compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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HOMMAGE À RAINIER III de monaco

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du Sénat tout entier, je voudrais rendre hommage à la mémoire de Son Altesse Sérénissime le Prince Rainier III, qui s'est éteint ce matin après plus de cinquante-cinq ans de règne sur le « Rocher » de Monaco. (M. le président, M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Figure emblématique de la Principauté, héritier de la grande famille des Grimaldi, le Prince Rainier a beaucoup contribué au développement du rayonnement international de Monaco et à son ancrage européen, notamment grâce à sa récente adhésion au Conseil de l'Europe.

En même temps, il a toujours veillé à préserver l'autonomie d'un État si original.

Dans ce contexte, ce grand ami et voisin de la France s'est tout particulièrement attaché à l'amélioration des relations de coopération avec notre pays, lesquelles, autrefois marquées par quelques vicissitudes, sont désormais devenues excellentes.

En notre nom à tous, je veux présenter nos condoléances attristées à la population monégasque et à la famille princière, notamment à ses deux filles, Caroline et Stéphanie, ainsi qu'au prince Albert, à qui revient désormais la lourde responsabilité d'assurer la continuité de l'oeuvre entreprise par son père. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

3

Art. 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Art. 4 (début)

Eau et milieux aquatiques

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques (nos 240, 271, 273, 272).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen de l'article 4.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Art. 4 (interruption de la discussion)

Article 4 (suite)

I. - Il est ajouté, après la section 4 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l'environnement, une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Obligations relatives aux ouvrages

« Art. L. 214-17. I. - Aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages constituant un obstacle à la continuité écologique des cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux qui sont en très bon état écologique ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire. La continuité écologique est caractérisée par un transport suffisant des sédiments et par la circulation des espèces vivantes.

« Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux est subordonné à des prescriptions permettant d'assurer le très bon état écologique des eaux ou la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée.

« II. - Les ouvrages situés sur des cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer un transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs sont gérés, entretenus et, le cas échéant, équipés selon des règles définies avec l'autorité administrative.

« III. - Les cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux visés aux I et II ci-dessus sont énumérés sur des listes établies pour chaque bassin ou sous-bassin par le préfet coordonnateur de bassin après avis des conseils généraux intéressés et du comité de bassin.

« IV. - Les obligations résultant des dispositions de cet article entrent en vigueur à la date de publication des listes prévues au III. Toutefois, l'obligation instituée au II n'est faite aux ouvrages existants régulièrement installés qu'à l'issue d'un délai de cinq ans à compter de la publication de la liste.

« Ces obligations sont alors substituées à celles résultant des classements de cours d'eau prononcés en application de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 et de l'article  L. 432-6 qui demeurent applicables jusqu'à cette date. Elles n'ouvrent pas droit à indemnité, à moins qu'elles ne fassent peser sur le propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par ces obligations.

« Art. L. 214-18. - I. - Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite.

« Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. Pour les cours d'eau ou parties de cours d'eau dont le module est supérieur à 80 mètres cubes par seconde, ce débit minimal ne doit pas être inférieur au vingtième du module du cours d'eau au droit de l'ouvrage évalué dans les mêmes conditions ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage si celui-ci est inférieur. Toutefois pour les cours d'eau ou sections de cours d'eau présentant un fonctionnement atypique rendant non pertinente la fixation d'un débit minimal dans les conditions prévues ci-dessus, le débit minimal peut être fixé à une valeur inférieure.

« II. - Les actes d'autorisation ou de concession peuvent fixer des valeurs de débit minimal différentes selon les périodes de l'année, sous réserve que la valeur du débit minimal délivré en moyenne annuelle ne soit pas inférieure aux débits minimaux fixés en application du I.

« Lorsqu'un cours d'eau ou une section de cours d'eau est soumis à des étiages naturels exceptionnels, l'autorité administrative peut fixer, pour ces périodes d'étiage, des débits minimaux temporaires inférieurs au débit minimal prévu au I.

« III. - L'exploitant de l'ouvrage est tenu d'assurer le fonctionnement et l'entretien des dispositifs garantissant dans le lit du cours d'eau le débit minimal défini aux alinéas précédents.

« IV. - Pour les ouvrages existants à la date de promulgation du présent article, les obligations qu'il institue sont substituées, dès le renouvellement de leur concession ou autorisation et au plus tard le 22 décembre 2013, aux obligations qui leur étaient précédemment faites. Cette substitution ne donne lieu à indemnité que dans les conditions prévues au IV de l'article L. 214-17.

« V. - Les dispositions du présent article ne sont applicables ni au Rhin ni aux parties internationales des cours d'eau partagés. 

« Art. L. 214-19. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application de la présente section. »

II. - L'intitulé de la section 3 du chapitre II du titre III du livre IV est remplacé par l'intitulé suivant : « Obligations relatives aux plans d'eau ».

M. le président. Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 644.

L'amendement n° 644, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

I. Dans le premier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement, avant les mots :

la vie, la circulation et la reproduction des espèces

insérer les mots :

, outre un bon état chimique et écologique des eaux,

II. Compléter le premier et le second alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du même code par les mots :

sans que ce débit puisse être inférieur au débit d'étiage de référence, ou le débit naturel si celui-ci est inférieur.

III. Compléter le III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du même code par les mots :

, ainsi que d'adapter ces dispositifs à toutes les espèces susceptibles de fréquenter ces cours d'eau.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement, qui s'articule en trois parties, vise à renforcer la loi afin de la mettre en conformité avec les objectifs ambitieux de bon état écologique des eaux en 2015.

Il tend, dans le paragraphe I, à ajouter une condition générale de bon état chimique et écologique des eaux pour pouvoir réaliser un barrage.

Il vise, dans le paragraphe II, à garantir la pérennité de la vie aquatique en cas d'étiage exceptionnel et à éviter que ne devienne légale la mise à sec d'un tronçon de rivière.

Enfin, dans le paragraphe III, il prévoit que les dispositifs de maintien du débit réservé devront, le cas échéant, pouvoir être adaptés durant la vie de l'ouvrage si des opérations de restauration écologique de cours d'eau permettent le retour d'espèces qui ont aujourd'hui disparu de nos cours d'eau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Les obligations qui résulteraient de l'adoption de cet amendement seraient à l'évidence disproportionnées pour les exploitants des ouvrages hydrauliques et se traduiraient par des surcoûts importants.

En outre, elles provoqueraient des pertes de production hydraulique importantes. Contrairement à ce que vous proposez, nous sommes favorables à ce que les politiques environnementales et énergétiques se concilient au mieux.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Le paragraphe II de l'amendement n° 644 est satisfait par l'amendement n° 678 que je présenterai tout à l'heure, au nom du Gouvernement.

Par ailleurs, les autres dispositions prévues dans cet amendement sont de portée réglementaire.

Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement. A défaut, il y sera défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 644.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 537 rectifié, présenté par Mme Durrieu, MM. Courteau et  Collombat, Mmes M. André et  Alquier, est ainsi libellé :

I - Dans la première phrase du second alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement, remplacer le mot :

dixième

par le mot :

vingtième

II - En conséquence, supprimer la deuxième phrase du même texte.

La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. La fixation des débits réservés à un dixième du débit moyen annuel a déjà fait l'objet d'un débat hier. Il s'agit d'un vrai problème, monsieur le ministre, qui est d'ailleurs repris dans plusieurs amendements déposés à l'article 4 ; je pense notamment aux amendements n° 333, présenté par M. Jean-François Le Grand, n° 540, déposé par plusieurs sénateurs socialistes, et n° 197 rectifié, présenté par MM. Biwer et Béteille.

Depuis la loi pêche de 1984 et le décret correspondant du code rural, le débit réservé est fixé à un dixième du débit moyen annuel. On conserve une tolérance à un quarantième pour les ouvrages existant à la date de la parution de la loi, avec l'obligation de passer à un dixième lors du renouvellement du titre administratif.

Passer de un quarantième à un dixième, c'est sévère, monsieur le ministre ! C'est pourquoi nous proposons, dans cet amendement, de retenir le chiffre de un vingtième. Ce faisant, nous reprenons une demande largement répandue, car la fixation du débit réservé à un dixième du débit moyen provoquera - et provoque d'ailleurs déjà - des pertes de production hydroélectrique importantes qui sont d'ores et déjà estimées à plus de 4 % de la production hydraulique potentielle du pays.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire hier, mais je le répète, car c'est important, ces pertes représentent 3 milliards de kilowattheures, soit l'équivalent de la production d'hydroélectricité d'un département comme les Hautes-Pyrénées.

Ainsi que nombre de nos collègues l'ont rappelé après vous, monsieur le ministre, et après M. le rapporteur, l'énergie hydroélectrique est probablement la source d'énergie la plus propre, celle qui mérite sans doute le plus d'être valorisée. Il reste encore des sites à équiper. En tout état de cause, il faut continuer à développer cette source d'énergie plutôt que d'essayer de la limiter.

Dès lors, pourquoi s'acharner sur les microcentrales qui ont leur rôle, leur place, et qui sont rentables, à condition toutefois de prendre des mesures empreintes de prudence.

Monsieur le ministre, s'il convient en effet de réglementer la notion de débit réservé -  tout en réfléchissant bien avant d'arrêter un chiffre -, il convient également d'assouplir le dispositif. D'ailleurs, vous avez vous-même évoqué la nécessité d'adapter les dispositions actuelles dans votre intervention liminaire. En revanche, dans votre réponse, votre propos était beaucoup plus lointain et moins précis.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt, lorsque vous prendrez les décrets d'application de la future loi sur l'eau et les milieux aquatiques, à distinguer les différents cours d'eau et à les classer à l'échelle des bassins et des régimes ? En outre, les actes - autorisations ou concessions - devront prendre en compte toutes ces spécificités et prévoir les adaptations nécessaires. Je ne suis pas la seule à formuler ce souhait, tout le monde pose la même question, monsieur le ministre, et nous espérons que vous nous aurez entendus.

M. le président. L'amendement n° 522, présenté par M. Trémel, est ainsi libellé :

I. - Dans les deux premières phrases du second alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement, après les mots :

du module du cours d'eau

insérer deux fois les mots :

en aval immédiat

II. - Dans le premier alinéa du II du même texte, après les mots :

les périodes de l'année

insérer les mots :

pour satisfaire à la fois la valorisation de l'eau comme ressource économique et les besoins spécifiques des milieux aquatiques et des espèces qui peuplent le cours d'eau

III. - Dans le second alinéa du II du même texte, après le mot :

naturels

insérer le mot :

sévères

 

La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.

M. Pierre-Yvon Trémel. Cet amendement tire son objet des difficultés constatées, ces dernières années, dans l'application du régime réservé au dixième du module interannuel dans certains cours d'eau.

Ces difficultés font naître des conflits permanents entre les administrations et certains usagers économiques de l'eau ; je pense en particulier aux pisciculteurs en Bretagne.

L'article 4 du projet de loi ouvre des perspectives nouvelles. L'objet de cet amendement est de l'améliorer sur trois points.

La première amélioration porte sur la possibilité de restitution de l'eau en aval immédiat de l'ouvrage de prise d'eau. Cette technique, dont l'application est déjà prévue par certains arrêtés préfectoraux, serait de nature à contribuer au respect du débit réservé en période d'étiage.

La deuxième amélioration réside dans la réintégration dans le projet de loi de la notion d'eau considérée comme une ressource économique, notion d'ailleurs présente dans la version du projet de loi qui a été transmise au Conseil d'Etat.

Enfin, la troisième amélioration possible consiste à abandonner la notion d'étiage exceptionnel, qui commence à poser problème : nous risquons malheureusement de connaître d'autres étiages comparables à celui de 2003. L'amendement tend donc à préférer l'expression d'étiages « sévères ».

M. le président. L'amendement n° 362 rectifié, présenté par MM. Poniatowski, Beaumont, Carle, César, Doublet, Ginoux, Mortemousque et Trucy, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement, après les mots :

au dixième du module du cours d'eau

insérer les mots :

en aval immédiat ou

La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Le pompage ou la restitution de l'eau en aval immédiat de l'ouvrage de prise d'eau peut être considéré comme une des solutions pour respecter le débit réservé en période d'étiage, visé au second alinéa du I du texte proposé pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement. Certains préfets ont déjà adopté cette modalité technique, que l'on trouve clairement exprimée dans des arrêtés préfectoraux, notamment en Bretagne et dans les Landes.

Cependant, bien sûr, ce pompage ne devrait pas être obligatoire. En particulier, les zones de montagne, pour des raisons techniques, ne pourront y avoir recours, car la topographie des sites implique une prise d'eau assez éloignée des bassins de pisciculture, avec un dénivelé qui demanderait une forte puissance de pompage, donc un coût énergétique important, pour restituer l'eau au niveau de la prise.

Cet amendement a donc pour objet d'offrir la possibilité de remonter l'eau au pied du barrage en appliquant le débit réservé en aval immédiat de l'ouvrage et non pas au droit de celui-ci.

M. le président. L'amendement n° 361 rectifié, présenté par MM. Poniatowski, Beaumont, Carle, César, Doublet, Ginoux, Mortemousque et Trucy, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement, après les mots :

selon les périodes de l'année,

insérer les mots :

pour satisfaire à la fois la valorisation de l'eau comme ressource économique et les besoins spécifiques des milieux aquatiques et des espèces qui peuplent le cours d'eau,

La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. La notion d'eau considérée comme une ressource économique apparaît comme essentielle. L'eau est d'ailleurs la première richesse pour les piscicultures, qui ne la consomment pas mais la restituent intégralement au cours d'eau. Au demeurant, cette notion figurait dans la rédaction du projet de loi soumise au Conseil d'Etat.

L'amendement n° 361 rectifié vise donc à la réintégrer dans le texte qui nous est proposé.

M. le président. L'amendement n° 300 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, César, Texier, Mortemousque et Murat, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement, remplacer le mot :

exceptionnels

par le mot :

sévères

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Cet amendement est très proche de celui que va défendre notre collègue M. Poniatowski dans un instant.

Il faut en effet tenir compte de la situation que vit notre pays depuis quelques années, liée notamment aux changements climatiques. Nous devons être réalistes et ne pas en rester aux dispositions actuelles, que permettait le caractère exceptionnel des étiages : ceux que nous avons connus lors de l'été 2003 risquent malheureusement de se répéter et de perdre ce caractère exceptionnel.

C'est pourquoi l'amendement n° 300 rectifié bis vise à remplacer le terme « exceptionnels » par le terme « sévères ». Cette proposition me paraît de si grand bon sens que je ne vois pas en quoi la commission et le Gouvernement pourraient s'y opposer.

M. le président. L'amendement n° 367 rectifié, présenté par MM. Poniatowski, Beaumont, Carle, César, Doublet, Ginoux, Mortemousque et Trucy, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement :

I. - remplacer les mots :

des étiages naturels exceptionnels

par les mots :

un étiage naturel sévère

II. - remplacer les mots :

ces périodes d'étiage

par les mots :

cette période d'étiage

La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Je soutiens d'autant plus l'amendement de mon collègue Alain Vasselle qu'il est compris dans l'amendement n° 367 rectifié, lequel cependant va plus loin.

La possibilité donnée à l'autorité administrative de diminuer la valeur des débits minimaux autorisés doit relever d'une situation véritablement exceptionnelle et être destinée à faire face à une crise. Cette mesure a donc pour vocation de ne pas être mise en oeuvre de manière chronique et programmée, comme le laisserait supposer la rédaction actuelle, qui comporte un pluriel. En effet, la réitération systématique, chaque année, d'une telle dérogation aurait sur la faune piscicole des conséquences graves, de nature à menacer durablement la vie, la circulation et la reproduction des poissons obtenues par l'application de la valeur réglementaire du débit réservé le reste de l'année.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 12 est présenté par M. Sido, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 321 est présenté par MM. Revol et Le Grand.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans la deuxième phrase du second alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement, après les mots :

dont le module est supérieur à 80 mètres cubes par seconde

insérer les mots :

ou équipés d'ouvrages qui contribuent, par leur capacité de modulation, à la production d'électricité en période de pointe de consommation et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil supérieur de l'énergie

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. L'article L. 214-18 tend à réaffirmer que, à compter de la fin de 2013, les exploitants hydroélectriques devront laisser passer dans les cours d'eau sur lesquels se trouvent des barrages un débit minimal équivalent au dixième du module pour les rivières et au vingtième pour les cours d'eau les plus importants.

D'après les producteurs d'hydroélectricité, cette disposition pourrait avoir pour conséquence de faire perdre une production électrique, évaluée à trois milliards de kilowattheures, particulièrement utilisée pendant les périodes de pointe de consommation, sans que l'intérêt écologique d'une telle mesure soit démontré.

Au surplus, ces pertes de production devront être compensées par la création de moyens thermiques, fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Or, faut-il le rappeler, la France est en Europe le pays qui émet le moins de CO2 du fait de la production énergétique.

Il convient donc, pour assurer la sécurité du système électrique français et pour maintenir ses points forts actuels, d'atténuer le dispositif contenu dans le projet de loi, afin de garantir les capacités de production françaises.

L'amendement n° 12 tend donc à instaurer une dérogation supplémentaire aux règles de débit réservé pour les ouvrages hydroélectriques qui jouent un rôle éminent en matière de production d'énergie de pointe. Il y est prévu que soit fixé au vingtième du module le débit réservé des ouvrages qui, par leur capacité de modulation, contribuent à fournir de l'énergie pendant les pics de consommation, ouvrages dont la liste est fixée par décret pris après avis du Conseil supérieur de l'énergie.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand, pour présenter l'amendement n° 321.

M. Jean-François Le Grand. Je n'ai pas besoin de faire de long discours, car je rejoins totalement les propos que vient de tenir M. le rapporteur. Il est toujours agréable de constater que nous sommes « en phase » et c'est le cas, au moins, sur ce point-là !

Au demeurant, dans la mesure où cet amendement est identique à celui de la commission, je le retire au profit de ce dernier.

M. le président. L'amendement n° 321 est retiré.

L'amendement n° 332, présenté par M. Le Grand, est ainsi libellé :

Compléter la deuxième phrase du second alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement par les mots :

sous réserve que ces mesures ne fassent pas obstacle au développement de l'hydroélectricité comme énergie renouvelable, en application des dispositions de la directive sur les énergies renouvelables du 27 septembre 2001.

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Je ne répéterai pas l'exposé que j'ai déjà présenté la nuit dernière sur les raisons d'être de cette série d'amendements, qui relèvent tous de la même philosophie et participent de la réflexion qui a été menée au sein du Cercle français de l'eau, aux destinées duquel j'ai l'honneur de présider.

Nous regrettons que ne soit pas mieux défini le « bon état écologique des eaux ». Mais nous aurons l'occasion d'y revenir dans d'autres circonstances.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Madame Durrieu, comme la commission, vous souhaitez que le potentiel de production hydroélectrique français ne soit pas trop affecté par les dispositions du projet de loi. Nous partageons les mêmes intentions ; toutefois, votre proposition est peut-être un peu radicale, car vous souhaitez fixer le débit réservé au vingtième du module pour tous les ouvrages. Or vous n'avez certainement pas oublié que nous avons également l'obligation d'atteindre le bon état écologique des eaux en 2015.

Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer l'amendement n° 537 rectifié, étant entendu que l'amendement n° 12 de la commission vous apporte partiellement satisfaction, car y est prévu l'établissement d'une liste d'ouvrages qui ne passeront qu'au vingtième de module.

La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 522, car elle préfère la rédaction proposée dans les amendements nos 362 rectifié et 361 rectifié de M. Poniatowski, qui, en outre, lui paraissent devoir apporter satisfaction à M. Trémel.

La commission est favorable à l'amendement no 362 rectifié de M. Poniatowski, car il apporte une précision qui peut s'avérer utile, même si elle souhaite obtenir quelques éclaircissements et quelques éclairages de la part du Gouvernement sur ce sujet.

Les critères que vise à introduire l'amendement n° 361 rectifié paraissent tout à fait pertinents et permettront d'établir un cadre général pour faciliter l'application de cette disposition relative à la fixation de valeurs de débit réservé différentes selon les années. La commission a donc émis un avis favorable.

Il me semble que poser dans la loi un critère d'exception pour la fixation de valeurs de débit réservé inférieures au dixième ou au vingtième de module garde toute sa pertinence et que le terme retenu dans le projet de loi est suffisamment général en même temps que précis pour être applicable.

En effet, si les étiages importants devaient devenir monnaie courante, le mot « exceptionnels » conserverait tout son sens puisqu'il caractériserait une situation différente de la normale : il y aurait translation, et le terme s'adapterait tout naturellement aux évolutions environnementales. Il me semble donc important de le conserver dans le texte de la loi.

Pour ces raisons, la commission souhaiterait le retrait de l'amendement n° 300 rectifié bis.

Elle a adopté la même position sur l'amendement n° 367 rectifié, qui est très proche du précédent.

Monsieur Le Grand, par définition, la fixation d'une valeur de débit réservé s'appliquant à une installation hydroélectrique a pour conséquence de réduire le potentiel énergétique de la centrale concernée. Ces obligations sont en effet fixées pour permettre de concilier développement de la vie aquatique et préservation du potentiel hydroélectrique français.

Même limitée aux plus gros cours d'eau, la précision que votre amendement n° 332 tend à apporter à l'article 4 du projet de loi risquerait de vider de leur sens les obligations relatives au débit réservé. Aussi vous demanderai-je, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. L'amendement n° 537 rectifié a pour objet de fixer le débit minimal, ou débit réservé, au vingtième du module pour tous les cours d'eau, alors que le projet de loi propose de retenir le dixième. Or, en vertu de la loi de 1984, cette règle du dixième figure déjà à l'article L. 432-5 du code de l'environnement : le projet de loi qui vous est soumis ne fait que la reprendre en l'assortissant d'une date limite, qui jusqu'à présent n'était pas prévue, et ne procède nullement à un renforcement de l'objectif fixé pour les producteurs d'hydroélectricité, objectif connu depuis 1984.

Je tiens à souligner que de très nombreux ouvrages respectent déjà la valeur du dixième du module du cours d'eau. D'après toutes les études scientifiques dont nous disposons - et je réponds là également, au moins partiellement, aux arguments que M. le rapporteur a avancés à propos de l'amendement n° 12 -, ce débit réservé est à tout le moins essentiel pour assurer la vie biologique dans les cours d'eau en aval des barrages. L'objet du projet de loi étant d'atteindre et de respecter le bon état écologique des eaux, nous touchons là un aspect tout à fait fondamental.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 537 rectifié.

L'amendement n° 522 comporte plusieurs éléments.

La question de l'aval immédiat est également traitée par l'amendement de M. Poniatowski. J'y reviendrai donc ultérieurement.

S'agissant de l'insertion du mot « sévères », je ferai remarquer que, s'il peut y avoir des étiages sévères chaque année, auquel cas, évidemment, nous réduirons le débit réservé de façon systématique, il faut néanmoins conserver à cette mesure son caractère exceptionnel. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 522.

J'attire votre attention sur le fait que des situations tout à fait atypiques pouvant correspondre à des étiages sévères systématiques sont prévues dans la rédaction actuelle du projet de loi, au dernier alinéa du texte proposé pour le I de l'article L. 214-18 : « Toutefois pour les cours d'eau ou sections de cours d'eau présentant un fonctionnement atypique rendant non pertinente la fixation d'un débit minimal dans les conditions prévues ci-dessus, le débit minimal peut être fixé à une valeur inférieure. » Il me semble donc inopportun de risquer d'affaiblir l'ensemble du projet de loi en insérant dans le texte le mot « sévères ». Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 362 rectifié vise à insérer les mots « en aval immédiat ». Il est vrai que la topographie, dans certains cas, permet de ramener l'eau directement au pied du barrage, le Gouvernement émet donc un avis favorable.

L'amendement n° 361 rectifié tend à préciser les conditions dans lesquelles le régime réservé peut être mis en oeuvre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement n° 300 rectifié bis vise à remplacer le mot « exceptionnels » par le mot « sévères ». Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les raisons explicitées ci-dessus.

Sur l'amendement n° 367 rectifié, qui tend également entre autres à remplacer le mot « exceptionnel » par le mot « sévère », le Gouvernement émet le même avis défavorable.

J'en viens à l'amendement n° 12. Je comprends bien qu'il ne vise pas à généraliser la fixation du débit minimal au vingtième, il n'en demeure pas moins qu'il élargirait l'application de ce taux concernant certains cours d'eau ou tronçons de cours d'eau.

En tant que ministre de l'écologie et du développement durable, je suis bien évidemment chargé de la lutte contre l'effet de serre et je suis donc particulièrement sensible à la préservation du potentiel de production de pointe. Certes, les solutions de substitution sont souvent émettrices de gaz carbonique et certains ouvrages présentent un intérêt particulier de ce point de vue, mais ils sont en nombre limité.

Or l'amendement n'est pas suffisamment précis, dans la mesure où il ne vise pas certains ouvrages bien spécifiques mais des tronçons de cours d'eau. En procédant de la sorte, il sera difficile de refuser la même possibilité à l'ensemble des ouvrages situés sur lesdits tronçons.

Par ailleurs, si l'enjeu de l'effet de serre est important, il ne faut pas l'opposer à l'enjeu de la qualité écologique des cours d'eau. Il me semble que toute décision dérogatoire en la matière devrait s'appuyer sur un bilan écologique global. En passant progressivement d'un débit au dixième du module à un débit au vingtième du module, ce qui risque de se passer si cet amendement est adopté, le bon état écologique des eaux, qui est l'objectif central de ce projet de loi, s'en ressentira considérablement.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, je suis au regret d'émettre un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 332, je ferai d'abord une réflexion sur la forme. En effet, cet amendement fait référence à la directive sur les énergies renouvelables. Or, monsieur le sénateur, il n'est pas d'usage de citer une directive dans une loi, on parle plutôt de sa transposition en droit français. Vous y serez certainement sensible en tant que membre du Parlement français.

Sur le fond, cette directive évoque toutes les énergies renouvelables et pas spécifiquement les problèmes d'énergie. Il y a lieu de satisfaire également aux exigences de la directive cadre sur l'eau.

S'il me semble important de tenir compte du potentiel hydroélectrique, cette analyse doit plutôt se faire sur l'ensemble des activités existantes et cette évaluation sera plus pertinente si elle est réalisée à une échelle plus globale, dans le cadre des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, et des schémas d'aménagement et de gestion des eaux, les SAGE. C'est notamment la raison pour laquelle il sera prévu par voie réglementaire que les SDAGE seront soumis pour avis au Conseil supérieur de l'énergie. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Madame Durrieu, l'amendement n° 537 rectifié est-il maintenu ?

Mme Josette Durrieu. Monsieur le rapporteur, vous m'avez demandé de retirer mon amendement. Je vais le faire parce que vous comprenez le sens de la démarche que je ne suis pas la seule à engager. Il convient de différencier les débits moyens annuels, parce que les régimes des cours d'eau sont différents, et fixer des débits minimaux diversifiés au cours des différentes périodes de l'année.

Les textes doivent être précis : il faut que les préfets sachent que, dans les actes administratifs qui vont être élaborés, ils sont autorisés à apporter ces correctifs.

Monsieur le rapporteur, vous avez laissé penser que cette proposition pourrait être reprise ultérieurement. Je vous transfère donc la responsabilité de la faire aboutir. Mais j'ai l'impression que vous allez avoir du mal car M. le ministre n'est pas dans les mêmes dispositions que vous et il ne répond jamais de façon précise.

M. le président. L'amendement n° 537 rectifié est retiré.

Monsieur Trémel, l'amendement n° 522 est-il maintenu ?

M. Pierre-Yvon Trémel. Le fait majoritaire étant un élément essentiel en démocratie, je me rallie à l'amendement de M. Poniatowski et je retire mon amendement. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 522 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 362 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 361 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 300 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Alain Vasselle. J'ai dit tout à l'heure que cet amendement était un amendement de bon sens. J'ai été surpris d'entendre la commission et le Gouvernement émettre un avis défavorable. En effet, j'aurais préféré qu'ils me disent que cet amendement était satisfait dans la mesure où une phrase figurant dans le projet de loi, phrase qu'a citée M. le ministre, répond à la situation que nous voulions régler. Au demeurant, n'ayant aucune raison de le maintenir, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 300 rectifié bis est retiré.

Monsieur Poniatowski, l'amendement n° 367 rectifié est-il maintenu ?

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je me rallie à vos explications sur un point : il vaut mieux en effet garder le mot « exceptionnel ». Mais mon amendement prévoyait aussi le passage du pluriel au singulier qui accentue ce caractère exceptionnel.

Aussi, je souhaite rectifier mon amendement en ne conservant que le passage du pluriel au singulier.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 367 rectifié bis, présenté par MM. Poniatowski,  Beaumont,  Carle,  César,  Doublet,  Ginoux,  Mortemousque et  Trucy, et ainsi libellé :

Dans le second alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement :

I- remplacer les mots :

des étiages naturels exceptionnels

par les mots :

un étiage naturel exceptionnel

II- remplacer les mots :

ces périodes d'étiage

par les mots :

cette période d'étiage

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 367 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 12.

M. Alain Vasselle. Je suis surpris de l'avis défavorable du Gouvernement sur l'amendement n° 12.

M. le ministre essaie de se plier à un exercice difficile qui consiste à concilier la garantie d'un bon niveau de protection des eaux et la limitation des émissions de CO2 pour lutter contre l'effet de serre. Or, justement, l'amendement me semble équilibré dès lors qu'il permet au Gouvernement de garder l'initiative sur les mesures à prendre dans ce domaine puisqu'il y est précisé que la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil supérieur de l'énergie.

Pour ma part, je serais plutôt favorable à l'adoption de cet amendement quitte à ce que, entre les deux lectures, le Gouvernement et la commission trouvent une rédaction qui serait de nature à leur donner satisfaction

Mes chers collègues, au cours d'un déplacement que je viens de faire en Europe du Nord, j'ai rencontré un des grands spécialistes des questions climatiques qui a laissé entendre que, dans un avenir qui n'est pas si lointain, à savoir 2045, il y aurait un réchauffement climatique lié à l'émission de CO2 qui entraînerait des conséquences majeures.

M. Jean Desessard. Les voyages forment la jeunesse !

M. Alain Vasselle. Il faut donc absolument prendre les mesures adaptées à une telle évolution, pour éviter des conséquences qui s'avéreraient beaucoup plus graves que celles que nous évoquons aujourd'hui à propos de la protection de l'eau.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre. La lutte contre le réchauffement climatique est en effet une question très importante, et je suis extrêmement heureux de constater à quel point certains sénateurs y sont sensibles. (Mme Dominique Voynet applaudit.) Nous devrons naturellement nous préoccuper de cet enjeu majeur du début du xxie siècle.

Prenons garde cependant à ne pas mettre en concurrence la lutte contre le changement climatique et la sauvegarde du bon état écologique des eaux, laquelle ne peut être sacrifiée. Il nous faut donc trouver le juste équilibre en la matière.

En définitive, la question de l'eau potable et celle du réchauffement climatique ne peuvent être mises en jeu l'une par rapport à l'autre. Certes, la France bénéficie d'un avantage considérable puisque 13 % de son électricité est d'origine hydroélectrique, ce qui constitue un niveau extrêmement élevé. Pour autant, cela ne doit pas nous conduire à remettre en cause d'autres domaines d'action.

Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que l'Etat doit tout de même garder la maîtrise de cette affaire et parvenir à un équilibre. Or l'adoption de l'amendement no 12 constituerait à mon avis un mauvais signal adressé par le législateur : le seuil fixé dans la règle générale risquerait ainsi d'être ramené au vingtième du module plutôt qu'au dixième, alors que toutes les études scientifiques montrent justement la nécessité de fixer, a minima, le seuil au dixième du module.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Mme Dominique Voynet. Je voudrais, à mon tour, rappeler à notre collègue Alain Vasselle que les dégâts sur l'environnement ne se compensent pas : au contraire, ils se cumulent.

J'espère donc de tout coeur que notre collègue sera présent, à nos côtés, dans quelques semaines, pour éviter que le Sénat ne reproduise l'erreur qui vient d'être commise à l'Assemblée nationale. Cette dernière a en effet adopté un amendement qui aura pour effet de freiner singulièrement l'installation d'éoliennes dans notre pays.

Au moment où nous devons « muscler » l'arsenal des outils à notre disposition pour faire face au changement climatique et à l'accumulation des gaz à effet de serre, nous avons besoin de développer toutes les sources alternatives d'énergie, dont l'hydroélectricité et l'éolien. Or cela doit se faire, non pas au détriment de l'eau potable, mais en conciliant un haut niveau d'exigence et de protection des milieux, et ce dans tous les domaines.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Comme ma collègue Dominique Voynet l'a très bien dit, si les élus Verts ont choisi de défendre l'hydroélectricité, qui est à leurs yeux extrêmement importante, il est tout aussi important de préserver la vie aquatique.

Par conséquent, en l'espèce, nous soutenons la position de M. le ministre et nous voterons contre l'amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. Henri Revol, pour explication de vote.

M. Henri Revol. Je souhaite rappeler un élément du débat qui est passé, me semble-t-il, totalement inaperçu. Personne n'a pu oublier pourtant ce qui s'est passé tout récemment, à la fin du mois de mars : la situation se serait détériorée sans nos capacités hydrauliques, qui sont mobilisables dans la seconde. En effet, c'est en secondes que les choses se passent en matière d'hydraulique : en appuyant sur un bouton, on met en marche la turbine, ce qui permet d'éviter l'effondrement du réseau.

Mes chers collègues, arrêtons de rêver ! Bien sûr, il faut protéger l'environnement. Bien sûr, il faut préserver nos rivières et leur vie aquatique. Pour autant, il faut aussi éviter les conséquences majeures que pourrait causer l'effondrement de notre réseau électrique.

M. Gérard César. Très bien !

M. Henri Revol. Par cet amendement, nous souhaitons simplement pouvoir utiliser notre système hydraulique plus intensément dans les périodes de pointe et en cas d'urgence absolue.

Nous ne demandons pas la permission de construire de nouveaux barrages en France, ce qui serait d'ailleurs impossible, ou celle d'« inonder » notre pays de nouveaux équipements.

Notre pays est le premier producteur d'énergies renouvelables hydrauliques en Europe. Il doit pouvoir intervenir efficacement, lorsque les réseaux français et européen risquent de s'effondrer, ce qui n'arrive, heureusement, que deux ou trois fois par an. C'est tout ce que nous demandons. (M. Michel Doublet applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Revol, le souci que vous venez d'exprimer a bien été pris en compte dans le projet de loi, plus précisément au II de l'article L. 214-18 du code de l'environnement, dont je vous donne lecture : « Les actes d'autorisations ou de concession peuvent fixer des valeurs de débit minimal différentes selon les périodes de l'année, sous réserve que la valeur du débit minimal délivré en moyenne annuelle ne soit pas inférieure aux débits minimaux », c'est-à-dire au dixième.

Ainsi, conformément à votre préoccupation, deux ou trois fois dans l'année, il sera tout à fait possible de moduler ce seuil minimum en fonction de ce qui est nécessaire, notamment en période de pointe. Ce point est très clairement inscrit dans le projet de loi.

L'amendement n° 12 a pour objet, lui, d'établir un seuil moyen fixé au vingtième du module sur l'année entière. S'il est légitime de satisfaire les besoins en période de pointe, il faut garantir un seuil minimal satisfaisant : s'il n'y avait plus d'eau, il n'y aurait plus de poissons !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n12.

M. Jean Desessard. C'est la gauche qui soutient le ministre !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand, pour explication de vote sur l'amendement n° 332.

M. Jean-François Le Grand. Si j'accepte de retirer mon amendement - encore que j'aurais pu le modifier ! -, je souhaite tout de même formuler une réflexion d'ordre général.

Nous avons le souci, honorable d'ailleurs, de privilégier une écriture législative qui soit élégante et conforme à nos traditions.

Cela étant, hier soir, j'ai décidé de m'abstenir sur un amendement défendu par M. Raoult pour une raison très simple : s'il est vrai que beaucoup de choses vont sans dire, bien souvent, lorsqu'on ne les dit pas, cela ouvre un champ très large à des recours judiciaires devant les tribunaux administratifs, qui viennent compliquer terriblement la vie des élus. Finalement, ces derniers sont quelque peu tétanisés devant les décisions à prendre, sous la menace constante de cette épée de Damoclès qu'est le recours devant le tribunal administratif.

Par conséquent, si les choses vont sans dire, je préfère, même si ce n'est pas très élégant, qu'elles soient spécifiées dans la loi. Cela étant, monsieur le président, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 332 est retiré.

L'amendement n° 368 rectifié, présenté par MM. Poniatowski, Beaumont, Carle, César, Doublet, Ginoux, Mortemousque et Trucy, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du second alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement.

La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. La phrase que nous proposons de supprimer est la suivante : « Toutefois pour les cours d'eau ou sections de cours d'eau présentant un fonctionnement atypique rendant non pertinente la fixation d'un débit minimal dans les conditions prévues ci-dessus, le débit minimal peut être fixé à une valeur inférieure. »

Mes chers collègues, la notion de « cours d'eau présentant un fonctionnement atypique » n'est pas clairement établie. Il est à craindre que cette imprécision soit à l'origine d'une remise en cause de la règle générale pour des ouvrages construits sur des cours d'eau présentant plus ou moins des caractéristiques atypiques. Ces singularités pourraient être abusivement évoquées pour justifier la non-pertinence de la fixation d'un débit minimal suivant les modalités prévues, au détriment de la faune piscicole. Vous l'aurez tous compris, cela risque en outre de se traduire par un certain nombre de contentieux délicats.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Mon cher collègue, vous craignez, légitimement d'ailleurs, que, à la suite de l'introduction, dans les dispositions relatives au débit réservé, d'une possibilité de dérogation à ces règles pour les cours d'eau atypiques, certains exploitants n'utilisent ce dispositif pour se soustraire à leurs obligations environnementales. Toutefois, je souhaite vous rassurer à cet égard.

En premier lieu, les décrets d'application devraient vraisemblablement définir de manière très précise les cours d'eau qui bénéficieront de cette dérogation. La loi doit rester suffisamment générale et ne pas caractériser l'ensemble des cours d'eau qui pourront entrer dans ce champ. M. le ministre pourra sans doute nous apporter des assurances sur ce point.

En second lieu, cette possibilité de dérogation me semble particulièrement intéressante et recouvre, en fait, des enjeux énergétiques très importants.

En effet, dans la pratique, cette disposition permettra de viser notamment le cas des cours d'eau très pentus, dans lesquels la vie aquatique ne peut se développer quel que soit le niveau du débit réservé. Je pense notamment aux pierriers sous les lacs de montagne.

Il serait absurde, pour ce genre de cours d'eau -  si l'on peut d'ailleurs parler de cours d'eau - que la loi impose un débit réservé important sans qu'il y ait un effet réel sur la qualité écologique du cours d'eau. En fait, ce serait de l'eau perdue gratuitement.

Au total, si les débits réservés élevés étaient fixés sans justification environnementale, cela conduirait à des pertes de production hydroélectrique qui devraient être remplacées par des moyens de production thermiques émetteurs de gaz à effet de serre, ce qui est contradiction avec les dispositions des accords de Kyoto.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement. A défaut, elle ne pourrait émettre qu'un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre. En fait, monsieur Poniatowski, vous êtes en train de nous demander de retirer du texte la phrase qui permet justement, comme vous l'avez admis, de répondre à la préoccupation qui a été soulevée tout à l'heure, par M. Vasselle notamment.

Vous souhaitez supprimer la notion de cours d'eau atypique, au motif qu'elle n'est pas bien définie. Or cette notion a été introduite pour les cours d'eau qui ont un fonctionnement hydraulique tout à fait particulier. Je pense par exemple aux cours d'eau karstiques, qui, situés dans des zones calcaires où il peut y avoir des failles, sont susceptibles, d'un seul coup, de perdre tout leur débit. Je pense aussi aux cours d'eau qui ne sont en fait qu'une succession de retenues se jetant les unes dans les autres.

Dans de tels cas, il faut bien comprendre que la notion même de débit minimal ne peut pas suivre les mêmes règles que celles qui sont applicables aux cours d'eau en fonctionnement hydrologique normal. Nous devons prendre en compte de telles éventualités.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Poniatowski, l'amendement n° 368 rectifié est-il maintenu ?

M. Ladislas Poniatowski. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 368 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Art. 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Art. 4 (suite)