compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Politique générale

Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une demande d'approbation d'une déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette demande, en application de l'article 49, alinéa 4, de la Constitution.

Au nom du Sénat tout entier, je voudrais tout d'abord, monsieur le Premier ministre, vous souhaiter la bienvenue dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.) Permettez-moi également de former tous mes voeux républicains de réussite pour le gouvernement que vous venez de constituer en cette période difficile. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Il faudra plus que cela !

M. le président. J'espère aussi que vous aurez le souci de veiller à la bonne organisation de nos travaux dans le cadre d'un fonctionnement harmonieux du bicamérisme auquel nous sommes les uns et les autres tous attachés, par-delà nos engagements politiques.

Je remercie enfin les nombreux ministres qui ont tenu à être présents à vos côtés.

Il s'agit aujourd'hui, pour notre assemblée, d'un moment de solennité particulière : c'est en effet la quinzième fois depuis le début de la Ve République que le Gouvernement demande au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale en application de l'article 49, alinéa 4, de la Constitution.

Une nouvelle fois, se trouve reconnue - et nous nous en réjouissons - la place essentielle que le Sénat occupe, aux côtés de l'Assemblée nationale, au sein de nos institutions.

MM. René-Pierre Signé et Yannick Bodin. Et les ordonnances ?

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un immense honneur que de m'adresser à vous aujourd'hui. Je tiens à vous dire, monsieur le président, toute l'importance que mon gouvernement attache au dialogue avec chacune des assemblées, notamment avec la Haute Assemblée qui, parce qu'elle représente les collectivités territoriales de la République, apporte une contribution indispensable au travail législatif.

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi procéder par ordonnances alors ?

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Avec vous, qui représentez la nation et chacun des territoires qui la composent, je veux fixer les repères, tracer la voie, remettre la France en marche. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Avec vous et avec l'ensemble du Gouvernement, tout au long des prochains mois, je consacrerai mon énergie et ma volonté à cette tâche immense que m'a confiée le Président de la République.

M. Yannick Bodin. Deux ans, à l'essai !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Permettez-moi d'abord de rendre hommage à l'action courageuse et déterminée conduite par Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Yves Coquelle. On ne l'avait pas encore entendue celle-là !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. En trois ans, il a consolidé l'ordre républicain et mené des réformes décisives pour le redressement du pays.

Le cap des lois votées par le Parlement sera tenu. Je veux saluer l'immense travail législatif accompli par le Sénat. Les nombreux textes que nous avons adoptés portent la marque de votre sagesse et de la qualité de votre réflexion. Je pense en particulier à la décentralisation, que vous avez portée avec détermination et sur laquelle l'Etat tiendra tous ses engagements, notamment en termes de financement. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

II y a quelques jours, les Français ont voté non au projet de traité constitutionnel.

M. Yves Coquelle. C'est vrai !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Ce vote, j'en ai la conviction, n'est pas l'expression d'une France contre une autre : l'ensemble de notre pays reste engagé dans le projet européen, il sait que son destin se joue désormais à l'échelle du continent.

Les Françaises et les Français veulent conjuguer la défense des intérêts de notre nation et l'Europe, la promotion de notre modèle social et le projet européen. Les Françaises et les Français le savent et le disent avec force : la mondialisation n'est pas un idéal, la mondialisation ne peut pas être notre destin. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.) Ils attendent de nous que nous affirmions nos valeurs, héritées de 1789. Oui, la France veut rester une conscience vivante. Oui, la France veut être aux avant-postes. Oui, la France veut se tourner résolument vers l'avenir.

Notre premier devoir est de regarder la vérité en face.

La vérité, c'est que nous sommes confrontés à une situation difficile, que le chômage atteint un niveau inacceptable, que nous avons des marges de manoeuvre budgétaires étroites, et que l'égalité des chances ne vit pas suffisamment dans notre pays.

En France, il y a trop d'opportunités qui se ferment. En France, il y a trop de rêves qui ne se réalisent pas.

Ma conviction, c'est que nous n'avons pas à choisir entre volonté de justice et liberté d'entreprendre. La force de notre histoire, la force de notre société reposent sur notre capacité à concilier solidarité et initiative, protection et audace. Mais il nous faut aller plus loin dans l'initiative, plus loin dans la solidarité.

Aujourd'hui, nous n'avons pas à choisir entre le libéral et le social ; nous avons à choisir entre l'immobilisme et l'action. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je choisis résolument le parti de l'action. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. Roland Muzeau. Vous l'avez dit hier !

M. Jean-Pierre Sueur. On a déjà entendu la même chose hier !

M. Dominique Braye. Vous, les conservateurs, taisez-vous !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Pour cela, le Président de la République a nommé un gouvernement resserré, tout entier dévoué au résultat.

Je crois à une France généreuse et volontaire. Une France où chacun a sa place selon ses mérites. Une France de toutes les chances.

Mon combat pour l'emploi est un combat pour la croissance. Toutes les mesures que je vous propose n'ont qu'un seul objet : le retour à l'emploi et le dynamisme de la croissance.

Pour cela, nous devons surmonter les réticences à l'embauche, en particulier dans les très petites entreprises, chez les artisans, les commerçants, les indépendants et dans les professions libérales.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut une potion magique !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Pour cela nous devons valoriser le travail et accompagner les jeunes et les chômeurs vers l'emploi. Pour cela, enfin, mon gouvernement relance la politique industrielle, la politique de recherche et d'innovation, qui préparent les emplois de demain. L'emploi et la croissance sont indissociables : la croissance crée l'emploi, l'emploi crée la croissance, l'activité crée l'activité, qui améliore le pouvoir d'achat et qui permet de restaurer la confiance.

M. Roland Muzeau. Et la droite crée le chômage !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Cela exige de nous que nous soyons tout à la fois volontaristes et responsables dans notre gestion des finances publiques. Les allégements de charges ne seront pas remis en cause. Nous voulons parvenir à la suppression des charges patronales de sécurité sociale au niveau du SMIC à l'horizon de 2007.

Toutes les forces de mon gouvernement seront engagées dans la bataille pour l'emploi. Mais j'ai besoin également du soutien de l'ensemble de la nation. L'Etat, les syndicats, les entreprises, les associations, les collectivités locales, que vous représentez et que vous défendez avec ardeur : chacun doit prendre sa part de responsabilité.

Le premier objectif de mon gouvernement sera d'aller chercher les emplois là où ils se trouvent.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous l'avez dit hier !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. D'abord, dans les services : ils répondent à un besoin de lien social, notamment pour les familles, les personnes âgées et les personnes handicapées. C'est pour elles que vous examinerez dans les prochains jours le projet de loi sur les services à la personne.

Ensuite, bien sûr, l'emploi dans les très petites entreprises.

M. René Garrec. Très bien !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Il y a 2,6 millions d'entreprises en France : 1,5 million d'entre elles n'ont pas de salarié, près d'un million a moins de dix salariés.

Décider de recruter un salarié, c'est un acte important pour un petit entrepreneur. Est-ce que ce salarié correspondra à ses besoins ? Est-ce que son embauche ne risque pas d'alourdir le temps consacré aux problèmes administratifs ? Est-ce qu'elle ne mettra pas en péril l'entreprise en cas de retournement de conjoncture ?

Pour débloquer l'embauche dans ce secteur, je propose trois mesures.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous les avons déjà entendues hier !

M. Yannick Bodin. Sarkozy l'a dit hier !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Première mesure : la simplification de l'acte d'embauche grâce au chèque-emploi pour les très petites entreprises. Ce chèque aura valeur à la fois de bulletin de salaire et de contrat de travail. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

Deuxième mesure : dans le respect du code du travail, je propose la mise en place, à compter du 1er septembre, d'un nouveau type de contrat de travail à durée indéterminée, le « contrat nouvelle embauche » pour les très petites entreprises. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Ce contrat permettra plus de souplesse pour l'employeur, grâce à une période d'essai plus longue, d'une durée de deux ans. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Roland Muzeau. C'est une honte !

M. Yannick Bodin. Un scandale !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. La durée du préavis sera fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise : elle correspondra donc aux efforts fournis.

Il offrira aussi de nouvelles sécurités pour le salarié : un complément d'allocations chômage auquel l'Etat apportera toute sa part, un accompagnement personnalisé et la mobilisation de moyens nouveaux de reclassement en cas de rupture du contrat. Une évaluation de ce dispositif sera conduite avec les partenaires sociaux.

Troisième mesure : je veux inciter les chefs d'entreprise à surmonter le seuil des dix salariés. Je suis attaché au niveau actuel de représentation des salariés, comme à la défense du droit syndical, mais je souhaite alléger les obligations financières qui pèsent sur les entreprises pour le franchissement de ce seuil.

Je propose donc que l'Etat prenne en charge les cotisations supplémentaires dues à partir du dixième salarié. Cette neutralisation continuera de jouer pour l'embauche des dix salariés suivants.

Le second objectif est une mobilisation nationale du service public de l'emploi et de ses partenaires pour favoriser le reclassement dans les premiers mois de chômage. Pour faire reculer durablement le chômage, il nous faut avancer vers la sécurisation des parcours professionnels, afin que la perte d'emploi soit vécue comme une transition, et non comme une impasse.

Des jalons importants viennent d'être posés avec l'aide des partenaires sociaux : droit individuel à la formation pour tous les salariés, convention de reclassement personnalisé au profit des personnes touchées par un licenciement économique.

Mais revenir sur le marché du travail, cela veut dire se déplacer, prévoir la garde de ses enfants, perdre un certain nombre d'aides : autant de dépenses nouvelles auxquelles il est parfois difficile de faire face. Cela exige une réponse concrète. Je propose donc que l'Etat verse une prime de 1000 euros à toutes les personnes au chômage depuis plus d'un an, et bénéficiant de minima sociaux, qui reprendront une activité.

Par ailleurs, la mise en place des maisons de l'emploi au niveau local et l'ouverture d'un dossier informatique commun à l'ANPE et à l'UNEDIC au niveau national permettront de répondre à l'exigence d'un véritable suivi personnalisé. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. René-Pierre Signé. Nicolas Sarkozy l'a dit !

M. Jean-Pierre Sueur. Il dit la même chose !

M. Roland Courteau. C'est parce que Sarkozy ne l'a pas lu ! (Sourires.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Je suis attaché à l'équilibre des droits et des devoirs. Il n'est pas acceptable qu'un demandeur d'emploi qui fait l'objet d'un accompagnement personnalisé puisse refuser successivement plusieurs offres d'emploi raisonnables. Des dispositifs existent pour sanctionner les abus. J'entends qu'ils soient appliqués par le service public de l'emploi.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous vous êtes trompé de discours !

Mme Nicole Bricq. Parlez-nous des moyens aujourd'hui !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Pour les personnes les plus éloignées de l'emploi et pour les titulaires de minima sociaux, je souhaite que les contrats d'avenir prévus par le plan de cohésion sociale soient mis en oeuvre sans délai et sur tout le territoire.

M. Yannick Bodin. Vous l'avez dit hier !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Pour les jeunes et les personnes de plus de cinquante ans, nous devons faire preuve d'une énergie particulière. Notre économie a besoin d'eux. Elle doit s'ouvrir à eux et non les rejeter.

Je demande donc à l'ANPE de recevoir individuellement les 57 000 jeunes au chômage depuis plus d'un an avant la fin du mois de septembre pour leur proposer une solution adaptée : un emploi dans une entreprise, un contrat d'apprentissage, ou encore un contrat non marchand.

Je propose également que l'embauche des jeunes de moins de vingt-cinq ans n'entre plus dans le décompte des seuils de dix et cinquante salariés.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Enfin, les jeunes qui prennent un emploi dans un secteur connaissant des difficultés de recrutement bénéficieront personnellement d'un crédit d'impôt de 1000 euros.

M. Guy Fischer. Oh là là !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. L'accès à l'emploi passe également par une meilleure orientation : un service public de l'orientation sera donc mis en place pour tous les jeunes qui entrent à l'université. Il les informera sur les débouchés des carrières dans lesquelles ils s'engagent.

Pour les 60 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification, j'ai demandé au ministre de la défense de concevoir un dispositif analogue au service militaire adapté, afin de procurer aux jeunes qui le souhaitent une formation validée par l'éducation nationale et un encadrement. L'objectif est de former 20 000 jeunes en 2007.

Mme Nicole Bricq. Avec quels moyens ?

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Dès septembre, un premier centre expérimental fonctionnera.

Mme Nicole Bricq. Cela ne sert à rien de faire des annonces ! On n'est pas au supermarché !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. S'agissant des personnes de plus de cinquante ans, l'Etat donnera l'exemple en ouvrant davantage son recrutement à celles et à ceux qui ont accompli une première carrière dans le secteur privé. Cette volonté se traduira notamment par le recul ou la suppression des limites d'âge qui bloquent leur accès aux différents concours de la fonction publique. Les partenaires sociaux négocient actuellement sur l'emploi des personnes de plus de cinquante ans. Mon objectif est de lever les obstacles à l'embauche ou au maintien dans l'emploi, en étudiant l'assouplissement des règles de cumul emploi-retraite et la suppression de la contribution Delalande. Le Gouvernement agira au vu des résultats de cette négociation.

Plusieurs sénateurs socialistes. Nous l'avons entendu hier !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Vous l'avez entendu hier, vous le réentendez aujourd'hui, ce qui montre que la politique du Gouvernement est une, déterminée et que l'action et l'urgence seront les maîtres mots de mon gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

La France consacrera à l'emploi un effort supplémentaire de 4,5 milliards d'euros en 2006.

M. René-Pierre Signé. Sarkozy n'était pas convaincu hier !

Mme Nicole Bricq. Vous nous prenez pour des imbéciles !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Outre les dépenses du plan d'urgence, cet effort inclut la montée en puissance des allégements de charges sociales et des contrats d'avenir. C'est une somme importante, à la hauteur du défi. Elle amène mon gouvernement, en plein accord avec le Président de la République, à prendre ses responsabilités. Toutes nos marges de manoeuvre budgétaires iront à l'emploi : ce choix commande de faire une pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Bricq. Il y a longtemps qu'on le disait !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. La méthode de mise en oeuvre de ce plan conciliera l'impératif de dialogue avec la nécessité d'agir vite. Il y a urgence. Chacun voit que nous ne pouvons pas attendre. Mais chacun mesure aussi que la concertation avec les partenaires sociaux est le meilleur moyen de prendre les bonnes décisions.

Un projet de loi d'habilitation sera donc présenté au Parlement au mois de juin. Le contenu de ce projet sera strictement limité aux mesures d'ordre législatif que je viens d'annoncer. Les ordonnances seront prises sur cette base, au terme d'une consultation approfondie avec les partenaires sociaux. Elles seront publiées avant le 1er septembre. Cette voie est la seule qui permette de concilier l'urgence de l'action et le respect des procédures de consultation et de concertation prévues par notre droit.

J'ai demandé à Jean-Louis Borloo et à Gérard Larcher de recevoir les partenaires sociaux à partir du milieu de la semaine prochaine pour entamer la concertation sur les mesures de mon plan pour l'emploi.

M. Roland Muzeau. Les partenaires sociaux sont tous contre !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Je serai très attentif au déroulement de cette concertation, dont ils me rendront compte et à laquelle j'attache une particulière attention.

M. Roland Muzeau. Eux aussi !

M. Dominique Braye. Roland Muzeau aussi !

M. Roland Muzeau. J'ai écouté Sarkozy hier !

M. le président. Un peu de silence, je vous en prie !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Dans la bataille pour l'emploi, j'entends bien sûr mobiliser tous les atouts de notre politique économique, agricole et industrielle.

L'agriculture française est l'élément vivant de nos territoires ; elle est aussi le moteur du premier secteur industriel français, les industries agro-alimentaires ; elle est la clé du développement rural. La politique agricole commune réformée reste un élément fondamental du pacte européen. Elle doit être défendue. Mais elle est devenue bureaucratique et trop éloignée des préoccupations des agriculteurs.

M. Jean-Claude Carle. Effectivement !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Il nous faut surmonter ces difficultés. C'est pourquoi je recevrai dès demain les professionnels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le dynamisme de nos territoires repose bien entendu sur notre industrie, qui doit sans cesse innover pour donner à notre pays un temps d'avance dans un monde de concurrence. Trois outils sont mobilisés à cet effet.

D'abord, les pôles de compétitivité, dont la mise en place sera décidée à l'occasion du comité interministériel d'aménagement du territoire que je réunirai début juillet.

Ensuite, l'Agence pour l'innovation industrielle lancée par le Président de la République : elle doit voir le jour dans les toutes prochaines semaines. Elle sera immédiatement dotée de 500 millions d'euros grâce à la cession des titres de France Télécom.

Enfin, la réforme de notre dispositif de recherche : la loi-programme portant réforme de notre dispositif de recherche sera déposée à l'automne. Nos chercheurs, nos ingénieurs, nos entrepreneurs, feront la force de cette politique industrielle.

Notre pays doit retrouver une capacité d'investissement dans l'avenir.

J'entends relancer des grands chantiers d'infrastructure, en particulier dans les domaines routier et ferroviaire.

Mme Nicole Bricq. Avec quel argent ?

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Dans l'état de la conjoncture, notre économie a besoin d'un signal fort de redémarrage de l'investissement public (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP), y compris en recourant à des financements innovants.

M. Louis de Broissia. Très bien !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. J'ai en outre décidé de poursuivre la cession par l'Etat de ses participations dans les sociétés d'autoroute afin de financer ces grands travaux et de leur permettre de souscrire aux appels d'offre européens. Le produit de ces cessions ira notamment à l'Agence pour le financement des infrastructures de transports afin d'accélérer les contrats de plan Etat-région.

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. René-Pierre Signé. On tape dans les réserves !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Consolider notre tissu de petites et de moyennes entreprises, c'est ma troisième exigence pour l'avenir de notre économie et de notre industrie.

Les PME pourront bénéficier d'incitations fiscales et financières : 500 000 chefs d'entreprise sont à moins de dix ans de l'âge de la retraite. Je veux rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont pris des risques, qui ont durement travaillé pour développer leur entreprise et pour créer des emplois.

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. La transmission de ce patrimoine économique doit pouvoir se faire sans fragiliser l'entreprise.

M. René-Pierre Signé. Cela ne profitera pas à tout le monde !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Mieux anticiper les mutations économiques et prévenir les risques de délocalisation, c'est l'exigence majeure d'une politique volontariste.

Mme Nicole Bricq. Et la croissance ?

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Nous savons qu'il existe des bassins d'emploi plus exposés que d'autres. Nous les connaissons. J'ai donc décidé de regrouper les services de la DATAR et ceux de la mission interministérielle aux mutations économiques...

M. Roland Muzeau. On le savait !

Mme Nicole Bricq. Cela ne fait pas une politique !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ...afin de créer un service public d'aide aux bassins d'emploi en difficulté, avec une triple mission : anticiper sur les grandes mutations industrielles, apporter les aides nécessaires en cas de reconversion des salariés et lutter contre les délocalisations.

Mme Nicole Bricq. Avec 0 % de croissance, on ne va pas aller bien loin !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Il est notamment inacceptable que ces entreprises continuent à bénéficier des aides publiques alors qu'elles quitteraient notre territoire.

Ma politique s'appuiera sur une exigence de respect de l'égalité des chances. Pour donner une chance à chacun, nous avons besoin de nous appuyer sur deux piliers de la justice sociale.

Le premier de ces piliers, c'est la sécurité sociale. Des réformes importantes ont été engagées. Je souhaite qu'elles soient menées à bien.

M. Roland Muzeau. C'est la privatisation !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. L'autre pilier, c'est l'éducation nationale. Notre objectif commun doit être de nous appuyer sur les compétences et le dévouement sans réserve des enseignants pour aller vers davantage d'équité et un soutien accru aux élèves ou aux étudiants qui en ont le plus besoin.

Une réflexion doit également s'ouvrir rapidement sur les efforts nécessaires pour maintenir nos universités dans le peloton de tête des universités mondiales. Le rapprochement de certaines universités avec des laboratoires de recherche est une voie pour constituer de vrais pôles d'excellence de niveau européen et pour attirer les meilleurs chercheurs.

L'Etat doit assurer l'égalité des territoires.

M. René-Pierre Signé. On n'en prend pas le chemin !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. C'est une mission de plus en plus importante dans une France qui change, où les gens se déplacent et où les attentes ne sont plus les mêmes. Dans les villes moyennes, dans les zones rurales, dans les quartiers, l'Etat doit faire face à des défis nouveaux. Je souhaite que les services publics de proximité soient maintenus lorsqu'il y a un consensus local. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas vous qui les payez !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Je souhaite également redéfinir la carte des arrondissements et renforcer le rôle des sous-préfets.

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Ils doivent être les premiers représentants de l'Etat dans tous les lieux de France qui sont aujourd'hui négligés, les quartiers urbains mal desservis, les régions isolées, les campagnes.

Je voudrais terminer par une autre ambition, une ambition qui depuis soixante ans apporte à notre continent la réconciliation et la paix : l'Europe.

Je veux le dire ici avec force : la France, pays fondateur, tiendra toute sa place au sein de l'Union. Elle respectera ses engagements. Elle continuera de tirer vers le haut l'aventure européenne.

L'Europe s'est construite sur l'économie et sur le pragmatisme. Désormais, les peuples réclament plus d'humanité, plus de protection, une attention accrue aux questions d'environnement, une meilleure défense des valeurs de respect et d'égalité des chances.

M. Jean-Luc Mélenchon. Changez de temps à autre !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Le sens de l'Europe se trouve dans ses valeurs. Il ne se construit pas par la seule force du marché.

M. Roland Muzeau. Heureusement qu'on a voté !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Personne ne peut comprendre que l'Europe ne se donne pas davantage !es moyens de défendre son économie, sa richesse, ses emplois. Personne ne peut comprendre qu'elle ne profite pas davantage des outils qu'elle a su mettre en place comme l'euro. Nous avons une monnaie forte. Donnons-nous aussi une politique économique forte. Donnons-nous les moyens de défendre une préférence européenne, comme le font tous les autres grands blocs économiques. Ouvrons de nouvelles perspectives comme l'harmonisation fiscale ou l'union avec l'Allemagne dans des domaines choisis ensemble.

Les Françaises et les Français n'ont pas peur de l'Europe, ils veulent connaître les règles du jeu et participer à leur définition. Ils ne veulent pas être laissés à l'écart de décisions qui engagent leur vie quotidienne.

Les Françaises et les Français veulent savoir où l'Europe va. L'élargissement rapide du continent a surpris nos compatriotes. Ils en comprennent la légitimité et la nécessité historiques, mais ils en craignent les conséquences économiques et sociales. Donnons-nous le temps de mieux nous connaître et de construire ensemble avec les nouveaux Etats.

En soixante ans, l'Europe a inventé une alternative à la guerre et aux rivalités de puissance. Aujourd'hui, il lui appartient d'inventer une alternative à un monde dominé par la défense des intérêts particuliers et la loi du plus fort. L'aventure ne s'arrête pas. Notre rêve européen sortira renforcé des épreuves.

M. Roland Muzeau. Vive le mouton noir !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, notre plus grand risque, c'est l'immobilisme et la division. Notre premier devoir, c'est le rassemblement. Face à des difficultés sans précédent, j'ai besoin de vous. Je serai sans cesse à l'écoute de vos propositions, de vos suggestions, de vos critiques aussi.

M. Jean-Luc Mélenchon. Et les ordonnances ?

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Parce que les défis que nous avons à relever exigent autant de détermination que d'humilité. Parce que, je le sais, chacune et chacun d'entre vous, au-delà des différences politiques, a chevillé au corps l'intérêt national. Je veux que les sénateurs de la majorité sachent que le travail considérable qu'ils accomplissent m'est indispensable.

M. Jean-Luc Mélenchon. Et nous, alors ?

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Tous ensemble, nous allons répondre à l'attente des Français.

M. Roland Muzeau. C'est pour l'UDF qu'il répète son discours !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Aux sénateurs de l'opposition, je veux assurer que je travaillerai avec eux dans un esprit constructif.

Et je veux dire, à travers vous qui les représentez, à chaque Française et à chaque Français que c'est de tout mon coeur et de toutes mes forces que je me dévouerai à leur service. Je veux leur dire ma confiance dans les atouts, dans les chances et dans le destin de la France.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, conformément au quatrième alinéa de l'article 49 de la Constitution, j'ai l'honneur de demander au Sénat l'approbation de cette déclaration de politique générale du Gouvernement. (Applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP.)

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le 29 mai, les Français ont adressé un avertissement fort à la classe politique face à leurs insatisfactions et à leur désenchantement. Les intérêts et l'ambition de la France restent pourtant étroitement liés à l'Europe et nous devons le dire avec force à nos partenaires européens.

L'emprise des extrêmes révèle le rejet réaffirmé de la classe politique et des réponses apportées aux préoccupations des Français.

Nous répétons après chaque consultation que le signal a été compris, mais nos partis politiques - et j'en prends ma part de responsabilité - ne changent rien à leur comportement.

Donnons une fois pour toutes à ceux qui se sentent rejetés des preuves que leurs légitimes attentes sont avant tout nos priorités.

Le populisme, la démagogie, voire la xénophobie, ne peuvent dessiner l'horizon de la France, sous peine d'ancrer notre pays dans un archaïsme destructeur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Muzeau. Il n'y a pas 55 % de xénophobes en France !

M. Jacques Pelletier. Les Grecs de l'Antiquité l'avaient compris. Esope écrivait : « Les démagogues font d'autant mieux leurs affaires qu'ils ont jeté leur pays dans la discorde ».

M. Roland Muzeau. Le démagogue, c'est Chirac ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Pelletier. Chaque nouveau gouvernement suscite des espoirs et génère des ambitions de changements.

Plus qu'une réforme, c'est désormais une transformation profonde de l'art de gouverner à laquelle vous devez vous attacher, monsieur le Premier ministre.

M. Roland Muzeau. Vous n'êtes plus légitimes, c'est tout !

M. Jacques Pelletier. La campagne référendaire et son issue ont démontré clairement que la lutte contre le chômage et la consolidation du modèle social français, tout au moins ce qu'il en reste, sont une préoccupation majeure de nos compatriotes.

Cette bataille contre le chômage que vous entendez mener personnellement doit être gagnée, car l'avenir s'annonce difficile. Voilà quelques années, le rapport Charpin soulignait déjà que, dans trente ans, il y aura sept retraités pour dix actifs, contre un ratio de quatre pour dix au moment de l'élaboration de ce rapport. Il faut donc préparer ce renversement démographique majeur.

Si la réduction du chômage doit être débattue au Parlement, nous n'oublions pas que l'inflation législative est l'un des maux patents favorisant la stérilité de l'action publique : textes trop longs, mal rédigés, souvent inutiles ou sans portée normative. Trop de projets de loi encombrent l'ordre du jour du Parlement ...

Mme Hélène Luc. C'est vous qui le faites !

M. Jacques Pelletier. ...au détriment de ceux qui servent l'intérêt général par leur efficacité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

Ne détournons pas les assemblées de l'impératif catégorique auquel vous vous êtes soumis : réduire de manière drastique le chômage en explorant et en levant une à une les barrières à l'emploi, mais aussi analyser les besoins du corps social et y répondre.

Parmi ces barrières, il convient de traiter les trop nombreuses formations inadaptées à la réalité du marché du travail. Il y a ensuite les contraintes à l'embauche, et le niveau trop élevé des charges qui pèsent sur les entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

La correspondance entre les offres et les demandes doit être optimisée, la mobilité encouragée et accompagnée.

Enfin, il faut citer la dévalorisation du travail, qui incite un certain nombre de personnes à demeurer dans la logique de l'indemnisation plutôt que dans celle du travail.

M. Roland Muzeau. Prenez leur place, vous allez voir !

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est une honte de parler ainsi ! Vous méprisez les Français qui galèrent !

M. Jacques Pelletier. Ce nombre peut et doit être réduit. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Le groupe du RDSE sera attentif à la mise en oeuvre d'une nouvelle politique.

Ce chantier devra être mené avec le souci de travailler dans le court terme, mais aussi dans le long terme, et non paralysé par l'évocation des échéances électorales. Raymond Barre disait : « Etre populaire quand on veut gouverner ? Cela ne s'est jamais vu. » (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.) Dialogue, concertation et audace doivent rester les maîtres mots des changements qui concernent tout le monde. Les partenaires sociaux doivent prendre conscience que la mobilisation de l'ensemble des forces vives de la nation est impérative pour la réussite de toute réforme.

Eclairer d'abord, agir ensuite.

Ces changements attendus appellent une nouvelle conception du rapport entre les pouvoirs publics et les Français. Le pacte social de la République sera ainsi en chantier. La refondation de ce dernier passe par la libération des énergies créatrices de la société et la valorisation de chacun dans son travail.

Tandis que se profilent pour la France des enjeux majeurs, j'appelle le Gouvernement à se montrer courageux dans le changement, clair dans son message, et vertueux dans son attitude vis-à-vis des Français.

Je souhaite, monsieur le Premier ministre, que, pour la défense de l'intérêt général, vous réussissiez à combiner une éthique de conviction et une éthique de responsabilité. Vous saurez, dans cette perspective, être à l'écoute de la diversité, souvent bienveillante, du groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le Premier ministre, vous venez de vous livrer à un étrange exercice, puisque nous venons de réentendre le même discours que celui qui a été prononcé hier, ici même, par M. Sarkozy. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la méthode Coué ! Ils sont sourds !

M. Dominique Braye. C'est parce que vous n'aviez pas compris hier !

M. Jean-Pierre Bel. Avez-vous si peu confiance en M. le ministre d'Etat pour craindre que cela ne nous ait pas été bien dit ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. On sera obligé de vous le refaire pour que vous compreniez la France !

M. Jean-Pierre Bel. Nous aurons l'occasion de reparler de ce que vous venez de dire, monsieur Braye !

M. Dominique Braye. Avec plaisir !

M. Jean-Pierre Bel. C'est une situation qui en dit long sur le respect qui est témoigné à notre assemblée.

Il y aura bien, désormais, un avant et un après 29 mai dans l'histoire de notre pays et de l'Europe.

M. Henri Revol. C'est une évidence !

M. Dominique Braye. Nous serons obligés de tout refaire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez de brailler !

M. Jean-Pierre Bel. Chacun, naturellement, a sa propre lecture de ce qui s'est passé. On attend de nous de dire de manière explicite comment, les uns et les autres, nous répondons aux craintes mais aussi aux attentes qui se sont manifestées.

Je vois, quant à moi, dans ce message des Français, entre autres explications certainement fondées, l'expression d'un mal de vivre et de souffrances liées à la vie quotidienne. Souffrances de ceux qui sont confrontés au chômage, à une vie sans perspective ni pour eux ni pour leurs enfants, sans le moindre projet, souffrances de ceux qui sont confrontés à des conditions de vie toujours plus difficiles...

M. Bruno Sido. C'est ce qu'on a dit !

M. Dominique Braye. Il plagie le Premier ministre !

M. Christian Demuynck. On a déjà entendu cela !

M. Jean-Pierre Bel. ... à un environnement qui se dégrade, à des logements dans lesquels la promiscuité et la cohabitation avec l'autre sont bien loin de ce dont ils avaient rêvé.

Voilà ce que nous ont dit, entre autres, les Français que nous avons rencontrés.

Dans le même temps, à côté de cette colère, de ces peurs, de ces doutes, il y a le sentiment de ne plus être défendus, de voir le pacte républicain qui, jusque-là, paraissait protégé, voler en éclats.

Alors, face à un engrenage qui semble ne plus savoir, ne plus pouvoir arrêter la machine à fabriquer de la pauvreté, il faut bien reconnaître que nous nous trouvons devant une crise de grande ampleur, une crise que d'autres ont caractérisée de crise sociale, crise politique, crise économique, et même crise morale.

Nous avons tous à tirer des enseignements de ce message fort si l'on veut en comprendre la portée, offrir des perspectives et donner du sens à notre engagement politique. Nous sommes tous concernés, mais vous en conviendrez, d'abord vous-même, monsieur le Premier ministre, et vos amis qui exercez les responsabilités gouvernementales depuis maintenant trois ans.

Vous êtes-vous interrogés sur les raisons de votre impopularité, du discrédit qui est le vôtre à ce jour, discrédit qui fait qu'avant même de connaître vos propositions huit Français sur dix interrogés dans un sondage annoncent que vous allez échouer ?

Peut-être aurait-on pu rappeler la sentence de Cicéron dans la Rome antique : le peuple peut tout comprendre, pourvu que celui qui pose la question soit crédible.

La crédibilité est dans le bilan sans appel du précédent gouvernement auquel vous participiez : 230 000 chômeurs supplémentaires, c'est-à-dire, au total, 10,2 % de la population active, ce qui classe notre pays au vingt et unième rang de l'Union européenne en termes de chômage, en particulier pour le chômage des jeunes.

Vous avez contribué, lentement mais sûrement, à remettre en cause les fondements de notre modèle social : en trente-quatre mois de gouvernement, la gauche et Lionel Jospin avaient créé plus de 1 100 000 emplois (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) quand le gouvernement Raffarin en détruisait lui, dans le même temps, plus de 50 000.

La politique menée par vos gouvernements depuis 2002 est socialement injuste et économiquement inefficace : le chômage et la précarité augmentent, le pouvoir d'achat diminue, l'investissement productif baisse, la croissance est en berne, les déficits se creusent et les caisses sont vides.

Un sénateur de l'UMP. Qui les a vidées ?

M. Jean-Pierre Bel. Le gouvernement Raffarin endosse la responsabilité d'un rejet général dont l'Europe a fait les frais.

La réforme des retraites, construite sur des perspectives de croissance fausses, devra être remise à plat dans quelques années parce qu'elle n'est pas financée.

M. Jean-Pierre Bel. Injuste et inéquitable, elle sacrifie les plus faibles.

La réforme de l'assurance maladie, engagée pour réduire le déficit de 15 milliards d'euros, risque fort de ne pas atteindre son objectif ; elle accroît la pression sur les plus faibles sans rien résoudre, alors même que nous avions laissé les comptes de la sécurité sociale équilibrés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. C'est pour cela que les Français vous ont virés !

M. Dominique Braye. Et la MNEF !

M. René-Pierre Signé. Rendez-nous le pouvoir !

M. Jean-Pierre Bel. Je pourrais rappeler ici le fiasco de la réforme de la décentralisation. Non seulement cette réforme a pour conséquence de grever lourdement le budget des collectivités, mais elle met également à mal le pacte territorial. Elle provoque une levée de boucliers chez les élus locaux, elle rend incontournable une forte hausse des impôts locaux, elle favorise un service public à deux vitesses dans les territoires.

Votre politique, monsieur le Premier ministre, a suscité, à chaque consultation électorale, le désaveu, la sanction, le rejet.

M. Dominique Braye. Surtout en 2002 !

M. Jean-Pierre Bel. Le chef de l'Etat n'en a tenu aucun compte. Jacques Chirac ne réagit pas, il n'entend pas. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre massivement désavoué, est maintenu à bout de bras, contre vents et marées, à l'encontre du suffrage universel. Le chef de l'Etat doit endosser l'entière responsabilité de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Par son entêtement, par son aveuglement, il a provoqué le résultat du 29 mai.

De cet aveuglement, l'Europe a payé le prix fort. A ce sujet, quelle timidité dans votre intervention ! Que savons-nous, à la veille du Conseil européen des 16 et 17 juin, des orientations que vous entendez défendre ?

M. Jean-Pierre Bel. Je tiens à indiquer ici que notre groupe vous a demandé d'organiser un débat parlementaire avant ce prochain Conseil. L'avenir de l'Europe est en suspens, le traité constitutionnel est moribond. Quelles leçons en tirez-vous ?

Face à cette situation, les Français attendaient une réponse qui soit à la hauteur de l'enjeu,...

M. Jean-Pierre Bel. ...un vrai changement de cap. Vous nous avez dit hier, et encore aujourd'hui, le contraire : le cap sera maintenu.

C'est donc cela que vous avez retenu du message du 29 mai ! A ce titre, monsieur le Premier ministre, mais aussi parce que vous étiez membre des gouvernements de Jean-Pierre Raffarin, vous êtes comptable de ses renoncements et de ses échecs.

Alors, en réponse aux souffrances des Français, vous avez promis une nouvelle impulsion, vous avez promis de remettre la France en marche. Quel aveu d'échec pour votre prédécesseur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Reprenant mot à mot les annonces successives de Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin depuis trois ans, vous appelez à une grande mobilisation en faveur de l'emploi.

La mesure phare de votre programme, c'est le contrat nouvelle embauche. Bel exemple de mesure sociale ! Vous proposez, pour exaucer une demande déjà ancienne du MEDEF, un contrat de travail dont la période d'essai dure deux ans, deux ans pendant lesquels l'employeur pourra licencier du jour au lendemain. En réalité, votre contrat de nouvelle embauche, c'est un permis de licencier sans motif ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Il n'a rien compris !

M. Jean-Pierre Bel. Vous construisez là une nouvelle forme de contrat de travail en permettant à un employeur de se séparer d'un salarié sans avoir à payer les indemnités compensatrices de précarité de 10 % du salaire qu'il serait obligé de verser s'il s'agissait d'un CDD.

M. Jean-Pierre Bel. Avec le contrat nouvelle embauche et le chèque-emploi entreprise applicable dans les petites entreprises, vous montrez le vrai visage du modèle patronal - il faut bien l'appeler ainsi ! - que vous portez.

Le chèque-emploi entreprise est un chèque en blanc pour l'employeur ! Il fait disparaître l'obligation de signer un contrat de travail, seul garde-fou protecteur des droits impératifs du salarié : la rémunération, le temps de travail, la durée du contrat et les modalités de résiliation. En définitive, ce chèque fait disparaître la feuille de paye, libérant ainsi l'employeur de l'obligation de respecter le salaire initialement promis.

Vous avez fait le choix de ne cibler que les petites entreprises, et ce à dessein : à l'évidence, ce sont celles où les salariés sont le moins bien organisés.

De la même manière, en ne comptant pas les jeunes de moins de vingt-cinq ans dans leurs effectifs pour le calcul du seuil des dix salariés, vous remettez insidieusement en cause le droit syndical. Naturellement, dès aujourd'hui, les petits patrons applaudissent et les organisations syndicales se mobilisent.

Les chômeurs qui auraient refusé une proposition d'emploi dite « raisonnable » se verraient privés de leurs indemnités.

M. Dominique Braye. On sait que vous aimez l'assistanat !

M. Jean-Pierre Bel. On peut se demander ce qu'est une proposition « raisonnable ». Doit-on tout accepter ? Et qui appréciera ? Est-ce une nouvelle forme de la politique de la carotte et du bâton ?

Ces mesures, les seules mesures nouvelles de votre programme pour l'emploi, sont autant de brèches dans notre code du travail.

Alors que les Français réclamaient plus de protection sociale, vous portez atteinte aux piliers de notre modèle social.

A la demande de sécurité professionnelle et sociale de nos concitoyens, vous répondez par plus de précarité et plus d'insécurité.

Face à la flexibilité que vous introduisez de manière éhontée dans notre droit du travail, vous n'offrez, en contrepartie, aucune garantie nouvelle aux salariés.

Mme Catherine Tasca. Absolument !

M. Jean-Pierre Bel. Mme la ministre déléguée au commerce extérieur a eu la franchise de dire, avant d'être rappelée à l'ordre : « Le droit du travail est compliqué, lourd et peu flexible, il constitue un frein à l'embauche. Ces freins doivent être évacués. »

M. Roland Muzeau. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Bel. Une fois encore, vous donnez des gages aux plus forts et vous stigmatisez les plus fragiles.

M. Dominique Braye. Vous n'avez rien compris !

M. Jean-Pierre Bel. Enfin, vous reconnaissez vous-même que vos marges de manoeuvre budgétaires sont étroites et, dans le même temps, vous annoncez une nouvelle baisse des cotisations sociales, baisse qu'il faudra bien financer par le budget de l'Etat ou par les privatisations annoncées de nos fleurons industriels et commerciaux.

M. Dominique Braye. On n'en fera jamais autant que Jospin ?

M. Jean-Pierre Bel. Il y a les mots et la réalité.

Pourtant, vous avez prôné un changement de méthode. Vous avez dit que le temps de la concertation et de la réflexion était venu ; vous avez peut-être même suscité des espérances.

Tout cela pour aboutir à quoi ? Au recours aux ordonnances, l'une des pires méthodes de la Ve République, qui consiste à nier les droits du Parlement, qui tourne le dos au dialogue, à la consultation des partenaires sociaux sur un sujet aussi essentiel que la politique de l'emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Le 29 mai a exprimé une exaspération, une forme de désespérance ; vous y ajoutez aujourd'hui la frustration.

Vous spoliez les salariés de leurs droits au dialogue, à la négociation. Vous allez générer la colère. C'est une lourde responsabilité, monsieur le Premier ministre, sur laquelle vous serez jugé sans tarder, dans les semaines qui viennent.

La situation mérite des politiques, des orientations radicalement nouvelles. Sur l'emploi, sur le pouvoir d'achat des familles, nous savons bien que cela passe, dans l'immédiat, par l'augmentation de la prime pour l'emploi et la valorisation de l'allocation de rentrée scolaire.

Vous avez dit, monsieur le Premier ministre, que vous vous donniez cent jours pour rendre la confiance aux Français d'ici au début du mois de septembre.

Plusieurs sénateurs socialistes. Jusqu'à Waterloo !

M. Jean-Pierre Bel. Dans cent jours, l'opposition sera là pour apprécier votre action à sa juste valeur.

La situation de la France et de l'Europe est grave. Nous serons vigilants. Nous développerons, durant cette période, des propositions alternatives, celles que nous élaborerons dans un dialogue avec les Français et avec l'ensemble de la gauche.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

MM. Alain Gournac et Dominique Braye. Avec Fabius !

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la France va mal et nous avons le devoir de dire la vérité aux Français.

M. le président. Veuillez terminer, monsieur Bel !

M. Jean-Pierre Bel. Cela signifie qu'il faut se garder des discours simplistes, incantatoires, qui seraient davantage sources de désillusions que de solutions concrètes. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

Mais il faut aussi avoir une véritable ambition et proposer une politique nouvelle.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le Premier ministre, vous venez aujourd'hui au Sénat réclamer la confiance. Encore eût-il fallu que vous ayez pris la pleine mesure de l'état de la France et du désarroi exprimé par les Français...

M. Dominique Braye. C'est fini !

M. Jean-Pierre Bel. ... et que vous indiquiez un cap clair et transparent, en rupture avec vos orientations.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. C'est terminé !

M. Jean-Pierre Bel. Sur les équipes, sur les orientations, c'est tout le contraire que vous nous annoncez en vous inscrivant dans la continuité.

Ainsi, les Français peuvent compter sur les socialistes (Exclamations sur les travées de l'UMP.) pour construire, avec d'autres, un nouvel horizon et pour s'opposer à l'avenir que vous nous tracez, une société dominée par la précarité.

Cet avenir, fait d'irresponsabilité, d'inconséquences et d'injustices, nous n'en voulons pas ! C'est pourquoi vous n'aurez pas notre confiance. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, « La vraie victoire, souvent gagnée dans la douleur et l'humiliation, fait sa fortune du hasard et se moque de la nécessité, des convenances, modes et conservatismes qui pèsent depuis toujours. La défaite politique d'un jour peut être porteuse d'espérance et d'idéal si le chef sait montrer le chemin. » (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On l'a vu, le chef !

M. Josselin de Rohan. Ces quelques lignes que je tire, monsieur le Premier ministre, de l'un de vos ouvrages, me semblent pouvoir s'appliquer tout particulièrement à notre actualité. (Nouveaux applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Vous avez accepté d'assumer une lourde charge dans des temps difficiles. Nous connaissons vos grandes capacités, votre dévouement au service de l'Etat, votre ardeur au travail.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est en plein lyrisme !

M. Josselin de Rohan. Nous vous faisons confiance pour conduire la politique de la nation et affronter les obstacles et les épreuves, avec votre énergie et votre talent habituels.

M. Roland Muzeau. Il marchera sur l'eau !

M. René-Pierre Signé. On verra les résultats !

M. Josselin de Rohan. Vous avez, à juste titre, rendu hommage à l'action de votre prédécesseur. Nous avons apprécié, dans cette assemblée, le courage et la loyauté de Jean-Pierre Raffarin, les réformes méritoires que son gouvernement a accomplies et que nous avons soutenues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Applaudissements de convenance !

M. Josselin de Rohan. Le non français au projet constitutionnel a beaucoup de causes et beaucoup de facettes. Il est révélateur d'un indéniable mal-être et d'une crise économique, sociale et morale qui affectent les fondements mêmes de notre société.

Le modèle français, qui se caractérisait par une protection sociale élevée, un droit du travail très réglementé et le rôle fondamental de l'Etat, ne fonctionne plus.

Le chômage de masse, qui, depuis vingt ans, affecte indifféremment jeunes et séniors, hommes et femmes, travailleurs non qualifiés et travailleurs diplômés, a rejeté dans la précarité et la pauvreté des milliers de nos compatriotes, déstructuré individus, familles et territoires, détérioré notre économie, nos budgets et nos comptes sociaux.

L'ascenseur social est bloqué : 7 % des élèves, c'est-à-dire près de 80 000 individus, quittent chaque année l'école sans qualification. (M. Roland Muzeau s'exclame.) En 2003, 37 % des jeunes sortis depuis quatre ans du système scolaire se trouvaient sans emploi.

Depuis 1980, nous devons faire face aux déséquilibres croissants de nos comptes sociaux.

L'assurance maladie est structurellement déficitaire depuis dix ans.

MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jean-Luc Mélenchon. Non !

M. Josselin de Rohan. L'assurance chômage, avec l'augmentation des demandeurs d'emploi, connaît le même sort.

M. René-Pierre Signé. Depuis que vous êtes au pouvoir !

M. Josselin de Rohan. Le modèle social ne protège plus et ne sécurise plus. Il engendre le doute et la crainte. Il est symbole d'échec et d'inefficacité, mais, s'il doit être rénové et régénéré, il n'en demeure pas moins au centre de notre pacte républicain.

Les Français, dans leur immense majorité, refusent une société sans repères et sans but, sans perspectives et sans espoir, génératrice de peur, d'insécurité et de violence. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

C'est pourquoi il nous faut substituer une société de confiance à une société de défiance, une société de mouvement à une société bloquée. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

La voie de la confiance passe par l'emploi et celle de l'emploi par la réhabilitation du travail. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Non,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On a dit non, c'est vrai !

M. Josselin de Rohan. ...le travail n'est pas pénalisant, aliénant, dégradant. Le travail épanouit, le travail rémunère, le travail promeut, le travail ennoblit.

M. Josselin de Rohan. Demandez ce qu'ils en pensent à ceux qui en sont privés ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Qui a dit le contraire ?

M. Josselin de Rohan. Il faut cesser de faire croire que le bonheur est toujours dans le pré et non dans l'entreprise et qu'on peut gagner plus en travaillant moins. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est honteux de dire cela !

M. Josselin de Rohan. Nous approuvons, dans leur esprit comme dans leurs modalités, les dispositifs d'accès et de retour à l'emploi que vous nous annoncez, le développement des services à la personne, qui répondent à une forte attente sociale et aux demandes pressantes des handicapés et des personnes âgées, la simplification des procédures de recrutement pour les très petites entreprises, les contrats de nouvelle embauche prévus pour leurs salariés, la prise en charge des cotisations supplémentaires par l'Etat à partir du dixième salarié, qui gomme les effets de seuil.

Le versement d'une prime de 1 000 euros pour toutes les personnes au chômage depuis plus d'un an bénéficiant de minima sociaux qui reprendront une activité est une initiative heureuse.

M. Roland Muzeau. On a déjà entendu cela hier et aujourd'hui !

M. Josselin de Rohan. Il faut impérativement que les revenus du travail soient supérieurs aux revenus de l'assistanat si l'on veut inciter vraiment les chômeurs à rechercher activement un emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Augmentez les salaires !

M. Josselin de Rohan. L'objectif de porter à 500 000 le nombre d'apprentis d'ici à cinq ans recueille notre adhésion.

Nous souhaitons également que soit encouragé et développé l'enseignement par alternance. Il correspond à une véritable demande des jeunes et constitue une excellente préparation à la vie de l'entreprise.

La mise en place des maisons de l'emploi au niveau local et l'ouverture d'un dossier informatique commun à l'ANPE et à l'UNEDIC est un début prometteur.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous l'avez déjà fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas nouveau !

M. Josselin de Rohan. Il nous semble qu'à terme les maisons de l'emploi pourraient abriter un service unifié de l'emploi assurant la recherche d'emploi, la formation et l'indemnisation des demandeurs d'emploi en associant, sous l'autorité du préfet, l'action de l'Etat, de la région et du conseil général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Tous ceux qui ont le désir d'entreprendre et l'intention d'embaucher des salariés attendent de l'administration des mesures simples, claires et lisibles...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On attend qu'ils le fassent !

M. Josselin de Rohan. ... ainsi qu'un soutien et des conseils, et non pas la multiplication des formulaires, des enquêtes et des contrôles tatillons qui freinent les initiatives et découragent les bonnes volontés. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas vrai !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'êtes jamais allé voir sur place !

M. Roland Muzeau. Les patrons savent remplir les formulaires !

M. Josselin de Rohan. La société de confiance repose sur la sécurité des citoyens.

Grâce à votre action et à celle de Nicolas Sarkozy et Dominique Perben dans les gouvernements précédents, la sécurité des Français a été considérablement améliorée et des résultats remarquables ont été obtenus. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. Josselin de Rohan. Les événements récents survenus à Perpignan montrent combien les équilibres sont parfois fragiles entre les diverses catégories de population dans nos villes et territoires, à quel point nous devons être attentifs à maintenir le lien, la cohésion et l'unité au sein de notre société. Le développement du communautarisme ou de l'ethnocentrisme, l'exacerbation des différences ou des inégalités peuvent conduire, demain, à de nouveaux incidents sur divers points de notre territoire.

La mission confiée au ministre de l'intérieur, dont nous apprécions le dynamisme et l'efficacité (Rires sur les travées du groupe socialiste.), de lutter efficacement, avec une détermination sans faille, contre les violences aux personnes, les trafics de drogue et les criminels multirécidivistes, comme celle qui lui est assignée pour la lutte contre l'immigration irrégulière, répond à nos préoccupations et à celles des Français.

Seul un Etat fort et respecté peut garantir notre pays contre les troubles ou les désordres de toute nature. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Notre société, si affectée par les blocages, doit devenir une société de mouvement.

M. Josselin de Rohan. La mondialisation a supprimé barrières et frontières, aboli les distances, ouvert les marchés, multiplié les échanges.

La meilleure réponse aux délocalisations réside dans le développement de la recherche, de l'innovation, des technologies de pointe et des productions à haute valeur ajoutée.

L'Agence pour l'innovation industrielle, lancée par le Président de la République, doit être le pivot et le ferment d'une nouvelle stratégie qui permettra de financer des projets innovants dans les technologies de l'avenir. La coopération, très souhaitable, avec d'autres pays européens, en particulier l'Allemagne, lui donnera une plus grande puissance.

La réalisation de pôles de compétitivité associant l'Etat, l'université et les entreprises devra assurer une large mobilisation des ressources et des compétences dans des secteurs spécifiques et contribuera à dynamiser nos territoires.

La réforme de notre dispositif de recherche et le renforcement de ses moyens conditionnent, bien évidemment, l'avenir de nos universités, celui de nos entreprises, de notre économie, comme de notre santé publique. La communauté scientifique attend beaucoup de la loi de programme en préparation. Il est indispensable de ne pas la décevoir.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons déjà été beaucoup déçus jusqu'à présent !

M. Josselin de Rohan. Nous nous réjouissons des mesures envisagées en faveur des PME, qui jouent un rôle majeur dans le domaine de l'emploi et dans notre économie. Les incitations et les allégements fiscaux prévus pour faciliter la transmission de l'entreprise lors du départ à la retraite de son propriétaire devraient satisfaire des demandes très anciennes des dirigeants de PME.

M. Roland Muzeau. C'est sûr !

M. Josselin de Rohan. Combien d'entreprises ont-elles dû cesser leur activité, faute de repreneur, ...

M. Roland Muzeau. Faute de débouchés !

M. Josselin de Rohan. ...parce que l'impôt confisquait brutalement le produit de longues années d'efforts et de sacrifices ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas vrai !

M. Josselin de Rohan. Vous comprendrez aisément que nous soyons attachés au développement de la participation. Les salariés de l'entreprise doivent pouvoir profiter de l'accroissement de ses bénéfices. Nous avons toujours été attachés à cette mesure d'équité, encouragée et voulue par le général de Gaulle.

Vous vous êtes engagé, monsieur le Premier ministre, à ce que la France continue de « tirer vers le haut l'aventure européenne ». Nous ne concevons pas, quant à nous, que la France puisse avoir un avenir en marge de l'Europe (Très bien ! sur les travées de l'UMP.), que l'Europe se réduise à n'être qu'un marché unique, une zone de libre-échange sans gouvernance ni contraintes.

Le rejet par la France du traité constitutionnel offre pourtant un puissant encouragement aux partisans de cette conception. Comme l'écrit The Economist, hebdomadaire britannique réputé, « le rêve d'une intégration politique plus approfondie et, selon les termes du traité de Rome de 1957, toujours plus étroite, est terminé ». Quel étrange paradoxe ce serait de voir naître l'Europe de Mme Thatcher grâce au vote de Mme Buffet ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Huées sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est scandaleux !

Mme Hélène Luc. C'est ignoble !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Acceptez le verdict populaire !

M. Josselin de Rohan. Calmez-vous, madame Borvo, ce n'est pas fini !

Mme Hélène Luc. Je n'ai jamais entendu des propos aussi inadmissibles !

M. Josselin de Rohan. Vous allez bientôt devoir, monsieur le Premier ministre, avec le Président de la République, défendre les intérêts de notre pays lors de l'élaboration du budget européen et, à terme, vous battre pour éviter que les crédits consacrés au soutien de l'agriculture ne soient redéployés pour financer d'autres emplois, sous la pression de la majorité de nos partenaires.

Vous devrez faire preuve de beaucoup de diplomatie et d'adresse pour obtenir l'appui d'Etats membres qui ne seront guère enclins à soutenir notre cause.

L'opinion doit être consciente que tous les combats que vous mènerez seront difficiles. Nous voulons croire, comme vous, que « notre rêve européen sortira renforcé des épreuves ». Encore faudra-t-il que les réalités européennes n'aient pas raison de nos rêves. (M. Hubert Haenel applaudit.)

Mme Hélène Luc. Vous avez du travail pour faire rêver les gens !

M. Josselin de Rohan. En d'autres termes, nous devrons prendre de nombreuses initiatives pour éviter l'isolement et la marginalisation ; nous devrons rechercher des coopérations avec l'Allemagne, notre voisin le plus proche, convaincre d'autres Etats d'agir avec nous pour défendre des valeurs communes, avec la conscience que notre voix n'aura sans doute pas la même portée qu'autrefois.

Notre pays traverse une phase de dépression qui le fait douter de ses dirigeants, ...

M. Roland Muzeau. De vous !

M. Alain Gournac. Des communistes en particulier !

M. Josselin de Rohan. ... qui le porte au scepticisme et au rejet de tout ce qui lui paraît une vérité imposée.

Vous vous employez, monsieur le Premier ministre, avec une louable détermination, à lui redonner espoir et confiance, à lui ouvrir des perspectives. La France a trop d'atouts, de potentialités et de ressources, pour s'abandonner durablement à la morosité ou au pessimisme.

La France est consciente, nous en sommes convaincus, qu'il lui faut relever les défis d'un monde en constante évolution, au prix d'efforts et de sacrifices. Mais ces efforts, elle ne les acceptera que si elle a le sentiment qu'ils sont justement répartis et que la prospérité des uns n'est pas construite sur l'exclusion des autres. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Roland Muzeau. Et les 38 millions d'euros de l'ex-PDG de Carrefour ?

M. Josselin de Rohan. « Gardez-vous de demander du temps, le malheur n'en accorde pas » disait Vergniaud. Vous savez, monsieur le Premier ministre, qu'il vous faut agir vite et fort. Nous vous soutiendrons dans votre volonté de remettre la France en marche et de lui redonner foi dans son avenir. (Les sénateurs de l'UMP se lèvent et applaudissent longuement. - Certains sénateurs de l'UC-UDF applaudissent également.)

M. Roland Muzeau. Tout le monde aura remarqué qu'ils ne se sont pas levés pour le Premier ministre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De Rohan premier ministre !

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. Roland Muzeau. La parole est à l'opposition !

M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le vote du 29 mai a ouvert une crise d'une grande gravité : une crise européenne et une crise nationale.

Crise européenne, le non des Françaises et des Français résonne dans toute l'Europe, soutient toutes les réticences, ...

M. Roland Muzeau. Il est salutaire !

M. Pierre Fauchon. Suicidaire !

M. Michel Mercier. ... nourrit tous les doutes et ravit tous ceux qui attendaient que l'Europe ne soit plus qu'un espace et que le laisser-faire et le laisser-aller soient sa seule loi.

Oui, nous sommes tristes de ne pas avoir su convaincre nos concitoyens que ce traité, tout imparfait qu'il soit, redonnait l'Europe aux Européens. Ce qui s'éloigne, c'est une Europe des citoyens ; ce qui reste, c'est une Europe plus technocratique et un simple espace de marché.

Depuis le 29 mai, il ne faut plus parler d'Europe : cela embête ! Cependant, nous souhaitons dire ici, sereinement et fortement, qu'on ne peut être aujourd'hui Français qu'en Europe (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF), que seule une Union européenne démocratique, unissant de façon originale et forte les peuples de notre continent, peut assurer la protection de notre civilisation. Monsieur le Premier ministre, la France doit le dire et le redire, à temps et à contretemps. Elle doit prendre toutes les initiatives pour qu'une Europe des Européens puisse se construire demain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

Sinon que serons-nous face à la Chine, face à l'Inde, face aux Etats-Unis, face au Brésil, qui seront les géants de demain ?

L'Europe est la condition de notre survie et de notre fierté. Il nous appartient de la promouvoir, avec humilité et détermination.

Je veux aussi, monsieur le Premier ministre, vous remercier d'avoir rappelé le rôle de l'Allemagne, qui a toujours fait le choix, parfois difficile pour elle, de l'entente avec la France et avec l'Europe. Nous ne pouvons pas l'abandonner aujourd'hui.

Mais le vote du 29 mai a aussi révélé une crise nationale, profonde et ancienne.

M. Roland Muzeau. Et européenne, monsieur Mercier ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Mercier. J'ai commencé par là, monsieur Muzeau ! Ecoutez !

M. Roland Muzeau. Votre rêve est de dissoudre le peuple !

M. Michel Mercier. Fallait-il que le peuple français soit en souffrance pour dire non à l'Europe qui lui a apporté et la paix et la prospérité.

Les Français nous ont redit leur désespérance, comme ils nous l'avaient déjà dit en 2002.

L'analyse du vote est particulièrement parlante. Dans le département que j'ai l'honneur, avec d'autres ici, de représenter, le Rhône, l'un des treize départements métropolitains à avoir voté oui, la carte du vote est celle des difficultés, du chômage, de la précarité et du manque d'avenir.

Un sénateur du groupe CRC. Cela, nous le savons tous !

M. Michel Mercier. Là où les choses vont bien, si l'avenir semble assuré, le oui l'a emporté ; ailleurs, le non nous appelle à réagir.

Cet appel massif vient du fond du peuple français, qui attend une rupture, un changement profond, des repères nouveaux.

L'Europe a besoin d'une gouvernance économique. Elle doit se donner les moyens de protéger ses intérêts vitaux.

Que nous soyons très désemparés, moi comme tous les autres, devant cet appel, ce rejet, cette vague de fond, c'est peut être normal. Mais nous devons rapidement proposer aux Françaises et aux Français des réponses nouvelles, lisibles, positives.

Le débat qui s'instaure dans notre pays - social-libéral, modèle social français, modèle anglo-saxon ou modèle nordique - est un bon débat. Il est normal, parce que nous nous interrogeons. C'est de ce débat que doit sortir demain la proposition que nous ferons aux Françaises et aux Français.

Je ne me retrouve guère dans ces votes. Ce que nous attendons de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, c'est que vous proposiez aux Françaises et aux Français un nouvel équilibre entre ces pôles, équilibre qui permettra de trouver d'autres repères.

Il faut simplement que nous retrouvions le désir de vivre ensemble, c'est-à-dire que chacun soit sûr que c'est ensemble que l'on peut construire le bonheur et la vie de chacun. Lorsqu'on est sûr de cette réalité, on est toujours prêt à faire les sacrifices nécessaires.

Certains font référence à tel ou tel de nos écrivains, de nos penseurs, de nos philosophes. Pour ma part, je m'en tiendrai à la définition de la nation donnée par Ernest Renan en 1882 : « Une grande agrégation d'hommes, saine d'esprit et chaude de coeur, crée une conscience morale qui s'appelle une nation. Tant que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu'exige l'abdication de l'individu au profit d'une communauté, elle est légitime, elle a le droit d'exister ».

Une nation est donc une grande solidarité. La nation est un plébiscite de tous les jours. C'est, monsieur le Premier ministre, ce plébiscite du quotidien que votre gouvernement doit gagner, et nous, sénatrices et sénateurs de l'UC-UDF, nous voulons prendre toute notre part du travail.

Il y a l'urgent et il y a l'avenir ; deux catégories de réponses s'imposent. Celles-ci doivent redonner aux Françaises et aux Français l'assurance à la fois qu'ils appartiennent au même corps social et que leur avenir dépend de cette appartenance.

Il faut agir vite dans les domaines social, économique et politique, donc opérer de façon globale.

Vous nous l'avez dit hier, votre gouvernement est tout entier tourné vers l'emploi. C'est une partie, et une partie importante, de la réponse.

Pour conserver notre modèle de civilisation, monsieur le Premier ministre, il faut un nouvel équilibre, une autre répartition des tâches entre l'entreprise et l'Etat. Les syndicats, les entreprises, dirigeants, cadres et employés, doivent faire ce qui relève de leur compétence : vivifier l'économie, innover, créer des richesses, donner du travail, offrir des perspectives d'avenir, permettre à chacun de réaliser sa vie ; c'est le rôle de l'entreprise, et ce n'est pas rien !

Il faut répondre aux besoins des Français, créer la richesse qui permet de vivre ensemble et à chacun de sacrifier ce qui est nécessaire au bien commun.

Délivrons l'entreprise de toute autre tâche, comme le financement de la protection sociale. Donnons-lui les moyens d'être compétitive : c'est la seule façon de lutter contre les délocalisations, ces délocalisations qui frappent toujours les plus modestes. Il faut clairement cesser de taxer l'emploi et la production.

Jean Arthuis, Christian Gaudin et moi-même avons souvent évoqué la TVA sociale comme moyen d'assurer la compétitivité de nos entreprises et de maintenir nos emplois. Nous vous demandons avec insistance d'étudier avec nous cette proposition. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Nous pensons que, si l'entreprise doit remplir son rôle, l'Etat a également le sien à jouer : il doit assurer la solidarité, son organisation et son financement.

Aussi, nous nous félicitons que vous annonciez que la baisse des impôts n'est pas un but en soi, que l'exigence de la bonne gestion en est un et que l'impôt est ce qui nous permet de vivre ensemble et fonde notre société démocratique.

L'Etat doit organiser cette solidarité de façon efficace.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Michel Mercier. Je vais essayer d'être bref.

Il convient que chaque territoire, ainsi que sa population, sache que cette solidarité existe, qu'elle est voulue et qu'elle s'adresse à lui. Elle doit être confiée aux collectivités locales et aux partenaires sociaux.

Plus l'entreprise est libre, plus la solidarité entre les individus doit être forte, juste, ressentie et acceptée par chacun, et c'est l'endroit où vous entendez mettre le curseur que nous souhaitons connaître, monsieur le Premier ministre.

Dans votre déclaration d'hier, vous avez annoncé un certain nombre de mesures immédiates pour l'emploi. Elles sont intéressantes, probablement efficaces et vont dans le sens de ce nouvel équilibre. Nous aurions pu vous apporter notre soutien sur ces mesures si vous n'aviez pas décidé de vous passer de ce soutien en recourant à la procédure des ordonnances. Je regrette cette situation car le Gouvernement disposait dans les deux assemblées d'une majorité suffisante. Je le regrette d'autant plus que le vote du 29 mai a bien montré que nos concitoyennes et concitoyens aspirent à participer au débat public. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. Concluez, mon cher collègue.

M. Michel Mercier. Il faut surtout éviter de leur faire voir un trop grand décalage entre les annonces politiques et ce qu'ils vivent sur le terrain.

Hier, notre collègue Valérie Létard nous disait...

M. le président. Mon cher collègue, votre temps de parole est épuisé.

M. Michel Mercier. Je termine, monsieur le président.

...qu'alors même que vous annonciez, monsieur le Premier ministre, la création de plusieurs milliers de places de crèche, ce qui est une excellente mesure, dans son département, le Nord, les caisses sociales annonçaient des budgets sociaux en baisse de 25 %.

Nous attendons de vous, Monsieur le Premier ministre, une vraie perspective nouvelle, un cap nouveau.

Dans cette attente, nous ne voulons pas être spectateurs, et jamais les sénateurs et sénatrices de l'UDF n'adopteront l'attitude de l'amateur du tour de France qui, allongé dans l'herbe fraîche des cols, s'écrit : « Pédale fainéant ! ».

Nous voulons être des ouvriers du renouveau : donnez-nous en les moyens et l'occasion ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le 29 mai, notre peuple, à une large majorité, a dit non au projet de traité constitutionnel européen qui lui était soumis.

Il l'a fait au terme d'un débat intense qui a intéressé des millions de nos concitoyens. Il l'a fait en dépit d'une véritable propagande d'Etat, d'une pression médiatique éhontée, de menaces, du mépris, des interventions répétées du Chef de l'Etat pour le convaincre qu'il aurait tort ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

C'est très majoritairement un non populaire, pro- européen, un non d'exigence sociale et démocratique, et nous qui avons rejeté ce traité au Parlement, nous sommes en phase avec nos concitoyens.

Il est particulièrement choquant de constater que le vote des Français continue d'être ignoré, dénaturé et méprisé. Allez-vous, monsieur le Premier ministre, mais vous aussi, mes chers collègues qui avez été désavoués par les Français, entendre que les couches populaires, les couches moyennes rejettent de plus en plus la concurrence débridée, la précarisation galopante, les consensus de sommet ?

Monsieur de Rohan, nous avions la politique Thatcher : grâce à ceux qui ont appelé à voter non, peut-être aurons-nous autre chose ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Grâce à Mme Buffet !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez-vous comprendre que ce qui vient de se passer en France et aux Pays-Bas montre la profondeur de la crise de confiance entre les citoyens et les institutions européennes et ceux qui ont promu les choix ultralibéraux depuis Maastricht ?

Le traité constitutionnel est caduc juridiquement et politiquement. Il faut avoir le courage de sortir par le haut de cette impasse.

Pour ce qui concerne la France, notre peuple a donné un mandat au Président de la République et à son gouvernement : il doit retirer la signature de la France au bas du traité constitutionnel dès le Sommet du 16 juin prochain et être porteur de la volonté de nos concitoyens de relancer un processus démocratique à l'échelle de toute l'Europe pour établir l'état des lieux et mettre en chantier un nouveau traité.

Le rejet du traité est salutaire ; il faut un bilan de l'application des traités antérieurs, une véritable remise à plat. Aussi, la France doit demander le retrait de la directive Bolkestein, de la directive relative au temps de travail, comme de la série de directives de libéralisation prévues dans le cadre de l'agenda de Lisbonne.

Je suis donc très étonnée que Mme Colonna, dès lundi, ait semblé reprendre les négociations sur une « directive Bolkestein » que chacun, chez les partisans du oui, présentait comme entérinée et que le M. le ministre de l'économie et des finances ait cru bon de dire à Bruxelles que le pacte de stabilité était l'horizon indépassable pour la France.

Monsieur le Premier ministre, nos concitoyens font bien le lien entre la politique menée en France et en Europe, n'en déplaise à certains ! Ils veulent une rupture de la politique européenne. Ils veulent une rupture de la politique menée en France.

Vous pouvez remercier les Français de leur vote, parce que, tout d'un coup, grâce à eux, vous vous apercevez que la situation de notre pays est grave, le chômage insupportable et qu'il est urgent d'agir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Vous êtes au pouvoir depuis trois ans, mais vous ne voyiez rien, vous n'entendiez rien. Et que répondez-vous ? Vous répondez par l'Etat UMP : vous nommez le chef du parti UMP ministre de l'intérieur, chargé de l'ordre public et des élections. C'est une véritable injure à la démocratie ! (Protestations sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Dominique Braye. Le Pen, Buffet, même combat !

M. Roland Muzeau. C'est une honte ! Voyou !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous répondez par des ordonnances pour faire passer des mauvais coups à la veille des vacances. Vous répondez que vous continuerez la politique de votre prédécesseur, que vous avez chaleureusement félicité.

Vous poursuivez les allégements des charges sociales des entreprises. Or quels résultats ont eu les 18 milliards d'euros d'allégements accordés jusqu'ici ? Vous répondez par la casse du code du travail, par des emplois services, des emplois précaires, un contrat de travail de deux ans. Soit dit en passant, tout cela était déjà en route. La nouveauté n'est pas au rendez-vous ! Je le répète : vous n'avez rien entendu.

Vous répondez par les privatisations accélérées de France Télécom, des autoroutes, d'EDF-GDF. Mais qui peut croire que cette politique, qui a échoué jusqu'ici, va réussir aujourd'hui ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Les Françaises et les Français veulent autre chose. Ils veulent que les richesses produites servent à l'investissement et à la formation, à la recherche, à des projets de développement. Ils veulent que l'on revienne sur le démantèlement de la protection sociale. Ils veulent que la loi Fillon soit abrogée. Ils veulent des services publics nationaux efficaces, seuls garants de la solidarité nationale, et donc l'arrêt du démantèlement de La Poste et des hôpitaux publics. Ils veulent que les libertés publiques soient respectées, que les droits des citoyens soient garantis. Ils veulent l'abrogation de la loi Perben.

M. Dominique Braye. Mais qu'est-ce que vous pesez ? Vous faites 6 % !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils en ont assez de voir les profits s'envoler, les patrons du CAC 40 s'attribuer des salaires et des retraites dont le montant est une insulte aux salariés et aux retraités.

Monsieur le Premier ministre, la relance de notre économie et donc la possibilité de créer des emplois exigent la revalorisation des salaires, des retraites, des minima sociaux. La relance économique passe par un desserrement de l'étau des marchés boursiers, par la taxation dissuasive des placements spéculatifs et des capitaux délocalisés. La relance de notre économie passe par un crédit bancaire sélectif en fonction des investissements effectués pour la recherche, pour le développement, pour l'emploi, pour la formation.

Pour changer de braquet, il faut, à l'évidence, une autre politique budgétaire. Il faut améliorer le rendement de l'impôt sur le revenu des plus riches, élargir l'impôt sur la fortune et, en revanche, abaisser les prélèvements indirects.

Les besoins en matière d'emplois publics sont immenses, dans l'enseignement, la recherche, les hôpitaux. (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.) Les besoins sont également immenses en matière de logement public, de transports ferroviaire et urbain, de santé, et ces secteurs sont évidemment créateurs d'emplois.

M. Dominique Braye. Et de grèves !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà des propositions en rupture avec les politiques libérales, toutes mesures qui n'ont pas été essayées. Elles vont évidemment de pair avec une réorientation des politiques européennes, notamment la remise en cause du pacte de stabilité, de l'indépendance de la Banque centrale européenne, de la libéralisation des services publics et de l'accroissement des dépenses militaires sous l'égide de l'OTAN.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le Premier ministre, le besoin de changement est criant. Nous consacrerons nos efforts à rassembler tous ceux qui veulent une transformation sociale, pour qu'une alternative soit possible dans ce pays. Nous vous demandons de respecter le vote des Français. Votre discours n'en a pas apporté le moindre signe. Aussi, nous ne vous accorderons pas notre approbation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le Premier ministre, dans votre discours de politique générale, vous avez exposé très concrètement les différentes mesures que vous entendez mettre en oeuvre, et vous nous avez demandé notre confiance.

D'emblée, je vous indique que nul, plus que nous, ne souhaite la réussite de votre programme et la résolution des problèmes qui sont posés à notre pays et qui angoissent nos compatriotes.

La confiance réclamée et le soutien de notre part ne seront pas comptés dans la mesure où seront prises en compte trois thématiques majeures : l'équité et le respect des engagements, l'ambition et l'espérance dans le futur, la volonté politique dans l'application des décisions.

L'équité et le respect des engagements sont à la base de la confiance. Un certain nombre de textes importants ont été pris concernant la décentralisation et nous en sommes arrivés à la phase de mise en oeuvre. J'ai appuyé cette politique avec loyauté. Membre de la Commission d'évaluation des charges, j'ai pu, à l'occasion de la dernière réunion de cet organisme, éprouver des doutes quant à la volonté de l'administration de respecter l'esprit de la loi. Je citerai l'exemple du fonds de solidarité pour le logement : sur les trois années de référence, une est très inférieure quant au niveau de la dépense prise en compte, au motif qu'il y a eu utilisation de reports. On nous dit que, puisqu'il s'agit de reports, cela ne compte pas. Supposons qu'il n'y ait eu que des reports : dans ce cas, les collectivités n'auraient aucune compensation ? Cette situation est intenable et vous devrez y remédier.

Monsieur le Premier Ministre, les collectivités locales sont en première ligne pour vous aider à réussir votre plan. Les instructions que vous donnerez à votre administration seront décisives quant à la confiance de ces collectivités.

La deuxième thématique est l'ambition et l'espérance. Même lorsque l'on veut conduire une action à court terme - cent jours -, il est important d'indiquer clairement la direction à long terme dans laquelle s'inscrivent ces premiers pas.

Vous avez évoqué votre volonté de demander à chaque ministère de se mobiliser sur les pôles de compétitivité. Je suis de ceux qui pensent que l'emploi dépend de la capacité des entreprises à conquérir des parts de marché et que seules l'innovation, la recherche et sa valorisation sont à même de donner la dynamique et la compétitivité nécessaires à notre économie.

Il convient donc que l'Etat mette tout en oeuvre pour donner une véritable force à la dynamique qui s'est exprimée par le dépôt des cent cinq projets de pôles. Ces projets ne sont pas tous de même nature mais ils méritent que l'on s'y intéresse.

Il est de la responsabilité de l'Etat de définir les thèmes prioritaires pour lesquels la France doit jouer un rôle majeur dans le monde.

Il y a urgence à appliquer dans ce domaine une politique volontariste qui tienne moins à l'institution de nouveaux organismes qu'à des affectations massives de capitaux appuyées sur une véritable professionnalisation de la valorisation de la recherche. Cela supposera des arbitrages dans la dépense publique, mais la réussite est à ce prix : la qualité est plus importante que la quantité.

Monsieur le Premier ministre, la politique n'a de valeur que par les actes. Je souhaite que les textes que vous allez nous proposer soient le plus efficaces et le plus simples possible.

Par exemple, vous avez proposé hier que soient remboursés aux entreprises les surcoûts liés aux dépassements du seuil de dix salariés. Pourquoi, sans changer la règle européenne, ne peut-on décaler la mise en oeuvre normative qui entraîne ces surcoûts ?

Pour qu'une politique soit efficace, il faut qu'elle soit globale. Nous ne pourrons pas faire l'économie d'un certain nombre de propositions relatives à la fiscalité du patrimoine. Il est tout à fait possible de régler ces problèmes en les associant à un meilleur financement de l'entreprise, sans surcoût pour l'Etat.

Nous avons moins besoin de textes nouveaux que de simplification, d'allégement des contraintes réglementaires, d'attitude positive de l'administration.

Je sais que vous-même, comme votre Gouvernement, ne manquez ni de volonté de faire, ni de volonté de bien faire.

Deux de mes collègues non inscrits ne prendront pas part au vote de ce jour en estimant que, à la suite du référendum, vous n'avez pas suffisamment pris en compte le message des Français qui se sont exprimés contre les dysfonctionnements des institutions européennes et les propositions qui étaient faites en la matière.

Les cinq autres sénateurs non inscrits vous soutiendront : vous pouvez compter sur eux ! Ils espèrent en retour pouvoir compter sur la réalisation de la politique que vous avez tracée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je remercie France 3 d'avoir retransmis en direct l'intégralité de notre débat.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions, lesquelles se rejoignent sur un point : la conscience de la gravité du moment et de l'urgence.

Cette conscience, mon gouvernement la partage avec vous. C'est pourquoi il est d'ores et déjà à pied d'oeuvre pour répondre aux attentes des Françaises et des Français.

Nous sommes dans un moment exceptionnel de notre histoire, où les Français expriment leurs impatiences et leurs inquiétudes, un moment où chacun doit assumer ses responsabilités au service de la nation.

Ce que je souhaite, c'est le rassemblement, afin de prendre en compte la situation de chaque Français, des plus vulnérables comme des plus entreprenants, des plus jeunes comme des plus âgés. Car c'est bien notre devoir public que d'avancer tous ensemble, et ce qui nous réunit tous, c'est l'urgence, c'est l'action, c'est le résultat.

Notre pays veut marcher sur ses deux jambes, avec à la fois une exigence de solidarité et plus d'initiatives. Il ne s'agit donc pas de choisir une voie plutôt qu'une autre, de trancher pour une catégorie de Français contre une autre.

Je veux mener une action pragmatique au service de tous : je n'ai retenu comme mesures que celles qui vont véritablement changer la donne et débloquer rapidement des emplois en allant plus loin dans la libération des énergies tout en renforçant l'efficacité de nos dispositifs d'accompagnement des salariés.

Nous n'avons pas d'autre choix si nous voulons préserver notre modèle économique, notre modèle social, auxquels les Français sont légitimement attachés.

Je remercie vivement M. de Rohan des paroles d'encouragement qu'il vient d'adresser au Gouvernement.

Je veux dire devant l'ensemble des sénateurs du groupe que vous présidez, monsieur le sénateur, combien je suis sensible à votre soutien et attentif aux propositions que vous formulez. Je sais que vous avez à coeur de privilégier le rassemblement de notre majorité et que vous choisirez toujours l'action face à la peur dans les moments difficiles. Je connais votre savoir-faire, je sais l'importance de votre travail au plus près des réalités.

Vous l'avez compris, j'ai besoin de vous, et je sais, monsieur de Rohan, que je peux compter sur votre soutien exigeant, absolument nécessaire pour la réussite de notre projet commun au service de la France et des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Comme vous l'avez justement rappelé, monsieur de Rohan, l'urgence absolue, c'est d'aller chercher les emplois là où ils se trouvent : dans les entreprises de services à la personne, dans les deux millions de très petites entreprises qui aujourd'hui hésitent encore à embaucher. Nous allons simplifier leur gestion grâce à la mise en place d'un chèque emploi pour les très petites entreprises ; nous allons les encourager à embaucher grâce au contrat « nouvelle embauche ».

Ce plan permettra de jeter les bases d'un véritable parcours de l'emploi : faire en sorte que chaque demandeur d'emploi dispose d'un conseiller personnalisé, que sa situation soit mieux prise en compte, et je pense notamment aux jeunes.

Voilà ma conception du service de l'emploi, adapté aux conditions de notre économie.

Vous avez également raison de souligner, monsieur de Rohan, que, pour créer des emplois, nous devons valoriser davantage le potentiel économique et industriel de notre pays.

Je veux mener une action volontaire pour l'innovation, avec des pôles de compétitivité qui seront arrêtés non pas sur la base de critères budgétaires, mais en fonction de la créativité et de la motivation des candidatures. Ainsi, l'Agence pour l'innovation industrielle, qui sera dotée immédiatement de 500 millions d'euros grâce à la cession des titres de France Télécom, financera des projets dans les domaines de l'énergie solaire, des nanotechnologies, des biotechnologies ou des biocarburants.

Et vous avez encore raison, monsieur de Rohan, ...

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ...quand vous posez la justice comme exigence centrale, condition de la mobilisation et du succès : que chacun ait sa place, que chacun ait sa chance. C'est dans ce sens que le plan d'urgence pour l'emploi que je vous ai présenté répond à une volonté d'équilibre et de mouvement, prenant en compte les aspirations des employeurs, comme celles des employés et des demandeurs d'emploi.

Monsieur Pelletier, vous insistez sur la nécessité de réconcilier l'éthique de conviction et la responsabilité ; j'y souscris pleinement.

Vous soulignez l'importance de tout ce qui peut favoriser l'investissement et l'attractivité de notre territoire. C'est bien pour cela que j'entends relancer les grands chantiers d'infrastructure, notamment dans les domaines routier et ferroviaire. Je souhaite en effet que l'investissement public donne un signal clair de confiance et de volonté à nos entreprises.

Dans le même esprit, nos grandes entreprises publiques EDF et GDF auront toute leur place dans cette relance de l'investissement. Je souhaite leur donner les moyens de poursuivre leur développement dans les meilleures conditions et au bénéfice de l'emploi.

L'emploi, monsieur Bel, vous en parlez, vous en réclamez, mais toujours avec les mêmes vieux slogans, avec les mêmes conséquences : accroître les charges sociales pour les entreprises, accroître la dépense publique et le déficit, accroître les réglementations ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Vous dites que vous ferez des propositions dans cent jours : cela fait mille jours que nous en attendons une ! Mais je ne désespère pas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Nous voulons, nous, redonner une dynamique nouvelle à la France, aider les petites entreprises qui veulent embaucher, aider les chômeurs qui veulent retrouver un emploi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que ne l'avez-vous déjà fait !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Rien dans ce que nous proposons ne contribue à précariser les salariés. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Avec le contrat « nouvelle embauche », le salarié bénéficie d'une indemnisation et d'un accompagnement renforcés en cas de perte d'emploi.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. C'est un véritable emploi auquel il a accès ! C'est une vraie rémunération avec de vraies sécurités !

M. André Rouvière. Deux ans de précarité !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. En ce qui concerne le franchissement des seuils, les droits sociaux et syndicaux seront préservés.

M. André Rouvière. C'est faux !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Lorsqu'une entreprise franchira le seuil des dix salariés en embauchant un jeune de moins de vingt-cinq ans ou un chômeur de longue durée, c'est l'Etat qui prendra à sa charge la surcotisation prévue par la loi.

Nous devons la vérité aux Français : nos marges de manoeuvre sont étroites, notamment sur le plan budgétaire. Personne au Gouvernement n'a songé un instant que notre mission serait facile, dans une conjoncture qui a souffert d'un renchérissement du pétrole, d'un dollar bas et du ralentissement économique de certains de nos partenaires commerciaux.

C'est pourquoi nous avons fait un choix clair. Ce choix, c'est celui de la responsabilité. La dépense publique sera contenue,...

MM. Guy Fischer et Roland Muzeau. Comme d'habitude !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ...comme elle l'a été depuis trois ans. C'est indispensable si nous voulons rétablir la confiance de nos concitoyens et maintenir celle de nos partenaires européens. J'ai demandé au ministre de l'économie et des finances de le réaffirmer à Bruxelles, auprès de tous les membres de l'Union européenne.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et voilà ! On a la réponse !

M. Roland Muzeau. Ce sont les dogmes du libéralisme !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Toute autre voie compromettrait les chances économiques de notre pays et serait aventureuse.

Madame Borvo, vous ne m'avez pas bien entendu. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. David Assouline. C'est réciproque !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Je vous ai indiqué que le Gouvernement a bien l'intention d'accélérer la réalisation des contrats de plan en faveur des infrastructures routières et ferroviaires dont notre pays a besoin.

Ma responsabilité, je le sais bien, c'est, d'abord, de redonner toute sa place à l'égalité des chances dans notre pays. Je veux faire vivre une société de respect où chacun a sa chance et assume ses responsabilités. Cela commence par la lutte contre les discriminations et tout ce qu'elles comportent d'inacceptable. C'est aussi permettre à chacun de mieux réaliser ses aspirations par le mérite et par le travail.

Le pouvoir d'achat, c'est la croissance, c'est donc l'emploi, cet emploi retrouvé pour lequel le Gouvernement va mener la bataille et, avec lui, c'est le chemin de la confiance.

Le Gouvernement défendra le pouvoir d'achat des Français,...

M. Roland Muzeau. Ce sera nouveau !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ...et d'abord à travers la réunification des SMIC et l'augmentation de plus de 5% du SMIC horaire.

M. Roland Muzeau. C'était prévu !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Je souhaite que les négociations par branches, qui relèvent des partenaires sociaux, aboutissent avant la fin de l'année...

M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas nouveau !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ...et je veux développer la participation, qui permet aux salariés d'être davantage associés au résultat de leurs efforts et de leur travail.

Mme Josiane Mathon. C'est un salaire reporté !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Ils doivent en outre pouvoir en disposer plus librement. En 2005, les sommes issues de la participation versées au titre de 2004 seront débloquées.

Monsieur Mercier, c'est bien l'attente de nos concitoyens qui doit aujourd'hui nous guider. Je le dis solennellement devant votre assemblée : j'irai le plus loin possible dans le dialogue et la concertation.

Mme Michelle Demessine et M. David Assouline. Avec des ordonnances !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. J'ai demandé au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et au ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes de conduire, à partir de la semaine prochaine, des consultations avec chacune des organisations représentatives nationales.

Les Français attendent de nous des résultats. Nous avons fait le choix d'une loi d'habilitation qui permettra au Parlement de s'exprimer.

Mme Michelle Demessine et M. Jean-Pierre Sueur. Avec les ordonnances ?

Mme Hélène Luc. Les ordonnances ne sont pas une réponse démocratique, monsieur le Premier ministre !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. C'est notre responsabilité de nous mobiliser sans délai dans la bataille pour l'emploi. C'est pourquoi les ordonnances seront publiées avant le premier septembre, avec un seul objet : la mise en oeuvre immédiate des mesures de promotion de l'emploi.

Mesdames et messieurs les sénateurs, vous êtes les représentants des collectivités territoriales, et je sais combien vous êtes attentifs à les défendre. Vous êtes pour elles les gardiens du bon fonctionnement institutionnel et législatif de notre République, comme en témoignent les nombreuses initiatives que vous avez conduites dans cette assemblée. Je pense notamment, monsieur le président, à l'Observatoire de la décentralisation, qui veille au respect de la bonne application de la loi du 13 août 2004.

Monsieur Adnot, je veillerai à ce que la mise en oeuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités locales se déroule dans un esprit de concertation et de transparence.

Les chantiers portent sur les conditions de transferts de compétence, sur les évolutions des situations des personnels et sur les conditions financières. Sur chacun de ces points, je veillerai à la concertation et à la transparence. L'avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges sera suivi. A partir de là, les droits à compensation seront respectés à l'euro près. C'est vrai dans tous les domaines, y compris, bien sûr, pour le fonds social pour le logement.

S'agissant de l'attitude positive de l'administration, vous pouvez compter sur ma détermination et sur le sens de l'Etat et de l'intérêt général de nos fonctionnaires.

Sur l'Europe, je vous le dis à tous : là encore, le message des Français sera entendu. Ils restent, j'en suis convaincu, profondément attachés à la construction européenne. Mais ils ne veulent pas qu'elle se fasse sans eux. A ce propos, je salue la vitalité du débat démocratique qui a précédé le vote du 29 mai et qui a permis à nos concitoyens de se réapproprier cette grande ambition.

Les Français veulent une Europe qui prenne mieux en compte l'exigence sociale.

La Charte des droits fondamentaux, adoptée sous la présidence française, comporte un chapitre entier consacré aux solidarités, incluant de nombreuses dispositions sociales, notamment en matière de droit au logement.

Les Français veulent une Europe plus démocratique et plus transparente, qui associe pleinement les peuples à ses décisions.

Le Président de la République a demandé que la directive sur les services fasse l'objet d'une remise à plat. Le Parlement européen en débattra à l'automne. A l'issue de ce débat, le Conseil européen sera appelé à son tour à se prononcer.

En tout état de cause, le principe du pays d'origine fait planer le risque d'un nivellement par le bas du droit du travail. Cela, nous ne l'accepterons jamais. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Vous souhaitez que, sur les perspectives budgétaires de l'Union, un débat soit organisé au Parlement avant même la tenue du Conseil européen. Je demande au ministre des affaires étrangères et au ministre de l'économie et des finances de rencontrer dans les prochains jours la délégation pour l'Union européenne des assemblées afin d'en discuter.

J'entends bien votre message : la France aura-t-elle demain toute sa place sur la scène internationale ? Oui. Elle apportera toutes ses idées et ses valeurs à la construction d'une Europe plus humaine et plus indépendante, une Europe qui sache mieux défendre ses intérêts. Elle plaidera pour davantage de conscience européenne, davantage de préférence européenne face aux autres grands ensembles économiques. Elle se battra pour mieux intégrer les exigences de croissance et d'emploi à la politique économique de l'Union.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai pu mesurer, dans mes fonctions ministérielles précédentes, l'apport fondamental de la Haute Assemblée au débat démocratique, auquel vous contribuez toujours par l'enrichissement de la loi. Je souhaite, au nom du Gouvernement, instaurer un dialogue fructueux avec vous dans l'esprit de rassemblement qui m'anime. (Les sénateurs du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

Explications de vote

M. le président. Je rappelle au Sénat que la conférence des présidents a fixé à dix minutes au maximum le temps d'explication de vote dont dispose chaque groupe. (Inutile ! sur les travées de l'UMP.)

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, remettre la France en marche, voilà un dessein louable et consensuel, mais qui impose de trouver les moyens de cette ambition.

Le plan d'urgence de lutte contre le chômage que vous avez annoncé, monsieur le Premier ministre, est une marque de volontarisme et d'action.

Vous avez rappelé non seulement l'urgence de la tâche, mais aussi les contraintes qui pèsent sur son exécution, à commencer par l'étroitesse des marges de manoeuvre budgétaires dont vous disposez.

Ce mal qui ronge la France a atteint un niveau inacceptable, particulièrement pour les jeunes et pour les plus de cinquante ans.

Plus que jamais, toutes les énergies des pouvoirs publics doivent être mobilisées au service de l'emploi.

Vous avez fait part de votre intention de recourir aux ordonnances pour que les premières mesures entrent en vigueur dès le 1er septembre prochain. Néanmoins, même si tous les gouvernements, depuis trente ans, ont utilisé cette méthode pour répondre au problème du chômage, force est de constater que l'efficacité n'a jamais été au rendez-vous. Les ordonnances privent le Parlement du débat, de la possibilité d'amender et de faire des propositions pour dégager des solutions efficaces. Or, là, nous n'avons pas le choix : condition fait loi.

Au-delà des causes conjoncturelles qui affectent la grande majorité des pays européens, nous connaissons les blocages structurels qui font de la France l'un des pays développés dans lequel le chômage de masse persiste.

Le danger qui guette l'action publique consisterait à reporter indéfiniment les traitements drastiques contre ce fléau. L'avenir s'annonce difficile. Selon l'INSEE, la population des plus de soixante ans dépassera en nombre celle des moins de vingt ans en 2020. C'est par conséquent dès à présent qu'il faut préparer ce renversement démographique majeur.

Il existe plusieurs pistes, déjà explorées mais mal exploitées, qu'il vous appartiendra, monsieur le Premier ministre, non seulement d'approfondir mais aussi et surtout de rendre efficaces.

La première d'entre elles concerne la complexité de notre droit du travail et la stérilité du dialogue social, qui desservent notre économie.

Malheureusement, cette complexité favorise l'augmentation du traitement judiciaire des rapports entre employeurs et salariés : au sein de l'OCDE, la France occupe le premier rang pour le nombre des licenciements donnant lieu à des recours judiciaires, avec un taux de 25,1 %. Le traitement social du chômage ne doit pas se résoudre en dernier ressort devant un juge.

La seconde piste renvoie à l'insuffisance de notre effort de recherche. La France ne consacre que 2,23 % du produit intérieur brut à cet effort, contre 2,49 % en Allemagne, 2,82 % aux Etats-Unis et 4,27 % en Suède.

Notre pays ne saurait plus longtemps tolérer l'expatriation de ses meilleurs chercheurs et de ses capitaux pour ne devenir qu'un centre de formation scientifique. L'objectif des 3 % du produit intérieur brut consacrés à la recherche est un passage obligé pour stimuler l'innovation et la valoriser.

L'innovation en Europe est insuffisante, et c'est l'une des causes du manque de créations d'entreprises. Un réseau paneuropéen de personnalités convaincues, ELITE, a été conçu pour agir en tant que groupe de pression en faveur de l'innovation. Il s'agit de mettre en place l'équivalent du programme SBIR qui fonctionne aux Etats-Unis, d'abonder systématiquement les programmes de type EUREKA, de créer des fondations pour l'innovation et la recherche, avec des avantages fiscaux coordonnés, de renforcer les programmes « mobilité » de la Commission, de financer l'innovation par un grand emprunt de la Banque européenne d'investissement.

Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen attache également une grande importance à la valorisation de l'apprentissage et, plus largement, au développement des filières professionnelles, deux vecteurs clés de l'intégration au monde du travail. Tant que 20 % des élèves quitteront le primaire sans avoir atteint le niveau requis en classe de sixième, le traitement social du chômage restera une fatalité.

L'apprentissage n'est pas la voie de garage et d'échec trop souvent décrite. Cette idée reçue doit disparaître. On compte seulement 365 000 contrats d'apprentissage en France, contre 1,6 million en Allemagne. L'apprentissage constitue pourtant un facteur de transmission de savoirs et de compétences qui bénéficie aussi bien aux jeunes qu'aux entreprises. Le réseau des artisans représente la première entreprise de France et un gisement considérable d'emplois potentiels. La baisse des charges ne pourrait qu'encourager un maximum d'artisans à embaucher, ne serait-ce qu'une personne.

Il serait aussi intéressant, dans l'intérêt des communes et des associations, d'augmenter sensiblement le nombre des emplois aidés. Les jeunes ou les moins jeunes qui doivent pouvoir bénéficier de contrats aidés ne disposent la plupart du temps d'aucun diplôme : ce sont les laissés-pour-compte du système éducatif et du marché de l'emploi.

Enfin, l'ensemble des acteurs du dialogue social, État, syndicats, chefs d'entreprise, doivent se mobiliser pour mener de concert l'ensemble des réformes qui attendent notre pays. Les gains de productivité doivent être mis au service d'un meilleur partage de la valeur ajoutée, afin de permettre, comme vous l'avez énoncé, monsieur le Premier ministre, une défense du pouvoir d'achat.

La compétitivité de nos entreprises et le dynamisme de notre appareil productif sont des atouts que nous ne saurions dilapider dans un contexte déjà difficile.

Monsieur le Premier ministre, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, pour l'essentiel, prend acte de vos engagements devant les Français. L'ampleur de votre tâche est immense, et il vous appartiendra de guider votre action avec le courage nécessaire et le souci constant de l'intérêt général, mais, vous le savez, les Français vous jugeront d'abord sur vos résultats.

Le vote des membres de notre groupe sera à l'image de la diversité qui le caractérise, mais celui de la majorité d'entre eux sera positif. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le Premier ministre, personne ne se faisait beaucoup d'illusions sur les annonces que vous pourriez faire en matière d'emploi, mais nous avons tout de même été consternés : ce n'est en effet qu'un bricolage, à base de vieilles recettes de traitement faussement social du chômage et de revendications récurrentes du MEDEF.

Le plan de mobilisation pour l'emploi que vous proposez aux Français n'est qu'un marché de dupes. Vous prétendez avoir compris les inquiétudes des Français, mais vous ne leur offrez que de nouveaux motifs d'angoisse.

Il serait vain de votre part d'incriminer cette fois un monde qui bouge, un pays frileux, une conjoncture internationale en berne ou encore le prix des matières premières : ce plan est bien votre plan. Cela se voit au fait qu'il n'est que la continuation et même l'aggravation de la politique que vous et vos amis avez menée avec le succès que l'on connaît.

Les nombreuses réactions enregistrées depuis hier le prouvent : tous les commentateurs voient bien les avantages pour les employeurs mais personne, et pour cause, ne parle de motifs d'espérance pour les salariés !

A cet égard, réviser à la hausse les objectifs du plan de cohésion sociale, qui étaient déjà mirifiques, relève plus de l'incantation que de l'action. Vous ne faites là qu'un effet de manches pour annoncer la multiplication des contrats précaires aidés en direction des chômeurs.

Quant au reste, il s'agit simplement de la suite du catalogue des revendications du MEDEF, auquel vous cédez toujours depuis trois ans. Vous utilisez le grave malaise économique et social dans lequel notre pays est plongé pour accélérer le rythme de ce que vous appelez des « réformes », alors qu'il ne s'agit que de l'aggravation programmée de la flexibilité et de la précarité, de la mort des droits sociaux conquis depuis la Libération.

Nous sommes en réalité fort loin de l'héritage gaulliste dont vous vous prévalez encore parfois. Entre les ultralibéraux et vous, sans doute y a-t-il des rivalités de personnes, mais il y a surtout une grande communion de pensée !

Les exemples sont malheureusement nombreux, à commencer par de nouvelles exonérations de cotisations sociales patronales sur le SMIC, qui auront pour principal effet d'être une nouvelle trappe à bas salaires. Et quel va être le montant de ces exonérations ? Seront-elles compensées par l'Etat à la sécurité sociale ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous en sommes déjà, dans le budget de l'Etat, à plus de 17 milliards d'euros d'exonérations, sans compter les 2 milliards d'euros qui restent dus à la sécurité sociale et les exonérations attachées aux contrats d'avenir qui ne seront pas compensées.

Ignorez-vous, monsieur le Premier ministre, l'opposition du Sénat sur ce point lors du dernier débat budgétaire ? Est-il normal que l'Etat se défausse ainsi du financement de la politique de l'emploi sur la protection sociale ?

La sortie des jeunes nouveaux embauchés du calcul des seuils d'effectifs est un deuxième exemple : c'est une attaque frontale contre le mouvement syndical. Avec cette mesure, nous sommes très loin des déclarations sur la nécessaire représentation des salariés dans les entreprises, et l'on peut se demander avec quels syndicats seront signés les accords d'entreprise qui fondent désormais votre conception du droit du travail !

M. Roland Muzeau. Avec le MEDEF !

M. Jean-Pierre Godefroy. Troisième exemple : la suppression de la contribution Delalande, qui avait pour objet de freiner le licenciement des salariés dits âgés. Pourquoi cette annonce intervient-elle au moment où les partenaires sociaux sont supposés négocier sur l'emploi des seniors ? Quel est le lien avec la volonté du patronat d'obtenir un « contrat vieux », exonéré de charges, pour mieux précariser les seniors après les avoir licenciés ? Poser la question, c'est déjà discerner la réponse !

En ce qui concerne le chèque emploi TPE, dont le Sénat débattra dès lundi à l'occasion de l'examen du projet de loi Jacob devenu projet de loi Dutreil sur les PME, les organisations syndicales que nous avons auditionnées nous ont toutes fait part de leurs craintes quant l'efficacité du dispositif.

En effet, cette formule éloigne les salariés du code du travail et de l'application des conventions collectives. Sans contrat de travail ni fiche de paye, quelles garanties le salarié a-t-il que l'employeur respectera sa parole quant à la durée de sa présence dans l'entreprise ou au montant de sa rémunération ? Comment s'assurer que toutes les heures effectuées par le salarié seront rémunérées ?

Mais ce chèque emploi aura un autre effet utile : il va permettre de faire surgir du néant de nombreux emplois au noir, qui allégeront d'autant les statistiques du chômage.

Mais le plus effrayant de toute cette panoplie réside, hélas, dans la seule vraie nouveauté de votre programme. Le « contrat nouvelle embauche », le CNE, est un scandale pur et simple. C'est une mesure de destruction du droit du travail, contre laquelle nous nous battrons avec détermination ici et devant les Français. (M Jacques Mahéas applaudit.)

La presse économique ne s'y est d'ailleurs pas trompée, qui titre : « Villepin s'attaque au code du travail ». Les choses sont dites ! Vous allez plus loin dans vos préconisations que tout ce que les différents rapports publiés depuis trois ans ont inventé en matière de précarité pour soutenir les revendications ultralibérales.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce nouveau contrat est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête du salarié qui peut se faire, je ne dirai pas licencier, mais jeter dehors à tout moment pendant deux ans. Il fallait oser ! Vous l'avez fait. Votre audace était mieux inspirée en d'autres temps et en d'autres lieux !

Comment, dans ces conditions, obtenir un logement, un prêt etc. ? C'est le salarié Kleenex que vous inventez, avec une angoisse de l'avenir assurée ! Nous aurons à y revenir, mais je m'en tiendrai là pour l'instant afin de laisser à ma collègue Marie-Christine Blandin le temps de s'exprimer.

Dans ces conditions, vous le comprendrez, notre vote sera négatif. Il exprimera, non pas seulement le refus de la confiance, mais aussi le rejet de cette machine infernale contre les Français les plus démunis. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le Premier ministre, dix jours après un référendum sur un traité constitutionnel européen, c'est essentiellement sur des dispositifs de politique intérieure de l'emploi, dont la moitié a déjà été ébauchée, que vous demandez la confiance du Parlement.

Pour nous, « remettre la France en marche » ne devait pas passer par une composition du gouvernement comptable des clans, au risque d'éliminer des hommes comme Serge Lepeltier ou Michel Barnier, dont nous ne partageons pas les convictions, mais dont nous avions pu apprécier l'honnêteté intellectuelle.

Pour les Verts, « remettre la France en marche », ce n'est pas changer l'ordre des chômeurs dans la file d'attente ni remettre 20 000 jeunes en service militaire adapté pour nettoyer les casernes, ce n'est pas prolonger la précarité psychologique et matérielle dans une période d'essai étendue à deux ans. Ou alors il fallait généraliser les filets de sécurité, ce qui n'est pas le cas.

Les mots justes prononcés sur la souffrance ne débouchent pas sur un bon choix de société. Vous ne posez pas les questions de fond sur l'activité quand il n'y a pas de croissance, sur les temps du travail, sur l'assise de la solidarité sociale, sur le sens même des activités : s'agit-il de compétitivité ou de coopération, de pollution et de réparation ou de développement respectueux, de consommation et d'aliénation ou d'épanouissement humain?

Il est tout à fait révélateur d'évoquer à la fois les grands chantiers routiers et la lutte contre l'effet de serre !

Oublier le vaste champ de l'économie solidaire, qui lève certains « tabous » comme la solvabilité des emplois durables par un mélange d'argent public et d'argent privé, mais qui a des exigences constantes telles que l'éthique, la réponse à des besoins non satisfaits et le refus de la spéculation, c'est fermer la porte à des milliers d'initiatives que le précédent gouvernement a déjà précarisées.

Quand on n'envisage même pas de chantiers sur les économies d'énergie à la veille de la pénurie ou sur la requalification de l'environnement à la veille de désordres climatiques, le discours de Johannesburg a rejoint celui de la fracture sociale au panthéon des bons mots.

Il en va de même pour l'exception culturelle et les acteurs intermittents, qui n'obtiennent pour toute réponse que le passage de votre déclaration sur le mécénat.

Il en va aussi de même pour les chercheurs, que l'on nourrit de paroles sur l'excellence, mais non de moyens.

Déclarer qu'il est inacceptable que des entreprises bénéficient d'aides publiques alors qu'elles quittent le territoire, c'est bien. Ne pas protéger le patron de Daewoo en le gratifiant de la nationalité française, poursuivre le groupe Glencore et l'ex-PDG de Métaleurop en justice au nom de l'Etat, comme promis, c'est nettement mieux !( Mme Dominique Voynet applaudit.)

Parlons argent : l'assise économique de la sécurité sociale ne se construira pas seulement sur l'emploi

Evitons les coûts des impacts sanitaires par la prévention, en particulier en matière de santé au travail et de santé environnementale. Il faut arrêter de produire n'importe quoi ! Les Français atteints d'un cancer vous mandatent pour appliquer une directive REACH - registration, evaluation and authorisation of chemicals - ambitieuse.

Vous évoquez la grande distribution : si la baisse des prix doit s'y traduire par les scandaleuses marges arrières, ce sont des milliers de commerçants et de petits producteurs que vous allez anéantir.

S'agissant de méthode et de libertés, il est à noter que, pendant que nous entendons ici un discours sur l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations, les propos de M. Sarkozy mélangent allègrement insécurité et étrangers.

En matière de méthode encore, le fait de choisir les ordonnances est une volonté résolue de mettre à l'écart le Parlement. Aujourd'hui, c'est sur des questions sociales que vous les employez. Quand montera l'insatisfaction devant la faible efficacité de vos mesures, laisserez-vous votre turbulent ministre de l'intérieur utiliser celle de 1959 ?

Non, monsieur le Premier ministre, les parlementaires Verts ne vous donneront pas leur confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Jack Ralite applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le Premier ministre, nous ne pensions pas que la méthode Coué inspirerait votre première intervention au Sénat. Au-delà des mots, au-delà des formules, vos propositions concrètes, monsieur le Premier ministre, ne relèvent effectivement que d'une impulsion libérale.

Le 29 mai, le peuple a clairement exigé qu'un coup d'arrêt soit porté au libéralisme, en Europe comme en France. Vous répondez par une pirouette que le choix n'est pas entre libéral et social. Mais que proposez-vous d'autre que les vieilles recettes, mille fois servies, du MEDEF ou de la CGPME ?

Vous remettez en cause l'un des principaux socles de notre modèle social, le contrat à durée indéterminée, en créant un contrat de nouvelle précarité, ce contrat de nouvelle embauche doté d'une période d'essai de deux ans qui dépasse le délai maximum d'un CDD à dix-huit mois et fait disparaître du même coup le paiement de la prime de 10 %, dite de précarité.

Dois-je vous rappeler, monsieur le Premier ministre, que la caractéristique première d'une période d'essai est de démunir un salarié de la quasi-totalité de ses droits, notamment en matière d'indemnité, face à l'arbitraire patronal ?

Est-ce cela, pour vous, lever les obstacles à l'embauche ? Est-ce cela préserver le modèle social français ?

Les droits syndicaux sont et seront de plus en plus bafoués, le code du travail est et sera de plus en plus démantelé. Voilà votre objectif !

Vous ne l'avez pas dit, mais vous avez cédé aux sirènes les plus libérales de votre majorité parlementaire et vous avez fermé la porte au nez de la majorité, large, de notre peuple.

Le chèque emploi entreprise constitue votre autre trouvaille, déjà annoncée par M. Borloo, comme le contrat de nouvelle précarité avait été annoncé par M. de Virville.

Le chèque emploi entreprise, c'est la généralisation de l'insécurité dans le travail. Cette méthode fait disparaître l'idée même de contrat de travail. Ces chèques ne comportent pas de feuille de paie en bonne et due forme, ouvrant ainsi la voie à des heures supplémentaires non déclarées.

Chacun sait également que les chèques emploi entreprise généreront pour les salariés des droits à congés payés et à la protection sociale au rabais. Les salaires seront tirés vers le bas. Les travailleurs pauvres seront de plus en plus nombreux.

Comment ne pas voir que ces chèques seront une bénédiction pour les employeurs de la restauration et du bâtiment, qui pourront masquer ainsi le travail illégal en affichant une volonté supposée d'utiliser ce moyen de paiement ?

Le chèque emploi, c'est la fin du contrat de travail, c'est la réduction de la protection sociale au strict minimum, c'est le sous-emploi.

Par ailleurs, en remettant en cause les seuils de source de garantie sociale, vous comblez une nouvelle fois le MEDEF, pour qui la suppression des seuils constitue depuis des années un vrai cheval de bataille.

Où est le social ? Où est la pondération du libéralisme ? Ces trois axes d'action contredisent d'emblée votre propos !

Vous me répondrez que la relance de l'emploi vaut bien quelques sacrifices. Mais ce que les Français n'acceptent plus, c'est que les sacrifices soient toujours demandés aux mêmes : baisse du pouvoir d'achat, précarisation de l'emploi, logements de plus en plus chers et indécents, offre du service public en chute libre, alors que des profits faramineux sont annoncés régulièrement. A cet égard, rappelez-vous les 32 milliards d'euros de bénéfice des cent premières entreprises du CAC 40 sur un seul semestre en 2004 ou la retraite en or des PDG des grandes entreprises.

Votre discours, monsieur le Premier ministre, n'est en rien porteur de cette aspiration à la réduction des inégalités, au partage des richesses et, par là même, d'une participation de tous à la bataille pour l'emploi, que vous préconisez pourtant avec une belle ferveur.

Votre plan pour l'emploi se limite à un traitement social du chômage, à des mesures d'accompagnement, à la flexibilité. à outrance, dans un seul intérêt : celui de l'employeur, celui des actionnaires.

Vous n'oubliez d'ailleurs pas de culpabiliser, de stigmatiser les chômeurs, les titulaires des minima sociaux, alors qu'il faudrait montrer du doigt ceux qui profitent de la misère des autres.

La faiblesse de votre propos sur la redynamisation de notre économie, sur la préservation et la promotion de notre appareil industriel et de notre agriculture, met en exergue l'absence de propositions audacieuses pour appuyer la lutte pour l'emploi et la croissance.

Nous considérons, pour notre part, que la puissance publique doit tenir une place déterminante pour susciter l'investissement dans l'emploi en budgétant directement de grands chantiers et en créant les conditions pour drainer l'épargne vers l'emploi et la détourner ainsi de la spéculation financière.

Or, surprise : la seule mesure de financement d'un nouvel investissement pour l'emploi que vous préconisez consiste à relancer les privatisations, notamment celle des autoroutes.

Drôle de conception de la puissance publique ! Curieuse conception de l'Etat que de le priver d'outils économiques et financiers !

Comment ne pas s'étonner d'ailleurs de cette privatisation des autoroutes qui, à notre sens, favorisera fatalement le tout-routier au détriment du développement du fret ferroviaire ?

Donnez un signe, monsieur le Premier ministre, lancez un premier grand chantier en imposant le financement de la ligne Lyon-Turin. Voilà qui serait du véritable volontarisme au service d'un développement durable, respectueux de l'environnement et, bien sûr, source de croissance et de créations d'emplois.

Nous attendions ce type de mesures. Vous avez préféré nous sortir la panoplie du parfait libéral.

Même si le style est différent, même si les bons mots de M. Raffarin ont disparu, il n'est pas surprenant que vous ayez salué avec emphase un bilan dévastateur puisque vous continuez sur la même lancée.

L'annonce de la poursuite de la privatisation de France Télécom dès le lendemain du puissant verdict anti-libéral rendu par le peuple, l'annonce, aujourd'hui, de l'ouverture du capital de GDF le 23 juin prochain...

Mme Hélène Luc. Scandaleux !

M. Guy Fischer. ...et la privatisation des autoroutes confirment que perdure l'objectif de casser le modèle social français et de tout céder aux puissances financières.

Vous avez indiqué par une belle formule que la mondialisation n'était pas un idéal. Certes, mais vous la mettez en pratique, vous soumettez la France, l'Europe, à la domination des grandes multinationales en leur bradant par pans entiers le bien public.

Où est la générosité, quand vous cassez l'espoir exprimé le 29 mai en tentant d'imposer par le jeu d'institutions discréditées, une politique sanctionnée, désavouée, honnie par le peuple ?

Ce n'est certainement pas l'octroi de 1 000 euros à tout chômeur acceptant un emploi... (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. C'est vingt minutes pour le groupe communiste ?

M. Guy Fischer. Je dispose de dix minutes ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Roland Muzeau. Il a encore droit à deux minutes !

M. Bernard Frimat. Un peu de patience !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ecoutez, cela vous fait du bien !

M. Guy Fischer. ...qui feront oublier que la simple prime de départ du PDG de Carrefour équivalait à 2 185 fois le SMIC. Il est possible, monsieur le Premier ministre, de prendre des mesures contre des abus sociaux manifestes.

Avant de conclure (Ah ! sur les travées de l'UMP), je veux souligner votre quasi-silence quant aux conséquences désastreuses de la décentralisation « Raffarin » sur l'harmonie du territoire et le devenir du service public. Je n'ai rien entendu non plus sur le devenir de La Poste, notamment en zone rurale.

Enfin, comment ne pas regretter votre alignement sur les thèses sécuritaires et stigmatisantes du ministre de l'intérieur et sur la politique des quotas en matière d'immigration qui a été prônée par le même ministre. Allez-vous accepter, demain, le principe antirépublicain de la discrimination positive ?

Quoi que vous en disiez, vous avez choisi le libéral contre le social.

Est-ce cela que le peuple attendait ?

Pour en terminer, ... (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Muzeau. Cela vous fait du bien d'entendre des vérités !

M. Yves Coquelle. Mais ils ont du mal !

M. Guy Fischer. ...comment ne pas souligner une nouvelle fois le décalage confinant à l'absurdité entre les attentes populaires, les difficultés terribles des sans-emploi, comme d'ailleurs de l'immense majorité des salariés, et les certitudes d'un pouvoir assis sur une majorité qui a été désavouée, de manière cinglante, à trois reprises.

Quand prendrons-nous le temps de débattre d'une évolution de nos institutions, si nécessaire et tant attendue par notre peuple ?

Monsieur le Premier ministre, le groupe communiste républicain et citoyen fut le seul groupe du Sénat à s'être prononcé contre le traité établissant une Constitution pour l'Europe. (Exclamations prolongées sur les travées de l'UMP.)

Nous étions bien seuls dans cet hémicycle, en février dernier, lorsqu'il s'est agi de dénoncer l'adaptation de notre Constitution au libéralisme du traité européen.

C'est maintenant le peuple qui vous a dit non, qui vous a dit « ça suffit ». Que faudra-t-il faire pour percer le mur de surdité qu'oppose ce régime chancelant ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Pour notre part, nous appelons au rassemblement...

M. le président. Achevez votre propos.

M. Guy Fischer. J'en termine, monsieur le président.

M. Dominique Braye. Nous perdons notre temps ! Plus personne ne croit au communisme !

M. Guy Fischer. Nous appelons au rassemblement, dans les jours à venir, de tous ceux qui aspirent à une autre société, une société qui serait débarrassée d'un libéralisme qui, décidément, a fait et espère faire encore beaucoup de mal en Europe et en France.

M. Dominique Braye. Le totalitarisme soviétique a fait 80 millions de morts !

M. le président. Terminez, monsieur Fischer !

M. Dominique Braye. C'est terminé !

M. Guy Fischer. Un dernier mot sur les départements et territoires d'outre-mer... (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Annie David Si vous l'interrompez sans cesse, il ne pourra pas finir ! Laissez-le donc terminer tranquillement !

M. Guy Fischer. Monsieur le Premier ministre, vous avez rencontré les organisations syndicales et patronales, mais vous n'avez écouté que les organisations patronales ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. le président. C'est terminé ! (Brouhaha)

M. Dominique Braye. C'est fini, Fischer ! Comme le communisme !

M. Guy Fischer. Concernant l'outre-mer... (Le brouhaha redouble.) C'est important !

M. le président. C'est terminé, monsieur Fischer !

M. Guy Fischer. ...la situation économique et sociale.... (Au milieu des exclamations, les propos de l'orateur deviennent presque inaudibles.)

M. Dominique Braye. On vous dit que c'est fini !

M. Guy Fischer. ... est particulièrement alarmante, notamment dans les DOM, avec les menaces qui pèsent sur la filière canne et sur la production de bananes et un taux de chômage extrêmement élevé, atteignant 33 % à la Réunion. (Le brouhaha s'amplifie.)

Une telle situation nécessite, en elle-même, la mise en place d'un plan d'urgence spécifique pour l'emploi, réellement adapté aux exigences...

M. le président. Terminé !

M. Dominique Braye. C'est fini !

M. Guy Fischer. ...des populations ultramarines et élaboré avec les forces vives de ces populations. (Hourvari.)

M. Dominique Braye. C'est fini ! C'est fini !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cessez de braillez !

M. Guy Fischer. Monsieur Braye...

M. le président. Allons, mes chers collègues, terminons-en !

M. Guy Fischer. ...ce qui est sûr, c'est que vous ne nous ferez pas taire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je ne suis pas certain que nous donnions toujours la meilleure image de notre institution ! (M. Jean-Pierre Bel désigne les travées de l'UMP.)

M. Yves Coquelle. Certains comportements sont proprement scandaleux !

M. le président. Toutes les travées sont concernées !

Il importe que chacun fasse un effort pour écouter l'autre...

M. Yves Coquelle. Nous sommes en démocratie !

M. le président. ...ne serait-ce que par respect pour le public qui vient écouter nos débats dans les tribunes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le Sénat va procéder au vote sur la déclaration de politique générale du Gouvernement.

En application de l'article 39, alinéa 2, du règlement, le scrutin public est de droit.

En application de l'article 60 bis, alinéa 3, du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.

J'invite Mme Monique Papon et M. Didier Boulaud, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre T.)

M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.

Le scrutin est ouvert.

Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 181 :

Nombre de votants 301
Nombre de suffrages exprimés 300
Majorité absolue des suffrages exprimés 151
Pour l'adoption 174
Contre 126

Le Sénat a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)