PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'avis de la commission sur les amendements à l'article 1er, qui ont tous été présentés.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis Souvet, rapporteur. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur la grande majorité des amendements qui viennent d'être défendus.

Elle s'est bien sûr opposée aux amendements nos 16 et 156 de suppression de l'article.

Elle s'est déclarée défavorable aux amendements nos 134 à 137, qui ont tous pour objet de réduire le champ de la négociation d'entreprise ou d'établissement, que notre majorité souhaite, au contraire, favoriser.

Elle a donné un avis défavorable sur la quasi-totalité des très nombreux amendements dénués de lien direct avec l'objet de l'article 1er : les amendements nos 138 à 140 visent ainsi à réformer le régime des conventions de forfait ; les amendements nos 141 à 154 tendent à réformer la réglementation du travail de nuit.

Elle n'a pas jugé opportun de modifier des règles si diverses, sans concertation préalable, à l'occasion de la réforme du compte épargne-temps.

Elle a toutefois souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur deux points : d'une part, sur l'amendement n° 146, relatif au régime dérogatoire applicable au travail de nuit, dans les secteurs de la presse et du spectacle, qui continue de soulever des interrogations ; d'autre part, sur l'amendement n° 149, relatif à la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, en cas de recours au travail de nuit.

S'agissant des amendements qui portent plus directement sur l'objet de l'article 1er, la commission a observé que plusieurs d'entre eux avaient pour objet de rendre plus difficile la mise en place du compte épargne-temps. C'est le cas des amendements nos 158, 18 et 17, sur lesquels elle a émis un avis défavorable.

Certains amendements ont pour effet de restreindre la liberté des salariés de gérer leur compte épargne-temps. C'est le cas notamment des amendements nos 159, 20, 21, 23, 162, 26, 163 et 27, auxquels nous sommes défavorables, car l'objectif de la proposition de loi, approuvé par la commission, est de simplifier et d'assouplir le fonctionnement de ce compte.

D'autres amendements ont reçu un avis défavorable parce qu'ils visent à apporter des précisions inutiles, eu égard aux garanties figurant dans le texte, ou parce qu'ils portent sur des détails, relevant, à notre avis, de la liberté de négociation. Le texte de loi ne peut évidemment pas tout prévoir.

A cet égard, un point important a été soulevé à plusieurs reprises : celui de la revalorisation des droits affectés au compte épargne-temps pour tenir compte, notamment, de la hausse des prix. L'accord collectif instituant le compte devra naturellement se prononcer sur cette question. C'est d'ailleurs déjà le cas pour de nombreux accords existants. Jamais un syndicat n'acceptera de signer un accord qui n'apporte pas cette garantie élémentaire pour les salariés. Estimant que l'architecture du texte offrait déjà une garantie suffisante, la commission s'est donc prononcée contre l'adoption des amendements nos 21, 32 et 160.

Elle a émis également un avis défavorable sur les amendements tendant à empêcher l'utilisation du compte épargne-temps pour abonder un plan d'épargne retraite ou à supprimer l'incitation fiscale prévue. Je pense aux amendements nos 34, 166, 35, 36, 45 et 168. La commission est en effet favorable, comme l'ont montré les débats lors de la réforme des retraites en 2003, au développement de l'épargne retraite.

Par ailleurs, elle ne juge pas scandaleux que l'employeur puisse affecter des heures supplémentaires sur le compte épargne-temps. Je note que cette possibilité a été introduite dans le code du travail par la loi Aubry II du 19 janvier 2000 et la proposition de loi ne fait que l'étendre. Il s'agit d'une mesure de souplesse qui permet de lisser la rémunération des salariés et d'éviter ainsi de les exposer aux à-coups de la conjoncture.

Cependant, la commission a souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 25 et 161, relatifs à l'affectation, sur le compte épargne-temps, du repos compensateur obligatoire. Elle n'est en effet pas insensible à l'argument tiré de l'importance de ces repos pour la santé des travailleurs et souhaiterait donc obtenir quelques éclaircissements du Gouvernement.

Enfin, elle a émis un avis favorable sur l'amendement n° 235, présenté par le Gouvernement et qui améliore la rédaction de l'article.

Au total, elle a souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 146, 149, 25 et 161. Elle a émis un avis favorable sur l'amendement n° 235 du Gouvernement et a, en revanche, émis un avis défavorable sur tous les autres amendements.

Mme Hélène Luc. C'est incroyable d'entendre cela !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement est naturellement favorable à l'article 1er, qui rénove en profondeur le compte épargne-temps. Jusqu'à présent, ce mécanisme, très strictement encadré, était resté plutôt confidentiel et, en tous les cas, limité aux seules grandes entreprises.

Grâce aux modifications introduites par la proposition de loi, le compte épargne-temps va pouvoir devenir un instrument important de gestion du temps de travail sur le long terme, dans l'intérêt des salariés comme dans l'intérêt des entreprises.

Désormais, les salariés pourront y recourir pour échanger des jours de congé ou de repos contre un complément de rémunération, pour se constituer un complément de retraite ou encore pour financer une période de formation ou de congés familiaux.

Le dispositif du compte épargne-temps sera organisé par voie d'accords collectifs de branches ou d'entreprises, qui en sont la clé de voûte. Les partenaires sociaux fixeront tant le volume que les modalités d'utilisation et les garanties dans le temps des droits épargnés.

J'ai la conviction qu'il s'agit d'un instrument moderne de gestion du temps, qui devrait permettre de trouver un équilibre entre les aspirations des salariés et les contraintes des entreprises. Contrairement à ce que j'ai pu entendre cet après-midi tout au long des débats, le texte ne prévoit aucune restriction des possibilités existantes de recours au compte épargne-temps. Bien au contraire, nous avons prévu d'élargir considérablement les possibilités d'alimentation du compte épargne-temps et les moyens de l'utiliser.

Madame Le Texier, je tiens à souligner que cet article ne dépossède pas le salarié des droits qu'il aura stockés sur son compte. Les droits stockés seront utilisés sur son initiative dans des conditions définies par l'accord collectif.

A Mmes Printz et Voynet, MM. Muzeau et Godefroy, je répondrai que le dispositif du compte épargne-temps ne fait pas courir de risques aux salariés sur la durée. Les droits stockés sont des droits patrimoniaux garantis et transmissibles comme tels. Au-delà d'un montant qu'il faudra définir par décret, les entreprises devront mettre en place un mécanisme d'assurance ou de garantie qui viendra, le cas échéant, en complément de l'assurance garantie des salaires.

Je crois qu'il faut accepter - c'est sans doute ce qui nous différencie - de faire confiance à la négociation collective, qui est la clé de voûte de ce nouveau compte épargne-temps. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Comme le disait voilà un instant M. le rapporteur, les signataires des accords trouveront les équilibres les plus appropriés compte tenu de la taille de l'entreprise, de sa surface financière et du montant des droits qui pourront être stockés.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements présentés par la commission parce qu'ils répondent parfaitement aux souhaits de précision et d'enrichissement du travail qui a été réalisé à l'Assemblée nationale.

S'agissant de l'amendement n° 146 relatif au travail de nuit, qui est l'une des préoccupations de M. Muzeau., le Gouvernement n'avait pas été favorable à l'adoption de la disposition instituant un régime dérogatoire pour le travail de nuit, notamment dans le secteur de l'audiovisuel et de la presse, lors de l'examen de la loi de cohésion sociale devant le Sénat.

La Haute Assemblée ne l'a pas suivi et l'Assemblée nationale a confirmé ce vote.

Cette mesure soulevant un réel problème, le Gouvernement aurait souhaité, plutôt que de passer par la loi, la soumettre à la négociation collective, qui aurait permis d'apporter une réponse plus adaptée.

Néanmoins, je crois inopportun de revenir sur ce point quelques semaines plus tard.

Pour ce qui concerne l'amendement n° 149, l'article L. 213-3 du code du travail prévoit une procédure de dérogation rigoureuse, en mentionnant « l'autorisation de l'inspecteur du travail donnée après consultation des délégués syndicaux et après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel s'ils existent ». J'estime que les conditions sont suffisantes et qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter la consultation du CHSCT proposée par les membres du groupe CRC.

Pour ce qui concerne l'amendement n° 25, il vise à supprimer la possibilité de déposer des périodes de repos compensateur obligatoire sur le CET. Avec la double garantie que constituent le contenu de la convention ou de l'accord collectif et l'initiative du salarié, le dispositif proposé me paraît équilibré. Les remarques que je vais formuler vaudront réponse à M. Jean Boyer.

Le repos compensateur obligatoire n'est pas en soi un dispositif de protection du salarié. Je ne vois pas ce qui interdirait à un salarié de préférer à une période de repos, en quelque sorte forcée, immédiate, une autre forme de compensation par le biais du CET, notamment le temps sabbatique qui peut être souhaité sur une longue période, que ce soit pour la formation ou pour une autre activité.

Lors de la discussion générale, nous avons évoqué la question de la santé des travailleurs. Dans un excellent ouvrage primé voilà quelques semaines, Les désordres du travail, Philippe Askenazy, chercheur au CNRS, analysant les questions de santé au travail, reconnaît la réalité du stress au travail, notion, qui, je le crois, sera reconnue dans quelque temps dans le cadre des négociations interprofessionnelles. Il parle de « productivisme réactif ».

Ses écrits relatent la dégradation des conditions de travail et l'intensification du travail dues à l'augmentation de la productivité et à la réduction autoritaire du temps de travail. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

D'ailleurs, M. Dominique Strauss-Kahn, s'exprimant en 1998 à Davos sur ce sujet alors que la France était interpellée sur la réduction du temps de travail, disait : « Patronat, économistes, syndicats, gouvernement sont au moins d'accord sur un constat : les 35 heures ne créeront des emplois qu'à la condition que la compétitivité des entreprises ne soit pas compromise par cette proposition. En échange de quatre heures de temps libre, les salariés doivent accepter soit un quasi-gel des salaires pendant plusieurs années, soit une plus grande flexibilité du travail dans l'entreprise. »

Par conséquent, le gel salarial pendant plusieurs années et le constat de la DARES selon lequel 40 %, notamment, de la population féminine, ouvrière et employée, a le sentiment que son stress a augmenté sont en quelque sorte annoncés dans le discours de Davos.

Madame Printz, monsieur Muzeau, vous avez fait allusion au projet de Constitution européenne. Aucun texte européen n'a contenu autant de social. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Et l'article 3 ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. De plus, la Constitution européenne fait référence à la charte des droits fondamentaux de l'Union,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle n'a pas de valeur contraignante.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... qui rappelle les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité. Le titre IV relatif à la solidarité - terme qui étymologiquement est très proche de la fraternité, notion plutôt spirituelle - vise le droit de négociation et d'actions collectives, le droit d'accès aux services de placement, la protection en cas de licenciement injustifié, des conditions de travail justes et équitables, l'interdiction du travail des enfants. Tout un volet concerne également la politique sociale.(Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est revenu au XIXe siècle.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je vous invite à relire le projet de traité constitutionnel et à le méditer.

La semaine dernière, les partenaires sociaux s'exprimant dans le cadre du Comité du dialogue social européen et international, quelles qu'aient été les positions des uns et des autres, ont considéré que ce texte marque un progrès dans les valeurs sociales que défend l'Union européenne. Il faut le rappeler à cet instant de notre débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Hélène Luc. On discute des 35 heures !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'en viens à une préoccupation exprimée par le groupe de l'Union centriste.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, j'ai quelques vieux réflexes. Vous ne m'en voudrez pas, j'espère.

M. Michel Mercier. Il faut s'y habituer !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est de la nostalgie. (Sourires.)

Pour ce qui concerne l'AGS, le Gouvernement a trouvé une situation extrêmement dégradée, qu'il a redressée. Ce n'est pas un instrument pour remplacer le droit des faillites ou le droit des liquidations. Il ne s'agit pas de demander à la solidarité au travers de l'AGS de faire plus que ce qu'elle peut apporter.

En tout cas, les dispositifs de garantie sont assurés.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que les amendements relatifs au repos compensateur obligatoire, présentés par le groupe UDF et défendus éloquemment par M. Jean Boyer, puissent être retirés au bénéfice des garanties que j'ai pu apporter. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement donne un avis favorable sur les amendements de la commission. Il ne peut émettre un avis favorable sur les autres amendements et souhaite le retrait de ceux dont les auteurs auront pu être éclairés par nos débats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 16 et 156.

M. Roland Muzeau. Nous venons d'inaugurer ce soir une nouvelle forme de débat, la réponse groupée, paquet cadeau à prendre ou à laisser. Une telle façon d'agir évite tant à M. le rapporteur qu'à M. le ministre de répondre dans le détail sur les amendements qui ont été déposés.

Je peux vous garantir que nous essaierons de tout faire pour mettre en échec cette méthode de travail assez particulière, qui n'est pas correcte et ne me semble pas de nature à éclairer nos débats. Adviendra ce qu'il adviendra.

Monsieur le rapporteur, vous avez estimé que les amendements déposés par les membres de mon groupe étaient dénués de lien direct avec la proposition de loi. C'est faux. De quoi parlons-nous avec l'examen de ce texte qui met à mort les 35 heures si ce n'est de la vie des salariés, de la situation tant de l'emploi que de l'économie ?

Les amendements relatifs au travail de nuit, au rôle du CHSCT, à la prise en compte du temps du trajet comme du temps de travail font partie du sujet que nous traitons. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous auriez tort de considérer qu'ils n'ont rien à voir avec les débats.

M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Personne n'a dit cela !

M. Roland Muzeau. Nous sommes au coeur du sujet.

M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Je n'aime pas les mensonges !

M. Roland Muzeau. Monsieur Gournac, j'aborderai le problème du RMA un peu plus tard !

Il n'y aurait pas eu de concertation avec les partenaires sociaux. Il faut un estomac à toute épreuve pour avaler cela. Quelle concertation avez-vous engagée avec cette magouille de proposition de loi ? Le Gouvernement n'a pas eu le courage de déposer un projet de loi. Il a fait faire le sale boulot par quatre députés et s'abrite derrière ce texte. Où est la concertation ? Nulle part !

Toutes les organisations syndicales, même s'il est redondant, mais pas inutile, de le dire, sont opposées à cette proposition de loi. Que faites-vous de leur avis ? Vous le balayez d'un revers de main. Pour vous, ce n'est qu'un accident de parcours.

Monsieur le ministre, vous dites que le CET sera un instrument moderne, ce que je ne conteste pas. Mais vous vous gardez bien de dire au profit de qui, en l'occurrence du patronat et de celui qui veut renforcer une exploitation éhontée des salariés. (Mme Catherine Procaccia proteste.)

Madame Procaccia, nous aborderons votre amendement un peu plus tard.

Vous dites également qu'il faut faire confiance à la négociation. Bonne blague ! Moi, je fais confiance à la négociation. Mais, pour négocier, il faut être deux. En la matière, il n'y a pas eu de négociation puisque vous recourez à une proposition de loi.

Monsieur le ministre, j'ai été gêné pour vous, car vous avez montré un embarras extraordinaire en ce qui concerne l'amendement de Broissia.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Non !

M. Roland Muzeau. Le Gouvernement a tout d'abord manqué à sa parole dans cet hémicycle. A deux reprises, j'ai interpellé le Gouvernement : vous-même, monsieur le ministre, et M. Borloo. M. About avait demandé le retrait de cet amendement. Or, monsieur le ministre, vous soutenez qu'il n'est peut-être pas judicieux de revenir sur ce sale coup porté tard dans la nuit. C'est manquer de courage et d'élégance !

Pour ce qui concerne l'amendement n° 149, que mon groupe a déposé, selon vous, les salariés sont bien protégés. Mais de quoi ? De rien ! Monsieur le ministre, toutes les études montrent que l'allongement de la durée du travail est de nature à accroître les problèmes de santé, la nervosité, la dépression, le stress. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Mes chers collègues, je sais que vous êtes stressés parce que le débat dure ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)

Je vais vous citer des chiffres.

Selon le bilan des accidents mortels dans le secteur du BTP en 2003, 31 décès supplémentaires ont été recensés. Ils s'élevaient à 188 en 2003 contre 157 en 2002. Avec 60 décès, les salariés âgés de 50 à 60 ans sont les premières victimes d'accidents mortels, même si cette classe d'âge, est moins exposée aux accidents du travail, du moins en nombre, que les autres.

J'ai sous les yeux une interview de M. François Desriaux, rédacteur en chef de la revue Santé et Travail, publiée par la Mutualité française.

A la question : « Que pensez-vous des résultats de l'enquête Sumer qui témoigne d'une dégradation des conditions de travail sur dix ans ? », M. Desriaux répond : « Avec l'intensification du travail, on assiste à une dégradation logique des conditions de travail. Ces résultats sont cohérents avec ceux d'autres enquêtes, notamment en ce qui concerne l'accroissement des pénibilités physiques, le renforcement des contraintes de l'organisation du travail et le développement des expositions à des produits chimiques. »

A la question suivante, « Quelles en sont les conséquences sur l'état de santé des salariés ? », il répond : « Il ne faut pas s'attendre à une baisse des troubles musculosquelettiques, qui resteront sans doute la première cause des maladies professionnelles. On peut craindre aussi que la souffrance mentale continue de progresser, avec des dépressions, voire des suicides sur les lieux de travail. Il ne faut donc pas s'étonner de l'augmentation des arrêts maladie et des mises en invalidité. En revanche, je ne suis pas certain que la chasse aux arrêts de travail constitue la réponse la plus appropriée. »

D'autres passages de ce même article reflètent tout autant l'aspect dramatique de cette situation. Dans le journal Le Monde, M. Martin Hirsch se réfère à une expérience vécue, en citant la réponse incroyable d'un responsable de la grande distribution au sujet des conséquences du temps partiel : « Ce n'est pas notre faute, si le divorce a changé la donne sociale et si ce qui convenait comme salaire d'appoint ne suffit plus comme source principale d'existence d'une famille monoparentale. »

Voilà les réponses que font les grands dirigeants des sociétés de distribution en France ! Voilà comme l'on traite la santé des salariés ! Voilà comme l'on traite la question du temps partiel !

Quatre millions de salariés voudraient travailler davantage ou sont sans emploi. C'est la réalité que M. Borloo a évoquée sur France 2.

A un journaliste du Parisien qui lui demandait s'il jugeait « tenable la promesse de Jean-Pierre Raffarin d'une baisse du chômage de 10 % en 2005 », M. Bayrou a répondu : « Inutile de dire que je n'y crois guère, surtout quand la croissance constamment annoncée n'est pas au rendez-vous. (...) Songez à la baisse des impôts : dans un pays qui a un déficit et un endettement records, l'affirmation pleine d'aplomb qu'on pourrait d'ici à 2007 réaliser la promesse mirobolante d'une baisse de 30 % des impôts, cela n'a aucun sens. »

Il me semble donc que vos réponses, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, sont à des années-lumière des préoccupations de nos concitoyens et, en particulier, de ceux dont la misère sociale s'aggrave.

Ils sont des millions à vouloir travailler plus pour gagner plus. Rappelons-le, 80 % des femmes travaillent à temps partiel. Je discute avec nombre de salariées de la grande distribution, par exemple chez Monoprix, Carrefour, Auchan, Leclerc. C'est une expérience que je vous recommande. Ces femmes aimeraient travailler plus de 15 heures...

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. Roland Muzeau. ...et changer de conditions de travail : elles travaillent le matin de bonne heure, s'arrêtent durant 5 ou 6 heures, reviennent travailler tard le soir pour gagner un salaire de misère.

Je considère donc qu'il est franchement déplacé de me dire que je suis à côté du sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je répondrai d'abord au sujet du plan « santé au travail ». La réalité est que, dans notre pays, chaque jour, deux salariés ne rentrent pas du travail.

Nous avons le devoir de traiter cette réalité autrement que par des incantations et des slogans. C'est un des objectifs de ce plan.

Il est vrai que le nombre des maladies professionnelles avec arrêt et des accidents du travail a augmenté, notamment depuis 1995. Cette augmentation me préoccupe, et c'est elle qui m'a amené à concevoir le plan « santé au travail ».

Une comparaison fait apparaître une nette augmentation de ce type de maladies et d'accidents en Espagne, une légère contraction en Allemagne et une stagnation en Italie. En France, la hausse a repris depuis 1997, alors que, parallèlement, le temps de travail de nombreux salariés se réduisait avec le passage progressif aux 35 heures.

Mme Hélène Luc. Quel est le rapport avec les 35 heures ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je ne veux pas dire qu'il n'y ait pas de lien, mais vouloir systématiquement lier le temps de travail à l'accidentologie serait une erreur.

Au travers des conditions d'organisation du travail et grâce à l'utilisation d'un certain nombre de leviers, nous devons parvenir demain à une réelle politique de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, les ATMP.

Mme Hélène Luc. Et quelle politique de prévention mettez-vous en place ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'ajouterai que certaines professions paient un lourd tribut en termes d'accidents du travail, et notamment d'accidents mortels ; c'est le secteur agricole qui est le plus touché.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n'a rien à voir !

Mme Hélène Luc. Vous ne parlez pas sérieusement !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est pourquoi, monsieur Muzeau, nous avons engagé un plan « santé au travail » qui tend à améliorer la connaissance, la prévention et le contrôle.

Toutefois, M. le rapporteur n'a pas tort de dire qu'il n'y avait pas de rapport direct entre ce sujet et le compte épargne-temps.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat, mais M. le ministre semble dire que l'accidentologie n'est pas liée à la durée du temps de travail.

Reçu cet après-midi par la mission d'information commune sur le bilan et les conséquences de l'amiante, M. Pézerat, toxicologue, a montré que la répétitivité des tâches produit une fatigue au travail qui constitue précisément un risque.

J'en suis désolé, monsieur le ministre, mais cet expert affirme le contraire de ce que vous dites.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 156.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 91 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 120
Contre 209

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 133.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 92 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 120
Contre 209

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 141.

M. Roland Muzeau. Pourquoi faut-il qu'à ce stade de la discussion nous insérions dans le texte de la proposition de loi, quitte à changer certains de ses attendus, des dispositions portant sur le travail de nuit ?

Monsieur Larcher, puisque vous vous en êtes étonné, je vais tenter de vous donner quelques réponses.

C'est d'abord, tout simplement, parce que le travail de nuit est, selon les termes mêmes du code du travail, de caractère exceptionnel. Revenons à la définition générale, au demeurant tout à fait discutable, fournie par l'article L. 213-1 de ce code :

« Le recours au travail de nuit doit être exceptionnel. Il doit prendre en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et doit être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale.

« La mise en place dans une entreprise ou un établissement du travail de nuit au sens de l'article L. 213-2 ou son extension à de nouvelles catégories de salariés sont subordonnées à la conclusion préalable d'une convention ou d'un accord collectif de branche étendu ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement. »

C'est là une première donnée objective que nous ne pouvons que souligner, encore et toujours. On sait fort bien ce que cela implique pour nombre de ceux qui, ici, depuis quelque temps, s'interrogent sur la portée des dispositions relatives à l'organisation du temps de travail.

Quand un de nos collègues, dont la vie professionnelle est marquée par un passage dans la structure dirigeante d'un important groupe de presse nationale et régionale, réussit, au travers d'un amendement au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, à repousser le curseur de démarrage du travail de nuit - qui implique, naturellement, une rémunération plus importante quelle que soit la convention de branche -, il réalise une opération visant à alléger les contraintes salariales des employeurs et ne fait que dégrader le pouvoir d'achat des salariés. Mais, pour ce faire, ce collègue s'appuie aussi sur une directive européenne qui, au mépris du droit français, précise que, avant minuit, ce n'est pas la nuit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit à quel point elle est progressiste !

M. Roland Muzeau. La directive en question, qui figure dans le paquet de mesures de développement social - si l'on peut dire - intégré à la Constitution européenne, prévoit en effet que le travail de nuit ne débute qu'à minuit et un simple examen de la situation dans les autres pays suffit à comprendre pourquoi, sur le sujet, elle s'est « calée » sur cette définition.

Il est évident, notamment dans les pays du sud de l'Europe et singulièrement en période touristique, que certaines habitudes d'ouverture tardive des commerces ou des entreprises sont assez largement ancrées. C'est donc pour faire droit aux attentes du patronat de ces pays que la directive sur le travail de nuit a été ainsi confectionnée, ce même patronat qui compresse les coûts salariaux au travers de mesures multiples et diverses, tendant, entre autres choses, à développer contrats saisonniers, contrats à durée déterminée, parfois de très courte durée, et à temps partiel, quand ce n'est pas - est-il indispensable de le relever de nouveau ? - le recours au travail clandestin ou illégal.

Pour certains, suffisamment influents au sein de la Commission européenne, la compétitivité économique des pays de l'Union passe donc par la minoration et par l'abaissement des garanties collectives des salariés.

Notre groupe estime quant à lui, et c'est le sens premier de cet amendement « chef de file » sur la question, qu'il importe de légiférer dans un sens plus respectueux des intérêts des salariés, de leur santé et de leur sécurité, conformément à ce que toutes les études scientifiques ont démontré.

L'un des enjeux de la réforme de l'organisation du travail réside dans les nécessaires dispositions que nous préconisons. Il faut effectivement écouter les salariés qui subissent de plus en plus durement ces conditions d'activité et faire droit à leurs légitimes aspirations.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aurais dû confirmer au Sénat ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale : une négociation interprofessionnelle sur la pénibilité au travail a été engagée...

M. Guy Fischer. Trop tard !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut donc attendre !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'ai demandé à mes services de procéder à une évaluation des conditions et des conséquences du travail de nuit et j'informerai bien sûr le Parlement des conclusions du rapport qui sera établi parallèlement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 143.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 93 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 120
Contre 209

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 144.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote, sur l'amendement n° 146.

M. Roland Muzeau. Je rappelle à nos collègues que nous sommes là en plein dans le sujet de l'amendement scélérat déposé, tard dans la nuit, par notre collègue Louis de Broissia et qui a bouleversé les conditions du travail de nuit et les règles régissant sa rémunération, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur le « gagner moins en travaillant plus et en se fatiguant beaucoup » !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore une fois en s'appuyant sur une directive européenne, ô combien progressiste !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 94 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 120
Contre 209

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 95 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 120
Contre 209

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 150.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 153.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 157.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 158 et 18.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 160.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Jean Boyer, les amendements nos 97 et 98 sont-ils maintenus ?

M. Jean Boyer. Il est parfois embarrassant de répondre à certaines questions, monsieur le président.

L'amendement n° 97 me paraît de bon sens parce qu'il va dans le sens de la santé des salariés.

Quant à l'amendement n° 98, il offre l'occasion de mettre en place un dispositif que l'un de vos collègues, monsieur le ministre, avait évoqué dans cette enceinte, à savoir une sorte de TVA sociale.

Pour vous parler très franchement, monsieur le ministre, si je considère chacun de ces deux amendements individuellement, je serais tenté de les maintenir.

Mais, sachant que cette proposition de loi requiert une analyse globale et dans le souci de me montrer objectif, je les retire, au nom de mon groupe.

M. le président. Les amendements nos 97 et 98 sont retirés.

Mme Dominique Voynet. Je reprends l'amendement n° 97, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 97 rectifié, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés

Vous avez la parole, madame Voynet.

Mme Dominique Voynet. J'ai écouté tout à l'heure M. Jean Boyer avec un grand intérêt, car j'ai été frappée de la similitude que présentait l'amendement n° 97 avec ceux qui ont été déposés par mon groupe sur ce sujet, s'agissant tant de sa rédaction que des arguments qui ont été présentés.

Il m'a semblé que les bases étaient posées pour interpeller le Gouvernement sur deux risques : la remise en cause de la cinquième semaine de congés payés, qui a bien été pointée par le rapporteur de la commission des affaires sociales, et la prise en compte des heures de repos acquises au titre du repos compensateur dans le compte épargne-temps.

C'est pour ce motif que mon groupe reprend cet amendement à son compte et demande à la Haute Assemblée de bien vouloir se prononcer sur ce sujet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 96 :

Nombre de votants 297
Nombre de suffrages exprimés 282
Majorité absolue des suffrages exprimés 142
Pour l'adoption 120
Contre 162

Le Sénat n'a pas adopté. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 et 161.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 162 et 26.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 163.

M. Roland Muzeau. Pour étayer notre argumentation et convaincre le Sénat de voter cet amendement de notre groupe, nous ne pouvons que revenir rapidement sur quelques éléments fournis par une récente enquête d'opinion effectuée auprès d'un échantillon représentatif de personnels d'encadrement.

Cette étude a été réalisée par la Confédération générale des cadres, organisation syndicale représentative, disposant encore aujourd'hui de la plus forte audience au sein de ces personnels. Elle est d'ailleurs faite de manière régulière depuis plusieurs années et ses résultats illustrent assez bien la situation des cadres, comme la manière dont ils perçoivent aujourd'hui leur place et leurs fonctions dans l'entreprise.

Selon cette étude, les cadres se sentent aujourd'hui plus stressés qu'auparavant, parce qu'ils sont soumis à des pressions plus fortes de rendement, de responsabilités, de productivité. Ce sentiment de stress, largement répandu, trouve plusieurs origines.

La première réside dans l'impression de ne pas disposer d'assez de temps pour accomplir les tâches et les fonctions qui sont confiées au personnel d'encadrement. En effet, seuls 39 % des cadres estiment suffisant le temps qui leur est laissé pour s'acquitter de leurs missions.

Dans le même ordre d'idée, 84 % des cadres s'estiment aujourd'hui victimes d'une accentuation de l'intensité de leur travail et d'un raccourcissement évident des délais de production. Certes, les outils dont ils disposent aujourd'hui pour accomplir certaines de leurs tâches - je pense en particulier aux nouvelles technologies de l'information et de la communication - favorisent à la fois la dématérialisation des tâches et leur exécution plus rapide, mais le sentiment d'intensification du travail est là et ne peut procéder, eu égard aux proportions atteintes, d'une seule « impression générale » fondée sur l'expérience concrète et pragmatique des choses.

Le « toujours plus » est une constante de la stratégie de gestion des ressources humaines du personnel d'encadrement, telle qu'elle est conçue par les entreprises. De fait, 79 % des cadres ont le sentiment que la charge de travail dont ils sont porteurs est plus importante que par le passé et qu'elle devient plus complexe, puisque les trois quarts des personnels d'encadrement ont le sentiment, qu'ils vivent au quotidien, d'être régulièrement interrompus dans leur travail, avec tout ce que cela implique quant à l'impossibilité pour eux de répondre aux objectifs qui leur sont assignés par ailleurs.

La réalité vécue par le personnel d'encadrement n'est donc pas aussi positive que certains le laissent penser.

Valider, comme le prévoit la proposition de loi, le principe de l'accumulation des jours de repos non pris sur le compte épargne-temps, sans limite ni prise en compte du droit à la réduction du temps de travail, c'est ni plus ni moins valider les dérives que les cadres eux-mêmes dénoncent dans cette enquête, comme dans bien d'autres études d'ailleurs.

Le problème qui se pose en effet est, à notre sens, non pas de favoriser l'individualisation des contrats de travail au plus près des impératifs de la production - car c'est bien de cela qu'il s'agit -, mais de poser la question récurrente de l'embauche massive de personnels d'encadrement dans les entreprises où ils font défaut, tout comme celle de la juste rémunération du travail accompli par ceux qui sont aujourd'hui en activité.

Donner force de loi aux dispositions qui nous sont proposées revient en fait à vider la réduction du temps de travail de tout son sens pour les personnels d'encadrement et à détourner la loi de ses objectifs naturels et ambitieux de création d'emplois.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 165 et 30.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage sur l'amendement n° 3 ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 3 rectifié.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 1 rectifié n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 167.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 45 et 168.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 235.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos  46 et 169 n'ont plus d'objet.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'article 1er.

M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 1er de la proposition de loi ne rénove pas le compte épargne-temps ; il le dénature, en reléguant au second plan la notion de temps au profit de l'épargne tout court, une épargne dont le salarié risque fortement de ne pas profiter réellement.

Déjà, la loi Fillon du 17 janvier 2003, dite loi d'assouplissement des 35 heures, avait assigné un nouvel objectif au CET, celui de « se constituer une épargne », les droits à congés payés pouvant être « valorisés en argent ». Le présent texte parachève le détournement du CET de son objectif initial.

En effet, avec la rédaction de cet article, le nouveau CET devient un outil permettant de différer et d'annuler les repos liés à la réduction du temps de travail à 35 heures, ainsi que les repos compensateurs liés aux heures supplémentaires, sans garantir leur rémunération horaire et majorée.

Vous justifiez cette pseudo-rénovation par une nécessaire augmentation du pouvoir d'achat dont les Français auraient été privés à cause des 35 heures, mais vous oubliez, monsieur le ministre, que, pendant les cinq années du gouvernement de Lionel Jospin, le pouvoir d'achat des Français a progressé en moyenne de 3 % par an, alors que le bilan de votre gouvernement est beaucoup moins flatteur en la matière, avec à peine 1,4 % en 2004. Ce ne sont pas tant les 35 heures qui freinent la progression de ce pouvoir d'achat que les mesures que vous avez prises, ainsi que les conséquences de la politique économique et sociale que vous menez depuis bientôt trois ans : aggravation du chômage, hausse des prélèvements obligatoires, etc.

Ainsi, pour augmenter le pouvoir d'achat, ne serait-il pas plus simple de payer directement et d'augmenter la rémunération des heures supplémentaires ?

Il faut rappeler qu'avec le CET l'argent est gelé. Désormais, c'est sur l'initiative de l'employeur que le CET pourra être alimenté. Est-ce cela que vous appelez la liberté de choix du salarié, monsieur le ministre ?

Ce texte prévoit, en effet, que, en cas de variation de l'activité, l'employeur pourra décider d'affecter au CET les heures effectuées par un salarié au lieu de les lui rémunérer, selon les règles applicables aux heures supplémentaires. Pour le salarié, l'augmentation du temps de travail sera bien réelle, mais la rémunération, et donc la hausse de son pouvoir d'achat, sera, en revanche, virtuelle.

Pis, le texte ne prévoit aucune modalité permettant aux salariés de solder librement leur CET ; ces derniers ne pourront pas choisir l'utilisation de leurs droits acquis via le CET, lesquels serviront à alimenter les PERP, les plans d'épargne retraite populaire, les PERCO, les plans d'épargne retraite collectifs, ces « fonds de pension à la française » créés par la réforme des retraites, dont l'intérêt reste risqué et aléatoire pour les salariés.

Quant à l'employeur, il sera ainsi dispensé d'avoir une politique d'embauche et une réelle politique salariale ; il pourra, en revanche, réduire son imposition sur les bénéfices et échapper au paiement des cotisations sociales.

Décidément non, monsieur le ministre, ce n'est pas le pouvoir d'achat qui est l'objet de la rénovation du CET ! De plus, en favorisant l'épargne au détriment de la consommation, l'article 1er joue, à notre sens, contre l'emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 97 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 202
Contre 125

Le Sénat a adopté. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. Le « non » progresse !