sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

1. Procès-verbal

2. Gestion des déchets nucléaires. - Discussion d'une question orale avec débat (Ordre du jour réservé.)

MM. Henri Revol, auteur de la question ; Gérard Longuet, Claude Biwer, Gérard Le Cam, Pierre Laffitte, Daniel Raoul, Jean Louis Masson, Alain Fouché, Simon Sutour, Jean Desessard.

MM. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie ; Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable.

Clôture du débat.

Suspension et reprise de la séance

3. Eau et milieux aquatiques. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Article 37

Mme Evelyne Didier, M. Jean-Marie Bockel, Mme Nicole Bricq.

Amendements nos 94 de la commission et 619 de M. François Marc. - MM. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques ; François Marc, Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. - Adoption de l'amendement no 94, l'amendement no 619 devenant sans objet.

Amendement no 95 de la commission et sous-amendement no 677 rectifié ter de Mme Françoise Férat. - MM. le rapporteur, Gérard César, le ministre, Paul Raoult. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement.

Amendement no 96 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 97 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendements nos 98 de la commission et 309 rectifié bis de M. Alain Vasselle. - MM. le rapporteur, le ministre, Gérard César. - Retrait de l'amendement no 309 rectifié bis ; adoption de l'amendement no 98.

Amendement no 99 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean Desessard, Paul Raoult. - Adoption.

Amendement no 451 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre, Pierre-Yves Collombat. - Rejet.

Amendement no 453 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 616 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 452 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 615 de M. Bernard Cazeau ; amendements identiques nos 454 de Mme Evelyne Didier et 655 de M. Jean Desessard. - MM. Paul Raoult, Bernard Vera, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre, Mme Evelyne Didier, M. François Marc. - Rejet des trois amendements.

Amendement no 455 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 654 de M. Bernard Cazeau. - MM. Paul Raoult, le rapporteur, le ministre, François Fortassin. - Rejet.

Amendements identiques nos 189 de Mme Jacqueline Gourault et 385 rectifié de M. Pierre Hérisson ; amendements nos 100 de la commission, 511 de Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, et 288 de M. Charles Revet ; amendements identiques nos 427 de Mme Evelyne Didier et 625 de M. François Marc ; amendements nos 456 de Mme Evelyne Didier et 101 de la commission. - MM. Christian Gaudin, Pierre Hérisson, le rapporteur, Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis de la commission des finances ; MM. Charles Revet, Bernard Vera, François Marc, Mme Evelyne Didier, MM. le ministre, François Fortassin, Mme Marie-France Beaufils, M. Gérard César, Mme Nicole Bricq, MM. Claude Biwer, Jean Arthuis. - Retrait des amendements nos 288, 189 et 385 rectifié ; rejet des amendements nos 427, 625 et 456 ; adoption des amendements nos 100, 511 et 101.

présidence de M. Philippe Richert

Amendement no 102 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendements nos 618, 410 de M. Jean Desessard, 457 de Mme Evelyne Didier et 103 de la commission. - M. Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements nos 618, 457 et 410 ; adoption de l'amendement no 103.

Amendement no 104 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendements nos 289 de M. Charles Revet, 622, 623, 621 rectifié de M. François Marc, 166 de Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, et sous-amendements nos 692 de la commission et 411 rectifié de M. Jean Desessard et 692 de la commission ; amendements nos 426 et 476 de Mme Evelyne Didier. - MM. Charles Revet, Paul Raoult, Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis ; MM. le rapporteur, François Marc, Mme Evelyne Didier, MM. Jean Desessard, Bernard Vera, le ministre. - Retrait des amendements nos 289 et 476 ; rejet de l'amendement no 622 et du sous-amendement no 411 rectifié ; adoption du sous-amendement no 692 et de l'amendement no 166 modifié, les autres amendements devenant sans objet.

Amendement no 310 rectifié bis de M. Alain Vasselle et sous-amendement no 693 de la commission. - MM. Gérard César, le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Bricq, M. Pierre-Yves Collombat. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

Amendement no 617 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre, Gérard Le Cam, Marcel Deneux, Paul Raoult. - Rejet.

Amendement no 105 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 458 rectifié de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre, Paul Raoult. - Retrait.

Amendement no 432 de Mme Evelyne Didier. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 459 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 181 rectifié de M. Eric Doligé. - MM. Eric Doligé, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 311 rectifié de M. Gérard César. - MM. Gérard César, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 312 rectifié de M. Gérard César. - MM. Gérard César, le rapporteur, le ministre, Paul Girod. - Adoption.

Amendement no 512 de Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. - Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis ; le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendements nos 106 de la commission et 665 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement no 106 ; adoption de l'amendement no 665.

Amendements nos 314 rectifié de M. Gérard César, 412 de M. Jean Desessard, 167 de Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, et 108 (priorité) de la commission. - MM. Gérard César, Jean Desessard, Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis ; le rapporteur, le ministre, Paul Raoult, Mme Nicole Bricq. - Demande de priorité de l'amendement no 108 ; retrait de l'amendement no 314 rectifié ; adoption de l'amendement no 108, l'amendement no 167 devenant sans objet ; rejet de l'amendement no 412 rectifié.

Amendement no 460 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 107 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 316 rectifié de M. Gérard César. - MM. Gérard César, le rapporteur, le ministre, Pierre-Yves Collombat, Charles Revet. - Adoption.

Amendement no 315 rectifié de M. Gérard César ; amendements identiques nos 109 de la commission et 168 de Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. - MM. Gérard César, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement no 315 rectifié ; adoption des amendements nos 109 et 168.

Amendement no 313 rectifié de M. Gérard César. - MM. Gérard César, le rapporteur, le ministre, Paul Raoult. - Adoption.

Amendement no 461 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 176 rectifié de M. Gérard César. - MM. Gérard César, le rapporteur, le ministre, Pierre-Yves Collombat, Mmes Evelyne Didier, Nicole Bricq. - Rejet.

Amendements nos 375 et 376 de M. Eric Doligé. - MM. Eric Doligé, le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux amendements. .

Amendements nos 413 de M. Jean Desessard, 613 de M. Bernard Cazeau et 483 de Mme Evelyne Didier. - MM. Jean Desessard, Paul Raoult, Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre, Eric Doligé. - Rejet des trois amendements.

Amendements nos 614 de M. Bernard Cazeau et 620 de M. Jean Desessard. - MM. Paul Raoult, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 110 de la commission et 169 de Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des deux amendements.

Amendements identiques nos 364 rectifié de M. Ladislas Poniatowski et 639 de M. Thierry Repentin. - MM. Georges Ginoux, Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre, Eric Doligé. - Adoption des deux amendements.

Amendements identiques nos 485 de Mme Evelyne Didier et 650 de M. Thierry Repentin. - Mme Evelyne Didier, MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre. - Adoption des deux amendements.

Amendements identiques nos 111 de la commission et 170 de Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des deux amendements.

Amendement no 651 rectifié de M. Thierry Repentin. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre, Pierre-Yves Collombat. - Rejet.

Amendement no 357 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - MM. Georges Ginoux, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 38

Amendement no 112 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 624 de M. Paul Raoult. - MM. Paul Raoult, le rapporteur, le ministre, Thierry Repentin. - Retrait.

Amendement no 171 de Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. - Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis ; MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 39

Amendement no 680 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 629 rectifié de M. Claude Lise. - MM. Paul Raoult, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 113 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 344 de Mme Anne-Marie Payet. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendements nos 172, 173 de Mme Fabienne Keller; rapporteur pour avis, 345 de Mme Anne-Marie Payet et 628 de M. Claude Lise. - Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis ; MM. Yves Détraigne, Paul Raoult, le rapporteur, le ministre. - Adoption des amendements nos 172 et 173, les amendements nos 345 et 628 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 39

Amendement no 489 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Intitulé du chapitre IV

Amendement no 465 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 40

Amendement no 516 de M. Thierry Repentin. - MM. Paul Raoult, le rapporteur, le ministre, Thierry Repentin, Eric Doligé, Jean Desessard. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

4. Dépôt d'un projet de loi

5. Dépôt d'une proposition de résolution

6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

7. Dépôt de rapports

8. Dépôt d'un rapport d'information

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Gestion des déchets nucléaires

Discussion d'une question orale avec débat

(Ordre du jour réservé.)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 14.

M. Henri Revol attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur la nécessité pour la France de déterminer maintenant sa politique à long terme en matière de gestion des déchets nucléaires radioactifs, en application de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991, qui a prévu que des décisions en la matière devaient être prises en 2006, au terme d'un délai de quinze ans.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques vient d'adopter un rapport sur les perspectives des recherches sur la gestion de ces déchets.

Il lui demande donc d'exposer les suites que le Gouvernement entend réserver aux recommandations contenues dans ce rapport demandé à l'Office par les présidents des quatre groupes politiques de l'Assemblée nationale.

Avant de donner la parole à M. Henri Revol, auteur de la question, je tiens à saluer, dans les tribunes du public, MM. Christian Bataille et Claude Birraux, éminents collègues de l'Assemblée nationale, qui s'intéressent particulièrement à la question qui nous occupe cet après-midi et qui honorent le Sénat de leur présence. (Applaudissements.)

Je tiens également à faire part à notre collègue Henri Revol de toute la peine que nous avons ressentie à l'annonce de l'assassinat d'une personne de sa famille ces derniers jours. Qu'il soit assuré de notre amitié la plus grande !

La parole est à M. Henri Revol, auteur de la question.

M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier la conférence des présidents d'avoir accepté l'inscription de cette question à l'ordre du jour réservé de notre assemblée. Cela nous permet - c'est une première dont je me plais à souligner l'importance - de débattre en séance publique des suites d'un rapport de l'OPECST, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sous la forme d'une question orale scientifique, comme il existe déjà des questions orales européennes.

Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour percevoir à quel point les questions scientifiques et technologiques sont au premier rang des préoccupations de nos concitoyens.

La création de l'OPECST, voilà vingt ans, a certes déjà permis d'apaiser partiellement certaines de ces préoccupations, mais le débat en séance publique marque une autre étape, un autre progrès, une autre consécration, si je puis dire. Je suis heureux que cette confrontation publique des idées trouve sa place au Sénat, ce qui - nous le savons bien - n'est pas un hasard compte tenu de l'attachement du président Christian Poncelet à faire entrer la science et la technologie au Palais du Luxembourg.

Sachez enfin, mes chers collègues, que, sur l'initiative de notre collègue député M. Claude Birraux, nous avons réuni hier soir, pour un dîner-débat - ce fut aussi une première - des représentants de toutes les académies scientifiques, et je puis vous faire part de leur unanime satisfaction de voir le Parlement, au travers de ses commissions comme de ses groupes politiques et de l'OPECST, s'investir chaque jour davantage dans les questions cruciales de la science et de la technologie.

Ma question orale s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie et porte sur les suites qui vont être données à la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, souvent intitulée « loi Bataille », du nom de son rapporteur à l'Assemblée nationale, et dont j'étais le rapporteur au Sénat.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a récemment adopté un rapport sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches dans ce domaine, présenté par MM. Christian Bataille et Claude Birraux, députés dont je salue, après M. le président, l'amicale présence dans nos tribunes. Leur travail personnel sur les questions nucléaires - déchets radioactifs, sûreté des installations nucléaires, durée de vie des réacteurs, réacteur de troisième génération EPR et réacteur de quatrième génération - est, depuis 1990, constant et d'une grande importance.

Parce qu'elle conditionne l'avenir du nucléaire, qui fournit plus de 75 % de notre consommation d'électricité, la gestion des déchets radioactifs est, de fait, au coeur de l'avenir énergétique de notre pays.

Bien entendu, des solutions de stockage définitif existent déjà à Soulaines, dans l'Aube, pour les déchets de faible ou moyenne activité à vie courte, et à Morvilliers, dans l'Aube également, pour les déchets de très faible activité, qui représentent les volumes les plus importants, à savoir 90 % du volume total des déchets radioactifs produits depuis l'origine du nucléaire.

Bien entendu, les déchets issus du retraitement, c'est-à-dire les déchets vitrifiés de haute activité à vie longue et les déchets de moyenne activité, sont conditionnés et entreposés dans des entreposages industriels présentant un excellent niveau de sûreté et une longévité d'environ cinquante années.

Toutefois, il s'agit aujourd'hui de mettre en place des solutions opérationnelles dans la très longue durée pour ces déchets de haute ou moyenne activité, qui représentent 99 % de la radioactivité, dans des volumes très réduits grâce au retraitement-recyclage.

La loi du 30 décembre 1991 a fixé à 2006 le rendez-vous pour une évaluation globale des recherches effectuées depuis cette date dans les trois axes de la séparation-transmutation, du stockage réversible ou irréversible en formation géologique profonde et de l'entreposage de longue durée.

C'est aussi la date fixée pour l'examen par le Parlement d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue.

C'est dans cette perspective que, sur la proposition de nos collègues députés MM. Christian Bataille et Claude Birraux, qui ont mené à bien un énorme travail d'enquête sur le terrain et qui ont organisé de nombreuses rencontres en France et dans six pays - l'Allemagne, la Belgique, les Etats-Unis, la Finlande, la Suède et la Suisse -, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté des recommandations précises et complètes à l'issue de trois journées complètes d'auditions publiques à l'Assemblée nationale, journées qui ont rencontré un très large succès grâce à la présence des plus grands spécialistes internationaux et de plusieurs prix Nobel.

Ces recommandations pourraient, de notre point de vue, former l'ossature d'un futur projet de loi dont les dispositions non seulement répondraient aux objectifs de la loi du 30 décembre 1991, mais aussi les dépasseraient en fixant les principes d'une gestion durable de l'ensemble des déchets radioactifs.

Je rappellerai rapidement l'essentiel des ces propositions.

Elles prévoient, notamment, l'amélioration de l'information en ce qui concerne les résultats des recherches en matière de gestion des déchets radioactifs, préalable indispensable à la discussion, mais aussi la poursuite des recherches autour des trois axes de la loi de 1991, leur impulsion et le contrôle de leur bon déroulement par le Parlement.

Elles prévoient également la valorisation scientifique, universitaire et industrielle des recherches effectuées sur les déchets radioactifs, en organisant d'une manière volontariste le transfert de connaissances au plan national et au plan local.

Elles prévoient le vote par le Parlement, en 2006, de trois décisions de principe : la construction, pour 2016, d'un entreposage de longue durée - de cent à trois cents ans - qui donnera une flexibilité au système de gestion à très long terme ; le recours au stockage géologique, qui est indispensable dans tous les cas et dont l'entrée en service interviendrait entre 2020 et 2025 ; enfin, le recours à la séparation-transmutation comme objectif de long terme de la gestion des déchets de haute activité et la poursuite des recherches pour leur mise en service à l'échelle industrielle vers 2040.

M. Raymond Courrière. Joli cadeau !

M. Henri Revol. Elles prévoient aussi la mise en place, validée par la loi, du Plan national de gestion des déchets radioactifs et des matières valorisables, recommandé dès 2000 par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et qui permettra d'assurer l'exhaustivité et la cohérence de la gestion.

Elles prévoient, enfin, la création d'un fonds dédié, placé sous la responsabilité de l'Etat et alimenté par les producteurs de déchets, pour garantir dans la longue durée à la fois le financement des recherches et la gestion industrielle des déchets radioactifs, ainsi que le renforcement concomitant de l'Agence nationale pour les déchets radioactifs.

M. Raymond Courrière. Avec la privatisation d'EDF ?

M. Henri Revol. Monsieur le ministre, quelles suites comptez-vous donner à ces recommandations, dont j'ai le plaisir de vous indiquer qu'elles ont rencontré un large assentiment tant au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques que de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, à qui les rapporteurs ont présenté leur travail, ainsi qu'à l'extérieur du Parlement, notamment, semble-t-il, auprès des élus des collectivités territoriales les plus concernées ?

Vous conviendrez aisément avec moi que nous sommes aujourd'hui à un moment charnière de la politique énergétique de notre pays : le projet de loi d'orientation sur l'énergie, que nous allons bientôt examiner en deuxième lecture, représente une étape essentielle dans la préparation de l'avenir en ce qu'il comporte des mesures relatives à la maîtrise de l'énergie, au développement des énergies renouvelables, à la qualité des réseaux électriques.

Il prévoit également l'approbation de la construction du réacteur EPR, de conception européenne, tête de série d'une future filière capable de remplacer, le moment venu, notre parc nucléaire actuel.

II appartient à notre génération de régler la question des déchets radioactifs. Les solutions techniques existent...

M. Henri Revol. ... et le calendrier de leur mise en service opérationnel est désormais clair.

De son côté, le Parlement, qui a pris toute sa part des difficultés en votant la loi de 1991, a commencé ses réflexions avec le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et sera prêt, j'en suis sûr, à examiner d'une manière sereine et rigoureuse les solutions que nous nous devons de mettre en place pour assumer nos responsabilités vis-à-vis des générations futures.

Monsieur le ministre, inscrivons dans les faits les réponses que la science a données à la recherche sur la gestion des déchets radioactifs. L'énergie nucléaire civile, qui représente un facteur essentiel de la compétitivité de nos entreprises et du niveau de vie des Français, apparaîtra alors enfin pour ce qu'elle est aussi en termes d'environnement, à savoir un atout essentiel dans la lutte contre l'effet de serre.

Une fois réglée la question des déchets radioactifs et notre pays bénéficiant, de ce fait, d'une énergie nucléaire acceptée par nos concitoyens - ce qui constitue un atout décisif dans la mondialisation -, nous pourrons alors nous attaquer, pour notre plus grand bien et celui de nos partenaires économiques, à l'épineuse question des transports, qui accaparent le tiers de notre consommation d'énergie finale et émargent déjà pour 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit là, cependant, d'une autre histoire, que nous aborderons en temps utile. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes ;

Dans la suite du débat, la parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, fort de ma double expérience d'ancien ministre de l'industrie qui a eu à mettre en oeuvre la loi Bataille et d'élu de l'un des deux départements qui, avec celui de la Haute-Marne - je salue au passage mon collègue M. Bruno Sido - ont accepté l'implantation d'un laboratoire d'études pour le stockage souterrain des déchets nucléaires, je puis témoigner que nous avons avec vous, depuis que vous exercez les responsabilités qui sont les vôtres aujourd'hui, un dialogue constant, fructueux et transparent.

Cela étant, je souscris totalement aux observations de M. Henri Revol, qui s'est exprimé avec toute son autorité de technicien, de scientifique, mai aussi avec toute la passion qui est la sienne, pour apporter à la filière électronucléaire française une réponse à ce qui restait jusqu'à présent son maillon faible : la fin de cycle des déchets radioactifs.

En effet, lorsque, en 1991, le Parlement a voté le texte du député Christian Bataille, la France était dans une situation paradoxale. Elle avait fait le choix du nucléaire, sous l'autorité du président Georges Pompidou - choix qu'avait confirmé Valéry Giscard d'Estaing -, si bien que, aujourd'hui, l'indépendance énergétique de la France la place dans une position forte, notamment, monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, au regard des exigences en matière de rejets de gaz carbonique (M. le ministre de l'écologie et du développement durable fait un signe d'approbation), mais elle n'avait pas traité la question de la fin de cycle.

Il a fallu attendre le texte de décembre 1991, soit près de vingt ans après le lancement du programme nucléaire français, pour que, enfin, un engagement politique national très largement cautionné, dépassant les divisions politiques, permette d'envisager le début d'une solution responsable afin de fortifier ce qui, je le répète, était le maillon faible du cycle nucléaire.

Je m'exprime en cet instant en ma qualité d'élu de la Meuse et au nom des collectivités qui croient au nucléaire, qui en acceptent la responsabilité, qui en partagent les risques, mais qui ne voudraient pas en assumer seules le fardeau. Mon collègue Claude Biwer, qui interviendra dans quelques instants, soutiendra cette attitude, comme l'auraient soutenue mes collègues haut-marnais ici présents.

Nous avons, en réalité, trois exigences, qui constituent, au fond, trois questions.

La première, c'est que soient respectées les règles d'acceptation du laboratoire souterrain, c'est-à-dire celles qui ont conduit, en 1995, le conseil général de la Meuse à voter à l'unanimité un tel accueil.

Vos différentes interventions à cet égard, monsieur le ministre, nous rassurent, et nous aimerions que vous confirmiez ces règles.

Nous souhaiterions en effet que soit effectuée une véritable étude sur la possibilité de stocker des déchets radioactifs dans la couche d'argile profonde de l'ensemble haut-marnais et meusien. Or, comme l'a évoqué à l'instant Henri Revol, compte tenu du retard pris dans les travaux, il est vraisemblable que, même si nous votions la loi en 2006, nous n'aurions pas alors résolu toutes les questions ni levé toutes les incertitudes relatives à la nature du sous-sol argileux de cet ensemble. Or la loi prévoit que ce laboratoire sera opérationnel en 2020 !

Dans ces conditions, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quel sera le calendrier des décisions entre 2006, date du vote de la loi - soit moins de deux ans après la mise en service définitive du laboratoire -, et le compte à rebours 2020-2025, période à laquelle le site de stockage géologique profond sera opérationnel ?

Par ailleurs, qu'en est-il du deuxième laboratoire ? La loi de 1991 prévoyait en effet la construction de deux laboratoires, dans du granite ou dans d'autres couches. Or, pour l'instant, il n'y a pas de deuxième laboratoire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mais mon collègue Alain Fouché interviendra peut-être sur ce sujet...

Quoi qu'il en soit, je puis vous dire que les populations concernées sont très attentives à ce que la loi de la « plus grande gueule » - pardonnez-moi d'être en l'occurrence un peu vulgaire - ne commande pas la République.

La « mission granite » a échoué sur le front des manifestations. Or le nucléaire doit être une affaire française, il doit mobiliser la solidarité nationale, car il s'agit d'un grand projet. Je comprends très bien qu'il y ait des manifestants, je comprends très bien que le nucléaire suscite des inquiétudes, mais je ne comprends pas, en revanche, que l'autorité de la République soit proportionnelle à la longueur des cortèges...

Enfin - et vous nous avez déjà, sur ce sujet, monsieur le ministre, apporté des réponses à l'occasion d'autres débats -, qu'en est-il de la poursuite parallèle des recherches sur les deux autres formes de traitement des déchets, l'entreposage en sub-surface et la transmutation ?

Je poserai sur ce sujet une question précise sur les couches géologiques profondes et sur la réversibilité.

La réversibilité est un problème technique, elle a un coût. Est-elle cependant une nécessité ? J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous nous donniez votre point de vue sur ce sujet. Peut-être d'ailleurs nous direz-vous, ce que je comprendrais parfaitement, qu'à ce stade des études la question de la réversibilité ne peut être tranchée. Mais l'on en reviendrait alors à la question précédente, que je répète : comment utiliser au mieux les années allant de 2006 - date du vote de la loi - à 2020-2025, lorsque le site de stockage géologique profond sera opérationnel ?

J'en viens à ma deuxième exigence, celle d'un nécessaire débat national.

Je souhaite rendre hommage au courage et à l'obstination de Claude Birraux et de Christian Bataille, que je salue. Ils ont en effet contribué à dépassionner le débat sur les déchets nucléaires et à élever le niveau des échanges sur ce sujet. Si, dans ce domaine, nous avons toujours des conflits et des opinions différentes - et il est normal qu'il en soit ainsi -, le degré de technicité et d'argumentation des uns et des autres a néanmoins utilement contribué à élever et à dépassionner le débat.

C'est la raison pour laquelle nous aimerions que ce débat, qui est aujourd'hui cantonné soit aux populations concernées, que nous représentons, soit aux esprits passionnés, - lesquels sont, reconnaissons-le, minoritaires -, puisse se dérouler à l'échelon national. Nous aimerions que les Français, qui bénéficient de la remarquable ressource de l'électronucléaire, puissent débattre, par civisme, avec beaucoup de sérénité et de solidité, dans la transparence et dans un esprit de responsabilité, des questions liées à la fin de cycle dans le domaine nucléaire. Ces questions ne sont pas plus difficiles à évoquer que d'autres ! Elles gagnent en tout cas à être débattues publiquement.

Par ailleurs, nous souhaiterions que les grands acteurs concernés s'engagent et qu'ils ne donnent pas parfois le sentiment qu'ils « refilent le bébé » au plus faible d'entre eux. Il est évident que l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs - même si elle n'est pas la principale bénéficiaire du traitement des déchets -, que le CEA, dans le cadre de ses recherches, que AREVA, du fait de son activité industrielle dans la fabrication de combustibles et de sa participation dans Framatome, ou encore que EDF, par exemple, ont un intérêt à ce que l'électronucléaire soit un succès.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Bien sûr !

M. Gérard Longuet. Il serait donc bon qu'ils s'engagent, qu'ils disent ce qu'ils apportent et ce qu'ils sont prêts à faire, notamment dans le temps.

J'en viens à ma troisième exigence, et je terminerai sur ce point : qu'en est-il de l'effet économique de la gestion du fin de cycle pour les territoires qui, aujourd'hui, ont accepté cette responsabilité ?

Monsieur le ministre, nous devons passer d'une situation exceptionnelle à une situation banale. C'est d'ailleurs ce qui avait été sagement prévu dans la loi de 1991. Il y est en effet indiqué que, le laboratoire étant l'un des éléments du cycle nucléaire, il doit être traité comme tel et avoir, pour les populations qui en ont accepté l'hébergement, un effet comparable à celui d'une centrale nucléaire à deux tranches.

Malheureusement, la participation financière de l'Etat en la matière, qui est de droit commun et qui est comparable quantitativement à celle dont bénéficient les vingt-cinq ou vingt-six sites nucléaires français, a été trop souvent présentée par des esprits malicieux ou malveillants comme une sorte de chèque destiné à acheter le silence des populations marnaises et meusiennes, alors qu'il s'agissait simplement que ces dernières soient aussi bien traitées que celles de Nogent-sur-Seine, de Cattenom ou de Flamanville.

Nous voulons une solution de droit commun. Le soutien financier de l'Etat doit être très clairement à l'image de celui dont bénéficient les territoires qui ont accueilli d'autres chaînons du cycle électronucléaire - je pense aux centrales - et il ne doit pas être exceptionnel. Cela aurait d'ailleurs l'immense mérite de dissiper la crainte de certaines populations de voir ce soutien disparaître si l'intérêt de l'opinion publique pour cette question faiblissait...

Par ailleurs, les conditions qui autorisent l'accueil d'un laboratoire sont en général antinomiques avec celles qui permettent le développement économique des territoires qui l'hébergent. En effet, si le sous-sol lorrain ou le sous-sol barrois - je vous rappelle que la Haute-Marne est en partie terre barroise - permet d'accueillir un tel laboratoire, c'est justement parce qu'il s'y prête, mais aussi, reconnaissons-le, parce que la densité de population y est faible. Et c'est justement parce que la densité de population y est faible, parce qu'il n'y a ni grandes villes, ni centres universitaires, ni grandes activités industrielles organisés en un réseau dense permettant de faire émerger une activité nouvelle, que l'impact économique du laboratoire est, à ce jour, bien modeste, et - pourquoi ne pas le dire ? - décevant pour les populations qui attendaient plus de ce nouvel arrivé.

Je sais, monsieur le ministre, que vous avez parfaitement conscience de l'effort que consentent les populations pour accueillir ce laboratoire. Vous avez, me semble-t-il, l'idée des mesures qui pourraient être proposées, notamment aux grands acteurs industriels et économiques de la filière électronucléaire.

Nous souhaiterions d'ailleurs, monsieur le ministre, en savoir davantage sur la solidarité de cette filière avec les territoires qui ont accepté d'accueillir le chaînon manquant du nucléaire, celui qu'il est peut-être le plus difficile à accepter.

Nous sommes en train de gagner la bataille de l'acceptation de ce chaînon. Mais ce n'est pas parce que nous sommes en train de convaincre que cet effort est nécessaire qu'il faut diminuer notre action en matière de communication et être moins exigeant s'agissant du partenariat et des retombées économiques.

Tel est le sens, messieurs les ministres, de la question que le sénateur de la Meuse, qui s'exprime également au nom de son collègue de la Haute-Marne, vous pose publiquement du haut de cette tribune ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si 100 % des sénateurs meusiens - Gérard Longuet et moi-même ! -, s'expriment, c'est probablement parce qu'ils espèrent, même s'ils ont quelques inquiétudes, que le problème de la gestion des déchets nucléaires s'organisera de la meilleure manière qui soit.

Je remercie Henri Revol d'avoir bien voulu provoquer le débat que nous avons aujourd'hui sur la politique de gestion des déchets nucléaires, et vous ne serez sans doute pas surpris que, en ma qualité d'élu du département de la Meuse, je me préoccupe d'une manière particulière du devenir du laboratoire expérimental de Bure.

Comme cela vient d'être rappelé à l'instant, dans la loi dite « Bataille » de 1991, trois axes de recherche avaient été envisagés afin de trouver les solutions les mieux adaptées au traitement des déchets nucléaires les plus nocifs : la séparation-transmutation, dont les spécialistes nous indiquent que, dans le meilleur des cas, les applications ne pourront intervenir qu'à partir de 2040 ; le stockage en couches géologiques profondes, qui suppose que des laboratoires souterrains soient préalablement construits afin d'étudier in situ le comportement de ces couches ; enfin, le conditionnement et l'entreposage de longue durée en surface ou en sub-surface, qui pourraient être mis en service opérationnel d'ici à 2015.

S'agissant du stockage profond, alors que, dans un premier temps, trois sites avaient été envisagés, l'un à caractère granitique et les autres à caractère argileux, un seul site a finalement été retenu, à savoir le site argileux de Bure, dans la Meuse. Je partage à ce sujet les propos de Gérard Longuet, sur lesquels je n'insisterai pas.

Les élus départementaux et locaux de la Meuse et de la Haute-Marne, qui ont accepté à l'unanimité ce principe, se sont beaucoup impliqués dans ce processus et, de façon très courageuse et réfléchie, ils ont fait acte de solidarité nationale en acceptant l'implantation du laboratoire de Bure.

On peut toutefois déplorer qu'un certain attentisme ait prévalu au cours de la période 1998-2000. Ce n'est en effet que le 6 août 1999 qu'est paru le décret autorisant la création d'un laboratoire souterrain de recherche à Bure, dont la mise en oeuvre a également connu quelque retard.

Je pense que, du fait de ce retard, il conviendra de laisser le temps nécessaire à l'aboutissement des recherches entamées à Bure.

Il conviendra également de bien préciser le caractère réversible de l'éventuel stockage souterrain : s'il nous appartient d'adopter la solution la moins mauvaise possible pour la gestion des déchets, un stockage réversible présente l'avantage, pour les générations futures, de disposer d'un outil flexible pour traiter sur le long terme la question des déchets et offre la possibilité, compte tenu d'éventuels progrès de la science, de prendre, le cas échéant, d'autres décisions.

S'agissant du coût du stockage profond, un récent rapport de la Cour des comptes a mis en évidence les nombreuses incertitudes qui semblent peser en la matière, dans la mesure où de nombreuses options restent à prendre en ce qui concerne tant les méthodes de stockage et la conception technique des installations que le volume des futurs déchets à entreposer.

La Cour suggère ainsi que soient résolues les divergences apparues entre l'ANDRA et les producteurs de déchets concernant le coût supposé du stockage profond, divergences susceptibles de peser sur la pertinence des provisions constituées à cet effet par AREVA, le CEA et EDF.

Je souhaite également évoquer le dispositif d'accompagnement financier inhérent à la création du laboratoire souterrain de Bure.

La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs prévoit qu'il peut être créé un groupement d'intérêt public, un GIP, en vue de mener des actions d'accompagnement, la dotation financière de l'Etat étant fixée à l'époque à 60 millions de francs, soit 9,1 millions d'euros par laboratoire souterrain.

Un tel GIP a été créé en Meuse et en Haute-Marne pour la mise en oeuvre de ce dispositif. Conformément à sa convention constitutive et à sa charte de développement, approuvées par un arrêté du 25 mai 2000, l'objet de ce groupement était de mener des actions d'accompagnement économique, notamment pour favoriser et faciliter l'installation et l'exploitation du laboratoire souterrain de Bure.

Ses actions se déclinaient autour de quatre axes : promouvoir le développement économique et l'emploi, soutenir le développement local, structurer l'espace départemental, soutenir le développement touristique et la notoriété des départements.

Depuis sa création au moi de juin 2000 et jusqu'à la fin de l'année 2004, le GIP a perçu un montant global de 44,7 millions d'euros, utilisés conformément aux axes que je viens de décrire. Pour 2005 et 2006, ses recettes devraient être engagées sur des projets structurants du territoire, comme le financement de la gare TGV.

Cependant, le conseil général de la Meuse a eu maintes fois l'occasion de regretter à quel point le modèle juridique d'un GIP était lourd dans sa gestion administrative et comptable. Il a aussi déploré que les règles communautaires inhérentes à l'addition des subventions publiques en aient limité l'efficacité dans l'aide apportée aux entreprises. Enfin, si les fonds d'accompagnement ont effectivement permis de répondre à la préoccupation relative à l'insertion du laboratoire souterrain dans son environnement, ils ont eu un effet par trop limité en matière de développement économique et de création d'emplois durables.

Pour l'avenir, il conviendrait de mieux impliquer les industriels de la filière électronucléaire dans le développement économique des territoires. En effet, messieurs les ministres, la création d'emplois et de richesse sera un facteur déterminant de l'acceptation locale.

J'insiste également sur la nécessité de poursuivre l'accompagnement financier bien au-delà de 2006, et ce durant de longues années, non seulement parce que les efforts de recherche se poursuivront très vraisemblablement après cette date, mais également et surtout parce qu'un laboratoire souterrain ne versera en tant que tel qu'une fiscalité résiduelle aux collectivités concernées, sans commune mesure avec les investissements réalisés.

A cet égard, je ne peux que saluer les conclusions concordantes de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques figurant dans le récent rapport présenté par MM. Birraux et Bataille relatif à l'état d'avancement et aux perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

Dans leur rapport, nos collègues députés précisent qu'en France un développement économique volontariste doit être impulsé par les acteurs de la filière dans les départements concernés par la gestion des déchets radioactifs.

S'agissant de la valorisation des recherches sur la gestion des déchets radioactifs, ils ajoutent que les méthodes avancées mises au point au laboratoire de Bure en géophysique, en géochimie ou en ingénierie devraient entraîner la création des développements scientifiques, technologiques et industriels proposés par les deux départements concernés.

Enfin, au-delà des données scientifiques et économiques de ce problème, doit aussi et surtout être prise en compte la sécurité de nos concitoyens, notamment la sécurité de ceux qui sont situés dans les départements de la Meuse et de la Haute-Marne, directement concernés par l'implantation du laboratoire de Bure.

De ce point de vue, je crois pouvoir dire que le processus de concertation qui a prévalu au cours des années quatre-vingt-dix a été à la fois volontariste et exemplaire : la qualité de l'information, son objectivité, l'association des élus locaux et des populations concernées ont permis à ce projet de recevoir un soutien réitéré au niveau local, départemental et régional.

Cet effort de concertation devra nécessairement être poursuivi, dans la plus grande transparence. Les résultats des recherches sur l'éventuelle faisabilité d'un stockage dans le laboratoire de Bure, que ces recherches soient positives ou négatives, devront être rendus publics.

Il faut que la communauté scientifique et celle des décideurs en charge de ce dossier assument leur devoir d'écoute, d'information et de dialogue objectif avec les habitants et les élus concernés ; il faudra ensuite que le fonctionnement démocratique et le rôle du Parlement, éclairé par les études et rapports particulièrement pertinents réalisés par l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, soient parfaitement respectés.

Nous sommes, en effet, en présence d'une installation pour laquelle nous ne disposons d'aucun recul : la communauté scientifique mérite notre confiance, mais le passé nous indique qu'elle peut quelquefois se tromper. Or les décideurs politiques que nous sommes n'ont pas le droit à l'erreur. Il y va de l'avenir des générations futures.

Nous resterons donc attentifs à ce dossier, qui préoccupe certes notre région, mais également notre pays tout entier. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons, avec cette question orale posée par M. Revol, un élément incontournable de la politique énergétique de la France : la gestion des déchets nucléaires.

Cette question se pose dans le cadre plus global des choix énergétiques de la France pour répondre aux impératifs de sécurité d'approvisionnement, de sûreté des installations, de préservation de l'environnement, mais aussi - et peut-être est-ce plus important encore - de la mise en oeuvre d'une réponse énergétique adaptée aux besoins croissants et des technologies à développer pour y parvenir.

Avant d'aborder les conclusions du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont on ne peut que saluer l'excellente qualité des travaux, je voudrais revenir sur la question centrale de la propriété des moyens de production dans le domaine de l'énergie. En effet, il y a quelques incohérences dans le discours de la majorité gouvernementale.

D'un côté - et je vous en félicite -, vous semblez préoccupés par des considérations écologiques de préservation de l'environnement et de développement durable, dans le respect des accords de Kyoto. Mais, d'un autre côté, vous avez, il n'y a pas si longtemps, privatisé l'entreprise publique de production et de distribution d'énergie qu'est EDF,...

M. Gérard Le Cam. ... et, plus surprenant encore, vous avez ouvert aux investisseurs privés le capital d'AREVA, entreprise du nucléaire civil.

Ce double discours révèle des conflits d'intérêts majeurs entre la promotion du développement durable et les intérêts économiques des grandes sociétés, notamment des entreprises pétrolières.

Cependant, comment peut-on imaginer que la libéralisation à tout crin que l'Union européenne propose et que notre gouvernement met en oeuvre avec zèle puisse aboutir à une meilleure prise en compte de l'intérêt général et de la nécessité de préserver le patrimoine public ? Le marché ne peut pas prendre en compte l'intérêt général, et encore moins oeuvrer en ce sens.

La soumission des entreprises aux règles de gestion privée induit nécessairement la recherche de la rentabilité maximale. L'utilité humaine, sociale, environnementale n'intéresse pas les actionnaires, car elle n'est pas source de profit.

Ainsi, les catastrophes écologiques et les menaces climatiques qui pèsent sur notre planète ne peuvent être évaluées indépendamment du système économique et social dans lequel elles ont lieu. Il faut en tenir compte, et s'attaquer aux causes plutôt qu'aux effets.

Au moment même où vous nous proposez de graver dans le marbre ces principes de soumission de toutes les activités humaines à la loi du marché par le traité établissant une Constitution pour l'Europe, il faudrait débattre avec le sérieux que cela mérite de la question fondamentale de la gestion des déchets radioactifs, alors même que certains commissaires européens souhaiteraient que les déchets soient considérés comme de simples marchandises.

Cette question tient particulièrement au coeur des membres du groupe communiste républicain et citoyen, mais rien ne sert d'en débattre si nous ne remettons pas en cause les comportements des multinationales et les orientations des politiques publiques qui exploitent sans limite les ressources de notre planète au lieu de les préserver.

La question du devenir énergétique de la planète est pourtant au coeur des grands défis sociaux, scientifiques et politiques. Celle du devenir même de l'humanité est posée à l'horizon du siècle qui s'ouvre. En effet, l'augmentation de la production d'énergie dans les prochaines décennies est une nécessité politique, mais aussi une réalité démographique. La population mondiale atteindra très vraisemblablement plus de 9 milliards de personnes en 2050, et la maintenir à ce seul niveau suppose des avancées politiques considérables sur tous les continents.

Par ailleurs, la consommation actuelle d'énergie est très inégale dans le monde : elle s'élève à huit tonnes d'équivalent pétrole par habitant et par an aux Etats-Unis, à quatre tonnes d'équivalent pétrole en Europe et au Japon, et à moins d'une tonne d'équivalent pétrole dans le reste du monde, en Chine, en Inde, en Afrique. De plus, 40 % de l'humanité n'a pas accès à l'électricité et, bien entendu, les inégalités concernent l'accès non seulement à l'énergie, mais également à l'eau potable, à la santé.

Sans que ces inégalités se réduisent à des questions énergétiques, le développement des peuples exige le recours à des ressources en énergie. Si nous nous fixons pour objectif que chacun sur la planète ait accès, d'ici à cinquante ans, à la moitié de ce dont nous disposons aujourd'hui en Europe, il faudrait pouvoir au moins doubler la production énergétique globale.

D'autre part, l'essentiel de la production énergétique actuelle, soit plus de 80 %, est basé sur des ressources dites « fossiles », qui s'amenuisent tellement que la question de l'existence de réserves accessibles à des échelles de temps très inférieures au siècle est posée. De plus, les énergies fossiles engendrent des déchets considérables sous la forme principalement de gaz carbonique, responsable, en grande partie, de l'effet de serre.

Pour répondre à ces défis, il nous faut oeuvrer pour une politique énergétique s'intégrant dans un développement durable, pour une politique diversifiée, économe en ressources fossiles, respectueuse des équilibres écologiques et climatiques, produisant un minimum de déchets. Cependant, la mise en oeuvre d'une telle politique ferait inévitablement naître des conflits avec les sociétés pétrolières monopolistiques et supposerait des efforts de financement de la recherche très importants. Peut-être ne le souhaitez-vous pas ?

Nos choix énergétiques doivent prendre en compte la situation particulière de notre pays. Malgré l'apport des énergies renouvelables et des économies d'énergie, insuffisamment aidées sur le plan fiscal, l'énergie nucléaire reste une composante indispensable qui permet de lutter efficacement contre l'accroissement de l'effet de serre et d'assurer notre indépendance énergétique vis-à-vis des multinationales du gaz et du pétrole.

Enfin, la filière publique dont disposait notre pays permettait d'en maîtriser la cohérence, la sécurité et les tarifs, grâce à la péréquation nationale.

Parallèlement, la question de la technique est aussi importante. Ainsi, dans l'attente des réacteurs de la quatrième génération, la transition par le passage à des réacteurs nucléaires de troisième génération, dits « EPR », permettant de diminuer de 15 % la production de déchets, constitue un élément incontournable du débat sur les déchets nucléaires. Pourtant, faire le choix du nucléaire implique nécessairement de se poser la question de la sécurité publique et de trouver des solutions adaptées pour la gestion des déchets radioactifs.

Ainsi, en 1991, le Parlement a voté la loi relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, dite loi « Bataille ». Celle-ci prévoyait un important programme de recherche afin d'assurer une gestion des déchets respectant l'environnement, les équilibres écologiques, la santé et les droits des générations futures. Elle a engagé la puissance publique dans la recherche de trois types de solutions par le biais d'études non seulement sur la séparation et la transmutation pour réduire la durée de vie et la nocivité des déchets, mais aussi sur le stockage en surface et sur le stockage profond, à partir de laboratoires souterrains.

Elle devait permettre, à un horizon de quinze ans, soit en 2006, qu'une loi puisse définir les solutions devant être mises en oeuvre.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, mandaté pour remettre un rapport très attendu sur ces questions, a fait part de ses conclusions le 16 mars dernier. Or ce rapport laisse toutes les voies ouvertes pour la gestion des déchets, en fixant la séparation-transmutation comme objectif ultime, mais en considérant que l'enfouissement reste incontournable. Ce rapport ne nous apprend rien de nouveau et incite à poursuivre sur les trois voies de la loi Bataille, priorité étant donnée à l'enfouissement, solution la plus économique.

La seule avancée réside dans le fait que ce rapport préconise des recommandations au Parlement, qui « pourrait fixer comme objectifs [...] les dates de 2016 pour la mise en service d'un entreposage de longue durée et l'autorisation de construction d'un stockage réversible en formation géologique, 2020-2025 pour la mise en service d'un réacteur démonstrateur de transmutation et la mise en service du stockage géologique, et 2040 pour la transmutation industrielle ».

Ce calendrier nous autorise à consommer l'ensemble des réserves de pétrole avant de réfléchir aux sources d'énergies alternatives. Ainsi, on constate que ce sont les monopoles énergétiques qui dictent le calendrier de la recherche.

Nous aurons l'occasion de débattre de ces questions à nouveau lors de la discussion du projet de loi qui sera présenté en 2006 sur la base de ce rapport. Cependant, je tiens dès aujourd'hui à vous rappeler, comme je l'ai déjà fait il y a quelques années, que l'enfouissement ne peut constituer une solution satisfaisante à long terme et qu'il pose toute une série de questions importantes.

L'enfouissement apparaît bien, aux yeux des populations, comme une solution à risque pour l'avenir, qui a un caractère particulièrement irréversible quelles que soient les précautions prises. Cette notion de risque a d'ailleurs prévalu dans le refus de la population de la région de Bretagne à recevoir des laboratoires d'enfouissement géologique en terre granitique.

La politique de l'enfouissement est bien la politique de l'autruche : elle permet de cacher ces déchets si encombrants, laissant le soin aux générations futures de trouver d'autres solutions.

De plus, dans le cadre d'une volonté de réduction des déchets, il apparaît nécessaire d'acter une réduction concertée de la puissance nucléaire militaire, laquelle n'est pas sans incidence sur ces problèmes de déchets. Je pense par exemple, dans ma région, au site de l'Ile-Longue, à Brest.

Par ailleurs, si l'enfouissement se camoufle tout au long des pages du rapport sous le terme « stockage géologique », l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en fait une réalité incontournable. L'Office se réfugie derrière le fait que c'est « la solution privilégiée par la plupart des pays nucléarisés » et que cette voie est préconisée par l'Agence internationale pour l'énergie atomique, l'AIEA.

Pourtant l'Office insiste sur « les questions techniques difficiles » et déclare que « les paramètres à prendre en compte sont évidemment nombreux ». L'Office reconnaît même « qu'il n'est pas possible de garantir un total confinement des déchets radioactifs sur des échelles de temps très étendues ».

Est-ce ainsi que notre collectivité se prépare à « prendre ses responsabilités face aux générations futures » ?

De plus, préalablement à l'enfouissement des déchets, la loi du 30 décembre 1991 imposait la mise en oeuvre de laboratoires. Or un seul laboratoire existe actuellement, localisé à Bure. Comment expliquer que la loi ne soit pas respectée, sinon parce qu'un tel projet doit faire face à l'opposition populaire et au manque de crédits consacrés à la recherche ? Ainsi, alors que quinze sites étaient pressentis en 2000 pour l'accueillir, le fameux deuxième laboratoire n'a jamais pu voir le jour, sous la pression populaire.

En revanche, la perspective de la transmutation apparaît toujours plus lointaine et plus incertaine, alors qu'il s'agit de la réponse la plus adaptée dans l'état actuel des connaissances.

Alors que l'article 6 de la loi Bataille les y obligeait, les pouvoirs publics n'ont, au cours de ce processus, jamais écouté ni fait participer les citoyens ou les élus intéressés à ces recherches. En ce domaine, à l'issue des quinze années accordées par la loi Bataille, les modalités de concertation peuvent se résumer à la mise en place d'un comité local d'information et de suivi, le CLIS, sur le site de Bure, en Meuse et en Haute-Marne, pressenti pour l'enfouissement. Et le rôle de ce comité est si édulcoré et son fonctionnement si épique que nombre d'associations et de syndicats viennent d'en claquer la porte voici quelques semaines !

L'Office parlementaire, tout au long de ses auditions, a purement et simplement omis d'écouter et de prendre en compte les informations et arguments rassemblés par les collectifs de citoyens et d'élus, que ce soit contre la méthode de l'enfouissement ou contre les projets d'entreposage en surface.

Alors que, partout dans le monde, les pays nucléarisés se demandent que faire de ces déchets, la France s'était dotée fin 1991 de la loi Bataille pour trouver des réponses. Quinze ans plus tard, pas une seule solution innovante n'a émergé ; c'est fort décevant ! On en revient aux solutions prônées dans les années 1980 : se débarrasser de ces déchets bien encombrants en les enfouissant, un projet irresponsable au regard des générations futures, dénoncé par de nombreux experts, élus ou citoyens.

Il faut aller plus loin, trouver des solutions pérennes et soutenables du point de vue environnemental pour les générations futures.

Cela mérite des efforts financiers de recherche, comme le souligne le rapport, et une véritable volonté politique de maîtrise publique de la production énergétique et de ses risques. Or, depuis 1992, seuls 2,2 milliards d'euros ont été consacrés à la recherche en matière énergétique.

De plus, dans le cadre de ce débat, il nous faut amorcer le débat du devenir des centrales nucléaires qui seront obsolètes dans dix ans. Et ce démantèlement produira également des déchets nucléaires, estimés à quinze millions de tonnes.

Pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, seul l'engagement du Gouvernement en faveur du financement de la recherche, afin de diversifier le bouquet énergétique - en promouvant concrètement les énergies renouvelables comme les biocarburants, les éoliennes, l'hydrogène, la biomasse, le photovoltaïque, la géothermie - et de permettre le développement des technologies nucléaires pourrait contribuer à résoudre la question préoccupante des déchets nucléaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre collègue Henri Revol a eu le grand mérite d'ouvrir ce débat et de vous présenter, avec le talent qui est le sien, la problématique de la gestion des déchets. Il l'a fait en tant que président du groupe d'études de l'énergie du Sénat, mais aussi en tant que président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

La mise en oeuvre du processus de Kyoto et, au-delà, du Plan climat, qui prévoit la division par quatre du volume d'émission de gaz carbonique en quelques années, interpelle tous ceux qui pensent aux générations futures et nous conduit à considérer comme inconcevable le développement durable sans une augmentation massive, au niveau planétaire, de l'énergie nucléaire civile.

A cet égard, la position du grand gourou britannique de l'écologie,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. James Lovelock !

M. Pierre Laffitte. ... qui appelle tous ses collègues écologistes à considérer l'énergie nucléaire comme étant à la fois écologique et incontournable en matière de développement durable, devrait être plus largement entendue, aussi bien en France, chez nos amis Verts, qu'en Allemagne ou en Pologne, pays qui a subi les retombées de l'accident survenu dans la centrale nucléaire de Tchernobyl et qui était a priori opposé à l'idée de construire une centrale nucléaire, mais où cette option commence à faire son chemin.

Après M. Revol, tous les orateurs se sont accordés à reconnaître que certaines difficultés devront être résolues afin de permettre une acceptation sociale des déchets nucléaires. Mais, pour qu'une telle acceptation soit possible, il est nécessaire d'effectuer des efforts en termes d'information et de transparence.

Il faut, tout d'abord, qu'un effort considérable soit réalisé pour diffuser la culture scientifique et technique afin que les différents paramètres puissent en être compris et, par conséquent, acceptés. Cet effort est d'autant plus nécessaire que la radioactivité, qui partage avec d'autres éléments de la physique moderne la caractéristique d'être invisible, est relativement mal comprise : contrairement aux nuages de fumée, aux incendies, aux tremblements de terre ou aux tsunamis, on ne peut voir un nuage radioactif.

Avec les membres de la commission des affaires culturelles du Sénat, j'affirme que la culture scientifique et technique est fondamentale pour éviter de retomber dans un obscurantisme qui conduirait à des catastrophes.

Cependant, au-delà de cet effort de diffusion des connaissances, il faudra développer la recherche scientifique, technique et technologique dans le domaine du nucléaire afin de permettre aux futures générations de trouver la solution pour se débarrasser des déchets nucléaires.

En attendant le siècle prochain, où nous obtiendrons certainement des résultats dans le domaine de la fusion nucléaire, il faut que la fission, qui a encore des décennies devant elle, puisse progresser. Je pense en particulier à la production d'uranium 233 par irradiation du thorium 232, mais aussi à d'autres filières comme celle des réacteurs haute température, et surtout à celle des surgénérateurs. Grâce à toute cette panoplie, nous pourrons aller plus loin.

Mais tout cela ne pourra se faire que si un effort important est réalisé auprès des générations futures, dès l'école primaire, en faveur de la physique et de la chimie. Je regrette à cet égard que le ministre de l'éducation nationale ne participe pas au présent débat. Il faut en effet développer l'opération « La main à la pâte », initiée par l'Académie des sciences et fortement promue par Georges Charpak et par quelques-uns. Mais il est vrai que ces derniers ont, hélas ! plus de chances d'être écoutés au Brésil ou en Chine, pays où l'on considère que la science est pratique, efficace et utilisable.

Plus tard, dans le secondaire, il sera important que de nombreux collégiens et lycéens sortent de leur établissement et visitent des entreprises ou des centres de recherche spécialisés en physique et chimie, afin qu'ils constatent à quel point ces disciplines sont finalement faciles, intéressantes, et orientent vers des métiers passionnants.

Je ne parle évidemment pas des universités et des écoles d'ingénieur, et tout particulièrement, monsieur Devedjian, des écoles d'ingénieurs qui dépendent de votre ministère.

Il faudra, de plus, que ces efforts soient relayés dans les autres pays européens, car, à l'heure actuelle, l'Europe est menacée à relativement court terme d'une disparition des vocations pour la chimie et la physique et, dans une moindre mesure, pour les mathématiques, qui sont considérées comme plus nobles et, peut être à tort, comme plus faciles. La diminution des vocations dans ces domaines inquiète les scientifiques et les techniciens, et je pense en particulier à nos amis du CEA, d'AREVA ou d'EDF.

Derrière cette faiblesse des vocations se cachent bien des difficultés à venir. Gouverner c'est prévoir, et il faut commencer à penser à tout cela dès maintenant et prévoir un effort de formation interministériel commun. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette question orale avec débat, qui porte sur un sujet essentiel pour l'avenir énergétique de la France, a été inscrite au dernier moment à notre ordre du jour : jusqu'à jeudi dernier, il était prévu que nous débattions aujourd'hui du transfert de 20 000 kilomètres de routes nationales et de 30 000 agents aux départements, mais sans doute a-t-on estimé qu'il s'agissait d'un sujet d'actualité trop brûlant et qu'il était donc urgent de le retirer de notre ordre du jour. La majorité refuserait-elle d'aborder l'épineuse question de l'aménagement cohérent de notre territoire et du transfert des moyens financiers aux collectivités territoriales ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si on vous gêne, on peut s'en aller !

M. Daniel Raoul. Cependant, et malgré le peu de temps laissé à sa préparation, le débat d'aujourd'hui porte également sur une question capitale pour notre nation : la gestion des déchets nucléaires radioactifs.

Il en va de la fiabilité de la production d'électricité à partir de l'énergie nucléaire, principale source d'électricité dans notre pays, qui regroupe plus de 850 sites où sont stockés des déchets, deux de ces sites, la Hague et Marcoule, concentrant à eux seuls 90 % de la matière radioactive.

En tant que membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, j'ai pris connaissance voilà trois semaines du rapport de nos collègues députés Christian Bataille et Claude Birraux, qui forment un duo à la compétence reconnue.

Plusieurs aspects doivent être considérés lorsque l'on parle de ces déchets particulièrement sensibles et dont la durée de vie est très longue, sujet que j'aborderai successivement sous l'angle du financement, de la compatibilité avec la directive européenne, de l'information des citoyens et, enfin, de la recherche.

Un des enjeux principaux de ce débat est constitué par la question du financement de la gestion des déchets dans le nouveau contexte concurrentiel, avec le changement de statut d'EDF et l'ouverture du capital des opérateurs du nucléaire.

Cette question n'est autre que celle de la garantie de ce financement, et elle est d'autant plus importante que des opérateurs privés - et étrangers - pourront entrer dans le capital des entreprises du secteur. On sait, par exemple, que Enel, le numéro un de l'électricité en Italie, est prêt à participer au réacteur nucléaire de troisième génération, l'EPR, et que les industries électro-intensives pourraient également contribuer au financement de ce dernier.

Nous pouvons donc légitimement nous interroger, et vous interroger, messieurs les ministres, sur les garanties de financement. Quelles formes pourraient-elles prendre ? S'agira-t-il de prises de participation ?

La question du financement se pose aussi du fait du changement du contexte concurrentiel avec l'ouverture du capital d'EDF et, à terme, de celui d'AREVA, ce qui nous amène à la question des estimations du coût du stockage des déchets en profondeur.

Entre les premières évaluations réalisées en 1996 par l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, et celles qui ont été réalisées en 2003, le coût apparaît avoir augmenté selon un rapport estimé de 1,4 à 2,3, la différence d'estimation correspondant à une différence de 5 milliards à 18 milliards d'euros.

Le coût effectif du stockage futur pourrait faire peser des risques sur la marge bénéficiaire d'EDF : un surcoût estimé à la valeur moyenne de 10 milliards d'euros aurait un impact de l'ordre 0,56 euro par mégawattheure.

Par ailleurs, la Cour des comptes notait en janvier dernier que EDF était « sans doute l'entreprise française pour laquelle la traduction comptable de ses obligations de long terme est la plus délicate et le chiffrage le plus aléatoire ». De plus, « les provisions relatives aux déchets radioactifs doivent être estimées, alors que les solutions techniques de retraitement et de stockage ne sont pas encore arrêtées ». Enfin, EDF ne disposerait aujourd'hui que d'un « embryon d'actifs dédiés par rapport à la masse à financer et tout repose sur sa capacité à disposer d'actifs suffisants ».

La Cour des comptes recommandait donc de mettre en place un plan comptable particulier applicable aux entreprises de l'industrie nucléaire afin de sécuriser les moyens de financement.

Elle soulignait en outre que, sans mécanisme de sécurisation financière par le biais, notamment, de fonds dédiés, sujet dont traitera tout à l'heure Simon Sutour, « le risque existe, dans cas d'une ouverture de capital d'AREVA et d'EDF dans des marchés devenus fortement concurrentiels, que les conséquences financières de leurs obligations de démantèlement et de gestion de leurs déchets soient mal assurés et que la charge rejaillisse in fine sur l'Etat ».

Enfin, la Cour des comptes n'a pas hésité à nous mettre en garde contre des gaspillages possibles des provisions par EDF.

Messieurs les ministres, que comptez-vous faire et quelles garanties pouvez-vous nous apporter à ce sujet ?

Dans leur rapport parlementaire, MM. Bataille et Birraux proposent quant eux la création d'un fonds de gestion dédié alimenté par les producteurs de déchets. Ils précisent que « le nouveau statut de société anonyme d'EDF, principal producteur de déchets radioactifs en France, oblige à réexaminer les modalités de financement des recherches sur la gestion à très long terme des déchets radioactifs ainsi que sur la gestion industrielle de ces derniers et à mettre en place une transition du système actuel de provisions au bilan de l'entreprise vers un dispositif pérenne et indépendant qui garantisse les financements sur une très longue période ».

Le rapport recommande ainsi de créer un mécanisme adossé à l'Etat pour garantir un financement pérenne. Un tel fonds est une nécessité du fait du changement de statut des entreprises qui « seront soumises aux contraintes à court terme des marchés financiers ».

Le fonds dédié, alimenté par les producteurs, pourrait être géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Je souscris pleinement à cette préconisation : le Gouvernement entend-il en tenir compte, notamment dans la préparation de la loi de 2006 ?

Je terminerai cette partie de mon propos consacrée au financement en rappelant que plusieurs de mes collègues, dont Bernard Piras et Simon Sutour, ont déposé en décembre dernier une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le financement des opérations de démantèlement du site de Marcoule et sur l'abondement du fonds dédié. Voilà un exemple concret des problèmes de financement auxquels nous allons être confrontés dans les décennies à venir !

La question du financement ne pourra trouver de réponse que dans le cadre législatif national et européen, la question centrale étant celle du stockage définitif ou du stockage réversible des déchets radioactifs, ce qui m'amène à la question de la compatibilité de l'approche française avec la directive européenne tendant à instituer une nouvelle législation communautaire dans le domaine de la gestion et du traitement de ces déchets, directive en cours d'élaboration et amendée par le Parlement européen, et dont la Commission européenne a proposé en septembre dernier une version révisée prenant en compte ces amendements.

La Commission européenne souhaitait faire adopter par les Etats un programme de gestion ultime des déchets, assorti d'un calendrier, impliquant que ces derniers s'engagent sur des dates butoirs en matière de programmation de gestion des déchets.

Cependant, la directive fixe comme priorité l'enfouissement géologique des déchets, alors que la France a plutôt opté pour la recherche en matière de séparation et de transmutation, la Commission européenne estimant que « le stockage en profondeur apparaît en effet comme la technique la plus sûre en l'état actuel des connaissances alors que la lenteur des progrès de la recherche sur la transmutation et le stockage en surface ne permet pas aujourd'hui d'espérer une solution industrielle dans un proche avenir ».

Il y a donc bien une différence entre l'approche de nos collègues députés et la position de la Commission européenne.

Le texte de la directive privilégie le stockage définitif. Son article 4, consacré aux programmes nationaux de gestion des déchets radioactifs, précise que « les Etats membres étudieront la possibilité de donner priorité au stockage définitif en couches géologiques profondes, en prenant en considération leurs circonstances spécifiques ». Quant à son article 5, il prévoit que le programme de gestion national contient le calendrier retenu pour la gestion à long terme des déchets radioactifs, dont la définition recouvre les déchets de faible et moyenne activité ainsi que les déchets de haute activité.

C'est en totale contradiction avec la position française issue de la loi Bataille et avec les suites qui ont été données à celle-ci dans le rapport déjà cité. La question de la réversibilité des solutions de stockage en profondeur est même l'un des axes de recherche retenus par la France et, dans le rapport Bataille-Birraux, il est considéré que le stockage géologique est incontournable mais doit être réversible.

Les Etats sont pour la plupart hostiles au concept du calendrier communautaire pour le stockage définitif, et le Parlement a supprimé la notion de calendrier communautaire pour la mise en exploitation des sites de stockage définitif.

Nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement sur cette question et sur les contradictions entre la directive européenne et les positions françaises.

La France a-t-elle su faire valoir ses positions, et que doit-on attendre des futurs textes européens ?

Quant au site de Bure, seul site expérimental alors que la loi Bataille en prévoyait deux sinon trois, le retard constaté - l'expérimentation n'a commencé qu'en 1999 - ne permettra pas de respecter le délai de quinze ans avant la saisine du Parlement. Il convient donc d'accentuer les recherches sur la réversibilité pour assurer la complémentarité avec la séparation-transmutation et le stockage de longue durée.

C'est un enjeu considérable, car il conditionne le choix du maintien de la filière nucléaire et son acceptabilité. Les résultats de cette expérimentation doivent être publiés avant qu'une décision finale soit prise sur l'avenir de ce site.

On peut s'étonner que le rapport, publié en juin, de la commission nationale d'évaluation ait conclu que le site de Bure présentait les caractères requis pour recueillir un tel stockage, ce qui semble pour le moins prématuré et peut susciter des inquiétudes chez les populations riveraines.

Au-delà de ces questions essentielles, sur le plan tant du financement que des choix stratégiques liés, notamment, à la directive européenne, l'information de nos concitoyens est un autre point qu'il me semble indispensable d'aborder aujourd'hui.

De plus en plus sensibles à leur environnement en même temps que particulièrement attentifs aux risques industriels et technologiques, les Français exigent, à bon droit, une information exhaustive et des renseignements transparents.

Vous venez, mes chers collègues, d'intégrer la Charte de l'environnement, en particulier son article 5, dans la Constitution : la concertation est donc plus que jamais de rigueur.

A ce propos, je souhaiterais savoir où en est le projet de loi sur la transparence nucléaire. Ce texte, préparé lors de la précédente législature, devait être suivi par Mme Bachelot et il devrait l'être maintenant par vous, monsieur Lepeltier. Comme la Cour des comptes, je m'interroge - et je vous interroge - sur la non-inscription à l'ordre du jour parlementaire de ce texte, qui devrait étendre les droits à l'information du citoyen et créer un Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire.

Pourquoi, messieurs les ministres, un tel « saucissonnage » s'agissant de textes portant sur des enjeux aussi importants quant à l'avenir énergétique de la France ? Aujourd'hui, une question orale avec débat - sur l'initiative, et je l'en remercie, de notre collègue Henri Revol -, demain le projet de loi d'orientation sur l'énergie : à quand le projet de loi sur la transparence nucléaire ?

La seule restriction que j'émettrai à propos du rapport de nos collègues députés concerne le rôle que ces derniers voudraient faire jouer à l'ANDRA dans l'information des citoyens.

On ne peut, en effet, être juge et partie, raison pour laquelle j'ai suggéré, lors de la présentation de ce rapport, la création d'une autorité indépendante des opérateurs. C'est un point important pour l'acceptabilité sociale, évoquée par plusieurs de mes collègues, notamment pour éviter d'entretenir des craintes irrationnelles qui pourraient devenir le fonds de commerce de certains. J'ai ainsi en mémoire un précédent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les craintes irrationnelles suscitées par les antennes relais de téléphonie mobile ; cela pourrait se reproduire avec les laboratoires enfouis...

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la gestion des déchets radioactifs soulève non pas une seule question mais bien plusieurs problématiques, auxquelles les politiques doivent apporter des réponses. Ces réponses, il appartient aujourd'hui au Gouvernement, messieurs les ministres, de les fournir.

Ainsi, quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux préconisations contenues dans le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, quels financements envisage-t-il, et comment compte-t-il assurer l'information de nos concitoyens ?

Il y a moins d'un an, un ministre nous assurait qu'il n'y aurait pas de privatisation d'EDF parce que, EDF, c'est le nucléaire et qu'une centrale nucléaire n'est pas un central téléphonique. Il ajoutait : « Un Gouvernement ne prendra jamais le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires. »

On sait aujourd'hui ce qu'il en est, et vous conviendrez, messieurs les ministres, de la légitimité de nos interrogations de l'époque comme vous comprendrez nos inquiétudes d'aujourd'hui.

Il faut que les orientations de la France en matière de stockage soient rapidement et clairement définies.

Pour ma part, j'estime qu'il faut que le traitement et l'entreposage des déchets radioactifs échappent à la logique du marché : la seule solution est qu'ils soient réalisés par une filiale à 100 % publique. C'est en effet la condition indispensable à la bonne gestion de ces déchets, dont la durée de vie dépasse tout ce que nous avons eu à gérer jusqu'alors.

La question de la gestion des déchets nucléaires rejoint aussi, sur le plan international, celle de la crédibilité de la politique énergétique de la France, qui vient de lancer le programme EPR et dont la production électrique est pour les trois quarts d'origine nucléaire. On comprend, dès lors, que les propositions de la France revêtent, par rapport à la Commission de Bruxelles, un caractère essentiel.

Jusqu'à quel point la poursuite du programme nucléaire est-elle soutenable au regard de nos engagements en matière de développement durable ? Qu'adviendra-t-il des moyens de financement à l'heure de l'ouverture du capital des entreprises contrôlées par l'Etat ? Les exploitants pourront-ils faire face à leurs obligations pour respecter le principe « pollueur-payeur », et quelles contraintes pèseront sur eux lors de l'ouverture de leur capital ?

Messieurs les ministres, pouvez-vous nous donner l'engagement que les financements seront non seulement assurés mais aussi suffisants au vu des actuelles provisions réalisées ?

Voilà autant de questions, messieurs les ministres, auxquelles je souhaite vous entendre répondre à l'occasion de ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis personnellement très favorable à l'énergie nucléaire. Je pense même que les pouvoirs publics devraient lancer un nouveau programme de construction de centrales car, faute d'agir maintenant, nous risquons, dans quelques années, de nous trouver confrontés à d'importantes difficultés pour subvenir à nos besoins énergétiques.

Cela étant, on peut très bien être à la fois un partisan des centrales nucléaires et un ferme opposant à l'enfouissement irréversible des déchets radioactifs : c'est mon cas !

Lors du vote de la loi Bataille, j'étais député et j'avais, par voie d'amendement, fait interdire l'enfouissement irréversible de déchets chimiques. Quelques années plus tard, à l'occasion de l'examen d'une autre loi, l'Etat avait fait supprimer cette disposition afin de permettre l'enfouissement irréversible de déchets chimiques dans les anciennes mines de potasse d'Alsace.

Or on voit aujourd'hui quel est le résultat de cet enfouissement irréversible : il engendre des situations inextricables de pollution dans le secteur des mines de potasse d'Alsace.

Pour les produits radioactifs, le risque est, à l'évidence, bien supérieur. Je considère donc que nous n'avons manifestement pas le droit de léguer aux générations futures une sorte de bombe à retardement. Les déchets doivent être gérés différemment, c'est-à-dire de façon maîtrisée, la seule solution dans l'immédiat étant le stockage réversible.

On m'objectera que, finalement, on peut faire de l'enfouissement réversible. Et, dans ce cas, pourquoi ne pas faire du stockage en surface ? Mais il est évident, et cela ne trompe personne, que ceux qui veulent faire de l'enfouissement n'ont nullement l'idée de faire du stockage réversible pour lequel il suffirait d'empiler en surface, et que les études conduites sous couvert de faire de l'enfouissement réversible portent en réalité sur l'enfouissement irréversible.

M. Henri Revol. N'importe quoi !

M. Jean Louis Masson. Si tel n'était pas le cas, je ne vois pas l'intérêt qu'il y aurait de creuser à mille mètres sous terre, comme des taupes, pour stocker de manière réversible ce qui pourrait tout aussi bien l'être en surface ou à une dizaine de mètres sous terre !

Manifestement, en ce domaine comme en bien d'autres, il est inadmissible que les institutions européennes veuillent, en bafouant la volonté nationale, forcer la main aux Etats membres et à la France et leur imposer une solution.

J'ajoute qu'à titre personnel je ne m'en étonne pas car cela ne fait que conforter le jugement que je porte sur un certain nombre de décisions prises à l'échelon européen : je pense, entre autres, à la directive Bolkestein.

Lors du vote de la loi Bataille, nous avions proposé trois solutions.

Nous avions envisagé, tout d'abord, la destruction, la transmutation des déchets radioactifs ; ensuite, le stockage réversible en surface ; enfin, l'enfouissement, soit réversible, soit irréversible, étant précisé, comme vous l'avez sans doute compris, que je ne me fais pas d'illusion sur la réversibilité à terme.

Peut-être l'enfouissement sera-t-il, dans un premier temps, réversible, mais il est évident que, dès lors que l'on creuse à cinq cents ou six cents mètres, des tassements sont à attendre, en raison des mouvements de terrain. Il ne faut donc pas rêver : l'enfouissement à plusieurs centaines de mètres sous terre finira par être irréversible.

A long terme, la solution d'avenir est incontestablement, à mes yeux, la transmutation et ce que l'on a pu appeler « l'incinération des déchets radioactifs ».

Malheureusement, la plupart des pays - la position de la France est d'ailleurs à cet égard relativement méritoire - n'ont pas suffisamment misé sur cette solution à long terme et préfèrent, comme le souhaitent au demeurant les instances européennes, que l'on aille au plus facile, autrement dit au stockage souterrain : il est tellement plus simple d'enterrer n'importe quoi, de nous laver les mains, et d'obliger nos enfants et petits-enfants à se salir ensuite les leurs pour régler les problèmes que nous leur aurons légués !

La solution dans laquelle nous devons nous impliquer et nous engager est, à long terme, la transmutation et, en phase intermédiaire, le stockage réversible. A partir de là, je ne vois pas de raison de stocker à trois cents mètres ou à cinq cents mètres sous terre. Dès lors que l'on opte pour le stockage réversible, on peut se contenter de stocker à une dizaine de mètres sous terre, voire en surface. A n'en pas douter, sachant que plus l'enfouissement est profond et moins il est réversible, ceux qui veulent absolument creuser au plus profond ont une idée derrière la tête !

Ce problème implique que la France se montre beaucoup plus ferme au niveau européen. Au moment où tout le monde proteste contre la directive Bolkestein, il ne faut pas se moquer du monde ni oublier qu'elle a été votée par les représentants de la France, notamment par M. Barnier, qui était alors commissaire européen ! Je ne voudrais pas que l'on nous fasse le même coup et que, après avoir laissé passé une directive à mon sens inacceptable, on impute la responsabilité du stockage souterrain à l'Europe !

J'évoquerai à ce sujet un second problème : au moment du vote de la loi Bataille, les pouvoirs publics nous avaient « juré, craché » qu'aucun site n'était prédéterminé, que l'on en étudierait au moins deux, sinon trois, et que ce ne serait qu'après les avoir tous étudiés qu'un choix serait arrêté.

Je considère qu'en l'occurrence on s'est complètement moqué du monde puisque, après avoir amadoué les habitants voisins du premier site, Bure, en leur assurant que les études se poursuivraient sur les autres sites les années suivantes, on a conclu dix ans plus tard - c'est une réponse qui m'a été faite - que des études étant engagées à l'étranger et qu'il n'était pas nécessaire de les poursuivre sur les autres sites français.

Ce n'est pas satisfaisant ! Comment voulez-vous que les populations aient confiance dans le système politique français ? On fait passer des lois moyennant de grandes promesses... dont tout le monde se moque une fois la loi votée et on fait exactement le contraire de ce qu'elle prévoit !

C'est une véritable tromperie à l'égard des populations, et les habitants du secteur de Bure ont, quelle que soit leur position sur le fond, parfaitement raison de s'insurger : on s'est littéralement moqué d'eux en leur disant pour calmer le jeu que le choix du site n'était qu'éventuel alors que l'on n'a finalement misé que sur lui.

Je souhaiterais donc que l'on tienne les engagements pris.

Premièrement, je demande que plusieurs sites soient étudiés et que, aussi longtemps qu'ils ne le seront pas, rien ne soit décidé. Bien que je sache que les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent, dès lors que l'on avait pris des engagements en ce sens, j'estime qu'ils doivent être tenus, notamment à l'égard des habitants du secteur de Bure.

Deuxièmement, je pense que la France, dont la logique et la politique sont très méritoires en termes de recherche sur la transmutation, doit se monter d'une extrême fermeté au niveau européen. En effet, contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, la politique européenne en la matière n'est pas du tout satisfaisante.

J'admets volontiers que l'on veuille obliger les Etats, comme le fait avec raison l'Union européenne, à fixer une politique de gestion des déchets radioactifs, car c'est tout à fait fondamental. En revanche, je trouve inadmissible qu'en ce domaine comme en beaucoup d'autres l'Union européenne veuille mettre son nez partout et décider quelle solution chaque Etat doit mettre en oeuvre pour régler le problème de la gestion des déchets radioactifs.

M. Gérard Le Cam. C'est vrai !

M. Jean Louis Masson. Il y là deux niveaux d'intervention sur lesquels la France doit se battre pour faire prévaloir son point de vue et manifester la force de son attachement à la recherche de solutions alternatives, et surtout à l'exclusion de toute solution qui, irréversible, présenterait des dangers extrêmement importants pour les générations futures.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que le Parlement poursuit l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, la question de l'avenir de notre parc nucléaire se pose. Elle concerne en particulier les déchets, ou ce que l'on peut appeler les « résidus » radioactifs, et doit être appréhendée à l'horizon de plusieurs milliers d'années.

Ces déchets radioactifs proviennent principalement de la production d'électricité, de certaines activités médicales et de certaines industries.

Classés selon l'intensité de la radioactivité et la période radioactive des produits, ces déchets portent sur des volumes très faibles en comparaison des autres déchets. Mais, bien évidemment, leur dangerosité est bien différente puisque les déchets de haute activité, provenant de la production d'énergie nucléaire, restent dangereux pendant des milliers d'années, comme cela a été dit à plusieurs reprises.

Il faut aussi rappeler que les cinquante-huit réacteurs nucléaires français produisent environ un kilo par an de déchets radioactifs, contre 2 500 kilos par an et par personne de déchets industriels, dont 100 kilos de déchets chimiques toxiques. Je le précise pour relativiser les choses.

Sur la période 1995-1999, la Commission européenne estime que la France a produit quelque 700 mètres cubes de déchets de haute activité.

Dès le début de la mise en oeuvre de son programme électronucléaire, la France a choisi de retraiter ses combustibles irradiés. La loi du 31 décembre 1991, dite « loi Bataille », que tous les intervenants ont évoquée, prévoit plusieurs voies de recherche pour la gestion des déchets nucléaires, et notamment le stockage en profondeur dans des formations géologiques stables situées entre 400 mètres et 600 mètres de profondeur.

Aux termes de cette loi, en 2006, le Gouvernement devra transmettre au Parlement un rapport afin que ce dernier puisse décider en connaissance de cause les modalités du stockage. Le vote d'une telle loi n'empêchera naturellement pas de continuer les recherches après 2006...

Tous les pays qui se préoccupent du devenir de leurs déchets radioactifs ont admis la nécessité de créer des laboratoires spécifiques pour tester le comportement des différents milieux. Près d'une vingtaine de laboratoires existent aujourd'hui dans le monde, implantés en Allemagne, en Belgique - j'en ai visité -, au Canada, au Japon, aux Etats-Unis, et dans d'autres pays.

Pour l'étude du stockage en profondeur, la France a opté pour deux laboratoires, dans le respect de la loi de 1991.

En 1998, le Gouvernement - il était nouveau à l'époque - a rendu publique la décision de créer un laboratoire en site argileux à Bure, commune située dans la Meuse dont parlait tout à l'heure Gérard Longuet, et la décision de rechercher un deuxième site en terrain granitique.

Je rappelle qu'aucun déchet n'est stocké dans les laboratoires, dont la mission est essentiellement une mission d'étude.

Ces laboratoires, toujours selon la loi, travailleront jusqu'en 2006, le Parlement devant alors décider du stockage profond ou de la poursuite des recherches. Ce n'est qu'à cette condition que l'on pourra construire un centre de stockage.

La construction du laboratoire de Bure a pris du retard pour les raisons évoquées par les précédents orateurs.

Quant aux sites en terrain granitique, sur les trois cent cinquante qui ont été identifiés initialement, quinze ont reçu un avis favorable de la commission nationale d'évaluation. Ils ont ensuite été soumis à la concertation, sous l'égide d'une mission, l'objectif étant d'expliquer le projet et de recueillir les avis auprès des acteurs locaux concernés.

Cette mission a rendu un rapport dans lequel elle a constaté une grande difficulté à assurer la concertation, et il est vrai, comme le disait notre collègue Henri Revol, que l'on a alors pu constater que les laboratoires de recherche souterrains avaient pris un certain retard.

Par conséquent, messieurs les ministres, il est aujourd'hui légitime de se demander s'il ne faudrait pas revenir sur la procédure de sélection du site en sol granitique.

En effet, le 6 décembre 1993, le conseil général du département de la Vienne, dont je suis l'élu, a décidé à l'unanimité - j'y insiste -, avec le soutien du conseil régional, de présenter la candidature du département de la Vienne à l'implantation d'un laboratoire de recherche souterrain sur le site d'une petite commune, La Chapelle-Bâton. C'était là une décision courageuse, comme à Bure.

Quelques jours plus tard, le 20 décembre, le Gouvernement a arrêté le choix de quatre sites potentiels en France - dans les départements de la Vienne, du Gard, de la Haute-Marne et de la Meuse - sur les trente candidatures présentées.

La procédure s'est alors mise en route avec les collectivités concernées, les communes et le conseil général. L'acquisition des terrains et l'exécution des travaux préliminaires ont été entrepris, créant une forte activité économique, laquelle était très attendue dans le sud du département de la Vienne.

Les travaux de reconnaissance géologique conduits par l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, en 1994 et 1996, ont mis en évidence les caractéristiques suivantes pour le site de la Vienne : le massif granitique est profondément enraciné ; les écoulements hydrogéologiques y sont lents et limités ; ses propriétés mécaniques et thermiques sont favorables ; la sismicité y est de faible intensité.

Sur la base de ces bons résultats, l'ANDRA a déposé, en juillet 1996, un dossier de demande d'autorisation d'installation et d'exploitation d'un laboratoire de recherche souterrain dans la Vienne.

Cette opération a brutalement pris fin, à la suite du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 9 décembre 1998, au cours duquel le gouvernement de l'époque a décidé d'arrêter le laboratoire souterrain de La Chapelle-Bâton, suivant en cela les recommandations de la commission nationale d'évaluation.

De l'avis général, les raisons de cette décision sont pour le moins obscures. Sont-elles uniquement d'ordre technique ?

J'ajoute que cet arrêt a provoqué un certain émoi dans les communes concernées, d'autant que le projet avait recueilli une très large adhésion de la part des élus, des associations et de la population.

Par conséquent, compte tenu de l'impasse actuelle, je souhaiterais savoir, messieurs les ministres, si vous envisagez de reprendre le dossier et de rouvrir la procédure de sélection pour l'implantation d'un laboratoire de recherche souterrain en sol granitique, afin de permettre, dans ce cadre, une analyse approfondie de la candidature du département de la Vienne.

J'espère que vous nous apporterez une réponse positive sur ce dossier, et je vous en remercie d'avance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les propos qu'a tenus mon collègue Daniel Raoul, qui vous a parfaitement indiqué notre position sur le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et sur les objectifs fixés par la loi Bataille du 30 décembre 1991.

Vous le savez, le département du Gard, dont je suis l'élu, a accueilli le site de Marcoule en 1954, sur la commune de Chusclan, dans le cadre du premier plan quinquennal de développement de l'énergie atomique, afin de produire du plutonium pour les besoins de la défense nationale et, parallèlement, de l'électricité.

Que reste-t-il cinquante ans après ?

Les décisions d'arrêt des productions de matières fissiles - décisions qui ont provoqué l'arrêt définitif des usines de production du plutonium à Marcoule - ont lancé les programmes d'assainissement et de démantèlement.

La loi Bataille, citée par tous nos collègues, prévoyait la mise en place de laboratoires souterrains afin de créer des centres de stockage.

A cet égard, en tant que sénateur du Gard, c'est avec envie que j'ai écouté mes deux collègues sénateurs de la Meuse. En effet, le projet prévu sur le site de Marcoule n'a malheureusement pas été retenu, alors qu'il était soutenu par les parlementaires gardois de l'époque, dont j'étais, par le conseil régional à l'unanimité, par le conseil général, ainsi que par les communes locales.

Je préfère ne pas m'attarder sur les raisons de ce refus, lesquelles, en tout état de cause, ne relevaient pas seulement de l'objectivité technique.

La loi prévoyait au moins deux sites. Il n'est peut-être pas trop tard pour bien faire ! A cet égard, mon intervention va dans le même sens que celle de mon collègue Alain Fouché, qui représente ici le département de la Vienne.

Un seul laboratoire a été retenu, celui de la commune de Bure, dans le département de la Meuse, où les travaux sont en cours.

Depuis cette décision, l'avenir du site de Marcoule réside dans des opérations de démantèlement et dans la mise en place d'un pôle de technologie qui se fait attendre. Encore faudrait-il que les engagements de chacun des partenaires soient clairement définis et tenus !

A cet égard, je vous rappelle, monsieur le ministre, que je vous ai interrogé sur ce sujet en octobre 2004, lors d'une séance de questions orales sans débat, puis par courrier, après la publication du rapport de la Cour des comptes émettant les plus grandes réserves quant aux capacités du CEA et d'EDF à financer les opérations de démantèlement.

En effet, aux yeux de la Cour des comptes, les conséquences financières des obligations du CEA et d'EDF en matière de démantèlement et de gestion de leurs déchets risquent d'être mal assurées dans le cadre d'une ouverture du capital d'AREVA et d'EDF, face à des marchés devenus fortement concurrentiels, et la charge pourrait en rejaillir, au bout du compte, sur l'Etat.

Si l'Etat seul peut se porter garant in fine au regard des enjeux et des risques dans le domaine nucléaire, la crédibilité de ce secteur implique que les engagements futurs soient assumés techniquement et financièrement et que, dans la mesure du raisonnable, les coûts encourus soient non pas transférés, mais supportés par les consommateurs actuels.

Votre réponse, à l'époque, ne faisait part d'aucun financement garanti et ne précisait bien évidemment aucun chiffre.

Selon une étude de l'INSEE, publiée par le quotidien Le Monde du 2 mars 2005 et relative au déficit public, une soulte de 1,6 milliard d'euros aurait été versée par EDF et par la COGEMA au CEA au titre du démantèlement du site nucléaire de Marcoule. Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui cette information ?

En effet, certains aspects non négligeables du démantèlement n'ont pas été intégrés dans le devis initial, à savoir la déconstruction des bâtiments ainsi que - M. le ministre de l'écologie et du développement durable y sera sensible - la dépollution des sols. Il appartiendra donc à l'Etat d'en assumer la responsabilité et le financement si EDF et COGEMA sont libérés de leurs obligations.

Comme vous le voyez, messieurs les ministres, de nombreuses questions fondamentales se posent, auxquelles il faudra bien apporter des réponses détaillées, assorties de garanties.

C'est pourquoi j'ai déposé, avec un certain nombre de mes collègues, une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sénatoriale, dans le cadre de la commission des affaires économiques et du Plan, afin de vérifier les engagements d'EDF, d'AREVA et du CEA.

La commission n'a pas retenu cette idée au motif, notamment, que « les missions portent habituellement sur des sujets plus amples... » Si l'avenir des déchets nucléaires n'est pas un sujet d'ampleur nationale, c'est que la politique énergétique de la France n'est vraiment pas une priorité !

On ne peut que regretter cette position de la commission, qui ajoute un peu plus de flou à l'état d'opacité actuel sur l'avenir de la gestion des déchets nucléaires en France.

Lors de votre visite sur le site de Marcoule, monsieur le ministre, le 18 mars dernier, pour soutenir le pôle de compétitivité - que je soutiens également, avec l'ensemble des élus et acteurs locaux -, vous avez déclaré : « Marcoule est le leader mondial pour les technologies du démantèlement, et c'est à Marcoule qu'il y a des projets considérables. Le pôle TRIMATEC - Tricastin, Marcoule Technologies - est un très bon projet que je vais soutenir ».

Je ne doute pas de votre sincérité et vos déclarations montrent bien que le secteur nucléaire est un atout à portée internationale. L'Etat a donc le devoir d'obtenir toutes les garanties des entreprises partenaires afin que les financements importants dans ce domaine ne reposent pas uniquement sur les contribuables. Il est nécessaire de définir une politique énergétique claire. Mais nous en reparlerons, début mai, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'énergie.

Avant d'achever mon propos, je retiendrai particulièrement la recommandation 7 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, laquelle précise que « La création d'un fonds dédié pour le financement des recherches sur les déchets radioactifs et de leur gestion industrielle, placé sous la responsabilité de l'Etat et collectant les contributions des producteurs de déchets, devrait être décidée par le Parlement afin d'apporter les garanties à long terme de financement des efforts nécessaires. »

Un tel fonds aurait le mérite de clarifier et de garantir le montage financier du démantèlement et du traitement des déchets.

Sur ce point, en particulier, nous attendons votre point de vue avec impatience et intérêt, messieurs les ministres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, je constate que vous êtes présents sur tous les fronts en ce moment ! (Sourires.) Au demeurant, je me réjouis personnellement que vous soyez partie prenante dans tous les secteurs d'activités !

En matière de gestion des déchets nucléaires, je vous entretiendrai non pas du « principe de précaution », de nature à alarmer encore certains sénateurs qui ne sont pas encore convaincus qu'il s'agit à la fois d'une impérieuse nécessité pour la santé environnementale et d'une opportunité pour la recherche, mais simplement du « principe de prévision ».

Comment considérerait-on une femme ou un homme effectuant des travaux ménagers et qui pousseraient sous le lit, jour après jour, le résultat de leur balayage ?

Quel avenir aurait un éleveur qui laisserait s'accumuler devant sa porcherie des tonnes de lisier ?

Et que penserait-on d'ingénieurs et de pouvoirs publics qui mettraient en circulation des avions, condensés technologiques de pointe, sans les pourvoir de services de maintenance et sans bâtir au sol les pistes adaptées ?

C'est pourtant ainsi que furent autorisées et construites nos centrales nucléaires : aucune solution n'avait été prévue pour le stockage et le traitement des déchets !

Dès le début, les associations écologistes, puis les Verts, ont alerté les pouvoirs publics et la société civile sur les risques encourus : accidents aux conséquences irrémédiables à l'échelle de milliers d'années, menaces pour les travailleurs, problème du transport de combustible, dépendance pour la fourniture d'uranium, opacité, liens étroits avec le nucléaire militaire, risque de dissémination de la technologie et, bien sûr, héritage funeste pour les générations futures avec les déchets.

Ceux qui, hier, s'en gaussaient et promettaient la vitrification totale pour les mois suivants et la transmutation les années suivantes sont désormais plus modestes. Les recherches se multiplient, les rapports s'accumulent : le rapport Le Déaut du 21 avril 1992, le rapport Bataille de 1990, le rapport Bataille de 1996. Mais, hormis quelques préconisations, toujours pas de solution, rien en vue !

En janvier 2005, la Cour des comptes a évoqué, au-delà du domaine sanitaire et environnemental, les risques économiques et financiers : où sont les provisions pour le démantèlement et la gestion des déchets des principaux opérateurs ? Et que deviendront-elles dans le cadre des ouvertures de capitaux dans des marchés concurrentiels ?

Monsieur le ministre, à une question écrite qui vous était posée par ma collègue Marie-Christine Blandin, vous avez apporté la réponse suivante, publiée dans le Journal officiel du 7 avril 2005 : « Cette responsabilité se matérialise dans les comptes par la comptabilisation au passif de ces entreprises -principalement le CEA, EDF et AREVA - de provisions pour charges nucléaires de long terme ». En clair, ces opérateurs ne disposent manifestement pas des fonds suffisants, à l'heure actuelle, pour la gestion des déchets nucléaires !

Pour faire face à cette lacune, vous révélez que ce n'est qu'au dernier trimestre 2004 qu'un groupe de travail réunissant les producteurs de déchets, l'ANDRA et les administrations concernées a été mis en place afin d'élaborer « un référentiel partagé d'évaluation des charges de traitement des déchets ». Certes, c'est une bonne initiative, mais elle risque d'être vaine.

En effet, si l'on sait que, pour les soixante-dix ans à venir, le démantèlement et le traitement des déchets en France devraient coûter quelque 63 milliards d'euros, on ne sait toujours pas combien coûtera l'enfouissement profond des déchets les plus dangereux. Il paraît donc difficile de dédier des actifs lorsque l'on ne dispose pas de données précises quant à la somme à économiser.

Enfin, s'agissant de l'état des recherches en la matière, vous précisez, monsieur le ministre, que « la définition de la solution technique de gestion pour les déchets radioactifs est liée aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à longue vie encadrés par la loi du 30 décembre 1991 ». Quel aveu !

Le dernier rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de MM. Christian Bataille et Claude Birraux, publié le 15 mars 2005, met en perspective une loi pour 2006. Mais sur quelles bases ? Le contenu du rapport est éloquent : il acte le fait que, en matière de gestion des déchets, parmi les trois pistes, ni la transmutation, ni l'enfouissement géologique, ni la gestion de surface ne sont au point et ne suffiront.

En 1991, on promettait des recherches pour trouver la meilleure solution. En 2005, s'agissant de la transmutation, on dit qu'il « reste à passer à la phase industrielle », ce qui ne devrait pas être atteint avant 2040, et, s'agissant du stockage géologique, il est écrit, à la page 51 du rapport, qu'« il reste des incertitudes à lever sur la faisabilité » et, à la page 59, que « l'évaluation de la sûreté globale du conditionnement de surface reste à parachever ».

Malgré ce constat très mitigé, on conclut sur la nécessité pour le Parlement de poursuivre ces trois pistes de recherche.

Le Graal de la transmutation risque une fois de plus de vampiriser tous nos crédits de recherche en matière d'énergie aux dépens de l'efficience, des process économiques et des modes renouvelables de production.

Chaque année s'accumulent 110 mètres cubes de déchets de haute activité à vie longue, 600 mètres cubes de déchets de moyenne activité à vie longue et 28 000 mètres cubes de déchets de moyenne ou faible activité à vie courte. Par habitant, chaque année, c'est un kilo de déchets nucléaires qui est produit.

Alors qu'AREVA pollue les écrans de télévision avec une publicité à la limite de la propagande, alors qu'EDF est devenu le chantre de l'alerte sur l'effet de serre depuis qu'elle n'a presque plus de centrales thermiques, nous, écologistes, considérons que les déchets nucléaires hypothèquent gravement l'avenir des générations futures et représentent un risque majeur, aussi grave que l'effet de serre et, de plus, irréversible.

C'est pourquoi les Verts restent opposés au nucléaire tant civil, que militaire, ainsi qu'à toute mesure irréversible d'enfouissement.

La septième recommandation du rapport Bataille qui prévoit « un fonds dédié aux recherches sur les déchets et leur gestion, alimenté par les producteurs de déchets » est bien le moindre des engagements que l'on puisse exiger de ceux qui nous mettent, aujourd'hui et pour l'avenir, en péril !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, mesdames, messieurs les sénateurs, un travail important dans le domaine de l'énergie a été entrepris depuis 2002 par ce gouvernement. Il a déjà conduit à l'adoption de la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières et à l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Une nouvelle échéance nous attend en 2006. En effet, à cette date, conformément aux dispositions de la loi du 30 décembre 1991, les résultats des recherches menées depuis quinze ans sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue seront présentés au Parlement et donneront lieu à l'examen d'un projet de loi.

La définition de solutions de gestion sûres et pérennes pour tous les déchets radioactifs est une préoccupation importante des pouvoirs publics, des industriels du secteur et de nos concitoyens, comme en attestent régulièrement les sondages d'opinion.

Comme l'a rappelé M. Revol, pour 95 % des déchets radioactifs, des solutions sûres et définitives existent déjà. Les 5 % restants, les déchets de haute activité et les déchets de moyenne activité à vie longue, sont entreposés à La Hague, dans la Manche, ou à Marcoule, dans le Gard, dans des installations sûres mais qui ne sont pas définitives. C'est pourquoi d'autres solutions doivent être recherchées, et tel était précisément l'objet de la loi du 30 décembre 1991.

La question des déchets de haute activité à vie longue se pose d'ailleurs quelle que soit la place du nucléaire dans notre futur bouquet énergétique. En effet, il existe déjà des déchets radioactifs : ils ont été produits depuis plus de quarante ans par le parc électronucléaire, les installations du cycle du combustible ou les établissements de recherche français ; il nous faut les gérer de façon pérenne et sûre.

En 1991, c'est déjà l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, qui avait inspiré la loi relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Par la suite, l'OPECST a suivi de très près l'avancée de ces recherches et a mené de multiples travaux qui ont permis de faire progresser cette problématique complexe. Aujourd'hui, quatorze ans plus tard, l'OPECST vient de publier un rapport prévoyant une loi en 2006 sur la gestion durable des déchets radioactifs.

Avant toute chose, je tiens à féliciter MM. Birraux et Bataille, qui, comme à leur habitude, à l'issue d'un travail considérable, ont rédigé un rapport de grande qualité.

M. Yves Fréville. Très bien !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Leur présence aujourd'hui dans les tribunes du public atteste de la conscience professionnelle qui les caractérise : ils sont extrêmement attentifs à tout ce qui se passe dans ce domaine.

Ce rapport réalise une synthèse de l'état des connaissances scientifiques et techniques, et il présente également une liste de recommandations claires.

Conscients que la question des déchets radioactifs dépasse largement le cadre de notre pays, MM. Birraux et Bataille ont dressé un panorama international de l'avancement des travaux dans ce domaine.

A n'en pas douter, ce rapport constitue une référence pour le Parlement, pour le Gouvernement, mais aussi, d'une façon plus générale, pour tous les citoyens intéressés par le sujet.

Dans la conclusion de leur rapport, j'ai trouvé en particulier une phrase qui synthétise de manière excellente les enjeux éthiques de ce sujet : « Il nous appartient, après avoir bénéficié de l'électricité nucléaire, de mettre en place le plus vite possible des solutions opérationnelles correspondant à la sûreté maximale. »

La définition d'une solution de gestion sûre et pérenne pour les déchets radioactifs relève en effet de la responsabilité de notre génération, puisque c'est nous qui avons profité d'une source d'énergie importante, de l'accès à un kilowattheure compétitif, d'une émission limitée de gaz à effet de serre et d'un taux d'indépendance énergétique élevé.

Permettez-moi tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, de rappeler le calendrier qui va nous conduire jusqu'à la discussion du projet de loi au deuxième trimestre de 2006.

Pendant quatorze ans, des recherches ont été menées par des équipes de très haut niveau. Près de 2,5 milliards d'euros ont déjà été investis dans les trois axes de recherche suivants : 800 millions d'euros s'agissant de la transmutation, 1 milliard d'euros s'agissant du stockage géologique et 700 millions d'euros s'agissant de l'entreposage de longue durée.

La qualité et l'importance du travail scientifique mené nous permettront d'être au rendez-vous politique de 2006. Mais d'ici là, plusieurs étapes importantes nous attendent.

Les rapports de synthèse des organismes de recherche seront rendus publics en juin 2005. Ces travaux seront évalués à la fois par la commission nationale d'évaluation, la CNE, qui a été créée par la loi de 1991, par une revue d'experts de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, et enfin par l'Autorité de sûreté nucléaire. Sera également organisé un débat public à l'automne 2005, dont le bilan sera dressé en janvier 2006.

Sur la base de tous ces éléments, le Gouvernement pourra finaliser en toute connaissance de cause, au premier trimestre de 2006, le projet de loi prévu par la loi de 1991. Ce projet de loi sera présenté et discuté au Parlement au deuxième trimestre de 2006, marquant ainsi l'entrée dans le temps de la décision.

Je reviendrai un instant sur ce débat public.

Comme je l'ai annoncé à l'occasion des auditions organisées par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en janvier et en février dernier, le ministre de l'écologie et du développement durable et moi-même avons saisi la commission nationale du débat public, la CNDP, pour qu'elle organise un débat public sur la gestion des déchets radioactifs.

En effet, un tel sujet ne doit pas être réservé à de petits cercles d'experts, industriels ou associatifs. Il est important que chaque citoyen puisse s'informer des enjeux nationaux qui s'attachent à la gestion des déchets.

A cet égard, la CNDP nous a paru être, à Serge Lepeltier et à moi-même, l'instance la mieux à même de garantir un débat public équilibré sur cette question.

Ce sera un débat non pas sur un projet particulier d'installation, mais sur des options générales, ainsi que le prévoit l'article L. 121-10 du code de l'environnement. Ce débat se déroulera à l'automne 2005. Il doit permettre à nos concitoyens de s'informer et de s'exprimer sur un sujet qui les préoccupe, mais qui reste mal connu et n'est pas assez expliqué, comme le souligne d'ailleurs très justement le rapport des députés Birraux et Bataille.

Je souhaite que ce débat public permette, dans la transparence et l'équité, d'informer et d'entendre le plus grand nombre de personnes et d'éclairer ainsi très utilement nos concitoyens. Mais, j'y insiste, en 2006, c'est au Parlement, et à lui seul, qu'il reviendra, sur la base des propositions du Gouvernement, de prendre la décision finale.

J'en viens maintenant aux grandes lignes du projet de loi que le Gouvernement aura à élaborer.

Ainsi que je vous l'ai déjà dit, il est trop tôt pour indiquer les dispositions exactes que contiendra ce projet de loi : il faut attendre les rapports de recherche, les évaluations scientifiques et le débat public. Je me bornerai donc à en tracer les grandes lignes.

Ce projet de loi couvrira bien entendu les aspects techniques de la gestion des déchets radioactifs. Il conviendra, en effet, de déterminer les décisions ou les orientations qui pourront être prises sur la base des résultats des recherches effectuées. Il faudra aussi définir la stratégie de recherche pour les études restant à mener au-delà de 2006.

Outre les aspects techniques, la mise en place de solutions de gestion des déchets radioactifs ne peut se concevoir sans avoir défini les outils d'évaluation, d'information et de décision.

La loi de 1991 avait prévu de tels outils : ils devront être maintenus et, si possible, améliorés. Je pense, en particulier, à la commission nationale d'évaluation, aux comités locaux d'information et aux procédures réglementaires qui doivent inclure la consultation des collectivités territoriales et des enquêtes publiques.

Enfin, si la politique de gestion des déchets radioactifs est définie au niveau national, elle se décline également au niveau local.

La loi du 30 décembre 1991 avait déjà prévu des dispositions d'accompagnement économique pour les territoires accueillant un laboratoire souterrain de recherche. Celles-ci ont conduit à la mise en place de deux groupements d'intérêt public, les GIP de Meuse et de Haute-Marne, dotés, ainsi que M. Biwer l'a rappelé, de moyens financiers conséquents : 9,2 millions d'euros par an.

En tirant les enseignements de l'expérience acquise par ces structures, nous devrons prévoir dans le projet de loi des dispositions visant à exprimer notre juste reconnaissance à l'égard des territoires qui participent à la mise en place de la politique nationale de gestion des déchets radioactifs.

J'ai demandé aux préfets concernés d'animer un groupe de réflexion, qui associera les élus de Meuse et de Haute-Marne, sur les améliorations à apporter au dispositif d'accompagnement. De plus, monsieur Longuet, pour répondre aux propos un peu « crus » - mais parfaitement justes - que vous avez tenus,...

M. Gérard Longuet. C'est mon franc-parler !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... je vous indique que j'ai également personnellement demandé aux industriels du secteur nucléaire - EDF, AREVA, et plus particulièrement CEA - de développer dès cette année des projets concrets. Soyez assuré de ma détermination à ce sujet !

J'évoquerai pour finir les recommandations formulées par les députés Birraux et Bataille dans leur récent rapport

Pour élaborer ce projet de loi, le rapport de l'Office parlementaire constituera un document de référence précieux. En effet, il n'est pas seulement une synthèse technique des travaux de recherche, il est également une force de proposition.

Les recommandations des députés Birraux et Bataille seront donc étudiées avec tout l'intérêt qu'elles méritent et je peux d'ores et déjà vous annoncer, monsieur Revol, que le Gouvernement se retrouve très largement dans ces propositions.

J'en citerai quelques exemples.

Tout d'abord, le Gouvernement partage la vision qui est exprimée par le rapport concernant l'articulation entre les trois axes de recherche définis par la loi du 30 décembre 1991 : ils ne doivent pas être considérés comme des voies concurrentes et exclusives les unes des autres, mais plutôt comme des éléments complémentaires d'une stratégie globale de gestion des déchets nucléaires.

L'axe 1, la séparation-transmutation, permettra sans doute d'aller encore plus loin dans la réduction du volume ou de la durée de vie des déchets ultimes. Pour autant, il faut être réaliste et transparent : il ne permettra pas d'éradiquer tous les types de déchets. Pour les déchets ultimes résiduels, il faudra donc définir des solutions sures et pérennes à partir des potentialités de l'axe 2, c'est-à-dire le stockage géologique réversible, et de l'axe 3, l'entreposage en surface.

Dans tous les cas, l'axe 3, l'entreposage en surface, permettra de gérer les phases de transition, notamment les phases de refroidissement des déchets les plus chauds.

Ensuite, le Gouvernement partage la vision proposée sur le degré de maturité scientifique des trois axes et sur la nécessité de poursuivre les études après 2006.

Des entreposages de longue durée en surface existent déjà sur les sites industriels de La Hague et de Marcoule. L'avancement des recherches sur l'axe 3 permettrait, si la nécessité en était confirmée, de construire de nouveaux entreposages, conçus pour des durées de fonctionnement encore plus longues, dans un délai de dix ans.

Le stockage réversible en couche géologique est la voie poursuivie par la plupart des grands pays nucléarisés. Les travaux menés par l'ANDRA, aux niveaux international et national, notamment au laboratoire de Bure, devront donc se poursuivre. Si les résultats de ces travaux, jusqu'à présent positifs, se confirment dans les années à venir, la décision de création d'un stockage géologique réversible pourrait intervenir en 2015, et sa mise en oeuvre industrielle en 2025.

Enfin, il faudra encore plusieurs décennies à la voie de la transmutation pour passer du stade du laboratoire à celui du prototype, puis enfin à celui du réacteur industriel. C'est en 2040 au plus tôt que des réacteurs de transmutation, alimentés en matière par des usines de séparation poussée, pourraient être opérationnels.

Je reviens un instant sur les recherches et sur le stockage géologique pour évoquer, comme le demandait M. Fouché, la question de la nécessité éventuelle d'un second laboratoire.

Cette question importante devra être discutée en 2006. Je note que le rapport adopté par l'Office parlementaire développe les raisons juridiques, mais surtout techniques, pour lesquelles un second laboratoire ne serait pas nécessaire. Je précise à cet égard que le site granitique de La Chapelle-Bâton, dans la Vienne, n'a pas, me semble-t-il, été écarté pour des raisons politiques, mais pour des raisons techniques qui tiennent à l'appréciation sur le granite, considéré comme moins fiable que l'argile, a fortiori lorsqu'il est faillé.

Dans son rapport de décembre 1997, l'Autorité de sûreté nucléaire avait conclu, en s'appuyant sur le rapport annuel de la commission nationale d'évaluation, qu'un laboratoire sur ce site aurait peu de chances d'aboutir à des résultats positifs compte tenu du contexte hydrogéologique. Je vous confirme néanmoins, monsieur Fouché, que l'ANDRA a poursuivi ses études sur le granite, notamment au travers de collaborations internationales. Elle rendra un rapport sur le sujet en 2005 et, en attendant ses conclusions, je prends acte de la candidature de la Vienne et de celle du Gard, qui ne concerne pas le granite mais qui a aussi son intérêt.

Par ailleurs, le Gouvernement est sensible, je le dis à M. Masson, aux arguments en faveur de la réversibilité d'un stockage géologique.

M. Gérard Longuet. M. Masson n'a jamais assisté aux auditions organisées par le groupe de travail !

M. le président. Mais il est polytechnicien ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En tout cas, il a dit que, plus on creusait...

M. Gérard Longuet. Plus on descendait ! (Nouveaux sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... plus c'était irréversible. Il y a bien d'autres domaines où cela se vérifie ! (Rires.)

La réversibilité est d'abord une précaution, une assurance contre un éventuel aléa : ne pas exclure l'imprévu est un des principes de la sûreté nucléaire.

La réversibilité est aussi l'expression d'une confiance dans le progrès scientifique et dans l'avenir. Elle permet aux générations actuelles d'assumer leur responsabilité avec la mise en oeuvre des meilleures technologies disponibles, tout en réservant aux générations futures la possibilité de faire mieux si le progrès scientifique le permet.

L'ANDRA a d'ailleurs mené de nombreux travaux sur ce sujet. Sans préjuger les résultats des recherches et des discussions qui suivront, je suis déjà très sensible à l'intérêt de l'intégration de la notion de réversibilité dans le projet de loi que nous vous présenterons en 2006.

Il n'y a aucun doute : la réversibilité coûte plus cher que l'irréversibilité, mais c'est aussi une plus grande responsabilité pour l'avenir que de vouloir se ménager toutes les possibilités d'exploiter le progrès scientifique et de ne pas se débarrasser, par un entreposage prétendument irréversible, des conséquences qu'il pourrait en advenir. Le coût est plus élevé, mais c'est notre responsabilité que de le faire.

Le Gouvernement rejoint également l'opinion des rapporteurs sur d'autres points tels que la nécessité de renforcer l'information du public ou l'opportunité d'établir un plan national de gestion des déchets radioactifs dressant un panorama complet.

Mais n'anticipons pas davantage sur le temps de la décision ! Nous disposerons bientôt des rapports des acteurs de la recherche, de la commission nationale d'évaluation et de la commission nationale du débat public. Sur la base de ce socle de connaissances, le Gouvernement pourra finaliser la rédaction de son projet de loi et le Parlement jouera tout son rôle à ce moment, et je ne doute pas qu'il saura répondre aux préoccupations légitimes de chacun.

J'ai évidemment le sentiment de ne pas avoir répondu totalement à toutes les questions - elles étaient nombreuses - qui m'ont été posées. Je le ferais bien volontiers si je ne craignais d'allonger les débats et si, surtout, je ne faisais confiance à Serge Lepeltier, à qui je vais céder la parole maintenant et dont le point de vue, en sa qualité de ministre de l'écologie et du développement durable, devrait, je le crois, intéresser le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en accord avec mon collègue Patrick Devedjian, j'ai souhaité vous dire quelques mots sur ce dossier que je suis avec beaucoup d'attention. Vous comprendrez qu'il ne s'agit pas pour moi de répondre à toutes vos questions ni d'aborder ce dossier dans un souci d'exhaustivité : Patrick Devedjian l'a fait et sachez que je travaille en parfaite entente et coordination avec lui.

Permettez-moi d'abord de remercier Henri Revol ainsi que les députés Claude Birraux et Christian Bataille. Les travaux menés, dans une continuité exemplaire depuis plus de quinze ans, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sont précieux pour notre pays et pour le Gouvernement en particulier.

Les positions du Gouvernement se retrouvent très largement dans les propositions qui sont faites dans le rapport que l'Office parlementaire a rendu public il y a un mois, Patrick Devedjian a beaucoup insisté sur cet aspect.

Vous le savez, nous sommes confrontés à plusieurs grands défis en matière d'écologie. Parmi eux, deux concernent l'énergie : le réchauffement climatique et les déchets radioactifs.

J'ai souvent eu l'occasion de m'exprimer sur le premier de ces défis - le réchauffement climatique -, notamment avec le Plan climat et le plan national d'affectation des quotas. Vous en avez aussi largement débattu dans le cadre du projet de loi d'orientation sur les énergies.

Je suis le second de ces défis, les déchets radioactifs, avec beaucoup d'attention.

Bien entendu, je ne néglige pas la question de la transparence et de la sécurité en matière nucléaire, évoquée par Daniel Raoul. Sur ce sujet, nous devons continuer à faire preuve de vigilance et être animés d'un souci de progrès permanent. Mais nous aurons l'occasion d'en débattre prochainement.

Le Parlement et le Gouvernement ont un rôle essentiel à jouer dans la préparation et la définition des orientations futures pour la gestion à long terme des déchets radioactifs.

La préparation comporte, naturellement, un fort aspect scientifique et technique, domaine privilégié des chercheurs et des experts. Mais, malgré la complexité scientifique et technique, cette préparation des orientations futures pour la gestion à long terme des déchets radioactifs ne doit se limiter à un débat d'experts. Elle nécessite aussi un large débat préalable, impliquant l'ensemble de nos concitoyens.

L'expérience antérieure à la loi de 1991 a montré que l'information et l'implication des citoyens dans le débat préalable aux décisions était une condition nécessaire à leur acceptation par le public, et donc à leur mise en oeuvre effective. J'en suis, pour ma part, totalement convaincu.

C'était l'objet de cette question orale avec débat, et c'est aussi la raison pour laquelle j'ai toujours indiqué mon souhait que le public soit largement associé. Je rejoins en cela le voeu exprimé par Gérard Longuet. Avec mon collègue le ministre délégué à l'industrie, nous avons donc conjointement décidé de saisir la commission nationale du débat public, la CNDP. II s'agit là de la première application d'une disposition du code de l'environnement qui prévoit la possibilité de saisir la CNDP sur des options générales en matière d'environnement ou d'aménagement.

Je souhaite que cette consultation soit, au cours de l'automne 2005, l'occasion d'un large débat, transparent, constructif et ouvert, et qu'elle permette à nos concitoyens de s'approprier les enjeux de la gestion à long terme de ces déchets. Pierre Laffitte a d'ailleurs très justement insisté sur la nécessité de cette appropriation et de cette éducation.

Après ce débat public, le débat au Parlement, en 2006, du projet de loi présenté par le Gouvernement n'en prendra que plus de relief aux yeux de nos concitoyens, au bénéfice de la légitimité de la loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, je vous propose d'interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Art. 36 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Art. 37

Eau et milieux aquatiques

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques (nos 240, 271, 273, 272).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 37.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Art. 38

Article 37

À la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de l'environnement, il est créé une sous-section 3 intitulée : « Redevances des agences de l'eau » ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Redevances des agences de l'eau

« Paragraphe 1

« Dispositions générales

« Art. L. 213-10. - Des redevances pour pollution de l'eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour prélèvements sur la ressource en eau, pour stockage d'eau en période d'étiage, pour obstacles sur les cours d'eau et pour protection du milieu aquatique sont affectées aux agences de l'eau.

« Paragraphe 2

« Redevances pour pollution de l'eau

« Art. L. 213-10-1. - Constituent les redevances pour pollution de l'eau d'une part, une redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique et, d'autre part, une redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique.

« Art. L. 213-10-2. - I. - Toute personne, à l'exception des propriétaires d'immeubles à usage d'habitation, dont les activités entraînent le rejet d'un des éléments de pollution mentionnés au III dans le milieu naturel ou dans un réseau de collecte est assujettie à une redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique.

« II. - L'assiette de la redevance est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel. Elle est composée des éléments mentionnés au III.

« Elle est déterminée :

« 1° Soit directement, à la demande du redevable, à partir des résultats du suivi régulier de l'ensemble des rejets par un organisme agréé par l'agence de l'eau ;

« 2° Soit indirectement, par différence entre, d'une part, un niveau théorique de pollution correspondant à l'activité en cause et, d'autre part, le niveau de pollution évitée par les dispositifs de dépollution mis en place par le redevable ou le gestionnaire du réseau collectif.

« Le niveau théorique de pollution d'une activité est calculé sur la base de grandeurs et de coefficients caractéristiques de cette activité déterminés à partir de campagnes générales de mesures ou d'études fondées sur des échantillons représentatifs.

« La pollution évitée est déterminée à partir de mesures effectuées chaque année. Pour les exploitations d'élevage, lorsque la pollution produite provient d'un épandage direct, elle est calculée indirectement en prenant en compte la qualité des méthodes de récupération des effluents et des plans d'épandage.

« III. - Pour chaque élément constitutif de la pollution, le tarif maximum de la redevance et le seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due sont fixés comme suit :

« 

Eléments constitutifs de la pollution

Euros par unité

seuils

Matières en suspension (par kg)

0,3

5200 kg

Matières en suspension rejetées en mer au delà de 5km du littoral et à plus de 250 mètres de profondeur (par kg)

0,1

5200 kg

Demande chimique en oxygène (par kg)

0,2

9900 kg

Demande biochimique en oxygène en cinq jours (par kg)

0,4

4400 kg

Azote réduit (par kg)

0,7

880 kg

Azote oxydé, nitrites et nitrates (par kg)

0,3

880 kg

Phosphore total, organique ou minéral (par kg)

2

220 kg

Métox (par kg)

3

200 kg

Métox rejetées dans les masses d'eau souterraines (par kg)

5

200 kg

Toxicité aiguë (par kiloéquitox)

15

50 kiloéquitox

Rejet en masse d'eau souterraine de toxicité aiguë (par kiloéquitox)

25

50 kiloéquitox

Composés halogénés adsorbables sur charbon actif (par kg)

13

50 kg

Composés halogénés adsorbables sur charbon actif rejetés en masse d'eau souterraine (par kg)

20

50 kg

Sels dissous (m3*S/cm)

0,15

2000 m3*S/cm

Chaleur rejetée en mer (Mth)

8,5

100 Mth

Chaleur rejetée en rivière (Mth)

85

10 Mth

« Pour les élevages, l'élément d'assiette est l'azote oxydé épandable produit par les animaux et le seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due est fixé à 8 500 kg.

« Pour chaque élément d'assiette, le tarif de la redevance est fixé par unité géographique cohérente définie en tenant compte :

« 1° De l'état des masses d'eaux ;

« 2° Des risques d'infiltration ou d'écoulement des polluants dans les masses d'eau souterraines ;

« 3° Des prescriptions imposées au titre de la police de l'eau ou relatives à l'eau au titre d'une autre police ;

« 4° Des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, notamment lorsqu'ils exigent la mise en place d'un programme d'intervention et de concours financiers spécifiques.

« Art. L. 213-10-3. - I. - Tout abonné au service public de distribution d'eau, à l'exception des personnes qui, en application de l'article L. 213-10-2, sont redevables de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique, est assujetti à la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique.

« II. - L'assiette de la redevance est le volume d'eau annuel facturé à l'abonné.

« Pour la détermination de cette assiette, ne sont pas pris en compte les volumes d'eau utilisés pour l'abreuvement des animaux, dès lors que ceux-ci font l'objet d'un comptage spécifique.

« III. - L'agence de l'eau fixe, dans la limite d'un plafond de 0,5 €/m3, un taux par unité géographique cohérente définie en tenant compte :

« 1° De l'état des masses d'eau ;

« 2° Des risques d'infiltration ou d'écoulement des polluants dans les masses d'eau souterraines ;

« 3° Des prescriptions imposées au titre de la police de l'eau ou relatives à l'eau au titre d'une autre police ;

« 4° Des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, notamment lorsqu'ils exigent la mise en place d'un programme d'intervention et de concours financiers spécifiques.

« IV. - La redevance est perçue auprès de l'exploitant du service public de distribution d'eau par l'agence de l'eau. Elle est exigible à l'encaissement du prix.

« Art. L. 213-10-4. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application des articles L. 213-10-1 à L. 213-10-3.

« Paragraphe 3

« Redevances pour modernisation des réseaux de collecte

« Art. L. 213-10-5. - Les personnes qui, en application de l'article L. 213-10-2, sont redevables de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique et dont les activités entraînent des rejets d'eaux usées dans un réseau public de collecte sont assujetties à une redevance pour modernisation des réseaux de collecte.

« La redevance est assise sur les volumes d'eau déversés dans les réseaux.

« Son taux est fixé par l'agence de l'eau en fonction des priorités et des besoins de financement du programme d'intervention mentionné à l'article L. 213-9-1, dans la limite d'un plafond de 0,15 €/m3. Il ne peut être supérieur à la moitié du taux de la redevance pour réseaux de collecte mentionnée à l'article L. 213-10-6. Il peut être dégressif, par tranches, en fonction des volumes rejetés.

« Art. L. 213-10-6. - Les gestionnaires des réseaux publics d'assainissement collectif sont assujettis à une redevance pour modernisation des réseaux de collecte.

« La redevance est assise sur les volumes d'eau pris en compte pour le calcul de la redevance d'assainissement, à l'exception des volumes d'eau retenus pour le calcul de l'assiette de la redevance mentionnée à l'article L. 213-10-5.

« Son taux est fixé par l'agence de l'eau en fonction des priorités et des besoins de financement du programme d'intervention mentionné à l'article L. 213-9-1 dans la limite d'un plafond de 0,30 €/m3.

« Art. L. 213-10-7. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application des articles L. 213-10-5 et L. 213-10-6.

« Paragraphe 4

« Redevance pour pollutions diffuses

« Art. L. 213-10-8. - I. - Toute personne distribuant les produits anti-parasitaires à usage agricole mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural en vertu de l'agrément prévu par l'article L. 254-1 du même code, est assujettie à une redevance pour pollutions diffuses.

« II. - L'assiette de la redevance est la somme des quantités de substances dangereuses contenues dans les produits mentionnés au I. La liste de ces substances dangereuses comprend celles des substances définies en application des dispositions de l'article L. 231-7 du code du travail qui présentent un caractère toxique ou écotoxique. Elle est arrêtée par décret en Conseil d'Etat.

« III. - Le taux de la redevance est fixé par l'agence, dans la limite de 1,2 € par kilogramme de substances mentionnées au II, en fonction de la teneur des eaux du bassin en résidus de produits antiparasitaires.

« IV. - La redevance est exigible lors de la vente à l'utilisateur final. Les distributeurs mentionnés au I font apparaître le montant de la redevance qu'ils ont acquittée au titre du produit distribué sur leurs factures. Ils tiennent à disposition des agences de l'eau un registre des destinataires de ces factures et des montants de redevance correspondants.

« V. - Un décret au Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.

« Paragraphe 5

« Redevances pour prélèvements sur la ressource en eau

« Art. L. 213-10-9. - I. - Toute personne dont les activités entraînent un prélèvement sur la ressource en eau est assujettie à une redevance pour prélèvement sur la ressource en eau.

« II. - Sont exonérés de la redevance :

« 1° Les prélèvements effectués en mer ;

« 2° Les exhaures de mines dont l'activité a cessé ainsi que les prélèvements rendus nécessaires par l'exécution de travaux souterrains et les prélèvements effectués lors d'un drainage réalisé en vue de maintenir à sec des bâtiments ou des ouvrages ;

« 3° Les prélèvements liés à l'aquaculture ;

« 4° Les prélèvements liés à la géothermie ;

« III. - La redevance est assise sur le volume d'eau prélevé au cours d'une année.

« Lorsque le redevable ne procède pas à la mesure de ses prélèvements, la redevance est assise sur un volume forfaitaire calculé en prenant en compte des grandeurs caractéristiques de l'activité en cause déterminées à partir de campagnes générales de mesure ou d'études fondées sur des échantillons représentatifs.

« IV. - L'agence de l'eau fixe les montants de volume prélevé en dessous desquels la redevance n'est pas due. Ces montants ne peuvent être supérieurs à 10 000 m3 par an pour les prélèvements dans des ressources de catégorie 1 et à 7 000 m3 par an pour des prélèvements dans des ressources de catégorie 2.

« V. - Pour la fixation du tarif de la redevance, les ressources en eau de chaque bassin sont classées en catégorie 1 lorsqu'elles sont situées hors des zones de répartition des eaux définies en application du 2° du II de l'article L. 211-2, ou en catégorie 2 dans le cas contraire.

« Le tarif de la redevance est fixé par l'agence de l'eau en centimes d'euro par mètre cube dans la limite des plafonds suivants, en fonction des différents usages auxquels donnent lieu les prélèvements :

« 

usages

Catégorie 1

Catégorie 2

irrigation (sauf irrigation gravitaire)

2

3

irrigation gravitaire

0,10

0,15

alimentation en eau potable

9

10

refroidissement des centrales de production électrique

0,35

0,5

alimentation d'un canal

0,015

0,03

autres usages économiques

3

4

« Pour une ressource de catégorie 2, lorsque le prélèvement pour l'irrigation est effectué de manière collective par un organisme défini au 2° du II de l'article L. 211-2, le taux de la redevance est le taux applicable pour une ressource de catégorie 1.

« VI. - Des modalités spécifiques de calcul de la redevance sont applicables dans les cas suivants :

« 1° Lorsque le prélèvement est destiné à plusieurs usages, la redevance est calculée au prorata des volumes utilisés pour chaque usage ;

« 2° Lorsque le prélèvement est destiné à l'alimentation d'un canal, la redevance est assise sur son montant, déduction faite des volumes prélevés dans le canal et soumis à la présente redevance.

« Les volumes prélevés pour alimenter un canal en vue de la préservation d'écosystèmes aquatiques ou de sites et de zones humides sont déduits de l'assiette de la redevance ;

« 3° Lorsque le prélèvement est destiné au fonctionnement d'une installation hydroélectrique, la redevance est assise sur le produit du volume d'eau turbiné dans l'année exprimé en m3 par la hauteur totale de chute brute de l'installation telle qu'elle figure dans son titre administratif, exprimée en mètres.

« Le taux de la redevance est fixé par l'agence de l'eau dans la limite d'un plafond de 60 centimes d'euro par million de mètres cubes et par mètre en fonction de l'état des masses d'eau et des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe.

« Ce taux est multiplié par 1,5 lorsque l'installation ne fonctionne pas au fil de l'eau.

« La redevance n'est pas due lorsque le volume d'eau turbiné dans l'année est inférieur à un million de mètres cubes.

« VII. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article.

« Paragraphe 6

« Redevance pour stockage d'eau en période d'étiage

« Art L. 213-10-10. - I. - Une redevance pour stockage d'eau en période d'étiage est due par toute personne qui dispose d'une installation de stockage de plus d'un million de mètres cubes et qui procède au stockage de tout ou partie du volume écoulé dans un cours d'eau en période d'étiage.

« II. - L'assiette de la redevance est le volume d'eau stocké pendant la période d'étiage. Ce volume est égal à la différence entre le volume stocké en fin de période et le volume stocké en début de période. Les volumes stockés lors des crues supérieures à la crue de fréquence quinquennale et déstockés dans un délai de trente jours à compter de la date à laquelle la crue atteint son maximum ne sont pas pris en compte pour le calcul de l'assiette de la redevance.

« L'agence de l'eau fixe, dans chaque bassin, la période d'étiage en fonction du régime des cours d'eau.

« III. - Le taux de la redevance est fixé par l'agence dans la limite d'un plafond d'un centime d'euro par mètre cube.

« IV. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.

« Paragraphe 7

« Redevance pour obstacles sur les cours d'eau

« Art. L. 213-10-11. - I. - Une redevance pour obstacle sur les cours d'eau est due par toute personne possédant un ouvrage constituant un obstacle continu joignant les deux rives d'un cours d'eau.

« Sont exonérés de la redevance pour obstacle sur les cours d'eau les propriétaires d'ouvrages faisant partie d'installations hydroélectriques assujettis à la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau.

« II. - La redevance est assise sur le produit, exprimé en mètres, de la dénivelée entre la ligne d'eau à l'amont de l'ouvrage et la ligne d'eau à l'aval par le coefficient de débit du tronçon de cours d'eau au droit de l'ouvrage et par un coefficient d'entrave.

« Le coefficient de débit varie en fonction du débit moyen interannuel du tronçon de cours d'eau considéré. Il est compris entre 0,3 pour les tronçons dont le débit moyen interannuel est inférieur à 0,3 mètre cube par seconde et 40 pour les tronçons dont le débit moyen interannuel est supérieur ou égal à 1 000 mètres cubes par seconde.

« Le coefficient d'entrave varie entre 0,3 et 1 en fonction de l'importance de l'entrave apportée par l'obstacle au transport sédimentaire et à la circulation des poissons conformément au tableau suivant :

« 

Coefficient d'entrave

ouvrages permettant le transit sédimentaire

ouvrages ne permettant pas le transit sédimentaire

Ouvrage franchissable dans les deux sens par les poissons

0.3

0.6

Ouvrage franchissable dans un seul sens par les poissons

0.4

0.8

Ouvrage non franchissable par les poissons

0.5

1

« III. - La redevance n'est pas due lorsque la dénivelée est inférieure à 5 mètres et pour les cours d'eau dont le débit moyen est inférieur à 0,3 m3/s.

« IV. - Le taux de la redevance est fixé par l'agence de l'eau dans la limite de 150 €/m par unité géographique cohérente définie en tenant compte de l'impact des ouvrages qui y sont localisés sur le transit sédimentaire et sur la libre circulation des organismes aquatiques.

« V. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article.

« Paragraphe 8

« Redevance pour protection du milieu aquatique

« Art. L. 213-10-12. - I. - Une redevance pour protection du milieu aquatique est due par les personnes qui se livrent à la pêche mentionnées au II. Elle est collectée par les fédérations départementales des associations agréées de pêche et protection du milieu aquatique, les associations agréées de pêcheurs amateurs aux engins et filets, la commission syndicale de la Grande Brière et les comités départementaux ou interdépartementaux de la pêche professionnelle en eau douce.

« II. - La redevance est fixée chaque année par l'agence de l'eau, dans la limite des plafonds suivants :

« a) 10 € par personne qui se livre à l'exercice de la pêche, pendant une année, au sein d'une association mentionnée au I ;

« b) 4 € par personne de moins de dix-huit ans qui se livre à l'exercice de la pêche, pendant une année, au sein d'une association mentionnée au I ;

« c) 4 € par personne qui se livre à l'exercice de la pêche, pendant quinze jours consécutifs entre le 1er juin et le 30 septembre, au sein d'une association mentionnée au I ;

« d) 1 € par personne qui se livre à l'exercice de la pêche, à la journée, au sein d'une association mentionnée au I ;

« e) 20 € de supplément par personne qui se livre à l'exercice de la pêche de l'alevin d'anguille, du saumon et de la truite de mer au sein d'une association mentionnée au I. »

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, sur l'article.

Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite indiquer en préambule le sens à donner aux amendements que nous avons déposés sur l'article 37.

Premièrement, nous souhaitons un rééquilibrage des redevances, pour plus d'équité.

Deuxièmement, nous proposons la suppression des seuils en deçà desquels les redevances ne sont pas dues, en particulier les redevances pour pollution de l'eau, afin d'insister sur le fait qu'il n'existe pas de petite pollution.

Troisièmement, nous prévoyons l'établissement de fourchettes afin de moduler les redevances en fonction de critères définis par les agences de l'eau.

Quatrièmement, nous demandons la suppression de la référence à l'état des masses d'eaux, afin d'étendre à tout le pays la lutte contre les pollutions. 

Cinquièmement, nous souhaitons que soient supprimés les taux dégressifs, afin de généraliser une attitude d'économie de la ressource.

Sixièmement, nous suggérons la suppression de certaines exonérations de la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau pour activités économiques.

Septièmement, enfin, nous voulons que participent à l'effort commun tous les partenaires de l'eau, y compris ceux qui, à partir d'un prélèvement - je pense aux eaux minérales - ou d'une activité de services, réalisent des bénéfices non négligeables.

J'interviendrai de façon plus précise à l'occasion de l'examen de chacun de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, sur l'article.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à l'occasion de l'examen de cet article, insister à mon tour sur le risque d'un nouveau désengagement de l'Etat.

Les dispositions prévues aux derniers articles de ce projet de loi, notamment dans cet article 37 et à l'article 41, qui crée l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA, justifient cette crainte.

Si nous n'y prenons garde en effet, ces dispositions aboutiront à une organisation à deux échelons : d'une part, un échelon européen en matière d'eau et d'assainissement ; d'autre part, un échelon local dévolu aux communes et intercommunalités, aux départements et aux agences de l'eau. De véritables transferts de charges de l'Etat vers les collectivités locales et vers les agences de l'eau seront alors à redouter.

La question qui se pose est la suivante : quel sera demain le rôle exact de l'Etat en matière de politique nationale de l'eau et de financement ? L'examen de ce texte ne permet pas de répondre clairement.

En effet, nous constatons que sont mises à la charge des agences de l'eau soit des interventions nouvelles, notamment en matière de lutte contre les inondations et les crues, soit des interventions de solidarité nationale, par exemple celles qui sont relatives aux aides envers les communes rurales, et ce afin de pallier la suppression de l'ancien système national, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE.

Il en est de même pour les départements. Le Sénat a ainsi adopté, le 8 avril dernier, un amendement tendant à autoriser la création, dans chaque département, d'un « fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement » ; je n'y reviens pas, nous nous sommes déjà longuement exprimés sur ce point. Or ce fonds sera, lui aussi, financé par une redevance additionnelle sur le prix de l'eau. De nouvelles hausses sont donc à prévoir.

Je ne m'attarderai pas non plus sur la création de l'ONEMA, sur laquelle nous reviendrons tout à l'heure. Là aussi, il s'agit d'un établissement public national chargé d'assumer des missions de l'Etat, notamment des missions de solidarité, dont les ressources proviendront des contributions des agences de l'eau.

Toutes ces mesures se traduiront par une charge financière de plus en plus forte sur les budgets, en particulier sur celui des agences de l'eau.

Dans ces conditions, quelles que soient les ressources prévues à l'article 37 du projet de loi - pas moins de sept catégories de redevances y sont répertoriées -, les agences de l'eau pourront-elles assumer pleinement toutes leurs missions, notamment les investissements nécessaires au respect des engagements résultant des obligations européennes et des objectifs de la directive-cadre ?

La France pourra-t-elle être au rendez-vous de 2015, c'est-à-dire assurer le bon état écologique des trois quarts de ses masses d'eau ?

Pour conclure, j'exprimerai le souhait d'un certain nombre de collectivités, au rang desquelles les grandes villes de France : il faut stabiliser le prix de l'eau

Si toutes les questions que je viens de poser reçoivent une réponse négative, de nouvelles augmentations du prix de l'eau sont à craindre. Or, selon une récente enquête, de 1991 à 2000, la facture d'eau moyenne payée par le consommateur a augmenté de près de 80 %. Certes, cette hausse se justifie très largement, mais il s'agit là d'un sujet très sensible pour nos concitoyens.

La stabilisation du prix de l'eau est aujourd'hui un impératif essentiel, mais les transferts de charges prévus empêcheront de parvenir à un prix raisonnable de l'eau.

A l'occasion de l'examen de cet article 37 - et sans esprit polémique, vous l'avez compris -, j'ai souhaité exprimer notre souci de ne pas avoir encore obtenu de réponse satisfaisante du Gouvernement sur ces sujets.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons l'examen d'un article important, tout le monde en est conscient. Il s'agit en effet, avec l'article 37, à la fois d'établir la constitutionnalité des redevances et d'en fixer les assiettes.

Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, je souhaite attirer l'attention sur le fait qu'un certain nombre de textes encadrent le débat que nous allons avoir. En outre, je regrette que les assiettes prévues dans le projet de loi ne correspondent pas aux finalités auxquelles elles sont censées répondre.

Je rappellerai d'abord certaines dispositions de la directive-cadre sur l'eau du 23 octobre 2000, qui a été souvent citée et que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

Cette directive-cadre invite les Etats membres à veiller à ce que « le principe de la récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources associés aux dégradations ou aux incidences négatives sur le milieu aquatique soit pris en compte conformément, en particulier, au principe du pollueur-payeur ». Nous en reparlerons !

Par ailleurs, les Etats membres sont invités à veiller à ce que « la politique de tarification de l'eau incite les usagers à utiliser les ressources de façon efficace et contribue ainsi à la réalisation des objectifs environnementaux de la présente directive ».

Par ailleurs, la loi du 21 avril 2004 portant transposition de la directive-cadre dispose, dans son article 1er, que « les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs ».

Enfin, le 28 février dernier, le Parlement, réuni en Congrès, a adopté la Charte de l'environnement, qui, dans son article 4, prévoit que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi ».

Nous ne retrouvons pratiquement aucun de ces principes dans le choix des assiettes qui nous sont proposées, en particulier les principes qui visent à un bon environnement et à un bon état écologique de l'eau.

Nous devrons, je crois, avoir ces textes en mémoire au cours de la discussion.

Je crains, malheureusement, que nous ne réalisions pas la réforme profonde que, comme vous, monsieur le ministre, nous étions en droit d'attendre. Ce projet de loi aurait en effet dû permettre à la fois d'assurer un bon état écologique de l'eau, d'agir pour l'environnement et de développer une politique efficace des coûts.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 94, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10 du code de l'environnement.

« Art. L. 213-10 - L'agence de l'eau établit et perçoit sur les personnes publiques ou privées des redevances pour pollutions de l'eau, pour réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour prélèvements et consommation d'eau et pour la protection du milieu aquatique dans la mesure où ces personnes rendent nécessaire ou utile l'intervention de l'agence ou dans la mesure où elles y trouvent leur intérêt.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Le lien entre le paiement de la redevance et le financement du programme de réduction des pollutions constitue le principe fondamental d'une politique de l'eau efficace. La loi du 16 décembre 1964 a ainsi prévu que les redevances sont établies dans la mesure où les personnes publiques ou privées assujetties « rendent nécessaire ou utile l'intervention de l'agence ou dans la mesure où elles y trouvent leur intérêt ».

Un tel lien responsabilise les acteurs, car le prélèvement en la matière, assis à la fois sur la consommation d'eau et sur les émissions de polluants, sert à financer des subventions ou des prêts bonifiés dans le but d'aider les investissements consentis par les personnes pour diminuer leur consommation d'eau et leurs émissions polluantes.

M. le président. L'amendement n° 619, présenté par MM. Marc, Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Leur montant ne peut être inférieur au quart des maxima prévus par les articles L. 213-10-1 à L. 213-10-12.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Nous souhaitons obtenir un équilibre satisfaisant entre les différentes catégories de redevables quant au montant de la redevance. Si le projet de loi fixe des plafonds, il ne prévoit cependant aucun plancher. Par conséquent, puisque les modalités du recouvrement et la fixation des redevances sont laissées à la discrétion des agences de l'eau, qui ne devront se soumettre qu'aux plafonds fixés, certaines catégories de redevables pourraient ne pas être sollicitées.

Il convient donc d'éviter que des taux de redevance trop bas pour certains redevables ne conduisent à un transfert de charge sur d'autres usagers, notamment les usagers des services de l'eau et de l'assainissement.

Nous souhaitons également prévenir l'apparition de distorsions trop importantes entre les usagers soumis à la même redevance, afin d'éviter ainsi une inégalité flagrante entre redevables, ce qui serait contraire au principe d'égalité devant l'impôt.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Si nous comprenons la démarche de nos collègues du groupe socialiste, elle est contraire à la position de la commission, qui ne souhaite pas encadrer de façon excessive, par des planchers, le pouvoir de décision des agences de l'eau. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 94 de la commission, qui vise à rappeler le principe fondateur de la loi du 16 décembre 1964, selon lequel les redevances ont pour objectif de financer le programme d'intervention des agences de l'eau.

Monsieur Marc, certains paramètres de pollution peuvent ne pas être pertinents pour certains bassins ou sous-bassins. Le fait d'imposer un plancher minimal égal au quart du plancher de chaque redevance contraindrait donc l'agence concernée à percevoir certaines redevances même si celles-ci ne sont pas pertinentes. Il est donc nécessaire de laisser une latitude suffisante au comité de bassin pour s'adapter aux situations locales.

En revanche, l'agence devra fixer ses taux selon les critères objectifs définis dans la loi. Elle devra également rendre compte de la façon dont les redevances sont perçues et les aides attribuées aux différents grands secteurs économiques, en distinguant au moins les ménages, le secteur industriel et l'agriculture.

C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement n° 619.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 619 n'a plus d'objet.

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement :

L'assiette de la redevance est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel égale à douze fois la moyenne de la pollution moyenne mensuelle et de la pollution mensuelle rejetée la plus forte.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Le projet de loi modifie sensiblement l'assiette de la redevance de pollution utilisée jusqu'à présent, qui est fondée sur la prise en compte de la pollution de pointe, en application de l'article 3 du décret n° 75-996 du 28 octobre 1975. Le projet de loi remet en cause ce système et retient une pollution annuelle qui efface toute prise en compte de la pollution de pointe, alors qu'à certains égards celle-ci a un impact beaucoup plus important sur les milieux aquatiques.

Il convient de prévoir une assiette tenant mieux compte de la pollution annuelle moyenne et de la pollution de pointe, afin de rééquilibrer les écarts identifiés dans l'étude d'impact sur les redevances entre les diminutions de redevance pour les activités saisonnières et les augmentations de redevance pour les activités non saisonnières.

M. le président. Le sous-amendement n° 677 rectifié ter, présenté par Mme Férat et les membres du groupe Union centriste-UDF et M. César, M. Detcheverry et Mme Gousseau, est ainsi libellé :

Après les mots :

à douze fois

rédiger ainsi la fin du texte proposé par l'amendement n° 95 pour la première phrase du premier alinéa du II de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement :

la pollution moyenne mensuelle

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. J'interviens ici en tant que président du groupe d'études de la vigne et du vin de la Haute Assemblée, lequel respecte tous les équilibres politiques.

M. le président. Cela vous honore !

M. Gérard César. Merci, monsieur le président !

Mes chers collègues, le sous-amendement n° 677 rectifié ter a pour seul but d'attirer votre attention sur l'impact de la modification proposée dans l'amendement n° 95 de la commission des affaires économiques, dont l'adoption aurait pour effet de modifier sensiblement l'assiette de la redevance de pollution utilisée jusqu'à présent. Alors que cette dernière est fondée sur la prise en compte de la pollution de pointe, en application de l'article 3 du décret du 28 octobre 1975, le projet de loi retient une pollution annuelle qui efface toute prise en compte de la pollution de pointe.

Pour sa part, la commission des affaires économiques propose l'assiette de la redevance soit « égale à douze fois la moyenne de la pollution moyenne mensuelle et de la pollution mensuelle rejetée la plus forte ».

Dans une telle rédaction, l'accent est mis sur le mois où la pollution atteint un pic, ce qui va contribuer à pénaliser les activités saisonnières, en particulier la viticulture, qui connaît, nous le savons tous, mes chers collègues, une crise sans précédent.

En outre, cela revient à négliger tous les efforts que les producteurs ont pu faire en matière de limitation des rejets. De nombreux viticulteurs, les coopératives, notamment les CUMA, les coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole, les industries agroalimentaires, tous se sont organisés depuis ces dernières années pour stocker les effluents viticoles ou agroalimentaires et les étaler, après traitement, avant leur rejet dans le milieu naturel. Le dimensionnement de ces installations permet d'étaler, donc d'écrêter, les pics de pollution.

C'est la raison pour laquelle, dans la rédaction de l'amendement n° 95, nous proposons de supprimer les mots : « et de la pollution mensuelle rejetée la plus forte ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La disposition proposée par notre collègue Gérard César est contraire à la position de la commission des affaires économiques, qui a voulu définir une assiette permettant de rééquilibrer les écarts identifiés dans l'étude d'impact du projet de loi entre les diminutions de redevance dont bénéficieraient les activités saisonnières et les fortes augmentations de redevance que subiraient les autres secteurs d'activité, car il s'agit en réalité d'un jeu à somme nulle.

Ce transfert de charge vers les autres industriels n'a pas lieu d'être. Notre proposition vise essentiellement à prendre en compte une réalité, l'existence d'une période de pollution de pointe, tout en opérant un lissage à travers l'intégration de la pollution moyenne mensuelle.

Par conséquent, monsieur César, nous vous demandons de bien vouloir retirer votre sous-amendement. A défaut, nous émettrions un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. L'amendement n° 95 de la commission vise à tenir compte non seulement de la pollution moyenne mensuelle, mais aussi de la pollution de pointe, considérant que l'impact réel d'un rejet sur le milieu aquatique dépend à la fois du rejet moyen sur l'année et du rejet maximal. J'émets un avis favorable sur cet amendement.

Monsieur César, vous souhaitez, vous, supprimer la référence à la pollution de pointe.

M. Serge Lepeltier, ministre. Or, si l'amendement n° 95 ne prévoit pas des modifications aussi importantes que le projet du Gouvernement, il permet tout de même à certains établissements viticoles de voir, à terme, leur redevance diminuer très sensiblement par rapport à la situation actuelle,...

M. Gérard César. C'est ce que nous souhaitons, monsieur le ministre !

M. Serge Lepeltier, ministre. ... cette diminution pouvant aller jusqu'à une division par quatre de la redevance.

Par conséquent, l'effort en direction de la viticulture me semble déjà important, et je souhaite donc que vous retiriez votre sous-amendement.

M. le président. Monsieur César, le sous-amendement n° 677 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Gérard César. J'ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre.

Certes, dans certaines régions viticoles, notamment en Champagne, il existe des installations de stockage qui permettent d'écrêter la pollution en période de pointe.

A l'époque où j'étais le président d'une des coopératives les plus importantes de France, nous avons mis en place un système de stations d'épuration permettant de stocker les effluents pour ne pas les rejeter immédiatement dans le milieu naturel. Or tous ceux qui ont prévu ce type d'installations vont se trouver pénalisés.

M. Bruno Sido, rapporteur. Non !

M. Gérard César. Monsieur le ministre, serait-il possible d'établir, d'ici à la deuxième lecture, une simulation financière sur l'incidence de l'adoption de l'amendement n° 95 ? En fonction de ses résultats, mes collègues et moi-même pourrions renoncer à notre proposition.

Pour l'heure, je retire le sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 677 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur César, nous avons déjà procédé à des simulations, et je vais vous en transmettre les résultats.

M. Gérard César. Merci, monsieur le ministre !

M. Serge Lepeltier, ministre. Les redevances prévues précédemment n'étaient fondées que sur la pollution de pointe, ce qui aboutissait naturellement à une très forte pénalisation.

M. Gérard César. Absolument !

M. Serge Lepeltier, ministre. Dans le présent texte, le Gouvernement a donc décidé de faire référence à la pollution moyenne.

Toutefois, l'amendement de la commission me semble plus équilibré parce qu'il vise à prendre en compte à la fois la pollution moyenne et la pollution de pointe.

Avec le projet initial du Gouvernement, les baisses de redevance étaient susceptibles d'atteindre 95 %. Compte tenu de l'amendement de la commission, les baisses pourront être de 75 %, ce qui est déjà un résultat largement favorable, permettant de moins pénaliser l'activité économique.

Par conséquent, faire référence non seulement à la pollution mensuelle mais aussi à la pollution de pointe me semble opportun, y compris pour la viticulture.

Dans mon propre département, les élus locaux insistent auprès des viticulteurs pour qu'ils fassent des efforts particuliers s'agissant précisément des périodes de pointe pour éviter des rejets ponctuels mais massifs dans le milieu naturel.

En prenant les deux références, comme la commission le propose, nous sommes dans une bonne logique.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote sur l'amendement n° 95.

M. Paul Raoult. Il s'agit d'un débat important, qui touche éminemment les industries saisonnières. Je pense notamment, pour ma part, à l'industrie sucrière, dont l'activité est très importante pendant quelques semaines, très réduite, voire quasiment nulle à d'autres périodes de l'année.

Concrètement, cela signifie que la moyenne annuelle n'a pas grand sens. Au demeurant, il n'est pas possible de pénaliser trop lourdement ces industriels : il faut veiller à ne pas mettre en péril certaines activités économiques.

Bien entendu, si des entreprises sont responsables de dommages environnementaux très lourds, elles doivent en subir les conséquences sur le plan financier. N'oublions pas, cependant, que les industries agroalimentaires, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, ont fait des efforts immenses pour diminuer leurs rejets polluants.

Nous devons donc trouver une solution équilibrée dans ce domaine. Si l'amendement de M. le rapporteur peut paraître, a priori, adapté à la situation, nous avons besoin d'une analyse un peu plus fine pour nous assurer non seulement de la façon dont l'ensemble des facteurs seront calculés, mais aussi de leur incidence économique sur les entreprises.

Quoi qu'il en soit, dans les régions où le débit des cours d'eau est très faible, et c'est le cas en Nord-Pas-de-Calais, les rejets de produits polluants peuvent avoir des effets catastrophiques.

M. Paul Raoult. Il faut donc analyser la situation avec beaucoup de circonspection, en tenant compte de l'importance des enjeux aussi bien écologiques qu'économiques.

M. Gérard César. Très juste !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Remplacer les deuxième, troisième et quatrième alinéas du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle est déterminée directement à partir des résultats du suivi régulier de l'ensemble des rejets, le dispositif de suivi étant agréé et contrôlé par un organisme mandaté par l'agence de l'eau. Toutefois, lorsque le niveau théorique de pollution lié à l'activité est inférieur à un seuil défini par décret ou que le suivi régulier des rejets s'avère impossible, l'assiette est déterminée indirectement par différence entre, d'une part, un niveau théorique de pollution correspondant à l'activité en cause et, d'autre part, le niveau de pollution évitée par les dispositifs de dépollution mis en place par le redevable ou le gestionnaire du réseau collectif.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise à affirmer que la mesure effective des pollutions déversées doit constituer la règle générale pour la détermination de l'assiette de la pollution de l'eau d'origine non domestique. Il prévoit en outre que les estimations forfaitaires ne seront autorisées que pour les rejets les moins importants ou lorsque le suivi régulier des rejets s'avère impossible.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Il est en effet souhaitable d'encourager, lorsque c'est possible, la mesure effective des rejets de pollution d'origine non domestique, en particulier pour les rejets importants. Le Gouvernement a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement par les mots :

, le dispositif de suivi étant agréé par l'agence de l'eau.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que le dispositif permettant de mesurer la pollution évitée doit recevoir l'agrément des agences de l'eau.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. L'agrément du dispositif de suivi par l'agence de l'eau est en effet nécessaire. Le Gouvernement a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 98, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement :

Lorsque la pollution produite provient d'un épandage direct, elle est calculée indirectement en prenant en compte la qualité des méthodes de récupération des effluents et d'épandage.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant de la méthode d'évaluation de la pollution évitée, il est prévu un dispositif spécifique lorsque la pollution résulte de l'épandage direct dans les exploitations d'élevage.

Nous proposons d'appliquer ces dispositions à tous les épandages, y compris ceux qui proviennent des industries agroalimentaires lorsque celles-ci procèdent ainsi à l'épuration de leurs effluents, et de préciser que le calcul prend alors en compte la qualité de la méthode d'épandage et non pas celle du plan d'épandage, afin de mesurer réellement l'efficacité des pratiques.

M. le président. L'amendement n° 309 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle,  César,  Texier,  Mortemousque et  Murat, est ainsi libellé :

I - Dans la seconde phrase du dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, supprimer le mot :

direct

II - Dans la même phrase, après les mots :

de récupération des effluents

insérer les mots :

, des techniques de traitement

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. M. Vasselle et moi-même avons déposé cet amendement parce que nous sommes tout à fait conscients du rôle que jouent les éleveurs dans la prévention des pollutions, en particulier des pollutions azotées. En effet, les éleveurs ont investi lourdement dans des techniques de traitement des effluents de leurs animaux, comme le compostage, le séchage ou le traitement biologique. Ces techniques, validées par les pouvoirs publics, doivent être pleinement reconnues lors du calcul de la redevance pour pollution de l'eau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Le fait de supprimer la notion d'épandage direct dans le dernier alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement aurait pour conséquence de traiter sur le même plan les grosses unités d'élevage, qui ont leur propre station d'épuration, et les petites exploitations d'élevage, qui font de l'épandage direct à partir de la fosse à lisier.

En outre, l'amendement n° 309 rectifié bis est contraire à la position défendue par la commission dans l'amendement n° 98, qui vise à prendre en compte l'ensemble des épandages directs, y compris ceux qui proviennent des industries agroalimentaires.

Aussi, bien que comprenant très bien les intentions des auteurs de cet amendement, la commission considère que celui-ci complexifie grandement le dispositif et demande le retrait de cet amendement. A défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Les épandages directs d'effluents sans traitement préalable dans une station d'épuration peuvent en effet concerner d'autres secteurs d'activité que les exploitations d'élevage ; c'est le cas, par exemple, des sucreries. Le Gouvernement a donc émis un avis favorable sur l'amendement n° 98.

Quant à l'amendement n° 309 rectifié bis, qui vise notamment à supprimer le mot « direct » dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, il tend à créer un régime spécifique pour les stations de traitement des élevages.

Or les techniques de traitement des effluents d'élevage, notamment les stations de traitement, sont déjà prises en compte dans les alinéas précédents, au même titre que l'ensemble des unités de traitement des industries ou des collectivités.

Rien ne justifie un mode de calcul différent pour ce type de traitement, car l'agence de l'eau réalise les mêmes vérifications de bon fonctionnement, qu'il s'agisse des stations d'épuration des exploitations d'élevage ou des autres stations d'épuration.

En revanche, pour les exploitations d'élevage réalisant un stockage du lisier et un épandage direct des effluents, il est nécessaire de prendre en compte - comme le fait le projet de loi à travers la notion d'épandage direct - les méthodes de stockage et la qualité des épandages réalisés.

Cet amendement aurait donc pour effet de sortir toutes les stations d'épuration des exploitations d'élevage du dispositif général. Or ce qui importe, c'est le fonctionnement réel de la station d'épuration et son rendement effectif. Si la station fonctionne, l'épuration sera importante et la redevance faible ; si elle ne fonctionne pas, la pollution retirée sera très faible, ce qui aura un impact sur le milieu.

Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement. A défaut, il émettrait un avis défavorable.

M. le président. L'amendement n° 309 rectifié bis est-il maintenu, monsieur César ?

M. Gérard César. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 309 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 99, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« II bis. - Sur demande du redevable, l'assiette de la redevance est la pollution annuelle ajoutée déterminée, à partir des mesures régulières, par la différence entre la pollution entrante dans l'établissement et la pollution sortante.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant du calcul de l'assiette de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique, la prise en compte de la seule pollution rejetée peut s'avérer pénalisante pour des activités nécessitant une forte consommation d'eau mais utilisant une eau déjà polluée.

L'adoption de cet amendement permettrait d'asseoir, à la demande du redevable, la redevance sur le calcul de la pollution ajoutée, dès lors que ce calcul peut être établi à partir de mesures régulières de la différence entre la pollution entrante et la pollution sortante. Le dispositif de suivi serait à la charge de l'exploitant et devrait également être agréé par l'agence de l'eau.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Cette précision étant utile, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je m'aperçois que de nombreux amendements émanant de la commission, qui ont l'air d'être utiles puisque vous y êtes favorable, viennent d'être adoptés. Un certain nombre de modalités techniques sont donc mises en place grâce aux propositions de la commission.

Je me pose donc la question suivante : pourquoi n'avez-vous pas, monsieur le ministre, prévu vous-même de telles dispositions ? Si elles sont tellement utiles, il semble bizarre qu'elles n'aient pas été inscrites directement dans le projet de loi !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre. Le Sénat compte plus de trois cents sénateurs : réunis, ils sont plus intelligents que le seul Gouvernement ! (Sourires.) C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Parlement existe !

M. Charles Revet. Très bien, monsieur le ministre !

M. Jean Desessard. Y en aurait-il trente et un qui ne seraient pas intelligents ? (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Je confesse une certaine méconnaissance du domaine très technique dont il est question dans l'amendement n° 99.

Je ne comprends pas bien comment une usine peut utiliser de l'eau polluée. J'avoue que cela me laisse un peu perplexe.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. L'eau qui rentre dans une usine n'est pas de l'eau distillée !

M. le président. Ni de l'eau de Wattwiller ! (Sourires.)

M. Bruno Sido, rapporteur. Elle peut donc contenir des nitrates ou d'autres produits polluants. Il s'agit de mesurer la quantité de nitrates, par exemple, qui a été ajoutée par l'usine à l'environnement et non pas la quantité totale de nitrates, ce qui permet de ne pas imputer à l'industriel ou à l'agriculteur une pollution dont il n'est pas responsable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 451, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I Dans le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, supprimer les mots :

et le seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due

II En conséquence, dans le même texte, remplacer les mots :

sont fixés

par les mots :

est fixé

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Faire une différence entre petits et gros pollueurs revient à nier une partie non négligeable des sources de pollution. C'est pourtant ce que l'on fait en fixant des seuils au-dessous desquels la redevance pour pollution de l'eau n'est pas due.

De telles dérogations nous semblent parfaitement injustifiées, surtout pour les pollutions industrielles, qui, si elles sont en baisse depuis ces vingt dernières années - et il faut saluer l'effort réalisé à cet égard ! -, concernent néanmoins la quasi-totalité des rejets à haute toxicité et, notamment, de métaux lourds. Il n'y a pas, dans ce cas, de petite pollution, l'atteinte à l'environnement commençant dès le rejet du premier kilo et même, parfois, des premiers grammes de polluants toxiques.

Des molécules de plus en plus complexes envahissent tous les secteurs d'activité, et même notre vie courante. Elles viennent s'accumuler dans le milieu naturel, en le contaminant et en détruisant son équilibre.

Rappelons que les atteintes répétées, même à faible dose, sur un même milieu, en un même lieu et sur une période donnée ont les mêmes conséquences qu'une pollution ponctuelle plus importante.

En ce sens, le principe d'un seuil relève à notre avis d'une conception erronée de la notion de pollution : le supprimer est donc une décision logique et de bon sens qui s'impose d'elle-même.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La commission est hostile à la suppression de ce seuil, car son application n'induit pas une exonération totale de la redevance pour pollution de l'eau, mais permet aux personnes ou aux activités dont la pollution se situe en deçà du seuil d'être soumises à la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique.

Dans ce cas, l'assiette de la redevance est le volume d'eau annuel facturé à l'abonné, ce qui permet d'alléger les procédures pour les petites activités.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Je précise que les seuils permettent avant tout de déterminer si les personnes relèvent de la redevance pour pollution d'origine non domestique ou de la redevance pour pollution d'origine domestique. En effet, le Gouvernement a souhaité éviter tout risque de double imposition.

Ainsi, toute personne, à l'exception des propriétaires d'immeubles à usage d'habitation, dont les activités entraînent le rejet d'un des éléments de pollution mentionnés au III du texte proposé pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, sont redevables de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique. Celle-ci est alors assise sur la pollution réelle mesurée ou évaluée. Dans ce cas, les personnes ne sont pas soumises à la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique.

Au contraire, les personnes dont les activités entraînent une pollution, mesurée ou estimée, inférieure à ces seuils n'acquittent pas la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique. Elles sont alors assujetties à la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique. Cette dernière est assise forfaitairement sur le nombre de mètres cubes d'eau annuel facturé à l'abonné du réseau public.

J'espère vous avoir ainsi rassurée, madame Didier, sur la portée de ces seuils et vous invite à retirer votre amendement, dont l'objet est très clairement pris en compte dans le projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 451 est-il maintenu, madame Didier ?

Mme Evelyne Didier. Monsieur le ministre, je prends acte de ce que vous venez de me dire. Toutefois, je souhaite maintenir cet amendement, car il me semble poser un principe de base nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je n'ai pas été convaincu par l'argumentation de M. le ministre parce que, précisément, il y a vraiment une différence de traitement entre la pollution d'origine domestique et la pollution d'origine non domestique.

Autant il est nécessaire que la redevance soit calculée en fonction du niveau de la pollution rejetée, autant on ne voit pas pourquoi certains seraient assujettis, ne serait-ce que pour l'arrosage de leur gazon, alors que d'autres ne le seraient absolument pas.

Une telle différence de traitement ne me paraît pas recevable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 451.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 453, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer la troisième colonne du tableau constituant le deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213- 10- 2 du code de l'environnement.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Comme je l'ai précisé en défendant l'amendement n° 451, la notion de seuil est, pour nous, en totale opposition avec les objectifs de prévention des pollutions.

Aussi, en toute logique, après avoir proposé de supprimer la notion de seuil, nous proposons de supprimer également la colonne correspondante du tableau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Pour les mêmes motifs que précédemment, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Pour les mêmes raisons également, l'avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 453.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 616, présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la deuxième colonne de la septième ligne du tableau constituant le deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213- 10- 2 du code de l'environnement, remplacer le tarif :

0,3

par le tarif

0,5

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. La pollution par les nitrates, généralisée et endémique, coûte très cher à la collectivité. Il convient, en conséquence, de relever le plafond de la taxation maximale applicable sur ce paramètre de pollution.

Aujourd'hui, les zones vulnérables, c'est-à-dire celles où la concentration en nitrates est supérieure à 40 millilitres, représentent la moitié du territoire national. Or le traitement de ce type de pollution est particulièrement onéreux. Ainsi, le coût du seul traitement des nitrates de l'eau se situe entre 0,15 et 0,80 euro par mètre cube, d'après une estimation réalisée par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse sur la vallée de la Saône en 1995.

En Poitou-Charentes, on peut évaluer à 0,38 euro par mètre cube le coût du traitement pratiqué par de grosses installations telles que les usines de dénitrification de Niort et de Thouars, dans les Deux-Sèvres, et de Surgères, en Charente-Maritime, ce qui représente entre 22,87 euros et 85,73 euros de surcoût par an et par ménage !

Le plafond de la taxe pour pollution de l'eau par rejet de nitrates doit donc être relevé afin d'inciter les pollueurs à une plus grande vigilance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La commission des affaires économiques n'a pas souhaité revenir sur les tarifs figurant dans le tableau au III de l'article 37. Ils correspondent, en effet, aux taux qui sont pratiqués actuellement par les agences de l'eau et qui leur permettent de moduler leurs tarifs en fonction des spécificités propres à leur bassin.

En outre, le relèvement du tarif sur les nitrates pèserait fortement sur les industries agroalimentaires, ce que je ne crois pas souhaitable.

L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Cet amendement tend à augmenter de plus de 50 % le tarif maximum relatif à l'azote. Je suis naturellement très attentif à la qualité des eaux et aux risques de pollution. J'observe cependant que le relèvement proposé porterait surtout sur les activités industrielles, notamment, comme vient de le préciser M. le rapporteur, dans le secteur agroalimentaire.

Si l'on suivait les auteurs de cet amendement, on aboutirait à des tarifs très supérieurs à ceux qui sont pratiqués actuellement par les agences de l'eau, ce qui serait susceptible de modifier sensiblement l'équilibre économique des activités concernées.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je remercie M. le rapporteur et M. le ministre d'avoir précisé l'un et l'autre que ce relèvement du taux pèserait sur l'économie des entreprises agroalimentaires. Mais n'est-ce pas le but ? Il est évident que, si l'on veut faire payer ceux qui polluent, on doit faire payer notamment ces entreprises agroalimentaires, pour les inciter à trouver un autre mode de production, moins polluant.

Nous revenons ici au débat qui s'est engagé dès la discussion générale : ce texte heurte certains intérêts. Bien sûr, on veut améliorer la qualité de l'eau et protéger les milieux aquatiques, mais, dès qu'un lobby agroalimentaire pointe le nez, toute mesure devient trop contraignante...

Nous commençons à y voir plus clair, et cet article 37 n'a pas fini de nous surprendre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 616.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 452, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les huitième à quatorzième lignes de la deuxième colonne du tableau constituant le deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement :

1,5 - 2,5

2,5 - 5

4 - 7

12 - 20

20 - 35

10 - 18

15 - 30

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Comme je l'ai expliqué en présentant l'amendement n° 426, la fixation d'un taux plafond pour le calcul d'une redevance n'est pas, à elle seule, suffisante ; elle pourrait même aboutir à une absence totale de redevance pour certains des éléments toxiques énumérés dans le tableau.

Je préfère donc à un mécanisme aléatoire l'établissement d'une fourchette encadrant ce taux dans des limites raisonnables et évitant, de ce fait, des dérogations injustifiées.

Le tableau que je vous propose concerne les pollutions d'origine industrielle ; il autorise le relèvement des taux, mais permet également de pratiquer un abattement pour les industriels ayant installé un dispositif d'assainissement.

Tenir compte de l'incidence de la valeur de ces taux sur le comportement des industriels ainsi que de leurs efforts dans le traitement des effluents pollués constitue l'un des éléments d'une démarche de progrès indispensable au relèvement de la qualité des eaux et des milieux aquatiques.

Cet amendement, en contribuant à un meilleur équilibre dans l'établissement des redevances, va dans ce sens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Nous voici donc revenus à ce fameux problème de fourchette !

Mes chers collègues, votre rapporteur n'est pas favorable à la définition d'un taux plancher, car la commission souhaite laisser une véritable marge d'appréciation aux agences.

Nous n'avons sans doute pas assez insisté sur le fait que les agences sont tout de même libres, fût-ce dans un cadre bien défini, d'apprécier les tarifs qu'elles doivent pouvoir appliquer pour chacun des éléments constitutifs de l'assiette de la redevance pour pollution d'origine non domestique tenant compte des caractéristiques de leur bassin.

C'est pourquoi les plafonds proposés dans le projet de loi sont fixés au double de la moyenne actuelle des tarifs pratiqués. D'ailleurs, et cela ne peut pas vous avoir échappé, si les agences avaient toutes fixé leurs taux aux niveaux plafonds, leurs ressources atteindraient le double de ce qu'elles sont. On voit donc que les agences utilisent la large marge d'appréciation qui leur est laissée.

Au surplus, je rappelle que, en dessous des seuils fixés dans le tableau, il y a non pas exonération mais transfert vers la redevance pour pollution d'origine domestique.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Comme je l'ai déjà indiqué, le Gouvernement souhaite laisser une importante marge de manoeuvre aux comités de bassin et aux agences de l'eau pour qu'ils puissent s'adapter à la réalité du terrain et il préfère donc ne pas encadrer leurs tarifs dans des fourchettes resserrées.

Le Gouvernement émet, par conséquent, également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 452.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 615, présenté par MM. Cazeau et Raoult, Mme Alquier, MM. Madrelle, Miquel, Vézinhet et Desessard, est ainsi libellé :

Après les mots :

les animaux

supprimer la fin du troisième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213- 10- 2 du code de l'environnement.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. L'amendement a pour objet de revenir à une égalité de traitement entre élevage et culture.

D'un point de vue quasiment philosophique, je me demande si les élus, quels qu'ils soient, mais en particulier ceux qui sont assidus aux réunions des conseils d'administration des agences de l'eau ou des comités de bassin, sont réellement en mesure de vérifier le travail des fonctionnaires et des ingénieurs sur lequel ils fondent leurs décisions.

Je ne mets pas en doute la sincérité de ces personnes, mais quand je lis, dans l'article 37, que le tarif de la redevance sera fixé « par unité géographique cohérente », en tenant compte de « l'état des masses d'eau », des « risques d'infiltration ou d'écoulement des polluants dans les masses d'eau souterraines », des « prescriptions imposées au titre de la police de l'eau », des « objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux », je me pose des questions : qui va déterminer ces unités géographiques ? Qui va calculer les risques d'infiltration, et comment ?

Concrètement, lorsque vous siégez au conseil d'administration d'une agence de l'eau ou d'un comité de bassin, on met à votre disposition des cartes, que vous lisez, certes, mais sans pouvoir jamais vérifier la validité des zonages. Au bout du compte, on n'y comprend plus rien et nous avons d'autant plus de mal à expliquer à nos propres administrés que, d'un village à l'autre, avec tel découpage communal - il y a, par exemple, des communes de trois ou quatre kilomètres de long sur cinq cents mètres de large ! -, on ne paie pas la même redevance.

D'une certaine manière, nous sommes toujours dans un système opaque. Certes, on comprend bien la justification scientifique, technique, voire technicienne qui est à l'origine de la façon dont les agences ont été créées en 1964 : on a fait confiance aux grands ingénieurs bardés de titres et de références, sortant des grandes écoles. Mais nous, élus, comment pouvons-nous vérifier la validité du travail réalisé et la pertinence des zonages opérés ?

Telle est la question que je me pose, et que je me poserai toujours une fois que ce texte aura été voté. Voilà pourquoi je ne suis pas certain que nous ayons eu raison de rester dans ce carcan de critères que nous, élus, ne pouvons pas maîtriser.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 454 est présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 655 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le troisième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213- 10- 2 du code de l'environnement, remplacer la référence :

8 500 kg

par la référence :

5 tonnes

La parole est à M. Bernard Vera, pour défendre l'amendement n° 454.

M. Bernard Vera. En matière de redevance pour pollution de l'eau, une disposition spécifique est prévue pour les élevages. Pour ce type d'activité, l'élément d'assiette est alors l'azote oxydé épandable produit par les animaux. Aussi ce projet de loi prévoit-il un seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due. Ce seuil est fixé à 8 500 kilogrammes, ce qui correspond à environ cent UGB, ou unités de gros bétail. En dessous de ce seuil, la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique s'appliquerait.

Par le biais de cet amendement, nous souhaitons abaisser le seuil en dessous duquel la redevance pour pollution de l'eau n'est pas due par les élevages. Comme nous avons tenu à le préciser dans la discussion générale, les agriculteurs doivent, à nos yeux, continuer leurs efforts de responsabilisation dans ce domaine. Dans cette optique, nous vous proposons de fixer le seuil visé à 5 tonnes.

Notre amendement répond à un souci de rééquilibrage des participations des différents acteurs de l'eau et de cohérence avec les propositions que nous avons défendues jusqu'à présent.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 655.

M. Jean Desessard. Le seuil de 8 500 kilogrammes correspond à une exploitation d'environ cent vaches ou de cent vingt truies et ne concerne que 10 % à 15 % des élevages industriels qui sont à l'origine d'une pollution endémique des eaux.

Ce seuil nous paraît trop élevé ; il convient donc de l'abaisser afin que le dispositif puisse s'appliquer à un plus grand nombre d'élevages : le seuil de 5 tonnes d'azote oxydé épandable correspond à un cheptel bovin d'environ soixante têtes et à un cheptel porcin d'environ soixante-dix têtes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je rappelle que, en dessous de ce seuil de 8 500 kilogrammes d'azote oxydé épandable, les exploitations relèveront du régime de la redevance pour pollution d'origine domestique, qui est assise sur le volume d'eau annuel facturé à l'abonné.

Ce seuil de 8 500 kilogrammes d'azote oxydé correspond à un élevage de cent UGB, soit le niveau actuellement retenu pour le calcul de la redevance pour pollution. Au-delà, une redevance particulière s'applique, au terme d'un calcul compliqué ; en deçà, la redevance est tout simplement assise sur le volume d'eau consommé.

En d'autres termes, et je voudrais que nous soyons bien d'accord sur ce point, le dispositif du Gouvernement protège en quelque sorte administrativement les petites exploitations. Car on ne peut pas aujourd'hui parler de grosse exploitation pour un cheptel de cent UGB. Certains soutiendront que ces exploitations sont encore trop grosses, mais on sait aujourd'hui que, à moins de cent UGB, les exploitations ne sont pas viables et sont donc, de toute manière, appelées à disparaître, si elles n'ont pas déjà disparu.

Encore une fois, ce mécanisme protège les petits exploitants de la « suradministration » et leur évite de perdre du temps en paperasses diverses.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques, qui est défavorable à l'amendement n° 615 ainsi qu'aux amendements identiques nos 454 et 655, préférerait qu'ils soient retirés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Raoult, l'abaissement du seuil de perception de la redevance pour les exploitations d'élevage serait de nature à augmenter de façon importante le nombre d'élevages soumis à des obligations déclaratives et à la redevance pour pollution non domestique. Qui plus est, cela conduirait le plus souvent à des montants inférieurs au seuil de perception.

Quant à la modulation des taux, qui serait supprimée si votre amendement était adopté, l'une des justifications majeures de l'intervention des agences de l'eau est d'inciter à la réduction des impacts sur le milieu aquatique afin de parvenir à un bon état écologique des eaux. Il est donc essentiel que la redevance puisse être plus élevée là où la reconquête de la qualité écologique des eaux nécessite des programmes plus importants.

Pour ces deux raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 615.

Pour ce qui est des amendements nos 454 et 655, j'y suis naturellement, et pour les mêmes motifs, tout aussi défavorable.

Je précise que le seuil de 8 500 kilogrammes est en cohérence avec le seuil d'autorisation en matière d'installations classées. Par conséquent, il ne me paraît pas opportun de perturber tous ces seuils administratifs.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, pour explication de vote sur l'amendement n° 615.

Mme Evelyne Didier. J'espère que tout le monde ne croira pas M. le rapporteur quand il dit que les petites unités sont appelées à disparaître, car il en existe encore quelques-unes.

M. Bruno Sido. rapporteur. Pas beaucoup !

Mme Evelyne Didier. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, les mécanismes de redevance s'accompagnant de programmes d'aide, on peut parfaitement aider les petites exploitations d'élevage à se mettre aux normes.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. En fait, monsieur le rapporteur, vous semblez vouloir dire que toutes les exploitations qui comptent moins de cent têtes vont passer à l'agriculture bio et s'en sortiront mieux financièrement du fait qu'elles sont plus vertueuses ! Il s'agit donc là, en quelque sorte, d'un coup de pouce destiné à inciter les exploitations à passer au bio très rapidement.

Je tiens d'ailleurs à rappeler que la demande en produits bio est, en France, très importante et que l'offre nationale ne parvient pas à la satisfaire. Il nous faut donc importer des produits bio !

Autrement dit, on pollue alors qu'on pourrait produire autrement et, si l'on produisait autrement, on pourrait écouler plus facilement les produits : c'est tout de même un comble !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Mes chers collègues, je vous prie de m'excuser si je me suis mal exprimé. Ce que j'ai voulu dire, c'est que, étant donné les coûts de mise aux normes et la charge financière que cela représente pour les exploitations, il est vrai que bien peu nombreuses sont celles qui auront des successeurs. Le problème est là et, pour le vivre quasiment tous les jours, je sais, hélas ! de quoi je parle.

J'ajoute que notre pays doit effectivement importer des produits bio, mais que, malheureusement, on ne connaît pas, en France, d'exploitations authentiquement bio qui soient viables.

M. Jean Desessard. C'était vrai il y a dix ans, mais ça ne l'est plus !

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Il n'est pas question ici d'engager une discussion sur le bio, mais je tiens à témoigner, monsieur le rapporteur, qu'il existe dans le Pas-de-Calais des exploitations complètement bio, qui bénéficient d'une assistance des chambres d'agriculture, de la FDSEA, et du GABNOR, le groupement des agriculteurs biologiques du Nord-Pas-de-Calais, et que les jeunes qui tiennent ces exploitations en vivent.

Il est vrai que le problème réside dans l'organisation de la filière de commercialisation, du producteur jusqu'à l'étal des magasins. Toutefois, je puis vous assurer qu'il existe aujourd'hui des exploitations orientées bio ou complètement bio qui sont viables, et je souhaite qu'on les soutienne, ne serait-ce que pour protéger les territoires des champs captants.

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Les propos de M. le rapporteur s'agissant l'agriculture biologique ne peuvent manquer de nous surprendre.

Comme mon collègue Paul Raoult, je tiens à souligner qu'il existe aujourd'hui, en France, un certain nombre d'exploitations qui sont rentables grâce à l'agriculture biologique.

Je voudrais simplement attirer l'attention sur le fait que le bio bénéficie d'aides publiques très sensiblement inférieures à celles que reçoivent la plupart des exploitations relevant du régime conventionnel. Or, malgré ce handicap très lourd, ces entreprises ne sont pas déficitaires.

Par conséquent, il est permis de penser que, s'il y avait parité dans les aides publiques, le bio aurait en France un avenir tout à fait prometteur, ce que, malheureusement, les propos entendus aujourd'hui ne permettent pas d'envisager, et c'est bien dommage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 615.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 454 et 655.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 455, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le cinquième alinéa (1°) du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Le fait de tenir compte de l'état des masses d'eau dans le calcul de la redevance pour pollution soulève deux questions essentielles, celle de l'égalité des citoyens, d'une part, et celle de la préservation de la ressource en eau, d'autre part.

C'est un fait, l'état des masses d'eau est extrêmement variable selon les zones géographiques. Les différences liées aux activités humaines, d'élevage, de culture ou industrielles font que la situation n'est pas la même en Bretagne et dans les Alpes, c'est évident.

Cependant, ces différences ne doivent pas, selon nous, conduire à une différence de traitement entre les citoyens. L'usager domestique n'a pas à faire les frais d'une situation découlant, notamment, d'une politique agricole dans laquelle il ne porte aucune responsabilité.

Enfin, la préservation de la ressource en eau et l'amélioration de la qualité des eaux potables passent obligatoirement par une prise de conscience collective - j'insiste sur ce terme -, entraînant un changement radical des comportements individuels dans l'ensemble du pays. Il est, en effet, difficile d'admettre que l'on puisse adopter une attitude différente en fonction de son lieu de résidence.

Pour être efficace et durable, cette évolution des habitudes de consommation doit résulter d'un mouvement d'ampleur nationale. Il ne s'agit pas seulement d'une question de citoyenneté. Personne aujourd'hui ne peut se croire à l'abri d'une diminution de la ressource en eau ou de l'aggravation brutale de l'état chimique et biologique de celle-ci.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car elle est convaincue, au contraire, de la nécessité de pouvoir définir des taux de redevance variables selon l'état de la ressource en eau ; à vrai dire, tel est précisément l'objet de la redevance.

Il s'agit d'inciter à des comportements collectifs plus vertueux là où cela se révèle le plus nécessaire. Dès lors que cette différenciation repose sur des critères objectifs fixés par la loi, il n'y a pas atteinte au principe d'égalité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. L'une des justifications majeures de l'intervention des agences de l'eau est, je l'ai dit tout à l'heure, d'inciter à la réduction des impacts sur le milieu aquatique afin d'atteindre un bon état écologique des eaux. Il est donc essentiel que la redevance puisse être plus élevée là où la reconquête de la qualité écologique des eaux nécessite des programmes plus importants.

Le fait que les taux de redevance soient plus ou moins élevés en fonction de l'état des eaux me paraît en rapport direct avec l'objectif de la loi et n'est pas contraire au principe d'égalité, lequel ne s'oppose pas à ce que des situations différentes soient traitées différemment.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 455.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 654, présenté par MM. Cazeau et  Raoult, Mme Alquier, MM. Madrelle,  Miquel,  Vézinhet et  Desessard, est ainsi libellé :

Avant le dernier alinéa (4°) du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° - Pour les cultures, la redevance est calculée à partir de la déclaration des intrants

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Cet amendement répond également à notre souci d'établir une égalité de traitement entre l'élevage et la culture.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je me suis déjà exprimé longuement sur le problème de la taxation des engrais, laquelle, j'en suis convaincu, n'aurait pas d'effet positif sur la qualité de l'eau.

C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Comme j'ai eu l'occasion de le dire au début de ce débat, une redevance sur les nitrates ne constituerait pas la réponse adéquate. Il est, me semble-t-il, préférable de favoriser les bonnes pratiques agricoles.

Les nouvelles contraintes résultant de la réforme de la politique agricole commune seront, nous le savons, lourdes de portée : conditionnalité et découplage des aides modifieront les comportements agricoles et favoriseront les pratiques extensives.

C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Il s'agit là d'un débat récurrent. Cela étant, je voudrais tout de même insister sur l'idée suivante : s'il est vrai que les agriculteurs paieront plus, en contrepartie ils recevront des aides beaucoup plus importantes à celles dont ils bénéficient aujourd'hui au titre des pratiques raisonnées auxquelles on voudrait les inciter.

Par conséquent, de l'argent sera certes pris aux agriculteurs, mais cet argent leur sera ensuite redistribué.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Je voterai cet amendement. Sans doute pose-t-il des problèmes d'ordre technique, mais il est un élément essentiel qui doit être pris en considération en matière de pollution : la perception qu'en a l'opinion publique. Or, aujourd'hui, chacun sait bien que celle-ci est extrêmement sensible au problème des intrants, en particulier lorsqu'il s'agit de nitrates.

A l'évidence, en adoptant cet amendement, nous donnerions le sentiment très fort que nous luttons contre ce type de pollution qui, si elle n'est pas la seule, est incontestablement la plus redoutée par nos concitoyens.

A l'inverse, ne pas voter cet amendement, ce serait manquer l'occasion de montrer à nos concitoyens que nous attachons la plus grande importance à la qualité des eaux et que nous avons entendu leur message.

Vous le savez comme moi, mes chers collègues, au-delà de ses aspects techniques et juridiques, la loi a aussi une portée psychologique sur l'opinion publique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 654.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 189 est présenté par Mme Gourault et les membres du groupe Union centriste - UDF.

L'amendement n° 385 rectifié est présenté par MM. Hérisson et  Béteille.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement :

« Art. L. 213-10-3 - I. - Les services d'assainissement collectif et non collectif sont redevables de la redevance de pollution domestique et assimilée.

« II. - En ce qui concerne le service d'assainissement collectif, l'assiette de la redevance est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel, diminuée de la pollution due aux industriels raccordés. Elle est composée des éléments mentionnés au III de l'article L. 213-10-2.

« Elle est déterminée :

« 1° Soit directement, à la demande de la collectivité compétente pour l'assainissement collectif, à partir des résultats du suivi régulier de l'ensemble des rejets par un système d'autocontrôle ou par un organisme agréé par l'agence de l'eau ; le contrôle porte à la fois sur le rendement épuratoire et la qualité des réseaux.

« 2° Soit indirectement, par différence entre, d'une part, un niveau théorique de pollution domestique par habitant raccordé, d'autre part, le niveau de pollution évitée par les dispositifs de dépollution mis en place par le gestionnaire du réseau collectif.

« Le niveau théorique de pollution domestique par habitant est calculé sur la base de grandeurs et de coefficients caractéristiques à partir de campagnes générales de mesures ou d'études fondées sur des échantillons représentatifs.

« La pollution évitée est déterminée à partir de mesures effectuées chaque année.

« III. - Pour chaque élément constitutif de la pollution, le tarif maximum de la redevance due par le service d'assainissement collectif et le seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due sont fixés selon les modalités du paragraphe III de l'article L. 213-10-2.

« IV. - En ce qui concerne les services d'assainissement non collectif, l'assiette de la redevance due au titre de l'assainissement non collectif est le volume d'eau annuel facturé aux usagers de ces services. Elle correspond à la pollution résiduelle, évaluée forfaitairement, d'un système d'assainissement non collectif. L'exploitant du service public de distribution d'eau facture, en sus du prix de l'eau, le montant de cette redevance.

« V. - La redevance de pollution due au titre de l'assainissement collectif est perçue auprès de l'exploitant du service public d'assainissement collectif par l'agence de l'eau.

La redevance pour pollution domestique due pour un système d'assainissement non collectif est perçue auprès de l'exploitant du service public de distribution d'eau par l'agence de l'eau. Elle est exigible à l'encaissement de la facture d'eau.

La parole est à M. Christian Gaudin, pour présenter l'amendement n° 189.

M. Christian Gaudin. Les collectivités, à l'image des industriels, doivent pouvoir choisir, pour le calcul de la redevance, la mesure de la pollution plutôt que le forfait.

Il est en effet important de favoriser la réalisation d'audits complets des réseaux des collectivités. Nous disposons actuellement de moyens techniques suffisants pour procéder à une bonne évaluation d'un système d'assainissement.

Par ailleurs, on connaît avec précision les conséquences que peuvent avoir sur ces systèmes des événements tels les orages.

La redevance de pollution doit jouer un rôle incitatif tant pour les collectivités locales que pour les industriels. Ce sera le cas pour les collectivités qui interviendront sur les points faibles décelés par les audits.

Cet amendement tend aussi à ce que le texte satisfasse au principe d'égalité, auquel se réfère constamment le Conseil constitutionnel, à la Charte de l'environnement et à nos engagements européens.

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour présenter l'amendement n° 385 rectifié.

M. Pierre Hérisson. Ces deux amendements trouvent leur origine dans une réflexion engagée par l'Association des maires de France. Comme il m'a été reproché naguère d'évoquer l'AMF dans cette enceinte, je ne sais pas si je suis autorisé à le faire. Je crois pourtant que cette honorable institution a aussi son mot à dire, surtout sur des domaines où les compétences ont été confiées par le législateur aux collectivités locales.

M. Christian Gaudin ayant expliqué précisément l'objet de cette proposition, je n'y reviendrai pas. Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaiterions vous entendre sur l'aspect technique et financier de cette question. Si vous êtes en mesure de nous apporter un certain nombre de garanties quant à l'application concrète du dispositif, je serai prêt à retirer mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 100, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Sont également redevables les usagers mentionnés à l'article L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. L'article L. 213-10-3 du code de l'environnement définit les règles d'établissement et de calcul de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique. Il s'agit de tous les abonnés au service public de distribution d'eau, à l'exception des personnes redevables de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique.

La commission suggère d'y ajouter les personnes mentionnées à l'article L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales, tel qu'il est proposé par l'article 27 du projet de loi. Il s'agit d'usagers raccordés ou raccordables au réseau d'assainissement, mais qui n'effectuent pas leur prélèvement de distribution d'eau potable. Désormais, en application de l'article 27 du projet de loi, ils devront mettre en place un dispositif de comptage de cette eau prélevée ; sur cette base, les communes pourront les assujettir à une redevance d'assainissement.

Dans ces conditions, il apparaît logique que ces usagers soient également redevables de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique.

M. le président. L'amendement n° 511, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une personne dispose d'un forage pour son alimentation en eau, elle est tenue de mettre en place un dispositif de comptage de l'eau prélevée. L'assiette de la redevance est alors majorée par le volume d'eau ainsi prélevé.

La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.

Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement a pour objet de prévoir un dispositif de taxation des personnes qui disposent d'un forage pour leur alimentation en eau. A cet égard, il recoupe en partie l'amendement précédent.

Notre collègue Gérard Miquel, dans son rapport sur « la qualité de l'eau et de l'assainissement en France », a souligné que plusieurs milliers de forages étaient mis en place chaque année et qu'ils venaient s'ajouter au stock déjà existant évalué, en l'an 2000, à environ 80 000. Ce développement des forages présente donc un risque à la fois quantitatif, du fait des prélèvements effectués sur les nappes, et qualitatif en raison des possibles contaminations des nappes liées à ces forages.

Ces données me conduisent à vous proposer de soumettre les personnes disposant d'un forage à la redevance pour pollution, ainsi qu'à la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, qui fera l'objet d'un autre amendement.

Monsieur le ministre, ces mesures me paraissent nécessaires du point de vue tant de l'équité que de l'écologie.

M. le président. L'amendement n° 288, présenté par MM. Revet,  Bailly,  Grillot,  Ginoux et  Texier, Mmes Henneron,  Rozier et  Gousseau, MM. Juilhard,  Bordier,  Pierre et  J. Boyer, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

En l'absence de ce comptage spécifique, l'assiette de la redevance des exploitants agricoles est fixée selon une consommation forfaitaire annuelle déterminée par arrêté préfectoral.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. On le sait, les agriculteurs sont de gros consommateurs d'eau...

M. François Marc. Surtout leurs animaux ! (Sourires.)

M. Charles Revet. ... lorsqu'ils font de l'élevage.

Il se trouve que certaines exploitations sont situées à proximité des canalisations d'assainissement. S'il est normal que, pour la part domestique, ces agriculteurs soient assujettis à la redevance d'assainissement, il serait incohérent de les assujettir pour la part utilisée à l'abreuvement des animaux, qui ne va pas au réseau d'assainissement et donc à la station d'épuration.

Par ailleurs, il n'est pas facile de mettre en place un comptage spécifique pour l'eau destinée aux animaux et l'installation d'un tel système pourrait s'avérer très coûteuse.

Nous proposons donc d'établir, comme cela a existé, un forfait pour la consommation domestique. Celui-ci serait fixé par un arrêté préfectoral.

Monsieur le ministre, nous demandons que cette précision soit introduite dans le projet de loi pour éviter certaines situations délicates. En effet, un agriculteur a reçu récemment une facture de l'entreprise délégataire - à la suite, semble-t-il, d'une instruction de l'agence concernée - lui réclamant le paiement intégral de l'ensemble des mètres cubes d'eau utilisés, que l'eau soit destinée à son usage domestique ou à son exploitation.

M. Bruno Sido, rapporteur. Ce n'est pas possible !

M. Charles Revet. Je peux vous communiquer les éléments du dossier ! En tout cas, je peux vous assurer que cet agriculteur m'a interpellé, alors que nous visitions une installation d'assainissement, en me montrant le courrier qu'il avait reçu.

Ce qui va sans le dire va mieux en le disant !

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 427 est présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 625 est présenté par MM. Marc,  Raoult et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement, remplacer les mots :

0,5 €/m3

par les mots :

0,3 €/m3

La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 427.

M. Bernard Vera. Les différentes redevances liées à l'eau font de l'usager domestique le principal contributeur. Responsable en moyenne de 20 % de la pollution de l'eau, il participe néanmoins à 85 % du financement de la redevance pour pollution.

Je ne conteste évidemment pas le fait que la redevance consacrée à la pollution des eaux se justifie par la dégradation constante de la disponibilité et de la qualité des eaux potables, ainsi que par la nécessité, dans certaines zones géographiques, de traitements spécifiques.

Mais cette répartition des charges financières au détriment des usagers apparaît immédiatement disproportionnée, et surtout profondément injuste. En outre, elle va totalement à l'encontre du principe pollueur-payeur, qui voudrait, en toute logique, que l'on fasse payer à chaque utilisateur sa part de responsabilité réelle dans les émissions polluantes affectant les ressources en eau.

Il ne s'agit pas pour nous de mettre en exergue, au nom de l'urgence environnementale, la responsabilité des agriculteurs en leur faisant subir brutalement une hausse importante de leur participation, ni de montrer du doigt une profession prisonnière d'une situation qu'elle ne peut maîtriser à elle seule. Il s'agit surtout de réduire des inégalités criantes face au prix de l'eau, par des mécanismes d'ajustement appropriés et étalés dans le temps.

C'est pour cette raison que les mesures incitatives et les dispositifs répressifs doivent obligatoirement s'accompagner de mesures de justice. C'est par la justesse et l'équilibre de l'ensemble de ces mécanismes que tous les utilisateurs pourront être, sur le long terme, les bénéficiaires de la baisse des niveaux effectifs de pollution et, par conséquent, de la diminution des taxes et redevances y afférentes.

L'amendement que nous présentons tend à introduire l'une de ces mesures de justice et représente un pas vers un rééquilibrage des contributions. Il s'agit de réduire la participation des usagers domestiques en ramenant le plafond de la redevance pour pollution de l'eau de 0,5 euro par mètre cube à 0,3 euro par mètre cube.

Tendre vers une participation plus équitable du consommateur : tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° 625.

M. François Marc. Il s'agit en effet d'opérer un rééquilibrage concernant les redevances payées par les différentes catégories de redevables. En l'occurrence, nous avons le sentiment qu'il faut se fixer un objectif dans le temps et qu'il faut tendre progressivement vers ce but. Si aucun signal n'est d'ores et déjà donné, rien ne changera !

Il nous paraît donc important, au moment nous discutons ce projet de loi sur l'eau, qui est une étape décisive dans le processus amorcé depuis déjà trente-cinq ans d'indiquer que le législateur souhaite impérativement que ce rééquilibrage soit effectué. Nous souhaitons vivement que le Sénat puisse donner ce signal.

M. le président. L'amendement n° 456, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa (1°) du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Cet amendement s'inscrit, comme les précédents, dans un souci d'égalité et de préservation de la ressource. Il ne nous paraît pas souhaitable d'opérer une distinction selon l'état des masses d'eau.

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement, par un paragraphe ainsi rédigé :

« V. - Lorsqu'un dispositif permet d'éviter la détérioration de la qualité des eaux, une prime est versée au maître d'ouvrage public ou privé de ce dispositif ou à son mandataire. Elle est calculée en fonction de la quantité de pollution d'origine domestique dont l'apport au milieu naturel est supprimé ou évité. La prime peut être modulée pour tenir compte du respect des prescriptions imposées au titre d'une police spéciale relative à l'eau.

« De même, une prime est versée aux communes ou à leurs groupements au titre de leurs compétences en matière de contrôle des installations d'assainissement non collectif. Le montant de cette prime est fixé à un montant au plus égal à 80 % du montant des redevances pour pollution domestique versées par les abonnés non raccordables à un réseau d'assainissement collectif en fonction des résultats du contrôle et de l'activité du service qui en a la charge.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements qui n'émanent pas d'elle.

M. Bruno Sido, rapporteur. L'article 35 du projet de loi précise, à l'article L. 213-9-2 du code de l'environnement, relatif aux modalités d'intervention des agences de l'eau, que celles- ci peuvent attribuer des concours financiers sous forme de primes de résultats.

L'amendement n° 101 vise à expliciter ce mécanisme de primes pour épuration, qui s'inspire du dispositif actuellement prévu par l'article 6 de l'arrêté du 28 octobre 1975, modifié par l'arrêté du 23 décembre 1996, tout en prenant désormais en compte l'assainissement non collectif.

J'en viens aux avis de la commission sur les autres amendements.

Les amendements identiques nos 189 et 385 rectifié, qui visent à définir le calcul de la redevance pour pollution d'origine domestique par rapport à la mesure de la pollution annuelle rejetée, sont certes satisfaisants sur le plan intellectuel. On peut toutefois s'interroger sur la faisabilité de la mesure de la pollution à travers le suivi régulier de l'ensemble des rejets des stations d'épuration.

En outre, on peut se demander s'il est opportun de prévoir d'emblée un calcul de la redevance pour pollution domestique différent selon qu'il s'agit d'assainissement collectif ou d'assainissement non collectif. La commission s'en remet donc, sur ces deux amendements, à la sagesse du Sénat.

L'amendement n° 511 est complémentaire de l'amendement n° 100 de la commission et de la disposition introduite à l'article L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales par l'article 27 du projet de loi. La commission y est donc favorable.

L'amendement n° 288 tend à autoriser la détermination de l'assiette de la redevance des exploitations agricoles sur une base forfaitaire, en l'absence d'un comptage spécifique des volumes d'eau utilisés pour les animaux.

Ce dispositif est vraiment trop favorable et n'incite pas à une gestion prudente de la ressource.

Par ailleurs, monsieur Revet, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et je pense que le cas particulier que vous avez évoqué me paraît relever plus d'une discussion franche avec l'administration ou devant les tribunaux que d'une loi.

Par conséquent, la commission souhaite que vous retiriez cet amendement, mais je ne doute pas que les explications complémentaires que ne manquera pas de vous apporter M. le ministre seront de nature à vous convaincre.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 427 et 625, la commission y est défavorable, car elle ne souhaite pas remettre en cause les équilibres proposés par le projet de loi. Il s'agit, là encore, de plafonds que les agences ne sont pas obligées d'utiliser.

M. François Marc. Vous ne voulez pas de plancher !

M. Bruno Sido, rapporteur. Il existe un plancher ; simplement, il est à zéro !

La commission a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 456.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Actuellement, le dispositif de la redevance pour pollution domestique est très complexe et pose des problèmes d'opacité et d'iniquité. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé une remise à plat du système.

Les amendements nos 189 et 385 rectifié, qui visent à distinguer une redevance pour l'assainissement collectif et une autre pour l'assainissement non collectif, avec des assiettes différentes, complexifient encore la redevance pour pollution domestique. Aussi cette distinction va-t-elle à l'encontre de la volonté d'inscrire l'assainissement non collectif comme une solution technique à part entière, au même titre que l'assainissement collectif.

Par ailleurs, il me semble important que les usagers soient assujettis à la redevance quel que soit leur mode d'assainissement. Une prime pour épuration est versée aux services publics d'assainissement collectif et non collectif, venant alors alléger les charges du service.

Dans la pratique, les réseaux d'assainissement collectif sont très étendus et complexes, en partie séparatifs mais souvent unitaires, regroupant eaux usées et eaux de pluies, avec la présence de déversoirs d'orages, d'eaux parasites et de fuites de réseau. Les réseaux génèrent ainsi une pollution importante, indépendamment de celle qui est rejetée par la station d'épuration et beaucoup plus difficilement mesurable.

Je suis d'accord avec les auteurs de ces deux amendements sur la nécessité d'améliorer la connaissance réelle de l'efficacité des réseaux. Cette incitation est d'ailleurs prévue dans le cadre des primes pour épuration qui seront versées aux collectivités, et je suis attaché à l'encourager.

Toutefois, la mesure réelle et exhaustive de toutes les sources de pollution liées aux réseaux d'assainissement collectif qui est proposée n'est pas réalisable à court terme. L'adoption de ces amendements aboutirait, de fait, à réaliser des calculs forfaitaires compliqués, pour aboutir in fine à des tarifs au mètre cube d'eau prélevée, ce qui est prévu dans le projet de loi. En revanche, au contraire de ce qui est prévu, ces tarifs seraient différents d'une commune à l'autre, différents entre l'assainissement collectif et non collectif, sans lien avec l'impact réel de la pollution. C'est bien d'ailleurs le problème posé actuellement aux agences de l'eau.

C'est la raison pour laquelle, après ces explications, je souhaite que les amendements nos 189 et 385 rectifié soient retirés. Dans le cas contraire, je serais dans l'obligation d'émettre un avis défavorable.

Je suis favorable à l'amendement n° 100, car tous les usagers raccordés ou raccordables aux réseaux d'assainissement doivent contribuer à la redevance pour pollution domestique, que l'eau prélevée provienne du réseau public ou d'autres sources.

Madame le rapporteur pour avis, les prélèvements d'eau opérés pour l'alimentation en eau engendrent en effet une pollution domestique, que l'eau provienne du réseau public ou d'un forage particulier. Mais, dans la pratique, il sera assez difficile pour l'agence de l'eau ou le distributeur de vérifier ces assiettes. Toutefois, compte tenu de l'intérêt que le rapporteur a exprimé pour votre amendement n° 511, j'émets un avis favorable.

Monsieur Revet, il me paraît indispensable, au regard du principe d'égalité devant l'impôt, que les volumes qui sont utilisés pour l'abreuvement des animaux soient pris en compte pour le calcul de la redevance pour pollution domestique soient comptabilisés.

De plus, votre amendement n° 288 introduit un régime dérogatoire pour toute exploitation agricole, qu'il s'agisse ou non d'élevage.

Votre amendement conduirait à ce que les agriculteurs, en tant qu'usagers domestiques, soient progressivement tous au forfait. Au titre de l'égalité devant l'impôt, les autres usagers domestiques pourraient exiger d'être également au forfait, ce qui modifierait totalement l'esprit de la redevance pour pollution domestique.

Monsieur le sénateur, je propose d'examiner le cas particulier que vous avez évoqué et qui semble à l'origine de votre amendement, afin de voir s'il n'est pas en contradiction avec les textes et comment il est possible de le résoudre. Mais je ne pense pas qu'il faille modifier le texte de loi à partir d'une difficulté particulière. Nous donnerions là un très mauvais signe par rapport à l'objectif de la loi, qui est le bon état écologique des eaux.

Je vous demande donc de retirer l'amendement n° 288.

Les amendements identiques nos 427 et 625 visent à baisser le taux de redevance pour pollution domestique. Les agences de l'eau doivent mettre en place un programme d'ampleur en matière de dépollution, particulièrement en matière d'eaux résiduaires urbaines. Il importe donc que ces agences aient des moyens suffisants pour aider les collectivités.

De plus, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, il faut laisser aux comités de bassin une marge d'adaptation aux réalités locales.

C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.

Par cohérence avec la position que j'ai prise sur la suppression de la modulation en fonction de l'état des masses d'eau, qui concernait la redevance pour pollution non domestique, je suis également défavorable à l'amendement n° 456, qui concerne la redevance pour pollution domestique.

L'amendement n° 101 vise à réintégrer dans la partie redevance les primes pour épuration. Pour la pollution domestique, la redevance est assise sur le volume d'eau prélevée. Une partie de la pollution ainsi générée est retirée par les stations d'épuration ou par les dispositifs contrôlés d'assainissement non collectif. L'agence verse des primes pour tenir compte de cette pollution retirée.

Monsieur le rapporteur, je suis donc favorable à votre amendement, qui précise le mode de calcul desdites primes.

M. le président. Monsieur Gaudin, acceptez-vous de retirer l'amendement n° 189, comme l'a souhaité M. le ministre ?

M. Christian Gaudin. M. le ministre a apporté quelques éléments intéressants. L'application de cet amendement poserait un certain nombre de problèmes, je le conçois.

En déposant cet amendement, nous voulions montrer combien il est important de porter attention à la nature des effluents de station, notamment pour les collectivités. Vous apportez un début de réponse avec la prime versée aux collectivités.

Je souhaite que l'on aille plus loin dans l'analyse du niveau de pollution des effluents, même si cette analyse est difficile à réaliser dans le cas des réseaux unitaires.

Cela dit, le débat ayant été ouvert, j'accepte de retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur Hérisson, acceptez-vous également de retirer votre amendement n° 385 rectifié ?

M. Pierre Hérisson. Oui, monsieur le président.

M. le président. Les amendements identiques nos 189 et 385 rectifié sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L''amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote sur l'amendement n° 511.

M. François Fortassin. Je voterai cet amendement, dont l'esprit est très bon. Toutefois, il me semble qu'il y manque une précision.

Dès lors qu'un forage est situé sur une propriété privée, comment vérifier le comptage si le propriétaire refuse l'accès à son compteur, comme il en a le droit ? Parce que nous ne sommes plus dans le cas d'un abonné qui, signant un contrat avec une société distributrice, accepte par là même la vérification du compteur !

A quoi sert-il d'obliger un propriétaire qui a fait creuser un puits à mettre en place un compteur si l'on ne précise pas que la vérification de ce compteur devra être effectuée par une autorité spécifiée ou désignée ultérieurement par le préfet ?

Je suis tout à fait favorable à l'amendement, mais il me paraît indispensable de le compléter par une précision qui rendrait cette disposition effectivement applicable, faute de quoi elle donnera nécessairement lieu à des contentieux.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. L'amendement vise la personne disposant d'un forage pour « son alimentation en eau ». S'agit-il d'une alimentation en eau destinée à un usage domestique, c'est-à-dire une eau considérée comme potable ? S'agit-il, au contraire, d'une alimentation en eau destinée à un usage non domestique, c'est-à-dire une eau non potable destinée, par exemple, à l'arrosage de jardins ? Sur les bords de la Loire ou du Cher, par exemple, on privilégie souvent cette technique pour ce type d'utilisation, précisément pour éviter d'utiliser de l'eau potable, qui doit faire, elle, l'objet d'un traitement.

J'aimerais obtenir des précisions à cet égard, car nous aurons quelques soucis si l'on impose la mise en place de compteurs pour des forages situés en zone urbaine et destinés à l'arrosage de jardins et notamment de « jardins ouvriers » !

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Mon explication de vote va dans le même sens que celle de mes collègues.

Permettez-moi de vous citer le cas d'un habitant de ma région, qui a installé un dispositif de forage voilà des années pour ses besoins domestiques et qui demande aujourd'hui l'assainissement. Sur quoi va-t-on s'appuyer pour facturer l'assainissement collectif, alors qu'il ne possède aucun compteur d'eau ?

Je suis très favorable à l'amendement de Mme Keller, mais il faut trouver les moyens pratiques de procéder aux vérifications nécessaires. Vous avez dit qu'il serait difficile, dans la pratique, de vérifier l'assiette de la redevance, mais il s'agit pourtant d'un problème important. Monsieur le ministre, l'examen de ce texte en deuxième lecture sera, me semble-t-il, l'occasion d'y revenir. C'est une question de cohérence par rapport aux habitants d'une même commune !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. En commission des finances, j'avais voté cet amendement, car il est parfaitement justifié, même s'il pose des problèmes d'application sur le plan pratique.

Je voudrais rassurer Mme Beaufils : pour arroser son jardin, plutôt que de faire un forage dans le sol, il me semble plus astucieux de revenir aux pratiques anciennes de rétention des eaux pluviales par le biais d'instruments adaptés, d'autant que, comme M. César, une demande en entraîne une autre et que les forages sont une source de pollution. Or les conséquences financières de cette pollution pèseront sur tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je suis plutôt favorable à cet amendement, d'autant que nous constatons d'autres anomalies.

De plus en plus d'agriculteurs font des forages. Dans les petites communes, cela se traduit par une baisse très importante de la consommation, laquelle est finalement payée par les autres !

Par ailleurs, semble-t-il sur les conseils de leur chambre d'agriculture, ...

M. Gérard César. Ne critiquez pas les chambres d'agriculture, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Claude Biwer. C'est ainsi que le problème m'a été présenté !

Sur les conseils de leur chambre d'agriculture, donc, des agriculteurs se tournent vers le syndicat de distribution pour demander confirmation de l'existence d'une station d'épuration. Vous vous en doutez, leur objectif est, lorsque leurs têtes de bétail sont en nombre suffisamment faible, au moins de ne pas procéder à une mise aux normes de leur exploitation, sachant que c'est la station d'épuration qui récupère les eaux blanches !

M. Henri de Raincourt. Il y a tant des petits malins !

M. Claude Biwer. Il n'existe aucun prélèvement sur la distribution d'eau, aucun paiement de cette eau, aucune taxe de pollution, mais on nous demande de dépolluer pour le compte de...

Il est donc nécessaire de trouver une solution pour faire payer tout le monde.

Enfin, je me permettrai de répondre à M. Fortassin. Dans bon nombre de cas, les compteurs sont sur le domaine privé, et nous avons toujours trouvé une solution. Il doit donc être possible d'adapter la règle pour les forages.

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis. On ne s'étonnera pas du soutien que j'apporte à l'amendement de Mme Keller.

Différents orateurs ont souligné les difficultés pratiques que posera peut-être son application, mais je crois qu'il était important de rappeler, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi, que les redevances sont le moyen de faire vivre la solidarité. Or, certains usagers sortent du périmètre de la solidarité en procédant à des forages de plus en plus profonds dans les nappes phréatiques. Il est évident que de telles pratiques, si elles venaient à se développer, mettraient au moins partiellement en échec les dispositions prévues dans le présent projet de loi.

Par conséquent, en adoptant cet amendement, nous poserons un principe général. Comme l'a dit M. César, la navette devrait nous permettre de trouver des modalités plus adaptées. Il conviendra sans doute de fixer une profondeur à partir de laquelle la redevance sera due et de régler les problèmes d'ordre juridique relatifs à la déclaration d'un forage et aux nécessaires vérifications du comptage.

Sur le fond, il s'agit d'une belle et nécessaire contribution à la solidarité. Sans cette disposition, le dispositif de redevance perdrait de sa pertinence.

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.

Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. Mon propos ira dans le sens des interventions de MM. Biwer et Arthuis.

La logique générale du dispositif vise à assujettir à la redevance toutes les personnes qui prélèvent sur la ressource en eau et qui alimentent les systèmes d'épuration.

Mme Esther Sittler a évoqué tout à l'heure la situation du syndicat des eaux qui gère sa commune, dans lequel le volume d'eau prélevé diminue alors que le volume d'eau traité ne cesse d'augmenter. La charge du traitement et de la bonne gestion de l'eau se trouve ainsi concentrée sur un nombre réduit de contribuables.

Chacun d'entre nous est soucieux de la cohérence du dispositif. Le prix de l'eau a augmenté et il continuera peut-être à le faire. Au fur et à mesure que les prix grimpent, les tentations de forer, de se « débrouiller tout seul », se font plus fortes. Il est donc important, même si le système n'est pas parfait, d'essayer d'encadrer ce processus en prévoyant une obligation de déclaration et de ne pas favoriser des pratiques qui seraient contraires à ce qui est recherché à travers ce projet de loi.

Je vais compléter mon argumentation par des données techniques.

Tout d'abord, le texte proposé par l'article 27 du projet de loi pour l'article L. 2224-12-5 du code des collectivités territoriales dispose : « Un décret fixe les conditions dans lesquelles il est fait obligation aux usagers raccordés ou raccordables au réseau d'assainissement d'installer un dispositif de comptage de l'eau. » Cet article pose le principe de la redevance, même s'il s'agit là d'une redevance communale.

Par ailleurs, à l'article 38, dans la sous-section 4 « Obligations déclaratives, contrôle et modalités de recouvrement », il est prévu que « les contribuables déclarent à l'agence de l'eau les éléments nécessaires au calcul des redevances » et, plus loin, que « l'agence de l'eau contrôle l'ensemble des éléments permettant de vérifier l'assiette des redevances ».

Pour protéger l'usager, un amendement de la commission des finances prévoit que les personnes qui sont chargées des contrôles sont soumises à la confidentialité.

Cette disposition répond à l'une de vos préoccupations, monsieur Fortassin. Aujourd'hui déjà, le contrôleur entre dans l'espace privé. Ce sera encore plus vrai demain. En entrant dans une propriété privée, il peut avoir accès à des informations sans rapport avec sa mission. Il faut donc protéger les personnes.

Tels sont, mes chers collègues, les éléments complémentaires que je tenais à porter à votre connaissance pour éclairer votre vote.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 511.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je note que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

Monsieur Revet, l'amendement n° 288 est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Cet amendement me paraît relever du bon sens, mais peut-être me suis-je mal exprimé.

Il ne s'agit pas d'exonérer les agriculteurs de la redevance d'assainissement pour la part domestique. Il ne s'agit pas davantage de les inciter à ne pas s'équiper d'un compteur ; chaque fois qu'il est possible d'installer un compteur afin de distinguer la consommation de l'exploitation et la consommation domestique, il faut le faire. Il ne s'agit pas non plus d'une incitation à recourir au forfait.

Monsieur le ministre, je ne voudrais pas que mon amendement ait un effet contraire à celui que je recherche. Les forfaits existent !

M. Serge Lepeltier, ministre. Bien sûr !

M. Charles Revet. Dans mon département, le préfet a pris un arrêté précisant qu'en cas d'absence de compteur on retient une consommation forfaitaire de 120 mètres cubes. Il en résulte bien souvent que l'usager paie plus que s'il payait sa consommation réelle.

Que fera-t-on lorsqu'il est manifestement impossible d'installer un second compteur ? Laissera-t-on, comme dans le cas que j'ai cité tout à l'heure, une personne zélée décider que l'usager est taxé sur l'intégralité de sa consommation ? Ce serait absurde !

Monsieur le ministre, les usagers qui ne peuvent pas avoir de second compteur sont beaucoup plus nombreux qu'on le pense. Si vous m'apportez une réponse, je retirerai mon amendement. Peut-être cette question sera-t-elle réglée lors de la deuxième lecture. En tout état de cause, il faut prendre l'engagement de traiter ces situations spécifiques, que l'on trouve au demeurant dans tous les départements.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Revet, nous parlons ici, je le rappelle, du réseau d'eau potable. Il n'y a pas de raison que la pose d'un compteur soit impossible. En revanche, il y a, avec votre amendement, un risque d'encourager les agriculteurs à ne pas avoir de compteur. Je ne vous cache pas que c'est ce qui m'inquiète le plus.

M. le président. Monsieur Revet, je vous interroge de nouveau : l'amendement est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Non, je le retire, monsieur le président, mais il faudra trouver une solution lors de la deuxième lecture.

M. le président. L'amendement n° 288 est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 427 et 625.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 456.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement est adopté.)

(M. Philippe Richert remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. L'amendement n° 102, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement :

« La redevance est assise sur le volume d'eau retenu, avant application d'abattements éventuels, pour le calcul de la redevance d'assainissement mentionnée à l'article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales. La redevance pour modernisation des réseaux de collecte n'est pas due lorsque les eaux usées de l'établissement sont transférées directement à la station d'épuration de la collectivité par un collecteur spécifique dont l'établissement a supporté le coût de cet ouvrage.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant des modalités du calcul de la redevance pour modernisation des réseaux de collecte qui sera applicable aux industries, le projet de loi retient, pour l'assiette, les volumes d'eau déversés dans les réseaux. Cela posera des problèmes dans les établissements qui ne sont pas équipés pas de dispositifs de mesures en continu.

C'est pourquoi nous proposons que l'assiette de la redevance soit calculée à partir du volume retenu pour le calcul de la redevance d'assainissement et d'épuration des eaux usées, c'est-à-dire le volume d'eau potable consommé. Il ne sera pas tenu compte des coefficients d'abattement pouvant être définis par la collectivité par tranche de volume pour le calcul de la redevance d'assainissement.

Cet amendement exclut par ailleurs du paiement de la redevance les établissements ayant réalisé à leurs frais un collecteur spécifique permettant d'acheminer les effluents industriels directement vers la station d'épuration, ce qui constituera une incitation à développer ces réseaux spécifiques qui permettent d'assurer une meilleure efficacité de l'épuration.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. L'assiette qui est proposée pour la redevance de collecte est cohérente avec le calcul de la redevance d'assainissement et d'épuration des eaux usées. Elle tient également compte du cas des établissements ayant réalisé à leurs frais un collecteur spécifique permettant d'acheminer les effluents industriels directement sur la station d'épuration.

Je suis donc favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 618, présenté par M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement :

 « Son taux est fixé dans la limite d'un plafond de 0,2 €/m3 jusqu'en 2008, 0,25 €/m3 jusqu'en 2010 et 0,3 €/m3 jusqu'en 2012.»

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à aligner le taux de la redevance pour modernisation des réseaux de collecte à laquelle seront désormais assujettis les industriels sur le taux appliqué aux usages domestiques.

M. le président. L'amendement n° 457, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement :

« Son taux est fixé par l'agence de l'eau dans une fourchette allant de 0,10 à 0,20 euro/m3.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Cet amendement vise à redéfinir les conditions de fixation du taux de redevance pour modernisation des réseaux de collecte.

Telles qu'elles sont énoncées dans le projet de loi, ces conditions sont contraires aux objectifs affichés.

D'abord, assujettir le taux au besoin de financement du programme d'intervention nous expose à des risques de variation importante selon l'ambition du programme et le lieu d'habitation, ce qui va à l'encontre du principe d'égalité. Le consommateur doit pouvoir bénéficier d'une certaine stabilité des prix.

Ensuite, en définissant une limite supérieure et en posant le principe d'un tarif dégressif, elle n'encourage pas la préservation de la ressource en eau. Plus de rejets, c'est aussi plus de consommation. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, un tel système de tarification n'est pas de nature à encourager des habitudes d'économie de la ressource.

Je propose donc que ce taux soit fixé par l'agence de l'eau dans une fourchette allant de 0,10 à 0,20 euro par mètre cube.

M. le président. L'amendement n° 103, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement, après les mots :

taux de la redevance pour

insérer les mots

modernisation des

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. C'est un amendement de précision, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 410, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Lors du débat sur la question orale relative à la gestion des déchets nucléaires, j'ai salué la présence de M. le ministre de l'écologie. Au-delà du plaisir de revoir M. Lepeltier, il m'a semblé très intéressant que l'écologie se voie ainsi mobilisée quel que soit le secteur d'activité en cause. (Sourires.)

Face aux contraintes environnementales de toutes sortes - pénurie des ressources naturelles, réchauffement climatique, pollution des eaux, des sols, de l'air, pollutions sonores, visuelles, etc. - il n'est plus possible de continuer comme par le passé, comme si de rien n'était.

Il faut donc changer nos modes de production industrielle et agricole ainsi que nos modes de consommation, car les uns et les autres sont liés. Il faut intégrer le paramètre environnemental dans chaque secteur industriel et économique. Désormais, il ne faut plus dire plus dire : prenons telle mesure parce qu'elle est bonne pour l'économie, et nous veillerons ensuite à réparer les dégâts écologiques. Il faut concevoir la contrainte environnementale comme n'importe quelle contrainte économique.

En l'occurrence, l'eau est une ressource rare. Il importe de ne pas en diminuer le coût. C'est pourquoi il faut supprimer la dégressivité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 618, 457 et 410 ?

M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant des amendements nos 618 et 457, il convient de rappeler que la redevance pour modernisation des réseaux de collecte se substitue à l'application du coefficient de collecte sur la redevance pour pollution, à laquelle échappaient les industriels raccordés.

L'assujettissement des industriels à la redevance pour modernisation de réseaux de collecte constitue déjà une avancée notable sur le plan de l'équité et il est hors de question de leur imposer brutalement des tarifs trop importants.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.

En ce qui concerne l'amendement n° 410, je dirai qu'un tarif dégressif me semble se justifier du fait de l'usage économique de l'eau par les industriels et en raison des volumes transportés.

C'est pourquoi la commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Il est effectivement souhaitable que les industriels raccordés à un réseau de collecte participent aux efforts de modernisation des réseaux. Je rappelle que, à l'heure actuelle, les pratiques relatives au coefficient de collecte ne leur sont pas applicables.

Toutefois, on comprend bien que les branchements industriels correspondent généralement à des débits beaucoup plus élevés, par rapport à la longueur des canalisations, que ceux des zones de collecte urbaine. Cela justifie que les tarifs soient adaptés à ces caractéristiques particulières.

C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 618.

Pour les mêmes raisons, il est également défavorable à l'amendement n° 457.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 103, qui est rédactionnel.

Il est défavorable à l'amendement n° 410, car il estime qu'il faut maintenir la dégressivité des tarifs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 618.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 457.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 410.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 104, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-6 du code de l'environnement :

Les collectivités ou établissements publics maîtres d'ouvrages des réseaux publics d'assainissement collectif...

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. C'est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement qui apporte effectivement une précision utile.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 410.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 289, présenté par MM. Revet,  Bailly,  Grillot,  Ginoux et  Texier, Mmes Henneron,  Rozier et  Gousseau, MM. Juilhard,  Bordier,  Pierre et  J. Boyer, est ainsi libellé :

A - Rédiger comme suit le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement :

« I - Toute personne fabriquant ou important les produits phytosanitaires à usage agricole mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural est assujettie à une redevance pour pollutions diffuses.

B - Rédiger comme suit les III et IV du même texte :

« III - Un taux de redevance unique inter agences est fixé dans la limite de 1,2 € en fonction des teneurs des eaux des bassins en résidus phytosanitaires.

« IV - La redevance est exigible lors de la vente au distributeur. Les fabricants ou importateurs mentionnés au I font apparaître le montant de la redevance qu'ils ont acquittée au titre du produit fabriqué ou importé sur leurs factures. Ils tiennent à la disposition des agences de l'eau un registre des destinataires de ces factures et des montants de redevance correspondants »

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Cet amendement vise deux objectifs.

D'une part, il s'agit de simplifier la perception auprès des fabricants des redevances sur les produits fabriqués.

D'autre part, il s'agit d'inciter les fabricants à élaborer des produits qui soient le moins polluants possible en faisant que la taxe s'applique dès le stade de la fabrication, tant il est vrai que l'utilisateur ne consomme jamais que ce qu'on lui vend.

M. Charles Revet. J'entends bien que d'autres aspects doivent être pris en compte et j'écouterai donc attentivement les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre à ce sujet, mais nous souhaitons, à travers le dépôt de cet amendement, bien mettre l'accent sur la nécessité de favoriser l'introduction sur le marché de produits aussi peu polluants que possible.

M. le président. L'amendement n° 622, présenté par MM. Marc,  Raoult et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, après les mots :

du même code,

insérer les mots :

les produits biocides mentionnés aux articles L. 522-1 et L. 522-3 du code de l'environnement ou des engrais chimiques,

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Il est nécessaire d'étendre la redevance applicable aux produits phytosanitaires utilisés en agriculture aux biocides qui présentent les mêmes risques pour le milieu aquatique. De même, il est légitime de prévoir une redevance sur les engrais chimiques.

Ces mesures correspondent à la mise en oeuvre du principe de récupération des coûts pour l'environnement prévu par l'article 9 de la directive-cadre du 23 octobre 2000.

Il me semble que l'état des lieux rend aujourd'hui nécessaire une analyse exhaustive de la qualité des eaux et de sa dégradation liée à l'usage des pesticides, des biocides et des produits phytosanitaires agricoles, de tout ce qui sert en fin de compte à « tuer la vie ».

Il est clair que nous ne faisons pas actuellement assez d'efforts pour maintenir la qualité de l'eau.

M. le président. L'amendement n° 166, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. Compléter la deuxième phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement par les mots :

et distingue deux catégories de substances en fonction de l'intensité de ces caractéristiques

II. Rédiger ainsi le III du même texte :

« III. - Le taux de la redevance est fixé par l'agence de l'eau, en fonction de la teneur des eaux du bassin en résidus de produits antiparasitaires et dans la limite de 1,2 € par kilogramme de substances mentionnées au II et de 6 € par kilogramme de substances relevant de la catégorie la plus toxique ou écotoxique.

La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.

Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de renforcer le caractère incitatif de la redevance pour pollution diffuse, en prévoyant d'instaurer une gradation dans la taxation des substances toxiques ou écotoxiques. Un taux plus élevé de redevance serait fixé pour les substances les plus dangereuses

L'objectif de la commission des finances rejoint, en l'espèce, ceux des auteurs des amendements précédents.

L'actuelle taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, distingue sept catégories de produits, en fonction de leur classement toxicologique et écotoxicologique. Le taux de cette taxe varie entre 0 et 1,67 euro par kilo de substances actives entrant dans la composition des produits phytosanitaires.

Dès lors, quand bien même le rendement global de la redevance telle que le projet de loi la propose équivaudrait à celui de la TGAP, les produits les plus dangereux seraient moins taxés qu'ils ne le sont actuellement. Accepter cela reviendrait réellement à donner un mauvais signe écologique.

Je rappellerai que, selon l'Institut français de l'environnement, plus de 60 % des captages d'eau sont aujourd'hui altérés par des pesticides. Nous avons tous connaissance de captages que l'on a dû déplacer pour obtenir un niveau acceptable au regard de la consommation humaine. La même étude montrait que près de 30 % de ces captages n'étaient plus utilisables en tant que sources d'eau potable.

J'ai interrogé les services du ministère de l'écologie et du développement durable pour recueillir des éléments d'appréciation. Les chiffres qui m'ont été communiqués démontrent l'importance des coûts induits par la pollution liée aux pesticides. On peut d'ailleurs penser que le coût réel total n'est pas connu dans la mesure où certains produits ne se dégradent pas et restent présents dans la ressource en eau.

Le ministère estime que le coût actuel direct serait compris entre 50 millions et 100 millions d'euros par an au niveau national, ce qui représente 1 % à 2 % de la dépense courante annuelle des services publics de distribution d'eau.

Le ministère évalue à 380 millions d'euros par an le coût total des dommages liés aux produits phytosanitaires, hors impact sur l'environnement. Cependant, comme je l'expliquais à l'instant, ce chiffre correspond vraisemblablement à une valeur minimale.

Ces chiffres démontrent toutefois l'ampleur du problème.

Or la contribution des utilisateurs de ces produits prévue par ce projet de loi est faible puisque le rendement de la redevance est évalué à 40 millions d'euros.

En outre, il me semble essentiel de différencier la taxation des produits en fonction des dommages qu'ils peuvent causer, étant entendu que la liste de ces produits serait établie par décret.

Par cet amendement, nous vous proposons donc de distinguer deux catégories de produits et de fixer un taux plafond à 6 euros par kilo de substance active pour les produits les plus dangereux.

M. le président. Le sous-amendement n° 692, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le II de l'amendement n° 166 pour le III de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, remplacer la somme :

6 €

par la somme :

3 €

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. L'instauration de deux catégories pour la redevance pour pollutions diffuses permet incontestablement de mieux cibler les substances actives les plus dangereuses.

Le signal envoyé est pertinent, mais le tarif de 6 euros paraît trop élevé : il nous semble qu'il devrait être limité à 3 euros.

M. le président. L'amendement n° 623, présenté par MM. Marc,  Raoult et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Pour les engrais chimiques, l'assiette de la redevance est la quantité d'azote contenue dans l'engrais.

 

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. C'est un amendement de cohérence.

M. le président. L'amendement n° 426, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, remplacer les mots :

, dans la limite de 1,2 €

par les mots :

dans une fourchette allant de 1,2 à 1,7 €

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Le projet de loi qui nous est soumis prévoit la suppression du volet phytosanitaire de la TGAP, et le remplace par une redevance sur les pollutions diffuses.

Au mieux, il s'agit d'un statu quo. En effet, la modification proposée vise avant tout à maintenir un équilibre financier. Cette mesure serait trop peu dissuasive et n'offrirait aucune garantie quant à la prévention ou à la réparation des pollutions.

Pourtant, l'ampleur de la dégradation des ressources et de la qualité de l'eau potable est telle que, dans certaines régions, elle induit des problèmes de santé publique.

Il est donc urgent de prendre les mesures indispensables à la mise en conformité de la qualité des eaux destinées à la consommation.

Une étude de l'Institut français de l'environnement menée en 2002 a montré que seuls 5 % des points de prélèvement présentaient des concentrations en substances actives compatibles avec un développement sans risque de la vie aquatique et un usage alimentaire.

Dans treize départements du grand Ouest, du Sud-Ouest et du Nord - Pas-de-Calais, les concentrations en pesticides rendent nécessaire un traitement spécifique d'élimination pour permettre la consommation de l'eau.

Rappelons que l'actuel système de redevance pour la pollution laisse 85 % des contributions à la charge de l'usager domestique, 14 % aux industriels et 1 % aux agriculteurs. La participation de ceux-ci sera portée, il est vrai, à 4 %. Le système restera néanmoins inéquitable. De surcroît, il n'incite en aucune façon les professionnels à engager de véritables actions de prévention de la pollution.

La loi doit notamment avoir pour objectif d'amener chacun de ces acteurs à contribuer, par un financement proportionné à sa responsabilité dans l'émission de produits polluants, à une amélioration de la qualité des eaux et à la restauration du milieu aquatique. Cela permettrait à la France de satisfaire, d'ici à 2015, aux critères fixés par la directive-cadre.

Je constate hélas, mes chers collègues, que l'on ne se donne pas les moyens d'atteindre un tel objectif avec cette mesure tendant à fixer un plafond à 1,2 euro par kilo de substances actives pour la redevance, le seul critère retenu étant la teneur en résidus des eaux du bassin.

L'objectif de conformité serait d'autant moins atteint que l'évolution constante des produits phytosanitaires, pour d'évidentes raisons de rentabilité, ne vise qu'à plus d'efficacité et aboutit donc à une plus grande concentration.

Il semble donc indispensable d'instaurer, parallèlement à d'autres mesures comme l'écoconditionnalité, amorcée dans la PAC, une redevance à la fois équitable et incitative, qui encourage en particulier la recherche et le développement de produits plus respectueux du milieu naturel. Il faudrait, de plus, taxer les produits les plus nocifs à un niveau tel qu'il soit réellement dissuasif.

Cet amendement a pour objet d'encadrer, dans le souci d'une plus grande efficacité, le taux de la redevance pour pollutions diffuses, en le situant dans une fourchette comprise entre 1,2 euro et 1,7 euro par kilo de substances actives. Ce taux serait fixé par l'agence de l'eau et pourrait varier selon la nature et la toxicité du produit.

M. le président. L'amendement n° 411, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, remplacer le montant :

1,2  €

par le montant :

2 €

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Mme Didier a fort bien exposé le problème : il convient d'augmenter le taux plafond de la redevance .Nous proposions, pour notre part, de le porter à 2 euros par kilo.

Comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre, on est plus intelligent à trois cent trente et un que tout seul ! Plusieurs amendements ont été déposés sur cette partie du texte et, parmi eux, celui qu'a présenté Mme Keller me paraît très intéressant puisqu'il tend à fixer le taux plafond à 6 euros par kilo.

Je serai donc très attentif aux avis de M. le rapporteur et de M. le ministre, car mon amendement pourrait devenir un sous-amendement à l'amendement n° 166 de la commission des finances.

Le principe d'une gradation, tel qu'il est mis en oeuvre dans l'amendement de Mme Didier, est également intéressant, mais, dès lors qu'il y a un plafond, mieux vaut le placer le plus haut possible.

M. le président. L'amendement n° 621 rectifié, présenté par MM. Marc,  Raoult et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, remplacer la somme :

1,2 €

par la somme :

1,5 €

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Dans les décennies à venir, la pollution de l'eau sera avant tout chimique. Les recherches scientifiques entreprises aujourd'hui aboutissent à un certain nombre de conclusions inquiétantes, car c'est la santé qui est en jeu, tant celle des agriculteurs eux-mêmes que celle de l'ensemble des usagers.

Il est donc important de montrer, à travers cette loi, que les entreprises qui commercialisent des produits chimiques dangereux doivent contribuer davantage à la restauration de la qualité de l'eau. C'est pourquoi nous proposons que le taux plafond de la redevance que devront acquitter ces entreprises commercialisant et qui est appelée à se substituer à la TGAP soit fixé à 1,5 euro par kilo, au lieu de 1,2 euro.

Tous les scientifiques s'accordent à dire que les dangers pour la santé sont considérables. Il est donc important de donner un signal en demandant une contribution plus importante.

Cette mesure contribuerait en outre à rééquilibrer les différentes contributions, en tenant compte des réelles responsabilités dans la pollution.

Les entreprises chimiques sont-elles en mesure de payer ? La réponse me semble claire : les statistiques financières de ces deux ou trois dernières années mettent en évidence une augmentation des profits des entreprises qui donne une idée des réserves dont elles disposent aujourd'hui. Or, comme le signalait récemment M. Jean Ziegler dans L'Empire de la honte - certains d'entre nous connaissent cet ouvrage -, les herbicides rapportent à eux seuls 22 milliards de dollars par an. A titre de comparaison, je rappelle que les redevances perçues par les agences de l'eau s'élèvent au total à 2 milliards d'euros par an. Une légère hausse de la contribution demandée aux entreprises qui vendent ces produits chimiques ne représenterait donc qu'une goutte d'eau, rapportée à leurs profits, et je crois qu'elle serait aujourd'hui légitime.

Je précise que les deux amendements que nous présentons, visant l'un à étendre l'assiette de la redevance à l'ensemble des biocides, au lieu qu'elle soit limitée aux seuls produits phytosanitaires destinés à l'agriculture, l'autre à en augmenter le taux, ont pour objet commun de demander à ces entreprises une participation substantielle.

M. le président. L'amendement n° 476, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois en cas de vente pour des usagers non professionnels, les obligations prévues à l'alinéa précédent incombent au fournisseur du vendeur à l'utilisateur final. »

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. La redevance pour pollution diffuse concerne les personnes distribuant des produits antiparasitaires à usage agricole qui ne peuvent être mis sur le marché sans autorisation spécifique.

Selon nous, cette redevance ne doit pas être limitée aux produits destinés à certains usagers : elle doit s'appliquer aussi en cas de vente à des usagers non professionnels, c'est-à-dire aux particuliers.

Toutefois, dans cette hypothèse, la perception de la redevance auprès des distributeurs de produits biocides ou d'engrais, notamment les jardineries et les grandes surfaces, serait trop compliquée. C'est pourquoi nous proposons que l'exigibilité de la redevance et les obligations qui y sont rattachées soient reportées sur les fournisseurs de ces établissements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. A l'issue de très longs débats, la commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 289, et ce contre la position que, à titre personnel, j'avais adoptée. Vous en souvenez-vous, monsieur Revet ?

M. Charles Revet. Certainement !

M. Bruno Sido, rapporteur. En effet, tout en mesurant l'effort d'adaptation que doivent consentir les distributeurs pour obtenir les renseignements sur la composition des produits qu'ils distribuent, afin que puisse être déterminée l'assiette de la redevance, je défendais le principe d'une redevance perçue au plus près du lieu de consommation et, donc, de pollution. Je craignais que, si nous rétablissions l'échelon national pour l'assiette de la redevance, les sommes perçues à ce titre ne soient jamais ni répercutées sur les factures acquittées par les agriculteurs ni versées aux agences de l'eau, et je dois dire que le second risque me paraissait plus important que le premier.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Bruno Sido, rapporteur. On aurait pu alors s'interroger sur l'effet de cette disposition sur l'opinion publique !

Néanmoins, en dépit des arguments que j'avais avancés, la commission a considéré qu'il convenait de considérer les fabricants comme responsables de la pollution par les produits phytosanitaires, et donc de les taxer de préférence aux utilisateurs : en réalité, une pression forte s'est exercée pour que soient touchés non pas les coopératives ou les distributeurs, mais plutôt les fabricants.

Soit dit entre parenthèse, je ne comprends pas que l'on cède à de telles pressions, d'autant qu'elles vont à rebours de notre volonté de pédagogie.

Quoi qu'il en soit, bien que la commission ait émis un avis favorable sur votre amendement, monsieur Revet, j'y reste personnellement hostile.

L'extension aux biocides du champ d'application de la redevance pour pollution diffuse à laquelle tend l'amendement n° 622 est de toute évidence contraire à la position retenue par la commission, qui a donc émis un avis défavorable.

La commission a estimé que l'amendement n° 166, présenté par Mme le rapporteur pour avis, était intéressant. Cependant, elle a considéré que le tarif de 6 euros par kilogramme était trop élevé et que les éléments chiffrés sur lesquels il était fondé n'étaient pas significatifs des coûts de traitement de l'eau potable qu'engendrent les pollutions par les pesticides. C'est pourquoi elle a présenté un sous-amendement visant à ramener le tarif le plus élevé à 3 euros par kilogramme de substances actives, ce qui lui a permis d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° 166, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.

La commission a émis sur l'amendement n° 623 le même avis défavorable que sur l'amendement n° 622, pour les mêmes raisons.

La commission préfère l'amendement n° 166 de la commission des finances, modifié par son propre sous-amendement, aux amendements nos 426, 411 et 621 rectifié, sur lesquels elle a donc émis un avis défavorable.

J'en viens enfin à l'amendement n° 476.

Dans l'hypothèse où l'amendement n° 289 de M. Revet serait adopté - ce qu'à Dieu ne plaise ! (Sourires.) -, l'amendement n° 476 serait satisfait sur le fond et devrait donc être retiré. Si, au contraire, le dispositif du projet de loi n'est pas remis en cause - en d'autres termes, si l'amendement n° 289 n'est pas adopté -, il conviendra également de demander le retrait de cet amendement, qui reste contraire aux positions exprimées par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. La concertation que nous avons menée avec les professionnels concernés pour préparer le projet de loi sur l'eau a souligné l'intérêt d'une redevance qui soit proche des agriculteurs. Or l'amendement n° 289 tend à remplacer une redevance sur les activités agricoles par une redevance sur l'industrie chimique productrice des substances visées.

De plus, le contrôle des importations qu'impliquerait un tel dispositif nécessiterait inévitablement l'intervention des douanes, qui sont un service du ministère des finances. Son adoption aboutirait donc à une sorte de « renationalisation », voire de « rebudgétisation » de cette redevance, et l'on imagine aisément le risque que cela ferait courir au retour des sommes dues aux agences de l'eau ; l'expérience que nous avons de ce type d'opération pour d'autres lignes budgétaires est riche de leçons à cet égard.

Par ailleurs, l'absence de répercussion visible sur la facture des agriculteurs enlèverait toute lisibilité à cette redevance, qui perdrait son rôle d'orientation vers des produits moins toxiques ou moins écotoxiques.

Enfin, il deviendrait impossible de mettre en oeuvre des primes en faveur des bonnes pratiques des agriculteurs.

J'insiste, monsieur Revet, sur le fait que le monde agricole, notamment l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, avec qui la question a été longuement discutée, est très favorable au projet du Gouvernement et qu'il est opposé à une redevance frappant les fabricants et les importateurs. C'est la raison pour laquelle je vous invite à mon tour à retirer votre amendement, dont j'ai bien compris la motivation, aussi légitime soit-elle.

L'amendement n° 622 aurait pour effet de modifier les équilibres entre usagers tels qu'ils sont esquissés dans le projet de loi et d'augmenter sensiblement, on l'imagine, la redevance perçue, alors que le choix proposé par le Gouvernement est de maintenir celle-ci au même niveau que la TGAP, qu'il souhaite supprimer.

Par ailleurs, il n'existe pas de distributeur agréé pour la vente des biocides, contrairement à ce qui se passe pour les produits phytosanitaires, ce qui poserait un problème pratique pour mettre en place la mesure proposée dans l'amendement.

Enfin, je ne reviens pas sur ce que j'ai déjà indiqué à propos de la taxe azote.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Je comprends tout à fait l'intérêt de la mesure que propose Mme Keller dans l'amendement n° 166, mesure qui permettrait de distinguer les substances les plus toxiques ou les plus écotoxiques, et donc de renforcer le caractère incitatif de la redevance.

Cependant, l'amendement lui-même aurait pour effet de modifier largement les équilibres entre usagers que nous souhaitons établir et conduirait à tripler la redevance perçue sur les produits phytosanitaires, quand nous avons fait le choix d'en maintenir le produit au niveau de celui de la TGAP.

Aussi, tout en m'en remettant à la sagesse du Sénat sur cet amendement, il me semble préférable, si l'idée est conservée d'établir deux catégories, de retenir également le sous-amendement du rapporteur, qui, en ramenant à 3 euros le plafond pour la seconde catégorie, permettrait de ne pas tripler la redevance. J'émets donc un avis favorable sur le sous-amendement n° 692, qui limite la portée de l'amendement n° 166.

Par cohérence avec sa position sur la taxation azote, le Gouvernement est évidemment défavorable à l'amendement n° 623.

Il a également émis un avis défavorable sur les amendements nos 426, 411 et 621 rectifié, auxquels il préfère l'amendement n° 166 modifié par le sous-amendement n° 692.

Enfin, l'amendement n° 476 tend à exonérer du paiement de la redevance les distributeurs qui vendent leurs produits à des usagers non professionnels. Or, que les produits soient à usage professionnel ou à usage non professionnel, la redevance doit s'appliquer de la même façon, car les jardiniers amateurs ont une part non négligeable dans les pollutions de l'eau !

Cet amendement aurait pour conséquence de transférer des distributeurs aux fournisseurs le paiement de la redevance en cas de vente à un utilisateur non professionnel. Certes, cela ne changerait rien au montant acquitté par l'acheteur final, mais toute la valeur pédagogique de la redevance disparaîtrait, car sa mention sur la facture a aussi pour objet de montrer au jardinier amateur que le produit qu'il utilise est un produit polluant.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 476

M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° 289 est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Monsieur le président, je voudrais faire remarquer en préalable qu'il peut arriver à des sénateurs d'avoir quelques idées, de travailler par eux-mêmes sans forcément se contenter de répondre à telle ou telle sollicitation, même s'il peut se produire qu'ils rejoignent des demandes exprimées par ailleurs.

Je veux aussi souligner que l'objet de mon amendement est d'inciter les fabricants à être plus attentifs, car mieux vaut prévenir que guérir. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, on incrimine ceux qui sont en bout de chaîne ; peut-être faudrait-il s'intéresser davantage à ceux qui créent le problème sans y apporter de solution.

M. Charles Revet. Cela étant, monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre appel, j'ai bien entendu quelles difficultés pourrait provoquer l'adoption de mon amendement, et j'ai bien entendu que l'argent pourrait ne pas arriver à destination, ce qui serait un comble.

Compte tenu de ces objections, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 289 est retiré.

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° 622.

M. François Marc. M. le ministre a bien raison de considérer que cet amendement tend à élargir l'assiette de la redevance puisque celui-ci vise à y inclure les biocides.

A l'heure actuelle, seuls les produits vendus aux agriculteurs sont taxés. Or d'autres utilisateurs en achètent : je pense en particulier aux herbicides dont se servent notamment la SNCF ou les DDE.

Notre propos est bien de faire en sorte que les produits à usage autre qu'agricole supportent également le poids de cette redevance anti-pollution, de manière que les agriculteurs ne soient pas les seuls concernés par cette disposition.

Je m'étonne que cette extension n'ait pas fait l'objet d'un accueil plus favorable de la part du Gouvernement parce qu'il s'agit d'élargir le champ de cette taxe et de ne pas culpabiliser les seuls agriculteurs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 622.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, comme je l'avais laissé entendre, je transforme mon amendement n° 411 en sous-amendement à l'amendement n° 166.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 411 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, et ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le II de l'amendement n° 166 remplacer le montant :

1,2  €

par le montant :

2 €

Je mets aux voix ce sous-amendement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 692.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 623, 426 et 621 rectifié n'ont plus d'objet.

Monsieur Vera, l'amendement n° 476 est-il maintenu ?

M. Bernard Vera. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 476 est retiré.

L'amendement n° 310 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle,  César,  Texier,  Mortemousque et  Murat, est ainsi libellé :

Après le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Afin de tenir compte des pratiques permettant de réduire les pollutions de l'eau par les produits soumis à la redevance pour pollution diffuse, l'agence de l'eau peut verser une prime à l'utilisateur final dans la limite de 80 % de la redevance acquittée.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement vise à reconnaître les bonnes pratiques phytosanitaires des agriculteurs par l'introduction d'une prime.

Le référentiel des bonnes pratiques visées et les conditions requises pour en bénéficier seront précisés par décret.

Il vaut mieux pratiquer la politique de la carotte que celle du bâton ! (Sourires.)

M. le président. Le sous-amendement n° 693, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Modifier comme suit le texte proposé par l'amendement n° 310 rectifié bis pour insérer un paragraphe après le IV de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement.

I. Remplacer les mots :

tenir compte des

par les mots :

développer les

II. Remplacer le pourcentage :

80 %

par le pourcentage :

30 %

III. Ajouter une phrase ainsi rédigée :

Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement fixe les conditions requises pour bénéficier de cette prime.

La parole est à M le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 310 rectifié bis.

M. Bruno Sido, rapporteur. Le principe d'une prime encourageant les bonnes pratiques dans l'utilisation des produits phytosanitaires peut se comprendre en accompagnement d'une redevance acquittée par les distributeurs.

Toutefois, la commission est très réservée sur le taux de 80 % proposé par M. César et ses collègues. Le taux de 30 % lui paraît plus raisonnable ; d'où le sous-amendement qu'elle propose.

Ce sous-amendement précise également qu'il s'agit d'encourager le développement de nouvelles pratiques et qu'un arrêté conjoint des ministres de l'agriculture et de l'environnement fixera les conditions requises pour bénéficier de cette prime.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur César, la proposition de tenir compte des bonnes pratiques est intéressante, mais l'abattement proposé est trop élevé puisque cette prime proportionnelle aux quantités achetées favoriserait les gros consommateurs de pesticides par rapport à ceux qui mettent en place des pratiques alternatives réduisant l'achat de ces produits.

Par ailleurs, les agences attribueront des subventions pour encourager les bonnes pratiques.

Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 310 rectifié bis, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 693, qui lui paraît plus raisonnable et plus conforme aux pratiques en la matière.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Si le Sénat avait adopté nos amendements tout à l'heure, on pourrait maintenant envisager d'encourager les bonnes pratiques. Mais, à partir du moment où il ne l'a pas fait, il ne s'agit plus de bonnes pratiques : on accroît le déséquilibre existant dans le système des redevances pour pollutions diffuses. Par conséquent, ce n'est pas un problème de pourcentage, c'est un problème de principe.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Il s'agit d'un problème extrêmement difficile : comment réduire ces pollutions diffuses ? J'aurais volontiers voté cet amendement, a fortiori s'il était modifié par le sous-amendement de la commission. Ma déception est donc égale à celle de Mme Bricq.

Par ailleurs, je regrette que M. Revet ait retiré son amendement n° 289, car il est bien vrai qu'il faut agir à la source, c'est-à-dire auprès des fabricants - ils peuvent s'efforcer de mettre sur le marché des produits qui soient le moins polluants possible - et auprès des utilisateurs, en favorisant les bonnes pratiques.

La tournure prise par le débat fait que nous ne pourrons pas voter cet amendement et ce sous-amendement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 693.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 310 rectifié bis, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l'eau et aux milieux aquatiques.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 37, à l'examen de l'amendement n° 617.

L'amendement n° 617, présenté par M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L...  - I - Est assujettie à redevance pour pollution diffuse azotée toute personne exerçant une activité agricole soumise de plein droit au régime simplifié pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée en application du 5° du II de l'article 298 bis du code général des impôts et dont le siège de l'exploitation agricole est situé dans une zone vulnérable ou dans un canton pour lequel la marge brute standard par exploitation, calculée sur la base du recensement général de l'agriculture, est supérieure ou égale à celle fournie par 30 hectares d'équivalent blé. Un arrêté des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture fixe la liste de ces cantons.

« Le montant annuel de la redevance est égal à la somme des produits des taux fixés au III par les assiettes correspondantes définies au II, affectée du coefficient d'abattement  mentionné au IV.

« Pour les groupements agricoles d'exploitation en commun, la redevance est due par le groupement.

« II - La redevance due pour la pollution diffuse engendrée par l'azote est assise sur la somme des quantités d'azote contenues dans les engrais minéraux ou les produits d'alimentation du bétail achetés l'année précédente par une exploitation. Pour les produits d'alimentation du bétail entrent dans l'assiette l'ensemble des aliments achetés à l'exception des fourrages.

« Les quantités d'azote contenues dans les engrais minéraux sont égales au produit des quantités d'engrais achetées par un coefficient représentatif de leur teneur pondérale en azote. Ce coefficient est fixé à 0,3 pour les engrais azotés simples, et à 0,15 pour les engrais azotés composés.

«  Les quantités d'azote contenues dans les produits d'alimentation du bétail sont égales au produit des quantités de produits d'alimentation achetées par un coefficient représentatif de leur pourcentage d'azote.

« Ce coefficient est fixé à 0,02 pour les produits à faible concentration en azote, à 0,03 pour les produits à concentration moyenne, et  à 0,07 pour les produits à forte concentration.

« III - Le taux de la redevance pour la pollution diffuse engendrée par l'azote ne peut dépasser 0,6 € par kilogramme d'azote contenu dans les engrais minéraux ou dans les produits d'alimentation du bétail.

« IV - La redevance n'est pas due lorsque les quantités d'azote, calculées conformément au II, sont inférieures à 1 tonne.

« VI - L'exploitant effectue et communique en tant que de besoin à l'agence de l'eau un relevé de ses factures regroupées par catégories, notamment en ce qui concerne les achats d'engrais simples ou composés, de céréales, d'aliments composés, de tourteaux de soja.

«  VII - Un arrêté des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture précise les modalités d'application du présent article, notamment en ce qui concerne la répartition des engrais ou produits d'alimentation du bétail en fonction de leur teneur en azote. »  

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement est très important, puisqu'il a pour objet de réinstaurer une redevance pour pollution par les nitrates.

Je ne reprendrai pas le débat général qui a déjà eu lieu ici sur le principe pollueur-payeur, sur la responsabilité des agriculteurs dans une certaine pollution ou encore sur le fait que le mode de production agricole devrait changer.

Je ne me lancerai pas non plus dans l'explication technique de tout l'amendement. La formulation que nous proposons figurait dans un projet de loi avant d'être retirée. Nous avons fait confiance au travail fait par le Gouvernement à cette époque. Peut-être M. le rapporteur, si cet amendement est adopté, pourra-t-il, d'ici à la deuxième lecture, y apporter des améliorations techniques ? Il a, en effet, montré qu'il en était capable, avec l'accord du Gouvernement. Je vous demande donc, mes chers collègues, d'être indulgents par rapport aux considérations techniques : je compte qu'aujourd'hui nous adoptions le principe de la taxation de la pollution par les nitrates et qu'ensuite, au cours de la navette, nous les améliorions.

La pollution diffuse azotée et la brusque montée régulière des teneurs en nitrates de nos nappes et cours d'eau sous l'effet de l'industrialisation des pratiques agricoles sont l'échec des gouvernements successifs en matière de politique de l'eau depuis quarante ans.

La réponse réglementaire est quasiment nulle. Les programmes d'action menés depuis trois générations et la directive nitrates se sont révélés totalement inefficaces. Le soutien aux investissements anti-pollution n'a aucun effet sur la gestion agronomique déficiente des sols par l'agriculteur moderne : le PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, n'a pas eu les résultats escomptés.

Bref, il s'agit d'un échec massif, d'un gaspillage de ressources pour l'agriculteur, qui coûte très cher à la collectivité : dégradation nette de la qualité des milieux aquatiques, réacteurs biologiques endommagés, impact sanitaire sur les usages élémentaires de la ressource, contentieux communautaires à venir. La facture ne manquera pas de s'alourdir au cours des prochaines années.

La taxation des engrais azotés est un outil indispensable, et il n'est pas sérieux d'en refuser l'application.

La mesure que nous proposons s'inspire du dispositif gouvernemental projeté avant l'été 2004 et abandonné sur injonction présidentielle. Elle vise à taxer les quantités d'azote contenues dans les engrais minéraux ou les produits d'alimentation du bétail qui ont été achetés l'année précédente par un exploitant agricole.

Elle est calée sur la base d'efficacité préconisée par les économistes pour son succès, soit 0,6 euro par kilogramme avec exonération sur une tonne annuelle. Cette redevance est indispensable pour assurer la crédibilité de la réforme des agences face à l'échec de toutes les politiques de maîtrise des pollutions diffuses nitratées.

C'est un point essentiel du projet de loi : faut-il taxer les politiques agricoles actuelles, qui, effectivement, participent beaucoup à la pollution ?

Cet amendement clé, par rapport à ce projet de loi, je vous invite, mes chers collègues, puisque vous avez montré une volonté écologiste en ce début de débat, à l'adopter : ainsi, le Sénat serait la chambre non seulement des élus des territoires, mais également du développement durable. Faisons un geste en faveur du développement durable et taxons les nitrates !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. A ce point important du débat, je ne voudrais pas être trop long.

Monsieur Desessard, vous avez dressé un bilan sévère des politiques de l'eau conduites jusqu'à ce jour et déploré l'échec du PMPOA ainsi que la dégradation des eaux, avant de conclure à l'indispensable taxation des engrais minéraux.

De mon point de vue, vous faites table rase de la réalité.

Les agriculteurs ont reçu une lettre de M. Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, qui leur a été envoyée le 9 décembre 2004, et dans laquelle il précise : « la politique agricole commune vient de connaître une importante réforme [...], le moment est donc venu d'appliquer cette réforme [...] Je sais le nombre d'entre vous qui s'interrogent sur ce qu'on appelle la " conditionnalité"des aides. Nous avons voulu être complets mais aussi pédagogiques que possible sur une matière très technique. »

Deux fascicules, regroupés sous le titre La nouvelle politique agricole commune - Conditionnalité 2005 accompagnaient cette lettre. (M. le rapporteur montre les documents.) Le premier concernait l'organisation des contrôles, le mode de calcul de réduction des aides et la grille nationale des anomalies ; c'était donc, d'une façon générale, les sanctions.

Le second précisait les conditions réglementaires et les bonnes conditions agricoles et environnementales auxquelles est subordonné le versement de la totalité des aides directes de la politique agricole commune.

Les éleveurs ont eu tout loisir de lire ces deux livrets, entre la traite des vaches et les soins aux animaux ; les céréaliers, qui avaient moins de travail,...

M. Paul Girod. Cela se discute !

M. Bruno Sido, rapporteur. ... ont eu le temps d'étudier non seulement ce qui les concernait, mais également ce qui touchait les éleveurs, pour bien comprendre ce qui leur était demandé.

Je formulerai deux observations, monsieur le ministre. D'une part, en termes de communication  - je tiens à le dire pour que cela figure au Journal officiel -, il n'est pas très heureux de commencer par les sanctions et de continuer par ce qu'il faut faire. L'inverse eût été préférable ! (M. le ministre opine.) D'autre part, comme l'a montré la discussion générale, une nouvelle politique agricole se met en place il faut donc attendre ses résultats.

Monsieur Desessard, puisque vous êtes Vert et, je le suppose, écologiste, vous savez que la nature ne répond pas à la minute, contrairement à de l'eau usée qui entre dans une station d'épuration et qui en ressort propre et potable quasiment immédiatement, à condition, bien sûr, que cette station fonctionne bien. La nature, elle, met du temps à « encaisser le coup », à s'améliorer.

Le délai dépend des endroits : on estime que, pour évacuer tous les nitrates qui ont été mis depuis trente ans ou quarante ans dans un sol crayeux, il faudra presque autant de temps ; dans d'autres milieux, les zones karstiques, par exemple, la réaction est beaucoup plus rapide, et prend en moyenne cinq ans.

Dans ce genre d'affaire, il convient, selon moi, de faire confiance au Gouvernement, qui nous a demandé, à nous, agriculteurs -  je dis « nous » parce que j'en suis un - d'avoir des pratiques raisonnables et raisonnées.

Pour nous y aider, il y a une carotte et un bâton : la carotte, ce sont les aides ; le bâton, c'est, en cas de non-application des règles très strictes édictées dans ces deux opuscules, la diminution des primes allouées au titre de la politique agricole commune.

M. Jean Desessard. Une diminution de combien ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Cela peut aller jusqu'à 100 %.

Par conséquent, je vous propose, mon cher collègue, d'attendre et de voir comment les choses vont se passer. Je n'ai jamais cru que la répression était efficace. Je n'ai jamais entendu dire cela. Vous non plus, d'ailleurs ! J'ai, au contraire, toujours entendu dire, dans cet hémicycle, surtout de votre côté, qu'il fallait de la persuasion, une politique incitative.

Je ne vois donc pas en quoi - cela n'a, d'ailleurs, jamais été démontré - l'instauration d'une redevance contribuerait à faire diminuer le taux de nitrates dans l'eau. Il s'agit bien, ici, de nitrates ; il n'est pas question des autres pesticides ou autres biocides.

Le Gouvernement propose une politique qui, loin d'être répressive, est une politique d'accompagnement. Faisons confiance aux uns et aux autres, notamment à la sagacité des agriculteurs, qui sont les plus proches de la nature et la connaissent le mieux, et voyons, dans quelques années - reste à déterminer combien - quel sera le résultat de la politique incitative et raisonnée qui aura été menée !

Si le résultat espéré n'est pas au rendez-vous, il sera toujours temps d'instaurer une redevance pour pollution par les nitrates.

Les agriculteurs ont adopté, d'ailleurs depuis longtemps, une telle politique : j'en veux pour preuve le fait que, depuis une vingtaine d'années - ce n'est pas M. Deneux qui me dira le contraire, puisque c'est lui qui m'a fait cette remarque ! - alors que la production, notamment de céréales, a augmenté, la quantité d'azote consommée ne s'est pas accrue, ce qui signifie que l'azote est désormais plus efficace. Les effets devraient déjà s'en faire sentir sur la quantité de nitrates présente dans les nappes phréatiques.

Je conclurai en disant que, contrairement à ce que vous dites, monsieur Desessard, les résultats sont déjà perceptibles dans certaines régions. En Bretagne, par exemple, la quantité de nitrates se stabilise, voire diminue à certains endroits.

Par ailleurs, les autorités - Gouvernement et administration - disposent d'un certain nombre de moyens : il est, ainsi, interdit - c'est indiqué dans les opuscules que je citais - de répandre plus de 170 kilogrammes d'azote d'origine organique sur les terres.

Vous me rétorquerez que cela ne va pas empêcher les producteurs de porcs, ici ou là, de déverser des quantités supérieures. Mais si le Gouvernement édicte cette interdiction et vérifie qu'elle est bien respectée, ce que l'on appelle pudiquement les « excédents structurels » disparaîtront d'eux-mêmes, ou alors il faudra les évacuer dans une autre région de France, ce qui, d'ailleurs, est possible, puisque les Hollandais ont adopté un tel procédé.

Par conséquent, il existe un arsenal tout à fait complet, qui va permettre, d'une façon incitative et non pas répressive, d'améliorer la situation et de trouver les meilleures solutions, ce que nous souhaitons tous. Nul d'entre nous, en effet, ne s'est prononcé en faveur d'une augmentation des nitrates dans les eaux !

Puisque le Sénat est censé être une assemblée raisonnable, je vous propose, mes chers collègues, d'être, ce soir, à la hauteur de cette réputation et de ne pas voter en faveur de cet amendement, sur lequel la commission émet donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement a effectivement choisi, comme je l'ai indiqué au début de ce débat, de ne pas instaurer de taxe sur les engrais chimiques. Il préfère en effet, au lieu d'instaurer en quelque sorte un droit à polluer en faisant payer une taxe, faire évoluer les comportements des agriculteurs.

Le projet de loi prévoit pour cela deux outils.

Le premier, ce sont les plans d'action par bassin versant, dont les mesures pourront devenir obligatoires, en priorité dans les bassins des captages. Une action importante pourra être menée.

Le second outil, c'est l'application de la conditionnalité environnementale au versement des aides de la politique agricole commune, qui constituera une incitation financière pour les agriculteurs. Cette incitation, je le souligne, sera bien plus importante que le montant éventuel d'une nouvelle taxe. Les aides de la politique agricole commune, c'est 9 milliards d'euros et du fait de la conditionnalité la pénalité pourrait, au seul titre de la directive « nitrates », aller jusqu'à 5 %. Si les agriculteurs ne respectent pas les procédés prévus, il pourra leur en coûter plusieurs centaines de millions d'euros !

Or, lorsqu'il a été envisagé, en particulier dans le projet de loi de Mme Voynet, d'instaurer une taxe sur les nitrates, il avait été estimé que celle-ci rapporterait entre 40 millions et 50 millions d'euros. L'incitation financière au titre de la PAC est sans commune mesure avec une éventuelle taxe, qui, disons-le très clairement, abonderait un peu le budget de l'Etat, mais serait sans efficacité sur l'environnement. Or ce qui compte, pour moi, c'est l'efficacité environnementale.

Par ailleurs, l'article L. 210-2 maintient une redevance assise sur l'azote organique produit par les élevages. Nous savons en effet qu'il ne relève pas des mêmes règles pour la politique agricole commune.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous répondre à tous deux en même temps puisque vous avez développé quasiment le même argument.

Nous sommes, bien sûr, pour la conditionnalité des aides. Que le versement des aides soit lié à des pratiques agricoles, c'est très bien. Mais si l'on part du principe qu'il faut faire confiance aux agriculteurs, raison de plus pour instaurer cette taxe. Jouons le jeu ! Puisqu'ils vont se mettre en règle du fait de la conditionnalité des aides, aucun ne paiera la taxe. Ils ne doivent donc pas avoir peur d'une telle taxe.

Je tiens à cette taxe sur les nitrates parce qu'elle est conforme à l'esprit du projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Le principe pollueur-payeur a récemment été inscrit dans la Constitution. Il s'applique à toutes les catégories : qui pollue paie !

Or nous exemptons une catégorie en ne la soumettant pas aux mêmes règles que les autres, alors que le principe qui est posé dans le présent projet de loi est que la situation dans le domaine de l'eau est très grave et que ceux qui polluent doivent payer. Et là, on dit qu'on verra plus tard !

Donnons un signe dès maintenant. Montrons que cela n'est pas normal. Pointons les responsabilités, quitte à compléter plus tard le dispositif en ce qui concerne la conditionnalité des aides, à l'occasion d'un projet de loi d'orientation agricole.

Monsieur le rapporteur, vous l'avez dit, personne n'a envie de polluer. C'est donc que les agriculteurs y sont contraints ! Et ils y sont contraints parce qu'il leur faut produire plus pour vendre moins cher.

Celui qui n'utilise pas d'engrais produit moins que celui qui y a recours. Que feront donc les agriculteurs ? Ils utiliseront des engrais, surtout s'ils n'ont pas à en payer le coût pour l'environnement. Le problème est de faire payer le coût environnemental à celui qui pollue pour ainsi retrouver un équilibre.

Le paysan vertueux n'a pas à payer pour celui qui ne l'est pas. C'est ainsi que l'on peut effectivement avoir une égalité de traitement.

Permettez-moi de citer à nouveau l'exemple que je vous ai donné la semaine dernière. Il y a une différence entre un chef d'entreprise qui paie ses charges sociales, lesquelles profitent à l'ensemble de la collectivité, et celui qui ne les paie pas. L'entreprise la plus concurrente est celle qui ne respecte pas le droit social.

Il faut donc faire payer le coût environnemental à ceux qui polluent, afin qu'ils n'aient pas un avantage par rapport aux autres agriculteurs.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que la nature encaisse. (M. le rapporteur fait un signe de dénégation.) Le problème, aujourd'hui, c'est que la nature n'encaisse plus. Elle est arrivée à bout ! Il nous faut donc prendre des mesures radicales.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. L'amendement présenté par M. Desessard m'inspire quelques réflexions.

S'agissant du problème des pollutions, il n'est pas juste de cibler la profession agricole. S'il était adopté, cet amendement instaurerait une injustice, puisqu'il ne concerne que les engrais minéraux. Or nous savons que certains agriculteurs sont autosuffisants grâce à leurs effluents d'élevage, qui contiennent les mêmes produits.

On taxerait donc certains agriculteurs, qui, n'ayant pas d'effluents, utilisent les engrais minéraux, et pas les autres. Il y aurait là une injustice devant la taxation. Je pense notamment, bien sûr, aux producteurs de lisier.

Aujourd'hui, les pratiques sont en progrès, des normes sont imposées. Nous devons considérer que les agriculteurs qui respectent les normes et les règles ne doivent pas être taxés. En contrepartie, si quelques-uns -- ils constituent une minorité, mais ils existent, malheureusement - polluent de manière active et indécente, il est normal qu'ils soient sanctionnés.

Un autre problème se pose à la profession agricole : celui des prix agricoles à la vente. Les agriculteurs ne décident pas de leurs prix de vente et, par conséquent, de leurs revenus. Nous avons eu l'occasion de l'évoquer assez souvent dans cet hémicycle, les agriculteurs sont totalement dépendants, notamment, de la grande distribution.

Si la question des prix rémunérateurs était réglée, nous pourrions être beaucoup plus exigeants avec la profession agricole. Or tel n'est pas le cas.

Nous pensons que les choses sont en bonne voie. En tant que breton, je connais bien les problèmes des algues vertes et de l'eutrophisation des étangs. Ils sont particulièrement cruciaux dans cette région. Pour autant, je crois que la profession est bien consciente des progrès qu'il lui faut faire. Elle est en pleine mutation, notamment en ce qui concerne la mise en place des usines de retraitement des lisiers. Nous pouvons, me semble-t-il, lui faire confiance pour, demain, reconquérir la qualité de l'eau, y compris en Bretagne. Cette région pourra être un exemple phare dans notre pays.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.

M. Marcel Deneux. Je profiterai de ce débat pour m'exprimer sur les nitrates.

La question est récurrente. Monsieur Desessard, voilà quinze ou dix-huit ans, vous auriez sûrement eu raison de poser le problème de cette manière, mais depuis ce temps-là, les choses ont évolué.

Voilà dix-sept ans, dans mon département, avec quelques amis, nous avons créé le label Qualiterre, qui, depuis, a fait tâche d'huile. Il est désormais appliqué dans vingt-sept départements, où l'on pratique les dosages d'azote. Des dosages d'azote automatiques sont même effectués en utilisant de petits tracteurs et un GPS.

Nous avons donc pris conscience du problème, mais, monsieur Desessard, il est entaché d'une non-crédibilité scientifique. Le taux de cinquante milligrammes par litre d'eau n'a aucune signification scientifique sur le plan sanitaire.

En octobre 2003, un rapport de l'Académie des sciences révélait en effet que cette norme a été prise par hasard, mais qu'elle n'a aucune signification, sauf pour les nouveaux-nés et pour les femmes enceintes !

M. Jean Desessard. Tout de même !

M. Marcel Deneux. Le risque sanitaire n'est donc pas très élevé.

Pour conclure, monsieur Desessard, afin que vous sachiez quelle orientation est prise et à quel point les agriculteurs sont conscients du problème, permettez-moi de vous faire part d'un changement politique qui s'est produit il y a trois semaines lors du congrès de la FNSEA.

Christiane Lambert, militante pour l'agriculture raisonnée, sujet qui a pendant longtemps posé problème au sein du monde agricole, qui a été présidente du Centre national des jeunes agriculteurs et qui est par ailleurs élue du Maine-et-Loire, fait partie depuis trois semaines du bureau restreint de la FNSEA. Ce n'est pas sans signification politique. Cela montre bien que la prise de conscience a eu lieu.

Quoi que l'on fasse, nous trouverons des nitrates dans l'eau pendant encore plusieurs dizaines d'années, compte tenu de ceux qui y sont présents aujourd'hui, mais point n'est besoin de faire aujourd'hui un procès aux agriculteurs car le problème est dépassé.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Nous avons déjà eu ce débat au cours des jours précédents. Nous avons, c'est vrai, l'impression de nous répéter.

Je dirai à M. Deneux, avec toute l'amitié que je lui porte, qu'il me paraît un peu exagéré d'affirmer que le problème est aujourd'hui dépassé !

La majorité des agriculteurs respectent en effet les règles, mais le problème est qu'il en reste une minorité qui ne les respecte pas. Quels que soient nos efforts, cette minorité risque de mettre le système à terre.

Je prendrai l'exemple des haies dans le parc dont je suis le président. Il est vrai qu'une immense majorité des agriculteurs les respectent, parce qu'ils sont aidés. Mais, tous les hivers, des dizaines de kilomètres de haies sont détruites par des agriculteurs venus de la Belgique, de la Flandre ou par des jeunes qui n'ont pas la culture du territoire. Je n'ai aujourd'hui aucun moyen d'empêcher ce massacre.

Le problème est le même pour les nappes phréatiques parce que, aujourd'hui, une minorité, que l'on est incapable de maîtriser, ne respecte pas les règles du jeu. Monsieur Deneux, je puis vous assurer que, depuis dix ans, dans mon secteur, les taux de nitrates et de pesticides continuent d'augmenter.

On peut bien sûr être optimiste. Je le suis par nature. Il est vrai que j'obtiens aujourd'hui l'accord de la FNSEA alors qu'il y a dix ans elle m'envoyait aux pelotes, et que la chambre d'agriculture accepte de collaborer dans le Nord avec le GABNOR. Lorsque, en tant que vice-président du conseil général du Nord, j'ai octroyé les premières subventions au GABNOR, la FNSEA me disait que c'était inacceptable. Aujourd'hui, je les réunis autour d'une même table et nous faisons de l'agriculture biologique ou orientée bio.

Je suis effectivement conscient que la situation évolue, mais, je le répète, il en est des règles agricoles comme du code de la route : ceux qui ne les respectent pas sont une infime minorité, mais ils font des dégâts !

Comment aujourd'hui faire en sorte que les règles du jeu soient appliquées et que ceux qui ne les respectent pas soient punis ? Là est le problème. J'ignore si la solution est de taxer l'utilisation des engrais - ce système n'est certainement pas parfait -, mais ce qui est sûr, c'est qu'il faut mettre la pression. Il en est de même s'agissant des pesticides. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 617.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après les mots :

maintenir à sec des bâtiments ou des ouvrages

rédiger comme suit la fin du troisième alinéa (2°) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement :

, ou de rabattre une nappe phréatique conformément à une prescription administrative

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. L'article L. 213-10-9 du code de l'environnement traite de la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau, dont l'assiette est assise sur les volumes annuellement prélevés.

Le paragraphe II de cet article prévoit les cas d'exonération de la redevance, auxquels il vous est proposé d'ajouter les pompages d'eau aux limites de sites industriels rendus obligatoires pour prévenir toute propagation d'une éventuelle pollution au-delà de cette limite.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Cet amendement répond à une vraie logique puisque les investissements faits ont un objectif environnemental. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 458 rectifié, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le 2° du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement par les dispositions suivantes :

et les prélèvements effectués pour le maintien d'étiage des rivières. Ne sont pas exonérés les prélèvements d'exhaures des mines utilisés à des fins commerciales.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Le II de l'article L. 213-10-9 concerne les prélèvements exonérés de la redevance. Cet amendement vise à compléter la rédaction en prévoyant l'exonération des prélèvements effectués pour le maintien d'étiage des rivières et en précisant que ne seraient pas exonérés les prélèvements d'exhaure des mines, c'est-à-dire les eaux que l'on retire de la mine, utilisés à des fins commerciales quelles qu'elles soient, que ces prélèvements soient réalisés en faveur des particuliers ou de l'industrie.

Je me permets de faire un peu de pédagogie car je sais que l'expression « eaux d'exhaure » n'a pas de réelle signification pour tout le monde.

L'article 37, que nous étudions actuellement, insère dans le code de l'environnement un article L. 213-10-9 qui fixe les règles relatives à la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau et prévoit notamment d'exonérer de cette redevance quatre catégories de prélèvements.

Par le biais de cet amendement, nous tenons à compléter la rédaction de l'alinéa relatif à l'exonération des prélèvements des eaux d'exhaure de mines.

Tout d'abord, permettez-moi de rappeler brièvement les problèmes que posent actuellement les eaux d'exhaure, qui sont, rappelons-le, des eaux d'infiltration recueillies et expulsées des galeries. Pendant toute la durée de l'exploitation des mines de fer, comme des mines de charbon, l'eau d'exhaure constitue une eau brute de bonne qualité. Elle ne nécessite alors pas de traitement important et peut être distribuée comme eau potable. De plus, elle suffit largement aux besoins des populations proches. C'est pourquoi sa distribution s'est répandue. Aussi, après avoir été ramenée à la surface, l'eau est distribuée aux communes des alentours afin de pourvoir à leurs besoins en eau potable.

Cependant, l'arrêt de l'exploitation des mines a souvent pour conséquence première, malheureusement, l'arrêt du pompage, l'ennoyage des galeries et des puits ainsi qu'une pollution de l'eau et donc un important problème d'alimentation des communes proches.

En général, quelques mois après le début de l'ennoyage, la présence de sulfates est détectée. En effet, lorsque les eaux passent sur les roches qui étaient auparavant au contact du dioxygène de l'air, les sulfures de fer contenus dans le minerai s'oxydent et donnent des sulfates. Une eau sulfatée est pour longtemps - entre dix et vingt années - impropre à la consommation. Par exemple, le taux de sulfates dans l'eau d'exhaure grimpe parfois jusqu'à 1 000 milligrammes par litre, alors que le seuil de potabilité de l'eau n'admet que 250 milligrammes par litre.

Aujourd'hui, il est difficile de traiter ces eaux très chargées en sulfates. II faudrait aller chercher des réserves d'eau très loin afin de pouvoir, par exemple, faire des coupages, ce qui pose de gros problèmes financiers. D'où la construction de chaînes de nanofiltration avec membranes, dont le coût reste élevé. Ces stations où l'on traite l'eau captent les sulfates, et l'eau déminéralisée est mêlée à de l'eau d'exhaure.

Dans quelques années, ces techniques de traitement des eaux d'exhaure vont, puisque nous en sommes à des phases expérimentales, s'améliorer, tout comme la qualité de ces eaux. Par conséquent, il sera plus facile d'exploiter ces millions de mètres cubes d'eau présents dans les galeries.

C'est pourquoi, afin d'éviter toute exploitation abusive des eaux d'exhaure, il nous semble particulièrement utile de préciser que les prélèvements d'exhaure de mines utilisés à des fins commerciales ne doivent pas être concernés par l'exonération. Ainsi, dès lors qu'une personne exploite cette eau à des fins commerciales, quelles qu'elles soient, il est normal, selon nous, qu'elle doive acquitter une redevance.

Il ne faudrait pas, une fois de plus, que les populations des bassins miniers, qui subissent les conséquences de « l'après-mines », ne puisent pas bénéficier de cette véritable richesse située sous leur sol. Mes chers collègues, vous encore entendu parler récemment de Moutiers, commune située dans ma circonscription, à laquelle ont été annoncés des risques d'effondrements brutaux parce que les galeries ont été mal exploitées. Il ne faudrait pas, une fois de plus, que des grandes sociétés puissent profiter d'une richesse et en tirer un profit sans qu'aucune contrepartie financière ne leur soit demandée.

Par ailleurs, il nous semble important de préciser que les prélèvements effectués pour le maintien d'étiage des rivières seront, eux, exonérés de la redevance car ces prélèvements participent à la bonne gestion des cours d'eau. Souvent, lorsque l'on arrête de pomper l'eau pour les alimenter, les rivières deviennent de véritables égouts à ciel ouvert. Il faut donc à tout prix soutenir les étiages.

Pour conclure, en tant que sénatrice de Meurthe-et-Moselle, je puis vous affirmer que de nombreuses communes du bassin houiller lorrain, proches des galeries d'exploitation, souhaitent retrouver une eau normale et ainsi pouvoir, d'une part, alimenter leur population à partir de cette eau et, d'autre part, maintenir l'étiage des rivières.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Sur la forme, cet amendement est incompatible avec l'amendement n° 105 de la commission, qui tend à ajouter à la liste des exonérations le prélèvement résultant du rabattage des nappes phréatiques conformément à une prescription administrative.

Sur le fond, la précision qu'il vise à introduire n'apparaît pas nécessaire car les activités dont il s'agit sont d'ores et déjà soumises à la réglementation sur l'eau ou les installations classées si le prélèvement de l'eau est utilisé à un autre usage que le seul maintien à sec d'un bâtiment ou d'un ouvrage.

S'agissant de l'exonération des prélèvements pour soutien d'étiage, l'amendement n° 107 rectifié vous donne satisfaction, madame Didier, car il permet de moduler le taux de la redevance en fonction des conditions hydrologiques. Un prélèvement effectué en hiver en vue d'un soutien d'étiage sera ainsi soumis à un taux plus faible.

Pour toutes ces raisons, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Cet amendement répond à deux préoccupations.

La première concerne l'exonération des prélèvements effectués pour le soutien d'étiage et rejoint celle que nous avons exprimée en ce qui concerne les prélèvements pour l'alimentation d'un canal en vue de la préservation des écosystèmes aquatiques. Mais seuls les volumes d'eau utilisés à cette fin et qui conservent cette destination doivent être déduits. La disposition que vous proposez entraînerait une complication extrême. En effet, comment mesurer le seul volume d'eau utilisé pour le soutien d'étiage, alors que de toute façon le rabattage des exhaures de mines est soumis à exonération ? Je ne vois pas bien l'intérêt final de cette mesure.

La seconde préoccupation conduirait à ne pas exonérer les prélèvements qui ont un usage économique. Naturellement, j'y souscris. Par ailleurs, les exhaures de mines comme les drainages liés aux ouvrages font l'objet d'un contrôle au titre de la loi sur l'eau ou des installations classées. Mais aucune modalité technique et pratique ne permet d'identifier, le cas échéant, les volumes d'eau qui seraient prélevés pour un usage économique. Les mesures nécessaires seraient d'une complexité qui nous paraît hors de proportion par rapport à l'objectif.

Madame Didier, votre proposition accroissant considérablement la complexité et étant difficilement contrôlable, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Evelyne Didier. Certes, j'ai déposé tardivement l'amendement n° 458 rectifié. Monsieur le ministre, si vous m'assurez que j'aurai la possibilité de revoir avec vous cette question, que j'aborderai éventuellement de nouveau en deuxième lecture, j'accepte de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Le même problème se pose dans le Nord-Pas-de-Calais. On assiste au même processus hydrogéologiques d'ennoyage des mines de charbon et du relèvement de la nappe dans les niveaux supérieurs pollués. Aujourd'hui, on est obligé de pomper l'eau uniquement pour empêcher que la nappe entre en contact avec le niveau superficiel pollué. Les anciennes communes minières supportent une charge extrêmement lourde. Le problème est de savoir qui va payer ces pompages, lesquels, en réalité, ne servent qu'à empêcher la pollution de la nappe. C'est un cas d'espèce important et lourd à gérer puisque des millions de mètres cubes d'eau sont concernés. On a même des vallées sèches qui sont redevenues humides, en raison d'un écoulement superficiel, du fait de la remontée de la nappe.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre. Madame Didier, je suis prêt à étudier avec vous, avant la deuxième lecture, les objectifs visés par l'amendement n° 458 rectifié afin de voir si nous pouvons les satisfaire.

Mme Evelyne Didier. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 458 rectifié est retiré.

L'amendement n° 432, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer l'avant-dernier alinéa (3°) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement a pour objet d'assujettir l'aquaculture à la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau.

En effet, l'aquaculture, qui consiste en l'élevage d'organismes aquatiques, notamment de poissons, de mollusques, de crustacés et de plantes aquatiques, entraîne, comme toute activité économique et utilisatrice de ressources et d'espaces, un certain nombre de conséquences sur l'environnement. Elle se traduit notamment par une production de déchets. Ces déjections polluantes tendent à déstabiliser l'écosystème des rivières puisqu'elles augmentent leur taux de produits azotés, ce qui présente un risque pour certaines espèces de la faune et de la flore.

La concentration d'un très grand nombre de poissons dans un secteur très réduit conduit inévitablement à une pollution autour de ces élevages. Les produits chimiques utilisés comme désinfectants, les antibiotiques contre les parasites, les stéroïdes pour produire plus de femelles, les médicaments et hormones pour accélérer la croissance des poissons se mélangent à l'eau environnante.

Il est à noter que le principal facteur d'impact de cette activité sur l'environnement reste lié à l'alimentation des poissons. Chaque année, plus de 30 millions de tonnes de poissons fourrage sont ainsi transformés en granulés pour nourrir les poissons d'élevage.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Cette proposition est contraire à la position de la commission.

Globalement, la liste des exonérations prévues par le II de l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement correspond à la réglementation actuelle. En outre, les entreprises piscicoles fonctionnent en prélevant des quantités d'eau considérables. Soumettre ces prélèvements à la redevance visée mettrait gravement en péril leur équilibre économique. Enfin, la législation sur les installations classées est applicable à ces entreprises, ce qui permet de s'assurer du respect d'un certain nombre de prescriptions.

Dans ces conditions, monsieur Vera, la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. L'aquaculture est déjà soumise à la redevance pour pollution de la ressource en eau. Par ailleurs, l'eau prélevée est très généralement réinjectée en totalité, après dérivation de son milieu d'origine et à faible distance du lieu de prélèvement. L'impact du prélèvement sur le milieu est donc très faible, voire nul.

De plus, la législation sur les installations classées, à laquelle sont soumises les piscicultures, permet de prendre en compte leur impact sur la ressource en eau car de nouvelles autorisations peuvent être refusées et les prélèvements des installations existantes peuvent être limités.

C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur Vera, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Vera, l'amendement n° 432 est-il maintenu ?

M. Bernard Vera. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 432 est retiré.

L'amendement n° 459, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 4° du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Cet amendement vise à supprimer l'exonération de redevance prévue pour la géothermie. Il s'agit, vous le comprendrez, de ne pas traiter différemment la géothermie et l'hydroélectricité, qui toutes deux utilisent l'eau pour produire de l'énergie. De plus, si la géothermie, qui consiste, rappelons-le, à récupérer la chaleur contenue dans les eaux souterraines pour le chauffage urbain ou les activités industrielles, n'émet pas de gaz carbonique, il ne faut pas oublier qu'à long terme se pose aussi, dans les régions non volcaniques, le problème de la réalimentation en chaleur des nappes.

Aussi, dans un souci de développement durable, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Comme je l'ai fait observer, la liste reprend la réglementation actuelle et aucun argument ne justifie qu'elle soit remise en cause.

S'agissant plus particulièrement de la géothermie, technique d'utilisation des eaux chaudes souterraines pour le chauffage, les prélèvements importants opérés à ce titre sont intégralement restitués, et sans pollution ajoutée. Cette technique, très peu répandue, mérite d'être encouragée, car il s'agit d'une source d'énergie renouvelable sans aucun impact sur l'environnement.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. A défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Cet amendement vise à supprimer l'exonération prévue pour la géothermie au titre de la redevance pour les prélèvements liés à la ressource en eau.

Les prélèvements liés à la géothermie sont destinés à être réinjectés, après exploitation, dans leur réservoir naturel. L'impact sur la ressource est donc faible.

Qui plus est, l'énergie géothermique est une énergie renouvelable encore peu développée et, à ce seul titre, il convient de ne pas la taxer.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 459 est-il maintenu ?

Mme Evelyne Didier. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 459 est retiré.

L'amendement n° 181 rectifié, présenté par MM. Doligé,  Beaumont,  Dériot et  Barraux et Mme Rozier, est ainsi libellé :

Compléter le II du texte proposé par cet article par l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Les prélèvements effectués hors de la période d'étiage, pour des ouvrages destinés à la réalimentation des milieux naturels.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé. Tout d'abord, je tiens à remercier Mme Didier pour ses explications car l'amendement n° 458 rectifié, alors que son objet précisait qu'il s'agissait d'un amendement de précision, comportait le mot « exhaures », et je ne savais pas ce que c'était... Merci, donc, pour la leçon de pédagogie ! (Sourires.)

Mon amendement n'est pas pédagogique ; c'est, monsieur le ministre, un amendement de bonification du texte, même si ce dernier est déjà excellent. Cet amendement tend à prévoir l'exonération de la redevance pour les prélèvements effectués hors de la période d'étiage pour des ouvrages destinés à la réalimentation des milieux naturels.

Certains prélèvements sont effectivement réalisés sur des ouvrages qui ont été spécialement édifiés pour réalimenter les milieux naturels et il ne serait pas normal de taxer ceux qui ont fait des investissements pour alimenter les rivières lorsqu'il y a des besoins particuliers.

J'espère que vous pourrez porter une attention particulière à cet amendement.

Je voudrais en profiter pour aborder une autre question que je n'ai pas traitée dans l'amendement car il est difficile de trouver la bonne formulation. Il s'agit des prélèvements exceptionnels qui seraient effectués à la demande de l'Etat. Il arrive en effet que les pouvoirs publics, pour une raison quelconque, de sécurité par exemple, demandent de faire des prélèvements à une période d'étiage où théoriquement tout prélèvement est taxé.

Il serait intéressant de réfléchir à cette situation. Car, pour diverses raisons, les règlements d'eau sont parfois mis en place et maîtrisés par l'Etat et ceux-ci imposent aux propriétaires des ouvrages, voire aux collectivités, d'effectuer des actes éventuellement taxables. Il n'est alors pas normal que les collectivités soient taxées pour des actes qui sont décidés par autrui. Mais cette question va au-delà du sujet de cet amendement.

Cela étant dit, je vous remercie par avance d'accepter de prendre en considération mon amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Nous le prenons en considération, monsieur Doligé, puisque nous l'avons considéré. (Sourires.)

Cette proposition d'exonération s'inspire de ce qui est prévu pour les prélèvements effectués afin d'alimenter un canal, qui n'entrent pas dans l'assiette de la redevance lorsqu'ils sont destinés à la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides.

Il est vrai qu'il existe quelques barrages alimentés par prélèvements et qui ont pour fonction le soutien d'étiage et la réalimentation des milieux naturels. Il apparaît donc logique de ne pas retenir dans l'assiette de la redevance la part de ces prélèvements destinés à la réalimentation des milieux naturels.

Mais votre rapporteur, s'interrogeant sur la faisabilité de ce calcul, propose, à travers l'amendement n° 107 rectifié de la commission, de prévoir la modulation des tarifs de la redevance en fonction des conditions hydrologiques : étiage, crue, etc. Cela permet, de façon générale, d'appliquer des taux plus faibles en période de hautes eaux et des taux plus élevés en période d'étiage, ce qui encourage une gestion économe de la ressource en eau.

La rectification de votre amendement ne modifie pas pour autant la position de la commission, et la mienne en particulier, car je pense que l'amendement n° 107 rectifié peut répondre à vos préoccupations.

Aussi, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, qui paraît satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Doligé, votre préoccupation rejoint celle que nous avons exprimée concernant les prélèvements pour l'alimentation d'un canal en vue de la préservation des écosystèmes aquatiques. De plus, vous proposez d'exonérer de la redevance les prélèvements effectués hors période d'étiage et destinés à la réalimentation des milieux naturels. Cette précision est utile et j'imagine que, au même titre que les autres amendements proposés, celui-ci tend à bonifier le texte. J'émets donc un avis favorable.

Concernant d'éventuels prélèvements imposés par l'Etat à titre exceptionnel, il convient de faire avancer la réflexion, ce que nous ne manquerons pas de faire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 311 rectifié, présenté par MM. César,  Vasselle,  Texier,  Mortemousque,  Le Grand et  Detcheverry et Mme Gousseau, est ainsi libellé :

A - Compléter le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« ... °les prélèvements effectués dans les zones inondables telles que définies dans la loi n° 2003-699 du 23 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages ;

B - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant pour les agences de l'eau, de l'exonération de la redevance pour prélèvement sur les ressources en eau des prélèvements effectués dans les zones inondables telles que définies dans la loi n° 2003-699 du 23 juillet 2003, sont compensées à due concurrence par une majoration des taux des redevances qui leur sont affectées.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement va dans le même sens que celui qui vient d'être présenté par M. Doligé.

Il convient d'exonérer de la redevance les surfaces situées dans les zones d'expansion des crues qui subissent des inondations.

Cette exonération constitue une réponse à la nécessaire prise en compte du service rendu par l'agriculteur aux populations locales en limitant l'impact des crues en aval, service entraînant en outre des pertes éventuelles de revenu pour son exploitation.

J'ajoute que des exonérations de redevance sont déjà prévues dans l'article proposé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. De manière générale, votre rapporteur souligne le risque qu'il y a à cumuler des règles d'exonération, même si je sais bien que nous sommes en France.

S'agissant de l'efficacité du dispositif d'ensemble, en ce qui concerne les zones d'expansion des crues, il est exact qu'il s'agit d'une contrainte acceptée par les agriculteurs pour limiter l'impact des crues en aval. Mais, pour être tout à fait exact, il faut rappeler que ces servitudes donnent lieu à indemnisation.

La commission s'en remet pour l'instant à la sagesse du Sénat, mais demandera éventuellement le retrait de cet amendement après avoir entendu M. le ministre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Les servitudes d'expansion de crues que vous mentionnez, monsieur le sénateur, donnent droit à indemnités, et on ne voit pas comment elles pourraient être prises en compte au titre de la redevance pour prélèvements car il y aurait ainsi, en quelque sorte, un double avantage.

De plus, les cours d'eau qui subissent des crues peuvent également être sujets à des étiages sévères. Or les prélèvements agricoles visés par cet amendement sont concentrés sur une période très courte de quatre mois, allant de juin à septembre, pendant laquelle les risques d'étiage sont très importants et la pression sur la ressource en eau est considérable.

Ce n'est pas parce les surfaces concernées sont situées en zone d'inondation pendant une période de l'année qu'il ne se pose pas des problèmes majeurs en période d'étiage, et c'est évidemment à ce moment-là que les prélèvements sont effectués.

On ne voit pas comment on pourrait, à ce titre, exonérer ces surfaces de la redevance pour prélèvements.

Compte tenu de mes explications, je souhaiterais que vous puissiez retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur César, l'amendement n° 311 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard César. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 311 rectifié est retiré.

L'amendement n° 312 rectifié, présenté par MM. César,  Vasselle,  Texier,  Mortemousque,  Le Grand et  Detcheverry, Mme Gousseau et M. Murat, est ainsi libellé :

Compléter le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Les prélèvements liés à la lutte anti-gel pour les cultures pérennes ;

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Il s'agit, là encore, d'un amendement très important.

M. Serge Lepeltier, ministre. Pour bonifier le texte !

M. Gérard César. En termes quantitatifs, les volumes d'eau prélevés pour la lutte anti-gel pour les cultures pérennes - arboriculture, viticulture - ne sont pas consommés en tant que tels, ces prélèvements ayant pour finalité de protéger les cultures contre le gel. Ces prélèvements n'ont donc pas à être soumis à une redevance étant donné que les volumes d'eau prélevés retournent directement au milieu naturel.

Les agriculteurs, les viticulteurs, les arboriculteurs et ceux qui ont des plantations de kiwis arrosent les bourgeons afin d'éviter que ces derniers ne gèlent. Dès que le soleil paraît, sur le coup de huit heures ou, après quelques brouillards, vers neuf heures, la glace fond et l'eau retourne directement au sol.

Pourquoi ces agriculteurs ne pourraient-ils pas être exonérés de la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Voilà un amendement qui me plonge dans la perplexité. Il s'agit là d'un mode de protection parfaitement écologique, effectué à une période - le printemps - où il ne manque jamais d'eau. Personne ne devrait y trouver à redire, d'autant que cela permet de protéger des petits bourgeons fragiles qui ne demandent qu'à geler et que les conséquences économiques qui en découlent sont importantes.

La commission a émis un avis de sagesse favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Le rapporteur me surprend, qui disait tout à l'heure qu'il ne fallait pas compliquer le dispositif en adoptant un trop grand nombre d'exonérations...

Mme Nicole Bricq. Il aime les kiwis ! (Sourires.)

M. Serge Lepeltier, ministre. Les usagers de l'eau, dans leur ensemble, doivent participer à une gestion économe de la ressource.

Les volumes d'eau prélevés pour la lutte contre le gel, puisqu'il s'agit de cela, sont effectivement consommés, ils ne retournent pas alimenter les nappes souterraines. La consommation est donc effective. Nous sommes dans la même situation que pour l'irrigation, et cela participe à la production de la même façon.

De plus, monsieur le sénateur, si l'on voulait exclure ces prélèvements de l'assiette de la redevance en distinguant les prélèvements effectués en fin d'hiver et en période d'étiage, il faudrait faire des relevés de compteur supplémentaires. Le coût de ces comptages me semble particulièrement important et serait peut-être supérieur à la redevance correspondante, puisque les volumes consommés à ce titre doivent être extrêmement faibles.

M. Gérard César. C'est pour cela qu'il ne faut pas de redevance ! Et M. Soulage est d'accord avec moi.

M. Serge Lepeltier, ministre. Ce serait donc introduire une complication extrême pour un montant très faible de redevance.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.

M. Gérard César. Le plus simple, c'est pas de redevance du tout !

M. le président. La parole est à M. Paul Girod, pour explication de vote.

M. Paul Girod. Je voterai cet amendement car je ne tiens pas à ce qu'on incite les arboriculteurs à mettre en place des poêles qui, eux, pollueront vraiment.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 312 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 512, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une personne dispose d'un forage pour son alimentation en eau, elle est tenue de mettre en place un dispositif de comptage de l'eau prélevée. L'assiette de la redevance est alors majorée par le volume d'eau ainsi prélevé.

La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.

Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. Par cet amendement, nous en revenons aux forages. En l'occurrence, il s'agit de les assujettir à la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Avis favorable, pour les raisons exprimées tout à l'heure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 512.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 106, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement, après les mots :

ne procède pas

insérer les mots :

, pour cause d'impossibilité avérée

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant de l'appréciation du volume d'eau prélevé sur une année qui sert d'assiette à la redevance, cet amendement vise à préciser que la mesure du prélèvement sur la ressource en eau doit être la règle générale. L'estimation forfaitaire des volumes prélevés ne serait dès lors autorisée qu'en cas d'impossibilité avérée d'établir cette mesure.

M. le président. L'amendement n° 665, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement, après les mots :

prenant en compte

insérer les mots :

le caractère avéré ou non de l'impossibilité de la mesure et

La parole est à M. le ministre, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 106.

M. Serge Lepeltier, ministre. Tel qu'il est rédigé, l'amendement n° 106 créerait un vide pour l'application du forfait aux redevables qui refusent que leur prélèvement soit mesuré. C'est la raison pour laquelle j'invite M. le rapporteur à se rallier à l'amendement du Gouvernement.

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 106 est-il maintenu ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 106 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 665.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 314 rectifié, présenté par MM. César,  Vasselle,  Texier,  Mortemousque,  Le Grand et  Detcheverry et Mme Gousseau, est ainsi libellé :

A. Modifier comme suit le tableau constituant le troisième alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement :

I. Dans la deuxième colonne de la deuxième ligne intitulée : « irrigation (sauf irrigation gravitaire) », remplacer le chiffre :

2

par le chiffre :

1,5

II. Dans la troisième colonne de la même ligne, remplacer le chiffre :

3

par le chiffre :

2

B. Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du A. ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. Les pertes de recettes résultant pour les agences de l'eau de l'abaissement des taux plafonds de la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau fixés pour l'usage « irrigation (sauf irrigation gravitaire) » sont compensées à due concurrence par une majoration des taux des redevances qui leur sont affectées.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Par décret, une redevance de prélèvement, applicable à l'ensemble des usages de l'eau - domestiques, industriels et agricoles -, a été instaurée en 1966.

Ce texte laissait une grande liberté aux agences de l'eau pour établir les barèmes et des dispositifs particuliers pour les différentes catégories d'usagers, ce qui a permis l'établissement de redevances de prélèvement tenant compte de la spécificité de chacun des six bassins et de la différenciation entre l'eau de consommation et l'eau de production par l'introduction de coefficients d'usage.

Dans le projet de loi, il est prévu que les tarifs de redevance seront fixés par chaque agence dans la limite de plafonds inscrits dans la loi. L'agence de l'eau fixera également le seuil de perception pour les volumes prélevés en dessous duquel la redevance ne sera pas due, ce seuil ne devant pas dépasser 10 000 mètres cubes par an hors zone de répartition des eaux et 7 000 mètres cubes par an dans ces zones.

Les taux sont différents selon l'usage : irrigation, eau potable ou autres usages économiques. Une différenciation des taux est introduite en fonction de la catégorie de la ressource : taux de catégorie 2 pour les zones de répartition des eaux et taux de catégorie 1 en dehors de ces zones. Les prélèvements pour l'irrigation effectués de manière collective dans une ressource de catégorie 2 seront affectés du taux relatif à la catégorie 1.

Cet amendement vise à permettre à ceux qui relèvent actuellement des taux de la catégorie 1 de continuer à bénéficier de ces taux : nous souhaitons en effet que les taux plafonds s'appuient sur le taux maximal actuellement appliqué en agriculture, c'est-à-dire sur le taux de catégorie 1.

Ainsi, pour prendre l'exemple du Sud-Ouest, dans le bassin Adour-Garonne, en zone de répartition des eaux, le taux plafond envisagé est près de sept fois supérieur au taux actuel. Le projet de loi pourrait donc conduire à d'importantes baisses de résultat courant avant impôt.

Une évaluation à partir d'exploitations types réalisée par l'assemblée permanente des chambres d'agriculture montre que, à 2 centimes d'euros, selon les bassins, les pourcentages de surfaces agricoles utiles irriguées et la nature des productions, les baisses de résultat courant avant impôt atteindraient, en Artois-Picardie, en Seine-Normandie, en Loire-Bretagne et en Adour-Garonne, entre 2 % et 7 % du résultat, ce qui serait considérable et aurait des répercussions sur l'activité et l'emploi agricoles et agroalimentaires ainsi que sur l'aménagement du territoire.

Cet amendement un peu complexe vise donc à abaisser les taux plafonds envisagés.

M. le président. L'amendement n° 412, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

A. Modifier comme suit le tableau constituant le troisième alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement :

I. - Dans la troisième colonne de la deuxième ligne, intitulée : « irrigation (sauf irrigation gravitaire) »

remplacer le chiffre :

3

par le chiffre :

5

II. - Dans la deuxième colonne de la quatrième ligne, intitulée : « alimentation en eau potable », remplacer le chiffre :

9

par le chiffre :

7

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Mon amendement est également un peu complexe puisque c'est le même que celui de M. César mais inversé ! (Sourires.)

M. Bruno Sido, rapporteur. On l'avait compris !

M. Jean Desessard. Cet amendement vise en effet à accentuer les taux dans la catégorie 2 pour l'irrigation, et, ce faisant, il ne s'agit pas simplement, comme on semble le dire en parlant d'une nécessaire compensation, d'assurer davantage de recettes aux agences, mais de poser le problème du gaspillage.

Est-il vraiment sérieux de pratiquer l'irrigation à tout-va dans des zones où l'eau manque ? Il y a donc bien un problème de gaspillage et de limitation, mais, au-delà, il y a aussi un problème de type de cultures, car certaines cultures ne sont pas adaptées à la ressource en eau de certaines régions. Pratiquer ces cultures dans ces régions simplement parce qu'il est possible d'irriguer, c'est choisir la facilité. Je sais bien que tous les agriculteurs ont une conscience formidable. Pourtant, et, mes chers collègues, vous le savez aussi bien que moi, il y a quand même des aberrations.

Cela signifie qu'il faut changer les pratiques agricoles dans les régions où il n'y a pas assez d'eau pour un type de culture. Pour ce faire, trois moyens législatifs sont à notre disposition : soit la sanction ; soit, sans la sanction, l'interdiction ; soit l'aide conditionnelle, que devrait prévoir le projet de loi d'orientation agricole. On verra ce qu'il en sera, mais, aujourd'hui, nous devons prévoir une pénalité financière pour les cultures inadaptées à la ressource en eau de la région.

L'agence de bassin pourra ensuite fixer son propre taux, mais le plafond doit être assez haut pour que, là où l'eau manque vraiment, il soit possible d'agir.

M. le président. L'amendement n° 217 rectifié, présenté par M. Cambon, Mme Procaccia, MM. Doublet et  Pintat, est ainsi libellé :

Modifier comme suit le tableau constituant le troisième alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement :

I. Dans la deuxième colonne de la quatrième ligne, intitulée : « alimentation en eau potable », remplacer le chiffre :

9

par le chiffre :

3

II. Dans la troisième colonne de la même ligne, remplacer le chiffre :

10

par le chiffre :

4

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 167, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

A. Modifier comme suit le tableau constituant le troisième alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement :

I. Dans la deuxième colonne de la quatrième ligne, intitulé : « alimentation en eau potable », remplacer le chiffre :

9

par le chiffre :

4

II. Dans la troisième colonne de la même ligne, remplacer le chiffre :

10

par le chiffre :

6

B. Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du A. ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II.- Les pertes de recettes résultant, pour les agences de l'eau, de l'abaissement des taux plafonds de la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau fixés pour l'usage « alimentation en eau potable » sont compensées à due concurrence par une majoration des taux des redevances qui leur sont affectées.

C. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :

I.-

La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.

Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à réduire les écarts des taux plafonds de la redevance pour prélèvements de la ressource en eau selon les différents usages, qui, comme le fait apparaître le tableau en page 77 du projet de loi, sont taxés de manière très variable. Ainsi, l'alimentation en eau potable est nettement plus fortement pénalisée, du moins au regard des taux plafonds.

L'amendement vise donc à abaisser le taux plafond pour l'alimentation en eau potable afin d'instaurer dans la pratique une taxation plus forte en termes relatifs des autres usages : nous proposons de remplacer, dans la première colonne, le chiffre 9 par le chiffre 4 et, dans la deuxième colonne, le chiffre 10 par le chiffre 6  en nous « calant » sur le double des taux plafonds applicables pour l'irrigation.

M. le président. L'amendement n° 108, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Modifier comme suit le tableau constituant le troisième alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement :

I - Dans la deuxième colonne de la quatrième ligne, intitulée : « alimentation en eau potable », remplacer le chiffre :

9

par le chiffre :

6

II - Dans la troisième colonne de la même ligne, remplacer le chiffre :

10

par le chiffre :

8

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il est proposé de diminuer le plafond des tarifs applicables aux prélèvements en vue de l'alimentation en eau potable afin d'inciter les agences à un certain rééquilibrage entre les différents usages de l'eau, ce rééquilibrage ne remettant par ailleurs pas en cause le principe même d'une différenciation des tarifs selon les différents usages.

S'agissant des amendements nos 314 rectifié, 412 et 167, il convient de rappeler que pour la fixation des tarifs une distinction est établie lorsque les prélèvements sont effectués dans des zones de répartition des eaux où l'insuffisance de la ressource nécessite l'adoption d'une réglementation voire de restrictions dans les usages de l'eau. Les tarifs de catégorie 2, qui correspondent à ces zones, sont en conséquence plus élevés.

Les amendements nos 314 rectifié et 412 concernent l'un et l'autre l'irrigation, l'amendement n° 314 visant à diminuer les plafonds proposés tandis que l'amendement n° 412 tend à les augmenter.

La commission est opposée à ces deux amendements, car elle considère que, si les tarifs proposés pour l'irrigation correspondent, certes, au taux maximal actuellement appliqué en agriculture dans le bassin Artois-Picardie, il s'agit de tarifs plafonds en deçà desquels une agence pourra procéder à des modulations.

Quant à l'amendement n° 167, qui concerne l'usage « alimentation en eau potable », il doit être rapproché de l'amendement n° 108 de la commission, qui vise également à diminuer les tarifs plafonds en passant de 9 à 6 pour la catégorie 1 et de 10 à 8 pour la catégorie 2. La commission est toutefois réservée, et c'est un euphémisme, sur la diminution plus importante proposée à l'amendement n° 167, car, si à travers l'amendement n° 108, elle souhaite également, je le rappelle, inciter les agences à procéder à un certain rééquilibrage entre les différents usages de l'eau en allégeant la redevance pesant sur l'eau potable, elle estime qu'il convient d'être prudent dans le signal donné.

Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait des amendements nos 314 rectifié, 412 et 167 au profit de son amendement n° 108.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. L'amendement n° 314 rectifié vise à abaisser les taux plafonds de la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau pour l'irrigation.

Le projet de loi prévoit que les tarifs de redevance sont fixés par chaque agence dans la limite des plafonds inscrits dans la loi. Cet encadrement permet l'établissement de redevances pour prélèvements tenant compte de la spécificité de chacun des bassins pour chacun des usages.

Les taux plafonds proposés s'appuient sur les taux maximaux actuellement pratiqués en agriculture, notamment dans les bassins Artois-Picardie, Seine-Normandie et Loire-Bretagne, à un niveau économiquement acceptable pour les exploitations agricoles.

Abaisser les taux plafonds de la redevance pour prélèvements pour l'irrigation limiterait la possibilité de prendre en compte les spécificités de chaque bassin ; surtout, cela diminuerait le produit de la redevance pour prélèvements et, mathématiquement, le montant des aides. Or les demandes d'intervention des agences dans ce domaine vont croissant, notamment pour faire face aux prévisions de réchauffement climatique.

Enfin, monsieur César, je voudrais rappeler qu'il ne s'agit que de taux plafonds, et rien n'empêchera le comité de bassin Adour-Garonne de fixer des taux inférieurs et de maintenir ainsi les taux aujourd'hui pratiqués si les contraintes économiques des agriculteurs du bassin l'imposent.

Votre amendement aurait de surcroît pour effet de supprimer toute souplesse entre les agences de l'eau.

Eu égard à ces explications, je vous serais donc reconnaissant de retirer votre amendement, sur lequel j'émettrai sinon un avis défavorable.

Les amendements nos 412, 167 et 108 appellent une explication commune.

L'ensemble des usagers effectuant des prélèvements sont assujettis à une redevance au titre du prélèvement sur la ressource en eau qui est différenciée en fonction des catégories d'usagers afin d'assurer des contributions tenant compte à la fois de la capacité contributive de ces derniers et de l'intérêt qu'ils peuvent trouver dans l'intervention des agences.

Le niveau plus élevé de la redevance prévue pour l'alimentation en eau potable est justifié par le fait que les agences de l'eau subventionnent davantage les collectivités en matière d'alimentation en eau potable que les autres usages, qui peuvent être la mise en place de périmètre de protection, la sécurisation des captages et l'amélioration du traitement, le développement de nouvelles ressources pour remplacer les captages insuffisants en quantité ou en qualité, l'interconnexion des réseaux, soit un besoin élevé de financement.

Les aides versées sur la période 1997-2002 aux collectivités représentaient ainsi près de 738 millions d'euros, contre 108 millions d'euros pour l'industrie et 210 millions d'euros pour l'agriculture.

Une diminution des plafonds, en particulier celle qui est proposée par Mme Keller et qui pourrait avoir pour effet d'enlever jusqu'à 60 millions d'euros de ressources aux agences, réduirait les possibilités d'intervention des agences en faveur des communes alors que les besoins sont importants, notamment en zones rurales.

Elle pourrait par ailleurs entraîner une hausse de la redevance « pollutions des ménages », qui constitue déjà plus de 75 % des ressources des agences de l'eau, pour fournir une recette équivalente. Un tel phénomène entraînerait donc un déséquilibre croissant entre les redevances « pollutions » et les autres.

Ces raisons valent pour les trois amendements, y compris pour l'amendement n° 412, même s'il vise lui à augmenter le plafond. Je souhaite, je l'ai dit en rester à l'équilibre proposé dans le projet de loi. Or l'amendement de M. Desessard conduirait à une baisse du taux de la redevance pour l'usage « alimentation en eau potable » en catégorie 2 et, du fait du lien entre aides et redevances, il aboutirait donc à une baisse des aides.

Je souhaite donc le retrait de ces trois amendements à l'encontre desquels j'émettrais sinon un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Je demande le vote par priorité de l'amendement n° 108.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité.

M. Serge Lepeltier, ministre. Ayant émis un avis assez réservé sur l'ensemble des amendements, je n'ai pas d'objection.

Mme Nicole Bricq. C'est une manoeuvre !

M. le président. En application de l'article 44, alinéa 6, du règlement, la priorité est de droit.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Je mesure bien, à l'occasion de ce vote, les contradictions qui peuvent s'exprimer, y compris au sein de chaque groupe, chacun essayant d'interpréter les choses en fonction de ses propres critères.

Le problème de l'irrigation est difficile. Même dans le Nord-Pas-de-Calais, où la pluviosité est importante, les industriels de l'agroalimentaire exigent aujourd'hui des agriculteurs qu'ils pratiquent l'irrigation. Celle-ci, qui n'est réellement utile qu'une année sur quatre ou sur cinq, leur garantit sur la durée une égalité de production en ce concerne tant la qualité que la quantité.

Le volume d'eau exploitable étant aujourd'hui limité, laisser pratiquer l'irrigation de façon incontrôlée devient criminel. A l'instar des quotas laitiers qui ont été instaurés lorsque la production était excessive, il faudra envisager de fixer une limite pour éviter une exploitation exagérée de la ressource en eau. Le fait de laisser s'accroître la consommation de l'eau pour l'irrigation sans contrôle appelle une réflexion du législateur. Le droit à exploiter de l'eau doit aujourd'hui être maîtrisé.

Certes, on va nous objecter qu'une hausse du taux se répercutera sur tous les agriculteurs, qui devront donc payer l'eau plus cher. Ce n'est pas ce que nous souhaitons : nous voulons que l'agriculteur puisse exploiter de l'eau à un prix raisonnable pour que son activité soit rentable. Pour autant, on ne peut pas laisser se développer l'irrigation sans contrôler la quantité d'eau distribuée.

La véritable solution est là, elle ne consiste pas simplement à jouer sur les taux. Il faudra bien, un jour, fixer un droit à l'eau, limité, par exploitant, sinon nous courrons à la catastrophe.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Le fait que M. le rapporteur ait demandé le vote par priorité sur l'amendement n° 108 montre clairement que la contradiction n'affecte pas le seul groupe socialiste...

M. Charles Revet. Cela vous rassure !

Mme Nicole Bricq. Si j'ai bien compris, l'adoption de l'amendement n° 108 fera tomber les autres amendements en discussion. C'est dommage, car, compte tenu de toutes les propositions formulées s'agissant de l'injustice qui frappe la consommation des usagers domestiques, l'amendement n° 167, présenté par de Mme Keller, me paraissait le plus approprié pour rééquilibrer les choses.

Vous avez dit, monsieur le ministre, que l'adoption de cet amendement ferait perdre beaucoup d'argent - vous avez avancé le chiffre de 60 millions d'euros - aux agences de l'eau et ne leur permettrait plus d'assurer la solidarité avec les communes rurales. Nous avons discuté pendant des heures sur le désengagement de l'Etat et notamment sur ce qui a été perdu avec l'abandon du FNDAE. Ne venez donc pas nous reprocher aujourd'hui d'amputer les ressources des agences.

Nous avons aussi expliqué que les dispositions de ce texte et de la loi de finances rectificative faisaient perdre de l'argent aux agences : Mme Keller a démontré qu'il y avait une perte pour l'Etat et pour les agences. N'utilisez donc pas cet argument pour donner la priorité à l'amendement n° 108.

En outre, vous estimez que les agences dépensent beaucoup pour les collectivités locales et, pour l'illustrer, vous avez cité des chiffres et établi des comparaisons avec les sommes consacrées à l'agriculture et à l'industrie. Mais c'est normal. Ce sont tout de même les collectivités locales qui assument la plus grosse charge, par le biais du prélèvement sur les contributeurs domestiques.

Vos arguments ne sont pas justes !

La priorité pour l'amendement de M. le rapporteur clôt évidemment la discussion. C'est dommage car cela va nous priver de la possibilité d'effectuer un rééquilibrage en faveur des usagers domestiques.

M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.

M. Gérard César. Il est vrai que l'adoption, quasiment assurée, de l'amendement n° 108 fera tomber les autres amendements.

La climatologie fait apparaître des différences considérables d'une région à l'autre. M. Raoult a dit que l'on pratiquait l'irrigation dans le Nord-Pas-de-Calais. Dans le Sud-Ouest, je ne vois pas ce que nous pourrions faire sans irrigation. Il y a deux poids et deux mesures, et la climatologie est donc importante.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétend M. Raoult, il y a des contrôles : les compteurs volumétriques dont les agriculteurs doivent équiper leurs installations.

Comme je sais que mon amendement va tomber, je préfère le retirer et me rallier à la proposition de notre excellent rapporteur.

M. le président. L'amendement n° 314 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement no 167 n'a plus d'objet.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. L'adoption de l'amendement n° 108 fait tomber la deuxième partie de mon amendement, mais pas la première. Je le rectifie donc pour n'en conserver que celle-ci.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n°  412 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, qui est ainsi libellé :

Dans la troisième colonne de la deuxième ligne du tableau constituant le troisième alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement, intitulée : « irrigation (sauf irrigation gravitaire) »

remplacer le chiffre :

3

par le chiffre :

5

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 412 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 460, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le tableau constituant le troisième alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement, par une ligne ainsi rédigée :

Concession de ressources naturelles à des sociétés commerciales

6

8

 

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Puisque nous cherchons un peu d'argent, je vous propose un amendement qui est susceptible de nous en apporter.

Il vise à rééquilibrer la participation des acteurs dont l'activité entraîne un prélèvement sur la ressource, en précisant que les redevances pour prélèvements sur les ressources en eau s'appliquent aux concessions faites à des sociétés commerciales en vue de la revente de la ressource.

Comme j'ai déjà pu l'évoquer lors de la discussion générale, ces concessions qui ont été effectuées sans véritable débat et sans réelle transparence des coûts doivent, elles aussi, être assujetties à ces redevances.

Actuellement, nous pouvons déplorer en effet que des ressources naturelles soient concédées à des sociétés commerciales sans une juste contrepartie financière.

Rappelons qu'aujourd'hui, en France, 700 sources d'eau dite « minérale » font l'objet d'une concession d'exploitation. La commercialisation s'effectue sous une centaine de marques et concerne 9 milliards de litres, pour un marché de 2,2 milliards d'euros.

Les taux de profits nets du secteur demeurent parmi les plus intéressants du domaine de l'industrie agroalimentaire, ce qui explique l'effervescence permanente - je ne parle pas des bulles (Sourires.) -, même ces dernières années, des grandes entreprises privées dominant le secteur, pour investir partout dans ce que l'on appelle « l'or bleu en bouteille ».

Or, il est à noter que ces exploitations entraînent des coûts considérables à la charge des pouvoirs publics : je pense notamment au recyclage des bouteilles en plastique, et aux dégâts à l'environnement provoqués par le transport quotidien, sur route, de plus en plus massif, de quantités énormes de bouteilles d'eau minérale des autres régions ou d'autres pays.

Les conséquences inhérentes à ce type de produits sont en réalité en totale opposition avec la démarche de développement durable.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de compléter le tableau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Ces redevables relèvent, à notre sens, de la catégorie « autres usages économiques », taxée à un taux plafond de trois centimes d'euro par mètre cube pour la catégorie 1 et de quatre centimes d'euros par mètre cube pour la catégorie 2.

Mme Evelyne Didier. Ce n'est vraiment pas beaucoup !

M. Bruno Sido, rapporteur. Il n'y a pas de raison de leur appliquer un tarif aggravé. Aussi, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Cet amendement; si je le comprends bien, vise à rendre redevable toute concession faite à des sociétés commerciales. S'il s'agit effectivement d'eau prélevée pour l'embouteillage ou la production de boissons telles que le Coca-Cola, il peut effectivement paraître anormal que le taux de la redevance soit sensiblement inférieur à celui qui est appliqué aux prélèvements pour l'alimentation en eau potable.

Toutefois, le terme de « concession » de ressources naturelles à des sociétés commerciales ne paraît pas recenser les prélèvements visés par l'amendement, dans la mesure où toutes les concessions sans différenciation seraient concernées.

C'est la raison pour laquelle je ne peux être favorable à votre amendement, qui ne viserait donc que des prélèvements effectués dans le cadre de concessions et qui ne correspondraient pas forcément à l'objet.

Pour tenter d'approcher votre objectif, ce point pourrait être réexaminé en deuxième lecture. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 460 est-il maintenu ?

Mme Evelyne Didier. Compte tenu de la proposition formulée par M. le ministre, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 460 est retiré.

L'amendement n° 107 rectifié, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'agence de l'eau fixe, dans la limite des plafonds ci-dessus, un taux par unité géographique cohérente définie en tenant compte des objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, notamment lorsqu'ils exigent la mise en place d'un programme d'intervention et de concours financiers spécifiques, ainsi que des conditions hydrologiques.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il vous est proposé d'ajouter un alinéa précisant que le taux des redevances pour prélèvements d'eau affectées aux agences de l'eau doit être fixé par unité géographique cohérente en fonction de l'impact du prélèvement sur la ressource en eau et les milieux aquatiques et des objectifs et programmes des SDAGE et des SAGE.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Une justification majeure de l'intervention des agences de l'eau est d'inciter à la réduction des impacts sur les milieux aquatiques afin d'atteindre un bon état écologique des eaux. Il est donc essentiel que la redevance pour prélèvement d'eau puisse, d'une part, être plus élevée là où la préservation de la ressource en eau nécessite des programmes plus importants et, d'autre part, tenir compte des conditions hydrologiques de manière à pouvoir appliquer des taux plus faibles en période de hautes eaux et des taux plus élevés en période d'étiage.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 316 rectifié, présenté par MM. César,  Vasselle,  Texier,  Mortemousque,  Le Grand et  Detcheverry et Mme Gousseau, est ainsi libellé :

Avant le dernier alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour tous les prélèvements destinés à l'irrigation effectués dans des retenues collinaires, et quelle que soit la localisation géographique de celles-ci, le taux plafond de la redevance applicable est celui de la ressource de catégorie 1.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement concerne les retenues collinaires. Leur création met en oeuvre le principe de recueil et de stockage des eaux de ruissellement en période d'abondance pour ne pas prélever dans le milieu en période d'étiage, c'est-à-dire de tension sur la ressource.

En conséquence, il paraît logique de ne pas appliquer dans ce cas le taux de redevance plus élevé, de catégorie 2, mais d'en rester au taux de la ressource de catégorie 1.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Il est vrai que la création de retenues collinaires présente l'intérêt de stocker des eaux de ruissellement en période d'abondance, ce qui évite de prélever dans le milieu en période d'étiage.

C'est pourquoi la commission s'en remet à la sagesse de notre assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Selon leur nombre sur un bassin versant et les caractéristiques de la ressource en eau, les retenues collinaires peuvent avoir un impact significatif, notamment lorsqu'il s'agit d'un bassin déficitaire en eau.

Une ressource stockée, même hors période d'étiage, constitue une ressource qui est en grande partie soustraite au milieu et qui, de ce fait, ne participera pas à la recharge des nappes et donc au soutien de l'étiage estival.

Une mesure générale de réduction de la redevance ne serait donc pas pertinente à ce titre.

J'ajoute que l'amendement précédent qui a été adopté par le Sénat permettra de fixer un taux moins élevé de redevance en hiver, au moment précisément où ces retenues collinaires sont rechargées.

Pour toutes ces raisons, votre amendement me semble satisfait et j'émets un avis défavorable.

M. le président. Monsieur César, l'amendement n° 316 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard César. Je remercie la commission de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Il me paraît important en effet que, en période d'abondance, donc en hiver, l'eau puisse être stockée dans une retenue collinaire.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je soutiens cet amendement. La constitution d'une retenue collinaire est une manière de bien gérer les ressources en eau disponibles qui, sinon, notamment dans les régions méditerranéennes, vont à la mer et ne sont pas utilisées.

Lorsque l'on a eu la sagesse de les créer, ces retenues sont particulièrement heureuses en période estivale, notamment pour lutter contre les incendies.

Cette mesure incitative me paraît donc tout à fait intéressante.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Pour ma part, je voterai cet amendement, car le dispositif proposé a pour vocation non pas de soustraire de l'eau à la nappe, mais, au contraire, de lui en apporter, en permettant l'irrigation.

En voici une illustration : lors d'un déplacement récent au Maroc, un ingénieur m'a fait observer que, étant pauvre en eau, ce pays pratique une gestion de cette ressource différente de la nôtre et tendant à une utilisation maximale : on capte. l'eau des montagnes pour produire de l'électricité, puis on la canalise pour l'irrigation et elle rejoint les nappes au lieu de s'échapper par les oueds jusqu'à l'océan. Cette formule me paraît bonne et ressemble un peu au dispositif qui est proposé par M. César.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 316 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 315 rectifié, présenté par MM. César,  Vasselle,  Texier,  Mortemousque,  Le Grand et  Detcheverry, Mme Gousseau et M. Murat, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement :

« Lorsque le prélèvement pour l'irrigation est effectué de manière collective tel que défini au 6° du II de l'article L. 211-3, le taux de redevance pour prélèvement d'eau est affecté d'un coefficient 0,5.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Quels que soient la zone ou l'état de la ressource, la gestion quantitative de l'eau doit être encouragée. Il importe donc d'appliquer un abattement incitatif pour renforcer la gestion collective lorsqu'elle existe déjà ou pour l'initier là où ce n'est pas encore le cas.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 109 est présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 168 est présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le dernier alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement, remplacer les mots :

par un organisme défini au 2° du II de l'article L. 211-2,

par les mots :

par un organisme défini au 6° du II de l'article L. 211-3,

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 109.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel de cohérence.

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 168.

Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 315 rectifié, il est vrai que l'irrigation effectuée de manière collective doit être encouragée, car elle permet de réaliser des économies importantes. Mais rien ne justifie d'appliquer une réduction de moitié sur le tarif, y compris dans les zones où la ressource en eau est abondante.

La commission souhaite en rester au texte du projet de loi, qui ne concerne que les zones où la ressource en eau est menacée et pour lesquelles le taux pratiqué sera celui de la catégorie 1 en cas de gestion collective de l'irrigation.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Le projet de loi prévoit que, pour une ressource rare, c'est-à-dire de catégorie 2, la redevance est majorée par rapport à celle de la catégorie 1. Il prévoit également que, lorsque les agriculteurs font un effort d'organisation collective pour mieux gérer la rareté de la ressource, il n'est plus nécessaire de leur appliquer une redevance majorée.

L'amendement n° 315 rectifié vise à réduire de moitié la redevance de catégorie 1 pour ceux qui gèrent bien une ressource normale, en abondance.

Outre son intérêt écologique réduit, une telle proposition créerait un avantage réservé aux seuls agriculteurs, ce qui serait susceptible d'entraîner une rupture d'égalité devant les charges publiques. En effet, aucune autre catégorie d'usagers ne peut prétendre à un taux de redevance inférieur à ceux qui sont fixés en catégorie 1.

A ce seul titre, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Quant aux amendements identiques nos 109 et 168, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Monsieur César, l'amendement n° 315 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard César. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 315 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 109 et 168.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 313 rectifié, présenté par MM. César,  Vasselle,  Texier,  Mortemousque,  Le Grand et  Detcheverry et Mme Gousseau, est ainsi libellé :

Compléter le V du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« En ce qui concerne l'irrigation gravitaire, le prélèvement d'eau à prendre en compte est fixé forfaitairement à 10 000 m3  par hectare irrigué.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Le rapporteur avait proposé cet amendement à la commission, laquelle, après un large débat, l'a finalement refusé, considérant que cet affichage n'incitait pas à une gestion économe de l'eau en matière d'irrigation.

Néanmoins, il convient d'indiquer que le taux de la redevance concernant l'irrigation a été calculé sur la base de ce forfait.

La commission s'en remet à la sagesse de notre assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Les spécificités de l'irrigation gravitaire sont prises en compte dans le projet de loi, puisqu'il est prévu une imposition très largement inférieure aux autres usages, à un niveau économiquement acceptable.

Si la mesure des prélèvements se révèle impossible, le forfait à prendre en compte peut être fixé à 10 000 mètres cubes par hectare irrigué, comme vous le proposez, monsieur le sénateur, ce ratio ayant effectivement été pris en compte pour la définition des taux plafonds figurant dans le projet de loi.

Le Gouvernement émet, comme la commission, un avis de sagesse.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Ce point a fait l'objet d'un débat très large au sein de la commission.

Je souligne tout de même que 10 000 mètres cubes par hectare irrigué, c'est faramineux !

M. Gérard César. C'est un plafond !

M. Paul Raoult. Je ne sais pas si chacun se rend compte du volume que cela représente.

Et quel affichage, monsieur le ministre ! Depuis près de dix jours, nous sommes invités à prendre des mesures pour économiser l'eau et, brusquement, nous devrions accepter un prélèvement de 10 000 mètres cubes par l'hectare, alors que la norme se situe entre 1 000 et 1 500 mètres cubes à l'hectare. Sans être expert en la matière, cela me paraît vraiment exagéré. Si cette disposition est adoptée, on va se faire incendier demain dans la presse !

M. Gérard César. Mon amendement concerne le sud de la France !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 313 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas raisonnable !

M. Paul Raoult. C'est la FNSEA !

M. le président. L'amendement n° 461, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du 3° du VI du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement, supprimer les mots :

en fonction de l'état des masses d'eau

 

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Je considère que cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Avis défavorable, comme sur l'amendement n° 455.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 461.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 176 rectifié, présenté par MM. César,  Vasselle,  Texier,  Mortemousque,  Le Grand et  Detcheverry et Mme Gousseau, est ainsi libellé :

Compléter le VI du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Lorsque tout ou partie du volume prélevé fait l'objet, après usage, d'une réinjection directe dans la nappe d'eau souterraine d'origine ou d'une infiltration, dans le cas de nappes superficielles avec une ressource abondante et renouvelable, d'usage exclusivement agricole selon des procédés certifiés et évalués par des organismes publics, le volume réinjecté est déduit de l'assiette de la redevance due pour consommation d'eau. »

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Le sol de certains secteurs d'irrigation est très filtrant, je pense en particulier aux sols très sablonneux du Sud-Ouest. Par cet amendement, nous demandons que le volume réinjecté soit déduit de l'assiette de la redevance due pour consommation d'eau. Dans les sols très filtrants, l'eau d'irrigation rejoint très rapidement la nappe phréatique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Cette irrigation spécifique résulte du caractère très filtrant des sols sur lesquels les cultures sont implantées.

Il en est ainsi des cultures sur sable pratiquées dans les Landes et pour lesquelles l'irrigation peut atteindre 4 000 à 5 000 mètres cubes par hectare.

Je signale au passage à M. Raoult que 10 000 mètres cubes par hectare, cela représente un mètre d'eau au mètre carré, ce qui correspond grosso modo à la pluie qui tombe chez vous. Cela paraît beaucoup sur un hectare, mais 10 000 mètres cubes ne font jamais qu'un mètre d'eau ! En l'occurrence, il s'agit de 5 000 mètres cubes, soit 500 millimètres par hectare, alors que la moyenne en Gironde, en dehors des Landes, atteint 2 000 à 2 500 mètres cubes par hectare.

Sur ce type de sols, l'eau irriguée s'infiltre très rapidement et rejoint immédiatement les nappes, mais il ne faut pas négliger les pollutions qu'elle peut entraîner. Il conviendrait d'encourager, y compris sur ces sols, des modes d'irrigation plus économes de la ressource.

Aussi, la commission émet un avis de sagesse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. J'en appelle à la compréhension compte tenu de l'esprit qui sous-tend le projet de loi. Si un tel amendement est voté, on va nous expliquer que tous les sols de notre pays sont perméables.

A ce seul titre, j'émets un avis défavorable.

Mme Nicole Bricq. Il était temps !

Mme Evelyne Didier. Tout de même !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Puisque nous recherchons la simplicité, il vaudrait mieux supprimer la redevance. En effet, au point où nous en sommes, chacun renvoie, d'une façon ou d'une autre, ce qu'il prélève dans le milieu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Au vu de l'avis exprimé par le Gouvernement, je sollicite le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur César, l'amendement n  176 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard César. Monsieur le rapporteur, je suis désolé de ne pouvoir accéder à votre demande.

Dans le Sud-Ouest, les carottes, le maïs et les asperges poussent dans des sols très filtrants où on exploitait le pin des Landes et qui ont été déboisés à la suite des incendies. Ces cultures n'existeraient pas sans irrigation. Ne condamnons pas les agriculteurs de ces régions. Et n'oublions pas que nous n'aurions pas de foie gras s'il n'y avait pas de maïs !

Compte tenu de la spécificité des Landes girondines, je suis contraint de maintenir cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur le sénateur, ce type de situation est prévu dans le projet de loi. En effet, les comités de bassin peuvent voter des redevances spécifiques par bassin versant. En l'occurrence, il s'agit de sols spécifiques : des périmètres peuvent être gérés de cette manière.

Il ne faut pas, par des exonérations, rendre ce projet de loi plus complexe. J'attire de nouveau votre attention sur l'objet de ce texte. Nous risquons d'ailleurs de ne plus pouvoir le mettre en application au vu de toutes les exonérations que vous votez.

Laissons les comités de bassin exercer leur gestion en appliquant des taux différents en fonction des bassins et des sous-bassins.

M. Gérard César. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Monsieur le ministre, vous venez de dire que les agences de bassin auront la possibilité de voter des taux différents. Je suis d'accord sur le principe, mais je sais aussi que, pour permettre l'alimentation financière de ces agences, les redevances seront automatiquement augmentées. Etant parlementaire de longue date, je ne suis pas naïf. Bien que membre de l'UMP, je ne suis pas à 100 % le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. J'attire l'attention de M. César sur le fait que l'organisation proposée prévoit que la décision concernant la redevance est prise par l'agence de l'eau et par le comité de bassin. Dans le cas du bassin Adour-Garonne, le taux de la redevance pourra être ramené à zéro car chacun sait parfaitement que les sols sont filtrants.

J'ajoute que le comité de bassin pourra ne pas voter le budget si les arguments, qui me paraissent évidents, ne sont pas retenus. Cela montre d'ailleurs la pertinence du refus de la commission de fixer des taux planchers qui interdiraient aux agences de proposer, en l'occurrence, des taux zéro ou epsilon. C'est une justification a posteriori.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Evelyne Didier. Je comprends que M. César est dans son rôle et qu'il est aussi là pour défendre une profession, mais jusqu'où va-t-on aller ? Dans ce projet de loi, la profession agricole s'en tire bien. Cependant, comme je l'ai déjà indiqué aux représentants de la chambre d'agriculture que j'ai rencontrés, à tout vouloir, à trop tirer sur la corde, on risque de la faire céder. Je vous mets donc en garde, mon cher collègue : n'allez pas trop loin, sinon vous allez mettre le feu aux poudres.

Combien de sécheresses faudra-t-il ? On sait bien que nous subissons des changements climatiques. Bientôt, ce sera tout le territoire français qu'on irriguera ! Pendant combien de temps allons-nous continuer cette fuite en avant ?

Il en va de notre responsabilité collective. Il nous incombe d'ailleurs de raisonner non plus en fonction d'une catégorie ou d'une autre, mais d'une manière globale. C'est notre rôle de parlementaire.

Je ne cherche pas ici à donner de leçons, je veux simplement attirer votre attention, mon cher collègue. Une telle attitude est grave, car, semble-t-il, tout le monde n'a pas encore compris que nous vivons actuellement un changement climatique.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Mme Didier vient de parler de la sécheresse. Je rappelle que l'on est dans un contexte très particulier.

En 2003, en effet, nous avons connu une sécheresse : 6 000 communes ont demandé à être reconnues en état de catastrophe naturelle ; un tiers d'entre elles à peine l'ont été.

Cette année, on nous annonce une sécheresse semblable à celle de 1976. Combien de communes victimes de la sécheresse ne seront pas indemnisées ?

En poussant le bouchon beaucoup trop loin, en défendant trop une certaine catégorie de Français, certes tout à fait respectables, vous allez créer, mon cher collègue, un clivage dans la société française, et cela se retournera contre la catégorie que vous prétendez défendre.

Tout au long de ce texte, notre argumentation a été fondée sur la volonté de restaurer une certaine égalité dans le système. Non seulement nous n'y parvenons pas, mais, qui plus est, nous aggravons les inégalités. Ne dressons pas les Français les uns contre les autres, alors que nous sommes censés les représenter tous !

M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.

M. Gérard César. Je veux bien recevoir des leçons des uns et des autres, mais j'espère que ceux qui m'en donnent voteront le projet de loi.

Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas une leçon !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 176 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par MM. Doligé,  Beaumont,  Barraux et  Dériot et Mme Rozier.

L'amendement n° 375 est ainsi libellé :

Compléter le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-10 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigé :

Sont exonérés de la redevance pour stockage d'eau en période d'étiage les propriétaires ou gestionnaires d'ouvrage dont la fonction principale est la protection des populations contre les crues et/ou le maintien des étiages.

L'amendement n° 376 est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-11 du code de l'environnement par les mots :

ainsi que les propriétaires ou gestionnaires d'ouvrage destinés à la protection des populations contre les risques d'inondation ou servant au maintien des étiages.

La parole est à M. Eric Doligé, pour défendre ces deux amendements.

M. Eric Doligé. L'amendement n° 375 a trait aux exonérations de la redevance pour stockage d'eau en période d'étiage tandis que l'amendement n° 376 concerne celles de la redevance pour obstacle sur les cours d'eau.

Je défends ici non pas une profession, mais des collectivités. En effet, un certain nombre de collectivités ont décidé d'investir des sommes considérables pour assurer le soutien des étiages et pour protéger les populations contre les inondations.

Or, au détour d'un article du projet de loi, je constate que ces collectivités risquent d'être taxées soit pour le stockage de l'eau - j'ai déjà parlé des étiages tout à l'heure -, soit pour les gênes occasionnées en cas d'obstacle sur les cours d'eau.

Cette disposition concerne tous les bassins importants de France.

J'explique la situation.

Aujourd'hui, lorsqu'un ouvrage appartient à l'Etat, ce dernier ne paie pas, à ma connaissance, de redevance. En le transférant aux collectivités, ces dernières vont le gérer en investissant des sommes considérables pour protéger les populations ou pour permettre aux usines nucléaires de fonctionner.

Je rappelle que des crues importantes se sont produites sur la Loire en 2003, et que, l'année dernière, nous avons connu une sécheresse. Si ces barrages n'avaient pas été gérés par l'Etat ou par les collectivités, des catastrophes écologiques et économiques auraient eu lieu.

Aujourd'hui, les collectivités vont reprendre en direct la propriété de ces ouvrages et on va leur faire payer une taxe !

M. Bruno Sido, rapporteur. Mais non !

M. Eric Doligé. S'agissant de la redevance pour obstacle sur cours d'eau, il est vrai que les barrages constituent des obstacles pour les poissons. Cependant, aux termes de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les transferts doivent être assurés à l'euro près. En l'occurrence, une charge supplémentaire va être transférée aux collectivités par le biais d'une taxe que l'Etat ne payait pas.

Les collectivités ont consacré des budgets considérables au rétablissement de la circulation des poissons migrateurs. La passe à poisson de Vichy, mise en place pour faciliter la remontée des saumons ou des aloses, qui n'est pas une propriété de l'établissement public, a été payée à 50 % par ce dernier.

Or, je le répète, on va taxer les collectivités malgré tous les efforts financiers - qui sont 100 fois supérieurs à la taxe que pourrait percevoir l'Etat - qu'elles réalisent pour permettre aux poissons de prendre des ascenseurs ou d'emprunter les passes à poisson.

Je ne sais pas quel sort sera réservé à mes deux amendements, mais je tenais à vous faire remarquer, mes chers collègues, que les collectivités agissent dans l'intérêt général des populations. En théorie, ces domaines ne relèvent pas de leurs compétences, mais elles en assurent la gestion par substitution, parfois avec l'aide de l'Etat, parfois avec celle de l'agence de l'eau.

Je vous demande donc, mes chers collègues, d'exonérer des ouvrages qui n'étaient pas taxés lorsqu'ils étaient gérés par l'Etat. Je laisse à M. le ministre le soin de me dire si nous devons faire preuve de sagesse sur le sujet...

M. Jean Desessard. Attendez un peu, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je veux dire à mon collègue et ami président de conseil général Eric Doligé que je ne comprends pas son amendement n° 375.

En effet, si la retenue est bien gérée, l'eau est relâchée en période d'étiage, aucune taxe ne devra donc être payée puisqu'il s'agit précisément d'une redevance pour stockage d'eau en période d'étiage.

Je demande donc à M. Doligé de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 376, la redevance pour obstacle sur les cours d'eau est instituée afin de tenir compte de l'impact de ces ouvrages sur la ressource en eau et les milieux aquatiques.

En effet, ces ouvrages induisent une rupture dans la continuité écologique d'un cours d'eau et dans la circulation des poissons migrateurs. Ils constituent aussi des obstacles au transit sédimentaire dans les cours d'eau, ce qui peut entraîner un envasement en aval ou encore une érosion supplémentaire à certains endroits des cours d'eau. C'est l'ensemble de ces perturbations écologiques que la redevance souhaite prendre en compte, et ce quelle que soit la destination des ouvrages ainsi taxés. Je précise que le dispositif s'applique au-dessus de cinq mètres.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Pour les mêmes raisons que le rapporteur, je pense que l'amendement n° 375 est satisfait par une bonne gestion du barrage. C'est pourquoi je demande à M. César de bien vouloir le retirer ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 376, la redevance pour obstacle sur les cours d'eau est liée non pas aux usages, mais à l'impact des ouvrages sur les milieux aquatiques. Elle se veut incitative : les propriétaires des ouvrages doivent faire le nécessaire pour résorber les impacts de leurs ouvrages, en prévoyant, par exemple, l'installation d'un dispositif de franchissement pour les poissons, plutôt que d'avoir à s'acquitter d'une redevance.

Mon objectif est non pas de collecter des fonds, mais de limiter, je le répète, les impacts sur les milieux aquatiques, afin de pouvoir respecter les exigences de la directive-cadre sur l'eau.

Le montant de cette redevance est donc calculé en fonction des impacts des ouvrages sur les milieux aquatiques. Les responsables des ouvrages équipés ou gérés de telle manière que les impacts sont résorbés n'auront pas à s'acquitter de la redevance, soit parce que le calcul conduit à un montant nul, soit parce qu'il se situe en dessous des seuils de perception des agences de l'eau.

Je rappelle que les ouvrages destinés à la constitution de ressources pour l'eau potable, qui constitue une mission de service public aussi importante que la préservation des inondations, ne sont pas exonérés.

Dans ces conditions, le Gouvernement souhaiterait également que M. César retire son amendement ; à défaut, il y sera défavorable.

M. le président. Monsieur Doligé, les amendements nos  375 et 376 sont-ils maintenus ?

M. Eric Doligé. Je n'aime pas les avis défavorables, monsieur le président, je vais donc les retirer !

Par ces amendements, je tenais simplement à pointer du doigt certaines anomalies.

S'agissant de l'amendement n° 375, j'ai bien compris votre argumentation, monsieur le rapporteur. Certes, vous avez raison, mais je rappelle ce que j'ai dit tout à l'heure à propos de la prise en gestion du barrage à des moments particuliers. Lorsqu'il est nécessaire de lâcher de l'eau, c'est l'Etat qui reprend la gestion de l'ouvrage pendant un temps déterminé. Je ne voudrais donc pas qu'un jour, à un moment donné, l'Etat y renonce et impose ensuite aux collectivités la redevance pour stockage d'eau. Il faut être logique. Toutefois, je fais confiance à la sagesse de l'Etat en la matière.

S'agissant de la circulation des poissons, les collectivités investissent dans l'établissement public Loire pour favoriser la remontée des poissons dans un certain nombre de barrages - ce qui ne relève pas de leur compétence, mais elles considèrent que c'est indispensable - des sommes bien plus importantes que celles que l'Etat ne percevra jamais au titre des redevances pour faire la même chose. Il est toujours quelque peu vexant d'être potentiellement taxé !

Cela étant dit, compte tenu des précisions apportées par M. le ministre, je retire mes amendements, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos  375 et 376 sont retirés.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 413, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-11 du code de l'environnement, remplacer la mesure :

5 mètres

par la mesure :

1 mètre

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Le paragraphe I de l'article L. 213-10-11 du code de l'environnement dispose qu' « une redevance pour obstacle sur les cours d'eau est due par toute personne possédant un ouvrage constituant un obstacle continu joignant les deux rives d'un cours d'eau ». Le paragraphe III prévoit que « la redevance n'est pas due lorsque la dénivelée est inférieure à cinq mètres et pour les cours d'eau dont le débit moyen est inférieur à 0,3 mètre cube par seconde ».

L'amendement n° 413 vise à remplacer cinq mètres par un mètre.

En effet, tout barrage est une déstructuration de l'habitat rivière et un obstacle à la libre circulation de la faune, des poissons notamment. Certaines espèces comme les lamproies, espèce répertoriée par la directive Natura 2000, sont bloquées par des petites singularités hydrauliques de trente centimètres de hauteur. Et même pour les espèces dites sauteuses, telles que le saumon ou la truite de mer, un seuil de un mètre commence déjà à poser de grosses difficultés.

L'argument selon lequel il faut délaisser les « petits » barrages au motif qu'ils ne posent pas de problèmes importants n'est pas recevable, d'autant qu'il faut considérer l'addition des « petits » effets sur le milieu et la faune - ennoiement de zones initialement productives, fatigue du franchissement, perte cumulée de poissons par refus d'obstacle.

M. le président. L'amendement n° 613, présenté par MM. Cazeau et  Raoult, Mme Alquier, MM. Madrelle,  Miquel et  Vézinhet, est ainsi libellé :

Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-11 du code de l'environnement, remplacer les mots :

5 mètres

par les mots :

1,5 mètre

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Comme je voulais me distinguer de mon collègue Jean Desessard, qui appartient au groupe des Verts, en tant que socialiste je propose de prévoir une dénivelée inférieure à 1,5 mètre ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 483, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-11 du code de l'environnement, remplacer les mots :

5 mètres

par les mots :

2 mètres

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Je ne reprendrai pas les excellents propos de mon collègue Desessard, à savoir que l'on gêne une continuité écologique.

Il faut ramener ce seuil à un niveau raisonnable car cinq mètres, cela reviendrait à exonérer quasiment toutes les microcentrales et tous les barrages.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant de ces trois amendements, je constate que le groupe CRC est le plus raisonnable. (Sourires.)

L'abaissement du seuil de cinq mètres à un mètre, un mètre cinquante ou deux mètres reviendrait, c'est bien entendu l'objectif visé, à multiplier le nombre de redevables, notamment des milliers de propriétaires de résidences secondaires.

Il convient de souligner que ces redevables potentiels ne tirent aucun revenu d'une quelconque activité économique des ouvrages qui seraient ainsi taxés.

J'ajoute que je connais des endroits où les propriétaires ont demandé à l'administration le retrait du droit d'eau parce qu'il fallait entretenir le vannage, chose embêtante et onéreuse. Cela leur a été refusé, notamment pour des raisons de maintien des berges. L'administration leur a refusé ce retrait et ils seraient taxés ? Dans quel monde vivons-nous aujourd'hui ?

Il faudrait avoir un avis plus raisonnable. La hauteur des vrais barrages est discutable. Cinq mètres, ce n'est déjà pas courant. Vos propositions sont déraisonnables car elles correspondent à des ouvrages que l'on peut voir tous les kilomètres sur certaines rivières. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Lors de l'élaboration du projet de loi, nous avons simulé plusieurs hypothèses de dénivelée des ouvrages pour cette redevance. J'ai finalement opté pour une valeur seuil de cinq mètres. En effet, trop abaisser cette valeur seuil conduirait à prendre en compte un très grand nombre d'ouvrages, comme l'a dit le rapporteur, et aurait pour inconvénient de constituer une charge de travail extrêmement lourde et quasi inutile.

De plus, la police de l'eau et les SAGE pourront réglementer tous ces ouvrages. J'ajoute que, dans ces conditions, le montant de la redevance se situerait en dessous des seuils de perception des agences de l'eau.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote sur l'amendement n° 413.

M. Paul Raoult. Monsieur Sido, vous présentez parfois les choses de façon un peu expéditive !

Je connais de braves gens qui établissent de belles résidences secondaires le long d'une rivière et qui rêvent d'un beau plan d'eau devant leurs fenêtres et d'un beau barrage. Vous savez très bien qu'à partir du moment où vous faites un barrage, vous créez une zone d'évaporation de l'eau qui est préjudiciable à la qualité de l'eau dans la rivière. C'est aussi cette réalité que je vis dans mon département, monsieur Sido, et pas seulement le problème d'anciens vannages.

Des contrats de rivières nous posent aujourd'hui problème parce que ces vannages sont très anciens et il faut les entretenir. Je subis aussi la pression d'un certain nombre de personnes qui rêvent d'un petit plan d'eau en bloquant le cours de la rivière.

J'ai parlé de la hauteur du seuil avec un peu d'humour, mais il n'empêche que le problème est posé et qu'il faut arrêter de faire des barrages pour le plaisir d'avoir un beau plan d'eau devant chez soi. Cette pression sociale existe.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Les services des Verts ont fait des calculs : la hauteur d'un mètre est raisonnable. Les services du groupe socialiste ont fait des calculs : c'est un mètre cinquante - il n'y a pas tellement de différence. Pour les services du groupe CRC, c'est deux mètres... C'est nettement moins que cinq mètres !

Quand vous dites que les cinq mètres sont une mesure intéressante pour les poissons, monsieur le ministre, je trouve que c'est un peu fort.

Vous auriez repris l'amendement du groupe CRC, nous aurions pu discuter ; mais le seuil de cinq mètres représente vraiment un obstacle.

M. le rapporteur dit que nous ne sommes pas raisonnables ; nous verrons à l'avenir qui n'est pas raisonnable sur cette question !

M. le président. La parole est à M. Eric Doligé, pour explication de vote.

M. Eric Doligé. Nous avons tous nos exemples. J'ai, dans ma commune, trente-deux chutes d'eau - c'est la ville de France où il y a le plus de moulins - qui sont obligatoires et doivent être maintenues. Si les propriétaires y touchent, ils sont condamnés à des amendes. Cela est géré au millimètre.

M. Jean Desessard. Si vous demandez un millimètre, cela nous convient ! (Rires.)

M. Eric Doligé. L'entretien des vannages coûte excessivement cher aux contribuables ; ils demandent même des subventions pour le faire. Nous pourrions d'ailleurs le mettre dans la loi.

Par ailleurs, monsieur Desessard, il faut arrêter de montrer du doigt les barrages. Bien sûr, ils perturbent l'environnement, mais tout ce que réalise l'homme fait de même : une autoroute, une route, une maison ou un parking perturbent les milieux naturels. Or, je voudrais redire qu'un certain nombre de barrages ont rendu des services considérables en période de sécheresse et lors des inondations de 2003. Sans les barrages, l'électricité aurait été coupée dans certaines parties de la France, ce qui aurait posé des problèmes considérables : certains hôpitaux n'auraient pu fonctionner, cela aurait été une catastrophe écologique et humaine. En matière d'inondations, s'il n'y avait pas eu les barrages pour retenir l'eau à l'hiver 2003, il y aurait eu des inondations considérables, que l'on est capable de mesurer : dans certains endroits sur la Loire, il y aurait eu un mètre d'eau de plus dans les villes.

Les barrages existent, ils sont utiles, mais on n'en fait plus, à cause ou grâce à vous, je n'en sais rien, mais je le regrette infiniment car le jour où il y aura une catastrophe naturelle vous verrez ce que l'on dira dans cet hémicycle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 413.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 613.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 483.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 614, présenté par MM. Cazeau et  Raoult, Mme Alquier, MM. Madrelle,  Miquel et  Vézinhet, est ainsi libellé :

I - Dans le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement, remplacer les mots :

protection du milieu aquatique

par les mots :

exploitation piscicole

II - En conséquence, dans l'intitulé du paragraphe 8, remplacer les mots :

protection du milieu aquatique

par les mots :

exploitation piscicole

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Nous proposons de remplacer les mots « protection du milieu aquatique » par les mots « exploitation piscicole », estimant que cette expression est un peu plus appropriée.

M. le président. L'amendement n° 620, présenté par M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article  L. 213-10-12 du code de l'environnement, remplacer les mots :

protection du milieu aquatique

par les mots :

usage piscicole

II. Procéder à la même modification dans l'intitulé du texte proposé par cet article pour le paragraphe 8 de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de l'environnement.

 

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à préciser qu'il s'agit de la protection de l'usage piscicole, et pas simplement des milieux aquatiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La commission n'est pas favorable aux modifications proposées, qu'il s'agisse de l'expression « exploitation piscicole », qui paraît soit péjorative, soit impropre s'agissant de la qualification d'une activité de loisirs, ou des mots « usage piscicole », qui semblent restrictifs.

La commission demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. La justification de cette redevance porte à la fois sur l'exploitation piscicole et sur la participation à la protection du milieu aquatique, qui englobe la notion piscicole.

Je m'en remets à la sagesse de la commission. L'avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 614.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 620.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 110 est présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 169 est présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le deuxième alinéa (a) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement, après les mots :

par personne

insérer le mot :

majeure

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 110.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. L'article 37 du projet de loi, à travers l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement, instaure une redevance assise sur le produit des cotisations des pêcheurs, qui se substituera à la taxe piscicole. La cotisation demandée varie selon plusieurs critères, en prévoyant un tarif adulte et un tarif jeune ou encore un tarif vacances ou à la journée.

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 169.

Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. L'exonération des jeunes pêcheurs de la redevance pour la protection du milieu aquatique favorisera le développement de la pêche. Je suis particulièrement attaché au caractère social de la pêche de loisir et à son développement chez les jeunes.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis favorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Je suis, sur le fond, favorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos  110 et 169.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 364 rectifié est présenté par MM. Poniatowski,  Beaumont,  Carle,  César,  Doublet,  Ginoux,  Mortemousque et  Trucy.

L'amendement n° 639 est présenté par M. Repentin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le troisième alinéa (b) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement.

La parole est à M. Georges Ginoux, pour défendre l'amendement n° 364 rectifié.

M. Georges Ginoux. Il s'agit d'exonérer du paiement de la taxe piscicole les jeunes de moins de dix-huit ans. C'est une mesure qui est un encouragement certain à la pratique de la pêche.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l'amendement n° 639.

M. Thierry Repentin. Dans le texte proposé par le Gouvernement à l'origine était instituée une redevance de dix euros par personne, c'est-à-dire pour l'ensemble de nos concitoyens, et de quatre euros par personne de moins de dix-huit ans.

A partir du moment où nous venons d'adopter un amendement qui vise à préciser que le tarif est de dix euros par personne majeure, il va de soi, me semble-t-il, que le b du II de l'article L. 213-10-12 n'a plus de sens, puisque nous avons précisé qu'il s'agissait des personnes majeures qui étaient assujetties à une redevance et, par conséquent, les personnes mineures ne le sont pas.

Pour ma part, je l'ai voté car je suis très favorable à ce que l'on favorise la pêche pour les mineurs dans notre pays. En effet, à chaque fois que l'on délivrera un permis de pêche à un mineur, nous ferons participer un enfant de la République à la protection des cours d'eau et des lacs ; chacun le sait : les pêcheurs amateurs sont les premiers défenseurs de l'environnement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Il convient de souligner que le taux de la redevance pour protection du milieu aquatique est déjà inférieur de plus de 50 % par rapport à celui qui est appliqué pour les adultes. En outre, il s'appliquera à tous les mineurs, et pas seulement à ceux qui sont âgés de moins de seize ans. Peut-être pourrait-on prévoir encore un demi-tarif pour les jeunes de moins de dix ans, comme à la SNCF ! (Sourires.)

La commission demande donc le retrait de ces amendements. A défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Un effort a déjà été accompli dans le projet de loi en direction des jeunes de moins de dix-huit ans. Mais il est de l'intérêt de la pêche d'attirer ces jeunes.

M. Eric Doligé. C'est pareil pour les garçons et pour les filles ? (Rires.)

M. Serge Lepeltier, ministre. C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 364 rectifié et 639.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 485 est présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 650 est présenté par M. Repentin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le quatrième alinéa (c) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement, supprimer les mots :

entre le 1er juin et le 30 septembre

La parole est à Mme Evelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 485.

Mme Evelyne Didier. Le projet de loi prévoit une redevance particulière pour les personnes qui se livrent à l'exercice de la pêche pendant quinze jours consécutifs entre le 1er juin et le 30 septembre, période de vacances habituelle. Les associations de pêche ont en effet la possibilité de délivrer des cartes vacances pour ceux qui souhaitent s'adonner à leur loisir pendant cette période.

Pourquoi limiter cette possibilité à cette période de l'année ? En effet, de plus en plus de personnes prennent des vacances à d'autres dates. Il s'agit tout simplement de favoriser l'exercice de la pêche !

Je profite de l'examen de cet amendement pour faire remarquer que, sur certaines travées, on ironise un peu trop sur les pêcheurs. Notre collègue a eu parfaitement raison de souligner que les associations de pêche développent une attitude citoyenne, favorisent une éducation à la rivière et apprennent à respecter l'environnement. Les pêcheurs ont généralement le souci des rivières et ils participent bénévolement à leur entretien. Ce sont souvent eux qui signalent les dégâts et informent les communes des travaux à réaliser. Nous avons donc besoin des pêcheurs !

Par conséquent, n'ironisons pas trop, et considérons au contraire les pêcheurs comme des partenaires à part entière !

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l'amendement n° 650.

M. Thierry Repentin. Je me rallie au plaidoyer d'Evelyne Didier et précise que certains départements se sont lancés dans le tourisme en développant des parcours sportifs. Ils accueillent donc des pêcheurs sur des parcours qui ont été aménagés par les conseils généraux, quelquefois même en dehors de la période comprise entre le 1er juin et le 30 septembre.

La rédaction du quatrième alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement instaure une discrimination en matière de calendrier qui ne se justifie pas.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. On peut en effet s'interroger sur les raisons qui empêcheraient les pêcheurs de bénéficier de cette mesure à d'autres périodes de vacances.

La commission émet donc un avis de sagesse très favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

La possibilité de pratiquer la pêche pendant quinze jours de vacances consécutifs à la période de son choix apporte une plus grande souplesse, qui favorise et développe les occasions de découvrir ce loisir.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 485 et 650.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 111 est présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 170 est présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le dernier alinéa (e) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement, après les mots :

de supplément

insérer le mot :

annuel

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'amendements de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 111 et 170.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 651 rectifié, présenté par MM. Repentin et  Collombat, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sont exonérés de la redevance les mineurs de moins de 18 ans, les conjoints de personnes qui se livrent à l'exercice de la pêche pendant une année, au sein d'une structure mentionnée au 1°, et les invalides de guerre ou du travail titulaires d'une pension de 80 %, lorsqu'ils pêchent à l'aide d'une seule ligne équipée de deux hameçons au plus, pêche au lancer exceptée.

« A l'aide de cette ligne, les membres des associations agréées désignés ci-dessus sont autorisés à pêcher gratuitement et sans formalités dans les eaux du domaine public ainsi que dans les plans d'eau où le droit de pêche appartient à l'Etat. Il en est de même dans les eaux autres que celles du domaine défini à l'article 1er du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, sous réserve de la permission de celui à qui le droit de pêche appartient ».

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. C'est un amendement de solidarité, qui ne coûtera pas grand-chose à l'Etat. Il s'agit en effet d'élargir l'exonération de la redevance, déjà prévue pour les mineurs de moins de 18 ans, aux invalides de guerre ou du travail titulaires d'une pension à 80 % lorsqu'ils pêchent à la ligne.

Cette proposition a la faveur des associations de pêcheurs qui souhaitent qu'un geste soit fait en direction de ces personnes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Les plafonds des taux de la redevance pour protection du milieu aquatique proposés par le projet de loi sont désormais très inférieurs à ceux de la taxe piscicole actuellement en vigueur. Ainsi, pour les majeurs, le taux de la taxe est de vingt-huit euros et celui de la redevance est plafonné à dix euros.

Dans ces conditions, il sera loisible aux associations de pêche de moduler le niveau de leurs cotisations afin de privilégier telle ou telle catégorie de pêcheurs ou d'encourager tel ou tel mode de pêche.

Par ailleurs, il est d'usage de dire que tout ce qui est gratuit n'est pas respecté. Je vous invite à méditer cette vérité.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement. J'ajoute que nous venons d'exonérer totalement de la redevance les mineurs de moins de 18 ans.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Comme l'a souligné mon collègue Thierry Repentin, ce geste serait apprécié par les associations de pêcheurs. Celles-ci comprendraient mal que cette proposition soit repoussée, alors que nous venons d'exonérer les mineurs de cette redevance. En outre, peu de personnes seraient concernées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 651 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 357 rectifié, présenté par MM. Poniatowski,  Beaumont,  Carle,  César,  Doublet,  Ginoux,  Mortemousque et  Trucy, est ainsi libellé :

Compléter in fine le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Dans un délai de 2 ans à compter de la publication de la loi n° ... du ... sur l'eau et les milieux aquatiques, un rapport du Gouvernement transmis au Parlement, présentera la faisabilité d'une extension aux eaux closes du paiement d'une redevance pour protection du milieu aquatique. Cette redevance applicable aux personnes qui capturent du poisson devra tenir compte de la superficie des étangs et des prélèvements fiscaux de toute nature versés par les propriétaires au titre de ces eaux closes. Ce rapport définira également les conditions dans lesquelles l'administration délivrera un certificat constatant la nature juridique d'un étang, certificat opposable aux tiers ».

La parole est à M. Georges Ginoux.

M. Georges Ginoux. Le retour au critère de la circulation du poisson, après vingt ans d'errements, ne saurait être considéré comme une revanche. Seul l'intérêt général et le développement des zones rurales doivent commander notre réflexion. Dès lors que le Gouvernement aura accepté -  et je l'en conjure à nouveau - de régler le dossier relatif au cormoran, nous devrons poursuivre notre réflexion en profitant de ces vingt ans de « travaux pratiques », si je puis employer cette expression.

Ces vingt années ont permis de dégager deux conclusions fortes.

Premièrement, les propriétaires d'étangs ne sont pas hostiles - je leur ai posé la question - au fait de contribuer au financement de la police de l'eau, bien entendu en fonction des surfaces, mais aussi en tenant compte des impôts de toute nature qu'ils doivent acquitter et qui, pour partie, financent déjà des missions régaliennes de l'Etat. Il faut donc régler le curseur, ce qu'un simple amendement ne peut bien sûr réaliser.

Deuxièmement, l'incertitude juridique générée par la législation actuelle, qui repose sur des bases plus que douteuses, suscite une profonde irritation. Les propriétaires, selon les administrations, selon les gardes, selon les départements, se voient transmettre des réponses différentes à des questions identiques. C'est intolérable et de grands spécialistes, comme M. Le Dreuzy, que nous connaissons tous ici, pourraient nous occuper pendant de longues soirées d'hiver à nous narrer toutes les péripéties rocambolesques de cette loi « pêche ».

C'est pourquoi je préconise une forme de « rescrit halieutique », qui, une fois pour toutes, donnerait au propriétaire un document incontestable sur la nature juridique de son étang.

Sachez, monsieur le ministre, que votre réponse à ces deux questions est très attendue par les dizaines de milliers de propriétaires d'étangs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Avec l'amendement n° 357 rectifié, nous abordons une question très délicate et complexe, qui déchaîne, depuis vingt ans, dans les milieux concernés, passions et antagonismes sur la définition des eaux libres et des eaux closes.

Si je partage le souhait très légitime et argumenté de Georges Ginoux de tirer les conclusions de la période écoulée depuis 1984 et de proposer des solutions concrètes, je ne suis pas sûr que le dispositif présenté soit opérationnel.

Tout d'abord, je souhaite profiter de la navette pour trouver une solution qui, je l'espère, sera concertée et acceptée par tous, car il ne me paraît pas raisonnable de vouloir se donner de nouveaux délais. Je suis en effet fermement convaincu qu'il est de notre responsabilité de législateur de proposer un dispositif.

Ensuite, j'émets des réserves à voir affichée d'emblée une extension du champ d'application de la redevance pour protection du milieu aquatique, alors même qu'aucune concertation n'a eu lieu sur le sujet.

Enfin, je m'interroge sur la possibilité pour l'administration de délivrer un certificat attestant de la nature juridique d'un étang ou plan d'eau lorsque l'on sait que plusieurs dizaines de milliers de plans d'eau sont concernées.

Je préférerais aboutir à une définition juridique claire, qui ne nécessite ni jurisprudence abondante ni décision administrative individuelle.

Pour toutes ces raisons, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. A défaut, la commission émettrait un avis défavorable.

Il me semble important que cet amendement soit retiré. En effet, nous avions prévu de réfléchir sur cette question, mais les conditions dans lesquelles nous avons étudié ce projet de loi ne nous en ont pas laissé le temps. Cette question pourrait être ajoutée à l'ensemble des sujets que le groupe de travail doit étudier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Je partage pleinement l'objectif d'apaiser les conflits relatifs aux eaux closes. A cet effet, vous proposez, monsieur Ginoux, que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport sur « la faisabilité d'une extension aux eaux closes du paiement d'une redevance pour protection du milieu aquatique ».

Dans ce projet de loi, j'ai souhaité distinguer clairement la protection des milieux aquatiques, la gestion piscicole et le financement de la surveillance.

En matière de protection des milieux aquatiques, j'ai regroupé et unifié les diverses mesures de protection, dispersées et parfois redondantes, qui concernaient la police de l'eau et la police de la pêche.

Par ailleurs, j'ai simplifié le financement de la protection des milieux aquatiques dans le cadre de la transformation du Conseil supérieur de la pêche en ONEMA et de la création de la Fédération nationale de la pêche et de la protection des milieux aquatiques. Ainsi, la redevance pour protection du milieu aquatique remplacera l'actuelle taxe piscicole, qui était complexe et dont l'encadrement législatif était insuffisant.

Le projet de loi prévoit que les pêcheurs en eau libre acquitteront une redevance pour la protection du milieu aquatique dont le montant maximum sera de dix euros. Cette redevance est justifiée, d'une part, par le prélèvement de poissons opéré, qui affecte la qualité écologique des eaux, et, d'autre part, au titre de la participation aux missions de surveillance du milieu aquatique et de la lutte contre le braconnage.

Monsieur le sénateur, votre proposition d'étudier l'éventualité de l'instauration d'une redevance pour la pêche en eau close me paraît poser un certain nombre de difficultés techniques. Ainsi, le redevable de cette redevance devrait-il être la personne qui capture du poisson dans une eau close ou le propriétaire du plan d'eau en fonction de l'importance de l'impact de celui-ci ?

Comment fixer des seuils afin d'éviter de multiplier les obligations déclaratives pour la perception de sommes d'un montant, malgré tout, faible ? De plus, certaines zones humides d'importance nationale comportent des plans d'eau installés et correctement gérés depuis des siècles. Dans le cadre de la loi relative au développement des territoires ruraux, nous avons prévu des exonérations de taxes foncières non bâties dans ces zones humides. Il ne faudrait donc pas reprendre d'une main ce qui a été donné de l'autre.

Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, et pour celles qu'a évoquées M. le rapporteur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. A défaut, j'émettrais un avis défavorable. Au demeurant, cette question pourrait être éventuellement étudiée avec la commission d'ici à la deuxième lecture, étant entendu qu'il y a tout de même de nombreuses réserves sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Ginoux, l'amendement n° 357 rectifié est-il maintenu ?

M. Georges Ginoux. Dans la mesure où j'ai reçu l'assurance qu'une solution sera recherchée pour la deuxième lecture, je retire cet amendement, monsieur le président

M. le président. L'amendement n° 357 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 37, modifié.

(L'article 37 est adopté.)

Art. 37
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Art. 39

Article 38

À la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de l'environnement, il est créé une sous-section 4 intitulée : « Obligations déclaratives, contrôle et modalités de recouvrement » ainsi rédigée :

« Sous-section 4

« Obligations déclaratives, contrôle et modalités de recouvrement

« Art. L. 213-11. - Les contribuables déclarent à l'agence de l'eau les éléments nécessaires au calcul des redevances mentionnées aux articles L. 213-10 à L. 213-10-12 avant le 1er avril de l'année suivant celle au titre de laquelle ces redevances sont dues.

« En cas de cession ou de cessation d'entreprise, les redevances qui sont dues sont immédiatement établies. Les contribuables déclarent les éléments mentionnés au premier alinéa dans un délai de soixante jours à compter de la cession ou de la cessation d'entreprise.

« Art. L. 213-11-1. - L'agence de l'eau contrôle l'ensemble des éléments permettant de vérifier l'assiette des redevances, notamment les déclarations et les documents produits par les intéressés pour l'établissement des redevances ainsi que les installations, ouvrages ou activités ayant un impact sur celles-ci et les appareillages susceptibles de fournir des informations utiles pour leur détermination. Le contrôle peut être effectué sur pièces et sur place.

« L'agence peut demander la production de pièces ainsi que tout renseignement ou éclaircissement nécessaire au contrôle. Elle fixe un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois à compter de la réception de la demande par l'intéressé. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante, l'agence lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite.

« Lorsqu'elle envisage d'effectuer un contrôle sur place, l'agence en informe préalablement le contribuable par l'envoi ou la remise d'un avis. Cet avis indique les années soumises au contrôle et l'identité des agents qui en sont chargés. Il précise que le contribuable peut se faire assister au cours des opérations de contrôle par un conseil de son choix.

« Il ne peut être procédé à deux contrôles successifs portant sur l'assiette d'une même redevance pour les mêmes années.

« Le contrôle sur place est effectué par des agents habilités par le directeur de l'agence. L'agence peut confier à des organismes habilités par l'autorité administrative dans des conditions prévues par le décret en Conseil d'État mentionné à l'article L. 213-11-15 et mandatés à cette fin par son directeur le soin d'opérer certains contrôles techniques.

« Art. L. 213-11-2. - Les administrations de l'État et les collectivités territoriales, les entreprises concessionnaires d'une personne publique et les organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'agence, sur sa demande, les documents qu'ils détiennent qui lui sont nécessaires pour l'assiette et le contrôle des redevances mentionnées aux articles L. 213-10 à L. 213-10-12 sans pouvoir lui opposer le secret professionnel.

« Art. L. 213-11-3. - Lorsque l'agence constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des redevances, elle adresse au contribuable une proposition de rectification motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation dans un délai de trente jours.

« Lorsque l'agence rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée.

« Art. L. 213-11-4. - Le délai de reprise expire à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle les redevances sont dues.

« Art. L. 213-11-5. - La prescription est interrompue dans les conditions définies au premier alinéa de l'article L.189 du livre des procédures fiscales.

« Art. L. 213-11-6. - I. - Sont établies d'office les redevances dues par les personnes :

« 1° Qui n'ont pas produit la déclaration des éléments nécessaires à leur calcul à la date fixée à l'article L. 213-11, après l'expiration d'un délai de trente jours suivant la mise en demeure préalable qui leur est adressée par l'agence ;

« 2° Qui se sont abstenues de répondre dans les délais fixés aux demandes de renseignements ou d'éclaircissements prévus à l'article L. 213-11-1 ;

« 3° Qui ont refusé de se soumettre aux contrôles ou qui ont fait obstacle à leur déroulement.

« II. - En cas d'imposition d'office, les éléments servant au calcul des redevances sont portés à la connaissance du contribuable au moins trente jours avant la mise en recouvrement au moyen d'une notification précisant les modalités de détermination des éléments et le montant des redevances dues, ainsi que la faculté pour le contribuable de présenter ses observations.

« Art. L. 213-11-7. - En cas de défaut de déclaration, de déclaration tardive des éléments nécessaires à la détermination des redevances, lorsque la déclaration fait apparaître des éléments insuffisants, inexacts ou incomplets, ou en cas de taxation d'office en application des 2° et 3° du I de l'article L. 213-11-6, les redevances mises à la charge du contribuable sont assorties d'intérêts de retard et, le cas échéant, de majorations selon les modalités prévues en matière d'impôt sur le revenu par le code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle les redevances sont dues.

« Art. L. 213-11-8. - Un ordre de recette émis par le directeur de l'agence et pris en charge par l'agent comptable est notifié au contribuable pour le recouvrement des redevances ainsi que des intérêts de retard et des majorations dont elles sont le cas échéant assorties. Cet ordre de recette mentionne la somme à acquitter au titre de chaque redevance, la date de mise en recouvrement, la date d'exigibilité et la date limite de paiement.

« Art. L. 213-11-9. - Le contribuable qui conteste tout ou partie des redevances mises à sa charge doit, préalablement à tout recours contentieux, adresser une réclamation au directeur de l'agence.

« Art. L. 213-11-10. - Les redevances sont recouvrées par l'agent comptable de l'agence selon les règles applicables au recouvrement des créances des établissements publics à caractère administratif de l'État sous réserve des dispositions qui suivent.

« La date d'exigibilité est fixée au dernier jour du mois qui suit la date de mise en recouvrement.

« La date limite de paiement est fixée au 15 du deuxième mois qui suit la date de mise en recouvrement. Au-delà de cette date, une majoration de 10 % est appliquée aux redevances ou fractions de redevances qui n'ont pas été réglées et l'agent comptable adresse au redevable une lettre de rappel par pli recommandé avec accusé de réception. Si cette lettre de rappel n'est pas suivie de paiement, l'agent comptable peut, à l'expiration d'un délai de vingt jours, engager les poursuites.

« Les redevances ou suppléments de redevances inférieurs à 100 euros ne sont pas mis en recouvrement.

« Art. L. 213-11-11. - L'agence peut accorder des remises totales ou partielles de redevances, majorations et intérêts de retard soit sur demande du contribuable, lorsque celui-ci est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence, soit sur demande du représentant des créanciers pour les entreprises soumises à la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

« Art. L. 213-11-12. - Les redevances mentionnées aux articles L. 213-10-1 à L. 213-10-12 peuvent donner lieu chaque année au paiement d'acomptes.

« Art. L. 213-11-13. - L'action de l'agent comptable chargé du recouvrement des redevances se prescrit dans un délai de quatre ans à compter de la date de mise en recouvrement. Ce délai est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part du contribuable et par tous autres actes interruptifs de la prescription.

« Les poursuites sont exercées par l'agent comptable dans les formes de droit commun. Toutefois, les commandements de payer sont, à l'initiative de l'agent comptable, notifiés au contribuable, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 259 du livre des procédures fiscales.

« Le recouvrement par le comptable de l'agence peut être assuré par voie d'opposition à tiers détenteur adressée aux personnes qui détiennent des fonds pour le compte des contribuables, qui ont une dette envers eux ou qui lui versent une rémunération.

« Le comptable notifie cette opposition au contribuable en même temps qu'elle est adressée au tiers détenteur.

« L'opposition à tiers détenteur emporte l'effet d'attribution immédiate, prévue à l'article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, des sommes saisies disponibles au profit de l'agence à concurrence des sommes pour lesquelles l'opposition est pratiquée. Sous peine de se voir réclamer les sommes saisies majorées du taux d'intérêt légal, le tiers détenteur doit verser les fonds auprès du comptable chargé du recouvrement dans les trente jours qui suivent la réception de l'opposition.

« L'opposition à tiers détenteur peut s'exercer sur les créances conditionnelles ou à terme : dans ce cas, les fonds sont versés au comptable chargé du recouvrement lorsque ces créances deviennent exigibles.

« Lorsqu'une même personne est simultanément destinataire de plusieurs oppositions à tiers détenteur établies au nom du même contribuable, elle doit, en cas d'insuffisance des fonds, exécuter ces oppositions en proportion de leurs montants respectifs.

« Si les fonds détenus ou dus par le tiers détenteur sont indisponibles entre ses mains, celui-ci doit en aviser le comptable chargé du recouvrement dès la réception de l'opposition.

« Art. L. 213-11-14. - Les règles prévues par l'article L. 281 du livre de procédures fiscales sont applicables aux contestations relatives au recouvrement de redevances.

« Art. L. 213-11-15. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application des articles L. 213-11 à L. 213-11-14. »

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-11 du code de l'environnement, remplacer le mot :

contribuables

par les mots :

personnes susceptibles d'être assujetties aux redevances mentionnées à l'article L. 213-10.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 624, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor, Piras, Lejeune et Trémel, Mme Herviaux, MM. Cazeau, Dauge et Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin, Marc, Le Pensec, Domeizel et Roujas, Mme M. André, M. Guérini et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-11-12 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Les acomptes versés en septembre par les associations mentionnées au 1° de l'article L. 213-10-12 ne sauraient être supérieurs à 50 %.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Cet amendement vise à modifier le montant et la période d'exigibilité des acomptes au regard du caractère particulier des débiteurs. Il s'agit en effet d'associations à but non lucratif, qui ont souvent des budgets très serrés et qui ne peuvent percevoir l'argent qu'elles réclament à leurs pêcheurs, de manière très pressante, dès le début de l'année.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Le principe du versement d'acomptes, qui relève effectivement du domaine législatif, est prévu par l'article L. 213-11-12 du code de l'environnement tel que proposé par l'article 38. Toutefois, les modalités d'application du versement des acomptes relèvent, à l'évidence, du domaine réglementaire.

Je vous demande donc, cher collègue, de retirer votre amendement. A défaut, la commission émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Sur le fond, je serais assez favorable à une telle proposition. Mais au vu de sa nature réglementaire, je souhaite que cet amendement soit retiré.

M. le président. Monsieur Repentin, l'amendement n° 624 est-il maintenu ?

M. Thierry Repentin. Si j'en crois M. le ministre, une décision réglementaire interviendra dans ce domaine, ce qui signifie que le Gouvernement partage l'esprit de notre amendement.

A partir du moment où un tel engagement est pris à l'égard des associations agréées de pêche et protection du milieu aquatique, les AAPPMA, (M. le ministre acquiesce), nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 624 est retiré.

L'amendement n° 171, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-11-14 du code de l'environnement, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. 213-11-14-1.- Les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des redevances mentionnées aux articles L. 213-10 à L. 213-10-12 sont tenues au secret professionnel dans les termes de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales.

La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.

Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que les agents intervenant à l'occasion de l'établissement de l'assiette des redevances, du contrôle, du recouvrement ou du contentieux sont tenus de respecter l'obligation de secret professionnel. Il s'agit d'une reprise de l'obligation générale posée en matière d'impôts d'Etat par les articles ad hoc du livre des procédures fiscales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 38, modifié.

(L'article 38 est adopté.)

Art. 38
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Art. additionnel après l'art. 39

Article 39

La section 7 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de l'environnement est ainsi modifiée :

1° Son intitulé est remplacé par l'intitulé suivant : « Comités de bassin et offices de l'eau des départements d'outre-mer » ;

2° Il est ajouté après l'article L. 213-13 un article L. 213-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 213-13-1. - Dans les départements d'outre-mer, le comité de bassin est composé :

« 1° De représentants des collectivités territoriales situées en tout ou partie dans le bassin ;

« 2° De représentants des usagers et de personnalités qualifiées ;

« 3° De représentants désignés par l'État, notamment parmi les milieux socioprofessionnels.

« Il est consulté sur l'opportunité des travaux et aménagements d'intérêt commun envisagés dans le bassin et plus généralement sur toute question faisant l'objet des chapitres Ier à IV, VI et VII du présent titre. » ;

3° Le VI de l'article L. 213-14 est remplacé par les dispositions suivantes :

« VI. - Le seuil de mise en recouvrement de la redevance est arrêté par l'office de l'eau. Il ne peut être inférieur à 10 000 m3 d'eau par an. » ;

4° Il est ajouté à l'article L. 213-14 un VIII ainsi rédigé :

« VIII. - Des redevances pour pollution de l'eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour stockage d'eau en période d'étiage, pour obstacles sur les cours d'eau et pour protection du milieu aquatique sont affectées à l'office de l'eau. Celui-ci institue ces redevances sur proposition du comité de bassin et dans le cadre du programme pluriannuel d'intervention mentionné au I.

« L'assiette et le taux de ces redevances sont déterminés conformément aux dispositions de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II, sous réserve des dispositions suivantes :

« 1° Les taux des redevances sont fixés par délibération du conseil d'administration de l'office de l'eau sur avis conforme du comité de bassin ;

« 2° Le taux plafond de la redevance pour stockage d'eau en période d'étiage est fixé à 0,3 centime d'euro par mètre cube pour le volume d'eau stocké à l'étiage pris en compte au-delà de 300 millions de mètres cubes. » ;

5° L'article L. 213-20 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les redevances peuvent donner lieu chaque année au paiement d'acomptes.

« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. »

M. le président. L'amendement n° 680, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

La section VII du chapitre III du titre Ier du livre II du code de l'environnement devient la section V et est ainsi modifiée :

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence par rapport à l'architecture du chapitre III du titre Ier du livre II du code de l'environnement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 680.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 629 rectifié, présenté par MM. Lise, S. Larcher, Gillot et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa (1°) de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...°  Le I de l'article L. 213-13 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le respect des engagements internationaux de la France et dans le cadre de conventions soumises à l'avis du comité de bassin, l'office de l'eau peut mener des actions de coopération internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, dans la limite de 1 % de ses ressources, le cas échéant et suivant les règles statutaires en vigueur pour chaque catégorie de personnels, avec le concours de ses agents.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Nous souhaitons donner la possibilité aux offices de l'eau de participer à des actions de coopération internationale, au même titre que les agences de l'eau. En effet, l'article 35, qui prévoit une telle possibilité au bénéfice des agences de l'eau, n'est pas applicable outre-mer, et le Gouvernement a omis de mentionner ces dispositions à l'article 39, qui est consacré aux départements d'outre-mer.

Nous espérons qu'il ne s'agit pas d'un oubli volontaire. Au demeurant, il convient de rappeler que les offices de l'eau, établissements publics locaux à caractère administratif rattachés aux départements dans les DOM, sont dépendants des agences de l'eau de l'hexagone. A ce titre, ils devraient au moins bénéficier des mêmes prérogatives.

Il faut rappeler que, là où se situent les offices de l'eau, la coopération ne peut se faire qu'avec des pays étrangers. Cette coopération peut être, par ailleurs, extrêmement fructueuse pour les DOM et, bien entendu, pour la France.

Les collectivités territoriales des départements d'outre-mer mènent depuis longtemps de nombreuses actions internationales dans leur environnement régional. Leurs compétences à cet égard ont été élargies par l'article 22 de la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer. On ne comprendrait pas pourquoi l'office de l'eau, nouvel acteur majeur de la politique de l'eau, ne pourrait y participer. En outre, il existe une forte demande de coopération dans le domaine de l'eau, en particulier dans la zone des Caraïbes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. J'émets évidemment un avis favorable sur cet amendement, qui vise à étendre aux offices de l'eau les modalités récemment arrêtées pour les agences de l'eau en vue d'une coopération internationale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 629 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 213-13-1 à insérer dans le code de l'environnement par un nouvel alinéa ainsi rédigé :

Il est associé, en tant que de besoin, à l'élaboration des adaptations facilitant l'application, dans le département, des dispositions des chapitres Ier à IV, VI et VII du présent titre.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir une disposition supprimée accidentellement, qui prévoit que, dans les DOM, les comités de bassin sont associés à l'élaboration des adaptations de la législation sur l'eau applicable à l'outre-mer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 344, présenté par Mme Payet, M. A. Giraud et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Après le 2° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... Dans le 6° du V de l'article L. 213-14, les mots : « destinés à la production d'énergies renouvelables », sont remplacés par les mots : « destinés à la géothermie ; ».

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 345.

L'article 37 institue une redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, qui s'applique aux installations hydroélectriques métropolitaines. En l'état actuel des textes, les mêmes unités installées dans les départements d'outre-mer en sont exonérées, dans la mesure où l'hydroélectricité utilise pour son fonctionnement une énergie considérée comme renouvelable. Dans le cas de la Réunion, l'absence de cette redevance représente pour l'office de l'eau un manque à gagner estimé, en première analyse, à 225 000 euros.

C'est pourquoi, dans un souci d'équité, il est proposé d'instaurer une telle redevance dans les départements d'outre-mer et de limiter les exonérations à la seule énergie géothermique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement, même si je comprends bien son objet, me plonge dans la plus grande perplexité.

L'exonération de la redevance sur la production d'hydroélectricité dans les DOM mérite d'être maintenue. Il est en effet nécessaire de conforter la production de ce type d'énergies renouvelables compte tenu du surcoût de la production d'énergie thermique dans ces départements dépourvus de matières premières fossiles.

Pour cette raison, et avec beaucoup de regret, la commission vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement. A défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. La loi de programme pour l'outre-mer a créé un régime spécifique de redevances pour prélèvement d'eau au profit des offices de l'eau des départements d'outre-mer.

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, les prélèvements d'eau destinés à la production d'énergies renouvelables ont été exonérés de la redevance en raison de la situation énergétique locale.

Ainsi, les installations hydroélectriques des départements d'outre-mer ne sont pas assujetties à la redevance pour prélèvement d'eau. Il en est de même de la géothermie, mais aussi des centrales thermiques de production d'électricité, pour leurs prélèvements d'eau réalisés pendant la période de brûlage des bagasses. Ces centrales, fonctionnant également au charbon et globalement déficitaires sur le plan financier, ont été construites à la Réunion et à la Guadeloupe afin d'améliorer la sécurité énergétique de ces départements.

Il ne m'apparaît donc pas opportun de revenir sur ce sujet, qui a été largement débattu lors de l'examen de la loi de programme pour l'outre-mer. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 344 est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. Non, je le retire, monsieur le président, compte tenu des explications de M. le rapporteur et de M. le ministre.

M. le président. L'amendement n° 344 est retiré.

L'amendement n° 172, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

bis Le deuxième alinéa (1°) du IV de l'article L. 213-13 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« 1° de redevances pour prélèvement d'eau, pour pollution de l'eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour stockage d'eau en période d'étiage, pour obstacles sur les cours d'eau et pour protection du milieu aquatique, sur proposition du comité de bassin et dans le cadre d'un programme pluriannuel d'intervention ;

La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.

Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui vise à préciser les dispositions prévues à l'article 39 en faisant figurer ces redevances parmi les ressources de l'office définies par le IV de l'article L. 213-13 du code de l'environnement.

Monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 173, qui est un amendement de cohérence avec l'amendement précédent.

M. le président. J'appelle donc en discussion les trois amendements suivants, qui font l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 173, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le 4° de cet article :

Après l'article L. 213-14, il est inséré un article L. 213-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 213-14-1. - Sur proposition du comité de bassin et dans le cadre du programme pluriannuel d'intervention mentionné au I de l'article L. 213-14, l'office de l'eau établit et perçoit des redevances pour pollution de l'eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour stockage d'eau en période d'étiage, pour obstacles sur les cours d'eau et pour protection du milieu aquatique.

« L'assiette et le taux de ces redevances sont déterminés conformément aux dispositions de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II, sous réserve des dispositions suivantes :

« 1° les taux des redevances sont fixés par délibération du conseil d'administration de l'office de l'eau sur avis conforme du comité de bassin ;

« 2° le taux plafond de la redevance pour stockage d'eau en période d'étiage est fixé à 0,3 centime d'euro par mètre cube pour le volume d'eau stocké à l'étiage pris en compte au-delà de 300 millions de mètres cubes. » ;

Cet amendement vient d'être défendu.

L'amendement n° 345, présenté par Mme Payet, M. A. Giraud et les membres du groupe Union centriste- UDF, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour compléter le VIII de l'article L. 213-14 du code de l'environnement, après les mots :

Pour obstacles sur les cours d'eau

insérer les mots :

, pour prélèvement sur la ressource en eau

Cet amendement a également été soutenu.

L'amendement n° 628, présenté par MM. Lise, S. Larcher, Gillot et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 4° de cet article pour le VIII de l'article L. 213-14 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Les obligations déclaratives, le contrôle et les modalités de recouvrement sont déterminés conformément aux dispositions de la sous-section 4 de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II. »

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Il convient d'inscrire dans la loi que les conditions de contrôle et de recouvrement des redevances ainsi que les obligations déclaratives des contribuables s'appliquent également pour les offices de l'eau des départements d'outre-mer. En effet, aucun article de ce projet de loi ne prévoit d'étendre aux offices de l'eau les dispositions qui traitent de ces questions à l'article 38.

Il est vrai que, concernant la redevance pour prélèvement d'eau, la seule que la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer a prévu pour les offices de l'eau, il existe déjà dans le code de l'environnement des articles qui énoncent les conditions de son contrôle et de son recouvrement, ainsi que les obligations déclaratives des contribuables.

On peut évidemment penser que ces dispositions du code de l'environnement sont tout naturellement applicables aux nouvelles redevances. Mais la lecture des articles concernés du code de l'environnement, c'est-à-dire les articles L. 213-14 à L. 213-20, laisse planer un sérieux doute, car il y est question tantôt de la « redevance », tantôt des « redevances ».

Par ailleurs, les décrets d'application concernant ces articles n'ont toujours pas été publiés, presque deux ans, il faut le souligner, après la promulgation de la loi de programme. De ce fait, aucune redevance n'a encore pu être recouvrée à ce jour.

Vous comprendrez donc nos inquiétudes, monsieur le ministre. Pour les lever, il suffit d'inscrire dans le présent article que le dispositif de recouvrement prévu à l'article 38 pour les agences de l'eau est étendu aux offices de l'eau des départements d'outre-mer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La commission émet un avis tout à fait favorable sur l'amendement de coordination n° 172 et sur l'amendement de conséquence n° 173, qui sont très judicieux.

Pour les mêmes raisons qu'à l'amendement n° 344, la commission souhaite le retrait de l'amendement n° 345. A défaut, elle émettrait un avis défavorable.

Enfin, l'amendement n° 628 nous semble inutile. En effet, les articles L. 213-15 et L. 213-20 du code de l'environnement, actuellement en vigueur, qui concernent aujourd'hui la redevance pour prélèvement d'eau dans les DOM, sont également applicables aux nouvelles redevances - pour pollution, pour modernisation des réseaux de collecte, pour stockage, etc. -, dont l'instauration dans les DOM est autorisée par l'article 39.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 172, qui vise à compléter la rédaction de l'article du code de l'environnement identifiant les ressources financières des offices de l'eau, en y ajoutant les redevances introduites par le présent projet de loi.

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement a émis un avis favorable sur l'amendement n° 173.

S'agissant de l'amendement n° 628, les articles L. 213-15 à L. 213-20 du code de l'environnement définissent les modalités de contrôle et de recouvrement des redevances des offices de l'eau des départements d'outre-mer. Ces mêmes articles seront applicables aux redevances que le projet de loi donne la possibilité d'instituer.

S'il était adopté, cet amendement créerait deux régimes différents pour le contrôle des redevances : le premier au titre du prélèvement d'eau, le second au titre de la pollution.

Dans un souci de simplification, mais aussi de sécurité juridique des offices, il me paraît indispensable d'éviter une telle situation. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Par ailleurs, je précise que le décret relatif au contrôle des redevances des offices de l'eau, qui est actuellement en cours d'examen au Conseil d'Etat, sera publié d'ici à l'été.

Sur l'amendement n° 345, j'émets un avis défavorable, comme je l'avais fait sur l'amendement n° 344.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 345 et 628 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 39, modifié.

(L'article 39 est adopté.)

Art. 39
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Intitulé du chapitre IV

Article additionnel après l'article 39

M. le président. L'amendement n° 489, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I - Après l'article 39, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est ajouté, après la section 7 du chapitre III du titre 1er du livre II du code de l'environnement, une section 8 ainsi rédigée :

« Section 8

« Obligations relatives aux entreprises de droit privé

« Art. L. ... - Il est fait obligation aux entreprises de droit privé du secteur de l'eau intervenant sur les marchés publics des collectivités locales de réinvestir l'argent tiré de leur activité dans ce secteur.

« Ces entreprises publient annuellement leurs résultats techniques, comptables et financiers dans chacun des secteurs d'activité dont elles ont la charge.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe annuellement l'effort que devront consentir les entreprises de droit privé du secteur de l'eau, en matière de recherches et d'investissements dans le domaine de l'eau et leur contribution à l'effort de péréquation du prix de l'eau. Les sommes collectées sont perçues par l'office national du service public de l'eau et des milieux aquatiques. »

II - En conséquence, faire précéder cet article d'une division ainsi intitulée :

Chapitre ...

Obligations faites aux entreprises de droit privé

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. De nouveau, je m'efforce de trouver de l'argent pour l'eau !

L'eau, bien commun de l'humanité, devient de plus en plus un bien hautement lucratif pour quelques multinationales, dont les plus grandes sont françaises ; je pense à Veolia Environnement, à la Lyonnaise des Eaux ou à Bouygues.

Selon les estimations, la couverture du territoire français par les entreprises privées englobe 80 % des usages domestiques de l'eau et de l'assainissement, Veolia Environnement se taillant la part du lion. Au niveau mondial, cette entreprise entre essentiellement en concurrence avec son alter ego La Lyonnaise des Eaux.

Les multinationales réalisent des bénéfices importants, pour ne pas dire exorbitants, leur activité s'avérant très lucrative. Leur expérience française leur a permis de s'étendre sur un large réseau mondial.

Parallèlement, les concessions sont souvent peu transparentes - nous avons eu l'occasion d'aborder ce sujet précédemment - et, même si des efforts ont été accomplis, ils restent largement insuffisants. Ainsi, les contrats d'affermage restent encore beaucoup trop opaques.

La demande de création d'une commission d'enquête sur le rôle de Veolia Environnement, qui a été formulée par quatre parlementaires communistes et trois parlementaires verts à la suite de la disparition de fonds provisionnés pour le renouvellement des canalisations, prouve que du chemin reste encore à parcourir.

L'eau doit pourtant conserver son caractère particulier de bien commun fondamental non assimilable à un produit de consommation quelconque.

Bien que ce projet de loi aborde certains aspects de la délégation de service public, l'effort de participation demandé à tous les usagers n'est pas exigé des entreprises privées. Ce n'est pas normal !

C'est pourquoi nous estimons nécessaire de faire obligation aux entreprises de droit privé du secteur de l'eau de réinvestir l'argent tiré de leur activité dans ce secteur. Les sommes collectées au titre de leur contribution seraient alors perçues par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques pour une redistribution, afin d'assurer une véritable péréquation.

En France, la plus grande partie des canalisations est abîmée. La vétusté du réseau de distribution entraîne une dégradation de la qualité de l'eau et une déperdition coûteuse. Les provisions constituées pour l'entretien et la réfection de ces canalisations devraient donc être immédiatement disponibles. Il est en effet nécessaire d'agir vite, car il y a beaucoup à faire. Le coût des travaux sera considérable.

De plus, nous prévoyons dans cet amendement que ces entreprises devront publier annuellement leurs résultats techniques, comptables et financiers, dans un souci de transparence.

La situation de quasi-monopole que nous connaissons aujourd'hui a atteint ses limites. Les entreprises privées doivent être aussi des partenaires, des contributeurs à part entière. Telle est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Les mesures fortes et volontaristes proposées dans cet amendement sont incompatibles avec le fonctionnement d'un secteur économique ouvert à la concurrence.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Je rappellerai l'importance des entreprises du secteur de l'eau au regard de l'emploi sur le plan national et de la diffusion du savoir-faire français à l'étranger.

Ces entreprises sont d'ores et déjà des acteurs essentiels de la recherche dans le domaine de l'eau. Je pense notamment aux avancées techniques qui ont été réalisées dans les méthodes de traitement par les membranes, qui sont largement exportées à ce jour, le Japon comptant aujourd'hui plus d'unités de traitement de ce type que la France !

Cet investissement privé dans la recherche et le développement technologique a été l'une des bases de la réussite de l'école française de l'eau.

Vous proposez, madame Didier, une contribution de ces entreprises à l'effort de péréquation du prix de l'eau sur le plan national, ce qui ne pourrait se faire qu'au détriment du prix de l'eau et de la compétitivité de ces entreprises.

Si l'eau est une ressource locale, avec un prix local, le projet de loi renforce les solidarités entre usagers et territoires. La première solidarité étant celle de l'agglomération, du bassin de vie, plusieurs amendements adoptés par le Sénat vont dans le sens du renforcement de l'intercommunalité dans ce domaine ; je pense à la fusion entre syndicats et aux compétences des communautés de communes.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 489.

(L'amendement n'est pas adopté.)

CHAPITRE IV

Comité national de l'eau et office national de l'eau et des milieux aquatiques

Art. additionnel après l'art. 39
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Art. 40 (début)

M. le président. L'amendement n° 465, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, MM. Le Cam,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans l'intitulé de cette division, après les mots :

office national

insérer les mots :

du service public

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 465.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Intitulé du chapitre IV
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Art. 40 (interruption de la discussion)

Article 40

L'article L. 213-1 du code de l'environnement est ainsi modifié :

I. - Au 1°, les mots : « qui sont de la compétence des comités visés à l'article L. 213-2 » sont remplacés par les mots : « et sur tout problème commun à deux ou plusieurs bassins ou groupements de bassin. » 

II. - Le 3° est rédigé comme suit :

« 3° De donner son avis sur les projets de décret concernant la protection des peuplements piscicoles. »

M. le président. L'amendement n° 516, présenté par MM. Repentin et  Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras,  Lejeune et  Trémel, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le II de cet article pour le 3° de l'article L. 213-1 du code de l'environnement par les mots :

et la pêche de loisirs

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. En cas de maintien de la composition actuelle du Comité national de l'eau, qui est fixée par décret, le pêcheur professionnel ne pourrait pas donner son avis sur la réglementation de son droit du travail.

Il en résulte la nécessité de donner au Comité national de l'eau la possibilité d'émettre des avis sur les mesures réglementaires concernant la pêche de loisir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La commission partage entièrement le souci exprimé par les auteurs de cet amendement : il s'agit de permettre aux pêcheurs professionnels de donner leur avis sur la réglementation concernant leur activité.

La commission s'en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. L'article 40 vise à donner solennellement un nouveau pouvoir au Comité national de l'eau : il sera obligatoirement consulté sur les projets de décret concernant la protection des peuplements piscicoles.

Cependant, le ministre de l'écologie a la faculté de consulter le Comité national de l'eau sur de nombreux sujets. La consultation du CNE sur la protection des peuplements piscicoles inclut pour partie les projets de décret touchant à la pêche de loisir dès lors que celle-ci a un impact sur ces peuplements.

La mention de la pêche de loisir après l'emploi d'une formule volontairement générale me semble donc superflue.

Néanmoins, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. La mention que nous proposons n'est pas superflue puisqu'il s'agit de donner des avis sur ce qui constitue l'outil d'une profession. Certes, cette profession est minoritaire dans notre pays, qui ne compte que 700 pêcheurs professionnels en eau douce, mais il nous semble naturel que son existence soit reconnue

M. le président. La parole est à M. Eric Doligé, pour explication de vote.

M. Eric Doligé. Nos débats faisant l'objet d'un compte rendu, je ne voudrais pas laisser passer certains propos.

Il nous a été reproché de dire du mal des pêcheurs ou, selon Mme Didier, d'ironiser à leur égard. Personne, sur nos travées, n'a ironisé sur les pêcheurs ou dit du mal d'eux, comme vous voudriez le faire croire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Pour notre part, nous n'avons dit du mal ni des agriculteurs, ni des pêcheurs, ni des grandes entreprises qui représentent la France à l'étranger. Nous n'avons dit que du bien à leur propos, ce qui n'est pas votre cas ! Je le regrette, car l'image de la France est une chose importante.

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur Doligé, tout à l'heure, vous nous avez repris avec pertinence au sujet des barrages. Mais là, sans doute emporté par la justesse de vos propos précédents, vous allez trop loin !

Premièrement, ce que nous critiquons, ce sont non pas les agriculteurs, mais les méthodes agricoles polluantes. Il faudra tout de même expliquer aux agriculteurs - et j'espère que vous le ferez - que certaines méthodes agricoles ne doivent plus avoir cours si l'on veut préserver les milieux aquatiques.

M. Charles Revet. Ils le savent !

M. Jean Desessard. Alors, qui pollue ? Il n'y a pas de pollution aux nitrates, aux pesticides  Il est tout de même incroyable que nous retombions, une fois de plus, dans un tel débat ! Vous reconnaissez que la pollution existe, mais lorsque les moyens destinés à lutter contre cette pollution sont évoqués, il ne faut toucher à personne ! C'est toute la différence entre la parole et les actes ! Il faut bien, à un moment donné, assumer ses responsabilités ! Ce n'est pas parce que nous dénonçons des techniques ou un mode de production que nous en voulons aux personnes !

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. M. Doligé a sans doute mal compris mon intervention. En effet, je n'avais aucunement l'intention d'agresser qui que ce soit. Je souhaitais simplement insister sur le fait que, pour la profession des pêcheurs professionnels - nous ne l'avons pas du tout évoquée ce soir -, il était important de reconnaître que le Comité national de l'eau et l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques pouvaient donner un avis sur l'organisation de la pêche de loisir dans les lieux où les pêcheurs exercent leur profession.

Je souhaite donc que l'on en revienne à la sagesse à laquelle se sont référés à la fois M. le rapporteur et M. le ministre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 516.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 40, modifié.

(L'article 40 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Art. 40 (début)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Discussion générale

4

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 297, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

5

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE résolution

M. le président. J'ai reçu de MM. Jean Arthuis, Claude Belot, Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Joël Bourdin, Philippe Adnot et Philippe Marini une proposition de résolution modifiant le règlement du Sénat pour la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 296, distribuée et renvoyée à commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

6

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet d'Action commune du Conseil PESC/.../2005 du ... concernant la mission de conseil et d'assistance de l'Union européenne en matière de réforme du secteur de la sécurité en République démocratique du Congo (RDC).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2852 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Communication de la Commission : mise en oeuvre de l'action-cadre « Mettre à jour et simplifier l'acquis communautaire ».

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2853 et distribué.

7

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Patrick Courtois un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de résolution (n° 223, 2004-2005) présentée par M. Robert Del Picchia au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de décision du Conseil instituant le Collège européen de police (CEPOL) en tant qu'organe de l'Union européenne (n° E 2765).

Le rapport sera imprimé sous le n° 292 et distribué.

J'ai reçu de M. Bernard Murat un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif (n° 237, 2004-2005).

Le rapport sera imprimé sous le n° 293 et distribué.

J'ai reçu de M. Henri Revol un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture (n° 275, 2004-2005).

Le rapport sera imprimé sous le n° 294 et distribué.

J'ai reçu de M. Bernard Barraux un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :

- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord international sur la Meuse (n° 85, 2004-2005) ;

- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord international sur l'Escaut (n° 86, 2004-2005).

Le rapport sera imprimé sous le n° 298 et distribué.

8

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Yves Dauge un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles sur les métiers de l'architecture et du cadre de vie.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 295 et distribué.

9

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 14 avril 2005 :

A dix heures :

1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 240, 2004-2005) sur l'eau et les milieux aquatiques ;

Rapport (n° 271, 2004-2005) fait par M. Bruno Sido, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan ;

Avis (n° 273, 2004-2005) de Mme Fabienne Keller, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation ;

Avis (n° 272, 2004-2005) de M. Pierre Jarlier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

2. Discussion du projet de loi (n° 253, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant certaines dispositions législatives relatives aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de police en mer ;

Rapport (n° 280, 2004-2005) fait par M. André Boyer, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

3. Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (n° 265, 2004-2005), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la création du registre international français ;

Rapport (n° 282, 2004-2005) fait par M. Charles Revet, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan ;

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

A quinze heures et le soir :

4. Questions d'actualité au Gouvernement ;

5. Suite de l'ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 14 avril 2005, à une heure.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD