sommaire

présidence de M. Philippe Richert

1. Procès-verbal

2. Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (SOPEXA). - Débat sur un rapport d'information (Ordre du jour réservé.)

MM. Marc Massion, rapporteur de la commission des finances ; Joël Bourdin, rapporteur de la commission des finances ; Daniel Soulage.

MM. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.

Clôture du débat.

Suspension et reprise de la séance

3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

4. Candidatures à des organismes extraparlementaires

5. Rappel au règlement

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, la présidente.

6. Prévention et répression des violences au sein du couple. - Discussion des conclusions modifiées du rapport d'une commission (Ordre du jour réservé.)

Discussion générale : MM. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

M. Philippe Goujon, Mmes Gisèle Gautier, Josiane Mathon, M. Roland Courteau, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. François Zocchetto, Mmes Patricia Schillinger, Muguette Dini.

Mme la ministre.

Clôture de la discussion générale.

Article additionnel avant l'article 1er

Amendements nos 3 rectifié de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, 5 rectifié ter de M. Roland Courteau, 23 rectifié de Mme Gisèle Gautier et 37 de Mme Josiane Mathon. - Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Roland Courteau, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mmes la ministre, Monique Cerisier-ben Guiga, Dominique Voynet, M. Patrice Gélard, Mme Gisèle Gautier. - Adoption de l'amendement no 3 rectifié insérant un article additionnel, les autres amendements devenant sans objet.

Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 5

Amendements nos 10 rectifié de M. Roland Courteau, 30 rectifié de Mme Muguette Dini et 33 de Mme Josiane Mathon. - Mmes Gisèle Printz, Muguette Dini, Hélène Luc, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Annie David, M. Serge Lagauche. - Retrait de l'amendement no 30 rectifié ; rejet des amendements nos 10 rectifié et 33.

Amendements nos 12 rectifié bis de M. Roland Courteau, 35 rectifié de Mme Josiane Mathon et 25 de Mme Gisèle Gautier. - Mmes Patricia Schillinger, Annie David, Gisèle Gautier, M. le rapporteur, Mmes la ministre, Nicole Bricq, Dominique Voynet. - Rejet de l'amendement no 12 rectifié bis et, par scrutins publics, des amendements nos 35 rectifié et 25.

7. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Philippe Richert

8. Prévention et répression des violences au sein du couple. - Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (Ordre du jour réservé.)

Articles additionnels avant l'article 1er

Amendement no 24 de Mme Muguette Dini. - Mme Muguette Dini, M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois ; Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. - Rejet.

Amendement no 34 de Mme Josiane Mathon. - Mme Hélène Luc, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 36 de Mme Josiane Mathon. - Mme Josiane Mathon, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Article 1er

Amendements nos 1 et 2 de M. Jean-René Lecerf. - MM. Jean-René Lecerf, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme Michèle André, M. Patrice Gélard, Mme Josiane Mathon. - Retrait de l'amendement no 1 ; Rejet de l'amendement no 2.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 1er

Amendement no 6 rectifié de M. Roland Courteau. - MM. Roland Courteau, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 28 de Mme Muguette Dini. - Mme Muguette Dini, M. le rapporteur, Mmes la ministre, Gisèle Gautier, M. le président de la commission, Mme Dominique Voynet, MM. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Roland Courteau. - Rejet par scrutin public.

Article 2. - Adoption

Articles additionnels après l'article 2

Amendement no 16 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Dominique Voynet, MM. le président, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 18 rectifié de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 19 à 21 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet des trois amendements.

Article 3. - Adoption

Articles additionnels après l'article 3

Amendement no 8 rectifié de M. Roland Courteau. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Pierre-Yves Collombat. - Rejet.

Amendement no 9 rectifié de M. Roland Courteau. - Mme Patricia Schillinger, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Article additionnel après l'article 3 ou après l'article 5

Amendements nos 17 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 40 de Mme Josiane Mathon. - Mmes Dominique Voynet, Josiane Mathon, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet des deux amendements.

Article additionnel après l'article 3

Amendement no 7 rectifié de M. Roland Courteau. - MM. Roland Courteau, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Article 4. - Adoption

Article 5

Mme Gisèle Printz.

Amendement no 39 de Mme Josiane Mathon. - Mme Josiane Mathon, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 5

Amendement no 11 rectifié de M. Roland Courteau. - Mme Christiane Demontes, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 13 rectifié de M. Roland Courteau et 41 de Mme Josiane Mathon. - M. Roland Courteau, Mme Josiane Mathon, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet des deux amendements.

Amendement no 29 rectifié de Mme Muguette Dini. - Mme Muguette Dini, M. le rapporteur, Mmes la ministre, Michelle Demessine, MM. le président de la commission, Michel Mercier. - Rejet.

Amendement no 22 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 42 de Mme Josiane Mathon. - Mme Josiane Mathon, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 14 rectifié de M. Roland Courteau et 44 de Mme Josiane Mathon. - M. Roland Courteau, Mme Josiane Mathon, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement no 44 ; adoption de l'amendement no 14 rectifié insérant un article additionnel.

Article 6. - Adoption

Intitulé de la proposition de loi

Amendements nos 4 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, 32, 31 de Mme Gisèle Gautier et 38 de Mme Josiane Mathon. - M. le président de la commission. - Retrait des quatre amendements.

Vote sur l'ensemble

M. Serge Lagauche, Mmes Nicole Bricq, Josiane Mathon, Gisèle Gautier, Dominique Voynet, M. Patrice Gélard.

Adoption de la proposition de loi.

Mme la ministre.

9. Dépôt d'un projet de loi

10. Dépôt de propositions de loi

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

société pourl'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (SOPEXA)

Débat sur un rapport d'information

(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport d'information de MM. Joël Bourdin et Marc Massion, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (SOPEXA) (n° 25).

La parole est à M. Marc Massion, rapporteur.

M. Marc Massion, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre de l'avenir de la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, la SOPEXA.

Avant d'en venir au coeur du sujet, permettez-moi, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, de placer ce débat dans une perspective plus large, qui est celle des pouvoirs de contrôle du Parlement.

La nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, la LOLF, vise à renforcer les moyens mis à notre disposition afin de contrôler les dépenses de l'Etat et d'éclairer les pouvoirs publics dans le choix de leurs politiques.

Nous sommes tous d'accord pour trouver qu'il s'agit là d'un progrès considérable et d'une opportunité à saisir pour l'ensemble des parlementaires. Je veux, à ce propos, citer notre président, M. Christian Poncelet : « Il nous faudra dégager du temps dans l'hémicycle pour affirmer, renforcer et valoriser notre fonction de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. »

Le débat de ce jour constitue la traduction la plus concrète de cet engagement, et je remercie également le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, qui attache une très grande importance, non seulement au contrôle, mais également à sa diffusion et aux suites à lui donner.

Bien entendu, nous souscrivons pleinement à ces diverses incitations.

Il est effectivement primordial que les travaux de nos commissions, pour intéressants qu'ils soient, ne restent pas à l'état de mots et soient pour nous l'occasion d'échanger, d'argumenter, bref, de remplir notre mission aussi bien vis-à-vis des deniers de l'Etat que de nos concitoyens. Il est également important que, pour chacun de ces sujets, le Gouvernement ait la possibilité de nous exposer son point de vue et de répondre aux préoccupations exprimées par les commissions.

C'est tout l'intérêt du débat qui nous réunit aujourd'hui et qui, j'en suis persuadé, sera suivi de beaucoup d'autres, car il est grand temps que l'espace de discussion et d'échange qu'est le Parlement remplisse son rôle.

J'en viens maintenant au coeur du sujet.

Mon collègue M. Joël Bourdin, à qui je céderai la parole dans quelques instants, et moi-même avons mené, en 2004, en qualité de rapporteur spécial, respectivement, des crédits de l'agriculture et du commerce extérieur, une mission de contrôle budgétaire sur la SOPEXA, en application de l'article 57 de la LOLF. Durant cette mission, nous avons auditionné onze personnes, et deux déplacements ont été effectués, l'un aux Pays-Bas, l'autre aux Etats-Unis, à Chicago.

Le rapport d'information que nous avons présenté devant la commission des finances en octobre 2004 comportait un certain nombre de propositions concrètes sur lesquelles mon collègue et moi-même étions tombés d'accord.

Je tiens à insister également sur ce point : le travail de réflexion et les conclusions qui vous ont été présentées ont été le fruit d'une collaboration excellente entre deux rapporteurs spéciaux appartenant, comme cela n'avait échappé à personne, à deux formations politiques différentes et, pour l'anecdote, élus chacun de l'un des deux départements de la même région.

Afin de bien structurer notre propos, nous allons, mon collègue et moi-même, présenter brièvement, dans un premier temps, les activités de la SOPEXA, puis examiner les principales difficultés que rencontre cette société aujourd'hui, ce qui nous permettra de déboucher sur les préconisations auxquelles nous sommes parvenus et qui sont exposées en détail dans notre rapport d'information.

Pourquoi les rapporteurs spéciaux du commerce extérieur et de l'agriculture ont-ils réalisé une mission conjointe sur la SOPEXA ?

La réponse est simple : la SOPEXA, créée en 1962, a précisément pour objet de promouvoir, principalement à l'étranger, les produits agricoles et alimentaires français.

Au début des années soixante, la France connaît, en effet, un déficit considérable en termes d'exportations de produits agricoles et alimentaires, ce qui peut paraître étrange compte tenu de la longue tradition agricole de notre pays. Les raisons sont connues : des structures inadaptées, un déficit technologique, des propriétés agricoles morcelées qui empêchent toute économie d'échelle.

La loi d'orientation agricole du 5 août 1960 révèle la volonté conjointe du Gouvernement et des professionnels de mener une politique agricole coordonnée et tournée vers la conquête des marchés extérieurs comme intérieurs.

C'est dans ce contexte, marqué par la nécessité de développer notre agriculture et l'émergence des techniques modernes de marketing, qu'est créée la SOPEXA, qui a, de fait, pour rôle d'être le « bras armé » de l'Etat s'agissant de la promotion des produits agricoles français, notamment à l'étranger.

Les statuts de la société portent, encore aujourd'hui, la marque de cette époque, avec une présence très forte de l'Etat, qui, pourtant minoritaire au capital, possède d'importants moyens de contrôle et participe au financement de la SOPEXA par le biais d'une dotation budgétaire annuelle, recouvrant une subvention de fonctionnement et une subvention destinée au financement d'actions dites d'entraînement général, conduites par le réseau international de la SOPEXA.

La dotation de l'Etat n'a cessé de croître, passant de 39 millions de francs en 1965 à 200 millions de francs en 1985.

La SOPEXA s'est vite imposée comme un acteur incontournable pour les professionnels et a développé son réseau international. Elle participe donc activement à la promotion de la culture alimentaire française à l'étranger.

Depuis sa création, la SOPEXA a rempli une double mission : d'une part, elle a accompagné le développement de l'agriculture française et a contribué à faire connaître à l'étranger les produits français, en leur permettant d'acquérir un positionnement haut de gamme ; d'autre part, elle a joué un rôle que l'on pourrait qualifier de pédagogique, en sensibilisant les agriculteurs français aux techniques du marketing.

Cependant, à partir de 1990, la subvention de l'Etat a commencé de baisser de manière sensible, voire brutale : de 30 millions d'euros en 1990, elle est passée à 18,2 millions d'euros en 2004, ce qui pose la question de l'avenir du partenariat historique entre la SOPEXA et les pouvoirs publics et impose une clarification des relations financières entre l'Etat et cette société.

La SOPEXA a également vu le contexte juridique international évoluer depuis sa création, ce qui pose la question de l'évolution de son statut de société anonyme. Son capital est en effet détenu à plus de 30 % par des organismes publics et elle reçoit une dotation annuelle du ministère de l'agriculture.

La subvention de l'Etat peut être considérée comme une aide publique. A ce titre, elle doit être conforme aux normes du commerce international édictées par l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, ainsi qu'à celles du droit communautaire.

Sur cet aspect, il est intéressant de relever que, alors que les règles communautaires sont relativement strictes en ce qui concerne tant les distorsions de concurrence que les passations de marchés publics, les aides à la promotion agroalimentaire sont considérées par l'OMC comme appartenant à la « boîte verte ».

En d'autres termes, la promotion agroalimentaire est l'un des rares secteurs qui ne subit aucune contrainte de l'OMC. Les Etats sont donc libres de la subventionner comme ils l'entendent.

La plupart des personnes auditionnées au cours de notre mission de contrôle budgétaire ont évoqué ce point et ont indiqué qu'il serait dommage que la France et l'Europe renoncent à une forme d'aide acceptée à l'échelon mondial.

Certains de nos partenaires européens ont d'ailleurs pris exemple sur le modèle de la SOPEXA.

En Grande-Bretagne, une institution publique, appelée Food from Britain, dont l'organisation est proche de celle de la SOPEXA, reçoit des crédits publics afin de promouvoir à l'étranger les produits agroalimentaires britanniques. Il est intéressant de constater que la Commission européenne, se rangeant aux arguments du gouvernement britannique selon lequel il était « inenvisageable » qu'une structure étrangère puisse remplir cette mission, a accepté que la procédure se fasse sans appel d'offres.

Aux Etats-Unis, le financement public en faveur de la promotion agroalimentaire est très important - il est supérieur à 200 millions d'euros par an -, et en forte croissance ces dernières années. Les Américains se sont d'ailleurs toujours montrés attachés à l'inclusion dans la « boîte verte » des aides à la promotion et, de fait, ils jouent habilement de cette particularité.

En Allemagne, la dotation de l'équivalent public de la SOPEXA est de 100 millions d'euros, soit un niveau supérieur à celui de la France, alors même que les excédents agricoles de notre pays sont bien supérieurs et que l'agriculture y occupe une place bien plus importante.

Ces exemples montrent que les autres pays n'hésitent pas à financer largement ce type d'activité.

Par ailleurs, il est à noter que l'intuition des fondateurs de la SOPEXA s'est révélée juste puisque les dernières organisations créées, par exemple en Italie ou en Grande-Bretagne, s'inspirent largement de ce modèle.

Aujourd'hui, la qualité du travail accompli par la SOPEXA est unanimement reconnue. Il faut dire que la forte diminution de la dotation de l'Etat au cours des dernières années, ainsi que la montée en puissance de la part des professionnels agricoles dans le financement de ses actions ont entraîné une clarification de l'articulation de ses missions entre, d'une part, ses activités de prestation de service, contre rémunérations d'honoraires, à destination de ses clients, et, d'autre part, les missions d'intérêt général qui lui sont confiées par l'Etat et qui consistent principalement dans la promotion de la culture alimentaire française à l'étranger et la conquête de nouveaux marchés internationaux.

Le travail réalisé par la SOPEXA au bénéfice des filières s'appuie sur la combinaison de différents métiers qui dépassent les services d'une agence de communication classique. Ce que d'autres proposent de manière segmentée - marketing, publicité, relations publiques, promotion -, la SOPEXA le réalise de manière synergique et complémentaire.

En outre, il convient de noter les progrès récemment réalisés par la SOPEXA sur trois plans.

Tout d'abord, sur le plan financier, le taux d'autofinancement de la société est passé de 35 % en 2000 à 47 % en 2003 et à 56,16 % en 2004. Cette situation a permis, malgré la diminution du soutien financier de l'Etat, une augmentation des actions réalisées pour son compte.

Ensuite, sur le plan de la compétitivité, alors qu'elle est désormais systématiquement mise en concurrence, y compris pour les actions relevant des offices agricoles, la SOPEXA a remporté près de 75 % des appels d'offres auxquels elle a répondu en 2003.

Enfin, sur le plan du développement, la part des activités de la SOPEXA en direction des entreprises privées dans le chiffre d'affaires de la société est passée de 16,5 % en 1997 à 23,2 % en 2002.

Je vais maintenant laisser la parole à M. Joël Bourdin, rapporteur de la commission des finances, pour la suite de cet exposé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, rapporteur.

M. Joël Bourdin, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'exposé de Marc Massion, avec qui j'ai eu grand plaisir à effectuer cette mission de contrôle budgétaire, a permis de situer la SOPEXA dans son contexte économique et juridique.

Pour ma part, je vous présenterai les principales remarques qui nous ont été inspirées par notre mission de contrôle. Elles s'articulent autour de trois points : la structure de gouvernance et la composition du capital de la SOPEXA ; les modalités du soutien financier de l'Etat ; le dimensionnement du réseau international de cette société.

En ce qui concerne, tout d'abord, le capital de la SOPEXA, quelques éléments chiffrés méritent d'être évoqués. Son capital actuel est de 152 500 euros, ce qui est extrêmement faible pour une société qui réalise un chiffre d'affaires de l'ordre de 80 millions d'euros.

La plupart de nos interlocuteurs sont tombés d'accord sur ce point : cette capitalisation presque symbolique nuit, à l'évidence, aux possibilités de développement de la société. Cette remarque n'est, du reste, pas nouvelle : elle figurait déjà dans le rapport d'audit conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'agriculture datant de 1998. Vous noterez au passage que cette remarque conserve -hélas, pourrait-on dire ! - toute sa pertinence sept ans plus tard, puisque la seule évolution depuis cette date concerne la conversion en euros du capital de la société !

Cette question est étroitement liée à la composition même du capital de la société et, de manière plus large, à sa structure de gouvernance. Nous sommes, en effet, en face d'une société anonyme, c'est-à-dire de statut privé, dont la puissance publique détient 30 % de l'actionnariat, mais qui est, de fait, étroitement contrôlée par l'administration, par le biais de sa présence au conseil d'administration et de la jouissance par le commissaire du gouvernement d'un droit de veto sur toutes les décisions du conseil, par le biais également de son contrôle économique et financier de la société et, enfin, par l'occupation, pendant très longtemps, des principaux postes de direction de la société par de hauts fonctionnaires de l'Etat.

En effet, si l'Etat n'apparaît pas directement au capital, il est représenté par le biais d'UBIFRANCE et des offices agricoles au sein du conseil d'administration.

Vous le constatez, mes chers collègues, si la SOPEXA est juridiquement une société de droit privé, les liens qu'elle entretient avec l'Etat sont certains et aboutissent, de facto, à une situation aujourd'hui confuse.

Cette situation confuse tient également aux modalités du soutien financier de l'Etat à la SOPEXA, qui font l'objet, depuis de nombreuses années, d'interrogations opposant deux logiques ministérielles.

Selon la logique de la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la subvention versée à la SOPEXA ne devrait plus constituer une aide au fonctionnement de la société, mais devrait être conçue comme la rémunération d'une prestation de service nécessitant le lancement d'appels d'offres, auxquelles la SOPEXA est aujourd'hui jugée parfaitement en mesure de répondre, comme l'a indiqué Marc Massion.

Selon la logique du ministère de l'agriculture, le maintien d'une forme de subvention publique à la SOPEXA est indispensable et constitue le principal souci des professionnels.

Compte tenu de l'existence de ces deux thèses ministérielles divergentes et des atermoiements qu'elles suscitent s'agissant de l'avenir de la SOPEXA, nous estimons qu'il est aujourd'hui nécessaire qu'une vision claire de la manière dont l'Etat envisage sa relation avec la SOPEXA à l'avenir intervienne rapidement. A cet égard, nous souhaiterions, monsieur le secrétaire d'Etat, connaître vos intentions.

Enfin, des interrogations ont également été soulevées, au cours de notre mission de contrôle budgétaire, s'agissant de l'adaptation actuelle du réseau international de la SOPEXA aux besoins exprimés par les marchés étrangers, ainsi qu'aux perspectives de conquête de marchés émergents.

Si ce réseau international apparaît aujourd'hui particulièrement développé, avec trente-neuf implantations dans trente-quatre pays, son évolution devrait à l'avenir avoir pour priorité la conquête de marchés à fort potentiel commercial et économique, tels que la Chine, l'Inde, les pays d'Europe centrale et orientale, les pays baltes ou certains pays d'Amérique latine, qui ne demandent qu'à connaître la culture agroalimentaire de notre pays.

Dès lors, notre mission de contrôle budgétaire nous a conduits à vous livrer quelques préconisations concernant l'avenir de la SOPEXA. Nous souhaiterions savoir ce que le Gouvernement va en retenir.

Nous avons avant tout cherché à trouver des solutions concrètes et réalistes. Ces propositions visent naturellement à susciter le débat entre nous. Il nous semble cependant, et M. le secrétaire d'Etat pourra nous éclairer sur ce point, qu'elles sont suffisamment réalistes et consensuelles pour entraîner une large adhésion.

En tout état de cause, il sera intéressant de connaître l'avis du Gouvernement, l'état d'avancement de sa réflexion et les éventuels points de blocage.

Comme mon collègue Marc Massion, j'insiste sur ce point devant vous : ces réformes sont urgentes et auraient dû être réalisées il y a longtemps. Au cours de notre travail, nous nous sommes rendu compte à quel point l'avenir de la SOPEXA était « suspendu » à des décisions qui ne sont pas prises, au plus grand préjudice des salariés, des clients et de la société dans son ensemble.

Nos propositions s'articulent donc autour de trois axes : une modification de l'actionnariat et une recomposition du capital de la société, qui devraient permettre une gouvernance plus efficace ; de nouvelles modalités du soutien de l'Etat à la SOPEXA, lequel devrait s'inscrire dans un cadre pluriannuel ; une réflexion quant à l'évolution des missions de la SOPEXA, par le biais, notamment, d'une meilleure organisation de son réseau international.

S'agissant du premier axe, comme nous l'avons vu, le capital de la SOPEXA est aujourd'hui d'un montant trop faible pour lui permettre de se développer. De plus, sa structure ne correspond pas à celle d'une société privée.

Nos recommandations sur ce point sont doubles.

Nous recommandons, tout d'abord, une sortie des offices agricoles et d'UBIFRANCE du capital de la SOPEXA, laquelle limiterait les risques juridiques inhérents à une structure où les principaux clients sont également actionnaires. La recomposition du capital pourrait se faire autour de grands actionnaires de référence, dont certains noms ont pu être évoqués devant nous.

Cependant, et nous tenons à le souligner, cette sortie du capital ne doit en aucun cas signifier le désengagement de l'Etat de l'avenir de la SOPEXA. Un désengagement serait, d'une part, mal perçu par les clients et les actionnaires de la société, et, d'autre part, en contradiction avec l'intérêt que portent les autres pays aux aides à la promotion des produits agricoles.

Dès lors, en dehors de tout engagement financier, nous suggérons que l'Etat conserve une action dans la société, une golden share, ou une action symbolique, selon les possibilités juridiques offertes.

Nous recommandons, ensuite, une recapitalisation de la société, qui, on l'a vu, est unanimement appelée. La sortie de l'Etat du capital pourrait ainsi être l'occasion tant attendue d'augmenter le capital de la société, suivant des modalités qui restent à définir.

On pourrait imaginer, par exemple, une augmentation du capital par le biais d'une intégration d'une partie des fonds propres ; une lecture attentive des comptes de la société montre des capitaux propres de l'ordre de 3,6 millions d'euros pour la seule société SOPEXA et de 10,6 millions d'euros pour l'ensemble du groupe, filiales comprises. Ce montant important de réserves permet d'ailleurs de relativiser la sous-capitalisation de la société.

J'ajoute que cette recomposition du capital de la société sera l'occasion de clarifier la structure de gouvernance, dont on a pu voir les limites, avec un Etat très présent et des actionnaires qui sont les principaux clients.

La deuxième partie de nos recommandations porte sur les modalités du soutien financier de l'Etat à la SOPEXA

La question du type de soutien que l'Etat doit accorder à cette société est, en effet, un sujet de débat ancien et récurrent. De ce point de vue, la situation n'a pas évolué depuis le rapport conjoint précité des inspections générales des finances et de l'agriculture, datant de 1998, et on peut le déplorer.

Le débat annuel relatif au montant de la subvention publique à la SOPEXA nuit au fonctionnement de la société. En effet, il a tendance à démotiver les salariés qui manquent de visibilité à moyen terme sur les soutiens dont ils disposent ; de la même manière, les clients de la SOPEXA qui, dans ce secteur, nouent des partenariats de confiance et de long terme, risquent de ne plus recourir aux services d'une entreprise dont l'avenir financier dépend étroitement de décisions dictées par les impératifs budgétaires nationaux annuels.

En conséquence, nous préconisons une évolution qui revêtirait un double aspect.

En premier lieu, il convient de définir un vrai contrat de prestation de services entre l'Etat et la SOPEXA.

En effet, il est clair que les modalités du soutien financier de l'Etat doivent évoluer afin de distinguer, au sein de la société, ce qui relève, d'une part, des missions d'intérêt général et, d'autre part, des activités concurrentielles, soumises à appel d'offres. De plus, il est fort possible que le montant de cette subvention puisse être revu à la baisse.

Dans notre esprit, il s'agit de bénéficier des possibilités juridiques offertes par l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, dans le domaine de la promotion, à l'instar des autres pays, et d'utiliser pour ce faire un outil qui a fait ses preuves et a largement inspiré les pays étrangers. Un soutien financier rénové devrait permettre à la société de développer ses capacités à exporter son savoir-faire.

Ainsi, nous préconisons que la subvention versée par l'Etat ne serve plus au fonctionnement de la SOPEXA et soit clairement utilisée pour mener des actions d'intérêt général, précisément définies dans un cadre pluriannuel, avec une convention financière.

Il s'agirait d'un contrat de prestation de services ou d'une délégation de service public afin de promouvoir, par exemple, la « marque France » à l'étranger, ou de poursuivre des actions ciblées en faveur notamment des vins français, qui en ont bien besoin. La SOPEXA pourrait également développer son offre en direction des PME qui n'ont pas la surface financière suffisante pour recourir aux services des grandes agences de communication.

En second lieu, et c'est un point fondamental, ce contrat doit impérativement s'inscrire dans une logique pluriannuelle. En effet, s'agissant d'une société qui accomplit un certain nombre de missions d'intérêt général, missions qui sont en général de long terme - sensibiliser les pays asiatiques au vin français, par exemple -, une bonne visibilité à moyen terme sur son avenir apparaît comme un préalable à toute action construite et comme un gage donné vis-à-vis aussi bien du monde agricole que des interlocuteurs étrangers.

Nous sommes conscients que le montant actuel de la subvention - 18,2 millions d'euros en 2004 - est non négligeable et pourrait éventuellement être revu à la baisse dans le cadre de négociations. Dans cette affaire, nous estimons qu'il est plus important pour l'Etat d'assurer sur plusieurs années un cadre financier stabilisé à SOPEXA que de faire chaque année un « gros chèque ».

Ce contrat, pluriannuel pour ce qui concerne ses aspects financiers, devra cependant donner lieu chaque année à une définition par l'Etat des objectifs qu'il estime devoir être fixés, ainsi qu'à une évaluation précise des actions menées les années précédentes.

La dernière partie de nos recommandations porte sur une évolution des missions de la SOPEXA.

La cession des parts détenues dans le capital de la SOPEXA par les établissements publics et la révision des modalités du soutien de l'Etat à cette société posent la question du maintien de certaines contraintes liées à l'exercice de ses activités, ainsi que celle de l'évolution souhaitable et possible de ses missions.

Trois points méritent ici une attention particulière : d'une part, la question du maintien des activités de la SOPEXA sur le territoire national, d'autre part, la diversification des activités de ladite société dans le sens éventuel mais controversé de la promotion de produits non français et, enfin, la redéfinition des priorités internationales de la SOPEXA.

Alors qu'au moment de sa création et dans un contexte agroalimentaire français moins structuré qu'aujourd'hui la SOPEXA a pu juger nécessaire de mener de grandes campagnes de promotion sur le territoire national, la pertinence de cette activité, financée en partie par des crédits publics, sur un marché désormais mûr et structuré, est discutable.

Dans leur rapport d'audit conjoint précité, datant de 1998, l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'agriculture recommandaient déjà de « donner clairement la priorité au réseau étranger de SOPEXA par rapport à ses activités en France ». Par conséquent, la mission d'audit proposait que « les activités de promotion du bureau France soient autofinancées et que le soutien de l'Etat à la promotion soit exclusivement accordé au réseau étranger ». Ce point devra sans doute être éclairci très rapidement.

La question se pose également de savoir si, dans le cadre de la clarification des relations financières entre l'Etat et la SOPEXA, on autorise statutairement cette société à pratiquer une activité de promotion de produits étrangers à l'étranger, voire en France. On pourrait en effet considérer que, grâce à sa parfaite connaissance du marché national, la SOPEXA serait en mesure de faire bénéficier certains concurrents étrangers de son expertise commerciale. Il semble toutefois évident qu'une telle diversification des activités de la SOPEXA serait de nature à contrarier sa mission d'intérêt général relative à l'exploitation de son réseau international.

Enfin, dans le cadre de l'évolution des missions de la SOPEXA, nous préconisons une meilleure définition de ses priorités internationales, par le biais de l'implantation dans des pays cibles, identifiés comme marchés émergents et à fort potentiel. A ce titre, on peut noter avec satisfaction que, depuis la publication du rapport de la commission des finances, la SOPEXA a ouvert un bureau en Inde et a densifié son réseau en Chine. Nous estimons également qu'il s'agirait, pour la puissance publique, de financer le lancement d'actions générales dans ces pays cibles plutôt que de subventionner indifféremment l'ensemble du réseau international de la SOPEXA.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, telles sont les réflexions que notre mission de contrôle a pu nous inspirer. Nous formulons le souhait, aujourd'hui, qu'elles représentent une base de débat et une base de travail utile pour la SOPEXA. Surtout, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaiterions savoir quelles suites vous comptez donner aux préconisations que nous avons faites il y a déjà plus de six mois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la première fois, le Sénat va débattre des suites données à une mission de contrôle budgétaire menée par la commission des finances. Cela va dans le sens d'un renforcement de l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement souhaité par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, et les membres du groupe UC-UDF s'en félicitent.

Le rapport d'information de MM. Joël Bourdin et Marc Massion nous donne l'occasion de débattre de l'avenir de la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, dite « SOPEXA ». Le devenir de cette société, créée en 1962 dans le cadre de l'application de loi d'orientation agricole, est capital pour l'économie de notre pays.

En effet, l'industrie agroalimentaire française est le leader mondial pour les exportations de produits agroalimentaires transformés avec 30 millions d'euros par an, soit près de 10 % du total des exportations françaises. Ce résultat, nous le devons non seulement au dynamisme de nos entreprises agroalimentaires et de notre agriculture, mais aussi à la SOPEXA.

La France a longtemps été le seul pays à disposer d'une structure destinée à promouvoir les produits agricoles et alimentaires nationaux sur le marché domestique et à l'étranger. Notre pays a été un exemple en la matière. D'ailleurs le « modèle SOPEXA » a été copié et exporté. Nous ne devons pas affaiblir cet outil au moment où d'autres structures équivalentes étrangères sont créées et où la concurrence se durcit encore plus.

Les compétences et la qualité des actions de promotion menées par la SOPEXA sont unanimement reconnues et cette société a pleinement rempli les missions qui avaient conduit les pouvoirs publics à sa création, à savoir accompagner le développement de notre agriculture et l'aider à s'adapter aux nouvelles techniques de marketing afin d'être présente sur le plus grand nombre possible de marchés.

Le rôle de nos rapporteurs, dans le cadre de la mission de contrôle budgétaire menée par la commission des finances, était de vérifier l'utilisation des fonds publics par la SOPEXA et d'étudier les relations financières entre l'Etat et la SOPEXA. Si l'Etat finançait, directement et indirectement, presque en totalité la SOPEXA à sa création et pendant les premières années, il a procédé rapidement à un rééquilibrage de sa participation.

En 1999, la dotation du ministère de l'agriculture ne représentait plus que 21 % du chiffre d'affaires de la société alors qu'elle s'établissait à 41 % en 1990. Parallèlement, la SOPEXA a su s'adapter. Par la facturation de ses prestations, elle a pu non seulement compenser cette baisse d'aide publique, mais aussi continuer à accroître son chiffre d'affaires. En effet, l'activité pour le compte des entreprises, notamment des PME, ne cesse de se développer et représentait plus du quart du chiffre d'affaires de la société en 2004.

La SOPEXA a su faire face à une autre évolution nécessaire, à savoir la mise en concurrence. Les offices et les interprofessions sont désormais obligés de mettre leurs prestataires en concurrence. Il est à souligner que la SOPEXA a remarquablement relevé ce défi et a gagné trente-deux appels d'offres sur quarante-sept en 2004, soit 68 %.

Venons-en aux relations financières entre l'Etat et la SOPEXA.

Les normes communautaires, plus restrictives que celles de l'OMC, nous obligent à repenser l'intervention financière de l'Etat dans cet outil indispensable de promotion de nos produits agricoles et alimentaires. A ce sujet, il nous faut absolument agir pour que les normes communautaires ne ferment pas la porte à des dispositifs d'aides encore acceptés au niveau mondial.

Deux visions de l'avenir de la SOPEXA nous sont proposées : celle de la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et celle du ministère de l'agriculture.

Les rapporteurs ont fait des propositions alternatives en la matière qui vont dans le sens d'un meilleur contrôle des fonds publics, en conditionnant la participation financière de l'Etat à un contrat de prestations pluriannuel centré sur le financement d'actions d'intérêt général menées par la société pour le compte de l'Etat.

Ce contrat doit permettre à l'entreprise de mener à bien ses actions qui souvent s'étalent sur le long terme ; s'implanter sur un marché nécessite de la ténacité et de la patience. C'est pourquoi un contrat d'une durée minimale de cinq ans est un instrument indispensable pour que la société se développe dans de bonnes conditions.

II est également primordial que nous puissions continuer à utiliser les aides publiques nationales en faveur de la promotion des produits agroalimentaires, comme cela est autorisé dans le cadre de la « boîte verte » de l'OMC. Nous disposons là d'un outil prépondérant pour maintenir la place de nos produits agroalimentaires sur le marché mondial. Nous ne pouvons nous passer de cette action au moment où d'autres pays mettent en place des structures sur le modèle de celui de la SOPEXA.

Face aux Etats-Unis, qui subventionnent largement la promotion de leurs produits et ne souhaitent pas, logiquement, que ce type d'aides sorte de la « boîte verte », il faut qu'au niveau européen nous ayons une politique qui ne handicape pas la promotion de nos produits tant au sein de notre marché que sur le marché mondial. Les normes européennes doivent être assouplies et être cohérentes avec les règles de l'OMC.

Pour ce qui concerne la recomposition du capital de la société, les propositions de nos deux rapporteurs vont également dans le bon sens. D'une part, l'Etat est présent dans le capital de la SOPEXA par le biais des offices et d'UBIFRANCE et il serait plus souhaitable, la SOPEXA étant une société anonyme de droit privé, que ces structures sortent du capital. De plus, cette sortie permettrait d'éviter de potentiels conflits d'intérêts entre des actionnaires qui sont également des clients de la société.

D'autre part, augmenter le capital de la SOPEXA ainsi que le nombre d'actionnaires est primordial pour qu'elle continue son expansion face à de nouveaux concurrents. En effet, la structure de la SOPEXA, créée dans le contexte spécifique des années soixante, n'a pas évolué et son capital social est resté tel quel.

Si l'Etat sort du capital, il ne doit pas se désengager de l'avenir de cette structure. Nous ne devons ni permettre à la SOPEXA d'échapper à sa mission initiale, qui est de promouvoir des produits français, ni l'autoriser à défendre des intérêts contraires aux intérêts français.

A cet égard, le système de l'action préférentielle donne à l'Etat un pouvoir de contrôle non négligeable dans une société à capital ouvert qui pourrait être récupéré par des intérêts étrangers.

Il est inconcevable que nous laissions à d'autres le bénéfice de ce que nous avons créé pour nous et qui nous donne pleinement satisfaction.

Voyons, enfin, le périmètre des missions confiées à la SOPEXA.

Les compétences et l'efficacité de la SOPEXA sur les marchés étrangers font l'unanimité.

Conquérir un marché étranger ne se fait pas en un an ou en deux ans : c'est le fruit d'un long travail. Pour qu'il soit bien fait, il faut promouvoir l'image de la France à travers ses produits.

Le Premier ministre le rappelait la semaine dernière, en déclarant devant le ministre de l'agriculture et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat : « Nous avons besoin d'une agriculture forte, puissante et exportatrice », et il ajoutait que, si nous sommes leader aujourd'hui, il faut que nous le restions demain.

Depuis quelques années, la SOPEXA se positionne sur les marchés indiens et chinois : deux nouvelles agences vont ouvrir à New Delhi et à Canton. La SOPEXA a restructuré ses zones de marché pour accroître leur cohérence.

Tout cela montre la volonté de la SOPEXA de se réformer pour mieux s'adapter aux nouvelles donnes nationales et internationales. Cela conforte également la nécessité de signer un contrat pluriannuel entre elle et l'Etat afin de répondre aux contraintes que suppose l'implantation sur un marché.

Une convention a été signée entre les trois organismes - UBIFRANCE, SOPEXA et ADEPTA - qui sont chargés, à différents niveaux, d'assurer la place de la France sur les marchés étrangers. C'est effectivement par une coopération renforcée et une cohérence accrue au niveau des actions de ces différentes sociétés que nous arriverons à développer les exportations françaises.

Il est important que tous les acteurs de la filière agroalimentaire puissent choisir une société française pour promouvoir leurs produits. Ce n'est pas être chauvin que de dire que la SOPEXA a su s'entourer de personnes de qualité, qui ont vraiment à coeur d'agir pour assurer la promotion de la France et de son image. C'est une qualité que nous ne retrouvons pas dans d'autres entreprises étrangères qui, tout en étant aussi compétentes, n'ont pas cette fibre-là.

Enfin, le maintien de l'activité de SOPEXA sur le marché domestique est complémentaire de son activité au niveau international.

A l'heure actuelle, le marché domestique ne représente que 20 % de son activité totale : il est donc nécessaire que nous encouragions la SOPEXA à maintenir ce niveau. N'oublions pas que l'internationalisation des échanges favorise l'interpénétration des marchés : assurer de bonnes bases nationales aux acteurs de l'agroalimentaire me semble à la fois primordial et nécessaire dans le contexte actuel.

Pour conclure, je suis heureux de constater qu'un certain consensus s'est dégagé sur la manière dont est envisagé l'avenir de la SOPEXA.

Maintenir une dynamique forte à l'export est vital pour notre économie. Face à une concurrence accrue et multiple, la France doit non seulement défendre ses parts de marché dans les pays où elle est déjà implantée, notamment en Europe, mais être également conquérante sur des marchés émergents à fort potentiel comme l'Inde et la Chine, où la SOPEXA installe son quatrième bureau.

Ce débat est utile puisqu'il va permettre au Gouvernement de se positionner sur les propositions de nos rapporteurs. De plus, M. Forissier va pouvoir exposer les mesures gouvernementales envisagées, dans un avenir proche, pour la SOPEXA. Nous attendons en particulier des éléments de réponse concrets quant au choix des nouveaux actionnaires. Chacun d'eux devra être conscient de l'intérêt général.

De même, en matière de contrat pluriannuel, il faut avancer rapidement : l'incertitude en la matière empêche la société de se positionner sur le long terme.

Sur bien des marchés, notamment sur celui du vin, du lait, des fruits et légumes, ce n'est pas le moment de baisser les bras.

Il faut donc agir vite et donner à la SOPEXA les moyens de poursuivre et de développer son action pour le bénéfice de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour, je voudrais vous remercier de me donner l'occasion d'apporter, au nom du Gouvernement, des réponses concrètes aux propositions que MM. Bourdin et Massion ont formulées dans le rapport relatif à la SOPEXA, qu'ils ont rendu il y a six mois, et aux questions qui m'ont été posées.

C'est un sujet qui me tient à coeur, je le dis avec beaucoup de force, parce que l'export est une clef essentielle du succès de nos entreprises, de la sauvegarde de nos emplois, du rayonnement de notre pays et du développement de ses talents dans le monde.

Il est utile d'avoir ce genre de débat sur un tel sujet, car j'entends parfois des idées fausses, y compris dans les débats nationaux. Or, il est au contraire essentiel de bien expliquer l'importance, notamment dans le domaine agricole et agroalimentaire, de soutenir nos entreprises sur les marchés extérieurs, en ayant la volonté de leur offrir une bonne visibilité, avec ténacité, car, je le sais de manière tant théorique que pratique, il n'est pas facile d'exporter.

Par ailleurs, je veux saluer la qualité remarquable du travail réalisé par MM. Joël Bourdin et Marc Massion dans le cadre de leur mission de contrôle. Ce n'est pas là une parole formelle, je le dis avec sincérité. Votre analyse ainsi que vos propositions très constructives sont pertinentes et constituent un apport précieux pour l'action du Gouvernement.

Messieurs les rapporteurs, nombre de points que vous avez soulevés ont d'ores et déjà été pris en compte par le Gouvernement. Le travail n'est pas encore achevé, mais il a bien avancé, et il rejoint très largement les préconisations émises dans le rapport.

Vous avez formulé dans votre rapport un certain nombre de propositions ; six mois après, nous achevons une étape, mais une étape déjà très avancée, dans la course que constituent la modernisation et la réorganisation des objectifs de la SOPEXA. Je vous remercie vivement de la réelle contribution que vous apportez à l'avancement de ce dossier.

En outre, je suis personnellement décidé - et je m'y suis engagé dès ma nomination - à conduire le dossier de la SOPEXA jusqu'à son aboutissement, le plus rapidement possible, pour les deux raisons que j'ai précédemment évoquées : l'importance de soutenir nos entreprises dans leur tentative de conquérir des marchés et la nécessité, comme les rapporteurs l'ont soulignée, de procéder à la modernisation et à l'adaptation de la SOPEXA.

Cet engagement se situe, d'une certaine façon, dans la continuation naturelle d'un travail auquel j'ai déjà moi-même participé en tant que président d'UBIFRANCE : la réorganisation du dispositif public d'appui à l'exportation de nos entreprises, à l'internationalisation de nos PME, qui est un enjeu national.

Vous avez souligné l'importance de soutenir nos entreprises à l'exportation et de maintenir l'effort public en ce sens. Vous avez également salué le travail qu'a réalisé la SOPEXA au service des filières et des entreprises agroalimentaires depuis plus de quarante ans.

J'adhère pleinement à ces objectifs, et ce débat est pour moi l'occasion aujourd'hui de rappeler les raisons pour lesquelles il est important de soutenir nos entreprises à l'export.

Il faut rappeler que la France se situe malheureusement en queue de peloton pour ce qui est du soutien consenti à ses entreprises à l'international ; il faut le dire. Ainsi, le ratio entre le budget public et les exportations est supérieur de 50 % en Espagne, et de 150 % aux Etats-Unis !

Monsieur Massion, vous avez rappelé tout à l'heure l'importance de l'engagement public, sur le plan budgétaire, d'un certain nombre de nos principaux concurrents en matière de promotion de produits agricoles et agroalimentaires. Comme, aux termes des accords de l'OMC, ces aides ne sont pas soumises à réduction, les pays réarment leur dispositif en matière de soutien public et créent même des structures selon différents modèles dont certains sont inspirés de la SOPEXA.

Nous en subissons déjà les conséquences qui se traduisent très concrètement par la perte de parts de marché. Vous aviez cité l'exemple du vin, monsieur Soulage, et pourtant la SOPEXA travaille beaucoup dans ce domaine.

Si nous avions conservé nos positions de 1993, nos exportations agroalimentaires seraient actuellement supérieures de quelque 6 milliards d'euros aux 36 milliards d'euros réalisés.

Pour la première fois, cette année, la France a rétrogradé de la deuxième place à la troisième place au palmarès des pays exportateurs agricoles et agroalimentaires. Notre solde, de 8 milliards d'euros, a baissé de 500 millions d'euros. Nous avons sans doute virtuellement perdu quelque 8 000 emplois - même si un tel calcul nécessite une analyse plus fine - puisque des exportations à hauteur de 1 milliard d'euros représentent 15 000 emplois créés.

Ainsi, notre position globale s'affaiblit, ou à tout le moins s'érode un peu, même s'il faut analyser cette situation sur plusieurs années et même si nous restons les premiers exportateurs de produits agroalimentaires transformés. On voit la nécessité de se battre.

L'évolution de nos parts de marché dans les pays émergents est, elle aussi, intéressante à observer. La France a certes généralement maintenu ses parts de marché entre 1993 et 2002, mais ses concurrents, eux, en ont gagné dans le même temps. En Pologne, les parts de marché de la France sont passées de 3,3 % à 4 % entre 1993 et 2002, tandis que celles de l'Espagne ont progressé de 3,2 % à 7,5 % durant la même période. En Chine, les parts de marché de la France sont passées de 0,9 % à 1,6 %, tandis que celles des Etats-Unis grimpaient de 19% à plus de 23%.

Les progressions de nos principaux concurrents sont beaucoup plus importantes, car ils ont une politique offensive. J'en veux pour preuve l'entrée significative, pour la première fois, de la Chine et du Brésil au Salon international de l'alimentation, le SIAL, auquel un certain nombre d'entre vous ont pu se rendre à mon invitation. Il y avait cette année trente-six entreprises chinoises et plus généralement 72 % des entreprises présentes étaient étrangères.

Il faut donc bien prendre conscience que l'évolution de ces chiffres, de ces parts de marché, de ces rapports de force, souligne la nécessité de poursuivre l'effort en matière de soutien à l'exportation et à l'internationalisation de nos entreprises. Toutefois, vous avez aussi rappelé la nécessité de mettre en oeuvre un certain nombre d'actions visant à adapter et à moderniser la place et le rôle de la SOPEXA dans le cadre de l'effort national consenti pour nos entreprises et pour l'emploi.

On peut rappeler que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est extrêmement actif en la matière. Notre objectif a d'ailleurs été fixé très clairement par le Président de la République dans son discours sur l'avenir de l'agriculture, prononcé à Murat, le 21 octobre 2004. Il a fixé la ligne et annoncé le doublement des crédits à l'exportation et des crédits de soutien à la promotion de nos entreprises et de nos produits agricoles et agroalimentaires.

L'effort public doit donc être renforcé, et je me bats en ce sens dans le cadre du Partenariat national pour le développement de l'industrie agroalimentaire, qui joue un rôle essentiel dans le soutien à l'exportation.

Nous devons aussi utiliser plus efficacement les ressources et les outils publics existants. Le dossier de la SOPEXA s'inscrit dans ce souci d'efficacité maximale.

Je relève d'ailleurs que la plupart des observateurs étrangers considèrent que le dispositif public français d'appui à l'exportation des entreprises est un bon dispositif et que les outils mis à la disposition de ces dernières, qu'il s'agisse des trois grands organismes ou des aides publiques - je pense aussi aux aides de la COFACE - sont de bons outils.

De ce point de vue, la SOPEXA est à l'évidence un outil de premier plan pour la promotion de l'agroalimentaire français dans le monde. Le secteur viticole, en particulier, dont les difficultés expliquent pour une large part nos performances actuelles un peu décevantes à l'export, est traditionnellement un grand client de la SOPEXA puisqu'il représente 47 % de son chiffre d'affaires, la SOPEXA remportant d'ailleurs 78,6 % des appels d'offres de l'office national du vin, l'ONIVINS.

Permettre à la SOPEXA d'être plus efficace, plus dynamique, plus réactive en lui donnant les moyens de son développement est donc essentiel dans notre stratégie à l'exportation. C'est l'objectif que je me suis fixé, au nom de l'ensemble du Gouvernement, et je suis heureux de constater qu'à cet égard nous partageons très largement les mêmes analyses.

Vous souhaitez que nous avancions et vous m'avez demandé de faire le point ; je vais tenter de répondre de façon précise aux demandes que vous avez formulées.

Un premier ensemble de questions porte sur la transformation de l'actionnariat de la société, sujet à propos duquel vous avez dit, monsieur Bourdin, qu'il était urgent d'avoir une vision claire et de savoir où nous allions.

Avec M. Massion, vous avancez plusieurs propositions : organiser la sortie du capital de la SOPEXA de la puissance publique ; recomposer le capital de la SOPEXA autour de grands actionnaires de référence, actionnaires dont M. Soulage souhaiterait connaître les noms ; conserver pour l'Etat une présence au conseil d'administration par le biais d'une golden share, c'est-à-dire d'une action protectrice des intérêts de l'Etat ; assurer une augmentation de capital de la SOPEXA.

S'agissant de la première de ces propositions, je suis en mesure de vous annoncer, messieurs les rapporteurs, que le Gouvernement a engagé concrètement le processus de sortie du capital de la SOPEXA de la puissance publique, représentée, vous l'avez rappelé, par les offices agricoles et par UBIFRANCE. Je tiens dès maintenant à dire, puisque c'est un souhait qu'avec raison vous avez exprimé, qu'il ne s'agit évidemment pas, bien au contraire, d'un désengagement de l'Etat : c'est une évolution nécessaire.

Tout d'abord, comme vous l'avez souligné dans le rapport, ces établissements publics étaient également des donneurs d'ordre au travers des campagnes de promotion qu'ils financent ou cofinancent. Il n'était donc pas souhaitable de maintenir au capital et au conseil d'administration des clients de la société.

Ensuite, avec l'accroissement de la part d'autofinancement de la SOPEXA, il était illogique de maintenir une situation qui ne correspondait plus au fonctionnement de l'entreprise, voire le gênait.

Du reste, la suppression des postes de contrôleur d'Etat et de commissaire du Gouvernement va de pair avec un désengagement effectif du capital et elle permettra également d'alléger le fonctionnement de l'entreprise.

Cette sortie du capital a été entérinée par les organes délibérants des établissements publics ; les autres actionnaires de la SOPEXA ont ensuite été informés lors d'un conseil d'administration. La recherche d'éventuels acquéreurs et la négociation sont en cours ; la négociation pourrait être conclue au plus tard avant la fin de l'année 2005, et je me bats pour qu'elle aboutisse même plus vite.

La logique voudrait, comme vous l'avez suggéré, que le rachat des parts de l'Etat permette une recomposition du capital de la SOPEXA autour de grands actionnaires de référence. Pour autant, il n'est pas évident que les actionnaires idéaux, notamment les actionnaires actuels, se portent acquéreurs.

En tout état de cause, l'objectif de l'Etat n'est pas de réaliser une opération lucrative, mais la valorisation de la société est augmentée du fait que la SOPEXA possède 40 % des parts dans le SIAL et 100 % de la marque, ce qui mérite d'être rappelé.

En outre, historiquement, la SOPEXA n'a jamais distribué de dividendes et n'avait pas comme objectif prioritaire de maximiser ses profits. Il faut aussi en tenir compte dans la valorisation des parts.

Enfin, le rachat des parts de la SOPEXA ne permettrait pas à son acquéreur de disposer d'une minorité de blocage.

Ces éléments doivent être pris en considération pour comprendre que la recherche de nouveaux actionnaires doit, certes, se faire rapidement, mais qu'elle n'est pas forcément aisée.

C'est pourquoi, après avoir procédé à l'évaluation la plus juste possible - nous disposons déjà d'évaluations, qu'il nous faut remettre à jour -, nous rechercherons des acquéreurs dans le cercle naturel de la SOPEXA : soit des actionnaires déjà présents, mais où il n'y aurait pas d'intérêts croisés ; soit les interprofessions agricoles, qui, pour l'instant, sont absentes du capital, mais dont la présence, au moins symbolique, serait peut-être souhaitable pour marquer leur engagement ; soit enfin des organismes financiers ayant un lien privilégié avec le secteur agricole ou alimentaire, et c'est plutôt dans ce vivier qu'il me paraît important de puiser pour trouver de nouveaux actionnaires afin de renforcer la SOPEXA.

Vous suggérez aussi, messieurs les rapporteurs, le maintien d'une golden share.

Il est prévu - je l'ai moi-même souhaité - que UBIFRANCE conserve une action de façon à maintenir un lien, même symbolique, avec la SOPEXA, dans un souci de bonne coordination des organismes qui composent le dispositif national d'appui à l'exportation.

En revanche, cette action n'ouvrira pas à UBIFRANCE de droit de vote au conseil d'administration, car nous n'aurions pas alors été jusqu'au bout de la logique du retrait de l'Etat du conseil d'administration. Un lien est donc maintenu, mais, jusqu'à preuve du contraire, il nous paraît nécessaire de nous en tenir là. C'est la raison pour laquelle - et c'est peut-être l'un des points de divergence entre nous, messieurs les rapporteurs - la notion de golden share avec un pouvoir de blocage n'a pas été retenue pour l'instant par le Gouvernement.

Quant à la sous-capitalisation de la SOPEXA que vous évoquez, c'est un sujet récurrent depuis de longues années et il est en effet important. Vous avez cependant rappelé, monsieur Massion, que l'examen des réserves en fonds propres de la SOPEXA fait apparaître que cette dernière n'est pas à ce point sous-capitalisée. Compte tenu du mouvement prévu sur la recomposition de l'actionnariat, l'augmentation de capital de la SOPEXA devra se faire dans un deuxième temps, une fois le nouveau tour de table constitué. Mais votre proposition d'incorporer les réserves au capital, messieurs les rapporteurs, constitue d'ores et déjà une piste d'action : il faudra mettre en oeuvre dès que possible cette proposition de nature à renforcer la capitalisation de la SOPEXA et à clarifier les choses.

Après avoir répondu précisément, me semble-t-il, à ce premier ensemble de questions touchant à la structure capitalistique de la SOPEXA, à l'évolution de l'actionnariat de la société et à ses conséquences, j'en viens à vos questions sur la révision des modalités du soutien financier de l'Etat à la SOPEXA, soutien qui s'inscrit d'ores et déjà dans le respect des normes du commerce international de l'OMC. Il s'agit là encore, comme l'a dit avec raison M. Soulage, d'un sujet très important.

Vous vous êtes prononcés, messieurs les rapporteurs, en faveur, d'une part, de la pérennisation du soutien de l'Etat à la SOPEXA et, d'autre part, de l'établissement d'un contrat de prestations de service pluriannuel entre l'Etat et la SOPEXA pour les missions d'intérêt général.

Vous avez raison de souligner que la promotion à l'export des produits alimentaires relève d'une mission d'intérêt général. Soutenir les entreprises à l'export est en effet une mission d'intérêt général pour l'Etat et pour la puissance publique. J'estime d'ailleurs depuis longtemps que c'est l'un des domaines dans lequel l'Etat et, plus largement, la puissance publique, c'est-à-dire également les collectivités territoriales, qui s'y impliquent d'ailleurs déjà, doivent plus que jamais accompagner les entreprises, notamment les PME-PMI et les TPE, car c'est certainement l'une des voies de développement des entreprises les plus difficiles à conduire.

Premier grand objectif : assurer la défense du modèle alimentaire français dans le monde. La promotion de nos valeurs et de notre patrimoine gastronomique au-delà de nos frontières constitue clairement une mission de l'Etat, qui doit se doter de relais opérationnels dans les pays importateurs pour enrayer l'uniformisation rampante des habitudes alimentaires. A cet égard, la SOPEXA remplit déjà une mission d'intérêt général.

Second grand objectif : à l'heure où la concurrence se fait chaque jour plus vive, le maintien de la France en tant que puissance agroalimentaire exportatrice, ce qui implique un soutien efficace aux filières et aux entreprises, est essentiel pour la sauvegarde de nos emplois. L'agroalimentaire est en effet la première industrie nationale en chiffre d'affaires et le second employeur sur le plan national : 420 000 à 430 000 emplois sont répartis dans 10 000 à 11 000 PME ou TPE qui maillent notre territoire. Il y va donc, là encore, de l'intérêt général.

Le Gouvernement a acté ce point : il justifie un soutien financier à une structure pour la réalisation de ces missions d'intérêt général que le ministère n'est pas à même de mener.

Jusqu'à présent, ce soutien financier était octroyé à la SOPEXA un peu « à l'aveugle », sous la forme d'une subvention d'équilibre. Nous avons donc décidé - ce faisant, nous reprenons, me semble-t-il, l'une de vos propositions ou, du moins, nous sommes en concordance de vues - de passer d'une logique de subvention à une logique de prestation de services, recentrée sur des missions et des objectifs clairement assignés, dans un souci d'efficacité maximale.

Ces missions devront être précisément définies avant leur mise en oeuvre, la réalisation de chaque objectif devant être ensuite précisément évaluée ; je tiens beaucoup à cette démarche.

Ce travail doit évidemment être assorti, je le dis très clairement puisque c'est l'un des points sur lesquels vous avez insisté, d'une garantie pluriannuelle sur les montants de subvention à la société, afin que cette dernière dispose d'une visibilité suffisante pour la programmation d'actions dont la plupart, comme le défrichage de nouveaux marchés, sont de longue haleine.

Nous avons précisé le cadre juridique dans lequel ce nouveau contrat interviendra. Une possibilité théorique existait, celle de l'octroi d'un monopole à la SOPEXA, sur le modèle de la COFACE, en contrepartie de missions d'intérêt économique général. Cette solution, trop figée, a été écartée au profit d'une mise en concurrence dans le cadre d'une délégation de service public, avec conclusion d'un contrat sur une durée de trois à cinq ans. J'insiste sur l'importance du caractère pluriannuel de ce contrat pour soutenir les actions, nécessairement de moyen ou de long terme, de promotion ou de défrichage de nouveaux marchés.

Compte tenu de la nature des missions d'intérêt général et des critères concernant le profil de la société, il est probable que la SOPEXA remportera cet appel d'offres, comme elle remporte d'ailleurs aujourd'hui près de 70 % des appels d'offres sur les actions de promotion des offices.

Le travail que nous réalisons actuellement consiste à préciser les missions d'intérêt général que la société réalisera pour le compte de l'Etat. Il pourrait s'agir de la défense et de la promotion de la culture alimentaire française dans le monde, de l'organisation des participations aux salons sous le pavillon France, d'un conseil stratégique et marketing en vue de l'exportation auprès des filières agricoles agroalimentaires, de l'accueil et du conseil pour les petites et moyennes entreprises.

Il sera certainement demandé qu'en contrepartie la société ne travaille pas pour des filières ou des produits concurrents. C'est aussi cette clause d'exclusivité qui justifie une délégation de service public et un soutien financier.

Vous avez également proposé, messieurs les sénateurs, de développer la comptabilité analytique de l'entreprise La mise en oeuvre de ce contrat impose effectivement une comptabilité analytique performante au sein de la SOPEXA, permettant d'isoler les activités du domaine concurrentiel, c'est-à-dire le « compte propre » de celles d'intérêt général, soit le « compte Etat ». La société s'est dotée, depuis 2003, d'une comptabilité analytique ; celle-ci pourra sans difficulté être adaptée en fonction des objectifs du « compte Etat ».

Enfin, vous aviez demandé l'adaptation des statuts de aux dispositions de la loi sur les nouvelles régulations économiques. C'est chose faite : la société s'est mise en conformité lors de l'assemblée générale du 8 juin 2004. Cette adaptation a eu notamment pour conséquence de faire passer le nombre d'administrateurs de vingt-deux à dix-huit.

Après une évolution vers le statut de président directeur-général, un consensus s'est dessiné pour un retour aux notions de président et de directeur général. Mais cela est secondaire au regard de l'importance de la réorganisation proposée : une mise en concurrence dans le cadre d'une délégation de service public, avec conclusion d'un contrat sur une durée de trois ans à cinq ans. A titre personnel, il me semblerait préférable de travailler sur une période de cinq ans pour l'efficacité des actions conduites par la SOPEXA et dans l'intérêt de nos entreprises, qu'il faut accompagner sur le moyen et le long terme.

Vous m'avez par ailleurs posé un certain nombre de questions sur le périmètre d'intervention de la SOPEXA. Vous souhaitez que l'on réfléchisse au maintien des activités de la SOPEXA sur le territoire national et que l'on redéfinisse ses priorités internationales, en ciblant les pays à fort potentiel de développement.

Cette réflexion que vous préconisez sur le maintien des activités de la SOPEXA sur le territoire national est particulièrement pertinente. Dans la mesure où un « compte Etat » et un « compte propre » seraient identifiés et clairement séparés, il n'y aurait pas d'inconvénient à ce que la société ait une activité en « compte propre » sur le territoire national. Le soutien public, en revanche, trouve plus de légitimité pour des actions à l'étranger et le « compte Etat » serait donc principalement réservé à cette localisation.

II faudrait ainsi redéfinir le périmètre géographique des missions publiques, en réservant le soutien de l'Etat aux zones où le risque est le plus élevé, où la tâche est la plus ardue et où s'impose un accompagnement plus étroit, c'est-à-dire au grand export et notamment au défrichage de marchés prometteurs ou difficilement pénétrables. D'autres opérateurs, notamment les offices agricoles, pourraient se recentrer sur les marchés de proximité de l'Union européenne pour continuer à y défendre nos parts de marché chèrement acquises. C'est là une réflexion que nous sommes en train de conduire.

Du reste, la SOPEXA prévoit d'ouvrir deux antennes nouvelles : l'une à Canton, qui viendra renforcer ses implantations déjà existantes de Pékin et Shanghai ; l'autre à Delhi, où je me rendrai au mois d'avril, avec un certain nombre d'entreprises agroalimentaires françaises, pour annoncer l'ouverture de ce nouveau bureau et souligner l'importance de ce marché indien et tout l'intérêt que nous avons à entretenir de meilleures relations. II faudra sans doute aller plus loin, mais, comme vous pouvez le constater, messieurs les rapporteurs, cette dynamique est enclenchée.

En conclusion, ce travail sur le dossier de la SOPEXA correspond à la volonté du Gouvernement de soutenir nos entreprises à l'export, d'adapter et de moderniser notre dispositif public. Il s'inscrit aussi dans le cadre des réflexions en cours sur le volet export du partenariat national pour le développement des industries agroalimentaires, le PNDIAA, dont le Premier ministre m'a confié l'élaboration. Le volet « internationalisation des entreprises » du PNDIAA prévoit ainsi, en particulier, une modernisation du réseau public d'appui à l'export, au sein duquel la SOPEXA joue un rôle majeur.

Cela s'est d'ores et déjà traduit par des actions très concrètes, indépendamment du travail interne à la SOPEXA.

Premièrement, a été signée, le 1er février dernier, la convention entre la SOPEXA, UBIFRANCE et ADEPTA, qui sont les trois organismes actuels de soutien à l'export. Le ministère délégué au commerce extérieur et le ministère de l'agriculture ont souhaité -  et je l'ai personnellement désiré - la signature de cette convention, de façon à permettre une meilleure coordination et, surtout, le développement de nouvelles actions innovantes et partenariales entre ces organismes. Il faut en effet éviter les doublons antérieurs tout en renforçant l'efficacité de notre soutien aux entreprises et le dynamisme de la promotion de nos produits agricoles et agroalimentaires. C'est dans cet esprit que j'ai demandé que soit signée cette convention, dont je surveille de très près l'application.

Deuxièmement, a été lancé le « kit export agroalimentaire ». Il s'agit d'un ensemble de prestations coordonnées au service des entreprises, dans lequel la SOPEXA trouve toute sa place et qui matérialise ma volonté de faire travailler ensemble les organismes du dispositif national d'appui. L'objectif est de simplifier l'accès des entreprises au dispositif public d'appui à l'export. C'est essentiel, car, souvent, ce qui pose problème aux patrons de PME, ce sont non pas les outils, mais la complexité des mesures. Le « kit export agroalimentaire » est un élément très important du plan d'action que je viens de présenter ; il est déjà testé dans plusieurs régions afin de ne pas perdre de temps.

Troisièmement, un plan sectoriel agroalimentaire, plan stratégique, est en cours d'élaboration, en liaison avec le ministère délégué au commerce extérieur. Il définira pour l'export les priorités nationales « pays-produits » et devra servir de guide au versement des aides publiques en faveur de l'export agroalimentaire.

Je crois avoir répondu de façon très précise sinon à l'ensemble de vos questions, du moins aux plus importantes, y compris en précisant à propos de la golden share de l'Etat au sein du futur capital de la SOPEXA que le Gouvernement avait fait un choix différent du vôtre.

Tout à l'heure, vous avez indiqué que vos propositions dataient déjà de six mois. J'en suis conscient, mais il n'est jamais facile de faire évoluer les choses, toutes sortes de débats étant susceptibles d'intervenir, sur lesquels je ne m'étendrai pas. Sachez néanmoins qu'à l'instar du Premier ministre et de Dominique Bussereau je suis déterminé à faire aboutir rapidement cette réforme, déjà largement engagée, de la SOPEXA. Car il y va de l'efficacité, du caractère opérationnel de cet établissement et, plus globalement, de ce dispositif public d'appui à l'export en termes de conquête de parts de marchés extérieurs. C'est ainsi que nous servirons la croissance de notre pays et l'emploi ; j'y suis particulièrement attaché. Vous pouvez donc compter sur ma détermination à faire aboutir ce dossier très rapidement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Tout d'abord, je souhaite vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous être prêté de si bon gré à un exercice qui constitue une première au sein de cet hémicycle, et peut-être même au Parlement. Il est l'expression d'une exigence, d'une « révolte », si j'ose dire, parlementaire.

Aux termes de la Constitution, nous sommes conduits à légiférer. J'ai à l'esprit, comme chacun d'entre vous, mes chers collègues, les paroles rudes du président du Conseil constitutionnel : la loi est de moins en moins normative. Quand on peine à contrôler le cours des choses, il peut être tentant d'élaborer des lois, lesquelles deviennent souvent des vecteurs de communication, mais perdent leur caractère normatif.

Si légiférer est sans doute l'un des rôles majeurs du Parlement, contrôler est probablement sa seconde nature, comme le rappelle si souvent le président Christian Poncelet : la Constitution donne mission au Parlement de contrôler l'action du Gouvernement et des administrations publiques. A cet égard, la commission des finances a développé une expertise ; mes collègues Marc Massion et Joël Bourdin en ont fait ce matin une démonstration exemplaire.

Nous exerçons donc un contrôle ; une quinzaine de rapports d'information ont été publiés au cours de la session 2003-2004. Qu'en est-il advenu ? En quoi les rapports de la Cour des comptes ou les rapports d'information de la commission des finances du Sénat - leurs analyses, leurs recommandations - participent-ils à la réforme de l'Etat et à la performance publique ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons souhaité innover en demandant à la conférence des présidents l'inscription périodique de débats, afin que le ministre en charge des sujets ayant fait l'objet d'un rapport d'information veuille bien nous dire où il en est, les décisions qu'il a prises et les résultats qu'il en attend. C'est pour nous une exigence forte : si nous ne transformons pas l'expression parlementaire, nous risquons de faciliter l'instruction du procès du Parlement et de nous rendre complices des dysfonctionnements de l'Etat.

Par conséquent, il est de notre devoir d'exprimer avec force cette exigence et d'en tirer les conséquences, faute de quoi, mes chers collègues, nous n'accomplirions qu'à moitié la mission que nous avons l'honneur d'exercer.

Cela suppose des séances publiques comme celle qui a lieu aujourd'hui, aussi interactives que possible. A cet égard, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir accepté d'écrire avec nous une nouvelle partition et d'autres modalités de discussion.

Je vous remercie également des réponses que vous nous avez apportées, notamment sur la constitution et l'évolution du capital de la SOPEXA. Il n'est pas douteux, compte tenu des réserves qui figurent dans son bilan, qu'il suffirait d'une simple impulsion pour que l'on cesse de dire de la SOPEXA qu'elle est sous-capitalisée. Il n'y aurait donc aucun inconvénient, monsieur le secrétaire d'Etat, à ce que cette question soit réglée dans les jours à venir.

Ce qui nous paraît redoutable, c'est l'inertie de la sphère publique. Nous avons compris la logique que vous avez développée : elle rejoint totalement les préconisations des rapporteurs. Pour autant, n'y a-t-il pas, à la lisière de l'Etat et de l'économie marchande, des hésitations ? Des engagements sont pris, qui peinent à être suivis d'effet. En vous écoutant, monsieur le secrétaire d'Etat, je me demandais s'il ne faudrait pas non pas faire le procès du contrôle d'Etat, mais s'interroger sur son utilité.

Nous avons voté une nouvelle loi organique relative aux lois de finances qui pose les principes de substituer à la régularité de la défense publique son efficacité et de remplacer le contrôle a priori par le contrôle a posteriori : après avoir fixé des objectifs, après les avoir discutés et validés, on juge les résultats obtenus.

On ne porte pas une appréciation a priori. : le contrôle a priori bloque la machine et déresponsabilise les acteurs. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous participez à des comités interministériels ; il faudrait essayer de faire prévaloir l'idée que le contrôle d'Etat est une formule dépassée et qu'il serait peut-être préférable de regrouper les contrôleurs d'Etat dans un corps d'auditeurs qui exerceraient des fonctions de contrôle et d'audit a posteriori. Les relations que le contrôleur d'Etat entretient avec les dirigeants de la société sont souvent singulières et difficiles. J'ai à l'esprit maints exemples de tensions tout à fait inutiles, qui ont conduit à un gaspillage d'intelligence et d'énergie.

Je me permets d'insister sur ce point, car il y a là un facteur d'inertie dans l'administration des entités, en l'occurrence des sociétés, puisqu'il s'agit ici d'une société anonyme. Cette inertie est préjudiciable à la dimension opérationnelle que vous avez soulignée dans votre conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat.

L'intérêt des conventions pluriannuelles a été évoqué, mais qu'en est-il de la convention pour 2005, monsieur le secrétaire d'Etat ? J'ai entendu dire qu'à ce jour la convention entre l'Etat et la SOPEXA n'était toujours pas formalisée. Si tel est le cas, vous conviendrez que la situation n'est pas conforme aux propos que vous avez tenus tout à l'heure à la tribune du Sénat.

Vos services vous indiquent peut-être que tout va bien, mais chacun sait que le diable est souvent dans les détails. En général, les débats de ce type dans l'hémicycle nous donnent l'impression que tout va pour le mieux : « ça baigne » ! Les cabinets ministériels émettent des informations rassurantes, apaisantes, politiquement correctes.

Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, la convention pour 2005 est-elle ou non signée ? L'année est déjà largement engagée ! Comment peut-on assurer le bon fonctionnement d'une entreprise si un aléa pèse sur la relation entre ses gestionnaires et le principal bailleur de fonds ?

Avant de conclure, j'insiste une nouvelle fois sur le fait que nous innovons. A cet égard, je salue la présence dans l'hémicycle de nos collègues nombreux (Sourires.) ; ils sont les acteurs et les témoins d'un nouveau processus, que la commission des finances aimerait voir se développer. Car nous devons avoir le souci de nous rapprocher de la réalité pour combler le fossé qui s'est creusé, semble-t-il, entre nos concitoyens et ceux qui assurent la conduite des affaires publiques. Cela permettra d'éclairer les décisions à prendre pour améliorer la performance de l'action publique.

Certes, c'est toute une dimension ludique qui risque de s'estomper. Mais nous y gagnerons en efficacité et, sans doute, en crédibilité. C'est pourquoi j'invite tous ceux qui ont participé à ce débat à soutenir la commission des finances dans son souhait de voir se multiplier des auditions de ce type. Le présent débat a été rendu possible grâce à la bonne volonté de M le secrétaire d'Etat, que je tiens à remercier une fois de plus. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission, à titre personnel et en tant qu'ancien parlementaire, je souscris totalement au nouveau processus que le Sénat a souhaité mettre en oeuvre. Et je le fais d'autant plus volontiers comme membre du Gouvernement que ce serait déroger aux bonnes relations entre le Gouvernement et le Parlement, ainsi qu'à la tradition républicaine, que de ne pas accepter de venir me soumettre aux questions du Sénat.

Cela étant, j'adhère -  et je crois que tel est le cas du Gouvernement tout entier - à l'objectif que vous vous fixez d'améliorer les possibilités d'exercice de la mission de contrôle du Parlement. C'est effectivement l'une de ses deux grandes missions.

Ces débats, qui sont des mises en lumière et, disons-le, des coups d'aiguillon, sont également utiles pour le bon fonctionnement de l'exécutif et de l'administration.

Vous avez évoqué deux points qui figuraient d'ailleurs en filigrane dans les questions des rapporteurs et de M. Soulage.

Le premier point concerne l'inertie de la sphère publique. Le fonctionnement de celle-ci repose effectivement sur la présence d'un contrôleur d'Etat qui effectue un contrôle a priori : une fois les budgets établis, les arbitrages définitifs rendus, le contrôleur d'Etat débloque les choses au fur et à mesure. Cela entraîne, vous l'avez dit, un gaspillage, un manque d'efficacité, alors que les pays partenaires ou concurrents ont mis en place des systèmes beaucoup plus souples.

La LOLF permettra de changer cette logique. La réforme que nous conduisons pour la SOPEXA, et qui s'appuie largement sur les propositions du Sénat, donnera la possibilité de revenir sur cette démarche. L'un des objectifs de la sortie de l'Etat du capital de la SOPEXA, à l'exception de l'action symbolique que conservera UBIFRANCE, est de donner de l'oxygène à la société, afin qu'elle ne subisse plus le poids de cette inertie, d'autant qu'elle reste soumise aux mêmes règles que les autres.

Je souhaite donc, comme vous, que la réforme soit mise en oeuvre le plus rapidement possible. En revanche, dans la mesure où l'Etat subventionnera et apportera un concours public important, Il va de soi qu'un audit régulier devra être réalisé a posteriori.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Vous le voyez, monsieur le président de la commission, nos positions se rejoignent tout à fait. Vous avez eu raison d'insister sur ces points et je pense que votre contribution aidera le Gouvernement à avancer plus vite encore dans cette réforme.

Par ailleurs, vous m'avez posé la question de savoir si la convention pour 2005 était signée. Vous savez mieux que quiconque que des mises en réserve figurent dans le budget et qu'elles donnent lieu à des discussions pour décider des postes qui seront concernés.

Le Président de la République a souligné l'importance qu'il attachait aux actions de promotion et de soutien à l'exportation de nos produits agricoles et agroalimentaires. Dominique Bussereau et moi-même avons donc souhaité que les crédits affectés à la SOPEXA ne fassent pas l'objet de mise en réserve budgétaire. Cela supposait que les arbitrages définitifs aient été rendus. Ceux-ci viennent d'intervenir : il n'y aura pas de mise en réserve sur le budget de la SOPEXA, soit 14 millions d'euros, plus 2 millions d'euros figurant sur une autre ligne budgétaire. L'effort public en faveur de la SOPEXA sera donc intégralement maintenu.

La convention ne pouvait être signée avant d'avoir obtenu les arbitrages nécessaires. C'est maintenant chose faite et la signature interviendra dans les jours à venir, en tout cas, je l'espère, début avril.

Je tiens à vous faire remarquer, monsieur le président de la commission, que la convention pour 2004 avait été signée au mois de juin.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est remarquable !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Nous avons donc réalisé de sérieux progrès, qui nous permettent de nous montrer très optimistes pour l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Chacun aura pu constater l'utilité de cet échange direct au Sénat.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il n'est pas dans mon intention de prolonger le débat ni d'abuser de l'écoute de M. le secrétaire d'Etat, mais il faut être positif.

En 2004, la signature de la convention a eu lieu au mois de juin. N'est-ce pas formidable, pour une société qui se veut opérationnelle, d'avoir la confirmation des engagements du principal bailleur de fonds au mois de juin ? C'est une situation franchement scandaleuse ! J'exagère peut-être en utilisant ce terme, mais on ne peut pas gérer une société avec autant d'incertitudes.

Certes, en 2005, le progrès réalisé est considérable, puisque la convention sera signée au mois d'avril. Mais convenez, monsieur le secrétaire d'Etat, que tous ces atermoiements au sein de la sphère publique au sujet des gels de crédits altèrent en partie les engagements que vous prenez à la tribune. Les arbitrages doivent intervenir plus rapidement, car une telle situation ne peut pas durer.

Ces moments de rencontre et de dialogue, où la spontanéité l'emporte sur l'aspect formel, sont nécessaires, car, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, nous courons le risque d'avoir des échanges convenus. Je souhaite que nous fassions preuve d'une plus grande conviction, car c'est à ce prix que nous parviendrons, au-delà de l'hémicycle, à faire partager nos analyses et à faire bouger l'Etat. Ainsi, nous donnerons à la France la possibilité de tirer profit de l'ensemble de ses atouts. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Je partage les propos que vient de tenir le président Jean Arthuis et je suis heureux que ce débat ait eu lieu ; il aidera le Gouvernement à avancer.

S'agissant de la signature de la convention avec la SOPEXA, je comprends votre point de vue, monsieur le président de la commission. Certes, la situation n'est pas normale et notre objectif est d'en sortir. Cela étant, je vous fais tout de même observer que la SOPEXA n'avance pas totalement à l'aveugle : elle a le soutien de l'Etat.

Mais, effectivement, plus tôt nous aurons défini clairement les moyens, sur une base pluriannuelle offrant une meilleure visibilité, plus grande sera l'efficacité des personnels de la société. C'est cet objectif que nous nous sommes fixé, même si la SOPEXA fonctionne : elle sait, en effet, qu'avec les réserves dont elle dispose et compte tenu des engagements de l'Etat, elle ne sera pas abandonnée en cours de route. Mais il nous faut pouvoir anticiper.

Si le présent débat pouvait donner une ultime impulsion pour nous permettre d'aboutir rapidement sur ce dossier, j'en serais très heureux, tout comme vous, me semble-t-il. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Le débat est clos.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Michèle André.)

PRÉSIDENCE DE Mme MichÈle AndrÉ

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

Mme la présidente. M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les conditions d'utilisation du produit des amendes engendrées par les infractions au code de la route, en application de l'article 10 de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

4

CANDIDATURES À des organismes extraparlementaires

Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de quatre organismes extraparlementaires.

Les commissions des affaires culturelles, des affaires sociales et des finances ont fait connaître leurs candidats.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

5

RAPPEL AU RÈGLEMENT

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon rappel au règlement concerne l'organisation de nos travaux : celle-ci est conforme au règlement du Sénat, mais je tiens à attirer votre attention sur une bizarrerie.

Dans le cadre de l'ordre du jour réservé, nous allons discuter de deux propositions de loi émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen. Or la majorité sénatoriale, qui organise le débat, a nommé un rapporteur au sein de sa majorité. Le texte dont nous allons débattre aujourd'hui est donc bien éloigné des deux propositions de loi déposées par les deux groupes de l'opposition.

Certes, ce fonctionnement n'est pas une anomalie, mais il pose problème. C'est pourquoi je profite de ce débat pour suggérer que nous discutions, mes chers collègues, de notre règlement et de la façon dont le Sénat, contrairement à l'Assemblée nationale, traite l'initiative parlementaire.

Mme la présidente. Le règlement prévoit que le Sénat délibère sur des propositions de la commission.

M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Absolument !

Mme la présidente. Votre intervention concerne plus l'évolution du règlement du Sénat que l'organisation du débat d'aujourd'hui. Nous pourrons en tenir compte.

Cela étant, je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame Borvo Cohen-Seat.

6

PRÉvention et rÉpression des violences au sein du couple

Discussion des conclusions modifiées du rapport d'une commission

(Ordre du jour réservé)

 
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. additionnel avant l'art. 1er

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 228, 2004-2005) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :

- la proposition de loi tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression, présentée par MM. Roland Courteau, Jean-Pierre Bel, Mmes Michèle André, Gisèle Printz, M. Serge Lagauche, Mmes Yolande Boyer, Monique Cerisier-ben Guiga, Claire-Lise Campion, Jacqueline Alquier, MM. Claude Lise, Yannick Bodin, Mme Josette Durrieu, MM. David Assouline, Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Jean Besson, Mme Marie Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Didier Boulaud, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Michel Charasse, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Yves Dauge, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontes, MM. Jean Desessard, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Bernard Dussaut, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Odette Herviaux, Mme Sandrine Hurel, MM. Alain Journet, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Serge Larcher, André Lejeune, Louis Le Pensec, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel , Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente, M. Claude Saunier, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André Vézinhet, Marcel Vidal, Mme Dominique Voynet et M. Richard Yung (n° 62),

- et la proposition de loi relative à la lutte contre les violences au sein des couples, présentée par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Hélène Luc, Annie David, Eliane Assassi, M. François Autain, Mme Marie-France Beaufils, MM. Pierre Biarnès, Michel Billout, Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera et Jean-François Voguet. (n° 95).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur de rapporter devant vous les deux propositions de loi qui ont été déposées, l'une, par M. Roland Courteau et ses collègues du groupe socialiste, l'autre, par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen. La commission des lois a essayé de reprendre, dans leur ensemble, ces deux propositions de loi relatives à la lutte contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples. Et comme vous l'avez indiqué, madame la présidente, le débat porte sur les propositions de la commission.

Madame la ministre, vous avez déposé, le 24 novembre 2004, un plan de lutte contre les violences faites aux femmes, axé sur les violences conjugales. Nous avons, à plusieurs reprises, tenu compte de vos suggestions, afin de présenter un texte cohérent sur le plan juridique et efficace quant à la lutte contre ce fléau.

Aujourd'hui, il est effectivement difficile de prendre la mesure d'un phénomène qui est sous-estimé par les statistiques policières ou judiciaires. Les victimes sont en effet souvent hésitantes à se manifester. Toutefois, l'enquête nationale réalisée sur la violence envers les femmes en France a souligné que la violence contre la femme au sein du couple reste présente, et ce dans tous les milieux.

Depuis 1995, on assiste à une augmentation significative du nombre de condamnations en matière de violences sur le conjoint ou sur le concubin. Il est intéressant de noter la nette prépondérance du nombre des violences n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail, une ITT, supérieure à huit jours. Mais, compte tenu de la réticence des victimes à porter plainte, les chiffres sont inférieurs à la réalité.

Mes chers collègues, les raisons de ces violences sont multiples : l'alcoolisme, les relations extraconjugales, les décalages sociaux.

L'arsenal juridique existant est déjà important et rigoureux.

Le nouveau code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 a prévu la qualité de conjoint ou de concubin de la victime comme circonstance aggravante dans quatre hypothèses : tortures ou actes de barbarie, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours.

En outre, la qualité de conjoint ou de concubin représente - il est important de le souligner - l'un des éléments constitutifs du délit de violence n'ayant pas entraîné une ITT supérieure à huit jours.

Enfin, la loi du 26 mai 2004 relative au divorce prévoit l'éloignement du conjoint violent.

Toutefois, l'application judiciaire de l'arsenal juridique, dont je viens de rappeler les dispositions les plus importantes, est difficile.

Compte tenu du principe de l'opportunité des poursuites, les directives des parquets sont disparates d'un parquet à l'autre. Le critère de l'ITT apparaît déterminant dans l'orientation de la procédure. Lorsque l'ITT est importante, le conjoint violent est déféré au parquet immédiatement après sa garde à vue. Mais lorsque l'ITT est plus réduite, on recourt généralement à une médiation pénale, qui se traduit par un faible nombre de poursuites sur le plan judiciaire.

Or la notion d'ITT présente certaines incertitudes : elle est subjective, elle n'est définie par aucun texte et elle est appliquée d'une manière parfaitement hétérogène. A cet égard, nous ne pouvons que saluer la parution, en septembre 2004, d'un guide de l'action publique, élaboré sous l'égide du garde des sceaux à l'intention des parquets, afin d'harmoniser les poursuites.

Il convient également de noter que les sanctions prononcées restent très en deçà des maximums légaux prévus par la loi. Par exemple, en cas d'ITT supérieure à huit jours, la durée moyenne des peines d'emprisonnement ne dépasse pas, en général, six mois de prison, alors que l'application de la circonstance aggravante pourrait porter cette peine à un maximum de cinq ans de prison.

Le viol entre conjoints est faiblement puni, comme si le contexte du couple justifiait des circonstances atténuantes.

C'est dans ces conditions que les deux propositions de loi dont nous discutons aujourd'hui ont été déposées. Elles comportent un volet répressif : trois ans de prison s'agissant des violences physiques ou psychologiques commises de manière habituelle ; aggravation de la peine étendue aux anciens conjoints ; reconnaissance du viol entre époux ; extension de l'aggravation de la peine aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité, le PACS.

Ces deux propositions de loi contiennent également de nombreuses mesures en matière de prévention, de formation et d'aide aux victimes. Ces dernières dispositions visent à faciliter le recours à l'aide juridique et à permettre le recours à la commission d'indemnisation pour réparation des dommages causés à la victime. Sont aussi prévues des mesures spécifiques dans le cadre du contrôle judiciaire, ainsi que des dispositions tendant à faciliter la procédure pour que les associations puissent se porter partie civile.

Il est bien évident que toutes ces mesures sont importantes et méritent d'être soutenues, mais le législateur ne peut les retenir toutes ; je vous en exposerai les raisons tout à l'heure.

L'acte violent au sein du couple, ce dernier devant procurer la sécurité et favoriser le respect mutuel, contredit profondément les valeurs sur lesquelles se fonde notre société.

Au terme des auditions organisées par la commission, deux constats peuvent être dressés : tout d'abord, ces violences restent présentes dans notre société et justifient une mobilisation de la communauté nationale tout entière ; ensuite, ces faits de violence présentent une spécificité liée à la relation de dépendance matérielle et psychologique.

Certes, la réponse pénale ne constitue qu'un volet de l'action qu'il est nécessaire de mener, mais elle peut avoir un rôle dissuasif et protéger la victime. Or notre droit actuel présente des lacunes.

Au vu du contenu des mesures figurant tant dans les deux propositions de loi que dans le plan de lutte contre les violences faites aux femmes, la commission a retenu six actions principales.

Premièrement, il s'agit de définir, dans la partie générale du code pénal, la circonstance aggravante liée à la commission d'infraction au sein du couple. Mais, bien entendu, la circonstance aggravante ne s'appliquerait qu'aux infractions expressément prévues par le législateur.

Deuxièmement, conformément aux deux propositions de loi, il convient d'élargir aux pacsés la circonstance aggravante, qui est aujourd'hui limitée au conjoint et au concubin. Le pacsé est bien évidemment un concubin, mais il est préférable de l'inscrire clairement dans la loi.

Troisièmement, toujours conformément aux deux propositions de loi, il importe d'étendre la circonstance aggravante aux faits commis par les anciens conjoints, les anciens concubins et les anciens pacsés.

Madame la ministre, mes chers collègues, en commission, nous avons débattu de la question de savoir si, lorsque le couple a pris fin, cette circonstance aggravante doit perdurer ou doit être limitée dans le temps. Les personnes que nous avons auditionnées ont indiqué que les violences sont en général commises après la rupture, alors que le couple est encore fragile sur le plan émotif, psychologique, et que se posent les problèmes de garde d'enfant, de paiement de pension alimentaire. Il nous a été recommandé par des magistrats de limiter les effets de cette circonstance aggravante à une durée de cinq ans suivant la rupture.

La commission des lois a tout d'abord pensé qu'il ne fallait pas fixer de limitation dans le temps. Puis, elle a pris position sur un amendement dont nous débattrons tout à l'heure et dans lequel la circonstance aggravante peut être retenue jusqu'à ce que le dernier enfant a atteint sa majorité.

Toutefois, il y a là matière à débat : la circonstance aggravante doit-elle être maintenue lorsque le couple a rompu depuis plus de vingt ou trente ans ? Si le point de départ de la rupture est facile à déterminer en cas de mariage, c'est plus difficile en cas de concubinage. Le débat aura lieu lorsque nous discuterons les amendements.

Quatrièmement, nous proposons de corriger une erreur assez curieuse : la circonstance aggravante ne jouait pas en cas de meurtre ; nous avons donc réparé cet oubli.

Cinquièmement, faut-il incriminer ou non le viol au sein du couple dans le code pénal ?

Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité insérer une disposition portant sur le viol au sein du couple dans le code pénal.

Pendant très longtemps, le viol n'a pas été défini, si ce n'est par la jurisprudence et la doctrine qui considéraient qu'il s'agissait d'une conjonction charnelle d'un homme et d'une femme contre le gré de cette dernière. La jurisprudence ajoutait que, à partir du moment où il y avait devoir de cohabitation, il ne pouvait y avoir viol dans le couple, sauf en cas de coups et blessures.

Or, en 1980, à l'occasion des modifications dont a fait l'objet le code pénal, le viol a été défini d'une manière très précise. Par ailleurs, en 1990, la Cour de cassation a très clairement jugé que le viol entre époux était réprimé par le texte de 1980. Aujourd'hui, la Cour de cassation a pris position : elle considère que la loi du 23 décembre 1980 s'applique au viol commis au sein du couple, qu'il s'agisse d'un couple légale marié, d'un couple en concubinage ou d'un couple pacsé.

Compte tenu d'une telle jurisprudence, fallait-il être redondant et inclure une nouvelle disposition dans le code pénal alors que le viol est déjà visé dans ledit code ?

Après débat, la commission a considéré que le code pénal devait jouer un rôle dissuasif et clarificateur. En effet, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, la police et les tribunaux considèrent toujours le viol au sein du couple comme affecté d'une circonstance atténuante : c'est la raison pour laquelle il est moins réprimé qu'il ne devrait l'être.

Ainsi, il nous a semblé salutaire et nécessaire, dans un but dissuasif et éducatif, de prévoir que la commission du viol au sein du couple ne devait pas être affectée de la circonstance atténuante, et ce quelle que soit la nature du couple. Nous proposons donc d'ajouter cette précision à la suite de l'article du code pénal réprimant le viol, ce qui va dans le sens des deux propositions de lois qui nous étaient soumises.

Sixièmement, nous avons suivi les suggestions des auteurs des deux propositions de loi en permettant au juge, d'une manière très claire et très précise, d'interdire à l'époux ou au conjoint violent de retourner au domicile conjugal.

Aujourd'hui, la loi donne au juge la possibilité d'interdire la présence du conjoint en tel ou tel lieu, mais il n'est pas prévu qu'il puisse interdire l'accès au domicile conjugal, et les tribunaux font toujours preuve d'une certaine réticence dans la mesure où il s'agit du domicile conjoint. C'est pourquoi nous avons proposé, conformément à la demande des auteurs des deux propositions, de permettre au juge d'interdire au conjoint violent l'accès au domicile conjugal.

Ainsi, en ce qui concerne le volet répressif et l'augmentation des peines, la commission a retenu dans ses conclusions presque toutes les dispositions des deux propositions de loi émanant du groupe CRC et du groupe socialiste, y ajoutant les précisions que je viens de décrire.

Il est vrai que nous n'avons pas retenu certaines des propositions qui nous étaient présentées par les auteurs de ces deux textes.

Mme Hélène Luc. Ça c'est vrai !

M. Henri de Richemont, rapporteur. Je vous en donne acte !

Que les choses soient claires  : nous ne les avons pas retenues, non pas parce que nous ne sommes pas d'accord, mais parce que ces propositions n'ont pas à figurer dans une loi ou parce qu'elles visent un objectif moins élevé que les dispositions que nous proposons par ailleurs.

Ainsi, en ce qui concerne la formation et l'information, vous avez proposé, mes chers collègues, de fixer une journée spécifiquement dédiée à la lutte contre les violences conjugales. Dans la mesure où il y a déjà des journées consacrées aux femmes, cela ne nous a pas paru fondamental ; je crois que vous serez d'accord avec nous sur ce point.

En ce qui concerne l'aide aux victimes, nous n'avons pas retenu les dispositions qui nous étaient proposées...

Mme Hélène Luc. C'est bien dommage !

M. Henri de Richemont, rapporteur. ...parce que, dans la quasi-totalité des cas, l'objectif recherché était déjà satisfait par des dispositions actuelles.

Nous n'avons pas retenu l'incrimination de violences habituelles ou psychologiques. Pourquoi ? Parce que les violences dans le couple sont, ipso facto, des violences habituelles.

Par ailleurs, en ce qui concerne les violences psychologiques, il est difficile d'établir la relation de causalité. La jurisprudence est claire en la matière : toute violence, qu'elle soit physique ou psychologique, tout acte commis afin d'atteindre la personne d'autrui doit être passible des peines prévues par la loi. La jurisprudence permet donc déjà de satisfaire les propositions contenues dans les deux textes sur lesquels nous avons travaillé.

Voilà donc, madame la ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, le contenu des conclusions que nous vous proposons d'adopter. Nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions afin de respecter l'esprit des auteurs des deux propositions de loi. Nous avons été, me semble-t-il, fidèles à leur contenu.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous n'avons pas retenu certaines de leurs propositions. En revanche, nous avons inséré d'autres dispositions pour renforcer l'arsenal législatif parce que, face au fort, il faut se montrer encore plus fort. En présence de l'inacceptable, nous croyons, par-dessus tout, à la vertu de l'indignation ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. le représentant de la délégation aux droits des femmes.

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, saisie des deux propositions de loi que nous examinons aujourd'hui, a procédé à dix auditions, dont la vôtre, madame la ministre, ainsi que celles du directeur général de la police nationale, du directeur des affaires criminelles et des grâces, de responsables de la direction générale de la santé et de responsables d'associations. Sa réflexion a été sous-tendue par l'idée que le domicile conjugal ne devait plus échapper à la loi, ni être un lieu de non-droit, en particulier pour les femmes.

La délégation a pu constater combien les violences au sein du couple étaient une réalité longtemps occultée mais dont l'ampleur est aujourd'hui bien établie.

Il faut se réjouir de ce que la loi du silence soit aujourd'hui brisée. Si les violences au sein du couple ont longtemps été tues, du fait, à la fois, d'une grande tolérance de la société et de la honte ressentie par les victimes, à tel point qu'elles paraissaient presque comme un phénomène naturel, le problème est maintenant connu et reconnu.

Des éléments concordants montrent que l'opinion publique est aujourd'hui relativement bien informée de la réalité de ce type de violences, du reste dénoncées en 2004 par un rapport d'Amnesty International. D'un sondage Eurobaromètre commandé par la Commission européenne, il ressort que, en 1999, 96 % des citoyens de l'Union européenne avaient connaissance de l'existence de ces violences et que 76 % les jugeaient assez ou très répandues.

Les violences au sein du couple sont par ailleurs dénoncées au niveau international, tant par l'ONU, qui a adopté une convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en décembre 1979 ainsi qu'une déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes en décembre 1993, que par le Conseil de l'Europe et les institutions communautaires.

J'ai volontairement inclus ce passage dans mon intervention pour montrer combien de temps était nécessaire, tout d'abord, à une prise de conscience, puis, après un cheminement, à l'évolution des mentalités : pour que nous arrivions à parler de toutes les formes de discrimination entre les hommes et les femmes, il a fallu vingt-six ans ! Nous avons un important rattrapage à opérer.

Les violences au sein du couple constituent un véritable problème de santé publique. Le rapport de février 2001 du professeur Henrion, dont je salue le travail remarquable, indique même que les violences au sein du couple constituent l'une des principales causes de mortalité des femmes entre seize et quarante ans !

Si les résultats statistiques disponibles mettent en évidence une dramatique « banalité » des violences au sein du couple, celles-ci n'en restent pas moins mal appréhendées.

Selon l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, l'ENVEFF, réalisée en 2000, 10 % des femmes interrogées auraient été victimes de violences conjugales, qu'elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles. Permettez-moi de dire que ce chiffre de 10 % se situe bien en dessous de la réalité !

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Madame la ministre, je tiens à insister sur les violences psychologiques, qui, certes, sont quasiment impossibles à chiffrer, sauf peut-être par les victimes, mais dont les effets sont potentiellement dévastateurs pour les femmes comme pour les hommes.

M. Roland Courteau. Destructeurs !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cette violence psychologique mine d'autant plus qu'elle est exercée de façon répétée. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point à l'occasion de l'examen des amendements.

En effet, il est insupportable de penser que, chaque jour, des millions de femmes sont agressées, insultées de façon répétée : il s'agit en fait de la destruction d'un être humain !

On va me dire que les violences psychologiques ne sont pas quantifiables juridiquement ! Aujourd'hui, nous pouvons, me semble-t-il, appréhender scientifiquement le problème.

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. Roland Courteau. Très juste !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. C'est compliqué, certes, mais ce n'est pas une raison pour rester inactifs ! Telle est ma conception profonde.

En ce qui concerne les violences physiques, les lieux publics sont beaucoup plus sûrs pour les femmes que le couple, qui constitue le contexte de plus de la moitié des brutalités physiques commises sur les femmes et de 41 % des tentatives de meurtres dont elles sont l'objet. La situation est, du reste, similaire pour les violences sexuelles. L'ENVEFF a également souligné la part non négligeable des anciens conjoints ou concubins parmi les agresseurs.

Les violences au sein du couple sont très répandues, mais la mesure du phénomène est très difficile.

Ainsi les statistiques donnent-elles des informations éparses. Celles de la police et de la justice ne présentent qu'une infime proportion des violences au sein des couples, exprimées en dizaines de milliers. Encore leur fiabilité est-elle perfectible.

Rappelons que l'outil statistique du ministère de l'intérieur, l'état 4001, ne donne pas d'informations sexuées et ne permet pas d'isoler les violences au sein du couple.

Le nombre limité des dépôts de plainte et le faible intérêt des pouvoirs publics pour l'étude de cette forme de violence pendant de nombreuses années expliquent en partie cette situation. Actuellement, il n'existe d'ailleurs aucune information ni même aucune estimation sur l'évaluation du coût économique et social des violences dont les femmes sont victimes. C'est impensable quand on connaît l'ampleur que revêt ce drame dans nos sociétés. C'est pourtant la vérité !

La délégation a dès lors considéré que les violences au sein du couple constituaient un fléau de société qu'il convenait de combattre avec plus de détermination. Je connais celle dont vous faites preuve, madame la ministre.

De nombreux acteurs sont mobilisés pour lutter contre ces violences, mais ils doivent apprendre à travailler ensemble, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas. Les moyens existants dans notre pays sont importants - qu'ils viennent de l'Etat, des collectivités territoriales, des départements, des intercommunalités, des communes... -, mais ils demeurent insuffisamment mutualisés, ce qui entraîne une déperdition d'énergie et un traitement très inégal des situations selon les départements ou les services.

Si c'est à leur médecin que les femmes battues se confient le plus volontiers, le milieu médical ne possède pas nécessairement tous les éléments en termes de formation comme en termes juridiques pour traiter ce type de patientes.

Les personnels de police ont souvent été critiqués pour leur ignorance de cette forme de délinquance, voire pour leurs railleries quand une femme venait déposer plainte au commissariat - cela nous a été rapporté. Tous nos interlocuteurs ont néanmoins insisté - je tiens à le souligner - sur les progrès réalisés en matière d'accueil des victimes, lequel constitue une des priorités du Gouvernement, qu'il s'agisse du ministère de l'intérieur ou de votre ministère, madame la ministre. La charte d'accueil du 10 janvier 2004 et l'instruction ministérielle du 13 janvier 2005 pour une mobilisation accrue des services de sécurité dans la lutte contre les violences intrafamiliales ont ainsi porté l'accent sur la prévention de ce type de violences et sur la nécessité d'un professionnalisme accru des services de sécurité.

J'ai pu constater moi-même sur le terrain, lorsque nous nous sommes rendus au commissariat central de Tours, en tant que membres de la délégation, autour de Mme la présidente, les mesures concrètes prises pour mieux prendre en charge et accompagner les victimes : des bureaux d'aide aux victimes ont été installés dans des commissariats, des correspondants départementaux nommés, des permanences d'associations organisées, des travailleurs sociaux impliqués.

M. Roland Courteau. Il faut les généraliser !

Mme Gisèle Printz. Il n'y en a pas assez !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ces instruments sont relativement récents et doivent encore faire leurs preuves, mais la politique conduite à Tours a paru tout à fait intéressante et encourageante. C'est pourquoi nous souhaitons qu'elle se développe.

Sur le plan pénal, la qualité de conjoint ou de concubin de la victime constitue, depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994, une circonstance aggravante dans les cas suivants : tortures et actes de barbarie, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

A ces dispositions du code pénal, il convient bien sûr d'ajouter celles qui constituent des infractions pénales sans que la qualité de l'auteur soit prise en considération : le meurtre, les appels téléphoniques malveillants, la menace de commettre un crime ou un délit, la séquestration, etc. Seul le viol au sein du couple, même s'il a été reconnu par la Cour de cassation en 1990 et 1992, n'est pas visé par le code pénal.

Les violences infligées à une femme au sein du couple sont donc sévèrement sanctionnées. Encore faut-il que les faits de violences envers les femmes correspondent à ces qualifications pénales, qu'une plainte soit déposée, que les preuves existent et que les pratiques des parquets soient cohérentes, ce qui n'est pas toujours le cas, certains étant plus impliqués et innovants que d'autres.

C'est pourquoi, depuis peu, la priorité du ministère de la justice est de réduire au maximum les cas dans lesquels les victimes ne sont pas suffisamment écoutées et comprises. Les classements sans suite, dits « secs », doivent désormais, par principe, être proscrits en matière de violences au sein du couple.

De même convient-il d'harmonier les directives des procureurs de la République, en vue d'un meilleur traitement judiciaire de ce contentieux. Initiée lors de la réunion du Conseil national d'aide aux victimes du 21 octobre 2003 présidée par le ministre de la justice, cette politique a abouti à la constitution d'un groupe de travail pluridisciplinaire sur les violences au sein du couple, qui a élaboré un guide de l'action publique diffusé depuis le mois de septembre 2004 dans l'ensemble du réseau judiciaire.

Des marges de progression demeurent toutefois en ce qui concerne tant la répression et la prévention des violences que l'apport d'aides spécifiques aux victimes. Tel est précisément l'objet des conclusions de la commission des lois sur les deux propositions de loi débattues aujourd'hui.

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a, quant à elle, insisté sur cinq priorités.

Premièrement, l'approche juridique de la lutte contre les violences au sein du couple gagnerait à être plus cohérente.

Ainsi l'importance des retraits et parfois des nouveaux dépôts de plainte dans ce type d'affaires, ainsi que le principe de l'opportunité des poursuites expliquent-ils en partie le grand nombre de classements sans suite qui empêchent de sanctionner de telles violences. Il existe par ailleurs des décalages entre certaines dispositions du code pénal et certains articles du code de déontologie médicale, qui placent parfois les médecins devant un dilemme délicat : privilégier la prise en charge de leur patiente ou le respect du secret professionnel.

La délégation s'est fortement interrogée sur la pertinence du recours à la médiation pénale pour le traitement des situations de violences au sein du couple. En effet, la médiation ne paraît guère adaptée en cas d'agression. J'insiste, madame la ministre, car cela fut souligné à de nombreuses reprises. La violence au sein du couple relève moins d'un mode de résolution des conflits applicable à une « scène de ménage » que de la sanction d'une véritable agression subie par une victime.

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. L'égalité de traitement impliquée par la médiation pénale n'est pas de mise en matière de violences conjugales : il y a un agresseur et une personne agressée.

Mme Gisèle Printz. Tout à fait !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Deuxièmement, il faut développer la formation des acteurs de la lutte contre les violences au sein du couple.

Les auditions l'ont confirmé : les médecins ont parfois été réticents à aborder ces problèmes au cours de leur formation. Il semble en outre que la formation médicale continue devrait être privilégiée par rapport à la formation initiale, car le dépistage des violences requiert une grande maturité professionnelle et humaine.

La formation des policiers et des gendarmes a connu de réels progrès, mais il convient de combler d'éventuels écarts entre la théorie de la formation dispensée et la réalité constatée sur le terrain. Je pense, par exemple, au nombre de fonctionnaires ayant effectivement suivi une formation.

Un effort accru devrait également être porté en direction des magistrats, qui seraient davantage sensibilisés à la problématique des violences au sein du couple.

Enfin, contrairement à d'autres pays comme le Canada, il n'existe en France quasiment pas de structures permettant d'accueillir les hommes violents, structures dans lesquelles ceux-ci pourraient engager une réflexion sur leur comportement.

Troisièmement, la question de l'hébergement des victimes est centrale. La loi relative au divorce du 26 mai 2004 a introduit une disposition au troisième alinéa de l'article  220-1 du code civil permettant d'évincer du domicile conjugal l'époux violent, alors que, paradoxalement, la victime devait, dans la très grande majorité des cas, quitter le domicile conjugal pour sa sécurité et celle de ses enfants, se retrouvant ainsi en situation de précarité. Une telle mesure pourrait être étendue aux autres formes de couple, concubinage et PACS.

En outre, les logements sociaux - en tant qu'ancien président de l'office départemental d'HLM de la Charente-Maritime, je parle en connaissance de cause ! - seraient en nombre insuffisant pour répondre aux besoins de relogement des victimes.

Quatrièmement, il faut se pencher sur le sort des enfants. Les violences au sein du couple ont forcément de graves conséquences sur l'éducation des enfants. Ils sont souvent traumatisés et leurs résultats scolaires s'en ressentent. Parfois, ils sont aussi les « victimes collatérales » des agressions visant leurs mères ou sont placés au centre d'une relation de chantage. Dans certains cas, suivant l'« exemple » de leur père, ils peuvent même devenir violents à leur tour et agresser leur mère. J'ai récemment eu le témoignage d'une situation semblable.

D'une manière générale, on ne peut s'étonner de la violence juvénile dans les cités, à l'école ou dans la vie privée quand 10 % des femmes sont victimes de violences conjugales. Une telle situation entraîne bien souvent une reproduction mimétique de la violence.

Cinquièmement enfin, la bataille contre les violences au sein du couple ne pourra être remportée sans un changement des mentalités. Il faudrait déconsidérer les hommes qui frappent leur femme, un peu comme ont été déconsidérés, avec des résultats tangibles, les personnes qui commettaient des excès de vitesse avec de graves conséquences. Une telle stigmatisation a porté ses fruits ! Une grande campagne d'information, conduite avec l'ensemble des partenaires, paraît donc indispensable.

La délégation a adopté dix-huit recommandations, dont certaines visent des modifications législatives, comme le relèvement à dix-huit ans de l'âge du mariage pour les jeunes filles. Nous aborderons cet important problème par voie d'amendements. Ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam a d'ailleurs déposé en ce sens une proposition de loi relative à l'harmonisation de l'âge minimal du mariage pour l'homme et pour la femme que j'ai cosignée.  

Je ne peux que me réjouir de ce que la délégation et la commission des lois soient tombées d'accord sur les points suivants : sur l'extension au partenaire d'un PACS de la circonstance aggravante en cas de violences commises par le conjoint ou le concubin de la victime ; sur l'aggravation des peines pour les violences commises par les « ex », anciens conjoints, anciens concubins et anciens pacsés ; sur l'introduction dans le code pénal du viol au sein des couples ; sur un dispositif d'éloignement du conjoint violent du domicile du couple.

Je conclurai en insistant sur la nécessité pour le Gouvernement, compte tenu de l'importance de l'enjeu, de réserver au Parlement la primeur de la présentation des résultats de la politique engagée.

Madame la ministre, je veux vous rendre hommage pour le travail que vous accomplissez avec énergie, avec conviction et, souvent, avec des moyens insuffisants.

Mme Hélène Luc. C'est vrai !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Soyez convaincue que la délégation aux droits des femmes, dans son ensemble, vous aidera avec toute son énergie et toute sa conviction pour résoudre le problème que les deux propositions de loi déposées par nos collègues...

Mme Nicole Bricq. Pourquoi ne pas les citer ?

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. ...nous permettent d'évoquer aujourd'hui. Je puis vous assurer que nous mettrons tout en oeuvre non seulement pour vous aider, mais aussi pour obtenir rapidement des résultats.

A responsabilités égales dans une entreprise, les femmes perçoivent encore un salaire 20 % moindre que les hommes : est-ce correct, est-ce honnête dans un pays comme le nôtre ?

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Et il faudrait encore dix ans pour rattraper ce retard ? Ce n'est pas possible ! Nous devons lutter ensemble pour que cet écart soit comblé dans les délais les plus brefs, au plus tard dans cinq ans. Je vous en conjure : réparons ces erreurs ; elles peuvent l'être rapidement ! Faisons-le avec détermination, avec conviction,...

Mme Hélène Luc. Et avec des moyens !

M. Roland Courteau. Vous êtes au pouvoir !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. ...avec toute le respect que l'on doit à la gent féminine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.- Mme Hélène Luc et M. Jean-Claude Frécon applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, oui, la France avance résolument sur la voie de l'égalité entre les hommes et les femmes, et cette marche vers l'égalité commence par la lutte contre toutes les violences, quelles qu'en soient la forme, la nature et l'expression.

Pour une cause aussi juste, dans un domaine aussi fondamental que les droits attachés à la dignité de la personne humaine, chaque étape est un progrès.

L'initiative qui nous réunit aujourd'hui, tout à fait louable, n'est ni un commencement ni un aboutissement. Elle s'inscrit dans un continuum juridique, je dirais même dans un processus historique, dans la mesure où ce changement culturel, que nous appelons tous de nos voeux, est déjà engagé.

Le Gouvernement souhaite l'accueillir d'une manière positive. Je tiens donc à féliciter M. Roland Courteau et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat,...

Mme Nicole Bricq. Je vous remercie de les nommer !

Mme Nicole Ameline, ministre. ... la commission des lois et son président d'avoir saisi le Gouvernement de cette proposition de loi.

La première réponse à la violence réside en effet dans le droit. Notre volonté, clairement affirmée, est de renforcer par de nouvelles avancées, législatives ou réglementaires, la capacité des victimes à agir en justice.

C'est une question essentielle de dignité, de retour à soi, à l'autonomie. Car nos politiques doivent toujours, au-delà de l'assistance nécessaire, servir la liberté et la responsabilité.

Comment dès lors, au moment où s'affirme une conscience claire de son enjeu humain, social, mais aussi de son incidence en termes de santé publique, ne pas être ouvert à une initiative qui s'inscrit pleinement dans l'urgence constatée et dans une démarche gouvernementale qui s'est traduite depuis deux ans par une véritable politique : avancée législative, mise en place d'un plan en dix mesures ?

Dois-je rappeler, en effet, que le Gouvernement a intégré la démarche de l'égalité au sens où elle est devenue une dimension naturelle, oserais-je dire ordinaire, de l'action politique ? Chaque ministre est, dans sa sphère de compétences, engagé dans la mise en oeuvre concrète, dans les domaines juridiques et politiques, de ce qui nous rassemble aujourd'hui.

Je remercie le Sénat de partager cette analyse. Je salue la commission des lois, singulièrement son président, qui a, dans une approche de cohérence, retenu le socle commun de ces textes d'origine parlementaire.

Ainsi, les groupes politiques se rejoignent sur le caractère prioritaire à accorder à cette problématique et je me réjouis vivement de cette convergence d'objectifs.

Les propositions de loi synthétisées par la commission des lois constituent une ouverture législative sur laquelle le Gouvernement est prêt à s'appuyer pour poursuivre la mise en oeuvre d'une politique que nous souhaitons de plus en plus volontariste et partagée.

Jamais, sans aucun doute, les femmes n'ont été aussi proches de ce non collectif autant qu'individuel à la violence. Ce texte devrait contribuer à leur donner non seulement la volonté, mais aussi la conscience de leurs droits et la capacité à agir.

Certes, le droit ne suffit pas, comme l'ont souligné M. le rapporteur et M. le représentant de la délégation aux droits des femmes. Nous devons mettre en oeuvre, et nous le faisons déjà, des réseaux de solidarité nouveaux. Les associations, que je suis heureuse de saluer du haut de cette tribune, assument un rôle irremplaçable d'interface entre la société et l'humanité perdue. Mais nous devons aussi assurer la mobilisation en temps réel des moyens et des compétences qui s'imposent. Et comment, à cet égard, ne pas rappeler notre décision -  j'y reviendrai tout au long de cette discussion - d'engager plus encore les différents acteurs sociaux, notamment le monde judiciaire, dans cette lutte nécessaire contre un fait de société qui frappe l'ensemble des démocraties ?

Ma décision d'accroître le budget des associations de 20 % dans le prochain budget est la traduction de la reconnaissance de l'action qu'elles mènent sur le terrain.

Comment ne pas citer aussi l'engagement des élus, des conseillers généraux et des maires, sans oublier les services déconcentrés et les délégués départementaux et régionaux à l'égalité ?

Oui, la loi est dans son rôle lorsqu'elle réprime les violences au nom du respect de la dignité humaine, au nom de ces valeurs que nous affirmons partout dans le monde, de ce « socle de droits fondamentaux » au service de cet « irréductible humain », pour reprendre l'expression de M. Boutros Boutros-Ghali. Voilà ce qui doit inspirer nos actions dans le monde comme au sein de la démocratie française.

Ce sont ces valeurs qui ont construit l'Europe, étayé les traités, inspiré le droit et la jurisprudence communautaires, fondé les valeurs et les objectifs du nouveau traité européen portant Constitution.

Ce sont également ces valeurs qui animent tous les conseil des ministres en charge de ces questions.

C'est en se fondant sur ces principes que la France, avec ses partenaires européens, singulièrement l'Espagne, se situe au premier rang de ce combat.

Elle le fait de manière progressive et déterminée. La méthode du Gouvernement est claire : poursuivre une véritable politique de lutte contre les violences en s'appuyant sur tous les leviers. Comme cela a été dit, tout est lié dans notre société : faire progresser l'égalité salariale, c'est aussi donner plus d'assurance, plus de confiance aux femmes dans notre société.

Dès ma prise de fonction, la publication des chiffres noirs du rapport du professeur Henrion m'avait engagée à lutter de manière décisive contre l'archaïsme de certains comportements.

Déjà, en 1994, la circonstance aggravante de conjoint a été appliquée à certaines infractions de violence. Plus récemment, le 26 mai 2004, la loi portant réforme du divorce a instauré la mesure d'éviction du conjoint violent, qui a inversé la triste logique de l'errance ajoutée à la souffrance. Ces deux exemples illustrent pleinement votre volonté de jouer votre rôle dans ce travail d'édification législative.

Cette réglementation est, en outre, étayée par les initiatives de divers ministères telle la publication du guide de l'action publique « La lutte contre les violences au sein du couple », élaboré par Dominique Perben, qui a permis de créer une nouvelle politique pénale dans ce domaine.

Le 24 novembre dernier, à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, un palier important a été franchi avec le plan global de lutte contre les violences, qui comprend dix mesures pour l'autonomie des femmes. Ce plan a pour ambition - ambition partagée - de lever les obstacles que la révélation des faits de violences engendre, obstacles relatifs à l'hébergement, à l'accès aux soins et à la justice, aux aides matérielles, à l'emploi ou à la formation professionnelle.

C'est en apportant une réponse dans chacun de ces domaines que le plan accompagne les victimes dans leur retour à l'autonomie. J'ajoute que certaines des dispositions de vos propositions de loi figurent déjà dans le plan de lutte contre les violences.

La mise en oeuvre du plan est maintenant engagée, tant dans sa dimension réglementaire, puisque je viens de signer une première circulaire d'application, qu'au niveau législatif, puisque vous avez déjà comblé le vide juridique qui existait en matière de sexisme dans la loi sur la liberté de la presse ; il s'agit là d'un palier significatif.

La loi du 30 décembre dernier portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, renforce un contexte institutionnel déterminant.

Ces textes ont notamment permis de favoriser l'accès à la justice des associations concernées. Vous avez ainsi contribué à renforcer le droit, mais aussi la prise de conscience collective dont nous avons besoin. J'ajoute que, dans le cadre de mes fonctions, avec le Bureau de vérification de la publicité, le BVP, j'ai engagé un dialogue qui s'est traduit par un contrat permettant un renforcement de la déontologie professionnelle dans ce domaine.

Comment ne pas citer, à la tribune de la Haute Assemblée, l'initiative remarquable de Mme Gisèle Gautier, qui, lors d'un récent colloque sur la mixité, démontrait tout le poids de l'éducation dans l'apprentissage de cette culture nouvelle. Le meilleur rempart de la démocratie se trouve bien dans la présence de jeunes citoyens formés et responsables, dans le combat contre toutes les formes de stéréotypes et dans l'évolution des rôles sociaux, qui passe par l'autonomie renforcée des femmes.

Je salue à cet égard la remarquable contribution de la délégation du Sénat aux droits des femmes, et de sa présidente, à l'évolution de ces questions fondamentales. La délégation a notamment préconisé que 2006 soit déclarée année de lutte contre les violences au sein des couples dans les vingt-cinq États membres de l'Union.

Je salue le rapport éminent de M.  Jean-Guy Branger. La perspicacité de ses analyses et le bien-fondé de ses propositions ont permis d'approfondir et de conforter la vision du Gouvernement sur ces questions, s'agissant notamment du renforcement des dispositions pénales.

Je ne doute pas, puisque précisément nous nous situons, je l'ai déjà dit, dans un continuum législatif, que nous aurons à explorer les pistes ouvertes par ce rapport à d'autres moments. Pour ma part, je n'hésiterai pas à m'en inspirer largement.

J'en viens maintenant aux dispositions prévues dans les conclusions de la commission des lois.

Elles visent à instaurer, et c'est l'avancée principale, la qualité de conjoint, concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, un PACS, comme circonstance aggravante, en l'étendant aux anciens conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité.

Cette qualité entraînera une aggravation des peines pour les infractions visées par la loi comme le meurtre qui, jusqu'alors, échappait à cette aggravation. C'est là une disposition essentielle, attendue par les associations et que je préconisais dans le plan global de lutte contre les violences que j'ai proposé.

Certains agresseurs poursuivent même de leur vindicte leur ancienne compagne ou épouse. Nous aurons donc à débattre du délai pendant lequel jouera cette circonstance aggravante.

Le domicile n'échappe pas à la loi. Il doit incarner ce qu'il doit être, c'est-à-dire un espace de protection, et non pas un lieu de très grande souffrance qui concerne aussi bien, faut-il le rappeler, les femmes victimes de violences que les enfants.

C'est pourquoi il est opportun de pouvoir interdire l'accès du domicile ou de la résidence du couple au conjoint, au compagnon ou au partenaire violent tant avant le jugement, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, qu'après, dans celui d'un sursis avec mise à l'épreuve. Cette mesure complétera légitimement le dispositif de protection que constitue déjà la mesure d'éviction du conjoint violent.

Je précise à cet égard que la réflexion actuellement engagée par Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur les violences intrafamiliales, complétera, le cas échéant, ce dispositif.

Dès à présent, vous le savez, le Gouvernement a exprimé son ouverture positive à l'élévation à dix-huit ans de l'âge du mariage pour les filles. Ce symbole de modernité, ajouté à l'esprit de l'action engagée, se veut à la fois en liaison directe avec une réalité sociale humaine et se situer dans le respect du droit et des conventions internationales.

Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, votre mobilisation est à la hauteur de l'élan que le Gouvernement donne à cette politique, qui place notre pays à l'avant-garde du combat mené.

Croyez en ma détermination sans faille pour conduire jusqu'à son terme la lutte contre les violences, qui fait progresser la cohésion sociale et prévaloir nos valeurs fondamentales d'égalité et de fraternité. Je le ferai à tous les niveaux de la société : l'éducation, l'égalité professionnelle et salariale, la mixité des emplois, la meilleure prise en compte de la diversité et de la différence comme valeur ajoutée et non comme facteur d'exclusion sont au coeur de cette problématique.

Au moment où nous réaffirmons notre vision d'un monde fondé sur plus de justice et d'humanité, au moment où des milliers de femmes victimes de violences sont entre la honte injustement ressentie et leur fierté retrouvée, le texte dont nous allons débattre, dans son objectif comme dans son élaboration, est à l'honneur du Parlement et de notre République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE .)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, menée auprès de 7 000 d'entre elles âgées de vingt à cinquante-neuf ans, révèle, dramatique banalité, que près d'une femme sur dix, probablement davantage en réalité, a subi de la part de son conjoint ou de son ex-conjoint des violences sous diverses formes : psychologiques, physiques ou sexuelles.

Plus grave encore : selon le ministère de l'intérieur, six femmes meurent tous les mois des suites de telles violences. C'est même l'une des principales causes de mortalité des femmes, selon l'excellent rapport du professeur Henrion, qui révèle également que 20 % des urgences médicales sont consécutives à des violences conjugales.

A Paris, où le recueil des données est assuré de façon très précise par la préfecture de police, 3 119 faits de violences conjugales ont été recensés l'an dernier - même s'il est vrai que ce chiffre est en baisse -, dont une proportion très significative dans le nord-est parisien ; 60 % des appels nocturnes à Police secours sont liés à des actes de violence domestique ; la moitié des mains courantes, la nuit, porte sur des violences conjugales et 40 % des violences sont survenues dans des couples hors mariage ou « ex ».

Selon l'OMS, les femmes subissant des violences perdraient de une à quatre années de vie en bonne santé.

Toutes les catégories socioprofessionnelles, toutes les tranches d'âge sont concernées.

Bien sûr, ce n'est là que la partie visible du phénomène, tant il est évident que, pour ce type de délinquance, le « chiffre noir » est très important. D'ailleurs, le plan global de lutte contre les violences faites aux femmes, décidé par le Gouvernement sous votre égide, madame la ministre, prévoit que l'Observatoire national de la délinquance produise des statistiques sexuées et que le ministère de la santé lance une grande enquête dès la fin de cette année.

Ces violences sont particulièrement discrètes parce qu'elles se déroulent dans la sphère privée, à l'abri des regards, à tel point que les lieux publics sont beaucoup plus sûrs pour les femmes que le cadre du couple, celui-ci constituant le contexte de plus de la moitié des brutalités physiques commises contre elles.

Bien souvent, ces violences se nourrissent du manque de civisme et de l'indifférence du voisinage, peu enclin à s'impliquer quand il en a connaissance ou en perçoit les effets. Les services de police et de justice eux-mêmes, il faut bien le reconnaître, ont longtemps considéré qu'elles relevaient de la sphère privée, dans laquelle il convenait de ne pas s'immiscer.

La coïncidence de tous ces éléments conduit à faire de cette délinquance un problème social grave et récurrent, dont le traitement revêt une triple dimension : policière, sociale et judiciaire.

Le premier aspect de la lutte contre les violences conjugales, sur lequel je voudrais insister, concerne la mobilisation des services de police et de gendarmerie. Celle-ci est tout à fait essentielle tant dans l'assistance des victimes qui, spontanément, viennent se déclarer comme telles que dans la détection des cas passés sous silence.

Tel est l'objet de la circulaire du ministre de l'intérieur du 13 janvier dernier, laquelle enjoint dorénavant aux services de police d'adopter une démarche active de signalement et de mettre à profit les interventions, même pour des faits mineurs, pour signifier à l'auteur de violences conjugales un message clair, ferme et dissuasif.

Ainsi la personne qui aura manifesté des tendances violentes se verra-t-elle rappeler que, sur la base d'une qualification pénale de violences sur conjoint, elle encourt des poursuites correctionnelles susceptibles de déboucher sur des peines d'emprisonnement, démarche obligatoirement suivie dans les quarante-huit heures d'une prise de contact avec la victime afin de recueillir ses observations, qui, en l'absence d'un dépôt de plainte, seront consignées par écrit.

Tant pour aborder ces cas-là que pour assurer de bonnes conditions d'accueil des victimes dans les commissariats, la formation des fonctionnaires est déterminante ; or, le plus souvent ils n'ont pas été préparés.

Très affectées par les traumatismes subis, bon nombre de victimes qui ont fait la démarche de se rendre au commissariat ne vont pas jusqu'à déposer plainte, comme en témoigne l'importance des mains courantes, et ce, souvent, par peur des représailles ou des conséquences pour les enfants.

M. Roland Courteau. Ou par peur des policiers !

M. Philippe Goujon. Alors que 35 % des femmes victimes de violences perpétrées dans l'espace public portent plainte, seules 8 % de celles qui sont victimes de violences au sein du couple le feraient, même si les avancées législatives et les campagnes de sensibilisation - la dernière est d'ailleurs fort bien faite - contribuent à délier la parole des victimes.

Dès lors, il est essentiel que des psychologues jouent un rôle majeur dans les formations spécifiques délivrées aux agents.

Certes, les choses avancent. Ainsi, à la Préfecture de police, qui accomplit un gros effort, 140 policiers référents ont d'ores et déjà été formés. Mais il faut aller plus loin et former également les agents du 17 « police secours », qui ont répondu l'an dernier à plus de 3 000 appels de femmes battues.

A cet égard, je tiens à saluer les efforts de la secrétaire d'Etat aux droits des victimes, Mme Nicole Guedj, qui oeuvre à un aspect particulièrement important : la professionnalisation de l'accueil des victimes par les associations.

Il n'est point besoin de le démontrer : meurtries par les violences présentes, les victimes sont inquiètes pour leur avenir. Au besoin d'assistance médicale s'ajoute l'impérieuse nécessité d'une prise en charge sociale.

Physiques, les violences sont aussi et surtout psychologiques. Et, s'il faut sensiblement augmenter le nombre d'unités médicojudiciaires et les spécialiser, en particulier à Paris, il serait également judicieux de préciser la définition des ITT, afin de permettre aux médecins, dont les évaluations - M. Branger le rappelait tout à l'heure - sont très hétérogènes, de mieux appréhender l'importance du retentissement psychologique de certaines violences.

Mais il ne peut y avoir de lutte efficace contre les violences conjugales sans un accompagnement personnalisé de la victime. C'est tout le sens du plan d'action global que vous avez présenté, madame la ministre, au conseil du 24 novembre dernier et dont la portée pratique est tout à fait considérable. Soyez-en particulièrement félicitée.

De la sorte, le dispositif d'hébergement des femmes victimes de violences conjugales sera diversifié en même temps que l'accompagnement professionnel sera favorisé, la prise en charge sanitaire améliorée et le rôle des associations renforcé par une augmentation de 20 % de leurs subventions, ainsi que vous l'avez annoncé.

Nous ne pouvons non plus ignorer la grande détresse des femmes étrangères battues qui, soit parce qu'elles sont en situation irrégulière sur le territoire, soit parce qu'elles sont privées de leurs papiers par leur conjoint, sont contraintes d'endurer leur condition sans pouvoir la dénoncer.

M. Roland Courteau. C'est exact !

M. Philippe Goujon. C'est la raison pour laquelle l'existence d'un dispositif d'aide médicosociale important, bien qu'indispensable pour la reconstruction des victimes, ne saurait occulter la nécessité d'une réponse judiciaire forte. C'est d'autant plus vrai que, chacun le sait, les directives des parquets apparaissent encore très disparates, en raison du principe de l'opportunité des poursuites, et que les sanctions des infractions de violence restent très en deçà des maxima légaux.

Aussi, marchant sur les pas des autres Etats européens, qui, pour la plupart, ont adopté ces dernières années des réformes législatives pour lutter plus efficacement contre les violences conjugales, nous débattons aujourd'hui de deux propositions de loi fort opportunes qui nous conduiront à aggraver les peines prévues pour certaines infractions dès lors qu'elles sont commises au sein d'un couple.

Reconnaissons d'abord la qualité du travail effectué par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances, dont je salue le rapporteur et la présidente, mais aussi par la commission des lois et par son rapporteur, Henri de Richemont, qui, sur un sujet si complexe et délicat, sont parvenus à formuler des propositions fortes et très attendues.

Ainsi la circonstance aggravante sera-t-elle élargie aux infractions commises au sein du couple par la personne liée à la victime par un pacte civil de solidarité, comme elle sera étendue aux faits commis par les anciens conjoints, concubins et partenaires de la victime. Cette circonstance aggravante sera également appliquée à l'infraction de meurtre.

L'interdiction de l'accès du domicile commun à l'auteur des violences dans le cadre de la libération conditionnelle et du sursis avec mise à l'épreuve complète opportunément la loi du 26 mai 2004 relative au divorce.

Enfin, la jurisprudence de la Cour de cassation reconnaissant le viol au sein du couple sera consacrée dans la loi.

Il aurait pu paraître opportun de ne pas se limiter à cette seule infraction et, partant, de considérer que, à défaut d'être une circonstance aggravante, la qualité de conjoint, concubin ou pacsé ne saurait être retenue, a contrario, comme une cause d'irresponsabilité pour l'ensemble des infractions. Mentionner seulement le viol, même si l'inscription de l'incrimination dans le code pénal est un progrès, risque de restreindre l'efficacité du dispositif, alors qu'il aurait été possible de protéger plus largement les victimes en précisant que les dispositions de l'article 4 s'appliquaient à toutes les infractions. Je tenais à insister sur ce point.

La lutte contre les violences conjugales est un combat permanent qui doit mobiliser tous les acteurs.

Tout d'abord, les victimes, présentes ou potentielles, doivent être sensibilisées au fait que la violence, même occasionnelle, même mineure, ne relève pas du cours normal d'une relation de couple. Il est essentiel que le domicile conjugal n'échappe plus à la loi et qu'il ne soit plus un lieu de non-droit.

Conscientes de cette réalité, les femmes doivent alors franchir le cap du dépôt de plainte, auquel la police et la gendarmerie doivent toujours les encourager, selon la circulaire du 13 janvier 2005 du ministère de l'intérieur. L'assistance sociale et matérielle à laquelle elles doivent accéder peut les y aider, et la question de l'hébergement des victimes est tout à fait centrale. Si toutefois elles se contentent de mains courantes, alors celles-ci devraient être jointes, me semble-t-il, aux procédures qui adviendraient ultérieurement. A cet égard, la transmission systématique des mains courantes au parquet, comme elle se pratique à Douai, par exemple, mérite sans doute d'être étendue, comme le placement en garde à vue et le défèrement systématique des mis en cause à Paris.

Enfin, policiers et magistrats seront encore plus fortement impliqués demain dans la lutte envers ce fléau de société, contre lequel de nombreux acteurs sont mobilisés, même s'ils doivent encore apprendre à mieux travailler ensemble et même si d'importants moyens doivent être mis en oeuvre, bien qu'ils demeurent insuffisamment mutualisés.

En adoptant les conclusions du rapport de la commission, qui transcendent les clivages, nous donnerons aux intervenants des moyens légaux renforcés autant qu'attendus pour mener une action, si difficile, dans un domaine où doit être absolument appliqué le principe de la « tolérance zéro », et nous inscrirons davantage notre pays dans les réalisations et perspectives tracées, sur le plan international, par l'initiative « Partenaires pour Pékin plus 10 » célébrée ce mois-ci aux Nations unies, mais aussi, sur le plan européen, par le programme communautaire DAPHNE et par le traité instituant la Constitution, puisque y figure une annexe spécifique.

En adoptant ces conclusions, qui concernent une question centrale et universelle, nous permettrons à la France de garder un rôle moteur pour assumer la vocation qui est la sienne depuis plus de deux siècles : promouvoir les droits fondamentaux de la personne humaine, surtout quand elle est la plus faible et la plus vulnérable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mercredi dernier, la délégation aux droits des femmes présentait son rapport d'information à la presse. Grâce, en particulier, au talent du rapporteur - nous l'avons constaté encore à l'instant ! -, l'atmosphère de cet échange de vues était grave, mais néanmoins sereine.

Puis, pour dénoncer l'intolérable, j'ai spontanément cité un fait divers tout récent que j'avais relevé dans la presse.

Une mère de quatre enfants circule dans les Deux-Sèvres à bord d'un fourgon lancé à quatre-vingts kilomètres par heure. La passagère saute du véhicule en marche et trouve la mort. Elle a trente-cinq ans et est enceinte de six mois. Un peu plus tard, son compagnon reconnaît s'être violemment disputé avec sa compagne et lui avoir donné deux gifles. Elle n'avait pas, hélas ! trouvé d'autre issue que de se jeter hors du champ de sa violence. Elle y a perdu la vie et celle de l'enfant qu'elle attendait.

Mes chers collègues, la souffrance des victimes est souvent muette. Nous, élus de la nation, devons briser cette loi du silence. En rendant hommage à l'abnégation des associations de victimes, véritables interfaces avec les pouvoirs publics, et en adressant ainsi un signe à toutes les femmes qui s'efforcent de ne rien laisser paraître de ce qu'elles endurent, le Parlement s'honore à aborder la question des violences conjugales, ou plus exactement des violences au sein des couples.

En effet, c'est la première fois en France qu'une assemblée traite de ce sujet en tant que tel et non pas au détour d'un texte sur le divorce ou d'une modification du code pénal. (M. Roland Courteau approuve.)

Sans vouloir céder à la mode du « psychothérapeutique à tout crin », je crois que des élus qui, par la parole et, ensuite, par des actes, brisent solennellement le tabou des violences dans nos familles font un pas très important pour rapprocher nos institutions des Françaises et des Français qui souffrent le plus.

Le temps qui m'est imparti étant limité, j'insisterai sur trois idées concrètes.

Premier point : la violence est un tout.

Il y a notamment un lien entre les violences dans les couples et les violences dans le monde du travail, qui sont peu évoquées, mais qui existent. Les mécanismes sont bien souvent similaires, et il n'est pas illogique de comparer les données juridiques applicables.

A ce sujet, je citerai un exemple révélateur. Nous le savons, le harcèlement sexuel est désormais puni par le code du travail ; il faut néanmoins bien garder à l'esprit ce que l'on nous dit et répète : en pratique, une femme violée sur son lieu de travail aura plus de chances de se faire entendre si elle évoque un simple harcèlement sexuel, voire moral. Mais encore faut-il qu'elle ose en parler - nous avons entendu des témoignages poignants à ce sujet ; elle risque tout simplement de briser sa carrière et d'être caricaturée par son entourage professionnel masculin. Malheureusement, c'est la triste réalité quotidienne. Dans certains cas, l'engrenage des différentes procédures peut même conduire une victime sur le banc des accusés, l'agresseur se prétendant « calomnié ».

Cela doit nous inciter à considérer les outils juridiques sous un angle pratique en essayant de rapprocher le plus possible le droit et l'équité.

Au risque de vous déplaire, monsieur le rapporteur, je crois utile de mettre l'accent sur le pouvoir destructeur des violences psychologiques répétées au sein du couple.

Mme Gisèle Gautier. Elles sont d'autant plus pernicieuses qu'elles ne laissent pas de traces physiques apparentes ; il n'y a donc pas de preuve tangible. Toutefois, les pressions constantes qui portent atteinte à la dignité, qui humilient, notamment lorsqu'il s'agit d'une mère, qui altèrent la santé physique ou mentale de l'intéressée et mettent en péril son avenir professionnel constituent un harcèlement moral, et notre code du travail le réprime dans l'article L.122-49.

M. Roland Courteau. C'est exact !

Mme Gisèle Gautier. Est-il raisonnable, aujourd'hui, d'introduire explicitement dans notre droit la notion de harcèlement conjugal ?

Comme pour les violences physiques, les mères protègent avant tout leur enfant, on le sait très bien. A ce titre, leur capacité d'endurance est immense.

Le deuxième point que je voulais soulever concerne le silence et le soutien aux victimes.

Au cours de nos nombreuses auditions, j'ai été très sensible aux propos des médecins. Certes, leur métier est avant tout de soigner et non pas de devenir les arbitres des conflits conjugaux, cela va de soi. Il ne faut pas demander l'impossible à une profession à qui nous rendons un hommage unanime. Mais en même temps, il ne faut pas se voiler la face jusqu'à ce que les victimes pensent à se jeter par la portière de leur voiture.

Il faut donc trouver un point d'équilibre et, pour ma part, je souhaite que soit clairement énoncé qu'il existe, à l'égard des victimes de violences, un certain devoir de détection et d'ingérence qui incombe à nos médecins - je pense en l'occurrence au rapport Henrion. Encore faut-il les sensibiliser à la question et les former.

S'agissant de la formation initiale, certains nous ont dit qu'il valait mieux laisser les étudiants se concentrer sur la science médicale. D'autres, au contraire, militent en faveur d'une sensibilisation aux violences conjugales qui devrait éclairer les futurs médecins sur le comportement humain à tenir.

En formation continue, l'utilité d'aborder le sujet ne fait aucun doute, d'autant que, dans cette phase de leur exercice professionnel, les praticiens sont directement confrontés à des cas concrets.

Les spécialistes du droit social seront sans doute en mesure de nous éclairer pour savoir si c'est à la loi ou au règlement d'introduire des modules de formation pour les médecins.

Il est en tout cas nécessaire d'insister sur ce point dans les travaux parlementaires : il convient de proposer aux médecins une stratégie concrète sur les mesures à prendre pour soutenir les victimes au sein des couples et, surtout, de leur apprendre à interpréter les silences qui en disent long.

Le troisième point que je désire aborder touche à la prévention.

La prévention doit être considérablement améliorée et le plus précoce possible. La formation de base des très jeunes citoyens à l'école doit leur donner des points de repères suffisamment solides pour qu'ils prennent conscience de ce que les violences conjugales, dont on peut malheureusement être le témoin chez soi, sont non pas une norme à imiter, mais une cruelle pathologie. On le sait, l'enfant apprend à se comporter en observant les adultes.

Du point de vue juridique, ce domaine relève de la loi et, plus précisément, du code de l'éducation. Il me paraît cependant plus logique que la loi se limite à poser le principe d'une initiation générale à la non-violence et laisse le soin à l'éducation nationale et aux enseignants d'inclure dans ce thème global l'apprentissage du respect mutuel entre les sexes et au sein des couples dès le plus jeune âge, c'est-à-dire dans les classes élémentaires. Après, il est déjà trop tard !

M. Roland Courteau. C'est exact !

Mme Gisèle Gautier. J'ai lu récemment que 95 % des délits signalés concernent le second degré, c'est-à-dire les collèges et les lycées, avec treize signalements en moyenne par établissement durant l'année 2002 - 2003, pour insultes, menaces et violences physiques graves. Je tiens à préciser que 50 % de ces signalements émanent de 10 % des établissements, ce qui implique une concentration des faits dans certains établissements, certains quartiers et certaines régions. A contrario, 18 % des établissements n'ont rien signalé.

Je reprendrai, à cet égard, un amendement que j'avais déposé lors de la discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école, présenté par M. Fillon, et qui avait été repoussé, ce que j'avais très bien compris, au motif que le Gouvernement ne souhaitait pas l'intégrer dans le code de l'éducation pour ne pas « diluer » le socle des valeurs communes. Je reformule donc aujourd'hui cette proposition tendant à prendre en compte la non-violence et le droit à l'éducation et à la paix.

M. Yannick Bodin. Très bien !

Mme Gisèle Gautier. Pour terminer, je dirai que rompre avec la violence est un acte courageux : c'est accepter de surmonter sa peur, c'est se battre pour ne plus être battue.

Madame la ministre, je sais combien ce combat vous tient à coeur et je vous remercie personnellement et au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes des mesures que vous avez déjà prises. Sachez que nous serons à vos côtés pour briser les tabous et les préjugés afin d'anéantir ce phénomène, véritable fléau qui n'est pas digne d'une société qui se dit civilisée. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées socialistes.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent que se féliciter de l'examen par le Sénat de propositions de loi relatives à la lutte contre les violences conjugales.

Il était temps que le Parlement débatte enfin de ce problème, entende l'alerte lancée par de nombreuses associations et différents rapports et que des mesures politiques soient prises pour éradiquer ce véritable fléau social.

Si des avancées ont été incontestablement réalisées grâce à la lutte des femmes pour leur émancipation et si l'égalité entre les hommes et les femmes a été affirmée dans de nombreux domaines, force est de constater la persistance de violences masculines exercées à leur encontre. Pendant des siècles, une tolérance sociale a existé comme une forme admise de la domination des hommes sur les femmes. Le rapport de domination caractérise encore et toujours les rapports sociaux.

Mais s'il est un domaine où les violences ont été longtemps occultées car intervenant dans la sphère privée, c'est celui des violences conjugales.

Les élus communistes ne sont pas restés inactifs face aux violences faites aux femmes au sein de leur couple. C'est en octobre 2003 que notre collègue communiste Muguette Jacquaint, députée de Seine-Saint-Denis, a déposé une proposition de loi relative à la lutte contre les violences au sein du couple ; c'est une même proposition de loi qui fait l'objet de notre discussion aujourd'hui.

Le problème des violences au sein du couple est urgent à traiter, et pourtant nous connaissons les chiffres officiels depuis déjà cinq ans. Dans ce cadre, nous pouvons d'ailleurs parler sans grande hésitation de violences à l'égard des femmes : les violences au sein du couple sont, dans près de 99 % des cas, le fait d'agresseurs masculins.

Grâce à l'Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, l'ENVEFF, qui date déjà de 2000, il a été possible de mesurer l'ampleur des violences à l'encontre des femmes au sein de leur couple. L'ENVEFF confirme avec force les principales analyses déjà produites par les organismes et les associations luttant contre les violences faites aux femmes.

De cette enquête, il ressort que les violences à l'égard des femmes sont très fréquentes. Parmi les femmes de vingt à cinquante-neuf ans vivant en couple, une sur dix a été victime de violences de la part de son conjoint ou de son concubin dans l'année précédant l'enquête, mais seul un petit nombre d'entre elles ont fait appel aux services de police et encore moins déposé une plainte.

Le rapport présenté par le professeur Henrion au ministre de la santé en février 2001 est encore plus inquiétant. Il révèle que « les violences conjugales sont une des causes principales de mortalité des femmes, qu'il s'agisse de suicides, d'homicides ou de décès dus à des pathologies en lien avec la violence ».

Si une femme sur cinq est victime de violences conjugales au cours de sa vie, six femmes meurent chaque mois des suites d'actes violents de leur conjoint ou de leur concubin, les violences surgissant d'ailleurs dès la première année de vie commune.

Par ailleurs, malgré les idées reçues, il n'existe pas de profil particulier des couples où se déroule une telle violence, et rien ne prédestine une femme à devenir la victime de son conjoint. Les pourcentages et les chiffres rapportés sont équivalents quelle que soit la catégorie sociale, avec néanmoins une légère surreprésentation des catégories sociales élevées et des femmes sans emploi.

Comment se fait-il alors que la lutte contre les violences conjugales n'ait pas fait l'objet de travaux législatifs plus tôt ?

Certes le couple, voire la famille, est une institution sociale. C'est une affaire privée, c'est une histoire intime où interviennent les sentiments, la relation amoureuse. Cependant, la violence qui s'y déroule ne peut être appréhendée comme une affaire privée et elle est d'autant plus inacceptable qu'elle est cachée, presque reconnue comme ordinaire, s'alimente d'un sentiment d'impunité mais aussi de domination et de non-respect de l'autre. Elle est véritablement un problème de sécurité et de santé publique et doit être traitée comme telle.

Encore faut-il qu'une situation de violence au sein du couple soit connue et dénoncée par la victime. Car ce qui caractérise souvent une situation de violence conjugale, c'est l'isolement et le silence dans lequel s'enferme la victime. Dans la majorité des cas, les femmes ne parlent pas des violences qu'elles subissent et s'isolent progressivement de leur famille et de leurs amis.

Le rôle des associations, des professionnels de santé, de la justice, de la police ou encore du législateur n'est pas de s'immiscer dans la vie privée de chacun de nos concitoyens. Mais il est important que le tabou des violences conjugales tombe et que le débat sur les moyens de lutter contre ces violences soit enfin public. C'est par la connaissance de leurs droits que les femmes victimes trouveront les moyens de sortir du cercle de cette violence et de l'isolement dans lequel elles peuvent se trouver.

Dans le cas des violences au sein du couple, c'est précisément la prise de conscience et le refus des violences subies qui constituent le déclenchement de toute procédure, civile ou pénale. Refuser la violence signifie donc tout d'abord que la femme qui en est victime ait conscience de sa situation.

À ce stade, c'est non pas la loi qui joue un rôle primordial, mais bien les acteurs de la prévention des violences conjugales. Et cela fait déjà longtemps que les associations, véritables acteurs de terrain, interviennent dans ce domaine. Néanmoins, l'Etat doit mobiliser des moyens financiers et ne pas laisser aux seules associations cette responsabilité.

Leur rôle est précieux, tant en termes d'accueil et d'écoute que de conseils juridiques. Mais surtout, par l'information qu'elles diffusent et leurs diverses campagnes de prévention, elles contribuent à la prise de conscience que les violences conjugales sont inacceptables. Cette information est indispensable afin que les femmes qui subissent des violences et qui n'arrivent pas à sortir de l'emprise de leur conjoint sachent que la situation qu'elles vivent n'est pas tolérable, qu'il est porté atteinte à leur intégrité physique et morale et que leur conjoint n'a pas le droit d'exercer des violences sur leur personne.

Par ailleurs, ces associations permettent d'aider la femme à trouver un logement provisoire, à prendre contact avec un avocat, à faire les démarches auprès de la police.

En fait, les violences conjugales ne relèvent pas du même processus psychologique que les autres catégories de violences. Elles se caractérisent par un fort sentiment de culpabilité ressenti par les femmes qui en sont victimes vis-à-vis de leur conjoint. Cette culpabilité vient s'ajouter à l'emprise exercée par ce conjoint. Les femmes s'imaginent être responsables de leur situation et se sentent coupables. Ce sentiment est d'autant plus accentué que leur conjoint les confortera dans cette culpabilité et exercera une emprise psychologique telle que les femmes se considèrent parfois comme incapables de se sortir de cette situation.

Cela explique notamment pourquoi les plaintes sont si peu nombreuses. En effet, les violences contre les femmes donnent rarement lieu à une démarche auprès de la police. Dans ce domaine, il existe un fort décalage selon la sphère de vie concernée : ainsi, pour les violences subies dans l'espace public, 43 % des femmes font une démarche auprès de la police ; cette proportion chute à 13 % pour les violences subies au sein du couple.

Ce décalage est encore plus marqué pour ce qui est du dépôt de plainte, lequel a lieu dans 35 % des cas pour les violences subies dans l'espace public et dans 8 % des cas pour les violences subies dans la relation de couple.

Il est donc nécessaire de renforcer la formation des professionnels susceptibles d'être confrontés à des femmes victimes de violences conjugales, qu'il s'agisse des acteurs sociaux, médicaux ou judiciaires. Il convient d'inciter ces acteurs, en fonction de leurs missions respectives, mais toujours dans un souci de coopération, à s'impliquer dans la prévention, le dépistage et la protection des femmes victimes de violences conjugales.

L'information est l'un des facteurs qui permet à la victime de franchir l'étape souvent douloureuse de la dénonciation de la situation de violence. En ce sens, les actions telles que l'actuelle campagne de publicité télévisée doivent être soutenues.

Si la victime réussit à porter plainte, tout n'est cependant pas encore terminé pour elle, car se pose en effet le problème de l'éloignement du conjoint du domicile conjugal.

On déplore aujourd'hui l'insuffisance des lieux d'accueil destinés aux femmes victimes de violences. Au demeurant, l'existence de telles structures ne devrait pas constituer le seul moyen d'action : il nous semble en effet insuffisant et injuste d'orienter une politique de prévention des violences conjugales uniquement sous cet angle. La fuite du foyer, même sans compter l'appréhension causée par le manque de moyens financiers, peut être ressentie comme un acte particulièrement traumatisant, surtout si la femme part avec ses enfants.

On peut supposer que les femmes seraient plus enclines à porter plainte plus tôt, à ne pas vivre si longtemps dans la peur et la culpabilité si elles savaient que leur conjoint violent peut être obligé de quitter le domicile. Une telle possibilité est désormais inscrite dans la loi pour les couples mariés, à la suite de l'adoption de la loi relative au divorce.

Néanmoins, nous le savons bien, les violences ne concernent pas que les couples mariés. L'éloignement du concubin ou du partenaire doit donc être également possible.

En matière d'éloignement du conjoint violent, deux impératifs sont à respecter : le principe de la présomption d'innocence et la nécessaire protection de la victime. Selon nous, une telle mesure doit être prescrite et encadrée par un juge et soumise à son contrôle.

C'est pourquoi nous avons souhaité inscrire la possibilité d'un éloignement du conjoint du domicile du couple dans le cadre du contrôle judiciaire. Certes, l'article 138 du code de procédure pénale prévoit déjà que le juge peut prescrire à la personne mise en examen de « ne pas se rendre en certains lieux » et de « s'abstenir de [...] rencontrer certaines personnes ». Notre objectif, qui est apparemment partagé par l'ensemble de la commission, est d'inciter les magistrats à utiliser cet article 138 afin d'éloigner le conjoint violent du domicile conjugale.

Dans notre proposition de loi, nous prévoyions de compléter l'article 138 du code de procédure pénale de telle sorte que l'injonction de soins puisse être prononcée à l'encontre d'un conjoint violent.

En effet, la violence conjugale s'exprime soit directement, c'est-à-dire physiquement, soit par ce type de violences que l'on nomme « emprise psychologique ». L'une et l'autre sont des entreprises de démolition de l'estime de soi. L'emprise est destinée à obtenir l'adhésion de la victime au système agresseur, tout en permettant à l'agresseur de se déresponsabiliser et de transférer la responsabilité de son comportement sur la victime. C'est pourquoi il ne semble pas disproportionné que, sans préjuger l'état psychologique de l'agresseur, il puisse lui être enjoint rapidement d'être suivi par des professionnels de santé.

Cette injonction de soins thérapeutiques existe déjà dans le cadre du contrôle judiciaire, notamment aux fins de désintoxication, et nous ne comprenons pas pourquoi son extension aux cas de violences conjugales n'a pas été retenue.

Dans notre proposition de loi, nous n'avons pas voulu renforcer des sanctions qui existent déjà dans le code pénal. A titre d'exemple, le viol conjugal est reconnu depuis la loi du 23 décembre 1980.

M. Roland Courteau. Qui le sait ?

Mme Josiane Mathon. Le nouveau code pénal a retenu la circonstance aggravante pour le conjoint ou le concubin de la victime dans les cas d'atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, situation que nous souhaitons élargir aux pacsés.

Enfin, si les victimes hésitent parfois à porter plainte, à dénoncer leur agresseur, à quitter leur conjoint violent, c'est également pour des raisons financières.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

Mme Josiane Mathon. Cette crainte de se retrouver sans ressources est accentuée quand il y a des enfants.

Pourtant, il faudra que la femme puisse se reconstruire, soigner ses blessures physiques et ses traumatismes. D'après le rapport Henrion, la violence au sein des couples a une incidence majeure sur la santé des femmes, que ce soit du fait des blessures provoquées ou des affections chroniques qu'elle peut engendrer.

M. Roland Courteau. C'est vrai aussi !

Mme Josiane Mathon. La prise en charge médicale, comme le fait de quitter le domicile du couple ne peuvent pas toujours être supportés par la seule victime de violences conjugales. C'est pourquoi nous proposons que celle-ci bénéficie non seulement d'une indemnisation, au même titre que les victimes d'attentats ou d'accidents de la route, mais aussi d'une aide financière immédiate si elle ne dispose pas de moyens suffisants pour quitter son domicile.

A l'évidence, comme en matière d'éloignement du conjoint violent, si les femmes savent qu'elles seront soutenues financièrement et que leur statut de victime sera reconnu, elles hésiteront moins à se sortir de la situation de violence.

Mme Hélène Luc. Bien sûr !

Mme Josiane Mathon. La sensibilisation à ce problème doit augmenter. Il est donc nécessaire de légiférer pour consacrer une véritable politique de lutte contre cette forme de violence.

Notre texte initial reposait donc sur les mesures immédiates à prendre lors de violences avérées, sur les mesures rassurantes de nature à permettre à la victime de reprendre confiance en elle et sur les moyens financiers nécessaires.

Sur le plus long terme, il s'agit d'éradiquer la violence par la prise de mesures d'ordre éducatif en direction des jeunes, par un renforcement de la formation de tous les acteurs - travailleurs sociaux et médicaux, policiers - et par une information et donc une sensibilisation de l'opinion publique.

Toutes ces mesures figuraient dans notre proposition de loi. Nous avons déposé des amendements pour qu'elles soient insérées dans le nouveau texte de la commission. Dans l'un de ces amendements, qui sera, me semble-t-il, adopté à l'unanimité, nous proposons de relever l'âge légal du mariage afin de lutter contre les mariages forcés.

Mes chers collègues, j'ose espérer que nous aurons tous la volonté de rédiger un texte de loi qui, dans l'esprit et dans la lettre, fournisse les moyens justes et efficaces d'éradiquer ces violences qui nous montrent combien sont pervers le non-respect et la domination d'un individu par un autre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Mme Muguette Dini et M. le représentant de la délégation aux droits des femmes applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, que le Sénat soit appelé à se prononcer sur notre proposition de loi tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples, ainsi que sur celle de nos collègues, nous procure une réelle satisfaction !

Comme cela a déjà été souligné, c'est en effet la première fois qu'un tel texte est examiné par le Parlement. Le Sénat s'honore donc en manifestant ainsi une volonté commune de lutter contre un problème dont l'ampleur est inquiétante, contre un problème majeur au regard tant de la santé publique que du respect de la dignité de la personne humaine, en contribuant, par là même, à briser la loi du silence. Il s'agit, en fait, d'un préalable à tout approfondissement durable de l'égalité des sexes.

Ma satisfaction est d'autant plus grande que cette séance est présidée par Mme Michèle André, qui, en sa qualité de secrétaire d'Etat chargé des droits des femmes de 1988 à 1993, aura été l'une des premières à s'attaquer à un phénomène longtemps sous-estimé, minimisé et considéré comme appartenant à la sphère privée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Bricq. Il fallait le dire !

M. Roland Courteau. Mes chers collègues, il n'est pas de semaine où la presse locale ne relate tel ou tel drame consécutif à des violences au sein des couples : ici, c'est une femme qui succombe à plusieurs coups de couteau portés par son conjoint, là, c'en est une autre qui est hospitalisée en urgence, à la suite des coups qu'elle a reçus.

L'on pourrait également évoquer d'autres violences, intrinsèquement moins graves et auxquelles la presse s'intéresse moins mais qui, par leur caractère organisé et répété, transforment la vie de celles qui en sont victimes en un enfer conjugal, en mettant leur santé et leur vie en danger. En effet, c'est souvent dans la vie de couple que les femmes subissent le plus les violences physiques, sexuelles, psychologiques et économiques.

Or, depuis trop longtemps, ces faits sont considérés comme des faits divers locaux, des drames privés, passionnels, voire de simples conflits conjugaux ou disputes de ménage.

Combien sont-elles, en France, à périr sous les coups de celui qui partage leur vie ? Une tous les deux jours, conformément à la statistique annoncée l'été dernier ; entre six et huit chaque mois, selon certaines études, et plus encore, selon les associations. Le problème est que, contrairement aux autres pays occidentaux, il n'y a pas, dans notre pays, de décompte de ces homicides.

Ainsi, la France n'apparaît pas dans les études internationales sur les taux des homicides conjugaux. Faut-il parler d'exception française ? Une telle situation n'est pas sans étonner dans les milieux internationaux. La Roumanie détient le record, avec plus de douze femmes tuées par million d'habitants, l'Islande fermant la marche, avec zéro tuée ; la France doit donc se situer quelque part entre les deux...

A ce propos, je ne sais plus qui disait : « L'on connaît, en France, le nombre de portables volés ou le nombre de taille-crayons produits, mais l'on ne dispose d'aucune statistique sur les meurtres conjugaux ».

Sur un plan plus général, différentes enquêtes ou études nous éclairent cependant sur ce problème des violences au sein du couple, qu'elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles.

Selon les associations, dont je salue l'action, l'on dénombrerait, chaque année, 500 000 victimes de plusieurs types de violences et 50 000 victimes de viol, la plupart ayant lieu au sein du couple.

Certes, le problème n'est pas nouveau, et j'en perçois toute l'ampleur depuis bien des années. Il est d'ailleurs difficile de l'ignorer lorsque l'on est quotidiennement, dans le cadre de mandats électifs, au contact de la population, dans les cages d'escalier ou les cours d'immeubles, et cela vaut aussi bien dans les quartiers défavorisés que dans les quartiers dits aisés. En effet, toutes les catégories sociales sont concernées par les violences au sein du couple : les jeunes femmes le sont plus que leurs aînées et les inégalités économiques, le chômage constituent des facteurs aggravants.

Il est difficile d'ignorer l'ampleur du mal quand on reçoit les personnes concernées des après-midi entières dans sa permanence, à moins de vouloir, à toute force, nier le phénomène. En fait, mes chers collègues, il est un moyen bien simple de s'accommoder d'un mal qui dérange : c'est de l'ignorer !

Le mal est ancien, disais-je ; c'est ainsi que, voilà quelques années, mon département a été l'un des premiers de France, peut-être même le premier, à créer un centre d'information des droits de la femme, ainsi qu'un foyer d'hébergement. J'étais déjà convaincu, à l'époque, que ces structures allaient nous permettre de répondre à de nombreux besoins, notamment en matière d'accompagnement des victimes ; je n'imaginais cependant pas à quel point !

Dans l'Aude, en 2004, le CEDIFF, le centre de documentation et d'information des femmes et des familles, a reçu environ 320 personnes concernées par ce problème de violence, contre 73 en 2003. Cela signifie non pas que les violences ont quadruplé, mais plutôt que les tabous commencent à tomber et que les femmes parlent plus facilement.

Il faut toutefois reconnaître que, dans certains cas, le recours à la médiation n'est pas pertinent ; notre collègue Gisèle Printz aura l'occasion de s'exprimer sur ce sujet.

J'ai noté par ailleurs que, selon diverses enquêtes, une grande partie de ces violences -  plus de la moitié en réalité - a lieu devant les enfants, quand ce n'est pas sur les enfants eux-mêmes. Voilà qui pose la question du nécessaire soutien psychologique à leur égard.

Certaines associations n'ont pas hésité à évoquer la mise en marche d'un véritable processus de fabrication de la violence, les enfants pouvant avoir tendance, dans certains cas, à reproduire ce qu'ils voient à la maison.

Mes chers collègues, jusqu'à quand notre société supportera-t-elle ces innombrables actes de violences ? A ce propos, j'ai relevé cette interrogation dans un article de presse : « Dans la France d'aujourd'hui, serait-il moins risqué de frapper sa femme que d'être cruel envers un animal ? ».

Par cette question, quelque peu provocatrice, l'auteur semblait vouloir rappeler que, dans le cadre de l'amnistie décidée après l'élection présidentielle de 2002, les condamnations pour violences conjugales ont été effacées de la liste des faits exclus du bénéfice de l'amnistie, tandis que les sévices et actes de cruauté envers les animaux y ont été ajoutés expressément : les uns ont été amnistiés, les autres pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. Roland Courteau. Tant mieux si les tabous commencent à tomber, même si la longue indifférence face aux violences a la vie dure, même si la tendance à considérer que le droit et la justice ne doivent pas pénétrer la sphère privée est encore grande !

Comment expliquer cette indifférence et cette loi du silence ? « Serait-ce parce que la victime dérange ? », ai-je pu lire. Il est vrai que l'agresseur ne dérange personne, puisqu'il est rarement violent dans la sphère publique.

Mme Michelle Demessine. Tout à fait !

M. Roland Courteau. La victime, quant à elle, fait passer son problème de l'espace privé à l'espace public ; elle dit l'indicible, ce que bien souvent chacun veut ignorer. C'est donc elle qui dérange, surtout ceux qui, prudemment, se refusent à encourir les foudres du partenaire violent.

Qu'appelle-t-on violence conjugale ? La définition donnée par l'OMS, qui reprend d'ailleurs les termes de l'Assemblée générale des Nations unies, est désormais bien connue et je n'y reviens donc pas.

Dans une interview, le professeur Roger Henrion indiquait qu'il y a violence conjugale lorsqu'un partenaire exerce à l'encontre de l'autre un comportement agressif, violent, destructeur, physiquement ou psychologiquement. La véritable violence conjugale s'exerce pendant des semaines, voire des mois ou des années.

Dans 99 % des cas, ce sont les femmes qui en sont victimes. Les faits sont là ! Certes, il y a aussi des femmes violentes, qui sont donc responsables de 1 % des situations de violences conjugales.

Comme le professeur Roger Henrion, on peut s'interroger sur l'identité des agresseurs. S'agit-il d'immatures impulsifs, de jaloux pathologiques, de psychorigides ? S'agit-il de pervers narcissiques, qui, pour leur part, n'exercent pas de violences physiques, mais utilisent une violence psychologique continuelle et destructrice, au fil des semaines et des mois ? Au demeurant, dans bien des cas, l'obligation de soins s'impose. J'y reviendrai en présentant certains de nos amendements.

Cependant, pour éviter amalgames et confusions, distinguons une bonne fois violence conjugale et conflit conjugal.

Selon le professeur Pierre Benghozi, « la violence constitue une attaque contre l'humain, elle est destructive, car elle nie l'altérité et l'intégrité de la personne. »

En revanche, dans le conflit, les membres du couple s'interpellent, il y a enjeu ; le rapport de force peut passer d'un partenaire à l'autre, ce qui n'est pas le cas dans le cadre de la violence conjugale, où la domination est toujours exercée par la même personne.

Une insulte proférée ponctuellement est à mettre sur le compte d'une réaction conflictuelle. Les violences physiques, sexuelles, psychologiques, économiques s'inscrivent, quant à elles, dans la répétition unilatérale, car le dominant, pour exister, a besoin de dénigrer.

De même, comment qualifier l'acte qui consiste à dévaloriser systématiquement l'autre, à mettre en doute, de façon récurrente, ses capacités de mère ou d'épouse ?

Comment qualifier le fait de dénigrer l'autre, de l'humilier, de le menacer, de le rabaisser, de manière répétée, jour après jour, et même nuit après nuit, au fil des semaines, des mois et des années ? Comment qualifier le fait d'empêcher l'autre de dormir, de le réveiller régulièrement, pour l'injurier, le menacer, l'isoler de ses liens sociaux ou familiaux ?

Comment qualifier cet acharnement à détruire la personnalité de son partenaire, à le traiter comme une chose, comme sa chose ? Qui peut nier qu'il s'agit là de violences autrement plus terribles que certaines violences physiques ponctuelles ? Qui peut prétendre que le préjudice, dans ce cas de figure, serait moindre ? Convenons que cela n'a rien à voir avec le fait de dire à sa femme, trois fois de suite, « tu es moche » : ce n'est pas le même niveau d'agression.

M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est déjà une agression que de dire cela !

M. Roland Courteau. Comment douter que, portées au paroxysme, de telles situations de crise n'entraînent la personne qui les subit sur des pentes extrêmement périlleuses pour sa santé et pour sa vie ?

« Je suis détruite, m'écrivait une jeune femme, et je ne peux fuir le domicile parce j'ai des enfants, et je ne sais ce qu'ils deviendront si je m'enfuis... Et puis, où me réfugier ? Je n'ai personne chez qui aller, pas d'emploi, pas de ressources. En fait, ajoutait-elle, je suis son otage et je vis l'enfer... »

Or ce type de violence ne laisse pas de trace. On détruit un être à petit feu, mais sans marque visible, c'est-à-dire sans preuve. De tels agissements sont donc très difficilement punissables. C'est l'arme par excellence de l'agresseur adroit : ça ne se voit pas et ça peut tuer. Nous sommes vraiment loin du conflit conjugal et il faut être coupé des réalités de la vie pour l'ignorer. L'Espagne a su, elle, traiter ce problème dans sa nouvelle législation.

Revenons au cas plus général des violences au sein du couple, qu'elles soient physiques, sexuelles ou psychologiques. C'est bien parce que j'ai le sentiment que le mal gagne du terrain que nous avons déposé une proposition de loi spécifique tendant à lutter contre ces violences, grâce à un dispositif global de prévention, de répression et d'aide aux victimes.

C'est d'ailleurs l'UNICEF qui recommande aux différents gouvernements de « prohiber spécifiquement la violence à l'égard des femmes », tandis que, selon les Nations unies, « des lois spéciales comportant des procédures et des moyens spéciaux devraient être établies ».

Les interdits les plus efficaces sont parfois, mes chers collègues, ceux qui sont les mieux affichés, à condition cependant qu'ils soient complémentaires de mesures d'éducation, de prévention et de solidarité en faveur des victimes.

Il nous a donc semblé que notre législation ne pouvait être en retrait par rapport aux évolutions d'un mal qui n'épargne, par ailleurs, aucun continent ni aucun pays.

Mais s'il est vrai que la violence à l'encontre des femmes est un mal universel, force est de constater que certains pays, comme l'Espagne ou le Canada, ont su légiférer pour traiter globalement ce problème.

Ainsi, en Espagne, au Portugal et en Suède, les violences conjugales sont explicitement prises en compte par le code pénal. Les violences psychologiques répétées et les violences physiques font l'objet de sanctions qui s'ajoutent aux peines déjà prévues pour les infractions telles que les coups et blessures.

En Autriche, une loi permet à toutes les victimes de demeurer dans leur logement. En Suède, chaque commissariat tient à la disposition de la personne menacée des équipements d'alerte.

Quant aux membres du groupe socialiste et des Verts de notre assemblée, ils ont souhaité, dans leur quasi-totalité, grâce à une proposition de loi, faire progresser les domaines de la prévention, de l'aide aux victimes et de la répression.

Monsieur le rapporteur, je comprends fort bien que la commission des lois n'ait voulu retenir que les points qui relèvent de sa compétence.

S'agissant du volet pénal, la plupart des dispositions que nous proposions ont été retenues, et nous vous en remercions.

Concernant les volets de la prévention et de l'aide aux victimes, nous persisterons dans notre position et défendrons plusieurs amendements.

Selon nous, la prévention doit commencer par des journées d'information à l'école, au collège et au lycée sur « le respect des autres, les violences et leurs conséquences ».

Oui, le rôle de l'école est déterminant dans une société au sein de laquelle, avec l'abaissement important du civisme, les repères se brouillent de plus en plus.

Mais il s'agit aussi de sensibiliser le grand public à ce problème, afin qu'il prenne réellement conscience de son ampleur et de sa gravité. Car ce mal est encore aujourd'hui trop souvent méconnu, sous-estimé, minimisé.

Madame la ministre, la récente campagne de sensibilisation à ce problème répond pour partie à notre souci et va dans le sens que nous souhaitons. Il reste à renouveler régulièrement ces périodes de sensibilisation. Tel était d'ailleurs l'objet de notre proposition de loi, qui visait non seulement à faire en sorte que certaines informations soient diffusées, mais aussi à prévenir les agresseurs que la violence au sein du couple tombe sous le coup de la loi.

Il est également nécessaire, selon nous, que les personnels médicaux et paramédicaux, qui sont le maillon initial de la chaîne de dépistage et de prise en charge, les travailleurs sociaux, mais aussi les magistrats, les personnels de la police et de la gendarmerie ainsi que les avocats reçoivent une formation initiale et continue leur permettant de détecter les violences, de les prévenir et de guider les victimes.

En effet, grâce à un meilleur dépistage, bien des drames pourraient être évités !

D'ailleurs, madame la ministre, des formations pluridisciplinaires se mettent en place, ce qui justifie notre proposition d'inscrire dans la loi que les modalités de cette formation obligatoire seront désormais déterminées par décret.

Toujours au titre de la prévention, et pour mieux protéger la victime, nous souhaitions permettre explicitement au juge d'ordonner l'éloignement de l'agresseur du domicile du couple.

Certes, les dispositions actuellement en vigueur peuvent permettre cet éloignement. Il n'empêche, comme cela a été souligné, que certains juges éprouvent des réticences à prononcer, dans le cadre du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve, une interdiction de demeurer au domicile du couple.

Il convenait donc de lever ces doutes et je note que, sur ce point également, la commission des lois a pris en compte notre préoccupation.

Cela dit, nous aurions souhaité qu'elle suive aussi notre position en ce qui concerne la possibilité, pour le juge, de prononcer une obligation de soins spécialisés dans le cadre de l'aide aux auteurs de violences au sein du couple.

A cet égard, nous proposons de donner une base légale à certaines expériences conduites à Paris ou à Nîmes et de les généraliser.

Je rappelle que, en mai 2004, le parquet de Paris, en collaboration avec la Ligue française de santé mentale, a mis en place une « antenne de psychiatrie et de psychologie légales ».

Nous proposons que, au sein de chaque tribunal de grande instance, soient créées de telles antennes. Le procureur de la République pourrait ainsi, avant la mise en mouvement de l'action publique, exiger de l'auteur des violences qu'il se présente dans l'une de ces antennes, afin que soit établi un diagnostic permettant, si nécessaire, d'obliger l'agresseur à se soumettre à un suivi psychologique spécifique.

J'en viens enfin au volet relatif aux sanctions.

Depuis le nouveau code pénal de 1994, la peine encourue pour certaines infractions - tortures, actes de barbarie et violences - est d'ores et déjà aggravée dès lors qu'elles ont été commises soit par le conjoint, soit par le concubin de la victime.

Il nous a paru nécessaire d'étendre la circonstance aggravante aux personnes liées par un pacte civil de solidarité ; dans cette optique, nous avons proposé que cette précision soit mentionnée expressément dans les cinq articles du code pénal visant les infractions citées précédemment. La commission des lois nous a donné satisfaction sur ce point. C'est donc bien volontiers que nous la suivrons dans sa volonté d'étendre, comme nous l'avions proposé à l'article 1er de notre proposition de loi, la circonstance aggravante aux faits commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin et donc l'ancien pacsé, puisqu'un grand nombre de violences a lieu après la séparation.

Nous avions également prévu, dans notre proposition de loi, que le viol entre époux, concubins et partenaires pacsés soit incriminé spécifiquement dans le code pénal. En effet, le viol tient malheureusement une place non négligeable parmi les violences conjugales.

Il est vrai que la Cour de cassation, dans un arrêt de 1990 confirmé en 1992, a précisé que « la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l'intimité de la vie conjugale » ne vaut que jusqu'à preuve du contraire, jugement qui a également été confirmé par la Cour européenne des droits de l'homme.

Mais, en définitive, qui le sait ?

Bien trop de gens sont persuadés que tout est permis au sein du couple, y compris l'indicible.

En inscrivant explicitement dans notre droit l'incrimination du viol entre époux, concubins et pacsés, nous pensons obtenir un effet dissuasif, grâce à une plus grande visibilité de la gravité de l'acte. Sur ce point également, nous nous rejoignons, monsieur le rapporteur, et vous m'en voyez particulièrement satisfait.

Je vous rejoins également lorsque vous proposez de compléter l'article 221-4 du code pénal relatif au meurtre, afin de faire figurer parmi les circonstances aggravantes liées à la qualité de la victime le fait que la victime soit le conjoint, le concubin ou le partenaire pacsé de l'auteur de l'infraction.

Nous proposons également de compléter le dispositif concernant les violences habituelles, qui sont en effet les plus nombreuses et sont particulièrement destructrices.

Avec mon groupe, je défendrai donc un amendement visant à compléter l'article 222-14 du code pénal qui rend passible de peines aggravées les auteurs de violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne d'une particulière vulnérabilité. Nous proposons que le conjoint, le concubin ou la personne pacsée auteur de violences habituelles graves sur son partenaire fasse aussi l'objet de peines aggravées.

Dans ces cas précis, la victime de violences au sein du couple bénéficierait de fait de l'aide juridictionnelle, sans condition de ressources.

Mais nous souhaitons aller plus loin en matière d'aide aux victimes. Ce sera l'objet d'un amendement visant à étendre, pour toutes les violences, l'accès à l'aide juridictionnelle, sans condition de ressources.

Il convient en effet de garder à l'esprit que les victimes sont souvent en état de choc et qu'il est nécessaire de leur faciliter la tâche, notamment dans les moments, ô combien difficiles, où elles décident de réagir.

D'abord, leur dépendance financière risque de constituer un frein dans la recherche d'un avocat. Inutile pour la victime, évidemment, de compter sur le concours du conjoint pour faire face à ces dépenses !

Ensuite, si elles sollicitent l'aide juridictionnelle, il leur faudra produire des pièces justificatives auxquelles, souvent, elles n'ont pas accès, ce qui constitue une autre difficulté.

Autant de difficultés, et il y en a d'autres, qui nous ont incités à vous proposer cet amendement.

Toujours concernant l'aide aux victimes, nous reprenons, par voie d'amendement, notre proposition visant à donner la possibilité aux victimes de violences conjugales d'obtenir la réparation intégrale des dommages, prévue par l'article L. 706-3 du code de procédure pénale, et ce pour toutes les violences.

Par ailleurs, force est de constater que les questions concernant l'hébergement des victimes et leur réinsertion sociale posent un vrai et important problème, notamment par rapport à la capacité d'accueil des structures. C'est pourquoi nous suggérons, par l'amendement n° 14 rectifié, que le Gouvernement dépose, sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport portant sur les conditions d'accueil et d'hébergement des victimes et leur réinsertion sociale, mais également sur les structures de soins des auteurs de violences conjugales.

Nous avons déposé, enfin, un amendement tendant à relever de quinze à dix-huit ans l'âge légal du mariage des femmes en France. La question ne concerne pas la seule égalité des sexes. Plus fondamentalement, une discordance profonde apparaît, aujourd'hui, entre la règle légale et la pratique sociale : l'âge du mariage est de plus en plus tardif et il n'y a pas grand sens à écrire dans la loi que les filles sont « nubiles » à quinze ans. Pour apprécier la capacité des futurs époux à contracter mariage, la maturité psychologique paraît plus significative que l'aptitude aux rapports conjugaux. La règle proposée présente également l'avantage de libérer définitivement le mariage de la pression familiale, puisque les époux seront par hypothèse majeurs ; je pense évidemment au mariage forcé.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la violence est considérée comme une violation générale des droits de tout être humain, droit à la vie, à la sécurité, à la dignité et à l'intégrité physique et mentale.

Concernant les violences au sein du couple, faudra-t-il en passer par une vraie révolution des mentalités pour parvenir à les éradiquer ? Si, par notre initiative et celle des uns et des autres, nous pouvions y contribuer, même modestement, nous en serions particulièrement heureux. Car il s'agit là d'une simple question de respect de la dignité humaine, mais aussi, je l'ai déjà souligné, de l'un des préalables à tout approfondissement de l'égalité des sexes : il s'agit, ni plus ni moins, de construire une place égale entre les hommes et les femmes.

Certes, cela passe, évidemment, par la lutte contre les discriminations et le sexisme, par le combat pour l'égalité professionnelle, mais cela passe aussi par la lutte contre les violences à l'égard des femmes.

En inscrivant à l'ordre du jour de cette séance ces deux propositions de loi, le Sénat montre, avant bien d'autres, qu'il entend oeuvrer dans cette direction et qu'il peut jouer un rôle de précurseur en ce domaine. Et cela, déjà, mérite d'être amplement salué.

« Se taire, c'est être complice,... dénoncer, c'est la voie du changement », ai-je pu lire, par ailleurs. C'est pourquoi, si le Sénat acceptait d'aller plus loin encore, comme nous le lui proposons, alors, sans nul doute, un grand pas de plus serait accompli. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC - Mme Muguette Dini applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, combattre toutes les formes de violence de notre société est un devoir collectif. Lutter contre les violences au sein du couple - dont les femmes sont les premières victimes - est une impérieuse nécessité, comme a pu en juger notre délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes tout au long des auditions qu'elle a consacrées à l'écoute d'associations et de professionnels en prise avec ce fléau, qui, rappelons-le, touche tous les milieux sociaux.

Comme l'ont montré des travaux en profondeur, qui ont contribué à éclairer notre Haute Assemblée, il s'agit d'un phénomène récurrent, trop souvent passé sous silence et qui atteint non seulement les femmes dans leur intégrité, mais aussi, par répercussion, les enfants.

Cela est bien sûr intolérable dans un pays comme le nôtre, profondément attaché aux valeurs inaliénables de la personne. Je m'associe donc pleinement à l'intention qui sous-tend les deux propositions de loi de nos collègues et je remercie la commission des lois et son rapporteur de la pertinence de leurs conclusions dans lesquelles ils suggèrent de préciser et de renforcer notre arsenal juridique pour lutter plus efficacement contre ces violences conjugales.

Mais je veux ici m'exprimer surtout sur une forme de violence qui n'est pas prise en compte dans les textes des propositions de loi que nous examinons aujourd'hui, et qui, pourtant, est loin d'être un phénomène marginal dans la société française. Je veux parler des mariages forcés, auxquels sont soumises nombre de nos jeunes compatriotes. Dans un rapport de 2003, le Haut conseil à l'intégration a estimé à 70 000 le nombre des jeunes filles concernées par ce problème en France. C'est un chiffre très inquiétant, surtout au regard des 256 000 mariages célébrés l'année dernière, mais que les associations s'accordent à juger encore très en dessous de la réalité.

Dans son avant-projet de rapport sur les mariages forcés et mariages d'enfants, la commission sur l'égalité des chances de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe décrit les différents aspects que peut prendre ce phénomène : soit la jeune fille, résidente en France, est attirée à l'étranger sous un prétexte fallacieux ; soit, venant de l'étranger, elle est « importée », et je reprends là le terme utilisé par la commission. Bien sûr, les futurs époux peuvent aussi résider tous les deux sur le territoire national au moment du mariage. Ces pratiques ont été qualifiées d'esclavage moderne par le comité de suivi des droits de l'enfant des Nations unies. Elles concernent essentiellement des mineurs, mais aussi de jeunes majeurs de nationalité française.

Comment pouvait-on, dès lors, ne pas réagir pour protéger nos adolescentes contre ces pratiques d'un autre âge, qui choquent nos consciences ?

Sur ce point, la législation française, en autorisant expressément le mariage de filles mineures, est condamnable à un double titre : parce qu'elle autorise le mariage d'enfant - je rappelle que, au regard de la convention internationale des droits des enfants, on est enfant jusqu'à l'âge de dix-huit ans - et parce qu'elle est discriminatoire à l'égard des jeunes filles.

Alertée fort justement par la défenseure des enfants, que je tiens à féliciter pour son travail inlassable en leur faveur, j'avais également été sensibilisée à cette question comme représentante des Français à l'étranger où nombre de ces mariages sont pratiqués. J'ai ainsi déposé le 3 mars dernier, avec mes collègues de l'UMP, une proposition de loi relative à la modification de l'article 144 du code civil qui consiste à relever de quinze ans à dix-huit ans l'âge minimum légal du mariage pour la femme, comme cela est le cas pour l'homme. Il s'agit d'une mesure simple, à effet immédiat, qui protégera les adolescentes concernées par les mariages forcés tout en laissant ouverte la possibilité de dérogation prévue à l'article 145 du même code, qui requiert l'accord du procureur de la République.

L'urgence de la situation justifiait de transformer notre proposition de loi en un amendement au présent texte, dans la mesure où il était logique d'élargir le dispositif de lutte contre les violences conjugales à la lutte contre les mariages forcés, causes d'une violence morale et psychologique considérable et intolérable à l'égard des femmes.

D'autant plus que cette disposition, instituée par la loi du 17 mars 1803, reprise par l'article 144 du code civil napoléonien et inchangée depuis deux siècles, en permettant aux Françaises de se marier dès l'âge de quinze ans est un anachronisme au pays de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes.

Si elle pouvait peut-être se concevoir il y a deux siècles du fait de la mortalité importante des jeunes femmes et de la nécessité d'une procréation à un jeune âge, une telle discrimination ne se justifie plus aujourd'hui. La quasi-totalité des pays européens a déjà procédé à l'harmonisation de l'âge nubile pour les deux sexes, le fixant en général à dix-huit ans.

Plus significatif encore, des pays de tradition musulmane, comme la Turquie, en 2002, et le Maroc, en 2004, ont relevé cet âge à dix-huit ans pour les filles dans le cadre de la modernisation de leur code de la famille, contribuant ainsi à changer profondément les mentalités. L'on me dit qu'aujourd'hui à Istanbul il est très mal vu de se marier si l'on est encore mineure.

Est-il donc raisonnable que, dans le même temps, à Paris, à Brest ou à Marseille une adolescente de quinze ans ait la possibilité de contracter mariage alors même qu'elle reste soumise jusqu'à seize ans à l'obligation de scolarité ? N'est-ce pas un frein, madame la ministre, mes chers collègues, à l'accomplissement des études, le moyen le plus sûr dans toute société pour acquérir l'autonomie et la liberté auxquelles aspirent toutes les femmes au même titre que les hommes ?

L'obsolescence de l'âge minimum légal du mariage pour les filles a d'ailleurs été implicitement reconnue lorsqu'il s'est agi de fixer l'âge légal permettant de contracter un pacte civil de solidarité, PACS, c'est-à-dire dix-huit ans pour l'homme comme pour la femme, selon l'article 515-1 du code civil !

Bien évidemment, cette modification du code civil ne suffira pas à elle seule à éliminer les mariages forcés. D'autant que nombre de mariages de jeunes Françaises ont lieu hors de notre territoire, à l'occasion d'un déplacement dans le pays d'origine qui permet plus facilement de contraindre la jeune fille à une union selon le système juridique local. Un des buts de telles unions est parfois, nous ne pouvons nous le cacher, l'accès à la nationalité française.

A l'heure actuelle, un consulat français à qui l'on demande la transcription d'un tel mariage ne peut refuser un dossier. S'il existe un doute sur la sincérité du consentement, le consulat peut le transmettre au procureur de la République, mais si celui-ci n'a pas répondu dans un délai de six mois - ce qui est, du fait de la surcharge des tribunaux, le cas le plus fréquent -, le mariage est automatiquement transcrit.

Aucune statistique officielle n'existe actuellement sur le nombre de ces mariages pratiqués à l'étranger. Pour mieux appréhender la situation, le directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France a accepté de diligenter une étude, qui pourrait nous éclairer pour réformer le dispositif. Car il faudrait aller bien au-delà de cet amendement, faire en sorte que le mariage puisse être transcrit seulement après accord explicite du procureur de la République et qu'une action éventuelle en nullité pour vice du consentement puisse être de son ressort, alors qu'actuellement seuls les conjoints sont en droit de demander l'annulation du mariage. On imagine bien, en effet, que les intéressés eux-mêmes ont le plus grand mal à entreprendre cette démarche.

Les dossiers suspects étant, depuis le 1er mars, centralisés sur un seul service spécialisé à Nantes, il conviendra de donner les moyens adéquats au parquet pour que leur traitement soit plus rapide et efficace. Sans doute faudrait-il aussi réfléchir au mode d'acquisition de la nationalité française par le mariage et subordonner, par exemple, cette acquisition à un décret.

Mais, comme chacun le sait, on ne peut changer la société par décret. C'est sur les mentalités qu'il nous faudra agir pour prévenir de tels phénomènes. L'éducation en milieu scolaire, plus encore que l'arsenal répressif, permettra de limiter dans l'avenir ces pratiques dans notre pays. Il faut aussi faire confiance aux associations spécialisées dans la prévention des mariages forcés et leur donner les moyens de diffuser leurs actions tant en milieu scolaire qu'auprès des familles dans les quartiers sensibles.

Je ne voudrais pas conclure sans remercier M. le garde des sceaux, qui a accepté de soutenir aujourd'hui notre amendement, et qui l'a annoncé publiquement la semaine dernière.

Mme Hélène Luc. Il est dommage qu'il ne soit pas présent !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mes remerciements sont d'autant plus appuyés que je connais le chemin parcouru pour admettre cette réforme du code civil, laquelle - si j'en juge par l'ampleur des réactions favorables - s'inscrira comme une évolution majeure pour la reconnaissance de la dignité des femmes, qui apportent tant à notre pays.

Je voudrais enfin vous demander à tous, mes chers collègues, de voter cet amendement dont je souhaiterais rappeler qu'il avait déjà été présenté voilà plusieurs années par notre collègue de l'UMP M. Patrice Gélard. L'unanimité serait évidemment un signe très fort en direction de nos concitoyens en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. Elle serait à l'honneur de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen de ces deux propositions de loi a donné lieu à des travaux importants au sein tant de la délégation aux droits des femmes que de la commission des lois, ce dont il convient de se féliciter. En effet, ils montrent l'ampleur et les particularités du phénomène des violences dans le couple, ampleur d'autant plus regrettable que les chiffres connus ne reflètent que la partie émergée de l'iceberg.

Cette prise de conscience - il s'agit sans doute là de l'aspect le plus important - permet de faire sortir les violences conjugales de la sphère privée et de les considérer comme un véritable fléau de société qui fait appel à notre responsabilité collective.

Je ne reviendrai pas sur les différentes propositions de la commission des lois, si ce n'est pour dire qu'elles reçoivent pleinement l'assentiment du groupe UC-UDF en ce qu'elles permettent d'améliorer les règles pénales en la matière.

Je me permettrai tout de même de faire une remarque, car, dès lors que l'on touche au code pénal, il convient d'être prudent.

Il nous faut éviter deux écueils.

Le premier concerne la tentation de l'escalade répressive. En effet, il ne serait pas raisonnable de céder à des effets d'annonce qui iraient à l'encontre de l'objectif qui est le nôtre. Ainsi, rien ne sert d'augmenter indéfiniment les peines prononcées par les juges - et cette remarque n'est pas propre à la matière qui nous intéresse ici - si celles-ci ne sont jamais prononcées ! Essayons plutôt de déterminer des peines qui soient applicables et qui seront appliquées.

Le second écueil a trait à la modification de l'article du code pénal sur le viol. Je fais partie de ceux qui pensaient que la définition du viol était très claire et que, en cas de mauvaise interprétation de cette dernière par nos concitoyens, il suffisait de faire oeuvre de pédagogie pour leur expliquer de quoi il s'agissait réellement. Or, si la pédagogie nous conduit aujourd'hui à récrire un alinéa du code pénal sur le viol - alinéa qui, auparavant n'était pas juridiquement nécessaire - il convient de veiller à ne pas laisser place à un raisonnement qui, lui, a contrario, conduirait à créer une irresponsabilité ou une atténuation de responsabilité pour d'autres infractions.

En d'autres termes, ce n'est pas parce que l'alinéa sur le viol s'appliquera au sein du couple - ce qui est déjà le cas, puisque nulle part il n'est écrit qu'il en va autrement - que d'autres infractions qui y sont commises, au motif qu'elles ne sont pas prévues dans le code pénal, atténueraient la responsabilité, voire la rendraient nulle.

Par ailleurs, je tiens à saluer les différentes actions gouvernementales ; je pense, notamment, au lancement de la dernière campagne du ministère de la justice ainsi qu'à la diffusion d'un guide de l'action publique en matière de lutte contre les violences au sein du couple, guide particulièrement complet et qui est déjà utilisé par les professionnels de la justice, les associations d'aide aux victimes, les gendarmes et les policiers.

Dans leur ensemble, toutes ces opérations répondent au souci primordial de faire reconnaître par le plus grand nombre à la fois l'existence et la gravité du phénomène de la violence conjugale.

Je voudrais maintenant insister sur l'objet de l'un de nos amendements, d'ailleurs évoqué par de nombreux autres sénateurs : je veux parler de l'harmonisation de l'âge légal du mariage entre les hommes et les femmes.

Selon nous, une modification du code est indispensable sur ce point. Elle répond, ainsi que cela a été rappelé par l'une de nos collègues, à un double objectif, à savoir, d'une part, promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, et, d'autre part, lutter contre le mariage forcé dont sont victimes un certain nombre de jeunes femmes, notamment celles qui sont issues de l'immigration.

Le mariage forcé est bel et bien une violence subie par des femmes particulièrement vulnérables et ce n'est pas parce que les chiffres sont relativement flous sur la question que le phénomène ne constitue pas un problème de société. C'est la raison pour laquelle le législateur ne peut plus s'exonérer de sa responsabilité en la matière.

Certes, il s'agit non pas seulement de violence physique - quoi que cela soit très souvent le cas - mais d'une violence morale, psychologique, tout aussi insupportable dans la mesure où le mariage forcé porte gravement atteinte à la dignité de la femme, à ses droits et à sa liberté.

Conscient de la gravité du problème, le groupe UC-UDF, comme d'autres groupes d'ailleurs, avait déjà déposé un amendement en ce sens lors du débat sur le projet de loi relatif au divorce. Le rapporteur du texte, M. Patrice Gélard, et Mme Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, nous avaient alors assurés de leur soutien, tout en soulignant, d'une part, que le temps de la réflexion était nécessaire et, d'autre part, que cet amendement n'avait pas sa place dans le texte dont nous discutions à l'époque.

Aujourd'hui, il nous semble que les conditions sont réunies pour que soit votée cette modification législative et, à ceux qui seraient inquiets, je rappellerai, s'il en est besoin, que l'article 145 du code civil prévoit que le procureur de la République pourra toujours accorder des dispenses d'âge pour des « motifs graves », tels que la grossesse, cas le plus fréquent.

Nous avons tous ici l'espoir que cet amendement sera adopté, espoir d'ailleurs conforté au vu de l'unanimité qu'il a suscitée ces derniers jours, unanimité à laquelle s'est rallié M. le garde des sceaux lui-même.

L'occasion se présente une nouvelle fois au Sénat d'être à l'origine d'une mesure garante des libertés fondamentales, ce dont il faut, je crois, se réjouir ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ecchymoses, hématomes, contusions, plaies, brûlures, morsures, traces de strangulation, mais aussi fractures sont les principales blessures que subissent les femmes battues et, souvent, sans oser en parler.

Viols, assassinats, discriminations, violences conjugales, aucun pays ne peut affirmer que les femmes ne sont pas victimes de violences sur son territoire. A l'échelle de la planète, au moins un tiers des femmes ont été battues, contraintes à des rapports sexuels ou maltraitées, le plus souvent par une personne de leur connaissance.

Et pourtant, il existe de nombreux textes normatifs internationaux qui interdisent de tels faits, à commencer par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, complétée par différentes conventions et déclarations, notamment la déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes de 1993.

Ce sujet, longtemps tabou, émerge enfin au grand jour un peu partout dans le monde, ce qui est une bonne chose, non seulement parce qu'il en va du respect des droits fondamentaux de la personne humaine, mais aussi parce que son coût social exorbitant est maintenant reconnu, en particulier par toutes les instances internationales, qu'il s'agisse de l'ONU, de l'UNESCO, du Conseil de l'Europe ou du Parlement européen. Il s'agit, effectivement, d'un fléau mondial.

La violence contre les femmes ne concerne pas uniquement ces dernières ; elle intéresse aussi tant les pouvoirs publics que la société en général, qui ont trop longtemps fermé les yeux sur ce phénomène.

La violence croissante contre les femmes, qu'elle soit infligée dans la vie publique ou dans la vie privée, constitue une grave violation des droits de l'homme. Il est admis que les Etats sont tenus de faire preuve de vigilance pour prévenir, instruire et réprimer les actes de violence, et garantir une protection aux victimes.

Je mentionnerai quelques chiffres.

Aujourd'hui, en France, une femme sur dix est victime de violence, qu'elle soit morale, physique ou psychologique. C'est ainsi que notre pays compte plus de 2 millions de femmes battues par leur conjoint et enregistre 250 crimes passionnels par an.

La violence conjugale toucherait en France tous les milieux, toutes les nationalités, tous les âges et toutes les cultures.

En outre, il ne faut pas oublier que ces actes de violence ont souvent lieu sous le regard des enfants. En 2000, l'ENVEFF, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, répondant aux recommandations faites aux gouvernements lors de la Conférence mondiale sur les femmes qui s'est tenue à Pékin en 1995, a montré que c'est dans leur vie de couple que les femmes adultes subissent le plus souvent des violences psychologiques, physiques et sexuelles : les coups et autres brutalités physiques sont majoritairement le fait des conjoints.

Cette enquête a également fait apparaître que les violences revêtent de multiples formes. Au cours de sa vie, plus d'une femme sur cinq est touchée par la violence physique et/ou sexuelle dans le cadre d'une relation de couple. Les femmes sont donc davantage en danger chez elles que dans la rue ou sur leur lieu de travail !

La sphère privée est plus touchée par les violences de tous types : insultes, harcèlement moral, injures répétées, chantage affectif, pressions psychologiques, attitudes de dénigrement, menaces, violences physiques ou sexuelles.

Par ailleurs, la violence conjugale ne se limite pas aux milieux défavorisés. En effet, 10 % des femmes battues sont des cadres supérieurs ; 10,2 % des femmes au foyer ; 9 % des employées et 8,7 % des ouvrières. En outre, le chômage constitue un facteur aggravant de violences : plus 13,7 %.

Les violences conjugales sont aussi liées à l'âge. Les femmes plus jeunes, celles qui ont entre vingt et vingt-quatre ans, sont deux fois plus touchées que leurs aînées.

Certes, les données chiffrées concernant la violence contre les femmes restent difficiles à cerner avec précision, tant cette notion recouvre de réalités multiples : viols, incestes, violences conjugales, harcèlement sexuel, etc. De plus, de nombreuses victimes ne déposent pas plainte, et ce pour diverses raisons : peur, pression de l'entourage, méconnaissance des procédures, crainte que leurs enfants ne leur soient enlevés.

A l'heure actuelle, nous ne disposons que d'une seule source d'information, l'ENVEFF. Or, selon les professionnels eux-mêmes, ces données sont encore en deçà de la réalité!

Aujourd'hui, il est scandaleux de constater que les violences conjugales représentent l'une des causes principales de mortalité chez les femmes. D'après le ministère de l'intérieur, en France, six femmes meurent tous les mois du fait de violences conjugales, sans parler de celles qui se suicident et qui, elles, n'entrent pas dans les statistiques. Et pourtant, l'on estime que le nombre de tentatives de suicide de la part de femmes victimes de violences conjugales est quinze fois plus important que dans l'ensemble de la population.

Il est grand temps de reconnaître que la violence, sous toutes ses formes, affecte gravement la santé des femmes, du fait des blessures provoquées ou des affections chroniques qu'elle peut engendrer. Les coups reçus ainsi que l'état de tension, de peur et d'angoisse dans lequel sont maintenues ces femmes par leur agresseur entraînent de graves conséquences et sont à l'origine de troubles très variés.

Même si certaines mesures ont été prises dans la lutte contre la violence, il reste encore beaucoup à faire. En effet, les femmes continuent d'être victimes des différentes formes de violence. « Au pays des droits de l'homme, les droits de la femme ne sont pas respectés ». Cela est inacceptable ; il nous faut parvenir à une tolérance zéro !

Comment combattre cette violence à l'égard des femmes ?

La lutte contre cette violence doit devenir une priorité sur tous les plans. Il convient donc de s'employer à la prévenir à tous les niveaux, notamment en améliorant les lois, les actions politiques, les programmes et en prévoyant des moyens financiers plus importants. Une véritable coordination et une concertation sont nécessaires entre tous les acteurs concernés.

Les ministères de la justice, de l'intérieur, de la défense et le secrétariat d'Etat aux droits des femmes, tout comme l'autorité judiciaire, la police nationale, la gendarmerie nationale, les services des droits des femmes et les structures associatives se doivent, dans leur champ de compétences respectif, se concerter et intervenir de manière prioritaire dans ce domaine.

La lutte contre la violence envers les femmes doit passer par l'information et la formation.

L'information vise à donner plus de visibilité au phénomène et à le nommer. Il s'agit également d'informer les femmes victimes de violences sur leurs droits, les recours possibles et les associations de soutien.

Il me paraît essentiel d'insister sur la prévention, qui est cruciale et qui doit commencer au collège et au lycée afin de sensibiliser les élèves à la violence à l'égard des femmes et de leur apprendre le respect de l'autre.

De la même façon, il faut renforcer la formation de tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse des travailleurs sociaux, du personnel médical, des magistrats ou des services de police.

Je tiens, par ailleurs, à souligner le rôle très important que jouent les médecins dans ce domaine. L'ENVEFF a montré à cet égard que les victimes avaient, en premier lieu, recours au médecin, qui peut à la fois constater les violences, les aider à en parler et les orienter vers des structures d'accueil.

Il est essentiel de promouvoir la protection des victimes, de coordonner et d'améliorer leur accueil. En effet, c'est dans ces conditions, et dans ces conditions seulement, que les victimes seront plus disposées à déclarer les actes de violences perpétrés contre elles.

La prévention, le soutien juridique et l'accompagnement des victimes de violences jouent un rôle important, que la proposition de loi de Roland Courteau permet de renforcer. La prévention doit s'adresser non seulement à la victime, pour que celle-ci ose briser le mur du silence, mais aussi à l'entourage, qui pourra l'aider, ainsi qu'à l'agresseur afin qu'il prenne conscience que la violence est un crime.

J'en viens à la sanction, par laquelle passe aussi la lutte contre la violence envers les femmes.

Aujourd'hui, la sanction des infractions de violence reste très en deçà des maxima légaux prévus par la loi. En outre, la peine dépend de la gravité de la violence - par exemple, mort de la victime sans intention de la donner, mutilation, incapacité totale de travail supérieure à huit jours.

La nouvelle disposition qui nous est proposée permettra de punir plus sévèrement les violences conjugales en prévoyant une peine de trois ans d'emprisonnement et concernera les conjoints, les concubins, les pacsés ainsi que les ex-conjoints, les ex-concubins et les ex-pacsés.

Grâce à cette proposition, seront reconnues et punies les violences psychologiques répétées qui, on le sait, sont très destructrices.

Enfin, cette disposition prévoit la reconnaissance du viol entre époux, puisque la plupart des 50 000 viols qui sont commis chaque année auraient lieu au sein du couple !

Un volet très important de la proposition de loi de Roland Courteau concerne l'aide aux victimes. Il permet explicitement au juge d'ordonner l'éloignement de l'agresseur du domicile du couple et d'obliger l'auteur des violences à se soumettre à une prise en charge thérapeutique.

Il faut donc prévoir une aide tant juridictionnelle que matérielle. Je pense particulièrement à ces femmes qui sont sans travail, donc sans ressources, et qui se retrouvent du jour au lendemain à la rue parce qu'elles ont voulu dénoncer leur agresseur. C'est à partir de là qu'il faut les protéger, notamment par une prise en charge morale et matérielle.

Pour conclure, je souhaite insister sur le fait que les violences physiques et sexuelles ne sont pas seulement des actes punissables. Elles constituent une violation des droits de l'homme et ont des conséquences dramatiques pour la victime. Chacun a le droit de mener une vie sociale en toute sécurité et en toute dignité : il se révèle donc nécessaire de mener une politique prioritaire et de se mobiliser pour lutter contre la violence physique et sexuelle à l'égard des femmes et des enfants, qui en sont les principales victimes.

Cette proposition de loi vise à la fois les victimes, les auteurs de violence et les différents acteurs potentiels. Elle agit au niveau tant de la prévention que de la répression. Elle s'attache à déceler les failles ou insuffisances légales et réglementaires. II faut lutter contre les non-dits, encourager le dépôt de plainte et protéger les femmes qui s'engagent dans la voie judiciaire.

Lutter efficacement contre la violence conjugale implique des approches multidisciplinaires coordonnées qui font intervenir les services sociaux, les médecins, le système éducatif, l'appareil judiciaire et les médias. Il faut multiplier les dispositifs de soutien et les structures d'accueil, d'écoute et d'hébergement.

Aujourd'hui, selon Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, il y a urgence, car à l'absence de connaissance réelle du phénomène répond une mobilisation encore limitée de l'opinion et des pouvoirs publics. Elle déclare aussi : « Il y a une sous-estimation dramatique des chiffres de la violence eu sein des couples et, partant de là, une insuffisance de moyens. » La violence envers les femmes dans le couple, quel que soit le lien unissant les individus, est aujourd'hui un véritable fléau social. Ces comportements sont intolérables et l'on ne peut supporter qu'ils soient banalisés.

Pour conclure, je voudrais citer la phrase suivante : « On peut juger du degré de civilisation d'un peuple à la situation sociale de la femme. »

Il faut donc agir et donner tous les moyens pour bâtir un monde où les femmes seraient libérées de toute forme de violence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette fois, la lutte contre les violences au sein des couples est devenue l'affaire de tous.

Avant d'aborder le fond du sujet, je tiens à remercier M. de Richemont, rapporteur de la commission des lois, et tout particulièrement M. Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes, pour l'écho remarquable et passionné qu'il a donné au travail de cette délégation.

Je concentrerai mon intervention sur deux points, particulièrement importants à mes yeux : la prévention et l'application de la loi.

Dans notre pays, celui de la liberté, de l'égalité, et de la fraternité, dix femmes sur cent sont victimes de violences conjugales. Elles ne sont pas libres ; elles ne sont pas égales à leurs conjoints et ne connaissent rien de la complicité et de la fraternité que le couple est censé apporter. On peut également estimer qu'au minimum 10 % des enfants en âge scolaire sont témoins de cette violence.

Je n'évoquerai aujourd'hui que les violences physiques, alors que les violences sexuelles, psychologiques et économiques font des ravages tout aussi graves. Malheureusement, ceux-ci sont moins faciles à identifier et à prouver.

Dans notre « douce France », il y a donc au minimum deux enfants par classe de vingt-cinq élèves qui vivent cet enfer à la maison. Dans chaque classe, une petite fille voit sa maman régulièrement humiliée et battue par son papa ; un petit garçon voit régulièrement son papa humilier et battre sa maman. Quelles conséquences ce comportement aura-t-il sur le futur de ces enfants ? Il y a toutes les chances pour que ces petites filles trouvent naturel d'être frappées par leur compagnon, et pour que ces petits garçons estiment normal de battre leur compagne !

Si les violences conjugales ont été si longtemps ignorées, c'est que notre société reste encore très machiste. Evoquez donc ce sujet au détour d'une conversation, vous êtes sûr d'entendre une de ces réflexions goguenardes qui en disent long sur les ressorts de l'inconscient : « Oh, une petite baffe n'a jamais fait de mal à personne » ; d'ailleurs, « elles aiment ça » ; « bats ta femme tous les matins, si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait » ...

M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est vieux comme le monde !

Mme Muguette Dini. On sent, à travers ces réflexions, les signes manifestes d'une tolérance et d'une compréhension à l'égard de l'homme violent. Mais on ne perçoit jamais un signe de compassion, de révolte pour celle qui est ainsi humiliée, diminuée, réduite à néant.

Nous avons le devoir de faire changer ces mentalités. Ce sera un long travail, et il convient de l'entamer au plus vite. Dans ce domaine, il est nécessaire d'appliquer la tolérance zéro.

Il doit être dit clairement aux garçons, dans les familles, à l'école et partout, qu'ils ne peuvent pas s'attaquer à ceux qui sont plus faibles qu'eux physiquement et, en particulier, aux filles. Je parle non pas des bagarres enfantines habituelles dans les familles et à l'école, mais des frères et des « grands » qui se permettent de corriger leurs petites soeurs ou les autres filles. Il faut leur rappeler qu'une fille est leur égale, qu'elle peut penser et vivre sa vie comme eux et qu'ils n'ont aucun droit sur elle, pas plus que sur tout autre être humain. On ne frappe pas sa petite soeur, on ne frappe pas sa petite camarade, on ne frappe pas une fille, on ne frappe pas une femme ... Il faut le répéter et le faire respecter sans relâche.

Une sensibilisation constante au respect de la différence sexuelle, comme de toute autre différence d'ailleurs, est capitale, dès la petite enfance.

En ce qui concerne la manière dont cette loi sera appliquée, il me semble que quelques points doivent être traités avec une attention particulière.

La médiation ne peut s'appliquer aux couples en situation de violence. Je reviendrai sur ce sujet lors de la discussion de l'amendement que j'ai déposé.

Les effets de cette loi devraient être étendus aux frères exerçant sur leurs soeurs des violences inadmissibles.

L'accueil dans les commissariats et les gendarmeries doit être fait par des agents féminins de préférence, et dans tous les cas, spécifiquement formés à cette écoute. Cet accueil ne doit pas être confié à des agents très jeunes, n'ayant eux-mêmes qu'une courte expérience de la vie en couple et réalisant parfois avec difficulté la gravité de la situation.

Les policiers, les gendarmes, mais également les magistrats et les médecins doivent obligatoirement recevoir non seulement une formation initiale mais surtout une formation continue.

Les associations concernées par ces violences envers les femmes et spécialisées dans leur accueil et leur aide doivent être soutenues plus efficacement dans leur action. Leur coopération sera sollicitée afin de faire de la prévention dans les établissements scolaires - collèges et lycées - où des modules de sensibilisation seront mis en place.

Il est nécessaire de porter une attention particulière aux jeunes filles mariées contre leur volonté, hors de France, dans des pays autorisant le mariage avant l'âge de la majorité française, et qui rentrent en France accompagnées de leur mari. Ainsi, interdire le regroupement familial, avant que la jeune femme ait atteint l'âge légal du mariage en France, lui donnerait plus de chance de réagir à cette violence.

Cette loi, dont les décrets d'application, je l'espère, seront publiés rapidement, va permettre de grandes avancées dans la protection et la défense des femmes victimes de violences. Elle ne suffira pas à régler toutes les questions soulevées et nous aurons certainement à la compléter assez rapidement, mais c'est avec beaucoup d'espoir dans ces succès que le groupe de l'Union centriste-UDF votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Ameline, ministre. Je voudrais d'abord remercier l'ensemble des orateurs de leur contribution positive à ce texte, dont la valeur intrinsèque et les effets pédagogiques sont indéniables. Je rappellerai, à cet égard, l'importance des dispositions de la loi visant notamment à lutter contre les propos discriminatoires sexistes et de la loi relative au divorce permettant l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal.

Je me réjouis également de la convergence de vues qui existe entre les groupes en ce qui concerne les objectifs et l'analyse des moyens à mettre en oeuvre. A cette fin, un renforcement de notre droit est nécessaire. Les mesures réglementaires - je les ai déjà évoquées et nous y reviendrons au cours de cette discussion - porteront notamment sur la formation et l'information. Nombre d'entre elles ont déjà été engagées dans le plan que j'ai présenté au mois de novembre et sur lequel plusieurs sénateurs ont bien voulu revenir.

Je formulerai maintenant quelques observations plus précises.

MM. Goujon et Zocchetto se sont prononcés, de manière tout à fait pertinente, sur la nécessité d'incriminer le viol. Ils ont aussi exprimé des réserves, précisant qu'une disposition aussi positive ne saurait conduire à l'atténuation de la responsabilité concernant d'autres agressions.

Ma deuxième observation porte sur la formation et la prévention. Il est tout à fait clair -  je m'y engage avec une totale détermination - que la formation de l'ensemble des acteurs sociaux et des professionnels de la justice, au côté des associations et des pouvoirs publics, est indispensable à la réussite de cet effort. Nous en sommes tous conscients.

Mais oserai-je répéter, à ce stade de notre discussion, que les plans de formation déjà engagés - j'y reviendrai au cours de la discussion - relèvent plus du domaine réglementaire ? Sur ce terrain, comme sur d'autres, je serai tout à fait prête à rendre compte à la représentation nationale des efforts conduits et des résultats obtenus. De ce point de vue, j'ai bien noté les observations de Mmes Gautier et Dini.

Je voudrais également remercier Mme Mathon d'avoir mis l'accent sur les réseaux : l'indispensable mise en relation de l'ensemble des compétences et des moyens permettra une meilleure sensibilisation et une plus grande prise de conscience de tous les acteurs. Mme la sénatrice a manifesté sa volonté de sortir de cette violence ordinaire qui a marqué, il faut bien le dire, ces dernières années.

M. Courteau a rappelé l'ensemble des propositions que contenait son texte initial. J'ai noté son observation sur les statistiques. Il est vrai que nous allons renforcer totalement l'outil statistique, j'aurai l'occasion d'y revenir dans un instant. Un tel objectif est partiellement atteint avec le système mis en place par Dominique de Villepin, mais il est tout à fait essentiel d'avoir une mesure beaucoup plus fine et analytique des violences au sein du couple.

Mme Garriaud-Maylam et M.  Zocchetto sont intervenus avec beaucoup de force sur la question des mariages forcés. Il s'agit d'un dossier sur lequel nous allons également poursuivre la réflexion. Bien évidemment, celle-ci ne s'arrête pas ici, même si, vous l'avez noté, nous franchirons ce soir une étape tout à fait positive sur ce sujet.

Les uns et les autres ont souhaité que l'action du Gouvernement et de l'ensemble des responsables sur ce sujet soit beaucoup plus visible. J'y suis personnellement favorable, et je propose de réfléchir avec la Haute Assemblée, en particulier la délégation aux doits des femmes, sur cette nécessaire visibilité, qui participe de la prise de conscience collective indispensable dans notre société.

Je terminerai par un sujet sur lequel vous avez été nombreux à intervenir, celui de l'éducation, tant familiale que scolaire. Il ne faut pas oublier, effectivement, le rôle éminent de la famille. Il est notable que le ministre de l'éducation nationale a totalement intégré, notamment dans le rapport annexé à la loi d'orientation pour l'avenir de l'école qui vient d'être votée, la nécessité de renforcer la prise de conscience de la mixité comme véhicule de valeurs, c'est-à-dire fondée sur l'égalité, le respect de soi et de l'autre, le respect de la différence, ainsi que de certaines considérations intéressant la paix, la démocratie, la liberté et l'égalité.

A travers ces différentes interventions, nous avons, me semble-t-il, beaucoup avancé sur la nécessité de mobiliser la nation tout entière, par le biais de l'ensemble de ses forces, et sur une idée que je prône depuis mon installation à la tête de ce ministère et que Mme Schillinger a également rappelée, à savoir que la lutte contre les violences est non seulement un combat dans le monde pour les valeurs, mais aussi un combat interne à chacune de nos sociétés qui intéresse chaque citoyenne et chaque citoyen.

Nous allons maintenant aborder la discussion des articles. Je me félicite, encore une fois, que l'ensemble des propositions s'inscrive pleinement dans la démarche engagée jusqu'à maintenant par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. additionnels avant l'art. 1er ou après l'art. 5 (début)

Article additionnel avant l'article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Balarello, Baudot, Beaumont, Bécot, Bertaud, Besse, Béteille, Bizet et P. Blanc, Mme Bout, MM. Branger et Braye, Mme Brisepierre, MM. Buffet, Cambon, Cantegrit, Carle, Cazalet, Cointat et Dallier, Mme Debré, MM. Del Picchia, Detcheverry et Doligé, Mme B. Dupont, MM. Duvernois, Esneu, Falco, Ferrand, Fouché, Fournier, Gaillard, Gélard, Gérard, Goujon et Gournac, Mme Gousseau, MM. Gouteyron, Grignon et Guerry, Mme Hermange, M. Houel, Mme Hummel, MM. Hyest et Juilhard, Mmes Kammermann, Keller et Lamure, MM. Laufoaulu, Lardeux et Leroy, Mme Malovry, M. Martin, Mmes Melot et Papon, MM. Peyrat et Portelli, Mme Procaccia, M. Richert, Mmes Rozier et Sittler, MM. Souvet, Texier et  Trillard, Mme Troendle, MM. Vasselle,  Vial et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 144 du code civil est rédigé comme suit :

« Art. 144. - L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement s'explique par son texte même.

Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié ter, présenté par MM. Courteau, Bel et Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Lagauche, Mmes Y. Boyer et Printz et M. Assouline, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 144 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 144. - L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant l'âge de dix-huit ans. »

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Pour pouvoir contracter mariage, l'article 144 du code civil prévoit que l'homme doit avoir dix-huit ans et la femme quinze ans. Cette disposition date de 1803. Cette condition est dite de « puberté légale » ; je parlerai peut-être de maturité, plutôt que de « puberté », car la perspective est désormais plus d'éviter un engagement hâtif que de s'assurer des fonctions procréatrices du couple.

La commission présidée par Mme Dekeuwer-Desfossez en 1999 et chargée de faire des propositions « pour un droit de la famille adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps » a proposé d'unifier l'âge du mariage.

Cette proposition avait pour objectif de poser une règle identique pour tous. Toutefois, la question ne concerne pas seulement l'égalité des sexes. Plus fondamentalement, une discordance profonde apparaît aujourd'hui entre la règle légale et la pratique sociale : l'âge du mariage étant de plus en plus tardif, il n'y a plus grand sens à écrire dans la loi que les filles sont « nubiles » à quinze ans. En réalité, pour apprécier la capacité des futurs époux à contracter mariage, la maturité psychologique paraît plus significative que l'aptitude aux rapports conjugaux.

Par ailleurs, la règle proposée présente l'avantage de libérer définitivement le mariage de la pression familiale, puisque, par hypothèse, les futurs époux seront majeurs. En effet, la règle actuelle a un effet pernicieux, celui de permettre à certaines familles de marier contre leur gré des jeunes filles mineures qui sont dans l'incapacité aussi bien de refuser un mariage forcé que de décider librement de leur destinée après avoir eu le temps de poursuivre des études.

Nous proposons donc, par cet amendement, de supprimer cette disparité archaïque, qui ne correspond plus à la réalité d'une société moderne et qui contrevient au principe d'égalité affirmé tant par la Constitution que par la législation européenne. Nous rejoindrons ainsi de nombreux pays européens, comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne ou l'Espagne, qui ont d'ores et déjà procédé à cette harmonisation.

Enfin, pour ceux d'entre vous qui douteraient encore de la nécessité d'une telle mesure, je rappellerai que, à travers l'article 145 du code civil, la loi, attentive aux situations exceptionnelles, permet au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d'accorder des dispenses d'âge pour motifs graves. Sur ce critère vague, qui fait imaginer les raisons diverses d'avancer le mariage - grossesse, par exemple -, côté femme et côté homme, l'incapacité peut être levée au cas par cas, sous réserve de l'autorisation des parents.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous demandons d'adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par Mme G. Gautier, M. Zocchetto, Mme Dini, M. About et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I- L'article 144 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 144. - L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »

II- En conséquence, les articles 148, 149, 150, 151, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159 et 160 du code civil sont abrogés.

La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Madame la présidente, je souhaite rectifier le paragraphe II de cet amendement.

Je maintiens le paragraphe I, c'est-à-dire la même phrase que celle qui figure dans l'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam, et qui vise à rédiger comme suit l'article 144 du code civil : « L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »

En effet, nous pensions que, cette disposition étant adoptée, toutes celles qui sont relatives aux mineurs contractant mariage n'avaient plus lieu d'exister ; c'est pourquoi nous avions proposé, dans un premier temps, de supprimer les articles correspondants du code civil. Mais, en réalité, il apparaît qu'elles sont nécessaires dès lors que le procureur conserve la possibilité d'accorder une dispense d'âge.

En conséquence, je rectifie cet amendement afin de n'abroger que l'article 153 du code civil, que je ne résiste pas à l'envie de vous lire, même si ce n'est pas vraiment un plaisir : « Sera assimilé à l'ascendant dans l'impossibilité de manifester sa volonté, l'ascendant subissant la peine de la relégation ou maintenu aux colonies en conformité de l'article 6 de la loi du 30 mai 1854 sur l'exécution de la peine des travaux forcés. »

Si nous voulons une législation claire et compréhensible par tout le monde, il ne faut pas conserver des dispositions vieillottes, des antiquités qui viendraient amoindrir la portée des autres articles.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 23 rectifié, présenté par Mme G. Gautier, M. Zocchetto, Mme Dini, M. About et les membres du groupe Union centriste - UDF, et ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I - L'article 144 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 144. - L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »

II - En conséquence, l'article 153 est abrogé.

L'amendement n° 37, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 144 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 144 - L'homme et la femme avant dix-huit ans révolus ne peuvent contracter mariage. ».

II. - En conséquence, les articles 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160 du code civil sont abrogés. 

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous allons vers une unanimité pour relever de quinze ans à dix-huit ans l'âge du mariage pour les jeunes filles. C'est une bonne chose !

Cet amendement reprend la proposition de loi relative au mariage des mineurs, que notre groupe a déposée le 8 mars 2005.

La question de l'âge au mariage se pose d'abord en termes d'égalité des droits. En effet, la législation actuelle entretient une discrimination entre les hommes et les femmes qui n'a aucun fondement, ni juridique ni sociologique.

Il fut un temps, lointain désormais, où les jeunes femmes étaient promises, bien avant leur majorité, à une union qu'elles avaient d'ailleurs rarement souhaitée. Mais on ne peut plus, aujourd'hui, se référer à ce type de pratique, comme cela a déjà été dit.

Enfin, l'âge de la majorité a lui aussi changé, puisqu'il est fixé à dix-huit ans depuis la loi du 5 juillet 1974. Pourquoi l'âge au mariage pour les jeunes filles ne correspondrait-il pas à l'âge de la majorité, alors que c'est le cas pour les garçons ? La différence ne se justifie pas.

Relever l'âge au mariage pour les jeunes filles est donc un élément supplémentaire pour parvenir enfin à une égalité de droits entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, cela permettrait de garantir le respect des droits de l'enfant, puisque, juridiquement, on est enfant jusqu'à dix-huit ans, même si beaucoup de dispositions permettent - hélas ! -de condamner aujourd'hui à des peines d'emprisonnement des jeunes de moins de dix-huit ans.

En ce sens, une telle mesure s'inscrit dans la lutte contre les mariages forcés. Claire Brisset, défenseure des enfants, a émis ce souhait dans son dernier rapport de novembre 2004, et a d'ailleurs fait siennes les recommandations du Comité des droits de l'enfant. Celui-ci « renouvelle sa préoccupation concernant la différence d'âge auquel les garçons peuvent se marier et les filles. »

La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, qui date de 1979, émettait déjà des préconisations en matière de droit au mariage. En effet, l'article 16 prévoit : « Les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme :

« a) Le même droit de contracter mariage ;

« b) Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement ; ».

En France, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a émis, dès 1992, un avis sur les mariages forcés, dans lequel elle considérait que tout manquement à la protection de l'enfant en danger constitue une atteinte à l'ordre public français.

S'il est effectivement difficile de chiffrer avec précision le nombre de mariages forcés célébrés en France, il ne faut pas toutefois négliger le phénomène, qui est loin d'être marginal. Par ailleurs, les mariages forcés sont souvent le cadre de violences conjugales, ce qui rend encore plus dramatique la situation vécue par les jeunes filles.

C'est pourquoi il nous semble indispensable de relever l'âge au mariage des jeunes filles à dix-huit ans, mais aussi d'empêcher que les parents imposent une union qu'elles n'auraient pas souhaitée. C'est l'objet du deuxième paragraphe de notre amendement. En effet, certaines dispositions du code civil sont particulièrement inquiétantes au regard des droits de l'enfant. L'article 148 prévoit, par exemple, que, en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement. Si l'un des parents voulait empêcher le mariage de sa fille, il ne pourrait pas le faire actuellement.

Je tiens néanmoins à préciser que nous n'avons pas supprimé l'article 145 du code civil, qui permet au procureur de la République d'accorder des dispenses d'âge pour des motifs graves.

Aujourd'hui, tout le monde paraît favorable à cette disposition. Les articles que nous proposons d'abroger sont à prendre en considération. C'est pourquoi je préfère la formulation de l'amendement de notre groupe à celle des autres amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Il convient de rappeler que, sur ce sujet, deux propositions de loi ont été déposées, respectivement par Mme Garriaud-Maylam et par Mme Borvo Cohen-Seat, afin d'harmoniser l'âge du mariage pour l'homme et pour la femme. Elles sont aujourd'hui reprises par ces quatre amendements, qui tendent tous vers le même objectif que la commission des lois approuve, bien entendu.

Elle n'a donné un avis favorable que sur l'amendement n° 3 rectifié, sa rédaction s'apparentant plus à l'actuelle rédaction du code civil. Toutefois, il ne s'agit que d'une question de formulation ; par conséquent, M. Courteau devrait accepter que nous retenions la rédaction juridiquement plus correcte de l'amendement n° 3 rectifié.

M. Zocchetto, par son amendement n° 23 rectifié, abroge seulement l'article 153 du code civil. Je ne comprends pas pourquoi il maintient les mots : « En conséquence », car il n'y a aucun lien entre l'homologation de l'âge du mariage et la suppression d'un article portant sur la relégation.

D'une manière plus générale, notre objectif n'est pas de toiletter le code civil, même s'il conviendrait, monsieur le président de la commission des lois, de le faire un jour (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, acquiesce.). Je ne vois donc pas l'intérêt de ce toilettage partiel, portant sur un article aujourd'hui tombé en désuétude. Il est plus important de se concentrer sur l'essentiel, à savoir la rédaction, telle qu'elle figure à l'amendement n° 3 rectifié, de la disposition dont nous acceptons le principe.

Enfin, Mme Borvo Cohen-Seat et les membres de son groupe proposent, avec l'amendement n° 37, comme le souhaitait initialement M. Zocchetto, de supprimer les articles 148, 149 et 150 du code civil, suppression à laquelle la commission des lois n'est pas favorable. En effet, à partir du moment où le procureur de la République accorde une dispense d'âge pour des raisons exceptionnelles, il est bien évident que le consentement des parents est nécessaire pour le mariage d'une mineure. De plus, le code civil prévoyant que le partage emporte consentement, la commission n'estime pas nécessaire de modifier cette disposition.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois a donné, je le répète, un avis favorable sur l'amendement n° 3 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, madame la présidente.

La rédaction de l'amendement n° 3 rectifié, retenue par la commission, lui paraît effectivement tout à fait opportune. En effet, il est exact que la France reste l'un des deux seuls pays de l'Union européenne à ne pas avoir harmonisé l'âge nubile entre les filles et les garçons. Cette spécificité ne se justifie plus et il importe de faire disparaître cette dernière discrimination qui subsiste dans notre code civil. C'est d'ailleurs ce que préconisent différentes instances internationales, dont le comité CEDAW des Nations unies relatif à la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, et ce que recommande le Haut conseil à l'intégration.

Faut-il rappeler que les mariages forcés, qui sont en partie visés, mais de manière tout à fait centrale, par cette disposition, concernent en France 70 000 jeunes femmes ?

Je tiens à saluer, là encore, le remarquable travail de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui nous a permis aussi d'avancer sur ce thème particulièrement important.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° 3 rectifié.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Si j'interviens, c'est parce que je suis poussée, d'une part, par l'expérience que je peux avoir de ce qui se passe dans les consulats de France à l'étranger, confrontés à des demandes de transcription de mariages de toute évidence forcés, et, d'autre part, par le souvenir de toutes les auditions auxquelles a procédé, ces derniers temps, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, au cours desquelles les associations ont unanimement demandé à ce que l'âge du mariage des filles soit porté à dix-huit ans.

En effet, comme nombre de mes collègues l'ont très justement dit, l'égalité entre hommes et femmes exige que cette disposition soit enfin prise. Par ailleurs, il est incohérent que la scolarité soit obligatoire jusqu'à seize ans tandis que l'âge légal du mariage est de quinze ans ; cela ne va pas très bien ensemble ! Il faut absolument trouver tous les moyens possibles pour protéger des jeunes filles vivant en France et ayant, souvent, la nationalité française, contre les mariages forcés.

Le mariage forcé est, en fait, la première des violences conjugales.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Une jeune fille est violée dans le cadre du mariage.

Je tiens à dire que le phénomène va en s'aggravant. Les chiffres qui sont actuellement disponibles en France ne sont pas très faciles à vérifier, mais, dans tous les consulats de France du Maghreb, de Turquie et d'une partie de l'Afrique noire, on constate qu'il s'accroît d'année en année.

L'adoption de cette disposition donnerait ainsi un signal aux familles qui n'ont pas conscience de l'inadaptation de leur conception du mariage. Pour elles, il est normal qu'une fille nubile fasse l'objet du mariage arrangé le plus conforme à leurs intérêts. Telle est, d'ailleurs, la conception qui régnait dans nos familles voilà encore une centaine d'années.

M. Henri de Richemont, rapporteur. Pas comme cela !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce serait une façon de dissuader les familles de faire signer à leurs filles un contrat de mariage qui, ne pouvant être transcrit en France, perdrait une bonne partie de sa valeur marchande - il ne faut pas avoir peur des mots ! - et manquerait donc terriblement d'intérêt pour le conjoint qui profite de la jeune fille en question.

Cette mesure serait, selon moi, très dissuasive. Elle pourrait constituer la base d'un travail de persuasion des travailleurs sociaux, et, plus largement, de toutes les personnes qui peuvent intervenir auprès des familles, pour leur faire comprendre que, les choses ayant changé, leurs habitudes doivent évoluer elles aussi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Mme Dominique Voynet. Madame la ministre, il est important que cette disposition soit adoptée. En tout cas, j'ai, pour ma part, bien l'intention de la voter.

Dans les diverses interventions, j'ai noté deux types d'arguments assez différents.

Il s'agit, en premier lieu, d'harmoniser l'âge minimum du mariage, non seulement entre les deux sexes, mais aussi sur le plan européen, puisque la plupart de nos partenaires ont choisi de le fixer à dix-huit ans ; il s'agit, en second lieu - Mme Monique Cerisier-ben Guiga a insisté avec force sur ce point tout à l'heure - d'éviter les mariages forcés.

La disposition qui nous est proposée peut constituer un élément très utile ; toutefois - si je suis bien informée - les mariages arrangés, auxquels les jeunes femmes finissent par se résigner, ou les mariages forcés ne concernent pas seulement des jeunes filles mineures : bien souvent, la pression familiale fait que le consentement est extorqué dans des conditions très douloureuses pour ces femmes. C'est pourquoi je proposerai d'aller au-delà de cette disposition et de considérer que le harcèlement au mariage constitue une infraction qui doit être sanctionnée pénalement.

M. Henri de Richemont, rapporteur. Elle l'est !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il me semble que, en légiférant sur ce sujet, nous pourrions compléter le dispositif permettant de lutter efficacement contre cette déferlante des mariages forcés que trop de victimes subissent sur le territoire français.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

M. Patrice Gélard. Je tiens à rappeler que le Sénat a déjà adopté cette mesure en 1999 et que, par conséquent, nous continuons de progresser. En effet, j'avais déposé un amendement sur le projet de loi visant à instaurer le PACS, qui avait pour objet d'instituer le même âge légal du mariage pour l'homme et pour la femme. Cette proposition n'avait, à l'époque, pas abouti. J'avais pensé la reprendre l'année dernière, à propos du texte sur le divorce, mais le contexte était un peu particulier et elle n'aurait peut-être pas été acceptée.

Je me félicite donc que, sur l'ensemble des travées de notre Haute Assemblée, nous soyons enfin tous d'accord pour mettre fin à une anomalie qui était héritée du droit canon...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'était la coutume en Normandie !

M. Patrice Gélard. ...et pour supprimer des dispositions qui avaient leur raison d'être à une certaine époque, mais qui ne l'ont plus maintenant.

Je me rallie également à ce qu'ont dit les orateurs précédents en ce qui concerne les mariages forcés. En tant qu'officier d'état civil, j'ai été amené à marier des mineures, et, à chaque fois, j'ai été gêné, ayant l'impression que la jeune fille de seize ans qui était devant moi n'était pas consentante, mais, en réalité, je n'en savais rien ! Certes, elle disait « oui », mais n'était-ce pas sous la pression des parents, de la famille ?

M. Patrice Gélard. Cependant, à partir du moment où elle venait devant un officier d'état civil, il n'était plus possible de faire marche arrière.

Cette fois, nous allons pouvoir faire un progrès, en matière d'égalité entre les sexes. Je me félicite donc de cet amendement, que je voterai, bien entendu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mon intervention se situe dans le prolongement de celle de ma collègue Mme Monique Cerisier-ben Guiga, elle-même sénatrice représentant les Français établis hors de France. Je tiens simplement à donner notre Haute Assemblée quelques chiffres.

Lors de la discussion générale, j'ai dit que j'avais demandé à la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France, la DFAE, de faire une étude sur les mariages forcés, les chiffres, comme je l'indiquais, faisant défaut. Une information vient de m'être communiquée - cela prouve que le ministère des affaires étrangères travaille souvent très vite ! - concernant les dossiers qui ont été transmis au parquet par les consulats pour non-respect de l'article 146 du code civil, dont je rappelle les termes : « Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. »

Cela impliquait donc qu'il s'agissait de mariages sans consentement.

En 2002, 340 dossiers ont été transmis ; en 2003, 713, et, en 2004, 1 114, dont 56 portaient réellement sur des mariages forcés.

J'insiste : il fallait, pour que les consulats transmettent ces dossiers, que les doutes de l'officier consulaire chargé de l'état civil soient extrêmement forts.

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour explication de vote.

Mme Gisèle Gautier. Je me réjouis de voir se dégager une unanimité concernant cet amendement, qui porte de quinze ans à dix-huit ans l'âge légal du mariage. J'ai bien noté, dans la presse, que M. le garde des sceaux le soutenait.

J'ai relu le compte rendu intégral des débats du 8 janvier 2004, et je constate avec satisfaction que le Sénat est une assemblée de sages : en effet, cette disposition avait déjà été évoquée par M. About, relayé par M. Nogrix, et, à l'époque, le rapporteur de la commission des lois, M. Gélard, avait refusé l'amendement qui était proposé, considérant qu'il devait s'intégrer dans un texte relatif non au divorce, mais au mariage.

Madame la ministre, voilà un an, vous aviez vous-même estimé que nous ne disposions pas de suffisamment d'éléments pour pouvoir prendre position. Aujourd'hui, manifestement, nous en avons davantage.

C'est la raison pour laquelle nous nous apprêtons tous à voter cet amendement et je m'en réjouis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré avant l'article 1er, et les amendements nos 5 rectifié ter, 23 rectifié et 37 n'ont plus d'objet. (Applaudissements.)

Art. additionnel avant l'art. 1er
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. additionnels avant l'art. 1er ou après l'art. 5 (interruption de la discussion)

Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 5

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Courteau et  Bel, Mmes M. André et  Alquier, MM. Assouline et  Bodin, Mmes Boumediene-Thiery,  Y. Boyer,  Bricq,  Cerisier-ben Guiga et  Demontes, MM. Guérini et  Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz,  Schillinger et  Voynet, MM. Angels et  Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel,  Boulaud et  Caffet, Mme Campion, MM. Carrère,  Cazeau,  Charasse,  Collomb,  Collombat,  Courrière,  Dauge,  Demerliat,  Desessard,  Domeizel et  Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut,  Frimat,  Frécon,  C. Gautier,  Gillot,  Godefroy et  Haut, Mmes Herviaux et  Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger,  Labarrère,  Labeyrie,  S. Larcher,  Lejeune,  Le Pensec,  Lise,  Madec,  Madrelle,  Mahéas,  Marc,  Masseret,  Massion,  Mélenchon,  Mermaz,  Michel,  Miquel,  Moreigne,  Pastor,  Percheron,  Peyronnet,  Picheral,  Piras,  Plancade,  Raoul,  Raoult,  Reiner,  Repentin,  Ries,  Roujas et  Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier,  Sergent,  Siffre,  Signé,  Sueur et  Sutour, Mme Tasca, MM. Teston,  Todeschini,  Trémel,  Vantomme,  Vidal,  Vézinhet et  Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement détermine par décrets, pour les personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats et les personnels de la police nationale et de la gendarmerie ainsi que les avocats, les modalités d'une formation initiale et continue obligatoire permettant de prévenir, dépister et assurer la protection des victimes de violences au sein des couples.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Les enquêtes ont montré que le médecin est, le plus souvent, le premier interlocuteur et un acteur privilégié dans la chaîne de prise en charge des victimes de violences au sein des couples. Le médecin a un rôle clef dans le dépistage de ces violences, le recueil de l'histoire, le constat des lésions et la rédaction des certificats médicaux, pièces essentielles lors d'un dépôt de plainte. Il a également un rôle stratégique en donnant des conseils aux victimes, en les informant de leurs droits et en les orientant au mieux des circonstances.

L'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France a confirmé cette prééminence en montrant que les femmes victimes d'agressions physiques au cours des douze derniers mois qui ont précédé l'enquête se confiaient en premier lieu au médecin, dans 24 % des cas, avant la police et la gendarmerie, dans 13 % des cas, la justice ou les associations.

Tous ces intervenants doivent être en mesure d'accueillir et d'être à l'écoute, de dépister les violences, d'évaluer la gravité des blessures, d'assurer les soins, de constituer un dossier, de rédiger un certificat ou d'enregistrer une plainte, d'informer et d'orienter les patients.

Or, les personnels médicaux ou paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels de police et de gendarmerie et les avocats ne sont pas en mesure de répondre aussi efficacement qu'ils le pourraient et qu'ils le voudraient, par manque de formation.

Parfois, comme l'a indiqué M. Bernard Basset, sous-directeur de la santé et de la société à la direction générale de la santé du ministère des solidarités, de la santé et de la famille, certains praticiens sont réticents à s'investir sur le sujet de la prévention et de la lutte contre les violences.

Les violences au sein des couples, longtemps taboues, doivent être appréhendées dans leur globalité, pour que chacun des acteurs puisse faire face avec efficacité aux problèmes posés par les victimes.

C'est la raison pour laquelle, comme le suggère le professeur Roger Henrion dans son rapport, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, ainsi que de nombreuses associations qui luttent contre les violences au sein des couples et tous les professionnels susceptibles d'être en présence de ces cas de violences, devraient obligatoirement se voir dispenser une formation initiale et continue.

Nous proposons donc, dans notre amendement, que le Gouvernement détermine, par décrets, pour les personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats et les personnels de la police nationale et de la gendarmerie, ainsi que pour les avocats, les modalités d'une formation initiale et continue obligatoire sur les violences au sein des couples, afin de leur permettre de détecter ces violences, de les prévenir et de guider celles et ceux qui en sont victimes.

Mme la présidente. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par Mmes Dini et  G. Gautier, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une formation sur l'accueil des victimes de violences au sein du couple est dispensée chaque année aux magistrats, médecins, policiers et gendarmes.

Un décret fixe les conditions de mise en oeuvre du présent article.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Même si les choses s'améliorent, les témoignages montrent que, très souvent, les personnes qui accueillent les femmes victimes de violences sont encore insuffisamment formées. Il en est de même pour les magistrats ou les médecins, qui n'ont pas tous conscience de la gravité des faits.

La formation continue permettrait de rendre les uns et les autres plus performants dans cet accueil et dans cette écoute.

Cet amendement a pour objet de rendre obligatoire une formation continue pour tous les professionnels des services de sécurité, pour les magistrats et les médecins qui ont à traiter des cas de violences conjugales.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les médecins, c'est normal !

Mme la présidente. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Mathon,  Borvo Cohen-Seat,  Assassi,  David,  Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les médecins, ainsi que l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats et les personnels de la police nationale et de la gendarmerie nationale, reçoivent une formation initiale et continue propre à leur permettre de répondre aux cas de personnes victimes de violences conjugales et de prendre les mesures nécessaires de prévention et de protection qu'elle appellent. Cette formation est dispensée dans des conditions fixées par voie réglementaire. 

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement porte sur la formation des professionnels susceptibles d'aider ou d'être en contact avec des femmes victimes de violences conjugales.

Il reprend l'article 1er de notre proposition de loi, qui n'a malheureusement pas été retenu par M. le rapporteur, au prétexte qu'il relèverait du domaine réglementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Mme Hélène Luc. Le Gouvernement ne s'oppose pourtant pas systématiquement à l'inscription de dispositions réglementaires dans des textes de loi, surtout lorsqu'il s'agit de ses propres projets de loi : nous l'avons vu lors de l'examen du projet de loi Fillon sur l'école ou de propositions émanant de sa majorité parlementaire !

C'est donc sans hésitation que nous avons déposé cet amendement, en le formulant sous forme d'orientation générale afin qu'il puisse trouver sa place dans une loi.

Il vise à ce que les médecins, les travailleurs sociaux, les personnels de la police nationale et de la gendarmerie reçoivent une formation initiale et continue propre à leur permettre d'aider les femmes victimes de violences au sein de leur couple. En effet, il est essentiel que tous les professionnels concernés soient en mesure de prendre en considération les situations de violences faites aux femmes et de les traiter.

Par ailleurs - nous l'avons vu -, les femmes ne révèlent pas facilement les violences conjugales dont elles sont victimes, du fait que celles-ci surviennent au sein de leur couple. Il est donc nécessaire qu'elles puissent se confier dans des lieux où elles se sentent en confiance. Il est important pour elles d'être accueillies dans un environnement neutre, où elles seront écoutées avec respect et sans jugement de valeur.

Dans le même temps, être confronté à une femme victime de violences conjugales n'est pas simple à appréhender. Cela requiert des qualités d'écoute et d'accueil particulières. La police et la justice ne comprennent pas toujours bien la réalité de la violence au sein du couple. La complexité et les dimensions psychologiques de cette violence restent difficiles à appréhender pour ces professionnels. Le sachant, des femmes hésitent encore à porter plainte au commissariat.

Je souligne que la violence conjugale touche des femmes de toutes conditions sociales : 10 % sont des cadres supérieurs, 10,2 % des femmes au foyer, 9 % des employées, 8 % des ouvrières, 13,7 % des chômeuses, le chômage étant un facteur aggravant.

En 1997, dans le Val-de-Marne, 536 plaintes pour coups et blessures volontaires ont été déposées, dont 476 concernaient des violences conjugales.

Ainsi, l'association départementale Tremplin 94, très active auprès des femmes victimes de violences, a dû porter à trente heures par mois son dispositif d'écoute téléphonique afin d'apporter une première réponse aux victimes. Selon la dirigeante de cette association, « l'expérience montre que le seul fait de décrocher le téléphone pour (...) parler est un acte important, courageux, presque audacieux ».

Elle cite quelques chiffres : 2 000 femmes ont contacté l'association depuis le début de son activité, et ce chiffre est en augmentation constante depuis trois ans. Elles ont été 295 en 2000, 357 en 2001 et 480 en 2002.

Elles sont originaires de quarante-deux communes différentes, sur les quarante-sept que compte le département ; onze sont particulièrement représentées.

Dans 85 % des cas, les femmes sont à l'origine du premier appel ; 45 % des femmes étaient déjà suivies par une assistante sociale ; 59 % d'entre elles ont entre vingt-cinq et quarante ans, 88 % sont mariées ou vivent en concubinage, 85,4 % sont mères de famille. Vingt femmes étaient enceintes et 891 enfants ont été concernés. Parmi ces femmes, 67 % étaient encore au domicile conjugal lors de leur premier contact avec l'association.

Ces femmes sont exposées, avec leurs enfants, à une situation de grande précarité en termes d'hébergement. Celui-ci dépend du bon vouloir et des possibilités matérielles de leur entourage.

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame Luc.

Mme Hélène Luc. Je termine, madame la présidente.

Parmi ces femmes, 55 % sont françaises.

La formation est donc un élément essentiel de la lutte contre les violences conjugales, mais également de la prévention dans ce domaine.

Une meilleure formation de tous les professionnels susceptibles d'être en contact avec des victimes de violences peut permettre que des réseaux se constituent avec une plus grande efficacité. La participation à des dispositifs partenariaux permet aux uns et aux autres d'acquérir une meilleure connaissance de ces situations. La formation des professionnels amenés à être confrontés à des victimes de violences conjugales est donc primordiale si l'on veut améliorer la lutte contre ces violences ainsi que la prévention.

Notre amendement doit faire partie d'un texte visant précisément à lutter contre les violences au sein du couple. Nous vous demandons, par conséquent, de bien vouloir l'adopter.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission ne peut que souscrire aux différents amendements qui ont été présentés, car ils visent à renforcer la formation, élément essentiel de la lutte contre les violences au sein du couple.

Toutefois, comme je l'ai déjà indiqué, les mesures qu'ils tendent à introduire relèvent du domaine réglementaire. Or, la commission des lois est très rigoureuse sur la délimitation entre le domaine législatif et le domaine réglementaire. (Mme Dominique Voynet s'exclame.)

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas un argument !

M. Henri de Richemont, rapporteur. Il appartient donc au Gouvernement de prendre des engagements - et Mme la ministre a rappelé tout à l'heure les mesures qu'elle a déjà prises - afin que, à tous les niveaux, comme l'ont souhaité les différents orateurs, les mesures préconisées dans ces amendements puissent être mises en oeuvre.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

Mme Hélène Luc. Il va y avoir un immense décalage entre la loi et ce qu'attendent les femmes ! C'est sûr !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. La position du Gouvernement est très claire.

Nous considérons, en effet, que la formation de l'ensemble des personnels oeuvrant dans les domaines de l'accueil, de la prise en charge et de l'accompagnement des victimes de violences au sein des couples est tout à fait primordiale. Cela a été dit à plusieurs reprises, mais je tiens, moi aussi, à l'affirmer avec solennité.

La formation des personnels de santé, de justice, de police et des travailleurs sociaux est conforme à l'esprit et à la lettre des « 10 mesures pour l'autonomie des femmes » que j'ai présentées.

Le ministre de l'intérieur a d'ores et déjà développé ces formations à destination des policiers, au cours de leur formation, tant initiale que continue. Philipe Goujon y a d'ailleurs fait référence tout à l'heure.

En 2004, les élèves commissaires ont ainsi bénéficié de dix heures de formation à l'accueil des victimes, les élèves lieutenants de seize heures et les gardiens de la paix de vingt heures. Je vous donne de telles précisions pour bien vous montrer que ce plan est engagé. Par ailleurs, des cours portant sur la connaissance de l'écoute et de l'aide aux victimes ont été donnés dans le cadre de la formation continue.

Dans une circulaire en date du 3 janvier 2005, Dominique de Villepin a lancé une vaste mobilisation des services de police et de gendarmerie en matière de lutte contre les violences intrafamiliales.

De même, à la suite du rapport Henrion, la formation initiale et continue des personnels de santé en matière de violence - à laquelle je suis, comme vous, particulièrement sensible - a été intégrée dans le plan psychiatrie et santé mentale, présenté par Philippe Douste-Blazy.

Nous sommes actuellement, avec l'Ordre des médecins, en train de définir les conditions d'une meilleure approche de la victimologie au cours des études de médecine et d'une plus grande détection des violences par les médecins, comme beaucoup d'entre vous l'ont souhaité.

Enfin, Dominique Perben et moi-même avons publié, au mois de novembre dernier, un guide de l'action publique, intitulé La lutte contre les violences au sein du couple, à destination des magistrats et de l'ensemble des acteurs prenant en charge les problèmes de violences conjugales.

Ces mesures témoignent, me semble-t-il, de l'importance de cette question pour le Gouvernement.

Cet effort de formation - il est important de le préciser - sera poursuivi annuellement. Les effets de ces formations seront évalués de façon très précise, au moyen d'un indicateur spécifique, conformément à la loi organique relative aux lois de finances. Cet effort relève donc très directement des politiques ministérielles. Il est entamé, et je m'engage personnellement à rendre compte de ses résultats.

Je demande donc le rejet de ces amendements, qui n'ont pas leur place ici, même si je souscris à l'objectif de leurs auteurs.

M. Philippe Goujon. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis de plus en plus étonné par le nombre de dispositions de nature réglementaire que l'on inscrit dans la loi. C'est comme cela que l'on aboutit à des lois comportant deux cents ou deux cent cinquante articles !

M. Philippe Goujon. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les dispositions que visent à introduire ces amendements relèvent de circulaires.

Dans le cadre de sa mission de contrôle de l'activité gouvernementale, le Parlement, ses délégations ou ses commissions, peut faire des propositions de nature réglementaire et ainsi inciter le Gouvernement à prendre certaines mesures. Les rapports de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sont d'ailleurs extrêmement intéressants de ce point de vue.

Mais nous n'allons tout de même pas faire figurer dans la loi le nombre d'heures de formation ! Discutons-en, je suis d'accord, obtenons des engagements du Gouvernement, mais n'inscrivons dans la loi que les principes et les dispositions de nature législative, comme nous l'avons fait tout à l'heure.

La loi aura de moins en moins de sens ! Certaines personnalités importantes de notre République l'oublient. Nous avons pourtant intérêt à réfléchir à ce sujet, comme nous y invitent le Premier président de la Cour de cassation, le président du Conseil constitutionnel ou le vice-président du Conseil d'Etat. Notre travail législatif n'a plus aucun relief, parce que nous mélangeons tout !

Ce que nous avons fait tout à l'heure est très important. La formation est également un sujet primordial, mais le nombre d'heures qu'il faut y consacrer ne relève pas du domaine de la loi.

Mme Hélène Luc. Vous caricaturez !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je souhaite que, un jour, le Gouvernement puisse, dans de tels cas, opposer une sorte d'article 40 « législatif ».

M. Michel Mercier. L'article 34 de la Constitution !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'article 34 de la Constitution, en effet !

Je suis d'accord avec vos propositions, mais, j'y insiste, elles ne relèvent pas du domaine de la loi. Personnellement, j'ai l'intention, au moins pour les domaines qui relèvent de la commission des lois, de rappeler constamment quelques principes afin que la loi conserve sa dignité et qu'elle soit conforme à notre Constitution. Je le dis : autrement, il n'y aurait plus de limites !

Je suis personnellement hostile à tous ces amendements qui tendent à introduire des dispositions qui, même si elles sont tout à fait intéressantes et si elles doivent être mises en oeuvre, ne relèvent pas, je le répète, du domaine de la loi.

Mme la présidente. Madame Printz, l'amendement n° 10 rectifié est-il maintenu ?

Mme Gisèle Printz. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Madame Luc, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?

Mme Hélène Luc. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Madame Dini, l'amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini. Compte tenu des remarques de Mme la ministre concernant les mesures qui ont déjà été mises en oeuvre et celles qu'elle a l'intention de prendre par voie réglementaire, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 30 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 10 rectifié.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les arguments de M. le président de la commission des lois vaudraient si toutes nos lois s'en tenaient strictement à modifier des textes...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous allons y venir !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous allons peut-être y venir, mais nous en sommes bien loin !

M. Philippe Goujon. Ce n'est pas un argument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'amendement n° 33, comme cela figurait d'ailleurs dans la proposition de loi initiale du groupe CRC et dans celle du groupe socialiste, vise à poser un principe.

Les gouvernements passent, les principes demeurent, du moins peut-on l'espérer ; ensuite, ces principes doivent évidemment être mis en oeuvre. Je rappelle qu'il est précisé dans l'amendement que « cette formation est dispensée dans les conditions fixées par voie réglementaire », ce qui est normal. En effet, il ne s'agit pas d'inscrire dans la loi le nombre d'heures de formation. Mais l'on sait que les principes qui y sont énoncés peuvent être pérennes - sauf en cas de modification de la loi - et qu'il ne peut s'agir d'engagements chiffrés, parce que les moyens sont déterminés dans la loi de finances.

L'amendement n° 10 rectifié tend à ce que les gouvernements prennent l'engagement de dégager des moyens pour dispenser, surtout à l'égard de personnels de l'Etat comme les fonctionnaires, une formation permettant de prévenir et d'assurer la protection des victimes de violences.

En l'occurrence, le principe est très important parce que la carence en matière d'information, de formation, de compréhension non seulement des personnels de la police mais aussi des médecins, sur lesquels nous avons beaucoup insisté à juste titre, et des magistrats qui sont chargés de traiter les plaintes doit être prise en compte.

On pourra me rétorquer que le Gouvernement agit. Soit. Nous jugerons. Le législateur sera en mesure de critiquer s'il en a envie. Mais poser un principe n'a jamais fait de mal à personne.

Monsieur Hyest, vous savez très bien que la plupart des lois posent des principes dans différents domaines. Je sais que cela vous contrarie...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout cas, je ne vois pas pourquoi, en la matière, on serait empêché de poser un principe dans un domaine qui en requiert, ô combien. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. Absolument !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. A mon tour, je veux faire part de mon étonnement de voir mes collègues de la délégation aux droits des femmes retirer leur amendement car, lors des réunions préparatoires à cette discussion, nous avons auditionné nombre d'associations de femmes ainsi que des représentants de la police, entre autres.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n'a rien à voir !

Mme Annie David. Tous nos interlocuteurs nous ont dit avec force l'importance de la formation des premières personnes en contact avec les femmes victimes de violences.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d'accord !

Mme Annie David. C'est un principe que nous voulions voir inscrit dans la loi.

Monsieur Hyest, cette mesure est peut-être du domaine réglementaire. Cependant, je vous rappelle que nous avons consacré cinq jours et cinq nuits, voilà deux semaines, à l'examen de la loi Fillon, qui a été votée alors que nombre de ses dispositions revêtaient un caractère réglementaire, puisque les seules programmations se trouvaient dans l'annexe.

Pour ce qui est des violences faites aux femmes, prévoir une formation des personnels concernés est un principe fort sur lequel nombre d'associations et de femmes pourraient s'appuyer. Monsieur Hyest, vous nous avez dit que vous étiez défavorable aux amendements nos 10 rectifié et 33. Je ne comprends pas votre hostilité à ces amendements qui, pourtant, méritent d'avoir toute leur place dans une proposition de loi traitant des violences faites aux femmes.

Je m'interroge : nous rétablissons avec une certaine célérité l'égalité entre les hommes et les femmes surtout lorsqu'il s'agit de droits dont les hommes ne bénéficieraient pas au même titre que les femmes. Je trouve cela très bien car je suis pour l'égalité, mais lorsqu'il s'agit des droits des femmes, bizarrement, on fait preuve de quelque hostilité ou on a toujours quelques bons arguments à nous opposer...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne permets pas !

Mme Annie David. ...pour justifier que la mesure en question ne figure pas dans la loi. Monsieur Hyest, je voulais vous faire part de mon étonnement !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne permets pas ! Ces insinuations ne sont pas acceptables !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission des lois, dont je suis le rapporteur, n'est pas hostile aux objectifs des auteurs de l'amendement n° 10 rectifié. Elle considère simplement que la disposition qu'il prévoit n'a pas sa place dans une loi, c'est tout.

Mme la ministre a rappelé tout à l'heure qu'elle répondrait à l'attente des auteurs des amendements nos 10 rectifié et 33 par les différentes mesures qu'elle a déjà prises ou qu'elle va prendre.

Que les choses soient bien claires : nous sommes d'accord pour la formation, mais on ne peut pas légiférer car une telle disposition est du domaine réglementaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Je viens soutenir mes collègues. Il fallait le dire : nous avons passé cinq jours avec M. Fillon à légiférer sur des dispositions qui étaient d'ordre réglementaire.

Monsieur Hyest, vous devriez voir M. Fillon et lui demander pourquoi ce gouvernement présente des projets de loi dont la majorité des dispositions revêtent un tel caractère !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne m'occupe que des mesures relevant de la compétence de la commission des lois !

M. Philippe Goujon. Très bien !

Mme Hélène Luc. Monsieur Hyest, vous êtes un sénateur responsable, tout comme nous !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Que l'on me soumette un certain nombre de textes et l'on verra le sort que la commission des lois leur réserve !

Madame David, ayez la gentillesse de ne pas faire de telles insinuations ! Je suis autant que d'autres, et depuis longtemps, attentif au respect de l'égalité. Vous pourrez en trouver la preuve dans mes travaux antérieurs, et je suis parlementaire depuis une vingtaine d'années !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Courteau et  Bel, Mmes M. André et  Alquier, MM. Assouline et  Bodin, Mmes Boumediene-Thiery,  Y. Boyer,  Bricq,  Cerisier-ben Guiga et  Demontes, MM. Guérini et  Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz,  Schillinger et  Voynet, MM. Angels et  Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel,  Boulaud et  Caffet, Mme Campion, MM. Carrère,  Cazeau,  Charasse,  Collomb,  Collombat,  Courrière,  Dauge,  Demerliat,  Desessard,  Domeizel et  Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut,  Frimat,  Frécon,  C. Gautier,  Gillot,  Godefroy et  Haut, Mmes Herviaux et  Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger,  Labarrère,  Labeyrie,  S. Larcher,  Lejeune,  Le Pensec,  Lise,  Madec,  Madrelle,  Mahéas,  Marc,  Masseret,  Massion,  Mélenchon,  Mermaz,  Michel,  Miquel,  Moreigne,  Pastor,  Percheron,  Peyronnet,  Picheral,  Piras,  Plancade,  Raoul,  Raoult,  Reiner,  Repentin,  Ries,  Roujas et  Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier,  Sergent,  Siffre,  Signé,  Sueur et  Sutour, Mme Tasca, MM. Teston,  Todeschini,  Trémel,  Vantomme,  Vidal,  Vézinhet et  Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 312-15 du code de l'éducation est complété par un alinéa rédigé comme suit :

« Une information sur le respect des autres, la violence et ses conséquences est également dispensée ».

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. L'article 4 de notre proposition de loi prévoyait qu'une information sur la violence au sein des couples soit dispensée dans les collèges et les lycées à raison d'une séance annuelle au moins. Cette disposition n'a pas été retenue par la commission des lois.

Après avoir procédé à plusieurs nouvelles auditions, j'en ai conclu qu'une journée exclusivement consacrée aux violences conjugales serait certes intéressante, mais insuffisante. En effet, la violence doit être appréhendée dans son ensemble.

La violence des hommes est une conséquence de la manière dont on leur apprend à exprimer leur masculinité dans leurs relations avec les femmes, les enfants et les autres hommes. Ces hommes ont appris à penser que le pouvoir réside dans la capacité de dominer et de contrôler les gens et le monde qui les entoure. Même si certains hommes ne sont pas violents, cette façon de penser rend le recours à la violence acceptable aux yeux de beaucoup d'autres hommes et même de certaines femmes, tellement ce mode de pensée est ancré dans les mentalités.

Les enfants ne font souvent que reproduire ce qu'ils ont eux-mêmes vécu, les scènes de violence auxquelles ils ont assisté.

S'il est évidemment très important de modifier les lois pour combattre la violence faite aux femmes par les hommes, les lois ne suffisent pas. Ensemble, nous devons chercher à changer nos attitudes et nos comportements.

A côté des campagnes d'information nationales qui doivent viser à déconsidérer les hommes qui frappent leur femme, comme on a déconsidéré, avec des résultats tangibles, les excès de vitesse, l'insécurité routière ou l'alcool au volant, il faut affiner et évaluer divers outils pédagogiques orientés principalement vers les jeunes.

C'est la raison pour laquelle je propose, par cet amendement, de compléter le code de l'éducation afin qu'une information sur la violence en général qui, il va de soi, traitera également des violences au sein des couples, soit dispensée dans les établissements primaires et secondaires, dans le cadre des cours d'éducation civique. Un article paru ce week-end dans un grand quotidien national a renforcé ma conviction.

Mme la présidente. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes Mathon,  Borvo Cohen-Seat,  Assassi,  David,  Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Une initiation au respect de l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi qu'une sensibilisation aux violences au sein du couple et aux actes et propos sexistes sont prévues dès l'école maternelle. Elles sont, dès l'école primaire, intégrées à l'enseignement d'éducation civique.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur Hyest, je pense que cet amendement ressort bien du domaine de la loi, puisqu'il vise à modifier le code de l'éducation. Vous confirmerez ou infirmerez mon point de vue.

La prévention des violences au sein du couple exige d'aller au-delà de la sensibilisation des seuls acteurs publics chargés de l'accueil et de la prise en charge des femmes victimes de violences. Il nous faut agir sur des schémas comportementaux souvent acquis dès le plus jeune âge. Punir sévèrement est nécessaire, mais la justice et les structures d'accueil n'entrent en jeu que lorsque le mal est fait. L'objectif principal est, bien évidemment, de couper l'herbe à la racine, de prévenir ces actes de violences.

Dans cette perspective, l'école me semble être le lieu d'apprentissage le plus pertinent pour inculquer à nos enfants le respect mutuel. En la matière, l'école maternelle peut aussi jouer un rôle clé en permettant de briser le tabou et de casser les stéréotypes.

Or, aujourd'hui, comme l'a montré une étude récente de Leila Acherar, docteur en sciences de l'éducation et chargée de cours à l'université Montpellier III, étude publiée pour le compte de la délégation régionale aux droits des femmes et à l'égalité de Languedoc-Roussillon, l'école, « que l'on persiste à appeler "maternelle", transmet un modèle archaïque de rapport entre les sexes ». En cela, elle participe donc à créer des stéréotypes qui engendrent les inégalités entre les hommes et les femmes.

Je veux vous raconter l'anecdote qu'a relatée Leila Acherar dans son étude. A de jeunes enfants de grande section de maternelle auxquels leur maîtresse devait apprendre la signification du mot « gant », cette dernière expliquait comme suit un dessin : il y a des gants de moto pour le papa et des gants de vaisselle pour la maman. Certes, il ne s'agissait pas de violence, mais il serait peut-être temps de revoir certains stéréotypes relayés au sein des écoles.

C'est pourquoi, dans notre proposition de loi sur l'école, nous suggérions que les représentations identitaires à caractère sexiste et ségrégative participent des programmes d'enseignement dès l'école maternelle, qui sont les premiers acquis de la culture commune à tous les élèves.

Bien évidemment, cet enseignement doit être approfondi dans le primaire et le secondaire

Par ailleurs, il va de soi que cet apprentissage doit être dispensé par des enseignants formés eux-mêmes aux méfaits des discriminations sexistes. C'est pour cette raison que nous proposions que des modules spécifiques en IUFM soient prévus.

Je regrette de ne pas avoir été entendue par M. Fillon voilà quelques jours. J'espère vraiment l'être aujourd'hui par la Haute Assemblée.

Je vous rappelle que, lors des différentes auditions auxquelles a procédé la délégation aux droits des femmes dans le cadre de la préparation de cette proposition de loi, toutes les femmes que nous avons reçues nous ont dit que dispenser aux jeunes, dès la maternelle, ces premiers apprentissages relatifs au respect mutuel, au rôle des filles et des garçons était une proposition très intéressante. Cela contribuerait, me semble-t-il, à une meilleure prise en compte de l'ensemble de ces problèmes dans nos écoles.

Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par Mme G. Gautier, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 312-18 du code de l'éducation, sont insérés une section et un article ainsi rédigés :

« Section ...  L'éducation à la non-violence et à la paix »

« Art. L. ... - Tous les élèves reçoivent une éducation pour une culture de la paix et de la non-violence. Cette éducation permet les connaissances, compétences, valeurs, attitudes, et comportements fondés sur les principes de liberté, de justice et de démocratie, ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes, sur les droits humains et sur la tolérance et la solidarité. Cet enseignement apprend à rejeter la violence et à prévenir les conflits pour résoudre les problèmes grâce au dialogue et à la médiation. Il développe les compétences qui garantissent le plein exercice de tous les droits et les moyens de participer pleinement à la vie démocratique de notre société. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Cet amendement s'inscrit dans le droit-fil de mes propos liminaires.

Le 10 novembre 1998, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté à l'unanimité la résolution 53/25, proclamant la décennie 2001-2010 : « Décennie internationale de la promotion d'une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde ».

Cette résolution invite tous les Etats membres à « prendre les mesures nécessaires pour que la pratique de la non-violence et de la paix soit enseignée à tous les niveaux de leurs sociétés respectives, y compris dans les établissements d'enseignement ».

Cette décennie a fait l'objet, chaque année, d'une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU et d'un rapport ou d'une note de M. Kofi Annan, son secrétaire général, à l'Assemblée générale.

Suivant l'invitation de l'Assemblée générale de l'ONU, l'introduction d'une éducation à la non-violence et à la paix permettrait de répondre aux difficultés récurrentes rencontrées dans un nombre grandissant d'établissements scolaires en matière de vivre ensemble et de violence des enfants et des adolescents. Elle contribuerait notamment, en mettant l'accent sur le principe d'égalité entre les sexes, à prévenir des comportements susceptibles de déboucher, ultérieurement, sur des violences conjugales.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Les amendements nos 12 rectifié bis et 35 rectifié relèvent bien du domaine de la loi, puisqu'ils visent à modifier le code de l'éducation. Mais je me suis reporté à l'article L.312-16 dudit code, qui prévoit déjà une information et une éducation à la sexualité. Le code vise également une information relative aux questions d'égalité et de respect mutuel. Je considère, par conséquent, que l'objectif que vous recherchez, mes chers collègues, est déjà satisfait.

Les amendements que vous avez soutenus sont redondants à partir du moment où les formations que vous souhaitez voir dispenser à l'école y sont déjà et la commission émet, par conséquent, un avis défavorable.

Il en est de même pour l'amendement n° 25.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Dans le même esprit que ce que vient d'indiquer M. le rapporteur, je voudrais rappeler à Mme David, à qui je m'adresse particulièrement, que le texte s'inscrit dans une démarche déjà fortement engagée au niveau interministériel.

S'agissant de cette proposition spécifique, je rappelle que la question a effectivement été évoquée au cours du débat parlementaire, notamment lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour l'avenir de l'école, et qu'il a été réaffirmé que, parmi les missions dévolues au système éducatif, figuraient clairement la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que l'éducation des jeunes au respect de l'autre, et plus précisément au respect de l'autre sexe.

Parallèlement, et au-delà même des textes législatifs, j'ai saisi François Fillon de la question de la formation - je sais que cela vous intéresse beaucoup - des futurs enseignants. Nous avons conclu qu'il était nécessaire de faire plus encore partager aux jeunes générations la culture républicaine et donc de faire en sorte que les enseignants bénéficient, dès leur entrée à l'IUFM, d'une formation à la question de l'égalité entre les filles et les garçons. Plus généralement, il faut que la mixité devienne un véhicule de valeurs fondées sur le respect.

L'objet de cet amendement me parait par ailleurs satisfait, si l'on veut bien se référer au nouveau code de l'éducation, qui rappelle que l'éducation civique répond à trois finalités principales : l'éducation aux droits de l'homme et à la citoyenneté, l'éducation au sens des responsabilités, l'éducation au jugement, notamment par l'exercice de l'esprit critique. Il s'agit de faire réfléchir les élèves sur leurs droits et sur leurs devoirs, puisque le code prévoit : « Il est enseigné au collège que le droit d'être protégé contre les agressions physiques et morales crée le devoir de ne pas faire usage de la violence et de respecter les autres ».

Je suis également très sensible à l'amendement proposé par Mme Gautier et je souhaite relever combien il se rapporte aux valeurs que nous portons dans le monde. Les sujets de la paix et de la non-violence méritent, en effet, d'être transmis de génération en génération et l'école est, de ce point de vue, un vecteur essentiel.

Cependant, cet amendement est déjà satisfait, puisque la non-violence et la paix figurent parmi les concepts clés des programmes d'éducation civique, juridique et sociale, notamment en classe de troisième, en lien avec la Décennie internationale de la promotion de la culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde, menée par l'UNESCO. Dès l'école primaire, les élèves apprennent à refuser la violence et découvrent de grandes figures du pacifisme comme Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela.

L'apprentissage de la résolution pacifique et non violente des conflits peut donc parfaitement faire l'objet d'interventions en classe ou d'organisation de débats.

Au moment de l'évaluation des grands objectifs figurant dans la loi d'orientation sur l'avenir de l'école, tels qu'ils figurent dans le rapport annexé à la loi, le Gouvernement attachera un soin tout particulier à la prise en compte de ces valeurs fondamentales de l'éducation de nos enfants.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement partage l'avis de la commission sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 12 rectifié bis.

Mme Nicole Bricq. Je ne comprends pas bien l'argumentation du Gouvernement et du rapporteur. Ils conviennent que nous sommes bien dans le domaine législatif, mais Mme la ministre nous répond en évoquant le respect et l'égalité. Or, je vous rappelle que nous parlons de violences.

Je voudrais vous faire part de mon témoignage. J'ai été invitée la semaine dernière par la directrice d'une école de Meaux afin d'aborder, au sein d'une classe du primaire, le problème de la violence scolaire. Je me suis rendue compte que, dès lors que l'on parle de violence scolaire et de violence hors école, il est très important d'expliquer à ces enfants qu'il n'est pas normal qu'un homme tape sur sa femme au sein de son foyer.

Les ministres de l'éducation nationale qui se sont succédé, quelle que soit leur tendance politique, ne peuvent être indifférents à ce que nous proposons dans cet amendement : le prédécesseur de M. Fillon a lui-même, en son temps, relancé le plan de lutte contre les violences scolaires.

Comment penser qu'un enfant, dès lors que la violence de la société et du foyer est transcrite dans l'éducation nationale, ne réfléchisse pas sur la violence à l'école ? Toutefois, cela ne relève pas du collège, mais commence beaucoup plus tôt.

L'argumentation que vous défendez, madame la ministre, n'est valable ni sur le plan formel, puisqu'on est bien dans le domaine législatif, ni sur le plan des réponses.

Nous ne doutons évidemment pas de votre volonté de lutter contre la violence, y compris par le biais éducatif, par la mixité ou par les exemples de non-violence ; nous ne vous faisons pas ce procès. Mais il est important, dans un texte qui parle des violences au foyer, qu'on légifère sur ce sujet, y comprit dans le domaine de l'information et de la formation des jeunes enfants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Mme Dominique Voynet. Je suis désorientée et déçue de la réponse qui a été faite par Mme la ministre à la proposition de Mme Gautier visant à introduire une éducation à la non-violence dans les programmes scolaires, éducation dont pourraient bénéficier très utilement tous les jeunes qui auront à se poser la question de leurs relations avec les autres, et singulièrement avec leur conjoint, au cours de leur vie.

En effet, lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école, François Fillon n'a pas répondu dans les mêmes termes que Mme Ameline. Il nous a dit que ce problème serait traité à travers l'introduction d'une note de vie scolaire, ce qui laissait à penser que, en guise d'éducation au respect de l'autre, à la médiation, à la prévention des conflits, à la non-violence, on allait faire peser une fois de plus la responsabilité du changement de comportement sur les élèves, comme si tout cela ne s'apprenait pas ! Il m'a semblé que le ministère de l'éducation nationale n'avait pris aucune mesure pour permettre de transcrire dans les faits l'engagement pris par notre pays auprès de l'UNESCO de travailler pour l'éducation à la paix, dans le cadre de la Décennie internationale de la promotion de la culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde.

On ne doit pas sous-estimer ce qui est en train de se passer dans la rue : les garçons, comme les filles, sont enfermés dans des représentations très stéréotypées de leurs rôles et très étroites de leur place dans une société qui reste globalement patriarcale, encore plus dans certains quartiers et dans certains pans de notre société.

Une des façons les plus efficaces de combattre la culture « hyper-viriliste » de la rue, de convaincre que l'on peut être un homme sans se servir de ses poings contre sa femme ou ses enfants, doit consister à généraliser l'éducation à la prévention des conflits et à la non-violence, et ce dès le plus jeune âge.

Peut-être sommes-nous hors sujet aujourd'hui. Mais voilà en tout cas un point dont devrait se saisir le Gouvernement et qui devrait être traité autrement qu'avec les sourires apitoyés réservés aux sujets considérés comme secondaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous maintiendrons, bien sûr, notre amendement, car, s'il existe déjà des dispositions dans le code de l'éducation, elles ne sont apparemment pas suffisantes puisque les violences au sein des couples perdurent. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

L'article du code de l'éducation relatif à l'enseignement d'éducation civique ne faisant pas explicitement référence à cette notion de violences au sein du couple, ce ne serait pas un déshonneur pour notre assemblée que de l'introduire dans l'instruction civique dispensée à nos jeunes.

Cela permettrait en tout cas d'envoyer un signal fort à toutes celles et à tous ceux qui luttent contre les violences faites au sein des couples. Ce serait une avancée positive et, puisque nous sommes tous ici attachés à la lutte contre les violences faites aux femmes, je suis surprise que l'intégration de cette terminologie dans l'éducation civique suscite des réticences.

Par ailleurs, nous demandions, dans notre amendement n° 35 rectifié, que la sensibilisation aux violences au sein du couple débute dès l'école maternelle alors que le code de l'éducation ne prévoit actuellement pas d'enseignement d'éducation civique avant le primaire. Or, j'estime que la sensibilisation dès l'école maternelle est importante,...

M. Patrice Gélard. A deux ans ?

Mme Annie David. ...car, comme nous l'avons dit les uns et les autres, ces violences se produisent souvent devant les enfants.

Nous devons nous donner toutes les chances de réellement lutter contre les violences faites aux femmes et je comprends d'autant moins l'opposition à ces amendements qu'ils sont bien du domaine législatif et qu'ils n'ont pas une grande portée ; ainsi, le nôtre vise uniquement à faire entrer la notion de violences au sein des couples dans l'instruction civique.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 160 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 120
Contre 209

Le Sénat n'a pas adopté.

Madame Gautier, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 161 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 153
Contre 160

Le Sénat n'a pas adopté. (Marques de déception sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

7

Art. additionnels avant l'art. 1er ou après l'art. 5 (début)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. additionnels avant l'art. 1er

NOMINATION de membres d'ORGANISMEs EXTRAPARLEMENTAIREs

Mme la présidente. Je rappelle que les commissions des affaires culturelles, des affaires sociales et des finances ont proposé des candidatures pour quatre organismes extraparlementaires.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- M. Philippe Richert membre du conseil d'administration de la société France 3, membre du Haut conseil des musées de France et membre suppléant de la commission du fonds national pour l'archéologie préventive ;

- Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Marc Juilhard et M. Jean-Jacques Jégou membres du comité de surveillance du fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

Prévention et répression des violences au sein du couple

Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

(Ordre du jour réservé)

M. le président. Nous reprenons la discussion des conclusions du rapport de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur :

- la proposition de loi, présentée par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues, tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression,

- et la proposition de loi, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues, relative à la lutte contre les violences au sein des couples.

Dans la discussion des articles nous en sommes parvenus à l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er.

Art. additionnels avant l'art. 1er ou après l'art. 5 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 411-5 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Lorsque le demandeur est mineur. »

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'amendement repoussant l'âge légal du mariage, adopté par le Sénat voilà quelques heures, ne réglera pas le cas de tous les mariages forcés.

Une jeune fille étrangère résidant en France, mariée selon le droit coutumier dans son pays pendant les vacances, n'aura pas la possibilité d'empêcher son mari de la rejoindre en vertu de l'article L.411-5 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'amendement n° 24 a pour but de reculer l'âge de cette arrivée au moins jusqu'à la majorité de la jeune fille, ce qui peut laisser à cette dernière le temps de réagir et de trouver, en France, l'aide nécessaire à une action en annulation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement vise, afin de lutter contre les mariages forcés, ce qui est un objectif tout à fait louable, à interdire le regroupement familial lorsque la personne cherchant à faire venir son conjoint en France est mineure.

Toutefois, il ne peut viser qu'un demandeur étranger. Or, le risque de mariage forcé afin de faire obtenir des papiers au conjoint étranger concerne essentiellement des femmes françaises ou binationales.

La commission des lois a considéré que cet amendement portait une atteinte disproportionnée à la vie familiale. En effet, en vertu de l'article 3 du code civil, et à défaut de convention bilatérale contraire, les personnes étrangères ont droit au respect de leur statut personnel en France, pour autant que ce dernier ne soit pas contraire à l'ordre public français, lequel, je vous le rappelle, s'oppose uniquement à la reconnaissance des mariages de jeunes filles non pubères célébrés à l'étranger.

Ainsi, dès lors que le mariage a été valablement célébré à l'étranger, le droit français ne peut pas contester sa légalité. On ne peut donc pas empêcher une jeune femme mariée de faire venir son conjoint en France ; c'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Le Gouvernement l'avis de la commission.

Madame Dini, je comprends bien l'objet de cet amendement, dont je mesure toute la pertinence pour éviter les mariages forcés et leurs conséquences.

Néanmoins, puisque nous avons engagé une réflexion très large sur les femmes et l'immigration, je vous suggère de retirer pour l'instant cet amendement afin que nous examinions la disposition qu'il prévoit à l'occasion de propositions actuellement à l'étude concernant la contrainte pour mariage ou le délai de prescription pour les mutilations sexuelles. Cet amendement mérite en effet d'être reconsidéré, avec les réserves qui viennent d'être exprimées, sous un angle élargi.

M. le président. Madame Dini, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini. Je ne retirerai pas mon amendement parce que je considère que l'on recule sans cesse. Aujourd'hui, alors que nous débattons d'une proposition de loi sur les violences faites aux femmes, nous ne faisons rien pour ces jeunes femmes qui résident en France, de sorte qu'elles pourront toujours être victimes de tels actes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri de Richemont, rapporteur. Il est question là non pas de violences, mais de l'interdiction faite à une jeune femme, légalement mariée dans son pays d'origine, de faire venir son conjoint. Il y a simplement une présomption de violences. Mais, à partir du moment où une jeune femme étrangère a été légalement mariée dans son pays d'origine et où le droit français respecte son statut personnel, au nom de quoi, en l'absence de violences établies, pourrait-on lui interdire de faire venir son mari ?

Si la commission des lois s'est opposée à cet amendement, c'est parce que l'on ne peut pas considérer comme une violence le fait qu'une jeune femme mineure résidant en France se soit mariée légalement dans son pays. C'est la stricte application du droit de son pays !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est comme les Françaises qui se sont mariées à seize ans avant que l'âge de la majorité ne passe à dix-huit ans ...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mmes Mathon,  Borvo Cohen-Seat,  Assassi,  David,  Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Un plan national d'action contre la violence à l'égard des femmes est mis en oeuvre pour la période 2005-2008.

Ce plan doit intégrer des actions visant à améliorer l'accueil, l'accompagnement et la protection des victimes, la formation des professionnels concernés, à éviter le classement sans suite des plaintes et à développer la prévention, notamment à l'intention des jeunes.

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous discutons d'une loi qui ne doit pas être en décalage avec la réalité vécue par les femmes. Or, je crains, pour le moment, qu'elle ne le soit.

La souffrance liée aux violences a été relatée ici, mais cela ne peut traduire toute la souffrance physique que subissent les femmes et leurs enfants quand elle n'entraîne pas leur mort ...

Qui pourra dire que l'Etat ne peut pas faire ce que réalisent bénévolement des associations ? La question est-elle d'ordre réglementaire ? Est-elle d'ordre législatif ? Si nous en avons, toutes et tous, la volonté, quelque chose pourra changer dans la loi, laquelle doit être appliquée en termes tant de formation des personnels que de moyens financiers.

Je citerai l'exemple d'un département que je connais bien, le Val-de-Marne, pour illustrer ce qui reste à faire et ce qui manque dans la loi pour aller plus loin.

Le conseil général du Val-de-Marne a créé un observatoire de l'égalité et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Il accorde d'importantes subventions aux quatre associations qui jouent un rôle primordial en la matière et que, en ma qualité de présidente de cet observatoire, j'ai longuement écoutées avec mes collègues femmes et le président du conseil général. Le conseil général participe à la commission départementale de lutte contre les violences faites aux femmes, créée par M. le préfet du Val-de-Marne.

De son côté, le tribunal d'instance de Créteil a créé l'unité de consultation médico-judiciaire de Créteil, qui accueille, en liaison avec les comités locaux de sécurité, les femmes victimes de violences.

Les membres de la sous-commission « Suivi des plaintes et prise en charge judiciaire » proposent de mieux lier leur réflexion à celle du conseil départemental de prévention de la délinquance.

Des initiatives, relatives aux problèmes de la mixité, ont été prises, en un an, dans vingt-deux collèges, sous l'impulsion de M. l'inspecteur d'académie.

Un travail a été engagé avec l'ordre des médecins sur la question du secret professionnel, les praticiens souhaitant s'exprimer publiquement dans leur journal professionnel.

La question des mains courantes revient de façon récurrente dans les conversations. Les mains courantes sont en effet un moyen de suivre préventivement les victimes. Des instructions sont données dans les commissariats pour reprendre contact avec ces dernières après une main courante.

Le parquet des mineurs est lui-même en cours de réorganisation afin d'améliorer la prise en charge, par le secteur protection de l'enfance, des victimes de violences infligées dans le cadre familial.

Les magistrats du siège sont interpellés par l'article L. 220-1 du code civil, qui prévoit l'expulsion du mari violent du logement. Des questions se posent, madame la ministre, quant à l'intervention des forces de police pour expulser le mari et à l'endroit où le conduire. La prise en charge des auteurs de violences devient une question à laquelle il faut aussi apporter des réponses. Quelle prise en charge pénale prévoyez-vous ? J'ajoute que, depuis l'adoption de cette nouvelle disposition légale, aucune demande d'expulsion n'a été enregistrée dans le département du Val-de-Marne.

Des informations doivent donc être données aux préfets et aux parquets à cet égard.

En conclusion, je voudrais dire que, afin de prévenir la violence faite aux femmes et de lutter contre ce phénomène, il est essentiel d'élaborer et de mettre en oeuvre des politiques conçues dans un cadre global, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

Ces politiques doivent être impulsées par un plan national d'action contre la violence à l'encontre des femmes. Ce plan serait le cadre idéal pour proposer des politiques cohérentes sur l'ensemble du territoire, en coordonnant l'action des différentes institutions, associations et professionnels concernés par la lutte contre les violences faites aux femmes.

Puisque le Gouvernement prend enfin conscience de l'urgence qu'il y a à combattre les violences faites aux femmes, il lui faut aujourd'hui prendre ses responsabilités et, dans le souci d'une plus grande efficacité, encadrer au niveau national la lutte contre ces violences.

C'est pourquoi il convient d'adopter notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise à instituer un plan national d'action contre la violence à l'encontre des femmes. Or, la préoccupation tout à fait légitime exprimée dans ce texte apparaît satisfaite par le plan global de lutte contre les violences faites aux femmes que vous avez présenté, madame la ministre, lors du conseil des ministres du 24 novembre 2004. Pour la première fois, ce plan réunissait dans un ensemble cohérent les dispositions indispensables pour mieux répondre aux difficultés rencontrées par les femmes victimes de violences.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Le Gouvernement n'a pas attendu le dépôt de cette proposition de loi pour s'engager résolument sur un terrain que Mme Luc connaît bien pour s'en occuper depuis longtemps. Je suis tout à fait au courant, madame, des expériences que vous avez citées, mais je confirme que le Gouvernement a élaboré un plan global pour l'autonomie, en dix mesures, plan qui est en cours d'application et dont je suis disposée à vous parler quand vous le souhaiterez : je suis en effet prête à rendre des comptes précis sur l'évaluation de ces dispositifs.

Toujours est-il que je ne vois ni comment ni à quel titre nous reviendrions sur un principe qui est déjà concrétisé et qui, comme en témoignent les exemples que je vous ai cités voilà quelques instants, se traduit déjà dans les faits par un certain nombre d'actions.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.

Mme Hélène Luc. Madame la ministre, j'ai sous les yeux l'article 220-1 du code civil, publié au Journal officiel du 27 mai 2004 et entré en vigueur le 1er janvier 2005.

Mais la question que je vous ai posée à propos de l'intervention des forces de police a été soulevée par M. le préfet. Tous les participants à la réunion du 7 mars dernier l'ont posée, parce qu'aucune solution n'est avancée.

Je sais bien, madame la ministre, que vous vous souciez de ce problème et qu'une campagne télévisée est organisée sur votre initiative. Nous nous en sommes d'ailleurs entretenues. Mais il faut reconnaître que nous sommes bien loin des mesures qu'il faudrait prendre pour changer les choses d'une manière radicale.

Toutes ces femmes qui vont voir les permanents des associations et les élus n'en peuvent plus. Le problème a été évoqué longuement au sein de la délégation aux droits des femmes. Il faut cesser de pousser les femmes à quitter leur domicile, avec leurs enfants, alors même que ce sont les maris les agresseurs.

M. Henri de Richemont, rapporteur. On est d'accord !

Mme Hélène Luc. Par conséquent, que faut-il prévoir pour accueillir ces hommes, qu'ils soient conjoints, concubins ou pacsés ?

Telle est bien la question : comment aller plus loin et plus vite ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mmes Mathon,  Borvo Cohen-Seat,  Assassi,  David,  Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le ministère de l'Intérieur, dans son recensement des crimes et délits, édite des statistiques sexuées.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Si nous disposons aujourd'hui d'éléments d'analyses, de renseignements et d'études sur les violences conjugales, c'est essentiellement grâce au travail des associations. Elles ont été les premières, en effet, à être confrontées à des femmes victimes de violences au sein de leur couple. Le travail de terrain effectué par ces associations nous a donc donné une première connaissance de ce phénomène, plus ou moins bonne, mais en tout cas perceptible.

Par ailleurs, c'est grâce à l'enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France que nous disposons de chiffres précis, alors que les statistiques de la justice et de la police n'en représentent qu'une infime proportion.

A l'heure actuelle, nous sommes confrontés au problème suivant en matière de recensement de ces violences : les associations ne sont pas en mesure - et ce n'est d'ailleurs pas leur rôle - de recenser à l'échelon national les victimes de violences selon leur sexe. Les statistiques éditées par le ministère de l'intérieur, dans son recensement des crimes et délits, ne sont pas sexuées. Il n'existe donc aucun instrument statistique national permettant de distinguer si la victime de violences, et plus spécifiquement de violences conjugales, est un homme ou une femme.

L'existence de statistiques sexuées est pourtant primordiale, en termes aussi bien de lutte contre ces violences, que de prévention de ces dernières.

De telles statistiques permettraient un réel dépistage des situations de violences et, par là même, la définition d'actions et de politiques publiques mieux adaptées, ainsi que de mesures de prévention plus appropriées qu'elles ne le sont aujourd'hui, parce que plus pertinentes. Elles donneraient également une idée plus juste de l'ampleur réelle du phénomène. La lutte n'en serait donc que plus efficace.

Je tiens tout de même à préciser que la délégation aux droits des femmes a émis cette recommandation dans son rapport sur la lutte contre les violences au sein des couples.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise à faire établir par le ministère de l'intérieur des statistiques sexuées dans le recensement des crimes et délits.

Cette disposition appelle a priori des réserves dans la mesure où la proposition de loi traite de la violence au sein du couple en tant que tel, même si, à l'évidence, les femmes sont les premières victimes.

D'ores et déjà, le ministère de la justice détient des statistiques permettant de recenser les condamnations pour lesquelles la circonstance aggravante liée à l'état de concubin ou de conjoint a été retenue.

Cela étant, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat et souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Je partage la première partie de l'argumentation développée par M. le rapporteur.

J'ajoute que le ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin, qui est totalement sensibilisé à ce sujet, procède actuellement à la mise en place, au sein des services du ministère, d'un nouveau projet informatique de traitement des informations sur les infractions, lequel sera opérationnel avant la fin de l'année 2006.

Cette version beaucoup plus sophistiquée de l'outil statistique actuel s'inscrit tout à fait dans l'esprit des recommandations, que je tiens à saluer, de la délégation du Sénat aux droits des femmes.

Parallèlement, l'observatoire national de la délinquance doit introduire, à ma demande, l'analyse sexuée dans le domaine des violences.

J'ai également demandé à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, ou DREES, du ministère des solidarités, de la santé et de la famille, d'élaborer une étude « violence et santé » qui tiendra compte de ces critères.

Comme vous le voyez, là encore, le Gouvernement a d'ores et déjà engagé les travaux répondant à l'objet de cet amendement, en s'appuyant sur toutes les informations qui ont été exprimées tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale et les associations.

Par conséquent, considérant que cet amendement, qui ne relève d'ailleurs pas non plus du domaine législatif, n'a pas de raison d'être, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 1er
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. additionnels après l'art. 1er

Article 1er

Après l'article 132-79 du code pénal il est inséré un article 132-80 ainsi rédigé :

« Art. 132-80. - Dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.

« La circonstance aggravante prévue au premier alinéa est également constituée lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-80 du code pénal par les mots :

dans un délai de cinq ans suivant la date à laquelle le divorce est devenu définitif ou suivant la rupture du concubinage ou du pacte civil de solidarité

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai également l'amendement n° 2, l'amendement n° 1 étant un amendement de repli par rapport à ce dernier.

Le texte proposé pour l'article 132-80 du code pénal dispose, dans son premier alinéa, que, « dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».

Si cet alinéa nous paraît acceptable, le second l'est moins. Il maintient, en effet, la circonstance aggravante prévue au premier alinéa lorsque les faits sont commis non plus par le conjoint, mais pas l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.

Il nous semble que le maintien, sans condition de délai, de cette circonstance aggravante pose problème en créant en quelque sorte une indissolubilité du lien conjugal, du lien de concubinage, ou du pacte civil de solidarité. Cette disposition nous paraît peu opportune.

En effet, on peut imaginer l'hypothèse où un couple, qui a été pacsé pendant quelques semaines, serait confronté, dix ans, vingt ans ou quarante ans plus tard, à un différend n'ayant rien à voir avec son ancienne vie de couple, et se verrait néanmoins appliquer cette circonstance aggravante.

C'est la raison pour laquelle nous proposons d'assortir cette disposition d'une condition de délai,qui serait de cinq ans, avec l'amendement n° 1, et de cinq ans prorogés, « le cas échéant, jusqu'à la majorité du plus jeune enfant né de l'union du couple durant la période du mariage ou du concubinage ou du pacte civil de solidarité », avec l'amendement n° 2.

Nous estimons que les circonstances aggravantes auront suffisamment matière à s'appliquer dans des hypothèses où elles seront effectivement liées à la vie de couple.

M. le président. Le sous-amendement n° 26, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n°1 pour compléter le second alinéa de cet article, remplacer le chiffre :

cinq

Par le chiffre :

sept

Ce sous-amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 2, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-80 du code pénal par les dispositions :

dans un délai de cinq ans suivant la date à laquelle le divorce est devenu définitif ou suivant la rupture du concubinage ou du pacte civil de solidarité. Ce délai est prorogé, le cas échéant, jusqu'à la majorité du plus jeune enfant né de l'union du couple durant la période du mariage ou du concubinage ou du pacte civil de solidarité.

Cet amendement a déjà été défendu.

Le sous-amendement n° 27, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n°2 pour compléter le second alinéa de cet article, remplacer le chiffre :

cinq

Par le chiffre :

sept

Ce sous-amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 1 et 2 ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Ce sujet a donné lieu à d'amples discussions au sein de la commission des lois.

Plusieurs magistrats ont rappelé, à l'occasion de leur audition par la commission, que les violences conjugales s'exerçaient en général dans les premiers temps de la rupture, et qu'il n'était donc pas souhaitable d'envisager de maintenir la circonstance aggravante éternellement.

J'ai proposé de limiter cette circonstance aggravante à cinq ans. La commission n'a pas retenu cette proposition et a préféré supprimer ce délai, mais elle s'est prononcée en faveur de l'amendement n° 2.

En effet, la disposition proposée est cohérente, puisque les violences conjugales sont généralement liées à la nécessité des membres des couples de se rencontrer pour des sujets tels que l'éducation des enfants ou le paiement de la pension alimentaire. On peut penser que, à la majorité des enfants, ces questions disparaissent et les raisons de violences diminuent. Par conséquent, si la circonstance aggravante est l'une des avancées de ce texte, son maintien pour une durée illimitée paraît excessif à la commission.

Par conséquent, en tant que rapporteur, j'indique que la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 2 et défavorable sur l'amendement n° 1.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Rien ne me paraît justifier de limiter dans le temps l'application de la circonstance aggravante. La violence reste toujours illégitime.

De même, aucune raison ne me semble devoir légitimer l'atténuation de la responsabilité de l'auteur, alors même que le comportement violent perdurerait.

Ce qui pose problème est par conséquent, me semble-t-il, non pas la durée du délai, mais son existence même. Dans ce domaine, il convient de faire confiance au juge qui apprécie ce type de situation.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri de Richemont, rapporteur. Compte tenu de la rédaction de la commission, la circonstance aggravante est automatique et ne permet pas au juge de l'écarter.

C'est la raison pour laquelle, dans le cas où une violence interviendrait cinquante ans après la rupture, pour un motif n'ayant rien à voir avec l'ancienne vie commune, la circonstance aggravante s'appliquerait ipso facto. Cela nous paraît excessif. Pourquoi faut-il laisser cette circonstance aggravante perdurer alors que le juge n'a pas le pouvoir d'appréciation, compte tenu de la rédaction actuelle du texte ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je suis attaché à la logique juridique : ce qui importe, c'est de savoir si les violences perdurent, que ce soit dans le cas des conjoints ou des anciens conjoints.

Or il se trouve que, le soir même du jour où la commission avait décidé de ne pas fixer de délai, malgré les efforts remarquables de plaidoirie déployés par le rapporteur en faveur d'un délai de cinq ans, un homme a tué son ancienne épouse dont il était séparé et qu'il pourchassait de foyer en foyer depuis sept ans.

Mme Luc a évoqué tout à l'heure, à juste titre, les plaintes et les efforts qui devaient être faits pour assurer la protection des victimes.

En réalité, le problème tient au fait que les violences persistent. Il s'agit de savoir si l'on admet que la circonstance aggravante s'applique ou non aux anciens conjoints. Si elle s'applique, pourquoi fixer un délai ? Hélas, la haine et la violence peuvent durer plus de cinq ans.

Pour ma part, je comprends mal que les circonstances aggravantes ne s'appliquent plus après ce délai de cinq ans.

M. Lecerf a indiqué que cette situation est souvent liée aux enfants. En effet, un homme refusant catégoriquement le divorce demandé par son ex-épouse peut persécuter cette dernière pendant des années.

La logique juridique commande que la peine soit fixée en tenant compte des circonstances aggravantes.

Si cela n'a aucun lien avec le mariage, le juge n'en tiendra pas compte. L'exemple que vous avez pris, monsieur Lecerf, est quelque peu caricatural. Comment raisonnablement penser que, dans un couple pacsé pendant deux mois, l'un des deux commettrait un acte de violence envers son partenaire, alors qu'ils sont séparés depuis quarante ans ?

Pour ma part, j'ai cité un exemple concret. Il peut arriver que les violences durent plus de cinq ans.

Par conséquent, quels que soient les efforts consentis par notre collègue Jean-René Lecerf, nous ne devons pas accepter un délai. S'il n'y a plus de violences après les premières années, alors, progressivement, il n'y aura plus de crainte, et l'aggravation de la peine ne pourra être retenue. A partir du moment où l'on accepte l'aggravation de la peine pour les ex-conjoints, seules comptent les violences commises.

Permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que ce n'est pas parce que l'on a divorcé - la pérennité du lien est plus délicate s'agissant du PACS ou du concubinage - que les liens ont complètement disparu. Les liens affectifs peuvent encore exister. On le sait, certains divorces sont extrêmement conflictuels, et ils peuvent conduire certains êtres à faire preuve de violence.

L'aggravation de la peine étant l'un des éléments essentiels du texte que nous allons adopter, il serait dommage de prévoir une limite dans le temps.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.

Mme Michèle André. Nous avons effectivement longuement débattu de cette question. Pour ma part, je soutiens la position de M. Hyest et de Mme la ministre. En effet, c'est le principe qui compte.

Même si le fait n'est pas commun, il n'est pas rare de voir un ex-conjoint poursuivre en permanence, avec toute son animosité, une femme qui l'a quitté au seul prétexte qu'elle l'a quitté, que la chose qu'elle était s'est dérobée et qu'il n'a plus de prise sur elle.

Comme les personnes que nous avons auditionnées l'ont indiqué, on peut parfois considérer que le moment difficile se concentre sur le temps de la rupture et sur l'éducation des enfants. Mais le problème lié à l'éducation des enfants est que l'on ne tient compte que de la majorité de l'enfant. Or, certains pères ont du mal à admettre que, à sa majorité, l'enfant n'est pas toujours pour autant autonome. Nous le savons tous, il faut continuer de payer une pension, de s'occuper de ce jeune adulte et de lui apporter des soins.

Je considère donc que nous devons nous en tenir à une position de principe. C'est une avancée considérable pour de nombreuses femmes ; ...

Mme Dominique Voynet. Tout à fait !

Mme Michèle André. ... elles seraient déçues que nous nous arrêtions à cette petite marche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

M. Patrice Gélard. J'ai bien entendu les arguments avancés par M. Hyest et par Mme la ministre.

Toutefois, je veux dire que la plupart des violences à l'égard des femmes sont commises par des personnes qui ne sont ni conjoints, ni concubins, ni pacsés. Je pense notamment à l'amoureux déçu, celui qui a été rejeté et qui est généralement l'auteur des violences. Celui-là ne verra pas sa peine aggravée alors qu'il aura agressé, tué celle qui se refuse à lui. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Michelle Demessine. Ça n'existe plus !

Mme Dominique Voynet. C'est du cinéma !

M. Patrice Gélard. En revanche, l'ex-mari qui sera l'auteur de violences, certes impardonnables, verra sa peine aggravée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Le système ne me paraît donc pas suffisamment étayé juridiquement.

De surcroît, le mariage et le PACS - pour ce qui concerne le concubinage, c'est quelque peu différent - sont des contrats qui, à un moment donné, n'existent plus. Dans ces conditions, au-delà du contrat, comment maintenir des liens entre des personnes qui n'ont plus de liens contractuels ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas des liens, des violences !

M. Patrice Gélard. J'admets la possibilité de maintenir les circonstances aggravantes cinq ans après le divorce ou la rupture du concubinage ou du PACS, ou jusqu'à la majorité des enfants ; mais au-delà, les personnes sont des étrangers l'un envers l'autre.

Mme Michelle Demessine. Ce n'est pas vrai du point de vue juridique !

M. Patrice Gélard. Mais si ! Et nous créons une inégalité entre, d'une part, une personne mariée, un pacsé ou un concubin qui va commettre des violences à l'égard de sa conjointe et, d'autre part, une personne qui s'est fait des idées et va tuer celle qui se refuse à lui. Or les deux sont dans la même situation. A mon sens, cela constitue une inégalité de traitement.

En conséquence, je soutiens l'amendement de M. Lecerf.

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

M. Jean-René Lecerf. Je veux tout d'abord préciser que cet amendement dépasse les clivages politiques.

Je reprendrai les propos de M. Badinter, qui a donné, à mon avis, le meilleur exemple, en disant ceci : imaginons deux antiquaires qui ont été pacsés quelques semaines et qui, vingt ans, trente ans ou quarante ans plus tard, ont une dispute à l'occasion de la vente d'un objet qu'ils souhaiteraient tous deux pouvoir commercialiser.

A partir du moment où ils ont été pacsés, la circonstance aggravante pourra être invoquée alors même que cela n'a strictement rien à voir avec le couple qu'ils ont formé des années auparavant. Le législateur crée donc une rupture flagrante d'inégalité devant la loi.

Dans ce cas - et je rejoins là un peu les propos de M. le rapporteur -, si le juge pouvait au moins dire que la circonstance aggravante ne joue pas, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il en tient compte !

M. Jean-René Lecerf. ... puisque le délit n'est nullement lié au couple qu'ils ont formé, ce serait un moindre mal.

Toutefois, le libellé du texte proposé pour l'article 132-80 du code pénal est tel que le juge est totalement enfermé par l'obligation de retenir les circonstances aggravantes : « La circonstance aggravante prévue au premier alinéa est également constituée lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. »

Il s'agit donc bien là, je le répète, d'un problème de principe. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon. Monsieur Gélard, votre intervention me laisse à penser que vous allez défendre le crime passionnel.

Mme Josiane Mathon. Cela y ressemble beaucoup !

Nous avons élargi la disposition aux ex-conjoints, aux ex-concubins et aux ex-pacsés. C'est un fait reconnu. Si l'on prévoit un délai, cela signifie que l'on ne les reconnaît plus comme tels, ou que l'on ne les reconnaît comme tels que pendant un certain temps.

Toutefois, les liens perdurent au-delà de la fin du mariage ou d'une vie commune ; la violence peut aller beaucoup plus loin. Il est donc nécessaire de protéger les femmes contre leur ex-conjoint qui va continuer de les poursuivre ; il est absurde de prévoir un délai, parce que cette situation peut durer très longtemps.

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Je retire l'amendement n° 1, monsieur le président. (Mmes Dominique Voynet et Gisèle Printz applaudissent.)

M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. 2

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Courteau et  Bel, Mmes M. André et  Alquier, MM. Assouline et  Bodin, Mmes Boumediene-Thiery,  Y. Boyer,  Bricq,  Cerisier-ben Guiga et  Demontes, MM. Guérini et  Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz,  Schillinger et  Voynet, MM. Angels et  Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel,  Boulaud et  Caffet, Mme Campion, MM. Carrère,  Cazeau,  Charasse,  Collomb,  Collombat,  Courrière,  Dauge,  Demerliat,  Desessard,  Domeizel et  Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut,  Frimat,  Frécon,  C. Gautier,  Gillot,  Godefroy et  Haut, Mmes Herviaux et  Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger,  Labarrère,  Labeyrie,  S. Larcher,  Lejeune,  Le Pensec,  Lise,  Madec,  Madrelle,  Mahéas,  Marc,  Masseret,  Massion,  Mélenchon,  Mermaz,  Michel,  Miquel,  Moreigne,  Pastor,  Percheron,  Peyronnet,  Picheral,  Piras,  Plancade,  Raoul,  Raoult,  Reiner,  Repentin,  Ries,  Roujas et  Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier,  Sergent,  Siffre,  Signé,  Sueur et  Sutour, Mme Tasca, MM. Teston,  Todeschini,  Trémel,  Vantomme,  Vidal,  Vézinhet et  Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa (2°) de l'article 41-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... - Demander à l'auteur des faits de se présenter dans une antenne de psychiatrie et de psychologie légales afin qu'il soit établi un diagnostic. Ce diagnostic pourra conduire le procureur de la République à obliger l'auteur violent à se soumettre à un suivi psychologique spécifique ».

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. En vertu de l'article 41-1 du code de procédure pénale, « s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, [...] le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, procéder à un certain nombre de mesures.

Parmi ces mesures figure la possibilité de « procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi », de « demander à l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci, et de « faire procéder [...] à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime ». Le procureur de la République peut également « orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ».

L'amendement n° 6 rectifié vise à compléter la liste des mesures qui sont à la disposition du procureur de la République. Il prévoit, pour ce dernier, la possibilité de proposer à l'auteur des violences « de se présenter dans une antenne de psychiatrie et de psychologie légales afin qu'il soit établi un diagnostic » permettant d'écarter les personnes les plus dangereuses. Le procureur de la République aura la possibilité d'imposer aux personnes les moins dangereuses un suivi psychologique spécifique. C'est une sorte de « classement sous condition ».

Toutefois, il est essentiel que ce suivi soit effectif. Dans le cas contraire, comme le prévoit le dernier alinéa de l'article 41-1 du code de procédure légale, le procureur de la République pourra engager des poursuites.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise à compléter l'article 41-1 du code de procédure pénale, afin de donner au procureur de la République la possibilité d'obliger l'auteur de violences à se soumettre à un suivi psychologique spécifique.

Or l'article 41-1 prévoit d'ores et déjà que le procureur de la République peut, avant la mise en mouvement d'actions publiques, orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire. Cet amendement me paraît donc inutile puisqu'il est satisfait par cet article.

Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Je ne reprendrai pas l'argumentation que M. le rapporteur vient excellemment de développer.

La loi confère déjà au parquet la possibilité d'orienter l'auteur des faits violents vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle. Cette personne devra donc se présenter dans une antenne de psychiatrie et de psychologie légales.

J'ajoute - c'est important - que cette pratique est déjà utilisée par nombre de parquets. Elle est d'ailleurs préconisée dans le guide de l'action publique relatif à la lutte contre les violences au sein du couple. Elle est même très précisément décrite aux pages 76 et 77 de ce rapport qui indiquent notamment que l'auteur des violences doit faire l'objet d'une prise en charge pluridisciplinaire associant notamment psychologues, conseillers conjugaux et infirmiers psychiatriques.

Je suis personnellement très sensible au développement de tels soins. Nous accompagnons sur le territoire une dizaine d'associations qui prennent en charge les hommes violents. Je mesure l'effort à poursuivre ; ces structures sanitaires, sociales ou professionnelles constituent une réponse parmi d'autres - mais une réponse importante -, à ces situations.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mmes Dini et  G. Gautier, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 222-33-2 du code pénal, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est puni des mêmes peines, le fait pour une personne de harceler son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, par des agissements répétés ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale. »

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Cet amendement a pour objet d'incriminer le fait pour une personne de harceler moralement son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, au même titre que les violences physiques.

Les violences psychologiques au sein du couple, notamment envers les femmes, sont quelquefois difficiles à prouver.

Cet amendement vise à faire en sorte que le harcèlement sexuel ou psychologique au sein du couple soit considéré comme une violence, et soit donc puni des mêmes peines que les autres formes de harcèlement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise à incriminer spécifiquement les violences psychologiques commises au sein du couple. Il est indéniable que les violences peuvent avoir une dimension psychologique, mais le principe d'une telle incrimination n'a pas été retenu par la commission, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, il est souvent difficile d'établir un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice.

Ensuite, il est important de souligner que la jurisprudence considère que l'infraction de violence concerne aussi bien les violences psychologiques que les violences physiques. Sous le vocable « violences » sont regroupés ces deux éléments.

A plusieurs reprises, la Cour de cassation a rappelé que la seule condition requise tient à l'existence d'un acte sciemment commis dans l'intention d'atteindre la personne d'autrui. Par conséquent, à partir du moment où un acte, qu'il soit physique ou psychologique, est sciemment commis à cet effet, il tombe sous le coup de la loi. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Il n'est pas nécessaire de faire de la violence psychologique un fait distinctif alors, d'une part, qu'il est très difficile de définir cette notion et, d'autre part, que la jurisprudence considère sous le vocable « violences » toutes les violences physiques et psychologiques.

Il serait tout à fait dommageable, me semble-t-il, qu'un amendement de cette nature, une fois voté, aille à l'encontre d'une jurisprudence absolument constante permettant au juge de retenir, à partir des faits qui lui sont soumis, la notion de violences, qu'elles soient physiques ou psychologiques.

Il est donc inutile de préciser les diverses catégories de violences.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Madame Dini, vous avez parfaitement raison de mettre en exergue les violences psychologiques, qui sont importantes et doivent être prises en compte.

Je confirme, à la suite de M. le rapporteur, que les violences, qu'elles donnent ou non lieu à une ITT, peuvent faire l'objet d'une condamnation. Effectivement, la jurisprudence reconnaît les violences psychologiques.

La difficulté réside plutôt dans la détection et la preuve de telles violences.

De ce point de vue, je relève la préoccupation qui est exprimée. Je peux ainsi vous répondre que nous entreprenons actuellement, avec l'ordre des médecins, une action de sensibilisation particulière du corps médical, notamment sur la rédaction des certificats médicaux et sur le retentissement psychologique qu'il convient de décrire lorsque ces violences existent.

Au nom du Gouvernement, j'émets, comme la commission, un avis défavorable ; toutefois, madame Dini, je voulais vous rassurer pleinement sur le fait que, grâce aux certificats médicaux, la détection de ces violences sera renforcée.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour explication de vote.

Mme Gisèle Gautier. Je souhaiterais simplement poser une question qui relève du bon sens : sur quels critères convient-il de s'appuyer pour détecter les harcèlements psychologiques ou moraux qui détruisent les femmes ou les hommes qui en sont les victimes ? Je vous le demande à vous, les uns et les autres, que vous soyez médecin ou magistrat. J'attends simplement une réponse.

A l'occasion de mon intervention lors de la discussion générale, j'ai précisé que les violences morales ou psychologiques faites aux femmes ne laissent aucune trace physique. Cela relève du virtuel, allais-je dire - c'est un mot dans l'air du temps ! Sur quels critères peut-on alors s'appuyer pour affirmer que le harcèlement qu'exerce une personne sur son conjoint, son concubin, son partenaire par des agissements répétés est puni des mêmes peines que celles qui sont prévues pour les violences physiques ?

Encore une fois, je suis très étonnée de notre discussion de ce soir. Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, vous n'avez procédé à aucune audition ! C'est impossible !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si ! Je vais vous expliquer...

Mme Gisèle Gautier. Laissez-moi parler ! Pardonnez mon ire, mais le fait que nous n'allions pas au fond des choses me met en colère !

Après avoir auditionné des femmes, des hommes aussi - il ne faut pas sexuer les violences perpétrées à l'égard de l'être humain -, on ne peut pas délibérément admettre que le harcèlement moral n'est ni répété ni patent. Il faut aller jusqu'au fond des choses. En effet, le sujet abordé ce soir est extrêmement grave, nous avons l'occasion d'en discuter en profondeur, et ce même s'il faut y passer du temps.

C'est la raison pour laquelle je pose encore une fois la question : sur quels critères s'appuie-t-on pour reconnaître les violences de harcèlement moral ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri de Richemont, rapporteur. J'ai précédemment affirmé que cet amendement me paraissait inutile compte tenu de la jurisprudence ; à ce titre, je voudrais faire référence à un arrêt de principe de la Cour de cassation : « la cour d'appel qui, pour retenir la culpabilité du prévenu, relève que la victime [...] a subi des perturbations du sommeil et des manifestations anxieuses entraînant un traumatisme psychologique, et ajoute que ces faits caractérisent l'infraction de violences avec préméditation, s'agissant d'un "comportement persécutoire" à l'égard de la victime ». Voilà la jurisprudence de la Cour de cassation qui fait autorité.

Ainsi, comme l'a indiqué tout à l'heure Mme la ministre, les tribunaux, sur la base de certificats médicaux, peuvent retenir les violences psychologiques comme fondement d'une infraction. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter une incrimination particulière dans la mesure où la violence peut être physique comme psychologique.

Les tribunaux condamnant les faits qui leur sont soumis lorsqu'ils ont pour conséquence un traumatisme psychologique tel que ceux que je viens de rappeler, je ne vois pas ce que votre amendement apporterait de plus par rapport à la jurisprudence de la Cour de cassation, déjà très claire !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, je suis confus d'avoir provoqué votre ire.

J'ai la chance, comme d'autres ici, d'avoir participé à l'élaboration du code pénal. D'ailleurs, j'aurais souhaité qu'on ne touche pas à ce code pendant dix ans, car, à force de le modifier, on entre trop dans le détail alors qu'il convient d'avoir une vision globale.

Chère madame, vous confondez à mon avis deux choses : le fait d'incriminer les violences morales - le rapporteur vous a très bien expliqué que ces violences morales étaient parfaitement incriminées, au même titre que les violences physiques, dans l'article que vous citez -, et la difficulté de produire la preuve des violences morales, constat qui ressort des auditions. Ce qui soulève un problème, c'est non pas l'incrimination en tant que telle, mais la preuve.

Il est vrai que la preuve n'est pas toujours facile à apporter. Le magistrat saisi d'une plainte doit bien entendu disposer d'éléments de preuve pour pouvoir prononcer une condamnation. Il peut éventuellement s'agir d'un examen psychologique ou psychiatrique, des faits que la victime peut relater, des témoignages qu'elle peut recueillir. Tous ces éléments peuvent permettre la sanction des violences morales, qui sont parfois très graves et sont d'ailleurs susceptibles d'entraîner des conséquences extrêmement sérieuses.

Madame Gautier, le droit pénal, tel qu'il est, permet de poursuivre ces violences morales.

La difficulté - et madame le ministre, peut-être faudrait-il faire un appel à tous les parquets à cet égard - réside dans le fait qu'on a parfois l'impression, lorsque certains agissements ne font l'objet d'aucune poursuite, qu'il n'y a pas de politique pénale dans ce domaine.

Mme Nicole Ameline, ministre. Mais si !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Une telle politique pénale existe certes, mais elle n'est pas suffisante ! Il y a encore des efforts à faire, des instructions précises à donner afin qu'il y ait des politiques de parquet, que l'on ne classe pas sans suite, comme cela arrive encore, des agissements qui ne paraissent pas trop graves...

Madame Gautier, voilà ce que je souhaitais simplement rappeler.

C'est pourquoi, pour conserver la structure à peu près équilibrée du code pénal, cet amendement ne me paraît ni indispensable ni même utile. Alors que la jurisprudence est tout à fait claire, on va se demander pourquoi une nouvelle incrimination a été inscrite dans le code pénal. Ce n'est franchement pas nécessaire !

Reconnaissez-moi au moins le droit d'exprimer parfois mon souci de simplifier et de clarifier le droit plutôt que de le compliquer ! Légiférer en permanence pour chaque cas particulier n'est pas une bonne méthode, d'autant que, demain, cet effort sera considéré comme insuffisant et que l'on fera encore autre chose !

La jurisprudence me paraît claire. Le problème des preuves est posé. Restons-en là, s'il vous plaît !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Mme Dominique Voynet. Voilà au moins un constat sur lequel nous serons d'accord : on légifère trop et trop mal ! Cela dit, nous sommes réunis ici pour traiter d'un problème grave, et nous allons essayer de le faire du mieux possible.

Je comprends l'agacement de Mme Gautier, car bien des phrases ont été prononcées ici qui donnent à penser qu'il est décidément assez difficile de regarder la réalité en face. Je n'accuse personne en particulier, car je crois que, collectivement, nous avons un peu de mal avec ce sujet.

Les violences conjugales, pourtant communes dans tous les pays européens, ont été longtemps sous-estimées ; le sujet était tabou ; il a longtemps été traité sur le mode du rire graveleux, des blagues abjectes, du désastreux « bats ta femme tous les jours, si tu ne sais pas pourquoi, elle le sait ! », ou sur le mode de l'incrédulité horrifiée.

La prise de conscience a été lente et incomplète. En effet, il est difficile de s'avouer que la plupart des viols à l'encontre des enfants sont exercés dans le cadre familial. Il est difficile de reconnaître que l'essentiel des violences à l'encontre des femmes sont commises par des gens avec lesquels elles avaient une relation affective - leur père, leur frère, leur mari, leur compagnon, leur concubin. Il est également difficile d'admettre que tous les groupes sociaux, toutes les classes d'âges sont concernés, même si les inégalités socioéconomiques sont évidemment des facteurs aggravants, ne serait-ce que parce qu'il est très difficile, en situation de précarité, de surmonter ce handicap pour fuir une vie de terreur et d'humiliation, notamment lorsqu'il y a des enfants.

Il faut donc affronter la réalité. M. le président de la commission des lois a certes raison de souligner que, juridiquement, le terme « violences » inclut toutes les violences, y compris celles qui ne laissent pas de cocard sur l'oeil. Mais, politiquement, je crois qu'il a tort ! En effet, le premier réflexe de l'homme violent sera de dire : « mais je ne lui ai pas fait de marques, mais je ne l'ai pas frappée ! ». Le premier réflexe de la femme battue sera de se sentir dévalorisée, culpabilisée, humiliée. Ainsi, afin de reconnaître qu'elle fait bien l'objet de violences, peut-être a-t-elle besoin de savoir que les humiliations du quotidien, les vexations, la dévalorisation devant les enfants, le sentiment d'être niée dans son identité de femme constituent bien de la violence, et que cela figure noir sur blanc dans un code.

Cela mérite vraiment d'être inscrit, même si, pour une fois, c'est un peu redondant par rapport à d'autres dispositions du code. Monsieur Hyest, vous devez comprendre que, si ces choses vont de soi pour un juriste, elles vont encore mieux en le disant pour tous ceux qui ne le sont pas... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Ameline, ministre. Je souhaite ne pas laisser un instant le doute s'instaurer sur l'engagement du Gouvernement. Il ne faut pas confondre une rigueur juridique avec un engagement politique.

Je ne peux pas vous laisser dire qu'il y a des réserves, de près ou de loin. Il n'y en a pas, et vous le savez ! Nous sommes tous convaincus, dans cet hémicycle, à la fois de l'exigence et de l'urgence qu'il y a à faire avancer non seulement le droit, mais aussi les autres décisions, qu'elles soient réglementaires ou administratives.

Les violences psychologiques sont parfaitement intégrées dans notre droit, madame Dini, madame Gautier. Simplement, nous rencontrons parfois un souci dans la charge de la preuve, même si la jurisprudence est assez explicite. C'est pourquoi un travail doit être fait avec l'ordre des médecins quant au certificat médical. Et ce n'est pas parce que de telles dispositions ne figurent pas dans un texte législatif qu'elles n'existent pas.

Sachez que, avant le dépôt de ces propositions de loi, un certain nombre de mesures avaient déjà été prises, et que d'autres le seront encore après ; je souhaiterais que personne n'en doute. Cette question s'inscrit dans un processus évolutif qui distingue bien, toutefois, le droit et la vision politique.

M. le président. La parole est à M. le représentant de la délégation aux droits des femmes.

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le rapporteur de la commission des lois.

Pour m'être fait communiquer l'arrêt de la Cour de cassation, je dois reconnaître, monsieur le président de la commission des lois, que, sur le strict plan du droit, cet arrêt dit tout. L'on peut donc à juste titre penser, comme vous l'avez fait remarquer, madame la ministre, que cela suffit.

Mais cet amendement n'a pas été déposé par caprice ! Toutes les personnalités que la délégation aux droits des femmes a auditionnées, notamment les représentants des associations, ont évoqué les violences psychologiques et ont insisté sur le fait qu'elles n'étaient pratiquement jamais punies !

M. Henri de Richemont, rapporteur. Ce n'est pas vrai !

Mme Hélène Luc. C'est vrai !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cela nous a été répété à chaque fois !

En tant qu'élus locaux - j'ai moi-même été maire pendant trente ans et membre d'un conseil général durant trente et un an -, nous avons tous entendu et vu des femmes dans la détresse !

« Tu es moche », citait Roland Courteau cet après-midi. Mon cher collègue, nous pourrions chacun ici énumérer les insultes qu'une femme entend ou peut entendre.

Mme Hélène Luc. C'est vrai !

M. Henri de Richemont, rapporteur. Et un homme aussi !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elles sont d'ailleurs bien pires que cela !

Chacun s'accorde à le reconnaître : s'exprimer ainsi, non pas une fois de temps en temps mais quotidiennement, plusieurs fois par jour, la nuit même, c'est détruire l'autre !

M. Roland Courteau. Bien sûr !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous avons tous un peu raison. J'ai d'ailleurs été le premier à reconnaître, monsieur le président de la commission des lois, que le droit disait vrai.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah oui !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cela me réjouit : le contraire m'eût étonné !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas parce que l'on changera le texte que la loi sera meilleure !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. C'est la raison pour laquelle, monsieur le président de la commission des lois, cet amendement a été défendu : ses auteurs ont ainsi voulu montrer combien il était important de rappeler aux magistrats l'existence de cette incrimination.

Je ne fais pas de procès aux magistrats, loin s'en faut ! Mais tous les instruments qui existent ne sont pas mis en oeuvre pour souligner à la fois les dégâts que cela provoque chez la femme harcelée et insultée et les drames que cela engendre pour la famille tout entière, notamment pour les enfants.

Certes, on peut soutenir que l'arrêt de la Cour de cassation permet de donner satisfaction. Il n'en reste pas moins que, dans les faits, il n'est pas encore correctement appliqué.

En déposant cet amendement, nous manifestons notre volonté que, demain, des procédures beaucoup plus pertinentes se développent afin que les femmes qui subissent ces violences soient réconfortées par la condamnation de ceux qui les leur infligent. Cela me paraît logique.

D'ailleurs, on parle évidemment beaucoup des femmes, mais les hommes aussi - 1 % d'entre eux - subissent des violences. A ce propos, je remercie la commission des lois de m'avoir invité à assister à l'audition d'un professeur célèbre. A cette occasion, j'ai pu constater qu'un éminent membre de la commission des lois avait souligné que les hommes aussi étaient parfois humiliés dans le milieu familial ou en public.

Certes, nous nous plaçons du point de vue de la femme, car c'est tout de même elle qui subit le plus grand nombre d'insultes. Mais, qu'il s'agisse de la femme ou de l'homme, il faut qu'il y ait matière à enclencher une procédure qui aujourd'hui fait défaut.

Je me réjouis que cet amendement ait été défendu et ne voterai pas contre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri de Richemont, rapporteur. J'ai écouté avec grand intérêt l'exposé passionné et passionnant de mon collègue et ami Jean-Guy Branger : j'ai retrouvé la passion qui nous caractérise sur le bord de notre Charente chérie, le plus beau fleuve de notre royaume ! (Rires.)

Les propos fougueux qu'il a tenus m'étonnent toutefois, et je pense qu'ils ont dépassé sa pensée. On ne peut pas soutenir que les conseillers à la Cour de cassation rendent les arrêts qu'ils veulent, mais qui, finalement, ne servent à rien, car ils ne sont pas suivis d'effet ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je n'ai pas tout à fait dit cela !

M. Henri de Richemont, rapporteur. C'était ce que cela voulait dire !

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Non !

M. Henri de Richemont, rapporteur. A partir du moment où les jugements rendus par la Cour de cassation sont utiles, je ne vois pas à quoi sert l'amendement n° 28 ! (Mme Dominique Voynet proteste.)

Madame Dini, la Cour de cassation prévoit exactement ce que, par cet amendement, vous cherchez à inclure dans le droit, à savoir « des agissements répétés ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale ». Dans un arrêt de principe - il est suivi d'effet parce que les violences aussi bien physiques que morales sont poursuivies et condamnées ! -, elle précise en effet que la condition requise pour qu'il y ait incrimination et peine est l'existence d'un acte sciemment commis dans l'intention de porter atteinte à la personne d'autrui.

C'est quasiment la même chose ! Dès qu'il y a volonté de porter atteinte à la personne d'autrui, que ce soit par une violence physique ou par une violence psychologique, il y a répression. Cette jurisprudence donne lieu à une application par les tribunaux sur la base des certificats médicaux ou d'autres éléments de fait soumis à l'appréciation des magistrats.

Or l'amendement n° 28 vise à créer une incrimination nouvelle au motif que les arrêts rendus par la Cour de cassation ne serviraient strictement à rien ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

C'est ce que j'ai cru comprendre ! Mais je pense que Jean-Guy Branger ne voulait pas aller aussi loin !

Si, dans un pays comme le nôtre, on ne peut pas avoir confiance dans la loi telle qu'elle est interprétée par la Cour de cassation et appliquée par les tribunaux, cela ne sert strictement à rien ! Je répète que l'arrêt de la Cour de cassation est suivi par les tribunaux et que l'amendement n° 28 est donc inutile. Si ce dernier vise à créer des incriminations artificielles pour le plaisir, pour des raisons politiques ou pour un affichage politique, nous ne sommes plus dans un Etat de droit normal ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Michelle Demessine. N'exagérez pas ! Vous allez trop loin !

M. Henri de Richemont, rapporteur. Faites plutôt confiance à l'arrêt de la Cour de cassation et à son application par les tribunaux, ce sera bonne justice ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

M. Jean-Guy Branger, représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. J'ai commencé mon propos en disant que je m'étais fait communiquer l'arrêt de la Cour de cassation, qu'il avait été remarquablement écrit et que, juridiquement, il suffisait. En aucun cas, je ne veux mettre les magistrats en cause ! Pour autant, nous avons tous constaté que la procédure n'était pas appliquée.

C'est la raison pour laquelle cet amendement a été déposé. Je maintiens que je ne voterai pas contre !

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Je me suis très largement exprimé sur le problème des violences psychologiques au cours de la discussion générale. Je n'y reviendrai donc pas, d'autant que Jean-Guy Branger a repris certains de mes propos.

Notre proposition de loi prévoit également, dans son article 1er, les actes de violence psychologique. Nous considérons en effet que les violences psychologiques sont aussi destructrices que certaines violences physiques et qu'elles ne sont jamais punies. C'est pourquoi je partage tout à fait les propos du représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Je terminerai par deux remarques, monsieur le président.

D'une part, en 2002, nous avons voté des dispositions contre le harcèlement moral au travail contenues dans la loi de modernisation. Pourtant, le problème de la preuve se pose également en cette matière.

D'autre part, la jurisprudence reconnaît le viol entre époux depuis l'arrêt de la Cour de cassation de 1990, confirmé en 1992. Pourtant, M. le rapporteur et la commission des lois, nous suivant d'ailleurs dans nos propositions, s'apprêtent à nous inviter à mentionner dans le code pénal le viol entre époux, concubins et pacsés.

Dominique Voynet l'a fait remarquer tout à l'heure : cela irait sans le dire, mais cela ira mieux en le disant !

C'est la raison pour laquelle nous voterons l'amendement n° 28.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Rappelez-vous les circonstances dans lesquelles a été instituée l'incrimination de harcèlement moral au travail. Il s'agit d'un cas très particulier, puisque ce type d'incrimination de violences au travail n'existait pas auparavant.

Si vous ajoutez l'incrimination particulière de violence psychologique au sein du couple à celle de harcèlement moral au travail, et non dans les violences énumérées après l'article 1er des conclusions de la commission des lois, cela signifie que l'ensemble de la jurisprudence de la Cour de cassation exclura le harcèlement des formes de violence morale entre époux. En effet, vous créerez une incrimination particulière qui ne pourra plus être retenue dans le cas général.

Je vous mets en garde : c'est comme cela que la Cour de cassation fait du droit !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 162 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l'adoption 159
Contre 160

Le Sénat n'a pas adopté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Michelle Demessine. A une voix près !

Art. additionnels après l'art. 1er
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. additionnels après l'art. 2

Article 2

Le 6° de l'article 222-3, le 6° de l'article 222-8, le 6° de l'article 222-10, le 6° de l'article 222-12 et le 6° de l'article 222-13 du code pénal sont complétés par les mots suivants : « ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».  - (Adopté.)

Art. 2
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. 3

Articles additionnels après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 222-16 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - La privation des pièces d'identité ou relatives au titre de séjour ou de résidence d'un étranger, par son conjoint, concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ex-conjoint, ex-concubin, ou ex-partenaire, est punie de 1 an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. ».

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, je sollicite votre patience et votre compréhension. Toute jeune sénatrice, je comprends mal comment on travaille dans cet hémicycle.

Une fois que le Sénat se sera prononcé sur ce texte, l'Assemblée nationale l'examinera et, compte tenu de la navette, nous en serons saisis à nouveau en deuxième lecture. J'avoue donc ne pas très bien comprendre ce qui aurait empêché qu'un sujet source de discussions sur toutes les travées de notre assemblée soit pris en compte, quitte à y revenir ultérieurement.

Vous me répondrez sans doute que ce n'est pas ainsi que travaille le Sénat. Pour ma part, je constate qu'une occasion peut-être unique d'ouvrir un débat au-delà des rôles convenus des uns et des autres a été perdue, et je le regrette.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Dominique Voynet. Les cinq amendements visant à insérer un article additionnel après l'article 2 tendent à compléter l'arsenal dont nous disposons pour protéger des femmes menacées, car placées dans une situation particulière.

L'amendement n° 16 porte sur la privation des pièces d'identité, ou des pièces relatives au titre de séjour ou de résidence en France d'un étranger. Nous n'avons pas précisé le sexe de la personne, même si, nous le savons, ce sont des femmes qui, dans 99 % des cas, sont privées par leur conjoint de leurs pièces d'identité.

Il s'agit d'éviter que des femmes de nationalité étrangère ne se trouvent dans une situation administrative irrégulière à la suite d'une séparation de leur mari, concubin ou partenaire, du fait de la rétention par ce dernier de leurs papiers d'identité.

Dans la pratique, les femmes ont rarement la possibilité d'émigrer directement. Elles se définissent en général par leur statut familial - elles sont « épouses de... », « soeur de... » ou « fille de... » - et se trouvent en situation de dépendance, notamment par rapport à leur mari et au droit de séjour de ce dernier.

Dans de nombreux cas, les maris auteurs de violences détiennent volontairement les pièces d'identité ou cartes de séjour de leurs épouses ; ils exercent sur elles un chantage, les empêchant ainsi de prendre la fuite.

Un tel comportement doit être sanctionné. Il peut être considéré comme une violence économique ou psychologique qui, à mes yeux, est tout aussi condamnable que la violence physique.

M. le président. Madame Voynet, permettez-moi d'apporter quelques précisions quant au déroulement de nos travaux.

Le débat qui s'est instauré fut animé et même passionné. Chacun a pu exprimer ses convictions, ce qui est tout à fait légitime.

Vient le moment où le président de séance doit faire procéder au vote sous la forme qui convient, soit à main levée, soit par scrutin public. Il est alors amené à prendre acte du résultat du scrutin.

Néanmoins, le sujet est loin d'être clos : la navette va permettre au débat de se poursuivre, comme cela est souhaitable, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 16 ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Madame Voynet, sur tous les papiers administratifs, en particulier les documents fiscaux, l'homme est désigné par son nom et par la mention « époux » suivie du nom de sa femme. Je ne crois pas qu'il ait pour autant le sentiment d'être dans une situation de dépendance. Le fait d'être « épouse » ou « époux » traduit plutôt un sentiment profond, un lien entre conjoints.

L'amendement n° 16 soulève un vrai problème. Il concerne la privation par un conjoint, un concubin ou un partenaire lié par un pacte civil de solidarité, des papiers d'identité de l'autre membre du couple. On pourrait considérer qu'il s'agit d'un vol ; mais le vol n'est pas répréhensible entre conjoints. En revanche, si ce vol aboutit à une forme de séquestration, à une entrave à la sortie du territoire national, on pourrait admettre qu'il y a violence. Mais a-t-on l'assurance qu'un homme qui vole les papiers d'identité de son épouse pour l'empêcher de quitter le territoire, donc qui exerce un ascendant sur elle, sera tenu pour responsable d'une violence susceptible d'être sanctionnée ?

C'est l'objet du débat, et c'est pourquoi la commission souhaite entendre le Gouvernement avant de se prononcer.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Le Gouvernement considère que la situation qui est visée ne peut être isolée du contexte de violence au sein du couple. Or les violences sont toujours punissables.

C'est pourquoi il a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 16.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, je maîtrise sans doute mal la langue française : je n'ai en effet jamais considéré qu'être présenté comme « l'époux de... » constituait un problème. J'ai simplement souligné le fait que beaucoup de femmes étrangères n'ont pas de statut personnel en dehors de leur statut matrimonial. C'est souvent en qualité de conjointe d'un homme disposant d'un titre de séjour qu'elle réside en France.

La difficulté ne tient pas au fait que la privation de leurs papiers d'identité empêche ces femmes de quitter le territoire ; la difficulté, c'est au contraire qu'elles risquent de ne pas pouvoir y rester. L'homme la menace en lui disant : « si tu me quittes, tu seras expulsée puisque je ne te rendrai pas les papiers qui te permettraient de justifier de ton droit au séjour. » C'est la menace d'être placée dans une situation de précarité au regard du droit au séjour que je veux conjurer. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise la privation des pièces d'identité relatives au titre de séjour. La commission est consciente du fait qu'une femme qui obtient un titre de séjour au nom du rapprochement familial dépend de son conjoint. On a toutefois l'impression, à la lecture de cet amendement, que la privation du titre de séjour vise le titulaire du document.

Il n'en demeure pas moins que cet amendement soulève un vrai problème. Je conçois très bien qu'il peut y avoir un risque d'expulsion et que cela constitue une violence. Cela peut-il être réprimé au titre de la violence ? Mme la ministre nous a répondu par l'affirmative. Je prends acte de sa réponse.

Mme Nicole Bricq. Le problème est réel !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré après l'article 2.

L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mmes Voynet,  Boumediene-Thiery et  Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 222-33-1 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves, dans le but de l'obliger à donner son consentement à un mariage est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. ».

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Au début de la discussion des articles, le Sénat, à l'unanimité, a adopté un amendement prévoyant l'harmonisation de l'âge minimum du mariage fixé pour les deux sexes à dix-huit ans. Cette mesure, nous a-t-on dit, est notamment destinée à éviter les mariages forcés.

J'ai alors indiqué que je défendrai plusieurs amendements visant à compléter ce dispositif, en particulier pour protéger de jeunes majeures soumises à des pressions de leur famille ou de leur entourage en vue de les convaincre de donner leur consentement, superficiel certes, à un mariage.

L'amendement n° 18 rectifié tend à créer un nouveau délit : le fait de harceler autrui en donnant des ordres, en proférant des menaces, en imposant des contraintes ou en exerçant des pressions graves, dans le but de l'obliger à donner son consentement à un mariage, serait puni d'une peine de prison et d'une amende.

Nombre de ces pressions concernent des femmes majeures qui cèdent aux menaces familiales. Le contexte est bien connu. Il ne concerne d'ailleurs pas une communauté spécifique, et les garçons peuvent eux aussi être victimes de ces comportements.

L'amendement n° 18 rectifié vise à sanctionner cette pratique, à qualifier d'infraction le harcèlement au mariage, qui est une violation des droits humains. L'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 est en effet ainsi rédigé : « Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux. » La mesure présentée dans cet amendement, largement médiatisée, serait à mon avis de nature à réduire le nombre des mariages forcés.

Il semblerait qu'en France, depuis quelques années, des jeunes filles soient mariées à des hommes par leur famille pour un prix qui avoisinerait 1 500 euros en moyenne. Chaque week-end, ces derniers viennent dans leur belle-famille retrouver leur « épouse » pour lui imposer des rapports sexuels, avec la complicité de tous.

Il s'agit de mariages traditionnels qui concernent souvent de très jeunes filles. On a eu connaissance de cas de suicide, de cas très graves de perturbations psychologiques. Leurs enfants, si elles en ont, sont eux aussi en danger.

Il me semble que la France doit mettre sa législation en conformité avec les conventions internationales qu'elle a signées et condamner purement et simplement ce genre de pratiques dans son droit interne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer une infraction spécifique de harcèlement au mariage.

Il est vrai que, actuellement, les mariages forcés ne sont pas réprimés en tant que tels. Toutefois, la responsabilité pénale des individus usant de la contrainte pour parvenir à une union doit être recherchée sous l'incrimination de menaces sous condition, d'extorsion de signature, de violences volontaires, voire de viol, et les tribunaux ont à plusieurs reprises condamné des parents de jeunes filles mineures pour complicité de viol à partir du moment où ils avaient été complices de ce mariage forcé.

Il n'est pas certain, pour la commission, que la nouvelle infraction que cet amendement tend à créer apporterait véritablement un changement. Il serait plus utile d'encourager les femmes qui sont victimes de ces violences à porter plainte contre leur entourage, malgré les pressions dont elles ont été l'objet.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Je partage totalement le souci de Mme Voynet de voir mieux prévenus les mariages forcés, qui font par ailleurs l'objet - je tiens à le souligner -d'un groupe de travail que Dominique Perben, Dominique de Villepin et moi-même avons mis en place sur le thème : « femmes et immigration ».

Outre que la rédaction de cet amendement n'est pas satisfaisante, car elle tendrait à laisser confondre la notion de harcèlement avec celle de contrainte ou de menace, je précise que nous reviendrons sur ces questions à l'issue des réflexions du groupe de travail, car je compte proposer une série de mesures législatives qui couvriront non seulement la contrainte au mariage, mais également les mutilations sexuelles.

Je propose par conséquent à Mme Voynet que nous nous retrouvions dans quelque temps sur ce sujet, dont l'importance ne m'a pas échappé.

L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 222-33-1 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. .... - Les jeunes filles mineures qui ont été victimes de pressions et de menaces de la part des membres de leur famille ou de leur futur époux pour les obliger à consentir au mariage, doivent bénéficier de l'aide sociale à l'enfance ».

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Les amendements nos 19, 20 et 21 concernent le même sujet. Aussi, pour assurer la cohérence de ma démonstration, je les défendrai ensemble.

L'amendement n° 19 traite du cas de jeunes filles mineures qui ont été victimes de pressions et de menaces de la part des membres de leur famille et qui doivent être protégées.

Certes, elles bénéficient déjà de l'aide sociale à l'enfance. Cependant, il est important de préciser que ce bénéfice doit être non pas seulement une possibilité pour le mineur, mais d'abord une obligation de l'Etat de veiller à ce que la mineure qui a été victime de violences soit protégée de façon efficace.

L'amendement tend donc à permettre la prise en charge automatique de jeunes filles mineures qui ne peuvent plus continuer à vivre normalement au sein de leur famille.

L'amendement n° 20 vise à étendre l'obligation qui est faite aux parents d'enfants majeurs poursuivant leurs études aux parents de jeunes filles qui ont été victimes de menaces et de pressions de leur part, en précisant que l'obligation d'entretien qui pèse sur les parents n'est pas levée du simple fait que leur enfant a été obligé de quitter le domicile familial et de demander la protection de la collectivité.

Cet amendement a donc pour objet d'inciter les juges, au-delà même de l'article 371-2 du code civil, qui prévoit une obligation d'entretien et d'éducation à la charge des parents, à octroyer une pension alimentaire aux enfants majeurs poursuivant leurs études même si ceux-ci ont coupé tout contact avec leur famille du fait des violences exercées à leur encontre. En effet, la jurisprudence ne fait pas toujours une application systématique de cette obligation, et bien des jeunes filles qui ont été amenées à se réfugier dans des foyers ou à demander le soutien d'une association renoncent de fait à poursuivre leurs études et se trouvent placées en situation de grande fragilité.

Enfin, l'amendement n° 21 a pour objet de prévoir que, si les parents ne sont pas en situation d'assumer leurs responsabilités, la solidarité nationale peut s'y substituer. Il serait en effet tout à fait choquant que nous puissions mettre à l'abri des pressions exercées par leur famille de jeunes femmes adultes qui poursuivent des études, mais que ces jeunes femmes soient néanmoins forcées d'interrompre celles-ci du fait de l'absence de dispositif de solidarité spécifique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 19 ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à insérer dans le code pénal l'obligation de faire bénéficier les mineures victimes de harcèlement au mariage de l'aide sociale à l'enfance.

L'insertion de cette disposition dans le code pénal nous paraît un peu étonnante. Surtout, nous tenons à souligner qu'une procédure d'assistance éducative peut être engagée lorsque la victime est mineure et que la contrainte émane du milieu familial, que le signalement ait été fait au procureur ou au juge des enfants.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Je partage exactement l'analyse que vient d'exposer M. le rapporteur.

Les mineures victimes de violences sont des mineures en danger et bénéficient à ce titre des dispositions relatives à l'enfance en danger. L'autorité judiciaire doit en effet être saisie de toute situation de violence à l'égard d'un mineur par quiconque en a connaissance.

Je précise à cet égard que M. Jean-Louis Borloo, en liaison avec un certain nombre d'associations et de bailleurs de logements sociaux, est en train de mettre en place un dispositif d'urgence destiné à ces jeunes femmes victimes de menaces de mariage forcé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 371-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette obligation s'applique aux parents d'enfants majeurs qui poursuivent leurs études ou suivent une formation et qui ont été victimes de menaces et de pressions de leur part pour les obliger à consentir au mariage. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. L'obligation d'entretien et d'éducation des enfants par les parents ne prend pas fin à la majorité.

Si la commission des lois est sensible aux difficultés rencontrées par les jeunes gens qui se trouvent dans la situation décrite dans l'amendement, l'automaticité à laquelle tend celui-ci ne lui paraît pas opportune. Il convient en effet de conserver au juge une marge d'appréciation afin qu'il puisse prendre sa décision en fonction des éléments et des pièces qui lui sont soumis.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. L'obligation des parents de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants ne cesse pas à la majorité de ceux-ci. Elle continue, en particulier, lorsque ces enfants poursuivent leurs études, et le fait que ces derniers aient été victimes du comportement de leurs parents n'a aucune incidence sur ce point.

Toutefois, en cas de carence ou d'insolvabilité des parents, les jeunes majeurs âgés de moins de vingt et un ans, s'ils sont confrontés à « des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants », peuvent bénéficier d'une aide financière ou d'une prise en charge du service de l'aide sociale à l'enfance, conformément aux dispositions des articles L. 222-2 et L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles.

La difficulté, là aussi, réside essentiellement dans la mise en application la plus rapide possible des dispositifs en vigueur, dont l'existence rend cet amendement sans objet.

Cette observation vaut également pour l'amendement n° 21.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 371-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de carence des parents, la solidarité nationale peut s'y substituer. »

II. - Les conséquences financières résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission des lois ne pense pas qu'il appartienne à la solidarité nationale de se substituer systématiquement à la carence des parents. Il faut au contraire obliger ceux-ci à payer et à faire face à leurs obligations.

Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Le Gouvernement a déjà exprimé son avis défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels après l'art. 2
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. additionnels après l'art. 3

Article 3

Avant le dernier alinéa de l'article 221-4 du code pénal, il est inséré un dixième alinéa ainsi rédigé :

« 9° Par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. » - (Adopté.)

Art. 3
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. additionnel après l'art. 3 ou après l'art. 5

Articles additionnels après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans l'article 9-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, après la référence : « 222-10 » sont insérées les références : « 222-12, 222-13 ».

II. - Les conséquences financières entraînées par l'application du I sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. L'article 65 de la loi dite « Perben I » du 9 septembre 2002 a créé au sein de la loi n° 91-647 du 11 juillet 1991 relative à l'aide juridique un article 9-2 qui dispose que la condition de ressources pour l'accès à l'aide juridictionnelle n'est pas exigée des victimes de crimes, d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, de violences aggravées, de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente aggravée, de violences habituelles sur les mineurs ou sur les personnes vulnérables ayant entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité, de viol ou de viol aggravé, ainsi que des atteintes commises par acte terroriste.

Par cet amendement, nous proposons d'étendre ce dispositif aux violences aggravées ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, visées à l'article 222-12 du code pénal, ainsi qu'aux violences, également aggravées, ayant entraîné une ITT de moins de huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail. Ainsi, toutes les victimes de violences au sein des couples pourront bénéficier de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources.

En effet, ces personnes sont souvent également victimes de violences économiques et dépendent financièrement de leur conjoint, ce qui, pour elles, constitue un frein.

Porter plainte implique en effet de prendre un avocat. De deux choses l'une : ou bien ces victimes, compte tenu des ressources du ménage, ne peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, ou bien elles peuvent en bénéficier. Dans les deux cas, elles devront soit produire à l'appui de leur demande des pièces justificatives dont elles ne disposent peut-être pas, soit établir des chèques qui n'échapperont pas à la vigilance de certains conjoints.

Il faut bien avoir présent à l'esprit que ces victimes sont le plus souvent dans un état psychique grave et qu'elles sont rongées par la peur : peur des représailles sur elles-mêmes ou sur leurs enfants, dont la presse se fait l'écho bien trop souvent.

Il me semble qu'étendre cette aide juridictionnelle à toutes les violences irait dans le sens à la fois du dispositif mis en place par M. le garde des sceaux dans la loi du 9 septembre 2001 pour les victimes en général et du plan de lutte contre les violences exercées à l'encontre des femmes présenté par Mme Ameline.

Nous proposons que les conséquences financières entraînées par la mise en application de cette mesure soient compensées par une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 avait déjà ouvert le bénéfice automatique de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes des infractions les plus graves : atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, viols.

J'attire votre attention sur le fait que l'enveloppe de l'aide juridictionnelle est passée de 187 millions d'euros en 1998 à 300 millions en 2003.

Faut-il, comme cela nous est demandé par les auteurs de l'amendement, aller plus loin et étendre l'aide juridictionnelle sans condition de ressources à de nouvelles infractions, alors que la loi du 10 juillet 1991 avait institué cette aide afin de favoriser l'accès au droit des plus démunis ?

En tout état de cause, nous considérons que l'impact financier d'un élargissement du champ de l'aide juridictionnelle mériterait une évaluation de son impact financier.

C'est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Les victimes mineures de violences physiques ou sexuelles ont la possibilité d'accéder à l'aide juridictionnelle prévue par la loi du 10 juillet 1991 sans condition de ressources dans plusieurs cas de figure, notamment si elles sont en conflit d'intérêts avec leurs parents.

L'ensemble des victimes mineures ou majeures peuvent aussi accéder à ce droit si leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt : elle est alors examinée par la commission d'aide juridictionnelle.

De plus, pour les infractions les plus graves, ce bénéfice a été ouvert par la loi du 9 septembre 2002.

Parallèlement, le ministère de la justice favorise l'application rapide des mesures d'aide juridictionnelle - c'est l'objet de la circulaire du 19 août 2003 -, notamment grâce à l'organisation par les barreaux de permanences pour les victimes organisées. Un guide retraçant les actions mises en place par le réseau associatif accompagnant les victimes ou les auteurs de violences sera d'ailleurs prochainement diffusé par le ministère de la justice.

Au regard de l'ensemble des ces améliorations substantielles, il n'apparaît pas souhaitable d'aller plus loin en ce qui concerne la généralisation de l'aide juridictionnelle.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Outre les obstacles de droit, il existe des obstacles de fait qui sont bien plus importants encore.

Par conséquent, lorsque l'on est dans une situation inextricable, le fait de savoir que l'on pourra être aidé financièrement, que l'on aura les moyens de faire appel à la justice, est psychologiquement fondamental, d'autant que cela ne suppose vraisemblablement pas des dépenses extraordinaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Il est créé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, au sein de chaque tribunal de grande instance, une « antenne de psychiatrie et de psychologie légales ».

II - Les conséquences financières entraînées par l'application de cette disposition, sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Certes, nous l'avons vu précédemment, le nouveau code pénal reconnaît la gravité des violences, et la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui va encore améliorer cette répression.

Toutefois, certaines victimes disent encore avoir été convaincues par les services de police de transformer leur plainte en simple main courante. Et, comme elles n'en ont souvent pas gardé les références, elles ne peuvent en obtenir copie.

Sauf lorsque l'incapacité totale de travail était importante ou les blessures graves, les violences conjugales ont longtemps été banalisées par les services de police et de justice comme relevant de la sphère privée, au sein de laquelle il apparaissait normal de ne pas s'immiscer. Cela relevait non du domaine répressif, mais plutôt du champ social ; de ce fait, aucune politique pénale n'était déclinée.

Par ailleurs, si la plainte est déposée, le traitement juridique variera considérablement en fonction des tribunaux.

De nombreux parquets ont désormais une politique pénale en la matière, mais ces directives sont très disparates d'un tribunal de grande instance à l'autre, voire au sein d'un même tribunal. Cette absence de cohérence est fort dommageable.

Tous les conjoints violents ne sont pas des malades : ils ont des profils allant du « normal » au « franchement pathologique », en passant par toute la gamme des profils névrotiques. Ces personnes doivent être amenées à comprendre leur violence et doivent apprendre à la contrôler. Cela suppose une aide à la maîtrise, à la maturation : les deux ressorts de la violence sont, en effet, l'immaturité et l'égocentrisme.

Pour les psychiatres, la prise en charge repose sur deux leviers : l'obligation de suivi et les techniques de groupe. En effet, lorsque l'on est immature, on répugne à aller de soi-même vers une prise en charge. Les personnes violentes ne viennent consulter que sur la pression de la famille ou du juge. Seul, à froid, l'auteur de violences aura tendance à ne pas reconnaître ce qui s'est passé et à se réfugier dans l'autojustification, la dénégation, la minimisation des faits, allant même jusqu'à en faire porter la responsabilité sur la victime.

Les techniques de groupe permettent aux auteurs de violences de prendre plus facilement conscience de gravité de leurs actes. Cette technique a été éprouvée pendant une dizaine d'années à La Garenne-Colombes : le parquet de Paris, en partenariat avec la Ligue française pour la santé mentale, a ouvert une antenne de psychiatrie et de psychologie légales.

Envoyées par le procureur de la République, les personnes violentes sont examinées afin de distinguer de simples disputes de faits plus graves impliquant des personnes particulièrement violentes qu'il convient d'éloigner.

Pour ceux qui ne font pas partie de cette dernière catégorie, le parquet propose un classement sous condition : on ne vous poursuit pas pour l'instant, mais vous vous soumettez à un suivi.

Les parquets de Nîmes et de Douai proposent également des solutions de « classement sous condition ».

Toutefois, le traitement judiciaire des violences conjugales devrait s'inscrire dans les politiques publiques mises en place par le Gouvernement. D'où la nécessité de généraliser ces antennes de psychiatrie et de psychologie légales dans tous les tribunaux de grande instance.

C'est l'objet de notre amendement ; nous invitons le Gouvernement à créer ces antennes dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

Conscients de la charge que constitue la création de ces antennes, nous proposons de la compenser par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Je salue les expériences de Nîmes et de Paris, qui répondent à un besoin et qui méritent d'être encouragées. Toutefois, le fait même qu'elles existent prouve qu'elles peuvent être créées sans qu'une loi soit nécessaire.

Mme Michèle André. C'est une exception !

M. Henri de Richemont, rapporteur. Ces antennes ont été créées dans des départements où cela était nécessaire !

En revanche, une obligation législative se heurterait sans doute à des problèmes de moyens financiers et humains, compte tenu, en particulier, du nombre insuffisant de psychiatres.

En outre, une systématisation de ces expériences ne serait peut-être pas nécessairement adaptée aux situations locales. Si une prise en charge médicale est évidemment souhaitable, il convient de laisser aux juridictions le soin des méthodes et des moyens.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Même avis défavorable, monsieur le président.

M. Roland Courteau. C'est un peu bref !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Roland Courteau. C'est vraiment dommage !

Art. additionnels après l'art. 3
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
Art. additionnel après l'art. 3

Article additionnel après l'article 3 ou après l'article 5

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 222-13 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art ... . - Les victimes, quelles que soient leurs ressources financières, leur nationalité, et leur situation administrative de séjour, qui ont subi, au sein de leur couple, des violences de nature sexuelle, physique ou morale ayant entraîné une incapacité temporaire de travail d'une durée supérieure à trois mois peuvent relever de la solidarité nationale. Dans la mesure où la victime ne bénéficie plus de ressources suffisantes, elle peut prétendre à une aide financière de l'Etat et à un dispositif facilitant son accès à un emploi, dans des conditions déterminées par décret. »

II. - Les conséquences financières résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Il s'agit de permettre la prise en charge par l'Etat de l'ensemble des victimes qui ont subi des violences d'une très grande gravité. Nous visons, en effet, les personnes qui ont subi, au sein de leur couple, des violences qui ont entraîné une ITT d'une durée supérieure à trois mois.

Nous proposons donc de mettre en place un dispositif permettant à ces personnes de retrouver un emploi : il est nécessaire de rassurer celles qui n'auraient peut-être pas la folle audace de quitter leur conjoint violent et qui resteraient exposées à de terribles violences si on ne leur donnait pas les moyens de reconstruire leur vie.

Les victimes qui ont subi une incapacité temporaire de travail d'une durée supérieure à trois mois et qui n'ont plus de ressources suffisantes sont extrêmement fragilisées. Elles auront donc, plus que d'autres, des difficultés à retrouver un emploi, et ce d'autant plus qu'une longue période de dévalorisation de soi et de rupture avec l'emploi aura précédé la prise de conscience et le geste de quitter la personne violente.

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Les victimes de violences au sein de leur couple, qui ont des revenus inférieurs à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance, bénéficient d'une aide financière payable en une seule fois et correspondant à six fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance.

II. Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Avec cet amendement, nous abordons la très importante question de la prise en charge financière des victimes.

Outre la violence physique, verbale, psychologique ou sexuelle, la violence peut être aussi économique.

Dans ce cas précis, elle est alors utilisée comme un moyen de contrôle permanent de la victime et s'associe à d'autres comportements agressifs et destructeurs. Elle peut prendre différentes formes : empêcher de travailler, d'avoir accès à l'argent du couple, d'avoir un carnet de chèques, vérifier les dépenses de la femme, l'obliger à démissionner. Les violences sont multiples, et les conjoints violents ont beaucoup d'imagination.

Nous pensons qu'il est important, dans la mesure où la victime ne bénéficie pas de ressources suffisantes parce qu'elle dépend financièrement de son mari, parce qu'elle ne travaille pas ou parce qu'elle travaille à temps partiel, de prévoir une aide financière de l'Etat.

Nous nous sommes inspirés, en fait, du dispositif qui existe en Espagne, où une loi organique de 2004 prévoit une aide financière pour les victimes qui n'ont pas de revenus personnels et qui risquent, compte tenu de leur âge et de leur formation, de ne pas trouver d'emploi. Cette même loi considère les victimes de telles violences comme prioritaires pour l'accès à des logements sociaux.

J'aurais aimé que nous puissions, nous aussi, élaborer une loi semblable, madame la ministre !

Je suis déçue de constater que les conclusions adoptées par la commission des lois ne prévoient aucune aide financière de l'Etat.

Cette dernière disposition permettrait pourtant aux femmes de se reconstruire, en particulier sur le plan professionnel, en leur donnant les moyens de recouvrer leur autonomie, une autonomie dont vous avez dit, madame la ministre, devant la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qu'elle constituait une « notion capitale pour les femmes ».

J'ose espérer que nous serons entendus et je compte sur votre soutien, madame la ministre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Ces amendements visent à permettre la prise en charge par l'Etat des victimes de violences au sein du couple lorsque lesdites violences ont entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois.

Il convient de rappeler que l'article 706-3 du code de procédure pénale prévoit une réparation intégrale du préjudice par l'auteur de l'infraction lorsque l'ITT est supérieure à un mois. Et, si la commission des lois n'a pas pris en considération vos propositions en matière d'aide aux victimes, madame Mathon, c'est parce que ces mesures d'aide existent déjà avec le RMI ou avec l'allocation de parent isolé, l'API.

M. Roland Courteau. C'est insuffisant !

M. Henri de Richemont, rapporteur. A partir du moment où votre préoccupation est satisfaite par les dispositions existantes, il ne nous paraît pas souhaitable de créer des mesures supplémentaires.

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme Hélène Luc. Vous croyez que c'est suffisant ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Je réaffirme que l'autonomie financière et le retour à l'indépendance économique sont tout à fait essentiels dans le traitement des violences.

Pour autant, aujourd'hui, il s'agit d'appliquer en temps réel le dispositif existant, sur lequel vous me permettrez de revenir quelques instants.

Les victimes de violences au sein du couple qui n'ont pas de ressources suffisantes peuvent effectivement disposer d'une aide financière : il s'agit de l'aide sociale à l'enfance pour les jeunes âgés de moins de vingt et un ans ou du revenu minimum d'insertion pour les personnes âgées de plus de vingt-cinq ans.

En outre, les victimes qui ont des enfants peuvent également bénéficier non seulement d'une aide dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance pour elles et leurs enfants, mais aussi et surtout de l'allocation de parent isolé, qui a été récemment réévaluée, si elles ont un enfant âgé de moins de trois ans.

Dans le plan que j'ai présenté le 25 novembre dernier, j'ai tenu tout particulièrement à ce que ces aides soient mobilisées le plus rapidement possible. Cette volonté est d'ailleurs très largement partagée.

Ainsi, en ce qui concerne le RMI et l'API, je rappelle qu'il est possible de neutraliser les ressources de la demandeuse de ces aides et, donc, de ne pas prendre en compte le plafond des ressources pour obtenir cette aide. Cela permet de décréter la mise en oeuvre d'une procédure d'urgence, conformément aux dispositions de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale.

En clair, il est possible d'accorder sans délai aux femmes victimes de violences un versement d'urgence, qui peut s'accompagner d'avances versées par les CAF, les caisses d'allocations familiales. Encore faut-il - et je rejoins là votre préoccupation, madame la sénatrice - que ces victimes connaissent bien de tels dispositifs.

A cet effet, nous avons élaboré un dépliant d'information. Toutefois, dans le cadre d'une mutualisation des compétences sur le terrain, grâce à des référents capables d'apporter effectivement une solution en temps réel, il convient de faire en sorte que cette allocation, qui existe et qui peut donc tout à fait être opérante, soit versée le plus rapidement possible.

Je rappelle en outre, madame la sénatrice - je n'ai peut-être pas été assez claire sur ce point -, que la France dispose aujourd'hui d'un dispositif d'ensemble assez équivalent à celui de l'Espagne. Les mesures d'aides en la matière sont bien prévues, même si, j'en conviens, aucun texte de loi ne les regroupe. Notre discussion nous a d'ailleurs permis de les mettre en exergue, car elles peuvent effectivement servir cette cause, même si elles ne sont pas toujours assez visibles.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.

Mme Dominique Voynet. La formule utilisée par M. le rapporteur peut prêter à confusion. Il ne s'agit pas, en effet, de faire prendre en charge par l'Etat les victimes de violences au-delà des dispositifs existants, mais simplement de bien préciser que les victimes, quelles que soient les ressources financières de la cellule familiale, quelles que soient leur nationalité et leur situation administrative de séjour, peuvent, dans les meilleurs délais, avoir accès aux dispositifs d'aides.

Madame la ministre, vous avez cité le RMI et l'allocation de parent isolé, mais il convient également de citer les dispositifs de retour à l'emploi, qui me paraissent indispensables.

Par conséquent, pouvez-vous me confirmer que les dispositifs dont vous venez de nous rappeler les grandes lignes sont accessibles à toutes les femmes, quelles que soient les ressources de leur conjoint, quelles que soient leur propre nationalité et leur situation au regard du droit au séjour ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Ameline, ministre. Ces dispositifs de soutien sont parfaitement accessibles, et sont d'ailleurs mis en pratique. Je regrette simplement que de nombreuses femmes n'en aient pas connaissance à ce jour. Il convient donc de corriger cette situation, pour que ces dispositifs soient mobilisés plus efficacement.

Mme Nicole Bricq. Ce serait mieux de les inscrire dans la loi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 3 ou après l'art. 5
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Art. 4

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 222-14 du code pénal, après les mots : « connue de leur auteur », sont insérés les mots : « ou sur un conjoint, un concubin ou un partenaire lié par un pacte civil de solidarité lorsqu'elles sont commises par leur conjoint, leur concubin ou leur partenaire ».

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Dans sa rédaction actuelle, l'article 222-14 du code pénal prévoit que les violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne vulnérable sont punies sévèrement. Sont ici visées des violences ordinaires dans leur manifestation, mais qui doivent avoir été exercées sur une victime spécifique.

A défaut d'une définition précise en la matière, tant dans le code pénal que dans cette proposition de loi, il faut reprendre la jurisprudence antérieure selon laquelle l'habitude est caractérisée dès le second fait constaté.

Or les victimes visées dans l'article 222-14 du code pénal sont les mineurs de quinze ans et les personnes vulnérables. Je souhaite donc introduire un troisième cas de figure, afin de prendre en compte à la fois la qualité de la victime et l'auteur des violences.

A cet égard, il convient que le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité figurent parmi les victimes des violences habituelles lorsque ces dernières sont commises par le conjoint, le concubin ou le partenaire, lesquels seront ainsi passibles des peines aggravées prévues à l'article 222-14.

Comme je l'ai moi-même constaté lors de mes permanences d'élu et comme me l'ont indiqué les associations et toutes les personnes - magistrats, psychiatres, avocats, médecins - que nous avons rencontrées lors de l'élaboration de cette proposition de loi, les violences sont le plus souvent habituelles, voire quotidiennes.

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer largement sur ce sujet au cours de la discussion générale : la violence au sein des couples n'est pas le symptôme d'un conflit au sein d'un couple, ce dernier est d'une tout autre nature.

En l'espèce, la violence caractérise un processus de destruction élaboré consciemment ou inconsciemment sur le long terme. La violence ne surgit pas brusquement à la faveur d'un désaccord ; au contraire, elle s'installe progressivement, pour aller crescendo, au fur et à mesure que l'emprise de l'agresseur s'affermit et entre dans un cycle d'habitude.

Il me paraît donc souhaitable de faire figurer, aux côtés des mineurs de quinze ans et des personnes vulnérables, les conjoints, les concubins et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité lorsque ces violences sont commises par le conjoint, le concubin ou le partenaire.

Par ailleurs, pour les violences les plus graves qui ont entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité, les victimes et leurs ayants droit pourraient ainsi bénéficier de l'accès à l'aide juridictionnelle sans condition de ressources, telle qu'elle est prévue par l'article 65 de la loi Perben du 9 septembre 2002.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. J'avoue ne pas très bien comprendre ce qui nous est proposé.

En effet, l'article 222-14 du code pénal vise à aggraver les peines pour les violences habituelles commises sur un mineur de quinze ans ou sur une personne particulièrement vulnérable.

Or le code pénal et la loi relative au divorce prévoient déjà une circonstance aggravante pour les violences commises dans le couple, même en cas de rupture du couple.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Henri de Richemont, rapporteur. De plus, ainsi que cela est ressorti très clairement lors de nos auditions, nous nous accordons tous sur le fait que la violence commise dans le couple, qu'elle concerne des conjoints, des pacsés ou des concubins, présente les caractéristiques d'une violence habituelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Henri de Richemont, rapporteur. Par conséquent, vouloir créer une double circonstance aggravante au motif qu'il s'agit d'une violence habituelle me paraît absolument illogique, à partir du moment où nous avons déjà prévu, dans les sanctions, une circonstance aggravante pour la violence commise dans le couple. En effet, nous avons parfaitement conscience que cette violence est, par nature, habituelle.

M. Roland Courteau. Pas forcément !

M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas les intentions des auteurs de cet amendement et je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir le retirer.

M. Henri de Richemont, rapporteur. Il me paraît en effet satisfait par les dispositions que nous avons votées, qui sont d'ailleurs conformes aux mesures figurant dans la proposition de loi que vous avez cosignée.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet, bien entendu, un avis défavorable sur cet amendement, qu'elle ne comprend pas.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Même avis défavorable.

M. Roland Courteau. Evidemment !

M. le président. Monsieur Courteau, l'amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Bien sûr, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 3
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Art. 5

Article 4

Après le premier alinéa de l'article 222-23 du code pénal, est inséré un deuxième alinéa ainsi rédigé :

« La qualité de conjoint ou de concubin de la victime ou de partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ne peut être retenue comme cause d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité. » - (Adopté.)

Art. 4
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Art. additionnels après l'art. 5

Article 5

I.- L'article 132-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 19° En cas d'infraction commise contre son conjoint, son concubin, ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, résider hors du domicile ou de la résidence du couple. »

II.- Avant l'avant-dernier alinéa de l'article 138 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 17° En cas d'infraction commise contre son conjoint, son concubin, ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, résider hors du domicile ou de la résidence du couple. »

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l'article.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le mouvement vers une généralisation de la médiation a pris de l'ampleur avec la loi du 4 janvier 1993, qui a donné un fondement légal incontestable à une telle solution.

Justice de proximité, préventive, éducative et réparatrice plus que répressive, le but de la médiation est d'aboutir à la satisfaction de la victime, avec son accord, et à la restauration de l'ordre public sans recours aux poursuites et aux sanctions pénales.

La médiation est censée régler les « petits désordres sociaux » par le recours à un tiers qui favorise la confrontation des points de vue des deux parties, pour rechercher une solution au conflit et une réparation au trouble causé.

Dans la situation d'engorgement dans laquelle se trouve l'institution judiciaire depuis quelques années, nous sommes tout à fait favorables au développement de ces procédures alternatives.

Toutefois, le recours à la médiation est-il pertinent dans tous les cas, tout particulièrement en matière de violences conjugales ?

Dans de telles situations, les critères de la médiation tels que la volonté de coopération, le respect de l'autre dans la recherche d'une solution, et plus particulièrement la reconnaissance par le conjoint délinquant de ses actes de violences deviennent difficilement applicables.

Ces critères font référence à un état d'esprit et à une liberté de pensée qui sont absents dans les cas de violences au sein des couples. L'agresseur et l'agressé ne sont pas sur un pied d'égalité en termes de pouvoir : ainsi, la liberté d'expression est le plus souvent inexistante chez la victime.

Par ailleurs, en mettant les deux parties sur un même plan, la médiation atténue la visibilité de l'infraction et, par là même, la prise de conscience par l'auteur des violences du caractère anormal et répréhensible de son acte.

En effet, il faut toujours avoir en mémoire que la violence au sein des couples est, par définition, doublée d'un système de harcèlement moral et de violences psychologiques graves que la justice a bien du mal à appréhender.

Comme nous y invitaient de nombreuses associations luttant contre les violences conjugales ainsi que la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous avions envisagé d'exclure la possibilité pour le procureur de la République, préalablement à sa décision sur l'action publique, de faire procéder à une mission de médiation dans le domaine des violences au sein des couples.

Toutefois, parce que nous sommes généralement favorables à ces missions de médiation, nous avons finalement choisi de ne pas déposer d'amendement sur le sujet. Nous souhaitons simplement que, dans le cadre des violences au sein des couples, les parquets soient invités à n'avoir recours à la médiation qu'après mûre réflexion et à privilégier le classement sous condition avec obligation de soins, même s'il s'agit d'un premier passage à l'acte.

En effet, force est de constater qu'en matière de violences au sein des couples un grand nombre de violences graves ou de décès consécutifs à des coups mortels pourraient être évités si l'intervention du parquet avait lieu dès les premiers signes de violences.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa du II de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

Le 10° de l'article 138 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou de prévention des violences au sein du couple ; ».

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Les violences au sein du couple sont des violences bien particulières. En effet, elles s'inscrivent dans une relation de couple qui est tout de même, a priori et dans la majorité des cas, une relation amoureuse,... du moins au départ.

La violence, psychologique ou physique, sur une personne que l'on prétend aimer n'est pas anodine. Je ne me substituerai pas aux médecins et aux psychologues, mais je pense que le processus qui conduit un homme à être violent vis-à-vis de sa conjointe n'est pas le même que dans les cas de violences sur une personne inconnue ou extérieure au couple.

Comme le montrent toutes les analyses, l'auteur de violences conjugales élabore souvent un schéma d'emprise psychologique sur sa victime. Dans le même temps, les violences exercées par le conjoint enferment la victime dans le silence et l'isolement. L'emprise exercée par le conjoint procède par des attaques psychologiques parfois très subtiles et difficiles à détecter, ou encore par des stratégies de manipulation.

C'est pourquoi nous pourrions faire en sorte que le conjoint violent soit soumis à une obligation de soins, dans le cadre du contrôle judiciaire.

Cette mesure, encadrée par un magistrat, serait importante en matière de lutte contre les violences conjugales, car elle permettrait au conjoint, en contact avec des professionnels de santé, de prendre conscience de ses actes, ce qu'un renforcement des sanctions pénales à son encontre ne permet pas systématiquement.

Cette mesure pourrait donc compléter l'article 138 du code de procédure pénale, qui prévoit l'obligation de se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication.

Cette proposition devrait réjouir M. le rapporteur, puisqu'il s'agit de mesures encadrées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Comme d'habitude, madame Mathon, je vous ai écoutée avec grand intérêt, et je vous répondrai très brièvement.

L'obligation de soins prévue dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve ou du contrôle judiciaire vaut bien évidemment pour l'auteur de violences conjugales, pour lequel elle est même particulièrement recommandée. Les tribunaux ont donc toute latitude de prononcer ces mesures. C'est la raison pour laquelle la précision que vous proposez ne me paraît pas indispensable.

Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. additionnel avant l'art. 6

Articles additionnels après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le quatrième alinéa (3°) de l'article 132-45 du code pénal est complété par les mots : « et notamment d'aide aux auteurs de violences au sein des couples ».

II. Le douzième alinéa (10°) de l'article 138 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou d'aide aux auteurs de violences au sein des couples ».

La parole est à Mme Christiane Demontes.

Mme Christiane Demontes. La loi du 26 mai 2004 relative au divorce a complété l'article 220-1 du code civil relatif aux mesures urgentes en ces termes : « Lorsque les violences exercées par l'un des époux mettent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. Le juge se prononce, s'il y a lieu, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage. Les mesures prises sont caduques si, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée. »

Or rien ne figure à ce titre dans notre législation répressive.

Dans la proposition de loi que nous avions déposée, nous souhaitions combler ce vide, en proposant que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention puisse, parmi les mesures du contrôle judiciaire, interdire à l'auteur des violences de se rendre au domicile du couple, cette mesure s'appliquant aux personnes mariées, aux concubins et aux personnes liées par un pacte civil de solidarité.

Des dispositions semblables étaient d'ailleurs proposées dans la proposition de loi déposée par Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues.

La commission des lois a maintenu - et même complété - ces dispositions, en les étendant au régime de mise à l'épreuve, ce dont nous nous réjouissons.

Toutefois, il nous paraît utile d'offrir au procureur de la République une nouvelle possibilité. En effet, l'expérience menée depuis dix ans à La Garenne-Colombes par l'équipe du docteur Coutanceau, qui propose une nouvelle thérapie dans le champ des troubles du comportement, a porté ses fruits. C'est la raison pour laquelle, en partenariat avec le parquet de Paris, elle est proposée aux auteurs de violences au sein des couples.

Nous proposons donc, par cet amendement, de généraliser cette expérience, sur décision du procureur de la République exerçant l'action publique, dans le cadre du régime de mise à l'épreuve et dans celui du contrôle judiciaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. L'avis de la commission est identique à celui qu'elle a exprimé sur l'amendement précédent. Je vous renvoie donc aux observations que j'ai présentées tout à l'heure : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le troisième alinéa du 2° de l'article 706-3 du code de procédure pénale, après les mots : « réprimés par les articles », sont insérées les références : « 221-4 (9°), 222-3 (6°), 222-8 (6°), 222-10 (6°), 222-12 (6°) et ».

II. - Les conséquences financières entraînées par l'application de cette disposition, sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L'article 706-3 du code de procédure pénale prévoit que « toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne » lorsque les faits concernent les agressions sexuelles, la traite des êtres humains, les atteintes sexuelles, aggravées ou non, sur mineurs de quinze ans.

Notre amendement tend à compléter cette liste, afin d'y inscrire toutes les violences au sein des couples : meurtre, tortures et actes de barbarie, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours.

Nous proposons que les conséquences financières entraînées par la mise en application de cette mesure soient compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 2° de l'article 706-3 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - soit ont été commis à l'égard d'un conjoint, d'un concubin ou d'un partenaire lié par un pacte civil de solidarité dans le cadre des articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 221-1, 221-3, 222-15, 222-16, 222-17, 222-18, 222-23, 222-29, 222-30, 223-1, 223-5, 224-1 du code pénal ».

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. La loi du 6 juillet 1990 a créé le FGTI, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, qui est chargé d'indemniser non seulement les victimes des actes de terrorisme, mais aussi les victimes d'infractions pénales telles que, notamment, les agressions, les coups et blessures volontaires ou involontaires.

Nous proposons, par cet amendement, que les femmes victimes de violences conjugales puissent être indemnisées comme le sont les autres victimes d'agressions. Il est important que ces femmes soient reconnues en tant que victimes. Il s'agit aussi de leur verser une indemnisation en cas d'agression ou de blessure.

En fait, cet amendement est complémentaire de celui qui vise à octroyer une aide financière à la femme qui souhaite quitter rapidement le domicile conjugal à la suite de violences. La dimension financière prend en effet une place particulière dans la reconstruction de la victime.

Telles sont les raisons pour lesquelles il est essentiel d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement n° 13 rectifié tend à compléter l'article 706-3 du code de procédure pénale, afin que soit mentionnées spécifiquement cinq infractions pour lesquelles il serait possible d'obtenir la réparation intégrale des dommages prévus à cet article.

Pour les quatre premières infractions, la réparation intégrale du dommage par la Commission des indemnisations des victimes est d'ores et déjà possible. En effet, l'article 706-3 du code de procédure pénale prévoit cette indemnisation lorsque les faits « ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ».

La seule modification proposée concerne donc la réparation du préjudice résultant d'une violence ayant provoqué une ITT supérieure à huit jours mais inférieure à un mois.

La commission estime que le dispositif actuel, qui couvre un champ d'infractions déjà très large, permet d'assurer l'équilibre entre le recours à la solidarité nationale pour les infractions les plus graves et le principe selon lequel l'indemnisation des victimes incombe d'abord aux auteurs condamnés dans le cadre d'instances pénales ou civiles. Il faut condamner les hommes violents à assumer financièrement de telles réparations avant de recourir à la solidarité nationale !

La commission a formulé les mêmes remarques en ce qui concerne l'amendement n° 41.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 13 rectifié et 41.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 13 rectifié et 41.

Je souhaite simplement rappeler le dispositif existant. L'indemnisation des victimes incombe d'abord, comme l'a excellemment rappelé M. le rapporteur, aux auteurs condamnés dans le cadre d'instances pénales ou civiles.

Cependant, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu des difficultés rencontrées par certaines victimes - au nombre desquelles figurent les victimes de violences au sein du couple - pour obtenir la condamnation de l'auteur de ces violences puis le paiement des dommages et intérêts qui leur sont dus, le législateur a mis en place le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, permettant aux victimes les plus gravement atteintes d'être indemnisées quel que soit le devenir de la procédure engagée.

Aujourd'hui, les victimes de violences au sein du couple peuvent donc bénéficier du régime général de la réparation intégrale lorsqu'il s'agit de violences ayant entraîné une ITT égale ou supérieure à un mois, une incapacité permanente ou, a fortiori, la mort, ou bien lorsqu'il s'agit de viols ou d'agressions sexuelles.

Cela dit, comme l'a rappelé M. le rapporteur, les amendements proposés vont plus loin, mais ils ne paraissent pas parvenir au juste équilibre que nous souhaitons entre le jeu de la solidarité nationale - qui s'exprime assez largement, me semble-t-il, dans les dispositions que je viens d'évoquer - et la responsabilité de l'auteur des violences.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par Mmes Dini et G. Gautier, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 41-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le 5° de cet article ne s'applique pas dans les cas visés au 6° de l'article 222-10, au 6° de l'article 222-12 et au 6° de l'article 222-13 du code pénal. »

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. S'agissant des violences conjugales, nous sommes face à une victime et à son agresseur, pour ne pas dire son bourreau. Il ne s'agit pas d'un divorce, où la séparation est déjà en préparation : nous sommes face à un homme violent et à une femme victime, meurtrie dans son esprit et dans son corps. Envisager la médiation, c'est reconnaître que cette femme a des torts et qu'il est peut-être juste qu'elle soit maltraitée. Cela paraît totalement impensable !

Cet amendement a pour objet de supprimer le recours à la médiation pénale lorsque l'infraction est commise au sein du couple et de faire en sorte qu'aucune femme victime de violence ne se trouve dans une telle situation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement n° 29 rectifié a pour objet d'interdire le recours à la médiation pénale dans les cas visés au 6° de l'article 222-10 du code pénal, c'est-à-dire en cas de violences, mutilations ou infirmités, et au 6° de l'article 222-12 du code pénal, c'est-à-dire en cas d'ITT supérieure à huit jours.

Or, en l'espèce, lorsqu'il y a mutilation ou violences, il ne peut pas y avoir de médiation pénale.

Il est exact que la médiation pénale a été critiquée, certains considérant qu'il ne s'agissait pas du moyen le plus adapté pour répondre au problème de la violence dans le couple.

Au demeurant, madame la ministre, le guide de l'action publique publié conjointement par le ministère de la justice et le ministère de la parité et de l'égalité professionnelle préconise la limitation du nombre de procédures de médiation pénale.

Il n'en demeure pas moins que, de l'avis de nombreux magistrats, la médiation pénale peut être une bonne solution en cas de violences limitées, surtout lorsque le couple peut encore être sauvé.

Mme Michelle Demessine. C'est mal connaître le problème !

M. Henri de Richemont, rapporteur. Madame Demessine, nous avons écouté des magistrats qui connaissent le problème ! D'après eux, si, dans certains cas, la médiation pénale n'est certainement pas adaptée, dans d'autres cas, elle peut être une solution. Par conséquent, pourquoi enlever systématiquement cet outil aux magistrats ? A eux de l'utiliser de manière limitée, comme le préconise le parquet, dans les instructions dont j'ai fait état tout à l'heure ! Au demeurant, s'agissant des violences les plus graves, que j'ai rappelées tout à l'heure, la médiation pénale est, bien entendu, exclue.

Supprimer systématiquement la médiation pénale ne semble donc pas une bonne solution. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Mme Dini a été entendue car le garde des sceaux, dans l'élaboration de ce guide de l'action publique, a rendu plus marginale la médiation pénale.

Je connais comme vous les arguments qui ont été développés par les associations, mais j'ai aussi entendu un certain nombre de magistrats souhaiter que cette procédure ne soit pas totalement écartée dans les alternatives aux poursuites.

Il me paraît important d'avoir strictement encadré la médiation pénale par des critères liés à la situation de violence et d'avoir spécifiquement indiqué que le médiateur devait être très spécialisé sur ces questions.

Je partage, encore une fois, le souhait de ne pas voir se recréer un rapport de domination à quelque niveau que ce soit de la procédure, mais écarter cette procédure serait, à n'en pas douter, se priver d'un outil utile, même s'il est rarement employé.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.

Mme Michelle Demessine. Je soutiens l'amendement présenté par Mme Dini, car je n'ai pas du tout été convaincue par les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre.

La médiation pénale ne peut être utilisée en cas de violences conjugales, sauf à admettre que les deux conjoints ont chacun des torts, ce qui n'est pas acceptable. De plus, ce serait entrer dans le jeu du conjoint violent.

Pour avoir suivi, au sein d'associations, de nombreux cas de femmes battues, je peux vous dire que les conjoints violents sont très souvent repentants le lendemain ou le surlendemain des faits. Je ne vois donc pas l'utilité de recourir à la médiation pénale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri de Richemont, rapporteur. Que les choses soient claires : la violence physique est toujours intolérable et elle est absolument inadmissible.

Accepter la médiation pénale, c'est, dites-vous, admettre que les torts peuvent être partagés. Or, dans certains cas - et je reviens au débat que nous avons eu tout à l'heure -, il peut y avoir eu des violences psychologiques de l'un des conjoints auxquelles il a été répondu par une inacceptable violence physique de l'autre conjoint. Si la violence n'est pas trop grave et si les conjoints ne souhaitent pas se séparer, la médiation pénale peut alors être une réponse appropriée.

Supprimer systématiquement cette possibilité offerte au magistrat ne me paraît pas forcément bon. Le fait de recourir à la médiation pénale ne signifie pas que les torts sont partagés ! Certes, ils peuvent l'être, mais la médiation pénale peut aussi être une mesure adaptée lorsque les conjoints ne veulent pas se séparer. Envoyer systématiquement le conjoint coupable devant le tribunal correctionnel pourrait être dommageable et disproportionné par rapport au mal qui a été fait.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour la victime, le recours à la médiation, ce n'est pas la reconnaissance a priori de torts ; sinon, il faudrait purement et simplement supprimer cette procédure !

Les responsabilités ne sont pas partagées : il y a la victime et il y a l'auteur des faits, et on essaie de trouver une solution adaptée sans recourir au tribunal correctionnel. La médiation pénale est donc un outil mis à la disposition des magistrats et, pour ma part, je suis plutôt enclin à leur faire confiance pour qu'ils l'appliquent uniquement lorsqu'elle est utile.

Si, aujourd'hui, on décide que la médiation n'est pas possible dans certains cas, on trouvera demain de nombreux autres cas où l'on considérera qu'elle n'est pas possible non plus ! Je pense aux conflits de voisinage, à l'occasion desquels il peut y avoir des violences extrêmement régulières ou du harcèlement. (Mme Michelle Demessine s'exclame.) Oui : entre voisins, la situation peut être invivable ! J'ai ainsi connu des personnes qui ont dû déménager parce qu'elles avaient des voisins épouvantables qui les harcelaient en permanence...

Il convient donc de ne pas interdire la médiation pénale dans ces cas précis. Je comprends les arguments avancés par les associations, mais les magistrats disent quant à eux qu'ils utilisent la médiation pénale à bon escient et avec prudence. Si l'on ne fait plus confiance aux magistrats, je suis un peu inquiet pour l'avenir de la répression pénale telle qu'elle devrait être organisée et telle que la prévoient les textes !

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Le sujet est effectivement grave : il s'agit de savoir quelle réponse pénale on apporte à des situations de violence.

La réponse qui paraît la plus adaptée, c'est celle que le juge prononce dans le prétoire. Mais est-ce vraiment la meilleure réponse pénale ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas toujours !

M. Michel Mercier. Certes, celui qui a commis la violence reçoit alors une condamnation. Mais n'oublions pas que la médiation pénale est aussi un progrès en raison de la qualité de la prise en charge des victimes !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Effectivement !

M. Michel Mercier. En cas de violences, le fait que le juge prononce une condamnation ne suffit pas, il faut aussi organiser une prise en charge de la victime. Et, pour avoir vu fonctionner des associations de médiation, je puis vous dire que la prise en charge est plus globale dans ce cadre.

Il ne s'agit pas de faire cohabiter des gens qui ne peuvent plus vivre ensemble, mais de se demander si la meilleure réponse consiste à dire la vérité juridique du haut d'une chaire ou à tenir compte de la situation humaine de chacun et de la façon dont on va essayer de prendre en charge la victime. Si la prise en charge des victimes par les tribunaux était une grande réussite, cela se saurait !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Surtout à l'issue d'un procès !

M. Michel Mercier. Dans le procès pénal, lorsque ce sont des personnes qui sont mises en cause, la plupart du temps, la question qui reste posée est la prise en charge de la victime. La société a obtenu réparation, mais la victime, elle, n'a pas obtenu réparation !

Il faut donc avoir une vision un peu plus globale des choses. Je comprends bien ce que veulent dire Mmes Gautier et Dini, mais, comme beaucoup d'entre vous ici, j'ai aussi travaillé avec des associations de médiation et j'ai pu constater que l'on ne peut pas toujours rejeter de telles solutions.

La médiation ne peut pas être la seule réponse possible, mais écarter totalement la médiation pénale, est-ce aller dans le sens d'une bonne prise en charge des victimes ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après les mots : « de son conjoint, », la fin du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée : « le renouvellement du titre est accordé de plein droit par l'autorité administrative »

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. L'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le renouvellement de la carte de séjour délivrée à un étranger - en général une femme, mais pas exclusivement - marié à un Français est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue sur l'initiative de l'étranger en raison des violences qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre de séjour.

Dans sa rédaction actuelle, cet article donne simplement à l'administration la possibilité de renouveler le titre de séjour lorsque l'étranger a été victime de violences conjugales.

Force est de constater que cette rédaction génère des inégalités selon les différentes préfectures, qui accordent parfois difficilement ce renouvellement.

C'est pourquoi l'amendement que je propose a pour objet de faire du renouvellement du titre de séjour de l'étranger victime de violences la règle lorsque la communauté de vie a été rompue sur son initiative en raison des violences conjugales qu'il a subies.

Cet amendement permet de faire obstacle au chantage exercé par le conjoint auteur des violences, par exemple pour empêcher le dépôt de plainte ou le départ du domicile, le renouvellement d'un titre de séjour étant subordonné à la communauté de vie.

Cet amendement permettrait également de lutter contre une nouvelle forme de proxénétisme conjugal touchant des femmes victimes de leur conjoint, qui ne peuvent quitter l'auteur des violences au risque de se retrouver en situation irrégulière, sans ressources parce qu'ayant souvent abandonné un parcours professionnel. Elles restent donc tributaires de leur mari, qui les oblige à se prostituer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. La condition de l'existence d'une communauté de vie est en principe requise pour le renouvellement du titre de séjour. Toutefois, l'article L. 313-12 autorise le renouvellement du titre de séjour si l'étranger a été victime de violences de la part du conjoint.

Cet amendement vise à rendre automatique le renouvellement. Est-ce opportun ? La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. La loi de novembre 2003 permet en effet de garantir le maintien des droits au séjour de victimes de violences conjugales en cas de rupture de la vie commune. Le préfet peut ainsi accorder le renouvellement du titre de séjour au conjoint qui ne peut plus justifier d'une vie commune en raison des violences qu'il subit.

Cette mesure a été introduite par voie d'amendement, sur l'initiative du Haut conseil à l'intégration, et elle vise à prendre en compte les situations difficiles que vous évoquez, certaines ressortissantes étrangères n'osant pas quitter le domicile conjugal de peur de se retrouver en situation irrégulière.

Aux termes de la circulaire du 20 janvier 2004, les préfets doivent examiner ces situations avec bienveillance au regard des justificatifs produits, en particulier des signalements effectués par les associations actives dans ce domaine de l'accueil des étrangers, et singulièrement des femmes.

L'application de cette disposition ne peut s'inscrire que dans le cadre du pouvoir d'appréciation des autorités préfectorales, sous peine, le cas échéant - il faut tout de même évoquer cette possibilité ! -, de voir se multiplier les détournements de procédure sur ce fondement. Il faut en effet éviter que de prétendues violences conjugales puissent être alléguées.

Je tiens également à insister sur le fait qu'être victime de violences conjugales relève non pas d'une catégorie juridique objective mais bien d'une situation de fait qui doit être appréciée au cas par cas. Et je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avoir apporté tous les apaisements nécessaires quant à la bienveillance avec laquelle les autorités préfectorales sont aujourd'hui à même d'appréhender de telles situations.

C'est pourquoi le présent amendement, qui tend à rendre cette mesure obligatoire, me semble devoir être rejeté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mineurs victimes d'agressions physiques ou sexuelles peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle sans considération des ressources dont disposent leurs parents ou tuteurs légaux. »

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Nous souhaitons préciser une disposition de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et améliorer le système de l'aide juridique accordé aux victimes d'agressions sexuelles ou physiques en prévoyant l'automaticité du bénéfice de l'aide juridictionnelle aux mineurs victimes de telles agressions.

Certes, ce faisant, nous sortons quelque peu du cadre des violences conjugales. Néanmoins, il n'est pas inutile de préciser que des jeunes femmes mineures ont pu, ou peuvent encore, même si un amendement portant sur l'âge légal du mariage vient d'être adopté, être victimes de violences sexuelles ou physiques de la part de leur époux. La disposition que nous prévoyons pourrait donc leur être appliquée.

De manière plus générale, se pose le problème des violences sexuelles et physiques exercées sur des mineurs. Or, cette fois encore, le fait de reconnaître un droit peut permettre aux victimes qui, le plus souvent, sont isolées et vivent dans le silence, de dénoncer les agressions qu'elles subissent.

Par ailleurs, je pense qu'il serait tout aussi nécessaire de réexaminer le problème de l'aide juridictionnelle, par le biais, par exemple, d'un projet de loi sérieux sur le sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission des lois ne comprend pas très bien ce que cet amendement vient faire dans un débat sur les violences conjugales ! En effet, madame Mathon, vous évoquez le cas de mineures victimes d'agressions physiques ou sexuelles en dehors du cadre des relations conjugales.

En tout état de cause, à partir du moment où un mineur est victime d'une agression, il est considéré sans ressources et il a droit automatiquement à l'aide juridictionnelle.

Par conséquent, votre inquiétude peut être apaisée par les dispositions actuelles relatives aux mineurs victimes d'infractions, dès lors qu'ils sont considérés comme sans ressources.

Votre amendement étant inutile, la commission des lois a émis à son sujet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement dépose sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples portant notamment sur les conditions d'accueil et d'hébergement des victimes, leur réinsertion sociale ainsi que les structures de soin des auteurs de violences conjugales.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Afin de centraliser toutes les actions mises en oeuvre dans les différents secteurs concernés, d'en dresser le bilan et d'évaluer les besoins, il nous paraît indispensable que le Gouvernement dépose chaque année sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples.

Ce rapport évoquerait, notamment, les conditions d'accueil et d'hébergement des victimes, leur réinsertion sociale, et les structures de soins des auteurs de violences conjugales.

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A compter de la publication de la présente loi, le gouvernement dépose chaque année sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport sur la mise en oeuvre de la politique de lutte contre les violences conjugales, portant notamment sur l'application effective de la législation en vigueur, sur les actions de prévention et d'information, enfin sur la répression du sexisme.

Ce rapport donne lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 44 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 14 rectifié ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

En effet, pourquoi ne pas donner satisfaction à M. Courteau - et Dieu sait si nous l'avons suivi sur les plus importantes de ses propositions ! - lorsqu'il souhaite le dépôt annuel d'un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples ?

Un rapport peut toujours être utile, et c'est la raison pour laquelle la commission a émis cet avis, en attendant de connaître la position du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Ameline, ministre. Au cours de ce débat, j'ai trop souvent rappelé que le Gouvernement avait, sans attendre l'examen de ce texte, mis en oeuvre un certain nombre d'actions à travers le plan que j'ai eu l'honneur de présenter et qui comporte dix mesures en faveur de l'autonomie des femmes pour ne pas effectivement m'engager dans la voie d'une évaluation.

Au demeurant, j'ai pu noter, dans le rapport de M. Branger, fait au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat, ce même souhait de disposer d'une évaluation.

C'est la raison pour laquelle je suis tout à fait favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré après l'article 5.

Art. additionnels après l'art. 5
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Art. 6

Article additionnel avant l'article 6

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Voynet et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 3 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les lois françaises concernant l'état et la capacité des personnes s'appliquent aux étrangers qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France, dès lors que les lois régissant leur statut personnel sont contraires à l'ordre public français. ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

Art. additionnel avant l'art. 6
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Intitulé de la proposition de loi

Article 6

Les dispositions de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les Iles Wallis-et-Futuna. - (Adopté.)

Art. 6
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Balarello, Baudot, Beaumont, Bécot, Bertaud, Béteille, Besse, Bizet et P. Blanc, Mme Bout, MM. Branger et Braye, Mme Brisepierre, MM. Cantegrit, Carle, Cazalet et Cointat, Mme Debré, MM. Del Picchia et Detcheverry, Mme B. Dupont, MM. Duvernois, Esneu, Falco, Ferrand, Fouché, Fournier, Gaillard, Gélard et Gournac, Mme Gousseau, MM. Gouteyron, Grignon, Guerry et Houel, Mme Hummel, MM. Hyest et Juilhard, Mmes Kammermann, Keller et Lamure, MM. Laufoaulu, Lardeux et Leroy, Mme Malovry, M. Martin, Mme Melot, M. Natali, Mme Papon, MM. Peyrat et Portelli, Mme Procaccia, M. Richert, Mmes Rozier et Sittler, MM. Souvet et Texier, Mme Troendle, MM. Vasselle et Vial, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi :

Proposition de loi harmonisant l'âge minimum du mariage pour l'homme et pour la femme

et renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple

L'amendement n° 32, présenté par Mme G. Gautier, M. Zocchetto, Mme Dini, M. About et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter l'intitulé de la proposition loi par les mots :

et modifiant l'âge légal du mariage.

L'amendement n° 38, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi :

Proposition de loi relative à l'âge du mariage et à la lutte contre les violences au sein des couples

L'amendement n° 31, présenté par Mmes G. Gautier et Dini, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de loi :

Proposition de loi relative à lutte contre les violences au sein du couple et notamment à l'égard des femmes

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, la plupart des groupes ont déposé des amendements de précision tendant à modifier l'intitulé de cette proposition de loi. Or sa formulation actuelle renforce déjà la prévention, notamment en matière de mariages forcés, ainsi que la répression des violences au sein du couple.

C'est la raison pour laquelle je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer, ainsi que nous en avons convenu ce matin en commission. A cette heure tardive, cela ferait gagner du temps au Sénat, ce que chacun, je crois, apprécierait !

M. le président. Madame Garriaud-Maylam, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. Madame Gautier, les amendements nos 32 et 31 sont-ils maintenus ?

Mme Gisèle Gautier. Non, monsieur le président, je les retire.

M. le président. Madame Mathon, l'amendement n° 38 est-il maintenu ?

Mme Josiane Mathon. Non, monsieur le président, je le retire également.

M. le président. Les amendements nos 4, 32, 38 et 31 sont retirés.

Vote sur l'ensemble

Intitulé de la proposition de loi
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur les propositions de loi nos 62 et 95, je donne la parole à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les violences conjugales ne relèvent pas du conflit : il s'agit non pas d'une histoire d'amour qui a mal tourné, mais d'un délit inscrit dans une relation dominant-dominé. Aussi était-il essentiel que nous renforcions notre droit pénal pour mieux lutter contre ce fléau. C'est ce que nous sommes en train de faire ce soir dans le cadre d'un texte de loi spécifique, et je m'en réjouis.

La proposition de loi de mon collègue Roland Courteau prenait en compte la dimension psychologique tout à fait particulière de ces situations à travers un volet préventif et un volet d'aide spécifique aux victimes, que nous vous avons proposé d'adopter, mes chers collègues, par le biais d'amendements tendant à insérer des articles additionnels. En effet, si le rôle de la justice est de rendre le statut de sujet citoyen aux personnes qui ne l'auraient jamais eu ou qui l'auraient perdu, la justice est aussi l'institution qui arrive en dernier lieu dans le parcours de la victime de violences conjugales. L'éloignement du domicile du couple de l'auteur des violences dans le cadre des obligations du sursis avec mise à l'épreuve et du contrôle judiciaire visé à l'article 5 ne peut, en effet, être que l'aboutissement d'un processus long et douloureux.

Au niveau institutionnel, le premier secteur contacté est bien souvent le milieu médical ou hospitalier. D'où la préconisation du rapport Henrion, parmi les dix actions prioritaires à mettre en place, de sensibiliser les médecins et les professionnels de santé afin de favoriser le dépistage des violences conjugales.

Nous vous avons proposé - nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls ici - d'étendre cette exigence de formation aux personnels sanitaires et sociaux, à ceux de la police nationale et de la gendarmerie ainsi qu'aux magistrats et avocats, dans le cadre d'une formation continue obligatoire.

Il nous semble qu'il s'agissait là d'une mesure essentielle afin de lutter contre la déperdition que l'on constate entre le nombre de faits réels et celui qui est porté à la connaissance de la justice. L'adoption d'une telle disposition aurait été bénéfique.

Le suivi et le soutien institutionnel permettent la préparation nécessaire de la victime à la confrontation avec l'extérieur, dans son parcours de « dévictimation », si j'ose dire, et d'évolution vers un statut de sujet actif qui prend son avenir en main.

De la non-identification comme victime, la femme qui subit des violences conjugales passe à la phase de victime objet. La peur est toujours très présente, et l'intéressée multiplie alors les allers et retours : elle quitte le domicile, puis y revient ; elle manifeste ses hésitations, ses décisions mais aussi ses contre-décisions ; elle va déposer une main courante au commissariat, ne voulant pas porter plainte, ou bien elle va déposer une plainte et la retirer quelques jours après, au grand dam des policiers.

Il faut essayer de comprendre ces attitudes paradoxales et poursuivre l'accompagnement pour que la victime puisse accéder au statut de victime sujet. La peur commence alors à s'atténuer, sous l'effet d'une déculpabilisation progressive. La victime choisit de se confronter à la loi sociale : elle va consulter un médecin et obtient un certificat médical ; elle dépose un dossier au civil chez un avocat ; elle porte plainte, même si elle hésite encore à s'en servir au pénal.

Toutefois, elle a d'ores et déjà commencé à intégrer une loi, symbolique et fondamentale : « il n'a pas le droit de me battre, j'ai le droit de ne pas être battue », et devient, de ce fait, actrice de son histoire dans le présent et en vue d'un avenir dans lequel elle a encore du mal à se projeter.

C'est là que le rôle des policiers et gendarmes est déterminant. Si la femme est accueillie correctement, c'est-à-dire traitée comme une victime, cette prise en considération vient conforter ses décisions et confirmer l'interdit transgressé par l'auteur des faits.

Tel est l'objectif que nous visions, au-delà de l'article 5, à travers nos amendements.

Il est regrettable, dans un texte spécifique à la lutte contre les violences au sein du couple, de ne s'en tenir qu'au strict renforcement pénal, même si cela constitue une avancée majeure. Espérons que les engagements que vous avez pris, madame la ministre, seront suivis d'effets ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, vous avez, dans votre propos liminaire, salué les « convergences d'objectifs » des différents groupes politiques sur les textes que nous avons examinés cet après-midi et ce soir. Nous sommes d'accord avec vous sur ce point, et je tiens à souligner que, pour notre part, nous avons participé à ce débat en étant animés de la sincérité de nos convictions, sans esprit partisan.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Nos convictions se sont traduites dans le travail de notre collègue Roland Courteau, qui a bien voulu en rappeler la filiation en citant Mme Michèle André, qui est aujourd'hui notre collègue.

Je mentionnerai également Mme Nicole Péry, qui, en 1997, avait lancé la première enquête statistique nationale sur ce sujet douloureux.

Je voudrais aussi rappeler que le rapport Henrion, qui a été abondamment cité sur toutes les travées de cette assemblée, avait été commandé par Mme Dominique Gillot, alors secrétaire d'Etat à la santé.

Mais, tout au long de ce débat, nous n'avons pas toujours ressenti la prise en compte de ce travail, de cette histoire, de cette filiation.

Certes, nous sommes minoritaires dans cet hémicycle, mais c'est pourtant une proposition de loi de notre groupe qui est à l'origine du présent débat. Dans ces conditions, nous nous attendions à plus d'ouverture et, pourquoi ne pas le dire, à plus d'élégance de la part de la majorité sénatoriale.

Pour être juste, je constaterai également une certaine méfiance de votre part à l'égard de certains - je pense au représentant valeureux de la délégation aux droits des femmes -, alors que nous sommes au début de la navette et que le droit passe aussi, ce qui est tout à notre honneur, par l'initiative parlementaire.

C'est ainsi que nous regrettons le sort défavorable qui a été réservé à nos amendements visant à renforcer le volet de la prévention. Je pense notamment à celui qui concernait la formation des professionnels et l'information au sein de l'éducation nationale.

Nous avons, il est vrai, obtenu plus de satisfaction sur le volet répressif, même si le vif débat qui s'est instauré sur certains amendements, finalement repoussés de justesse, a montré qu'il était encore nécessaire de batailler pour faire reconnaître par les jurés les violences morales et psychologiques.

Quoi qu'il en soit, ce débat important n'a pu que contribuer à lever le tabou qui a trop longtemps rejeté dans l'ombre les violences commises dans la sphère privée et il a permis de véritables avancées législatives.

J'en citerai quelques-unes : la reconnaissance légale du viol entre époux, l'éloignement de l'agresseur du domicile, l'extension des circonstances aggravantes aux ex-conjoints, ex-concubins et ex-pacsés.

Nous approuvons aussi la mesure visant à aligner, par souci d'égalité, la femme et l'homme pour ce qui est de l'âge requis pour pouvoir contracter mariage.

Mais cette disposition, dont nous ne pouvons pas actuellement apprécier la portée réelle sur les mariages forcés, ne doit pas nous faire oublier l'essentiel, notamment toutes les mesures d'accompagnement : les moyens nouveaux donnés aux parquets ainsi que les instructions visant à homogénéiser leur pratique, ou encore les aides financières attribuées aux victimes.

Madame la ministre, nous comptons sur vous pour rendre compte de nos débats à M. le garde des sceaux, puisqu'il n'est pas présent dans cet hémicycle. La pratique divergente, quelquefois désordonnée, de certains parquets nous a en effet beaucoup préoccupés.

Merci, madame la ministre, d'avoir satisfait à notre souci en acceptant le rapport annuel d'évaluation. Merci aussi à vous, monsieur le rapporteur, de vous en être remis à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce point. En effet, ce rapport nous permettra de nous tenir informés sur tout ce qui concerne l'accompagnement, les capacités d'hébergement. C'était une revendication légitime des associations.

Pour conclure, je dirai qu'en votant ce texte nous souhaitons émettre un signal positif en direction de l'opinion ainsi qu'une mise en garde ferme aux agresseurs.

Lucides, nous gardons les yeux ouverts sur l'avenir et sur le travail qui nous attend ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Au terme de la discussion de ce texte, j'avoue que je suis un peu déçue. En effet, notre proposition de loi initiale ne se réduisait pas au seul volet pénal - qui résume à lui seul le texte qui nous est soumis ce soir - et comportait au contraire d'autres mesures très importantes concernant notamment la prévention et l'éducation.

Je regrette ainsi que la présidente de la délégation aux droits des femmes, Mme Gautier, n'ait pas voté notre amendement tendant à insérer des mesures d'éducation civique.

Notre proposition initiale comportait des mesures d'information, de formation. Si l'on veut vraiment éradiquer cette violence, il ne faut pas agir uniquement sur le plan pénal. C'est un travail de long terme, qui s'étalera sans doute sur des années.

Vous avez parlé, madame la ministre, de votre plan global. Les membres du groupe CRC seront vigilants s'agissant de la mise en oeuvre de ce plan !

Par ailleurs, pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quand l'Assemblée nationale sera amenée à discuter de ce texte ?

Mme Hélène Luc. Très bonne question !

Mme Josiane Mathon. Quoi qu'il en soit, en attendant, nous voterons ce texte avec quelque tristesse.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Nous venons d'examiner un texte qui porte sur un sujet majeur. Il a fait l'objet d'un travail tout à fait remarquable, pendant de longs mois, au sein de la délégation aux droits des femmes et de la commission des lois.

Je voudrais notamment insister sur la qualité des auditions que la délégation a organisées. Nous avons ainsi pu aborder cette question avec discernement, d'une façon tout à fait inhabituelle.

Je souhaite aussi souligner la qualité du rapport qui a suivi et qu'a excellemment défendu, avec passion mais aussi avec lucidité, notre collègue Jean-Guy Branger.

Nous étions saisis d'une question importante qui concerne le sort actuel et à venir de milliers de femmes, et nous nous réjouissons d'avoir eu l'occasion de faire évoluer notre droit afin de défendre davantage ces femmes, victimes de l'insupportable.

Je me réjouis, à cet égard, de la qualité du débat de ce soir, qui est à la hauteur de l'importance du sujet. Nous avons parfois eu quelques échanges un peu vifs, mais, après tout, ils témoignent de la sensibilité du thème abordé et des convictions qui nous animent les uns et les autres.

Toutefois, si nous nous réjouissons tous de l'adoption de la disposition relative à l'âge légal du mariage, j'exprimerai tout de même le profond regret que l'ensemble de nos amendements aient été rejetés. Ils avaient notamment pour objet la formation, l'enseignement à la non-violence et à la paix, l'incrimination du harcèlement moral ou l'organisation de la médiation.

Ce rejet est regrettable, car nombre de ces amendements étaient fondés sur des attentes légitimes et reprenaient - j'insiste sur ce point - des recommandations émanant de la délégation aux droits des femmes après l'audition de personnalités compétentes et de représentants d'associations, sur la base de travaux extrêmement sérieux. De plus, ces recommandations avaient été adoptées, il est important de le rappeler, à l'unanimité des membres présents.

Mme Hélène Luc. C'est vrai !

Mme Gisèle Gautier. Parce qu'il est urgent d'agir pour faire évoluer les mentalités, pour faire avancer notre législation, mais aussi pour donner un signal fort aux Français sur l'importance de ce phénomène, le groupe UC-UDF votera ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos en rendant hommage à un homme, ce qui n'est pas si fréquent de ma part, car j'ai été très touchée de la façon dont Roland Courteau a relaté - non pas avec l'autorité du spécialiste ou du professionnel, mais avec beaucoup de modestie, de justesse, avec la sensibilité de l'honnête homme qui prend conscience d'un problème - son expérience d'élu amené à recevoir souvent, trop souvent, des femmes victimes. C'est d'ailleurs ainsi que la plupart d'entre nous avons pris conscience de la réalité, de la fréquence, de la gravité de ce problème. Je remercie donc Roland Courteau, ainsi que Nicole Borvo Cohen-Seat, d'avoir pris l'initiative de déposer une proposition de loi sur ce sujet.

Cela étant, nous avons essentiellement parlé ce soir des violences conjugales concernant les femmes, qui représentent effectivement l'énorme majorité des cas que nous examinons. Néanmoins, même s'ils sont encore minoritaires, des cas de violences conjugales faites à des hommes ont été récemment recensés, même si ces quelques cas ne suffisent pas à masquer aujourd'hui la réalité, à savoir les phénomènes de domination masculine et l'inégalité des rapports de pouvoir au sein du couple. Toutefois, si l'on se contentait de sourire de ce qui reste aujourd'hui un phénomène apparemment marginal, on ne démontrerait qu'une chose : notre sensibilité au stéréotype de genre. Il faut passer outre.

Au-delà même des dispositions concrètes qu'il comporte, le texte que nous examinons constitue d'abord un signal politique. Il s'agit d'indiquer d'une façon aussi incontestable que possible que la violence n'est pas plus acceptable au sein du couple et de la famille qu'elle ne l'est en société. Ce faisant, nous émettons un double signe : un signe à l'homme violent, un signe à la femme victime.

Notre vote constitue aussi une reconnaissance et un hommage aux chercheurs - et surtout aux chercheuses et praticiennes comme Emmanuelle Piet, Marie-Victoire Louis, Anne Zelenski, Margaret Maruani et bien d'autres -, qui nous ont aidé à approfondir notre réflexion et à avoir une appréhension juste de ce qui constitue aujourd'hui le triste vécu de trop de femmes.

Nous voulons aussi rendre hommage aux associations, que l'on n'hésite jamais à solliciter quand il faut trouver un lit en pleine nuit pour une femme et ses enfants. Ces structures tentent de compenser, par un surcroît de générosité et d'engagement, l'érosion des aides publiques. Mais ces associations se sentent trop souvent abandonnées et finissent par douter de l'utilité qu'il y a à remplir des dossiers de subvention.

Je voudrais insister ici sur le fait que ces associations ne s'occupent pas seulement de l'accompagnement des femmes victimes. Elles travaillent aussi à l'éducation des hommes violents, et plus généralement des pères, des frères, des amis, des maris, qu'il s'agit de convaincre que l'on peut être un homme autrement : quand on aime, on ne frappe pas ! C'est précisément le message de la campagne qui est actuellement menée en Seine-Saint-Denis.

Cette proposition de loi est utile, et je la voterai.

Je regrette toutefois que nous ne soyons pas allés plus loin pour « muscler » les dispositions de prévention des mariages forcés.

Je regrette aussi que nous n'ayons pas adopté une disposition générale permettant une éducation à la non-violence et à la prévention des comportements violents.

J'espère, madame la ministre, parce qu'il ne s'agit pas uniquement de se contenter de voter une loi, que nous ne ferons pas l'impasse sur l'aide psychologique et matérielle que l'Etat se doit d'accorder aux victimes de violences conjugales.

Nous revenons là sur la douloureuse et lancinante question des moyens d'accompagnement et je veux croire que l'unanimité de notre vote sur ce texte vous permettra de convaincre le Premier ministre de ne pas mesurer son soutien à tous ceux qui, sur le terrain, sont en première ligne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.

M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le travail que nous avons accompli tous ensemble aujourd'hui est plus qu'intéressant et il aura une grande portée car, au-delà de tout texte que nous adoptons, il y a aussi - il ne faut pas l'oublier ! - les travaux préparatoires ; aujourd'hui, il s'agit en l'occurrence de deux rapports.

Vous ne devez pas être déçus, mes chers collègues, que telle ou telle disposition ne figure pas dans le texte qui va être voté ce soir. La loi ne peut pas contenir toutes les dispositions ! Comme l'a si bien dit le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, on ne peut pas y mettre ce qui ne relève pas du domaine de la loi, c'est-à-dire ce qui appartient plus aux déclarations d'intention qu'aux règles ayant une portée normative, ou encore des dispositions redondantes qui n'apporteraient rien de plus et qui compliqueraient plutôt le texte initial, le rendant illisible, ce qui n'est pas le cas du texte que nous allons adopter.

Oui, ce texte est lisible par tous, il n'est pas pollué par des amendements qui l'auraient transformé, voire détourné. Il comporte, au contraire, des dispositions qui peuvent être comprises par tous ; je pense notamment à l'âge du mariage, qui est maintenant le même pour les garçons et pour les filles, ainsi qu'aux violences, qui sont désormais des circonstances aggravantes lorsqu'elles ont lieu entre conjoints, pacsés ou concubins. Ces dispositions simples, claires, nettes, sont un véritable message apporté à tous.

S'ajoutent à cela les engagements qui ont été pris par Mme le ministre sur de très nombreux points et qui démontrent la volonté du Gouvernement de poursuivre dans cette voie en luttant non seulement contre les violences, mais aussi, à terme, contre les mariages forcés.

Par conséquent, nous pouvons vraiment nous féliciter du travail accompli ici ce soir et du travail de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Je tiens également à féliciter le rapporteur de la commission des lois, dont la tâche était très difficile. Il n'est en effet jamais simple de modifier le droit pénal. C'est un domaine si complexe que, comme pour un château de cartes, le fait de toucher à l'un des éléments risque d'avoir de graves conséquences sur l'ensemble de l'édifice que constitue le code. Là encore, le président Jean-Jacques Hyest avait attiré notre attention sur ce point.

Mes chers collègues, ne soyez pas déçus. Vous n'avez d'ailleurs aucune raison de l'être car, si nous avions adopté tous les amendements proposés, le texte aurait, je le crains, perdu de sa pertinence et de sa portée. Nous avons vraiment accompli du bon travail et c'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera unanimement le texte proposé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des lois sur les propositions de loi nos 62 et 95.

(La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.) (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Ameline, ministre. Monsieur le président, je tiens à remercier la commission des lois et chaque parlementaire ici présent pour cette image d'unanimité qui est donnée aux femmes de France sur un sujet qui rassemble en effet beaucoup plus qu'il ne peut diviser.

Quel chemin parcouru entre le besoin, naguère, de dénoncer la violence et les propositions faites aujourd'hui pour accompagner effectivement les femmes vers le retour nécessaire à l'autonomie !

Au-delà des avancées législatives très significatives qui viennent d'être adoptées ce soir, nombre des propositions qui ont été exprimées m'ont permis de rappeler l'acquis législatif ou réglementaire ainsi que les engagements du Gouvernement, engagements qui, je vous le dis clairement, seront tenus.

Ce texte s'inscrit dans un contexte, dans une perspective, et il constitue une base nouvelle pour d'autres progrès.

Je souhaite maintenant avoir très rapidement l'opportunité de le soumettre à l'Assemblée nationale. Mais, au-delà de ce calendrier, ce qui me paraît important, c'est son caractère très emblématique, grâce à la confiance qu'il peut redonner aux femmes qui sont aujourd'hui dans la souffrance.

Monsieur le président, je tenais à exprimer mes remerciements et ceux du Gouvernement à la Haute Assemblée. Ensemble, nous allons accélérer l'Histoire ! (Applaudissements.)

M. le président. Je vous remercie, madame la ministre.

9

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple  ou commises contre les mineurs
 

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 267, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Francis Grignon, Hubert Haenel et Philippe Richert une proposition de loi relative à la journée de solidarité dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 268, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi relative à l'élection des conseillers généraux et remplaçant les cantons par des circonscriptions cantonales calquées sur les intercommunalités à fiscalité propre.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 269, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques communautaires sur la structure et l'activité des filiales étrangères.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2845 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Livre vert sur le droit applicable et la compétence en matière de divorce.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2846 et distribué.

12

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 30 mars 2005, à quinze heures et le soir :

Discussion en deuxième lecture, du projet de loi (n° 183, 2004-2005), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux ;

Rapport (n° 260, 2004-2005) fait par M. André Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux aéroports (n° 259, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 30 mars 2005, à dix-sept heures.

Projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques (n° 240, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 4 avril 2005, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 4 avril 2005, à seize heures.

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le référendum relatif au projet de loi autorisant la ratification du Traité établissant une constitution pour l'Europe (application du deuxième alinéa de l'article 11 de la Constitution) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 avril 2005, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 30 mars 2005, à une heure quinze.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD