Art. 15
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
Art. 16

Articles additionnels après l'article 15

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 311-1 du code du travail, après les mots : « chargés de l'emploi » sont insérés les mots : « et de l'égalité professionnelle ».

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous voulons attirer votre attention, mes chers collègues, sur la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale et plus précisément sur les conséquences de l'article L. 311-1, définissant les composantes du service public de l'emploi.

Dans cet article, le service des droits des femmes et de l'égalité n'est plus identifié comme participant du service public de l'emploi. Ce changement interpelle, sachant que, depuis la mise en oeuvre de la déconcentration et de la globalisation des moyens de lutte contre le chômage de longue durée et d'action en faveur de l'insertion des publics en difficulté, il est inscrit que le service des droits des femmes et de l'égalité doit être associé régulièrement à la préparation et au pilotage du programme globalisé de la politique de l'emploi. Cette participation a d'ailleurs permis la définition d'un objectif de résultat quantifié visant à réduire le chômage de longue durée des femmes.

Cette orientation, définie depuis 2001 dans la stratégie d'action du service public de l'emploi, est à ce titre conforme aux engagements pris au travers des plans nationaux d'action pour l'emploi. Il est par conséquent fondamental que le service des droits des femmes et de l'égalité reste membre à part entière du noyau dur du service public de l'emploi en tant que garant de la mise en oeuvre de l'approche intégrée de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Par cet amendement, nous souhaitons donc revenir sur la disposition de l'article L. 311-1 et tout mettre en oeuvre pour donner toutes les garanties juridiques et pérenniser l'action du service des droits des femmes dans le nouveau service public de l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. Le projet de loi comporte déjà des dispositions sur la sensibilisation des maisons de l'emploi et l'objectif de parité. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Alain Gournac, vice-président de la commission. Attendez la suite !

Mme Esther Sittler, rapporteur. Toutefois, associer les services chargés des droits des femmes est utile. La commission est donc favorable à cet amendement.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.

M. Robert Bret. C'est louche ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15.

L'amendement n° 48, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 322-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé

« Le salarié à temps partiel bénéficie en priorité d'un droit d'affectation aux emplois à temps plein vacants ou créés par son employeur qui requièrent une qualification équivalente. »

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Ce projet de loi ne s'attaque malheureusement pas au problème du temps partiel subi, dont nous avons beaucoup parlé aujourd'hui.

Or le temps partiel subi implique un rythme de travail irrégulier, souvent difficilement conciliable avec les tâches d'une mère de famille, et entraîne une faible protection sociale. Il est aussi l'une des causes des écarts de salaire entre les hommes et les femmes.

C'est pourquoi un projet de loi qui se donne pour objectif de réduire les écarts de rémunération doit s'attaquer au temps partiel subi, même si ce thème exige, nous l'avons compris, un travail de réflexion et d'approfondissement.

Le Gouvernement a certes pris l'engagement de réunir les partenaires sociaux sur ce thème. Mais pourquoi ne pas profiter de cette loi pour définir des mesures visant à résorber le temps partiel subi par les femmes ?

C'est pourquoi, avec cet amendement, nous proposons que, dès lors qu'ils requièrent une qualification équivalente, les salariés à temps partiel bénéficient en priorité d'un droit d'affectation aux emplois à temps plein vacants ou créés par l'employeur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. La commission est favorable au principe de cet amendement, qui procède de la même philosophie que son amendement n° 16. Toutefois, l'article L. 322-12 du code du travail n'existant plus, madame Morin-Desailly, votre amendement n'a plus d'assise. Or vous ne l'avez pas rectifié, comme nous vous l'avions demandé ce matin, afin qu'il puisse être inséré à un autre endroit...

M. Roland Muzeau. Il faut l'intégrer !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, monsieur le président.

M. Robert Bret. Oh là là ! C'est tout dire !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 83, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la dernière phrase de l'article L. 321-2-1 du code du travail, les mots : « un mois » sont remplacés par les mots : « trois mois ».

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. A niveau égal, le salaire des femmes est inférieur à celui des hommes, 80 % des emplois à temps partiels sont occupés par des femmes, les « travailleurs pauvres » sont en majorité des femmes et le chômage touche en priorité les femmes. Bref, dans le monde du travail, les femmes sont victimes de multiples ségrégations qui les relèguent au bas de l'échelle sociale.

Pour lutter contre les inégalités homme-femme, il faut donc lutter contre la précarisation et la paupérisation du monde du travail ; il faut défendre les droits des salariés. En somme, il faut aller à l'encontre de votre politique, qui vise plus que jamais à démanteler le droit du travail.

Ainsi, lorsque vous facilitez les règles des licenciements, comme dans la loi de programmation pour la cohésion sociale, par exemple, vous aggravez le sort des travailleurs qui sont déjà dans les situations les plus précaires, et, parmi eux, sans aucun doute figure une majorité de femmes.

Voilà pourquoi nous déposons cet amendement qui vise à augmenter les indemnités versées à l'occasion d'un licenciement. Celles-ci sont actuellement équivalentes à un mois de salaire brut. Nous demandons qu'elles soient désormais équivalentes à trois mois de salaire brut.

M. Roland Muzeau. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. Cet amendement vise à accorder aux salariés licenciés une indemnité d'au moins trois mois de salaire brut au lieu d'un mois, comme le prévoit le droit actuel.

La commission y est défavorable, car cela n'a rien à voir avec le thème qui nous préoccupe aujourd'hui, à savoir l'égalité professionnelle homme-femme.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

M. Guy Fischer. Ce n'est pas tous les jours dimanche ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels après l'art. 15
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
Art. 17

Article 16

L'article L. 900-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnels concourant à la formation professionnelle tout au long de la vie sont formés aux règles mentionnées aux alinéas précédents et contribuent dans l'exercice de leur activité à favoriser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. » - (Adopté.)

(M. Philippe Richert remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

TITRE V

DISPOSITIONS DIVERSES

Art. 16
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
Art. additionnels après l'art. 10 (précédemment réservés)

Article 17

L'article 1er du code de l'industrie cinématographique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour l'exercice de ses missions, le Centre national de la cinématographie peut recruter des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée.

« Sans distinction de sexe, restent régis par les stipulations de leur contrat les agents contractuels du Centre national de la cinématographie en fonction à la date de publication de la loi n°          du                    relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes et qui ont été recrutés sur des contrats à durée indéterminée. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 53 est présenté par M. Lagauche, Mme Printz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 54 est présenté par MM. Ralite, Renar, Muzeau, Fischer et Autain, Mmes Demessine, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 53.

Mme Gisèle Printz. Nous souhaitons la suppression de cet article, car il constitue un cavalier législatif et vise à légaliser les pratiques actuelles du Centre national de la cinématographie, le CNC, pourtant jugées illégales par le Conseil d'Etat.

Sur la forme, il est pour le moins surprenant qu'une disposition concernant le secteur de la production soit ajoutée par le Gouvernement, lors de la navette parlementaire, dans un projet de loi qui concerne un tout autre secteur, celui de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. Cet artifice de procédure a permis au Gouvernement d'éviter l'éventuel et probable avis négatif du Conseil d'Etat sur l'insertion d'un tel cavalier législatif. Ce n'est pas l'ajout de la mention préalable : « Sans distinction de sexe... », qui permettra de déguiser cette disposition en faveur de l'égalité salariale !

Sur le fond, le CNC, établissement public à caractère administratif, est soumis aux dispositions découlant de la loi de décentralisation du 13 juillet 1983, qui fixe, de manière extrêmement limitative les fonctions pour lesquelles cet organisme peut avoir recours à des agents non titulaires de la fonction publique. En 1986, le Conseil d'Etat a annulé les dispositions du décret de 1984 qui autorisaient le CNC à recruter des contractuels de manière élargie, considérant que « les missions du CNC, [....] assimilables à celles d'une direction d'administration centrale compétente à l'égard d'un secteur d'activité économique déterminé, ne présentent aucun caractère particulier de nature à permettre une dérogation à la règle selon laquelle les emplois permanents des établissements publics de l'État à caractère administratif sont occupés par des fonctionnaires. »

Le Conseil d'Etat a ainsi formellement interdit, à compter de 1986, tout recrutement d'agents contractuels sous CDI par le CNC.

Le CNC a néanmoins poursuivi, pendant quinze ans, le recrutement d'agents non contractuels pour l'ensemble de ses missions, et ce malgré le refus du contrôleur financier, en 2000, de viser les nouveaux CDI que le CNC a, depuis, été contraint de transformer en CDD !

Aujourd'hui, environ 20 % de l'effectif global du CNC - environ 460 personnes - serait composé, de façon illégale, d'agents non titulaires.

Avec l'article 17, on nous propose, non seulement de légaliser de façon rétroactive la pratique d'embauche sur CDI du CNC, mais aussi d'ouvrir de façon illimitée, pour l'avenir, cette possibilité.

Nous ne pouvons cautionner ce cavalier législatif que le Gouvernement nous propose d'adopter à la sauvette, qui n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable et qui va à l'encontre des règles fondamentales de la fonction publique.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 54.

M. Robert Bret. Ce cavalier législatif est d'autant plus pervers qu'il vise, avant toute autre considération, à permettre au CNC, sur le long terme, de recruter des agents non titulaires sous CDI et donc de rendre définitivement caduc l'arrêt du Conseil d'Etat de 1989.

Cette analyse ne peut raisonnablement être contredite, la rédaction du premier alinéa de cet article étant suffisamment explicite. Des écrits récents, émanant de la direction du CNC, le confirment d'ailleurs sans ambiguïté.

La direction générale a rappelé le processus en cours, afin que soit défini un statut des agents contractuel du CNC et que la situation des agents contractuels en place soit consolidée définitivement, les titulaires restant, bien sûr, régis par le statut de la fonction publique.

De surcroît, le second alinéa de l'article portant précisément sur la « régularisation » des agents en fonction - ceux qui sont en CDI - n'est qu'un artifice de présentation, puisque la direction du CNC a écrit, après une expertise juridique menée avec les services spécialisés du ministère de la culture : « La jurisprudence du Conseil d'Etat a affirmé que les contrats à durée indéterminée qui avaient été signés dans le passé ne peuvent être remis en cause ». Cela figure dans la note d'information émise par le secrétariat général du CNC le 21 mars 2005.

A la lumière de ce qui précède, on ne peut comprendre ni admettre que la ministre chargée de présenter le texte devant les députés ait affirmé le 11 mai : « Le CNC, en liaison avec les ministères de la culture, de la fonction publique et des finances, a voulu régulariser la situation des agents non titulaires, parfois recrutés depuis quinze ans ».

Ce cavalier, sans aucun rapport avec l'objet de la loi précitée, n'est conforme ni à l'esprit ni à la lettre de notre Constitution, madame la ministre, même avec un artifice consistant à introduire, en tête du second alinéa, les mots : « Sans distinction de sexe ».

Les dérogations accordées à certains établissements publics de l'Etat afin qu'ils puissent recruter des agents contractuels ne relèvent aucunement d'un texte de portée législative, comme le demandent les règles qui sont édictées par la Constitution et qui définissent précisément le champ des mesures entrant dans le domaine de la loi.

Enfin, cette procédure présente le risque, pour les responsables du CNC et du ministère de la culture, de rencontrer un sérieux désaccord de la part de la fonction publique, ou encore une forte opposition au sein du Conseil supérieur.

Objectivement, dans le cas présent, nous sommes devant un contournement manifeste des règles applicables à l'ensemble des établissements publics posées par la loi.

Cela constituerait par ailleurs, à n'en pas douter, un précédent fâcheux sur lequel pourraient, à l'avenir, s'appuyer d'autres établissements et d'autres ministères.

C'est pourquoi, et sans plus de commentaires sur les méthodes employées par le Gouvernement pour éviter des débats parlementaires sérieux et approfondis, nous demandons la suppression du présent amendement.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Ralite, Renar, Muzeau, Fischer et Autain, Mmes Demessine, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour compléter l'article 1er du code de l'industrie cinématographique :

« Les agents employés par le Centre national de la cinématographie à la date de publication de la loi n°       du            relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, exerçant des fonctions correspondant à un besoin permanent et qui ont été recrutés sur contrat sont engagés par des contrats à durée indéterminée.

« Ces contrats à durée indéterminée prennent effet à la date du premier recrutement de l'agent. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Le Centre national de la cinématographie est un établissement public à caractère administratif placé sous l'autorité du ministre de la culture, créé et organisé par la loi du 25 octobre 1946.

Il emploie des personnels régis par le droit public qui forment aujourd'hui un effectif de 460 personnes environ. A la suite de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et promulguée en 1984, la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat impose à l'Etat et à ses établissements publics de recourir à des agents titulaires.

Le CNC a donc l'obligation de recruter, pour les besoins permanents à temps complet de l'établissement, des fonctionnaires titulaires. Les dérogations à cette règle sont en nombre très limité : il ne peut recruter des contractuels que lorsque certaines fonctions le justifient véritablement et seulement sous la forme de CDD de trois ans, néanmoins reconductibles.

En février 1986 est publié un décret qui complète le décret n° 84-38 du 18 janvier 1984 fixant la liste des établissements publics de l'Etat à caractère administratif et qui habilite le CNC à recruter des CDI pour pourvoir l'ensemble de ses emplois dans les catégories A et B. Mais le Conseil d'Etat annule les dispositions du décret instituant un régime dérogatoire pour le CNC.

En avril 1986, l'Union des syndicats des personnels des affaires culturelles - regroupant CGT et Syndicat national des affaires culturelles -- et Force ouvrière saisissent le Conseil d'Etat - section du contentieux - d'une requête tendant à faire annuler la disposition inscrivant le CNC sur le « décret-liste » dérogatoire.

Par arrêt du 5 juillet 1989, le Conseil d'Etat annule les dispositions du décret de février 1986 au motif que les missions du CNC, qui sont d'ailleurs assimilables à celles d'une direction d'administration centrale compétente à l'égard d'un secteur d'activité économique déterminé, ne présentent aucun caractère particulier de nature à permettre une dérogation à la règle selon laquelle les emplois permanents des établissements publics de l'État à caractère administratif sont occupés par des fonctionnaires. Ce faisant, il interdit totalement, à compter de cette date, tout recrutement d'agents contractuels sous CDI.

Malgré tout, la direction du CNC persiste à recruter des personnels contractuels en ne respectant ni l'arrêt du Conseil d'Etat ni les textes législatifs fixant les règles selon lesquelles doivent être pourvus les emplois dans la fonction publique de l'Etat et dans ses établissements publics.

En 2000, le contrôleur financier du CNC refuse catégoriquement de viser de nouveaux contrats en CDI et exige de l'établissement qu'il se conforme enfin aux textes en vigueur.

Récemment, le CNC a lui-même reconnu que, depuis la fin des années quatre-vingt, tout ce processus a abouti à ce que 171 agents contractuels des catégories B et C actuellement présents au CNC occupent des emplois budgétaires normalement réservés à des titulaires.

Certes, madame la ministre, le CNC compte une part de fonctionnaires affectés par le ministère de la culture, mais ils représentent moins de 20 % de l'effectif total et leur nombre ne cesse de se réduire. Il demeure urgent de remédier à la situation des agents actuellement employés sous CDD - au nombre de 82 selon nos informations -, d'autant que la plupart d'entre eux assurent, depuis plusieurs années, des missions permanentes du CNC.

Pour cette raison, il nous semblerait judicieux de substituer au texte du Gouvernement un amendement visant à accorder à cette seule catégorie de salariés, à titre très exceptionnel, pour régularisation, le bénéfice de CDI à compter de la date de publication de la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 53 et 54 qui tendent à supprimer l'article 17.

En effet, pourquoi lancer une concertation alors qu'il est nécessaire de répondre à une situation d'urgence, comme le fait l'article 17 ?

La commission est également défavorable à l'amendement n° 55, qui vise à transformer les contrats des agents non titulaires en CDI dans le cadre de leur emploi au Centre national de la cinématographie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'article 17 répond à une exigence économique et à une urgence sociale. Une mention particulière a été faite sur la nécessité de procéder à cette régularisation, sans distinction de sexe. Cela a un lien avec le présent texte et rend légitime l'intégration de cette disposition dans le présent projet de loi.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression n°s 53 et 54.

L'amendement n° 55 autorise le CNC à régulariser la situation des agents non titulaires, qu'ils soient recrutés sur des contrats à durée déterminée ou indéterminée. Mais son adoption priverait le CNC de la possibilité de pourvoir à l'avenir à ces emplois permanents par des agents recrutés sur contrat à durée déterminée. Le fonctionnement du CNC s'en trouverait rapidement et profondément affecté.

Il est donc absolument indispensable de trouver un cadre juridique stable au recrutement et à la gestion de ces personnels non titulaires. C'est l'intérêt même des agents, hommes ou femmes.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 55.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 et 54.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Art. 17
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles additionnels après l'article 10 (précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 44, présenté par M. Godefroy, Mmes Schillinger,  Printz,  Demontes,  Le Texier,  Tasca et  Voynet, MM. Domeizel,  Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 331-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'accouchement intervient plus de six semaines avant la date prévue et exige l'hospitalisation de l'enfant, la période d'indemnisation de seize ou de trente-quatre semaines, quarante-six semaines en cas de naissance de plus de deux enfants, est prolongée du nombre de jours courant entre la date effective de la naissance et la date prévue. »

II. Ces dispositions sont applicables à partir de la promulgation de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, pour les femmes ayant bénéficié du droit à congé supplémentaire prévu au quatrième alinéa de l'article L. 122-26 du code du travail.

III. Les charges éventuelles qui résulteraient pour les régimes sociaux et pour l'État de l'application de la présente disposition sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux contributions visées à l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement vise à ce que soient mieux prises en compte les situations de grande prématurité, afin de préserver les relations entre la mère et son enfant, qui sont essentielles pour le développement psychoaffectif de l'enfant.

Les naissances survenant entre la vingt-quatrième et la trente-septième semaine de grossesse sont suivies d'une forte médicalisation de l'enfant, parfois aussi de la mère. Le risque de mortalité est important pour les très grands prématurés, c'est-à-dire pour les enfants nés vingt-huit semaines avant terme. Il nous est donc apparu essentiel de favoriser une disponibilité maximale des parents, notamment de la mère, auprès du nouveau-né afin d'établir et de maintenir un niveau et une qualité de contact, de grande importance pour le pronostic ultérieur.

C'est dans cet esprit que nous avions préconisé, dans le projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, le droit à un congé supplémentaire pour les femmes qui sont dans cette situation.

Comme nous l'avions souligné à l'époque, il existe de fortes disparités entre les conventions collectives. Certaines femmes ayant accouché prématurément sont amenées à devoir reprendre leur travail alors que leur enfant est encore en couveuse et qu'il devrait bénéficier au maximum de la présence de sa mère.

Il s'agit aussi de préserver un temps de congé au moment du retour à domicile, après la phase de réanimation néonatale. On sait que les prématurés sont mieux auprès de leur maman, voire sur leur maman, plutôt que dans une couveuse. C'est la raison d'être de l'expérience des « mamans kangourous ». Il se crée dans ces conditions un lien maternel plus fort, propice à un meilleur développement futur. En fait, les prématurés ne retrouvent un développement normal qu'après deux ou trois ans.

Bien que l'article 10 de la loi du 11 février 2005 relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ait introduit dans le code du travail un droit à la prolongation du congé de maternité en cas de naissance prématurée nécessitant l'hospitalisation de l'enfant, bien que ce droit soit effectivement applicable depuis la publication de la loi, la prise en charge financière de ce congé supplémentaire n'est pas assurée. Il en résulte qu'aujourd'hui, quelle que soit la date de l'accouchement, les mères assurées sociales bénéficient de seize semaines de congé indemnisé : au-delà, elles ne sont plus rémunérées. Quelle maman peut prendre un congé sans solde, même pour rester auprès de son enfant prématuré ? Nous avions pensé, en toute bonne foi, qu'elle pourrait prendre ce congé en étant indemnisée.

Il est évident que l'allongement du congé de maternité postnatal en cas de naissance prématurée n'a aucun sens s'il s'agit d'un congé sans solde. En tout cas, ce n'est pas dans cet esprit que le législateur a travaillé.

C'est pourquoi le présent amendement vise à prolonger la période pendant laquelle la mère d'un enfant prématuré et hospitalisé perçoit une indemnité journalière de repos.

J'ajoute que des amendements analogues ont été présentés sur l'initiative de MM. Lardeux et Vasselle, ici présents.

L'amendement qui a été présenté sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 a été « retoqué » par le Conseil constitutionnel ; je ne ferai pas de commentaires !

Je le répète, alors que le droit à congé supplémentaire figure dans la loi, il reste maintenant à trouver des mesures d'indemnisation des jours de congé que prennent ces mamans.

Tel est l'objectif que nous poursuivons avec cet amendement qui, nous l'espérons, fera l'objet d'un avis favorable du Gouvernement et recueillera l'assentiment unanime du Sénat.

M. le président. L'amendement n° 98, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - L'article L. 331-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Quand la naissance de l'enfant a lieu plus de six semaines avant la date présumée de l'accouchement, la période pendant laquelle la mère perçoit l'indemnité journalière de repos est augmentée du nombre de jours courant entre la naissance de l'enfant et six semaines avant la date présumée de l'accouchement. »

II - Après les mots : « du nombre de jours », la fin de la seconde phrase du quatrième alinéa de l'article L. 122-26 du code du travail est ainsi rédigée : « correspondant au nombre de jours courant entre la naissance de l'enfant et six semaines avant la date présumée de l'accouchement. »

 

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement attache une très grande importance à cet amendement.

Le Sénat lui-même a pris l'initiative, dans le cadre des discussions du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a été adopté en février dernier, d'allonger la durée du congé de maternité des mères d'enfants nés prématurément, c'est-à-dire plus de six semaines avant la date présumée de l'accouchement.

Toutefois, si ce congé de maternité est dû, il n'est assorti d'aucune indemnité supplémentaire, ce qui induit une très forte inégalité entre les femmes selon qu'elles ont, ou non, les moyens de s'arrêter plus longtemps de travailler.

Or la naissance d'un enfant prématuré crée d'énormes difficultés pour les parents.

Tout d'abord, le prématuré est toujours un enfant hospitalisé. Le lien entre la mère, le père et l'enfant ne peut pas se construire normalement au travers des vitres d'une couveuse. Il est en effet impossible de toucher un grand prématuré dans les premières semaines de sa vie. Le lien entre les parents et l'enfant doit donc être construit après l'hospitalisation.

Ensuite, même en ajoutant les six semaines de congé prénatal qui sont accordées aux mères d'enfants prématurés, comme aux autres mères, aux dix semaines qui suivent le congé de maternité, c'est-à-dire après seize semaines, l'enfant grand prématuré reste fragile. Il ne peut être confié à une garde d'enfants ou à une crèche comme on le ferait pour un enfant né à terme.

C'est pourquoi il est nécessaire de permettre aux mères d'enfants prématurés qui exercent un emploi de prendre un congé de maternité indemnisé plus long que celui qui est actuellement prévu par notre législation.

La solution qui est proposée par le Gouvernement consiste à prévoir que la totalité de la période de prématurité sera reportée après la naissance. On ne se limitera donc plus au seul congé prénatal de six semaines qui constituait, en réalité, un bien maigre forfait pour la mère d'un enfant né huit, voire dix semaines avant terme.

C'est une solution juste parce qu'ainsi, quelle que soit la date de sa naissance, aucun enfant ne sera séparé de sa mère avant ses dix semaines d'âge réel, c'est-à-dire d'âge par rapport à la date présumée de l'accouchement.

C'est aussi une solution équitable puisqu'elle permet aux mères qui n'auraient pas les moyens de profiter d'un congé sans solde de rester plus longtemps auprès de leur enfant.

Enfin, c'est une solution simple parce que la date de la naissance de l'enfant suffit à calculer la durée du congé supplémentaire.

Par cet amendement, notre société apportera une réponse nouvelle au défi de la prématurité : défi posé d'abord à nos politiques de santé publique en matière de prévention de la prématurité et de prise en charge des enfants nés prématurément ; défi posé aussi à nos politiques familiales, qui doivent préserver le lien entre la mère et l'enfant dans les premiers temps de la vie, ce qui est compliqué dans le cas de naissance prématurée ; défi posé, enfin, quant à la place des femmes dans le monde du travail puisqu'il s'agit de permettre à ces mères de ne retourner travailler que lorsque leur enfant sera suffisamment fort pour supporter la séparation et pouvoir être déposé en crèche ou laissé à une garde d'enfants.

Cet amendement apporte ainsi un élément supplémentaire de conciliation entre vie familiale et vie personnelle, force du modèle français de politique familiale. La France est, en Europe, le pays dont à la fois le taux de natalité est le plus élevé et le taux d'activité des femmes le plus important, puisqu'il atteint aujourd'hui 80 %. Contrairement aux idées reçues, ces deux données sont liées. En effet, ce qui fait augmenter le revenu de la famille et lui permet donc d'élever le nombre d'enfants qu'elle souhaite, ce sont bien sûr le quotient familial et les allocations familiales, mais c'est aussi et surtout l'activité professionnelle des deux membres du couple.

Le Gouvernement n'a pas retenu l'amendement n° 44, car il déboucherait sur une situation que ses auteurs n'ont sans doute pas souhaitée. En effet, si cet amendement était adopté, la mère d'un enfant né deux jours après le début du congé prénatal aurait droit à seize semaines de congé indemnisé tandis que la mère qui aurait accouché deux jours avant le début de ce congé aurait droit, elle, à vingt-deux semaines et deux jours d'indemnités journalières. Il en résulterait une inégalité : pour deux naissances séparées de quatre jours, l'une des mères aurait droit à vingt-deux semaines de congé indemnisé et l'autre à seize semaines seulement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite l'adoption de l'amendement n°98.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. S'agissant de l'amendement n°44, la commission souscrit aux arguments de M. le ministre. En conséquence, elle en souhaite le retrait.

S'agissant de l'amendement n° 98, la commission se félicite que les observations présentées par le groupe socialiste et par M. Paul Blanc aient été entendues. Je tiens à féliciter le Gouvernement de sa réactivité sur cette question à laquelle nous étions particulièrement sensibles. La commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 44 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Vos arguments, monsieur le ministre, sont tout à fait recevables, et vos explications tout à fait judicieuses.

Certes, notre amendement tendait en outre à ce que le dispositif soit applicable dès la promulgation de la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ; néanmoins, nous le retirons au profit de celui du Gouvernement. (Applaudissements.)

M. le président. L'amendement n° 44 est retiré.

Je vous remercie, monsieur Godefroy, de ce geste qui, sur un sujet aussi important, est, je crois, apprécié par l'ensemble de la Haute Assemblée et par le Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement est adopté à l'unanimité des présents.

Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Vote sur l'ensemble

Art. additionnels après l'art. 10 (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Bernard Seillier, pour explication de vote.

M. Bernard Seillier. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, inscrit dès 1972 dans le code du travail, le principe de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes pour un même travail a été depuis réaffirmé et précisé dans plusieurs lois. Pourtant, nous ne pouvons que déplorer aujourd'hui la persistance d'écarts salariaux élevés entre les hommes et les femmes.

Le projet de loi, présenté par le Gouvernement à la demande du Président de la République, répond à l'objectif ambitieux de réduire ces écarts d'ici à cinq ans afin de répondre à « une urgence économique, démocratique et sociale ». Je me félicite de cette nouvelle et forte impulsion donnée à une cause qui, même si elle paraît très naturelle, n'en est pas moins difficile à faire aboutir.

Le texte mise sur le dialogue social, et je souscris pleinement à cette méthode. Il faut d'ailleurs souligner un changement d'attitude manifeste depuis quelques années de la part des partenaires sociaux et des entreprises, qui ont fortement relayé l'action de Mme Nicole Ameline sur tous les fronts de l'égalité professionnelle, notamment la création du label « Égalité ».

Le projet de loi vise également à mieux prendre en compte la responsabilité d'une mère ou d'un père salariés dans l'entreprise et à assurer une représentativité équilibrée dans les instances professionnelles et les instances de décision.

Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du RDSE le soutiendra.

Cela étant, j'aimerais rappeler l'importance de la négociation sur l'égalité professionnelle définie dans la loi du 9 mai 2001 : l'égalité salariale ne sera pas véritablement atteinte si elle ne s'accompagne pas de mesures simultanées portant sur l'ensemble des autres facteurs qui y concourent, comme le temps de travail. En effet, la moitié des écarts moyens de salaire entre les femmes et les hommes est imputable au travail à temps partiel, qui touche aujourd'hui 30 % des femmes actives, contre 5 % des hommes, et qui cantonne massivement les femmes dans les bas et les très bas salaires.

Dans ce domaine, madame le ministre, vous avez arrêté un plan de travail rationnel que vous nous avez exposé. Nous resterons très attentifs à votre démarche et nous formons des voeux pour son succès. L'exercice est délicat, puisqu'il s'agit de trouver la très fine ligne de partage entre temps partiel contraint et temps partiel choisi. Abstraitement, le problème est facile à poser ; nous souhaitons vous aider à le résoudre en pratique, car son enjeu est considérable, tant pour les parents que pour les entreprises. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, j'ai tenu à rappeler au cours de la discussion générale un fait incontestable : depuis 1972, l'égalité entre les hommes et les femmes devrait être une réalité - à travail égal, salaire égal.

Toutes les lois votées depuis vingt-cinq ans, l'article du traité de Rome adopté voilà un demi-siècle... rien n'a été suffisant pour établir enfin l'égalité salariale et professionnelle entre les hommes et les femmes.

Ce triste constat devrait être la pierre angulaire de la réflexion du Parlement et aurait dû fonder un projet de loi novateur, offensif et créant enfin un droit opposable. Tel n'est pas le cas, et le Gouvernement, par les réponses qu'il a apportées au cours de nos débats, confirme son positionnement, qu'il est possible de résumer ainsi : la situation dure depuis si longtemps, les inégalités sont si anciennes qu'il est urgent d'attendre.

De nouveau, la principale motivation avancée pour justifier que l'employeur ne soit pas contraint d'appliquer la loi est que cela aboutirait à mettre l'emploi en danger. Vous avez malheureusement déjà oublié, madame la ministre, les 38,5 millions d'euros octroyés à M. Daniel Bernard, P-DG de Carrefour, et qui, eux, à vous écouter, ne mettraient pas en danger l'emploi !

M. Josselin de Rohan. Cela n'a rien à voir !

M. Roland Muzeau. Cela n'a rien à voir ? C'est là que se fondent le temps partiel et les salaires de misère ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Hors sujet !

M. Roland Muzeau. Chacun défend son camp !

M. Alain Gournac. Nous ne défendons aucun camp !

M. Roland Muzeau. Mais si ! Vous défendez le camp du MEDEF et du patronat !

M. Robert Bret. Tout le monde le sait !

M. Roland Muzeau. L'argument du danger que courrait l'emploi est éculé, certes, mais suffisamment révélateur de ce qu'est votre politique : tout ce qui est progrès social et réduction des inégalités est pour vous inacceptable. Cela n'est pas pour étonner nos concitoyens, qui ont parfaitement pris la mesure de vos priorités : déréglementation, flexibilité, liquidation du code du travail, Fillon I, Fillon II, Larcher I, Larcher II..., au-delà de ces évocations, c'est une vaste palette d'atteintes au droit du travail qui a suivi votre arrivée au pouvoir voilà trois ans.

Le résultat, c'est une situation économique et sociale désastreuse, un chômage qui a progressé de 10 %, des temps partiels occupés à 82 % par des femmes. En outre, 80 % des 8,5 millions d'actifs qui perçoivent un salaire inférieur au SMIC sont des femmes ; ce chiffre, qui progresse tous les jours, a augmenté de 10 % en dix ans.

Nos débats, madame la ministre, ont démontré que, de fait, l'emploi féminin est considéré comme une simple variable d'ajustement. Ce n'est pas tolérable, pas plus que ne l'est la situation faite aux femmes à la retraite : huit sur dix d'entre elles, je le rappelle, touchent moins que le minimum vieillesse.

Au cours des débats, le groupe CRC a formulé plus de trente propositions visant à progresser réellement vers l'égalité salariale et professionnelle. Nous avons voulu peser sur le fléau que représente le recours toujours plus important au temps partiel et aux contrats a minima. Ainsi, nous avons proposé que les personnes contraintes au temps partiel puissent effectuer un temps complémentaire rémunéré suivant les mêmes règles que les heures supplémentaires, c'est-à-dire avec une majoration de 25 % ou 50 %.

Concernant la maternité et la formation, notre groupe a également été force de proposition. Il s'est montré de bout en bout à la fois offensif, face aux injustices, et constructif, pour qu'enfin nous avancions sur la voie de la justice sociale.

Que dire encore de cette prime de 400 euros accordée aux entreprises au motif de favoriser l'égalité professionnelle ?

Mme Annie David. C'est fort !

M. Roland Muzeau. Ainsi, il faudrait une prime de plus, sans retour d'intérêt pour l'emploi et l'égalité ! Une telle prime n'est-elle pas le signe du regard méprisant que l'on porte sur les femmes ?

Madame la ministre, c'est avec résolution que nous avons abordé ce projet de loi, parce que nous croyons d'une nécessité absolue de mettre fin à ces injustices considérables faites aux femmes dans l'emploi et dans la recherche d'emploi.

Deux amendements du groupe CRC ont été adoptés ; c'est bien, mais cela reste si loin de ce qui serait nécessaire que nous ne pouvons considérer, au terme de nos débats, avoir perçu le moindre signe d'une inversion significative.

En conséquence, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi trop complaisant envers des attitudes patronales qui durent depuis tant et tant d'années ! Le Président de la République a voulu faire un coup politique ; nous aurions préféré un acte politique et législatif.

Je tiens, pour terminer, à remercier Mme le rapporteur de sa disponibilité dans les débats et de la capacité d'écoute dont elle a su faire preuve bien que, vous l'aurez compris, nous ne partagions pas du tout son point de vue. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà vingt-cinq ans que les choses n'avancent que trop peu pour les femmes dans le domaine du travail, vingt-cinq ans pourtant que les textes de loi s'empilent sans produire d'effet majeur. Le constat est alarmant et nous impose de ne pas désarmer.

Une véritable égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine du travail est un impératif élémentaire de justice et d'équité sociale. Cette égalité doit être à la fois réelle et totale ; c'est dire qu'elle doit être non seulement salariale, mais aussi, plus largement, professionnelle.

Mme Annie David. Exactement !

Mme Catherine Morin-Desailly. A se vouloir consensuel, le projet de loi que nous venons d'examiner en est devenu timide.

Nous l'avons accueilli favorablement parce qu'il est sous-tendu par un objectif de justice sociale et que, contrairement à ce que son intitulé peut laisser croire, il ne traite pas seulement de l'égalité salariale : abordant également des aspects fondamentaux de l'inégalité entre les sexes tels que l'accès à la formation professionnelle, à l'apprentissage ou à certaines instances délibératives et juridictionnelles, il est plutôt intéressant.

Toutefois, nous craignons que les mesures qu'il contient, qui semblent utiles et positives, ne produisent qu'un effet marginal.

En effet, nous redoutons que, en l'absence de mécanisme coercitif, cette loi, comme celles qui l'ont précédée, ne reste lettre morte.

Mme Catherine Morin-Desailly. Nous avions donc proposé un amendement visant à instituer un mécanisme contraignant comparable à celui qui s'applique aux entreprises qui ne respectent pas leur obligation d'emploi de personnes handicapées. Malheureusement, mes chers collègues, vous n'avez pas souhaité le retenir, et nous le regrettons.

Autre regret : le rejet de notre amendement tendant à interdire que puissent être imposées aux salariés à temps partiel des plages de travail fractionnées ; nous y tenions vraiment.

Ainsi, madame la ministre, nous pensons que, s'il apporte des aménagements intéressants, votre texte était très largement perfectible : sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, toute avancée doit être retenue.

Toutefois, pour laisser aux avancées que contient ce projet de loi une chance de changer le quotidien professionnel des femmes, nous le voterons. Mais le doute qui nous habite nous conduira à être très attentifs à la manière dont la loi sera appliquée.

Nous croyons plus que jamais indispensable que le pouvoir réglementaire - comme vous vous êtes engagée à le faire, madame la ministre - établisse des indicateurs sérieux et solides ainsi que des objectifs chiffrés, sur la base desquels pourront s'engager les négociations collectives.

Nous serons aussi très vigilants sur la concrétisation de l'engagement que vous avez pris, madame la ministre, de vous pencher rapidement sur la question du travail à temps partiel et de la précarité qu'il induit.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontes.

Mme Christiane Demontes. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, nous l'avons souligné, a des objectifs louables que personne dans cette assemblée ne saurait remettre en cause.

Cependant, comme le relevait Mme le rapporteur, « l'égalité ne se décrète pas », elle participe de la dignité. Or, une fois de plus, le Gouvernement et la majorité se limitent avec complaisance à des mesures d'incitation. Ce n'est pas suffisant quand on sait que dans notre pays, malgré les lois précédemment adoptées, les femmes sont payées en moyenne 23 % de moins que leurs collègues masculins, qu'elles sont les premières et les plus importantes victimes de la précarité, qu'elles forment l'immense majorité du contingent des salariés subissant un temps partiel imposé.

Face à une telle réalité, et alors que ce gouvernement, avec la complicité active de sa majorité, organise un nouveau train de mesures de précarisation, de remise en cause des acquis sociaux et de démantèlement du code du travail, l'incitation n'est plus de mise.

Il aurait été important de ne pas céder une nouvelle fois aux blocages du MEDEF sur ce sujet et, au contraire, de répondre concrètement à nos concitoyennes, à toutes celles - et à tous ceux - qui ne peuvent concevoir qu'à travail égal le salaire ne soit pas égal. Il aurait été essentiel de passer de l'incantation à l'action pour qu'enfin, dans nos entreprises, le principe constitutionnel d'égalité soit respecté.

Telle n'a pas été la volonté du Gouvernement ni de sa majorité. A travers nos amendements, nous avons formulé au cours du débat un certain nombre de propositions. Vous n'en avez retenu qu'un, mes chers collègues : vous n'avez donc pas vraiment voulu tenir compte de nos initiatives. Nous en prenons acte et le déplorons.

Aussi nous abstiendrons-nous au moment de voter ce projet de loi, qui nous laisse au milieu du gué. C'est regrettable, car cela ne répond pas au souhait de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous avons débattu aujourd'hui est le fruit d'une réflexion approfondie sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Conformément au souhait exprimé par le Président de la République lorsqu'il a adressé ses voeux aux forces vives de la nation, au début de l'année, le texte prévoit la suppression d'ici à cinq ans des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Je me réjouis que le Gouvernement se soit emparé du problème, car, si le législateur est déjà intervenu à plusieurs reprises au cours des trente dernières années, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est encore loin d'être atteinte. Je vous remercie, madame le ministre, de votre force de persuasion et de votre détermination.

Le texte est le résultat d'un excellent travail qui a pris en compte la réalité de l'entreprise en trouvant un équilibre délicat entre l'entière liberté de la négociation collective et l'instauration de mécanismes permettant d'en renforcer l'efficacité.

Le projet de loi privilégie le dialogue social dans une logique de confiance et de responsabilité. Il partage l'esprit de l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004, par lequel les représentants des entreprises et des syndicats de salariés ont reconnu qu'il était de leur responsabilité de garantir la mixité et l'égalité professionnelle au travail.

Mais le texte n'exclut pas la contrainte, dans un souci d'efficacité, puisque des sanctions pourront être inscrites dans la loi, si nécessaire, pour les entreprises qui n'auront pas atteint l'objectif d'égalité salariale d'ici à 2010.

M. Roland Muzeau. Un jour !...

M. Alain Gournac. Au-delà de cette relance du dialogue social, le projet de loi comporte, par ailleurs, des dispositions concrètes pour faciliter la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale des femmes. Il est, en effet, nécessaire de prendre en compte les contraintes qui pèsent sur les femmes du fait de leur maternité et de leur implication dans la vie de leur foyer. Les mesures se caractérisent par leur diversité et leur cohérence. Bien entendu, le chemin est encore long pour convaincre les femmes qu'il est possible d'être mère tout en poursuivant une carrière.

Je rappelle qu'il s'agit d'une urgence sociale, car les femmes ne doivent pas être empêchées de faire ce choix personnel de la maternité, mais aussi d'une urgence économique, tant leur engagement professionnel est important pour la nation.

Par ailleurs, il était important de considérer l'insuffisante représentation des femmes dans les fonctions d'encadrement et les postes de responsabilité. Le texte réalise d'importants progrès en la matière, en favorisant l'accès des femmes à l'exercice de fonctions délibératives et juridictionnelles.

Je tiens à vous remercier, madame le rapporteur, de la grande attention que vous avez portée au texte et de la clarté des explications que vous nous avez données en commission. Vos propositions ont enrichi le projet de loi sur plusieurs points importants.

Sans doute est-il possible d'aller plus loin, notamment en matière de temps partiel. J'ai bien noté, madame le ministre, que ce thème sera l'objet de prochaines concertations, et je vous fais toute confiance pour que celles-ci aboutissent.

Je tiens à souligner que les dispositions adoptées pourront inspirer nos voisins européens, également concernés par ce débat de l'égalité professionnelle. Bien évidemment, mes chers collègues, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Esther Sittler, rapporteur. Au terme de cette discussion, qui fut mon baptême du feu, vous l'avez bien compris, mes chers collègues, je tiens particulièrement à remercier les trois présidents de séance qui nous ont accompagnés tout au long des débats : Mme Michèle André, MM. Jean-Claude Gaudin et Philippe Richert.

Je remercie également mes collègues du groupe UMP de l'aide qu'ils m'ont apportée et de leur soutien aux amendements que j'ai présentés, au nom de la commission. Je remercie d'ailleurs les membres de cette dernière de leurs propositions qui ont enrichi la discussion. Je n'aurais garde d'oublier les membres de la majorité dans son ensemble, ainsi que les membres de l'opposition : chacun, avec conviction, a su faire partager sa passion.

Mes remerciements vont à vous aussi, madame la ministre. Vous avez porté avec persuasion votre projet de loi qui est aussi celui de Mme Ameline. Il fera date assurément de par son audace et son ambition. Je sous sais gré de l'engagement que vous avez pris au sujet du temps partiel subi ; je vous ai fait part à plusieurs reprises de ma confiance à cet égard.

Merci à M. Philippe Bas, qui, avec sensibilité, a défendu un amendement très attendu sur le congé de maternité des mères d'enfants prématurés. Cet amendement a été voté à l'unanimité, ce qui est rare, et je suis heureuse que ce soit à l'occasion de la discussion du premier texte dont j'étais rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Au terme de cette discussion, je tiens à remercier l'ensemble des sénateurs, avec qui nous avons pu échanger nos points de vue et, incontestablement, enrichir le texte.

Plusieurs amendements ont constitué des avancées : je pense à la volonté de ne pas couper un dialogue social qui est engagé, à la reconnaissance du droit individuel à la formation, à l'affirmation de la place des femmes dans le service public de l'emploi, mais aussi à l'accompagnement par les services consulaires des Français de l'étranger et, bien sûr, au très bel amendement relatif au congé de maternité des mères d'enfants prématurés.

Ce projet de loi vise, bien sûr, à relancer le dialogue social, à conjuguer la bonne articulation entre la vie professionnelle, la vie familiale et la vie personnelle. Bien entendu, les textes réglementaires, indispensables compléments, conféreront à ce texte, toute son efficacité ; je veillerai personnellement à ce qu'ils soient pris rapidement.

Enfin, tout au long de cette discussion, j'ai pris de très nombreux engagements sur le temps partiel, en rappelant l'attachement et la volonté du Gouvernement de travailler en profondeur sur ce dossier. Je me réjouis que les hasards du calendrier parlementaire fassent que mon collègue Gérard Larcher soit présent dans l'hémicycle au moment où, solennellement, je veux réitérer nos engagements.

Le temps partiel subi, l'amplitude des horaires de travail, l'évolution aussi fréquente que possible vers un temps complet, l'accès à une formation adaptée, sont autant d'éléments sur lesquels le Gouvernement s'est engagé à travailler, ce qu'il fera dès la rentrée, par le biais de consultations et de négociations.

Tout à l'heure, M. Gournac a fait allusion à l'Europe. Bien entendu, j'aurai mon texte sous le bras lors des réunions européennes à Birmingham. La France joue incontestablement, par ses initiatives, un rôle d'aiguillon s'agissant de la place des femmes dans la société, en Europe, mais également dans le monde.

Mes remerciements iront également à la délégation aux droits des femmes, qui, dans le sillage de sa présidente, a toujours à coeur de faire avancer les dossiers.

Madame le rapporteur, c'est par vous que je terminerai en vous disant combien chacun a apprécié votre implication. La présentation d'un premier texte est toujours un grand moment d'émotion. Vous vous y êtes adonnée avec beaucoup de coeur ; c'est ce qui a permis des avancées dont nous ne pouvons que nous féliciter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 200 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 222
Majorité absolue des suffrages exprimés 112
Pour l'adoption 199
Contre 23

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

Madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi à mon tour de féliciter Mme le rapporteur pour l'autorité, la compétence, mais aussi la sérénité et la courtoisie avec lesquelles elle a défendu les positions de la commission.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes