Art. 15
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Art. 16 à 20

Article 15 ter

Dans l'article L. 1424-67 du code général des collectivités territoriales, la référence : « article 63 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale » est remplacée par la référence : « article 15 de la loi n°          du                    portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ». - (Adopté.)

Art. 15 ter
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Art. 22

Articles 16 à 20

M. le président. Les articles 16 à 20 ont été supprimés par l'Assemblée nationale.

Art. 16 à 20
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Art. 23

Article 22

Les articles 1er, 2 et 4 s'appliquent aux concours ouverts à compter du premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi.

L'article 3 s'applique aux fonctionnaires recrutés à compter du premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi.

L'article 6 entre en vigueur le premier jour du septième mois suivant la publication de la présente loi.  - (Adopté.)

Art. 22
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Art. additionnel après l'art. 23

Article 23

Le premier alinéa du II de l'article 90 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'établissement public est administré par un conseil d'administration et dirigé par un directeur général. Le conseil d'administration en vote le budget.

« Le président du conseil d'administration et le directeur général sont nommés par décret. »  - (Adopté.)

Art. 23
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l'article 23

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 23, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'ordonnance n° 2005-727 du 30 juin 2005 portant diverses dispositions relatives à la simplification des commissions administratives est ratifiée.

La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre. Dans le cadre de l'ordonnance de simplification du 1er juillet 2004, la suppression de deux cents commissions déconcentrées et leur remplacement par soixante-dix organismes pivots ont été décidés. Cette mesure a, me semble-t-il, été globalement saluée comme un progrès significatif tant pour l'usager que pour les administrations.

Or ce nouveau système n'a pu être mis en place le 1er juillet dernier, comme cela était initialement prévu.

C'est la raison pour laquelle je propose de reporter ce délai d'un an, pour que ce dispositif puisse entrer en vigueur dans de bonnes conditions et, surtout, que ces soixante-dix organismes pivots couvrent bien l'ensemble du champ prévu, tant il est vrai que de nombreuses commissions sont concernées ; je pense, entre autres, aux commissions départementales d'orientation de l'agriculture.

Je mesure ce que ce procédé a d'un peu exorbitant et je vous demande, mesdames, messieurs, les sénateurs, de bien vouloir m'en excuser.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Comme vient de le rappeler M. le ministre, sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 55 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, et répondant au souhait de réduire le nombre d'organismes collégiaux consultatifs et de simplifier leur composition, cette ordonnance vise à supprimer la consultation, notamment du conseil départemental de protection de l'enfance - commission qui ne se réunit plus dans les faits - ou de la commission chargée d'émettre un avis sur certains projets de remembrement réalisés par une agence foncière urbaine.

Cette ordonnance tend aussi à aménager les conditions d'entrée en vigueur de certaines dispositions de l'ordonnance n° 2004-637 relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre, et qui n'étaient pas d'application immédiate.

Il s'agit ainsi de se donner un peu plus de temps, jusqu'au 1er juillet 2006 au lieu du 1er juillet 2005, pour mettre en place les nouvelles commissions pivots destinées à remplacer certaines commissions déconcentrées existant actuellement.

Cet amendement ayant été déposé ce matin, j'espère que le Gouvernement aura su convaincre l'ensemble de mes collègues. Pour sa part, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Je voudrais simplement faire remarquer que la façon dont est utilisé l'article 38 de la Constitution est singulièrement évolutive et de plus en plus éloignée du libellé même de cet article.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !

M. Hugues Portelli. Je considère que le fait de déposer un amendement tendant à insérer un article additionnel dans un projet de loi de manière à ratifier une ordonnance est contraire à l'esprit de la Constitution de 1958. D'ailleurs, si les rédacteurs de celle-ci avaient vu se multiplier de tels procédés, ils en auraient sans doute été extrêmement surpris !

Je tiens, pour ma part, que la ratification d'ordonnances doit donner lieu au dépôt de textes spécifiques. Les articles additionnels ont, eux, pour objet de préciser la loi. Dès lors, il n'est à mes yeux ni normal ni correct de déposer, à la sauvette, un amendement comme celui-ci dans le but de ratifier des ordonnances.

Je me bornerai à cette réflexion, car, pour le reste, je ferai, bien sûr, comme tout le monde ! (Sourires.)

M. le président. Si je vous comprends bien, mon cher collègue, vous dénoncez le catimini !

M. Hugues Portelli. Non, monsieur le président, je conteste le procédé même consistant à utiliser un article de loi pour procéder à la ratification d'une ordonnance.

L'article 38 de la Constitution est tout à fait clair à ce sujet : il y a des lois d'habilitation, il y a des ordonnances et il y a des lois de ratification. Tel est le droit constitutionnel de la Ve République.

Or, je le répète, le fait de déposer un projet de loi de ratification pour ensuite avoir recours à un article de complaisance, et ce uniquement afin de respecter les délais, me paraît, même si cela est devenu coutumier, absolument anormal.

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà qui est profondément juste !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On peut dire qu'il s'agit d'une ratification-validation. En effet, selon le Conseil d'Etat, l'ordonnance, telle qu'elle a été prise, n'est pas conforme à la loi d'habilitation.

M. Hugues Portelli. C'est encore mieux !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, j'ai toujours dit que les validations étaient insupportables. Toutefois, nous avons très souvent été amenés à y recourir parce qu'un intérêt public supérieur était en jeu.

Or beaucoup de commissions ont été installées et, si nous ne ratifiions pas, il y aurait une cascade de décisions annulées. Par exemple, dans mon département, la Seine-et-Marne, deux remembrements ont été annulés simplement pour vice de forme. Or les remembrements coûtent des sommes colossales et, quand surgit un vice de forme, il faut tout recommencer !

Monsieur le ministre, tout le monde souhaitait que l'on supprime des commissions et, franchement, cela ne me choque pas que l'on habilite le Gouvernement à simplifier. Il s'agit d'une bonne mesure pour accélérer les choses. Mais dites à l'ensemble des membres du Gouvernement de bien veiller, quand nous votons un projet de loi d'habilitation, à le respecter strictement ou plutôt à nous proposer un projet de loi d'habilitation qui puisse ensuite se traduire dans des textes ; c'est la moindre des choses ! A défaut, nous serons face à un écheveau juridique inextricable. C'est bien la raison pour laquelle, en l'espèce, une ratification est urgente.

Evidemment, le procédé n'est pas glorieux. Mais reconnaissons que cela est déjà arrivé dans le passé : rappelez-vous certains concours ! Ce n'est donc malheureusement pas une première fois, mais j'aimerais, monsieur le ministre, pouvoir dire que c'est la dernière fois.

M. Jean-Pierre Sueur. Soyez prudent !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ecoutez, je vois ici certains anciens ministres qui nous ont demandé des validations ! Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre ! (Sourires.)

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, il faut que le Gouvernement fasse preuve d'une attention extrême. Nous n'aimons vraiment pas ces ratifications implicites, si nombreuses dans le passé.

Ici, il s'agit d'une ratification explicite, qui est aussi une validation, et qui est justifiée par l'urgence.

Monsieur le ministre, je pense que le Sénat va voter cet amendement, mais il faudrait inciter les auteurs des ordonnances à faire preuve de plus de vigilance.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23.

Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Art. additionnel après l'art. 23
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Claude Biwer, pour explication de vote.

M. Claude Biwer. Je voudrais tout d'abord dire que je partage le point de vue de M. le président de la commission à propos de l'amendement n° 11. Il est voté, mais je demeure inquiet quant aux perspectives évoquées à l'instant.

La mise en conformité de notre législation avec différentes directives communautaires permet un certain nombre d'avancées, qu'il s'agisse de la promotion de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, de la lutte contre les discriminations, de l'ouverture de la fonction publique aux ressortissants européens et, surtout, de la lutte contre la précarité.

Le fait de limiter le recours abusif aux contrats à durée déterminée constitue, en effet, le point d'orgue de ce projet de loi que nous comprenons bien et que nous approuvons.

Je sais que les syndicats dans leur ensemble sont opposés à cette mesure, mais il faut leur rappeler qu'elle a pour but de lutter contre la précarité des contractuels. Il ne s'agit ni de la mise en place d'une fonction publique parallèle ni de la fin du statut général de la fonction publique. II s'agit de prendre en compte une réalité et d'y adapter notre législation.

C'est pourquoi le groupe UC-UDF est favorable à ces dispositions et à l'ensemble du projet de loi, saluant au passage le travail remarquable qui a été accompli par notre collègue Mme Jacqueline Gourault, rapporteur.

Au-delà de ce texte, je voudrais insister sur la nécessité, monsieur le ministre, d'engager une réforme d'envergure de la fonction publique, et particulièrement de la fonction publique territoriale.

Cette réforme nous a été promise à maintes reprises et nous l'attendons toujours. Pourtant, des projets touchant aux acquis de l'expérience, à la formation professionnelle, aux seuils et aux quotas d'avancement, au droit syndical, aux adaptations aux nouveaux métiers, à la réforme des centres de gestion, et j'en passe, sont indispensables.

S'il n'est pas question de mettre un terme au principe d'un statut général de la fonction publique, tout le monde conçoit que la question de la rigidité de ce statut mérite d'être posée, afin d'assurer une plus grande équité entre tous les Français, sans protection abusive.

Les collectivités attendent légitimement cette réforme. La fonction publique territoriale a besoin de se moderniser. En effet, elle est confrontée à différents défis comme ceux qui sont liés aux évolutions de la décentralisation, de la structure démographique et du contexte européen.

Nous avons besoin d'une législation innovante et ambitieuse sur tous ces sujets. Je crois que vous avez annoncé cette réforme pour l'automne. J'espère, monsieur le ministre, que cette promesse ne restera pas lettre morte et je vous en remercie par avance.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, j'ai lu avec une attention particulière l'entretien que vous avez accordé à un quotidien et auquel j'ai déjà fait allusion. J'y ai perçu d'excellentes intentions. De façon logique, vous avez constaté que, depuis 1998, il n'y avait pas eu d'accord dans la fonction publique entre le Gouvernement et les syndicats. Vous avez annoncé que vous vouliez sortir de la culture de l'échec, ce qui me paraît intéressant, et que vous souhaitiez une négociation plus large avec les syndicats.

La deuxième lecture du projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique représentait pour vous une excellente occasion de mettre immédiatement vos bonnes intentions en pratique. Or vous faites exactement le contraire ! Cela étant, je reconnais que votre tâche n'est pas facile, car vous n'occupiez pas les fonctions de ministre de la fonction publique lors de la première lecture de ce projet de loi.

Vous voulez, nous dites-vous, moderniser l'Etat et réformer les 900 corps. Or vous créez une particularité : des fonctionnaires qui n'en sont pas, qui sont sous contrat à durée indéterminée. Vous créez un groupe supplémentaire, marginal par rapport au statut de fonctionnaire.

Vous souhaitez développer la fonction publique et le service public. Mais comment va faire le Gouvernement, tiraillé entre un ministre d'Etat qui annonce qu'il faut continuer de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et un Premier ministre qui dit qu'il n'est pas possible d'utiliser le « rabot » pour éliminer des fonctionnaires ? Il faudra faire preuve de davantage de cohérence et essayer de rapprocher les points de vue ; c'est une partie de votre mission.

Aujourd'hui, les fonctionnaires se posent des questions. Comment ont-ils été considérés jusqu'à présent ? Mal ! En trois ans, trois ministres de la fonction publique se sont succédé ! La fonction publique nécessite une continuité d'action, de réflexion ; elle ne peut être traitée au pied levé.

Vous annoncez qu'il faudra examiner les questions du pouvoir d'achat, du logement et de la protection sociale.

En ce qui concerne le pouvoir d'achat des fonctionnaires, vous devrez formuler des propositions parce que, ces dernières années, il a notablement diminué.

S'agissant du logement, en tant qu'élu de la Seine-Saint-Denis - mais le problème doit se poser dans les mêmes termes dans d'autres départements, et pas seulement en région parisienne -, je sais les difficultés de plus en plus importantes, parfois énormes, que rencontrent les fonctionnaires. Quant aux agents sous contrat à durée déterminée, il est clair que les sociétés d'HLM ne regarderont même pas leur dossier. Comment vont-ils se loger pendant les six années où ils seront dans cette situation ?

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Au contraire, ce sera plus facile pour eux !

M. Jacques Mahéas. Peut-être serait-il intéressant que vous vous portiez caution. Je ne sais pas ce qui pourra être fait dans ce domaine.

Pour ce qui est de la protection sociale des fonctionnaires, avec ce texte, elle risque fort d'être réduite. Il y aura toujours des élus pour trouver intéressant d'embaucher des personnes sous contrat à durée déterminée pendant six ans, puis éventuellement de les remercier, sauf si elles sont âgées de plus de cinquante ans, puisque, dans ce cas, la loi prévoit nécessairement un contrat à durée indéterminée.

Le groupe socialiste ne pourra voter ce projet de loi, qui, je le répète, ne porte malheureusement pas plus à l'issue de cette seconde lecture qu'après la première la marque des bonnes intentions que vous avez affichées en tant que nouveau ministre de la fonction publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique
 

6

 
Dossier législatif : projet de loi relatif aux concessions d'aménagement
Discussion générale (suite)

Concessions d'aménagement

Adoption définitive d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux concessions d'aménagement
Art. 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux concessions d'aménagement (nos 431, 458).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter au nom de Dominique Perben, et qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en première lecture, va mettre un terme à un long débat sur la nature des conventions d'aménagement et les conditions dans lesquelles elles doivent être conclues.

Ce texte est très attendu par les collectivités et les aménageurs. Il permettra de lever des incertitudes juridiques qui entravent la réalisation des opérations d'aménagement et compromettent le succès de la relance des constructions de logements, pourtant essentielle pour nos concitoyens.

Les changements apportés sont profonds. Notre droit interne permettait aux communes de choisir librement leur aménageur, sans obligation de mise en concurrence préalable.

Cette faculté a été réaffirmée en dernier lieu par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, qui a par ailleurs réservé les subventions publiques aux opérations confiées à un établissement public d'aménagement ou à une société d'économie mixte, leur conférant ainsi un quasi-monopole.

Depuis 2001, la Commission européenne conteste ce dispositif. La France a soutenu que les conventions d'aménagement ne constituaient ni des marchés de travaux ni des délégations de service public et n'étaient donc pas soumises aux règles de publicité et de passation prévues pour ces contrats. Et il est exact qu'elles ne sont ni l'un ni l'autre.

Mais la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que tous les contrats publics, y compris ceux qui sont exclus du champ d'application des directives sur la passation des marchés, devaient faire l'objet d'une publicité préalable pour respecter les règles fondamentales du traité de l'Union.

Cette jurisprudence, qui a été reprise par un premier jugement de notre justice administrative, imposait de modifier notre système juridique. La discussion a été renouée avec la Commission européenne. Elle a débouché sur le texte qui vous est aujourd'hui soumis.

La philosophie générale de ce texte est simple. Il subordonne le choix d'un aménageur à une mise en concurrence préalable et met les différents aménageurs sur un pied d'égalité quel que soit leur statut, public, semi-public ou privé : égalité des droits à concourir et à être désigné comme concessionnaire, égalité des moyens d'action - je pense, par exemple, à la possibilité de se voir déléguer le droit de préemption urbain - mais aussi égalité au regard des obligations qui leur sont faites, notamment en matière de publicité de leurs propres marchés, de contrôle ou de rendu compte auprès de la collectivité concédante.

J'en viens aux principales dispositions du projet de loi.

Une catégorie unique de contrats d'aménagement, ouverts à tous les aménageurs, qu'ils soient publics ou privés, est créée : c'est la concession d'aménagement.

Compte tenu de la diversité des situations, le projet de loi fixe un cadre très général. Il appartiendra aux communes d'adapter les traités de concession aux caractéristiques des opérations dont elles prennent l'initiative et pour lesquelles elles apportent, le cas échéant, une participation financière contribuant à leur équilibre.

Les concessions d'aménagement devront être conclues en respectant des procédures de publicité et de mise en concurrence qui seront définies par décret en Conseil d'État.

Ce décret retiendra des procédures très comparables à celles qui découlent de la loi Sapin, en tenant compte de l'existence ou de l'absence d'une participation de la collectivité et, le cas échéant, de son importance.

En cas de participation publique, le contrôle exercé sur le concessionnaire sera analogue à celui que la loi prévoit aujourd'hui pour les opérations menées par des SEM, des sociétés d'économie mixte.

Les marchés conclus par le concessionnaire pour la réalisation des travaux et des équipements destinés à être remis à l'issue de la concession à la collectivité locale devront, eux aussi, faire l'objet d'une procédure spécifique de transparence et de concurrence, procédure qui sera différente selon que l'opération est partiellement financée par des fonds publics ou entièrement prise en charge par l'aménageur privé.

Enfin, conformément à la jurisprudence européenne, le concédant ne sera pas tenu de mettre en oeuvre une procédure de mise en concurrence lorsqu'il conclura une concession avec un aménageur sur lequel il exerce un contrôle comparable à celui qu'il exerce sur ses propres services.

A cet égard, les débats à l'Assemblée nationale ont longuement porté sur l'impossibilité, pour les collectivités, de se doter de sociétés à capitaux exclusivement publics, comme il en existe dans de nombreux pays européens.

Le Gouvernement a pris l'engagement de constituer un groupe de travail et de préparer très rapidement un texte qui permettra de donner aux collectivités qui le souhaitent, la possibilité de disposer d'opérateurs dédiés dont elles assureraient entièrement le contrôle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi très technique est essentiel pour apporter aux opérations d'aménagement la sécurité juridique indispensable à leur réalisation.

Il modifiera très sensiblement des pratiques anciennes, mais je ne doute pas que l'ensemble des acteurs de l'aménagement, dont il faut saluer le professionnalisme et la compétence, sauront s'adapter.

Dans un cadre plus sûr et plus transparent, ce projet de loi permettra aux collectivités et à leurs élus de poursuivre le développement de nos villes, indispensable pour assurer leur vitalité culturelle et économique et répondre aux besoins de leurs habitants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, vous venez de le rappeler, les conventions passées pour la réalisation d'opérations d'aménagement ne font aujourd'hui l'objet, dans notre droit interne, d'aucune obligation de publicité ni de mise en concurrence.

Certaines d'entre elles, appelées « conventions publiques d'aménagement », ne peuvent être conclues qu'avec des sociétés d'économie mixte locales, des sociétés d'économie mixte dont le capital est détenu à plus de la moitié par une ou plusieurs collectivités publiques et des établissements publics. Elles permettent à leurs titulaires de bénéficier d'une participation de la collectivité publique et de prérogatives de puissance publique, telles que le droit d'exproprier et de préempter.

Mais, nous le savons tous, mes chers collègues, ce régime est aujourd'hui très fragilisé, ce qui suscite l'inquiétude d'un grand nombre d'élus locaux, de présidents et d'administrateurs de sociétés d'économie mixte.

En effet, la Commission européenne a adressé à la France, en 2001, une lettre de mise en demeure. La Cour de justice des Communautés européennes, le 7 décembre 2000, a rendu une décision dite Telaustria. Le 5 février 2004, dans un avis motivé qu'elle a adressé à la France, la Commission européenne a contesté la compatibilité de notre procédure avec le droit communautaire. Le 9 novembre 2004, la cour administrative d'appel de Bordeaux en a tiré les conséquences dans un arrêt pris au second degré. Enfin, il y a eu l'arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005 de la Cour de justice des Communautés européennes.

L'ensemble de ces événements montre, à l'évidence, les limites du dispositif que nous connaissons. C'est pourquoi il est nécessaire de légiférer, et cela fait, me semble-t-il, l'objet d'un large accord.

D'ailleurs, M. Jean-Pierre Bel et plusieurs de nos collègues du groupe socialiste, M. Paul Blanc et plusieurs de nos collègues du groupe UMP ont présenté des propositions de loi qui allaient exactement dans ce sens, et donc dans le même sens que le projet de loi que vous venez de présenter, monsieur le ministre.

L'idée qui sous-tend ce projet de loi est simple : les concessions ayant pour objet l'aménagement, sous toutes ses formes, pourront être conclues avec toute personne publique ou privée, mais elles devront être soumises à des règles de publicité et de mise en concurrence d'une parfaite équité.

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications au projet de loi initial.

En premier lieu, elle a élargi le champ des missions des concessionnaires, en leur confiant la réalisation de toutes les missions nécessaires à l'exécution des programmes des opérations d'aménagement.

En deuxième lieu, elle a précisé que la participation du concédant au coût d'une opération d'aménagement pouvait prendre la forme d'un apport financier ou d'un apport en terrain.

En troisième lieu, elle a, dans un souci de souplesse, rendu facultative la mention de la localisation des équipements publics dans les zones d'aménagement concerté, les ZAC, prévues par un plan local d'urbanisme, ou PLU.

Je tiens à souligner que c'est là une innovation positive.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. En effet, autant il est souhaitable, lorsque l'on crée une ZAC, d'indiquer la nature des équipements publics que l'on a l'intention d'y installer, autant il faut laisser la place aux concours d'urbanisme, d'architecture, à la concertation avec les habitants, pour décider finalement de l'endroit où l'on va implanter la bibliothèque, la piscine ou tel autre équipement public.

En quatrième lieu, l'Assemblée nationale a introduit l'obligation de soumettre à une enquête publique les délibérations du conseil municipal concernant l'établissement des plans d'alignement et de nivellement, l'ouverture, le redressement et l'élargissement des voies communales.

En cinquième lieu, elle a introduit un nouvel article, l'article 11, qui permet de procéder à la validation législative de l'ensemble des conventions passées - et, par conséquent, des opérations qu'elles ont permis de réaliser - avant la promulgation de la loi.

La commission des lois du Sénat souscrit tout à fait à une telle validation. Puisque nous recherchons la sécurité juridique, il est clair qu'il faut valider ce qui a été fait en fonction de la législation actuelle au moment où nous mettons cette législation en conformité avec le droit européen.

Une autre innovation de l'Assemblée nationale, que la commission a retenue mais qui ne suscite pas forcément l'enthousiasme de son rapporteur, consiste à proroger de six mois le délai accordé au Gouvernement pour réformer par ordonnance les différents régimes d'enquêtes publiques. Qu'en dirait M. Portelli, qui évoquait tout à l'heure cette question, à propos du précédent texte ? M. le président de la commission des lois a également dit : « Je souhaiterais que ce fût la dernière fois. » Or il nous est de nouveau demandé une prorogation de délai !

Voilà donc les modifications qui ont été introduites par l'Assemblée nationale.

Permettez-moi maintenant, monsieur le ministre, mes chers collègues, de formuler quelques remarques.

Premièrement, dans ce projet de loi, la définition des règles de publicité et de mise en concurrence est renvoyée à un décret. Nous émettons quelques doutes sur cette procédure. Il est en effet paradoxal de renvoyer l'essentiel de l'objet du projet de loi, c'est-à-dire la définition des règles de transparence et de mise en concurrence, à un simple décret.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que l'article 34 de la Constitution dispose que la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales relève de la loi, ce qui signifie que l'on ne peut imposer à celles-ci quelque obligation que ce soit sans le vote d'une loi.

Le Conseil d'Etat considère d'ailleurs depuis fort longtemps que le code des marchés publics intervient dans une matière normalement réservée au législateur lorsqu'il détermine les modalités de passation et d'exécution des marchés des collectivités locales.

La procédure de passation des délégations de service public a ainsi été fixée par la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin ». Vous y avez du reste fait allusion, monsieur le ministre, et c'était précisément à propos de ce que contiendrait le futur décret.

Nous savons tous ici qu'il est possible de se référer, et vous ne manquerez pas de le faire, au fameux décret-loi du 12 novembre 1938 relatif aux marchés publics. Je me permets cependant de vous faire humblement remarquer, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ce texte est évidemment antérieur au partage des domaines respectifs de la loi et du règlement opéré par la Constitution de 1958...

Nous avons donc décidé de vous soumettre un amendement tendant à indiquer ce qui, à notre avis, doit constituer la substance de cette publicité et de cette mise en concurrence. Nous aurons l'occasion d'y revenir ultérieurement et de vous interroger à ce sujet, monsieur le ministre.

Deuxièmement, je souhaite me faire l'écho d'une question que nous avons évoquée avec les partenaires des opérations d'aménagement que nous avons rencontrés.

Chacun le sait, aujourd'hui, les sociétés d'économie mixte d'aménagement et les autres aménageurs, notamment privés, ne sont pas soumis au même régime fiscal. Or, à partir du moment où l'on fait jouer la concurrence, il paraît utile de mener une réflexion à ce sujet. En effet, il ne faudrait pas que se crée, à l'occasion de cette mise en concurrence et par le biais de cette différence de régime fiscal, une distorsion qui serait préjudiciable à l'équité.

Troisièmement, je souhaite soulever une question de principe à propos de l'ordonnance du 6 juin 2005, qui a été publiée mais n'a pas été ratifiée par le Parlement.

Le Conseil d'Etat considère en effet que, dès lors qu'une ordonnance est citée dans un texte de loi, cette citation vaut ratification.

En ce qui concerne les partenariats public-privé, on s'est ainsi trouvé dans une situation pour le moins bizarre, le Conseil d'Etat ayant jugé qu'une ordonnance était ratifiée dans la mesure où elle était citée dans la loi relative à la politique de santé publique.

Or ce n'était pas l'avis du Parlement puisque, à l'occasion de l'examen d'un tout autre texte, le rapporteur du Sénat avait déposé un amendement tendant à la ratification de l'ordonnance en question : le fait que la Haute Assemblée ait eu l'intention de ratifier cette ordonnance signifie bien que ses membres étaient opposés à la ratification implicite de cette dernière.

Et ce n'était pas non plus l'avis du puisque celui-ci avait déposé un projet de loi de ratification de cette même ordonnance devant le Conseil d'Etat : cela tend à prouver que lui non plus n'admet pas la notion de ratification implicite.

En vertu de cet arrêt du Conseil d'Etat, la simple citation d'une ordonnance dans un texte de loi pourrait donc se traduire par une sorte de ratification implicite, « à l'insu du plein gré », si je puis dire, du Parlement et du Gouvernement. (Sourires.)

M. Paul Blanc. Ça, c'est vraiment de la simplification administrative !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le ministre, nous aimerions être rassurés sur ce point lorsque nous examinerons l'article dans lequel est citée l'ordonnance du 6 juin 2005.

J'en arrive à mon quatrième sujet de réflexion.

Vous y avez fait référence, monsieur le ministre : plusieurs députés, reprenant une position défendue par de nombreux présidents de société d'économie mixte et par la Fédération nationale des sociétés d'économie mixte, ont souhaité que puissent être créées des sociétés publiques locales ayant une collectivité locale pour actionnaire unique.

Cette proposition, qui avait reçu l'agrément de l'ensemble des groupes, a donné lieu à un grand débat à l'Assemblée nationale, le Gouvernement faisant pour sa part valoir un certain nombre d'objections juridiques, relatives, notamment, au statut des sociétés anonymes.

Je formulerai, à cet égard, deux remarques.

Tout d'abord, les sociétés anonymes ne me semblent pas relever de l'économie mixte qui, par définition, est... mixte.

Ensuite, il faudra veiller à ce que ces sociétés, qui peuvent tout à fait être utiles, n'entraînent pas le démembrement des collectivités locales.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. En effet, à partir du moment où l'on crée, afin de gérer la compétence « aménagement », une société dont le seul et unique actionnaire est une collectivité locale, le risque existe de voir le champ de compétence de cette société s'étendre progressivement à l'urbanisme, au logement,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. A la culture !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. ... et déborder sur telle ou telle prérogative des collectivités locales : le sport, la culture, etc.

Selon nous, une collectivité locale ne saurait en aucun cas devenir une sorte d'addition de sociétés. Il y a donc là un problème de fond. Bien que cette idée de société publique locale à actionnaire unique soit sans doute utile et pertinente, il nous faut d'abord réfléchir à certains points.

Monsieur le ministre, vous avez proposé la création d'un groupe de travail. Cette suggestion a été acceptée par l'Assemblée nationale puisque les amendements qui tendaient à concrétiser cette idée ont été retirés.

J'ajouterai encore deux observations avant de conclure.

Premièrement, et c'est la raison pour laquelle cette mesure est réclamée avec force par beaucoup d'élus, les sociétés dont nous parlons aujourd'hui sont, toutes catégories confondues, au nombre de 16 000 en Europe. Parmi elles, 14 000 sociétés ont pour actionnaire unique une collectivité publique. Or, parmi ces 14 000 sociétés, aucune n'est française !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et voilà !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. On ne voit pas pourquoi ce dispositif, qu'on appelle le « in house » et qui existe dans les autres pays européens, ne pourrait pas exister chez nous ?

Il ne s'agit pas d'éviter la concurrence, par ailleurs rendue possible et nécessaire en vertu du présent projet de loi, mais de réfléchir à un autre dispositif, déjà mis en place dans d'autres pays. En effet, si elles étaient les seules à ne pouvoir y recourir, nos collectivités risqueraient d'être pénalisées.

Nous devons approfondir cette question, tout en tenant compte des difficultés que j'ai énoncées tout à l'heure.

Deuxièmement, il semble qu'au sein du groupe de travail dont vous avez souhaité la mise en place, monsieur le ministre, et qui s'est déjà réuni une fois, la participation de sénateurs ne soit pas prévue. Si cet état de fait subsistait, il y aurait, pour le coup, une profonde anomalie. Vous n'ignorez pas, en effet, qu'en vertu de la Constitution le Sénat représente les collectivités territoriales de la République française !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Bien entendu, mes chers collègues, la commission des lois vous propose d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;

Groupe socialiste, 23 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 8 minutes ;

Réunion administrative des sénateursne figurant sur la liste d'aucun groupe6 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui pourrait a priori nous permettre de faire l'économie d'une discussion, tant est large le consensus dont il fait l'objet. Toutefois, je souhaite apporter la contribution de mon groupe au débat en insistant sur deux ou trois points qui me semblent importants.

Afin de répondre aux exigences de la Commission européenne, nous sommes conduits à modifier le code de l'urbanisme en prévoyant une obligation minimale de transparence, de publicité et de mise en concurrence pour les conventions publiques d'aménagement.

En effet, depuis le vote de la loi SRU du 13 décembre 2000, une distinction est opérée entre les conventions d'aménagement dites « ordinaires » et les conventions publiques, ces dernières n'étant pas soumises à des contraintes de publicité.

Cet état du droit, justifié par le particularisme de nos conventions d'aménagement, avait fait l'objet de critiques de la part de la Commission européenne, celle-ci considérant que les conventions d'aménagement ne peuvent être exemptées d'obligation de mise en concurrence.

Le point d'orgue fut l'invalidation d'une procédure d'aménagement par la cour administrative d'appel de Bordeaux, en novembre dernier.

En l'état, la situation est juridiquement instable et un grand nombre de conventions risquent d'être annulées, ce qui porterait un coup d'arrêt à de nombreuses opérations d'aménagement. Réformer le droit des contrats d'aménagement est aujourd'hui une urgence.

C'est donc, dans un premier temps, le souci de sécuriser l'environnement juridique des concessions d'aménagement qui justifie ce projet de loi, et nous ne pouvons qu'y souscrire.

Nous y sommes d'autant plus favorables que, depuis que le Gouvernement a fait part de son projet de réformer les conventions publiques d'aménagement, la Commission a suspendu sa plainte auprès de la Cour de justice des Communautés européennes.

Sur le fond, la question de l'obligation de publicité et de mise en concurrence des concessions d'aménagement mérite que l'on s'y attarde un peu plus.

Bien entendu, nous soutenons l'idée selon laquelle il faut placer tous les aménageurs sur un pied d'égalité et nous attachons une importance particulière au respect du principe de l'égal accès à la commande publique. Nous ne pouvons toutefois occulter la spécificité de ce type de contrat.

C'est pourquoi il nous semble indispensable que la mise en concurrence conduise les adjudicateurs à faire un choix guidé par des considérations qualitatives, et non pas seulement par la recherche du meilleur prix, sur lequel ils doivent d'ailleurs quelquefois se justifier.

En effet, le recours à ces conventions est généralement motivé par la réalisation d'opérations importantes, qui touchent au logement et à la construction de zones de commerce, mais qui s'accompagnent également de la mise en place de services publics.

Apparemment, monsieur le ministre, nous pouvons être rassurés. En effet, si la procédure établie par décret, en application de la présente proposition de loi, ressemble à celle qu'a fixée la loi Sapin, les critères retenus devraient s'apparenter aux critères qualitatifs et à la confiance que des élus accordent aux entreprises avec lesquelles ils traitent plus qu'aux critères liés au prix.

Pourrez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre, sur le contenu de ce décret ?

Notre souci est ici, bien sûr, de trouver un juste équilibre entre le principe de l'égal accès à la commande publique et la spécificité des contrats d'aménagement, mais également de garantir la sauvegarde des sociétés d'économie mixte. Le risque est en effet pour celles-ci de perdre des contrats, une fois les aménageurs privés installés dans le jeu de la concurrence.

Or les SEM ont des atouts à défendre. Il s'agit d'un instrument que les collectivités ont su utiliser et qu'il est important de préserver. Nous le savons, avec ce texte, il n'est pas question de bouleverser le fonctionnement des SEM, mais il ne faudrait pas que, par ricochet, la mise en oeuvre de cette réforme remette en cause leur existence.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur un autre élément du contenu du futur décret d'application.

Il sera possible pour les collectivités de constituer des commissions chargées des concessions d'aménagement. Nous souhaitons - le groupe UC-UDF attache beaucoup d'importance à cette question - que ne soient pas oubliés, dans la composition de ces commissions, les agents territoriaux en charge du dossier.

Grâce à notre collègue Christian Gaudin, auteur d'un amendement tendant à insérer un article additionnel dans le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, une erreur du code général des collectivités territoriales quant à la composition des commissions compétentes en matière de délégation de service public a été corrigée.

S'agissant des commissions chargées des concessions d'aménagement, la présence des agents territoriaux n'est pas prévue, contrairement à ce qu'il en est pour les commissions d'appels d'offres.

Or, du fait de cette lacune, des procédures ont été annulées à plusieurs reprises par la juridiction administrative en raison de la présence d'agents dans les commissions de délégation de service public.

Pourtant, il s'agit bien souvent, si ce n'est toujours, de personnes qui apportent un soutien technique majeur aux élus.

Monsieur le ministre, nous sommes réunis ici précisément pour rompre avec la situation actuelle d'insécurité juridique. C'est pourquoi je vous encourage à ne pas faire la même erreur que pour les délégations de service public, au risque de fragiliser la procédure de passation de concession d'aménagement.

Enfin, monsieur le ministre, alors que nous sommes réunis ici pour adapter notre code de l'urbanisme aux exigences européennes, une récente jurisprudence de la Cour européenne de justice m'inquiète.

En effet, selon les termes du projet de loi, sont exemptées des obligations de publicité et de mise en concurrence les prestations « in house », selon l'expression empruntée à la jurisprudence communautaire.

Deux conditions doivent préalablement être remplies : il faut, d'une part, que l'entité adjudicatrice « exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services » et, d'autre part, que la personne morale prestataire « réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ».

En outre, la Cour européenne a rendu en janvier dernier un arrêt en vertu duquel les SEM comprenant un actionnaire privé ne peuvent bénéficier de l'exemption de la mise en concurrence prévue pour les contrats « in bouse ». Or, selon le code général des collectivités territoriales, « la participation des actionnaires [des SEM] autres que les collectivités territoriales et leurs groupements ne peut être inférieure à 15% du capital social. »

Comment donc concilier cette exigence avec la nouvelle jurisprudence communautaire qui interdit l'exception « in house » pour les SEM qui comprennent un actionnaire privé ? Cette situation ne risque-t-elle pas de créer une nouvelle situation d'insécurité juridique?

Je voudrais, avant de conclure, saluer l'initiative du rapporteur de l'Assemblée nationale sur ce texte, qui a proposé un amendement validant l'ensemble des conventions en cours et permettant ainsi de mettre fin à une incertitude quant à leur poursuite.

Par ailleurs, s'agissant de l'importante question des sociétés publiques locales, nous sommes favorables à la création d'un groupe de travail annoncé par M. le ministre à l'Assemblée nationale. Je souhaite seulement, comme M. le rapporteur, que le Sénat soit associé à cette démarche.

Il est important de faire participer le plus grand nombre à cette réflexion pour trouver de nouveaux modes de gouvernance des collectivités territoriales et offrir plus de souplesse aux SEM pour leur permettre de s'adapter aux nouvelles exigences, notamment à celles du présent projet de loi.

En outre, la possibilité de transformer les SEM en sociétés publiques locales détenues entièrement par les collectivités territoriales permettrait peut-être de se conformer à la jurisprudence récente de la Cour européenne que j'ai évoquée à l'instant.

Ces quelques remarques sur des points auxquels les membres du groupe UC-UDF sont particulièrement attachés étant faites, je vous assure de notre soutien, monsieur le ministre.(Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui a pour objectif de mettre fin à l'incertitude juridique entourant depuis l'an dernier les projets d'aménagement engagés par les sociétés d'économie mixte dans le cadre de conventions publiques d'aménagement.

En effet, en l'état actuel du droit, ces conventions passées pour la réalisation des opérations d'aménagement ne sont soumises à aucune obligation de publicité ni de mise en concurrence.

L'article L. 300-4 du code de l'urbanisme dispose que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics peuvent confier l'étude et la réalisation d'opérations d'aménagement à toute personne publique ou privée y ayant vocation.

Mais il prévoit également que les dispositions de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux conventions publiques d'aménagement, c'est-à-dire aux conventions passées avec un établissement public ou une SEM.

Il était donc urgent de modifier le régime juridique de passation de ces conventions publiques d'aménagement. Cela l'était d'autant plus que la Cour de justice des communautés européennes, dans sa décision Telaustria du 7 décembre 2000, a posé le principe de l'obligation de respecter les règles minimales de publicité et de mise en concurrence lorsque sont conclues des concessions de service public.

Elle précise que les règles régissant la passation des conventions d'aménagement par les collectivités territoriales n'étaient pas compatibles avec les règles fondamentales du Traité, lequel garantit la neutralité à l'égard du statut public ou privé des entreprises et impose aux pouvoirs adjudicateurs de respecter des principes de non-discrimination et d'égalité de traitement.

La cour administrative d'appel de Bordeaux s'inscrit dans la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes en affirmant, dans un arrêt Sogedis du 9 novembre 2004, qu'une concession d'aménagement, alors qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de la loi Sapin, n'est toutefois pas exclue du champ d'application des règles fondamentales posées par le traité de l'Union et doit respecter les obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats.

Les conventions d'aménagement qui ont déjà été conclues se trouvent donc dans une situation juridique incertaine, puisque la jurisprudence de la cour administrative d'appel fait peser sur elles un risque d'annulation non négligeable. Cette incertitude juridique posant évidemment problème aux collectivités territoriales et aux SEM qui les ont conclues, il était urgent d'adapter notre législation en la matière.

Le texte qui nous est soumis procède à une modification du code de l'urbanisme. Dans un premier temps, il supprime la distinction qui existait entre les conventions d'aménagement conclues avec une personne publique, les conventions publiques d'aménagement, et les conventions passées avec une personne privée, les conventions ordinaires.

La suppression de toute distinction entre les cocontractants d'une concession d'aménagement répond, certes, à l'exigence de non-discrimination édictée par la Cour de justice des communautés européennes Mais en soumettant les concessions d'aménagement à un régime unique ouvert à la concurrence, le Gouvernement applique strictement les principes d'une concurrence libre et non faussée, ce qui pose la question de la mise en concurrence des SEM avec le secteur privé.

Désormais, l'attribution des concessions d'aménagement sera soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes.

Mais plutôt que de préciser et de détailler dans la loi les conditions d'attributions des concessions, le Gouvernement a fait le choix de renvoyer à un décret pris en Conseil d'Etat.

Ce choix est regrettable, car nous aurions voulu connaître les conditions de publicité exigées pour l'attribution d'une concession d'aménagement. En ce sens, nous saluons l'initiative du rapporteur, monsieur Sueur, qui a déposé un amendement visant à préciser la procédure de publicité. Nous aimerions que le Gouvernement soit plus clair et s'engage précisément à ce sujet.

Nous souhaitons que l'attribution des concessions d'aménagement se fasse dans le cadre d'une procédure qui soit analogue à celle de la loi Sapin et qui respecte ainsi les principes de transparence et de non-discrimination.

Le vide juridique entourant la conclusion des conventions d'aménagement serait ainsi comblé. Les dispositions du code de l'urbanisme se trouveraient en conformité non seulement avec les exigences de la Commission européenne qui, à deux reprises, a notifié à la France l'obligation de revoir sa législation en matière de passation des conventions d'aménagement, mais aussi avec la jurisprudence dégagée par la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par ailleurs, si l'article 2, qui traite des modalités de mise en oeuvre des concessions d'aménagement, ne pose pas réellement de problème, il me semble important de m'arrêter quelques instants sur l'article 3. Celui-ci, dans le texte proposé pour l'article L. 300-5-2 du code de l'urbanisme, dispense des règles de publicité et de mise en concurrence les « concessions d'aménagement conclues entre le concédant et un aménageur sur lequel il exerce un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de son activité avec lui ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui le contrôlent ».

Ce type de concessions est encore appelé « in house ». Cette disposition ne fait que reprendre la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, et plus particulièrement l'arrêt Teckal du 18 novembre 1999. Selon cet arrêt, les directives communautaires relatives aux marchés publics ne s'appliquent pas lorsque, pour répondre à ses besoins, la collectivité publique recourt à ses propres services ou à une entité juridique distincte constituant un simple prolongement administratif.

Mais la portée de cet arrêt a été réduite par l'arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005. La Cour de justice des communautés européennes a en effet considéré que la participation, fût-elle minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services.

Les contrats passés entre une collectivité territoriale et une société d'économie mixte locale ne pouvant entrer dans le champ des prestations « in house », ils ne sont donc pas exemptés des règles de publicité et de mise en concurrence. En effet, les SEM doivent nécessairement contenir dans leur capital une partie, ne serait-ce qu'infime, de capital privé.

Cet état de fait pose la question de sociétés qui seraient détenues à l00 % par des personnes publiques, et dont l'Assemblée nationale proposait la création sous la dénomination de « sociétés publiques locales ». Si les amendements du rapporteur sur ce sujet ont été retirés en séance, je tiens néanmoins à exprimer mon point de vue, qui va d'ailleurs rejoindre celui de notre rapporteur.

La création de sociétés publiques locales n'est pas sans soulever un certain nombre de problèmes. Si le champ d'application de telles sociétés serait au départ limité à l'aménagement, cet outil serait vraisemblablement vite étendu à d'autres domaines, comme le logement ou encore la santé.

Nous pourrions alors assister, comme M. le rapporteur le souligne à juste titre, à un démembrement progressif des services des collectivités territoriales, ce qui n'est évidemment pas souhaitable.

Des amendements ont été déposés en ce sens. Nous espérons que les débats permettront d'éclairer le Sénat sur l'opportunité ou non de créer de telles sociétés.

Quoi qu'il en soit, ce texte permet de mettre fin à une situation d'insécurité juridique préjudiciable à la mise en oeuvre des opérations d'aménagement. Il était donc nécessaire de mener une réflexion sur ce point. C'est la raison pour laquelle les membres du groupe CRC se prononceront favorablement sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. André Vézinhet.

M. André Vézinhet. « Aménagement : maître mot de l'action publique » ! Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aménager un territoire est en effet l'une des responsabilités majeures des élus, à l'échelle de leurs collectivités, qu'il s'agisse des communes, des intercommunalités, des départements ou des régions.

La réussite des opérations d'aménagement qui se déroulent sur une longue durée passe par un portage politique puissant et une maîtrise d'ouvrage responsabilisée qui permettent d'anticiper, d'adapter les projets à l'évolution de la conjoncture et du marché.

A ce titre, l'aménagement et l'équipement du territoire ne peuvent se limiter à une simple approche économique qui relèverait du domaine concurrentiel.

C'est pourquoi de nombreuses collectivités se sont appuyées sur des sociétés d'économie mixte qu'elles ont mises en place. Les SEM ont apporté la transparence et la souplesse de gestion d'une société anonyme dans la réalisation des projets des collectivités.

Le rapporteur de la commission des lois, M. Jean-Pierre Sueur, a expliqué par le menu, voilà un instant, le feuilleton juridique auquel a donné lieu le fonctionnement des SEM.

Je m'en tiendrai donc à un bref rappel.

Depuis 2001, la Commission européenne demande à l'Etat français de justifier de la compatibilité avec le droit communautaire des modalités d'octroi des conventions d'aménagement.

Les réponses de la France n'ont pas satisfait la Commission, qui a saisi la Cour de justice des communautés européennes.

La position de la Cour a été clairement énoncée : pour respecter les règles fondamentales du traité de l'Union, tous les contrats publics, y compris ceux qui sont exclus des directives sur la passation des marchés, doivent faire l'objet d'une publicité adéquate, permettant une ouverture à la concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication.

La cour administrative d'appel de Bordeaux, dans un arrêt du 9 novembre 2004, s'est appuyée sur cette jurisprudence pour annuler une convention publique d'aménagement, instaurant de fait une incertitude juridique préjudiciable à l'ensemble des acteurs et faisant courir le risque d'une fragilisation des contrats en cours. Contrôle de légalité et recours d'un tiers pèsent désormais sur tous les projets d'aménagement public, dont l'essence est et doit demeurer de répondre à l'intérêt général.

Une réforme du régime des concessions s'imposait donc d'urgence, afin de conformer ce régime aux principes de transparence, de publicité et de mise en concurrence prévus par le droit européen.

Conscients de cette urgente nécessité, les parlementaires, toutes sensibilités politiques confondues, ont pris l'initiative dès le printemps de déposer, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, des propositions de loi en ce sens. Je suis moi-même coauteur de la proposition de loi n° 278, déposée le 5 avril dernier par le groupe socialiste.

Le Gouvernement a préféré présenter son propre texte, annoncé pour la fin mars par M. Gilles de Robien. C'est finalement sur le projet de loi présenté par M. Dominique Perben que nous allons nous prononcer aujourd'hui.

Si ce projet de loi est assez proche des différentes propositions de loi, on peut pourtant regretter le retard pris pour l'inscription à l'ordre du jour.

La discussion d'une proposition de loi voilà plusieurs semaines et la navette parlementaire qui serait alors intervenue auraient sans doute permis d'enrichir le contenu de la réforme proposée.

Aujourd'hui au contraire, pressés par le temps et soucieux de mettre en place rapidement la nouvelle procédure, nous allons, je n'en doute pas, devoir passer une fois de plus sous les fourches caudines du vote conforme.

Ce texte est perfectible, cependant. Le groupe socialiste a d'ailleurs déposé deux amendements, sur lesquels nous reviendrons tout à l'heure.

L'article 1er appelle plusieurs remarques.

Tout d'abord, il efface la distinction entre convention d'aménagement ordinaire et convention publique d'aménagement, pour créer des concessions d'aménagement désormais soumises aux règles de publicité.

Il porte en corollaire une nouveauté, puisque, désormais, tout concessionnaire, qu'il soit public ou privé, peut se voir accorder les prérogatives de puissance publique que sont les droits de préemption et d'expropriation. Ces droits n'étaient jusqu'alors délégués par la collectivité publique qu'aux seuls aménageurs publics.

Ce point n'est pas anodin. Il appartiendra à chaque collectivité publique d'être vigilante quant aux conditions dans lesquelles elle peut être amenée à déléguer à un aménageur privé - c'est une simple faculté, et non une obligation - les droits de préempter et d'exproprier, procédures lourdes de signification dans la mesure où elles portent atteinte au droit de propriété.

Ces procédures de préemption ou d'expropriation doivent naturellement être portées par le politique, pour être acceptées le mieux possible dans le cadre de la réalisation d'un projet d'intérêt général.

Ma seconde remarque concerne le renvoi au décret pour préciser les conditions de la procédure de publicité dans l'attribution des concessions d'aménagement.

Pour le groupe socialiste, il devait incomber au législateur de fixer ces règles et, à tout le moins, de fixer des seuils.

Nous nous félicitons du dépôt par le rapporteur de la commission des lois d'un amendement en ce sens, auquel nous nous rallierons bien volontiers.

Pour en finir avec l'article 1er, je rappellerai l'ajout positif des députés qui, sur proposition du rapporteur et du groupe socialiste, ont élargi les missions des aménageurs aux actions d'accompagnement social ou de promotion économique.

J'indiquais précédemment que le groupe socialiste avait déposé deux amendements : un amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 6 et un amendement de suppression de l'article 10 nouveau.

Le premier amendement pose un problème de fond qui, je le sais, a été longuement débattu à l'Assemblée nationale, mais sur lequel nous tenons à revenir : il s'agit de la possibilité de créer des sociétés ne comportant pas d'actionnaire privé pour répondre aux critères du « in house » définis par la jurisprudence européenne.

Autrement dit, il s'agit de mettre à disposition un nouvel outil juridique d'aménagement et de maîtrise d'ouvrage : la société publique locale.

Le capital de cette société serait constitué en totalité de fonds publics émanant des collectivités territoriales et de leurs groupements, associés ou non à d'autres personnes publiques.

Pour illustrer l'intérêt de cet amendement, je voudrais signaler la situation actuelle de l'Hérault, situation dans laquelle se trouvent de très nombreux départements, j'en suis convaincu.

Nous avons décidé, politiquement, de maîtriser la SEM départementale, Hérault Aménagement, dont nous sommes actionnaire majoritaire avec 78 % du capital.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas interdit, cela !

M. André Vézinhet. Avec les collectivités, les chambres consulaires et la Caisse des dépôts et consignations, les capitaux publics représentent 95 % du capital, le reste étant détenu par la caisse d'épargne du Languedoc-Roussillon.

Comme d'autres SEM en France, la SEM Hérault Aménagement présente la caractéristique d'être un outil principalement voué à sa collectivité, le département, qui, de ce fait, a décidé d'inscrire les relations contractuelles avec la SEM sous le régime « in house ».

Or l'arrêt Stadt Halle de janvier 2005 vient remettre en cause ce dispositif mis en oeuvre par de nombreuses collectivités.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. André Vézinhet. L'amendement n° 2, dans le cadre de la libre administration des collectivités locales, ne l'oublions pas, vise à permettre aux élus de continuer à utiliser cette formule qui a fait ses preuves, en leur offrant les avantages de la transparence, de la sécurité - avec le cumul des contrôles de droit privé et de droit public -, de la souplesse de gestion d'une société anonyme et surtout de la maîtrise des décisions par les élus.

Les avantages de la société publique locale n'ont d'ailleurs pas échappé à nos voisins, puisque ce dispositif est en vigueur dans vingt-deux pays. Je rappelle que, dans les vingt-cinq pays de l'Union européenne, existent 16 000 entreprises publiques locales, dont 14 000 disposent de capitaux entièrement publics.

A l'Assemblée nationale, le Gouvernement a demandé et obtenu le retrait d'amendements ayant le même objet, sous prétexte d'obstacles d'ordre juridique à lever. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé, peut-être imprudemment, à ce que soit constitué un groupe de travail qui « pourrait se réunir précisément le 5 juillet, pour réaliser une étude beaucoup plus approfondie ».

Cette date est passée. Qu'en est-il de ce groupe de travail ? Je crois savoir qu'il s'est effectivement réuni. Est-il pour autant constitué ? Si c'est le cas, qui en est membre ?

A ma connaissance, le Sénat n'a pas été informé des travaux de ce groupe, et encore moins associé à ces derniers.

Le groupe de travail s'est-il déjà réuni ? Quel sera son calendrier de travail ?

Devant les députés, M. le ministre a aussi affirmé que les propositions de ce groupe trouveraient une traduction législative avant la fin de l'année. Êtes-vous en mesure, monsieur le ministre, de confirmer ces déclarations et de nous préciser à quel « véhicule législatif » vous raccrocherez les futures dispositions créant les sociétés publiques locales ?

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. André Vézinhet. Après le refus du Gouvernement, à l'Assemblée nationale, d'amender le texte sur ce point et le refus que vous nous opposerez très probablement dans cet hémicycle, des incertitudes, pour ne pas dire des doutes, demeurent. Nous aimerions les voir dissipés.

Le second amendement déposé par le groupe socialiste vise à supprimer l'article 10, introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement.

Sous prétexte de permettre la poursuite de la concertation avec les associations et les élus locaux, cet article prolonge de six mois le délai durant lequel le Gouvernement est autorisé à réformer par ordonnance le régime de l'enquête publique et du débat public. Plusieurs orateurs ont déjà évoqué ce point.

En tout état de cause, cet article ne traite pas des concessions d'aménagement.

Nous nous félicitons que le projet de loi ait été complété par la validation des conventions d'aménagement signées avant la publication de la loi, ainsi que des actes pris en application de la convention, eu égard aux enjeux économiques en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Mme Eliane Assassi applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.

M. Paul Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à remercier et à féliciter le Gouvernement pour la promptitude avec laquelle il a inscrit ce projet de loi à l'ordre du jour. Nous connaissons en effet l'encombrement législatif traditionnel des sessions extraordinaires.

Avec un certain nombre de mes collègues du groupe UMP, j'ai déposé, voilà quelques semaines, une proposition de loi ayant un objet identique à celui du projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis, ce qui démontrait l'urgence de légiférer en la matière.

Par ailleurs, vous retrouverez dans mes propos, avec quelques nuances, la belle unanimité que viennent d'afficher les précédents orateurs.

Ne nous y trompons pas. Le projet de loi était doublement nécessaire pour nos collectivités territoriales et les sociétés d'économie mixte dont elles sont membres.

Le texte était nécessaire pour clarifier la nature juridique de leurs actes en matière d'opérations d'aménagement, il était ainsi que pour sécuriser les conventions déjà passées.

Je ne reprendrai pas l'exposé parfaitement clair de M. le rapporteur et me limiterai à rappeler la chronologie des faits et les raisons qui nous ont conduits à légiférer afin d'instituer un régime unique de concessions d'aménagement. Il est bon de rappeler ces éléments.

Le 18 juillet 2001, la Commission européenne a demandé à la France de justifier de la compatibilité avec le droit communautaire des conditions et des modalités d'octroi des conventions d'aménagement prévues par l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme.

En réponse, la France a produit un mémoire justifiant le caractère sui generis tant des conventions publiques d'aménagement qui confient aux aménageurs des prérogatives de puissance publique, que des conventions privées qui sont systématiquement négociées avec le propriétaire des terrains.

Insatisfaite de cette réponse, la Commission européenne a adressé à la France le 3 février 2004 un avis motivé sur le même sujet, développant des arguments similaires.

Comme l'a rappelé M. le rapporteur, l'évolution de la jurisprudence nationale, après celle de la jurisprudence communautaire, a finalement tranché le débat, puisque la cour administrative d'appel de Bordeaux a considéré, le 9 novembre dernier, qu'une concession d'aménagement conclue sans formalité préalable de publicité et de mise en concurrence était entachée de nullité.

En conséquence, dix jours plus tard, le Gouvernement français a informé la Commission européenne de son intention de réformer le régime des conventions d'aménagement. La Commission européenne a donc suspendu sa plainte auprès de la Cour de justice des Communautés européennes, et la France se trouve désormais dans l'obligation de réformer le régime des conventions d'aménagement dans les meilleurs délais.

Le présent projet de loi prévoit la création d'une catégorie unique de contrats d'aménagement ouverte à tous les acteurs publics ou privés. Ces concessions d'aménagement devront être conclues en respectant des procédures de publicité et de mise en concurrence.

A ce stade, je souhaite saluer le travail de nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont su apporter des précisions essentielles à ce projet de loi. Je pense notamment ici à l'élargissement du rôle dévolu aux concessionnaires, puisque les députés leur ont confié les missions dont l'accomplissement est nécessaire à l'exécution des opérations d'aménagement, ou à la précision selon laquelle la participation du concédant à l'opération d'aménagement doit s'entendre non pas seulement en termes d'apport financier, mais également en termes d'apport de terrains.

Surtout, nous accueillons avec soulagement la validation législative, au nouvel article 11, des conventions d'aménagement déjà passées qui ne respectent pas les règles, que nous édictons maintenant, qui vaudront à l'avenir en matière de publicité ou de mise en concurrence. Cette disposition, dont nous suggérions nous-mêmes, dans notre proposition de loi, l'introduction, sera de nature à sécuriser juridiquement les opérations d'aménagement déjà engagées. Il importait en effet de ne pas mettre en péril financier les collectivités territoriales et les sociétés d'économie mixte.

Il demeure un point que je souhaite plus particulièrement aborder, car il a trait directement aux opérations d'aménagement, sans pour autant être lié au projet de loi qui nous est soumis : il s'agit de la question de la nature juridique des sociétés d'aménagement.

Je tiens à rappeler que ces opérations d'aménagement ont une finalité non directement économique et qu'elles sont menées, sur l'initiative des décideurs locaux, à la seule fin de promouvoir, au bénéfice de nos concitoyens, un habitat adapté aux évolutions urbaines, enchevêtrant équipements publics et logements dans un environnement harmonieux et rénové.

Cette précision étant apportée, il convient de rappeler en quoi consistent exactement ces opérations. Il s'agit d'opérations intermédiaires entre les actions de planification urbaine en amont et la construction publique ou privée en aval. L'aménageur achète des terrains bruts, en général non viabilisés, pour les rendre constructibles et les revendre à des constructeurs.

Cette activité n'a pas de fin économique en elle-même et ne vise pas, habituellement, à réaliser un profit économique immédiat. C'est précisément en raison de cette absence de perspective de rentabilité que les collectivités territoriales éprouvent des difficultés à trouver des partenaires privés.

Or, en l'absence de partenaires privés, comment constituer une SEM, qui, par nature, regroupe des acteurs publics et des acteurs privés ?

Notre propos n'est pas ici d'ouvrir à nouveau le débat qui s'était engagé en 2000, devant notre assemblée, sur l'élargissement des marges de participation, entre un tiers et la totalité du capital des SEM, même si la France est le seul pays européen à prévoir à la fois un seuil minimal et un seuil maximal de participation des collectivités au capital social des SEM. Il nous semble raisonnable que les collectivités détiennent, d'une part, plus de la moitié du capital d'une telle société, et que, d'autre part, afin de garantir le principe de mixité, cette participation ne puisse être supérieure à 85 %.

Pourtant, sans rouvrir ce débat général sur le statut juridique des SEM, il nous paraît légitime de nous intéresser à la seule question de l'aménagement, en raison même de la nature non rentable de telles opérations, que nous avons précédemment évoquée.

A ce titre, l'amendement présenté par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale qui tendait à offrir aux collectivités un nouvel outil juridique, à savoir la société publique locale d'aménagement, sans revenir sur le régime des SEM, nous semblait particulièrement pertinent, d'autant que des améliorations techniques pouvaient être apportées au dispositif.

En créant une forme de société dont les actionnaires pourraient être, et même devraient être exclusivement, les collectivités territoriales ou leurs groupements, nous offririons aux élus locaux un moyen efficace de développer des projets d'aménagement de leur territoire, sans qu'ils soient obligés de trouver des partenaires privés, habituellement réticents à l'égard de ce type d'investissements, pour les raisons de manque de rentabilité que nous venons de mettre en exergue.

De telles sociétés publiques d'aménagement représenteraient une aubaine pour les collectivités territoriales, car leur gestion serait beaucoup plus souple que celle des établissements publics prévus par la loi « Borloo », tout en garantissant le respect des principes essentiels de transparence des comptes.

En effet, la création d'un établissement public passe par un processus long et complexe de dissolution de société et de transfert du personnel et des opérations à une nouvelle structure. Avec le statut que nous proposons, une simple opération affectant le capital permettrait de transformer une SEM en société publique d'aménagement.

Enfin, le champ d'intervention de ces sociétés serait strictement borné à ce type d'opérations d'aménagement, précisément définies à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. De surcroît, leur action devrait se limiter au territoire des collectivités actionnaires. Avec cet encadrement, l'existence d'un tel statut juridique serait, à notre avis, une chance pour nos collectivités.

Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé, devant l'Assemblée nationale, à mettre en place un groupe de réflexion sur ce thème. Vous avez tenu parole, puisqu'une première réunion s'est tenue au ministère des collectivités territoriales dès mardi dernier. Malheureusement, aucun membre du Sénat n'a été associé à cette première réflexion. Etant les représentants constitutionnels des collectivités territoriales, nous ne pouvons que le regretter. Nous acceptons toutefois de considérer que cette erreur n'est, sans doute, que la conséquence de la volonté du Gouvernement d'agir rapidement, au risque de limiter la concertation aux seuls députés auteurs de l'amendement en question. (Sourires.) Je souhaiterais donc être rassuré quant à l'intention du Gouvernement d'associer les membres de la Haute Assemblée à cette réflexion.

M. René Garrec. Très bien !

M. Paul Blanc. Je souhaiterais également obtenir des assurances de votre part, monsieur le ministre, sur un autre point, qui concerne non pas le protocole, mais bien le fond du sujet : je veux parler de votre détermination à traiter ce dossier jusqu'au bout dans les délais les plus brefs.

En effet, l'apparente réticence des services que laissent transparaître les échos nous étant parvenus de cette première réunion nous inquiète. Si nous avons bien compris les raisons juridiques pour lesquelles l'amendement de l'Assemblée nationale était difficilement acceptable en l'état, nous n'admettrions pas, pour autant, que l'on fasse montre de frilosité en la matière. Il nous semblerait inopportun que l'on oppose des arguments juridiques à la création d'un régime de société publique qui existe dans la totalité des Etats membres de l'Union européenne, à l'exception de la France et du Luxembourg, étant précisé que, dans ce dernier pays, les SEM elles-mêmes n'existent pas.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Il faut saluer le Luxembourg ! (Sourires.)

M. Paul Blanc. Mes collègues et moi-même accueillerons avec la plus grande attention, monsieur le ministre, les éclaircissements que vous pourrez apporter sur ces points très précis et très sensibles pour les élus locaux.

Sous réserve des précisions que vous ne manquerez pas de nous livrer, monsieur le ministre, sur le contenu du décret fixant les règles de publicité et de mise en concurrence pour la passation des concessions d'aménagement, notre groupe votera sans modification ce projet de loi tant attendu par les élus locaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.