finlande. C'est un élément très important.

Je souhaitais livrer cette réflexion à mes collègues de l'opposition. Je le fais sans aucun esprit polémique, car je connais leur sens des responsabilités. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Je voudrais maintenant m'adresser solennellement à nos concitoyens qui vivent dans des territoires où seraient stockés des déchets radioactifs, au travers de l'une de ses modalités que constitue le stockage géologique réversible. Même si toutes les décisions sont encore suspendues à de nombreuses expertises techniques et scientifiques qui seront menées dans les dix prochaines années, il est clair que le projet de loi qui nous est soumis précise la perspective d'un centre de stockage réversible proche de l'actuel laboratoire de Bure.

Au-delà des garanties techniques du stockage réversible et de sa sûreté, que je viens d'évoquer, je souhaite adresser trois messages à nos concitoyens les plus concernés.

En premier lieu, en ma qualité de rapporteur de ce projet de loi devant le Sénat, je veux leur indiquer la pleine conscience que nous avons de ce que représente ce texte pour ceux qui vivent aujourd'hui et qui vivront demain à proximité d'un tel centre.

En deuxième lieu, comme nous l'avons dit, nous prévoyons une possibilité pour le Parlement d'arrêter le processus d'autorisation du centre de stockage, ce qui constitue un élément essentiel de démocratie.

En troisième et dernier lieu, comme le Gouvernement l'a souhaité et grâce au travail mené au Sénat par nos collègues élus de la Meuse et de la Haute-Marne, les dispositifs d'accompagnement sont renforcés et diversifiés.

L'expérience révèle qu'il n'est pas seulement question d'argent. Il est d'abord question d'emploi et d'activité.

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Henri Revol, rapporteur. Les habitants des départements concernés peuvent compter sur nous pour veiller à ce que, conformément aux dispositions de la loi, les acteurs de la filière nucléaire rendent réellement compte de leur investissement dans le développement d'activités locales. EDF, le CEA et AREVA sont des entités entièrement ou majoritairement publiques. Nous saurons les rappeler aux engagements pris voilà quelques mois sur votre initiative, monsieur le ministre.

Il est aussi question de l'image que ces territoires ont d'eux-mêmes et qu'ils en donnent. Dans le siècle qui commence, et alors que l'énergie figure au rang des enjeux essentiels, il y a incontestablement une carte à jouer autour de Bure pour que ces territoires soient réellement perçus pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des plates-formes technologiques indispensables à l'indépendance énergétique durable de la France.

Ce nouveau regard n'est pas une façon pour les habitants concernés de positiver une mauvaise nouvelle ou de voir à moitié plein un verre à moitié vide. Non, ce qui est en cause, c'est l'appropriation du projet par l'ensemble des forces vives de la région, à commencer par les habitants, qui aiment leur territoire et qui veulent participer à son avenir. Cette appropriation est l'un des ressorts indispensables aux actions déjà menées par les collectivités et les structures locales, auxquelles le projet de loi donne un nouvel élan, notamment par ses articles 9 et 15, et que nous proposons encore d'améliorer.

Mes chers collègues, à ce stade de la discussion, telles sont les quelques convictions que le rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat, représentant des territoires, souhaitait vous faire partager. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;

Groupe socialiste, 49 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.

Avant de donner la parole aux orateurs inscrits dans la discussion générale, je tiens, en notre nom à tous, à souhaiter la bienvenue à notre nouvelle collègue des Pyrénées-Atlantiques, Mme Annie Jarraud-Mordrelle, conseillère municipale d'Anglet, qui succède à André Labarrère, sénateur-maire de Pau, récemment décédé.

Nous la saluons très cordialement et lui adressons nos meilleurs voeux. (Applaudissements.)

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur du Conseil économique et social, mes chers collègues, après l'examen du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, le Sénat étudie aujourd'hui un texte qui tend à renforcer la sûreté de nos installations nucléaires.

Avec près de 80 % de sa production électrique d'origine nucléaire, la France est une exception dans le monde. Nul autre pays n'a privilégié de cette façon l'industrie du nucléaire civil. Ce choix a été dicté dès la fin des années soixante et renforcé au début des années soixante-dix par la volonté d'assurer l'indépendance énergétique de notre pays, volonté d'autant plus justifiée que l'ensemble des pays importateurs d'hydrocarbures ont été touchés à deux reprises dans les années soixante-dix par les crises pétrolières.

Le nucléaire demeure pourtant un sujet tabou et a même parfois présenté un caractère de repoussoir. Il a fallu attendre les années quatre-vingt pour qu'un certain nombre de parlementaires, de toutes tendances politiques, se saisissent sans arrière-pensée de ce débat, avec un esprit de responsabilité et d'anticipation des enjeux qui se présentent à nous aujourd'hui. Cette démarche aboutit à l'adoption, à l'unanimité, comme l'a rappelé M. le rapporteur, de la loi du 30 décembre 1991, dite « loi Bataille », relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Cette dernière a confié au Parlement la définition du cadre des recherches et des décisions en matière de gestion des déchets de haute activité à vie longue.

Le premier mérite de cette loi fut d'inscrire en principe la responsabilité des décideurs de l'époque vis-à-vis des générations futures, principe décliné autour de trois axes, à savoir la réduction de la nocivité des déchets, le stockage en formations géologiques profondes, et enfin le stockage et l'entreposage de longue durée en surface.

La loi Bataille fut également exemplaire dans la mesure où elle institua une véritable transparence par le biais de la création de la Commission nationale d'évaluation des résultats obtenus pour la recherche sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité et à vie longue. Le principe d'information du grand public se concrétisa également au niveau local par l'institution d'un comité local d'information et de suivi.

Le débat démocratique reprend aujourd'hui ses droits, puisque c'est en application de l'article 4 de la loi de 1991 que nous sommes amenés à discuter du nouveau cadre légal des déchets radioactifs.

Le texte que nous examinons aujourd'hui est d'abord nécessaire pour ne pas remettre en cause le processus amorcé en 1991. Il est de plus indispensable pour valider certains choix qui vont engager la France au moins pour les quinze ou vingt prochaines années. Je pense en particulier à la création d'un centre de stockage géologique. En toute hypothèse, l'ensemble de ces choix devra se faire en fonction de toutes les données dont nous disposons aujourd'hui, et en toute objectivité.

Il revient à notre génération, première bénéficiaire de l'énergie nucléaire, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, de chercher les solutions les plus sûres afin que les générations futures n'aient pas à pâtir d'un manque d'impartialité de leurs prédécesseurs.

Au terme de ces quinze années, la question nucléaire s'est dépassionnée. Grâce aux nombreux rapports de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, de la Commission nationale d'évaluation, du Conseil économique et social ou de 1'ANDRA, nos concitoyens disposent aujourd'hui d'une information claire et objective qui met en évidence les enjeux de long terme engendrés par le choix de l'électricité nucléaire. Cette transparence est en pleine harmonie avec l'article 7 de la Charte de l'environnement, intégrée dans notre Constitution en 2005.

Le temps de la réflexion a fait son oeuvre. L'avancement des données scientifiques a conforté les éléments concrets sur lesquels vont s'appuyer nos choix ou va en infirmer d'autres. Je tiens ici à saluer la qualité remarquable des travaux menés par notre communauté scientifique, travaux dont les résultats ont permis la constitution d'un socle technique et scientifique fiable. Ainsi, nous savons maintenant que la couche d'argile, vieille de 150 millions d'années, étudiée par le laboratoire de Bure dans la Meuse, possède toutes les caractéristiques nécessaires pour recevoir des substances radioactives de haute activité et à vie longue dans des conditions de sécurité optimales.

Cette longue période fut propice à l'insertion de la France dans un mouvement regroupant de nombreux États et évoluant vers la solution du stockage géologique.

Ce mouvement ne nous a cependant pas empêchés de différencier notre approche, notamment sur la question de la transmutation, où nous sommes à l'avant-garde. Aujourd'hui, les pays possédant une industrie électronucléaire privilégient désormais la solution du stockage. C'est le cas, par exemple, de la Suède, de la Finlande, de la Suisse et du Japon, autant de pays dont on ne peut contester les exigences en matière nucléaire.

Toutefois, le projet de loi dont nous allons discuter ne clôt pas le débat, bien au contraire. En optant pour la réversibilité de notre politique de gestion des déchets radioactifs, le Gouvernement fait preuve de responsabilité en s'appuyant sur les travaux scientifiques très rigoureux encadrant strictement la surveillance et le contrôle des installations classées.

Ce texte contient d'importantes dispositions qui sont autant d'avancées nécessaires.

En premier lieu, il vise à introduire, après tant d'années d'attente, un plan national et un programme de recherches qui seront confortés par une évaluation totalement indépendante et le renforcement de la transparence des informations données à nos concitoyens.

En deuxième lieu, il tend à confirmer le rôle clef de l'ANDRA en augmentant ses moyens financiers et décisionnaires en vue d'assurer l'efficacité de sa mission, qui, nous le savons, est cruciale, comme tout ce qui touche au domaine nucléaire. L'ANDRA verra ses missions élargies et précisées, notamment en matière de recherche sur l'entreposage et le stockage, ainsi que sur la spécification du conditionnement des déchets.

La crédibilité de l'action de l'ANDRA ne sera confortée que par un financement individualisé, transparent et pérenne.

Ainsi, il est créé, au sein de l'ANDRA, un fonds destiné à faire face aux charges de recherches et d'études sur l'entreposage et le stockage profond, alimenté par une taxe spécifique « recherche » additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base.

De plus, il est créé un second fonds destiné au financement de la construction et de l'exploitation des installations, abondé par les contributions des exploitants propriétaires des colis de déchets.

Enfin, il est prévu un financement au profit des actions de développement dans la zone de proximité.

L'ensemble de ces dispositions me semble pleinement satisfaisant pour asseoir la capacité d'expertise et d'action de l'ANDRA.

En troisième lieu, ce texte tend à définir le régime juridique des installations de stockage : la définition posée par le projet de loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire pour ce qui concerne la gestion de l'installation et du démantèlement des activités électronucléaires y est complétée.

Le présent projet de loi permet de finaliser l'ensemble du cadre juridique de l'activité électronucléaire française, parallèlement au projet de loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire. De l'autorisation de mise en service au traitement des déchets, en passant par le contrôle permanent des installations, les sujétions légales mises à la charge des exploitants soulignent une très forte exigence de sécurité et de transparence.

Nombre de pays de l'Union européenne s'interrogent sur la reprise de leurs activités électronucléaires. La France peut constituer un modèle, grâce à l'excellence de sa filière. Bien sûr, nous pouvons raisonner en termes de parts de marché, d'exportations et de créations d'emplois, mais cela n'exclut pas un principe d'éthique s'imposant à tous.

Monsieur le ministre, ce projet de loi a le mérite de donner au Parlement les moyens de faire des choix fondamentaux sur l'avenir énergétique de la France au cours des prochaines décennies. Nous saisissons l'opportunité de partager cette grande responsabilité. Une importante majorité, sinon l'unanimité du groupe du RDSE, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur du Conseil économique et social, mes chers collègues, notre assemblée est réunie aujourd'hui pour débattre d'un projet de loi sur la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.

Je tiens, tout d'abord, à souligner la qualité du travail de M. le rapporteur et des collaborateurs de la commission, ainsi que celle du rapport de Mme Anne Duthilleul.

Avant d'aborder le texte proprement dit, il me semble utile de rappeler le contexte législatif dans lequel nous travaillons.

Les orientations préconisées par le sommet de Lisbonne, les directives européennes de 1996 et de 1998 organisent l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie. Cela n'a rien d'anodin. Certains commissaires européens vont même jusqu'à dire que les déchets nucléaires sont des marchandises comme les autres.

En France, les lois relatives à la politique énergétique ainsi que le projet de loi relatif à la transparence et la sécurité en matière nucléaire se situent dans la même ligne idéologique.

Pourtant, comment ne pas reconnaître que les objectifs mêmes des partisans du libéralisme sont difficilement compatibles avec les principes qui doivent guider l'exploitation de l'énergie nucléaire ?

D'une manière générale, la recherche du profit maximum pour les actionnaires amène les entreprises à faire des économies sur tout ce qui concerne la sécurité, les salaires ou encore les conditions de travail.

Metaleurop, AZF et bien d'autres nous rappellent pourtant que la logique libérale est toujours la même. Comment donc ne pas être inquiet ?

C'est pourquoi nous estimons que seul l'État permet d'apporter des garanties réelles en matière de responsabilité, que seuls des acteurs désintéressés, dont l'objectif est de remplir une mission d'intérêt général au sein d'un service public, peuvent garantir le plus haut niveau de sécurité.

Demain, en effet, quand la concurrence sera plus vive - ce n'est pas encore le cas aujourd'hui - et quand n'importe quel grand groupe pourra devenir acteur de la filière nucléaire, qu'en sera-t-il de nos certitudes ?

Nous demandons par conséquent un contrôle public, un contrôle démocratique associant les élus, les associations, les usagers, les salariés, les scientifiques mais aussi les citoyens. Tout citoyen qui le souhaite doit être informé au mieux.

C'est pourquoi nous nous réjouissons de la mise en oeuvre du débat public par la commission ad hoc, dont le bon fonctionnement fut salué par tous et qui a permis l'expression et l'information du grand public.

Ainsi, la première conclusion de cette commission est que nous devons traiter ces questions avec une prudence extrême au regard des inquiétudes exprimées par les personnes. Cet avis est d'ailleurs partagé par l'Institut de radioprotection et de sécurité nucléaire et par le Conseil économique et social. Nous ne sous-estimons ni les efforts entrepris ni les progrès réalisés, mais nous craignons, fidèles en cela à nos principes, les effets d'une politique libérale pour l'avenir.

M. le rapporteur en appelait tout à l'heure au consensus. Certes, un tel consensus est important. Je tiens néanmoins à souligner, pour mémoire, que c'est la structure publique sur laquelle cette filière a pu s'appuyer et se développer durant de longues années qui a été déterminante.

J'en viens à la deuxième partie de mon intervention.

Pour notre groupe, l'objet de ce projet de loi est bien de permettre la poursuite des recherches dans les trois axes définis par la loi Bataille et de mettre en place un système de gestion le plus fiable possible, dans l'état actuel des connaissances, tout en continuant les recherches.

Il nous semble donc inopportun de définir dans ce texte un calendrier, avec un enfouissement des déchets à l'échéance 2025.

Il s'agit non pas, comme cela est dit ici ou là, de se défausser sur les générations futures, mais simplement d'affirmer que tout choix définitif serait prématuré, compte tenu de nos connaissances.

À ce propos, la Commission nationale du débat public, si elle fait « un constat positif sur les résultats acquis dans le site de la Meuse », précise également que « les conditions d'une éventuelle décision finale de réalisation de stockage ne sont pas encore réunies, le laboratoire souterrain devant être exploité durant une durée suffisante ».

Une décision hâtive serait d'autant plus inadaptée que la loi Bataille n'a pas été tout à fait respectée.

En effet, il était prévu, dans l'article 4 de cette loi, la mise en exploitation de plusieurs laboratoires de recherche pour le stockage géologique en couche profonde. Or, aujourd'hui, il n'en existe qu'un : celui de Bure. Malgré les grandes qualités du sol argileux sur cette zone, les éléments manquent encore à ce jour pour décider que l'enfouissement des déchets est la solution la plus adéquate.

Il faut bien voir que ce projet de loi, tout en réaffirmant que les recherches doivent être menées dans trois axes complémentaires, prévoit déjà de retenir comme solution de référence le stockage en couche géologique profonde, et ce avant même la réalisation de l'ensemble des études.

Si nous saluons l'introduction par l'Assemblée nationale de la notion de réversibilité dans le projet de loi, nous ajoutons que ce texte ne peut être l'ultima verba. Il ne représente qu'une étape de plus, et c'est pourquoi la mise en exploitation d'un site d'enfouissement doit faire l'objet d'une nouvelle loi votée par le Parlement. Toute autre décision laisserait à penser que l'on veut forcer l'allure alors même que l'expérimentation n'a pas été menée jusqu'à son terme.

Dans la troisième partie de mon intervention, je réaffirmerai notre attachement à ce que la recherche concernant la séparation-transmutation soit poursuivie, au même titre qu'il est envisagé de la continuer s'agissant des deux autres voies.

En effet, les avancées du Commissariat à l'énergie atomique permettent déjà d'envisager à long terme une gestion différenciée et efficace des différents types de radioéléments.

Ainsi, ce procédé permet de récupérer 95 % des combustibles usés pour les réutiliser et de réduire à 5 % environ la quantité des déchets dits ultimes. C'est un grand progrès.

Cependant, le recyclage est aujourd'hui largement limité par l'inexistence d'une vraie filière à neutrons rapides.

En effet, les recherches sur la séparation-transmutation sont liées à la réalisation d'un prototype de centrale de quatrième génération prévue aux alentours de 2020. Cette date paraît d'ailleurs assez irréaliste, compte tenu de l'avancement des recherches et de l'absence de réacteur expérimental après la fermeture de Phénix, en 2008. Nous le regrettons nous aussi.

Cette voie de recherche mérite alors d'être activement poursuivie, en parallèle avec les projets EPR et ITER.

Pourtant, cette voie n'est pas mentionnée dans l'article 4 du projet de loi, ce qui est assez significatif.

Ainsi, concernant les prérogatives du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, l'accent est mis sur les solutions du type de l'entreposage et du stockage, mais la séparation-transmutation n'y figure pas explicitement. Je sais bien que nous en sommes encore au stade de la recherche fondamentale, mais, malgré tout, nous aurions souhaité que la séparation-transmutation soit mentionnée.

Une autre disposition est tout aussi symbolique : il est prévu, à l'article 11 de ce projet de loi, la création d'un fonds de financement de la recherche au sein de l'ANDRA, qui serait alimenté par le produit d'une taxe additionnelle sur les installations nucléaires de base.

Si nous adhérons au principe de création d'un fonds de financement de la recherche, nous estimons pourtant que, tel qu'il est rédigé, ce projet de loi oublie la recherche sur la séparation-transmutation.

Ainsi, le financement des recherches dans cette voie est laissé à l'appréciation des producteurs dans le cadre de relations contractuelles de court terme ainsi qu'à la dotation budgétaire du Commissariat à l'énergie atomique, qui, il faut bien l'avouer, a été considérablement réduite depuis plusieurs années.

De plus, l'évaluation des besoins de recherche est laissée, d'une part, à l'ANDRA, sur la partie stockage et entreposage, et, d'autre part, au CEA, sur la partie séparation-transmutation.

Nous regrettons donc que ni le plan national pour la gestion des matières et déchets radioactifs ni la Commission nationale d'évaluation n'aient, dans leurs attributions, l'évaluation et la définition des besoins financiers concernant les recherches.

Nous proposerons donc un amendement visant à doter la Commission nationale d'évaluation d'une mission d'évaluation des besoins de financement pour la recherche dans les trois axes définis par l'article 1er.

Parallèlement, nous proposerons que le produit de la taxe additionnelle sur les installations nucléaires de base serve également à financer les études sur la séparation-transmutation.

Concernant le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, nous aurions également souhaité que les orientations fixées par ce plan fassent l'objet d'une évaluation.

Sur les questions de financement, les exploitants nucléaires sont appelés à financer non seulement la recherche, mais également, par le biais de la constitution d'actifs dédiés, les charges de démantèlement de leurs installations et celles d'entretien et de surveillance de leurs installations de stockage de déchets radioactifs.

Cette disposition, prévue à l'article 14, a fait l'objet de débats passionnés à l'Assemblée nationale pour savoir s'il valait mieux que ce fonds reste dans l'entreprise ou qu'il soit externalisé.

Pour notre part, nous estimons que les producteurs ne doivent pas échapper à leurs responsabilités techniques et financières en ce qui concerne les déchets. En conséquence, ils doivent rester engagés dans le financement de l'aval du cycle nucléaire.

Une soulte libérant les producteurs aboutirait, à notre avis, au financement par l'État, et donc par le contribuable, lequel se verrait de ce fait soumis à une double peine, en quelque sorte, puisqu'il a déjà payé une première fois en acquittant sa facture d'électricité.

Je terminerai par un point qui me semble absolument essentiel : le besoin de transparence pour la filière nucléaire. Il s'agit là d'un enjeu de démocratie évident.

Les pouvoirs publics ne doivent pas passer en force pour faire accepter le nucléaire.

Il faut donc reconnaître que le savoir en la matière, même s'il est complexe, n'est pas uniquement un domaine réservé aux experts et que les citoyens disposent de leur propre expertise.

L'acceptation du nucléaire est à ce prix : connaissance partagée et expertise plurielle.

Ce fonctionnement démocratique que nous appelons de nos voeux passe donc par la mise en oeuvre de véritables contre-pouvoirs, ainsi que par une transparence renforcée afin d'obtenir la confiance des citoyens.

Il est vrai que beaucoup a déjà été fait dans ce domaine, mais nous souhaitons aller encore plus loin.

Ainsi, pourquoi ne pas ouvrir à la société civile les conseils de surveillance des entreprises concernées, notamment ceux de EDF, d'AREVA et du CEA ? Pourquoi ne pas associer également les commissions locales d'information, les CLI, et les salariés au contrôle des fonds ?

À ce sujet, il faut souligner la création par l'Assemblée nationale, à l'article 14, d'une Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs. Nous proposerons d'en améliorer la composition.

Pour une plus grande transparence, nous devrons également permettre des évaluations contradictoires et indépendantes. Un contrôle indépendant des installations de gestion des déchets paraît, à ce titre, nécessaire.

De plus, cette démarche implique de faire le point régulièrement afin qu'à chaque étape les citoyens soient informés et en mesure de donner leur avis sur les choix énergétiques.

Dans ce sens, la mise en oeuvre de référendums consultatifs locaux paraît constituer une étape importante dans le processus de décision.

Les départements qui font le choix d'accueillir des centres de stockage doivent également bénéficier d'aides pour la mise en oeuvre d'un projet de territoire permettant de renforcer leur attractivité. Nous le leur devons vraiment ! Ils ont eu une attitude courageuse.

Les demandes formulées par le département de la Meuse me semblent donc tout à fait légitimes.

M. Claude Biwer. Très bien ! Merci !

Mme Évelyne Didier. La dernière exigence est la mise en oeuvre de rendez-vous périodiques, comme le préconise la Commission particulière du débat public dans les conclusions qu'elle a présentées et qui soulignent l'importance d' « utiliser le temps pour construire une solution progressiste et prévoir des rendez-vous périodiques ».

Cet avis est d'ailleurs partagé par la Cour des comptes, qui recommande l'instauration d'une structure permanente d'information du public.

Dans ce sens, nous avons souhaité, par nos amendements, conforter la place faite par le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dont nous débattrons demain, à un Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des points qui nous tiennent particulièrement à coeur ; nous aurons également l'occasion, dans la discussion des articles, de revenir sur d'autres dispositions.

En tout état de cause, ce n'est qu'à la fin de ce débat, en fonction de l'évolution du texte au regard des préoccupations que je viens de formuler, que nous déciderons de notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. -MM. Jean Bizet et Claude Biwer applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc fidèles au rendez-vous fixé par la loi Bataille adoptée en 1991, qui prévoyait que le Parlement se prononce avant la fin de la présente année sur le devenir des déchets radioactifs à durée de vie extrêmement longue.

En tout premier lieu, je vous sais gré, monsieur le ministre, d'avoir accepté que le Parlement puisse délibérer en toute sérénité de votre projet de loi, et que celui-ci puisse faire l'objet de deux lectures dans nos assemblées : déclarer l'urgence pour un tel texte, alors que nous légiférons pour les siècles à venir, n'avait en effet pas grand sens !

En second lieu, je constate avec plaisir que le débat de l'Assemblée nationale a été particulièrement fécond dans la mesure où de nombreux amendements émanant aussi bien de la commission saisie au fond, de la majorité, de l'opposition, voire du Gouvernement, ont été adoptés.

Il est vrai que, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, un sujet aussi important doit recueillir au Parlement un consensus le plus large possible - dans l'opinion publique, ce sera peut-être plus difficile.

Quoi qu'il en soit, j'espère qu'il en ira également de même au Sénat, et j'ai noté avec satisfaction les propos rassurants de M. le ministre, ainsi que les engagements de notre excellent rapporteur, M. Henri Revol.

Je suis, avec Gérard Longuet et Bruno Sido, l'un des représentants régionaux concernés. Il est donc de mon devoir d'intervenir sur le plan de l'intérêt national et de l'intérêt régional, certes, mais aussi sur celui de l'intérêt de mon département, la Meuse. Il me semble, en effet, qu'il n'y a plus qu'un seul site actuellement à l'étude pour l'éventuel enfouissement de déchets et que nous n'avons donc plus le choix qu'entre Bure et Bure !

À ce titre, nous ressentons la nécessité de parler de ces sujets et d'insister sur certains thèmes.

Dans mon esprit, l'intérêt général consiste à faire en sorte qu'en toutes circonstances nos concitoyens puissent bénéficier de l'information la plus impartiale possible sur les objectifs et les moyens mis en oeuvre par les différents opérateurs pour assurer le traitement ou l'entreposage des déchets nucléaires.

L'intérêt général consiste également à ne pas considérer une fois pour toutes le stockage comme la seule solution possible. M. le rapporteur a beaucoup insisté sur ce point : le stockage doit être un procédé réversible, et il doit le rester sur une longue durée.

L'intérêt général commande que soient poursuivies les recherches sur les trois axes qui avaient été évoqués en 1991. Même si, à l'aune de nos connaissances actuelles, certains d'entre eux peuvent paraître utopiques, qui sait si, dans dix, vingt ou trente ans, ils ne s'avéreront pas possibles ?

Vous l'aurez bien compris, je fais référence à la séparation poussée ou à la transmutation, technique pour laquelle des progrès ont d'ores et déjà été enregistrés mais qui nécessitera, ainsi que vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, que la France développe une nouvelle génération de réacteurs nucléaires capables de mieux recycler les combustibles et de réduire les déchets ultimes. Un prototype devra être mis en service vers 2020.

L'autre axe de recherche scientifique évoqué consiste en l'étude de procédés de conditionnement et d'entreposage des déchets de longue durée en surface ou en subsurface.

Le troisième axe de recherche consiste en un stockage en couche géologique profonde : là encore, de notables progrès ont été réalisés grâce, bien sûr, aux études et aux recherches conduites au laboratoire de Bure, mais également grâce aux recherches effectuées à l'étranger par l'ANDRA.

J'observe néanmoins que les conclusions des experts au sujet de la solution du stockage souterrain ne sont pas toujours concordantes. Il faut donc, à mon avis, poursuivre les recherches afin que nous ayons la quasi-certitude, le moment venu, de ne pas nous tromper.

Il convient aussi de regretter qu'un seul laboratoire souterrain ait été réalisé, alors que, au moment du vote de la loi Bataille, un minimum de deux expériences en couches géologiques différentes avait été évoqué.

En effet, à partir du moment où un seul laboratoire de recherche est en place, il va de soi que, si un centre de stockage devait être réalisé, il serait forcément implanté à proximité du laboratoire. Telle n'était pourtant pas la règle du jeu au moment où les élus de la Meuse et de la Haute-Marne ont accepté, en prenant beaucoup de risques, l'implantation de ce laboratoire sur leur territoire !

Cependant, s'il doit y avoir un jour un centre de stockage de déchets radioactifs à proximité de Bure, cela ne pourra se faire qu'en respectant un certain nombre de conditions impératives.

En tout premier lieu, il faut coûte que coûte que la réversibilité du projet de stockage soit garantie, afin de laisser aux générations futures, en fonction des connaissances alors acquises, la possibilité d'effectuer d'autres choix que ceux qui peuvent être entrevus à l'heure actuelle.

L'Assemblée nationale a précisé que le Parlement devra être saisi d'un projet de loi fixant les conditions de la réversibilité du centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs, et qu'aucune autorisation ne pourra être délivrée à un centre de stockage qui ne garantirait pas sa réversibilité.

Je suis néanmoins étonné que la durée même de la période de réversibilité ait été limitée à cent ans. C'est le temps qu'il faut pour remplir un site de cette importance ! Ne vaudrait-il pas mieux prévoir une période minimum de réversibilité de trois cents ans ? C'est en tout cas ce que je proposerai par voie d'amendement.

En deuxième lieu, il faut que le Parlement soit garant du caractère démocratique de l'ensemble du processus - j'insiste sur ce dernier point - qui sera enclenché. En d'autres termes, il est impensable de se contenter d'une simple décision administrative pour autoriser un projet de stockage, et il est selon moi impératif que, le moment venu, la décision de création de ce centre de stockage revienne au Parlement. Sur ce point, je pense être d'accord avec M. le rapporteur.

Il s'agit là d'un élément très important, voire de l'élément central du projet de loi.

Aux termes du projet de loi déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale, l'autorisation de création du centre de stockage était délivrée par un simple décret en Conseil d'État, après débat public, enquête publique et avis des collectivités territoriales concernées. Cela n'était pas convenable.

L'Assemblée nationale a décidé d'organiser un nouveau rendez-vous parlementaire, la demande de création devant être transmise le moment venu à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui l'évaluerait et rendrait compte de ses travaux aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Cependant, à supposer que l'avis de l'Office soit négatif, rien n'obligerait le Gouvernement alors en place de s'y conformer, et l'autorisation de création pourrait parfaitement être délivrée par décret en Conseil d'État.

Nous ne pouvons pas laisser les choses sous cette forme. Il faut absolument que le Parlement, dans son ensemble, soit saisi d'une affaire aussi importante qui engage tout de même notre pays pour une très longue période ! En conséquence, c'est à mon avis au Parlement, par le vote d'une loi, qu'il revient d'autoriser expressément le Gouvernement à délivrer, le cas échéant, l'autorisation de création d'un centre de stockage.

Tout naturellement, avant que le Parlement ne se prononce, il faut un débat public, une enquête publique, et que les collectivités territoriales concernées puissent donner leur avis sur la création de ce centre de stockage. Je proposerai deux amendements allant dans ce sens.

En troisième lieu, le Parlement devra pouvoir contrôler l'évaluation faite par l'autorité administrative sur les provisions et les fonds dédiés par les opérateurs à la gestion des déchets radioactifs et à leur éventuel stockage souterrain.

Le Gouvernement a fait un choix : les fonds constitués à cette fin demeureront la propriété des opérateurs nucléaires.

De leur côté, nos collègues socialistes préféreraient que la gestion de ces fonds considérables soit confiée à la Caisse des dépôts et consignations et que la propriété des déchets revienne à l'ANDRA.

Je comprends, bien entendu, les raisons de cette proposition essentiellement dictées par les incertitudes du devenir d'EDF et par l'expérience passée, qui n'a pas toujours été concluante. La Cour des comptes et la commission des finances du Sénat ont d'ailleurs souvent mis en cause la gestion de ces fonds et la sécurisation des actifs dédiés.

Cependant, a contrario, qu'adviendrait-il si, d'aventure, le stockage en couche géologique profonde des déchets devait finalement coûter beaucoup plus cher que prévu ?

La Cour des comptes, en 2005, estimait d'ores et déjà que ce coût pourrait connaître une augmentation dans un rapport compris entre deux et quatre.

Dans ce cas, ce serait l'État et les contribuables, et non les opérateurs, qui paieraient la note. Pourtant, les consommateurs d'électricité, qui sont aussi des contribuables, financent déjà la gestion des déchets nucléaires à hauteur - M. le ministre l'a précisé - de dix euros par an et par foyer ! Sur ce sujet, je suis d'accord avec Mme Didier, qui s'est exprimée avant moi.

Dans ces conditions, la solution retenue par le Gouvernement me paraît la moins mauvaise possible, sous réserve que le Parlement joue pleinement son rôle en vérifiant à intervalles réguliers que les provisions et les actifs dédiés à cette fin par les opérateurs de la filière nucléaire correspondent bien aux besoins futurs liés à la gestion et au traitement des déchets radioactifs, tant civils que militaires.

S'agissant du financement de la construction, de l'exploitation, de l'arrêt définitif, de l'entretien et de la surveillance des installations d'entreposage ou de stockage des déchets de haute ou de moyenne activité à vie longue, il faut également que le montant des contributions versées par les exploitants d'installations nucléaires de base soit fixé par l'État - et non par convention - et qu'il soit régulièrement actualisé afin de garantir la pérennité de ces financements et leur compatibilité avec les besoins réels et futurs. Tel est l'objet d'un autre amendement que je défendrai.

L'Assemblée nationale a prévu la création d'une Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs, qui sera notamment chargée de remettre au Parlement, tous les trois ans, un rapport présentant l'évaluation du contrôle de l'adéquation des provisions et de la gestion des actifs dédiés par rapport aux charges liées à ces opérations. Cela me paraît être une très bonne chose.

En quatrième lieu, j'observe qu'un comité local d'information et de suivi chargé d'une mission générale de suivi, d'information et de concertation en matière de recherche sur la gestion des déchets radioactifs, en particulier sur le stockage de ces derniers en couche géologique profonde, sera désormais présidé par le président du conseil général du département où est situé l'accès principal du laboratoire souterrain et non plus par le préfet. Quel que soit son président, j'espère que cet organisme fonctionnera de manière plus efficace que par le passé, ce qui ne devrait pas être très difficile, et qu'il jouera pleinement son rôle en délivrant une information objective aux élus et aux populations concernées, qui est seule garante de l'acceptation par le plus grand nombre de cette technologie et de ses conséquences.

En dernier lieu, je souhaiterais évoquer l'indispensable solidarité nationale qui doit jouer en faveur des territoires concernés par la gestion des déchets radioactifs, à savoir les départements de la Meuse et de la Haute-Marne, et qui s'exerce notamment par le biais de groupements d'intérêt public, ou GIP. Elle devra être amplifiée.

Voilà quinze ans, je le rappelle, les élus tant nationaux que locaux de ces deux départements ont su faire preuve d'un véritable courage politique en acceptant que soit implanté sur leur territoire le laboratoire souterrain de Bure. À l'époque, ce choix n'était pas évident, compte tenu de l'avis de la population. Ces élus n'ont pas toujours été payés de retour.

En effet, jusqu'à maintenant, les retombées économiques de la construction du laboratoire souterrain de Bure ont été plutôt limitées, en tout cas insuffisamment perceptibles par les habitants des zones concernées, ce qui explique sans doute le scepticisme grandissant à l'égard de cette installation.

Je ne suis pas persuadé que le produit de la taxe dite « d'accompagnement économique » sera suffisant pour redonner un nouveau souffle au développement économique de ce secteur, d'autant que les critères d'éligibilité des fonds ainsi dégagés ont été à juste titre élargis par l'Assemblée nationale et concernent tout naturellement les deux départements pionniers lors de l'acceptation de la création du laboratoire souterrain, notamment à travers les GIP.

J'ajoute que, pour faire bonne mesure, l'Assemblée nationale a cru devoir créer une taxe additionnelle de diffusion technologique.

Il faut en effet que les entreprises liées à la filière nucléaire contribuent au développement économique de la Meuse et de la Haute-Marne par la création d'emplois directs - elles ne l'ont pas fait jusqu'à présent - et que soient valorisées, de préférence dans cette même région, les technologies de haut niveau qui ont été développées à Bure, comme cela s'est déjà fait à Marcoule.

J'observe, une fois de plus, que les coefficients multiplicateurs de ces taxes seront fixés par décret en Conseil d'État en fonction d'une multitude de critères. On laisse ainsi le soin au Gouvernement de décider des besoins des collectivités territoriales alors que leurs élus sont bien mieux placés que quiconque pour les recenser et lancer des actions de développement économique. À cet égard, je peux vous assurer que le conseil général de la Meuse a déjà beaucoup d'idées allant dans le sens de l'intérêt général.

À tout le moins, je crois qu'il conviendrait que les minima et les maxima des coefficients multiplicateurs de la taxe d'accompagnement économique soient relevés de 0,5 à 1,5 et de 2 à 3. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Par ailleurs, j'ose espérer que, dans la logique du texte voté par l'Assemblée nationale, le produit de la taxe de diffusion technologique s'ajoutera aux produits des autres taxes et ne viendra pas en déduction des précédents. Afin qu'aucun euro ne soit perdu pour les collectivités concernées, je proposerai par voie d'amendement que les lignes budgétaires soient fongibles et que les fonds non utilisés de la taxe de diffusion technologique puissent entièrement servir au développement économique de ces territoires.

Monsieur le ministre, l'examen de ce texte est l'une des rares occasions pour un homme public, au cours de sa carrière, d'engager à ce point l'avenir de son pays, et ce pour de très longues années. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je fais tout naturellement confiance aux scientifiques, mais la science a besoin d'être encadrée. Il en va souvent d'ailleurs de même de l'administration.

Les parlementaires ont sans doute bien des défauts, mais ils ont des comptes à rendre à leurs électeurs et ils savent faire prévaloir l'intérêt général. Ce sont les raisons pour lesquelles j'insiste tellement, non seulement pour que le Parlement soit associé d'un bout à l'autre du processus, mais aussi pour qu'il soit décideur. Des choix doivent s'opérer, et nous devons nous investir avec conviction dans les orientations à donner.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler à l'égard de ce projet de loi. C'est en formant l'espoir de la bonne suite qui sera réservée à nos propositions que je serai conduit à me prononcer en faveur de ce texte, qui est de bon sens et qui répond à l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

(M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier les membres de la commission des affaires économiques ainsi que le rapporteur de cette dernière du bon travail qui a été accompli. Toutefois, je ne sais pas si le voeu émis par M. Revol d'aboutir à un consensus sur ce texte pourra être exaucé dans la mesure où quelques différences de points de vue persistent entre nous.

Ces dernières années, une part non négligeable de l'activité législative a été consacrée à d'importantes questions énergétiques, définissant ainsi des orientations politiques pour le moyen et le long terme et impliquant donc des choix de société.

Deux textes témoignant précisément des choix actés par le Gouvernement ont en effet été adoptés par la majorité parlementaire actuelle : la loi transformant le statut d'EDF et de GDF en société anonyme et ouvrant leur capital, et la loi libéralisant les marchés énergétiques. Rappelons-le, ces deux projets de lois, qui avaient été déclarés d'urgence, ont favorisé de façon permissive l'accélération de la dérégulation en même temps qu'ils ont ouvert la voie à la privatisation de la filière nucléaire.

À cela s'est encore ajoutée la loi d'orientation sur l'énergie, qui a défini les grands axes de la politique énergétique future sans pour autant les assortir de moyens financiers et qui a donné sa faveur, dans un contexte de repli du politique, aux instruments et aux mécanismes du marché censés pouvoir jouer un rôle primordial en matière de développement durable.

En matière de politique énergétique, j'insiste sur le fait que le développement des énergies renouvelables doit demeurer une priorité. Beaucoup de choses restent à faire dans ce domaine, tant dans le secteur de la recherche que dans celui des réalisations. Cela suppose de faire preuve d'un réel volontarisme politique.

Ce faisant, alors que le parc électronucléaire français est l'un des plus importants au monde, aucun projet de loi à part entière n'a été consacré depuis 2002 à la question du nucléaire à proprement parler. La poursuite du programme électronucléaire, avec le choix de l'EPR, le réacteur de troisième génération, a été inscrite dans la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique. Parallèlement, aucun engagement réel n'était pris à l'égard des technologies du futur - la quatrième génération de réacteur - permettant pourtant de traiter de la question de l'aval du cycle nucléaire. Un débat sur ces technologies apparaissant plutôt comme concurrentes aurait pu avoir lieu et être suivi d'un projet de loi. Reste que la loi de programme définissant les orientations de politique énergétique, sans véritable programmation budgétaire ni financière, était marquée par un réel manque d'ambition et de volontarisme politiques en laissant pratiquement au seul marché le soin de la régulation.

Enfin, certaines dispositions importantes relatives au projet international d'implantation d'un réacteur expérimental de fusion thermonucléaire - ITER - ont été introduites par le biais d'un amendement gouvernemental dans le projet de loi de programme pour la recherche, et ce alors qu'un débat public était organisé dans le cadre de la Commission nationale du débat public.

Ce constat décevant me conduit à présenter plusieurs observations.

Les grandes questions en matière nucléaire ont été éparpillées dans divers textes sans qu'une véritable cohérence apparaisse. Ce faisant, certains choix importants ont été actés. Une telle démarche d'éparpillement ne milite certainement pas en faveur de la transparence et de la cohérence de l'action de l'État alors que l'opinion publique, pour les raisons que l'on sait, a toujours été très méfiante à l'égard du nucléaire.

Cette manière de faire n'oeuvre pas dans le sens du rétablissement de la confiance. Les débats publics organisés dans le cadre de la Commission nationale du débat public ont pu apparaître à la traîne du processus législatif. Annoncer, par exemple, comme l'a fait le Président de la République, le lancement de l'EPR, alors que le débat public sur cette question organisé dans le cadre de la Commission nationale du débat public n'était pas encore terminé, portait atteinte au processus même de concertation et constituait en fait un véritable déni de démocratie.

Aucun projet de loi à part entière n'a été consacré à la question nucléaire, que ce soit pour le choix de l'EPR, réacteur de quatrième génération, ou d'ITER, alors que de tels choix le justifiaient pleinement.

Les décisions permissives relatives à l'évolution du statut des opérateurs du nucléaire ont été prises en amont de l'examen tant du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire que du projet de loi relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs. Cela manque cruellement de cohérence et rend l'intervention du Parlement dans ces domaines d'autant plus nécessaire et urgente.

S'agissant du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, notre groupe n'a cessé de réclamer son inscription à l'ordre du jour. Celle-ci est bien tardive, ce qui est paradoxal dans la mesure où des décisions importantes ont été prises en amont. Quant au projet de loi que nous examinons aujourd'hui, il était prévu par la loi Bataille du 31 décembre 1991. L'article 4 de cette dernière fixait en effet un nouveau rendez-vous législatif quinze ans après la promulgation dudit texte. C'est désormais fait, ce dont nous vous remercions, monsieur le ministre.

L'ouverture de 30 % du capital d'EDF et de GDF en août 2004 constituait en réalité un pas vers la privatisation des opérateurs historiques, ce que notre groupe avait dénoncé en séance publique lors de l'examen du projet de loi. Une fusion avec un autre groupe, dans le cadre d'une OPA par exemple, suffirait pour faire descendre le capital de l'État bien en deçà du seuil des 70 % prévu par la loi, ce qui semble se profiler dans le cas de la fusion Suez-Gaz de France. À terme, la privatisation des opérateurs historiques de la filière nucléaire - EDF, AREVA,... - est donc promise. Dans le cadre des restructurations et de la diversification à l'échelle européenne des grands groupes de l'énergie, une telle perspective pourrait même rapidement se concrétiser.

Or un tel contexte d'opérateurs « privatisables » joue, à l'intérieur des groupes, en faveur d'une rationalisation des activités et de la recherche de réduction des coûts afin d'être à la hauteur des exigences en matière de rendement fixées par les marchés financiers. Les réclamations de hausse des tarifs de l'électricité ou du gaz par les directions d'EDF et de GDF constituent l'un des éléments de cette problématique.

Les risques d'un relâchement des exigences en matière de sécurité et de sûreté nucléaires ne sont donc pas à écarter dans un tel contexte. Il n'y a en effet aucune raison a priori pour que des groupes appartenant au secteur nucléaire ne se conforment pas aux normes de rentabilité qui prévalent actuellement.

Puiser sur les richesses créées pour atteindre des taux de rendement à deux chiffres a pour contrepartie nécessaire des recherches multiples d'économies en termes de coûts : développement de la sous-traitance, dégradation des conditions de maintenance et d'entretien des centrales nucléaires, rationalisation des emplois - variable pourtant essentielle en termes de sûreté et de sécurité -, augmentation démesurée du prix de l'énergie.

Mes collègues du groupe socialiste à l'Assemblée nationale ont d'ailleurs déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les risques en matière de sécurité et de transparence engendrés par l'ouverture du capital et la privatisation de la filière nucléaire française.

Face à une telle situation, une loi sur les déchets se doit de renforcer les obligations de service public auxquelles seront soumis les industriels du nucléaire. Au rang de ces obligations doivent figurer le démantèlement et la gestion des déchets assortis des moyens financiers nécessaires pour les assurer.

Il est donc indéniable que le texte que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans un contexte légal et économique bien différent de celui de 1991. Il est par conséquent essentiel que la loi que nous adopterons à l'issue des débats tienne compte de ces évolutions majeures aux conséquences encore mal évaluées.

J'aimerais également présenter un certain nombre de remarques sur la procédure employée pour l'examen des textes relatifs au nucléaire.

En premier lieu, le Gouvernement avait initialement déclaré l'urgence sur les deux projets de loi portant sur le nucléaire. Concernant le texte relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, il est revenu sur sa décision. Cela étant, j'ai entendu dire que le Sénat serait invité à adopter ce texte conforme, ce qui m'amène à m'interroger sur la sincérité du Gouvernement quand il déclare souhaiter la discussion de ce projet de loi selon la procédure parlementaire normale.

S'agissant du projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, un tel empressement est tout aussi incompréhensible.

En effet, ce projet de loi aborde des questions de fond relatives au stockage en couche géologique profonde, au développement économique des territoires d'accueil, sujet cher à Claude Biwer, comme à beaucoup d'autres de nos collègues, ainsi qu'au financement de la gestion à long terme des déchets. Cela mérite bien une réflexion approfondie. Il faudrait au moins, me semble-t-il, y consacrer deux lectures.

Le Gouvernement y avait d'ailleurs consenti dans un premier temps, mais il revient à présent sur sa décision. Par conséquent, j'ignore où nous en sommes ; vous nous le direz sans doute, monsieur le ministre.

En second lieu, et contrairement à ce que vous prétendez, le chevauchement de deux projets de loi portant sur le nucléaire - ils sont discutés en parallèle et de manière quasi simultanée à l'Assemblée nationale et au Sénat - ne favorise ni la cohérence ni la clarté des débats.

En effet, un jeu de renvoi d'un projet de loi à l'autre de tel ou tel élément de la discussion ou de tel ou tel amendement n'a pu être évité, tant les frontières entre les deux projets de loi sont au final très floues. Une telle pratique est préjudiciable aux débats -

En troisième lieu, le fait que les parlementaires n'aient pas eu un seul et même interlocuteur sur ces deux projets de loi nous laisse dubitatifs. Pourquoi confier le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité nucléaire à la ministre de l'écologie et du développement durable et le projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs au ministre délégué à l'industrie ?

À l'occasion de l'examen de ces deux projets de loi, si les parlementaires avaient pu bénéficier de ces deux interlocuteurs, comme ce fut le cas lors du débat organisé ici sur la gestion des déchets, cela aurait incontestablement contribué à la sérénité et à la limpidité de la discussion.

Le rappel du contexte dans lequel le présent projet de loi s'inscrit et de la méthode critiquable suivie par le Gouvernement était nécessaires au regard des enjeux, qui sont considérables. En effet, si l'industrie nucléaire n'est pas la seule filière productrice de déchets toxiques, c'est celle qui en produit aujourd'hui le plus. En outre, c'est la seule à produire des substances dont la toxicité peut s'étendre sur des dizaines de milliers d'années.

Le déchet nucléaire est bien spécifique et mérite donc une prise en charge à la hauteur du danger. Par conséquent, nous portons tous une grande responsabilité à l'égard non seulement de nos concitoyens, mais également des générations futures. Les décisions que nous serons amenés à prendre auront une portée inhabituelle pour nous, qui sommes accoutumés à travailler sur le court, le moyen ou le long terme, mais jamais sur le très long terme.

Cet exercice est rendu d'autant plus difficile que nous ne devons pas prendre de décision qui constituerait un obstacle à l'utilisation des progrès scientifiques futurs. C'est la raison pour laquelle l'obligation de prudence et de vigilance est sans doute encore plus forte que d'habitude, d'autant que le monde de l'énergie est de plus en plus mouvant !

J'ai déjà abordé ce point, mais il est crucial de ne pas l'oublier : les différentes décisions communautaires et nationales ont ouvert à la concurrence un secteur jusqu'à ces dernières années concentré en grandes entreprises publiques nationales et intégrées. Sous prétexte que la concurrence serait le nec plus ultra économique, la libéralisation de ce secteur, pourtant très spécifique, substituera progressivement aux monopoles publics des oligopoles privés qui donneront la priorité dans leur gestion à la rentabilité.

Alors que nous devrons envisager au cours de ce débat le financement de la prise en charge des déchets par leurs producteurs, l'étalage des profits et des dividendes versés aux actionnaires, d'une part, et les sommes astronomiques dilapidées dans des opérations d'acquisition, d'autre part, révèlent combien de tels groupes détiennent des montants de capitaux abyssaux, qui ne sont pas nécessairement employés de la façon la plus judicieuse.

Ainsi, dans les dernières années, 200 milliards d'euros ont été consacrés à de simples opérations d'acquisition et de prises de participations qui n'ont ni fait baisser les prix ni amélioré les conditions d'emploi. Une meilleure transparence n'est-elle pas nécessaire ?

Dans la filière nucléaire, du combustible à la gestion des déchets en passant par la production, les processus industriels s'étendent sur de très longues échelles de temps et relèvent donc de choix de société, voire d'engagements pris au nom des générations futures.

Face à cela, seules la permanence de l'État et sa recherche de l'intérêt général peuvent apporter des garanties en matière de responsabilité et de respect des engagements. C'est pourquoi les entreprises concernées doivent rester publiques, tout comme doit rester public le contrôle sur la filière des déchets. Par « publiques », j'entends non pas « étatiques et technocratiques », comme cela a trop souvent été le cas, mais bien « démocratiques ». Cela implique l'association des élus, des associations, des usagers, des salariés, des scientifiques et, bien évidemment, des citoyens.

Si le nucléaire a permis à la France de réduire son déficit extérieur et de garantir son indépendance énergétique en montrant une certaine excellence technologique en la matière, on ne peut pas occulter que le programme d'équipement nucléaire du territoire ait été réalisé dans une grande opacité.

L'information à destination des élus était limitée et les populations ont été tenues à l'écart. Les consultations des collectivités locales et du Parlement étaient alors quasiment inexistantes et le traitement des déchets radioactifs totalement absent des débats.

Rappelons que la loi Bataille fut votée à l'unanimité en 1991. Elle prévoyait que des recherches seraient conduites selon trois axes, afin que le Parlement puisse disposer de l'ensemble des données scientifiques nécessaires à une prise de décision.

Le premier axe concerne la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Il s'agit de réduire la radioactivité et la durée de vie des déchets radioactifs ou de recycler les déchets pour en faire des combustibles réutilisables. Cet axe est tout à fait intéressant ; les recherches en ce domaine doivent être poursuivies.

Le deuxième axe consiste à étudier les possibilités de stockage dans les formations géologiques profondes, la fiabilité et la sûreté du stockage des déchets à haute activité et à vie longue. Ces recherches ont été menées par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, dont la loi Bataille prévoyait la création. Cette structure a rendu son premier inventaire en 2004.

Le troisième et dernier axe porte sur l'étude des procédés de conditionnement et d'entreposage en surface de longue durée.

Ces trois axes ne peuvent pas être programmés de manière indépendante, car il ne doit exister pour l'heure aucune solution retenue de manière définitive et exclusive en matière de traitement des déchets. Aussi les trois axes de la loi Bataille ne doivent-ils pas être considérés comme concurrents.

Or, monsieur le ministre, l'exposé des motifs du projet de loi que vous nous avez présenté était clair : « Pour les déchets ne pouvant pas être stockés en surface ou en faible profondeur pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection, le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs retient le stockage en couche géologique profonde comme solution de référence. » Une telle attitude ne plaidait certainement pas en faveur du dialogue et de la transparence.

Vous vous inscrivez en porte-à-faux vis-à-vis du rapport de la Commission particulière du débat public constituée sur l'initiative de la Commission nationale du débat public. Ce rapport insistait sur la nécessité d'une étude de l'alternative à l'enfouissement géologique sous la forme d'un « entreposage de longue durée », surveillé et renouvelé. Selon les auteurs du rapport, des interrogations quant au stockage géologique demeurent toujours. Le choix entre les trois axes ne doit donc pas être précipité.

De plus, les débats publics ont fait ressortir la préférence des populations touchées pour l'entreposage. Il faut donc laisser le choix ouvert. En choisissant le stockage géologique, vous montrez votre manque manifeste de considération des populations concernées. Permettez-moi à cet égard de rappeler au passage l'épisode du « court-circuitage » du débat public sur l'EPR.

Heureusement, l'Assemblée nationale a apporté des améliorations sur différents points, notamment sur la réversibilité. Ainsi, la recherche en laboratoire souterrain porte désormais sur le stockage réversible. La notion de réversibilité témoigne de fait du caractère non définitif.

L'article 7 bis prévoit qu'un projet de loi fixant les conditions de réversibilité du centre de stockage en couche géologique profonde sera présenté au Parlement et l'article 8, qui concerne la procédure d'autorisation, apporte également quelques garanties supplémentaires.

Si le projet de loi dont nous débattons constitue une innovation, il doit toutefois demeurer un prolongement indispensable à la loi de 1991. Aujourd'hui, nous ne devons pas perdre de vue l'importance de la continuité du travail entrepris à l'époque. La complémentarité des trois axes ne doit avoir d'égale que la continuité du présent projet de loi avec la loi de 1991.

Cependant - je le répète -, la donne a changé. L'État n'a plus la totalité des cartes en main. L'entrée d'acteurs privés dans le secteur nucléaire et les évolutions économiques intervenues depuis les années quatre-vingt-dix militent pour un renforcement des contraintes et pour des obligations à faire peser sur les opérateurs en matière de transparence, de sécurité et d'anticipation.

Ainsi, il est de notre responsabilité d'inscrire dans le projet de loi la constitution de provisions pour assurer le financement de la gestion des déchets. S'il n'est pas toujours le souci premier des acteurs privés, le long terme doit être notre préoccupation majeure. Court terme, rentabilité et productivité ne peuvent pas être les mots d'ordre en matière nucléaire. Mon collègue Michel Teston interviendra plus longuement sur la question du financement.

Certes, certaines améliorations ont été apportées par les députés lors de l'examen du présent projet de loi à l'Assemblée nationale. Des garanties nouvelles ont été adoptées et nous nous en félicitons. Nous avons donc progressé et un degré supérieur de sécurisation des fonds destinés au financement de la gestion des déchets a été obtenu. Ces fonds seront donc mieux protégés.

Nous veillerons à ce que de telles améliorations soient maintenues, tout en cherchant à améliorer encore le dispositif. Ce sera l'objet de nos amendements.

Monsieur le ministre, l'anticipation est une vertu, si ce n'est un impératif politique. Dans l'impossibilité de prévoir les mouvements économiques à l'échelle de la durée de vie des installations nucléaires, nous ne pouvons pas prendre le risque de laisser tomber entre les mains du privé, donc de la logique du profit, la sécurité des générations futures.

L'attitude de notre groupe sur ce dossier sera donc déterminée par l'objectif suivant : préserver la sécurité et la santé de notre descendance. La durée de vie et la dangerosité des déchets nucléaires doivent nous obliger à dépasser les intérêts de court terme et à veiller à ce que les décisions prises préservent le futur.

J'espère que nous partagerons tous cet objectif au cours du débat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir respecté le rendez-vous que nous avions unanimement fixé lors de l'adoption de la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

À cette occasion, nous avions en effet décidé de proposer à la nation un rendez-vous sur le sujet difficile de la gestion des déchets, qui est sans doute aujourd'hui encore le maillon le plus faible de la chaîne de l'électronucléaire. C'est la raison pour laquelle nous devons aujourd'hui porter un regard attentif sur cette question.

Monsieur le ministre, ce rendez-vous est non seulement respectueux des délais initialement prévus, mais, grâce à vous, il est en outre utile. Cela n'était pas un exercice facile.

En effet, ce rendez-vous est utile et pertinent, et ce pour deux raisons.

D'abord, les questions d'énergie sont au coeur de l'avenir de nos sociétés. Cela vaut tant pour la France que pour les autres pays. Nul n'imagine que l'atout français du nucléaire puisse être compromis par une absence de traitement du maillon faible que constitue la gestion globale des déchets, notamment des déchets à haute activité et à vie longue.

Ensuite, l'opinion est attachée aux symboles. En ce printemps 2006, nous célébrons, hélas ! le triste anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl. Pour l'opinion publique, le nucléaire reste à juste titre une activité pour laquelle l'exigence de responsabilité est absolue.

Mais si ce rendez-vous est pertinent, c'est - il faut le reconnaître - grâce à l'action commune des gouvernements de droite et des gouvernements de gauche qui ont partagé les responsabilités au cours des quinze dernières années. À cet égard, je salue tout particulièrement Mme Voynet. En effet, en 1999, alors qu'elle était ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Mme Voynet a signé avec M. Christian Pierret, alors secrétaire d'État à l'industrie, le décret autorisant l'installation d'un laboratoire d'études sur le stockage souterrain des déchets nucléaires sur la commune de Bure, dans le département de la Meuse.

Une telle gestion commune a été utile. Si les interrogations suscitées par le problème des déchets ne sont pas toutes dissipées, loin s'en faut, force est de constater le changement considérable de la relation entre nos compatriotes, leurs responsables, notamment les élus, et le secteur de l'électronucléaire.

Par le passé, ce secteur a été parfois marqué - c'est sans doute lié à ses origines militaires ou à sa réussite industrielle - par de glorieuses certitudes, qui n'ont pas toujours permis d'établir des relations de compréhension mutuelle et de confiance avec les populations, du moins avec le grand public.

Pour ma part, j'ai vécu ces quinze dernières années de manière très directe. En effet, je suis élu du département de la Meuse depuis maintenant, hélas ! vingt-huit ans. En compagnie de mes collègues Bruno Sido, Charles Guené et Claude Biwer, j'ai donc pu suivre toutes les étapes de la réaction de l'opinion.

Je voudrais m'exprimer en cet instant avec mon expérience d'élu, et non avec l'expérience du technicien que vous êtes aussi, cher Henri Revol, en plus de l'élu représentatif de son département.

À l'égard du nucléaire, les sentiments restent partagés.

Nombre de nos concitoyens sont partagés entre la confiance, parce que le système fonctionne bien en France, et l'inquiétude résiduelle. En effet, compte tenu des défaillances telles que celles que nous avons pu constater à l'étranger, notamment dans les pays de l'Est, et de la durée des systèmes en cause - je pense notamment à la longueur de la résorption progressive des radiations nocives -, nos compatriotes peuvent à tout moment être déstabilisés et plongés dans une sorte d'abîme philosophique.

À ce propos, nos collègues Évelyne Didier et Bernard Piras ont évoqué l'une des conclusions les plus spectaculaires du débat public que Bruno Sido et votre serviteur avions demandé en présence du président du conseil général de la Meuse à M. Patrick Devedjian, qui vous a précédé sur ce poste, monsieur le ministre.

Ainsi que le débat public l'a montré, la dimension extraordinaire du sujet que nous abordons, où l'unité de compte est la centaine d'années, le millénaire, voire plus encore s'agissant du géologique, confère à notre débat une gravité toute particulière.

Aussi, cette question mériterait, je le pense profondément, que nous dépassions les divisions partisanes et que nous retrouvions, face à nos compatriotes, une solidarité de responsables, même si celle-ci ne gommera pas les différences qui nous opposent.

Je conçois que la dérégulation de l'économie électrique et l'éventuelle privatisation de tel ou tel acteur changent un certain nombre de données, mais ces changements ne sont pas de nature à remettre en cause le devoir de solidarité et de responsabilité qui s'impose à tous les élus que nous sommes lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre un dispositif durable d'intérêt commun.

Monsieur le ministre, ce rendez-vous est réussi. Il y avait en effet deux risques.

Le premier risque était de constater que rien n'était prêt et donc de reporter, ce qui aurait constitué une injure pour les générations à venir, mais également un aveu de faiblesse, peut-être même un geste de désinvolture de la part d'une génération qui accepte les avantages mais refuse les efforts et renvoie les inconvénients à d'autres.

Le deuxième risque, qu'a souvent accepté la filière électronucléaire, était de prendre une décision rapide en bousculant un peu les réserves, les prudences et les réticences parfaitement légitimes des populations, qui sont de plus en plus nombreuses à s'intéresser à ce sujet, et ce avec un degré de responsabilité qui, pour l'observateur que je suis, force l'admiration.

En effet, dans nos départements, nous comptons à la fois des partisans et des adversaires dont le degré de maturité et de connaissance du sujet laisse à penser que la démocratie n'est pas un vain mot. La démocratie médiatisée, c'est-à-dire celle qui repose notamment sur les élus, permet d'avoir des débats de fond. Si nous ne sommes, en cette fin d'après-midi, que quelques petites dizaines dans cet hémicycle, nos compatriotes sont, eux, des dizaines de milliers à s'être intéressés à cette question et à s'être engagés. Des centaines d'entre eux ont acquis une compétence qu'ils n'auraient jamais imaginé avoir si, grâce à la loi Bataille, grâce à ce rendez-vous législatif, grâce au Comité local d'information et de suivi et grâce, surtout, à la Commission nationale du débat public et au débat public organisé par M. George Mercadal, ils n'avaient pas eu l'occasion d'écouter et de s'exprimer en la matière.

J'ajoute que ceux qui, depuis maintenant près de quinze ans, se sont engagés, comme moi, en faveur de ce projet sur le terrain ont également été amenés à essayer de comprendre pourquoi cette question suscitait parfois une telle incompréhension, un tel rejet.

Monsieur le ministre, entre ne rien décider et décider trop vite, vous avez trouvé un calendrier républicain et responsable, qui engage durablement tout le pays sur un projet global. C'est l'utilité d'un tel calendrier que je voulais souligner, sans m'y attarder car je souscris totalement aux conclusions de M. le rapporteur Henri Revol.

Une politique nationale pour l'ensemble des déchets a été décidée. Cette demande nous était faite de manière pressante, en particulier par les opposants les plus résolus du laboratoire, qui nous reprochaient de n'en gérer qu'un aspect. Une gestion globale était nécessaire. Avec ce texte, monsieur le ministre, vous en posez le principe. En outre, grâce au plan national triennal établi, des rendez-vous réguliers sont prévus.

Pour ma part, je souhaite, comme l'a évoqué un précédent intervenant - le rapport triennal engage le Gouvernement - que la plume soit tenue par l'ANDRA afin que cette agence acquière des compétences et devienne ainsi une référence acceptée par les uns et les autres.

Ce rendez-vous est utile, monsieur le ministre, parce qu'il vous permet de rappeler - ce qui n'était pas gagné d'avance - la volonté du Gouvernement et donc la volonté nationale - lorsque le texte sera adopté par le Parlement - de poursuivre dans les trois voies.

À cet égard, je ne crois pas qu'il faille vous faire de procès sémantique. Il n'y a pas de voie de référence, il y a simplement une voie de bon sens. Nous poursuivrons sur la voie de la séparation-transmutation. Un calendrier a été établi : une première évaluation sera effectuée en 2012, un prototype industriel sera exploité en 2020.

Le financement sera assuré pour cette première voie par le CEA et sans doute par AREVA, mais non par l'ANDRA, et ce pour une raison très simple : pourquoi diable désarticuler les capacités de recherche ? En effet, s'il s'agit de recherches sur les déchets, il s'agit également, d'abord et avant tout, de recherches de physique fondamentale ou liées à la production d'énergie. La compétence du CEA s'impose. À nous de veiller à son financement par la subvention d'État.

Vous rappelez que cette orientation sera poursuivie. À cet égard, nous aurions sans doute gagné du temps si le projet Superphoenix n'avait pas été abandonné pour les raisons que nous connaissons et que Mme Dominique Voynet, qui est à l'origine de cet abandon, rappellera sans doute au cours du débat.

Il est d'ailleurs assez amusant de constater que ceux qui nous reprochent d'abandonner le principe de deuxième laboratoire et de négliger la transmutation-séparation sont également ceux qui se mobilisent pour empêcher ce même deuxième laboratoire ou toute troisième voie ! L'importance du sujet m'interdisant de me laisser aller à la passion naturelle de l'homme politique, à savoir la polémique, je rappellerai simplement que l'on ne peut pas à la fois vouloir être sec et plonger dans la piscine. C'est l'un ou l'autre ! Si l'on veut deux laboratoires, il ne faut pas pousser les manifestants à demander, par exemple, l'interdiction de toute prospection dans le granit.

Ce texte fixe une politique nationale, consolide la recherche dans les trois voies, assure les moyens financiers. Il est plus qu'utile, indispensable, en particulier dans le nouveau contexte financier ; nous ne sommes plus, comme en 1991, dans une situation de monopole électrique. Il faut donc faire en sorte que des moyens financiers pérennes puissent être dégagés pour financer à la fois la recherche et la construction des installations de stockage et d'entreposage, mais aussi leur entretien.

J'aurai une question à vous poser, monsieur le ministre, sur la pérennité de ces moyens, mais nous en reparlerons tout à l'heure, lorsque nous évoquerons le volet du développement.

À ce stade, je souhaite faire deux propositions pour enrichir notre débat. Celles-ci sont très liées - et je recueillerai sans doute l'assentiment de mes collègues du terrain -, à ma qualité d'élu de territoire accueillant le laboratoire et sans doute le futur site de stockage.

Nous devons gérer ensemble, et dans la transparence, la transformation du laboratoire en centre de stockage. La sémantique, là encore, a évolué par rapport à la loi de 1991.

Les mots « laboratoire » et « stockage » sont utilisés ensemble, ce qui n'était pas le cas dans la loi de 1991, où seul était évoqué le stockage. Ainsi, en 1994, puis en 1997, le conseil général de la Meuse s'était prononcé en faveur d'un laboratoire d'études et non d'un centre de stockage. Aujourd'hui, vous avez la franchise de dire que, outre le laboratoire, il y aura un site de stockage, et nous l'acceptons.

Nous aimerions néanmoins que vous soyez plus précis dans la formulation. Il y a, hélas ! non pas « des » laboratoires, mais « un » laboratoire - les mots ont leur sens, la grammaire en a tout autant -, à savoir « le » laboratoire du Callovo-oxfordien de la région de Bure. Il n'y en a pas d'autres ! Il faut le rappeler afin de garantir aux populations que les mesures que vous avez prises, après les amendements adoptés par l'Assemblée nationale concernant la réversibilité, visent très précisément et exclusivement la transformation du laboratoire dans le Callovo-oxfordien de la région de Bure - la Haute-Marne et la Meuse - en centre de stockage et non un centre indéfini, immatériel, que l'on transposerait ensuite dans le cas particulier de Bure et de sa région. J'ai donc déposé des amendements en ce sens.

Si l'article 7 bis constitue un progrès considérable, je souhaite néanmoins que nous resserrions un certain nombre de boulons afin de nous assurer que d'autres rendez-vous législatifs avec les élus du suffrage universel auront lieu, la perspective du rendez-vous que nous vivons aujourd'hui ayant constitué l'atout essentiel du dialogue entre la filière électronucléaire et les élus de terrain.

Ces rendez-vous législatifs seront une sécurité pour les populations et permettront d'exercer une pression constante sur les organismes de l'électronucléaire, ainsi que sur les gouvernements qui pourraient, dans l'avenir, trouver tout cela bien cher, considérer que cela appartient au passé, qu'ils sont face à un fait accompli et qu'il n'y a plus lieu de se mobiliser, comme vous l'avez fait depuis 2002, ainsi que votre prédécesseur, afin de préparer la rencontre législative prévue par l'article 4 de la loi de 1991.

En un mot, la loi qui transforme le laboratoire en centre de stockage protège les populations et sécurise les élus en leur offrant une possibilité de dialogue et en leur donnant la certitude qu'ils ne seront pas oubliés le moment venu.

Vous me répondrez certainement, monsieur le ministre, que le décret et l'article 7 bis offrent une garantie totale. Sans doute ! Mais alors pourquoi ne pas le dire formellement en visant Bure et le Callovo-oxfordien ?

J'ajoute que, compte tenu de l'investissement considérable que représente un futur laboratoire - on peut imaginer qu'il sera prêt en 2025, une décision devant être prise dans neuf ans, soit en 2015 -, l'expérience des quinze dernières années laisse à penser qu'il est plus sûr de faire confiance aux élus du suffrage universel, en particulier aux parlementaires, plutôt qu'à une procédure administrative exclusivement. Les juridictions compétentes pourraient en effet considérer, en vertu du principe de précaution qui a désormais valeur constitutionnelle, que rien n'est possible tant que tout n'est pas certain. Or, en matière scientifique - vous le savez mieux que moi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, puisque vous êtes l'un et l'autre des scientifiques de formation -, il y a toujours des inconnus.

Il ne faudrait donc pas que la décision responsable des parlementaires d'accepter aujourd'hui l'éventualité de la transformation d'un laboratoire en centre de stockage puisse être cassée en 2015 par des juristes refusant de prendre un risque, au nom du principe de précaution. Vous auriez, avec les élus, plus de certitude et de sécurité.

La loi protège les populations de l'indifférence qui pourrait survenir dans quelques années lorsque, considérant le centre de stockage comme acquis, l'intérêt manifesté aujourd'hui se dissiperait, la pression du suffrage universel ayant cessé.

J'évoquerai maintenant le rendez-vous du développement. Sur ce sujet, nous devrons obtenir des précisions tout au long de l'examen du texte.

Je serai très franc : lorsque, en 1994 - j'étais alors ministre de l'industrie, le premier d'ailleurs à mettre en oeuvre la loi Bataille -, j'ai proposé au conseil général de la Meuse de présenter sa candidature, ce n'était pas seulement pour faire preuve de solidarité nationale - bien que la Meuse en ait fait preuve dans le passé, sans d'ailleurs l'avoir choisi, en ayant été bien involontairement le théâtre des grands affrontements franco-allemands -, mais parce que nous considérions que, si les conditions naturelles étaient scientifiquement et raisonnablement établies comme favorables, la Meuse aurait ainsi la possibilité d'être accrochée à une filière que nous jugions d'avenir - plus encore aujourd'hui -, à savoir la filière de l'énergie électronucléaire.

Or les mesures prévues aux articles 9 et 15 donnent le sentiment, non pas d'un flottement, mais d'une décision inachevée ou incomplète.

Certes, nous avons des zones, des taxes additionnelles et des taux.

Toutefois, s'agissant des zones, on ne sait pas combien il y en a exactement. S'il y en a une, c'est la proximité, deux, c'est l'espace du GIP, trois, c'est une zone intermédiaire entre la proximité des dix kilomètres et le département tout entier.

En ce qui concerne les taxes additionnelles, il n'y a pas de problème. Qui les utilise ? Le GIP. Cependant, monsieur le ministre, nous aimerions connaître votre philosophie au regard de la pérennité du GIP, en particulier lorsque le GIP prendra en charge les taxes additionnelles issues d'un stockage et non plus d'un laboratoire, même si, apparemment, ce sont les mêmes. Le GIP a été un considérable progrès au cours des premières années d'existence de l'ANDRA, mais il faut en fixer les règles.

La Haute-Marne et la Meuse ont à peu près les mêmes types de populations et de structures économiques : ce sont des départements ruraux où les villes sont trop peu développées, où les petites communes sont nombreuses. Assurément, le conseil général, dans ces deux départements, joue un rôle important parce qu'il est la grande collectivité sur laquelle s'appuient les projets collectifs. Il n'est cependant pas le seul et il faudrait, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez dans quel esprit l'État participe au GIP, puisque les partenaires de l'électronucléaire sont des partenaires importants et équivalents du GIP, et quelles peuvent être les règles du jeu entre les divers acteurs. Nous ne nous priverons pas, au cours du débat, de vous donner nos points de vue et, peut-être, à travers certains amendements, de chercher à clarifier les responsabilités respectives.

J'en viens au dernier élément relatif au rendez-vous du développement, c'est-à-dire les taux.

Là encore, il s'agit d'un sujet extrêmement technique qui fera l'objet de discussions à l'occasion de l'examen des amendements. L'éventail ouvert dans votre texte mérite une explication si nous voulons fixer des règles du jeu stables et ne pas laisser entendre aux populations que cet éventail peut à tout moment se refermer.

Notre volonté, dans cette affaire, n'est pas simplement d'obtenir de l'argent de la filière électronucléaire mais d'accrocher un très ancien territoire français, que la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle a écarté du développement alors qu'il avait porté pendant des siècles, depuis François Ier jusqu'à la minette de Lorraine, une partie essentielle de l'activité industrielle de notre pays.

Nous avons une chance, nous n'entendons pas la gâcher. Notre but n'est pas, comme l'ont parfois dit brutalement et un peu familièrement nos opposants, de « paver d'or nos communes ». Nous souhaitons simplement qu'il soit tenu compte de ces territoires, qui ont été en marge du développement industriel du XXe siècle et qui sont aujourd'hui en marge du développement du tertiaire, lié aux grandes métropoles.

Nous voulons que ces deux territoires, qui, certes, bénéficient d'une réelle qualité de vie à travers l'accueil rural mais qui paient lourdement le prix des nouvelles productivités agricoles, qui forment un espace solidaire au-delà des limites départementales - lesquelles ne sont jamais pour nous des frontières - reçoivent un soutien durable, pérenne et respectueux. Nous souhaitons que les grands acteurs de l'électronucléaire, le CEA, AREVA, EDF et l'ANDRA - avec laquelle nous avons des relations de confiance et de coopération -, considèrent les territoires ruraux qui accueillent leur laboratoire proprement dit, les villes qui structurent nos deux départements, les appuis universitaires de nos régions comme des partenaires durables et à part entière.

J'ai vu, par exemple, le formidable impact de La Hague et de Flamanville pour le département de la Manche, qui a su saisir cette opportunité. J'ai le souvenir de Michel d'Ornano, qui, à l'époque président du conseil régional, puis ministre de l'industrie, a largement contribué à cet essor.

Toutes choses étant égales par ailleurs, c'est exactement dans le même esprit que nous envisageons cette évolution. Certes, nous nous réjouissons des soutiens financiers, mais nous voulons surtout établir une relation de confiance durable sans laquelle nos populations se détourneront du partenariat que nous appelons de nos voeux et qui constitue une voie royale pour le développement et la réussite de la filière électronucléaire française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques semaines après avoir débattu de la transparence en matière de sécurité nucléaire, nous abordons l'examen de ce texte relatif à la gestion des déchets, qui constitue en fait le second volet d'une nouvelle gouvernance de notre filière nucléaire.

Il y a quinze ans, le Parlement adoptait à l'unanimité la loi du 30 décembre 1991, dite « loi Bataille », qui visait à trouver des solutions optimales au problème bien réel des déchets radioactifs, en fixant un programme de recherche selon trois axes distincts et complémentaires : la séparation poussée et la transmutation, destinées à réduire la nocivité des déchets ; le stockage des déchets en couche géologique profonde ; le conditionnement et l'entreposage de longue durée en surface.

Cette loi, qui a marqué véritablement le début d'une prise de conscience de la nation quant à la nécessité de trouver une solution fiable pour les déchets nucléaires, avait également prévu qu'avant la fin de 2006 le pays ferait le point sur ces trois axes de recherches.

Ce projet de loi présente donc un caractère exceptionnel : par son sujet, à la fois technique et sensible, qui suscite toujours des débats passionnés et des craintes souvent irrationnelles, et par le suivi exemplaire réalisé par le Parlement au cours de ces dernières années, notamment par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, présidé par M. Henri Revol.

La décision de s'accorder le temps d'évaluer les différents modes de gestion des déchets a été bénéfique, et cette démarche doit être poursuivie.

Nous nous réjouissons d'ailleurs de l'inscription du qualificatif « durable » dans l'intitulé même du projet de loi, car c'est bien ce principe de gestion et de développement durables qui doit soutenir nos choix en matière d'énergie.

Comme nous l'avons déjà souligné lors de l'examen du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, il est indispensable que la nation ait pleinement confiance dans notre filière nucléaire, y compris en ce qui concerne la gestion des déchets.

Notre industrie nucléaire doit être au-dessus de tout soupçon et offrir toutes les garanties de rigueur et de transparence tout au long des différentes étapes, du développement des nouvelles centrales au démantèlement des anciennes, du traitement des déchets, de leur conditionnement, de leur transport jusqu'à leur entreposage et, par la suite, leur stockage. Chaque étape doit être clairement évaluée et prendre en compte les évolutions technologiques et scientifiques qui ne manqueront pas d'intervenir, car qui peut dire aujourd'hui quelles seront les innovations techniques dans les prochaines décennies ?

C'est pourquoi j'aimerais m'arrêter sur quelques points précis.

Monsieur le ministre, vous assurez que les trois axes de recherche ouverts par la loi de 1991 vont continuer à être explorés.

On peut avoir de légitimes interrogations en ce qui concerne le développement de l'axe « séparation-transmutation ».

Si la phase « séparation » ne semble pas poser de problème, celle de la transmutation paraît plus difficile.

À cet égard, permettez-moi de citer l'excellent rapport de notre collègue Henri Revol : « Si la faisabilité scientifique de la transmutation est démontrée [...], sa mise en oeuvre opérationnelle repose sur l'installation des futurs réacteurs dits de quatrième génération attendus à l'horizon 2020 ».

Les conclusions données sur le site en ligne de votre ministère, par ailleurs très intéressant, sont encore plus pessimistes sur l'avenir de cette option, qui semble repoussée vers des temps lointains, à la fois pour des raisons techniques et sans doute par manque de crédits.

Sur l'initiative de la commission saisie au fond, l'Assemblée nationale a adopté un article 11 ter qui vise essentiellement à prévoir que « les éventuelles subventions de l'État aux organismes participant aux recherches [...], sont complétées par des contributions des exploitants d'installations nucléaires  ». Ne laisse-t-on pas ainsi de côté une technologie d'avenir que la France aurait pu développer, s'assurant ainsi un savoir-faire et une industrie de pointe avec des retombées économiques pour notre pays ?

En revanche, le choix du stockage en couche géologique profonde semble bien avancé. La plupart des pays étrangers qui ont une filière nucléaire semblent privilégier également ce choix.

L'important, monsieur le ministre, est d'avoir un langage clair et d'expliquer les raisons des choix retenus.

Les Français sont aptes à comprendre que les déchets actuellement entreposés en surface ne peuvent pas l'être indéfiniment, même si le traitement et le conditionnement ont progressé ces dernières années. L'important est qu'ils soient assurés que tout ce qui est fait est planifié, avec une sécurité optimale à chaque étape.

Nous avons fait le choix d'une gestion à long terme, qui engage pour longtemps notre responsabilité, notamment en ce qui concerne les générations futures. Aucune solution ne doit être écartée pour des questions de pure rentabilité.

C'est pourquoi la condition de réversibilité est si importante. Le groupe de l'Union centriste a déposé un amendement fixant cette réversibilité à 300 ans.

Cette durée n'est pas due au hasard. L'ANDRA étudie, sur la base des travaux de Bure, la possibilité établie en principe de garantir la réversibilité d'un centre de stockage pendant 300 ans.

Il est important que les choix et les décisions soient exposés devant le Parlement.

Fixons dès à présent le rendez-vous d'une prochaine étape - pourquoi pas 2015 ? -, qui pourrait prendre la forme, comme c'est le cas aujourd'hui, d'un projet de loi de programme. Ce texte serait l'occasion d'une nouvelle évaluation, suscitant informations et concertations, dans l'esprit de la politique énergétique initiée depuis quelques années.

Le financement des charges liées au démantèlement des installations et à la gestion des combustibles usés et aux déchets radioactifs qui en sont issus mérite également attention.

Le texte proposé, tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale, me paraît, là encore, cohérent et équilibré.

Au nom du principe pollueur-payeur, les exploitants doivent assumer les charges de démantèlement et de gestion des déchets. Toutefois, la pérennité d'une entreprise n'est jamais complètement assurée - nous en avons eu quelques exemples récemment -, d'où la nécessité de prévoir que les fonds dédiés pourront toujours être recouvrés et affectés aux charges pour lesquelles ils ont été constitués.

L'option d'un dispositif de fonds dédiés, interne, peut se discuter. L'entreprise doit à la fois constituer des provisions dédiées à ses charges futures, tout en demeurant compétitive et attractive pour ses actionnaires. Je n'ignore pas les attentes des entreprises concernant la souplesse de gestion de cette provision. La rentabilité n'est pas un point de détail quand on sait les sommes en jeu.

Mais, là encore, la priorité a été accordée à la prudence, à la lisibilité, à la transparence de la gestion et, surtout, à la garantie qu'en aucun cas la charge ne pèserait sur le contribuable.

En conséquence, malgré la difficulté de trancher dès aujourd'hui sur des problèmes qui concernent une gestion à long terme, ces deux textes assurent à la filière nucléaire un cadre juridique qui garantit une gestion plus sûre et plus transparente.

Par la volonté d'y associer une information claire, notre pays met en oeuvre « le pacte de confiance » nécessaire à l'adhésion de la société aux choix énergétiques et technologiques qui ont été arrêtés depuis plus de quarante ans.

L'instabilité internationale, la hausse du prix du pétrole et du gaz ainsi que la baisse inéluctable des réserves légitiment aujourd'hui le choix que fit la France de développer la filière électronucléaire qui produit actuellement plus de 80 % de notre électricité, réduisant d'autant notre dépendance énergétique.

Cette légitimité est encore accrue par notre lutte contre le réchauffement climatique puisque nous émettons, par habitant, 40 % de CO2 de moins que nos voisins.

C'est pour assurer son indépendance et la maîtrise de l'énergie que la France a voulu très tôt développer son secteur nucléaire. Celui-ci bénéficie de nombreux atouts : son expérience, déjà ancienne ; la diversité de ses recherches et de ses projets prometteurs, comme le développement des réacteurs EPR, European pressurised reactor, de quatrième génération ou encore le projet de fusion nucléaire ITER, international thermonuclear experimental reactor ; enfin et surtout, le poids de nos entreprises, qui bénéficient d'une excellente image sur le plan international.

Il est vrai que le coût de l'énergie et les contraintes environnementales ont changé la donne et transformé l'image du nucléaire.

Grâce à ces deux textes qui encadrent le secteur du nucléaire, le pays attend que les entreprises de la filière puissent continuer à développer leur avance technologique et accroître encore leur réputation, leur image et leur poids économique, notamment à l'extérieur de nos frontières.

Par cette avance qu'elle a prise sur la maîtrise de la production électronucléaire, la France doit être capable d'introduire le nécessaire débat européen sur l'énergie ; celui-ci conditionne tellement la compétitivité de nos entreprises !

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je ne peux passer sous silence l'actualité : la France, qui a enregistré en un an une hausse spectaculaire de près de 50 % sur son marché dérégulé de l'électricité, détient en ce domaine un record.

Sur le marché dérégulé de l'électricité, fixer les prix pour les PME-PMI en fonction du prix du gaz et du pétrole pose un vrai problème alors que 80 % de notre électricité est d'origine nucléaire ! Cette réflexion s'éloigne bien sûr du débat, mais elle mérite d'être rapidement évoquée.

Bref, monsieur le ministre, ce texte va dans le sens de la modernité, de l'indépendance énergétique et d'un comportement responsable en matière d'environnement. C'est pourquoi le groupe Union centriste-UDF, que je représente, le soutiendra. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour compléter et renforcer les propos qu'a tenus notre collègue Bernard Piras, au nom du groupe socialiste, je voudrais revenir sur quelques points que j'avais eu l'occasion d'aborder devant vous en avril 2005, à l'occasion du débat d'une question orale sur la gestion des déchets nucléaires.

Pour commencer mon propos, je tiens à insister sur le caractère inapproprié de la déclaration d'urgence sur ce projet de loi relatif à la gestion des déchets nucléaires. Mais il semble, monsieur le ministre, que la situation ait évolué et que vous deviez annoncer des changements en la matière...

En effet, la loi Bataille, ainsi que l'a rappelé Bernard Piras, prévoyait un nouveau débat législatif en 2006 et permettait donc de préparer sereinement les éléments de réflexion. Car, s'il est un domaine où la sérénité doit primer dans la discussion, c'est bien celui de la production d'énergie et des déchets qui y sont liés.

Le Gouvernement et la représentation nationale se doivent donc d'organiser clairement les débats, car les citoyennes et les citoyens français ne sauraient accepter un manque de transparence, qu'ils dénoncent plus fortement encore depuis le terrible accident de Tchernobyl et les erreurs manifestes d'appréciation et de communication qui l'ont accompagné.

Est-il nécessaire de rappeler que la loi Bataille prévoyait la mise en place de plusieurs laboratoires souterrains afin de créer des centres de stockages ? Or nous n'en avons qu'un !

Un projet de laboratoire existait pour le site de Marcoule, installé sur la commune de Chusclan, dans le département du Gard dont je suis l'élu. Ce projet était soutenu à l'époque par l'ensemble des parlementaires du département, par le conseil régional et le conseil général à l'unanimité et par les communes. Il n'a pas été retenu pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas aujourd'hui.

Un seul site existe donc, implanté sur la commune de Bure, dans le département de la Meuse. Cette situation n'est pas satisfaisante au regard de la nécessité de disposer d'un maximum d'éléments permettant de prendre les décisions ultérieures en connaissance de cause. Nous le savons tous, il ne serait pas judicieux de jouer aux apprentis sorciers dans ce domaine. Il est donc impératif de relancer la réflexion sur la création de laboratoires souterrains afin de respecter les grands axes et les engagements de la loi Bataille.

Dans le cas de Marcoule, et depuis cette décision négative lourde de conséquences, l'avenir du site réside dans les opérations de démantèlement. Encore faudrait-il que les engagements de chacun des partenaires soient clairement définis et tenus !

J'avais déjà eu l'occasion de faire part de mes réticences et de mes interrogations quant au mode de financement de ce démantèlement. Celles-ci demeurent malheureusement d'actualité. Je vais donc reprendre mon argumentaire pour essayer, je l'espère, d'obtenir cette fois de vraies réponses.

Je vous rappelle les conclusions du rapport de la Cour des comptes qui faisait part de ses plus grandes réserves quant aux capacités du CEA et d'EDF à financer les opérations de démantèlement. En effet, le mécanisme de financement ne semblait pas sécurisé : selon la Cour des comptes, dans le cadre de l'ouverture du capital d'AREVA et d'EDF sur des marchés devenus fortement concurrentiels, le risque existait que les conséquences financières de leurs obligations de démantèlement et de gestion de leurs déchets soient mal assurées et que cette charge incombe in fine à l'État.

Or, si l'État peut seul se porter garant au regard des enjeux et des risques dans le domaine nucléaire, la crédibilité de cette industrie suppose que les engagements futurs soient assumés techniquement et financièrement et, dans la mesure du raisonnable, que les coûts encourus soient supportés par les consommateurs actuels et non transférés aux générations futures. La réponse de M. Devedjian, ministre de l'industrie de l'époque, ne faisait état d'aucun financement garanti et ne précisait aucun chiffre. C'est malheureusement toujours le cas aujourd'hui.

Il est également utile de rappeler que la COGEMA et EDF ont versé une soulte libératoire de 1,6 milliard d'euros au CEA, correspondant aux provisions constituées, majorées d'une prime pour risque d'erreur d'évaluation. Mais certains aspects essentiels et non négligeables du démantèlement n'ont pas été intégrés dans le devis initial, à savoir la déconstruction des bâtiments et la dépollution des sols. C'est donc à l'État qu'il reviendra d'en assumer la responsabilité et le financement si EDF et la COGEMA sont libérées de leurs obligations.

En m'appuyant sur ces éléments, j'avais déposé, avec Bernard Piras et un certain nombre de collègues, une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sénatoriale chargée de vérifier les engagements d'EDF, d'AREVA et du CEA. À l'époque, la commission des affaires économiques de notre assemblée avait rejeté cette proposition, aggravant l'opacité qui prévaut quant à l'avenir de la gestion des déchets nucléaires dans notre pays.

Cette préoccupation reste d'actualité et j'envisage donc, monsieur le ministre, si je ne reçois pas de réponse claire et chiffrée de la part du Gouvernement, de déposer à l'issue de ce débat une nouvelle demande de création d'une commission d'enquête. Accepter la création de cette commission permettrait de lever certains doutes légitimes : la représentation nationale pourrait ainsi faire preuve de transparence dans la gestion de ce dossier.

Pour terminer mon propos, je reprendrai la proposition présentée par notre collègue député Christian Bataille et l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, tendant à créer un fonds dédié au financement des recherches sur les déchets radioactifs et leur gestion industrielle. Ce fonds, placé sous la responsabilité de l'État et géré par la Caisse des dépôts et consignations, collecterait les contributions des producteurs de déchets. La proposition du Gouvernement de confier la gestion de ce fonds à l'ANDRA n'est pas raisonnable, car celle-ci ne peut être à la fois gestionnaire et bénéficiaire du fonds. Dans une telle hypothèse, la sécurisation du financement et des actifs dédiés ne serait pas assurée.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous attendons aujourd'hui de votre part de véritables engagements quant à l'approfondissement des orientations tracées par la loi Bataille en matière de gestion des déchets nucléaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer la volonté du Gouvernement d'engager ce débat public et démocratique, respectant le délai prévu par la loi Bataille du 30 décembre 1991. Une telle démarche permet d'engager un véritable dialogue au sein du Parlement sur un sujet technique, complexe et particulièrement sensible.

Après la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, qui a entériné le choix d'engager la construction d'un réacteur de type EPR, et le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, qui est en cours de discussion parlementaire, je suis ravi que la gestion des déchets nucléaires soit également abordée dans cette assemblée. Ces trois textes démontrent la cohérence de la réflexion engagée par le Gouvernement sur nos choix énergétiques, coupant court aux propos des antinucléaires qui dénoncent l'absence de débat et de conscience de l'avenir.

Nous sommes au contraire conscients de notre responsabilité à l'égard des générations suivantes en nous préoccupant du devenir de ces déchets que nous produisons depuis plus de quarante ans.

Très sensible à l'engagement du Gouvernement sur ce dossier, en tant qu'élu d'un département où la gestion des déchets nucléaires est une réalité quotidienne depuis de nombreuses années au sein de l'usine de La Hague, j'insisterai tout particulièrement sur l'importance que revêt le traitement des déchets.

Premièrement, je voudrais évoquer en quelques mots la valeur ajoutée que représente le traitement des combustibles usés, qui permet de séparer et conditionner les déchets ultimes.

Les bénéfices d'une stratégie de traitement et de recyclage pour la fin du cycle du combustible nucléaire peuvent être dégagés à plusieurs niveaux.

Je citerai, tout d'abord, la performance du conditionnement des déchets et la réduction des volumes. Les colis de déchets vitrifiés, qui contiennent plus de 99 % de la radioactivité des déchets, sont conçus pour une grande durabilité, qui dépasse plusieurs centaines de milliers d'années en stockage géologique profond, soit un délai largement suffisant pour que la radioactivité contenue décroisse très fortement. Les volumes sont ainsi divisés au moins par cinq.

Ensuite, l'économie des ressources contribue à l'indépendance énergétique nationale, en épargnant les combustibles fossiles. Le recyclage des matières contenues dans le combustible usé permet ainsi d'économiser actuellement jusqu'à 25 % des ressources en uranium naturel.

Enfin, la toxicité des déchets diminue, puisque le traitement peut aller jusqu'à diviser par dix leur toxicité intrinsèque. C'est justement l'effet du recyclage du plutonium sous forme de combustible MOX, utilisé actuellement dans une vingtaine de réacteurs. L'uranium résiduel est, pour sa part, partiellement enrichi et recyclé en France, en lieu et place de l'uranium minier, dans deux réacteurs d'EDF.

Mais le recyclage apparaît surtout comme une très importante ressource potentielle, valorisable dans le futur, avec la mise au point de nouvelles technologies de réacteurs.

Le recyclage, immédiat ou différé, de l'uranium et du plutonium est à la base de la stratégie de traitement aujourd'hui appliquée en France. Cette voie de gestion, dite aussi « cycle fermé », se distingue du cycle sans traitement à l'étude en Suède, en Finlande et, historiquement, aux États-Unis, où les combustibles usés sont considérés comme des déchets et sont destinés à être conditionnés tels quels dans des conteneurs.

Deuxièmement, il convient de reconnaître que le traitement constitue une composante incontournable du nucléaire du futur.

En effet, une analyse des enjeux à plus long terme montre clairement que les options nucléaires durables passent par le traitement et le recyclage, comme en témoignent les travaux du forum international Génération IV, qui s'intéressent aux systèmes nucléaires envisageables d'ici à quelques décennies. Sur les six familles de réacteurs qui sont appelées à constituer le parc du futur, cinq auront recours au traitement des combustibles usés.

Ce n'est pas un hasard : cette technologie permet de valoriser l'uranium naturel beaucoup mieux que la génération des réacteurs actuels qui ne brûlent, au mieux, que 0,5 % de l'uranium extrait des mines. Avec les techniques nouvelles de surgénération, il sera possible de multiplier ces niveaux par un facteur de l'ordre de 100 et d'assurer à l'humanité des milliers d'années de ressources énergétiques à un prix connu et compétitif.

Troisièmement, le traitement des combustibles usés représente dès aujourd'hui une vitrine technologique pour la France, dont la stratégie fait figure de référence.

La production de l'usine de La Hague est partagée depuis plus de quinze ans entre les besoins du programme nucléaire français - la France compte 58 centrales, qui produisent 76 % de l'électricité nationale - et ceux des 29 compagnies d'électricité européennes et japonaises qui ont signé des contrats de traitement avec AREVA.

À ce jour, l'usine de La Hague a reçu et traité le combustible usé envoyé par les compagnies d'électricité de sept pays : la France, bien sûr, mais également le Japon, l'Australie, l'Allemagne, la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas. Au 1er janvier 2006, plus de 21 644 tonnes de combustible auront été ainsi traitées sur le site de La Hague. À titre de comparaison, 17 224 tonnes traitées permettent d'économiser l'équivalent en production d'électricité de 350 millions de tonnes de pétrole, ne l'oublions pas ! En outre, les retombées économiques sont importantes sur le plan national et, bien entendu, sur le plan local.

Je tiens à souligner que la technologie française est, à mon sens, une référence mondiale. Elle a inspiré pour l'essentiel la conception de l'usine de traitement de grande capacité qui vient d'être mise en service avec succès au Japon, en mars dernier.

Par ailleurs, je note que la réflexion sur la pertinence du traitement des déchets nucléaires est relancée aux États-Unis, mettant ainsi fin à la « doctrine Carter », qui refusait l'option du cycle fermé. Que la réflexion reprenne aux États-Unis sur la stratégie d'aval du cycle à adopter est loin d'être anodin : c'est une reconnaissance forte pour cette technologie, domaine d'excellence pour la France. C'est aussi un signal fort pour ces activités qui apportent une valeur ajoutée importante à la filière nucléaire française.

Quatrièmement, enfin, le traitement des déchets nucléaires est une activité fortement encadrée. L'un des aspects importants de cet encadrement concerne le sort des colis de déchets étrangers. Il était important que le texte soumis au Parlement réaffirme l'interdiction de stockage des déchets étrangers sur le sol national, et selon des modalités plus contraignantes énoncées à l'article 5 du projet de loi.

Le nouveau texte encadre ainsi de façon beaucoup plus restrictive que la loi de 1991 les opérations de traitement en France des combustibles usés étrangers : obligation d'accords internationaux publics, fixation de délais sur les opérations et les expéditions de déchets, déclaration sur le devenir des matières valorisables.

Ces contraintes additionnelles sont indispensables à un double titre : donner un cadre clair et une stabilité juridique permettant aux exploitations de fonctionner sur le long terme et répondre aux attentes des citoyens en matière de transparence avec, en particulier, des règles claires, précises et non édictées par défaut, un contenu des accords rendu public, des dates précisées.

La discussion du projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs est suivie avec une attention toute particulière à l'étranger, où la France fait figure de modèle par ses technologies et par la gouvernance exemplaire qu'elle a su imposer. Poursuivre dans la voie de l'exemplarité, au travers de ce texte, est aujourd'hui notre responsabilité, car le monde entier nous regarde.

À cet égard, il est important que la future loi nous fasse passer d'une ère de recherche à une ère de gestion des matières radioactives. En ce sens, elle permettra à la filière industrielle du nucléaire d'envisager l'avenir avec détermination et de capitaliser sur ses technologies.

Il est également important que ce texte puisse permettre de fixer des définitions et des règles, certes toujours plus rigoureuses et contraignantes, mais qui offriront un cadre clair aux activités concernées et aux exploitants.

Pleinement conscient, monsieur le ministre, des responsabilités importantes qui sont les nôtres au regard des générations futures, j'indique que je voterai ce projet de loi, car il permettra de conjuguer sécurité, prospective, transparence et progrès technologique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 31 décembre 1991, dite « loi Bataille », a eu le grand mérite de contribuer à dédramatiser le débat autour de deux sujets majeurs dans les domaines environnemental et économique, à savoir le démantèlement des installations nucléaires et la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.

En son article 4, ce texte fixait un nouveau rendez-vous législatif quinze ans après la promulgation de la loi, soit en 2006. Le projet de loi dont nous entamons la discussion répond donc à la clause de rendez-vous de la loi Bataille. Que penser de ce nouveau texte dans sa forme actuelle ?

Le projet de loi comporte un certain nombre d'avancées, mais aussi des options avec lesquelles le groupe socialiste n'est pas d'accord.

Ainsi, comme l'a rappelé Bernard Piras, orienter de manière privilégiée les recherches vers le stockage en couche géologique profonde plutôt que vers les autres méthodes de gestion des déchets introduit une rupture au regard de la complémentarité des trois axes de recherche arrêtés par la loi Bataille.

En outre, nous ne sommes pas satisfaits du dispositif proposé pour le financement de la gestion des déchets radioactifs.

Mon intervention sera centrée sur le second aspect, c'est-à-dire la question du financement.

Une des particularités de la gestion des déchets radioactifs réside dans la longueur des périodes considérées. En effet, le projet de loi de programme qui nous est soumis aujourd'hui tend à mettre en place des mécanismes qui devront être opérationnels pendant plusieurs dizaines d'années. L'horizon temporel de la gestion des déchets nucléaires nous dépasse, puisque, pour les déchets de faible et moyenne activité, qui représentent 80 % des déchets produits en France, le temps de retour à une activité voisine de la radioactivité naturelle est estimé à environ trois cents ans...

La gestion des déchets radioactifs prend ainsi place dans une politique plus globale et, sur le très long terme, de gestion des risques, notamment environnementaux.

Depuis 2005, notre Constitution reconnaît le principe de précaution, qui doit être perçu non comme une marque de méfiance, mais comme un appel à la vigilance. Une politique responsable en matière de gestion des déchets radioactifs participe pleinement de cette exigence de précaution, d'ailleurs rappelée dans les considérants qui introduisent la Charte de l'environnement, selon lesquels « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation » et, « afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».

Les enjeux économiques à court ou à moyen terme ne doivent donc pas faire oublier les impératifs environnementaux, qui sont de l'ordre du très long terme. Gardons toujours à l'esprit que la gestion des déchets nucléaires, telle que nous la définissons aujourd'hui, sera léguée aux générations futures, ce qui crée pour nous un devoir d'extrême exigence.

Outre la préoccupation environnementale, qui doit être omniprésente, il convient aussi de mettre en place des outils de gestion des déchets radioactifs qui soient totalement sûrs. Or, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, l'efficacité de l'action à conduire dépendra en grande partie des moyens financiers qui pourront lui être consacrés. En conséquence, une gestion durable et efficace des déchets radioactifs passe nécessairement par la mise en oeuvre d'outils de financement pérennes.

Qu'en est-il actuellement ?

Les textes en vigueur font obligation aux opérateurs de créer des provisions afin d'anticiper les frais de démantèlement. Le coût de la gestion des déchets est compris dans le prix de l'électricité : ainsi, sur une facture moyenne de 600 euros par an et par foyer, la gestion des déchets représente environ 10 euros. Il s'agit, en quelque sorte, d'une caisse commune abondée par les usagers et, à ce titre, les sommes collectées, qui ont vocation à financer, le moment venu, les charges de long terme, devraient être gérées par la collectivité.

À l'heure actuelle, EDF est l'opérateur qui détient les provisions les plus importantes. Compte tenu de la rapidité des évolutions économiques, est-il possible de dire aujourd'hui que le dispositif en vigueur permettra d'assurer le financement de la gestion des déchets radioactifs ?

Dans son rapport de janvier 2005, la Cour des comptes a relevé les incertitudes liées au système actuel. En effet, plusieurs questions se posent : les estimations sont-elles fiables et suffisantes ? Quelles sont les règles à retenir pour actualiser ces sommes ?

Au-delà, la question du financement futur s'articule, selon la Cour des comptes, autour d'une triple problématique : y aura-t-il assez d'argent pour faire face aux obligations ? Qu'adviendra-t-il en cas de défaillance d'un opérateur ? Qui va, en définitive, supporter les coûts liés aux déchets radioactifs ?

Ce texte répond-il à ce triple questionnement ?

Le projet de loi, en ses articles 11 et 11 bis, prévoit la création de deux fonds dédiés, l'un « au financement des recherches et études sur l'entreposage et le stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs », qui serait institué au sein de l'ANDRA et aurait pour ressource le produit de la taxe additionnelle dite « de recherche », l'autre « au financement de la construction, de l'exploitation, de l'arrêt définitif, de l'entretien et de la surveillance des installations d'entreposage ou de stockage des déchets », qui serait également institué au sein de l'ANDRA et serait alimenté par les contributions des exploitants fixées par convention.

Quant à l'article 14, il met à la charge des exploitants d'installations nucléaires de base l'évaluation « prudente » des charges de démantèlement, ainsi que la constitution des provisions afférentes.

Notre groupe considère que la réponse apportée par le projet de loi, à savoir l'institution de deux fonds dédiés, certes, mais au sein de l'ANDRA, n'est pas à la hauteur des enjeux. En outre, comme l'a très bien souligné Simon Sutour, cette agence ne peut pas être à la fois gestionnaire et bénéficiaire de ces fonds.

Nous présenterons donc un amendement visant à créer un établissement public à caractère industriel et commercial appelé « fonds de gestion des déchets radioactifs », dont l'objet serait de financer la recherche et la gestion industrielle des déchets radioactifs. Ce fonds recueillerait les contributions des opérateurs et serait géré, sous la responsabilité de l'État, par la Caisse des dépôts et consignations, afin d'éviter tout risque financier.

Contrairement au Gouvernement, nous faisons le choix de la mise en place d'un fonds dédié et externalisé, d'un fonds géré par la puissance publique, avec pour objectif la mise en oeuvre effective d'un « service public de la gestion des déchets radioactifs ».

Notre choix est aussi celui de dix pays de l'Union européenne ayant opté pour une gestion des fonds dédiés distincte des comptes des exploitants : l'Espagne, la Finlande, la Hongrie, l'Italie, la Lituanie, les Pays-Bas, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède, pays auxquels on peut adjoindre la Belgique, qui a préféré une solution médiane originale où l'État détient une part des fonds constitués, et le Royaume-Uni, pour ce qui concerne ses exploitants publics. Seule l'Allemagne a opté pour une gestion des fonds par les exploitants, qui s'inscrit dans un autre contexte, celui de l'abandon à terme - du moins est-il annoncé - de l'énergie nucléaire.

Pourquoi avons-nous fait ce choix ?

D'abord, il nous paraît essentiel que la « mission de service public de gestion des déchets radioactifs » soit sous le contrôle de l'État, comme d'ailleurs, plus généralement, la politique énergétique doit rester de la responsabilité de la puissance publique.

Par ailleurs, la mise en place d'un fonds unique répond à une double nécessité d'efficacité et de cohérence. Ainsi, nous proposons que le conseil d'administration de l'établissement public à caractère industriel et commercial dont nous prévoyons la création soit assisté d'un comité scientifique, afin de contribuer à la cohérence des politiques de recherche et de gestion.

Notre choix tient en outre au fait que la mise en oeuvre d'un fonds dédié externalisé nous semble être l'outil le plus sûr, pour les motifs suivants.

Tout d'abord, les périodes considérées sont très longues, et il est impossible de prévoir quelle sera la situation économique au moment où les actifs devront être mobilisés.

Ensuite, si les opérateurs sont actuellement sous le contrôle de l'État, on peut s'interroger sur la pérennité de cet état de choses. Je prendrai un exemple pour illustrer mon propos : qui peut assurer, dans le cas d'une privatisation d'AREVA, qui a été envisagée par la majorité actuelle et qui l'est peut-être encore, que les sommes provisionnées pour la gestion des déchets radioactifs seraient effectivement utilisées à cette unique fin ? Comment se prémunir contre des placements de ces provisions sur des actifs trop risqués ? Peut-on avoir la certitude que ce ne seront pas les contribuables qui devront finalement à nouveau intervenir, faute d'une gestion durable et efficace des actifs dédiés ? D'ailleurs, en 2005, la Cour des comptes soulignait déjà le fait que, « sans mécanisme de sécurisation, le risque existe, dans le cadre d'une ouverture de capital d'EDF et d'AREVA dans des marchés devenus fortement concurrentiels, que les conséquences financières de leurs obligations [...] soient mal assurées et que la charge en rejaillisse sur l'État ».

L'incertitude concernant la pérennité du financement peut également être illustrée par la situation actuelle d'EDF. Dans son édition du 22 mars dernier, le quotidien Les Échos titrait : « Nucléaire : EDF tarde à clarifier la gestion de ses fonds dédiés ». La constitution de provisions ne préjuge en rien de leur utilisation future si les exploitants ne se dotent pas d'outils de prévision et de gestion. Or, manifestement, tel est le cas d'EDF.

La sécurisation des fonds est donc un enjeu essentiel du financement futur de la gestion des déchets radioactifs. Dès lors, il nous semble que la création d'un fonds dédié externalisé est la solution la plus raisonnable et la plus efficace.

En mettant en place un véritable service public des déchets radioactifs, géré de manière transparente et à l'abri des aléas économiques et financiers, l'État pourra pleinement assumer sa mission, dans le domaine de la politique énergétique, mais aussi en matière de préservation de l'environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer le travail, tout à fait remarquable, de nos collègues députés, qui ont, sous bien des aspects, sensiblement enrichi le projet de loi initial. Je pense en particulier à la garantie des droits du Parlement, lequel se prononcera, le moment venu et le cas échéant, sur les conditions de réversibilité d'un éventuel stockage.

Je tiens aussi à saluer l'initiative du Gouvernement, heureuse et très attendue, de lever l'urgence sur ce texte. Sur une question de cette nature, qui transcende les sensibilités politiques, construire le consensus le plus large est indispensable. Pour ce faire, il faut, au préalable, prendre le temps d'échanger et de discuter.

Le sujet de la gestion des déchets nucléaires est difficile. Très technique, faisant appel à un jargon incompréhensible au non-initié, il offre aux apprentis démagogues un terrain idéal pour alimenter les craintes et les fantasmes, et semer le trouble dans les esprits. Ceux-ci ne s'en privent d'ailleurs pas.

Aussi, il me semble que notre conduite doit se fonder sur quatre principes : le sens des responsabilités, la transparence dans l'information, la pédagogie dans l'expression, l'équité envers les territoires haut-marnais et meusiens, ces quatre lignes directrices devant, à mon sens, rester au coeur de nos préoccupations et guider nos travaux.

Pour ce débat, le plus grand sens des responsabilités doit nous accompagner. Depuis plusieurs années, en matière de recherche sur la gestion des déchets radioactifs, ce sens des responsabilités n'a pas fait défaut, à droite comme à gauche.

Je salue Mme Voynet, qui en son temps, en qualité de ministre de l'écologie, a signé le décret d'autorisation d'implantation et d'exploitation du laboratoire de Bure, exploité par l'ANDRA.

Nous avons à débattre d'un texte qui constitue l'aboutissement de multiples travaux menés depuis le vote de la loi du 30 décembre 1991, dite loi Bataille. Cette loi portait en elle-même son terme, lequel arrive à échéance en décembre 2006. Il s'agit donc pour nous d'en renouveler l'ambition.

L'ambition de la loi du 30 décembre 1991 était, d'après son article 1er, d'assurer une gestion des déchets radioactifs à haute activité « dans le respect de la protection de la nature, de l'environnement et de la santé, en prenant en considération les droits des générations futures ».

La prise en compte des générations futures, du long et du très long terme, voilà l'originalité, la difficulté et la véritable ambition de la gestion des déchets radioactifs. Cette réflexion sur le très long terme est réellement une difficulté pour tous. « Gouverner, c'est prévoir », disait Émile de Girardin ; prévoir à long terme, c'est donc mieux gouverner.

Sans cette perspective, le développement durable restera un concept pour spécialistes, et nos concitoyens n'auront pas pleinement conscience des tendances lourdes qui se dessinent, puis se confirment et dont il nous appartient d'anticiper les conséquences.

Ici, sur un sujet complexe, qui exige de recourir à des données scientifiques variées, nous avons l'ambition de travailler pour le très long terme. Ne soyons pas myopes, ne sacrifions pas l'avenir aux facilités du présent. Il s'agit d'un principe éthique : puisque nous avons décidé, il y a quarante ans, de produire des déchets, nous devons en assumer financièrement et techniquement la gestion, sans nous défausser lâchement sur nos enfants et petits-enfants.

D'ailleurs, monsieur le ministre, pourquoi avoir attendu si longtemps, c'est-à-dire la fin des années 1980, pour rechercher des solutions ? C'est dès le lancement du programme en 1973, à la suite du choc pétrolier, qu'il aurait fallu, me semble-t-il, s'en préoccuper !

M. Gérard Longuet. C'est vrai !

M. Bruno Sido. D'autant que, depuis quarante ans, la production d'énergie d'origine nucléaire a tout de même permis à la France de réduire sa dépendance énergétique, de bénéficier d'un coût du kilowattheure très compétitif et, plus récemment, de respecter ses engagements internationaux en matière de rejet de CO2 dans l'atmosphère.

Sur ce dernier point, d'aucuns regrettent sans doute que la France se soit elle-même imposée des règles très restrictives, allant au-delà de ses engagements internationaux. En effet, si la filière nucléaire rend possible le respect d'un seuil d'émission relativement bas, fallait-il pour autant renoncer à une fraction des droits à émission de gaz à effet de serre auxquels nous pouvions prétendre, renonçant par là même au produit de la cession de ces droits ?

J'en reviens au texte. Fort heureusement, des travaux très importants ont précédé le débat parlementaire. La loi du 30 décembre 1991 a en particulier permis d'importantes avancées sur trois axes de recherche : d'abord, sur la séparation-transmutation des éléments radioactifs, c'est-à-dire sur les possibilités de réutiliser une partie du combustible usé et, partant, de réduire le volume de déchets ; ensuite, sur le stockage réversible en couche géologique profonde ; enfin, sur l'entreposage et le conditionnement.

Les recherches ont été diligentées par le CEA et par l'ANDRA avec tous leurs partenaires scientifiques, notamment étrangers. La Commission nationale d'évaluation, année après année, a fait son travail d'expertise et d'évaluation. Ces travaux ont fait l'objet d'une revue internationale sous l'égide de l'OCDE, et l'Autorité de sûreté nucléaire les a examinés.

Le Parlement, par le biais de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et sous la présidence de notre rapporteur, M. Henri Revol, a réalisé un travail important, confirmant le rôle majeur que la représentation nationale entendait jouer sur ce sujet. La préparation et la publication du rapport des députés Claude Birraux et Christian Bataille a en effet constitué une contribution forte.

L'ensemble de ces travaux inspirent, à l'observateur attentif que je suis - et je suis loin d'être le seul - depuis douze ans, deux constats.

Le premier porte sur la qualité des travaux accomplis, qu'il s'agisse de la recherche elle-même ou de l'évaluation de ces travaux, même si tout n'a pas avancé aussi vite que souhaité.

Le second est relatif à la permanence des fausses « bonnes solutions », auxquelles il faut opposer inlassablement des trésors de pédagogie et de communication scientifique et technique. Parmi ces fausses bonnes solutions, j'en relève tout particulièrement deux : le statu quo et le tout-transmuté.

Pour ce qui est du statu quo, certains suggèrent de laisser les déchets là où ils se trouvent, dans leur entreposage. C'est la politique de l'autruche qui cache d'un voile léger, j'allais dire impudique, l'objet du débat.

Avec le tout-transmuté, le stockage géologique serait inutile puisque des solutions de séparation-transmutation seront possibles demain. Une telle affirmation révèle soit une foi trop naïve dans les progrès scientifiques, soit une volonté de manipuler l'opinion.

Comme l'a rappelé M. le rapporteur, chacun doit comprendre que la séparation-transmutation ne peut être que complémentaire à la solution de stockage géologique. Si la transmutation brise des molécules pour en produire d'autres à durée de vie moins longue, elle n'en génère pas moins des déchets pour lesquels le stockage réversible offre une solution adaptée.

Notons au passage que le stockage géologique est la solution unique dont disposent les pays qui souhaitent renoncer à toute industrie nucléaire. En effet, le démantèlement de toute installation nucléaire, combustibles compris, produit lui-même des déchets.

Si l'objet de la loi est bien de mettre au point une stratégie de gestion des déchets, d'organisation des recherches et des conditions de mise en oeuvre d'éventuelles solutions, il est très clair qu'il n'appartient pas à la loi de traiter du cas particulier de tel ou tel site ou de telle ou telle installation.

Pourtant, il faut bien admettre que nous avons tous à l'esprit le site du laboratoire souterrain de Bure-Saudron, entre Meuse et Haute-Marne, qu'a évoqué tout à l'heure Gérard Longuet très précisément.

Chacun sait que ce site est aujourd'hui le seul à l'étude pour un éventuel stockage de déchets à haute activité et à vie longue. Il s'agit donc du seul site pour lequel les élus locaux ont accepté, depuis 1994, de faire confiance à l'État et à la communauté scientifique, pour que les recherches prévues par la loi Bataille soient mises en oeuvre.

C'est un fait remarquable et ce soutien ne fut ni fugace, ni simplement opportuniste. Très récemment encore, les maires des communes meusiennes et haut-marnaises se sont mobilisés avec courage et détermination pour rappeler les termes de leur engagement et le rôle qu'ils entendaient jouer.

Il faut saluer avec respect l'action énergique, passionnée parfois, et efficace souvent, des élus des communes situées dans un rayon de dix kilomètres autour de Bure pour que ces dernières bénéficient de mesures d'accompagnement équitables. Par leurs actions, tous contribuent à la mise en oeuvre de ce projet d'intérêt national qu'est le laboratoire.

Aujourd'hui, dans le débat, le besoin d'un second laboratoire n'est plus mentionné. Cette évolution est lourde de conséquences. Le faible intérêt du granit ou la grande qualité des argilites « meuso-haut-marnaises » rendent peut-être superflue la recherche d'un second site d'étude. On peut le concevoir d'un point de vue purement technique. La pression des opposants pèse pourtant toujours sur la population locale et sur les élus ; elle se fait même encore plus forte. Il faut aussi tenir compte des interrogations et des craintes qui subsistent.

Si les travaux scientifiques et techniques ont donc été nombreux et si des avancées importantes ont été constatées, le succès de ce projet dépend largement de ceux qui vivent auprès des installations dédiées à la gestion des déchets radioactifs. Pour cette raison, il faut impliquer les acteurs locaux en les considérant comme des protagonistes majeurs et incontournables du processus : c'est une question de respect.

Un débat public, organisé sur la base de treize réunions qui ont rassemblé quelque 3 000 personnes, a déjà eu lieu : c'est une manière efficace d'associer la population au mécanisme de prise de décision publique. Il importera dans l'avenir de renouveler l'expérience au plan local.

Ce moyen est en tout cas autrement plus adapté que l'organisation d'un référendum local, qui fait actuellement l'objet d'une pétition lancée sur l'initiative isolée d'un membre du parti communiste local. Cette pétition aurait, selon les organisateurs, recueilli près de 40 000 signatures rien qu'en Haute-Marne.

Sur ces questions complexes, éminemment techniques, avec des perspectives temporelles que pratiquement personne n'arrive à appréhender, l'outil référendaire apparaît bien inadapté. En tout état de cause, il n'appartient pas aux conseils généraux d'organiser ce type de référendum, l'article 72-1 de la Constitution s'y opposant. Seul l'État pourrait décider de l'organisation d'une telle consultation.

Au-delà des obstacles juridiques qui interdisent à quelque collectivité locale que ce soit d'organiser un référendum sur une compétence appartenant à l'État, il faut envisager la question de son opportunité même : parmi toutes les questions qui mériteraient d'être évoquées, laquelle soumettre au vote ? Quelle est la zone géographique qui serait pertinente ou légitime ? À quel moment devrait-on recourir au référendum, alors que la problématique des déchets concerne les générations futures plus que les électeurs d'aujourd'hui ?...

Il n'en reste pas moins que le besoin de consultation exprimé aujourd'hui est bien légitime. Il révèle aussi une certaine défiance vis-à-vis des procédures d'enquêtes publiques qui sont prévues dans le texte qui nous est soumis. Il est nécessaire d'associer étroitement les populations, sans s'égarer dans des voies démagogiques, voire populistes.

Pour cette raison, je propose que soit institué, en cas de demande de création d'un centre de stockage, un périmètre de consultation qui devra être fixé par décret. Je souhaite vivement que cette consultation ne se limite pas à l'organisation d'une enquête publique a minima, mais qu'elle soit précédée d'un débat public fort et d'une information de grande ampleur.

Avant de consulter, il faudra informer la population de la manière la plus intense possible, ce qui implique deux conditions.

La première est l'instauration d'un comité local d'information et de suivi qui fonctionne bien, c'est-à-dire qui permette aux différents acteurs d'exprimer leur point de vue dans un climat suffisamment serein pour que chaque membre de l'assistance en apprécie, librement, la pertinence. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Je souscris au constat dressé par nos collègues députés sur ce point : le fonctionnement actuel laisse trop d'importance à la polémique entre, au mieux, des initiés.

La deuxième condition est un engagement fort de la communauté scientifique pour faire connaître ses travaux auprès du grand public et pour vulgariser les enjeux de la recherche sur la gestion des déchets radioactifs et sur les défis à venir.

La science doit descendre de son piédestal et s'impliquer davantage dans les affaires de la cité. Elle doit faire oeuvre de pédagogie pour permettre au débat de s'engager sur des bases aussi objectives et sérieuses que possible.

Ainsi, nous pourrons contredire avec raison le plus célèbre des Langrois, Denis Diderot, pour qui « les choses dont on parle le plus parmi les hommes sont assez ordinairement celles qu'on connaît le moins ».

Au-delà de la consultation des populations, la perspective d'un centre de stockage n'est pas imaginable sans la présence forte d'activités économiques et d'emplois autour de cette installation.

C'est une question d'éthique : les territoires meusien et haut-marnais méritent la reconnaissance et la solidarité de la nation, parce qu'ils assument leurs responsabilités, alors que tant d'autres les refusent, et sont à leur manière solidaires de l'ensemble du pays, qui aujourd'hui a besoin d'eux.

Le développement de l'activité économique et de l'emploi est aussi l'une des raisons de l'acceptation des installations par les populations et leurs élus, dont je fais partie.

L'acceptation d'une centrale nucléaire sur un territoire est-elle liée aux recettes fiscales générées ? Non, car l'argent n'est que peu de chose sans les projets. Ce qui fonde la confiance, c'est la présence d'une population vivant directement ou indirectement des activités de la centrale, à proximité.

M. Gérard Longuet. C'est exact !

M. Claude Biwer. Très bien !

M. Bruno Sido. Non seulement les gens en vivent, mais ils représentent une certaine expertise rassurante ; ils savent ce qui s'y passe. Près d'une centrale, ce qui inspire confiance, c'est la connaissance des agents d'EDF ou des sous-traitants, leur implication dans la vie locale.

C'est un élément très important ; les installations industrielles se sont développées car elles font vivre un territoire qui les accepte. Ce n'est d'ailleurs pas spécifique à l'industrie : la Côte d'Azur a accepté les inconvénients de la pression touristique car le tourisme est le poumon économique du littoral.

Il doit en être de même pour les installations de l'aval du cycle nucléaire : elles doivent faire vivre directement ou indirectement un territoire, une population qui en assurera une forme de surveillance.

L'impact socioéconomique d'une centrale est donc bien de deux natures : la fiscalité locale générée, mais aussi et surtout l'activité économique induite. J'aborderai ces deux points distincts.

Je commence par l'impact financier.

Depuis l'an 2000, des groupements d'intérêt public ont été créés en Meuse et en Haute-Marne - je préside celui de la Haute-Marne ; ils ont fonctionné de manière satisfaisante et ont pu soutenir le développement des entreprises sur l'ensemble du territoire départemental, le déploiement des infrastructures et des superstructures, ainsi que les initiatives locales à proximité du site du laboratoire de Bure.

Il faut conforter ces moyens pour développer ces territoires au niveau départemental, tout particulièrement là où les enjeux de l'emploi sont les plus prégnants. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'a reconnu et nous a invités à persévérer dans la voie qui est la nôtre pour la défense de l'emploi et de l'entreprise, tout particulièrement dans le bassin de vie de Saint-Dizier.

Le territoire de la Haute-Marne fait face à des évolutions démographiques pénalisantes et son tissu industriel connaît des mutations douloureuses. Or l'année 2007 sera marquée par la refonte de la politique régionale européenne, par le nouveau zonage de la prime à l'aménagement du territoire, la PAT, ainsi que par les nouveaux contrats de projets État-région, autant d'éléments qui préfigurent des modalités de financement public plus restrictives, plus contraintes. Il faut donc absolument que les territoires meusiens et haut-marnais disposent des moyens nécessaires pour investir et accompagner les projets de développement.

Sur ce point, je trouverais légitime que les dispositions de l'article 15 relatives au financement soient telles que, a minima, les dotations soient supérieures aux dotations actuelles, de l'ordre de 10 millions d'euros par an et par département.

Par ailleurs, sur proposition du rapporteur, la commission a proposé d'introduire une fongibilité temporaire entre les dotations d'accompagnement économique et les dotations de diffusion technologique. Je soutiens cette proposition, à même de donner aux GIP la souplesse dont ils ont besoin pour soutenir les bons projets, au bon moment, au niveau financier le mieux adapté.

De fait, même si nous le regrettons vivement, les territoires de la Meuse et de la Haute-Marne sont, comparativement à d'autres départements, moins bien lotis en termes d'équipements scientifiques et technologiques. En l'absence de centres de recherche et de formations supérieures dans les domaines technologiques, les projets répondant aux critères de diffusion technologique pourraient se faire attendre et les dotations afférentes ne pas résister au principe de l'annualité budgétaire...

À l'inverse, les projets d'accompagnement économique seront vraisemblablement les plus nombreux, au moins dans un premier temps, nécessitant un appui financier des GIP en conséquence. Les fonds confiés aux GIP doivent donc pouvoir être mobilisés à bon escient, avec pragmatisme, suivant l'évolution du contexte et des opportunités.

La notion de fongibilité constitue un réel principe d'efficacité ; je proposerai donc qu'elle soit portée de 50 % à 80 % du montant des dotations.

J'en viens à l'activité économique induite.

Au-delà des mesures financières, les entreprises concernées par la production de déchets radioactifs doivent s'impliquer dans le développement d'activités sur le territoire.

En créant un Comité de haut niveau, lors du CIADT - le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire - du 12 juillet 2005, vous avez accédé, monsieur le ministre, à une requête que je formulais depuis plusieurs années avec mes collègues meusiens. Nous nous en félicitons.

Il est, en effet, de la responsabilité des producteurs de déchets de développer de nouvelles activités génératrices d'emplois autour des sites ; c'est une condition du succès de toute démarche engagée dans le cadre de la loi Bataille.

Il faut se féliciter des premiers engagements d'EDF, d'AREVA et du CEA sur cet enjeu difficile. Mais il faut que les acteurs du nucléaire amplifient et pérennisent ces engagements sur les territoires de la Meuse et de la Haute-Marne.

Leurs premières initiatives portent sur la biomasse, notamment d'origine sylvicole, sur la maîtrise de la demande d'énergie et sur les énergies renouvelables, ainsi que sur des partenariats industriels locaux. Certaines de leurs actions seront rapidement couronnées de succès, d'autres pourraient connaître un sort moins heureux. C'est pourquoi il est nécessaire que nous puissions apprécier régulièrement l'évolution des projets.

La publication, prévue à l'article 9 du projet de loi, de rapports annuels sur le développement économique des territoires, induit par l'action économique des acteurs de la filière, s'avérera à ce titre indispensable. Je peux vous dire, monsieur le ministre, que nous examinerons ces rapports avec beaucoup de vigilance.

En guise de conclusion, je formulerai une remarque. Qu'il s'agisse de faire avancer la recherche sur les trois axes retenus, de mieux informer les populations, avec l'aide de la communauté scientifique, pour organiser, le moment venu, une consultation réelle des habitants comme des collectivités les plus concernées, qu'il s'agisse également d'inscrire dans les textes et sur le terrain la priorité accordée à un développement économique porteur d'emplois, les éléments qui nous permettront d'avancer sur des bases solides sont connus : le Parlement doit aujourd'hui les conforter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me souviens des débats, ô combien réduits, qui ont accompagné la mise en service de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Ceux qui, à l'époque, sans acrimonie, posaient des questions sur le devenir des déchets produits par cette centrale n'étaient pas forcément antinucléaires. Beaucoup le sont devenus à l'écoute des arguments péremptoires qui leur furent opposés alors : une solution sûre serait trouvée avant même que cette centrale ne soit démantelée grâce aux progrès de la science...Trente ans plus tard, aucune solution acceptable ne s'est imposée. Aujourd'hui comme hier, l'aval du cycle reste, plus que les questions de sûreté et au même titre que le risque de prolifération, le maillon faible de la filière nucléaire.

Quinze ans après la loi du 30 décembre 1991, dite « loi Bataille », nous avons de nouveau rendez-vous pour examiner l'état d'avancement des recherches sur les déchets radioactifs portant sur les trois axes que sont la séparation-transmutation, l'entreposage de longue durée et le stockage en couche géologique profonde.

Ce nouveau rendez-vous devait se dérouler après un grand débat public, en considérant qu'il s'agissait non pas seulement d'examiner la faisabilité technique des différentes pistes mais d'opérer un véritable choix de société engageant notre pays pour plusieurs générations.

Ce texte semble n'avoir été présenté que pour tenir l'engagement pris en 1991, alors même que tous s'accordent à reconnaître que les études sont insuffisantes. Que les choses soient claires : je crois utile que le Parlement soit amené à se prononcer sur ce sujet important, mais je doute que le moment soit venu de marquer, dans le brouillard, une préférence prématurée, en la qualifiant de solution de référence, pour la solution du stockage profond.

Tous les acteurs, et non des moindres, s'accordent à dire que les études menées sont insuffisantes : la Commission nationale d'évaluation, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'Autorité de sûreté nucléaire, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, tous conviennent que les recherches doivent être poursuivies.

Que penser d'un texte qui ne tire aucun bilan des résultats décevants des recherches menées sur la transmutation ? Comment peut-on à la fois reconnaître l'insuffisance des résultats obtenus et présenter, l'instant d'après, un texte qui entérine ces options comme si de rien n'était ? Je n'y vois que deux explications : une foi aveugle en la science ou une irresponsabilité à l'égard de nos concitoyens et des générations futures.

Les trois axes de recherche définis dans la loi Bataille ont été mis en oeuvre inégalement depuis 1991.

Le premier axe est celui de la séparation et de la transmutation.

Il semblerait que les recherches sur la séparation aient pas mal avancé. Encore faut-il souligner que rien n'est dit des quantités d'énergie considérables qui seraient nécessaires pour séparer les différents produits de fission à l'échelle industrielle.

Concernant la transmutation, nous n'en sommes pas aussi loin. L'utilisation de ce système à l'échelle industrielle n'est pas pour demain. Elle suppose l'utilisation de réacteurs nucléaires de quatrième génération, beaucoup plus performants, utilisant moins de combustible, produisant moins de déchets, faute de quoi la technique de la transmutation pourrait nécessiter autant d'énergie pour transformer certaines matières radioactives que l'énergie obtenue par la fission des atomes d'uranium au départ. Le choix de cette technique est donc étroitement lié à l'option de pérennisation du nucléaire et à la modernisation du parc français, ainsi que le font remarquer MM. Dessus, Laponche et Marignac dans leur contribution à la Commission nationale du débat public.

Ainsi, on saute plusieurs étapes importantes et on se contente d'établir un calendrier totalement irréaliste, sans avoir réfléchi aux implications en termes de choix économiques et de société.

Dans l'article 1er du projet de loi, il est écrit que l'on évaluera « les perspectives industrielles de ces filières » et que l'on mettra « en exploitation un prototype d'installation avant le 31 décembre 2020 » : ce n'est pas très cohérent, monsieur le ministre !

On note une réelle perplexité dans le milieu scientifique. M. Tissot, président de la Commission nationale d'évaluation, le souligne. Il émet une réserve importante sur la transmutation et considère qu'entre la transmutation et le réacteur de quatrième génération un rêve mangera l'autre au fur et à mesure que se précisera la faisabilité technique.

M. Birraux, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, souligne lui aussi, à la page 16 de son rapport, que les recherches n'ont pas encore réellement porté leurs fruits et que bien des décisions doivent être prises avant de poursuivre le travail. Ainsi souligne-t-il qu'il faudrait choisir entre les réacteurs de génération IV et les réacteurs pilotés par des accélérateurs de type ADS.

Pas un mot dans ce texte n'évoque la liaison entre, d'une part, les choix technologiques et, d'autre part, les choix énergétiques. Les Françaises et les Français souhaitent-ils que l'escalade nucléaire se poursuive et que, sous couvert de choix en matière de déchets, des décisions importantes concernant l'avenir même de la filière nucléaire soient prises ? Je ne le crois pas.

Évidemment, certains, comme Christian Gaudin, ont évoqué des craintes irrationnelles. C'est à la fois exaspérant et dégradant, comme si le soutien de certains fanatiques du nucléaire ne revêtait pas, lui aussi, un caractère parfois irrationnel.

Je voudrais tout de même vous rappeler le consensus qui semblait s'être opéré, toutes forces politiques confondues, autour d'une volonté de maîtrise de la demande énergétique associant efficacité énergétique, choix des meilleures technologies disponibles - les plus efficaces, les plus souples, les plus riches en emplois, les plus sûres - et diversification des choix énergétiques. Avec ce texte, nous en sommes loin !

J'en viens au deuxième axe de la loi Bataille : le stockage en couche géologique profonde.

La loi Bataille prévoyait que des recherches soient effectuées sur plusieurs formations géologiques différentes. Elle prévoyait que soit testée la capacité, dans ces différentes formations géologiques, d'assurer l'isolement, l'étanchéité, le confinement des déchets, en tenant compte des failles, des circulations d'eau, de la diffusion dans les matériaux.

À la suite d'un important travail préparatoire, effectué notamment par la Commission nationale d'évaluation, la décision a été prise de rechercher en priorité les conditions de la réversibilité du stockage.

MM. Longuet et Sido ont rappelé, pour s'en féliciter, que j'avais apposé ma signature au bas du décret autorisant la mise en service du laboratoire de Bure. J'avais effectivement signé ce texte parce que, à l'époque, il était question d'ouvrir plusieurs laboratoires et de mener des recherches afin de fournir au public des éléments concernant à la fois l'étanchéité et la réversibilité. Je m'étais alors assurée qu'aucune source radioactive ne serait placée dans ce laboratoire. Or j'ai le sentiment que ma confiance, tout comme celle des Lorrains, a été trahie.

Je regrette, monsieur Sido, d'avoir apporté ma caution à ce qui m'apparaît aujourd'hui, s'il s'avère que tous les termes du contrat ne sont pas remplis, comme une manipulation scandaleuse.

Vous avez eu raison de le souligner, il s'agit d'un sujet complexe, propice, selon vos propres termes, « aux manipulations des démagogues ». Il s'en trouve dans les deux camps ! Je pense être une personne assez responsable et il m'est arrivé d'assumer des décisions difficiles, résultant de choix techniques qui n'ont jamais été ceux de mon parti. Mais je ne peux pas accepter la disqualification permanente de toute voix discordante.

La complexité n'est qu'apparente. Elle est amplifiée par le jargon ad hoc, par l'usage constant de termes inappropriés et par l'abus du secret.

Tous les experts s'accordent à dire que les études doivent être poursuivies. Y a-t-il urgence à décider ? Je ne le crois pas car, dans leur quasi-totalité, les déchets doivent d'abord refroidir et ils sont stockés pour des durées excédant parfois plusieurs décennies, à proximité des sites de production.

Poursuivons donc ces recherches et décidons plus tard. Rien ne presse ! En tout cas, gardons-nous de prendre de façon hâtive une décision irréparable.

J'entends Mme Dupuis, directrice de l'ANDRA, dire que de l'iode radioactif remontera certainement à la surface d'ici un millier d'années, mais que cela n'est pas très grave, car d'ici là l'iode aura perdu une partie de son activité. Puis-je vraiment être rassurée ?

J'entends les experts de l'IRSN évoquer la présence de failles sur le site de Bure, puis, quelques mois plus tard, affirmer que cet élément inquiétant n'est pas avéré. Pouvez-vous m'expliquer, monsieur le ministre, comment, en quelques mois, et sans présenter le moindre argument, des experts publics passent d'une attitude de prudence, expliquant que les études doivent être poursuivies, à l'affirmation que rien n'empêche, malgré tout, de commencer l'exploitation d'un site de stockage ? N'est-ce pas quelque peu étrange ?

Il me semble en tout cas qu'aucun engagement ne devrait être pris tant que les objectifs de la loi Bataille n'ont pas été atteints. Malgré l'amélioration apportée au texte lors de son examen par l'Assemblée nationale, la rédaction actuelle laisse penser que le stockage se fera même si nous ne sommes pas capables d'avancer sur la question de la réversibilité.

Ainsi, l'article 3 du projet de loi dispose que « le stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est le stockage de ces substances dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité ».

La réversibilité est en effet un principe auquel on ne devrait pas pouvoir déroger lorsqu'il s'agit de déchets à haute activité et à vie longue, HA-VL, dont on nous dit par ailleurs qu'il faudrait être en mesure de les reprendre pour le cas où des avancées notables dans le domaine de la séparation-transmutation seraient réalisées.

La réversibilité totale d'un stockage, monsieur le ministre, ça n'existe pas ! Vous-même le reconnaissez à l'article 8 du projet de loi : « L'autorisation fixe la durée minimale pendant laquelle, à titre de précaution, la réversibilité du stockage doit être assurée. Cette durée ne peut être inférieure à cent ans. » Soit c'est réversible, soit ça ne l'est pas ! D'ailleurs, parmi les personnalités auditionnées au Sénat, certaines, comme M. Tissot, considèrent qu'un site ne pourra garantir la réversibilité que pendant trente ans après la fin de son exploitation, tandis que d'autres, tel M. Repussard, de l'IRSN, ne cachent pas que la fin de l'exploitation d'un stockage, c'est la fin de la réversibilité.

Pour ma part, je suis plus prudente encore : je garde en effet en mémoire le fait que nous ne savons toujours pas, quelques décennies à peine après la fin des activités, ce qui existe sur le site du fort d'Aubervilliers, ni ce qui a été immergé exactement, et en quelle quantité, dans les fosses océaniques ; nous ne savons pas non plus ce qui est stocké à Marcoule et à Valduc.

Par ailleurs, je n'ai qu'une confiance très mesurée dans la sagesse et dans la stabilité des sociétés humaines.

Je crois, monsieur le ministre, que la réversibilité est d'abord un concept destiné à rassurer le chaland, ce qui n'en fait pas un choix plus acceptable.

J'en viens à la troisième voie : l'entreposage.

Certes, ce n'est pas la panacée, en premier lieu parce que, quelle que soit la solution technique retenue, la charge du devenir ultime des déchets pèsera sur les générations futures. Mais il me semble que l'on évacue un peu vite cette piste, en faisant mine de l'opposer au stockage, comme si tous les déchets nucléaires n'étaient pas d'abord entreposés, parfois pendant des décennies, avant d'être éventuellement stockés ; car certains seront peut-être même définitivement entreposés.

Je note d'ailleurs que, si les données scientifiques ne permettent pas pour l'heure d'envisager la fabrication de béton résistant au-delà de quatre-vingts ans, ce qui nécessitera des opérations de renouvellement, la Commission nationale du débat public, que vous avez sollicitée, pointe le fait que la seule piste compatible avec la reprise des colis, c'est l'entreposage. La Commission du débat public a étudié la solution d'un entreposage pérenne, comme l'a rappelé lors de son audition son président, Georges Mercadal, qui n'est pas homme, monsieur Sido, à adopter la politique de l'autruche.

Je veux évoquer une dernière dimension de ce problème.

Le comédien Claude Piéplu, récemment décédé, disait dans le dessin animé qui l'a rendu célèbre : « S'il n'y a pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème. » Je pense pour ma part que, s'il n'y a pas de solution, c'est peut-être parce que le problème est mal posé et que l'on n'examine pas plusieurs scénarios possibles, en l'occurrence en se penchant sur la question du devenir de l'ensemble des déchets et des matières nucléaires.

Cette préoccupation a émergé à plusieurs reprises dans les débats de la Commission particulière du débat public. En prenant en compte tous les déchets et toutes les matières nucléaires - le combustible usé, les matières séparées, les déchets ultimes -, on s'assure que les futurs choix énergétiques ne dépendront pas de l'endroit où l'on place le curseur entre déchets et matières radioactives supposées recyclables.

La dimension démocratique semble vous avoir totalement échappé. Pourtant, il me semble que le travail de la Commission du débat public doit être examiné de près, car elle a inventé les outils démocratiques qui permettent d'échapper au face-à-face stérile opposant les « pro » et les « anti » nucléaires.

Cette commission a élargi sa réflexion à l'ensemble des déchets et des matières nucléaires. Elle a formulé des propositions visant à organiser et à clarifier les rôles de chacun : par exemple, la création d'une autorité administrative indépendante chargée du contrôle de la sûreté. Elle a insisté sur la participation du public et le partage des connaissances. Elle a également proposé d'assouplir les règles de confidentialité, de légitimer et de financer les CLI, et enfin d'organiser des rendez-vous périodiques avec les citoyens.

Quelles sont les conclusions de la Commission du débat public ?

Après avoir imposé l'EPR à nos concitoyens, au mépris du débat public qui était en train de se dérouler, vous nous mettez une fois de plus devant le fait accompli, sans retenir la moindre idée parmi les recommandations et les conclusions du débat public sur les déchets nucléaires.

Pourtant, si l'évaluation du risque et la formulation des alternatives incombent aux experts, l'acceptation du risque revient au citoyen.

Or qu'a dit le citoyen ?

Premièrement, il a estimé que les choix technologiques à opérer étaient indissociables des choix énergétiques de la France. Si cela n'était pas pris en considération, nous pourrions nous retrouver dans la situation où le choix d'une gestion ambitieuse des déchets entraînerait une escalade de la production d'énergie d'origine nucléaire et, au final, engendrerait des quantités de plus en plus importantes de déchets ultimes et de matières radioactives à gérer. L'option de non-production des déchets est à examiner au même titre que celle qui voit dans l'électronucléaire la composante majeure du système énergétique français.

Deuxièmement, les recherches n'ont pas encore porté tous leurs fruits, qu'il s'agisse de la transmutation, du stockage ou du conditionnement des déchets pour une durée supérieure à cent ans. Les objectifs fixés par la loi Bataille n'étant pas encore atteints, il convient de n'entériner aucune décision avant l'heure.

Troisièmement, la question se pose de la place du citoyen dans le processus décisionnel. Il doit y avoir un véritable partage des connaissances, et non une confrontation entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.

Enfin, la Commission particulière du débat public insiste sur la réversibilité : celle des choix, avec la reprise des déchets stockés, mais aussi celle des décisions, avec le refus de s'engager dans une démarche linéaire d'enchaînement automatique de décisions gigognes soigneusement verrouillées.

Les citoyens restent réticents à l'égard du stockage profond, car ils ont l'impression que cette démarche relève d'un comportement un peu infantile, consistant à cacher ce qui déplaît en espérant s'en être débarrassé, mais aussi parce qu'ils ne sont pas dupes : ils pressentent que le concept d'irréversibilité est une commodité rhétorique utilisée pour leur faire accepter une solution éthiquement très contestable.

Enfin, ils éprouvent un grand trouble eu égard aux conditions dans lesquelles leur consentement et celui de leurs élus ont été obtenus. Certes, on peut ne pas employer de termes humiliants et éviter de dire que le consentement a été acheté. Mais il faut convenir que, dans ces zones parfois déshéritées, cet élément a été tout à fait déterminant dans le choix de certains.

S'agissant du détail du texte, je tiens à souligner qu'il n'y est à aucun moment question du principe de la réduction des déchets à la source. Non seulement cette formule n'est jamais utilisée, mais, dans l'article 4, un « notamment » a été astucieusement supprimé - au cas où ! -, afin de bien montrer que la réduction des déchets à la source n'a pas sa place dans ce projet de loi. Vous entérinez ainsi le principe du retraitement des déchets radioactifs et de l'abandon des déchets les plus dangereux au fond d'un trou.

Je souhaite ici m'interroger sur les effets pervers du choix qui a été opéré, de façon totalement antidémocratique et dans un contexte diplomatique et historique très différent, du « retraitement » - terme impropre puisque rien, en fait, n'est retraité - et de l'isolement du plutonium, dont la criticité, la toxicité et le potentiel proliférant ont été sous-estimés.

Ce choix a été mis en oeuvre pendant plusieurs dizaines d'années, à une époque où le plutonium, au moment de la guerre froide, pouvait être considéré comme une matière première pour le nucléaire militaire.

Aujourd'hui, on peine à utiliser le plutonium. Une filière mixte uranium-plutonium a été développée, mais elle pose à son tour des problèmes majeurs de gestion des déchets puisque ce MOX usé irradié doit lui-même, compte tenu de sa température, être entreposé pendant quatre-vingts à cent ans, avant de faire l'objet d'un stockage définitif.

Par ailleurs, vous revenez sur l'interdiction de stockage des déchets radioactifs étrangers, en procédant selon votre habitude, c'est-à-dire en disant tout et son contraire dans le même article, voire dans la même phrase.

Ainsi, dans l'article 5, vous réaffirmez une interdiction déjà en vigueur pour mieux la torpiller quelques lignes plus loin, en renvoyant la durée de stockage de ces déchets radioactifs étrangers à des accords internationaux bilatéraux, et ce au mépris de la transparence et du droit de regard de notre société sur les activités de la COGEMA, principes pourtant réaffirmés par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 décembre 2005.

Quels sont, en réalité, les intérêts des pays qui nous envoient leurs déchets et ceux de la COGEMA, censée les retraiter ? Ils sont parfaitement convergents : il s'agit, dans un cas, de se débarrasser de ces déchets pour une durée maximale et, dans l'autre, de les garder le plus longtemps possible, au nom de la rentabilité économique. Car tout se paie, et l'entreposage de déchets étrangers est facturé très cher par la COGEMA.

J'évoquerai enfin la manière scandaleuse dont est traité le problème de l'indemnisation des conséquences des accidents éventuels.

Je rappelle que la construction d'une installation classée ne peut être autorisée que si son exploitant justifie de garanties financières lui permettant de faire face aux conséquences éventuelles d'accidents nucléaires. Mais l'article 14 « parle » de lui-même : « Les exploitants d'installations nucléaires de base évaluent, de manière prudente, les charges du démantèlement de leurs installations ou, pour leurs installations de stockage de déchets radioactifs, leurs charges d'arrêt définitif, d'entretien et de surveillance. »

En abandonnant à l'exploitant, déjà dispensé d'assurer son installation, le soin de définir lui-même le montant des garanties financières, on écarte en réalité tout mécanisme d'assurance de l'industrie nucléaire.

Ma conclusion portera sur le lien que nous ne pouvons manquer d'établir entre ce texte et le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dont nous débattrons - pour la forme, si j'ai bien compris - demain ou après-demain.

En comparant ces deux textes, on voit émerger distinctement deux principes gouvernementaux : premièrement, l'abandon des pouvoirs régaliens de l'État sur la sûreté nucléaire, son abandon de la maîtrise des risques d'accidents nucléaires ainsi que de la conduite d'une politique de gestion des déchets, confiée aux exploitants et non plus au politique ; deuxièmement, l'abandon des principes de transparence, mais aussi l'abandon du respect du public, de sa liberté, ainsi que du respect dû aux assemblées parlementaires par la confiscation de principe et quasi systématique de l'étape de la deuxième lecture.

Monsieur le ministre, avez-vous donc aussi abandonné les principes démocratiques de base ?

Je suivrai ce débat avec intérêt, mais je doute de pouvoir approuver ce texte compte tenu de la nature des arguments qui ont d'ores et déjà été échangés lors de son examen à l'Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Charles Guené.

M. Charles Guené. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord exprimer, en tant que parlementaire d'un des départements concernés de très près, la Haute-Marne, la satisfaction que me procure, par sa qualité, le projet de loi qui nous est soumis.

Nous pouvons tous nous féliciter du délai que celui-ci nous accorde, résultat d'un constat lucide de la communauté scientifique et de la classe politique, mais aussi du dispositif national qui est mis en oeuvre pour toute la filière.

Indépendamment des modifications que pourront apporter les travaux de la commission des affaires économiques du Sénat, sous la houlette experte de notre collègue Henri Revol, je souhaiterais vous remercier, monsieur le ministre, du dialogue que vous avez su instaurer autour de ce texte majeur pour notre avenir et qui a déjà porté ses fruits lors de sa lecture à l'Assemblée nationale.

Mes excellents collègues s'étant consacrés aux aspects techniques et scientifiques du dossier, et la commission des lois n'étant pas saisie, j'ai pensé opportun d'intervenir plus particulièrement sur la dimension humaine et politique du projet de loi.

À travers l'ensemble des débats et entretiens qui se sont déroulés au cours des dernières années, deux constantes se font jour : la nécessité de fixer le cadre des décisions au regard des populations et le besoin impérieux de rendre crédible le projet de développement des territoires concernés.

Je m'attacherai tout d'abord au processus décisionnel.

Il est évident que nous sommes en face d'une problématique de dimension planétaire. Même si les approches sont parfois différentes, elles convergent toutes vers la recherche du consensus. Encore faut-il s'accorder sur la nature des décisions et sur les modalités des processus mis en place.

Aussi je crois utile de rappeler que les décisions en la matière sont au nombre de deux : d'abord, la décision relative à la nature de la solution de référence, tout particulièrement s'agissant de la pertinence du stockage géologique en profondeur, qui fait l'objet de l'article 7 bis, introduit à l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption de l'amendement de MM. Birraux et Chatel ; ensuite, la décision même de créer à un endroit donné un centre de stockage, dont le processus fait l'objet des dispositions de l'article 8 du projet de loi.

Nous nous situerons dans le contexte international pour mieux éclairer les choix actuels et ceux qu'ouvre le texte que nous examinons.

Les réponses internationales à ces questions sont variées. À l'exception de la Finlande, les nations n'ont pas cherché à lier ces deux questions et la plupart d'entre elles réservent au Parlement le choix de principe de la solution technique, laissant au niveau local le choix du site.

Sur le plan local, suivant les cultures, on cherche à sécuriser l'investissement public par des procédures référendaires, comme en Suisse, ou l'on s'en remet à des procédures plus empiriques et au fil de l'évolution, comme au Canada.

Pour être tout à fait exhaustif, disons également que l'idée d'un « paquet nucléaire », soutenue par l'Autriche et la France, a germé en Europe et que l'on s'achemine actuellement vers une directive-cadre préconisant des plans nationaux. Notre débat se situe donc résolument, au seuil de notre décision, dans un environnement national.

Le Gouvernement, et M. le ministre ne me démentira pas, entend avec nous laisser au Parlement la décision de principe quant au stockage profond. Je reste convaincu qu'il s'agit de la bonne solution. Il eût été néfaste, à mon sens, d'exiger un chèque en blanc de la part du Parlement, et je me réjouis que l'Assemblée nationale ait pu enrichir le texte d'un dispositif permettant à nouveau l'intervention de la représentation parlementaire, ce qui constitue un véritable prolongement des dispositions de la loi Bataille, et cela pour dix années.

Même si la formulation reste alambiquée, nous devons considérer que le processus démocratique est ainsi satisfait, puisque les conditions n'étaient pas réunies sur les plans techniques et scientifiques. Prenons toutefois ensemble la mesure du fait que, même si le principe est tranché, il s'agit d'un moratoire.

J'en viens maintenant au second point, c'est-à-dire au choix du site lui-même pour un stockage en profondeur, tout particulièrement au regard de la démocratie participative locale.

Comme mon excellent collègue et ami Bruno Sido l'a dit, la Haute-Marne et la Meuse sont actuellement « agitées » par la pétition en vue d'obtenir un référendum sur « la constitution d'un centre d'enfouissement à Bure ». L'examen du présent projet de loi est pour nous l'occasion de répondre à cette sollicitation en faisant le point du droit.

Nous avons vu que la décision de principe quant au choix du mode de stockage stricto sensu reste inscrite dans le processus institué par la loi Bataille et qu'il ne peut donc être question de transférer la décision à un référendum d'origine locale. On pourrait cependant s'interroger sur la possibilité de soumettre à une semblable procédure la décision concernant le choix du lieu de ce stockage.

Les nouvelles dispositions relatives à la démocratie participative comme la jurisprudence sont édifiantes à cet égard et fixent précisément le cadre d'une telle démarche.

Le droit de pétition visé au premier alinéa de l'article 72-1 de la Constitution doit se limiter à adresser un voeu à des autorités locales, libres de l'inscrire ou non à l'ordre du jour de leur assemblée. Cependant, les règles d'application sont strictes, et le texte du 18 mars 2003 a renforcé leur caractère impératif : il doit s'agir d'une question relevant de la compétence de la collectivité.

Ces conditions ne sont manifestement pas remplies aujourd'hui puisque les collectivités territoriales ne disposent ni du pouvoir de décider du stockage en couche profonde ni, a fortiori, de celui d'en choisir le lieu.

De la même manière, les collectivités territoriales ne peuvent de leur propre chef organiser un référendum dans les conditions de la loi organique, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 72-1, puisque le référendum ne peut porter que sur un projet de délibération relevant de leur compétence.

Par conséquent, pour l'heure, le juge administratif serait contraint d'annuler toute délibération dans ce sens, et toute inscription d'un tel projet à l'ordre du jour serait frappée d'illégalité. Nos débats de 2003 ont été sans ambiguïté à cet égard : notre République reste une démocratie représentative et n'a pas « versé » dans la démocratie directe.

Ces choses étant dites, il est important de mesurer l'apport du texte que nous nous apprêtons à voter.

Avec l'articulation proposée à l'article 7 bis, il y a statu quo et report de la forme de décision organisée par la loi Bataille ; le Parlement devra voter un nouveau projet de loi fixant les règles de réversibilité, ce qui conditionnera en réalité toute création d'un centre de stockage en profondeur.

En revanche, en ce qui concerne la localisation même du centre, laquelle relève du domaine réglementaire, il est prévu que la décision devra être précédée d'un avis des collectivités territoriales concernées.

À ce niveau, il s'agit d'une innovation. En effet, le juge administratif admet, selon la jurisprudence Saint-Michel-de-Maurienne - Conseil d'État, 1er mars 1996 -, que l'intérêt local subsiste lorsqu'il y a intervention de la collectivité, même si la décision finale échoit à une autre autorité.

On peut dès lors estimer qu'une pétition sera recevable, pour peu qu'elle soit bien formulée, et que l'inscription à l'ordre du jour pourra être demandée. Bien évidemment, les collectivités pourront également soumettre leur projet de délibération spontanément à référendum.

Il y a là une ouverture non négligeable, et, à titre personnel, je m'en réjouis car cette faculté vient enrichir le débat et le mode de gouvernance du dossier pour l'avenir.

Il convient de noter que cette hypothèse est reportée à dix ans, date à laquelle des paramètres nouveaux interviendront et permettront certainement de mieux appréhender les questions posées. Je veux parler de l'évolution des règles du débat démocratique et des usages en matière de démocratie participative, mais également de la pression accrue exercée par l'évolution du contexte en termes de ressources énergétiques ou d'environnement, tous éléments qui affecteront nécessairement la maturité citoyenne.

Je m'interroge toutefois sur la concurrence possible entre les recours concomitants de collectivités territoriales à l'utilisation du référendum, puisque, dans le cadre de l'article 72-1 de la Constitution, elles seront toutes compétentes ! Si je ne dépose pas d'amendement pour préciser la hiérarchie, c'est parce qu'il nous reste dix ans pour régler les modalités, et je pense, monsieur le ministre, que vous m'en saurez gré,...

M. François Loos, ministre délégué. Tout à fait !

M. Charles Guené. ...mais vous aurez la possibilité de vous prononcez sur la pertinence de procéder par décret, comme l'a dit Bruno Sido à l'instant.

Ma seconde préoccupation concerne le dispositif d'aménagement et de développement du territoire concerné par le laboratoire et le futur site de stockage.

Je crois pouvoir affirmer que l'ensemble des acteurs et des bons auteurs convergent sur ce point à l'échelle internationale : les sites retenus doivent devenir des lieux de haute technologie et induire, voire impulser la création d'autres activités.

L'accompagnement économique doit être au coeur de la démarche de tout projet de gestion des matières et déchets radioactifs. Il est le corollaire indissociable de l'approche démocratique du dossier.

À cet égard, je reconnais que le projet de loi qui nous est présenté est de qualité : le zonage et l'action du GIP ont été plus largement appréciés, les modalités du financement ont été fixées et de nouveaux amendements viendront utilement compléter le dispositif.

Le volet « stockage des déchets » est en passe de cesser d'être le talon d'Achille de la filière. Le stockage a été hissé au rang des installations de base et bénéficiera désormais de taxes nouvelles, d'un niveau satisfaisant. L'Assemblée nationale a apporté sa pierre à l'édifice, et j'en remercie nos collègues députés Luc Chatel et François Cornut-Gentille.

Si nous avons besoin de temps pour convaincre sur le plan scientifique, où des évolutions sont attendues, et si le consensus politique repose sur des arguments subjectifs, la réalité sur le terrain est, quant à elle, très palpable et sera jugée à l'aune des réalités matérielles.

Aussi, le délai qui nous est consenti par ce texte vient à point nommé, car il laisse dix années supplémentaires aux GIP et aux acteurs de la filière comme à l'État pour constituer un partenariat tangible et concret avec le territoire. En dépendront la légitimité du projet et son assise locale.

La réussite de cet accompagnement est un élément clé sur les plans sociologique et politique, car, plus que la manne financière, les habitants de Meuse et de Haute-Marne attendent des créations d'entreprises et des emplois. S'il est difficile dans ce texte d'en fixer les termes précis, puisque les décisions revêtent un caractère réglementaire, je crois qu'il faut donner à la population locale des signes forts qui dépassent le cadre des bonnes intentions.

Le 6 mars 2006, le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires lançait un appel national pour la recherche d'un site pour la création du pôle de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. J'ai, bien sûr, attiré immédiatement l'attention du Premier ministre et la vôtre, monsieur le ministre, sur l'opportunité de localiser un tel équipement sur l'aire du laboratoire actuel. Vous avez eu l'amabilité de signaler la pertinence d'une telle localisation à Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, et je vous en remercie. Admettez cependant que les Hauts-Marnais et les Meusiens ne comprennent pas qu'on ne mette pas tout en oeuvre pour que des équipements aussi prédestinés que celui-ci ne soient pas dirigés vers la zone concernée.

Je vous proposerai donc, monsieur le ministre, une modification de nature à rendre offensive la politique de développement, en initialisant véritablement un partenariat. Il est capital que nous parvenions ensemble à créer une masse critique susceptible de faire décoller le volet économique.

Nous avons peu mis à profit les quinze premières années. Qu'il nous en soit proposé dix autres est une aubaine, mais cela constitue aussi un risque. Si je ne mésestime pas le potentiel de la filière, notamment avec les perspectives de la biomasse, j'affirme que l'État doit, lui aussi, donner le « coup de pouce » nécessaire. Il s'agit d'un défi national en même temps que d'une responsabilité nationale, et je souhaite que vous réserviez toute votre attention à l'amendement que je proposerai dans ce sens.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour avoir insisté sur les deux pivots de la démarche que sont la validation politique et l'accompagnement économique du territoire, j'espère avoir démontré qu'ils sont intimement liés et qu'ils sont le complément indispensable du dossier scientifique.

Nous évoluons en effet dans un domaine où l'absolu n'est pas de mise. Dès lors, si nous faisons avec ce projet de loi le choix de la sagesse en « laissant du temps au temps » afin de saisir de nouvelles opportunités scientifiques, sachons que ce délai peut jouer contre nous si nous ne marquons pas tous les points qui sont à notre portée sur le volet territorial. C'est là que se trouve le ferment du contrat de confiance global. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par remercier M. le rapporteur de la qualité du travail que, avec la commission des affaires économiques, il a accompli sur ce projet de loi et de la présentation qu'il en a faite.

Je vais maintenant tenter de répondre de manière aussi exhaustive que possible aux diverses observations qui ont été formulées.

Je sais gré à Aymeri de Montesquiou d'avoir bien mis en perspective nos choix avec ceux que font les Allemands, les Finlandais, les Suédois ou les Japonais. De nombreux pays sont en effet confrontés aux mêmes problèmes, qu'ils aient ou non décidé de continuer à utiliser de l'énergie nucléaire pour produire de l'électricité.

Madame Didier, c'est parce que nous souhaitons, comme vous, qu'il y ait le temps nécessaire pour que les décisions soient prises sans précipitation que nous avons arrêté, dans ce texte, un calendrier, à mes yeux tout à fait raisonnable. C'est ainsi que nous avons fait valider par la Commission nationale d'évaluation la date de 2015.

Vous avez insisté sur l'importance de l'axe 1, c'est-à-dire la séparation-transmutation. Peut-être ne la savez-vous pas mais, pour que la recherche sur ce sujet soit menée à bien, nous avons déjà décidé d'augmenter de 30 % sur quatre ans les crédits du CEA. Ce n'est évidemment pas par hasard : il s'agit d'assurer la cohérence des décisions que nous prenons.

Vous avez également souligné votre refus de voir l'État transférer la propriété des déchets. Eh bien le texte que nous présentons va exactement dans ce sens. C'est une responsabilité qu'il faut laisser au niveau des exploitants, mais de manière très encadrée, ce à quoi le texte pourvoit. Nous y reviendrons sans doute abondamment au cours du débat.

M. Biwer s'est soucié de l'implication du Parlement. C'est un débat que nous avons déjà eu à l'Assemblée nationale. Je vous l'ai dit d'emblée, je souhaite que le rendez-vous parlementaire existe, rejoignant en cela la préoccupation de M. Guené. Il est clair que c'est à l'échelon national que nous prenons une responsabilité. Il ne s'agit pas ici d'une question de jurisprudence : c'est le Parlement qui fait la loi, et cette loi sera l'instrument de l'action.

M. Biwer a, bien entendu, insisté sur tous les enjeux locaux. Il a raison de considérer que, au-delà des questions d'argent, ce sont surtout les enjeux en termes d'emplois et de projets économiques qu'il importe de traiter. Il faut que la rédaction finale de la loi traduise cette orientation et suscite la confiance.

Il ne suffit pas d'affirmer dans la loi que l'on veut réussir des projets économiques et industriels, il ne suffit pas de claquer des doigts pour que ça marche ! Dans la loi, il faut écrire ce qui est de l'ordre de la loi, et, d'un autre côté, mener les actions nécessaires. C'est ce que nous faisons avec le Haut comité de Bure. J'ai tenu à ce qu'il soit créé par le Premier ministre : c'est chose faite depuis juillet 2005. Nous allons prochainement le réunir de nouveau.

Cette force de conviction que nous exprimons auprès des opérateurs, EDF, Areva et CEA, porte ses fruits. Elle a aussi permis que soit décidée l'implantation à Bar-le-Duc d'une usine de trituration et de fabrication des biocarburants. Ces décisions qu'il est difficile d'inscrire dans un texte de loi sont néanmoins révélatrices de l'orientation sur laquelle nous travaillons.

M. Piras m'a interrogé sur notre action concernant les énergies renouvelables. Je rappelle qu'en 2005 l'effort public en faveur de celles-ci et pour les économies d'énergie a représenté plus de un milliard d'euros : 450 millions d'euros au titre des crédits d'impôt pour les économies d'énergie dans le logement, 200 millions d'euros au titre de la défiscalisation des biocarburants, 200 millions d'euros pour l'électricité renouvelable et 120 millions d'euros pour la recherche menée au CEA, à l'ADEME ou à travers l'ANR. Nous sommes donc extrêmement actifs à l'égard de toutes les possibilités que sont susceptibles d'offrir les énergies renouvelables.

Vous m'avez aussi, monsieur le sénateur, interrogé sur l'urgence. Il convient en effet, sur un texte qui nous engage pour aussi longtemps et concernant un dossier aussi essentiel, d'avoir un débat de qualité. C'est la raison pour laquelle je ne vois pas pourquoi nous devrions faire usage de l'urgence.

Bien entendu, j'espère que ce texte sera effectivement voté et que nous pourrons aller tous ensemble jusqu'au bout du chemin. Certes, après avoir entendu Mme Voynet, je n'imagine guère que ce texte puisse être consensuel ! (Sourires.) Cela étant, ainsi que M. le rapporteur le disait fort justement, eu égard à l'enjeu, nous avons intérêt à mener un débat aussi approfondi que possible pour obtenir les décisions les plus consensuelles possibles.

Il ne s'agit pas de forcer sa nature, mais ma volonté est claire : toute question qui mérite d'être débattue le sera. Il ne saurait ici y avoir d'impasse. Il ne faut pas retomber dans certains travers qui avaient cours voilà trente ans. Nous avons une position responsable, celle de faire des choix qui nous engagent, et c'est avec cette façon de travailler que je vous invite à poursuivre nos échanges.

S'agissant de la comparaison entre les déchets radioactifs et les déchets toxiques en général, on insiste sur la longue durée des premiers. Mais il ne faut pas se voiler la face : les déchets toxiques ont une durée de vie infinie !

Des déchets toxiques, la France en produit 100 kilos par an et par habitant, mais des déchets radioactifs, elle en produit 5 grammes par an et par habitant. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas important. C'est même si important qu'on y consacre une loi, ainsi que des moyens et de la conviction. Mais il n'y a pas que les déchets radioactifs : il y en a aussi d'autres qui doivent être traités.

La durée de vie des sites d'entreposage constitue une vraie question. Aujourd'hui, cette durée de vie est de 100 ans. C'est ce qui ressort de l'expérience que nous avons des bétons. Rappelons qu'il s'agit tout de même de déchets radioactifs. On le sait, la demi-vie du plutonium, c'est 24 000 ans ! Il faut 300 000 ans pour arriver à seulement 10 % de radioactivité. Autrement dit, nous avons affaire à des déchets qui conservent une dangerosité bien au-delà des 100 ou 200 ans des entreposages que nous connaissons. Ce sujet, il faut l'aborder sans tabou.

Gérard Longuet a parfaitement situé le sujet, en soulignant toute la gravité de la responsabilité que nous avons à prendre, compte tenu de cette échelle de temps.

Il est important de fixer les futurs rendez-vous parlementaires, qui permettront de traiter précisément de ces questions.

Il faut également être le plus clair possible sur le point qu'a évoqué M. Biwer : comment, sur le plan local, les GIP fonctionnent et comment on inscrit dans la réalité l'objectif que nous visons à travers un texte de loi qui n'est jamais qu'un texte.

Il ne doit pas y avoir d'attitude ambiguë et il n'est pas question de laisser un territoire en marge. Au contraire, cette activité nouvelle qui peut arriver sur un territoire de stockage doit, dès maintenant, être porteuse de croissance et d'emplois.

M. Christian Gaudin a insisté sur le rôle de la transmutation et sur son lien avec le projet de création d'un générateur de quatrième génération. Une centrale nucléaire de ce type a vocation à consommer plus de déchets. La séparation-transmutation, c'est la séparation des déchets nucléaires, donc une séparation chimique et physique, certains de ces déchets pouvant être consommés par un réacteur. L'association de la séparation-transmutation et du générateur de quatrième génération permet de réduire aussi substantiellement que possible les déchets et leur activité. Nous y travaillons et, comme je le disais à Mme Didier, nous avons d'ores et déjà apporté des crédits supplémentaires au CEA au titre de ce programme.

Nous travaillons aussi en concertation avec les États-unis, le Japon et la Russie sur ces questions : le réacteur de quatrième génération est en fait un programme international auquel nous participons. La décision de créer une centrale pour 2020, fût-ce un prototype, est un coup d'accélérateur par rapport au programme international qui ne visait pas a priori cette date de 2020.

M. Sutour a évoqué le financement du démantèlement et de la gestion des déchets. Nous aurons l'occasion d'y revenir longuement au cours du débat, mais, à ce stade, je dirai simplement que notre choix s'explique par des raisons tout à fait objectives et non par des raisons idéologiques qui voudraient que l'on ait plus confiance dans les entreprises que dans l'État.

Sur ces questions de financement, je répondrai aussi bien à M. Sutour qu'à MM. Teston et Bizet que l'évaluation du démantèlement qui est réalisée aujourd'hui s'inspire des recommandations formulées par la Cour des comptes.

Certains mettent en cause le fait de confier aux entreprises les fonds grâce auxquels elles vont démanteler et gérer les déchets, au lieu de les confier à un établissement public ou à l'État. Mais on n'est absolument pas sûr que les montants resteront constants dans le temps. Au fur et à mesure que les démantèlements vont se faire, au fur et à mesure que la gestion des déchets prendra corps, au fur et à mesure que les études avanceront, on constatera que les montants en jeu évoluent. C'est probablement ce que remarquera d'emblée un auditeur d'EDF, qui demandera de constituer des provisions par rapport à un coût supplémentaire généré plus tard.

Par conséquent, en sortant ces fonds des entreprises, on se retrouverait, en fait, avec des fonds à l'extérieur tout en gardant des provisions à l'intérieur. En d'autres termes, la gestion de ces fonds serait deux fois plus compliquée, deux fois plus lourde, entraînant une déresponsabilisation qui n'est absolument pas souhaitable compte tenu de l'enjeu et de la technicité de ces programmes.

Notre choix des fonds internes, assorti d'un encadrement très serré, fait d'ailleurs suite à l'observation de la situation que connaît actuellement la Suède, où se posent différents problèmes liés aux normes comptables internationales que chacun se doit d'appliquer.

Monsieur Sido, vous avez, en des termes remarquables, mis l'accent sur tous les enjeux de ce dossier, qui engage non seulement les générations présentes vis-à-vis des générations futures, mais aussi l'ensemble des Français vis-à-vis des populations meusiennes et haut-marnaises.

Vous avez su montrer le besoin de consultation, tout en faisant état des limites des référendums et des enquêtes publiques. Souscrivant pleinement à vos propos, je serai favorable à l'amendement que vous avez déposé à cet égard.

Vous avez également souligné l'importance de l'accompagnement économique et proposé une hausse effective, mais raisonnable, que je ne saurais sans doute refuser.

Cela étant dit, je suis, comme vous, convaincu que la question principale est non pas « combien d'argent ? », mais « pour quoi faire ? » C'est la raison pour laquelle je poursuis l'action engagée par mon prédécesseur, à votre demande, en mobilisant le Comité de haut niveau.

De l'intervention de Mme Voynet, j'ai surtout cru devoir retenir que rien ne trouvait grâce à ses yeux. Toutefois, après l'avoir écoutée très attentivement, je me suis aperçu que nous étions tout de même d'accord sur deux ou trois points.

Ainsi souhaite-t-elle que des études supplémentaires soient réalisées. Or cela est d'ores et déjà prévu dans le présent projet de loi. En outre, elle affirme qu'il convient de confronter tous les points de vue, ce que nous n'avons pas manqué de faire en essayant de les prendre en compte de la façon la plus objective possible.

Ne rien décider tout de suite ? Il faut tout de même décider de décider bientôt, sous réserve que certaines conditions soient remplies : c'est sur cette base qu'est construit ce texte.

En conséquence, je suis tout à fait ouvert à un dialogue avec Mme Voynet, si elle le souhaite, même si je ne partage pas du tout ses a priori. En la matière, nous tenons à nous montrer prudents. Cependant, au regard des engagements que nous prenons dans ce projet de loi, on ne peut pas dire que nous cherchons à faire prendre des risques à qui que ce soit.

Enfin, je tiens à remercier M. Guené d'avoir mis en avant la dimension humaine du sujet, tout en insistant sur les perspectives internationales.

Bien entendu, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aurai à coeur de revenir, dans la discussion des articles, sur les points à propos desquels je n'ai pu apporter les éclaircissements souhaités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des articles.

TITRE IER

POLITIQUE NATIONALE POUR LA GESTION DES MATIÈRES ET DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Article additionnel avant l'article 1er A

M. le président. L'amendement n° 76 rectifié présenté par MM. Piras,  Raoul,  Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans l'intitulé de ce titre, après le mot :

gestion

insérer le mot :

durable

La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le président, mon explication vaudra également pour l'amendement n° 77 rectifié.

Il s'agit ici de mettre le titre Ier du projet de loi en cohérence avec les modifications apportées par l'Assemblée nationale, sur l'initiative de M. Claude Birraux.

Celui-ci a en effet proposé d'ajouter dans l'intitulé du projet de loi, après le mot « gestion », l'adjectif « durable », de manière à inscrire le projet de loi dans la continuité des propositions formulées par Christian Bataille et par lui-même. Cette modification s'inspirait du titre de leur rapport réalisé au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : « Pour s'inscrire dans la durée : une loi en 2006 sur la gestion durable des déchets radioactifs ».

Une telle rédaction souligne par ailleurs la nécessité de prendre en compte le long terme. En effet, l'inscription de la gestion des déchets dans la durée a été l'une des lignes directrices du débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale.

Au-delà de cette préoccupation, il s'agit de replacer la politique de gestion des déchets dans le cadre du développement durable, qui a été défini en 1987 comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Or l'objet de ce projet de loi est précisément d'épargner aux générations futures le règlement du problème des déchets nucléaires et le poids de charges indues.

De ce point de vue, la question du mode de financement de la gestion des déchets est essentielle. Elle mérite que nous y réfléchissions si nous ne voulons pas faire courir un risque aux générations futures.

Il est nécessaire de mettre au point un dispositif plus adapté, qui sécurise les fonds constitués par les contributions des exploitants, afin d'assurer le financement du démantèlement des centrales ; nous aurons l'occasion d'y revenir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Monsieur Piras, le texte que vous proposez va dans le même sens que l'amendement n° 1 de la commission. Pour ouvrir le feu, j'émets donc un avis favorable ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Pour ma part, je n'ouvre pas le feu, mais j'émets également un avis favorable. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'intitulé du titre Ier est ainsi modifié.

Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

Intitulé du titre Ier
Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Article 1er A

Article additionnel avant l'article 1er A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1 est présenté par M. Revol, au nom de la commission.

L'amendement n° 77 rectifié est présenté par MM. Piras,  Raoul et  Teston, Mme Demontès et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'intitulé du chapitre II du titre IV du livre V du code de l'environnement est ainsi rédigé : « Dispositions particulières à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs ».

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement est motivé par un souci d'organisation logique du projet de loi.

Il tend à placer l'actuel article 2 au début texte et à préciser dans le code de l'environnement que la gestion des matières et des déchets radioactifs doit être durable, conformément à l'intitulé du projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 77 rectifié a déjà été défendu.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements, qui sont conformes à l'esprit du projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 77 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er A.

Je constate que ces amendements ont été adoptés à l'unanimité des présents.

Article additionnel avant l'article 1er A
Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Article additionnel avant l'article 1er

Article 1er A

L'article L. 542-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« Art. L. 542-1. - La gestion des matières et des déchets radioactifs de toute nature, résultant notamment de l'exploitation ou du démantèlement d'installations utilisant des sources ou des matières radioactives, est assurée dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sécurité, de la nature et de l'environnement.

« La recherche et la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la mise en sécurité définitive des déchets radioactifs sont entreprises afin d'éviter qu'un fardeau indu ne soit imposé aux générations futures. »

M. le président. L'amendement n° 124 rectifié, présenté par MM. Longuet et  Biwer, est ainsi libellé :

Au début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 542-1 du code de l'environnement après les mots : 

La gestion 

insérer le mot :

durable

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Cet amendement s'inscrit dans la même logique que les amendements adoptés jusqu'à présent. Certes, il est largement satisfait, mais il n'y a pas, me semble-t-il, d'inconvénient à apporter de nouveau cette précision.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

L'amendement n° 2, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 542-1 du code de l'environnement, supprimer les mots :

, de la nature

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. En effet, les expressions « de la nature » et « de l'environnement » sont redondantes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

L'amendement n° 56, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le début du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 542-1 du code de l'environnement :

La réduction à la source des déchets radioactifs, la recherche ...

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Cet amendement tend à mentionner la réduction à la source des déchets comme un moyen fiable et efficace de réduire le volume et le potentiel radioactif de ces derniers ; autant l'affirmer explicitement dans l'article 1er A du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Madame Voynet, cet amendement ne me semble pas nécessaire, essentiellement pour deux raisons.

D'une part, l'article 2 du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire prévoit déjà que le principe d'action préventive énoncé à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique s'applique à toutes les activités nucléaires.

D'autre part, la nécessaire réduction de la toxicité des déchets grâce à un ensemble de moyens diversifiés, et pas seulement par le traitement des résidus, fait l'objet d'un amendement n° 62, dont vous êtes vous-même le premier signataire, madame Voynet. Or la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur cet amendement n° 62, qui laisse ouvertes toutes les options permettant de réduire la dangerosité des déchets nucléaires.

Aussi l'amendement n° 56 me semble-t-il en grande partie satisfait. Pour le reste, je ne crois pas nécessaire d'ouvrir ici et maintenant le débat sur la différence entre la réduction « à la source » et la réduction « de la source » des déchets, c'est-à-dire sur la question du maintien d'une capacité de production d'énergie nucléaire en France.

La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 56.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. J'entends bien les arguments avancés par M. le rapporteur. Toutefois, il me semble qu'il aurait été tout à fait pertinent de signaler, dans l'exergue de ce texte, que la gestion des déchets nucléaires pouvait s'accompagner d'une action préventive relative à la réduction à la source.

Pour autant, je ne suis pas certain de partager la position de ma collègue Dominique Voynet. En effet, dans mon esprit, la réduction à la source implique le lancement d'une quatrième génération de centrales nucléaires, et je crois qu'en démantelant le réacteur Superphénix nous avons perdu une occasion de limiter la quantité des déchets produits. Ma conception de la réduction à la source pourrait donc bien être différente de celle de Dominique Voynet.

Ceci étant, même si je ne partage pas les objectifs de son auteur, je suis très favorable à cet amendement. Dans l'intérêt des générations futures, nous devons toujours garder en tête qu'il est utile de réduire à la source les matières radioactives, ce qui suppose, notamment, le lancement d'une quatrième génération de centrales nucléaires et la transmutation des déchets.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après les mots :

entreprises afin

rédiger comme suit la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 542-1 du code de l'environnement :

de prévenir ou de limiter les charges qui seront supportées par les générations futures.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.

M. le président. Le sous-amendement n° 160, présenté par MM. Piras, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n° 3, remplacer le mot :

ou

par le mot :

et

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Il importe, à nos yeux, de faire porter simultanément nos efforts dans deux directions différentes. Autrement dit, il s'agit non pas seulement de prévenir les charges qui seront supportées par les générations futures, mais aussi de les limiter, ce qui pourrait inclure l'objectif de réduction des déchets que notre collègue Dominique Voynet vient d'évoquer.

Par conséquent, puisqu'il faut agir sur les deux axes, nous préférerions très nettement l'emploi du « et » à la place du « ou » dans le texte de l'amendement n° 160.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 160 ?

M. Henri Revol, rapporteur. La commission n'a pas pu examiner ce sous-amendement rédactionnel, qui vient d'être déposé. A priori, il me semble aller dans la bonne direction, mais je souhaiterais tout de même connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 3, mais défavorable au sous-amendement n° 160, car il ne semble guère possible de prévenir et de limiter dans tous les cas les charges en question.

M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 160 ?

M. Henri Revol, rapporteur. La commission se rallie à l'avis défavorable du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 160.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 542-1 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Les producteurs de combustibles usés et de déchets radioactifs sont responsables de ces substances, sans préjudice de la responsabilité de leurs détenteurs en tant que responsables d'activités nucléaires. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement vise à élargir la portée du principe de responsabilité des pollueurs et des détenteurs de déchets radioactifs et de combustibles usés. En effet, dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale, ce principe ne s'applique qu'à la préparation du plan national de gestion des déchets. Il est donc proposé de l'étendre à l'ensemble de la gestion des déchets radioactifs et des combustibles usés.

Il ne saurait en effet y avoir à l'avenir de déchets radioactifs dits « orphelins », comme nous en avons aujourd'hui. Nous en reparlerons d'ailleurs à l'occasion de l'examen des amendements que je défendrai à l'article 10.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement. L'énoncé de ce principe de responsabilité au début du texte permet en effet d'apporter une clarification bienvenue.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A, modifié.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A
Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Article 1er

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 99 rectifié, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mmes Voynet, Demontès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour étudier des alternatives possibles au stockage en couche géologique profonde, les recherches sur la faisabilité d'un entreposage à long terme, en surface ou en faible profondeur, renouvelé et surveillé, sont poursuivies. Elles se traduisent notamment par la décision de construire une installation pilote de ce type d'entreposage réversible de longue période.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Il y a eu nombre de discussions autour de la question du stockage géologique en profondeur. Le débat a notamment porté sur l'absence de choix réel quant au site, puisqu'il n'a été créé qu'un seul laboratoire de recherche, et sur les conditions de la réversibilité du centre de stockage. En tout cas, la discussion à l'Assemblée nationale aura permis d'avancer et d'améliorer quelque peu le présent projet de loi.

Il ne faudrait pas, pour autant, évacuer d'un revers de main l'hypothèse d'un entreposage de longue durée à faible profondeur.

Comme l'a d'ailleurs souligné dans ses conclusions la Commission nationale du débat public, la CNDP, il est nécessaire de rétablir une parité entre les deux solutions possibles, à savoir, d'un côté, le stockage géologique et, de l'autre, l'entreposage de longue durée. Selon cette commission, l'entreposage a bénéficié de réels progrès, notamment en ce qui concerne les colis d'entreposage. Nous savons aujourd'hui reprendre les colis défectueux et passer ainsi de la longue durée à la pérennité. Au final, l'entreposage permet de profiter de tous les progrès, d'aujourd'hui et de demain, et, partant, de réduire plus encore la nocivité des déchets.

C'est dans ce cadre précis, monsieur le ministre, que la notion de réversibilité prend tout son sens et n'apparaît plus comme un simple alibi. Nous ne pouvons donc ignorer les conclusions du débat public et éliminer la possibilité d'étudier la solution d'un entreposage de longue durée, en surface et, par définition, réversible.

Par ailleurs, certains experts considèrent que la décision de construire une installation pilote d'entreposage de longue durée en subsurface s'impose pour pouvoir disposer d'une réelle possibilité de choix dans dix ou quinze ans. Comme le souligne le président de la CNDP, le choix est éthique : il faut donc laisser à la société le temps de le mûrir.

Nous devons aussi tenir compte du fait qu'un entreposage à long terme, surveillé et renouvelé, a acquis auprès des populations une meilleure acceptabilité que la solution du stockage géologique en profondeur. Cette piste ne doit donc pas être négligée, surtout si nous souhaitons que nos populations retrouvent une part de confiance dans le nucléaire, lequel, nous le savons tous, est aujourd'hui incontournable dans la conjoncture actuelle.

Il s'agit de laisser le choix ouvert, en poursuivant les études sur l'entreposage de longue durée, en surface ou en faible profondeur, surveillé et renouvelé. Nous pensons qu'une installation pilote de ce type d'entreposage devrait être envisagée. La construction d'un entreposage expérimental sur un site à définir permettrait, à terme, d'opérer, dans des conditions équitables, un vrai choix entre entreposage et stockage.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Mon cher collègue, votre idée, reprise des conclusions de la Commission nationale du débat public, pose un problème de définition et appelle deux remarques.

D'une part, cette proposition n'est pas cohérente avec les définitions de l'entreposage et du stockage données au niveau international et reprises dans le présent projet de loi.

En effet, comme nous aurons l'occasion d'ailleurs de le redire tout à l'heure, le stockage présente un caractère potentiellement définitif. Ainsi, les installations de stockage doivent pouvoir perdurer jusqu'à la fin de la période de toxicité des déchets. Tel n'est pas le cas de l'entreposage, fût-il de longue durée. Puisque ce dernier peut durer cinquante ou cent ans, il constitue une solution définitive pour des déchets à vie courte, mais il ne saurait être envisagé pour les déchets qui représentent l'essentiel du problème, c'est-à-dire les déchets à haute activité et à vie longue, lesquels restent dangereux pendant plusieurs dizaines de milliers d'années.

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne partage pas votre idée selon laquelle l'entreposage peut être une alternative au stockage.

D'autre part, il est néanmoins tout à fait envisageable d'examiner la faisabilité d'un stockage en surface ou à faible profondeur. Pour autant, en 1991, le gouvernement Rocard a fait le choix, que nous avons d'ailleurs soutenu, de privilégier le stockage en couche géologique profonde, qui, sur des durées pouvant aller jusqu'à plus de 100 000 ans, augmente fortement les garanties de sûreté par rapport à une installation de surface ou de faible profondeur. De nombreux pays dans le monde ont fait de même. Au vu des résultats, une telle option doit, me semble-t-il, continuer à être privilégiée.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 99 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à mettre en parallèle le stockage et l'entreposage alors qu'il s'agit de deux des trois axes sur lesquels nous travaillons. Il est en effet dans notre intérêt de continuer à progresser sur chacun d'entre eux, et c'est bien ce que nous avons prévu dans le texte.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Mme Dominique Voynet. Il s'agit en effet d'un problème de définition. Néanmoins, tout en étudiant les avantages et inconvénients de chacune des trois grandes solutions, nous devrions convenir qu'elles peuvent et doivent être combinées.

Ainsi, la différence entre le stockage et l'entreposage n'est pas seulement liée au caractère définitif de l'enfouissement des déchets sur un site ou au degré de profondeur retenu. Apparemment, pour le stockage, on fait d'abord confiance à la barrière géologique, ce qui conduit d'ailleurs à relativiser l'exigence de réversibilité, alors que, pour l'entreposage, on fait d'abord confiance au « conteneurage ».

Il ne s'agit donc pas, monsieur le ministre, de mettre en parallèle deux des trois axes. La solution préconisée par la Commission nationale du débat public s'apparente simplement à une variante de l'un ou de deux de ces trois axes. L'entreposage pérenne présente à la fois l'avantage de rendre possible à tout moment une récupération des déchets, et celui de nous permettre, comme le stockage, de nous projeter dans la durée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

Pour assurer, dans le respect des principes énoncés à l'article L. 542-1 du code de l'environnement, la gestion des déchets radioactifs à vie longue de haute ou de moyenne activité, les recherches et études relatives à ces déchets sont poursuivies selon les trois axes complémentaires suivants :

1° La séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Les études et recherches correspondantes sont conduites en relation avec celles menées sur les nouvelles générations de réacteurs nucléaires mentionnés à l'article 5 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique ainsi que sur les réacteurs pilotés par accélérateur dédiés à la transmutation des déchets, afin de disposer, en 2012, d'une évaluation des perspectives industrielles de ces filières et de mettre en exploitation un prototype d'installation avant le 31 décembre 2020 ;

2° Le stockage réversible en couche géologique profonde. Les études et recherches correspondantes sont conduites en vue de choisir un site et de concevoir un centre de stockage de sorte que, au vu des résultats des études conduites, la demande de son autorisation prévue à l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement puisse être instruite en 2015 et, sous réserve de cette autorisation, le centre mis en exploitation en 2025 ;

3° L'entreposage. Les études et les recherches correspondantes sont conduites en vue, au plus tard en 2015, de créer de nouvelles installations d'entreposage ou de modifier des installations existantes, pour répondre aux besoins, notamment en termes de capacité et de durée, recensés par le plan prévu à l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement.

M. le président. L'amendement n° 57, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

A la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa (1°) de cet article, supprimer les mots :

et de mettre en exploitation un prototype d'installation avant le 31 décembre 2020

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Par cet amendement, il s'agit de prendre acte de la volonté de poursuivre les recherches sur la transmutation. À cette fin, il convient de modifier la rédaction actuelle du texte, qui entretient une confusion entre, d'une part, la volonté d'évaluer les résultats des recherches en 2012, et, d'autre part, la volonté de préempter le résultat de ces recherches en prévoyant la mise en exploitation d'un prototype d'installation avant le 31 décembre 2020.

À mon avis, les recherches sur la transmutation ne sont pas suffisamment avancées pour pouvoir inscrire dans la loi une telle mise en exploitation dans ce délai. Si nous avons avancé de manière satisfaisante sur les procédés opérationnels pour le neptunium, l'américium et le curium, nous sommes loin de pouvoir prétendre qu'une montée en puissance d'une telle piste de recherche permettrait effectivement l'installation d'un prototype en 2020. En d'autres termes, si l'évaluation dont nous disposerons en 2012 devait se conclure par une vision assez critique des résultats des recherches, nous ne devrions pas être obligés d'engager la réalisation d'un prototype pour 2020.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Nous ne pouvons que nous féliciter de voir que, sur tous les bancs de notre assemblée, on se préoccupe des réacteurs de quatrième génération. Néanmoins, la date de 2020, retenue pour la mise en oeuvre d'un prototype, correspond à une stratégie volontariste, qui, annoncée en janvier dernier par le Président de la République, s'inscrit dans le cadre actuel de la coopération internationale sur les réacteurs de quatrième génération.

Cet objectif, qui a déjà été intégré par le Commissariat à l'énergie atomique chargé des recherches, mobilise de manière ambitieuse l'ensemble des acteurs de façon à faire de la France le pays précurseur en la matière. Il va de soi que ces réacteurs seront d'ailleurs en même temps producteurs d'énergie.

Il est donc tout à fait logique et même nécessaire que la présente loi reprenne cet objectif 2020, auquel nous pouvons croire. Aussi, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Il faut être tout à fait pragmatique. Un prototype pour 2020 nécessite un certain nombre de recherches. Si nous ne nous fixons pas un horizon, nous aurons du mal à calibrer notre effort dans ce sens.

En outre, si des problèmes budgétaires se posent, il sera toujours possible d'allonger le délai.

Aujourd'hui, fixer un objectif, c'est se donner en amont les moyens de faire les recherches nécessaires pour l'atteindre.

Enfin, si le dossier du prototype n'était pas convaincant au moment de prendre la décision, il ne serait pas question de le construire.

Il est donc important de se fixer un objectif dans l'organisation pratique de la recherche. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n °58, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa (1°) de cet article pour une phrase ainsi rédigée :

Le retraitement des combustibles irradiés est suspendu dans l'attente des résultats éventuels des recherches sur la séparation-transmutation ; 

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Nous convenons d'appeler « retraitement » des combustibles irradiés le travail d'isolation des différentes catégories de radionucléides.

Aujourd'hui, on sait à peu près isoler le plutonium de l'uranium de retraitement dans des quantités d'ailleurs considérables : ce sont pratiquement 250 000 tonnes qui sont entreposées à Pierrelatte et à Bessines.

Cela étant, personne ne peut exactement dire quel sera l'avenir de la séparation-transmutation, notamment parce qu'il est probable, en dépit des récentes affirmations de M. Revol, que cette technologie sera consommatrice de très grandes quantités d'énergie tant pour la séparation des radio-éléments que pour l'accélération des particules.

Il me semble curieux de continuer à isoler le plutonium, les actinides mineurs, les produits de fission, de l'uranium de retraitement sans savoir si le travail de transmutation sera possible.

Cela est d'autant plus préoccupant que ce retraitement produit à son tour des volumes considérables de déchets qui ne sont évidemment pas tous des déchets à haute activité et à vie longue, mais qui rendent encore plus complexe et plus coûteuse la stratégie de leur gestion.

C'est pourquoi il me semble indispensable de suspendre le retraitement dans l'attente des résultats des recherches sur la séparation-transmutation, qui, si j'ai bien compris, devraient être présentés en 2012.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Comme je l'ai dit pour les amendements précédents, l'objectif recherché doit être de réduire la toxicité et le volume des déchets par tous les moyens. Si nous espérons disposer demain de la séparation et de la transmutation, elles ne pourront être utilisées à l'échelle industrielle qu'à l'horizon 2040.

Nous aurions pu aller plus vite, si nous ne nous étions pas privés du réacteur Superphénix.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Henri Revol, rapporteur. D'ici là, nous avons pourtant le devoir de réduire la toxicité des déchets avec les techniques dont nous disposons aujourd'hui et, de ce point de vue, les technologies de traitement des combustibles usés permettent une réduction considérable de la quantité des déchets à haute activité et à vie longue qui sont les plus problématiques.

Les traitements doivent donc être utilisés jusqu'à ce que puisse, espérons-le, s'y substituer un jour la transmutation.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Je n'ai rien à ajouter aux propos du rapporteur. Je suis également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 125 rectifié bis, présenté par MM. Longuet et Biwer est ainsi libellé :

Remplacer le troisième alinéa  (2°) de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

2° le stockage des déchets radioactifs ultimes en couche géologique profonde. Les études et recherches en vue d'assurer le confinement à très long terme des déchets ultimes sont poursuivies à partir des études réalisées sur le site du  laboratoire souterrain construit à cet effet.

Au vu des résultats des études conduites, la demande d'autorisation prévue à l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement ne pourra pas précéder l'évaluation des perspectives industrielles ouvertes après la mise en exploitation du prototype visé au 1° ci-dessus de la nouvelle génération de réacteurs nucléaires assurant une fonction de séparation et transmutation ou, à défaut, d'une filière spécifique.  Le centre de stockage devra être conçu pour permettre la reprise de ces déchets ultimes jusqu'à la décision de fermeture définitive.

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Cet amendement s'articule autour de deux idées différentes mais complémentaires et vise principalement à obtenir des explications en proposant de réécrire le 2° de l'article par deux alinéas.

Le premier a pour objet de préciser ce que vous entendez par « laboratoire souterrain » parce qu'il n'en existe qu'un, celui qui a été réalisé sur le Callovo-oxfordien de la région de Bure-Saudron. Il serait difficile de tenir les délais si l'on parlait d'un autre laboratoire.

Mon souci, que j'exprimerai à la faveur de l'examen de différents amendements, est que ce laboratoire ne soit pas un être invertébré gazeux ou un ectoplasme, mais soit une réalité souterraine, le laboratoire dont j'ai parlé.

Le second alinéa a pour objet de clarifier l'articulation dans le temps de la décision de transformer le laboratoire en centre de stockage, au regard du progrès réalisé dans la séparation-transmutation.

La date de 2015 a été arrêtée pour la prise de décision concernant le laboratoire, celle de 2025, soit dix ans après, pour une réalisation effective et opérationnelle du laboratoire et, parallèlement, nous avons, d'une part, en 2012, un rendez-vous pour évaluer les possibilités de réaliser la transmutation-séparation et, d'autre part, l'objectif que nous venons d'évoquer  de construire un prototype industriel, en 2020.

Finalement, puisque la décision de 2015 sera prise après 2012 et avant 2020, j'aimerais savoir quelle est l'importance des évaluations de 2012 et ce que l'on peut en retenir pour éclairer la décision de 2015, sachant qu'en tout état de cause nous aurions un prototype, même si Mme Voynet est encore sceptique sur cette date de 2020, avant que le laboratoire ne soit définitivement opérationnel.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa (2°) de cet article :

Les études et recherches correspondantes sont poursuivies jusqu'en 2015 où un nouveau rendez-vous parlementaire permettra d'examiner la possibilité de concevoir un centre de stockage ;

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Dans le même esprit, il s'agit de faire en sorte que soit garantie la poursuite des études et des recherches concernant le stockage afin qu'aucune décision ne soit prise dans la précipitation et que, si décision il doit y avoir, elle soit arrêtée sur la base d'une présentation globale du résultat des études, concernant notamment la sécurité et la réversibilité du stockage des déchets.

Je viens d'entendre avec beaucoup d'intérêt Gérard Longuet présenter un amendement qui a le même objet. Néanmoins, je m'interroge, car la réversibilité est une donnée relative. Si elle est totale ou presque au jour « j » de l'ouverture du site, elle diminue au fur et à mesure que l'on opère la fermeture des arborescences les plus petites et les plus éloignées du puits de descente des déchets.

Nous sommes en tout cas bien d'accord pour reconnaître qu'un équipement de cette ampleur ne saurait être validé sans qu'un rendez-vous soit fixé aux parlementaires pour leur permettre de prendre connaissance du résultat des études et des recherches qui devraient se poursuivre jusqu'en 2015, avant qu'une décision définitive ne soit prise.

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par Mme Didier, MM. Coquelle et  Billout, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après les mots :

instruite en 2015

supprimer la fin de la seconde phrase du troisième alinéa (2°) de cet article.

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. L'article 1er de ce texte est important dans la mesure où il constitue le trait d'union entre le texte dont nous débattons aujourd'hui et la loi du 30 décembre 1991.

Il confirme les trois axes de recherche définis par la précédente loi, dont nous estimons qu'ils sont complémentaires. Nous nous félicitons donc de la nouvelle écriture de cet article après son passage à l'Assemblée nationale.

Cependant, concernant plus particulièrement le stockage en couche géologique profonde, nous considérons que ce texte ne tient pas compte de l'état réel d'avancement de la recherche.

La Commission nationale d'évaluation souligne dans son dernier rapport que, bien que les caractéristiques du site soient extrêmement favorables, il y a nécessité de poursuivre les recherches, notamment sur la circulation de l'eau et les risques d'explosion liés au dégazage d'hydrogène. Cette nécessité de poursuivre les recherches est d'ailleurs également soulignée par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, ainsi que par le Conseil économique et social.

Tout cela devrait nous inciter à la prudence a fortiori lorsque, contrairement aux prescriptions de la loi « Bataille » un seul site a été choisi pour mener les recherches dans cette voie, comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire.

Pourtant, monsieur le ministre, vous avez déclaré assez récemment dans un article de presse : « La faisabilité de principe du stockage réversible des déchets en couche géologique argileuse est établie. » Cet état d'esprit est particulièrement bien transcrit dans cet article du projet de loi puisqu'il dispose que, sous réserve de l'autorisation, un centre de stockage pourrait être créé en 2025.

Nous estimons, pour notre part, que décider dès aujourd'hui la création en tout état de cause d'un centre de stockage en couche géologique profonde en 2025, c'est aller vite en besogne.

Ce calendrier prévisionnel donne l'impression que, même si les trois axes de recherche sont maintenus, le stockage en couche géologique profonde est d'ores et déjà désigné comme étant la solution de référence et ce, alors même que s'est exprimé pendant le débat public le refus unanime du stockage sans démonstration complète de la sûreté du site. Attendons alors qu'elle soit faite avant de décider de l'année de mise en exploitation d'un centre !

Ce calendrier donne également l'impression que la consultation du public, préalable à l'autorisation de création d'un tel centre, ne pourra pas permettre d'influer sur la décision finale, ce qui pose question au regard des impératifs de transparence et de démocratisation de la politique énergétique.

Les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen préféreraient donc que l'on en reste au rendez-vous envisagé en 2015, date à laquelle les questions soulevées encore aujourd'hui pourront être étudiées.

C'est la raison pour laquelle ils demandent que soit retirée la référence à une mise en exploitation du centre de stockage en 2025.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Sur l'amendement n °125 rectifié bis, la commission ne pouvait pas être favorable au texte proposé.

J'ai cependant bien compris que M. Longuet attendait du ministre qu'il lui apporte un certain nombre de réponses. S'il ne retirait pas son amendement, la commission serait obligée d'émettre un avis défavorable.

Concernant l'amendement n °59, il est en très grande partie satisfait par l'amendement n ° 21 de la commission, qui précise le texte issu de l'Assemblée nationale et impose un rendez-vous parlementaire avant toute autorisation du centre de stockage. Il est prévu que, dans les conditions de l'article 7 bis, ce rendez-vous législatif permette au Parlement d'arrêter le processus de création du centre.

Pour ces raisons, la commission est également défavorable à l'amendement n° 59.

L'amendement n° 101 me semble contraire à l'ensemble de la philosophie du projet de loi, qui procède d'ailleurs de celle de la loi Bataille. En effet, la loi de 1991 instaurait la recherche. Il était prévu que la loi qui serait votée en 2006 organise la mise en oeuvre, dans la mesure du possible, c'est-à-dire en tenant compte de tous les éléments que les études et les recherches effectuées depuis quinze ans ont porté à notre connaissance.

Pour ce qui concerne le stockage en couche géologique profonde, les recherches accomplies ne nous permettent pas aujourd'hui de décider de la création d'un centre en la matière. Cependant, elles nous donnent la possibilité de déterminer un calendrier précis, dont les deux étapes importantes sont 2015 pour l'autorisation et 2025 pour la mise en exploitation.

Ne pas fixer de date nous ferait revenir à la case départ de la loi Bataille. Nous renoncerions alors à toute avancée, pourtant permise par les recherches effectuées.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Les trois amendements que nous examinons soulèvent la même question. Les recherches d'ores et déjà réalisées nous permettent-elles d'indiquer de façon péremptoire qu'un projet pourra aboutir en 2012, en 2015 ou en 2020 ? Ma réponse sera identique à celle que j'ai apportée tout à l'heure au sujet du projet de réacteur pour 2020. Effectivement, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux pas vous l'affirmer.

L'article 1er du projet de loi prévoit des objectifs de recherche. Nous parlons d'un programme de recherche.

Si la loi Bataille de 1991 n'avait pas fixé d'objectif pour 2006, d'importants rapports de recherche ne nous auraient pas été remis, la commission nationale de l'évaluation n'aurait pas réalisé un travail aussi complet, la revue des pairs de l'OCDE ne nous aurait pas fourni de tels éléments d'appréciation.

Il faut donc fixer des échéances et celles qu'a retenues le Gouvernement correspondent aux recommandations des évaluateurs nationaux de la CNE et des évaluateurs de l'OCDE. Mme Didier a cité un article de presse dans lequel j'évoquais la faisabilité du stockage réversible des déchets, qui serait la solution de référence. Or je ne fais que reprendre mot à mot, et avec son accord, les propos que m'a tenus le président de la commission d'évaluation de l'OCDE. Étant un professeur britannique, il n'a aucune raison de vouloir me faire plaisir.

Le Gouvernement a retenu le calendrier qui lui paraît correspondre à ce que les scientifiques et les évaluateurs estiment raisonnable et qui permet de cadencer le travail.

L'amendement n° 125 rectifié bis pose la question de la relation entre la date de la demande d'autorisation du centre de stockage et celle de sa mise en exploitation. Concernant la séparation-transmutation, si en 2012 on peut transmuter tous les éléments radioactifs en plomb (Sourires), cela changera tout. Mais cette perspective ne paraît à portée de main d'aucun des scientifiques travaillant sur la question, pas plus en 2012 qu'en 2020.

En revanche, il est tout à fait possible de réduire la quantité de déchets à haute activité. Tout le monde le reconnaît. Le processus qui sera retenu permettra de réduire certaines quantités, mais des essais devront être effectués au préalable. Quoi qu'il en soit, il est invraisemblable d'imaginer que l'on sache séparer-transmuter à 100 % les déchets de façon à éviter tout stockage.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 125 rectifié bis, 59 et 101.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 125 rectifié bis.

M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, je note avec plaisir l'honnêteté avec laquelle vous venez d'évoquer les futurs progrès de la recherche relatifs à la séparation-transmutation et au stockage réversible. En revanche, je comprends moins votre acceptation sereine d'une rédaction qui n'est pas complètement satisfaisante.

En effet, l'article 1er du projet de loi dispose : « Le stockage réversible en couche géologique profonde. Les études et les recherches correspondantes sont conduites en vue de choisir un site et de concevoir un centre de stockage... ». Or un tel site existe déjà, celui du Callovo-oxfordien de Bure-Saudron. Je souhaiterais obtenir des précisions sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je reconnais que ma réponse était incomplète. Pourquoi parle-t-on aujourd'hui d'un seul site, et non de plusieurs comme le prévoyait la loi Bataille ? En fait, le site du Callovo-oxfordien a été étudié pendant des années. Grâce au laboratoire de Bure et au terme des recherches menées, les évaluateurs ont estimé qu'il s'agissait d'un site potentiel. Mais les études doivent être poursuivies et les recherches complétées avant de le retenir définitivement.

Quels critères doivent être étudiés pour choisir un site de stockage réversible ? Tout d'abord, le site envisagé doit présenter peu de failles. Il faut également savoir quel temps met tel atome de produit radioactif ou telle molécule pour circuler dans l'argile. Aujourd'hui, les scientifiques sont en mesure de nous fournir ces indications pour ce qui concerne le site du Callovo-oxfordien, qui n'a pas bougé pendant 150 millions d'années. Si l'on voulait étudier l'adéquation d'un autre site potentiel en France, dix ans de recherche seraient nécessaires. C'est la raison pour laquelle il est plus logique d'approfondir les recherches sur le site en question au lieu d'en entamer de nouvelles ailleurs, qui ne donneraient pas forcément d'aussi bons résultats. Ce site est donc préféré et considéré comme la zone potentielle de stockage.

Cela étant dit, le laboratoire de Bure et le centre de stockage peuvent être distants de plusieurs kilomètres. En dehors de la recherche sur la qualité du site et du matériau proprement dit, doit être prise en compte notamment l'ingénierie d'exploitation. Cela peut amener à opérer un choix autre que le site de Bure et qui peut se situer dans la zone de transposition.

Telles sont donc toutes les raisons qui ont amené le Gouvernement à retenir le site de Bure.

M. le président. Monsieur Longuet, l'amendement n° 125 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, les explications de M. le ministre m'ayant éclairé, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 125 rectifié bis est retiré.

La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l'amendement n° 59.

Mme Dominique Voynet. En fait, je voudrais revenir sur la réponse que vient d'apporter M. le ministre. Il nous a expliqué que si le site du Callovo-oxfordien de Bure avait été retenu, c'est parce qu'il a été étudié pendant des années. Je veux m'inscrire en faux contre cette affirmation. En effet, si j'ai bien écouté les auditions, notamment celles des responsables de l'ANDRA, les données n'y ont été recueillies que depuis deux ans. Tous les chercheurs s'accordent à reconnaître que les recherches doivent être poursuivies encore pendant des années avant de pouvoir dire si le site est ou non favorable à l'accueil de matériaux radioactifs pendant une très longue durée.

Comme vous le savez, la réalité est un peu différente. Conformément aux dispositions de la loi Bataille, plusieurs dizaines de sites ont été envisagés en France, dans différents types de sols, constitués de sables, de sels, d'argiles, de granits. Une mission « granit », présidée par un préfet, avait été mise en place par le gouvernement de Lionel Jospin. Les membres de cette mission se sont rendus sur plusieurs sites possibles. Ils ont été accueillis par des levées de boucliers et les mêmes éminents collègues, résolument favorables au nucléaire à Paris, étaient au premier rang de ces manifestations ceints de leur écharpe. Je ne citerai pas de nom, chacun se reconnaîtra ! C'est pourquoi la mission granit a abandonné son travail.

In fine, le site du Callovo-oxfordien de Bure a été retenu car la densité de population est faible, les élus concernés ont été sensibles aux mesures d'accompagnement économiques et aucune alternative n'existait.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué. Je veux simplement apporter une précision : les travaux sur le site de Bure ont commencé en 1994 et des études y sont menées depuis dix ans.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. À travers l'examen de l'article 1er, nous étudions des orientations et des points fondamentaux.

Il ne faut pas masquer la réalité. Trois axes sont retenus. Le premier, c'est la séparation-transmutation. La séparation, qui enregistre de bons résultats, est bien connue. Quant à la transmutation, si les scientifiques estiment qu'elle permettra probablement de casser les molécules en des atomes éventuellement moins toxiques mais certainement à durée moins longue, elle engendrera cependant des déchets qui devront être stockés.

Le troisième axe, c'est l'entreposage. On sait qu'il n'est qu'à durée limitée, pour des raisons de sécurité, de sûreté. Par conséquent, après refroidissement, sauf à envoyer les déchets à Soulaines, parce qu'ils ont une durée de vie de 300 ans, les autres devront quoi qu'il en soit être stockés.

Finalement, il ne reste que le deuxième axe, c'est-à-dire le stockage.

Par ailleurs, pourquoi le site de Bure est-il retenu ? Je partage le point de vue de M. Longuet. Seul ce site est envisageable.

Certes, au départ étaient prévus au moins deux laboratoires, mais - faut-il que je remue le fer dans la plaie ? - il n'a pas été possible de trouver un deuxième site. Ont été éliminés les sols constitués de sel, ressource éventuellement réutilisable, et un certain nombre d'autres sites, que des pays comme l'Allemagne pourront utiliser. Le granit a, lui aussi, été écarté car en France la tectonique des plaques l'a trop fissuré. De toute façon, même s'il avait été utilisable, certains se sont ingéniés à empêcher la recherche de tout autre site.

M. Bruno Sido. Certes, nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, mais on ne peut pas faire échouer la mission « granit » notamment et ensuite reprocher qu'il n'existe qu'un site.

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Bruno Sido. Soyons sérieux ! Par conséquent, ne reste que le site de Bure.

Il est vrai que les noms des sites destinés à accueillir un laboratoire souterrain - Bure, Cirfontaines-en-Ornoy, Saudron, notamment - ne peuvent être précisés dans la loi, qui se doit de rester générale. Cependant, nous savons très bien qu'il s'agit de Bure. Tout repose sur ce site. Mais la faute à qui ?

Mme Dominique Voynet. Pas à moi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 128 rectifié, présenté par MM. Longuet et Biwer, est ainsi libellé :

Au début du dernier alinéa (3°) de cet article, ajouter les mots :

Le conditionnement et

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Il s'agit de compléter le titre de la troisième voie en visant également le conditionnement, qui est une activité majeure de la gestion des déchets nucléaires. Cela devrait aussi permettre de financer les recherches qui le concernent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement pose une difficulté que n'avait sans doute pas soupçonnée son auteur.

Mme Dominique Voynet. Cet amendement est parfait !

M. Henri Revol, rapporteur. En effet, il limite les recherches sur le conditionnement au domaine de l'entreposage, c'est-à-dire à l'axe 3 de la loi Bataille. Or le conditionnement concerne l'ensemble des axes de recherche, notamment l'axe 1, puisque les différentes substances tirées des réactions de séparation-transmutation doivent donner lieu à des entreposages qui sont actuellement à l'étude.

L'amendement proposé est donc trop restrictif dans sa formulation. Aussi, la commission ne peut émettre un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Travailler sur le conditionnement est bien sûr absolument nécessaire, mais je partage l'avis de M. le rapporteur : le conditionnement est un problème qui se pose pour les trois axes.

M. le président. Monsieur Longuet, l'amendement n° 128 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard Longuet. J'espère que nous parviendrons à trouver une solution rédactionnelle, sans oublier le conditionnement.

Je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 128 rectifié est retiré.

M. Bernard Piras. Dommage !

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 1er bis

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Piras,  Raoul et  Teston, Mme Voynet, Demontès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 542-5 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« Art. L. 542-5 - Tout projet d'installation d'un laboratoire souterrain de recherche, d'un centre de stockage souterrain, d'un centre d'entreposage de longue durée en surface ou en faible profondeur ou d'un réacteur expérimental de démonstration de la transmutation donne lieu, avant tout engagement des travaux de recherche préliminaires, à une concertation avec les élus et la population des sites concernés, dans des conditions fixées par décret. »

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Nous proposons que tout projet d'installation d'un laboratoire souterrain de recherche, d'un centre de stockage souterrain, d'un centre d'entreposage de longue durée en surface ou en faible profondeur, ou encore d'un réacteur expérimental de démonstration de la transmutation donne lieu, avant tout engagement des travaux de recherche préliminaires, à une concertation avec les élus et la population des sites concernés, dans des conditions fixées par décret.

Je regrette profondément - ce point a déjà été évoqué par mes collègues lors de la discussion générale - que deux textes concernant le nucléaire nous soient soumis.

Sans doute allez-vous m'objecter, monsieur le ministre, que les procédures de consultation existent déjà dans le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire et permettent une réelle concertation avec les élus et la population des territoires concernés. Vous ajouterez peut-être que, s'agissant du stockage en couche géologique profonde, la procédure définie à l'article 8 apporte déjà des garanties.

Cependant, vous n'obtiendrez aucune acceptation sociétale de l'énergie nucléaire, comme, d'ailleurs, des OGM, si vous ne faites pas preuve d'une réelle pédagogie et si vous ne définissez pas précisément les règles du jeu de la transparence et de la concertation avec les élus et la population, ainsi que les mesures éventuelles d'accompagnement pour le développement des régions concernées.

Il faut placer cette exigence au début de ce texte sur la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, faute de quoi, comme Mme Voynet l'évoquait tout à l'heure, vous trouverez même des ministres pour s'opposer à l'installation de certains sites, qu'ils soient destinés au stockage, à l'entreposage ou à l'implantation d'un réacteur.

Vous connaissez les règles de l'alternance dans notre République : ceux-là mêmes qui défendent l'énergie nucléaire aujourd'hui peuvent très bien, demain, protester contre les expérimentations et les recherches en ce domaine.

Ne vous y trompez pas, monsieur Sido : dans le cas des sites granitiques, les manifestants appartenaient à la majorité actuelle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement est très largement satisfait par différentes dispositions qui sont d'ores et déjà en vigueur ou qui figurent dans le présent projet de loi.

S'agissant du centre de stockage géologique, une procédure très complète est prévue à l'article 8 : elle implique non seulement une enquête et un débat publics, mais aussi une consultation des collectivités concernées.

Pour les autres types d'installation, la consultation pourra avoir lieu dans le cadre des commissions locales d'information. Je rappelle qu'un amendement du Sénat, à l'article 6 de la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire, permet la mise en place de ces commissions locales d'information dès le stade de la demande d'autorisation de création d'une installation nucléaire de base.

Mon cher collègue, je partage bien entendu votre souci quant à l'organisation d'une concertation locale. Les deux textes que nous avons à examiner et qui concernent le domaine nucléaire offrent un cadre beaucoup plus favorable à ces pratiques, et je n'évoque même pas des deux débats publics qui ont été menés sur des sujets nucléaires.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er
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Article 2

Article 1er bis

Pour assurer, dans le respect des principes énoncés à l'article L. 542-1 du code de l'environnement, la gestion des matières et des déchets radioactifs autres que ceux mentionnés à l'article 1er de la présente loi, il est institué un programme de recherche et d'études dont les objectifs sont les suivants :

1° La mise au point de solutions de stockage pour les déchets graphites et les déchets radifères, de sorte que le centre de stockage correspondant puisse être mis en service en 2013 ;

2° La mise au point pour 2008 de solutions d'entreposage des déchets contenant du tritium permettant la réduction de leur radioactivité avant leur stockage en surface ou à faible profondeur ;

3° La finalisation pour 2008 de procédés permettant le stockage des sources scellées usagées dans des centres existants ou à construire ;

4° Un bilan en 2009 des solutions de gestion à court et à long terme des déchets à radioactivité naturelle renforcée, proposant, s'il y a lieu, de nouvelles solutions ;

5° Un bilan en 2008 de l'impact à long terme des sites de stockage de résidus miniers d'uranium et la mise en oeuvre d'un plan de surveillance radiologique renforcée de ces sites.

M. le président. L'amendement n° 102, présenté par Mme Didier, MM. Coquelle et  Billout, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa (2°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Les déchets de sodium irradiés doivent être traités avant 2015 ;

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à rappeler que, pour les 2 000 tonnes de sodium irradié issues notamment des centrales Phénix et Superphénix, une solution de gestion est nécessaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. En effet, l'objectif des auteurs de cet amendement, même s'il est tout à fait louable, est peu réaliste dans la mesure où, le réacteur Phénix étant toujours en activité à l'heure actuelle, il paraît peu prudent de fixer d'ores et déjà une date impérative de traitement des combustibles usés tirés de cette installation et du sodium irradié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Nous allons traiter le sodium irradié de Superphénix mais, pour celui de Phénix, qui est encore en activité, ce n'est pas envisageable pour l'instant. Je suis donc techniquement défavorable.

M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 102 est-il maintenu ?

Mme Évelyne Didier. Monsieur le ministre, ce qui est important, c'est que vous me disiez que ce sodium irradié va être traité. Toutefois, il serait bon que vous me fournissiez des précisions techniquement justes ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué. Le sodium irradié de Superphénix sera traité d'ici à 2015. Le délai de démantèlement de Phénix fait que l'horizon 2020 semble plus pertinent. Nous ne pouvons donc nous engager sur l'échéance prévue par cet amendement. Je vous demande de bien vouloir le retirer, puisque je vous ai donné des réponses techniques satisfaisantes.

Mme Évelyne Didier. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 102 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis
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Article 3

Article 2

L'intitulé du chapitre II du titre IV du livre V du code de l'environnement est ainsi rédigé : « Dispositions particulières à la gestion des matières et déchets radioactifs ».

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 1.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé.

Article 2
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Article 4

Article 3

Après l'article L. 542-1 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 542-1-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 542-1-1 A. - Le présent chapitre s'applique aux substances radioactives issues d'une activité telle que mentionnée à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique ou d'une entreprise telle que mentionnée à l'article L. 1333-10 du même code.

« Une substance radioactive est une substance qui contient des radionucléides, naturels ou artificiels, dont l'activité ou la concentration justifie un contrôle de radioprotection.

« Une matière radioactive est une substance radioactive pour laquelle une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement.

« Un combustible nucléaire est regardé comme un combustible usé lorsque, après avoir été irradié dans le coeur d'un réacteur, il en est définitivement retiré.

« Les déchets radioactifs sont des substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n'est prévue ou envisagée.

« Les déchets radioactifs ultimes sont des déchets radioactifs qui ne peuvent plus être traités dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de leur part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant ou dangereux.

« L'entreposage de matières ou déchets radioactifs est l'opération consistant à placer ces substances à titre temporaire dans une installation spécialement aménagée en surface ou en faible profondeur à cet effet, dans l'attente de les récupérer.

« Le stockage de déchets radioactifs est l'opération consistant à placer ces substances dans une installation spécialement aménagée pour pouvoir les conserver dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 542-1.

« Le stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est le stockage de ces substances dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité. »

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 542-1-1 A du code de l'environnement :

« Le présent chapitre s'applique aux substances radioactives issues d'une activité nucléaire visée à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique ou d'une activité comparable exercée à l'étranger ainsi que d'une entreprise mentionnée à l'article L. 1333-10 du même code ou d'une entreprise comparable située à l'étranger.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement vise à sécuriser la rédaction de l'article 3, notamment en étendant aux substances radioactives qui viennent de l'étranger les définitions françaises de ce que sont une activité nucléaire et un exploitant nucléaire. Il s'agit de combler ainsi un vide juridique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 542-1-1 A du code de l'environnement :

« Les déchets radioactifs sont des substances radioactives issues d'un procédé industriel sans être l'objectif de ce procédé, ainsi que les substances ou matières radioactives issues des processus de gestion jusqu'à leur utilisation effective. Sont des déchets radioactifs : les combustibles irradiés, l'uranium appauvri, et le plutonium, l'uranium de retraitement avant leur réutilisation effective.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Cet amendement a pour objet de rédiger la définition de déchets radioactifs de façon plus précise eu égard aux décisions qui ont été prises, d'une part, par la Cour de justice des Communautés européennes et, d'autre part, par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 décembre 2005.

En effet, saisie par la COGEMA, la Cour de cassation a décidé qu'un combustible nucléaire usé entreposé dans l'attente de son retraitement et destiné uniquement à un traitement terminal est un déchet au sens de l'article L. 541-1 du code de l'environnement. Elle a également jugé que l'article L. 542-2 du même code n'exclut pas le combustible nucléaire usé de son champ d'application.

Dans le texte qui nous est actuellement proposé, une chose fondamentale est oubliée : la question de l'éventuelle utilisation future du matériau n'est qu'un indice que l'on utilise quand il y a un doute sur la qualité des matières. En réalité, ce critère est souvent utilisé quand il s'agit de résidus de matières premières, pierres concassées, copeaux de bois, etc.

Le critère principal, dans la définition du déchet, est d'être le résidu d'un processus industriel. Si c'est le cas, le débat sur le fait de savoir ce que l'on en fait n'a aucune incidence, hormis le fait de savoir si l'on est en présence d'un déchet ou de ce que le droit français qualifie de « déchet ultime ».

La définition retenue dans le projet de loi laisse à l'industrie le soin de déterminer, en fonction de ses propres intérêts, ce qui est un déchet ou non, et, donc, de répondre ou non aux obligations qui en découlent. Elle exclut de nombreuses matières qui nécessitent pourtant un suivi et des voies de gestion sûres et pérennes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement vise à modifier la définition des déchets nucléaires en ne se référant qu'à une partie de la définition générale des déchets, puisque ces derniers ne se limitent pas à être des résidus d'une activité mais doivent aussi être destinés, par leurs propriétaires, à l'abandon. Il existe dans la définition de tout déchet un élément intentionnel, qu'il serait dangereux de supprimer, comme le prévoit le présent amendement.

Retenir pour les déchets la définition proposée par cet amendement poserait de nombreuses difficultés. Ainsi, la France ne pourrait plus se fournir en uranium de traitement étranger destiné à devenir du combustible, puisque ces combustibles usés importés constitueraient des déchets qui ne sauraient dès lors être introduits en France à des fins d'exploitation.

L'ensemble du système est en fait bâti sur une distinction cohérente entre les matières, c'est-à-dire les substances valorisables et les déchets, pour lesquels aucune utilisation n'est envisagée. Modifier cette distinction aurait des effets extrêmement déstabilisateurs et in fine très dangereux pour l'environnement, car il ne serait plus possible d'adopter des dispositifs spécifiques pour les vrais déchets.

Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Je me rallie à la démonstration de M. le rapporteur et j'émets un avis défavorable.

Je souligne que la jurisprudence de la Cour de cassation est respectée par ce texte. Certes, ce n'est pas à la loi de respecter une jurisprudence, c'est plutôt la loi qui permet de donner corps à une jurisprudence. Néanmoins, je tenais à signaler cette conformité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 542-1-1 A du code de l'environnement :

L'entreposage de matières ou de déchets radioactifs...

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le mot :

aménagée

rédiger comme suit la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 542-1-1 A du code de l'environnement :

pour les conserver de façon potentiellement définitive dans le respect des principes énoncés à l'article L. 542-1.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement est indispensable à l'intelligibilité du texte.

En effet, le caractère potentiellement définitif d'une installation est le seul critère qui distingue clairement le stockage de l'entreposage.

J'insiste sur le fait que cela n'est nullement incompatible avec l'exigence de réversibilité. Bien au contraire, puisqu'il ne saurait y avoir de réversibilité véritable sans la possibilité de retirer ou non les déchets.

Pour laisser cette possibilité de choix aux générations futures, il est donc nécessaire que l'installation soit construite pour être potentiellement définitive.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 129 rectifié, présenté par MM. Longuet et Biwer, est ainsi libellé :

Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 542-1-1 A du code de l'environnement par les mots :    

 et particulièrement dans la perspective de la fermeture éventuelle de cette installation

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Je vais retirer cet amendement, car il est satisfait par l'amendement précédent.

Je voulais simplement rappeler, à travers le présent amendement, que si le stockage est réversible, sa vocation est d'être durable. Il doit donc être conçu afin de pouvoir être potentiellement définitif.

Quoi qu'il en soit, la rédaction proposée par M. le rapporteur est plus pertinente que la mienne. Aussi, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 129 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Article 4 bis

Article 4

I. - Après l'article L. 542-1 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 542-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 542-1-1. - I. - Supprimé

« I bis. - Les producteurs de combustibles usés et de déchets radioactifs sont responsables de ces substances, sans préjudice de la responsabilité de leurs détenteurs en tant que responsables d'activité nucléaire.

« II. - Un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs dresse le bilan des modes de gestion existants des matières et déchets radioactifs, recense les besoins prévisibles d'installations d'entreposage ou de stockage, précise les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d'entreposage et, pour les déchets radioactifs qui ne font pas encore l'objet d'un mode de gestion définitif, détermine les objectifs à atteindre.

« Conformément aux orientations définies aux articles 1er et 1er bis de la loi n°          du                   de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, le plan national organise la mise en oeuvre des recherches et études sur la gestion des matières et des déchets radioactifs en fixant des échéances pour la mise en oeuvre de nouveaux modes de gestion, la création d'installations ou la modification des installations existantes de nature à répondre aux besoins et aux objectifs définis au premier alinéa.

« Il comporte, en annexe, une synthèse des réalisations et des recherches conduites dans les pays étrangers.

« III. - Le plan est établi et mis à jour tous les trois ans par le Gouvernement. Le plan, qui est rendu public, ainsi que le décret qui en établit les prescriptions respectent les orientations suivantes :

« 1° La réduction de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs est recherchée par le traitement des combustibles usés et le traitement et le conditionnement des déchets radioactifs ;

« 2° Les matières radioactives en attente de traitement et les déchets radioactifs ultimes en attente d'un stockage sont entreposés dans des installations spécialement aménagées à cet usage ;

« 3° Après entreposage, les déchets radioactifs ultimes ne pouvant pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection être stockés en surface ou en faible profondeur font l'objet d'un stockage en couche géologique profonde.

« IV. - Les décisions prises par les autorités administratives, notamment les autorisations prévues à l'article L. 1333-4 du code de la santé publique, doivent être compatibles avec les prescriptions du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, telles qu'elles sont établies et mises à jour par décret. »

II. - Le plan national prévu à l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement est établi pour la première fois avant le 31 décembre 2006.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 4 définit des orientations stratégiques en matière de recherche et d'études, et pose des principes généraux que nous approuvons.

Toutefois, les modalités concrètes de ce plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs omettent certains points.

Nous regrettons notamment l'absence de référence claire à la séparation-transmutation. Peut-être pourrez-vous nous donner des assurances sur ce point, monsieur le ministre ?

En effet, nous savons que la filière électronucléaire est celle qui utilise le plus de matières hautement radioactives et qu'elle engendre des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue.

Il convient alors d'accorder la priorité à la recherche pour la création de nouveaux réacteurs qui permettront de réduire la nocivité des déchets en limitant leur volume et leur taux de radioactivité.

Les réacteurs nucléaires de troisième génération, dits « EPR », permettent déjà de diminuer de 15 % la production de déchets.

Il faut poursuivre dans cette voie et promouvoir activement des réacteurs de quatrième génération.

En outre, la transmutation a été démontrée sur des échantillons placés dans le coeur du réacteur à neutrons rapides Phénix.

Nous aurions alors souhaité que l'article 4 mentionne clairement le développement de ces réacteurs du futur.

Nous profitons donc de ce débat pour réitérer notre désaccord profond sur la décision prise d'arrêter la centrale Phénix sans que de réelles solutions de remplacement aient été prévues.

La poursuite de la recherche fondamentale sur la séparation-transmutation devrait également être clairement envisagée dans le plan national de gestion des déchets, puisque des avancées importantes ont déjà été réalisées.

Certains déchets, comme le neptunium, produits en petites quantités mais extrêmement nocifs et à durée de vie très longue, peuvent déjà être séparés avec succès de l'uranium et du plutonium, qui sont recyclables.

Ainsi, un procédé développé par le CEA permet de récupérer 99 % du neptunium sur 10 kilogrammes de combustible usé provenant d'une centrale EDF.

Certes, ce genre d'opération a un coût très élevé, et il faudra poursuivre les recherches pendant plusieurs décennies pour passer du stade expérimental au stade industriel. Toutefois, le jeu en vaut la chandelle.

Par ailleurs, nous regrettons également que les orientations définies par ce plan ne fassent pas l'objet d'une évaluation régulière par une instance indépendante.

Pour conclure, nous aurions également souhaité que soit maintenue dans le texte une référence claire à la responsabilité du ministre chargé de l'énergie pour l'élaboration de ce plan, comme le proposait, d'ailleurs, le Conseil économique et social dans son rapport.

Nous espérons donc que des précisions pourront être apportées sur ces différents points.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer le I bis du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence, lié au déplacement du principe de responsabilité du producteur et du détenteur de déchets, principe que nous avons transféré à l'article 1er A pour lui donner plus de portée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au premier alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement, remplacer (deux fois) les mots :

des matières et déchets

par les mots :

des matières et des déchets

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 11, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du  III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement :

« III. - Le plan national et le décret qui en établit les prescriptions respectent les orientations suivantes :

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement rédactionnel.

Je tiens toutefois à rappeler que les dispositions relatives à la périodicité et à la publicité du plan national ainsi qu'à la responsabilité de son établissement figureront dans un paragraphe distinct, proposé par un amendement ultérieur.

M. le président. L'amendement n° 103, présenté par Mme Didier, MM. Coquelle et  Billout, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du III du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 542-1-1 dans le code de l'environnement, remplacer les mots :

par le gouvernement

par les mots :

sous la responsabilité du ministre chargé de l'énergie

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Dans un souci de clarification et dans le droit fil de l'intervention de Mme  Didier, il s'agit de préciser le ministère qui aura la responsabilité de l'élaboration du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs. Nous estimons que le mieux placé en l'occurrence est le ministre chargé de l'énergie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement pourrait être utile en ce qu'il rappelle que, conformément à l'exposé des motifs du projet de loi, c'est bien le ministre chargé de l'énergie qui anime la préparation du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs.

Toutefois, comme cela est précisé par un amendement de la commission, le plan tire sa force juridique d'un décret pris par le Premier ministre.

Il apparaît alors peu judicieux de retenir l'amendement proposé puisqu'il laisserait entendre que le Premier ministre tire les conséquences de décisions prises par le ministre de l'énergie.

Le plan étant sanctionné par un décret, il nous semble préférable de conserver la formulation existante, aux termes de laquelle le Gouvernement prépare le plan, même s'il est bien clair que celui-ci est réalisé sur l'initiative et sous la responsabilité du ministre chargé de l'énergie, dans le cadre d'une concertation qui va bien au-delà des services de son propre ministère.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 11.

Quant à l'amendement n° 103, il ouvre un débat d'ordre administratif : s'il s'agit d'un décret, il est signé par le Premier ministre - et cosigné par les ministres concernés ; s'il s'agit d'un texte du ministre, c'est un arrêté ministériel. Je suis donc défavorable à cet amendement, monsieur le sénateur, même si je vous remercie de votre intention ! (Sourires.)

M. Michel Billout. Compte tenu des précisions qui ont été apportées, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 103 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 61, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le deuxième alinéa (1°) du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement :

« 1° Le principe de réduction à la source est un principe fondamental de la gestion des déchets radioactifs ;

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. J'ai déjà plaidé tout à l'heure pour que soit inscrit dans la loi le principe de réduction à la source des déchets. Je reviens donc à la charge à l'occasion de l'examen de l'article 4.

M. le président. L'amendement n° 104, présenté par Mme Didier, MM. Coquelle et  Billout, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) du III du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 542-1-1 dans le code de l'environnement :

« 1° La poursuite des recherches sur la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à la vie longue vise à réduire la quantité et la nocivité des déchets radioactifs. Ceci est recherché également par le traitement ou le conditionnement des combustibles usés et des déchets radioactifs ;

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Cet amendement tend à inclure dans le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs l'objectif de poursuite des recherches sur la séparation-transmutation.

En effet, cette voie n'est pas clairement mentionnée dans l'article 4.

Nous tenons ainsi à réaffirmer notre attachement à la poursuite des recherches sur les trois voies complémentaires de traitement des déchets.

Ainsi, le dernier rapport remis par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques pointe comme objectif ultime pour le traitement des déchets nucléaires la mise en oeuvre du processus de séparation-transmutation.

Monsieur le ministre, vous rappeliez dans Le Figaro que la recherche concernant la séparation-transmutation avait progressé, mais que cette voie nécessitait encore quelques décennies pour passer du stade du laboratoire de recherche du Commissariat à l'énergie atomique au stade industriel.

Cet avis est d'ailleurs partagé par des chercheurs du CEA.

En tout état de cause, la perspective d'un débouché industriel de la séparation-transmutation est loin d'être irréaliste, mais cela nécessite des moyens importants.

Malheureusement, les subventions accordées au CEA, qui s'élèvent aujourd'hui à 980 millions d'euros, sont insuffisantes pour permettre de poursuivre les recherches, même si l'article 11 ter institutionnalise la possibilité d'apports librement consentis de la part des industriels.

Vous l'aurez compris, nous souhaitons, dans ce projet de loi, des engagements plus clairs en faveur de la séparation-transmutation.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 62 est présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard.

L'amendement n° 79 est présenté par MM. Piras,  Raoul,  Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le deuxième alinéa (1°) du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement, après le mot :

recherchée

insérer le mot :

notamment

La parole est à Mme Dominique Voynet, pour présenter l'amendement n° 62.

Mme Dominique Voynet. Il s'agit de ne plus présenter le traitement et le conditionnement comme les seuls moyens de réduire la quantité de déchets.

L'adverbe « notamment » a été supprimé en première lecture à l'Assemblée nationale. Il convient de le réintroduire.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l'amendement n° 79.

M. Michel Teston. Cet amendement vise à préciser que le traitement des combustibles usés, le traitement et le conditionnement des déchets radioactifs ne sont que l'un des moyens de réduire le volume et la nocivité des déchets radioactifs.

C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de réintroduire l'adverbe « notamment », qui figurait dans la version initiale du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Mme Voynet avoue revenir à la charge avec l'amendement n° 61. J'émets donc, pour les raisons précédemment exposées, un avis défavorable.

Sur le fond, la commission est favorable à l'amendement n° 104, mais il n'a pas sa place à l'article 4.

Vous souhaitez rappeler l'importance des recherches sur la séparation et la transmutation : cela est fait de façon très claire au travers du programme de recherche que définit l'article 1er.

En revanche, l'article 4 traite non pas de recherche mais des principes qui doivent guider le plan de gestion des déchets nucléaires. La mention de la séparation et de la transmutation, à laquelle vous êtes très attaché, monsieur le sénateur, n'a donc pas sa place dans cet article.

La commission émet donc un avis défavorable.

Quant aux amendements identiques nos 62 et 79, ils sont tout à fait utiles, car ils ouvrent le champ des possibles en matière de réduction de la quantité et de la toxicité des déchets radioactifs. Si le traitement constitue la solution de référence choisie par la France, il ne saurait être exclusif, ne serait-ce que parce que certains combustibles ne peuvent pas être véritablement traités. Ainsi en est-il de combustibles des sous-marins ou de certains réacteurs de recherche.

Aucune voie de réduction de la toxicité des déchets ne saurait être exclusive, et ces amendements le rappellent. La commission y est donc favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

S'agissant de l'amendement n° 61, le recyclage des combustibles usés est déterminant pour réduire la quantité et la nocivité des déchets ultimes. Le recyclage est une bonne chose. Cependant, le plan national de gestion des déchets ne sera pas un document de politique énergétique. Il n'aura pas pour objet ni pour effet de modifier la production de combustibles usés directement liée à la production d'électricité, il déterminera des solutions de gestion de ces matières. Le projet de loi ne traite pas de ce sujet. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Le Gouvernement n'est pas opposé sur le fond à l'amendement n° 104, mais il ne serait pas judicieux de faire figurer ses dispositions dans ce projet de loi.

En effet, j'ai récemment accepté dans le cadre du plan à moyen et long terme, qui sera annexé au contrat d'objectifs État-CEA pour 2006-2009, que les moyens consacrés à ces thématiques par l'établissement bénéficient d'une augmentation significative au cours des prochaines années. Comme vous pouvez le constater, les moyens progressent, mais le présent texte n'est pas chargé d'établir le budget pluriannuel du CEA.

Enfin, le Gouvernement est favorable aux amendements identiques nos 62 et 79, même si ce n'est pas pour les mêmes raisons que leurs auteurs. Quoi qu'il en soit, l'adverbe « notamment » est un ajout adapté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 62 et 79.

M. Gérard Longuet. Je vote contre, car je suis favorable à la suppression des « notamment » dans les textes de loi. Cet adverbe n'apporte rien !

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le dernier alinéa (3°) du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement :

« 3° Après entreposage, les déchets radioactifs ultimes font l'objet d'un stockage en surface ou en faible profondeur. Ce stockage fait l'objet d'un suivi et d'une surveillance de son évolution et de celle des conteneurs.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Je veux une fois de plus plaider pour l'entreposage de longue durée, qui n'est pas retenu comme une option à part entière, contrairement aux préconisations du débat public. Cette hypothèse mérite une réflexion approfondie, ne serait-ce que parce que c'est l'option la plus abordable actuellement, voire la seule possible. Les plus optimistes espéraient la transmutation aux alentours de 2040 et un premier stockage vers 2025.

C'est donc la seule solution utilisée en routine aujourd'hui. C'est aussi la seule qui soit compatible avec le principe de réversibilité. Certes, elle implique un suivi de la société, mais ce seul argument ne peut suffire sachant que l'option de l'enfouissement nécessitera non seulement un suivi pendant la période de mise en place, mais aussi au-delà, par exemple pour permettre de garder la mémoire du site.

Ce refus de l'option de l'entreposage est clairement une tentative d'afficher l'enfouissement dans les couches géologiques profondes comme la seule option de référence. La loi doit prendre en compte l'avis des citoyens, surtout lorsque les difficultés techniques et de gestion apparaissent minorées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement vise à ce que les déchets radioactifs fassent l'objet d'un stockage en surface ou en faible profondeur. Cette option est tout à fait recevable et elle mérite d'être débattue dans la mesure où il s'agit bien d'un stockage, c'est-à-dire d'une solution de conservation définitive des déchets.

Toutefois, il ressort, non seulement des choix français que nous avons faits en 1991, mais aussi des recherches et des études parallèles menées dans différents pays, que le stockage en couche géologique profonde est celui qui présente les plus grandes garanties en matière de sûreté de l'installation dès lors que la formation géologique concernée est adaptée. En effet, il est difficile de savoir ce qui se produira en surface dans quelques décennies, dans quelques siècles, voire dans quelques millénaires.

En revanche, les choses semblent beaucoup plus stabilisées dans les régions souterraines telles que l'argilite du Callovo-oxfordien de la région de Bure. C'est pour cette raison que le choix du stockage en couche géologique profonde doit être maintenu.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 64, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter le III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Chaque pays est responsable des déchets et substances radioactives qu'il produit et doit développer ses propres moyens de gestion. Il est donc interdit d'exporter des déchets radioactifs à l'étranger.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Je crains que le Sénat ne réserve un vote identique à cet amendement, qui vise à ce que chaque État soit responsable de ses déchets et substances radioactives.

J'ai souvent eu l'occasion de dire quels étaient les éléments d'attractivité de l'usine de la Hague : les États et les entreprises clientes recherchent avant tout la tranquillité, qui leur est permise par la possibilité de se débarrasser pendant de très longs délais de leurs déchets nucléaires, en l'absence souvent de solution nationale opérationnelle. La COGEMA en a fait son miel, au mépris d'ailleurs de la loi Bataille, qui prévoyait que les déchets étrangers ne pouvaient demeurer sur le sol français au-delà des délais techniques nécessaires au retraitement.

Les tribunaux ont eu à se pencher sur cette question à maintes reprises. L'arrêt de la Cour de cassation que j'ai cité tout à l'heure en est un exemple. Il montre en effet que ces déchets, en l'absence d'autorisation de retraitement et de délai de départ, ne peuvent rester sur le sol national.

Certains pays ont encore moins de solution que le nôtre et choisissent d'accueillir les déchets nucléaires tout simplement pour des raisons économiques de court terme. Je crois que, à plusieurs reprises, notre pays s'est permis d'exporter des déchets nucléaires vers l'Ukraine ou la Russie afin de les retraiter dans des conditions économiquement plus acceptables que chez nous. Ce genre de solution ne doit pas être encouragé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Dans la mesure où il existe plusieurs amendements ayant le même objet, je serai un peu plus long dans mes explications, mais je ne reviendrai plus sur cette question par la suite.

La commission des affaires économiques partage le souci des auteurs de l'amendement. Je ne vous cache pas qu'elle avait elle-même envisagé de proposer l'interdiction de l'exportation de déchets nucléaires. L'idée est acquise et largement partagée, et je souhaiterais d'ailleurs que M. le ministre nous le confirme.

En revanche, la mise en oeuvre technique d'une telle disposition peut poser des difficultés. La situation de véritable harcèlement par plusieurs associations dans laquelle se trouvent les activités nucléaires, en particulier en matière d'importation et d'exportation, pourrait rendre la présente règle extrêmement difficile à appliquer.

Ainsi, lorsque la France envoie son uranium de traitement en Russie pour qu'il y soit enrichi, il n'est pas impossible que d'infimes parts de déchets produits par les activités d'enrichissement restent dans des installations russes.

Il est fort à parier qu'une disposition législative interdisant toute exportation des déchets nucléaires nationaux donnerait lieu à des actions ou à des recours de nature à créer de l'agitation et à perturber les activités pour un bénéfice extrêmement limité du fait du caractère très résiduel des déchets en question.

L'expérience de l'usine de la Hague conduit à être prudent vis-à-vis de ce type de mouvement. De ce fait, il apparaîtrait malheureusement imprudent d'inscrire dans la loi le principe d'exportation des déchets radioactifs. Croyez bien que nous le regrettons.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage les arguments développés par la commission. J'ajoute que nous ne pouvons pas élaborer une loi dans laquelle il serait précisé que chaque pays est responsable. Nous ne pouvons pas légiférer pour les autres États.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le rapporteur, je suis un peu étonnée par votre réponse. Les associations ont bon dos ! En général, elles demandent aux tribunaux de constater, puis de sanctionner les violations de la loi, qui sont parfois manifestes.

Quand la COGEMA décide d'importer des déchets australiens sans aucune autorisation de retraitement, car elle espère vendre un réacteur de recherche, elle viole la loi ! C'est donc le travail des associations, garantes de l'intérêt général et non déplaisants trublions de la démocratie, qui doit être salué.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Le plan national est établi et mis à jour tous les trois ans par le Gouvernement. Il est transmis au Parlement, qui en saisit pour évaluation l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et rendu public.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification visant à distinguer les dispositions relatives, d'une part, à la périodicité et à la publicité et, d'autre part, à la responsabilité de l'établissement du plan national.

La transmission de ce plan au Parlement, actuellement prévue par l'article 18 du projet de loi dans un article L. 542-15 du code de l'environnement, figure directement dans l'article L. 542-1-1 par souci de logique et de lisibilité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement, remplacer le mot :

prévues

par le mot :

mentionnées

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-1-1 du code de l'environnement, après le mot :

prescriptions

rédiger ainsi la fin de la phrase :

du décret prévu au III.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 100, présenté par MM. Piras,  Raoul et  Teston, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le II de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Avant son adoption, il fait l'objet d'une concertation au sein d'une commission nationale pluraliste permanente chargée du suivi de la gestion des matières et des déchets radioactifs.

Les modalités de cette concertation et la composition de cette commission sont fixées par un décret en Conseil d'État.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Il s'agit d'un amendement d'appel.

L'article 4 prévoit la création d'un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs afin, notamment, de dresser le bilan des modes de gestion existants des déchets radioactifs, de recenser les besoins en matière d'installations d'entreposage ou de stockage, d'en préciser les capacités nécessaires, de fixer des objectifs à atteindre et de déterminer des échéances pour la mise en oeuvre de nouveaux modes de gestion. Cet article est donc tout à fait fondamental.

Par cet amendement, nous souhaitons appeler l'attention sur la nécessité de soumettre le plan, avant son adoption, à une large concertation avec les représentants de la société civile. Une telle concertation pourrait avoir lieu dans le cadre d'une instance nationale pluraliste composée d'acteurs locaux concernés par la gestion des déchets radioactifs : des représentants de l'Association nationale des commissions locales d'information, des comités locaux d'information et de suivi, des comités locaux d'information, des élus territoriaux, des représentants des organisations syndicales, des associations, des experts, etc.

Une telle volonté s'inscrit dans la problématique de la démocratie participative, qui doit favoriser l'investissement des citoyens dans la vie de la cité. Ceux-ci doivent pouvoir exprimer leur point de vue et exercer une constante vigilance sur des domaines clés intéressant la société.

Autrement dit, il s'agit aussi d'oeuvrer pour accroître la transparence en ce qui concerne les choix importants de société.

Dans un récent communiqué, l'ANCLI plaide pour la création d'une commission nationale pluraliste permanente, qui serait précisément chargée du suivi de la gestion des matières et déchets radioactifs en France. Une telle commission nationale pluraliste permanente aurait pour mission « d'organiser des points de rendez-vous réguliers entre les acteurs de la loi et l'ensemble de la population au niveau territorial en lien avec les CLI et l'ANCLI. Elle exercerait un suivi citoyen autonome et vigilant. Elle contribuerait à la transparence, notamment en mettant une information accessible et compréhensible à la disposition du public. »

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement, et nous versons au débat la nécessité de mettre en place une telle instance pluraliste.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Comme vient de le dire M. Teston, il s'agit d'un amendement d'appel. Je pense qu'il acceptera de le retirer lorsque le Gouvernement se sera exprimé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. François Loos, ministre délégué. Monsieur le sénateur, si vous consultez le site Internet de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, vous y trouverez le projet de plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.

Ce document, même s'il n'a pas encore fait l'objet d'un décret, est donc déjà accessible à tous ceux qui souhaitent le consulter et son élaboration a lieu en concertation avec les producteurs et détenteurs de déchets, les établissements de recherche, les associations de protection de l'environnement.

Cette dynamique de consultation fonctionne déjà depuis deux ans dans le cadre de l'élaboration de la première version du plan.

Par ailleurs, un tel plan pourrait faire l'objet de discussions au sein de nombreuses instances de concertation. Je pense notamment aux commissions locales d'information, à l'Association nationale des commissions locales d'information, au Comité local d'information et de suivi, mais également au Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, qui sera créé après l'adoption du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

Par conséquent, la création d'une nouvelle instance formelle de consultation ne me semble pas nécessaire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Teston, l'amendement n° 100 est-il maintenu ?

M. Michel Teston. Comme je l'ai indiqué, il s'agissait d'un amendement d'appel. M. le ministre a repris dans sa réponse un certain nombre des idées qui y étaient formulées. Je peux donc le retirer.

Toutefois, notre groupe restera très vigilant quant à la mise en place d'une procédure transparente pour mettre ce plan en oeuvre.

M. le président. L'amendement n° 100 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Article 5 (début)

Article 4 bis

Les propriétaires de déchets de moyenne activité à vie longue produits avant 2015 les conditionnent au plus tard en 2030. - (Adopté.)

Article 4 bis
Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Article 5 (interruption de la discussion)

Article 5

I. - L'article L. 542-2 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« Art. L. 542-2. - Est interdit le stockage en France de déchets radioactifs en provenance de l'étranger ainsi que celui des déchets radioactifs issus du traitement de combustibles usés et de déchets radioactifs provenant de l'étranger. »

II. - Après l'article L. 542-2 du même code, il est inséré deux articles L. 542-2-1 et L. 542-2-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 542-2-1. - Des combustibles usés et des déchets radioactifs ne peuvent être introduits sur le territoire national qu'à des fins de traitement, de recherche ou de transfert entre États étrangers.

« L'introduction à des fins de traitement ne peut être autorisée que dans le cadre d'accords intergouvernementaux et qu'à la condition que ces substances, jusqu'au terme de leur traitement, et les déchets radioactifs qui en sont issus après traitement ne soient maintenus en France que pendant une durée limitée fixée par ces accords. L'accord indique, s'il y a lieu, les perspectives d'utilisation ultérieure des matières radioactives séparées lors du traitement.

« Le texte de ces accords intergouvernementaux est publié au Journal officiel.

« Art. L. 542-2-2. - I. - Les exploitants d'installations de traitement et de recherche établissent, tiennent à jour et mettent à la disposition des autorités de contrôle les informations relatives aux opérations portant sur des combustibles usés ou déchets radioactifs en provenance de l'étranger. Ils remettent chaque année au ministre chargé de l'énergie un rapport comportant l'inventaire des combustibles usés et déchets radioactifs en provenance de l'étranger ainsi que des matières et des déchets radioactifs qui en sont issus après traitement qu'ils détiennent. Le rapport comporte également des indications sur les prévisions relatives aux opérations de cette nature.

« II. - La méconnaissance des prescriptions des articles L. 542-2 et L. 542-2-1 est punie des peines prévues à l'article L. 541-46. Elle est constatée, dans les conditions prévues à l'article L. 541-45, par les fonctionnaires et agents mentionnés aux 1°, 3°, 6° et 8° de l'article L. 541-44 ainsi que par les inspecteurs de la sûreté nucléaire et par des fonctionnaires et agents habilités à cet effet par le ministre chargé de l'énergie et assermentés.

« III. - En cas de manquement aux prescriptions fixées aux articles L. 542-2 et L. 542-2-1 et sans préjudice de l'application des sanctions prévues au 8° de l'article L. 541-46, l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire qui ne peut excéder un montant de dix millions d'euros dans la limite du cinquième du revenu tiré des opérations réalisées irrégulièrement. La décision prononçant la sanction est publiée au Journal officiel.

« En cas de manquement aux obligations définies au I, l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire au plus égale à 150 000 €.

« Les sommes sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.

« Ces sanctions peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. »

M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand, sur l'article.

M. Jean-François Le Grand. Je tiens à insister sur l'importance de cet article 5. En effet, en présentant l'amendement n° 64, Mme Voynet a déjà fait allusion à un certain nombre de procès intentés à AREVA, notamment à propos des activités de retraitement sur le site de la Hague.

Je ne veux pas revenir sur les autres articles du présent projet de loi, qui sont tous importants. Je m'associe d'ailleurs à ce que mes collègues ont pu dire sur ce sujet au cours de la discussion générale.

L'article 5 revêt une importance toute particulière, puisqu'il définit les interdictions du stockage et l'encadrement de l'introduction sur notre sol d'un certain nombre de déchets.

Le dispositif mis en place par l'article 3 de la loi de 1991 comportait un certain de définitions, mais il était nettement insuffisant. J'en parle en toute connaissance de cause, puisque je suis l'auteur de l'amendement dont l'adoption a eu pour effet d'introduire cet article dans la loi de 1991.

À l'époque, nous avions déjà tenté d'apporter des solutions en mettant en place un encadrement. Cela s'est révélé très insuffisant. En effet, comme je l'évoquais à l'instant, un certain nombre d'actions en justice ont été intentées.

Je me réjouis donc des propositions qui ont été faites dans le présent projet de loi. Certes, j'aurais pu aborder ce point lors des explications de vote, mais je préfère l'évoquer par anticipation. J'aurais grand plaisir à suivre les propositions de M. le rapporteur. En effet, celles-ci contribuent à améliorer sérieusement la situation.

En présentant l'amendement n° 64, Mme Voynet faisait allusion à un certain nombre de procès. Permettez-moi tout de même de mettre l'accent sur l'un d'entre eux : le procès intenté à AREVA sur le stockage des déchets provenant du retraitement de combustibles hollandais.

De tels combustibles sont actuellement stockés sur le site de la COGEMA à la Hague. Or ceux qui ont intenté le procès à AREVA sont précisément ceux qui s'opposent au retour et au stockage de ces mêmes déchets sur le sol hollandais.

M. Bruno Sido. Exactement !

M. Jean-François Le Grand. Vous parliez tout à l'heure de contradiction et vous évoquiez les gens qui manifestent un peu à tort et à travers.

En l'occurrence, il y a une contradiction dont nous devrons bien sortir un jour, ce que permet précisément l'article 5.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Demontès et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-2 du code de l'environnement :

« Art. L. 542-2. - L'État contrôle la gestion des déchets radioactifs de toute nature et des combustibles nucléaires irradiés non retraités produits sur son territoire, qui ne peuvent être exportés définitivement vers des pays étrangers.

« Le stockage sur le territoire français de déchets radioactifs de tout type ou de combustibles nucléaires irradiés provenant de pays étrangers, est interdit.

« L'entreposage temporaire de combustibles nucléaires irradiés provenant de pays étrangers, en vue de leur retraitement, peut être autorisé dans des limites de temps et de quantité qui devront être précisées par décret, préalablement à chaque entrée sur le territoire français.

« Les déchets radioactifs, de tous types, générés par le retraitement de combustibles nucléaires étrangers, sont réexpédiés à leurs propriétaires dans des conditions et des délais déterminés dans le décret qui a autorisé l'entrée de ces combustibles sur le territoire français. »

La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Je ne sais pas si les contradictions pourront être levées grâce à l'article 5, mais je voudrais attirer l'attention de M. le ministre et de M. le rapporteur sur cet amendement.

Nous venons d'examiner une quarantaine d'amendements dans le cadre d'un débat démocratique et républicain. Nous ne sommes pas hostiles aux résultats des votes sur ces amendements et ce n'est pas cela qui déterminera notre position sur le projet de loi.

En revanche, l'amendement que je vais présenter nous interpelle fortement. Monsieur le rapporteur, puisque, je le sais, le consensus vous est cher, je vous demande un peu d'attention afin que cet amendement soit pris en compte.

La « loi Bataille » de 1991 avait mis au point un dispositif permettant de contrôler les déchets radioactifs en provenance de l'étranger. De telles dispositions étaient nécessaires. En effet, à l'époque, le contrôle était fort mal assuré, ce qui permettait à des déchets de « séjourner » clandestinement en France.

Cet amendement a pour objet de poursuivre le travail entamé dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Mais un tel travail doit être effectué sans bavure ni tricherie et dans la clarté.

Cet amendement tend donc à reprendre, en la développant et en la précisant, une disposition de cette loi, concernant l'entreposage temporaire de combustibles irradiés destinés au retraitement et à la réexpédition des déchets produits par le retraitement.

Nous souhaitons clarifier les dispositions en matière de circulation des déchets d'un État à l'autre. Comme notre ami et collègue Christian Bataille, nous considérons que chaque pays doit assumer la responsabilité de ses propres déchets, mais pas de ceux qui sont produits par les autres pays.

Les combustibles nucléaires irradiés peuvent être introduits en France pour y être retraités, mais leur retraitement ne doit pas pouvoir être effectué sans une autorisation préalable comportant les clauses de retour.

De la même façon, les déchets radioactifs issus du retraitement ne doivent pas pouvoir être durablement ou définitivement entreposés ou stockés sur le territoire national.

Ainsi, nous proposons que les déchets radioactifs de tout type produits par le retraitement des combustibles nucléaires étrangers soient réexpédiés à leurs propriétaires dans des conditions et des délais déterminés par le décret qui a autorisé l'entrée de ces combustibles sur le territoire français.

De telles précisions ne sont pas inutiles et devraient permettre d'éviter des dérapages et des polémiques. Comme vous le savez, monsieur Le Grand, l'actualité récente de la COGEMA illustre la possibilité d'éventuelles dérives.

C'est pourquoi, sans vouloir allonger les débats, je vous demande avec beaucoup d'insistance que la réflexion sur ce sujet soit menée convenablement.

M. le président. L'amendement n° 65, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-2 du code de l'environnement :

« Art. L. 542-2. - Sont interdits le stockage et l'entreposage en France de déchets radioactifs ou de combustibles usés en provenance de l'étranger ainsi que des déchets radioactifs issus de leur traitement, en dehors des délais techniques imposés par ce traitement. »

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Vous aurez reconnu les termes mêmes de la rédaction de l'article 3 de la loi Bataille. Ceux-ci me semblaient équilibrés.

Cet amendement a pour objet de rétablir cette rédaction, qui me paraît décidément parfaite. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. Bizet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-2 du code de l'environnement :

« Art. L. 542-2. - Le stockage en France de déchets radioactifs provenant de l'étranger, qu'ils soient ou non issus du traitement de combustibles usés, est interdit. »

La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-2 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Est interdite l'exportation de déchets radioactifs de toute nature et de combustibles nucléaires irradiés non retraités produits sur le territoire national.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Cet amendement tend à ce que l'interdiction d'exporter les déchets radioactifs de toute nature et les combustibles nucléaires irradiés non retraités produits sur le territoire national, c'est-à-dire en France, soit clairement précisée dans la loi.

Monsieur le rapporteur, vous avez craint que des recours associatifs ne puissent gêner la stratégie suivie. Je n'en crois pas un mot.

Certes, on peut parfois assister à des contradictions. Ainsi, M. Jean-François Le Grand a évoqué le cas où ceux-là mêmes qui demanderaient à la COGEMA de rapatrier des déchets étrangers seraient ceux qui empêcheraient le retour de ces déchets dans le pays d'origine. J'en conviens. En la matière, il y a des cultures différentes d'un pays à l'autre, de même que certains États choisissent d'avoir recours au stockage profond alors que d'autres l'excluent.

J'ai d'ailleurs noté que le rapporteur n'était pas extraordinairement disert sur les pays qui évitent d'avoir recours au stockage profond, comme l'Espagne ou la Grande-Bretagne. Il y a également des divergences d'appréciation au sein du monde associatif.

Cela étant dit, je suis pour ma part assez fière de la cohérence que nous avons déployée. Ainsi, avec nos collègues Verts allemands, nous avons facilité le retour de déchets nucléaires allemands stockés à la Hague vers le pays d'origine. Il s'agissait d'être totalement cohérent en la matière.

Cet amendement a également pour objet d'alerter les parlementaires sur le fait que le tourisme des déchets constitue un maillon faible du système, qu'il s'agisse d'utiliser la voie maritime, la voie ferroviaire ou la voie routière. Cela tient à plusieurs facteurs.

D'abord, sous le prétexte de garantir la discrétion du convoi, l'information nécessaire, notamment des maires, n'est jamais assurée.

Ensuite, les convois sont en général banalisés pour des raisons bien évidentes liées au terrorisme. En outre, les dispositions en matière d'accidents ne sont pas forcément connues de tous ceux qui peuvent être concernés par un éventuel accident.

C'est en tout cas une des leçons que j'ai tirées de mon passage au ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire. Les incidents les plus pénibles ont souvent été constatés dans le domaine des transports de déchets. Tout doit être fait pour les limiter ou même les exclure.

M. le président. L'amendement n° 105, présenté par Mme Didier, MM. Coquelle et  Billout, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 542-2 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Est interdite l'exportation de déchets produits sur le territoire national. »

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement, qui prévoit d'interdire l'exportation des déchets produits sur le territoire national, vise à affirmer un principe symétrique à celui de l'interdiction de stockage de déchets en provenance de l'étranger.

L'importance d'un tel dispositif a été rappelée par le Conseil économique et social.

Même si nous avons déjà ratifié la Convention internationale sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, qui exclut l'exportation de déchets radioactifs vers les pays en voie de développement, réaffirmer ce principe dans la loi, c'est engager la crédibilité de notre pays.

En outre, il s'agit d'une précaution nécessaire. Comme je l'ai dit dans la discussion générale, certains commissaires européens considèrent les déchets nucléaires comme de simples marchandises.

Nous ne pouvons prétendre interdire le stockage de déchets d'origine étrangère sans nous engager nous-mêmes à stocker nos déchets sur le territoire national.

Nous n'aurons, je le crois, aucune difficulté à affirmer cette réciprocité. Ce sera d'ailleurs une garantie pour la poursuite du travail de l'ANDRA en la matière.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements ?

M. Henri Revol, rapporteur. Le dispositif que l'amendement n° 80 rectifié tend à mettre en place pose une difficulté s'agissant de l'interdiction législative d'importation des déchets étrangers.

Comme nous l'avons déjà indiqué à propos de l'amendement n° 64, si nous souscrivons à un tel principe, il n'est pas nécessairement prudent de le transcrire.

Par conséquent, mon cher collègue Piras, malgré tous mes souhaits de consensus, je suis obligé d'émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. Bernard Piras. Vous venez de rompre le consensus, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

M. Henri Revol, rapporteur. L'amendement n° 65 vise à instituer un dispositif qui soulève également une difficulté.

En effet, cet amendement tend à supprimer la possibilité pour la France de recevoir des déchets radioactifs étrangers à des fins de recherche, tel que c'est aujourd'hui le cas dans des conditions extrêmement encadrées.

Au-delà de cette difficulté, le reste de l'amendement comporte un certain nombre de précisions quant aux exportations de déchets étrangers. De ce point de vue, la rédaction de l'amendement n° 52 proposé par votre commission apporte plus de garanties.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 65.

J'en viens à présent à l'amendement n° 53, qui n'a pas recueilli l'assentiment de la commission.

M. Jean Bizet. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. L'amendement n° 74 vise à interdire toute exportation de déchets radioactifs ou de combustibles irradiés non retraités, ce qui interdirait par exemple les activités d'enrichissement évoquées précédemment. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Enfin, contrairement à l'amendement précédent, l'amendement n° 105 n'a pas pour objet d'étendre l'interdiction d'exportation aux combustibles usés. Toutefois, le dispositif prévu par cet amendement pourrait susciter les difficultés de mise en oeuvre qui ont été évoquées précédemment. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Tout d'abord, la rédaction du projet de loi va plus loin que le dispositif prévu par l'amendement n° 80 rectifié.

En effet, un accord intergouvernemental est une obligation tant pour la France que pour l'autre pays et nous prévoyons que le texte de tels accords sera publié au Journal officiel.

Certes, il ne s'agit pas d'un décret. Mais un décret serait moins utile, car il ne permettrait pas de connaître l'engagement pris par l'autre pays. Or c'est précisément là que réside toute la difficulté.

C'est la raison pour laquelle nous avons le sentiment de faire mieux que ce que demandent M. Piras et les membres du groupe socialiste dans l'amendement n° 80 rectifié.

Bien entendu, je comprends l'importance de ce sujet. Mais, sincèrement, l'accord intergouvernemental publié au Journal officiel permet d'aller plus loin. Il me semble difficile de faire beaucoup mieux en termes de clarté des engagements respectifs des uns et des autres.

Sur les amendements nos 65, 74 et 105, j'émets, comme M. le rapporteur, un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Bernard Piras. C'est cruel ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Bizet, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour insérer un article L. 542-2-1 dans le code de l'environnement, après le mot :

usés

remplacer le mot :

et

par le mot :

ou

La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Il est important de rappeler que les dispositions de cet article sur l'importation de substances étrangères s'appliquent tant aux déchets qu'aux combustibles usés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 66, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 542-2-1 du code de l'environnement, supprimer les mots :

, de recherche ou de transfert entre États étrangers

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. M. le rapporteur nous a expliqué tout à l'heure qu'il était hors de question d'exclure les déchets issus de réacteurs de recherche, qui doivent pouvoir être importés dans notre pays. Il a par ailleurs précisé que cette possibilité était aujourd'hui « extrêmement encadrée ».

Or, dans l'exemple que j'ai cité voilà quelques instants, la COGEMA s'est montrée incapable de justifier d'une autorisation opérationnelle de retraitement. Elle s'est également montrée incapable de produire celle-ci dans un délai de trois mois.

Si le ministre de l'industrie avait été un Vert, j'imagine qu'il aurait été suspecté de vouloir mettre en péril l'activité de la COGEMA. Or on ne peut pas suspecter M. Loos d'une telle infamie ! (M. le ministre sourit.)

Ma question est donc la suivante : comment pouvons-nous prendre le risque d'importer des déchets radioactifs issus d'activités de recherche sans aucune condition, s'agissant notamment de leur retour ? Celui-ci, vous l'aurez noté, n'est pas prévu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement n'est pas opportun.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Avis défavorable également.

M. Bernard Piras. La fatigue gagne cet hémicycle !

Mme Dominique Voynet. Si M. le ministre ne commet pas d'infamie, il ne fait pas preuve de courage non plus ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. Bizet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour insérer un article L. 542-2-1 dans le code de l'environnement :

« L'introduction à des fins de traitement ne peut être autorisée que dans le cadre d'accords intergouvernementaux et qu'à la condition que les déchets radioactifs issus après traitement de ces substances ne soient pas entreposés en France au-delà d'une date fixée par ces accords. L'accord indique les périodes prévisionnelles de réception et de traitement de ces substances et, s'il y a lieu, les perspectives d'utilisation ultérieure des matières radioactives séparées lors du traitement. 

La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Cet amendement vise à préciser le contenu des accords intergouvernementaux publiés au Journal officiel. S'il s'agit d'un acquis important du projet de loi en termes de transparence, il est possible d'aller encore un peu plus loin.

Cet amendement prévoit donc que les accords publiés mentionnent la période de réception et de traitement des substances, ainsi que celle qui est prévue pour leur départ du territoire français.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Avis favorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 542-2-1 du code de l'environnement par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - Les exploitants d'installations de traitement et de recherche établissent, tiennent à jour et mettent à la disposition des autorités de contrôle les informations relatives aux opérations portant sur des combustibles usés ou des déchets radioactifs en provenance de l'étranger. Ils remettent chaque année au ministre chargé de l'énergie un rapport comportant l'inventaire des combustibles usés et des déchets radioactifs en provenance de l'étranger ainsi que des matières et des déchets radioactifs qui en sont issus après traitement qu'ils détiennent, et leurs prévisions relatives aux opérations de cette nature. »

II. - En conséquence, faire précéder le début du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 542-2-1 de la mention :

I. -

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement tend à préciser les sanctions qui sont applicables aux différents types de manquements concernant les opérations portant sur des déchets radioactifs étrangers.

Il vise principalement à transférer de l'article L. 542-2-2 à l'article L. 542-2-1 du code de l'environnement les dispositions relatives aux obligations d'information des exploitants d'installations de traitement et de recherche des combustibles usés ou des déchets radioactifs en provenance de l'étranger. À titre secondaire, il tend également à simplifier la rédaction de ces dispositions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 16, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 542-2-2 du code de l'environnement :

« Art. L. 542-2-2. - I. -  La méconnaissance des prescriptions des articles L. 542-2 et L. 542-2-1 est constatée, dans les conditions prévues à l'article L. 541-45, par les fonctionnaires et agents mentionnés aux 1°, 3°, 6° et 8° de l'article L. 541-44 ainsi que par les inspecteurs de la sûreté nucléaire et par des fonctionnaires et agents habilités à cet effet par le ministre chargé de l'énergie et assermentés.

« II. - La méconnaissance des prescriptions de l'article L. 542-2 et du I de l'article L. 542-2-1 est punie des peines prévues à l'article L. 541-46. En outre, sans préjudice de l'application des sanctions prévues au 8° de cet article, l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire au plus égale, dans la limite de dix millions d'euros, au cinquième du revenu tiré des opérations réalisées irrégulièrement. La décision prononçant la sanction est publiée au Journal officiel.

« En cas de manquement aux obligations définies au II de l'article L. 542-2-1, l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire au plus égale à 150 000 €.

« Les sommes sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.

« Ces sanctions peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement vise à tirer la conséquence de la clarification effectuée par l'amendement n° 15.

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Remplacer la dernière phrase du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 542-2-2 du code de l'environnement par deux phrases ainsi rédigées :

Le rapport comporte un calendrier des opérations de traitement et de retour pour chacune des matières et des déchets radioactifs. Il est rendu public.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à préciser les conditions dans lesquelles sont effectuées en France les opérations de traitement et de retour des matières et des déchets radioactifs étrangers. Il me paraît indispensable de connaître exactement le stock de substances étrangères accueillies dans notre pays.

Un rapport indiquant le calendrier des opérations de traitement permettra de contrôler le respect des engagements pris, notamment en termes de délais.

M. le président. L'amendement n° 106, présenté par Mme Didier, MM. Coquelle et  Billout, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le I du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 542-2-2  du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Ce rapport est rendu public.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. L'article 5 du présent projet de loi interdit le stockage en France de déchets radioactifs en provenance de l'étranger et réglemente l'introduction sur notre sol de déchets radioactifs et de combustibles usés.

Plus particulièrement, l'article L. 542-2-1 revient sur une disposition de la loi Bataille, qui visait à moraliser les opérations d'importation des déchets. En effet, celle-ci prévoyait que, passé le délai technique de retraitement, ces déchets devaient être renvoyés aux États exportateurs.

Le présent projet de loi abroge cette disposition et prévoit, dans un nouvel article, qu'un accord intergouvernemental d'importation de ces déchets précisera le délai pendant lequel ces déchets seront maintenus en France. Cette disposition a donc quelque peu évolué. Ces accords sont publiés au Journal officiel, ce qui nous semble aller dans le sens d'une meilleure transparence.

Cependant, dans un arrêt du 7 décembre 2005 portant sur une affaire opposant la COGEMA à Greenpeace, la Cour de cassation a estimé, sur le fondement de l'ancienne disposition de la loi, que le stockage des déchets radioactifs avait excédé les délais techniques nécessaires à leur retraitement. Cet arrêt avait alors permis que soit reconnu le droit de regard de la société civile sur les activités de la COGEMA.

Cette décision nous rappelle l'enjeu lié à la mention des délais nécessaires au retraitement des déchets. Dès lors, les accords gouvernementaux ne devraient-ils pas obligatoirement préciser un « délai nécessaire » ? Un amendement a été déposé en ce sens.

Par ailleurs, l'article L. 543-2-2 organise le contrôle des prescriptions concernant l'interdiction de stockage de déchets radioactifs en provenance de l'étranger et la réglementation relative à l'introduction sur notre sol de déchets radioactifs et de combustibles usés.

Dans son premier paragraphe, cet article impose aux exploitants de tenir à jour et de mettre à la disposition de l'autorité administrative les informations relatives à leurs opérations portant sur des combustibles usés ou déchets radioactifs en provenance de l'étranger.

Cet article prévoit également que les exploitants remettent au ministre chargé de l'énergie un rapport comportant l'inventaire de ces substances, ainsi que des indications sur les prévisions relatives aux opérations de cette nature.

Pour notre part, nous estimons, et tel est le sens de notre amendement, qu'il serait judicieux que ce rapport soit rendu public. Cela constituerait un signe fort et une réponse à l'exigence d'une plus grande transparence dans la filière de la gestion des déchets nucléaires, corollaire de l'acceptation par les citoyens de l'énergie nucléaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons d'adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 67, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 542-2-2 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Les infractions et manquements aux prescriptions des articles L. 542-2, L. 542-2-1 et du présent article peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. ».

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Par cet amendement, il s'agit de permettre aux associations d'exercer un recours juridique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Revol, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 68, la commission est favorable à la publicité du rapport des exploitants sur les déchets étrangers. La commission émet également un avis favorable sur l'amendement n° 106, qui porte lui aussi sur ce point.

En revanche, outre que l'amendement n° 68 est partiellement satisfait, il pose un problème s'agissant des précisions qu'il prévoit de faire figurer dans le rapport et qui s'apparentent à un suivi des substances presque gramme par gramme, par l'emploi d'expressions pour chacune des matières et déchets radioactifs. Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 106, qui constitue une mesure de transparence, la commission émet un avis favorable, sous réserve qu'il soit transformé en un sous-amendement à l'amendement n° 16 de la commission.

Enfin, l'amendement n° 67 présente un décalage entre le but poursuivi et le moyen proposé. En effet, le recours de pleine juridiction a pour objet principal une extension des pouvoirs du juge mais il n'ouvrira pas plus largement le recours aux associations de défense de l'environnement. Toutes disposent déjà, par définition, d'un intérêt à agir pour toutes les questions relatives à l'environnement et au domaine nucléaire en particulier. D'ailleurs, elles ne s'en privent pas, comme en témoigne l'abondante jurisprudence des tribunaux de Cherbourg souvent saisis par les associations de défense de l'environnement s'agissant de l'usine de la Hague, qui est principalement visée par cet article. Cet amendement recueille donc un avis défavorable de la commission.

M. le président. Monsieur le rapporteur, je souligne que l'amendement n°106 et l'amendement n° 16 sont incompatibles dans la mesure où ils n'ont aucun lien. L'amendement n° 106 prévoit de rendre public un rapport dont il n'est plus fait état dans la rédaction proposée par l'amendement n° 16 pour l'article L. 542-2-2 du code de l'environnement. Cet amendement n° 106 ne peut donc être transformé en un sous-amendement à l'amendement n° 16. Dans ces conditions, maintenez-vous votre avis favorable ?

M. Henri Revol, rapporteur. Non, nos deux amendements étant techniquement incompatibles, je souhaite que M. Billout retire le sien ; sinon la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Je suis dans le même embarras que le rapporteur.

En effet, je suis favorable à l'amendement n° 16, qui est un bon amendement rédactionnel.

Je suis en revanche défavorable à l'amendement n° 68, qui prévoit que le rapport des industriels sur les stocks et sur le flux de déchets étrangers soit rendu public. Je ne suis pas opposé à la publicité de ces informations. J'ai d'ailleurs été favorable à un amendement de l'Assemblée nationale prévoyant que les accords intergouvernementaux sont rendus publics. Je souhaite que l'inventaire national des matières et des déchets radioactifs fasse une distinction entre déchets français et déchets étrangers. Mais cet amendement va plus loin en prévoyant que le rapport doit comporter une date de retour pour chaque déchet radioactif. C'est un niveau de détail trop fin pour un tel document.

En outre, cet amendement est potentiellement satisfait par l'amendement n° 106 auquel je suis favorable - ce qui nous ramène au problème précédent ! - parce que, effectivement, je suis d'accord pour qu'on rende publique cette information. Il faut peut-être trouver une rédaction plus appropriée.

Quant à l'amendement n° 67, le Gouvernement, comme la commission, émet un avis défavorable.

M. Bernard Piras. Le suspense est levé ! (Sourires.)

M. François Loos, ministre délégué. En fait, toutes les possibilités de recours existent déjà et il est inutile de le préciser à travers un amendement supplémentaire.

M. le président. Comme je l'ai déjà précisé, le rapport prévu initialement à l'article L. 542-2-2 ayant été transféré à l'article L. 542-2-1, l'amendement n° 106 ne peut pas être intégré à cet endroit de l'article 5.

Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 68, 106 et 67 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 5 (début)
Dossier législatif : projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs
Discussion générale

8

modification de l'ordre du jour

M. le président. J'informe le Sénat que la question n° 1038 de M. Richard Yung est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 6 juin 2006, à la demande de son auteur.

Par ailleurs, j'informe le Sénat que la question n° 1071 de M. Roland Ries est inscrite à l'ordre du jour de cette même séance.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

9

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 30 mai 2006, l'informant de l'adoption définitive des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :

E3123 - COM (2006) 153 final : Proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CEE) n° 2771/75 et (CEE) n° 2777/75, en ce qui concerne l'application de mesures exceptionnelles de soutien du marché.

Adopté le 25 avril 2006.

E2987 - COM (2005) 510 final : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le Royaume de Thaïlande. Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en oeuvre de l'accord conclu par la CE à l'issue des négociations menées dans le cadre du paragraphe 6 de l'article XXIV du GATT de 1994, et modifiant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.

Adopté le 27 février 2006.

E2969 - COM (2005) 404 final : Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord de partenariat entre la Communauté européenne et les Îles Salomon concernant la pêche au large des Îles Salomon.

Adopté le 13 mars 2006.

E2966 - COM (2005) 438 final : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la conservation des données traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public, et modifiant la directive 2002/58/CE.

Adopté le 15 mars 2006.

E2911 - COM (2005) 253 final : Proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil portant modification de la directive 2004/39/CE concernant les marchés d'instruments financiers, en ce qui concerne certaines échéances.

Adopté le 5 avril 2006.

E2864 - COM (2005) 145 final : Proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark étendant au Danemark les dispositions du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark étendant au Danemark les dispositions du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Première proposition adoptée le 20 septembre 2005.

Deuxième proposition adoptée le 27 avril 2006.

E2810 - COM (2004) 830 final : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et le règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 (Modifications diverses 2004).

Adopté le 5 avril 2006.

E2617 - COM (2004) 391 final : Proposition de règlement du Conseil établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes.

Adopté le 15 mars 2006.

E2478 - COM (2003) 739 final : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques.

Adopté le 5 avril 2006.

E2461 - COM (2003) 731 final : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux déchets (version codifiée).

Adopté le 5 avril 2006.

E2315 - COM (2003) 319 final : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la gestion des déchets de l'industrie extractive et modifiant la directive 2004/35/CE.

Adopté le 15 mars 2006.

E1856 - COM (2001) 573 final : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route.

Adopté le 15 mars 2006.

10

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet d'action commune du conseil modifiant et prorogeant l'action commune 2005/643/PESC concernant la mission de surveillance de l'Union européenne à Aceh (Indonésie) (mission de surveillance à Aceh - MSA) - PESC ACEH (MSA).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3155 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2002/38/CE en ce qui concerne la période d'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de radiodiffusion et de télévision et à certains services fournis par voie électronique. Rapport de la Commission au Conseil sur la directive 2002/38/CE du Conseil du 7 mai 2002 modifiant, en partie à titre temporaire, la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de radiodiffusion et de télévision et à certains services fournis par voie électronique.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3156 et distribué.

11

dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 18 mai 2006

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 19 mai 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil portant modification de la décision 2005/231/CE autorisant la Suède à appliquer un taux d'imposition réduit sur l'électricité consommée par certains ménages et entreprises du secteur des services, conformément à l'article 19 de la directive 2003/96/CE.

Ce texte sera imprimé sous le n°  E-3148 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu, le 22 mai 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3149 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu, le 22 mai 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Action commune du Conseil modifiant et prorogeant l'action commune 2005/190/PESC relative à la mission intégrée « État de droit » de l'Union européenne pour l'Iraq, Eujust Lex.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3150 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu, le 24 mai 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d'action pour la douane dans la Communauté (Douane 2013).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3151 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu, le 24 mai 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme communautaire pour améliorer le fonctionnement des systèmes d'imposition sur le marché intérieur (Fiscalis 2013).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3152 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu, le 24 mai 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la qualité requise des eaux conchylicoles (version codifiée).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3153 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu, le 24 mai 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative (version codifiée).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3154 et distribué.

12

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 31 mai 2006, à quinze heures et le soir :

1. Examen d'une demande présentée par la commission des affaires économique tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner deux missions d'information pour qu'une délégation puisse se rendre :

- l'une en Irlande pour étudier la réalité et les raisons du « miracle économique » irlandais, ainsi que les conditions d'adaptation de ce pays à la réforme de la politique agricole commune ;

- l'autre en Inde pour étudier l'offre internationale du secteur des services et l'essor des PME, ainsi que les perspectives de développement des entreprises françaises.

2. Suite de la discussion du projet de loi de programme (n° 315, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs ;

Rapport (n° 358, 2005-2006) de M. Henri Revol, fait au nom de la commission des affaires économiques.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

3. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 286, 2005-2006), modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire ;

Rapport (n° 357, 2005-2006) de MM. Henri Revol et Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration (n° 362, 2005-2006) :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 5 juin 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 5 juin 2006, à seize heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 31 mai 2006, à une heure.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD