sommaire

présidence de M. Jean-Claude Gaudin

1. Procès-verbal

2. Décision du Conseil constitutionnel

3. Modification de l'ordre du jour

4. Questions orales

problèmes liés aux droits à paiement unique

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche ; René-Pierre Signé.

situation des communes placées en fusion association

Question de M. Louis Souvet. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Louis Souvet.

intempéries dans la vallée du thoré les 28 et 29 janvier 2006

Question de Mme Jacqueline Alquier. - M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Mme Jacqueline Alquier.

applications de l'article l. 2122-22 4° du code général des collectivités territoriales

Question de M. Bernard Piras. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Bernard Piras.

réglementations européennes et distorsions de concurrence

Question de M. Francis Grignon. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Francis Grignon.

garantie d'état pour les commandes de navires civils

Question de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Jean-Pierre Godefroy.

réforme du conseil supérieur de la magistrature

Question de M. Hubert Haenel. - MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Hubert Haenel.

indépendance de la justice et liberté d'expression des magistrats

Question de Mme Alima Boumediene-Thiery. - M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Alima Boumediene-Thiery.

contribution des communes aux dépenses des écoles privées

Question de M. André Rouvière. - MM. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche ; André Rouvière.

devenir des zones d'éducation prioritaire

Question de Mme Hélène Luc. - M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche ; Mme Hélène Luc.

situation des français rapatriés de côte d'ivoire

Question de M. Richard Yung. - MM. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche ; Richard Yung.

5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Lituanie

MM. le président, Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme.

6. Questions orales (suite)

réalisation du tgv rhin-rhône

Question de M. Gilbert Barbier. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Gilbert Barbier.

prise en charge des personnes âgées dépendantes

Question de M. Claude Biwer. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Claude Biwer.

fermeture du centre de documentation de marmottan

Question de Mme Anne-Marie Payet. - M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Mme Anne-Marie Payet.

rationalisation de la gestion des aides par la cpam des alpes de haute provence

Question de M. Claude Domeizel. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Claude Domeizel.

entreprises adaptées et chômage des personnes handicapées

Question de Mme Gisèle Printz. - M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Mme Gisèle Printz.

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Guy Fischer

7. Engagement national pour le logement. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Rappel au règlement

MM. Michel Charasse, le président, Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.

Article 1er A (supprimé)

Amendements nos 35 de Mme Michelle Demessine et 501 rectifié de M. Daniel Dubois. - Mme Michelle Demessine, MM. Daniel Dubois, Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes ; Thierry Repentin. - Rejet de l'amendement no 35 ; retrait de l'amendement no 501 rectifié.

L'article demeure supprimé.

Articles additionnels avant l'article 1er

Amendement no 4 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Amendement n° 457 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Amendement n° 3 rectifié de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Alain Vasselle, André Vézinhet. - Rejet.

Article 1er

Amendements nos 198 de M. Alain Vasselle, 5, 36 de Mme Michelle Demessine, 50 à 53 rectifié de la commission, 188 de M. Christian Cambon et 219 à 223 de M. Thierry Repentin. - M. Alain Vasselle, Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, Christian Cambon, Mme Nicole Bricq, MM. Roger Madec, André Vézinhet, le ministre délégué, Thierry Repentin. - Retrait des amendements nos 198, 188, 220 et 221 ; rejet des amendements nos 5, 36, 222 et, par scrutins publics, des amendements nos 219 et 223 ; adoption des amendements nos 50 à 53 rectifié.

M. Thierry Repentin.

Adoption de l'article modifié.

Article 1er bis

Amendement n° 225 rectifié de M. Thierry Repentin. - MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 1er bis

Amendement n° 226 de M. Thierry Repentin. - Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Article 2 A. - Adoption

Articles additionnels avant l'article 2

Amendement no 6 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Paul Alduy. - Rejet.

Amendement no 505 rectifié de M. Jean-Marc Juilhard. - MM. Jean-Marc Juilhard, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.

M. le rapporteur.

Suspension et reprise de la séance

Reprise de l'amendement no 505 rectifié bis par M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. - Rejet.

Rappel au règlement

MM. Jean-Pierre Sueur, le président

Article 5 bis B (priorité)

M. Aymeri de Montesquiou, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Madec, Thierry Repentin, Jean-Pierre Sueur, André Vézinhet, Philippe Marini, Michel Mercier, Bernard Frimat, Gérard Delfau, Serge Lagauche, Mme Valérie Létard, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée.

Suspension et reprise de la séance

Article 5 bis B (priorité) (suite)

Amendements identiques nos 22 de Mme Michelle Demessine et 401 de M. Thierry Repentin ; amendement n° 402 de M. Thierry Repentin ; amendements identiques nos 403 de M. Thierry Repentin et 466 de M. Jean Desessard ; amendements nos 300 rectifié de M. Gérard Delfau, 360, 404 à 408 de M. Thierry Repentin, 369 rectifié de M. Charles Revet ; Amendements identiques nos 409 de M. Thierry Repentin et 502 rectifié de M. Daniel Dubois ; amendements nos 410 à 413 de M. Thierry Repentin et 340 rectifié de Mme Valérie Létard. - Mme Michelle Demessine, MM. Thierry Repentin, Daniel Raoul, Jean Desessard, Gérard Delfau, Serge Lagauche, Charles Revet, Jean-Pierre Sueur, Daniel Dubois, Mme Valérie Létard, MM. le rapporteur, Michel Mercier, André Vézinhet, Pierre André, Mmes Sylvie Desmarescaux, la ministre déléguée, Mme Marie-France Beaufils, MM. Pierre Hérisson, Philippe Dallier, Jean-Marc Todeschini, Pierre Jarlier. - Retrait de l'amendement no 369 rectifié ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 22, 401, 403, 466, 360 et 404 ; rejet des amendements nos 402, 300 rectifié, 405 à 408 ; adoption, par scrutin public, des amendements nos 409 et 502 rectifié, les autres amendements devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Dépôt de propositions de loi

9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

10. Dépôt d'un rapport d'information

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCision du conseil constitutionnel

M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 30 mars 2006, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi pour l'égalité des chances.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

3

Modification de l'ordre du jour

M. le président. M. le président a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une lettre en date du 3 avril par laquelle le Gouvernement ajoute à l'ordre du jour prioritaire de la séance du jeudi 13 avril au matin, à la suite des sept conventions internationales déjà inscrites, la discussion d'une convention avec le Chili en vue d'éviter les doubles impositions et la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble.

L'ordre du jour de la séance du jeudi 13 avril s'établira donc comme suit :

À 9 heures 30 et l'après-midi après les questions d'actualité :

- huit conventions internationales ;

- lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble ;

- éventuellement, suite de la deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement.

Acte est donné de cette communication.

4

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

problèmes liés aux droits à paiement unique

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 959, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les problèmes liés aux droits à paiement unique, les DPU. Calculés sur les années de référence 2000, 2001 et 2002, ceux-ci font apparaître des distorsions, en particulier dans les petites exploitations en zone de montagne ; les transferts fonciers y sont nombreux, alors qu'ils sont peu fréquents pour les grosses exploitations céréalières.

Ces exploitations de petite taille sont en général assez pauvres et pratiquent un élevage extensif, alors que les DPU favorisent plutôt les exploitations d'élevage intensif, qui sont les plus fournies en bétail. Or, si la prime aux bovins mâles a été supprimée, les DPU n'en ont pas moins été calculés en tenant compte du nombre de primes. Ainsi, de gros éleveurs qui possédaient jusqu'à 90 broutards ou qui les avaient acquis ont obtenu un maximum de primes. Depuis, ils peuvent toucher des DPU même s'ils n'ont plus aucun broutard, et ceux qui ont acquis leur exploitation peuvent les toucher aussi même s'ils pratiquent un tout autre élevage ! Des exemples existent dans le Morvan.

En outre, autre souci, les DPU désolidarisés du foncier vont être l'objet de spéculations dommageables et pénalisantes pour les jeunes qui s'installent.

Pour pallier ces anomalies injustes, ne serait-il pas possible, monsieur le ministre, que soit mise en place pour les petits agriculteurs qui, pour les raisons précédemment expliquées, n'ont pas ou qui ont peu de DPU une compensation sous une forme qui reste à définir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m'interroger sur cette question des DPU, qui, ainsi que vous l'avez souligné, est compliquée.

Je me permettrai, si vous le voulez bien, de vous apporter aujourd'hui une réponse générale sur les DPU et de vous faire parvenir par écrit des éléments plus précis sur les points spécifiques que vous soulevez, notamment au sujet des broutards.

S'agissant des DPU, la France a négocié la réforme de la politique agricole commune, la PAC, en en acceptant le système. Certains pays, notamment l'Allemagne, ont choisi de les gérer à l'échelon régional. Quand je suis arrivé à la tête du ministère, il était prévu une gestion nationale par une caisse centrale, ce qui m'a paru être une belle « usine à gaz ». J'ai donc souhaité un système plus pratique, reposant sur des clauses, et nous avons beaucoup travaillé avec les organisations professionnelles pour parvenir au système actuel.

Vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, l'Europe a décidé que les DPU seraient les aides perçues au cours de la période de référence 2000-2002. C'est un facteur de complication dans la mesure où les exploitations ont entre-temps évolué. Le choix des références historiques présente cependant l'avantage de préserver le niveau des aides de l'ensemble des exploitants, ce qui permet une adaptation progressive aux mécanismes de la PAC. Mais le principe de cette réforme - il pose d'ailleurs problème, et c'est tout le débat européen - consiste à rompre le lien entre l'acte de production et le versement d'une aide, puisque c'est en réalité une aide découplée constituant une aide au revenu.

J'ai tenté de simplifier autant que possible la gestion de la période transitoire de 2000 à 2006. Cela se traduit par le recours privilégié aux clauses contractuelles permettant à l'exploitant présent en 2006, à la suite des transferts fonciers réalisés entre 2000 et le 15 mai 2006, de récupérer les DPU attachés aux terres exploitées. À ce jour, grâce à l'effort de nos fonctionnaires comme des exploitants et de leurs organisations professionnelles, nous avons dépassé le taux de 93 % de dossiers retournés dans les directions départementales de l'agriculture et de la pêche, et 170 000 clauses ont été signées.

Nous avons également choisi de privilégier l'installation. Aussi, le principe général selon lequel les exploitants doivent récupérer les DPU par clause auprès de l'exploitant « historique » a été complété, pour les nouveaux installés, par des mécanismes de dotation permettant aux jeunes, par le biais de la réserve nationale, d'avoir des droits. Une solution adaptée est mise en place pour chaque type de situation.

À partir de 2007, nous aurons également la possibilité, y compris, bien entendu, dans votre département, de revaloriser grâce à la réserve départementale les DPU jugés trop faibles pour un exploitant. Il appartiendra à chaque département de concevoir des programmes spécifiques en fonction des priorités qu'il aura identifiées, et je vois bien que, dans un département comme le vôtre, monsieur Signé, elles iront à la prime à la montagne et à la prime herbagère. Mais, pour être franc, nous ne connaîtrons les disponibilités budgétaires de ces réserves départementales qu'en 2007, c'est-à-dire après qu'auront été octroyées les dotations obligatoires liées à l'installation ainsi que certaines dotations sectorielles attribuées dans le cadre de programmes nationaux de soutien ; l'agriculture biologique, par exemple, fera l'objet d'un tel programme.

Ce double niveau de réserve, départemental et national, nous donne donc la possibilité de nous adapter. Nous le ferons en concertation avec les organisations professionnelles agricoles. Il est indispensable de contrôler le niveau du prélèvement servant à alimenter la réserve nationale de droits : ce prélèvement étant déduit de la somme que perçoit chaque agriculteur au titre de ses DPU, il faut que nous restions raisonnables dans la fixation de son montant.

Telles sont les règles générales. J'ai bien compris les problèmes spécifiques de votre département, monsieur le sénateur. Ne pouvant ici entrer dans le détail, comme je l'indiquais au début de mon propos, je vous apporterai par écrit les éléments très précis sur les situations d'entreprises agricoles que vous avez décrites dans votre question, en particulier concernant l'élevage.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse et du fait que vous ayez pris en compte ma demande au point de bien vouloir la réétudier et me donner des réponses spécifiques plus précises.

Je me permettrai cependant d'insister sur deux points.

Les DPU sont considérés aujourd'hui par leurs détenteurs non plus comme un support de compensation économique, mais comme un élément de patrimoine qu'ils cherchent désormais à monnayer, si bien que l'on peut être propriétaire du foncier sans l'être des DPU, ou des DPU sans l'être du foncier. Vous vous représentez les difficultés qui découlent de ces anomalies, que nous rencontrons tous les jours !

J'en viens à la réserve. J'ai cru comprendre que les DPU qui, pour des raisons diverses, ne seraient pas activés pendant une période de trois ans seraient versés dans une réserve dont la gestion sera nationale ; il me semble, monsieur le ministre, et sans doute nous le confirmerez-vous, qu'elle devrait être départementale à partir de 2007. Il appartiendra, nous le souhaitons, à la commission départementale d'orientation agricole de proposer des critères locaux de répartition de façon que le pourcentage le plus élevé possible revienne aux réserves départementales qui abondent les taux de DPU dans les zones de montagne. (M. le ministre approuve.) Cela rejoint ce que vous avez expliqué, et je vous en remercie. Une possibilité serait peut-être de créer des DPU à l'hectare par le biais des unités de main-d'oeuvre, les UMO, qui pourraient favoriser les entreprises familiales.

Bref, il y aurait beaucoup à dire sur ces DPU. La règle actuelle de leur octroi mérite d'être affinée et précisée.

Situation des communes placées en fusion association

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 983, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, avec cette question, j'entends me situer dans la tradition des débats au Sénat et privilégier l'aspect technique des dossiers, tout en conservant un certain recul par rapport aux questions passionnelles du moment. J'ai d'ailleurs déposé des questions écrites visant, par exemple, le traitement tant social qu'économique, voire médiatique, des violences urbaines.

Cette mise au point est destinée, non point au Sénat, mes chers collègues, mais à la presse locale. Chacun sait que, depuis, des violences autres qu'urbaines sont intervenues.

Monsieur le ministre, les communes en situation de fusion-association, situation inconfortable s'il en est, situation transitoire par essence, qui toutefois dure depuis des années pour certaines communes de l'hexagone, nous posent un problème.

La fusion-association, une étape dans le processus de la fusion, ne permet pas une gestion sur le long terme des intérêts patrimoniaux communaux. Les communes de taille modeste doivent déjà surmonter de multiples problèmes, vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre, celles d'entre elles qui sont plus particulièrement concernées pourraient faire l'économie d'un problème structurel, soit le non-aboutissement du processus de fusion.

Si l'on se place dans une logique arithmétique de comptabilisation globale des communes associées dans le cadre du statut de fusion-association, ce sont environ 250 000 habitants représentant 744 communes associées qui sont à prendre en compte avec une ventilation plus fine, à savoir 659 communes associées de moins de 500 habitants, soit 94 394 habitants, 47 communes de 500 à 1 000 habitants, soit 33 402 habitants et enfin 38 communes de plus de 1 000 habitants, soit 119 755 habitants.

Ces statistiques laissent entrevoir la nature de la problématique, à savoir la nécessité d'une approche pragmatique fondée essentiellement sur le bon sens et les potentialités tant économiques que financières.

Une utilisation à la lettre des articles L. 2112-2, L. 2113-2, L. 2122-3, L. 2334-12 du code général des collectivités locales dans sa partie législative et D. 2113-1 et D. 2113-3 dans sa partie réglementaire permet de pérenniser ad vitam aeternam une telle situation.

Il est temps, dans une logique d'aménagement du territoire la plus adéquate possible avec les réalités et les besoins des populations, de mettre fin à ces montages provisoires. Ce particularisme à la française constitue non pas un atout pour les collectivités locales, mais un handicap certain, tant pour ces dernières que pour les populations concernées.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, si vous entendez, grâce à des mesures adaptées, remédier à un tel attentisme.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, votre question sur l'évolution du statut des communes associées relève d'un débat très technique, mais qui n'en est pas moins important, car ce statut est à la fois original et généralement méconnu du grand public.

Il s'agit de la conséquence d'une loi bien connue de 1971, la loi dite « Marcellin », qui a tenté de répondre au défi du morcellement communal caractérisant le paysage institutionnel français par la mise en place autoritaire de fusions de communes, intervenues d'ailleurs pour la plupart d'entre elles au cours des années soixante-dix. La situation n'a pas évolué depuis.

Trente ans plus tard, nous en sommes à la situation que vous venez de décrire très précisément, nous avons les mêmes chiffres concernant ces communes associées et la même ventilation sur la base de la population.

Il existe toujours 744 communes associées, qui représentent près de 250 000 habitants. Parmi ces 744 communes, 659 comptent moins de 500 habitants, 47 se situent entre 500 et 1 000 habitants et 38 au-dessus de 1 000 habitants.

Cette photographie ne peut apporter plus : elle rend compte de la réalité, mais elle ne l'explique pas.

Une analyse juridique plus poussée montre que le statut des communes associées a récemment été modifié puisque, à la demande de plusieurs parlementaires, un amendement permettant aux communes associées de disposer de droits et, à titre consultatif, d'un délégué au sein des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, a été accepté par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales au printemps 2004.

Dans ces conditions, monsieur Souvet, faut-il, comme vous le suggérez, faire machine arrière et décider d'un remaniement législatif destiné à relancer un processus de fusions simples ?

Je crois, comme vous, qu'une clarification est souhaitable, mais elle doit intervenir dans le cadre légal actuel qui offre d'ores et déjà l'occasion de supprimer une commune associée.

L'article L. 2113-6 du code général des collectivités territoriales permet de supprimer le statut de commune associée attribué lors d'une fusion et non de revenir sur la fusion elle-même.

Le retour au régime de la fusion simple que vous appelez de vos voeux est donc concrètement possible.

Permettez-moi d'en rappeler brièvement les quatre principales étapes : il faut d'abord que la demande de suppression émane du conseil municipal ; il faut ensuite consulter la population de la commune associée ; il faut également que cette dernière se prononce à la majorité absolue des suffrages exprimés correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits en faveur de la suppression ; il faut enfin, au vu de ce résultat, que le préfet très logiquement prononce la suppression de la commune associée.

Au total, il me semble que ces dispositions régissent dans des conditions non pas optimales, mais globalement satisfaisantes, le passage de la fusion-association à la fusion simple.

Telles sont les précisions que je voulais apporter en vous indiquant que je reste ouvert sur ce sujet et prêt à examiner toute proposition de votre part alliant la souplesse, qui est indispensable, et le respect de la volonté des électeurs.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir apporté ces précisions qui sont pour beaucoup inconnues des maires concernés et dont ils pourront avec intérêt s'inspirer.

La situation ne sera pas forcément meilleure. Bien que l'on fasse mieux à deux mille qu'à deux cents, les hommes sont les hommes et c'est un domaine dans lequel les passions s'exacerbent. Même si le remède n'est pas toujours de se séparer, dans certains cas, quand le mariage n'est plus possible, il faut en tirer les conséquences.

Intempéries dans la vallée du Thoré les 28 et 29 janvier 2006

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, auteur de la question n° 957, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le ministre, la vallée du Thoré, dans le sud du Tarn, a connu les 28 et 29 janvier derniers un événement météorologique exceptionnel qui a entraîné de nombreux et très importants dégâts.

Une pluie abondante se transformant en une couche de 30 millimètres de verglas est tombée sur 35 centimètres de neige, le tout équivalent à une charge de 60 kilogrammes de matériel.

Cela a entraîné le fracassement des branches d'arbres en cascade et de nombreux dégâts sur les réseaux électrique et téléphonique ainsi que sur le réseau routier, les chemins et les clôtures des exploitations agricoles.

Les industries ont subi aussi d'importantes pertes d'exploitation du fait de l'absence d'électricité pendant plusieurs jours.

L'ensemble des dégâts hors réseaux électrique et téléphonique serait estimé à 19 millions d'euros.

Une vingtaine de communes aux environs de Mazamet sont concernées.

Une part importante des dégâts se situe en forêt et dans les rivières. Près de 15 000 hectares de forêt sont endommagés ou détruits.

Une première rencontre, à laquelle j'étais présente, s'est tenue à la préfecture du Tarn le 15 février 2006 en vue de la constitution d'un dossier de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Cette reconnaissance est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante.

La situation des forêts et des rivières apparaît très préoccupante pour l'avenir. Il est urgent de dégager sur le linéaire de rivière et sur toutes les pentes à risques du Thoré, de l'Arnette, de l'Arn, de la Durenque et de leurs ruisseaux, tous les arbres enchevêtrés, arrachés et cassés, et ce rapidement car le printemps est une période de fortes pluies.

Cet événement météorologique crée un risque majeur dans cette vallée déjà sujette à des inondations de par son exposition à des crues rapides de type cévenol et où les arbres, en temps normal, freinent l'érosion vers la rivière.

Des moyens financiers exceptionnels devront être dégagés. L'Office national des forêts vient d'estimer à 11 millions d'euros le seul coût des interventions nécessaires pour pallier le risque d'inondations, remettre en état les pistes forestières et protéger les sources d'eau potable.

Les collectivités locales vont aussi devoir faire face à des dépenses exceptionnelles et très lourdes pour remettre en état la voirie et surtout les bordures de routes, les chemins et sécuriser leur territoire.

Les collectivités locales, l'Agence de l'eau Adour-Garonne, s'y préparent. Mais les Tarnais attendent que la solidarité nationale s'exerce pleinement dans cette situation. Nous savons que cela a pu être fait voilà quelques années dans le territoire de Belfort.

Votre collègue M. Thierry Breton, en visite dans le Tarn, a incité les communes concernées « à faire remonter les dossiers ».

D'après ce que nous savons, le préfet a rencontré les ministres concernés pour savoir quels moyens pourront être dégagés.

Monsieur le ministre, les Tarnais souhaitent savoir si un arrêté de classement portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans la vallée du Thoré et de la Durenque est en cours d'élaboration. Par ailleurs, si les dossiers sont bien remontés, où sont-ils ?

Il est urgent, deux mois après cet événement, que des moyens financiers, matériels, mais aussi humains, soient dégagés pour éviter des conséquences qui pourraient se révéler catastrophiques, surtout en ce début de printemps.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Madame la sénatrice, M. le ministre de l'intérieur, malheureusement empêché, m'a demandé de vous répondre sur les conséquences pour la vallée du Thoré, située dans le sud du département du Tarn, des chutes de neige et des formations de glace survenues dans la nuit du 28 au 29 janvier 2006.

Je tiens à préciser que le préfet du Tarn, dès la survenance de ces intempéries, a mobilisé dans l'urgence tous les services de l'État pour venir en aide à la population.

Il a d'abord sollicité la direction départementale de l'équipement, la DDE, qui a rassemblé, dès le samedi 26 janvier, tous les moyens humains et matériels disponibles à l'échelle du département, qui ont été renforcés dès le lundi et le mardi suivants par les équipes de l'Hérault, ainsi que par des moyens militaires départementaux et zonaux.

Il a ensuite immédiatement mobilisé les forces de l'ordre et les sapeurs-pompiers pour la sécurité routière et la gestion des urgences vitales, au niveau aussi bien des établissements hospitaliers et médico-sociaux que des habitats diffus des communes les plus sévèrement touchées, dont vous vous préoccupez.

Enfin, EDF a joué un rôle important, qui est monté en puissance au fur et à mesure de l'aggravation des événements climatologiques et naturels, en envoyant sur le terrain cent agents, puis trois cents agents par jour, en liaison avec la préfecture du Tarn, qui coordonnait toute l'opération.

Pour ce qui concerne la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, le préfet du Tarn a procédé au recueil des dossiers qui ont été préparés par les quarante-trois communes intéressées et qui seront présentés à la commission interministérielle lors de sa prochaine réunion, le 13 avril prochain. Celle-ci vérifiera si cet événement naturel et les dommages matériels directs entrent bien dans le cadre fixé par l'article L. 125-1 et suivants du code des assurances.

Par ailleurs, les services de l'État viennent d'achever l'évaluation financière de l'ensemble des dégâts occasionnés par ces intempéries aux équipements communaux, aux forêts, aux cours d'eau et aux exploitations agricoles, de même qu'aux entreprises industrielles, commerciales et artisanales.

Ce recensement est indispensable, puisqu'il permettra à chacun des départements ministériels concernés d'étudier les décisions qui pourront être prises pour témoigner de la solidarité nationale aux populations sinistrées par ces graves intempéries.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le ministre, je vous remercie d'ores et déjà des efforts qui ont été faits et de ceux que vous allez faire pour aider l'ensemble des communes sinistrées à la suite de ces intempéries.

Par ailleurs, la venue d'une équipe de la protection civile a été annoncée. C'est un signe, mais il est bien loin de répondre aux besoins.

Le vote des budgets dans toutes les collectivités concernées, y compris les départements, a donné lieu à des interrogations sur les moyens financiers qu'il convient de dégager pour les routes, la suppression des embâcles et la remise en état des chemins.

Permettez-moi de rappeler que treize kilomètres de linéaires de rivière sont touchés et que, sur trente kilomètres, les bassins versants devront être sécurisés.

Quant aux routes, en plus de l'énorme travail qui devra être fait sur les voiries communales, je me dois de mentionner que la principale route touchée est la nationale 112, devenue récemment départementale et dont la remise en état, à quelques jours près, incombera au département.

Les Tarnais, qui se sont déjà fortement mobilisés - notamment les agriculteurs pour réparer les dégâts subis par leurs collègues dans le sud du département - ne comprendraient pas que la solidarité nationale ne s'exprime pas pleinement.

applications de l'article L. 2122-22 4° du code général des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 976, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Bernard Piras. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur une question de nature technique.

L'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales dispose que « le maire peut, [...] par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : 4° De prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés de travaux, de fournitures et de services qui peuvent être passés sans formalités préalables en raison de leur montant, lorsque les crédits sont inscrits au budget ».

En outre, l'article L. 2131-2 du même code précise que sont soumises à l'obligation de transmission au représentant de l'État : « 1° Les délibérations du conseil municipal ou les décisions prises par délégation du conseil municipal en application de l'article L. 2122-22 ». Cette transmission, conformément aux dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, permet à ces délibérations et décisions d'acquérir leur caractère exécutoire.

Par ailleurs, depuis l'adoption en décembre 2001 de la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite loi MURCEF, l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales prévoit au 4°que sont soumises à cette obligation de transmission « les conventions relatives aux marchés à l'exception des marchés passés sans formalité préalable en raison de leur montant ».

Dès lors, la question s'est posée de savoir si, compte tenu du fait que les « marchés passés sans formalité préalable en raison de leur montant » ne sont pas transmissibles, les décisions du maire prises par délégation du conseil municipal, concernant ces marchés, sont elles-mêmes exemptes de transmission. Force est de constater que cette question, qui a été adressée au Gouvernement à plusieurs reprises, a fait l'objet de réponses ministérielles qui semblent se contredire.

Cependant, dès lors que, dans une réponse récente à une députée du Rhône, il est reconnu que toutes les décisions prises en application de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales sont soumises à transmission, il semble opportun de saisir pour avis le Conseil d'État sur le point de savoir si les conventions de marchés passés sans formalité préalable - en raison de leur montant, non transmissibles en eux-mêmes - sont transmissibles au titre de l'article L. 2131-2 1° du code général des collectivités territoriales lorsqu'ils contiennent la décision de les passer formalisée par leur signature.

M. le président. Cher collègue, je préfère vous entendre défendre les truffes. (Sourires.)

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, votre question porte sur le caractère transmissible de la décision prise par un exécutif local qui a reçu délégation pour signer certains types de marchés.

S'agissant de l'obligation de transmission au contrôle de légalité, je veux affirmer à nouveau, de manière à dissiper toute incertitude juridique, que la position du ministère de l'intérieur est constante depuis 2003, contrairement à ce que votre question pourrait laisser supposer.

Pour être précis, la doctrine du ministère a été établie dans une réponse à une question écrite de M. Richard Dell'Agnola, député du Val-de-Marne.

Le principe en est simple. L'article L. 2131-2, 1°, du code général des collectivités territoriales prévoit que les décisions prises dans le cadre des délégations susceptibles d'être consenties à l'exécutif local en application de l'article L. 2122-22 sont soumises à l'obligation de transmission au titre du contrôle de légalité pour être exécutoires.

Toutefois, par exception, à la suite de la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, à laquelle vous avez d'ailleurs fait allusion, monsieur le sénateur, et conformément à l'article L. 2131-2, 4°, du code précité, les contrats relatifs aux marchés passés sans formalité préalable en raison de leur montant sont exonérés de cette obligation de transmission.

À ce titre, le ministère de l'intérieur a rappelé, dans une circulaire du 10 août 2004, que, lorsque la décision de signer le marché n'est pas distincte formellement de la signature proprement dite de ce marché, l'obligation de transmission n'a pas lieu de s'appliquer.

À l'inverse, et conformément à la réponse apportée le 8 novembre 2005 à la question posée par Mme Martine David, il y a obligation de transmission au contrôle de légalité lorsque la décision de signer consiste en un acte formalisé distinct de la signature du marché elle-même.

Les solutions dégagées par les jurisprudences que vous citez sont, quant à elles, relatives soit à des contrats autres que des marchés publics, soit à la situation antérieure à la loi MURCEF. Elles ne sauraient donc s'appliquer aujourd'hui et en l'espèce.

Monsieur le sénateur, la position du ministère de l'intérieur étant constante et cohérente depuis 2003, la saisine du Conseil d'État ne me paraît donc pas justifiée.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui lève certaines ambiguïtés.

Je souhaite que la jurisprudence s'applique. Vous estimez que l'avis du Conseil d'État n'est pas nécessaire, je m'en réjouis et j'espère qu'il n'y aura pas d'autres litiges qui entraîneront une nouvelle jurisprudence.

réglementations européennes et distorsions de concurrence

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 980, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Francis Grignon. Je tiens tout d'abord à remercier M. François Loos d'être présent puisque ma question relève directement de ses compétences.

Je souhaite interroger le Gouvernement sur les problèmes induits par les différences entre les normes applicables dans les pays membres de l'Union européenne.

Les contacts des professionnels alsaciens avec leurs collègues et concurrents allemands font apparaître que, dans de nombreux domaines, la réglementation française est beaucoup plus sévère que celle de nos voisins qui respectent pourtant les normes européennes. Car tout le monde respecte les normes en vigueur, et c'est bien là le coeur du problème. Il en est ainsi en matière de qualité de l'air ou de bruit des machines, notamment dans les professions du bois.

Si les normes draconiennes applicables en France présentent l'avantage de mieux protéger la santé des artisans et de leurs salariés, elles ont aussi l'inconvénient d'obliger les entreprises françaises à procéder à des investissements d'un coût beaucoup plus élevé que ceux des entreprises allemandes - investissements parfois difficiles à supporter - et de provoquer ainsi une véritable distorsion de concurrence.

Monsieur le ministre, serait-il possible, chaque fois que de nouvelles normes sont élaborées, que l'on tienne compte des distorsions de concurrence qu'elles peuvent induire en raison des différences de réglementations applicables dans les pays membres de l'Union européenne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Grignon, je connais bien ce sujet, dont j'ai eu à connaître sur le plan local avant de le traiter à l'échelon national. Sachez toutefois qu'il ne relève pas de ma compétence exclusive.

Dans les domaines qui ne font pas l'objet d'une harmonisation communautaire complète, c'est-à-dire lorsque les normes communautaires ne fixent que des prescriptions minimales, les États membres conservent la possibilité d'adopter, en fonction de leurs exigences ou de leurs contraintes propres, des mesures plus strictes ayant notamment pour objectif la protection de la santé, de la sécurité des personnes ou de l'environnement.

Il en résulte que des différences de réglementations peuvent exister, s'agissant notamment de l'hygiène et de la sécurité au travail.

Je suis disposé à examiner, avec mes homologues chargés des réglementations particulières, telles que l'environnement et le travail, les situations qui paraissent aberrantes et les distorsions de norme ou de réglementation qui pourraient être réduites ou supprimées tout en garantissant un haut niveau de protection de nos concitoyens et de leur environnement.

Pour l'avenir, soucieux de ne pas assujettir les entreprises françaises à des charges indues qui pourraient alourdir leurs coûts, le Gouvernement se montrera particulièrement attentif à la qualité des études d'impact préalables à toute nouvelle proposition législative ou réglementaire.

La comparaison avec les règles en vigueur dans d'autres pays membres est l'un des aspects qu'il convient de prendre particulièrement en compte à ce titre.

Monsieur le sénateur, je suis à votre disposition pour étudier ce dossier.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. L'objectif de cette question était de sensibiliser le Gouvernement à certains problèmes qui se posent sur le plan local, en particulier d'attirer son attention sur les normes européennes qui peuvent avoir des conséquences sur la compétitivité industrielle des entreprises.

Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses concrètes que vous m'avez apportées, et que je transmettrai aux acteurs alsaciens concernés, à la fois sur les cas spécifiques et sur les études d'impact. Ces dernières sont très importantes parce qu'il faut bien mesurer les conséquences des mesures qui sont prises.

garantie d'état pour les commandes de navires civils

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 997, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, ma question vise à attirer votre attention sur le montant de la garantie d'État pour les commandes de navires civils.

L'article 119 de la loi de finances rectificative pour 2005 a mis en place un dispositif de garantie de cautionnements et des préfinancements en faveur des entreprises du secteur de la construction navale, pour la construction de navires civils dont le prix de vente est supérieur à 40 millions d'euros.

Un décret en Conseil d'État, qui n'est pas encore paru, doit préciser les conditions et les critères à respecter par les entreprises qui souhaiteront en bénéficier.

Ce dispositif est destiné à assurer une meilleure visibilité des conditions de financement des chantiers navals civils dont l'activité est soumise à des risques élevés et pour laquelle il n'existe pas d'offre privée de financements et de cautionnements suffisante. Il est un soutien indispensable si l'on veut assurer la viabilité du secteur de la construction navale française, notamment face à la concurrence étrangère.

Toutefois, la mise en oeuvre de ce dispositif pour la construction des seuls navires d'une valeur supérieure à 40 millions d'euros en réserve de fait l'accès à un unique chantier, les chantiers de l'Atlantique, qui sont les seuls en France à construire des navires d'un tel coût.

Pourtant, d'autres chantiers de moindre importance en auraient tout autant besoin pour assurer leur activité. Je pense aux Constructions mécaniques de Normandie, les CMN, qui sont implantées dans ma commune et que vous connaissez bien, monsieur le ministre, mais aussi aux chantiers de Concarneau, de Bordeaux ou d'Arcachon.

Vous savez que la situation des Constructions mécaniques de Normandie est critique. Depuis des mois, actionnaires, dirigeants, salariés et élus locaux se mobilisent pour redresser cette entreprise confrontée à de lourdes difficultés financières. À cet effet, un protocole de recapitalisation a été élaboré. Il ne manque que la signature de l'État, les collectivités régionales et départementales ayant accepté de transformer leur avance remboursable en subvention.

L'accès au dispositif de garantie de cautionnements institué à l'article 119 de la loi de finances rectificative pour 2005 serait un atout supplémentaire pour convaincre les partenaires et clients potentiels de l'entreprise, notamment dans le cadre de la diversification - cette entreprise construisait surtout des navires militaires - que constitue le marché de la grande plaisance, très porteur pour l'avenir.

Monsieur le ministre, ma question est double : où en est l'élaboration du décret en Conseil d'État et, surtout, envisagez-vous d'abaisser le seuil prévu de 40 millions à 25 millions d'euros afin de rendre éligibles les chantiers que je viens d'évoquer à la garantie de cautionnements prévue à l'article 119 de la loi de finances rectificative pour 2005 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, la construction navale est une activité exposée à des risques élevés, en raison du volume financier de chaque commande et, en même temps, de leur faible nombre.

Les conditions offertes par le marché ne permettent pas, à elles seules, d'assurer le financement de ces commandes. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé en décembre 2006 au Parlement de mettre en place un dispositif de garantie en faveur de la construction navale civile.

Il est indispensable de donner aux chantiers navals français une visibilité financière équivalente à celle des autres acteurs européens. Les chantiers allemands ou néerlandais, par exemple, bénéficient déjà d'un tel mécanisme, qui a reçu l'autorisation de la Commission européenne, car il remédie à une défaillance de marché et s'inscrit dans le cadre de la politique communautaire en faveur de la construction navale européenne.

À la suite de ces autres États membres, le Gouvernement a notifié le dispositif de garantie français à la Commission européenne, dont la décision est attendue dans les prochaines semaines.

Ce dispositif est orienté vers une défaillance de marché clairement identifiée. C'est pourquoi il ne s'applique qu'aux navires dont le prix de vente est supérieur à 40 millions d'euros. Ce seuil a, je le rappelle, été fixé par la loi de finances pour 2006. Il est justifié par le fait que les navires dont le prix de vente est supérieur à 40 millions d'euros correspondent généralement à des navires à forte valeur ajoutée, comme les yachts de grande taille, les car-ferries ou les paquebots, dont les coûts de démarrage sont élevés.

Le constructeur doit ainsi faire face à des montants unitaires de risques élevés, comparés à son carnet de commandes global. Il rencontre donc de véritables difficultés pour obtenir des établissements financiers les garanties et les préfinancements nécessaires pour la réalisation du contrat. À l'inverse, il existe généralement, en dessous de ce seuil de 40 millions d'euros, des instruments de marché permettant de répondre à la demande.

Le groupe Chantiers de l'Atlantique ne sera que l'un des bénéficiaires potentiels du dispositif. En dehors de ce groupe, d'autres constructeurs sont susceptibles de fabriquer des navires dont le prix unitaire est supérieur à 40 millions d'euros. Certains chantiers augmentent leur activité en se tournant vers la construction de navires plus coûteux, en ciblant les navires d'assistance offshore pour lesquels il existe une demande de plus en plus forte, orientée vers des navires de plus en plus sophistiqués, et en s'attaquant au marché de la grande plaisance, secteur également caractérisé par une forte demande de navires de plus en plus grands et luxueux, qui atteignent donc des coûts supérieurs à 40 millions d'euros.

Le dispositif de garantie est ouvert aux entreprises de construction qui respecteront des conditions posées par décret. Je vous informe que le Gouvernement a d'ores et déjà transmis au Conseil d'État un projet de décret, actuellement en cours d'examen.

Les conditions qu'il prévoit sont, notamment, le respect d'un ratio minimal de fonds propres sur engagements financiers, fixé à 10 %, la nécessité pour l'entreprise de posséder des capacités de conception et de fabrication de navires civils en France, le fait que la garantie ne peut pas couvrir plus de 80 % des cautionnements et préfinancements accordés par des établissements financiers pour un contrat de construction de navire civil, la limitation de la durée de la garantie à quatre ans, la rémunération de la garantie à un taux supérieur à celui du marché, afin de ne pas constituer une aide d'État et, enfin, l'obligation pour la société de présenter des sûretés en contrepartie de l'octroi de la garantie.

Voilà donc le détail du dispositif soumis à l'examen du Conseil d'État.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, il me paraît dommage de conserver le seuil de 40 millions d'euros. En effet, dans le cas de la grande plaisance, des bateaux qu'on pourrait presque qualifier de « première fabrication » nécessitent beaucoup d'investissements, bien que leur prix unitaire soit inférieur à 40 millions d'euros.

Il serait regrettable qu'un seul chantier puisse bénéficier de ce dispositif, car les autres chantiers rencontrent les mêmes difficultés que s'ils construisaient des bateaux d'un coût supérieur à 40 millions d'euros. La construction de bâtiments de cette importance suppose l'existence d'infrastructures que ces entreprises ne pourront pas créer, alors que le marché de la grande plaisance est très porteur, mais ne concerne que des bâtiments d'un coût inférieur à 40 millions d'euros.

réforme du conseil supérieur de la magistrature

M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel, auteur de la question n° 960, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Hubert Haenel. Monsieur le président, cette question aurait pu faire l'objet d'un rappel au règlement.

Monsieur le garde des sceaux, la réponse à ma question écrite n° 19524 relative au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, était de pure forme, je n'ose pas dire qu'elle relevait de la « langue de bois ».

Je demandais notamment si le CSM pouvait s'autosaisir, donner des avis sans avoir été sollicité par le Président de la République, président du CSM, ou par vous-même, monsieur le garde des sceaux, en tant que vice-président. Je rappelais que, ayant été rapporteur de la réforme constitutionnelle de 1993, je me souvenais que nous avions exclu cette possibilité, et je l'ai d'ailleurs vérifié. Je demandais enfin si une réforme du CSM était envisagée pour régulariser ces pratiques.

La réponse publiée au Journal officiel du 1er décembre 2005 se passe de commentaires. Elle est pour le moins hors sujet, reprenant des considérations d'ordre général et se gardant bien d'aborder les questions précises posées.

J'ai bien conscience que ces sujets sont particulièrement embarrassants. Il me semble cependant que ma question était justifiée puisque, un mois plus tard, le Président de la République annonçait une réforme du CSM. Le Parlement - en tout cas l'Assemblée nationale, à la suite de l'affaire d'Outreau - envisageait lui aussi la réforme de cette institution constitutionnelle.

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous apporter des informations sur les quelques réflexions que vous menez pour que le CSM ne soit pas qu'un simple organe de cogestion de la carrière des magistrats - une sorte de commission paritaire, ce que le constituant n'a pas voulu -, mais soit le véritable conseil supérieur de la justice.

Nous poursuivrions ainsi la logique de la démarche engagée en 1993, qui, globalement, représente un progrès, mais mérite d'être approfondie, complétée et clarifiée.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je suis surpris par la tonalité de votre question. Je croirais presque que vous avez changé de banc dans l'hémicycle !

Au fond, vous me reprochez de ne pas répondre à une question, alors que vous connaissez précisément la réponse. En effet, le Gouvernement ne peut répondre à cette question tant que le Parlement - et vous êtes parlementaire, jusqu'à preuve du contraire - n'a pas achevé sa propre réflexion.

Vous savez que l'Assemblée nationale a pris l'initiative de créer une commission d'enquête qui doit remettre son rapport le 4 juin 2006. D'ici là, il serait malséant de la part du Gouvernement de présenter les réflexions de l'exécutif, sous prétexte que le Président de la République aurait, à l'occasion des voeux, lancé l'idée d'une réforme du CSM.

Une telle démarche serait profondément choquante du point de vue de nos institutions, et je m'étonne que vous ne considériez pas, comme moi, que ce respect des formes et de l'expression parlementaire soit le premier devoir du Gouvernement.

Les questions que posera la réforme du CSM sont nombreuses. Pour vous être aimable, je peux vous indiquer quatre axes de réflexion.

Faut-il ouvrir davantage la composition du CSM à des personnalités extérieures, voire rendre minoritaires les magistrats ? Je rappelle que, dans la réforme du CSM proposée par Mme Guigou, la représentation des magistrats était minoritaire et que toutes les réformes suggérées depuis, de part ou d'autre, vont dans ce sens.

Faut-il permettre à d'autres autorités que le garde des sceaux et les chefs de cour, comme c'est le cas actuellement, de saisir le CSM en matière disciplinaire ?

Faut-il aller jusqu'à modifier le rôle et les attributions du CSM ? Cet élargissement de compétence pose lui-même plusieurs questions.

Faut-il enfin prévoir le détachement systématique des membres du CSM dans ces fonctions, pour qu'ils puissent exercer à plein temps leur mission ? Cette question est liée à la précédente, puisque l'extension des pouvoirs du CSM obligerait ses membres à se consacrer exclusivement à cette fonction.

Comme vous le constatez, monsieur le sénateur, la réflexion est ouverte, sans aucun tabou, et nous aurons l'occasion de revenir très prochainement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel.

M. Hubert Haenel. Je voudrais indiquer que ma question, en date du 29 septembre - on ne parlait pas encore de l'affaire d'Outreau, et la réponse du ministre date du 1er décembre -, portait sur les éventuelles violations de la Constitution et des lois organiques que l'on peut observer dans le fonctionnement actuel du CSM.

Je prétends que le CSM ne peut pas s'autosaisir, comme il le fait régulièrement !

Cette question taboue est très gênante, je le comprends, monsieur le ministre. Mais il faudra bien qu'on y réponde un jour, sans doute à l'occasion de la réforme du CSM qui sera prochainement engagée.

Je n'ai pas changé de banc, contrairement à ce que vous insinuiez, monsieur le ministre. J'estime respecter tout à fait mon rôle et ma responsabilité de parlementaire - je vais bientôt fêter mes vingt ans de mandat parlementaire, uniquement comme sénateur -, qui nous font obligation de poser les questions que nous jugeons utiles, en toute sérénité et impartialité, et auxquelles nous sommes en droit d'attendre une véritable réponse !

« On a toujours tort d'avoir raison trop tôt », disait Edgar Faure.

M. Pierre Fauchon. En s'inspirant de Cicéron !

M. Hubert Haenel. Et ce n'est jamais le bon moment pour poser une question !

indépendance de la justice et liberté d'expression des magistrats

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la question n° 978, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le garde des sceaux, la justice vit des moments très difficiles. Mis en cause devant les caméras et les micros, les juges sont devenus les nouvelles victimes de l'arbitraire de votre Gouvernement.

Aujourd'hui, l'État ne souffre aucune remise en cause, ni même aucune critique. Il ordonne et on devrait exécuter ! Il frappe et l'on devrait se taire ! La violence est du côté des plus forts et le silence est imposé aux plus faibles.

Tout récemment, M. Didier Peyrat, vice-procureur près le tribunal de grande instance de Pontoise, a exercé son droit, comme tout citoyen, de commenter, voire de critiquer, la politique du Gouvernement en général, ainsi que les actes et les propos du ministre de l'intérieur en particulier.

À la suite de la publication de deux tribunes libres, M. Didier Peyrat a d'abord été menacé de sanctions. Il lui a ensuite été reproché de ne pas respecter l'obligation de réserve et de prudence qui sied à tout magistrat.

Monsieur le ministre, dois-je vous rappeler que l'étendue de l'obligation de réserve et de prudence s'entend comme l'interdiction de mêler des considérations politiques à l'exercice de l'activité professionnelle ?

La participation active des magistrats au débat public fait, depuis longtemps, l'objet d'un large consensus. À ce sujet, le Conseil supérieur de la magistrature, dans une décision du 9 octobre 1987, rappelle que « l'obligation de réserve ne saurait réduire le magistrat au silence et au conformisme, mais doit se concilier avec le droit particulier à l'indépendance qui distingue fondamentalement le magistrat du fonctionnaire. »

La liberté de s'exprimer est un droit fondamental, reconnu aux magistrats comme à tous les citoyens. Parce que cette liberté constitue l'un des fondements de la République, la remise en cause de cet acquis doit être dénoncée, avec la plus grande fermeté, surtout lorsqu'elle prend prétexte de la violation de l'obligation de réserve.

Cette obligation n'interdit nullement aux magistrats d'intervenir dans le débat public. Bien au contraire, en tant que citoyens, en première ligne sur le front des injustices et de la justice, les juges ont l'obligation de ne pas se taire, notamment face à l'arbitraire !

Car c'est bien une politique arbitraire que le Gouvernement met en oeuvre.

Arbitraire, lorsque vous déséquilibrez l'esprit de notre système pénal au profit exclusif de la répression, en affaiblissant la prévention et la réinsertion !

Arbitraire également, lorsque vous-même, monsieur le garde des sceaux, demandez en pleine crise des banlieues aux parquets de requérir systématiquement de la prison ferme « en cas de trouble grave à l'ordre public »...

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Pas systématiquement !

Mme Alima Boumediene-Thiery. ... et de faire appel, si les tribunaux ne suivent pas ces réquisitions, contribuant ainsi à inciter le pouvoir judiciaire à surcharger des prisons déjà surpeuplées, dignes d'un État comme la Moldavie !

D'ailleurs, à l'instar du ministre de l'intérieur, qui semble de plus en plus dicter la politique judiciaire de la France, vous avez encore récemment récidivé en demandant aux procureurs, d'une part, de faire preuve de fermeté à l'encontre des manifestants anti-CPE et, d'autre part, de veiller à ce que les parquets fassent appel au cas où un juge ne suivrait pas la consigne.

Au travers des dérapages contrôlés de ses ministres, on a l'impression que ce Gouvernement se veut le pompier pyromane de notre société et de notre démocratie, mettant à mal la séparation des pouvoirs, exécutif et judiciaire, indispensable dans une démocratie.

Voilà quelques mois, c'est M. Nicolas Sarkozy qui profitait honteusement de l'affaire Nelly Crémel, cette mère de famille lâchement assassinée, pour proposer de sanctionner des magistrats qui, en fait, s'étaient contentés d'appliquer la loi !

Venons-en à la dernière aberration en date du 8 mars ; je veux parler de la circulaire que vous avez adressée aux procureurs généraux s'agissant des contestations portées devant les conseils des prud'hommes et relatives aux licenciements dans le cadre d'un CNE.

Vous outrepassez largement vos prérogatives en demandant aux procureurs généraux de veiller « à ce que le parquet fasse appel », après « analyse des décisions des prud'hommes ». En effet, depuis quand le parquet se mêle-t-il d'affaires prud'homales ? C'est du jamais vu sous forme d'ordre ministériel !

Qui plus est, vous précisez que le juge « n'est pas chargé d'apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement survenu dans les deux ans » d'essai du CNE. Vous vous placez ainsi du côté des patrons, au détriment de la situation des salariés.

Comme le fait remarquer Me Lyon-Caen dans le journal Libération du 27 mars 2006, « il s'agit d'une trahison de la mission du ministère public, [...] car il ne peut pas être partisan au point de soutenir une catégorie de citoyens contre une autre. Et il est inconcevable qu'il intervienne pour soutenir exclusivement les intérêts de l'employeur. »

Pendant un grand nombre d'années, nombreux étaient ceux qui craignaient un Gouvernement des juges. Aujourd'hui, ils vont obtenir au-delà de ce qu'ils espéraient, c'est-à-dire un Gouvernement sans juge.

Monsieur le ministre, vous engagez-vous, face à la représentation populaire, à tout mettre en oeuvre afin que soient respectées la stricte séparation des pouvoirs et la garantie de l'indépendance de la justice ?

Vous engagez-vous à faire en sorte que ni vous ni aucun autre ministre ne s'immisce dans les décisions des juges ? Pour cela, il faut commencer par cette circulaire du 8 mars 2006. Auriez-vous l'intention de la retirer et quand ?

Enfin, monsieur le ministre, quelle garantie êtes-vous prêt à apporter afin d'assurer la libre expression de la magistrature, notamment à travers le cas spécifique de M. Didier Peyrat, qui, même s'il a été aujourd'hui innocenté, n'aurait jamais dû être inquiété par sa hiérarchie ? Je vous remercie.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, je me contenterai de répondre aux questions que vous aviez préalablement transmises à la Chancellerie.

Je suis profondément attaché au principe d'indépendance de la justice. Je vous rappelle simplement que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite « d'Outreau » mène, elle aussi, ses travaux en toute indépendance. Il s'agit d'une initiative exclusivement parlementaire, dans laquelle le ministre de la justice ne saurait interférer. La commission d'enquête parlementaire est libre d'organiser la publicité des auditions auxquelles elle procède, selon les canaux qui lui paraissent les plus appropriés.

J'en viens au second point que vous avez abordé, à savoir la liberté d'expression des magistrats du parquet. En l'espèce, vous faites référence à des propos tenus par un magistrat à des journalistes, hors de tout cadre institutionnel, et commentant en des termes violents la politique du Gouvernement.

Madame la sénatrice, je vous invite à vous référer à la jurisprudence du Conseil supérieur de la magistrature, qui énonce que « si la liberté d'expression reconnue aux magistrats, notamment à ceux du ministère public, leur ouvre, comme à tout citoyen, le droit à la critique, celle-ci doit s'exprimer en évitant les excès susceptibles de donner de la justice une image dégradée ou partisane ».

Votre interrogation porte sur la délivrance d'un avertissement par le chef de cour au magistrat en cause.

Je tiens à cet égard à vous préciser que l'article 44 de l'ordonnance statutaire de la magistrature prévoit que les chefs de cour disposent du pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité. Le ministre de la justice ne saurait interférer dans l'exercice de ce pouvoir propre des chefs de cour.

Cet avertissement ne constitue pas, en soi, une sanction disciplinaire et se trouve effacé automatiquement du dossier du magistrat au bout de trois ans si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n'est intervenu durant cette période.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, la liberté d'expression des magistrats est fondamentale. Nous y reviendrons certainement, notamment lorsque nous parlerons de la refonte de la justice et - pourquoi pas ? - de tous ses dysfonctionnements. En effet, nous serons bien obligés, à un moment donné, de nous pencher sur de tels sujets.

Par ailleurs, vous avez parlé d'excès concernant la liberté d'expression. Ils sont relatifs et vous le savez très bien. Qui va considérer qu'il y a eu ou non excès ?

S'agissant de l'image dégradée de la justice et de l'avis partisan du juge, ce n'est pas ce qui s'est produit dans le cas de M. Peyrat ; il s'agissait simplement de l'expression d'un citoyen. Celui-ci n'aurait donc jamais dû être inquiété par sa hiérarchie.

Enfin, l'indépendance de la justice se travaille par le biais des textes. Or j'ai l'impression que le fait de rappeler à chaque fois la responsabilité personnelle des magistrats va à l'encontre des choix que nous faisons, nous, législateurs ; je pense notamment au choix de s'orienter davantage aujourd'hui vers la procédure à juge unique en oubliant la collégialité.

Contribution des communes aux dépenses des écoles privées

M. le président. La parole est à M. André Rouvière, auteur de la question n° 987, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. André Rouvière. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur une situation qui interpelle beaucoup d'élus, et de tous bords politiques : il s'agit notamment des conséquences financières qui peuvent résulter de l'application de l'article 89 de la loi du 13 août 2004.

Pour les communes de résidence, cet article élargit l'obligation de participer aux frais de scolarisation des écoles publiques et, depuis l'entrée en vigueur de cet article 89, des écoles privées.

Ce texte pose de graves problèmes principalement aux communes rurales, mais aussi aux communes urbaines, notamment aux écoles de quartier, et ce sur plusieurs plans : maintien d'un effectif suffisant pour éviter la fermeture de classes, notamment dans les petites communes rurales ; règlement de sommes parfois importantes pour des décisions que le maire et son conseil municipal n'ont pas prises et, parfois, qu'ils ont même combattues !

Monsieur le ministre, le maire de la commune de résidence est-il obligatoirement consulté pour l'inscription d'un élève ou de plusieurs élèves dans un établissement public et/ou dans un établissement privé d'une autre commune ?

Trouvez-vous normal qu'une commune ait l'obligation de supporter des dépenses qui résultent d'une décision prise par d'autres ? Dans de très nombreux domaines, le principe « décideur-payeur » est respecté. Or, en l'espèce, c'est parfois celui qui refuse la décision qui doit payer et non celui qui décide. Une telle inversion des rôles me paraît dangereuse, notamment si elle était généralisée.

Compte tenu de ces anomalies, mon souhait serait que vous retiriez ce texte de loi, notamment l'article 89. Mais comme vous n'en avez certainement pas l'intention, ne serait-il pas possible de reconsidérer la législation en donnant plus de poids à la décision du maire de la commune de résidence et en limitant d'une manière drastique les motifs de dérogations scolaires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de vouloir bien excuser Gilles de Robien, qui n'a pu être présent ce matin et qui m'a demandé de vous communiquer les éléments de réponse à la question que vous venez de poser.

Vous l'avez interrogé sur la mise en oeuvre de l'article 89, baptisé « amendement Charasse », de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

Les questions que vous soulevez ont trait à l'inscription des élèves dans les établissements publics et privés et à la contribution des communes aux dépenses prises en compte pour déterminer le montant de leur participation.

Sur le premier point, le maire décide de la carte scolaire pour les inscriptions dans les écoles publiques de sa commune. En revanche, il n'existe pas de carte scolaire pour les inscriptions dans les écoles privées. C'est le principe constitutionnel de la liberté de choix des familles qui s'impose. Le maire ne peut donc fixer de limitations en ce domaine.

Toutefois, la circulaire interministérielle du 2 décembre 2005 émanant du ministère de l'intérieur et du ministère de l'éducation nationale prévoit que les directeurs d'écoles privées informent - vous avez employé le terme « consulter » - les maires de la commune de résidence des élèves des inscriptions dans leur établissement.

Sur le deuxième point, de même qu'une commune participe, au travers du forfait communal, aux dépenses de fonctionnement des écoles privées situées sur son territoire, elle peut être amenée à contribuer au fonctionnement des écoles situées hors de son territoire, qu'elles soient publiques ou privées sous contrat, qui scolarisent des élèves résidant dans cette commune. Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public.

Pour l'application de ce principe, des accords peuvent être passés entre les communes, en respectant bien entendu la législation applicable, en particulier le principe de parité posé par la loi Debré de 1959.

Pour conclure, monsieur le sénateur, je voudrais insister sur un point qui me paraît fondamental : l'article 89 ne crée pas de nouvelles obligations pour les communes ; la nouveauté qu'il introduit, c'est qu'en cas de désaccord survenant entre deux communes le préfet interviendra pour fixer la répartition de leurs contributions respectives. C'est déjà le cas s'agissant des écoles publiques. Telle est l'interprétation que nous donnons de l'article 89 de la loi de 2004.

M. le président. La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Monsieur le ministre, votre réponse ne me satisfait pas.

Je pourrais comprendre, sans forcément l'admettre, que l'on traite de la même façon l'école publique et l'école privée. Mais, vous l'avez dit vous-même - et c'est tout à fait paradoxal --, le maire maîtrise plus ou moins la carte scolaire des écoles publiques, mais pas du tout celle des écoles privées. On dit que ces deux types d'établissement doivent être mis sur un pied d'égalité sur le plan financier. Mais ils doivent alors l'être complètement !

L'autre point qui me heurte, monsieur le ministre, c'est que le décideur ne paie pas. C'est comme si votre voisin, en vous informant qu'il part en congé, vous disait que c'est à vous de payer ces vacances. Je souhaiterais que le maire qui paie soit consulté pour l'inscription de tel élève dans telle école privée. Si sa réponse est positive, alors c'est effectivement à lui de payer. Mais, dans le cas contraire, le fait de l'obliger à payer me paraît être une anomalie, d'autant que, pour des communes rurales notamment, cela pose de sérieux problèmes. Quelle que soit leur appartenance politique, les maires trouvent scandaleux d'avoir à payer.

Mme Hélène Luc. C'est vrai !

M. André Rouvière. Le paradoxe de cette situation, monsieur le ministre - je le constate dans ma région, les Cévennes - c'est que des écoles rurales sont maintenues ouvertes avec un effectif qui est à la limite de l'acceptable.

Certains conseils municipaux se battent depuis des années pour maintenir les petites écoles. Si, pour des raisons qui ne sont pas toujours pertinentes, les parents d'un ou deux élèves inscrivent ceux-ci dans l'école d'une commune voisine, le nombre d'élèves de l'école d'origine tombe alors au-dessous de l'effectif limite ; l'école ferme et le conseil municipal doit payer pour des élèves qui provoquent la fermeture de l'école.

Cela ne vous choque-t-il pas, monsieur le ministre ? La simple honnêteté intellectuelle commanderait la modification de ce texte.

Cet état de fait pénalise notamment des écoles rurales, mais parfois également des écoles de ville : certains quartiers perdent leurs écoles pour de semblables raisons. Une réflexion objective est donc nécessaire.

Devenir des zones d'éducation prioritaire

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 975, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, ma question s'adressait à M. de Robien, mais, en tant que ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, vous êtes directement concerné par les questions que je vais poser au sujet de l'échec scolaire et du CPE.

Monsieur le ministre, après neuf jours et neuf nuits de débats, samedi et dimanche compris, lorsque nous avons achevé l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances - l'objectif était de terminer cette discussion avant le mardi 7 mars, jour de la très grande manifestation pour le retrait du CPE - j'ai dit au Gouvernement et aux sénateurs de la majorité ceci : vous avez réussi à faire adopter un projet rejeté par les jeunes, les enseignants, les parents, les salariés et un grand nombre d'élus ; c'est maintenant la rue qui vous obligera à le retirer. La réalité de ce mouvement a été plus importante encore que je ne l'imaginais.

Le discours du président de la République n'a rien changé et toutes les combinaisons qui visent à créer un autre CPE n'ont pas plus de chance d'aboutir.

Ne nous y trompons pas, la mission de M. Sarkozy est non pas d'enterrer le CPE, mais d'en sauver tout ce qui peut l'être, en retardant le débat parlementaire pour épuiser la contestation.

Hier, je suis allée consulter les lycéens du lycée Guillaume Apollinaire de Thiais. Leur avis était unanime : il faut retirer le CPE !

Hier après-midi, je me suis rendue à Paris-XII, la faculté de Créteil. Dans un amphithéâtre bondé, le propos était également unanime : M. Sarkozy n'a pas plus de chance que M. de Villepin d'obtenir notre accord pour le CPE.

Depuis des semaines, monsieur le ministre, les lycéens et les étudiants, avec leurs familles, les salariés et tous nos concitoyens sont mobilisés pour leur avenir. Ils sont portés par une incroyable envie de réussir à s'insérer professionnellement et d'apporter au pays le meilleur d'eux-mêmes. Le Gouvernement, par l'entremise des ministres et des parlementaires de la majorité, porte de terribles coups aux conditions mêmes de leur réussite.

Le CPE doit être définitivement abrogé, selon le voeu d'une majorité de nos concitoyens. C'est ce que montre la puissante mobilisation d'aujourd'hui, qui fait suite à toutes les manifestations qui le rappelaient avec force, dans un grand esprit de responsabilité.

Mais il faut également agir dans bien d'autres domaines, monsieur le ministre. Si la politique d'éducation prioritaire n'est pas remise en cause, nous assisterons à une régression généralisée d'un dispositif qui a fait ses preuves et qui porte ses fruits. Cette année est pourtant censée être celle de l'égalité des chances.

Lors de la discussion de la « loi Fillon », j'avais cité l'exemple de l'école de Gennevilliers, dont les classes avaient des effectifs de dix à quinze élèves, selon les nécessités.

Depuis la création des zones d'éducation prioritaire, les ZEP, voilà plus de vingt ans, l'ensemble des acteurs du système insistent sur ce point, que corroborent toutes les données en matière de violence et d'échec scolaire : une croissance régulière des moyens humains et matériels aurait été nécessaire à la pleine efficacité des mesures prises.

Or vous décidez un véritable redéploiement-démantèlement. C'est le démantèlement d'un réseau d'établissements dans lesquels les équipes ont construit, année après année, avec abnégation et dévouement, dans des conditions souvent périlleuses, des projets de réussite, et mené des actions éducatives innovantes et utiles aux enfants et aux familles, en étroite coopération avec l'environnement social et humain.

Les groupes d'aide psychopédagogique, les GAPP, qui avaient la responsabilité du suivi d'élèves d'un groupe d'écoles de quartier, en maternelle ou en primaire, ou des collèges du quartier, ont été remplacés par les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, qui doivent assurer la prise en charge de 5 000 élèves.

Je vous livre ce témoignage d'un membre du collège de l'académie de Créteil, témoignage plein d'espoir qui résume, à lui seul, une réalité majoritaire. « Il y a cinq ans, notre collège a été confronté à de rudes problèmes de violence. Pour résoudre les difficultés, nous avons fait le pari de l'exigence de haut niveau dans toutes les disciplines.

« Avec 54 heures de dotations supplémentaires, nous avons mis en place la coanimation de classes, des travaux en petits groupes, de l'aide aux devoirs.

« Au bout de cinq ans, on constate l'amélioration des relations adultes-élèves, de meilleurs résultats au brevet, des passages en seconde plus satisfaisants, une stabilisation des équipes. »

Les moyens, monsieur le ministre, servent à combattre la violence, grâce, en particulier, à des enseignements artistiques que l'on considérerait comme des enseignements à part entière et à des heures d'éducation physique plus nombreuses. Mais, pour ce faire, il faut augmenter le nombre de postes au CAPES pour les étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. On s'éloigne complètement du sujet !

Mme Hélène Luc. Non, monsieur le ministre, il s'agit du même problème !

M. le président. Veuillez conclure, madame Luc ! Vous avez déjà largement dépassé le temps de parole qui vous était imparti.

Mme Hélène Luc. À Créteil, trois cents étudiants passent leurs examens. Que vont-ils devenir si le nombre de postes au CAPES n'augmente pas ? À quoi cela va-t-il servir ? Voilà comment vous désespérez les étudiants, qui se préparent pourtant à une profession merveilleuse.

Les moyens servent à combattre la violence, mais pas avec des agents de police dans les lycées ou les collèges ! À Choisy-le-roi, à la suite de graves problèmes, un important travail sur la violence avait été réalisé. Les enseignants ont oeuvré avec Didier Deschamps, Joël Quiniou, arbitre international, et Marcel Desailly.

Les moyens sont la condition nécessaire pour rendre efficace la politique de l'éducation prioritaire : d'une part, par l'allègement des effectifs, l'individualisation, la présence d'adultes référents, le développement du travail en équipe, le financement d'actions pédagogiques diversifiées permettant des ouvertures culturelles et artistiques, l'utilisation des nouvelles technologies, la scolarisation possible des enfants de deux ans et, d'autre part, par le développement de classes préparatoires aux grandes écoles accessibles à tous les jeunes qui en ont la capacité, et pas seulement dans les lycées d'élite.

C'est seulement de cette façon qu'il faut agir, c'est-à-dire à l'opposé des mesures de redéploiement que vous prenez. Dans le Val-de-Marne, c'est très clair : vous enlevez des moyens à des établissements situés en zone d'éducation prioritaire pour en donner davantage à d'autres, le collège de Fontenay et le collège Elsa Triolet de Champigny.

C'est ainsi que nous pourrons endiguer le gâchis que représente l'échec scolaire et créer des dynamiques de réussite et de véritables ambitions qui rejailliraient sur tout l'environnement économique et social de nos territoires.

Monsieur le ministre, l'éducation prioritaire n'est pas une variable d'ajustement comptable à la baisse, comme vous le faites, et ce dans un pays où pourtant les profits des entreprises du CAC 40 explosent. L'éducation prioritaire doit être une grande ambition humaine, une volonté, un engagement et un investissement sûr pour l'avenir de la jeunesse de France.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Madame la sénatrice, vous venez de brosser un tableau de la société contemporaine, mais je crains que l'école picturale à laquelle vous appartenez ne se distingue pas par son réalisme.

M. le ministre de l'éducation nationale étant absent, il m'a prié de vous communiquer sa réponse à la question que vous aviez initialement posée et qui concernait l'éducation prioritaire.

Le plan de relance de l'éducation prioritaire est une politique de renforcement de l'aide aux élèves qui rencontrent le plus de difficultés.

Il s'agit en effet de créer les conditions d'acquisition des savoirs fondamentaux pour tous les élèves, dès l'école primaire, dans un environnement de réussite, de réduire la fracture culturelle, de créer les conditions d'une orientation positive et ambitieuse, s'ouvrant notamment sur les filières d'excellence.

Il s'agit également de stabiliser et d'aider les équipes pédagogiques, de piloter le dispositif d'éducation prioritaire et de l'évaluer.

Il s'agit enfin d'allouer vraiment plus à ceux qui en ont véritablement besoin, par une action ciblée sur les réseaux « ambition réussite », et de donner ainsi une réalité au principe d'égalité des chances, auquel nous sommes fondamentalement attachés.

Pour mettre en oeuvre ce plan, les moyens dévolus à l'éducation prioritaire sont en augmentation, contrairement à ce que vous venez de déclarer, madame la sénatrice.

Les 249 collèges connaissant les difficultés les plus importantes qui ont été retenus forment, avec les écoles de leur secteur, des réseaux « ambition réussite », constituant le premier niveau de la nouvelle architecture de l'éducation prioritaire, ou niveau EP1.

Dès la rentrée 2006, 1 000 professeurs supplémentaires seront affectés à ces réseaux, et 3 000 assistants pédagogiques viendront en renforcer les équipes...

Mme Hélène Luc. Mais on en supprime 20 000 ailleurs !

M. François Goulard, ministre délégué. ...pour assurer, notamment, l'aide aux devoirs et faire du soutien scolaire.

Ces collèges se verront par ailleurs dotés d'un principal adjoint, quand ils n'en ont pas, et d'au moins une infirmière à plein-temps. Des dispositifs relais s'y développeront en priorité.

Quant aux autres établissements, qui sont classés aux niveaux EP2 et EP3, ils demeurent bien entendu en éducation prioritaire. Leurs élèves connaissent aussi des difficultés sociales et scolaires, même si celles-ci sont objectivement moins lourdes que dans les réseaux « ambition réussite ».

Tous ces collèges et écoles continueront donc de bénéficier, à la prochaine rentrée, des moyens affectés à l'éducation prioritaire et, en plus, des mesures communes de relance de l'éducation prioritaire.

Permettez-moi de citer quelques-unes de ces mesures communes de relance de l'éducation prioritaire.

Je mentionnerai le renforcement du tutorat : 100 000 étudiants des grandes écoles et des universités s'engagent dans l'accompagnement de 100 000 élèves de l'éducation prioritaire, afin de les préparer à entrer dans l'enseignement supérieur dans les meilleures conditions.

Je citerai l'augmentation des bourses au mérite, dont le nombre passera de 28 000 à 100 000 à la rentrée 2006.

Nous renforçons la formation et le pilotage. Les équipes des établissements scolaires en éducation prioritaire bénéficieront en effet d'un accompagnement renforcé, notamment par les corps d'inspection et les dispositifs académiques de formation et d'innovation.

Dans les dix académies qui regroupent le plus grand nombre d'établissements prioritaires, un inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional sera missionné pour animer localement cette politique.

Le plan de relance de l'éducation prioritaire est à la fois ambitieux dans ses objectifs et juste par la répartition des moyens qu'il y affecte. Le but exclusif, c'est la réussite scolaire.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Comme vous vous en doutez, monsieur le ministre, je ne suis pas du tout satisfaite par votre réponse.

Tous les enfants doivent pouvoir apprendre à lire et à écrire au cours préparatoire et ne jamais redoubler cette classe. Car tous les enfants sont capables d'apprendre à lire et à écrire !

Mais, à un moment donné, lorsqu'un enfant rencontre des problèmes, il faut qu'une institutrice s'occupe personnellement de lui pendant une semaine ou quinze jours pour qu'il puisse suivre plus aisément en CE1 et en CE2.

Or, monsieur le ministre, vos propositions me confortent dans l'idée que les élèves les plus défavorisés seront encore plus en échec. Il importe de réparer ce gâchis humain. Pour ce faire, il faudrait prévoir deux années de formation en alternance ; je parle de ceux que vous voulez mettre en apprentissage à quatorze ans et faire travailler la nuit et le dimanche.

Hier, à Créteil, une personne appartenant à la chambre de commerce et d'industrie de Paris a indiqué que les entreprises n'avaient pas besoin de contrat première embauche, pas plus que d'apprentis junior. Elles veulent des jeunes qui apprennent un métier et qui aient un minimum d'instruction générale.

De plus, on constate une déréglementation tous azimuts, qu'il s'agisse des contenus ou des horaires sauvages que vous proposez, hors du cadre national, dans les zones d'éducation prioritaire, avec ce que vous appelez les « super-professeurs ». Pourtant, depuis la loi Fillon, le statut des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, n'est encore pas clarifié, et pour cause !

En réalité, vous concevez les zones d'éducation prioritaire comme un tremplin vers l'apprentissage junior à quatorze ans. Vous ne vous étonnerez donc pas que les jeunes se révoltent !

Nos enfants et nos petits-enfants ont la chance de vivre un formidable essor des capacités humaines. L'éducation doit relever les grands défis lancés par l'humanité au nord et au sud de notre planète pour ce XXIe siècle. L'école doit prioritairement axer son éducation sur la formation de l'humain en tant qu'individu et non pas aller dans le sens de Mme Parisot, qui table sur l'échec scolaire des jeunes dans les banlieues pour réserver à ces derniers l'apprentissage junior à quatorze ans.

Or, monsieur le ministre de la recherche, tout commence par la recherche fondamentale, à laquelle il faut octroyer tous les moyens et crédits nécessaires, et ne pas simplement s'attacher aux pôles de compétitivité.

Hier, j'ai eu la chance de représenter le président du Sénat, M. Poncelet, lors d'une conférence sur la santé, l'avenir et le citoyen avec l'ordre des dentistes, à laquelle participait Axel Kahn. Comme à son habitude, celui-ci a été extraordinaire, mais il m'a confié sa déception quant à la loi de programme pour la recherche, car celle-ci n'est pas du tout à la hauteur pour susciter un véritable mouvement de création d'emplois de toutes sortes et améliorer la santé.

Il ne faut pas que le citoyen se sente dépossédé de la science. Or c'est tout à fait ce que ressentent nos jeunes : ils se sentent privés de leurs possibilités d'apprendre et de travailler dans l'entreprise, et c'est ce qu'ils vous disent aujourd'hui, monsieur le ministre. Mais vous ne semblez pas les entendre ! Pourtant, il le faudra bien, car le mouvement qu'ils ont lancé ne s'arrêtera pas.

situation des français rapatriés de côte d'ivoire

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 962, adressée à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquerai un sujet douloureux, à savoir la situation de nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire.

Les faits historiques sont connus. Au mois de novembre 2004, la République française a dû rapatrier, dans des conditions extrêmement pénibles, près de huit mille Français de Côte d'Ivoire. Grâce à l'armée française, ceux-ci ont pu rejoindre la France, mais le plus souvent en laissant sur place leur logement et leurs biens, ainsi que, pour les chefs d'entreprise, leur outil de travail.

La République française leur a offert une prime de 750 euros pour leur permettre de faire face aux besoins de première nécessité, mais la somme est bien modeste. Elle leur a également ouvert les droits à la couverture maladie universelle et au revenu minimum d'insertion. Toutefois, ce n'est pas suffisant, car de nombreux rapatriés, notamment les plus âgés, se trouvent aujourd'hui dans le dénuement.

En outre, la France a aidé les chefs d'entreprise qui ont voulu reprendre une entreprise et réinvestir en France, en leur octroyant une aide, dont le taux a été porté de 10 % à 30 % du montant de l'investissement.

Par ailleurs, nous avions prévu de recueillir l'ensemble des plaintes contre X déposées par ces personnes arrivées sur le sol français. Malheureusement, le parquet vient de décider de classer sans suite ces quelque 230 plaintes. La voie judicaire est donc fermée.

Certes, je sais combien il est aujourd'hui difficile de régler ce problème, mais l'exemple récent d'un présumé assassin montre pourtant que la justice ivoirienne peut réagir. On peut donc se demander pourquoi elle ne réagirait pas de la même façon eu égard aux abus et aux pillages qui ont eu lieu voilà deux ans.

Par ailleurs, ces plaintes ne permettent pas d'accorder une indemnisation parce qu'aucune société d'assurance n'offre ce type de couverture. Ceux qui ont abandonné leur entreprise et leurs biens sur place sont donc confrontés à de grandes difficultés.

Au-delà des mesures, certes tout à fait utiles, mais largement insuffisantes, qui ont été prises, monsieur le ministre, quelles solutions envisagez-vous de prendre pour apporter un peu d'aide à ces Français rapatriés qui ont tout perdu, y compris l'espoir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le sénateur, Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, actuellement en déplacement à l'étranger, vous prie de bien vouloir excuser son absence et m'a chargé de vous transmettre la réponse suivante.

Vous avez appelé son attention, monsieur le sénateur, sur la situation effectivement dramatique de nombre de nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire.

Le ministère des affaires étrangères est bien conscient de la situation matérielle et morale extrêmement difficile dans laquelle se trouvent aujourd'hui nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire en novembre 2004, qui ont été brutalement privés de leurs biens et de leurs sources de revenus. L'acuité de ce problème ne peut évidemment être contestée.

Par deux décrets pris en décembre 2004, en application de la loi du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer, le Gouvernement a mis en place un dispositif d'urgence exceptionnel visant à aider nos compatriotes à se réinsérer en France.

La mission interministérielle aux rapatriés a été chargée d'appliquer ces mesures. Celles-ci ont été étendues, dans certains cas, aux Français rentrés en 2002 et le montant de la subvention de reclassement versée aux personnes souhaitant créer une entreprise en France, initialement fixé à 10 % du montant de l'investissement, a été porté à 30 %, ce qui représente un effort de la collectivité.

Cependant, il est vrai que les décrets précités ne prévoient pas l'indemnisation des pertes matérielles.

En effet, en droit international, l'indemnisation des personnes incombe aux autorités du pays dans lequel les pertes sont constatées. Aucun fonds public d'indemnisation n'existe encore dans notre pays, au titre de la solidarité nationale, pour les Français expatriés, et seules des mesures décidées en fonction des circonstances peuvent être mises en oeuvre.

Un accord entre la France et la Côte d'Ivoire serait l'unique possibilité d'assurer le dédommagement des pertes matérielles subies par nos compatriotes. Toutefois, vous le savez, la situation actuelle ne permet pas d'envisager à court terme la négociation d'un tel accord. En tout état de cause, cette négociation devrait être précédée d'une estimation générale des pertes.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je ferai simplement deux remarques.

Le taux d'aide à l'investissement a effectivement été porté de 10 % à 30 %. Même si cette mesure me semble appliquée avec souplesse, j'aimerais avoir la confirmation que toutes les personnes ayant constitué un dossier puissent bénéficier des 30 %, quelle que soit la date de dépôt de leur dossier. Il serait en effet injuste de les traiter différemment

Par ailleurs, l'indemnisation de biens situés hors de France est évidemment compliquée. Comme l'a dit un illustre Premier ministre, la République ne peut porter tous les malheurs du monde. Néanmoins, si nous voulons encourager nos compatriotes à investir à l'étranger, point important que je ne développerai pas, nous devrons réfléchir à des mécanismes tels que ceux qui sont proposés par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, ou la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, la BIRD, lesquelles prennent en charge, d'une manière ou d'une autre, une partie des risques pris par ces personnes qui investissent à l'étranger.

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souhaits de bienvenueà une délégation parlementaire de lituanie

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de membres du Parlement de Lituanie, conduite par Mme Jadvyga Zinkeviciuté. Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie que ceux-ci portent à notre institution.

Cette délégation est accompagnée par notre éminent collègue Denis Badré, président du groupe d'amitié France-pays Baltes.

Au nom du Sénat de la République, je souhaite la bienvenue aux membres de cette délégation et je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos pays. (M. le ministre, Mmes, MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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questions orales (suite)

M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions orales.

réalisation du tgv rhin-rhône

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, auteur de la question n° 982, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Gilbert Barbier. À plusieurs reprises, j'ai attiré l'attention du ministre chargé des transports sur le lourd handicap qu'allait subir le département du Jura, s'agissant notamment de la desserte de la gare de Dole, si la branche est du TGV Rhin-Rhône était réalisée. Vous-même, monsieur le ministre, m'avez tenu un discours quelque peu traditionnel, similaire à celui que tiennent, depuis une dizaine d'années, les responsables de la SNCF.

Le protocole d'intention de financement de cette branche a néanmoins été signé le 28 février dernier. Face à la surdité de ses partenaires, par la voix de son président, le conseil général du Jura a refusé de verser son écot de 13,3 millions d'euros, ce qui me semble logique.

Le Jura bénéficie actuellement de neuf liaisons quotidiennes directes par TGV avec la capitale, notamment la gare de Dole, qui constitue la porte d'entrée dans ce département, et d'un aller-retour direct par jour avec l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Aussi, comment ne pas comprendre la légitime révolte des élus jurassiens dans la mesure où, demain, seules deux dessertes directes subsisteront avec l'arrêt des trains internationaux Paris-Lausanne ?

En outre, ces dessertes vers la Suisse, pour sympathiques qu'elles soient, monsieur le ministre, ne sont guère utilisables par le monde économique jurassien compte tenu des horaires pratiqués. En effet, quand on est obligé d'arriver dans la capitale à onze heures du matin pour en repartir à dix-sept heures, la journée de travail est bien réduite.

Pourquoi avoir renoncé définitivement à la solution médiane d'une ligne nouvelle entre Besançon et Mulhouse et à un aménagement en ligne à grande vitesse du tronçon Dijon-Dole-Besançon ? Pourquoi cet entêtement, surtout au regard du coût de cette liaison Rhin-Rhône, notamment dans sa branche est, qui avait l'avantage de maintenir une cohérence dans l'aménagement du territoire, notamment s'agissant des départements un peu excentrés comme le mien ?

Monsieur le ministre, sans doute allez-vous me dire que la décision finale est prise. Dans ce cas, comment le montage financier pourra-t-il être réalisé compte tenu de l'engagement forfaitaire d'un certain nombre de partenaires tels que l'Europe ou le gouvernement suisse ? Comment ferons-nous face aux dépenses exorbitantes qui s'annoncent ? Si l'on avance actuellement le chiffre de 2,5 milliards d'euros, le coût final devrait en réalité avoisiner les 3,5 milliards d'euros.

En outre, un certain nombre d'infrastructures de cette ligne ne sont pas financées à ce jour. Tel est le cas de la gare d'Auxon, du raccordement à la gare de Viotte, située à une quinzaine de kilomètres, et à Belfort-ville.

Monsieur le ministre, quelles sont les futures dessertes TGV directes que vous vous engagez à maintenir, dessertes nécessaires au désenclavement économique de notre département ?

Par ailleurs, disposez-vous d'informations précises sur cette fameuse branche sud - son délai de réalisation, son tracé - car le secret est bien gardé par la SNCF, et notamment sur la desserte en direction de Dijon et de Besançon ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le président, tout d'abord, je souhaite à mon tour, au nom du Gouvernement, souhaiter la bienvenue en France à la délégation de membres du Parlement de la Lituanie.

Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser Dominique Perben, qui m'a chargé de vous répondre à sa place.

La desserte actuelle entre Paris et Dole par TGV s'effectue par l'arrêt de plusieurs TGV Paris-Besançon et par l'arrêt d'un TGV Paris-Lausanne.

Avec la mise en service de la branche est du TGV Rhin-Rhône, la desserte de Dole sera modifiée sans que soit remis en cause, bien au contraire, son niveau actuel. Plusieurs modifications sont ainsi prévues.

Tout d'abord, un TGV ayant pour terminus Dijon sera prolongé jusqu'à Dole, qui deviendra son nouveau terminus. Dole disposera ainsi d'une desserte vers Paris tôt le matin, le retour ayant lieu en fin de soirée.

Les TGV Paris-Suisse seront plus nombreux à marquer un arrêt à Dole ; il n'y en a qu'un seul aujourd'hui.

Enfin, une liaison TGV Paris-Besançon-Viotte par la voie classique fera un arrêt à Dole à l'aller comme au retour.

Tous ces éléments doivent encore être précisés, mais la SNCF s'est engagée à maintenir la qualité de la desserte de Dole.

S'agissant de la branche sud, Réseau ferré de France, RFF, a rassemblé tous les éléments techniques nécessaires et va les compléter par un état des lieux précis des projets d'aménagement des collectivités pour pouvoir concrètement faire des propositions quant au choix du tracé. Le cahier des charges pour 2003 prévoit notamment l'étude de fuseaux, ainsi que la création d'une gare nouvelle entre Louhans et Lons-le-Saunier, laquelle permettra d'assurer une bonne desserte de la préfecture du département et de ses environs.

Le Jura profitera ainsi pleinement des effets de réseau que procurera la combinaison des branches sud, est et ouest.

Dominique Perben a par ailleurs pris note des légitimes attentes que vous avez exprimées il y a quelques instants, monsieur le sénateur, ainsi que des questions posées par le conseil général du Jura, qui sont bien intégrées à la réflexion d'ensemble menée actuellement.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le ministre, la mise en service d'un TGV permettant à Dole de disposer d'une desserte vers Paris le matin tôt et d'un retour en fin de soirée est-il un engagement ferme ? Car les contraintes de gestion de la SNCF sont connues, et l'on sait très bien que ces propositions ne sont souvent, pour les élus, que de la poudre aux yeux. Quand la SNCF supprimera la prolongation vers Dole pour des raisons de rentabilité, que pourrons-nous y faire ? Le mal sera fait ! Ces promesses me paraissent peu sérieuses !

On demande à la SNCF de gérer son réseau en fonction de ses impératifs budgétaires. Cette réponse, qu'on nous oppose régulièrement, ne nous satisfait pas.

Quant aux TGV Paris-Suisse qui s'arrêteront à Dole, quel peut être leur intérêt pour les Lausannois ou les Bernois ? Les Suisses souhaitent aller de Lausanne ou de Berne à Paris, et non pas s'arrêter tous les cinquante kilomètres ! Comme l'arrêt à Dijon est quasi obligatoire dans la situation actuelle, cette promesse ne pourra pas être tenue.

S'agissant du tracé de la branche sud, les études sont en cours depuis trois ans. Que peuvent en espérer les Jurassiens ? Il s'agira essentiellement d'une desserte nord-sud, hors Paris. Cela permettra peut-être de rejoindre Marseille dans de très bonnes conditions -  probablement au grand plaisir du président Jean-Claude Gaudin -, mais pour les Jurassiens, elle n'aura d'utilité que pendant les vacances et ne sera pas fréquentée régulièrement.

M. le président. Je me demande comment l'on rejoint Domremy, dans le département de M. Biwer. (Sourires.)

prise en charge des personnes âgées dépendantes

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 872, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Claude Biwer. Rassurez-vous, monsieur le président, nous vous louerons une bicyclette ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur le ministre, le vieillissement de la population française et l'accroissement de la situation de dépendance qui en découle constituent des phénomènes lourds de conséquences pour les finances publiques, dont on ne prend sans doute pas suffisamment la mesure.

La Cour des comptes, dans son rapport public particulier consacré aux personnes âgées dépendantes et publié en novembre 2005, tire pourtant la sonnette d'alarme dans le chapitre consacré au financement de la dépendance : hausse exponentielle du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA - les conseils généraux sont, hélas ! bien placés pour la mesurer - ; insuffisance des crédits destinés à la médicalisation des établissements d'hébergement ; manque de maîtrise de la dépense globale de l'assurance maladie pour les personnes âgées dépendantes. D'après le rapport, « l'assurance maladie ne sait ni chiffrer ni maîtriser le montant des soins de ville rattachable à des établissements d'hébergement. »

Ainsi, la Cour des comptes estime que le coût de l'APA pourrait atteindre 6 milliards d'euros en 2020, soit une hausse de 64 % par rapport à 2004.

Elle met également en exergue l'absence de projections en matière de dépenses d'assurance maladie : « Les administrations concernées et les caisses ne se sont pas dotées des outils nécessaires pour évaluer les conséquences du vieillissement et de la progression des situations de dépendance sur les finances de la sécurité sociale. »

Il semblerait par ailleurs que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, quoique récemment créée, ne se soit pas elle non plus dotée d'outils prospectifs, alors que son rôle dans la prise en charge financière de la dépendance devrait pourtant prendre de plus en plus d'importance.

N'est-il pas à craindre, dans ces conditions, que les collectivités locales ne soient considérées tôt ou tard comme des services déconcentrés de l'État s'agissant de ces dépenses ?

La Cour des comptes a procédé à des projections concernant la prise en charge à domicile et en institution. Elle aboutit à l'inquiétante conclusion que les enjeux financiers pour l'assurance maladie et les personnes concernées sont supérieurs à ceux de l'APA : entre 3 et 4,7 milliards d'euros supplémentaires pour l'assurance maladie et entre 1,6 et 2,7 milliards d'euros supplémentaires pour les résidents en établissement à l'horizon 2020.

Monsieur le ministre, ces chiffres donnent le vertige et nécessiteraient sans doute que le Parlement puisse en débattre afin de tracer des perspectives et, pendant qu'il en est encore temps, dégager progressivement les moyens nécessaires au financement de la dépendance. Il conviendrait notamment d'éviter que ces coûts supplémentaires ne soient finalement mis à la charge des collectivités territoriales et, particulièrement, des départements, qui ne pourront pas les supporter.

Pourriez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, ou, pour le moins, nous éclairer sur ce problème bien délicat, dont nos concitoyens ne mesurent pas l'incidence sur l'avenir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, vous avez entièrement raison, le développement de la prise en charge des personnes âgées dépendantes appelle la mobilisation de moyens croissants.

Voilà seulement quinze ans, les personnes âgées dépendantes qui rentraient en établissement d'hébergement avaient en moyenne 75 ans. À l'heure actuelle, on se rapproche de 85 ans.

Si les personnes âgées de plus de 80 ans sont aujourd'hui un peu plus d'un million en France, elles seront environ deux millions dans dix ans.

Bien sûr, la longévité, ce n'est pas forcément la dépendance et la plupart d'entre nous y échapperont. Pour autant, les besoins ne font que croître compte tenu non pas de l'aggravation des situations de dépendance, mais tout simplement de l'allongement de l'espérance de vie.

Vous avez cité la Cour des comptes. Je partage très largement ses conclusions, qui ont été élaborées en liaison étroite avec mes propres services à partir d'une analyse qui porte, pour l'essentiel, sur la situation dont nous avons hérité.

Jamais autant de moyens n'auront été mobilisés pour faire face à la grande dépendance des personnes âgées. Je le dis sans fanfaronner, car les besoins augmentent tellement vite qu'il est tout à fait légitime de les mobiliser maintenant plus que durant la dernière décennie.

Pour l'heure, je citerai quelques chiffres. En 2003, après la canicule, nous avons lancé le plan « Vieillissement et solidarité » en prévoyant de créer, entre 2004 et 2007, 10 000 places supplémentaires en établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes. Or ces places ont été financées non pas en quatre ans mais en deux ans ! J'ai donc annoncé, dès le 28 août dernier, la décision du Gouvernement de doubler les créations de places en établissements dans le cadre du plan « Vieillesse et solidarité ». Ce sont donc 20 000 places qui auront été créées en quatre ans, au lieu des 10 000 qui avaient été initialement inscrites dans ce plan.

À cela s'ajouteront, pour la même période, 17 000 places de services de soins infirmiers à domicile, ainsi que 1 125 places d'hébergement temporaire par an pour les familles qui s'occupent d'une personne âgée très dépendante et qui ont parfois besoin d'un peu de répit. Il est également prévu de créer 2 125 places d'accueil de jour par an.

Cet effort, qui devra être poursuivi pendant les années à venir, ne peut être accompli sans les financements correspondants.

S'agissant tout d'abord de l'assurance maladie, les efforts consentis par les Français pour réduire le déficit en la matière nous permettent d'ores et déjà de redéployer vers la prise en charge des personnes âgées lourdement dépendantes une partie des crédits qui étaient utilisés pour d'autres prestations de soins.

À chaque fois qu'un médecin renoncera à prescrire des arrêts de travail qui ne sont pas indispensables, à chaque fois qu'il s'abstiendra de prescrire des psychotropes ou des antibiotiques, qui ne sont pas toujours utiles - la France est championne d'Europe pour la consommation de ces médicaments -, les économies ainsi dégagées pourront être recyclées dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

C'est la raison pour laquelle, en 2006, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, nous avons réussi pour la première fois, grâce à votre soutien, à mobiliser une augmentation de crédits de 9 % au titre de la seule assurance maladie pour les services médicosociaux en faveur des personnes âgées dépendantes.

Dans le même temps a été instaurée la journée de solidarité, qui a demandé un effort à nos compatriotes. À l'origine, celle-ci avait été fixée au lundi de Pentecôte - tout le monde était placé sous la même toise -, mais, depuis, le dispositif a été assoupli. Compte tenu de la durée de la semaine de travail dans notre pays et du nombre de jours de RTT, chacun pouvait bien accepter de consacrer une journée de travail à la solidarité en faveur des personnes âgées ou handicapées. Les moyens qui en résultent sont très importants, et j'en remercie tous les Français.

Par conséquent, aux 9 % d'augmentation des crédits au titre de l'assurance maladie en 2006 s'ajoutent les crédits provenant de la journée de solidarité, ce qui porte à 13,5 % l'accroissement de l'ensemble des crédits médicosociaux

Le Gouvernement s'engage à poursuivre pendant un certain nombre d'années l'effort qui a été accompli pour la première fois en 2006, afin d'être en mesure de répondre aux besoins très importants concernant la prise en charge des personnes âgées dépendantes. J'ai demandé au Commissariat général du plan, devenu le centre d'analyse stratégique, de formuler des propositions.

Il ne faut pas se contenter de construire des maisons de retraite - c'est déjà très important - et d'augmenter le personnel médical au chevet des personnes âgées dépendantes. Il importe également d'offrir davantage de services à domicile et de prestations intermédiaires comme l'hébergement temporaire ou l'accueil de jour, afin de pouvoir faire face à tous les types de situation et de répondre à la demande principale des personnes âgées, qui est de pouvoir continuer à vivre à domicile sans être en danger et sans souffrir de l'isolement.

Telle est, monsieur le sénateur, la politique qui est conduite par le Gouvernement en faveur des personnes âgées dépendantes. À cet égard, je remercie tous les Français, sans la solidarité desquels ces actions ne seraient pas possibles.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, à défaut de me rassurer totalement, votre réponse m'a éclairé sur les efforts importants réalisés par le Gouvernement et les Français pour améliorer la situation. Cependant, beaucoup reste à faire. Je regrette que nous n'ayons pas toujours la bonne manière pour rendre accessibles au grand public les actions qui vont dans le bon sens. Il faut notamment démontrer que cette journée de solidarité a des résultats très positifs.

Enfin, qu'en est-il des décrets sur les haltes-soins, qui ne sont toujours pas publiés ? Je n'ai pas réussi à obtenir des informations à ce sujet, mais je pense que cela ne saurait tarder.

Monsieur le ministre, je vous remercie de poursuivre les efforts dans ce domaine. Nous en aurons peut-être malheureusement tous besoin demain.

Fermeture du centre de documentation de Marmottan

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 994, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

Mme Anne-Marie Payet. Ma question concerne la fermeture du centre de documentation sur les drogues de l'hôpital Marmottan, dans le 17e arrondissement de Paris.

Le 27 octobre 2005, le président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies, la MILDT, a en effet cessé de financer le poste de documentaliste du pôle Toxibase-Marmottan. Cette décision marque la fin d'une approche originale de la documentation et de l'information en matière de toxicomanie, qui avait été inaugurée il y a près de vingt ans avec la création du réseau national Toxibase.

Cette association nationale coordonnait des centres documentaires adossés à des lieux d'accueil, de soins, de clinique et de prévention. Le centre de Marmottan est considéré comme le pôle principal de ce dispositif.

Fondé en 1971, le centre de Marmottan est la plus ancienne et la principale structure de soins pour toxicomanes en France. Avec plus de 1 455 publications à son actif, ce centre reste une école de pensée et de clinique de renommée internationale.

Le centre médical de Marmottan s'inscrit dans la demande de soins nécessaire à notre pays : pour la seule année 2005, 3 200 personnes y ont été reçues, 1 855 toxicomanes ont été régulièrement suivis et 68 000 consultations ont été effectuées.

Le centre de documentation joue un rôle primordial : des chercheurs, cliniciens et universitaires de tous pays le fréquentent régulièrement non seulement pour consulter des documents, mais aussi pour participer à un véritable forum d'échanges et de réflexion entre professionnels.

Il semble que la MILDT souhaite remplacer progressivement ce dispositif par le réseau des centres d'information régionaux sur les drogues et les dépendances, ce qui entraînerait la disparition des trente-cinq centres d'information départementaux déjà en place.

Pour l'instant, le service de documentation de Marmottan continue de fonctionner grâce au soutien de l'administration de son hôpital de rattachement, à savoir le groupe de santé de Perray-Vaucluse.

Il est primordial, monsieur le ministre, de préserver toute la richesse de ce centre de documentation et de maintenir le poste de documentaliste qui lui est rattaché. Je crois savoir que vous avez récemment engagé le dialogue et formulé quelques propositions aux responsables de ce centre de documentation. Pouvez-vous nous les exposer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, le plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool pour la période 2004-2008 prévoit de réorganiser les centres d'information et de ressources sur les drogues et les dépendances.

Pour l'Île-de-France, c'est le centre régional d'information et de prévention du Sida qui a été labellisé en tant que centre d'information et de ressources en décembre 2004. Une convention signée en juillet 2005 entérine cette décision et permet son application.

Le centre de documentation de Marmottan est important et il rend des services appréciables. Mais il n'a pas vocation à recevoir le même label - sa direction elle-même en convient - notamment parce qu'il ne reçoit pas le grand public ; il est principalement orienté vers la recherche et les soins.

Afin de sauvegarder le poste de documentaliste, qui était pris en charge par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, cette mission a prolongé de neuf mois sa subvention, tout en demandant à la direction de Marmottan de présenter un projet de cofinancement de ce poste avec d'autres institutions. Malheureusement, le projet présenté au mois d'octobre de l'année dernière n'a pas répondu à ce souhait.

Pour sortir de cette impasse, j'ai proposé que la documentaliste travaillant actuellement au centre de Marmottan soit dorénavant rattachée au centre d'information d'Île-de-France et salariée par cet organisme sur un financement de la mission interministérielle. Dans le cadre d'une convention de partenariat entre les deux organismes, tous deux membres du réseau Toxibase, elle partagera son activité à raison de trois jours par semaine à Marmottan et deux jours par semaine au centre d'information et de ressources sur les drogues et les dépendances.

Cette solution, qui rencontre l'assentiment des trois parties, permettra un échange fructueux dont les deux structures pourront heureusement bénéficier.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le ministre, je sais qu'il faut parfois réorganiser les structures qui existent déjà. Vous avez essayé de sauver l'essentiel en conservant ce poste de documentaliste à mi-temps. Je me félicite qu'une solution, même partielle, ait été apportée à ce problème qui inquiétait les professionnels. C'est grâce à eux que nous pouvons parfois rétablir la vérité et tordre le cou à certaines fausses informations qui circulent actuellement. Par exemple, il a récemment été publié que le cannabis serait moins nocif que le tabac.

rationalisation de la gestion des aides par la CPAM des Alpes-de-Haute-Provence

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 951, adressée à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Claude Domeizel. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué sur la gestion des aides par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence.

Le fonds de compensation fonctionnelle du handicap a été confié à la CPAM de ce département par convention signée en juin 2003. Or le démarrage réel du dispositif n'a été effectif qu'en décembre 2003, après la mise en place de la commission chargée de l'examen des dossiers et de la dotation en moyens administratifs. Depuis l'année 2004, la dotation attribuée sur ce fonds est basée sur les aides allouées en 2003, c'est-à-dire pendant un seul trimestre.

Pour répondre aux besoins réels, les crédits nécessaires à ce fonds sont prélevés sur une autre dotation, normalement destinée à des aides individuelles pour favoriser l'accès aux soins à des familles en difficulté.

La gestion de cette dernière dotation, dite paramétrique, ainsi amputée par ce transfert de charges, est par ailleurs imprévisible et aléatoire dans la mesure où le total des attributions est notifié trop tardivement, c'est-à-dire au cours du quatrième trimestre.

Je souhaite savoir si cette pratique comptable de « vases communicants », complexe et illisible, est généralisée ou bien spécifique au département des Alpes-de-Haute-Provence.

Par ailleurs, je voudrais connaître les raisons qui s'opposent à ce que les dotations annuelles soient notifiées au cours du premier trimestre, plutôt qu'en cours d'année, pour assurer une gestion rationnelle des fonds d'aides attribués aux CPAM.

Enfin, plus généralement, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion et de la responsabilisation de l'échelon local, peut-il être envisagé une attribution sur une base pluriannuelle qui permettrait de tenir compte du résultat positif ou négatif de l'année précédente ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, de grands changements sont intervenus avec la loi du 11 février 2005 et la création des maisons départementales des personnes handicapées, ainsi qu'avec la mise en place de la nouvelle prestation de compensation du handicap. Ces changements ont affecté les modalités d'utilisation des crédits que les caisses primaires d'assurance maladie consacraient à l'aide aux personnes handicapées.

En effet, jusqu'alors, l'allocation compensatrice pour tierce personne versée par le département aux personnes handicapées ne couvrait que les aides humaines : la toilette et les soins quotidiens indispensables.

Parallèlement à cette aide, pour obtenir une subvention afin d'aménager un logement ou acheter un fauteuil roulant, l'intéressé faisait appel à l'assurance maladie, qui avait un tarif de base et ne prenait d'ailleurs pas en charge toutes les aides techniques, mais aussi à un dispositif intitulé « sites pour la vie autonome ».

À travers leur fonds d'action sociale, les caisses d'assurance maladie pouvaient alors intervenir, sur une base variable selon les départements. Et les sites pour la vie autonome, qui recevaient des fonds de l'État, des conseils généraux et des caisses de sécurité sociale, pouvaient apporter, en fonction de leurs propres règles d'attribution des subventions, une aide aux personnes handicapées dépendantes.

Avec le nouveau système, la prestation de compensation du handicap ne se limite pas au financement des aides humaines. Elle permet également à la personne dépendante, en fonction de son projet de vie et de son environnement, de recevoir une aide pour aménager son logement ou son véhicule, apporter des modifications dans l'immeuble, acquérir un fauteuil roulant, sans avoir à frapper à cinq, six ou sept portes.

Les caisses de sécurité sociale sont présentes au sein des maisons départementales du handicap, car il s'agit de groupements d'intérêt public. Elles apporteront donc à celles-ci les moyens qu'elles consacraient auparavant aux sites pour la vie autonome.

Cet effort vient abonder les crédits déjà importants dont bénéficient les maisons départementales du handicap : 580 millions d'euros étaient consacrés par les départements à l'allocation compensatrice pour tierce personne, auxquels s'ajoutent, grâce à la journée de solidarité, 500 millions d'euros par an, qui sont répartis par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Monsieur le sénateur, je veille à ce que l'assurance maladie ne se désengage pas de l'aide aux personnes âgées dépendantes à la faveur de ces transformations.

À la suite de l'entretien que j'ai eu à cet égard avec le président et le directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie, des instructions ont été données aux différentes caisses primaires pour que les moyens financiers et en personnels qui étaient accordés aux sites pour la vie autonome soient maintenant affectés aux maisons départementales du handicap.

Par ailleurs, le Gouvernement est en train de négocier la convention d'objectifs et de gestion qui déterminera les crédits destinés à l'action sociale pour les quatre années à venir. Mais, d'ores et déjà, toutes les aides relatives aux personnes handicapées ont été, en quelque sorte, sanctuarisées pour qu'il n'y ait pas de désengagement.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, vous n'avez pas totalement répondu à ma question ; vous avez surtout fait allusion à l'aide aux personnes handicapées. Il n'empêche que les caisses primaires d'assurance maladie doivent prélever des fonds sur les sommes qui sont affectées à l'accès aux soins des personnes nécessitant une aide spécifique.

Je voulais surtout vous alerter - et vous avez partiellement répondu sur ce point - sur les modalités de perception des fonds par les caisses primaires d'assurance maladie eu égard à la convention d'objectifs et de gestion. La dotation pourrait-elle être pluriannuelle, afin d'aller dans le sens d'une gestion plus locale ? Cela permettrait d'accroître l'autonomie des caisses primaires d'assurance maladie.

entreprises adaptées et chômage des personnes handicapées

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, auteur de la question n° 998, adressée à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les entreprises adaptées ont acquis une place incontournable dans le dispositif de l'emploi des personnes handicapées. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les avait confortées dans leur mission.

Cependant, à l'occasion du premier anniversaire de cette loi, elles sont inquiètes quant à leur avenir et à celui de leurs salariés. Ces derniers dénoncent, notamment, les incohérences du nouveau dispositif, qui ne répond pas à leur attente. Ainsi, le retard pris dans l'élaboration du volet réglementaire de ladite loi et, surtout, dans l'octroi des moyens financiers requis conduit nombre d'entreprises adaptées dans une impasse économique.

Dans mon département, l'entreprise adaptée Lorraine Ateliers constate tout d'abord que l'État est absent de la mise en oeuvre de la loi. Celle-ci impose la rémunération minimum au SMIC pour les salariés handicapés en entreprise adaptée à compter du 1er janvier 2006. Or les dispositions réglementaires fixant les engagements financiers et les modalités d'application de la loi n'ont toujours pas été prises.

De plus, l'aide de l'État a été revue à la baisse. Une année de concertation devait permettre d'élaborer des décrets conformes aux besoins des entreprises adaptées, mais celles-ci n'ont obtenu qu'une aide aux postes de travail inférieure de 10 % par rapport aux besoins réels.

Enfin, à la suite d'un contingentement du nombre de places, près de 300 000 personnes handicapées sont au chômage en France et se trouvent sur la touche du fait de la suppression de la liberté de recrutement.

Malheureusement, peu d'efforts sont réalisés dans notre société pour faciliter l'emploi des handicapés. Parmi ceux qui ont obtenu la reconnaissance administrative de leur handicap dans le cadre de la loi de 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, seulement 37 % ont un emploi. Le taux de chômage chez les personnes handicapées est de 12 %, les entreprises préférant payer une amende si elles emploient moins de 6 % de personnes handicapées.

Le Président de la République a élevé l'intégration des personnes handicapées au rang de grande cause nationale en 2005. Mais, un an après, la déception est grande au regard des résultats.

Il est grand temps que le Gouvernement prenne conscience de la gravité de la situation et apporte les moyens nécessaires à la pérennité des entreprises adaptées, véritables sources d'emplois pour les personnes handicapées.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, je suis très surpris par votre question, car les choses ne se présentent pas du tout telles que vous les avez décrites.

Tout d'abord, il n'y a aucun retard au sujet des entreprises adaptées. La loi du 11 février 2005 a fait l'objet de deux décrets d'application pour les entreprises adaptées, qui ont été pris le 13 février dernier ; ils ont été suivis de deux arrêtés pour leur mise en oeuvre.

Il est vrai que nous avons pu constater, au fil des années, et ce depuis longtemps, que le taux de chômage des personnes handicapées était nettement supérieur à la moyenne nationale. Si nous avons saisi la représentation nationale, à la demande du Président de la République et à la suite d'attentes exprimées par toutes les associations de personnes handicapées, de cette loi du 11 février 2005 - elle n'a d'ailleurs pas été votée par votre groupe -, qui figure au nombre des grandes lois de la République, c'est bien parce que nous avions conscience de la nécessité d'attaquer le mal à la racine. Cela suppose de se préoccuper de la scolarité et de l'accessibilité, deux éléments sans lesquels l'emploi des personnes handicapées est impossible, mais aussi de s'occuper spécifiquement de l'emploi.

S'agissant plus particulièrement des entreprises adaptées, je rappelle que la loi du 11 février 2005 a apporté des changements importants pour les vingt mille travailleurs handicapés de France qui y sont employés. Elle a transformé les ateliers protégés en entreprises adaptées, auxquelles est applicable l'ensemble du code du travail.

Par exemple, la rémunération que ces entreprises versent à leurs salariés ne saurait être inférieure au SMIC ou au minimum conventionnel. Autrement dit, la rétribution des travailleurs handicapés est passée à 100 % au moins du SMIC, contre 80 % en moyenne auparavant.

Pour cela, il a fallu mettre en place une réforme visant à améliorer le financement des aides aux entreprises adaptées. L'augmentation de plus de 28 % de la dotation prévue dans le budget de l'État pour 2006, par rapport à 2005, permet de prendre en charge le supplément d'efforts qu'elles accomplissent et de leur assurer les ressources nécessaires pour rémunérer le travail de leurs salariés.

Parfaitement conscient de la nécessité d'aider ces entreprises, qui emploient une main-d'oeuvre faiblement qualifiée, à faire face à la mondialisation qu'elles subissent de plein fouet, car ce sont ces métiers qui pâtissent de la concurrence la plus vive, j'ai décidé, à l'occasion du premier anniversaire de ladite loi, de mettre en oeuvre un plan d'aide au développement des entreprises adaptées : il bénéficiera d'une dotation supplémentaire de 10 millions d'euros par rapport aux années précédentes.

Par ailleurs, conjointement avec Gérard Larcher, plus spécifiquement chargé de l'emploi et du travail, j'ai demandé à tous les directeurs départementaux de l'emploi et de la formation professionnelle de France de proposer aux entreprises adaptées des contrats d'objectifs de trois ans pour leur permettre de se reconvertir lorsque c'est nécessaire et, en tout cas, de rechercher des marchés mieux protégés, à l'échelon local.

De même, Christian Jacob et moi-même avons demandé à toutes les collectivités territoriales de s'acquitter de leur obligation d'emploi prévue par la loi en faisant appel aux entreprises adaptées et aux centres d'aide par le travail pour des opérations de sous-traitance, de sorte que le milieu du travail protégé, indispensable pour accueillir les personnes handicapées qui auraient le plus de difficultés à s'insérer dans une entreprise ordinaire, puisse continuer à vivre, même si nous voulons développer aussi l'emploi dans les entreprises du milieu ordinaire.

Comme vous le constatez, madame la sénatrice, un effort appréciable est accompli dans le cadre de l'application de la loi. Nous ne sommes en retard ni sur les textes ni sur la mobilisation de moyens financiers, très importants, s'agissant tant de la loi de finances initiale pour 2006 que des 10 millions d'euros supplémentaires pour le plan d'aide au développement des entreprises adaptées.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Je ne mets pas en doute la sincérité de vos propos, monsieur le ministre, mais permettez-moi de souligner qu'ils ne sont pas toujours en adéquation avec les résultats sur le terrain.

J'ai pris bonne note du plan d'aide au développement des entreprises adaptées que vous allez mettre en place et j'en ferai part aux associations concernées. Mais un certain nombre de problèmes demeurent, qu'il faudra prendre en compte.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

Demande de priorité (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Rappel au règlement

Engagement national pour le logement

Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant engagement national pour le logement (nos 188, 270).

Rappel au règlement

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Article 1er A (supprimé)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour un rappel au règlement.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, comme le savent tous nos collègues ainsi que le Gouvernement, par deux décisions, l'une en janvier et l'autre en mars, le Conseil constitutionnel a modifié, précisé et affiné sa jurisprudence sur l'exercice du droit d'amendement. Si le Conseil constitutionnel confirme, avec les réserves habituelles - type article 40 et autres -, que le droit d'amendement s'exerce pleinement au cours de la première lecture, il pose plusieurs interdictions pour les lectures suivantes. Nous sommes donc maintenant en présence de nouveaux cas d'irrecevabilité.

La question que je me pose - et je ne suis sans doute pas le seul - est comment s'appliqueront au Sénat les décisions du Conseil constitutionnel, qui, en vertu de l'article 62 de la Constitution, s'imposent aux pouvoirs publics, et donc au Parlement comme aux autres institutions de la République.

Nous savons parfaitement quelle est la procédure de l'irrecevabilité fondée sur l'article 40 de la Constitution qui peut être invoquée par le Gouvernement ou par tout sénateur, quelle est celle de l'irrecevabilité en vertu de l'article 41 qui ne peut être opposée que par le Gouvernement, ce dernier ou tout sénateur se partageant la possibilité de soulever l'irrecevabilité au regard de la loi organique relative aux lois de finances ou de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Nous savons comment le règlement du Sénat permet d'écarter les cavaliers législatifs sur l'initiative du Gouvernement, de la commission ou de tout sénateur, sans oublier les diverses irrecevabilités liées à des délais, qui sont automatiquement appliquées par la présidence. En revanche, nous avons besoin d'être éclairés par le bureau du Sénat sur la manière dont s'appliqueront les nouvelles irrecevabilités résultant de la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Je ne vous demande pas de me donner une réponse tout de suite, monsieur le président, car la question mérite réflexion. Mais il serait bon que nous sachions rapidement si c'est à un sénateur, à la commission ou au Gouvernement qu'appartiendra la faculté de les soulever ou de les opposer.

Si nous ne modifions pas notre règlement pour le compléter sur ce point, les règles applicables aux cavaliers législatifs prévaudront-elles ? On pourrait en effet considérer, par assimilation, que tout ce qui sort du cadre des amendements que le Conseil constitutionnel autorise maintenant à partir de la deuxième lecture constitue en fait un « cavalier ».

Je souhaiterais donc que vous saisissiez le président du Sénat et, éventuellement, le bureau de cette question afin qu'une note précise soit adressée aux sénateurs, moins d'ailleurs pour commenter les décisions du Conseil constitutionnel, qu'il suffit de lire dans le Journal officiel, que pour connaître la marche à suivre dans l'hypothèse où - c'est ce que je crois - nous ne jugerions pas utile de rectifier notre règlement.

M. le président. Monsieur Charasse, voici les éléments qui sont en ma possession : la note que vous sollicitez a déjà été envoyée aux membres de la conférence des présidents. M. le président du Sénat a saisi les présidents des groupes et les présidents des commissions. Cette question a donc fait l'objet d'une première discussion.

M. le président du Sénat souhaite qu'une voie pragmatique et consensuelle soit recherchée. C'est à l'intelligence de chacun qu'il est fait appel.

Cela étant, la procédure reste à définir.

M. le président. Les différents groupes sont donc invités à débattre en leur sein de la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel et à indiquer leur position.

Acte vous est donné de votre rappel au règlement. Je transmettrai, bien entendu, vos observations.

M. Michel Charasse. Merci, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je vais traiter du même sujet que Michel Charasse.

Mes chers collègues, avant de commencer l'examen des articles du projet de loi portant engagement national pour le logement, dont nous allons débattre aujourd'hui et tout au long de la semaine, il m'apparaît important d'appeler à nouveau l'attention de tous sur l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la recevabilité des amendements déposés à partir de la deuxième lecture. Le président du Sénat, M. Christian Poncelet, a d'ailleurs écrit aux membres de la conférence des présidents afin de souligner la nécessité d'être vigilant sur cette question, tout en écartant l'idée d'un contrôle préalable de recevabilité.

M. le rapporteur l'a rappelé à la fin de la discussion générale, pour être considérés comme recevables en deuxième lecture, conformément à la nouvelle jurisprudence, les amendements portant articles additionnels doivent être « en relation directe avec les dispositions restant en discussion ».

Le Conseil constitutionnel confirme ainsi la règle dite de « l'entonnoir » en vertu de laquelle la deuxième lecture est exclusivement réservée à l'examen des divergences subsistant entre les deux assemblées.

S'agissant des amendements ne satisfaisant pas à cette exigence du Conseil constitutionnel, pour lesquels votre commission ne saurait en conséquence garantir la constitutionnalité, M. le rapporteur vous a déjà fait savoir la position qu'il défendra : si la commission est défavorable à un tel amendement sur le fond, elle l'exprimera sans ambages en mentionnant éventuellement que sa constitutionnalité n'est pas assurée ; en revanche, si elle est favorable à un amendement dont la constitutionnalité n'est pas garantie, elle émettra un avis de sagesse en mentionnant chaque fois son doute sur sa constitutionnalité.

Si je rappelle notre position et les raisons qui la sous-tendent, c'est parce que, à la suite du pointage effectué par les services, il est apparu que, sur les quelque 520 amendements que le Sénat aura à examiner, la commission ne sera en mesure de garantir la constitutionnalité que d'environ 350 d'entre eux.

C'est pourquoi il m'apparaît important que les auteurs de tels amendements ne les défendent pas avec trop d'insistance de manière à assurer la fluidité de nos débats et à conserver à la deuxième lecture du projet de loi l'esprit que le Conseil constitutionnel a souhaité rappeler au travers de sa jurisprudence.

Cette demande de modération s'adresse tout particulièrement à ceux de nos collègues ayant déposé des amendements dont le Conseil constitutionnel pourrait contester la constitutionnalité et que le Sénat a d'ores et déjà rejetés en première lecture.

J'espère que la position de la commission recueillera votre compréhension et votre approbation, et je vous en remercie par avance.

M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

TITRE IER

MOBILISATION DE LA RESSOURCE FONCIÈRE POUR LA RÉALISATION DE LOGEMENTS

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Articles additionnels avant l'article 1er

Article 1er A (supprimé)

M. le président. L'article 1er A a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 35, présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - Compte non tenu du programme national de rénovation urbaine prévu par les articles 6 à 9 de la loi n° 2003-70 du 1er août 2003 d'orientation et programmation pour la ville et la rénovation urbaine, 700.000 logements locatifs sociaux seront réalisés, au cours des années 2006 à 2010, selon la programmation suivante :

Nombre de logements

2006

2007

2008

2009

2010

Total

Logements financés par des prêts locatifs à usage social (PLUS) et prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI)

110.000

110.000

110.000

110.000

110.000

550.000

Logements financés par des prêts locatifs sociaux (PLS)

20.000

20.000

20.000

20.000

20.000

100.000

Logements construits par l'association agrée prévue à l'article 116 de la loi de Finances pour 2002

10.000

10.000

10.000

10.000

10.000

50.000

TOTAL

140.000

140.000

140.000

140.000

140.000

700.000

II. - Les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Affirmer un engagement national pour le logement implique, en particulier, de donner à l'effort de construction une portée nouvelle et significative.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à une crise du logement, qui, par de multiples aspects, rappelle celle des années 1950. Cependant, la crise d'aujourd'hui est caractérisée par des facteurs spécifiques : le niveau des loyers dans le secteur privé a littéralement explosé au cours des cinq dernières années, le parc locatif social de fait est en voie d'extinction rapide, et certains poussent aujourd'hui les feux de la disparition définitive de ce parc dit « de la loi de 1948 » ; l'investissement locatif privé a pris un tour nouveau.

Nombre d'opérateurs sont passés d'une logique de revenus fonciers à la rentabilité annuelle stable, comprise entre 3 % et 4 %, à une logique purement spéculative, visant à tirer au plus vite une plus-value maximale des logements, ce qui se traduit notamment par des changements fréquents de propriétaire.

Un tel phénomène se retrouve, par exemple, dans les opérations de vente à la découpe, où l'argent que certains veulent absolument tirer de la pierre nuit aux conditions de vie et à la sécurité des locataires.

Permettez-moi de vous citer un exemple parmi tant d'autres : dans le VIe arrondissement de Paris, celui-là même où se trouve le palais du Luxembourg, 10 % des logements recensés sont vacants ! Au demeurant, il s'agit d'un secteur où le nombre de logements sociaux, quel que soit leur mode de financement, est particulièrement faible et même, selon les statistiques officielles, proche de zéro.

Il conviendrait donc de mener une ample politique de construction de logements sociaux, plus ambitieuse encore que celle qui l'a été au titre de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

Par conséquent, cet amendement vise à rendre plus volontariste la politique qui est conduite en la matière et plus ambitieux les objectifs que le Gouvernement a fixés.

D'ailleurs, comment ne pas relever que notre proposition, qui tend à permettre la réalisation de 700 000 logements sociaux, doit être appréhendée au regard de la réalité de la demande ?

En effet, selon les données dont nous disposons, 86 500 personnes sont sans domicile fixe, 809 000 sont privées de domicile personnel, 2 187 000 connaissent des conditions de logement très difficiles, 715 000 sont en situation de précarité pour des raisons financières, 625 000 vivent dans des copropriétés dégradées et 3 507 000 sont hébergées par des proches, faute de logement personnel !

Dans le cadre de ce débat, nous ne pouvons pas ignorer, me semble-t-il, de telles données, qui motivent d'autant plus cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 501 rectifié, présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I- Avant le 1er décembre 2007, le gouvernement réforme le zonage des agglomérations servant à plafonner les différents plafonds et barème liés aux aides à la personne et aux aides à la pierre en matière de logement. Il tiendra compte de l'évolution de la démographie, de la sociologie et des coûts du foncier des agglomérations.

II- Avant le 31 décembre 2006, le gouvernement publie un rapport sur les conditions d'application du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 relatif au taux d'indemnité de résidence dont bénéficient certains fonctionnaires de l'État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière. Il tiendra compte de l'évolution de la démographie, de la sociologie et des coûts du foncier des agglomérations.

La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Cet amendement avait été adopté à l'unanimité au Sénat en première lecture, puis supprimé à l'Assemblée nationale. Je souhaite tout simplement y revenir.

Comme vous le savez, en matière de logements sociaux, un zonage a établi. Il existe trois zones et la zone C concerne les territoires ruraux, c'est-à-dire ceux qui regroupent moins de 50 000 habitants agglomérés.

Nous connaissons tous l'extrême difficulté de réaliser une opération HLM sur de tels territoires, tant l'équilibre y est fragile, car les loyers et les aides au logement ou à l'investissement sont faibles.

Dans ces conditions, l'obligation de travailler à un rééquilibrage entre la zone B et la zone C présenterait plusieurs intérêts.

En effet, le souhait du Gouvernement de mener une politique active dans les zones urbaines sensibles implique de faciliter la construction de logements locatifs sur les territoires voisins. Or c'est extrêmement difficile, puisque les règles applicables ne sont pas les mêmes entre la zone B et la zone C. C'est un premier paradoxe.

Il y en a un deuxième. Nous souhaitons tous l'aménagement équilibré du territoire. À cette fin, nous avons adopté la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Or il est extrêmement difficile pour les maires ruraux qui souhaitent réaliser ce type de logements d'y parvenir, faute de trouver l'équilibre dans le montage.

Les territoires ruraux subissent donc, serais-je tenté de dire, une double peine. D'une part, ils ne peuvent pas équilibrer leurs opérations, car ils bénéficient de moins de subventions que les territoires urbains. D'autre part, lorsque les maires décident de construire des logements sociaux malgré tous ces handicaps, on ne leur rembourse pas la taxe foncière sur les propriétés bâties sur les dix années supplémentaires qui ont été accordées par le Gouvernement.

C'est pourquoi notre groupe souhaite que le Gouvernement s'engage à réformer la zone C et à rééquilibrer les zones B et C sur le territoire métropolitain.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. Pour mémoire, je rappellerai à la Haute Assemblée le plan de cohésion sociale que nous avons adopté l'année dernière. Comme vous le savez, celui-ci prévoit la construction de 500 000 logements sociaux sur cinq ans.

Dans ces conditions, j'aurais tendance à dire à Mme Demessine : « restons raisonnables » ! Les objectifs manifestement très ambitieux que nous avons adoptés dans la loi de programmation pour la cohésion sociale nécessitent la mobilisation de tous les acteurs. Et si nous les atteignons, nous apporterons, je le crois, une sérieuse réponse à la crise du logement.

En outre, permettez-moi de vous dire, madame Demessine, que je trouve vos leçons en matière de logements sociaux tout à fait déplacées ! En effet, c'est pendant la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix, alors que la croissance était forte, que le volume de logements sociaux construits a été le plus faible !

Mme Michelle Demessine. Changez un peu de disque !

M. Dominique Braye, rapporteur. Seulement 38 000 logements sociaux ont été réalisés en 1999 et 42 000 en 2000 !

La pénurie à laquelle nous sommes actuellement confrontés est en grande partie due à votre inaction...

Mme Michelle Demessine. C'est faux ! Nous avons voté l'article 55 de la loi SRU pour obliger vos amis à construire des logements sociaux !

M. Dominique Braye, rapporteur. ... à l'époque où il y avait de la croissance et où vous étiez aux manettes ! (Bravo ! sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Ça va tellement mieux aujourd'hui ! Il suffit d'aller le vérifier dans la rue !

M. Dominique Braye, rapporteur. Par conséquent, je trouve votre proposition, madame Demessine, tout à fait déplacée ! J'émets donc un avis défavorable sur votre amendement. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. C'est scandaleux !

M. Dominique Braye, rapporteur. J'en viens à présent à l'amendement n° 501 rectifié.

En première lecture, la Haute Assemblée avait adopté, non pas à l'unanimité, puisque c'était contre l'avis de la commission et du Gouvernement, un amendement tendant à obliger le Gouvernement à réformer le zonage des agglomérations servant au calcul des plafonds et des barèmes des aides à la personne et des aides à la pierre avant le 1er décembre 2007.

Comme vous le savez, l'Assemblée nationale, sur la proposition de son rapporteur M. Gérard Hamel, a souhaité supprimer cet article pour deux raisons.

D'une part, elle a estimé que le dispositif ne permettait pas d'atteindre les buts recherchés, à savoir mieux adapter le zonage aux prix de l'immobilier. De surcroît, une telle réforme serait lourde de conséquences, de nombreux ménages se retrouvant « désolvabilisés » à budget constant.

D'autre part, le rapporteur a souligné que le Gouvernement était en train d'élaborer un zonage plus fin et plus adapté aux réalités locales, ajoutant qu'une telle réforme relevait essentiellement du domaine réglementaire.

La commission est donc sensible à de tels arguments. En outre, la rédaction que vous proposez constituerait une injonction au Gouvernement, ce qui, comme vous le savez, est totalement inconstitutionnel.

C'est pourquoi je vous demanderai de retirer cet amendement, afin de ne pas me contraindre à émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Madame Demessine, nous pourrions certes faire des enchères croissantes, mais il faut toujours partir des réalités.

Souvenez-vous : en 2000, lorsque vous étiez au gouvernement, seulement 42 000 logements sociaux ont été réalisés. En 2005, nous avions fixé un objectif de 90 000 logements et 81 000 ont effectivement été engagés. Nous avons désormais un objectif de 100 000 logements et la loi de programmation pour la cohésion sociale en prévoit 120 000.

À cette fin, nous avons signé une convention de production, notamment avec l'Union sociale pour l'habitat. Nous avons des conventions de financement avec le 1 %.

Si nous atteignons l'objectif de 120 000 logements sociaux, ce qui est la volonté du Gouvernement, nous aurons rempli les objectifs définis tant par le Conseil économique et social que par l'Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre du plan de cohésion sociale.

Cela anticipe ma réponse sur d'autres propositions qui feront monter les enchères.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 35, mais il exprime également le sentiment que l'ensemble des groupes politiques pourraient soutenir effectivement le plan de cohésion sociale, car il s'agit d'une ambition élevée.

S'agissant de l'amendement n° 501 rectifié, présenté par M. Dubois, devrais-je rappeler ce que j'ai entendu tout à l'heure sur les parts respectives des domaines réglementaire et législatif ? Non !

Je souhaite simplement confirmer que le Gouvernement a déjà su bouger sur les zonages : il entend le faire avec finesse. Ce n'est pas sans conséquences, car c'est l'ensemble des logements qui entrent, à ce moment-là, dans la modification du zonage.

Mais nous sommes naturellement sensibles au secteur rural, qui est parfois un peu oublié.

Je voudrais donc vous répondre, monsieur le rapporteur, puisque vous avez demandé le retrait de l'amendement de M. Dubois, tout en reprenant une partie de ses préoccupations.

Pour les raisons que je viens d'indiquer, je souhaite également le retrait de cet amendement, mais je réaffirme que le Gouvernement s'engage à examiner ces différents points.

Dès lors que les moyens budgétaires sont disponibles,...

M. Didier Boulaud. Mais les caisses sont vides !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...nous réalisons un très grand effort en matière de logements sociaux.

Ainsi, des rattrapages de zonage ont été réalisés dans les zones agglomérés, notamment dans la région d'Île-de-France qui avait un retard considérable, sur 321 communes.

Par conséquent, je demanderai également à l'auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 35.

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons l'amendement déposé par nos collègues du groupe CRC, bien que nous en ayons déposé un légèrement différent, dont nous aurons l'occasion de débattre dans le cours des discussions qui s'ouvrent aujourd'hui.

Certes, nous ne sommes pas totalement d'accord sur la répartition et sur l'objectif quantitatif. Mais le dispositif que tend à instituer cet amendement permettra effectivement de donner une réelle ambition sociale au programme national de rénovation urbaine.

En effet, cet amendement vise à accroître le nombre de logements locatifs à destination des catégories moyennes et modestes, mais il tend également à cibler, et ce de manière très concrète, les véritables logements sociaux, les prêts locatifs aidés-intégration, les PLAI, et les prêts locatifs à usage social, les PLUS. Comme nous le savons, dans l'éventail des logements sociaux, certains sont effectivement disponibles pour les classes modestes et les classes moyennes et d'autres le sont beaucoup moins ; je pense aux prêts locatifs sociaux, les PLS.

Mme Demessine, il est vrai, a défendu un amendement dont l'objectif quantitatif est beaucoup plus élevé que celui de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Un tel objectif pourra être atteint - c'est aussi une réponse à certains intervenants que j'ai entendus - grâce à un certain nombre de dispositions qui ont été adoptées en décembre 2000.

M. Thierry Repentin. Je pense notamment à la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, qui a notamment incité 750 communes de France à rattraper le retard qu'elles avaient.

Mme Michelle Demessine. Tout à fait !

M. Thierry Repentin. Je fais également référence à un dispositif qui suscite les appétits de certains : le PLS, créé en 2001.

En outre, j'évoquerai la possibilité qui a été donnée à la Foncière Logement de pouvoir construire des logements dans le cadre du programme de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU. Cette possibilité a également été accordée en 2001.

Je mentionne enfin un engagement qui a été pris entre la ministre du tourisme et le ministre du logement de l'époque de réaliser 5 000 logements pour les saisonniers.

Ces quatre dispositifs ont été institués entre décembre 2000 et fin 2001.

Cela concourt aujourd'hui à augmenter la construction des logements sociaux et donc à les quantifier à un niveau supérieur à ce qu'il était possible de réaliser avant la fin 2000. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Dubois, l'amendement n° 501 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Dubois. Je prends simplement bonne note des propos de M. le ministre, ainsi que de la volonté d'engager un certain nombre de réflexions et de propositions s'agissant du milieu rural.

Monsieur le rapporteur, je pensais m'inscrire dans une logique d'incitation, et non d'injonction. Quoi qu'il en soit, je retire l'amendement n° 501 rectifié.

M. Didier Boulaud. C'est plus facile à retirer que le CPE !

M. le président. L'amendement n° 501 rectifié est retiré.

CHAPITRE IER

Faciliter la réalisation de logements sur les terrains publics

Article 1er A (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le chapitre VI du titre 1er du livre VI du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un chapitre intitulé « Permis de diviser »

II. - Après l'article L. 616 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Toute division d'immeuble à usage d'habitation est soumise à une autorisation municipale préalable, dénommée permis de diviser. Ce permis de diviser ne sera délivré qu'après examen de la conformité technique, actuelle ou prévisible, de l'immeuble et des lots divisés, avec des normes minimales d'habitabilité. Dans la ou les zones géographiques où la situation résidentielle provoquée par l'évolution et le niveau anormal du marché porte atteinte à la mixité sociale, ce permis de diviser ne sera délivré qu'en tenant compte des engagements souscrits dans un dossier locatif, permettant de garantir la pérennité de la situation locative des locataires ou occupants habitant l'immeuble et de maintenir la fonction locative existante. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ».

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Cet amendement nous a été directement inspiré par l'examen de la situation résultant du développement des ventes à la découpe, qui précarise de manière particulièrement forte des ménages aux revenus moyens et qui aggrave la crise du logement dans notre pays.

Nous l'avons déjà indiqué, les ventes à la découpe constituent, à nos yeux, une atteinte grave aux droits des locataires. Nous considérons qu'elles constituent en réalité un véritable détournement de la loi de 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

On constate, en effet, que les dispositifs existants de protection des locataires, notamment les accords collectifs, ne les protègent en rien contre les agissements des marchands de biens, véritables professionnels du harcèlement, de l'éviction et de la vente forcée.

La vente à la découpe, si l'on n'y prête pas garde, aboutira en fait à donner une sorte de priorité au droit de propriété, au détriment du droit au logement. En l'espèce, c'est plutôt un droit à spéculer et à intimider qui est mis en oeuvre ! En effet, dans certaines opérations, notamment dans le centre de Paris - je pense à l'affaire de la rue des Arquebusiers -, ce sont des plus-values latentes de 90 % qui sont attendues des congés-ventes !

En conséquence, nous proposons de donner aux municipalités la possibilité de maintenir la vocation locative des logements et de s'opposer, le cas échéant, à la vente par lots, en fonction du quartier et du parc locatif.

Il s'agit pour nous non pas d'introduire une mesure administrative supplémentaire, mais de définir les instruments nouveaux d'une politique. Instaurer un permis de diviser, c'est mettre en place un garde-fou face à la spéculation immobilière.

Au demeurant, comment ne pas évoquer, dans le cadre de ce texte, la question de l'intervention publique au moment où un important opérateur de logements sociaux, la Caisse des dépôts et consignations, tire parti de l'expiration des conventions de financement de certains programmes de son patrimoine pour les banaliser sur le marché locatif dit « libre » ? Il conviendra, d'ailleurs, un jour, de s'interroger sur cette liberté du marché du logement qui consiste, in fine, à priver la grande majorité de nos compatriotes de toute possibilité de logement.

Cet amendement vise donc à redonner sens à l'intervention politique dans le domaine du logement, à prendre des décisions courageuses pour interdire la spéculation dès lors qu'elle porte atteinte au droit au logement.

Nous nous refusons, en qualité d'élus de la nation, à voter des textes qui ne font qu'accompagner et réguler - à peine ! - les travers du marché, lesquels s'inscrivent dans sa logique et résultent de la soumission aux principes du libéralisme économique et social.

Cet amendement peut contribuer à donner corps et sens à la notion d'engagement national pour le logement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Je reconnais que notre collègue Michèle Demessine fait preuve d'une grande constance !

Mme Michelle Demessine. Il en sera ainsi jusqu'à ce que nous obtenions satisfaction !

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous avons déjà longuement eu l'occasion de débattre de cette question, notamment la semaine dernière, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi de Martine Aurillac, dont le rapporteur au Sénat était notre collègue Laurent Béteille.

Mme Michelle Demessine. Elle ne protégera pas les locataires !

M. Dominique Braye, rapporteur. Le problème que soulève Mme Demessine a donc été traité par le Sénat, dans des conditions d'ailleurs autrement plus satisfaisantes que celles que nous propose notre collègue dans son amendement. Par conséquent, je ne reviendrai pas sur tous les arguments qui ont été développés la semaine dernière.

La commission est défavorable à cet amendement, sur le fond et sur la forme.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Comme Mme Demessine, le Sénat fera sans aucun doute lui aussi preuve de constance. Je rappelle en effet qu'il n'a pas adopté cet amendement au cours des deux lectures de la proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble.

Le permis de diviser que cet amendement vise à instituer s'apparente à un permis de mise en copropriété. Il nous apparaît comme une mesure très administrée, lourde, de nature à figer le marché, alors que tel n'est pas l'objectif. (Mme Michelle Demessine s'exclame.) Il me semble important de rappeler qu'une telle mesure serait contre-productive.

Mme Michelle Demessine. Je ne crois pas !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Michelle Demessine. Méfiez-vous de votre propre constance !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 457, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Dans le troisième alinéa de l'article L. 641-1 du code de la construction et de l'habitation, les mots : « peut, après avis du maire » sont remplacés par les mots : « et le maire peuvent ».

II. En conséquence, dans le deuxième alinéa de l'article L. 641-4 du même code, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le maire peuvent ».

III. Dans les articles L. 642-1, L. 642-7, L. 642-11, L. 642-13 du même code, après les mots : « le représentant de l'Etat dans le département » sont insérés les mots : « ou le maire de la commune ».

IV. Dans les articles L. 642-8 et L. 642-10 du même code, après les mots : « au représentant de l'Etat dans le département » sont insérés les mots : « ou au maire de la commune ».

V. Dans l'article L. 642-9 du même code, les mots : « Après avoir sollicité l'avis du maire, le représentant de l'Etat dans le département » sont remplacés par les mots : « Le maire ou le représentant de l'Etat dans le département après avoir sollicité l'avis du maire ».

VI. Dans l'article L. 642-12 du même code, après les mots : « du représentant de l'Etat dans le département » sont insérés les mots : « ou du maire ».

VII. L'article L. 642-2 du même code est abrogé.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Si la constance de Mme Demessine fait perdre du temps, que dire de l'inconstance du Gouvernement, qui va nous conduire à délibérer de nouveau sur le CPE ? (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Selon l'INSEE, la France compte 2 millions de logements vacants et, selon la Fondation Abbé Pierre, plus de 86 000 SDF.

Les réquisitions permettent de répondre à des situations d'urgence. L'amendement n° 457 vise donc à donner aux maires, et plus seulement aux préfets, la faculté d'y avoir recours. En effet, malgré la crise du logement actuelle, les préfets n'exercent pas le droit de réquisition autorisé par la loi. Étendre cette compétence à un élu local, doté d'une fine connaissance des vacances de logements et des besoins de sa population, permettrait de mieux répondre aux situations d'urgence.

Cette mesure concrète permettrait de conjuguer décentralisation et possibilité de débloquer des logements supplémentaires.

Les citoyens n'ont pas le réflexe de se tourner vers le préfet pour exiger des réquisitions. Aussi, donner ce pouvoir à un élu local, connu de tous, c'est donner aux citoyens un levier d'action, un moyen de faire reconnaître le droit au logement.

Face à la crise du logement, même si l'État est responsable en dernier recours, il faut octroyer de nouvelles compétences à l'échelon local.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Notre collègue Jean Desessard fait, lui aussi, preuve de constance ! En effet, cet amendement a déjà été examiné et rejeté en première lecture. D'ailleurs, conformément à la règle dite « de l'entonnoir », il n'est plus constitutionnel ; M. le président de la commission des affaires économiques, comme d'ailleurs votre collègue Michel Charasse, a rappelé quelles précautions devaient être prises à cet égard.

Sur le fond, je ne crois pas que donner aux maires un pouvoir de réquisition soit leur faire un cadeau. En effet, nous le savons tous, la réquisition est une arme lourde, qui doit être maniée avec beaucoup de précaution, car elle porte atteinte à un droit constitutionnel : le droit de propriété. Il me semble donc préférable de laisser cette arme au préfet.

M. Jean Desessard. Qu'il l'utilise alors !

M. Jean-François Voguet. Il ne l'utilise jamais !

M. Dominique Braye, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je ne suis pas tout à fait certain que le maire de Paris ait envie de disposer de cette arme dans l'immédiat, mais peut-être que l'un de ses élus...

Soyons efficaces ! Entre 1996 et 1997, les mesures Périssol ont difficilement permis de réquisitionner 1 000 logements. Les dispositifs du plan de cohésion sociale ont, eux, permis de remettre 13 000 logements vacants en location au cours de cette année, grâce notamment au ciblage des aides de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.

Être efficace, nous le démontrons, c'est instituer des procédures incitatives et non suradministrer en permanence. C'est ainsi que nous remettrons des logements vacants à la disposition des locataires.

Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 457, pour des raisons d'efficacité et de fond. En effet, les réquisitions massives ne peuvent porter que sur des immeubles entiers, alors que le travail en profondeur sur l'habitat vacant peut se faire logement par logement, dans la diversité de l'habitat. Voilà pourquoi ce qui a été mis en place dans le cadre du plan de cohésion sociale est bien plus efficace.

Je le répète : en une seule année, nous avons remis 13 000 logements vacants en location. Voilà, concrètement, ce que permettent le plan de cohésion sociale et l'action gouvernementale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye, rapporteur. Bravo !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 457.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est proposé, pour les années 2006 à 2010, un objectif quinquennal de réalisation de 50 000 logements sociaux destiné à participer aux opérations de résorption d'habitat insalubre, mises en oeuvre dans le cadre des plans locaux pour l'habitat prévus par l'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitation.

II. - Les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Le problème de la résorption de l'habitat insalubre est clairement posé dans le cadre de ce débat.

Il est sans doute difficile de chiffrer avec exactitude le nombre de personnes vivant dans des conditions d'habitat indignes de notre époque et dans des logements insalubres.

Selon certaines estimations, 625 000 ménages vivraient aujourd'hui dans des copropriétés dégradées, en particulier dans des immeubles anciens dont les occupants, aux revenus particulièrement modestes, n'ont d'ailleurs pas les moyens de faire face aux problèmes qui se posent.

Pour une grande part, ces familles modestes sont devenues propriétaires de leur appartement dans le cadre de la loi Méhaignerie, grâce, notamment, à la mise en oeuvre du congé-vente.

Dans certaines villes, tandis que sortent de terre les logements dits « Robien », dont les loyers sont élevés, subsistent des immeubles où l'inconfort le dispute aux dangers pour la santé des habitants. Dans la région parisienne, y compris dans la capitale elle-même, des milliers de familles et des travailleurs sont victimes de ces conditions de vie d'un autre âge. Les affections respiratoires, le saturnisme, la fréquentation régulière des cabinets médicaux sont leur lot quotidien.

Dans d'autres cas, c'est l'inconfort patent qui caractérise ces logements : ici, il manque une salle de bains ou une salle d'eau est hors d'usage ; là, c'est l'isolation thermique qui fait défaut et contraint bien souvent les occupants à utiliser des chauffages d'appoint - dévoreurs de kilowattheures, ils alourdissent sensiblement les factures d'électricité - ; ailleurs, c'est l'usage incontrôlé de bouteilles de gaz, qui fait peser le risque d'un accident domestique grave.

Combien des drames que nous avons connus ces dernières années sont-ils dus à ces divers phénomènes ?

Comment ne pas souligner le fait que les crédits engagés au titre de l'action publique pour la lutte contre l'habitat indigne ne sont pas consommés ? Les chiffres fournis par le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement lui-même attestent que 6 293 logements insalubres auront été résorbés en 2005, ce qui ne représente que 84 % de l'objectif fixé et moins de la moitié de celui pour 2006, et ce alors même que certaines villes se sont engagées, de manière parfois volontariste, dans des opérations de résorption de l'habitat insalubre.

Ces politiques, qui demandent bien souvent de longs et patients efforts, soulèvent de nombreuses questions.

Quelle est la responsabilité des bailleurs dans le défaut d'entretien des immeubles ? Ne peut-on, dans certains cas, parler de complicité des agences immobilières, qui acceptent de gérer pour leur compte un patrimoine dégradé ? Et comment ne pas souligner les difficultés que rencontrent les locataires pour trouver des solutions de relogement plus respectueuses de la santé ?

Qui sont, en effet, les victimes de ce véritable marché du sommeil ? Il s'agit de travailleurs isolés, souvent d'origine étrangère, de familles monoparentales, de familles dont le parcours résidentiel a déjà été marqué par des expulsions ou par l'obligation de trouver de toute urgence une solution de logement.

Combien de jeunes ayant dû quitter leur région d'origine pour la capitale afin de trouver un emploi sont aujourd'hui confinés dans ces logements sans confort et souvent dangereux pour la santé ?

Un effort majeur doit donc être accompli pour accompagner les politiques de résorption de l'habitat insalubre menées par les collectivités territoriales dans le cadre des programmes locaux de l'habitat.

Tel est le sens de cet amendement qui, au-delà de l'objectif quantifiable qu'il tend à fixer, vise à mettre en oeuvre le principe simple de la substitution d'un logement locatif social à chaque logement insalubre désaffecté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous sommes naturellement tous d'accord, sur l'ensemble de ces travées, pour renforcer la lutte contre l'habitat insalubre, mais pas comme nous le propose notre collègue.

En effet, comme toujours, Mme Demessine fixe des objectifs sans prévoir les moyens et les outils nécessaires. Or, comme le rappelait M. le ministre tout à l'heure, nous préférons les mesures pratiques, pragmatiques. Nous devons prévoir les moyens de réaliser les objectifs que nous nous fixons.

Telle est d'ailleurs la démarche de la commission des affaires économiques, qui a proposé au Sénat, en première lecture, de prévoir le repérage des habitats insalubres et des copropriétés dégradées dans les programmes locaux de l'habitat et la création d'un observatoire de l'habitat indigne à l'échelon départemental.

En outre, toujours sur ce thème, la commission vous a proposé de ratifier l'ordonnance relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux, qui renforce considérablement les outils mis à la disposition de l'État et des collectivités territoriales pour prévenir et réduire ces situations.

Cette ordonnance constitue, à n'en pas douter, un grand progrès pour lutter contre les marchands de sommeil, essentiellement dans les logements dégradés des centres-villes.

En conséquence, préférant naturellement, à l'instar de M. le ministre, les avancées concrètes et opérationnelles aux grandes déclarations d'intention, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Comme l'a dit M. le rapporteur, la résorption de l'habitat insalubre est une composante essentielle de la lutte contre l'habitat indigne. L'ordonnance du 15 décembre 2005 vise précisément à simplifier et à accélérer les procédures afin que, concrètement, l'habitat indigne disparaisse.

Dans le cadre du Pacte national pour le logement, nous avons prévu la réalisation, sur deux ans, de 5 000 logements d'urgence et d'insertion et de 5 000 places dans des résidences hôtelières à vocation sociale, notamment pour faciliter le traitement des situations d'insalubrité. Il s'agit notamment du relogement, car, dans nombre de cas, c'est le relogement temporaire qui a freiné la résorption de l'insalubrité.

Par ailleurs, le présent projet de loi comporte des mesures d'intensification de cette lutte, notamment pour les plus défavorisés. À cet égard, le Gouvernement vous présentera un amendement autorisant la création de ces résidences hôtelières à vocation sociale.

Nous avons, comme vous, la volonté de résorber l'habitat insalubre, mais nous souhaitons qu'elle se traduise très concrètement au travers des mesures que je viens d'évoquer.

Voilà pourquoi nous ne sommes pas favorables à la proposition de programmation que vous présentez, madame, même si nous partageons les mêmes objectifs.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Si j'interviens sur cet amendement, ce n'est pas pour l'approuver - sans doute au grand désespoir de Mme Demessine -,...

Mme Michelle Demessine. C'est aller un peu loin !

M. Alain Vasselle. ... mais pour rassurer le ministre et surtout le rapporteur, qui est toujours inquiet quand je prends la parole (exclamations amusées sur le banc de la commission), redoutant que je ne vienne apporter mon soutien aux amendements de l'opposition ! (Sourires.)

Plus sérieusement, je crois que nous devons cesser les incantations en ce qui concerne les logements insalubres.

Tous les gouvernements, quels qu'ils soient, se sont efforcés d'agir dans ce domaine, mais ils ont obtenu des résultats mitigés. Le gouvernement de M. Jospin n'a pas fait beaucoup mieux en matière de logement insalubre que ce que fait l'actuel gouvernement ou ce qu'ont fait d'autres.

M. le ministre a raison d'affirmer que le gouvernement auquel il appartient a pris la question à bras-le-corps et a démontré sa capacité d'agir en obtenant des premiers résultats. Simplement - et j'attire l'attention de M. le ministre et de Mme Demessine sur ce point -, en matière de logements insalubres, il faut cesser de croire qu'il suffit de reconstruire ou de réhabiliter pour que l'insalubrité disparaisse.

Je suis président d'un organisme HLM qui gère 7 000 logements. Les logements construits sont de très bonne qualité, hyper isolés, HQE, de haute qualité environnementale. Or l'on constate que, chez trois familles qui ont pris possession d'un logement en même temps, qui vivent côte à côte dans le même immeuble, pour un logement qui tombe dans l'insalubrité la plus complète, les deux autres restent impeccables trois, quatre ou cinq ans après.

C'est donc plus d'un problème éducatif qu'il s'agit. Il faudrait renforcer, dans certains ensembles, le suivi social des familles plutôt que d'envisager la réhabilitation et la construction. À défaut de mettre en place un tel suivi, vous trouverez régulièrement de l'insalubrité dans les logements sociaux, et vous serez obligés de procéder à une réhabilitation lourde, peut-être tous les cinq, six, sept ou huit ans, et, deux ans plus tard, l'insalubrité réapparaîtra. Le problème se trouve donc parfois ailleurs.

Enfin, j'appelle l'attention du Gouvernement sur l'insalubrité de certains logements dont on ne parle jamais, notamment dans les médias, parce que ceux qui les occupent sont tenus au droit de réserve : ce sont les logements occupés par les gendarmes.

Je suis effaré par les conditions innommables - j'insiste sur ce mot - dans lesquelles sont logés des gendarmes. J'aimerais que le Gouvernement fasse de la reconstruction des logements de certaines brigades de gendarmerie sur le territoire une priorité.

Ainsi, dans mon département, l'Oise, je peux citer, entre autres, l'exemple de la caserne de gendarmerie de Clermont. Voilà un bâtiment qu'il est question, depuis trente ans, de reconstruire, et que je vous invite, monsieur le ministre, à venir voir. Demandez au ministre de la défense, Mme Alliot-Marie, de visiter certains de ces logements, qui ne sont pas dignes de la France, ni de notre époque. Il n'est pas digne de loger des gendarmes dans de telles conditions !

C'est un exemple parmi tant d'autres, et je souhaite que l'on prenne à bras-le-corps ce problème. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. André Vézinhet, pour explication de vote.

M. André Vézinhet. Je voudrais soutenir le point de vue défendu par Mme Demessine parce que l'habitat insalubre est effectivement une question d'une extrême gravité.

C'est un problème pernicieux, qui s'installe ici ou là dans nos cités. Ainsi, un appartement qui était signalé comme un logement de qualité peut, sans que l'on s'en rende compte, se muer en un habitat particulièrement insalubre.

Je veux plus particulièrement poser le problème de la copropriété dégradée. Aujourd'hui, de véritables scandales se produisent dans les agglomérations, notamment dans les quartiers dits populaires, où la copropriété devient le refuge de marchands de sommeil. Je connais des copropriétés dégradées où les tranches de sommeil sont vendues à des prix exorbitants.

Je ne suis donc pas scandalisé par l'amendement déposé par Mme Demessine et, au contraire, je la félicite de proposer une quantification sur la résorption de l'habitat insalubre. En effet, si l'est bon d'être d'accord sur l'objectif fixé, il est encore mieux de définir les moyens de l'atteindre, car, ce faisant, nous aurons déjà franchi un pas essentiel vers la suppression de l'habitat insalubre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Article 1er bis

Article 1er

I. - La réalisation de logements sur des immeubles bâtis, ou non bâtis, appartenant à l'État ou à ses établissements publics ou cédés par eux à cet effet présente un caractère d'intérêt national lorsqu'elle contribue à l'atteinte des objectifs fixés par le titre II de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ou des objectifs fixés par l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation ou par le programme local de l'habitat, lorsqu'il existe sur le territoire concerné.

À cet effet, des décrets peuvent délimiter des périmètres dans lesquels les opérations mentionnées au premier alinéa ont les effets d'opérations d'intérêt national au sens de l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme. Ils tiennent compte de l'économie générale des projets d'aménagement et de développement durable des schémas de cohérence territoriale et, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, des plans locaux d'urbanisme déjà approuvés.

Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme sont consultés sur les projets de décret. Leur avis est réputé favorable s'il n'a pas été émis dans un délai de deux mois suivant la notification du projet.

Ces décrets deviennent caducs à l'expiration d'un délai de dix ans suivant leur publication.

II. - Non modifié

III. - L'article L. 213-1 du même code est complété par un g ainsi rédigé :

« g) L'aliénation par l'État ou ses établissements publics de terrains, bâtis ou non bâtis, en vue de la réalisation des logements situés dans les périmètres mentionnés au deuxième alinéa du I de l'article 1er de la loi n°           du                   portant engagement national pour le logement, tant que les décrets prévus au même alinéa ne sont pas caducs. »

M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 198, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Il s'agit d'un amendement que j'avais déjà déposé en première lecture et sur lequel j'avais eu du mal à me faire entendre. Mais je constate que, après deux lectures et le travail effectué par la commission des affaires économiques et son excellent rapporteur, quelques avancées notables ont été réalisées qui permettent enfin de tenir compte des PLU et des SCOT.

La rédaction initiale du texte du Gouvernement laissait à penser qu'on voulait imposer, sur des territoires appartenant à l'État, la construction d'ensembles de logements sociaux, sans qu'il y ait eu au préalable une véritable concertation et une prise en considération de l'avis du maire, qui est à l'origine de l'élaboration du PLU.

Ce n'est plus le cas dorénavant, puisque le deuxième alinéa de l'article 1er dispose que des décrets, qui peuvent être pris jusqu'au 1er janvier, devront tenir compte, notamment, « de l'économie générale des projets d'aménagement et de développement durable des schémas de cohérence territoriale et, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, des plans locaux d'urbanisme déjà approuvés ».

Donc, j'imagine que cette concertation permettra de répondre aux préoccupations qui étaient les miennes.

Je retire donc cet amendement, qui n'a plus de raison d'être. Toutefois, j'aimerais savoir si, dans l'esprit du Gouvernement, à l'origine, il était bien question de pouvoir construire des logements sociaux sur des terrains appartenant à l'État, par décret, même en cas d'avis défavorable du maire, et même si cela contrevenait aux dispositions du PLU ou du SCOT.

M. le président. L'amendement n° 198 est retiré.

L'amendement n° 5, présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. - Après l'article L. 34-3-1 du code du domaine de l'État, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - L'État et le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public peuvent conclure un bail portant sur des bâtiments à construire par le titulaire et comportant, au profit de l'État, une option lui permettant d'acquérir, avant le terme fixé par l'autorisation d'occupation, les bâtiments ainsi édifiés.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment les conditions de passation du baiL. »

II. - L'article L. 66-2 du code du domaine de l'État est ainsi rédigé :

« Art. L. 66-2 - L'État peut procéder à l'aliénation d'immeubles de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur domaniale ou à leur cession gratuite lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de constructions comportant des logements dont plus de 50 % sont réalisés en logements locatifs sociaux. La différence entre la valeur domaniale et le prix de cession ne peut dépasser un plafond fixé par décret en Conseil d'État. Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article. »

III. - Les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. L'article 1er du présent projet de loi vise, concrètement, à créer les conditions de la mise en oeuvre d'un certain nombre d'opérations de caractère prioritaire, dénommées « opérations d'intérêt national » et qui concernent pour l'heure trois sites, c'est-à-dire l'aménagement de Seine-Amont, celui du plateau de Saclay-Massy et le projet Seine-Aval.

Pour autant que ces opérations aient une certaine importance, la véritable question qui nous est aujourd'hui posée est celle de la manière dont l'État entend mener sa politique patrimoniale et en quoi l'utilisation des possibilités foncières existantes peut permettre de réaliser les objectifs de construction de logements sociaux que nous nous sommes fixés, notamment dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale.

Dans cet amendement, nous préconisons donc de retenir, autant que faire se peut, la logique du droit d'usage moyennant redevance et donc du droit d'utilisation des terrains aux fins d'y réaliser des logements sociaux.

Notons que ces choix ont été retenus dans d'autres pays de l'Union européenne puisque c'est ainsi, notamment, que les affaires sont traitées au Royaume-Uni.

Moyennant une redevance de faible montant, les aménageurs pourraient donc, à moindres frais que ceux qu'occasionne l'acquisition pure des terrains et immeubles, réaliser les opérations urbaines dont nous avons besoin.

La deuxième situation que nous évoquons est celle de la cession.

Dans sa lettre actuelle, l'article L. 66-2 du code du domaine de l'État, article qui résulte, je le rappelle, d'une initiative sénatoriale, prévoit que « L'État peut procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de constructions comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social. La différence entre la valeur vénale et le prix de cession ne peut dépasser un plafond fixé par décret en Conseil d'État.

« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article ».

Ce décret, qui a été pris le 4 novembre 2004, a modifié de manière assez profonde les conditions de cession du patrimoine de l'État.

Nous proposons, pour notre part, que le texte de l'article L. 66-2 du code du domaine de l'État soit précisé.

Outre la réduction du prix de cession - la décote de 25 % que vous avez annoncée, monsieur le ministre, portant sur des biens déjà largement réévalués par le marché -, nous estimons, d'une part, que la cession gratuite doit pouvoir figurer au nombre des possibilités offertes et que, d'autre part, l'utilisation des immeubles publics doit être recentrée sur la production majoritaire de logements sociaux, au sens notamment de l'article L. 302-5 du code de l'urbanisme.

Les exigences d'utilisation économe de l'espace, de mixité sociale et la nécessité d'apporter une réponse adaptée aux besoins en matière d'habitat ne sont-elles pas inscrites dans le champ de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme ? Il convient donc que nous fassions en sorte que la cession de son patrimoine par l'État permette effectivement d'atteindre ces objectifs.

Pourquoi prévoir la cession gratuite des terrains ?

Sans doute, monsieur le ministre, jugerez-vous que cette proposition va bien au-delà des objectifs du Pacte national pour le logement. Mais pourquoi l'État ne montrerait-il pas l'exemple, comme nombre de collectivités locales le font déjà lorsqu'elles cèdent pour l'euro symbolique des terrains acquis par elles pour y réaliser des logements sociaux ? Et pourquoi la politique publique en ces matières ne permettrait-elle pas de donner un signe de nature à réduire la pression spéculative qui pèse aujourd'hui sur l'ensemble de la chaîne du logement ?

C'est sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, que nous vous invitons à adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. Braye, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

immeubles bâtis, ou non bâtis,

par les mots :

biens immeubles

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification juridique, qui porte sur le champ de l'application de l'article 1er.

Comme l'a expressément indiqué M. le ministre de l'équipement, Dominique Perben, au cours du débat à l'Assemblée nationale, la notion de « biens immeubles » recouvre à la fois les terrains bâtis et les terrains non bâtis. La notion d' « immeubles bâtis, ou non bâtis » adoptée par les députés nous semble redondante. C'est pourquoi, dans un souci de cohérence juridique, et afin d'éviter toute interprétation a contrario, il nous paraît important de modifier le texte sur ce point.

M. le président. L'amendement n° 51, présenté par M. Braye, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

la cohésion sociale ou des objectifs fixés

par les mots :

la cohésion sociale,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer la référence :

L. 302-8

par la référence :

L. 302-5

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Cet amendement porte sur une question relativement simple.

L'article 1er du projet de loi tel qu'il est aujourd'hui rédigé précise : « La réalisation de logements sur des immeubles bâtis, ou non bâtis, appartenant à l'État ou à ses établissements publics ou cédés par eux à cet effet présente un caractère d'intérêt national lorsqu'elle contribue à l'atteinte des objectifs fixés par le titre II de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ou des objectifs fixés par l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation ou par le programme local de l'habitat, lorsqu'il existe sur le territoire concerné. »

On sait que l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, s'il porte, lui aussi, sur la question de la part des logements sociaux dans le total des logements existants, atténue la portée des obligations fixées en les considérant du point de vue de l'agglomération dans laquelle la commune s'inscrit.

De fait, ce que l'on peut craindre, c'est que la définition du périmètre des opérations d'intérêt national puisse conduire certaines communes à se dégager des obligations qui leur sont par ailleurs fixées par l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation.

Cette crainte est d'autant plus forte, au demeurant, que les trois premières opérations d'intérêt national dont il est question, au travers de cet article 1er, concernent des communes situées en région d'Île-de-France, où les dispositions de l'article L. 302-5 s'appliquent aux communes comptant au moins 1 500 habitants.

Il nous semble donc, nonobstant le fait que certaines des communes comprises dans le périmètre des opérations d'intérêt national sont aujourd'hui tout à fait en conformité avec les termes dudit article L. 302-5, qu'il convient que ce soit ce dernier qui soit pris en compte pour la définition des orientations de la politique de cession foncière de l'État et d'aménagement urbain des secteurs concernés. Il faut construire des logements sociaux là où il peut en manquer, en particulier dans le périmètre des opérations de Massy-Saclay ou de Seine-Aval, afin notamment d'atteindre les objectifs que l'on s'est fixés en matière de mixité sociale.

C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de précision.

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. Braye, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa du I de cet article, après les mots :

des décrets peuvent

insérer les mots :

, jusqu'au 1er janvier 2010,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je regrette que M. Vasselle ait dû quitter l'hémicycle, car cet amendement va tout à fait dans le sens des préoccupations qu'il a exprimées.

Mme Nicole Bricq. Il est allé manifester ! (Sourires.)

M. Dominique Braye, rapporteur. Il s'agit en effet de rétablir la date butoir du 1er janvier 2010 pour la prise des décrets délimitant les périmètres des opérations d'intérêt national. Cette date butoir figurait dans la rédaction initiale du projet de loi, mais a été supprimée par les députés.

La possibilité prévue à l'article 1er ne peut, à nos yeux, constituer qu'une mesure transitoire, exceptionnelle, destinée à accélérer la production de logements sociaux, afin que puissent être atteints les objectifs du plan de cohésion sociale.

De plus, le maintien d'une date butoir favorisera, je l'espère, une mobilisation rapide de tous les acteurs concernés.

M. le président. L'amendement n° 188, présenté par M. Cambon et Mme Procaccia, est ainsi libellé :

Compléter le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Après publication de ces décrets et à l'intérieur du périmètre qu'ils délimitent, l'autorité administrative peut autoriser les constructions d'habitation, en zone C du plan d'exposition au bruit défini par l'article L. 147-5 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elles n'entraînent qu'un faible accroissement de la capacité d'accueil d'habitants exposés aux nuisances.

La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. L'État envisage la réalisation de trois opérations d'intérêt national en Île-de-France en matière de création de logements, dont l'une est située sur le territoire de Seine-Amont.

Or les règles de constructibilité en zone C du plan d'exposition au bruit de l'aéroport d'Orly, dont le trafic est par ailleurs plafonné, mettent en péril la réalisation de cette opération d'intérêt national pour la moitié des communes du territoire de Seine-Amont, ce qui représente trente communes et une population importante.

Cet amendement vise donc à adapter la réglementation d'urbanisme dans cette zone de bruit modéré, où les niveaux de bruit, qui sont au maximum de 65 décibels, sont inférieurs à ceux qui peuvent être constatés dans des rues secondaires de centre-ville, afin de permettre une meilleure mise en oeuvre des priorités gouvernementales, en termes d'habitat, sur ce territoire stratégique.

En effet, si une maîtrise de l'urbanisme aux abords des aéroports en développement est bien évidemment une préoccupation légitime, il est tout aussi légitime d'adapter, conformément aux dispositions de l'article 8 de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports, les plans d'exposition au bruit à la situation particulière des aéroports dont le trafic est plafonné, en l'occurrence l'aéroport d'Orly. Cet aéroport est en effet fermé à tout trafic de 23 heures à 6 heures du matin.

M. le président. L'amendement n° 219, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le 2° du II de cet article pour  rédiger la seconde phrase de l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme, après les mots :

économie générale

insérer les mots :

du schéma directeur d'aménagement de la Région Île-de-France et dans les autres régions

 

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Il s'agit de vérifier que nous sommes bien d'accord sur les dispositions que nous avons votées en première lecture, s'agissant de l'encadrement de la procédure permettant à l'État de s'affranchir des documents d'urbanisme.

Lors de la première lecture, nous avions précisé que les opérations d'intérêt national ne pourraient bouleverser l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durable du schéma de cohérence territoriale.

En l'absence de SCOT, c'est l'économie générale du plan local d'urbanisme qui doit être respectée. Or, en Île-de-France, des dispositions particulières s'appliquent, puisque la couverture par les schémas de cohérence territoriale n'est pas achevée. Il n'y en a pas, par exemple, dans la zone centrale.

Compte tenu de cette situation spécifique, l'amendement prévoit que, à défaut de SCOT, la référence utilisée soit le schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF. Ce document de planification est en effet désormais établi par la région, en concertation avec l'État, les collectivités territoriales et les acteurs économiques et sociaux du territoire. Du reste, sa révision, avec l'accord de l'État, est engagée. Elle devrait aboutir à l'élaboration d'un nouveau schéma directeur à la fin de l'année 2006.

Ce SDRIF constitue le seul instrument couvrant l'intégralité du territoire francilien, et donc, nous semble-t-il, le seul cadre adapté à l'évaluation de l'inscription d'une opération d'intérêt national dans les équilibres régionaux.

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié, présenté par M. Braye, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

IV- L'article L. 66-2 du code du domaine de l'État est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Pour l'application du présent article, sont assimilés aux logements sociaux mentionnés aux 3° et 5° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation :

«  - les structures d'hébergement temporaire ou d'urgence bénéficiant d'une aide de l'État ;

«  - les aires d'accueil des gens du voyage mentionnées au premier alinéa du II de l'article premier de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;

«  - dans les départements d'outre-mer, les logements locatifs sociaux bénéficiant d'une aide de l'État. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement concerne la décote appliquée aux terrains cédés par l'État aux collectivités territoriales en vue de faciliter l'équilibrage financier des opérations de création de logements sociaux.

Conformément au souhait exprimé par le Sénat en première lecture, le décret fixant cette décote est en cours de modification. Au terme de cette modification, comme le Gouvernement s'y était engagé lors de la première lecture, la décote pourra atteindre 35 % dans les zones où le marché foncier est le plus tendu, c'est-à-dire dans les zones A du dispositif de la loi Robien.

Je crois, monsieur le ministre, que ce décret a été transmis au Conseil d'État, qui l'a examiné la semaine dernière. Nous souhaiterions que vous puissiez nous confirmer ce point, et nous indiquer précisément dans quel délai ce décret pourra être publié. Nous savons qu'un certain nombre d'opérations sont prêtes et que leur réalisation nécessite la publication de ce texte.

Afin de faciliter de telles opérations, le présent amendement vise donc à étendre le bénéfice de la décote aux structures d'hébergement d'urgence, aux aires d'accueil des gens du voyage et, dans les départements d'outre-mer, aux logements locatifs sociaux bénéficiant d'une aide de l'État.

M. le président. L'amendement n° 220, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... . - L'article L. 66-2 du code du domaine de l'État est ainsi modifié : 1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « peut procéder » sont remplacés par le mot : «  procède »  et après les mots : « de terrains » sont insérés les mots : « bâtis ou non bâtis » ;

2° La seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« La différence entre la valeur du terrain bâti ou non bâti telle qu'elle est estimée par le directeur des services fiscaux et le prix de cession est fixée à 25 % au moins de ladite valeur, pondérée par le rapport entre la surface hors oeuvre nette affectée au logement locatif social et la surface hors oeuvre nette totale du programme immobilier, sauf dans des zones délimitées par décret, dans lesquelles elle est fixée à 35 % au moins. »

...  - La perte de recettes pour l'État résultant du paragraphe précédent est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Bien souvent, la flambée des prix obère gravement les capacités des communes et de leurs groupements à développer une politique d'acquisition foncière. Or la libération des terrains publics ne prend tout son sens que si elle s'opère au profit des collectivités territoriales et de leurs projets en matière de réalisation de logements sociaux.

C'est pourquoi il est indispensable de procéder à une décote sur les terrains cédés par l'État, qui seraient trop chers s'ils étaient vendus au prix du marché. Ainsi, la décote nécessaire pour équilibrer les opérations de réalisation de logements sociaux en Île-de-France est de 35 % au minimum.

Cet amendement vise donc à instituer une décote de 25 % par défaut, mais de 35 % dans les zones où le marché foncier est le plus tendu. Dans notre esprit, ces zones doivent correspondre aux zones A du dispositif fiscal de la loi Robien.

Devant le Sénat, le Gouvernement s'est engagé à procéder par décret à une décote d'au moins 25 % sur le prix des terrains cédés par l'État en vue de la réalisation de logements locatifs sociaux. Or, dans la mesure où le prix du mètre carré de terrain constructible a augmenté de 22 % pour la seule année 2004, l'application d'une telle décote de 25 % ne ferait que ramener le coût du terrain au prix du marché de l'an passé.

La décote proposée par le Gouvernement est donc trop faible. En tout état de cause, il est préférable que ce soit la loi qui en fixe le principe, le niveau et les aménagements dans les zones où le marché foncier est tendu. À ce titre, cet amendement représente une amélioration du projet de décret évoqué par le Gouvernement.

Par ailleurs, l'amendement tend à lever une imprécision en prévoyant expressément que la décote devra s'appliquer aux terrains bâtis ou non bâtis. Dans le cas contraire, la portée du dispositif serait fortement amoindrie. En effet, le mot « terrain » désigne, en droit, un espace libre de toute construction. Par conséquent, si nous ne précisons pas que les terrains concernés pourront être bâtis ou non bâtis, la mesure que nous adopterons ne pourra s'appliquer aux terrains construits, ce qui serait tout à fait dommageable.

M. le président. L'amendement n° 221, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter in fine cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 66-2 du code du domaine de l'État est ainsi rédigée :

« La différence entre la valeur du terrain bâti ou non bâti telle qu'elle est estimée par le directeur des services fiscaux et le prix de cession ne peut dépasser 25 % au moins de ladite valeur, pondérée par le rapport entre la surface hors oeuvre nette affectée au logement locatif social et la surface hors oeuvre nette totale du programme immobilier, sauf dans des zones délimitées par décret, dans lesquelles elle peut atteindre 35 %. »

... - La perte de recettes pour l'État résultant du paragraphe précédent est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Contrairement à l'amendement n° 220, qui prévoit que la décote sur les terrains cédés par l'État aux collectivités territoriales soit d'au moins 35 % dans les zones où le marché foncier est tendu, cet amendement tend à ce que cette décote ne puisse excéder 35 %.

Cet amendement est donc plus favorable à l'État vendeur, ce qui réduit les risques de rétention des terrains par les ministères, tout en préservant des capacités d'intervention fortes pour les collectivités territoriales.

M. le président. L'amendement n° 222, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - L'article L. 66-2 du code du domaine de l'État est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « peut procéder » sont remplacés par le mot : « procède » et après les mots : « de terrains » sont insérés les mots : « bâtis ou non bâtis » ;

2° La seconde phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« La différence entre la valeur du terrain telle qu'elle est estimée par le directeur des services fiscaux et le prix de cession est fixée à 25 % au moins de ladite valeur, pondérée par le rapport entre la surface hors oeuvre nette affectée au logement locatif social et la surface hors oeuvre nette totale du programme immobilier, sauf dans des zones délimitées par décret, dans lesquelles elle est fixée à 35 % au moins et peut s'élever à 50 %. Ces dispositions s'appliquent pour autant qu'elles n'entraînent pas une réduction du prix de cession de la partie du terrain utilisée pour la réalisation de logements locatifs sociaux à un niveau inférieur à une valeur foncière de référence fixée par décret. »

...  La perte de recettes pour l'État résultant du paragraphe précédent est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Dans le même esprit que les précédents, cet amendement vise à ce que la décote sur les terrains cédés par l'État aux collectivités territoriales soit d'au moins 35 % dans les zones où le marché est tendu, et puisse aller jusqu'à 50 %.

Notre proposition se fonde sur un certain nombre d'études et d'auditions tendant à montrer que l'équilibrage financier des opérations de réalisation de logements sociaux en Île-de-France exige une décote d'au moins 35 %.

En outre, si l'État constructeur, c'est-à-dire le ministère chargé du logement, comprend sans doute l'intérêt de la décote, l'État vendeur, c'est-à-dire Bercy, y est vraisemblablement moins sensible. Il convient donc d'encadrer les décotes qui devront être pratiquées et d'en fixer le montant dans la loi.

Rappelons que la décote permet aux collectivités territoriales de mener une politique d'acquisition foncière que pénalisent souvent les prix du marché.

Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple que je connais bien, celui des terrains des Batignolles à Paris. Manifestement, l'État a affiché sa volonté à cet égard, puisque le Premier ministre a indiqué au maire de Paris qu'il souhaitait la réalisation d'un nombre significatif de logements sociaux. Cependant, les négociations en cours avec Réseau ferré de France ne sont pas très encourageantes, puisque les prix de cession évoqués avoisinent les prix du marché. Cela rend irréalisable la construction de logements sociaux d'insertion, voire la conduite d'opérations dans le cadre du plan local d'urbanisme.

M. le président. L'amendement n° 223, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

... - L'article L. 66-2 du code du domaine de l'État est ainsi rédigé : « Art. L. 66-2. - Lorsque l'État procède à l'aliénation d'immeubles de son domaine privé, l'acheteur doit y réaliser des programmes de logements sociaux. Dans les communes visées à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, 50 % au moins de la surface hors oeuvre totale des immeubles réalisés doit être consacrée à la réalisation de logements locatifs sociaux et 20 % dans les autres communes.

« Le prix de cession de la charge foncière correspondant aux logements locatifs sociaux ne peut excéder la valeur foncière de référence telle que définie au titre III du livre troisième du code de la construction et de l'habitation pour le financement du logement locatif social. »

... - Les dispositions du paragraphe précédent s'appliquent aux cessions d'immeubles appartenant aux entreprises publiques et aux établissements publics définis par décret.

... - Les pertes de recettes pour l'État résultant des deux paragraphes précédents sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. André Vézinhet.

M. André Vézinhet. Par cet amendement, il s'agit de prévoir des dispositions particulières en faveur des acquéreurs d'immeubles ou de terrains relevant du domaine privé de l'État. Cela va dans le sens des préoccupations que vient d'exposer Roger Madec.

Il s'agit, pour les communes soumises aux dispositions de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, de prévoir qu'au moins 50 % de la surface des immeubles cédés par l'État soient consacrés au logement locatif social. Cette proportion pourrait être ramenée à 20 % pour les autres communes.

Une telle mesure ne suffirait pas si elle n'était assortie de coûts du foncier compatibles avec la création d'un parc locatif social. L'amendement prévoit donc également que la charge foncière correspondant aux logements locatifs sociaux ne puisse excéder la valeur foncière de référence pour le financement du logement locatif social, à savoir 150 euros le mètre carré de surface habitable dans les grandes agglomérations de province et 200 euros en région d'Île-de-France.

En pratique, une telle disposition permettra que les propriétés de l'État soient vendues à des prix compatibles avec l'équilibre financier des opérations de réalisation de logements sociaux.

En outre, il est bon d'inclure dans le champ du dispositif les immeubles possédés par les entreprises publiques ou par des établissements publics définis par décret.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements autres que ceux qu'elle a elle-même présentés ?

M. Dominique Braye, rapporteur. L'amendement n° 5 a déjà fait l'objet d'un examen sérieux en première lecture. Il avait alors été rejeté. Je ne puis donc que rappeler que le Gouvernement a déjà annoncé un certain nombre de mesures destinées à minorer le coût du foncier, grâce notamment à des prêts d'une durée de cinquante ans de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales et aux établissements publics fonciers en vue de réaliser des opérations de logement social et, en fait, de permettre la maîtrise foncière.

S'agissant de la décote appliquée aux terrains cédés par l'État, je ne puis que m'étonner que nos collègues du groupe CRC souhaitent en restreindre le bénéfice aux opérations comportant au moins 50 % de logements sociaux, alors même que l'État est prêt à consentir un effort financier plus important, afin d'équilibrer un nombre plus élevé d'opérations.

Je leur suggère donc de retirer leur amendement. À défaut, la commission serait contrainte d'émettre un avis défavorable.

M. Didier Boulaud. L'État peut toujours promettre, il n'a plus d'argent dans les caisses !

M. Dominique Braye, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 36, ses auteurs sont satisfaits par l'article 1er, qui inclut, parmi les objectifs visés au travers des opérations d'intérêt national, les objectifs triennaux fixés aux communes en matière de réalisation de logements sociaux. Par conséquent, je demande à nos collègues du groupe CRC de bien vouloir retirer cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 188, la commission est très attentive aux préoccupations que vous avez exprimées, monsieur Cambon, puisque nous en avons déjà discuté lors de la première lecture. J'ai également eu l'occasion d'évoquer le problème soulevé avec nombre de maires de votre département qui y sont confrontés.

Vous mettez en avant les contraintes qu'imposent les plans d'exposition au bruit et le manque de foncier pour réaliser les opérations de logement, notamment en région d'Île-de-France.

Toutefois, il apparaît difficile de permettre, comme le prévoit cet amendement, un accroissement de la population exposée aux nuisances, autour des aéroports. C'est pourquoi - et il me semblait que nous avions trouvé un accord - la commission demande le retrait de cet amendement au profit de celui que vous présenterez à l'article 2, qui prévoit la possibilité de reconstruire en zone C, à condition naturellement de démolir en zones A et B, plus exposées au bruit, et de ne pas accroître la population subissant les nuisances.

L'amendement n° 219 instaure un régime spécifique pour la région d'Île-de-France en permettant à l'État de mettre en oeuvre une opération portant atteinte au projet d'aménagement défini par les plans locaux d'urbanisme, dès lors qu'il respecte le SDRIF. Or, vous savez que le SDRIF est un document d'une nature particulière dans la mesure où, élaboré à l'échelle régionale, il donne des orientations beaucoup plus générales que le SCOT, mais sans entrer dans le détail.

Le PLU et le SCOT définissent, quant à eux, des orientations beaucoup plus précises et sont le reflet des politiques d'aménagement définies au niveau local. En conséquence, aux termes de l'amendement proposé, l'État pourrait adopter des décisions allant à l'encontre de la politique d'aménagement décidée à l'échelle locale par les communes.

Je précise à la Haute Assemblée que cette éventualité nous paraît d'autant moins souhaitable que le schéma directeur de la région Île-de-France a été adopté, en 1994, contre l'avis de tous les départements de la région d'Île-de-France, quelle que soit leur sensibilité politique, et contre l'avis de toutes les collectivités territoriales, aucune n'y trouvant son compte.

Vous comprendrez donc, ma chère collègue, que je ne peux qu'être défavorable à un amendement prenant appui sur un document adopté dans de telles conditions et dont les directives pourraient aller à l'encontre des plans locaux d'urbanisme. Ce faisant, je crois d'ailleurs faire plaisir à l'ensemble des collectivités locales d'Île-de-France, toutes sensibilités politiques confondues.

S'agissant de l'amendement n° 220, la commission en demande le retrait, car il sera satisfait par le décret prochainement publié. Je ferai, en outre, remarquer à M. Repentin qu'il était largement préférable d'obtenir sur ces points une modification par décret dans la mesure où il devrait être très prochainement publié, alors que la loi pourra difficilement être promulguée avant la fin de l'année parlementaire.

Par ailleurs, s'agissant du champ d'application de la décote, le Gouvernement nous avait déjà répondu, en première lecture, qu'elle s'appliquerait aussi bien aux terrains bâtis qu'aux terrains non bâtis, dès lors qu'il s'agit d'opérations de construction ou de réhabilitation. Pour toutes ces raisons la commission demande le retrait de l'amendement ou se verra contrainte d'émettre un avis défavorable.

M. Robert Bret. De nos jours, on n'est plus sûr de rien !

M. Dominique Braye, rapporteur. L'amendement n° 221 reçoit un avis identique, puisqu'il tend au même but que l'amendement n° 220.

Pour les raisons déjà exposées, la commission demande également le retrait de l'amendement n° 222, qui prévoit que la décote puisse aller jusqu'à 50 %. Je rappelle, à cet égard, que la décote n'est pas le seul biais par lequel l'État contribue à l'équilibre de ces opérations de logement social, puisqu'il intervient également sous forme d'aides financières.

L'amendement n ° 223 va beaucoup plus loin que les précédents, notamment en obligeant les établissements publics fonciers à céder leurs biens à des prix nettement inférieurs à ceux du marché, ce qui apparaît difficilement compatible avec les missions qui leur sont confiées : d'un côté, on veut leur confier de plus en plus de missions, ce qui suppose qu'ils aient de plus en plus de moyens, et, de l'autre, on veut restreindre les profits qu'ils pourraient tirer de la vente de terrains, ce qui me paraît tout à fait contradictoire.

Par ailleurs, l'obligation de réaliser des logements sociaux sur l'ensemble des biens de l'État ne me paraît pas opportune, puisqu'elle ne tient pas compte de la situation locale. Il n'est pas question, sous prétexte que les terrains appartiennent à l'État, de n'y faire que du logement social. Je vous rappelle que ce dernier, pour être bien accepté, doit maintenant être réalisé par petites opérations disséminées, et qu'il n'est pas souhaitable de concentrer toutes les habitations de ce type au même endroit comme vous nous le proposez encore. Persister dans cette erreur, dont nous payons aujourd'hui les conséquences, serait une lourde faute et c'est pourquoi j'émets, sur cet amendement, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. En donnant l'avis du Gouvernement sur les différents amendements, je répondrai à plusieurs intervenants en même temps.

Ainsi, l'amendement n° 5 me permet de confirmer que le décret validé le 27 mars dernier par le Conseil d'État, qui portera, monsieur le rapporteur, à 35 % la décote en zone A du dispositif Robien, sera publié au cours de ce mois.

Par ailleurs, je tiens également à rappeler que les prêts accordés aux collectivités pour construire du logement social sur un certain nombre de terrains de la Caisse des dépôts et consignations peuvent aller jusqu'à soixante ans et permettre un bail emphytéotique. Les mises à disposition de ces prêts au-delà de cinquante ans sont importantes et marquent bien la volonté du Gouvernement de voir se développer le logement social.

M. Didier Boulaud. C'est Byzance !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 5 de Mme Demessine.

Il s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 50, qui est rédactionnel, de même que sur l'amendement n° 51.

L'amendement n° 36 entend corriger une référence. Je tiens à dire que celle que nous donnons est exacte et le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n ° 52, je précise que le texte du Gouvernement prévoyait que les décrets délimitant les périmètres dans lesquels les opérations de logement ont des effets d'opérations d'intérêt national ne pouvaient être pris que jusqu'au 1er janvier 2010.

L'Assemblée nationale avait supprimé cette réserve, mais puisque le Sénat souhaite la réintroduire, le Gouvernement s'en remet à sa sagesse.

Monsieur Cambon, dans la logique à la fois de la lutte et de la protection contre le bruit, nous préférons l'amendement que vous proposerez à l'article 2, et auquel je donne par anticipation un avis favorable, à l'amendement n° 188 dont j'ai bien noté que vous le retiriez. (M. Cambon fait un signe de dénégation. - Sourires.)

M. Thierry Repentin. Il n'a rien dit !

M. le président. Vous voulez dire, monsieur le ministre, « que vous le retireriez »...

M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est de la pré-science, monsieur le président. (Nouveaux sourires.)

M. Didier Boulaud. C'est cela l'autonomie du Parlement ?

M. Thierry Repentin. Il y a là un manque de concertation préalable !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° 219, je partage l'avis défavorable du rapporteur, qui a indiqué dans quelles conditions le SDRIF avait été adopté en Île-de-France, contre l'avis de l'ensemble des collectivités territoriales.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 53 rectifié, qui concerne un sujet important. Il me permet de rappeler que l'on ouvre à l'hébergement d'urgence des gens du voyage et dans les DOM des conditions de cession du domaine de l'État qui illustrent bien la volonté du Gouvernement de soutenir la politique de logement social.

Pour ce qui est de la décote systématique sur le prix de cession, j'y suis défavorable. Je me suis précédemment exprimé sur ce sujet, mais je rappelle que la mesure porte, cette fois, sur les immeubles et qu'elle s'applique déjà, monsieur Repentin, aux immeubles nécessitant une réhabilitation lourde. De ce point de vue, le Gouvernement a donc déjà largement répondu à la préoccupation exprimée par l'amendement n° 220 sur lequel il émet un avis défavorable.

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 221 parce que notre priorité reste quand même, j'y insiste, la construction de logements sociaux neufs.

L'amendement n ° 222 recueille, lui aussi, un avis défavorable.

M. Didier Boulaud. On en a d'autres en réserve et quand nos collègues reviendront de la «  manif », nous allons être majoritaires !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Concernant l'amendement n° 223, je voudrais vous inviter à une petite réflexion. Souvenons-nous que la règle nationale qu'il prévoit ne permet pas de répondre à la diversité des cas. Elle n'apporte pas toujours une réponse adaptée, surtout si l'on applique le taux de 50 % que vous prônez. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 36.

M. Thierry Repentin. Le groupe socialiste votera cet amendement. En effet, le Gouvernement a répondu qu'il était partiellement satisfait, mais, en matière de droit au logement, il faut regarder les choses de près : l'article L. 302-5 vise explicitement le logement social au sens strict du terme, alors que l'article L. 302-8 vise le logement social et le logement conventionné.

Il y a là une subtilité qui n'a pas échappé aux auteurs de cet amendement, que nous approuvons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n°188 est-il maintenu ?

M. Christian Cambon. Non, monsieur le président. Fort des engagements du rapporteur et du ministre (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), je le retire au profit de celui que je défendrai ultérieurement.

M. le président. L'amendement n° 188 est retiré.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Vous voyez qu'il s'agissait de pré-science, monsieur le président !

M. Didier Boulaud. Il faut être de la majorité pour y croire !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 219.

Mme Nicole Bricq. J'avoue ne pas comprendre les explications du rapporteur, que semble reprendre le Gouvernement, pour motiver le rejet de notre amendement, concernant la situation particulière de l'Île-de-France.

Nous aurions été disposés à retirer cet amendement si les réponses à l'appel que nous lancions s'étaient situées dans l'esprit de la première lecture, quand le Sénat entendait encadrer l'État dans les opérations d'intérêt national pour éviter que ses choix ne lèsent les collectivités territoriales. Or, il nous est opposé qu'il est impossible d'accepter la mention du SDRIF, eu égard à une situation antérieure.

Mais, comme MM. Braye et Larcher sont des élus d'Île-de-France, ils ne peuvent pas ignorer que, si le précédent SDRIF a certes été adopté contre l'avis unanime des collectivités territoriales, en 1994, sous un gouvernement qui n'était pas de gauche, puisque qu'il était conduit par M. Balladur, la procédure qui conduit à le réviser donne à la région le droit de le modifier en concertation avec l'État et les collectivités locales. Dès lors, en prétendant que l'on ne saurait aller contre l'avis des collectivités opposées au SDRIF, ils préjugent le résultat de cette concertation.

Eu égard, tant à la situation antérieure qu'à celle à laquelle nous devrions aboutir, la volonté du président de la région d'Île-de-France, Jean-Paul Huchon, comme de son exécutif, est précisément d'arriver au meilleur compromis possible, à partir d'une très large concertation, pour que le futur schéma satisfasse toutes les collectivités d'Île-de-France.

Monsieur ministre, monsieur le rapporteur, ou votre raisonnement date, ou il préjuge le résultat de la concertation engagée et, dès lors que vous refusez de vous situer dans l'esprit de la première lecture du Sénat, nous maintenons notre amendement.

M. Didier Boulaud. Excellente argumentation : c'est imparable !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Madame Bricq, le schéma directeur d'aménagement de la région d'Île-de-France est actuellement en révision. Les options qu'il comprendra seront, souvent, très générales...

Mme Nicole Bricq. Nous n'en savons rien !

M. Dominique Braye, rapporteur. En tout état de cause, les prescriptions des schémas directeurs, quels qu'ils soient, sont plus générales que celles des documents d'urbanisme tels que les plans locaux d'urbanisme ou les schémas de cohérence territoriale ! Nous pouvons nous accorder sur ce point : il s'agit d'un système de poupées russes. Or de nombreux SCOT sont en cours d'élaboration et devraient aboutir avant que le schéma directeur d'aménagement de la région d'Île-de-France ne soit adopté.

Nous voulons simplement que les opérations d'intérêt national ne portent pas atteinte aux documents d'urbanisme votés par les élus locaux, qui, de toute façon, devront être compatibles avec les SCOT et, éventuellement, avec le SDRIF.

Vous voulez protéger les collectivités qui font manifestement l'objet d'opérations d'intérêt national. Je préside justement la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines, qui est au centre de l'opération d'intérêt national Seine-Aval. De grâce, permettez aux élus concernés, qui étudient les affaires de très près, de lancer les opérations d'intérêt national comme ils le souhaitent, dans le but de préserver leur territoire et leur population, tout en ménageant l'intérêt national qui consiste à construire le plus de logements possible.

Nous sommes heureux que vous soyez sensible à nos préoccupations. Nous souhaitons disposer de certains outils et nous demandons simplement que les PADD de nos documents d'urbanisme et les PLU soient respectés dans les opérations d'intérêt national. La concertation avec les représentants de l'État a été bonne jusqu'à présent ; laissez-nous continuer !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 159 :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 127
Contre 195

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Didier Boulaud. De peu ! Ce sera pour la prochaine fois...

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 53 rectifié.

M. Thierry Repentin. Nous voterons cet amendement visant à faciliter la réalisation d'aires d'accueil des gens du voyage, épousant en tous points l'ambition portée par la loi du 5 juillet 2000...

M. Robert Bret. Très mal appliquée, d'ailleurs !

M. Thierry Repentin. ...qui avait été, à l'époque, très soutenue par le Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53 rectifié.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. La parole est à M. Roger Madec, pour explication de vote sur l'amendement n° 220.

M. Roger Madec. Les arguments avancés par le rapporteur et par le ministre nous satisfont ; nous retirons donc les amendements nos 220 et 221.

En revanche, nous maintenons l'amendement n° 222.

M. le président. Les amendements nos 220 et 221 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 222.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Vézinhet, pour explication de vote sur l'amendement n° 223.

M. André Vézinhet. Cet amendement favorise la mixité sociale et M. le rapporteur, qui a dû se laisser emporter par ses sentiments antisocialistes (Rires sur certaines travées de l'UMP), a dit justement le contraire !

Nous demandons que les acquéreurs d'immeubles ou de terrains appartenant à l'État réalisent 50 % de logements sociaux si les communes sont frappées par l'article 55 de la loi SRU. Les autres logements sont donc destinés à l'accession privée. Pour les communes non touchées par les dispositions de l'article 55, la proportion de logement social est de 20 %.

Comme vous pouvez le constater, notre amendement comprend les éléments d'une mixité que nous contestait le rapporteur, ce qui me laisse à penser que ses sentiments antisocialistes...

Mme Nicole Bricq. Et antisociaux !

M. André Vézinhet. ...l'ont emporté sur la lecture objective de l'amendement !

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Les arguments de M. le rapporteur ne nous ont pas convaincus.

Quand l'État indique, par la voix du Premier ministre actuel, qu'il favorisera la construction de logements sur le secteur des Batignolles - pour reprendre l'exemple cité par notre collègue Roger Madec - il convient de faire très attention à la signification exacte des mots employés. En effet, quand on parle de logement locatif, il ne s'agit pas forcément de logement social, loin s'en faut ! Il peut s'agir de logement conventionné, mais également de logement locatif financé avec le dispositif défiscalisé « Robien ».

C'est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement visant à assurer la construction de logement véritablement social.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 160 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 127
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'article 1er.

M. Thierry Repentin. En cohérence avec la position que nous avions adoptée en première lecture, nous voterons cet article. Ceux d'entre vous qui ont participé à cette première lecture se rappellent sans doute que l'article 1er avait alors été adopté grâce à la gauche et à quelques sénateurs de droite, qui avaient repoussé un amendement de suppression déposé par M. Vasselle, notamment, et soutenu par ses amis.

Nous souhaitons en effet donner à l'État, qui doit être selon nous un partenaire actif de la construction de logements, des outils lui permettant d'intervenir et de réaliser, au travers d'opérations d'intérêt national, du logement social dans des communes.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article additionnel après l'article 1er bis

Article 1er bis

Après l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme, il est inséré un article L. 121-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 121-2-1. - Le représentant de l'État dans le département transmet aux maires et aux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de politique locale de l'habitat qui en font la demande la liste des immeubles situés sur le territoire des communes où ils exercent leur compétence et appartenant à l'État et à ses établissements publics. »

M. le président. L'amendement n° 225, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'avant-dernier alinéa de l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il transmet également la liste des terrains compris dans le périmètre de la commune ou du groupement dont l'État, des établissements publics ou des entreprises publiques sont propriétaires. ».

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Cet amendement n'a pas une très grande portée. Il a pour objet d'associer les entreprises publiques dans les documents qui doivent être transmis, aux termes de la rédaction de cet article, aux maires et aux présidents d'EPCI.

Nous souhaitons d'ailleurs aller un peu plus loin et rectifier cet amendement en remplaçant « ou des entreprises publiques » par « et des entreprises publiques ».

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 225 rectifié

Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. La commission a d'ores et déjà largement pris en compte la nécessité, pour les communes, de mieux connaître le patrimoine public présent sur leur territoire.

L'article 1er bis, introduit sur son initiative, prévoit en effet que les communes pourront se faire communiquer la liste des terrains détenus par l'État et ses établissements publics, notamment par la SNCF et Réseau ferré de France, qui disposent de nombreux terrains.

Cet amendement est donc déjà largement satisfait.

En revanche, il apparaît difficile d'étendre cette obligation au patrimoine foncier des entreprises publiques dans la mesure où il appartient à leur conseil d'administration de définir la stratégie de l'entreprise en fonction de son objet social.

La commission demande, par conséquent, le retrait de cet amendement, qui va à l'encontre du principe de libre administration des entreprises publiques.

M. Robert Bret. Il est très bien cet amendement !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. M. le rapporteur a, me semble-t-il, tout dit.

L'État transmet déjà la liste des biens qui sont la propriété de l'État et de ses établissements publics.

De plus, il ne paraît pas réaliste de demander à l'État de tenir parfaitement à jour la liste de tous les biens immobiliers détenus par les sociétés où il est actionnaire majoritaire, sachant que certaines d'entre elles sont cotées et qu'elles bénéficient d'une autonomie de gestion.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 225 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Raoul. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 225 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis
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Article 2 A

Article additionnel après l'article 1er bis

M. le président. L'amendement n° 226, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque année, le Gouvernement présente au Parlement un bilan retraçant l'ensemble des cessions réalisées par l'État, ses établissements publics et les sociétés dont il détient la majorité du capital et faisant apparaître leurs effets au regard des objectifs de réalisation de logement social.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. La politique de cessions immobilières engagée par l'État et renforcée par les articles 1er et 1er bis du présent projet de loi vise deux objectifs : favoriser le logement et désendetter l'État.

Or le second objectif ne doit pas venir supplanter le premier. L'État vendeur ne doit pas prendre le pas sur l'État garant de l'intérêt général.

Pourtant, les débats qui ont eu lieu dans cette enceinte lors de l'adoption de l'article 63 de la loi de finances - ancien article 48 - ne rendent guère optimiste.

En effet, l'article 63 permet à l'État d'acquérir à la valeur comptable tout ou partie du patrimoine de RFF, Réseau ferré de France, pour le revendre au prix du marché, avec un bénéfice important !

Dans ce contexte, le Parlement doit pouvoir évaluer chaque année les résultats en matière de logement social des cessions de terrains bâtis et non bâtis réalisées par l'État dans le cadre d'opérations d'intérêt national.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Sur le fond, je ne peux que rappeler aux auteurs de cet amendement que la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005 prévoit déjà l'obligation pour l'État de transmettre au Parlement un rapport sur la cession des terrains en faveur des opérations de construction de logements, notamment de logements sociaux.

Cette disposition avait d'ailleurs été introduite sur l'initiative de la commission des affaires économiques, soucieuse de donner au Parlement la possibilité de contrôler l'action du Gouvernement sur ce sujet. En effet, comme je l'avais dit à l'époque, on peut comprendre que l'État soit quelquefois un peu schizophrène, tiraillé entre les impératifs budgétaires et les objectifs fixés en matière de logement.

Je rappelle que ces objectifs ont été fixés par le Premier ministre lui-même à 20 000 logements sur les terrains publics dans les trois ans à venir.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

Je saisis toutefois cette occasion, monsieur le ministre, pour vous interroger sur les suites données à l'instruction du Premier ministre en date du 30 septembre 2005.

M. André Vézinhet. Quel Premier ministre ?

M. Didier Boulaud. L'actuel, le précédent, l'ex ?

M. Robert Bret. Il parle de Galouzeau !

M. Dominique Braye, rapporteur. Cette instruction précisait, en effet, que le Premier ministre ...

M. Bernard Frimat. L'homme des Cent-Jours ! (M. Robert Bret s'esclaffe.)

M. Dominique Braye, rapporteur. ... devait arrêter très rapidement la liste définitive des opérations entrant dans le plan de mobilisation des terrains publics en faveur du logement, ainsi que les objectifs à atteindre en termes de calendrier, département par département.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur l'état d'avancement de ce programme ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. En ce qui concerne cet amendement, la réponse du Gouvernement est identique à celle que j'ai donnée précédemment.

Monsieur le rapporteur, au sujet cet inventaire que le Premier ministre annoncé le 30 septembre dernier, je peux vous dire qu'il a saisi chaque ministère et le préfet de chacun des départements de métropole et d'outre-mer. Ce travail de recensement est aujourd'hui achevé et permet de dégager une capacité de construire 30 000 logements en 700 opérations différentes sur la période triennale, alors que l'objectif du Premier ministre au mois de septembre était de pouvoir dégager une capacité de construire 20 000 logements. Ainsi, le travail qui a été accompli a permis de faire apparaître une capacité de construction supérieure de 50 % à ce qui avait été estimé d'après une première évaluation.

Chaque préfet recevra très bientôt du Gouvernement la notification des opérations concernant son département.

Voilà, monsieur le rapporteur, la réponse que je voulais apporter à la préoccupation que vous avez exprimée au nom de la commission des affaires économiques.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226.

(L'amendement n'est pas adopté.)

CHAPITRE II

Faciliter l'adaptation des documents d'urbanisme aux objectifs fixés en matière de logement

Article additionnel après l'article 1er bis
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Articles additionnels avant l'article 2

Article 2 A

L'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de la publication de la loi n°           du                   portant engagement national pour le logement, un programme local de l'habitat est élaboré dans toutes les communautés de communes compétentes en matière d'habitat de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, les communautés d'agglomération et les communautés urbaines. Son adoption intervient dans un délai de trois ans à compter de la même date. »  - (Adopté.)

Article 2 A
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Rappel au règlement

Articles additionnels avant l'article 2

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le premier alinéa de l'article 14 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine est ainsi rédigé :

« Lorsque l'Agence nationale pour la rénovation urbaine finance la construction de nouveaux logements sociaux, l'acquisition, la reconversion, la réhabilitation ou la démolition de logements existants, les subventions qu'elle accorde sont soumises aux mêmes conditions que les aides de l'État, notamment celles prévues au livre III du code de la construction et de l'habitation. Elle peut, toutefois, accorder des majorations de subventions à l'examen de la situation de l'emploi et de revenus des habitants et des conditions de financement et de loyer des logements ».

II. - Les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Cet amendement porte sur la possibilité offerte à l'ANRU d'accorder des aides d'un niveau plus important pour certains programmes de rénovation urbaine.

À vrai dire, les financements existants sont fortement diversifiés, d'autant que les sommes consacrées ici à l'aménagement urbain, là à la restructuration des espaces commerciaux, à la démolition et à la construction de logements, au développement des équipements publics, peuvent varier au fil des projets validés par l'Agence.

Retenons toutefois que, en réalité, les engagements de l'Agence se situent aux alentours du tiers du montant des travaux prévus par cette dernière sur chaque projet.

Or cette règle n'est ni clairement établie ni tout à fait unifiée, ce qui est d'ailleurs pour le moins regrettable. Ainsi, certaines opérations bénéficient d'un soutien plus important. C'est le cas de l'opération de Meaux, où plus de 50 % des dépenses concernant le logement sont prises en charge par l'Agence.

Le taux de 40 % de subvention ANRU est atteint pour l'opération du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie, pour le projet de Montereau-Surville, pour les deux programmes de Garges-les-Gonesse-La-Muette et Garges-les-Gonesse-La-Dame-Blanche.

Nous ne mettons pas en cause, que cela soit bien clair, la réalité de l'effort consenti. D'ailleurs, à l'examen de la situation sociale des quartiers concernés, nous comprenons parfaitement que des mesures de caractère exceptionnel aient été prises pour assurer une mise en oeuvre plus ambitieuse de la politique de rénovation urbaine.

Nous observons, en outre, que ces sites sont aussi marqués par des mesures spécifiques en matière de développement économique, certains étant le support de zones franches urbaines, ces zones dont nous avons beaucoup parlé ces derniers temps, notamment lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances.

De ce point de vue, le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles est un élément-clé dans la perception des réalités. En effet, il fournit, dans chacun des quartiers couverts ou appelés à l'être par une convention ANRU, des éléments de mesure incontestables en matière de logement, d'emploi, de formation.

Utilisons donc ces données et ces évaluations pour définir les priorités et répondre aux objectifs fondamentaux de la politique de rénovation urbaine en matière de logement, en conjuguant la rénovation et l'accessibilité aux résidents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement, je le rappelle, avait déjà été rejeté par le Sénat en première lecture.

Ses auteurs partent du principe selon lequel les majorations de subventions accordées par l'ANRU - j'attire sur ce point l'attention de notre collègue Jean-Paul Alduy, par ailleurs président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine - se font sur des critères qui ne sont pas objectifs et qui prêtent manifestement à caution.

Or le montant des aides accordées, encadré réglementairement, est subordonné à l'effort de la collectivité locale et des autres partenaires financiers et modulé en fonction de la situation financière de ceux-ci. En outre, les projets sont soumis au comité d'engagement, qui réunit tous les partenaires financiers du programme : l'État, les partenaires sociaux, l'Union sociale pour l'habitat - qui représente le monde des HLM - et la Caisse des dépôts et consignations.

C'est ce comité, ma chère collègue, qui valide le montage financier pluriannuel des projets et, pour l'avoir moi-même expérimenté, je peux vous affirmer qu'il travaille en toute objectivité. Dans ma ville de Mantes-la-Jolie, des rendez-vous annuels sont organisés avec des agents de l'ANRU ; à cette occasion, ces agents mettent en avant les points sur lesquels, à leur avis, la collectivité pourrait faire des efforts, et, disant cela, je pense notamment à l'accompagnement social des populations résidant dans ces quartiers difficiles.

Le processus, madame, n'est donc pas du tout celui que vous décrivez : les décisions sont prises sur des critères totalement objectifs, très encadrés et, de plus, par un comité qui travaille de façon indépendante.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis fortement défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons entendu tout à l'heure un rappel au règlement nous invitant à être plus attentifs au partage entre loi et règlement ; or cet amendement relève indiscutablement du domaine réglementaire.

En outre, l'énumération des critères de majoration proposée risquerait d'être limitative.

Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Alduy. Je n'ai rien à ajouter aux propos de M. le rapporteur ! De fait, si, pour mériter le qualificatif d'« objectif », il faut en passer par un carcan avec de grandes équations dans tous les sens mais ne permettant en aucune manière de s'adapter à la diversité des situations sur le terrain, alors, en effet, les règles de fonctionnement de l'ANRU ne sont pas objectives.

Si, en revanche, on appelle « objectivité » le fait d'analyser les projets des maires en toute responsabilité, quelle que soit leur sensibilité politique, pour cerner leurs difficultés et déterminer leurs capacités financières et celles de leurs partenaires ; le fait d'en discuter dans un débat transparent - et il suffit de se connecter à Internet pour constater à quel point il l'est ! - avec des régions dont un grand nombre, que je sache, madame, sont plutôt de votre famille politique (M. Robert Bret s'exclame) pour qu'elles complètent, selon des règles de partenariat elles-mêmes objectivement débattues, les financements de l'ANRU ; le fait qu'interviennent des comités d'engagement auxquels les régions, lorsqu'elles ont signé un protocole d'accord avec l'ANRU, sont également partie prenante ; alors, oui, on a là une démarche qui donne à tous les partenaires une lisibilité parfaite des décisions prises et, surtout, une démarche souple qui permet de s'adapter à la diversité du terrain, notamment aux difficultés rencontrées par certaines villes. Il est clair que Clichy-sous-Bois mérite un plus grand soutien - je ne voudrais pas que Jean-Pierre Fourcade s'en offusque - que Boulogne-Billancourt : c'est là que la capacité d'appréciation du conseil d'administration ou du comité d'engagement de l'ANRU permet, en toute objectivité, de s'adapter à la diversité du terrain.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 505 rectifié, présenté par M. Juilhard, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa du 14° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Imposer le recours à l'énergie solaire pour l'approvisionnement énergétique des constructions neuves, sous réserve de la protection des sites et des paysages.

« Les documents graphiques du plan local d'urbanisme peuvent contenir des indications relatives au relief des espaces auxquels il s'applique.

« Le permis de construire peut toutefois déroger au plan local d'urbanisme si la mise en oeuvre de l'énergie solaire ne peut être réalisée dans des conditions économiques acceptables ou dans un délai raisonnable pour assurer la satisfaction des besoins des personnes qui ont sollicité le permis de construire. »

La parole est à M. Jean-Marc Juilhard.

M. Jean-Marc Juilhard. Le présent amendement vise, dans le cadre du plan local d'urbanisme, à doter le maire d'un nouvel outil d'urbanisme et d'aménagement du territoire propre à lui permettre de développer, chaque fois que c'est possible, le recours à l'énergie solaire.

La France accuse en effet un retard très important en la matière par rapport à ses voisins européens : l'Espagne vient de rendre obligatoire le solaire thermique pour l'eau chaude sanitaire dans les bâtiments neufs et les rénovations ; quant aux pays germaniques et scandinaves, pourtant moins ensoleillés que la France, ils ont su développer considérablement l'énergie solaire au cours des dernières années : près d'un million de mètres carrés d'installations solaires sont mis en place tous les ans en Allemagne, contre seulement 60 000 mètres carrés en France.

La loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, adoptée le 13 juillet 2005, prévoit pour notre pays un objectif ambitieux : l'installation de 200 000 chauffe-eau solaires et de 50 000 toits solaires. Cet objectif ne sera pas atteint sans des mesures volontaristes, que cet amendement vise à arrêter.

En dépit du plan soleil lancé par l'ADEME en 2000, seuls 8 000 chauffe-eau solaires ont été installés en 2004, et 16 000 en 2005. Pourtant, les potentialités sont considérables : en particulier, les zones de moyenne montagne - Pyrénées, Massif central, une partie des Alpes -, régions froides et ensoleillées, sont particulièrement adaptées à la chaleur solaire. Quant aux chauffe-eau solaires et photovoltaïques, ils pourraient concerner toutes les régions.

L'amendement n° 505 rectifié a donc pour objet de donner au particulier le choix entre le chauffage solaire et le solaire photovoltaïque.

Il est temps de faire passer notre pays à l'ère solaire, et c'est ce à quoi cet amendement vise à contribuer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement a un objet manifestement louable, et personne ici ne peut être contre le principe puisqu'il s'agit de favoriser le recours aux énergies renouvelables. (Murmures d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Thierry Repentin. Il va en demander le retrait !

M. Dominique Braye, rapporteur. Au demeurant, il s'inscrit dans la réflexion que vous menez actuellement sur les énergies renouvelables et qui débouchera, j'en suis certain, sur des propositions particulièrement utiles.

Toutefois, pour l'heure, il se heurte à certaines objections que la commission a déjà eu l'occasion de formuler lors de l'examen du projet de loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, tout particulièrement s'agissant des risques juridiques qu'encourraient les communes qui prendraient de telles dispositions. C'est pourquoi la commission avait jugé préférable d'instituer la possibilité que figurent dans les PLU de simples recommandations, et non pas des obligations.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je rappelle en outre que cette loi de programme a également donné au maire un autre outil pour promouvoir les énergies renouvelables, outil que nous avons tenu à défendre : la possibilité d'accorder une majoration du coefficient d'occupation du sol.

En conséquence, la commission se demande s'il est vraiment opportun, à l'occasion de la discussion de dispositions portant sur le logement, de modifier une loi qui, vous le savez bien, n'a été adoptée que le 13 juillet dernier.

Pour toutes ces raisons, mon cher collègue, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Pour autant, elle reste consciente que, quoi qu'il en soit, il nous faudra réaliser des progrès dans ce domaine des énergies renouvelables, mais peut-être à une autre occasion que lors de la discussion du projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le recours à l'énergie solaire est un moyen de contribuer à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La nouvelle réglementation thermique des constructions, qui sera publiée dans les prochains jours et qui entrera effectivement en vigueur le 1er septembre, préconisera le recours à l'énergie solaire dans les maisons individuelles et dans certains logements collectifs tout en donnant au maître d'ouvrage la possibilité de choisir les techniques alternatives, par exemple une isolation supplémentaire, quand elles sont moins coûteuses, dès lors qu'elles permettent un bilan d'économie d'énergie identique à celui qu'apporterait l'utilisation de panneaux solaires.

Le plan local d'urbanisme réglemente l'urbanisme : il nous paraît difficile d'y imposer des règles techniques de construction et d'énergie de chauffage, qui pourraient au demeurant conduire à des appels en responsabilité à l'encontre des communes ; ce dernier point est important. En outre, monsieur le sénateur, l'exemption que vous proposez serait complexe à vérifier par les seuls services municipaux.

Les communes peuvent néanmoins jouer un rôle très important dans le recours des maîtres d'ouvrage et constructeurs locaux à ces nouvelles technologies. Vous le rappeliez, monsieur le rapporteur, la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique donne aux communes la possibilité d'accorder des droits à construire supplémentaires lorsque la construction respecte des critères énergétiques. Le Gouvernement souhaite qu'un travail puisse être mené rapidement, en particulier à partir du rapport que vous préparez, monsieur le sénateur, sur le thème « Énergies renouvelables et collectivités locales », pour que les communes puissent participer pleinement à cette mobilisation en faveur des énergies renouvelables.

Le décret devrait sortir en septembre prochain et s'inscrira dans l'ensemble réglementaire qui régit le permis de construire, de façon que les éléments prévus dans la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique puissent être effectivement pris en compte.

Par conséquent, monsieur le sénateur, tout en reconnaissant l'intérêt des techniques que vous proposez en matière de bilan énergétique, je souhaite, en l'état actuel des choses, que, fort des explications que je viens de vous apporter, vous acceptiez de retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur Juilhard, l'amendement n° 505 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Juilhard. Complément vaut prime, dit-on quelquefois !

J'ai compris vos préoccupations, j'ai compris que vous aviez compris les miennes. (Sourires.) J'espère que nous aurons, peut-être dans d'autres circonstances, l'occasion de « booster » ce type d'énergie et de donner des outils aux maires, qui sont responsables de l'urbanisme et qui, j'en suis persuadé, auraient tout à fait compris le sens de cet amendement.

Mais le retrait m'a été demandé si gentiment, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que j'y consens.

M. le président. L'amendement n° 505 rectifié est retiré.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le président, je demande, au nom de la commission, une brève suspension de séance.

M. le président. Le Sénat va bien entendu accéder à votre demande.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Je rappelle que l'amendement n° 505 rectifié a été retiré.

M. Jean Desessard. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 505 rectifié bis.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. J'ai souhaité reprendre cet amendement, car « imposer le recours à l'énergie solaire pour l'approvisionnement énergétique des constructions neuves, sous réserve de la protection des sites et des paysages » me semble tout à fait pertinent.

Cet amendement vise à permettre au maire de faire du recours aux énergies solaires le principe, et l'exclusion l'exception.

La France accuse en effet un retard très important en matière d'énergie solaire par rapport à ses voisins européens. L'Espagne vient de rendre obligatoire le solaire thermique pour l'eau chaude sanitaire dans les bâtiments neufs et les rénovations. Quant aux pays germaniques et scandinaves, pourtant moins ensoleillés que la France, ils ont su développer considérablement l'énergie solaire au cours des dernières années : près d'un million de mètres carrés d'installations solaires sont mis en place chaque année en Allemagne, contre seulement 60 000 mètres carrés en France. Il s'agit donc d'un excellent amendement !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. M. Jean-Marc Juilhard ayant retiré l'amendement n° 505 rectifié sur le fondement des explications de la commission et du Gouvernement, il va de soi que j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 505 rectifié bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 505 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

Articles additionnels avant l'article 2
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Article 5 bis B (priorité) (début)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un document intitulé : « Amendements pouvant être considérés en première analyse comme sans relation directe avec une disposition restant en discussion » vient de nous être distribué.

C'est la première fois que je reçois un tel document, mais peut-être n'ai-je pas l'expérience de certains de mes collègues !

Je souhaiterais donc que M. le président de séance nous explique en vertu de quel article du règlement (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste) a été produit ce document et a été façonné ce concept quelque peu étrange d' « amendements pouvant être considérés en première analyse comme ».

Nous avons l'habitude ici de traiter de textes normatifs. « Pouvant » implique « pouvant ne pas » ; « être considéré comme » signifie que cela peut aussi « ne pas être considéré comme ». En outre, monsieur le président, quel article du règlement prévoit-il que le service de la séance produit un document faisant état de la recevabilité « en première analyse », ce qui laisse supposer qu'il existe une deuxième, voire une troisième analyse ?

M. le président. Monsieur Sueur, votre réaction ne m'étonne pas.

Le document auquel vous faites référence a été établi par les services. Il est purement informatif. Libre aux sénateurs d'en tirer les conclusions qu'ils souhaitent.

Telles sont, en l'état, les précisions que je peux vous apporter.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie de cette réponse très claire, monsieur le président.

M. René Garrec. Et qui ne nuit en rien à la qualité de nos débats.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Article 5 bis B (priorité) (interruption de la discussion)

Article 5 bis B (priorité)

Après l'article L. 443-15-5 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 443-15-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 443-15-6. - Est institué dans les communes qui le souhaitent un guichet unique dans le cadre d'une procédure d'accession sociale à la propriété.

« Ce guichet unique, mis en place dans chaque mairie, met à la disposition du public un dossier présentant l'ensemble des dispositifs de soutien à l'accession sociale à la propriété.

« Sont notamment communiqués à cette fin aux maires, à leur demande :

« - les projets de ventes de logements à leurs locataires par les bailleurs sociaux ;

« - les informations relatives aux opérations d'accession sociale à la propriété des promoteurs privés ou sociaux situées dans la commune ;

« - les informations relatives aux dispositifs de prêts proposés par les établissements de crédit en faveur des ménages modestes tels que les prêts mentionnés à la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 312-1 du présent code, et les avances remboursables sans intérêt mentionnées au I de l'article 244 quater J du code général des impôts.

« Sont assimilés aux logements sociaux visés à l'article L. 302-5 du présent code :

« - pendant cinq ans à compter de leur vente, les logements vendus à partir du 1er juillet 2006 à leurs locataires, en application de l'article L. 443-7 ;

« - pendant cinq ans à compter de leur financement, les logements neufs dont l'acquisition ou la construction a été financée à partir du 1er juillet 2006 au moyen d'une aide à l'accession à la propriété prévue par le présent code, et accordée à des ménages dont les revenus n'excèdent pas des plafonds définis par décret.

« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret. »

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, sur l'article.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la politique de décentralisation, l'accent mis sur l'aménagement du territoire, l'égalité des chances sont les axes majeurs dans lesquels s'inscrit la politique du logement.

Il existe aujourd'hui une très forte disparité entre les zones rurales et les zones urbaines. Les départements dont la démographie baissait n'apparaissaient pas comme prioritaires. Les concentrations massives de populations dans les zones périurbaines et les problèmes sociaux induits ont fait porter l'effort principal du logement social sur celles-ci.

Aujourd'hui, les zones rurales, devenues beaucoup plus accessibles, ont retrouvé leur attractivité par le biais de la révolution de l'Internet et de toutes ses déclinaisons. Cela s'ajoute à une meilleure qualité de vie, à un prix du foncier plus abordable, à une sécurité bien moins altérée et à la quasi-absence de pollution.

Il faut prendre conscience du fait que les retards accumulés au cours des décennies ne pourront jamais être comblés sans une politique volontaire.

Cette politique se justifie par deux raisons majeures : d'une part, le niveau trop souvent indigne des logements sociaux existants et leur inadaptation aux personnes âgées, très nombreuses dans ces zones, et, d'autre part, l'accueil de populations nouvelles qui n'ont pas les moyens financiers suffisants pour acheter ou plutôt pour louer des logements non aidés.

Étendre le prêt à taux zéro aux zones de revitalisation rurale, les ZRR, constituerait un signe politique fort. Ce prêt pourrait, dans le cadre d'une expérimentation, être réservé aux communes. Il leur permettrait d'effectuer les investissements structurels indispensables, d'offrir à leurs populations âgées des logements dignes et d'encourager les PME, attirées par le prix du foncier et la qualité de la main-d'oeuvre, à s'établir dans ces zones en sachant que leurs salariés pourront s'y loger à des conditions attractives.

Le prêt à taux zéro concrétiserait alors l'intérêt porté aux ZRR. Les conséquences financières en seraient positives, la TVA générée par les investissements suscités, les emplois créés, donc la diminution du chômage, excédant largement le coût du prêt à taux zéro.

Madame la ministre, les convulsions des banlieues ont focalisé l'attention de tous, en particulier celle du ministère de la cohésion sociale. L'un des remèdes possibles réside dans une meilleure répartition des populations sur le territoire.

Aujourd'hui, plus de 60 % des Français souhaitent habiter dans une commune rurale. Le prêt à taux zéro doit permettre aux communes rurales de financer les structures d'accueil et les logements nécessaires, sans oublier les populations locales qui, elles aussi, ont droit à un logement conforme aux exigences de notre temps.

Madame la ministre, je souhaite que vous n'oubliiez pas les zones de revitalisation rurale. Soyez convaincue que la solution des problèmes des villes passe par l'équilibre harmonieux de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Avec l'article 5 bis B, nous sommes en présence de ce qu'il faut bien appeler une véritable opération de démantèlement de la notion de logement social.

Comme chacun le sait, depuis un peu plus de cinq ans, les collectivités locales sont dans l'obligation de faire des efforts pour réaliser des logements sociaux sur leur territoire.

Cette obligation doit permettre aux habitants de toutes les communes concernées d'accéder à un logement avec un effort en fonction de leurs ressources. Cela assurerait une plus grande diversité sociale dans ces collectivités et éviterait des regroupements de populations fragiles dans les seuls sites comptant déjà un nombre très important de logements sociaux. Cela permettrait également de satisfaire la demande de logements telle qu'elle s'exprime aujourd'hui.

La discussion de cet article nous renvoie à l'article 55 de la loi SRU, qui a sans cesse été remis en cause dans cette enceinte, en particulier par M. Dominique Braye, rapporteur du texte que nous examinons aujourd'hui.

Actuellement, un certain nombre de villes - de 730 à 740 selon les indications disponibles - répondant aux critères définis par l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation ne se conforment toujours pas aux règles fixées par la loi.

Bien que le rythme de construction de logements sociaux ait augmenté dans un grand nombre de ces communes, ces dernières ne disposent toujours pas d'un parc locatif social à la hauteur des besoins de leur population.

Ce n'est pas parce que des villes présentent les caractéristiques sociologiques d'une population aisée que certains de leurs habitants ne sont pas directement concernés par les problèmes de logement. Je pense en particulier aux jeunes ménages, aux jeunes occupant un emploi précaire - et tel serait également le cas avec le CPE - dont les difficultés pourraient être amoindries du fait de la construction de logements sociaux. Mais peut-être considère-t-on que, comme pour le reste, les communes n'ayant pas de logements sociaux ne sont pas confrontées à ce type de problèmes ?

Comme nous aurons sans doute l'occasion de le rappeler, lorsque la moitié, ou peu s'en faut, des habitants d'une ville n'acquitte pas l'impôt sur le revenu, il est plus que probable que la demande de logements ne s'oriente pas vers le résidentiel de luxe... Les logements locatifs sociaux sont donc bien une nécessité.

Pourtant, cinq ans après la promulgation de la loi SRU, et surtout trois ans et demi après l'alternance politique, plus de deux ans après le vote de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et des lois dites de décentralisation, certains tentent encore de détourner le texte de la loi SRU et de remettre en cause la définition du logement social telle qu'elle a été établie par cette dernière.

Dans notre pays, certaines communes continuent de se libérer de leurs obligations en matière de construction de logements sociaux et préfèrent laisser à d'autres le souci de gérer la crise du logement.

Ces décisions égoïstes, prises en dépit des obligations prévues par la loi, ne peuvent plus être acceptées ! Or, avec l'article 5 bis B, n'ayons pas peur de le dire, c'est cet égoïsme qui est validé.

En fait, cet article peut être considéré comme une sorte d'article 55 « au petit pied » dans lequel, grâce à l'intégration des logements en accession sociale et à l'intégration temporaire des logements HLM vendus, on pourra aisément dédouaner certains de leurs obligations.

En effet, le dispositif prévu dans cet article consiste essentiellement à mélanger de manière abusive deux choses bien différentes.

Il s'agit d'abord de la nécessité de disposer d'un outil d'accession sociale à la propriété, ce qui pourrait au demeurant tout à fait se comprendre, mais qui n'est pas l'objet du texte qui nous est soumis.

Nous avons aujourd'hui bien du mal à savoir à quoi ressemble effectivement l'outil d'accession sociale à la propriété puisque l'aide directe aux ménages accédants a été transformée en crédit d'impôt pour les établissements de crédit gérant l'encours des emprunts des particuliers.

Il s'agit ensuite de modifications qui vont vider de toute signification l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation en intégrant dans le périmètre des logements « sociaux » les logements en accession à la propriété et les logements HLM vendus. Même si cette prise en compte n'était que temporaire, elle viendrait contrecarrer les orientations que la loi avait arrêtées.

Cet article 5 bis B résulte d'un amendement du président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier. Cette démarche, qui laisse perplexe, paraît cependant plus compréhensible quand on examine de près la situation : M. Ollier est élu de Rueil-Malmaison, ville qui compte un parc de logements de 20 029 résidences principales, dont 5 829, c'est-à-dire 18,18 %, seraient assimilables à des logements sociaux. Bien sûr, d'autres communes des Hauts-de-Seine sont encore plus éloignées du seuil de 20 %.

La ficelle est donc un peu grosse et indique même clairement les intentions réelles de l'auteur de l'amendement, quelles que soient ses qualités par ailleurs. Cet article de pure opportunité et à effet immédiat doit permettre, à brève échéance, de libérer cette commune de l'« insupportable » amende qu'elle devrait payer, faute d'atteindre le seuil d'un cinquième de logements sociaux au titre des résidences principales de ses administrés.

Or le montant de cette amende a été bien trop souvent allégé pour un certain nombre de communes, sans que la motivation de ces dégrèvements soit véritablement compréhensible.

Comment prétendre bien légiférer si l'on commence par ne prendre en compte que des préoccupations de caractère local ? Je crois que l'intérêt national mérite mieux dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l'article 55 de la loi SRU déclenche les débats les plus vifs, c'est bien parce qu'il est au coeur de la crise du logement et, en particulier, du logement social.

Cette disposition est révélatrice de deux approches divergentes des actions à mener en faveur du logement.

Le groupe socialiste considère que la mixité sociale est une priorité majeure dans notre pays. Les manifestations violentes de colère et de désespoir qu'ont connues nos banlieues l'ont bien montré. On ne peut plus accepter de voir le chômage, la précarité, les discriminations, l'échec scolaire et le « mal-logement » se concentrer dans les mêmes quartiers.

L'autre approche, celle de votre majorité, que les députés ont illustrée en amendant l'article 55 de la loi SRU, affiche la priorité de l'accession sociale à la propriété.

Oui, cet objectif doit être défendu ! Mais il ne saurait en aucun cas être prioritaire, car il n'apporte aucune réponse à la crise du logement social que les Français subissent. Bien au contraire, il l'aggrave !

En comptabilisant les logements en accession sociale à la propriété dans les 20 % de la loi SRU, vous encouragez la vente d'une partie du parc locatif social. Vous réduisez le nombre d'appartements disponibles pour les demandeurs de logement social. Avec un tel dispositif, la liste d'attente va rapidement passer de 1,2 million à 1,3 million, voire 1,4 million de personnes.

Ainsi, tout en respectant le niveau de 20 % de logements sociaux, il sera plus difficile pour les habitants les plus modestes de se loger et plus facile, pour certains élus locaux, de contourner l'obligation de promouvoir la mixité sociale.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Roger Madec. En outre, à ceux qui n'ont pas les moyens de devenir locataires dans le parc privé, vous dites : « Devenez propriétaires ! » Or, je rappelle que 70 % des personnes qui demandent un logement ont des revenus équivalents aux plafonds de ressources les plus bas. Croyez-vous que l'accession, même sociale, à la propriété soit pour elles une alternative ? Pour ma part, je ne le pense pas.

Certes, madame la ministre, l'accession sociale à la propriété reste effectivement un objectif à atteindre. Les Français, dans leur grande majorité, aspirent à devenir propriétaires, et nous devons les y aider. Mais lorsqu'une crise sans précédent touche les milieux les plus populaires, c'est à ces derniers que doivent s'adresser tous nos efforts. La réalisation des aspirations de certains ne doit pas pénaliser le traitement d'une urgence sociale.

Il est possible de concilier la nécessité d'accroître le parc locatif social avec la demande légitime d'accession à la propriété. Il suffit pour cela de ne pas inclure cette dernière dans le calcul des 20 % de logements sociaux. Ou bien, si vous souhaitez l'intégrer dans ce calcul, il ne faut le faire que dans les seules communes disposant d'un parc locatif social déjà supérieur à 20 %. Tel est l'esprit des amendements que nous défendrons.

Mais vous ne pouvez en aucun cas confondre accession à la propriété et demande de logement locatif social ! En effet, le plus souvent, les demandeurs de logement ne sont pas de futurs propriétaires.

Qui sont-ils en réalité ? Ce sont toutes les personnes auxquelles leur situation sur le marché du travail ne permet pas de trouver un logement au prix du marché, qui enchaînent les périodes d'inactivité et les petits boulots ; toutes celles que les bailleurs n'acceptent pas comme locataires en raison de leurs revenus instables ; toutes celles auxquelles les banques refusent un emprunt pour devenir propriétaire.

En tout état de cause, la disposition dite « amendement Ollier » ne répond pas à la nécessité d'offrir un logement locatif social à ceux qui en ont le plus besoin et ne s'adresse pas à ce public prioritaire.

Désormais, pourront être comptabilisés dans les 20 % de parc social les logements achetés à l'aide du prêt à taux zéro qui profite, rappelons-le, à des ménages disposant de 6 000 euros de revenus mensuels. Il est évident qu'un tel dispositif ne profitera pas aux Français les plus modestes.

La modification proposée de l'article 55 de la loi SRU témoigne, au mieux, de la vision déformée que vous avez des besoins en matière de logement. Au pire, elle est une nouvelle manifestation de la volonté affichée par la majorité de contourner l'obligation faite aux élus locaux de créer des logements sociaux.

L'urgence du rétablissement de la mixité sociale dans les grandes agglomérations nous a été une fois de plus rappelée de manière cruelle à l'automne dernier. Les discussions sur l'article 5 bis B fournissent, je crois, l'occasion d'apporter une réponse sans équivoque à cet enjeu.

Il ne faut pas tomber dans l'amalgame : personne, dans cette assemblée, ne désignera du doigt les élus qui rencontrent des difficultés à mettre en oeuvre l'article 55 de la loi SRU, mais trop d'élus contournent délibérément la loi. Remettre en cause aujourd'hui cette disposition constitue une véritable provocation pour des millions de Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. La commission des affaires économiques a demandé l'examen par priorité des articles 5 bis B et 8 septies, ainsi que de tous les amendements ayant trait à la remise en cause de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dans son contenu rédactionnel actuel ou issu des amendements adoptés à l'Assemblée nationale.

Pourquoi cet empressement ? Peut-être craint-on que l'ombre de l'article 55 de la loi SRU ne pèse trop lourdement sur nos débats et que les impératifs de solidarité ne reviennent de manière trop insistante tout au long de la deuxième lecture de ce texte ?

Espère-t-on dissimuler ainsi l'évident décalage entre, d'une part, l'engagement solennel de sauvegarder l'intégrité de l'article 55 - je fais ici référence à l'engagement pris par le Président de la République devant les Français, le 21 novembre 2005 (Protestations sur les travées de l'UMP), ainsi que par les députés de la majorité et le Gouvernement devant l'abbé Pierre, il y a quelques semaines - et, d'autre part, l'adoption de l'amendement « cache-sexe » de M. Ollier qui remet totalement en cause, sans le dire, l'obligation de réaliser 20 % de logements locatifs sociaux dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants en province et de plus de 1 500 habitants en région parisienne.

Madame la ministre, si vous prêtez une oreille distraite aux parlementaires de l'opposition, écoutez au moins les vingt-quatre associations dont l'appel est paru dans les principaux quotidiens nationaux le 31 mars 2006. Tous vous disent : « Ne touchez pas aux 20 % de logements locatifs sociaux. Il en va de la dignité des personnes. Il en va de la dignité de la France !»

Tout en regrettant l'absence de M. Borloo dans cette enceinte, je souhaite revenir un instant sur les propos tenus jeudi dernier par votre collègue devant notre assemblée, lors des questions d'actualité au Gouvernement. Son insinuation relative au financement politique de l'appel que je viens de lire, mêlée à d'autres allégations issues de l'hémicycle, est sans fondement, et par conséquent inacceptable. Elle constitue une injure aux associations, qui se mobilisent chaque jour et apportent une aide précieuse à toutes celles et à tous ceux auxquels la France ne garantit malheureusement pas le droit au logement. Les associations suppléent tant bien que mal - et plutôt bien - les carences de la puissance publique. Elles apportent le soutien à l'accès au logement que l'État assure insuffisamment, envisageant même de le réduire aujourd'hui.

Ces vingt-quatre associations ont donc acheté aux journaux l'espace nécessaire à la publication de leur appel. Elles l'ont financé sur leurs budgets respectifs, pour attirer l'attention des parlementaires que nous sommes ainsi que celle de nos concitoyens. On ne peut leur contester cette responsabilité ni cet engagement, face à une disposition législative qu'elles considèrent comme une menace.

Cette clarification nécessaire étant faite, les dispositions que nous nous apprêtons à discuter, notamment dans l'article 5 bis B, permettraient de comptabiliser dans les logements sociaux les logements vendus désormais à leurs occupants ainsi que l'accession aidée à la propriété. L'atteinte du seuil des 20 % sera certes facilitée pour les communes qui ne remplissent pas encore leurs obligations, mais de façon artificielle.

En effet, disons-le clairement, les modifications apportées à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation ne créeront pas de logements sociaux !

Madame la ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, dois-je vous rappeler que la loi SRU avait pour objectif d'accroître le parc de logements locatifs sociaux disponibles ?

Or, l'amendement Ollier, dans le moins mauvais des cas, neutralisera une partie du parc social existant par la vente des HLM et, dans le pire, accolera simplement à un logement, dispendieux au regard du pouvoir d'achat de nos concitoyens, une étiquette « sociale », celle de l'accession aidée à la propriété.

En effet, si la production de logements s'est globalement accrue, elle souffre néanmoins toujours, je dois le rappeler, d'une carence grave dans le domaine du logement locatif social.

Est-il opportun d'encourager ainsi la vente de logements HLM à leurs occupants, laissant les listes d'attente pour l'attribution d'un logement social s'allonger - 1 300 000 demandes aujourd'hui - pendant que l'offre elle-même sera amputée ?

Est-il opportun de réduire les obligations de production, alors que celle-ci est encore dramatiquement insuffisante dans le champ locatif ? Selon le Secours catholique - je choisis mes références pour qu'on ne puisse pas me reprocher de citer des sources gauchistes (Murmures sur les travées de l'UMP)  -, « si les 742 communes aujourd'hui concernées respectaient la loi leur imposant 20 % de logement social sur leur territoire, il serait possible de loger 830 000 personnes, grâce à 360 000 logements supplémentaires, soit le tiers des besoins actuels. »

Dans un tel contexte, j'émets également des réserves sur le fait de consacrer en priorité l'argent public, c'est-à-dire les crédits de l'État, à l'accession à la propriété, fût-elle aidée, au niveau où vous l'avez portée avec le relèvement des plafonds du prêt à taux zéro jusqu'à 6 000 euros de revenus mensuels, pour un ménage avec trois enfants, dans les zones où le marché est le plus tendu.

Au regard des prix du mètre carré, des garanties exigées par les établissements bancaires en termes d'apport, de niveau et de stabilité des revenus et des durées d'endettement, l'aide à l'accession à la propriété ne peut plus être considérée comme sociale. Elle ne concerne pas les jeunes ménages en emploi précaire ni les populations défavorisées vieillissantes, et reste fermée aux familles aux revenus modestes voire moyens.

Prenons l'exemple du Bas-Rhin, pour ne pas focaliser la discussion sur la région parisienne : dans ce département, 65 % des ménages demandeurs d'un logement disposent d'un revenu inférieur au SMIC ; par ailleurs, 76 % des demandeurs de logement social ont un revenu inférieur à 60 % des plafonds de ressources HLM. Il en va de même dans toutes les régions de France. Ces personnes n'accèdent déjà pas aux prêts locatifs sociaux, les PLS. Pourquoi les abuser en leur faisant croire qu'elles accéderont à la propriété ?

Madame la ministre, pouvez-vous vous engager à ce que l'accession aidée à la propriété qui serait comptabilisée au titre des 20 % - si d'aventure l'amendement Ollier devait prospérer - soit conditionnée aux plafonds de ressources des prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI et des prêts locatifs à usage social, les PLUS ? Pouvez-vous nous assurer que l'accession à la propriété soit possible dans de telles conditions ?

Les sénatrices et sénateurs du groupe socialiste sont convaincus que les deniers publics, de même que la force normative de l'État, doivent être concentrés sur les logements accessibles et les personnes qui en ont le plus besoin, lesquelles, autrement, n'auraient pas accès à un logement ou n'auraient pas le choix de leur lieu d'habitation, ce qui est aujourd'hui le cas d'une grande partie des classes moyennes.

De même, ce ne sont pas les maires qui réalisent des programmes d'accession à la propriété, aussi utiles soient-ils, qui ont le plus besoin du soutien de l'État. Ils rencontrent moins d'obstacles à leurs projets et pourront les poursuivre.

Ce sont principalement les maires susceptibles de conduire des opérations à vocation d'insertion qu'il faut aider et encourager. Nous avons d'ailleurs déposé plusieurs amendements en ce sens, qui permettent de pondérer les logements sociaux selon leurs financements - PLS, PLUS, PLAI -, et nous soutiendrons les amendements similaires issus d'autres groupes.

Refuser toute soustraction à la solidarité urbaine, apporter une réponse aux millions de Français mal logés ou prisonniers de leur logement trop petit, trop éloigné, trop dégradé, remettre de la dignité dans l'accès au logement, à un logement choisi et non un logement subi, c'est là le coeur de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, et notamment de son article 55. C'est pourquoi nous y sommes attachés, tout comme 64 % des Français qui la jugent « efficace » pour « améliorer la situation du logement » et 68 % des maires qui partagent cet avis.

Madame la ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que, contrairement à jeudi dernier, nous abordions ce débat avec sérénité, dans le respect de nos convictions respectives et surtout en gardant toujours à l'esprit notre responsabilité collective de législateurs quant à la garantie de l'accès de tous à un logement abordable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes rassemblés ici sur ce sujet essentiel pour réparer - je l'espère de tout coeur - ce qui a été considéré par beaucoup comme une honte.

La honte, c'est ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale : l'abbé Pierre est venu, chacun l'a salué ; il a été congratulé et applaudi. Mais à peine était-il parti qu'est arrivé l'amendement de M. Ollier qui a mis en cause l'engagement solennellement pris par le Président de la République et par ceux qui avaient rencontré l'abbé Pierre. Cela n'est pas acceptable ! Mes chers collègues, si quelqu'un peut, ici, justifier cette attitude, j'aimerais bien connaître ses arguments !

Je tiens, dans cet hémicycle, à citer l'abbé Pierre,...

M. Gérard César. Ce n'est pas parole d'Évangile !

M. Jean-Pierre Sueur. ... qui a déclaré ceci : « Je suis triste. On nous a menti. »

Bernard Devert, président d'Habitat et Humanisme, a déclaré ceci : « En France, 1,3 million de familles attendent l'attribution d'un logement social. Si elles avaient les moyens d'accéder à la propriété, elles le feraient, bien entendu. Personne n'a jamais été empêché d'accéder à la propriété dans notre pays. Si l'État tient à renforcer les parcours résidentiels, il n'a nul besoin de piocher dans le quota des 20 % de logements sociaux pour promouvoir sa politique. » Cela, nous le savons tous !

L'amendement Ollier est absolument contraire aux engagements que vous avez pris et aux propos tenus à l'abbé Pierre. Par conséquent, il faut rectifier les choses ; c'est ce que nous vous demandons, afin de revenir au point de départ, à savoir l'application de la loi SRU telle qu'elle doit être appliquée et mettre en oeuvre ce qui a été affirmé dans les discours après la crise des banlieues. Si nous ne le faisons pas, ce n'est pas la peine de parler du logement social, parce qu'on aura mis en cause ce qui constitue un droit.

Ce combat en faveur du droit à être logés pour ceux qui n'en ont pas les moyens est un défi aussi important que celui qui a été mené, sous la IIIe République, en faveur de l'implantation d'une école dans chaque commune. On doit s'honorer d'accueillir des logements sociaux plutôt que de faire toutes ces contorsions pour y échapper après avoir pourtant dit qu'on le ferait !

Mes chers collègues, comme beaucoup d'entre vous, j'ai reçu une lettre dont je vais vous citer deux passages : « Malheureusement, le projet de loi portant engagement national pour le logement a connu un amendement qui met en échec ces 20 % de logements sociaux, puisque désormais, dans ce pourcentage, seront comptabilisés les logements neufs, financés au moyen d'une aide à l'accession. Peut-on penser que le plafond des prix retenus permettra à des familles modestes d'accéder à cette propriété, quand déjà elles ne peuvent pas bénéficier d'un logement locatif financé par le prêt locatif social ?»

« En votre qualité de sénateur, j'ose solliciter votre mobilisation pour que cet amendement soit supprimé lorsque le texte passera en deuxième lecture.

« Le Sénat, seul, peut aujourd'hui, me semble-t-il, revenir sur cet amendement bien malheureux. »

Mes chers collègues, nous devons réparer cette honte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. André Vézinhet.

M. André Vézinhet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, MM. Roger Madec, Thierry Repentin et Jean-Pierre Sueur ont dit d'excellente manière ce qu'il convenait d'indiquer sur le sujet qui nous occupe.

Pour ma part, je voudrais ajouter la touche d'un débat qui a eu lieu dans cet hémicycle. Madame la ministre, c'est M. Louis Besson, alors secrétaire d'État au logement, qui était assis à votre place. M. Jean-Claude Gayssot, alors ministre de l'équipement, des transports et du logement, était également partie prenante de l'important dispositif en examen. Pour la première fois ici, le vrai débat était posé : comment pouvions-nous répartir le logement social par le biais de la mixité, mixité sur laquelle, bien sûr, tout le monde s'accorde lorsqu'on en parle !

Mme Annie David. En apparence !

M. André Vézinhet. En apparence, bien entendu, ma chère collègue. Sur le terrain, la réalité est en effet autre !

Si nous sommes ici, c'est aussi parce que, dans nos départements respectifs, nous avons été mandatés pour nous exprimer au nom de nos administrés. Imaginez ce que peut être la situation dans un département comme l'Hérault, où l'on compte 40 000 demandes - vous avez bien entendu ! - d'accès aux logements sociaux qui sont insatisfaites et une arrivée mensuelle de 1 500 habitants.

Je me demande si l'on retrouve ici ceux qui défendent les 32 % de maires dont on parlait tout à l'heure, tandis que les autres entendent les 68 % restants. Les 32 %, ce sont peut-être ces maires qui, lorsqu'ils sont soumis à élection ou à réélection, promettent à leur population qu'il n'y aura pas de logements sociaux dans la commune, moyennant quoi confiance doit leur être accordée. Je ne ferai pas à ceux qui siègent sur les travées de droite de cet hémicycle le procès de participer de cet état d'esprit, qui est déplorable. (Mme Gisèle Printz applaudit.) Aujourd'hui, on nous offre l'occasion de le condamner.

L'amendement de M. Ollier n'a d'autre objet que d'annihiler les vertus de la loi SRU. Certes, ces dernières ne résidaient pas uniquement dans l'article 55, mais cet article avait une force, un souffle ! Il redonnait à la République, fondée sur l'égalité, la fraternité et la liberté, cent raisons de s'exprimer. Il n'est donc pas concevable que, droite comme gauche, nous ne fassions pas une union sacrée pour maintenir ces vertus de la loi SRU ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce que j'ai entendu, notamment de la part de Jean-Pierre Sueur, m'incite à prendre la parole. Je rappelle quand même que la période au cours de laquelle le rythme de construction des HLM a été le plus faible a bien été la période 1997-2002 ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il faut donc revenir sur terre !

Je m'exprime non seulement comme maire d'une commune qui comporte environ 38 % de logements sociaux par rapport au nombre total de résidences principales, mais aussi en qualité de président d'une agglomération de 72 000 habitants. Je voudrais vous faire partager - mais vous connaissez sans doute bien des situations de cet ordre - les anomalies qui procèdent de cette loi SRU.

Dans mon agglomération, une commune de 4 000 habitants ou un peu plus, considérée comme n'étant pas en continuité urbaine avec la ville-centre bien que reliée par une zone d'activités, compte environ 15 % de logements sociaux et paie la taxe. Une commune analogue de 4 500 habitants, considérée comme étant en continuité urbaine bien que séparée par plusieurs kilomètres de forêt, ne paie pas de taxe alors que sa proportion de logements sociaux est inférieure au taux de la première. Il faudrait m'expliquer pourquoi l'administration procède à des classifications aussi arbitraires !

Un sénateur socialiste. Bonne question !

M. Philippe Marini. Mes chers collègues, si vous étiez lucides, peut-être auriez-vous pu suggérer ou prendre l'initiative que la proportion soit déterminée au niveau d'une intercommunalité ou d'une agglomération ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. André Vézinhet. C'est le cas !

M. Philippe Marini. Pourquoi n'avez-vous pas pris une telle initiative ?

M. Thierry Repentin. On va vous l'expliquer ! Nous avons un amendement en ce sens. (L'orateur brandit sa pile d'amendements.)

M. Philippe Marini. Mes chers collègues, pour ma part, je voterai le texte de l'Assemblée nationale, qui résulte de l'amendement Ollier, car je crois à la mixité sociale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous aussi !

M. Philippe Marini. Il est important de disposer dans nos quartiers d'un véritable continuum de logements, de ne pas enfermer dans le logement social des personnes qui doivent bénéficier d'une promotion sociale.

M. Thierry Repentin. Arrêtez, c'est indécent !

M. Philippe Marini. Je crois profondément que l'accession sociale est un moyen de promotion et que l'amendement Ollier est une disposition de progrès et de promotion sociale ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Six mille euros de revenus mensuels !

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Chacun essaie de faire ce qu'il peut dans un dossier qui n'est pas facile !

Je voudrais simplement dire pourquoi je considère aujourd'hui que l'amendement Ollier n'est pas bon, même si l'on pourrait tout à fait accepter l'idée qu'il faille prévoir plus d'accession sociale à la propriété. Il n'y a aucun problème de ce côté-là ; ce n'est simplement pas la question qui est posée dans le texte dont nous discutons.

Dans ce pays, il y a de plus en plus de gens...

Mme Gisèle Printz. De pauvres !

M. Michel Mercier. ... qui ne peuvent pas payer leur loyer, qui ne peuvent pas se loger pour nombre de raisons, ne serait-ce que parce que le prix du logement non social augmente de plus en plus.

Aujourd'hui, l'un des problèmes du logement social est le non-renouvellement des locataires du parc existant.

M. Charles Revet. Parce qu'on ne dégage pas de terrains !

M. Jean-François Voguet. Des terrains, il y en a partout !

M. Michel Mercier. Bien sûr qu'il n'y a pas de terrains pour le faire, et qu'il faudra dégager des moyens fonciers. Si nous ne construisons plus de logements sociaux nouveaux, nous aurons un grave problème social ! Or, des problèmes sociaux, nous en avons suffisamment en ce moment. Essayons de ne pas en créer de supplémentaires !

Si nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut créer plus de logements sociaux parce que des gens en ont besoin, il nous faut cependant veiller à ne pas implanter tous ces logements au même endroit, sous peine de voir se créer des ghettos de pauvres, mais aussi des ghettos de riches.

MM. Robert Bret et André Vézinhet. C'est déjà le cas !

M. Michel Mercier. Or un ghetto de riches n'est pas plus gai qu'un ghetto de pauvres ! On ne peut pas vivre rien qu'entre riches ou rien qu'entre pauvres !

Notre idéal, c'est quand même de vivre ensemble, riches ou pauvres,...

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Michel Mercier. ...et d'essayer que les choses aillent un peu mieux après. C'est quand même le but de toute action politique !

Personnellement, je ne suis pas un fanatique des quotas. Ce n'est sûrement pas ce qu'il y a de plus malin, mais c'est la seule chose à utiliser quand on n'y arrive pas autrement.

Mme Nicole Bricq. C'est un mal nécessaire !

M. Michel Mercier. Si l'on parvenait à faire du logement social autrement, il n'y aurait pas de problème, il ne serait pas nécessaire de prévoir des quotas, et tout irait bien ! Mais on sait bien aujourd'hui - on le voit lorsqu'on gère une collectivité comme un département - que le fait de concentrer les logements sociaux dans des communes crée pour la collectivité nombre de problèmes que tout le monde doit gérer ensuite !

L'idée selon laquelle il vaudrait mieux soi-même payer des pénalités et voir ainsi les problèmes s'imposer chez les autres, plutôt que d'accepter la mixité sociale, est une idée fausse. Elle est, quoi qu'il en soit, totalement contraire au modèle social français.

Je suis donc, quant à moi, tout à fait favorable à la disposition établissant un quota de 20 % de logements sociaux, faute de mieux. J'aurais préféré qu'une autre idée soit trouvée. Je reconnais en effet les imperfections de la mise en oeuvre de ce quota. Des amendements visent à étudier la question au niveau de l'agglomération : ce sont de bons amendements.

Je suis sûr, monsieur le rapporteur, que vous aurez à coeur d'améliorer le texte. Il vous suffira de veiller à ce que la comptabilisation se fasse au niveau de l'agglomération.

Dès lors qu'il y a un plan local d'habitat, une compétence en matière de logement et que le conseil d'agglomération est pleinement conscient de ses responsabilités, aucun problème ne se posera.

De grâce, continuons toutefois à construire des logements sociaux : les demandeurs sont aujourd'hui plus nombreux qu'en 1954. Les gens qui disposent d'un logement social ne peuvent plus le quitter, car le secteur locatif non aidé est beaucoup trop cher.

Il est donc nécessaire de construire, mais de ne pas le faire toujours aux mêmes endroits. La seule solution est par conséquent de conserver la mesure portée par la loi SRU. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Il s'agit bien ici d'un débat. De même que l'intervention de M. Sueur a suscité celle de M. Marini, la sienne, à son tour, suscite ma réaction.

Nous vous écoutons toujours avec beaucoup d'attention, monsieur Marini.

M. Bernard Frimat. La question, aujourd'hui, n'est pas d'établir un constat du passé : il s'agit d'examiner comment nous pouvons essayer de résoudre pour l'avenir un problème dont personne ici, me semble-t-il, ne niera la réalité.

Ce problème réside dans la difficulté de plus en plus importante d'accéder à ce droit élémentaire : le droit au logement. C'est la difficulté toute simple de la vie.

À partir de l'exemple de votre département et de votre ville, monsieur Marini, vous avez signalé des éléments dont se dégage, pour vous, une certaine incohérence. Les obligations que subissent certains, notamment, seraient plus justifiées si elles s'appliquaient à d'autres.

Je souhaite que nous menions ce débat à son terme. Vous aurez ainsi la possibilité d'approuver l'un des amendements que défendra notre collègue Thierry Repentin.

Cet amendement vise très précisément à poser la question de la discontinuité urbaine. Il tend à répondre à votre interrogation, au niveau de l'intercommunalité.

Poursuivons donc avec sérénité le débat sur ce difficile problème, et essayons de saisir les points d'accord qui peuvent se dégager. Il en est ainsi, par exemple, d'un amendement déposé par M. Hérisson, politiquement plus proche de vous que de nous, qui vise, me semble-t-il, à étendre l'application de l'article 55 de la loi SRU aux communes dont la population est supérieure à 1 500 habitants.

Ce sont des éléments qui peuvent entraîner notre adhésion. Nous sommes donc disposés à les soutenir.

Quand on se penche sur l'important problème du logement social et que l'on se déclare en faveur de la mixité sociale, la première des cohérences devrait être que l'adoption d'un amendement n'aboutisse pas à un résultat inverse de celui auquel tend le principe que l'on proclame.

Puisqu'il nous semble que l'article résultant de l'adoption de l'amendement défendu par M. Ollier, loin de promouvoir la mixité sociale, y mettra un frein et s'y opposera, nous en désirons la suppression.

Cet article tend à déformer, à masquer, à transformer la volonté initiale : étendre à l'ensemble du territoire ce geste d'ouverture par lequel on pouvait accueillir partout la population, dans sa mixité et sa diversité.

Nous ne demandons pas un subit effort de justice partagé. La loi visait à atteindre cet objectif en vingt ans. Cette durée permettait non seulement de voir plusieurs alternances politiques intervenir (Sourires), mais aussi d'atteindre des buts précis, de progresser dans un domaine où l'on ne peut inverser des tendances dans un délai très court. Il faut simplement affirmer une volonté.

L'amendement de M. Ollier nous semble donc apporter un contre-témoignage ; il nous semble délivrer un message désastreux pour ceux qui, dans notre pays, éprouvent le plus de difficultés à accéder à un logement social.

Il est donc temps de supprimer l'article 5 bis B ; il serait quand même détestable de devoir le promulguer pour ne pas l'appliquer ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat préalable à la discussion des amendements est une bonne chose : il permet aux uns et aux autres de mettre en exergue leurs arguments et de prendre position.

À M. le rapporteur comme à M. Marini, je dirai que, comme eux, je crois à la mixité sociale ; mais, pour ma part, je considère qu'elle doit valoir à Clichy-sous-Bois comme à Neuilly-sur-Seine !

Dans le premier cas - et cette commune ne représente évidemment ici qu'un symbole -, une aide considérable de l'État serait nécessaire afin que les classes moyennes et les familles aisées s'installent à Clichy-sous-Bois.

Dans le second cas - mais cela vaut pour tous les Neuilly-sur-Seine -, il serait nécessaire que le logement social locatif atteigne progressivement un niveau comparable à la moyenne française, selon les termes de la loi SRU.

Comme l'a fait tout à l'heure l'un de nos collègues, j'aimerais attirer l'attention sur la terrible responsabilité que prennent un certain nombre d'élus qui, en vue de remporter des suffrages lors de campagnes électorales municipales, s'engagent à mener une politique de ségrégation sociale.

Il s'agit là d'une politique de gribouille, d'une politique antirépublicaine. Cette politique mène tout droit à des événements que nous devons bien appeler des émeutes et qui doivent ensuite, hélas, être réprimés par les forces de sécurité.

De ce point de vue, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale correspond manifestement à un désir sans détour de vider la loi SRU de toute sa substance, quant au quota de 20 % de logements locatifs sociaux.

Vendre des logements sociaux aux locataires, pourquoi pas ? Le simple bon sens voudrait cependant que l'on reverse alors aussitôt le produit de ces ventes et que l'organisme HLM puisse ainsi créer de nouveaux logements sociaux, susceptibles de compenser les ventes.

En revanche, le fait qu'il soit possible d'inclure dans le quota de logements sociaux ces acquisitions financées par et pour des familles à revenus élevés me semble absolument détestable et condamnable.

Sur ce point, nous nous trouvons manifestement face à la complète dénaturation d'un texte de loi qui nous semblait, depuis cinq ans, avoir progressivement conquis les faveurs de la majorité des élus locaux, de droite comme de gauche.

Je voudrais également attirer l'attention sur un argument souvent avancé : sous le gouvernement précédent, il n'y aurait pas eu création de logements sociaux. Cette thèse est infirmée par les chiffres.

On voudrait aujourd'hui que, grâce à la loi de programmation pour la cohésion sociale, il y ait au contraire création d'un nombre considérable de logements locatifs sociaux ! Monsieur le rapporteur, vous usez fort souvent de cet argument.

Mais si les logements locatifs sociaux sont concentrés dans les mêmes communes, et puisque les communes que tend à favoriser l'amendement de M. Ollier pourraient se dispenser de construire, alors nous aggraverons à nouveau le phénomène de concentration au lieu d'améliorer les choses. Nous créerons de nouvelles difficultés.

L'idée de calculer désormais à l'échelle de l'agglomération le quota de logements sociaux - disons la répartition, je préfère ce terme -, afin de parvenir à la mixité sociale, me paraît opportune et intéressante.

Il faut cependant y faire attention : cela pourrait aboutir à ce que les ghettos de riches continuent de se renforcer tandis que, mécaniquement, les familles les plus pauvres se concentreraient dans les quartiers les plus pauvres, dans les communes les plus défavorisées, parfois d'ailleurs par le biais d'un vote majoritaire des élus - cela peut arriver.

J'en viens à un dernier élément, déjà abordé lors de la discussion générale. M. Marini et un certain nombre de nos collègues pensent régler la question en disant qu'il faut à tout prix renforcer l'accession à la propriété. Nous sommes d'accord.

Toutefois, en tant que maire d'une commune de l'Hérault, essayant de conduire une politique courageuse en matière d'urbanisme, aidé en cela d'ailleurs par le département, je me demande si, en raison de la spéculation foncière, nous pourrons loger les habitants les moins fortunés de la commune.

Telle est la situation que nous affrontons, telle est la réalité. Quand on parle d'accession à la propriété, il faut prendre conscience de ce qu'elle est rendue aujourd'hui très difficile, voire impossible, dans un certain nombre de nos territoires.

Sans vouloir introduire un ton d'affrontement entre tel ou tel groupe de la Haute assemblée, sans intenter de procès à qui que ce soit, je voudrais vous dire solennellement, mes chers collègues, que nous ne pouvons pas ne pas revenir sur le dispositif adopté par l'Assemblée nationale.

Les dommages seraient considérables, quant à la légitimité du Sénat. En termes de politique à moyen terme, de plus, nous en verrions, hélas, les conséquences. Nous serions alors contraints d'adopter des textes, de dégager des budgets, pour tenter, mais trop tard, de réparer les dommages causés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. En Île-de-France, on dénombre 100 000 demandes de logements sociaux. Les trois quarts des demandeurs sont des familles qui ne peuvent se loger autrement que dans le cadre des PLAI. Nous avons donc besoin de logements sociaux adaptés au niveau des ressources de ces familles. Or, non seulement les orientations globales de la politique du logement mises en oeuvre par le Gouvernement ne nous le permettent pas, mais ce dernier s'engage maintenant également dans le « détricotage » du dispositif de la loi SRU. Tout est bon pour fustiger l'article 55 de la loi SRU ainsi que l'obligation faite aux communes appartenant à des agglomérations de plus de 50 000 habitants d'atteindre 20 % de logements locatifs sociaux en 2020.

Ainsi, utiliser le cas des déconventionnements des logements de la filiale Icade appartenant à la Caisse des dépôts et consignations, dans le Val-de-Marne, pour justifier la remise en cause de l'obligation de 20 % de logements sociaux relève de la mauvaise foi. C'est non pas sur l'exigence de mixité sociale qu'il faut revenir, mais sur le non-renouvellement des conventions et sur ses méfaits, et nous vous proposerons d'ailleurs ultérieurement, mes chers collègues, des mesures en ce sens.

Contrairement à ce que notre collègue Catherine Procaccia a voulu faire croire au cours de la discussion générale, il ne s'agit pas, pour nous, d'opposer de manière idéologique les méchantes villes de droite aux vertueuses villes de gauche ! La crise des banlieues est bien trop présente dans nos esprits et la situation en matière de logement bien trop grave pour verser dans l'opposition idéologique stérile.

De fait, construire du logement social, et surtout le logement très social dont nous avons le plus besoin, est compliqué et coûteux, particulièrement dans la petite couronne de l'Île-de-France. De nombreuses difficultés techniques et foncières existent, je le reconnais bien volontiers.

Toutefois, accepter temporairement l'accession sociale à la propriété dans le décompte des 20 % est une aberration, surtout lorsque, parallèlement, l'on déplore le prétendu manque de foncier disponible. À terme, cela conduit à organiser une baisse mécanique du logement social disponible, ce qui relève, comme nombre de dispositions de ce texte, d'une politique du logement à courte vue.

Force est également de reconnaître que certaines communes prétendent ne pas avoir de foncier disponible, alors que, dans le même temps, y ont fleuri, ces dernières années, de nombreux programmes immobiliers de standing. On y compte beaucoup de logements haut de gamme et très peu de logements sociaux. Cela a été le cas à Nogent-sur-Marne notamment, où il n'y a que 10,6 % de logements sociaux. De telles situations finissent par discréditer la loi et la politique, car nos concitoyens n'acceptent pas - et à juste titre - que certains élus s'exonèrent du respect des lois républicaines.

Exiger qu'une proportion de la superficie de tout programme de construction de logements soit affectée au secteur locatif social nous semble une solution efficace pour remédier à ces situations. Encore faut-il que la définition du logement social ne soit pas trop diluée, c'est-à-dire hors logements PLS, et que le pourcentage de logement social exigé soit suffisamment important.

Je citerai le cas d'une autre ville du Val-de-Marne, Saint-Maur-des-Fossés, avec 5,5 % de logements sociaux et 2 000 demandes en souffrance. La ZAC de la Louvière en plein centre-ville, au pied du RER, a vu se construire, depuis 2001, plus de 300 appartements de standing. La dernière tranche est en cours et pas un seul logement social n'est prévu. Entre 2001 et 2004, 1 589 logements ont obtenu un permis de construire. Sur la même période, en application de la loi SRU, la commune avait l'objectif de construire 743 logements sociaux ; or seuls 156 logements sociaux ont été construits ou acquis.

M. Thierry Repentin. Et voilà !

M. Serge Lagauche. Il faut dire que Saint-Maur-des-Fossés fait partie des communes, certes plus minoritaires que celles que j'ai citées en premier lieu, qui s'inscrivent délibérément dans la désobéissance à la loi républicaine et le revendiquent. Aux yeux du maire, cette attitude constitue même une marque de fabrique puisqu'il pratique la politique de la peur, en agitant le spectre d'un pseudo-retour des barres et des tours type années soixante-dix dans une ville qui vit de plus en plus sur le mode de « l'entre-soi », comme un îlot protégé dans sa boucle de la Marne, une ville ghetto à l'envers, c'est-à-dire pour population aisée, et prête, pour échapper à l'exigence de mixité sociale, à payer l'amende, quel qu'en soit le montant.

D'ailleurs, le récent constat de carence réalisé par le comité régional de l'habitat d'Île-de-France a amené ce dernier à proposer au préfet de faire passer cette amende de 750 000 euros à 1,34 million d'euros.

Dans ces conditions, doit-on accepter un assouplissement de l'article 55 de la loi SRU ? Doit-on donner une prime aux villes hors-la-loi qui s'exonèrent de l'exigence liée à la mixité sociale parce qu'elles ne se sentent absolument pas concernées par la crise du logement et par la récente explosion sociale de nos banlieues ? Répondre « oui » relève certes de l'inconscience, mais les députés ont ouvert la boîte de Pandore.

Monsieur Braye, vous qui avez tant protesté, comme à votre habitude d'ailleurs, lorsque mon collègue Thierry Repentin a posé une question d'actualité au Gouvernement à ce sujet, entendez enfin les associations et, à travers elles, les 3,2 millions de personnes mal logées qui nous ont solennellement interpellés dans la presse la semaine dernière ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous partageons tous le souci de faire accéder à la propriété chaque famille qui le souhaite, qu'elle soit accédante classique ou accédante sociale à la propriété.

Un certain nombre d'analyses réalisées par des spécialistes du logement montrent que, sous le vocable « familles modestes », sont considérées comme accédantes à la propriété des familles dont les revenus peuvent aller jusqu'à 6 000 euros, comme l'a souligné M. Repentin, c'est-à-dire des familles moyennes. Non seulement se pose le problème de l'accession sociale à la propriété, mais se pose aussi celui de l'accession à la propriété tout court.

En effet, à la suite de la hausse du prix du foncier, on déplore chaque année une diminution du nombre des familles pouvant accéder à la propriété : 90 000 familles en moins ! Parallèlement, 90 000 logements locatifs sociaux ont été financés l'année dernière. Si nous avions pu additionner ces 90 000 logements locatifs sociaux financés aux 90 000 accessions à la propriété, qui auraient de fait libéré 90 000 logements locatifs sociaux, nous aurions multiplié la mise par deux.

M. Robert Bret. C'est un tour de passe-passe !

Mme Valérie Létard. En revanche, pour favoriser l'accession à la propriété, comment faire en sorte que ces 90 000 logements soient financés ? En quoi le fait d'inclure ces logements dans le quota des 20 % de logements sociaux va-t-il aider les familles et les solvabiliser ?

Personnellement, je défends, notamment dans ma région, le fait que chaque institution doit, à son niveau, en fonction de ses priorités, aider à l'accession à la propriété. Par exemple, si la région accompagne, via la maîtrise ou la réduction du coût du foncier, l'effort fait par l'État au travers du prêt à taux zéro, il s'agit alors d'une véritable aide apportée aux familles, d'un réel levier. Mais, je le répète, en quoi le fait d'inclure les opérations d'accession sociale à la propriété constituera-t-il une aide supplémentaire pour les familles, modestes ou non, à accéder à la propriété ?

En réalité, cette mesure ne fera que décharger les communes d'une partie de l'effort qu'elles doivent consentir en matière de production de logements locatifs sociaux, lesquels, eux, sont essentiels, du fait de l'augmentation du prix du foncier. Ne mélangeons donc pas tout et ne nous détournons pas de notre objectif essentiel.

Si, demain, une personne âgée retraitée percevant le minimum vieillesse, un jeune couple, ou une famille modeste veut s'installer dans un logement social locatif, nous devons faire en sorte qu'ils ne soient pas obligés, faute de logements disponibles, de cohabiter avec une autre partie de leur famille. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je suis personnellement satisfait et heureux de constater que nous avons tous pu nous écouter. Je reviendrai sur un certain nombre de points.

Si je vous ai bien compris, mes chers collègues de l'opposition, et sachant parfaitement ce que pensent mes collègues de la majorité, j'observe que nous sommes tous totalement attachés à la notion de mixité sociale ; nous l'avons d'ailleurs toujours été. La plus grande réussite, la plus grande satisfaction d'un maire est de faire en sorte que des personnes de catégories sociales différentes vivent heureuses ensemble en s'apportant mutuellement un certain nombre de choses.

C'est la raison pour laquelle je veux dire d'emblée très fortement et très symboliquement à l'ensemble de mes collègues maires qu'il n'a jamais été question - j'y insiste - de remettre en cause le quota des 20 % de logements sociaux retenu dans la loi SRU.

Mes chers collègues, ceux d'entre vous qui ont assisté aux réunions de la commission des affaires économiques m'ont toujours entendu dire que les personnes qui participent à la vie d'une cité ou d'une ville doivent ensemble, du plus humble au plus riche, pouvoir vivre sur son territoire, car la cité a l'obligation morale de les accueillir. Il n'est donc pas question de remettre en question les 20 % de logements sociaux.

M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez oublié votre proposition de loi ! Vous êtes amnésique !

M. Dominique Braye, rapporteur. Vous allez me demander les raisons pour lesquelles je souhaite amender l'article 55 de la loi SRU.

Pour aller au bout de notre discussion, j'aimerais que tous ceux qui ne sont pas d'accord avec moi puissent concrètement - reconnaissons-le, l'article 55 de la loi SRU est devenu un problème beaucoup plus passionnel que rationnel, car c'est manifestement l'arbre qui cache la forêt - me démontrer le contraire.

Tous les spécialistes du logement social sont convaincus que cette loi est trop rigide sur un certain nombre de points et qu'elle ne prend pas en compte certaines réalités locales.

Les communes qui n'ont pas réalisé les 20 % de logements sociaux et que vous avez pointées du doigt, mes chers collègues, sont de deux ordres : d'un côté, il y a celles qui ne veulent pas appliquer cette disposition et qu'il faut donc contraindre à le faire, y compris en les sanctionnant. Mais, d'un autre côté, il y a des communes petites ou moyennes dont les maires arrivent difficilement à engager des opérations, et pour qui le logement social est donc compliqué. Si notre seule motivation est de faire du logement social, il faut alors aider ces élus en ce sens, et c'est ce que je proposerai par le biais d'un amendement.

L'argent public est en cause ; nous devons tous le dépenser d'une manière optimale. Nous le savons, 83 %, ou 87 % de nos concitoyens, selon les dires des uns ou des autres, souhaitent être propriétaires de leur logement.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Tout à fait !

M. Dominique Braye, rapporteur. Or, seuls 57 % sont effectivement propriétaires en France, contre 83 % en Espagne, 82 % en Italie et 70 % en Grande-Bretagne. Pourquoi cette spécificité française, alors que la quasi-totalité de nos concitoyens souhaitent être propriétaire ? Le meilleur service que nous puissions rendre à ceux qui vont arriver à la retraite est de permettre à ces derniers de devenir propriétaire de leur résidence principale. En effet, avec les mêmes revenus, le niveau de vie d'une personne est tout à fait différent selon qu'il est propriétaire de son logement ou non. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Annie David. Il faut augmenter les retraites !

M. Dominique Braye, rapporteur. Pourquoi dépensons-nous autant d'argent pour assigner en résidence locative certains de nos concitoyens, alors que nous en dépenserions moins à les aider à devenir propriétaires ?

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas la question !

M. Dominique Braye, rapporteur. Actuellement, certains de nos concitoyens vivent sous statut locatif. Avec l'argent que nous dépensons pour les maintenir sous ce statut, nous pourrions les aider à devenir propriétaires, ...

M. Jean-Pierre Sueur. En dehors des 20 % !

M. Dominique Braye, rapporteur. ... et nous devons les aider à réaliser ce rêve.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne sommes pas contre, mais en dehors des 20 % !

M. Dominique Braye, rapporteur. Par ailleurs, un certain nombre de locataires ont malheureusement des revenus insuffisants pour accéder à la propriété.

Mme Annie David. Il faut augmenter les minima sociaux !

M. Dominique Braye, rapporteur. Et leurs revenus resteront manifestement longtemps, voire définitivement, insuffisants pour y parvenir ! C'est donc à eux que le parc social doit être réservé.

Mme Marie-France Beaufils. Alors on ne fera jamais de mixité sociale !

M. Dominique Braye, rapporteur. Pour terminer, je veux vous demander, mes chers collègues, si vous avez réfléchi au dispositif de l'article 5 bis B. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

Personnellement, c'est avec une grande prudence que je le conseillerai aux élus et maires de communes assujetties à la loi SRU, et ce pour une simple raison ...

M. Robert Bret. Il faut le supprimer alors !

M. Dominique Braye, rapporteur. ... qui va dans le sens de ce que vous souhaitez. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Thierry Repentin. Demande de suppression !

M. Gérard Delfau. Il faut le supprimer !

M. Dominique Braye, rapporteur. Mais non, car il va dans le bon sens. Laissez-moi vous expliquer, mes chers collègues !

Les logements seront comptabilisés pendant une période de cinq ans, qui correspond au temps nécessaire à la réalisation d'un gros programme de constructions. Que se passera-t-il au terme de ces cinq ans ? Ces logements d'accession à la propriété, comptabilisés provisoirement dans le quota des logements sociaux, deviendront des résidences principales et augmenteront d'autant les obligations qu'auront ces communes de faire du logement social. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Robert Bret. C'est un jeu d'écritures !

M. Dominique Braye, rapporteur. Par conséquent, les communes qui comptabiliseront dans leur quota de logements sociaux les logements d'accession à la propriété devront, au bout de cinq ans - c'est court -, faire plus de logements sociaux pour respecter la loi SRU. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Robert Bret. On a du mal à le croire !

M. Thierry Repentin. Il faut sauver le soldat Ollier !

M. Dominique Braye, rapporteur. Enfin, je souhaite revenir sur un dernier point.

On ne peut pas dire tout et n'importe au sein de la Haute Assemblée. Il y a un devoir d'honnêteté. À cet égard, je remercie notre collègue Serge Lagauche d'avoir fait remarquer que je n'avais pas supporté que soient proférés au cours de la dernière séance des questions d'actualité au Gouvernement un certain nombre de mensonges. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Vous parlez d'un revenu de 6 000 euros par mois. Bien que le ministre l'ait dit à plusieurs reprises, je crois nécessaire de préciser à nouveau que seuls seront comptabilisés les logements acquis par des personnes disposant de revenus inférieurs ou égaux au plafond pour l'accès au logement locatif social. Vous pouvez donc être tranquilles ! Notre objectif est précisément de faire en sorte que le plus grand nombre des personnes qui le peuvent accèdent à la propriété. Nous souhaitons pour notre part que le taux de 57 % de propriétaires augmente fortement, et ce le plus rapidement possible ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je voudrais revenir sur quelques affirmations.

Chacun s'accordera à considérer que l'objectif de mixité sociale est une priorité pour tous, y compris pour le Gouvernement. Je suis personnellement élue d'une ville qui compte 41 % de logements sociaux, et ce depuis longtemps.

En outre, je tiens à dire que le Gouvernement a appliqué la loi SRU, puisque, à l'issue de la première période triennale, un constat de carence a été dressé pour 150 des 750 communes se situant sous le seuil des 20 %. Or combien de fois nous a-t-il été affirmé que jamais nous ne prendrions d'arrêté dressant un constat de carence ?

Jean-Louis Borloo a non seulement appliqué cet article sans défaillance, mais encore il s'est engagé concrètement à mettre en chantier des logements afin de répondre réellement aux besoins de nos concitoyens. M. Marini l'a rappelé tout à l'heure. Les chiffres, que vous connaissez tous, sont aujourd'hui les meilleurs depuis vingt-cinq ans. On comptait annuellement, entre 1997 et 2000, de 80 000 à 100 000 opérations d'accession à la propriété ; on en a compté 200 000 en 2005. Le nombre de logements locatifs sociaux est passé durant la même période de 40 000 à plus de 80 000. Enfin, le nombre de constructions de logements est quant à lui passé de 300 000 à plus de 410 000. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Les chiffres parlent d'eux-mêmes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Cet engagement est historique. Pour la première fois, une loi de programmation a défini aussi bien un objectif chiffré de constructions de logements que le financement de ceux-ci. Tel a été notamment l'objet du plan de cohésion sociale. Vous connaissez les chiffres par coeur : 500 000 logements locatifs sociaux, 200 000 logements locatifs privés, 100 000 logements vacants remis sur le marché. Il y a donc là une volonté claire et précise, avec des objectifs qui permettent effectivement d'avancer.

Enfin, beaucoup d'entre vous ont évoqué l'amendement Ollier. Il faut reconnaître que ce texte vise à prendre en compte de manière très ciblée l'accession sociale, et ne change rien à l'obligation de construire du locatif social.

M. Bernard Frimat. Cela n'a rien à voir !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous le savons tous, la période de cinq ans correspond au temps nécessaire à la réalisation d'un projet.

Enfin, l'assujettissement au taux réduit de TVA à 5,5 % des opérations d'accession sociale à la propriété effectuées dans les zones urbaines sensibles, les ZUS, constitue un outil nouveau qui permettra de réaliser la mixité sociale en des endroits où, de surcroît, on dispose de foncier. Cela s'est déjà fait, en l'absence même d'un tel dispositif, à Trélazé, ville que beaucoup d'entre vous connaissent. Voilà qui montre parfaitement que, en se mobilisant, on peut aboutir rapidement à la transformation d'une ZUS et à l'instauration d'une vraie mixité sociale.

C'est cela qui doit nous rassembler. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant engagement national pour le logement.

Je rappelle que nous avons entamé l'examen de l'article 5 bis B.

Article 5 bis B (priorité) (suite)

M. le président. Je suis saisi de vingt amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 22 est présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 401 est présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 22.

Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise à supprimer l'article 5 bis B introduit par l'Assemblée nationale, sur proposition de M. Patrick Ollier, et ayant pour objet d'assouplir l'article 55 de la loi SRU.

À la fin de la séance de cet après-midi, la majorité des orateurs ont développé de nombreux arguments, tous aussi convaincants les uns que les autres, contre cet article. Permettez-moi d'insister, à mon tour, sur quelques aspects de ce problème.

Tout d'abord, le fait que nous nous opposions à l'introduction de l'accession sociale à la propriété dans le calcul des 20 % ne signifie pas que nous soyons contre l'accession sociale à la propriété.

Au contraire, nous pensons qu'il faut développer cette possibilité et rendre plus accessible l'aspiration légitime de tout un chacun à posséder, construire et aménager son « chez-soi » selon son choix de vie et celui de sa famille.

Force est de constater que, aujourd'hui, en raison de l'inflation du foncier, ce rêve devient de plus en plus inaccessible. Nous devons agir efficacement pour rendre abordables le crédit et le foncier à des budgets moyens ou modestes, à l'instar de ce que nous avons connu dans les années soixante-dix, quatre-vingt.

Atteindre cet objectif est une nécessité. Loger dans de meilleures conditions les mal-logés, les milliers de personnes qui n'ont pas de toit, qui sont en attente d'un logement, les sans-abri, les jeunes qui vivent encore chez leurs parents, est une obligation impérieuse, et rien ne doit nous détourner de cette exigence. C'est l'objectif essentiel de l'article 55 de la loi SRU, qui ne peut en aucun cas être affaibli.

Nous sommes donc favorables à l'accession sociale à la propriété, mais rien n'oblige à ce qu'elle soit prise en compte dans le calcul des 20 % de logements sociaux.

Monsieur le rapporteur, vous qualifiez le débat qui s'est instauré sur cette question de passionnel, voire d'irrationnel. Mais n'est-ce pas plutôt la situation qui est irrationnelle ? Chaque jour, des familles disposant pourtant de ressources se retrouvent sans logement. Or, sans habitation, il n'y a pas de vie possible, même en travaillant.

C'est bien l'aggravation de la situation de déficit de logements - pour de multiples raisons, qui ont été abondamment expliquées -, la stagnation des parcours résidentiels et la flambée spéculative qui appellent à un volontarisme sans exception. Vous appelez cela de la rigidité. Mais, en l'occurrence, la volonté politique ne peut s'exprimer que par un tel volontarisme, à travers ce fameux article 55.

Je me demande d'ailleurs si ce qui gêne le plus ceux qui contestent cette disposition, c'est de payer l'amende ou bien d'être montrés du doigt.

Alors, mes chers collègues, j'en appelle à la raison, qui a prévalu dans cet hémicycle en première lecture et qui nous a conduits à ne pas toucher à l'article 55.

Écoutez l'appel de toutes les associations ou organisations qui s'efforcent tous les jours, sur le terrain, d'apporter du réconfort et de l'espoir à ceux qui souffrent de ne pas avoir droit au logement ! Elles rappellent que le Président de la République s'était personnellement engagé à ce que ce texte ne soit pas modifié.

Permettez-moi de conclure mon propos en citant un passage vibrant de cet appel : « Il y a de la provocation dans cette décision, et on ne peut que regretter que le sens de l'honneur et de la justice semble avoir ainsi été nié. Mais il y a plus. Il y a aussi une inconscience de l'ampleur de ce qui se joue derrière ce vote. »

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement de suppression de l'article 5 bis B. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l'amendement n° 401.

M. Thierry Repentin. L'article 5 bis B comporte deux parties assez étrangères l'une à l'autre.

La première crée un guichet unique consacré à l'accession sociale à la propriété, et la seconde remet gravement en cause l'article 55 de la loi SRU et les objectifs de mixité sociale qu'il sous-tend.

S'agissant du guichet unique créé pour orienter les porteurs d'un projet d'accession à la propriété, je ferai remarquer que son utilité est largement à démontrer, tant les organismes bancaires sont devenus experts en achats immobiliers et aides fiscales de toute sorte.

En outre, j'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la création d'un guichet unique n'a aucune valeur normative. Donc, pourquoi l'inscrire dans la loi ? Puisque cette disposition est juridiquement inutile, nous pourrions nous en dispenser.

S'agissant du dévoiement de l'article 55 de la loi SRU, l'affaire est moins simple. Sous couvert de favoriser l'accession à la propriété -  la vision selon laquelle il y aurait, parmi les élus, les tenants de l'accession à la propriété, d'une part, et les partisans des logements locatifs sociaux, d'autre part, est assez caricaturale -, puisque tel est l'intitulé du chapitre dans lequel s'insère cet article 5 bis B, l'article 55 de la loi SRU est totalement vidé de son sens, et le pouvoir à la fois incitatif et coercitif de la loi en faveur de la mixité et de la solidarité urbaines s'en trouve complètement annihilé.

En effet, l'article 55 de la loi SRU a pour objet de favoriser le développement de l'offre de logements locatifs sociaux, aujourd'hui très en deçà des besoins. Assimiler l'accession aidée à la propriété au logement locatif n'a donc aucun sens.

Quant à la vente de logements HLM à leurs occupants, elle constitue un véritable contresens, puisqu'elle tend à réduire le parc de logements locatifs sociaux. Pis, elle conduit les organismes HLM à se défaire d'une partie de leurs logements qui est déjà amortie, alors que les loyers y sont en général moins élevés que dans les programmes récents. Cette même partie est la plus valorisée en termes de localisation et de type de bâti.

En d'autres termes, c'est la partie attractive du parc HLM qui va changer de statut et cesser d'être disponible alors que le nombre de demandeurs continuera d'augmenter.

En outre, la vente aux locataires risque d'entraîner l'insolvabilité des occupants à terme. S'ils parviennent péniblement, pour certains, à acheter, pourront-ils tous assumer les charges de la nouvelle copropriété ? Il existe de nombreux exemples de copropriétés aujourd'hui dégradées qui se retrouvent en plan de sauvegarde. Après avoir été des logements sociaux il y a une quinzaine d'années, ces habitations ont été vendues à leurs occupants.

Ces recettes ne sont pas neuves et, malheureusement, l'histoire de la politique de la ville ne témoigne pas de leur efficacité, bien au contraire.

Enfin, rappelons que les dispositions de l'article 5 bis B ont été introduites par l'Assemblée nationale alors qu'il avait été expressément demandé au Sénat, en première lecture, de ne pas toucher à l'article 55 de la loi SRU. Nous avions collectivement respecté cet accord. Pourquoi a-t-il été rayé d'un trait à l'Assemblée nationale sans que le Gouvernement fasse les mêmes rappels à l'ordre ? Y aurait-il deux poids, deux mesures ?

L'amendement n° 401 a donc pour objet de supprimer l'article 5 bis B.

J'indique en outre que les maires de notre groupe dont la commune est soumise aux obligations figurant à l'article 55 de la loi SRU réclament la suppression des dispositions figurant à cet article 5 bis B. J'en veux pour preuve l'appel que nous a lancé notre collègue maire de Lyon : il compte sur nous pour que l'article 55 de la loi SRU s'applique pleinement, y compris dans sa commune. Il a souligné que, sur les trois dernières années, il a respecté scrupuleusement ses obligations quantitativement en comblant le retard de sa commune et qu'il a veillé à ce qu'il n'y ait pas plus d'un tiers de prêts locatifs sociaux, ou PLS, dans tout nouveau programme.

M. le président. L'amendement n° 402, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation, après les mots :

les communes

insérer les mots :

ou les établissements publics de coopération intercommunale

II - Dans le deuxième alinéa du même texte, après les mots :

dans chaque mairie

insérer les mots :

ou chaque siège d'établissement public de coopération intercommunale

III - Dans le troisième alinéa du même texte, après les mots :

aux maires

insérer les mots :

ou, le cas échéant, aux présidents de l'organe délibérant de l'établissement public

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Cet amendement aurait sa raison d'être si, d'aventure, l'amendement de suppression n'était pas retenu. Comme je l'ai dit, les premiers alinéas de l'article 5 bis B visent à créer un guichet unique de l'accession aidée à la propriété dans les mairies qui le souhaitent.

La création d'un tel guichet n'ayant aucune valeur normative, elle n'a strictement aucune raison d'apparaître dans le projet de loi. Néanmoins, si cette création doit absolument recevoir une consécration législative, il convient de lui apporter des aménagements et, à tout le moins, de prévoir que les structures intercommunales, c'est-à-dire les EPCI, puissent s'engager dans une telle démarche.

En effet, les EPCI compétents en matière de programme local de l'habitat doivent logiquement pouvoir intervenir sur l'ensemble des leviers des politiques de l'habitat. Il serait en effet incohérent que le plan local de l'habitat, le PLH, soit piloté par l'EPCI tandis que le guichet unique, pour l'accession aidée à la propriété, serait, lui, pris en charge par la commune.

Ouvrir cette possibilité aux EPCI est donc cohérent du point de vue de la compétence des équipes, de la circulation de l'information et d'une meilleure lisibilité pour les usagers.

Enfin, en matière de transfert de compétences à une structure intercommunale, il est un principe selon lequel on transfère tout ou rien. En cas de transfert de la compétence « logement », je ne vois pas comment la commune peut encore mettre en place une structure au titre de la politique du logement puisqu'elle a transféré cette compétence à l'échelle de l'intercommunalité. Pour éviter toute difficulté éventuelle devant des juridictions administratives, et si vous tenez vraiment au guichet unique, je propose que cette compétence puisse être ouverte aux EPCI.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 403 est présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat,  Collomb et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 466 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer les quatre derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation.

La parole est à M. Daniel Raoul, pour défendre l'amendement n° 403.

M. Daniel Raoul. Construire des logements sociaux dans les communes qui en manquent, pour les centaines de milliers de personnes en France ne pouvant se loger en raison de leurs revenus modestes ou moyens, tel était l'objectif même de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, voulue à l'époque par le gouvernement Jospin, et qui avait au moins le mérite de la clarté.

Il ne peut pas y avoir de réelle mixité sociale et urbaine sans changement de la carte du logement social. La fracture territoriale ne doit plus doubler la fracture sociale.

Depuis le 13 décembre 2000, toutes les communes de France de plus de 3 500 habitants et celles de plus de 1 500 habitants en Île-de-France ont ainsi pour obligation de compter au moins 20 % de logements locatifs sociaux sur leur territoire.

Alors que la majorité des communes ont su remplir les objectifs fixés par cette loi, et les ont même très largement dépassés dans de nombreux cas, certaines collectivités locales ont fait sciemment le choix de s'affranchir du droit.

C'est ainsi que la ville du président de l'UMP n'a réalisé que 15 % des objectifs fixés par la loi et ne compte à ce jour que 1,34 % de logements sociaux, pour une population de 60 000 habitants. De même, la commune du Raincy, ville de l'ancien ministre de la ville du gouvernement Juppé, n'a réalisé que 20 % des objectifs de la loi et continue à ne posséder que 3,91 % de logements sociaux.

M. Robert Bret. C'est honteux !

M. Daniel Raoul. Sur les 742 communes déficitaires en logements sociaux, le premier bilan triennal portant sur l'application de l'article 55 de la loi SRU souligne que 180 villes comptent toujours moins de 5 % de logements locatifs sociaux.

Selon la Fondation Abbé Pierre, un tiers des municipalités visées par la loi SRU refusent sciemment de construire des HLM sur leur territoire. Au lieu de remplir leur devoir de solidarité nationale et de construire des logements, qui font pourtant tellement défaut dans les agglomérations, ces villes préfèrent verser l'amende annuelle de 152 euros par logement social manquant.

Cette situation est inacceptable, je la trouve même immorale.

Dans ces conditions, comptabiliser dans les 20 % de logements locatifs sociaux des logements n'ayant rien de locatif et que très peu de social, c'est porter un coup fatal à la solidarité urbaine et octroyer un cadeau en or à tous les maires contrevenants.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 466.

M. Jean Desessard. Permettez-moi, monsieur le président, de formuler une remarque préalable.

Le service de la séance, dont vous savez combien j'apprécie le travail et l'efficacité, nous a remis un document qui, en l'occurrence, ne me semble pas relever d'une bonne initiative.

En effet, j'avais déposé trois amendements nos 462, 463 et 464 visant à poser la question de l'énergie dans les constructions neuves.

On peut certes m'objecter que ce domaine n'est pas en relation directe avec l'objet du texte. Cependant, en première lecture, M. Borloo lui-même m'avait demandé de retirer ces amendements, en m'affirmant que la discussion aurait lieu en deuxième lecture.

Or, si l'on s'en tient à l'aspect technocratique du document de la séance, les thèmes que nous n'avions pas pu aborder en première lecture ne devraient pas pouvoir non plus être traités aujourd'hui, ce qui m'amènerait à considérer que l'on a abusé de ma bonne foi en première lecture en m'incitant à retirer mes amendements. Il importe donc de rechercher une autre formule, qui soit plus politique et qui tienne compte de ce nouveau rendez-vous qu'est la deuxième lecture. À cette occasion, il faudrait d'ailleurs relire l'ensemble du compte rendu de la première lecture pour donner aux sénatrices et aux sénateurs à qui l'on a promis que tel point serait abordé lors de la navette la possibilité de susciter de nouveau le débat !

J'en viens à l'amendement n° 466.

L'élargissement de la notion de logement social aux logements vendus à leurs propriétaires et aux accessions sociales à la propriété, même de manière transitoire, a pour but de diluer l'aide au logement des classes populaires dans l'aide au logement des classes moyennes, parfois même aux classes moyennes favorisées.

Dans l'intégration des logements sociaux financés par des PLS au sein du concept de « logement social » était déjà sous-jacente la réduction du nombre de logements sociaux pour les plus pauvres. L'amendement du député Patrick Ollier n'a pas d'autre but que d'aider les communes les plus riches à s'exonérer des obligations de solidarité nationale imposées par l'article 55 de la loi SRU.

M. le président. L'amendement n° 300 rectifié, présenté par MM. Delfau,  Fortassin,  A. Boyer,  Baylet et  Collin, est ainsi libellé :

Supprimer les septième à neuvième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation.

La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Lors de la première lecture du présent texte, le Sénat avait sagement et unanimement décidé de ne pas toucher à l'article 55 de la loi SRU, qui organise la mixité sociale.

L'Assemblée nationale n'a pas manifesté la même retenue. Elle a voté un amendement du député Patrick Ollier, qui vide de sa substance le dispositif dudit article 55.

En effet, le texte issu de l'Assemblée nationale tend à assimiler aux logements sociaux visés à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, pendant une durée de cinq ans, d'une part, les logements vendus à leurs locataires, d'autre part, les logements neufs dont l'acquisition ou la construction a été financée au moyen d'une aide à l'accession à la propriété.

Ces deux dispositions restreignent sensiblement la portée de l'article 55 de la loi SRU puisqu'elles permettent aux communes d'atteindre le seuil des 20 % sans augmenter pour autant l'offre locative sociale. À l'évidence, elles ne répondent ni à l'objet de la loi ni à l'objectif que le Parlement doit se fixer.

C'est pourquoi nous nous y opposons et nous proposons au Sénat d'en revenir à sa position initiale.

J'ajoute que nous n'avons pas été convaincus par la réponse de M. le rapporteur après le débat très large que nous avons eu sur ce point. Pourquoi le fait d'attendre cinq ans nous permettrait-il de progresser vers l'objectif recherché de mixité sociale du logement ?

Nous n'avons pas perçu non plus dans la réponse de Mme la ministre d'éléments éclairants susceptibles de nous convaincre du bien-fondé du texte issu de l'Assemblée nationale. Je tiens à lui rappeler en outre que la position prise par le Sénat lors de la première lecture semblait avoir reçu l'approbation au moins tacite du Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 360, présenté par M. Repentin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation :

« Pour les communes disposant de plus de 30 % de logements locatifs sociaux, sont assimilés aux logements sociaux visés à l'article L. 302-5 du présent code :

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. La loi SRU impose un seuil minimal de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants en province et de plus de 1 500 habitants en Île-de-France. En fait, chacun l'a bien compris, pour les communes qui se situent en deçà de ce seuil de 20 %, la loi prévoit un rattrapage que l'on peut dire « en douceur », puisqu'elle leur accorde un délai de vingt ans pour l'atteindre.

Il faut croire que ce rythme est encore trop rapide pour un certain nombre de communes, certes minoritaires, qui tendent à contourner leurs obligations légales de façon un peu expéditive, si l'on peut dire.

L'amendement Ollier leur apporte une aide précieuse en ce sens en leur permettant de comptabiliser dans les logements sociaux les logements dont l'acquisition a été financée par l'aide à l'accession à la propriété.

Pour nous, un tel dévoiement de l'article 55 de la loi SRU n'est pas acceptable.

À tout le moins, si le Sénat souhaitait vraiment maintenir cette disposition, il conviendrait de limiter son application aux communes disposant déjà d'un stock suffisant de logements locatifs sociaux. C'est pourquoi nous avons placé la barre à 30 % de logements locatifs sociaux présents dans une commune pour permettre de comptabiliser éventuellement les logements visés par l'amendement Ollier.

M. le président. L'amendement n° 404, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat,  Collomb et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Supprimer l'antépénultième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation.

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. L'antépénultième alinéa de l'article 5 bis B prévoit de comptabiliser dans les logements sociaux au titre de l'article 55 de la loi SRU les logements locatifs sociaux vendus à leurs occupants.

Il s'agit là d'un véritable contresens par rapport à l'article 55 de la loi SRU, dont l'objet est de développer l'offre locative sociale.

La vente des logements HLM, même à leurs occupants, neutralise une partie du parc disponible alors que les listes d'attente de logement social ne cessent de s'allonger. Or, 70 % à 80 % des demandeurs inscrits sur ces listes ont des revenus représentant moins des deux tiers des plafonds de ressources ; ils ne peuvent donc se loger au prix du marché.

Le logement en France souffre d'un besoin aigu de logements locatifs abordables. Dès lors, pourquoi inciter à réduire cette offre ?

En outre, la disposition figurant à l'article 5 bis B repose sur un fondement très critiquable. Pour défendre son amendement à l'Assemblée nationale, M. Ollier a fait valoir l'argument suivant : « Le changement de statut ne change pas le caractère social du logement ». C'est faux, à un double titre.

D'abord, le changement de statut modifie drastiquement et quasi définitivement la vocation sociale du logement. Par définition, il sort du parc locatif social et n'est plus disponible.

Ensuite, l'argument de M. Ollier témoigne d'une conception de la solidarité urbaine particulièrement fallacieuse. Il semble considérer que, dans la mesure où les occupants ne changent pas et restent une charge pour les communes, on peut continuer à les faire apparaître dans l'effort communal en faveur du logement social.

Mais l'objet de la loi SRU est une affaire non pas d'occupation et de contenu, mais d'offre de logements accessibles et, par conséquent, de contenant. Cette loi vise non pas à répartir des personnes, mais à créer les conditions du logement pour tous sur l'ensemble du territoire.

Par ailleurs, la vente de logements HLM conduira les organismes à se défaire de la partie déjà amortie de leur parc, partie où les loyers sont en général inférieurs à ceux des programmes plus récents et plus valorisée en termes de localisation et de bâti. En d'autres termes, c'est la partie attractive du parc HLM qui changera de statut et ne sera plus disponible alors que le nombre de demandeurs - 1 400 000 aujourd'hui - continuera d'augmenter.

Enfin, la vente aux locataires représente un risque au regard de la solvabilité des occupants à terme. Si certains parviennent péniblement à acheter, auront-ils les moyens d'assumer les charges de la nouvelle copropriété ? Nombreux sont aujourd'hui les exemples de copropriétés dégradées, qui font l'objet d'un plan de sauvegarde, alors qu'il s'agit d'anciens logements HLM qui ont été vendus à leurs occupants parfois jusqu'à quinze ans auparavant.

Ces recettes ne sont pas neuves et, malheureusement, l'histoire de la politique de la ville ne témoigne pas de leur efficacité, bien au contraire.

Parce qu'elle neutralise une partie du parc locatif social, parce qu'elle tend à assimiler solidarité urbaine et effort d'accueil de populations défavorisées, parce qu'elle représente un risque pour les occupants acquéreurs eux-mêmes, la vente de logements HLM ne doit pas être encouragée et ne peut, en tout état de cause, être comptabilisée au titre du logement social.

Quant à la création d'un guichet unique, n'ayant aucune valeur normative, elle n'a aucune raison d'apparaître dans un projet de loi. Néanmoins, si cette création devait absolument recevoir une consécration législative, il conviendrait de lui apporter des aménagements et, à tout le moins, de prévoir que les EPCI puissent s'engager dans une telle démarche. En effet, les EPCI compétents en matière de programme local de l'habitat doivent pouvoir intervenir sur l'ensemble des leviers des politiques de l'habitat. Il serait incohérent que le PLH soit piloté par l'EPCI, tandis que le guichet unique, accession aidée à la propriété, serait pris en charge par la commune.

Ouvrir cette possibilité aux EPCI revêtirait un caractère de cohérence du point de vue des compétences des équipes, de la circulation de l'information et d'une meilleure lisibilité pour les usagers.

M. le président. L'amendement n° 369 rectifié, présenté par M. Revet, Mme Gousseau, M. Grillot, Mmes Henneron et  Rozier, MM. Seillier et  Vasselle, est ainsi libellé :

Dans les huitième et neuvième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots :

pendant cinq ans

par les mots :

pendant la durée de remboursement du prêt contracté pour l'acquisition du logement

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Cet amendement vise à remplacer les mots « pendant cinq ans » par les mots « pendant la durée de remboursement du prêt contracté pour l'acquisition du logement ». Introduire cette notion de durée de remboursement me paraît en effet fondé.

Je suis de ceux qui considèrent que l'accession à la propriété a un caractère éminemment social.

M. le rapporteur nous a indiqué que plus de 80 % des familles françaises souhaitaient accéder à la propriété. De son côté, Mme Demessine a estimé que l'accès à la propriété était un souhait légitime des familles, y compris des plus modestes d'entre elles. Mais cela ne change rien à leur situation sociale !

Pendant la période où j'étais président de l'OPAC de Seine-Maritime, beaucoup de logements ont été vendus aux locataires en place. Au passage, je signale que, pour un logement vendu nous avons pu en construire 1,60, ce qui est tout de même un beau résultat : non seulement le parc social n'a pas diminué, mais il a augmenté !

Si je plaide pour que ces logements soient comptabilisés dans les logements sociaux, au moins pendant la durée de remboursement du prêt contracté, c'est parce qu'il s'agit du même logement et qu'il est habité par la même famille, dont la situation sociale n'est pas meilleure puisqu'elle rembourse l'emprunt. Certes, à terme, elle deviendra propriétaire. Il n'empêche qu'il me semble logique de prendre en compte l'accession à la propriété dans ces conditions en raison de son caractère éminemment social.

M. le rapporteur nous a également indiqué que près de 57 % des familles françaises étaient propriétaires de leur logement. Si je ne fais pas d'erreur de calcul, 57 % ôté de 100 %, cela fait 43 % : 43 % des familles sont donc locataires. Et là, on parle de 20 % ! Il faudrait peut-être aborder le vrai problème.

Dans mon département, au Havre ou à Rouen, on trouve beaucoup de logements locatifs vides. Pourquoi sont-ils vides alors que la demande a encore augmenté ?

Mme Michelle Demessine. C'est trop cher !

M. Charles Revet. Je prends les chiffres : en 2004, il y avait 45 000 demandes ; en 2005, on est passé à 46 000 demandes. Cela signifie que les gens souhaitent un autre cadre de vie que celui qu'on leur propose. Si nous voulons vraiment faire du social et répondre aux besoins des familles, c'est à ce problème que nous devons nous attaquer. Pourquoi n'y parvenons-nous pas ?

Sur ce point, nous rejoignons le problème du manque de foncier. En fait, les dispositions que nous prenons, non seulement ne libèrent pas de foncier, mais en outre créent de nouvelles contraintes. Cela fait dix ans que nous sommes confrontés à cette situation et que nous en parlons dans cette enceinte. La législature va bientôt se terminer et nous n'aurons pas apporté d'amélioration. Nous devons donc nous attacher à libérer du foncier en assouplissant les règles.

Je le répète, je suis partisan de l'accession sociale à la propriété, dont tout le monde s'accorde à dire que c'est une bonne chose. À partir du moment où une famille emprunte pour acheter son logement, c'est cette même famille qui continue à y vivre. Il faut donc lui laisser le temps d'assurer ses remboursements et, durant cette période, son logement doit être considéré comme du logement social.

M. le président. Monsieur Repentin, nous en arrivons à quatre amendements, dont vous êtes cosignataire et qui procèdent du même esprit. Souhaitez-vous les présenter en même temps ?

M. Thierry Repentin. J'allais vous le demander, monsieur le président.

M. le président. Les quatre amendements suivants sont donc présentés par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat,  Collomb et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 405 est ainsi libellé :

Dans l'antépénultième du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots :

cinq ans

par les mots :

un an

L'amendement n° 406 est ainsi libellé :

Dans l'antépénultième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots :

cinq ans

par les mots :

deux ans

L'amendement n° 407est ainsi libellé :

Dans l'antépénultième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots :

cinq ans

par les mots :

trois ans

L'amendement n° 408 est ainsi libellé :

Dans l'antépénultième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots :

cinq ans

par les mots :

quatre ans

Vous avez la parole pour présenter ces quatre amendements, mon cher collègue.

M. Thierry Repentin. L'amendement présenté par M. Revet a une logique : il vise à comptabiliser les logements acquis dans le cadre de l'accession sociale à la propriété dans les logements sociaux jusqu'à la fin du remboursement de l'emprunt. Il présente donc une date butoir reposant sur un élément tangible. Ce dispositif est donc plus fondé que celui qui nous vient de l'amendement de M. Ollier.

Nous avons cherché à savoir pourquoi la durée de cinq ans avait été retenue. Nous nous sommes demandé pourquoi ne pas prévoir quatre ans, trois ans, deux ans, voire une année, le temps, finalement, que les maires montent un programme locatif social. Tel est l'objet des amendements nos 405, 406, 407 et 408, grâce auxquels nous obtiendrons peut-être une explication.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 409 est présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat,  Collomb et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 502 rectifié est présenté par M. Dubois, Mme Létard, MM. Mercier,  Vanlerenberghe et  Détraigne, Mmes Morin-Desailly et  Dini et M. Portelli.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 409.

M. Jean-Pierre Sueur. Premièrement, on nous dit que l'accession sociale à la propriété est une bonne chose et qu'elle correspond au désir de nos concitoyens. Deuxièmement, on nous parle de l'impérieuse nécessité d'atteindre l'objectif de 20 % de logements sociaux - en fait, c'est plutôt de notre côté de l'hémicycle que cet objectif est affirmé.

Or nous ne comprenons pas pourquoi les logements acquis dans le cadre de l'accession sociale à la propriété devraient faire partie des 20 % de logements sociaux. Il est tout à fait possible de développer l'accession sociale à la propriété sans l'intégrer dans ce quota.

Mon cher collègue Revet, vous avez dit que cette notion avait un caractère éminemment social. Je voudrais vous faire observer que, quand le prix de l'immobilier est multiplié par deux en sept ans, quand le mètre carré atteint 2 500 à 3 000 euros dans les grandes agglomérations françaises et qu'il dépasse 5 000 euros à Paris et dans plusieurs communes franciliennes, l'accession à la propriété n'est plus très sociale. Tout au plus, peut-on parler d'accession aidée à la propriété.

Ne nous leurrons pas, le marché immobilier éloigne actuellement de la propriété une majorité de Français, malgré les dispositifs qui ont été mis en place. Ceux qui sont malgré tout parvenus à acquérir leur logement ont dû montrer patte blanche à leur banquier : ils ont dû faire valoir des revenus suffisants, prouver la stabilité de leur situation personnelle, voire solliciter leur entourage familial afin qu'il se porte garant. Tout cela, finalement, pour s'endetter très souvent jusqu'à un tiers de leurs revenus, c'est-à-dire le plafond légal, et pour des durées de prêt encore plus longues. Les prêts sur vingt-cinq ans sont désormais monnaie courante et ceux sur trente ans, voire au-delà, font une apparition florissante dans l'offre bancaire.

Comment dès lors pouvez-vous assimiler ces logements, acquis dans les conditions que je viens d'évoquer, à des logements sociaux ? Parmi les demandes de logement social, 70 % à 80 % émanent de personnes dont les revenus ne dépassent pas deux tiers des plafonds de ressources des PLAI. Ce sont ceux-là qui ont prioritairement besoin de logements sociaux, mais ils ne pourront pas accéder à la propriété. C'est donc d'eux qu'il faut parler, et c'est par rapport à leur cas que la règle des 20 % est absolument indispensable.

Pour autant, cela n'empêche pas de favoriser l'accession sociale à la propriété. Toutefois, aucun argument ne nous a été donné à ce stade du débat pour nous expliquer pourquoi celle-ci devrait se développer dans le cadre des 20 %. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC.)

J'ajoute que la disposition que notre amendement vise à supprimer permettrait de comptabiliser dans les logements sociaux l'accession à la propriété financée par des aides de l'État, dont le prêt à taux zéro. Or, je ne l'invente pas, les plafonds de ressources pour l'éligibilité à ce prêt ont été relevés à 6 000 euros en 2005 dans un certain nombre de cas. Comment concevoir qu'une disposition qui s'appliquera aux ménages dont les revenus sont de 6 000 euros soit considérée comme une aide aux personnes en difficulté cherchant un logement social ? C'est complètement absurde ; il n'est pas possible de continuer avec de tels faux-semblants !

Bref, nous sommes favorables à l'accession sociale à la propriété, mais en dehors des 20 % requis au titre de l'article 55 de la loi SRU. Il faudrait nous expliquer pourquoi vous proposez qu'il en soit autrement. Jusqu'à maintenant, personne ne nous a encore apporté cette réponse.

M. Robert Bret. Ils ne peuvent pas !

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l'amendement n° 502 rectifié.

M. Daniel Dubois. Cet amendement tend à supprimer la disposition introduite par les députés tendant à intégrer dans le décompte des 20 % de logements sociaux ceux qui sont financés au moyen d'une aide à l'accession à la propriété.

Mme la ministre nous a donné un certain nombre de chiffres et a précisé que ce gouvernement avait accompli un effort réel - ce qui est vrai - en augmentant de façon sensible le nombre de logements locatifs sociaux, qui est passé de 40 000 à près de 70 000, et le nombre global de constructions de logements, qui est passé de 300 000 à 400 000 et qui atteindra certainement le chiffre de 415 000 à 420 000 l'année prochaine.

En outre, elle nous a rappelé que 800 communes environ n'atteignaient pas le seuil des 20 % requis par l'article 55. Or celles-ci ont encore quinze ans pour atteindre l'objectif fixé par la loi SRU.

J'ai également noté que des propositions avaient été faites en ce qui concerne les communes qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, n'arrivent pas à atteindre l'objectif de 20 % de logements sociaux. Une commission pourra se réunir et permettre à ces communes de ne pas être taxées, ou d'être taxées différemment, surtout d'avoir un peu plus de temps pour tenir ces objectifs.

Je suis, moi aussi, extrêmement étonné par le dispositif qui nous est proposé.

Certes, nous sommes d'accord pour encourager le fonctionnement de l'ascenseur social en permettant à certaines familles d'acquérir leur logement et de garantir ainsi leur retraite. Mais il est nécessaire de trouver un équilibre entre le parc locatif et l'accession sociale à la propriété. Or intégrer cette dernière dans le pourcentage de logements prévus à l'article 55 de la loi SRU nous paraît une très mauvaise solution. En effet, ce dispositif remet en cause l'esprit même de cette loi, notamment son objectif de mixité sociale.

Par ailleurs, la question de l'accès à ce type de logement se pose. On le sait bien, les prix à la construction ont augmenté et les situations sociales ne se sont pas améliorées.

Il est, me semble-t-il, totalement déraisonnable de penser que les familles modestes pourront accéder à cette propriété, alors que, dans de nombreux cas, elles ne peuvent déjà pas supporter des loyers élevés.

Plus de 60 % des familles - dans certains quartiers, ce taux s'élève à 70 %, quand ce n'est pas à 90 % ! - ont des revenus qui leur permettraient de prétendre à un logement PLAI. De même, et ce dans la quasi-totalité des départements français, 90 % de la population serait susceptible d'obtenir un logement social.

Nous commettrions donc, j'en suis persuadé, une grave erreur en ne revenant pas sur le dispositif initial.

Certes, comme je l'ai déjà dit, nombre de maires rencontrent des difficultés. Mais les propositions qui sont faites permettront dans la plupart des cas d'y remédier. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de suppression, afin de revenir à l'état actuel du droit.

Je le répète, nous souhaitons trouver des solutions à la fois pour aider les communes qui éprouvent de sérieuses difficultés à remplir leurs obligations et pour encourager par d'autres instruments l'accession sociale à la propriété, qui répond, elle, à une tout autre finalité que l'objectif visé par l'article 55 de la loi SRU.

M. le président. Je suis maintenant saisi de quatre amendements présentés par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat,  Collomb et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n°410 est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots :

cinq ans

par les mots :

un an

L'amendement n° 411 est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots :

cinq ans

par les mots :

deux ans

L'amendement n° 412 est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots :

cinq ans

par les mots :

trois ans

L'amendement n° 413 est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation, remplacer les mots :

cinq ans

par les mots :

quatre ans

La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter ces quatre amendements.

M. Daniel Raoul. Ces quatre amendements ont le même objet : essayer de trouver une logique à la durée que prévoit l'article 5 bis B.

Je ne reprendrai pas la proposition de notre collègue, consistant à retenir la durée de remboursement du prêt contracté pour l'acquisition du logement. Je voudrais en revanche attirer votre attention, mes chers collègues, sur ce qui se passe dans ma ville.

Des opérations de vente ont été menées par la société d'économie mixte ou par l'OPAC. Nous nous sommes aperçus qu'au bout de cinq ans les nouveaux propriétaires étaient parfois incapables d'assumer les charges de leur logement en tant que propriétaires, à savoir les charges de copropriété. On observe alors une dégradation du logement à grande vitesse !

Certes, il faut aider, et sans doute favoriser, l'accession à la propriété. Mais ce n'est pas en intégrant les logements acquis au moyen de dispositifs d'accès à la propriété dans le quota des 20 % de logements sociaux que nous y parviendrons.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Daniel Raoul. Quoi qu'il en soit, il faut faire extrêmement attention. Lorsque les OPAC ou les sociétés d'économie mixte vendent des logements, il faut vérifier qui sont les acheteurs et s'ils disposent effectivement des moyens nécessaires. Seront-ils réellement capables d'assumer cette propriété ? Certes, en procédant à cet achat, ils seront en conformité avec leurs aspirations, ce que nous pouvons tous très bien comprendre dans cet hémicycle. Mais la véritable question porte sur leurs capacités financières.

En effet, à la Banque de France se trouvent de multiples fichiers de surendettement correspondant à des personnes qui ont acheté un logement à une société d'économie mixte et qui se retrouvent en situation de surendettement uniquement du fait des charges incombant au propriétaire.

Ainsi, en partant d'un bon sentiment, en cherchant à répondre à l'aspiration légitime de chacun d'accéder à la propriété, on risque de susciter des difficultés majeures et de placer des gens dans des situations impossibles. Je vous demande de bien réfléchir à cela, mes chers collègues.

M. le président. L'amendement n° 340 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 443-15-6 du code de la construction et de l'habitation par une phrase ainsi rédigée :

Dans ce cas, le taux visé au premier alinéa de l'article L. 302-5 est de 30 % des résidences principales.

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Il s'agit d'un amendement de repli.

Bien entendu, nous espérons que l'amendement n° 502 rectifié, qui vient d'être défendu par mon collègue M. Dubois, obtiendra un accueil favorable. Mais, dans l'hypothèse où ce ne serait pas le cas, nous souhaitons porter le taux de logements sociaux dans les communes visées à l'article 55 de la loi SRU à 30 %,...

M. Philippe Dallier. Et pourquoi pas à 40 % pendant que vous y êtes ?

Mme Valérie Létard. ...si le texte issu de l'amendement de M. Patrick Ollier, tendant à intégrer les logements financés par des aides à l'accession à la propriété dans le décompte des 20 % de locatifs sociaux, n'est pas supprimé.

En effet, l'Assemblée nationale ayant jugé bon de toucher à l'équilibre de l'article 55 de la loi SRU, il faut bien que le Sénat propose un réajustement afin que les objectifs indispensables de production de logements locatifs sociaux puissent être atteints dans des délais et des proportions mieux adaptées aux besoins de notre population.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Je vais essayer d'apporter un certain nombre de réponses aux questions qui nous ont été posées.

Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, la commission est naturellement défavorable à la suppression de l'article 5 bis B.

D'une part, la création dans les mairies d'un guichet unique consacré à l'accession sociale à la propriété, bien que peu normative, comme l'a fait remarquer notre collègue Thierry Repentin, nous apparaît comme une initiative intéressante.

D'autre part, l'intégration des logements en accession sociale à la propriété dans le quota des 20 % ne nous semble pas illégitime. En effet, de tels logements accueillent des personnes modestes au même titre que les logements locatifs sociaux.

À cet égard, vous avez évoqué le seuil des 6 000 euros. Je vous rappellerai que, dans la mesure où ce dispositif doit concerner les personnes modestes, que nous souhaitons amener à la propriété, Mme la ministre a déclaré que seuls les logements en accession sociale à la propriété pour les personnes dont le revenu est égal ou inférieur à celui du logement social seraient pris en compte.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas inscrit dans la loi !

M. Dominique Braye, rapporteur. Non, mais Mme la ministre nous l'a assuré à plusieurs reprises et ce sera fixé par décret. (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.)

M. Robert Bret. Avec quelle portée juridique ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Vous nous faites le même procès d'intention que celui que vous nous aviez fait s'agissant des constats de carence ! Après la réponse de Mme la ministre vous devez bien reconnaître que vous avez eu tort dans vos déclarations.

Aujourd'hui, je prends acte de vos propos et je vous dis que vous serez obligés d'admettre également que vous aviez tort. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. Ce sera comme pour le CPE !

M. Jean-Pierre Sueur. Là encore, la loi votée ne s'appliquera pas !

M. Dominique Braye, rapporteur. En outre, comme je l'ai dit dans mon rapport, cette disposition ne constitue pas, à mon sens, la panacée pour les communes soumises à l'article 55 de la loi SRU.

M. Gérard Delfau. Il ne faut pas la voter alors !

M. Dominique Braye, rapporteur. En effet, ces logements ne seront comptabilisés que pendant une période très courte, limitée à cinq ans,...

Mme Michelle Demessine. Alors à quoi cela sert-il ?

M. Dominique Braye, rapporteur. ...ce qui est la durée de lancement d'une opération.

À cet égard, j'invite tous les élus locaux à faire très attention avant de recourir à ce dispositif.

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi l'instituez-vous donc ?

M. Jean-Marc Todeschini. Ce sera comme pour le CPE, la loi ne sera jamais appliquée !

M. Dominique Braye, rapporteur. Veuillez me laisser terminer, je vous prie.

Par exemple, il ne faut surtout pas que les communes concernées consomment trop de foncier disponible pour ce type d'opération, afin de se mettre en règle avec l'article 55 de la loi SRU. Sinon comment feront-elles cinq après lorsque ces logements seront comptabilisés non plus au titre de l'article 55 de la loi SRU, mais comme des résidences principales, ce qui augmentera d'autant les obligations de ces collectivités locales en termes de logement social ?

Mme Michelle Demessine. Vous êtes très confus !

M. Dominique Braye, rapporteur. En fait, si nos collègues socialistes étaient réellement soucieux de logement social, ils adopteraient ce dispositif. En effet, au bout de cinq ans, les obligations des communes en termes de logement social s'en trouveront augmentées.

M. Jean-Marc Todeschini. C'est comme pour le CPE ; ils vont le retirer !

M. Dominique Braye, rapporteur. Et ces obligations supérieures aboutiront ipso facto à des constructions de logements sociaux plus importantes qu'au départ.

Mme Michelle Demessine. Il va falloir un traducteur !

M. Gérard Delfau. C'est grotesque !

M. Dominique Braye, rapporteur. Vous pouvez trouver cela grotesque, mais c'est mathématique ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

De toute façon, la commission estime que notre pays n'agit pas suffisamment en faveur de l'accession sociale à la propriété des ménages modestes. C'est pourquoi nous défendrons toutes les mesures qui permettront à un maximum de nos compatriotes d'accéder à la propriété, tout en gardant un parc social - je l'ai dit dans mon propos liminaire - pour ceux qui n'ont malheureusement pas les moyens de devenir propriétaires.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 22 et 401 tendant à supprimer l'article 5 bis B.

Vous nous avez interrogés sur les raisons pour lesquelles l'Assemblée nationale avait retenu une durée de cinq ans. La raison en est fort simple : les communes qui sont soumises à la loi SRU ont actuellement énormément de réticences à vendre leurs logements sociaux, puisque de ce fait leurs quotas diminueraient et leurs pénalités augmenteraient.

Or, comme nous le savons tous, il y a des parcs de logements sociaux, construits notamment dans les années soixante-dix - ce sont des parcs de bonne qualité, avec des loyers très peu chers -, dans lesquels le turn-over ne se fait absolument plus.

Mme Sylvie Desmarescaux. Tout à fait !

M. Dominique Braye, rapporteur. Ces logements sociaux ne jouent plus leur rôle, parce que leurs occupants dont la situation a changé et qui ont des revenus bien supérieurs aux plafonds autorisés ne cherchent pas à déménager.

Mme Michelle Demessine. Ils sont vraiment méchants !!

M. Dominique Braye, rapporteur. Ainsi, un nombre significatif de locataires préfèrent rester dans ces logements sociaux tout en acquérant une résidence secondaire, puisque le rapport qualité-prix des loyers dans de tels logements est manifestement très favorable.

M. Gérard César. C'est vrai !

M. Dominique Braye, rapporteur. Dès lors, ceux qui souhaitent véritablement défendre le logement social devraient être favorables à la vente de ces logements sociaux qui ne remplissent plus leur rôle, comme l'a très bien montré notre collègue Charles Revet. De fait, pour 1 logement vendu, nous pouvons construire, selon les cas, 1,6, voire 2,5 logements sociaux.

M. Gérard Delfau. Donnez plutôt cet argent aux offices HLM !

M. Dominique Braye, rapporteur. Et il s'agit de logements sociaux de nature différente, qui remplissent entièrement leur rôle ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Michel Mercier. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, avec l'autorisation du rapporteur.

M. Michel Mercier. Dans un souci de clarté, je voudrais simplement apporter une précision, monsieur le rapporteur.

Nous parlons de deux types de logements différents.

Pour ma part, je suis tout à fait d'accord pour intégrer dans les quotas de logements sociaux définis par l'article 55 de la loi SRU les logements sociaux existants que l'on vend à leurs occupants. C'est le cas que vous venez d'évoquer.

M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !

M. Michel Mercier. Un tel dispositif ne me pose aucun problème.

En revanche, il y a une deuxième catégorie. Dans le dernier alinéa de l'article 5 bis B tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, les logements neufs acquis au moyen d'une aide à l'accession à la propriété, notamment le prêt à taux zéro, sont, eux aussi, inclus dans le quota des 20 % de logements sociaux. Cela, c'est un tout autre sujet.

M. Michel Mercier. Monsieur le rapporteur, chacun peut avoir un avis, mais il faut l'exprimer clairement, pour que tout le monde puisse comprendre.

M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !

M. Michel Mercier. Pour ma part, je ne m'opposerai jamais à ce qu'un logement ancien construit dans les années soixante-dix avec le financement du logement social et que l'on vend aujourd'hui soit considéré comme un logement social. De ce point de vue, cet alinéa de l'article 5 bis B me convient parfaitement.

Mais l'alinéa dont nous demandons la suppression vise les nouveaux logements sociaux, construits par exemple avec le prêt à taux zéro, et qui entreraient pendant cinq ans dans le quota de 20 % défini par la loi SRU. Une telle disposition n'est, en effet, pas acceptable. Il ne s'agit plus en l'occurrence d'aider des locataires qui sont depuis longtemps dans des logements sociaux et qui désirent acheter, la vente de tels logements pouvant relever en effet d'une bonne gestion du patrimoine de la part de l'organisme de logement social. On s'adresse à ce moment-là à des personnes qui disposent de certains moyens et qui peuvent avoir accès à un prêt. Cela ne permet pas d'aider les plus pauvres à trouver un logement social.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur Mercier, je vous remercie de votre intervention et je vais essayer d'y répondre.

Je mets de côté la vente de logements sociaux existants pour centrer mon propos sur les logements neufs en accession sociale à la propriété.

Le problème est de fixer un niveau de revenus ; je demanderai à Mme la ministre de prendre un engagement sur ce point.

Au demeurant, mes chers collègues, ne trouvez-vous pas normal que des gens à qui leur niveau de revenus permettrait d'obtenir un logement social puissent bénéficier d'une accession sociale à la propriété et que les collectivités soient incitées à leur vendre des logements sociaux ?

Naturellement, si, comme le prétendent nos collègues socialistes, il s'agissait de revenus de 6 000 euros, je ne serais pas d'accord. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Mais si cette mesure peut permettre à des occupants de logements sociaux d'acquérir un statut de propriétaires avec les mêmes revenus que ceux qu'ils ont en tant que locataires,...

M. Jean-Marc Todeschini. C'est du rêve !

M. Dominique Braye. ... elle aura un effet positif.

M. Jean-Marc Todeschini. Vous y croyez sérieusement ?

Mme Michelle Demessine. Ce sont des bobards !

M. Jean Desessard. C'est pour les milliardaires !

M. Dominique Braye, rapporteur. Si nous pouvions donner la possibilité aux gens modestes ayant accès au logement social de devenir propriétaires, alors nous ferions, me semble-t-il, un grand pas dans la bonne direction.

M. Daniel Raoul. C'est de la poudre aux yeux !

M. Gérard Delfau. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Je vous en prie.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, avec l'autorisation de M. le rapporteur.

M. Gérard Delfau. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de me permettre, à mon tour, de demander un certain nombre de précisions.

D'abord, si Mme la ministre s'engageait formellement, au nom du Gouvernement, à fixer un plafond garantissant que ces logements seront vendus à des occupants ayant peu de moyens, ce serait, pour nous, un premier motif de satisfaction.

Ensuite, si une partie significative du produit de ces ventes servait à la construction de nouveaux logements sociaux, ce serait un deuxième motif de satisfaction. Plus exactement, le dispositif qui a été voté par l'Assemblée nationale serait moins déséquilibré. Vous le voyez, j'essaie de faire en sorte que, tous ensembles, nous trouvions un système équilibré.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur le fait que, selon des études qui viennent de paraître, un certain nombre de programmes de logements financés par le prêt à taux zéro, formule Robien, sont en train de fleurir dans des communes dans lesquelles il n'y a pas de besoins ! Ce que vous nous proposez est donc surréaliste : des logements financés par le prêt à taux zéro et ne correspondant pas à des besoins pourraient tout de même être comptabilisés dans le quota de 20 % de logements sociaux !

Monsieur le rapporteur, si vous voulez que nous comprenions où vous voulez aller réellement - cela ne signifie d'ailleurs pas que nous vous suivrons -, votre argumentation mérite d'être affinée.

M. le président. Veuillez poursuive, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je remercie M. Delfau de cette demande de précision, très intéressante, d'autant plus que, manifestement, ce débat dépasse les clivages dogmatiques et idéologiques et qu'il se déroule dans le souci de l'intérêt des plus modestes.

Vous l'avez compris, notre seul but est que les gens modestes, à qui leurs revenus permettent d'accéder au logement social, puissent devenir propriétaires et ne soient pas cantonnés au locatif social. Cela n'a donc rien à voir avec le dispositif Robien, qui est un produit de défiscalisation.

Ce dispositif, s'il a eu des effets très positifs,...

Mme Michelle Demessine. Mettez les chiffres sur la table !

M. Dominique Braye, rapporteur. ... en a eu également de négatifs. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons souhaité le modifier. Nous nous sommes en effet aperçus que les logements concernés n'étaient pas toujours construits au bon endroit et qu'ils ne convenaient pas forcément aux populations résidentes.

Je demande donc à Mme la ministre que tout soit fait pour que ces gens modestes qui ont accès au logement social puissent devenir propriétaires. En fait, je vous propose simplement, mes chers collègues, tous ensembles, de réaliser le rêve de plus de 80 % de nos concitoyens.

M. André Vézinhet. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous, à mon tour, de vous interrompre ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Comment pourrais-je vous le refuser, monsieur Vézinhet, alors que j'ai déjà accepté d'être interrompu deux fois ? (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. André Vézinhet, avec l'autorisation de M. le rapporteur.

M. André Vézinhet. Je vous remercie, monsieur le rapporteur.

Je n'ai pas l'intention de donner des leçons, mais cela fait désormais trente-cinq ans - c'est le hasard de la vie d'élu - que je m'occupe de logement social. J'ai, pendant quinze ans, présidé un important office d'HLM et été membre du comité directeur de l'union nationale des HLM. J'ai appris au moins une chose, c'est qu'il ne faut pas diaboliser le statut de locataire.

M. Dominique Braye, rapporteur. C'est vous qui le faites !

M. André Vézinhet. C'est un statut de grande dignité. Or faire miroiter à ce point l'accession à la propriété, c'est diaboliser le statut du locataire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Et c'est épouvantable ! Cela fait un moment que nous tournons autour de ce concept, et nous avons tort ! (Tout à fait ! sur les travées du groupe socialiste.)

Les besoins en locations doivent être satisfaits le plus largement possible. Ne mettons pas en oeuvre des pis-aller aboutissant à une réduction du nombre de locations ! Vous avez de la chance, monsieur Revet, d'avoir des logements HLM vacants car tel n'est pas le cas dans mon département. Nous devons donc avoir pour ambition d'accroître le nombre d'appartements en location.

Enfin, on dit que vingt ans seront nécessaires pour atteindre le quota des 20 %. Or, grâce au droit de préemption dont ils disposent, les maires peuvent, sur le seul mouvement des ventes et en changeant le statut des logements acquis, accroître leur nombre de logements sociaux et atteindre le quota de 20 %. (M. Philippe Dallier s'exclame.)

M. le président. Veuillez poursuive, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur Vézinhet, nous ne stigmatisons absolument pas le logement social. Nous voulons simplement que tous ceux qui souhaitent devenir propriétaires puissent l'être.

M. Jean Desessard. Augmentez les salaires !

M. Dominique Braye, rapporteur. N'oubliez jamais que, selon une étude européenne, les pays où l'on compte le plus de locataires sont les plus riches. Ainsi la Suisse compte-t-elle 30 % de locataires. Et les Suisses déclarent qu'ils ne veulent pas être propriétaires. Ils veulent la mobilité, ils la payent, ils l'ont ! La situation est la même en Allemagne.

M. Robert Bret. Parce qu'ils ont de bons salaires !

M. Dominique Braye, rapporteur. En revanche, c'est dans les pays où les gens ont manifestement le moins de moyens qu'il y a le plus de propriétaires.

Faisons donc en sorte que, chez nous, les gens les plus modestes puissent devenir propriétaires.

M. Pierre André. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous également de vous interrompre ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. le président. La parole est à M. Pierre André, avec l'autorisation de M. le rapporteur.

M. Pierre André. À ce stade du débat, un certain nombre d'éléments méritent d'être soulignés.

Aujourd'hui, nous campons sur des chiffres, notamment sur le quota de 20 %.

M. Charles Revet. Eh oui ! C'est absurde !

M. Pierre André. Depuis quelques semaines, c'est la période de préparation des cartes scolaires. On nous explique qu'il ne faut surtout pas tenir compte de l'arithmétique pour fermer les classes.

Mme Marie-France Beaufils. Pas « que » de l'arithmétique !

M. Pierre André. Faisons de même, mes chers collègues, s'agissant du logement. À quoi sert-il, en effet, de se fixer sur le pourcentage de 20 % ?

M. Bernard Frimat. On peut faire plus !

M. Robert Bret. C'est un plancher, on peut aller au-delà !

M. Pierre André. Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, mais, entre les chiffres et le discours sur la mixité sociale, il y a une différence ! Favoriser la mixité sociale, c'est aussi tirer nos quartiers les plus difficiles vers le haut, c'est aussi permettre l'accession à la propriété.

Mme Michelle Demessine. Nous sommes d'accord !

M. Pierre André. Je ne vois donc pas en quoi il serait gênant, dans notre pays, de permettre à un certain nombre de personnes - M. Charles Revet l'a très bien dit, je n'y reviens pas - de devenir propriétaires de logements ayant déjà été amortis.

Mes chers collègues, ceux d'entre vous qui sont membres de la mission commune d'information banlieues, en particulier ceux qui ont participé à un certain nombre de ses déplacements en Europe, ont pu constater comme moi, que ce soit au Royaume-Uni ou en Allemagne, que ces pays encouragent aujourd'hui les propriétaires aux revenus moyens et élevés à investir dans les quartiers les plus difficiles afin de favoriser la mixité sociale.

M. Jean Desessard. Nous voulons des logements sociaux dans les communes riches !

M. Pierre André. Ce n'est donc pas en créant des ghettos, en voulant absolument enfermer 20 % de personnes dans tel ou tel secteur...

M. Jean-Pierre Sueur. Le quota de 20 % est justement anti-ghetto !

M. Pierre André. ...que nous réglerons les difficultés que nous connaissons actuellement, notamment dans les quartiers les plus difficiles !

M. Jean Desessard. Construisez des logements sociaux à Neuilly !

Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le rapporteur, puis-je à mon tour vous interrompre ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Je vous en prie, ma chère collègue !

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, avec l'autorisation de M. le rapporteur.

Mme Sylvie Desmarescaux. Je vous remercie, monsieur le rapporteur.

Je suis étonnée des propos que tiennent mes collègues des travées situées à ma droite.

M. Robert Bret. Ce n'est pas un gros mot !

Mme Sylvie Desmarescaux. Je suis pour la mixité sociale. Dans la commune dont je suis maire, certaines habitations, qui appartiennent soit à la société Notre cottage, soit à la Maison flamande, sont occupées depuis douze ans par des locataires. Ceux-ci souhaitent aujourd'hui les racheter. Je leur ai proposé, pour que la commune reste au-dessus du quota de 20 %, d'acheter en accession sociale à la propriété d'autres maisons qui sont actuellement en construction.

Les maisons que leurs locataires voudraient racheter valent actuellement 800 000 francs ; les nouvelles qui sont en construction valent 1,1 million de francs. Si certains locataires pourraient peut-être y accéder, la plupart sont incapables de les acheter !

Pour ma part, je souhaiterais que l'on puisse donner aux locataires la possibilité de racheter les maisons qu'ils occupent (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)...

M. Jean-Marc Todeschini. Nous sommes d'accord !

Mme Sylvie Desmarescaux. Ne criez pas, respectez ceux qui ont la parole ! Je vous ai toujours respectés, faites de même !

Il faut donc permettre à ces locataires de racheter les maisons à 800 000 francs et nous autoriser à comptabiliser celles-ci dans le quota des 20 % pendant cinq ans.

Étant bloquée par les révisions des PLU, si ces maisons ne peuvent être comptabilisées dans le quota de 20 % de logements sociaux, je ne pourrai pas permettre à leurs locataires de les acheter, sinon je n'atteindrai plus ce pourcentage. Je serai obligée de dire aux personnes concernées, dont les demandes sont en attente - j'en ai signé quatre la semaine dernière -, qu'elles ne peuvent pas acheter leur maison parce que le Sénat n'a pas adopté l'amendement le permettant. Ces personnes, qui sont locataires de leur maison depuis dix ans ou douze ans, seront ainsi pénalisées et je pourrai vous dire merci, mesdames, messieurs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Michelle Demessine. Il faut réviser votre PLU !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 402, vous ne pourrez pas, monsieur Repentin, me suspecter d'être hostile à l'intercommunalité. Nous avons souvent plaidé de concert pour un renforcement de l'intercommunalité dans bien des domaines.

Pour autant, vous me permettrez de ne pas vous suivre concernant la possibilité d'instituer dans les EPCI le fameux guichet unique dans le cadre d'une procédure d'accession sociale à la propriété. En ce domaine, et tous les élus locaux le savent, la commune reste l'endroit de proximité par excellence. C'est naturellement vers les mairies et vers le maire que les administrés se tournent pour obtenir des informations à ce sujet.

Étant moi-même maire et président de communauté d'agglomération ayant la compétence logement, je constate tous les jours que ceux de nos concitoyens qui cherchent à se loger s'adressent beaucoup plus souvent au maire qu'au président d'EPCI.

Pour ces raisons, je ne peux pas donner un avis favorable à l'amendement n° 402.

S'agissant des amendements identiques nos  403 et 466, j'ai déjà largement développé les raisons qui me conduisent à être défavorable à la remise en cause de cette partie de l'amendement de M. Ollier.

La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n°  300 rectifié.

L'adoption de l'amendement n° 360 remettrait en cause le dispositif d'intégration de l'accession sociale à la propriété dans le décompte opéré au titre de l'article 55 de la loi SRU. Vous comprenez bien, pour les raisons que j'ai déjà largement développées, que je ne peux vous suivre dans votre proposition, monsieur Repentin. La commission a donc donné un avis défavorable.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 404.

Avec l'amendement n° 369 rectifié de M. Revet, les logements en accession sociale à la propriété seraient pratiquement comptabilisés de façon définitive dans le décompte prévu à l'article 55, puisque la durée de remboursement des prêts peut aller jusqu'à vingt ans. Or l'article 55 n'a vocation à s'appliquer que pendant une vingtaine d'années, puisque c'est le laps de temps dans lequel les communes doivent parvenir aux 20 % de logements locatifs sociaux.

Votre amendement, mon cher collègue, remet donc en cause l'équilibre qui me semble atteint avec l'amendement Ollier, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Je vous demande donc, pour toutes ces raisons, de bien vouloir le retirer, sinon, je donnerai un avis défavorable.

S'agissant des amendements nos 405, 406, 407 et 408, qui déclinent des durées d'un an à quatre ans, M. Repentin nous a dit avoir prévu ces différentes durées parce qu'elles correspondaient à la mise en place des opérations de substitution et de reconstruction. S'il a vraiment une solution pour reconstruire et remplacer des logements sociaux en un ou deux ans, qu'il nous la fasse connaître, ce sera une véritable découverte ! Nous sommes tous preneurs.

M. Thierry Repentin. Je parle des opérations qui sont en cours !

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous n'avons pas encore trouvé de telles solutions. Monsieur Repentin, si vous avez des exemples, montrez-les nous !

M. Thierry Repentin. Absolument !

M. Dominique Braye, rapporteur. Si, en un an, il est possible de décider d'une opération, de libérer le foncier et de construire, je le répète, nous sommes preneurs !

Donc, sur ces amendements qui me paraissent peu sérieux, la commission a émis un avis défavorable.

Il est d'ailleurs heureux que M. Repentin n'en soit pas arrivé à une notion infra-annuelle parce que, s'il nous avait proposé des amendements par mois, imaginez jusqu'où cela nous aurait entraînés ! Et si M. Ollier avait lui-même prévu une durée de dix ans, nous serions encore là, demain matin, à discuter de ces amendements.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 409 et 502 rectifié, la commission a émis un avis défavorable.

Monsieur Dubois, j'ai déjà longuement évoqué les raisons qui me conduisent à refuser ces amendements. J'espère vous avoir convaincu, ainsi que M. Mercier, sur l'intérêt qu'il y aurait à permettre à des personnes aux revenus modestes de devenir propriétaires. Ce serait le meilleur service que nous pourrions leur rendre.

S'agissant des amendements nos 410, 411, 412, 413, qui visent à modifier la durée de cinq ans pendant laquelle sont assimilés à des logements sociaux les logements financés au moyen d'une aide à l'accession à la propriété, la commission a émis un avis défavorable, que cette durée soit ramenée à un, deux, trois ou quatre ans.

M. Robert Bret. Et à cinq ans aussi ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Enfin, je demande à Mme Létard de bien vouloir retirer l'amendement n° 340 rectifié pour les raisons que j'ai déjà évoquées à propos de l'amendement n° 360 de M. Repentin.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. J'ai bien compris la volonté, qui a été exprimée par les uns et les autres, d'aider nos concitoyens aux revenus les plus modestes. Pour autant, vouloir aider ces personnes à devenir propriétaires ne signifie aucunement que l'on stigmatise le statut de locataire, qui est des plus honorables, et que personne ici, en tout cas pas le Gouvernement, ne souhaite diaboliser.

À propos du plafond de ressources, je peux d'ores et déjà prendre l'engagement qu'il sera inférieur au plafond de ressources pris en compte dans l'article 55 pour les logements locatifs sociaux. Pour être clair, ce plafond de ressources sera, dans tous les cas, inférieur à celui des PLS.

J'en viens aux différents amendements.

Je ferai une réponse commune pour les amendements nos  22, 401, 403, 466 et 300 rectifié, auxquels le Gouvernement est défavorable.

En effet, l'ensemble de ces amendements tendent à supprimer l'amendement Ollier adopté par l'Assemblée nationale assimilant à des logements locatifs sociaux pendant cinq ans, d'une part, les logements sociaux vendus à leurs occupants, et, d'autre part, les logements neufs en accession sociale sous plafonds de ressources.

L'amendement Ollier constitue une prise en compte très ciblée de l'accession à la propriété dans l'inventaire des logements sociaux détaillé à l'article 55. En aucun cas, il n'exonère les communes qui n'ont pas atteint le seuil de 20 % de leur obligation de construire des logements locatifs sociaux puisque l'assimilation est temporaire sur cette fameuse durée de cinq ans dont on a tant parlé.

Les plafonds de ressources de l'amendement Ollier seront, comme je viens de le dire, nécessairement inférieurs à ceux des PLS.

De plus, pour l'accession très sociale, les mensualités versées par l'accédant - il me paraît important de le rappeler - sont souvent inférieures au loyer qu'il supporterait en logement locatif social. Donc, l'assimilation de son logement à un logement locatif social au titre du décompte de l'article 55 n'est pas totalement anormale.

En ce qui concerne l'amendement n° 402 sur l'EPCI, je partage totalement l'avis du rapporteur. J'y suis donc défavorable.

L'amendement n° 360 prévoit d'appliquer l'amendement Ollier sur l'assimilation de l'accession sociale aux logements locatifs sociaux de l'article 55 uniquement dans les communes qui disposeraient de plus de 30 % de logements sociaux. Ce décompte de l'accession nous semble à la fois ciblé et temporaire. Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Dans l'amendement n°404 se retrouve la même idée de supprimer, dans l'amendement Ollier, la prise en compte pendant cinq ans des logements sociaux. La vente de leur logement HLM aux locataires est incontestablement une forme, certes minoritaire, de l'accession sociale à la propriété. Il faut permettre tant aux communes qu'aux organismes HLM qui veulent recourir à cette formule de pouvoir le faire sans être financièrement pénalisés par une augmentation du prélèvement prévu par l'article 55. Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 369 rectifié de M. Revet vise à assimiler les logements en accession sociale à la propriété à des logements locatifs sociaux pendant toute la durée du remboursement du prêt.

Si, évidemment, on comprend cette volonté d'aider nos concitoyens à devenir propriétaires, on peut aussi mesurer qu'une telle disposition induirait un effet de blocage sur une période assez longue, puisque ces prêts peuvent s'étendre sur vingt ou trente ans. Par conséquent, l'adoption de cette proposition conduirait à dissuader durablement les communes qui sont sous le seuil de 20 % de réaliser de nouveaux logements sociaux. Or nous avons grandement besoin d'une rotation plus rapide.

La durée de cinq ans est par ailleurs compatible avec la nécessaire reconstitution de l'offre locative sociale dans le cas de la vente HLM. C'est pourquoi, comme l'a déjà fait le rapporteur, je vous demande, monsieur Revet, de bien vouloir retirer cet amendement.

En ce qui concerne les amendements nos 405, 406, 407 et 408 visant à ramener le délai de cinq ans à un, deux, trois ou quatre ans suivant les amendements, je dirai que la durée de cinq ans est celle qui nous paraît la plus compatible avec la reconstitution de l'offre locative sociale. Pour autant, comme M. le rapporteur, le Gouvernement est preneur - pourquoi pas ? - d'une solution « clé en mains » en un an. À défaut d'une telle solution, le Gouvernement est défavorable à cette série d'amendements.

Les amendements identiques nos 409 et 502 rectifié visent à supprimer une disposition de l'amendement Ollier alors que celui-ci n'exonère en aucune façon les communes sous le seuil de 20 % de leur obligation de construire de nouveaux logements locatifs sociaux. On peut également relever que la prise en compte très ciblée de l'accession sociale à la propriété de logements neufs dans l'inventaire de l'article 55 peut contribuer à favoriser cette mobilité à l'intérieur du parc HLM. Ceux qui quittent le parc HLM permettent à d'autres d'y entrer.

La suppression du décompte de l'accession sociale à la propriété de logements neufs pendant cinq ans dans l'inventaire de l'article 55 nous paraît négative en termes de reconstitution de l'offre locative. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

En ce qui concerne la série des amendements nos 410, 411, 412, et 413, je tiens encore une fois à rappeler que l'amendement Ollier n'exonère nullement les communes sous le seuil de 20 % de leur obligation de construire de nouveaux logements locatifs sociaux.

Pour cette raison, alors même que cette mesure est susceptible de favoriser la mobilité à l'intérieur du parc locatif, donc de rendre le droit au logement plus effectif pour un certain nombre de demandeurs, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Enfin, à propos de l'amendement n° 340, qui tend à porter le seuil à 30 %, je répéterai que la prise en compte à la fois ciblée, équilibrée et temporaire de l'accession sociale dans l'inventaire de l'article 55 n'exonère en aucune façon les communes concernées par la loi SRU de leur obligation de construire de nouveaux logements sociaux. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote, sur les amendements identiques nos 22 et 401.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite revenir sur l'intervention qu'a faite notre collègue M. André tout à l'heure.

Monsieur André, vous avez terminé votre propos en disant - je pense ne pas trahir votre pensée - que vous étiez contre les ghettos. Vous l'aviez commencé en exprimant toutes les réserves que suscitait de votre part le seuil de 20 %, qui, selon vous, conduirait à des logiques de « ghettoïsation »

Votre raisonnement m'étonne véritablement.

C'est précisément parce qu'il y a des quartiers en voie de ghettoïsation qu'a été instaurée la règle des 20 %. Si la mixité sociale se faisait naturellement, spontanément, par le jeu du marché, par l'addition des choix individuels des différents acteurs, il n'y aurait pas eu besoin de la loi SRU. Il n'y aurait pas eu besoin d'édicter ce pourcentage de 20 %. C'est parce que nous risquons la ghettoïsation qu'il est impératif de mettre en oeuvre la règle des 20 %, si bien que celle-ci est d'ailleurs devenue un symbole.

Elle est le symbole de la mixité sociale que nous devons réaliser et pour laquelle toutes les communes doivent faire effort en accueillant les familles dont les revenus sont modestes. C'est très clair, c'est la loi.

Et précisément parce que cette loi est tellement justifiée, tellement nécessaire, il ne faut pas donner le sentiment qu'on va l'affaiblir, la remettre subrepticement en cause, la contourner. L'adoption de l'amendement Ollier a été perçue, par tous ceux qui oeuvrent dans le domaine du logement social, comme une sorte de réticence à l'égard de ces 20 %. Toutes les associations, les nombreuses personnes que nous avons entendues sur ce sujet l'ont perçue ainsi.

Dès lors, vous ne gagnerez rien à maintenir ce texte, parce que vous ne réussirez pas à expliquer cette réticence, pas plus que vous ne pourrez continuer à tenir le discours selon lequel vous êtes pour les 20 %.

L'accession sociale à la propriété conforterait les 20 % ? Quelle plaisanterie !

Lors de la première lecture de ce texte au Sénat, il n'a pas été question de l'accession à la propriété...

Mme Sylvie Desmarescaux. J'avais présenté un amendement sur cette question !

M. Jean-Pierre Sueur. ...dans ce cadre-là, madame Desmarescaux : on en a parlé à propos d'autres articles. Or, depuis cet après-midi, on ne parle que de cela, comme si le problème crucial du logement en France était soudain devenu celui de l'accession à la propriété !

Nous sommes prêts à parler de l'accession à la propriété, mais le fait de se servir de l'accession à la propriété pour remettre en cause ce symbole fort de la mixité que constituent les 20 % est un choix politique déplorable.

En tout cas, vous ne parvenez pas à soutenir le raisonnement censé justifier cette mesure, et si d'aventure celle-ci était mise en oeuvre, elle ouvrirait une brèche considérable dans une action qui est aujourd'hui un impératif dès lors qu'on veut éviter la constitution de ghettos.

Certains élus ou certains opérateurs présentent cette règle des 20 % comme une catastrophe, une calamité ; j'entends des discours qui ont cette tonalité. Mais ils ne correspondent en rien à la réalité : les logements sociaux que nous construisons aujourd'hui sont des logements de qualité, qui s'intègrent bien dans les villes et les quartiers. Et c'est une chance que de vivre ensemble !

Voilà le discours que nous devons tenir.

Alors, arrêtez avec cette histoire d'accession à la propriété qui vient gravement polluer et la forme et le fond du débat !

Je suis persuadé que l'ensemble de cette assemblée sortirait grandie si nous en finissions avec cette disposition en votant les amendements de suppression, ce qui nous permettrait de revenir, comme ce fut le cas lors de la première lecture au Sénat et pour les raisons fondamentales que nous avons exposées, à la loi SRU dans sa rédaction actuelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Je voudrais revenir en particulier sur l'exemple des logements du parc social construits dans les années soixante-dix.

Ma commune fait partie de celles de l'agglomération tourangelle où ils sont très nombreux. Y ayant moi-même vécu pendant vingt-deux ans, je crois pouvoir dire que je connais bien les logements de ce type.

Vous prétendez que ce sont des lieux où les gens ne bougent plus et ont envie de devenir propriétaires. Je ne vis sans doute pas dans les mêmes lieux que vous ! En tout cas, je ne connais pas les mêmes exemples que vous. En effet, les gens qui habitent ces logements sociaux des années soixante-dix, qui y vivent encore après que tous ceux qui y résidaient au début des années soixante-dix ont dû le quitter à cause de l'application du plafond de ressources qui a commencé à détruire la mixité sociale existante, y restent faute d'avoir les ressources suffisantes pour payer les loyers des nouveaux logements sociaux.

Demandent-ils à devenir propriétaires ? La question est beaucoup plus complexe : ils se demandent quelles seront leurs obligations en termes d'entretien et de remise en état et quel sera le niveau des charges, s'ils achètent leur logement, sachant qu'il est vieux de trente ans et que le parc social doit, aujourd'hui, assumer de lourdes obligations pour se mettre aux normes.

Il ne faut donc pas leurrer l'opinion en lui faisant croire que la grande ambition de ce texte, intitulé « engagement national pour le logement », est d'inviter les gens à devenir propriétaires de leur logement social. C'est se moquer du monde que de le prétendre et c'est encore se moquer du monde que de vouloir intégrer les logements ainsi rachetés par leurs locataires dans le quota des 20 % de logements sociaux.

J'ai vraiment l'impression de vivre dans d'autres lieux !

M. Gérard Delfau. C'est peut-être le cas !

M. Dominique Braye, rapporteur. Sûrement !

Mme Marie-France Beaufils. En effet, on ne sait jamais ! Il faut dire que ma commune compte 42 % de logements sociaux, ce qui n'est probablement pas le cas des communes de certains élus...

M. Dominique Braye, rapporteur. J'en ai 51 % dans la mienne !

Mme Marie-France Beaufils. Par ailleurs, il existe aujourd'hui une demande de logement social dont nous n'avons pas parlé. Les personnes âgées sont maintenant plus nombreuses et certaines d'entre elles, percevant une pension de retraite relativement modeste, ne peuvent plus assumer la charge financière que représente la propriété d'une maison, parfois avec jardin, ou même d'un appartement ; elles souhaitent donc avoir accès à un logement locatif. Le parc de logement social répond donc, là encore, à un besoin.

La proposition de M. Ollier avait, selon moi, pour seul objectif de contourner la règle des 20 % de logements sociaux, sans apporter la moindre réponse aux besoins qui sont aujourd'hui ceux des habitants de l'ensemble de nos communes.

En revanche, je ne saurais vous dire combien d'habitants de communes n'abritant pas ces 20 % de logements sociaux viennent s'installer dans les nôtres parce que l'offre en la matière y est plus large. Nous sommes en permanence saisis de telles demandes !

J'entends bien le raisonnement de Mme Desmarescaux quand elle explique que, si les gens ne peuvent pas acheter les maisons plus anciennes qu'ils occupent, ils ne pourront a fortiori pas en acheter de nouvelles. Mais, de toute façon, cet article ne résout en rien le problème : il y a cinq ou six ans, il était déjà possible de s'engager dans la construction de nouveaux logements sociaux et, si les logements existants ne permettent pas d'atteindre les 20 % alors que l'on envisage de vendre une partie du parc, c'est bien qu'il faut construire davantage pour anticiper la vente.

Je pense donc sincèrement que tous les prétextes qui nous ont été présentés pour sortir de la règle des 20 % ne servent qu'à justifier le refus de diversifier et d'augmenter l'offre de logement, notamment de logement social, dans un certain nombre de communes qui, aujourd'hui, n'atteignent pas le seuil de 20 % de logements sociaux.

J'ajoute que la mixité dans le parc de logement social ne pourra s'instaurer que si l'on améliore le revenu des locataires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Vézinhet, pour explication de vote.

M. André Vézinhet. Je dois dire que j'ai un peu le sentiment de revivre, à quelques jours d'intervalle, ce que j'ai vécu dans cette assemblée lorsque, à propos de la loi sur l'égalité des chances, nous avons débattu du CPE. Nous aurions pu dire, à gauche, que nous ne voulions pas en entendre parler. Au lieu de cela, nous avons joué le jeu du travail parlementaire, du moins ici puisque, à l'Assemblée nationale, l'application de l'article 49-3 ne l'avait pas permis.

M. Philippe Dallier. C'est faux !

M. André Vézinhet. Et, pour tenter d'améliorer ce dispositif, nous avons déposé quatre-vingt-quatre amendements, auxquels se sont ajoutés quelques amendements du groupe UC-UDF. Tous ont été repoussés, pratiquement sans discussion.

M. Philippe Dallier. C'est encore faux !

M. André Vézinhet. Aujourd'hui, nous visons un objectif vers lequel se tournent tous les regards parce qu'il répond à un impérieux besoin : la construction de logements sociaux.

Pour obtenir les avancées consenties par la loi SRU nous avons dû nous livrer, ici comme à l'Assemblée nationale, à un véritable parcours du combattant. Les remettre aujourd'hui en cause, c'est de nouveau braquer les feux de l'actualité sur la façon dont nous traitons ce problème social, qui est éminemment important pour les Français.

La dignité de citoyen tient essentiellement à deux conditions : l'emploi et le logement. Seule leur réunion permet à certains de retrouver cette dignité à laquelle, aujourd'hui, nombre de nos concitoyens ne peuvent prétendre parce qu'ils sont privés de logement.

Il est donc choquant de « mégoter » en grignotant sur les pourcentages, en agitant le miroir aux alouettes de l'accession à la propriété. Qui ne veut pas devenir accédant à la propriété ? Il suffit d'aller, comme nous l'avons fait, comme vous l'avez peut-être fait, interroger les habitants des cités ! Croyez-vous qu'il s'en trouvera un pour vous répondre qu'il ne souhaite pas devenir propriétaire ? La réponse est aussi prévisible que si vous leur demandiez s'ils seraient d'accord pour cesser de payer des impôts...

Je ne comprends donc pas comment nous pourrions refuser de voter ici, solidairement, que nous soyons de droite ou de gauche, des amendements qui servent une grande cause. Il est impossible de revenir sur un pareil acquis !

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Il est des sujets - à l'exemple du texte auquel André Vézinhet vient de faire référence et qui est aujourd'hui largement discuté dans la rue - sur lesquels la représentation parlementaire est parfois en complet décalage avec nos concitoyens, voire avec les élus sur le terrain.

M. Dominique Braye, rapporteur. Et les chefs des partis ?

M. Thierry Repentin. Ainsi, lorsqu'on demande à nos concitoyens leur avis sur la loi qui vient d'être promulguée, mais qui ne sera pas appliquée, ils manifestent leur désaccord.

Si je le dis, c'est qu'il ressort des sondages publiés au cours des trois derniers mois, y compris par le premier producteur de « logements de Robien », dont je ne citerai pas le nom pour ne pas lui faire de publicité, qu'entre 62 % et 68 % des maires et des Français interrogés estiment que la règle des 20 % de logement sociaux est la meilleure solution pour assurer la mixité sociale.

Nos concitoyens et les maires ont-ils tort ? Non, ils ont leur propre analyse, qui est peut-être différente de la nôtre. Quoi qu'il en soit, il se trouve une nette majorité de praticiens, les maires, et de simples acteurs de la vie quotidienne, nos concitoyens, pour parler d'une même voix. Dès lors, peut-on, sur la base d'expériences individuelles, remettre en cause une opinion aussi largement partagée ? La loi ne résulte pas de l'addition de quelques cas particuliers dont nous, parlementaires, pouvons avoir connaissance ; la loi doit aussi tenir compte de l'avis de nos concitoyens et de l'avis de ceux qui la mettent en application.

Par ailleurs, nous nous plaignons tous de l'absence de rotation dans le parc de logements HLM parce que, de ce fait, les commissions d'attribution ont de plus en plus de difficultés à répondre aux nouvelles demandes, ce qui explique d'ailleurs que de 1,3 million à 1,4 million de familles vivent dans l'attente d'un logement.

Il faut être conscient que, si nous favorisons la vente de logements HLM, l'accès à la propriété séduira surtout les familles qui vivent depuis longtemps dans le parc. Ce sont d'ailleurs ces mêmes familles, dont les enfants sont partis, que nous démarchons, escalier après escalier, pour les inciter, grâce à un arrangement local, à prendre un appartement plus petit et à libérer ainsi de la place pour les familles nombreuses.

Inutile de dire qu'en favorisant l'accession à la propriété du logement « habité » nous réduirons encore un peu possibilités offertes aux familles nombreuses à la recherche de grands logements puisque nous aurons installé durablement, en quelque sorte ad vitam aeternam, le couple dont les enfants habitent désormais ailleurs, le célibataire ou l'époux resté seul après le décès de son conjoint.

Enfin, je tiens à dire que la loi SRU a fixé, non pas un plafond, mais un plancher de 20 %. Pourquoi ce taux minimum ? Parce que, au moment de l'adoption de la loi SRU, en décembre 2000, la moyenne des logements sociaux en France était, dans les agglomérations, précisément de 20 % : personne n'a donc rien inventé !

Sans doute, dans certaines agglomérations, ce plancher est-il même trop bas. C'est pourquoi nous défendrons des amendements tendant à donner au représentant de l'État la possibilité de dépasser ce seuil dans les communes où la situation est très tendue.

J'ajoute que ce pourcentage doit être mis en perspective avec la vie et le revenu de nos concitoyens. Ne l'oublions pas, alors que 65 % d'entre eux peuvent prétendre à un logement social et sont en droit de nous le réclamer, nous ne leur en proposons, nous ne leur en assurons que 20 % du nombre total de logements !

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.

M. Pierre Hérisson. Notre collègue Thierry Repentin vient de faire état de statistiques, et je pense qu'il convient de les relativiser. La France, dois-je le rappeler, comprend 36 700 communes, dont 35 000 comptent moins de 3 500 habitants. Par conséquent, 82 % du territoire ne sont pas concernés par le taux de 20 % de logements sociaux.

Quant au grand spécialiste de l'application de la loi de Robien en France, je pense qu'il exploite des statistiques reposant sur des données fournies par l'ensemble des élus du territoire. Ces statistiques doivent donc être maniées avec grande précaution.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je vais vous faire une confidence : je ne me serais pas battu pour défendre l'amendement Ollier. Pour autant, je ne voterai certainement pas ces amendements de suppression !

Vous en appelez à la raison. Je crois être quelqu'un de raisonnable, mais, à vous écouter, chers collègues, je me demande si vous l'êtes ! Au cours des nombreuses heures que nous avons passées ici en première lecture, il a été dit et répété que les communes qui n'atteignent pas le seuil de 20 % de logements sociaux n'étaient pas nécessairement des communes riches, contrairement à ce que prétendait tout à l'heure encore M. Desessard. Je croyais que vous l'aviez compris ! Or nous entendons de nouveau, en deuxième lecture, le même discours, la même caricature !

De ma formation de « matheux », j'ai retenu un principe simple : il est souvent difficile de démontrer que quelque chose est vrai ; en revanche, pour démontrer que quelque chose est faux, il suffit de trouver un contre-exemple. Des contre-exemples, nous en avons cité, et je vous mets encore au défi de démontrer que ma commune est riche parce qu'elle n'abrite pas 20 % de logements sociaux !

Pourtant, vous persistez dans la caricature et vous invoquez les sondages : 62 % des Français seraient d'accord avec l'objectif de 20 % de logements sociaux. Moi aussi, je suis d'accord avec cet objectif ! Le problème, c'est que l'article 55 de la loi SRU, auquel vous tenez comme à la prunelle de vos yeux, est particulièrement injuste ! Mais vous n'en démordez pas, vous ne voulez pas évoluer, vous êtes aveuglés !

Mme Michelle Demessine. Ce qui est injuste, c'est qu'il n'y ait pas assez de logements sociaux !

M. Philippe Dallier. Il en va de même pour le contrat première embauche : vous êtes décidément passés maîtres dans l'art de faire prendre des vessies pour des lanternes ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Philippe Dallier. Vous avez fait croire aux jeunes que le CPE était synonyme de précarité. Pour ma part, je considère que 23 % de jeunes au chômage et 55 % en CDD, en stage ou en intérim représentent une plus grande précarité ! (M. Jean-Marc Todeschini proteste.)

Mme Michelle Demessine. Vous ne les avez pas convaincus !

M. Philippe Dallier. Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, puisque vous versez aujourd'hui de nouveau dans la caricature, je vous y laisse ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.

M. Gérard Delfau. Le sujet est trop important pour qu'on emploie des mots à mes yeux excessifs. (M. Philippe Dallier s'exclame.)

Au terme de ce long débat, je voudrais dire que la faiblesse de l'argumentation de M. le rapporteur, la brièveté et le caractère allusif des interventions de Mme la ministre nous confortent dans l'idée que, au fond, vous regrettez la position sage que le Sénat avait prise en première lecture de ne pas toucher au quota de 20 % inscrit dans la loi SRU.

Paradoxalement, nous débattons depuis le début de l'après-midi pour 800 communes qui ne respectent pas l'article 55 de ladite loi. Ces communes ont pourtant vingt ans devant elles pour se mettre en règle et, chers collègues Philippe Dallier et Sylvie Desmarescaux, nous avons collectivement admis qu'il pouvait y avoir des exceptions, comme il y en a à toute règle. Nous souhaitons simplement que ces exceptions soient traitées dans un souci de réalisme et d'équité.

Mais le problème n'est pas là, du moins pour ceux d'entre vous qui s'expriment parfois avec véhémence : vous voulez sauver les quelques dizaines de hiérarques de droite qui, poussés par - ou poussant - leur population très ciblée, ne veulent en aucun cas respecter un principe qui est finalement entré dans l'opinion publique !

C'est dommage pour le pays, mais aussi pour le secteur associatif qui se dévoue pour le logement social. Le retentissement sera en effet considérable dans les municipalités.

Chers collègues de la majorité, la symbolique est si forte que ce vote pourrait bien avoir un effet équivalent à celui de la baisse de l'impôt sur les grandes fortunes en 1996 : la même logique vous guide, elle aura le même impact politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Bien entendu, je ne retirerai pas mon amendement, car, selon moi, la notion d'équilibre est essentielle en matière de logement. Sur cette question, j'essaie toujours de faire prévaloir la raison et, je le répète, le fait de prévoir deux logements locatifs sociaux pour un total de dix logements me semble correspondre à un juste équilibre.

J'ai bien compris ce que disait M. Philippe Dallier au sujet des communes qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, n'arrivent pas à atteindre l'objectif des 20 %. Des amendements ont été déposés pour que ces problèmes puissent être traités dans le cadre d'une commission départementale.

J'adhère pleinement aux propos de notre collègue Pierre André : la mixité n'existe plus dans certains quartiers et il faut retrouver de la diversité, notamment par le biais de la vente de logements aux locataires. Le président de notre groupe, M. Michel Mercier, l'a dit tout à l'heure, nous n'y sommes pas du tout hostiles.

En revanche, nous sommes résolument opposés à la remise en cause de l'équilibre de l'article 55 de la loi SRU, à son fondement même, par l'intégration de la construction de logements sociaux en accession à la propriété. Cela ne correspond pas à l'équilibre sociologique des collectivités, à leur vie même. Franchement, j'ai du mal à imaginer comment une commune peut fonctionner sans logement locatif social !

Je vais réaliser sept logements sociaux dans une commune rurale de 300 habitants, et avec bien des difficultés, car je peine à convaincre certains collègues que les communes rurales doivent bénéficier des mêmes avantages que les communes urbaines.

N'oublions pas qu'il faut de toute façon réaliser des équipements publics, qu'il y a des jeunes qui ne peuvent accéder à la propriété : c'est dans la perspective d'une cohérence globale de la vie de la commune qu'il faut envisager ces 20 % de logements locatifs sociaux. Nous pouvons en convenir honnêtement, cela correspond à l'équilibre nécessaire d'une vraie vie en communauté. Nous pourrions sans doute faire mieux, mais, en tout état de cause, si nous faisions moins, nous ne répondrions pas aux attentes des populations de nos communes ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Je voudrais réagir brièvement à l'intervention de M. Philippe Dallier. Qui se sent morveux se mouche ! Certaines communes n'abritent que des pavillons et n'ont aucun logement collectif sur leur territoire. Alors, que l'on ne vienne pas nous donner des leçons !

Dans une démarche républicaine, j'invite mes collègues de droite à voter ces amendements de suppression, afin de respecter l'engagement solennel pris par le Président de la République au mois de novembre dernier. Au-delà des grandes déclarations, je les enjoins de passer à la pratique et de conserver l'article 55 de la loi SRU dans toute son intégrité. Peut-être vont-ils se reprendre !

M. Philippe Dallier. Je me sentirais « morveux » de ne pas appeler mon collègue à plus de correction !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 401.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 161 :

Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 296
Majorité absolue des suffrages exprimés 149
Pour l'adoption 128
Contre 168

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 402.

M. Thierry Repentin. La discussion qui vient de se dérouler a bien mis en relief deux conceptions politiques différentes quant à ce qu'il semble nécessaire de faire pour répondre à la demande de logement de nos concitoyens.

Avec l'amendement n° 402, j'ai le sentiment qu'il s'agit entre nous d'une incompréhension technique et non d'une divergence politique.

Selon le texte actuel du projet de loi, il est institué un guichet unique « dans les communes qui le souhaitent ».

Je l'ai déjà dit, cette disposition n'a pas de caractère normatif et, par conséquent, elle n'a pas forcément sa place dans un texte de loi. Si le législateur veut néanmoins l'inscrire, nous en prenons acte.

Il reste que cette disposition ne peut s'appliquer qu'aux communes qui ne sont pas membres d'une intercommunalité ayant pris la compétence logement. En effet, d'après la loi de 1999 sur l'intercommunalité, que le Sénat a votée, l'intercommunalité fonctionne sur le principe de spécialité. Dès lors qu'une compétence est transférée, elle l'est complètement. Cela signifie qu'une municipalité faisant partie d'un EPCI doté de la compétence logement ne peut plus, en droit, mettre en place des actions en matière de logement.

Il se pourrait donc très bien qu'une commune souhaite effectivement se voir dotée d'un guichet unique sans avoir le droit de le demander puisqu'une telle demande doit émaner de l'intercommunalité !

En conséquence, si les mots « ou les établissements publics de coopération intercommunale » ne sont pas inscrits après les mots « les communes », ce projet de loi n'ouvrira pas la possibilité aux EPCI qui le souhaiteraient - et il y en aura sûrement - de mettre en place un guichet unique logement. Pourquoi les priver de cette capacité en la réservant aux communes ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 402.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 403 et 466.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 162 :

Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 296
Majorité absolue des suffrages exprimés 149
Pour l'adoption 127
Contre 169

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 300 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 360.

M. Thierry Repentin. Si cet article est adopté en l'état par le Sénat, les logements vendus à leurs occupants pourront désormais être comptabilisés dans le quota des 20 % de logements sociaux.

M. Pierre Hérisson. Vous avez dit qu'il n'y en avait pas assez !

M. Thierry Repentin. Il y en a effectivement relativement peu !

Dans la suite logique de notre argumentation, nous souhaiterions donc que cette possibilité, puisque tel est le souhait du législateur, soit exclusivement réservée à des communes ayant, par le passé, joué le jeu de la solidarité.

Pour cette raison, nous proposons de limiter cette possibilité aux communes qui disposent d'au moins 30 % de logements sociaux. De la sorte, déduction faite des logements locatifs qui auront été vendus, il restera néanmoins une part significative de logements locatifs sociaux. Les habitants de ces communes pourront ainsi espérer accéder un jour au logement locatif ou simplement changer de logement locatif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 360.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 163 :

Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 270
Majorité absolue des suffrages exprimés 136
Pour l'adoption 101
Contre 169

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 404.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 164 :

Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 288
Majorité absolue des suffrages exprimés 145
Pour l'adoption 127
Contre 161

Le Sénat n'a pas adopté.

Monsieur Revet, l'amendement n° 369 rectifié est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Je vais, bien entendu, retirer mon amendement. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.).

Vous vous apprêtiez sans doute à le voter, chers collègues !

M. Robert Bret. Sinon à le reprendre ! (Sourires.)

M. Charles Revet. Tout à l'heure a été faite la distinction entre logements locatifs vendus aux locataires et l'accession sociale à la propriété avec plafond de ressources. Dans quelle catégorie, madame la ministre, faut-il placer la location-accession, qui voit le locataire ne devenir propriétaire en titre qu'au terme de ses remboursements ? Est-ce dans la catégorie dite des « cinq ans » ou dans celle des logements locatifs, jusqu'à l'apurement des comptes ?

Ce mode d'accession à la propriété me semble être celui qui sécurise le plus les personnes qui souhaitent devenir propriétaires, en particulier lorsqu'il s'agit de familles modestes, et j'ai cru comprendre qu'il était dans les intentions du Gouvernement de le développer. Il serait donc intéressant, madame la ministre, que vous nous précisiez de quelle catégorie relèvent ces logements.

Mme Michelle Demessine. Cinq ans seulement !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Il ne serait pas illogique que les logements en location-accession sociale soient comptabilisés dans les 20 % pendant la durée de la phase locative, soit quatre à cinq ans en moyenne.

M. Charles Revet. Mais leurs occupants ne sont pas propriétaires ! Ils ne le deviennent qu'au dernier remboursement !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Oui, mais en tant que logement locatif social !

M. le président. L'amendement n° 369 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 405.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 406.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 407.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 408.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 409 et 502 rectifié.

M. Thierry Repentin. Je voudrais insister une nouvelle fois sur les difficultés auxquelles se heurtent aujourd'hui certains maires quand ils veulent construire des logements sociaux. Ils doivent vraiment avoir d'une volonté à toute épreuve ! Dès lors que l'on en émet ne serait-ce que l'idée, avant même que le permis de construire soit signé, on est très largement sollicité par le voisinage immédiat, voire par les habitants des rues environnantes, qui viennent s'inquiéter, se demander si leur propre bien ne va pas être dévalorisé... Qui n'a jamais entendu cela dans sa permanence ?

M. Gérard Delfau. Bien sûr !

M. Thierry Repentin. Que se passera-t-il si nous ne modifions pas cet article 5 bis B, résultant de l'adoption de l'amendement Ollier par l'Assemblée nationale ? Lorsqu'un organisme de logement social opérant également dans l'accession à la propriété signera dans une commune le compromis de vente d'un terrain et que le maire sera lui-même sollicité par certains de ses concitoyens, offusqués qu'il accepte sur son territoire des logements locatifs, l'organisme en question n'aura finalement qu'une réponse à apporter : « Monsieur le maire, si vraiment les logements locatifs sociaux font peur à vos concitoyens, je vous propose de les réaliser en accession à la propriété, ce qui ne vous empêchera pas de les prendre néanmoins en compte dans les 20 % de logements sociaux ! »

M. Thierry Repentin. C'est une solution de facilité qui sera ainsi offerte ! Or, je le rappelle, l'article 55 de la loi SRU visait à encourager la réalisation de logements locatifs sociaux.

Les familles qui viendront habiter les logements en accession à la propriété seront-elles du même type que celles qui auraient occupé les logements locatifs sociaux initialement prévus par l'organisme ?

M. Thierry Repentin. Qui pourrait, en son âme et conscience, l'affirmer ? Personne !

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Cet amendement est important parce qu'il nous permet de bien montrer ce que nous voulons vraiment.

Je souhaite en préalable affirmer clairement que nous sommes tout à fait favorables à l'accession sociale à la propriété. C'est même un parcours fréquemment suivi par nos concitoyens : d'abord locataires dans le secteur social, ils souhaitent ensuite pouvoir recourir à l'accession sociale à la propriété et enfin, s'ils le peuvent, s'ils le veulent, changer de logement. Nous ne nourrissons donc pas la moindre hostilité à l'égard de l'accession sociale à la propriété.

Il faut cependant prendre en considération l'ensemble des demandes qu'expriment nos concitoyens. Une grande partie des demandeurs, et c'est heureux, ont déjà un logement, mais désirent en changer parce qu'ils se considèrent comme mal logés. En outre, en dépit de l'effort réel consenti par le Gouvernement ces dernières années en matière de financement du logement social, les demandeurs de logement locatif sont aujourd'hui très nombreux, et ce pour des raisons toutes simples : le prix de la construction, le coût du logement locatif non aidé font que beaucoup de nos concitoyens appartenant aux classes moyennes n'ont plus accès à ce secteur.

Si l'on rapporte le nombre de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants au nombre total de logements dans ces mêmes communes, on arrive grosso modo à la proportion de 20 % pour ces derniers. Le problème n'est donc pas seulement de savoir combien de logements supplémentaires il faut construire : c'est véritablement celui de notre « vivre-ensemble » qui est posé. Sommes-nous capables, dans ce pays, de vivre ensemble même sans avoir le même niveau de revenu, les mêmes façons de vivre ? Devons-nous au contraire nous répartir dans des communautés que séparent l'argent ou bien d'autres critères ? C'est là une vraie question, et nous devons y répondre.

Pour notre part, nous demeurons fidèles au modèle social français, qui nous conduit à vivre ensemble quels que soient notre origine, notre culture et notre niveau de revenu. C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il nous faut aller vers cette proportion de 20 % et implanter des logements sociaux partout.

Il est indéniable que certaines municipalités rencontrent des difficultés réelles dont il faut que nous sachions tenir compte : une commune peut ne pas avoir de terrains disponibles en raison de la présence de monuments historiques, des caractéristiques du sous-sol, etc. Certains cas particuliers doivent êtres considérés comme tels, et j'espère bien que l'amendement que nous présentera tout à l'heure le rapporteur, au nom de la commission, au sujet de la création de la commission départementale déjà évoquée nous permettra de résoudre ce problème.

L'amendement adopté par l'Assemblée nationale et qui est devenu l'article 5 bis B se divise en deux parties.

La première concerne le guichet unique, et le rapporteur a signalé tout l'intérêt qu'elle présente, même si l'on n'est pas tout à fait sûr du caractère législatif de cette disposition. Nous verrons si le Conseil constitutionnel veut se prononcer sur cette question.

La seconde partie vise à définir les logements sociaux à comptabiliser au titre des 20 %. À cet égard, deux idées sont retenues.

Constitueraient d'abord des logements entrant dans les 20 % les logements sociaux anciens dont les locataires veulent se porter acquéreurs : c'est le cas qu'évoquait tout à l'heure Mme Desmarescaux. Nous sommes tout à fait d'accord pour considérer que ces logements-là doivent entrer dans les 20 %.

Sont ensuite visés les logements nouveaux en accession sociale à la propriété - à laquelle, je le répète, nous sommes tout à fait favorables - dont le financement et la construction seraient effectifs après le 1er juillet 2006.

Est-il besoin de rappeler ce qu'est aujourd'hui dans notre pays la demande de logements sociaux ? Est-il besoin de dire combien il est urgent d'y répondre ? Je note d'ailleurs, madame la ministre, que le Gouvernement consacre beaucoup de crédits à la construction de logements locatifs sociaux. Mais il faudrait qu'il nous dise en même temps où seront implantés ces nouveaux logements sociaux ! On ne va quand même pas les construire dans les communes qui comptent déjà 40 %, voire 50 % de logements sociaux !

M. Michel Mercier. Ce serait vraiment se créer de nouveaux problèmes !

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Michel Mercier. Le Gouvernement ne peut pas à la fois mener une politique de construction de logements locatifs sociaux et ne pas dire où il va les installer !

M. Michel Mercier. Je suis sûr, madame la ministre, que, dans un souci de mixité sociale, vous préféreriez, comme le disait tout à l'heure M. Pierre André, les construire dans les communes où il y a moins de logements sociaux.

À travers notre amendement n° 502 rectifié, nous reconnaissons donc que le Gouvernement fait un effort considérable en faveur de la construction de logements sociaux - un effort tel qu'il y en a rarement eu auparavant -, mais nous disons que ces logements sociaux, il faut bien les installer quelque part. Nous sommes tout à fait d'accord pour aider les locataires qui veulent acheter, mais on ne peut pas faire entrer dans le seuil de 20 % des logements qui ne relèvent pas du domaine social.

Cet amendement nous semble être un amendement de bon sens, à la fois efficace et respectueux du modèle social français, car, s'il n'y avait pas ce seuil de 20 %, l'effort du Gouvernement en matière de financement ne serait qu'un voeu pieux. Nous souhaitons, quant à nous, qu'il devienne une réalité. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur certaines travées du RDSE. - Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.

M. Pierre Jarlier. Nous avions adopté ici en première lecture, après un long débat, une position de sagesse en maintenant l'architecture de l'article 55 de la loi SRU. J'avais d'ailleurs soutenu cette position d'équilibre en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois.

Il avait même été convenu qu'en deuxième lecture, grâce à la contribution d'un groupe de travail, nous pourrions proposer, d'une part, d'assouplir le dispositif pour tenir compte des réalités locales et, d'autre part, de le renforcer pour inciter les communes récalcitrantes à construire des logements sociaux. C'est le sens des amendements que proposera la commission des affaires économiques et que je soutiendrai.

L'amendement de M. Ollier qu'a adopté à l'Assemblée nationale vise en particulier à atteindre plus facilement le seuil de 20 % de logements sociaux, sans pour autant augmenter l'offre locative sociale, en intégrant l'accession sociale à la propriété.

Il a une double conséquence : d'une part, il augmente la part des logements en accession sociale, ce qui, sur le fond, est plutôt positif et à quoi on ne peut qu'être favorable, mais, d'autre part, il diminue en valeur absolue l'offre locative dans la commune, ce qui aura pour effet de ralentir le rythme de construction de ce type de logements à un moment où notre pays en a le plus grand besoin.

En outre, le dispositif prévu imposera à la commune d'augmenter a contrario plus fortement le nombre de logements locatifs au bout de cinq ans pour respecter l'objectif fixé par la loi SRU, puisque le nombre total de logements de la commune augmentera à la suite de l'impulsion donnée à l'accession.

Or, aujourd'hui, la priorité est d'améliorer le plus rapidement possible les conditions de logement des plus démunis, et donc l'offre locative.

Telle est la raison pour laquelle je voterai l'amendement n° 502 rectifié, qui vise à exclure du champ de l'article 55 les logements financés au moyen d'une aide à l'accession à la propriété et à revenir ainsi à l'équilibre du texte initial de la loi SRU. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Ces amendements identiques sont les plus importants de ceux que nous aurons examinés au cours de la présente séance, car, s'ils sont adoptés, ils feront pratiquement disparaître l'amendement Ollier et ils mettront fin, j'y insiste, à ce qui a été perçu comme une honte par un grand nombre d'acteurs du logement social dans notre pays.

Souvenez-vous des mots que j'ai cités tout à l'heure : « On nous a menti ».

Ce qui est en cause dans cette affaire, c'est l'engagement solennel pris par le Président de la République en faveur de la mixité sociale et pour le logement social.

Mes chers collègues, si vous considérez qu'il faut mettre en oeuvre cette mixité sociale dont la loi SRU et son article 55 sont devenus le symbole, il faut voter ces amendements, quelle que soit votre appartenance politique, car ce sera très important pour l'idée même du logement social dans notre pays et pour la place qui doit être la sienne dans l'ensemble de nos communes.

J'espère donc vivement, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que ces amendements seront adoptés par notre Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 409 et 502 rectifié.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe UC-UDF.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 165 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 171
Contre 157

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste du groupe CRC et du groupe UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

En conséquence, les amendements nos 410, 411, 412, 413 et 340 rectifié n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 5 bis B, modifié.

Mme Michelle Demessine. Le groupe CRC s'abstient.

M. Thierry Repentin. Le groupe socialiste également.

(L'article 5 bis B est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Article 5 bis B (priorité) (début)
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Discussion générale

8

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Roland Muzeau, Guy Fischer, Mmes Gélita Hoarau, Eliane Assassi, Nicole Borvo Cohen-Seat, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Thierry Foucaud, Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon-Poinat, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera, Jean François Voguet, François Autain et Pierre Biarnès une proposition de loi visant à abroger le contrat de travail « nouvelles embauches ».

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 288, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi visant à accorder une majoration de pension de retraite aux fonctionnaires handicapés.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 289, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Roland Muzeau, Guy Fischer, Mmes Eliane Assassi, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, M. Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon-Poinat, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera, Jean-François Voguet, Pierre Biarnès et François Autain une proposition de loi tendant à l'abrogation du contrat « première embauche » et du contrat « nouvelles embauches ».

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 290, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes pour la fourniture d'informations de base sur les parités de pouvoir d'achat et pour leur calcul et diffusion.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3107 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Lettre de la Commission européenne du 28 mars 2006 relative à une demande de dérogation présentée par la République hellenique, en application de l'article 27 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires. Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - assiette uniforme.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3108 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne, en application du point 3 de l'accord interinstitutionnel du 7 novembre 2002 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur le financement du Fonds de solidarité de l'Union européenne complétant l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3109 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil sur l'adoption, au nom de la Communauté européenne du protocole sur la protection des sols, du protocole sur l'énergie et du protocole sur le tourisme de la convention alpine.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3110 et distribué.

10

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Didier Boulaud un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur les relations de l'Albanie et l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine avec l'Union européenne.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 287 et distribué.

11

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 5 avril 2006, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 188, 2005-2006), modifié par l'Assemblée nationale, portant engagement national pour le logement ;

Rapport (n° 270, 2005-2006) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques ;

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole

Question orale avec débat (n° 12) de M. Gérard César à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la crise de la filière viticole française ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 11 avril 2006, à dix-sept heures.

Question orale avec débat (n° 14) de M. Dominique Mortemousque à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences économiques de l'épidémie de grippe aviaire sur la filière avicole ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 11 avril 2006, à dix-sept heures.

Question orale avec débat (n° 15) de M. Jean Puech à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur les difficultés éprouvées par les collectivités territoriales dans l'accès aux informations ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 11 avril 2006, à dix-sept heures.

Question orale avec débat (n° 16) de M. Guy Fischer à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement sur les conditions de transfert du revenu minimum d'insertion aux départements ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 11 avril 2006, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 5 avril 2006, à zéro heure quarante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD