compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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HOMMAGE À Rafic Hariri

M. le président. A la demande de M. le président du Sénat et en ma qualité de président du groupe sénatorial d'amitié France-Liban, je tiens à exprimer notre plus vive émotion à la suite de l'attentat qui vient de coûter notamment la vie à Rafic Hariri, ancien Premier ministre du Liban et grand ami de la France.

En cet instant, nos pensées vont aux proches de Rafic Hariri et des autres victimes de cet épouvantable attentat terroriste.

Nos pensées vont aussi au Liban, pays ami, dont les épreuves ne laissent aucun Français indifférent.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les exportations d'armement en 2002 et 2003.

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COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu, par lettre en date du 4 février 2005, le rapport et la délibération relatifs à l'avis de l'Assemblée de la Polynésie française sur le projet de loi autorisation l'approbation du protocole sur la responsabilité et l'indemnisation en cas de dommages résultant de mouvements transfrontières et de l'élimination de déchets dangereux.

Acte est donné de cette communication.

Ces documents ont été transmis à la commission compétente.

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CANDIDATURES À des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.

Les commissions des affaires sociales et des affaires économiques ont fait connaître leurs candidats.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

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Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Réforme de la politique agricole commune

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 640, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les inquiétudes légitimes des agriculteurs face à la réforme de la politique agricole commune.

En effet, la réforme décidée le 26 juin 2003 à Luxembourg va modifier radicalement les modalités de financement du secteur agricole.

Dans la Nièvre, notamment, l'instauration des droits à paiement unique, les DPU, suscite de vives inquiétudes. Outre les modes de calcul assez discutables, l'attribution des DPU, complètement déconnectés du foncier, pénalise les propriétaires non exploitants qui ne pourront louer que des terres sans droits à primes, puisque ces primes seront attribuées à l'exploitant.

Pis encore, à compter du 15 mai 2004, les droits à paiement concernant les terres reprises par un nouvel exploitant sont des droits à acquérir, livrés au marché puisqu'ils sont totalement déconnectés de la terre. Jusque-là, ils étaient gérés par la réserve départementale. Il en résulte donc une pénalisation évidente des jeunes agriculteurs qui auront la double obligation d'acheter ou de louer des terres et d'acquérir des DPU, droits à paiement découplés indispensables.

En résumé, on peut souhaiter, d'une part, que l'on introduise un peu de souplesse dans l'application de cette politique agricole commune, que l'année 2005 soit une année d'expérimentation pour ce qui concerne la conditionnalité et, de ce fait, exempte de toute sanction et, d'autre part, que l'obtention des droits à paiement soit facilitée pour les jeunes agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le sénateur, en effet, des inquiétudes existent et on peut légitimement se poser un certain nombre de questions.

Dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, la France a obtenu le maintien des aides de l'ordre de 8 milliards d'euros par an, ce qui représente à peu près 20 % du total des sommes que l'Union européenne consacre à sa politique agricole.

Face à cela ont été mises en place deux nouvelles politiques, à savoir l'écoconditionnalité et les droits à paiement unique. La France, à la différence d'autres pays qui ont opté pour des aides régionales ou nationales ou pour le découplage, a choisi le découplage partiel, les productions, selon le cas, étant liées ou non à des aides.

J'ai considéré comme vous que ce système était complexe. Les organisations professionnelles m'ont fait passer le message. J'ai donc modifié le calendrier de l'année 2005, année de simulation, en donnant trois mois supplémentaires à mes services pour simplifier les DPU et ne pas en faire une usine à gaz, en engageant avec les organisations professionnelles une réflexion sur les notions d'agriculteur et de retraité pour éviter des effets d'aubaine ou de spéculation, ainsi que sur les règles de gestion de la réserve des DPU.

De ce fait, la communication des documents aux agriculteurs se fera avec un certain retard. Prévue en février, elle n'interviendra qu'en juin. Le Gouvernement donnera ensuite six mois aux agriculteurs pour qu'ils puissent avec l'aide des DDA remplir les formulaires afin que les DPU soient mis en paiement comme prévu au mois de décembre 2006.

Il faut que nous favorisions l'installation des jeunes et que nous évitions les phénomènes de spéculation et de rachat de droits. Il convient aussi de faire en sorte que, malgré l'existence de la réserve, les agriculteurs enregistrent le moins de pertes possible en 2006 lorsqu'ils percevront les nouveaux droits à paiement.

Pour ce qui concerne la difficulté de mise en oeuvre de l'écoconditionnalité, j'ai considéré que cette première année d'application était une année d'expérimentation. J'ai donné des instructions aux préfets et aux directeurs départementaux de l'agriculture pour simplifier considérablement le dispositif, en particulier pour que les anomalies mineures soient simplement constatées s'il y a lieu et ne fassent pas l'objet de sanction. Quand apparaîtra un problème de conditionnalité des aides entre un agriculteur et la direction départementale de l'agriculture, il faudra qu'un débat ait lieu et que l'agriculteur ne soit pas automatiquement sanctionné.

En résumé, monsieur Signé, le Gouvernement a la volonté d'appliquer intelligemment et de manière pragmatique les règles environnementales, mais il reconnaît la nécessité de revoir le calcul des DPU pour tenir compte en particulier des problèmes des jeunes et éviter tout effet de spéculation autour de ces droits.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, votre réponse va dans le sens de ce que souhaitent les agriculteurs en matière d'assouplissement des DPU, car ils craignaient que ces droits ne fassent l'objet de spéculation.

Avant le 15 mai 2004, les DPU étaient liés à la terre grâce à la gestion administrative via la réserve départementale. Depuis cette date, cette réserve ne joue qu'un rôle subsidiaire et ne règle que des cas particuliers. De ce fait, les DPU se trouvent sur le marché et peuvent faire l'objet de spéculations.

Monsieur le ministre, vous savez mieux que moi que le nombre de jeunes agriculteurs qui s'installent ne cesse de décroître. En France, la dotation aux jeunes agriculteurs est inférieure aux autres aides européennes accordées en faveur de l'installation. Les pénaliser davantage en leur permettant de louer des terres sans acquérir des DPU, qui sont des droits à paiement et non des primes, me fait craindre une course à l'extension des exploitations et à une réduction du nombre des agriculteurs.

Je me réjouis que vous ayez pris note de cette demande et que vous la considériez comme prioritaire dans votre action pour améliorer l'attribution des DPU.

Avenir de la filière de production de cognac

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, auteur de la question n° 647, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

M. Henri de Richemont. Monsieur le ministre, le 17 décembre 2003, M. le Premier ministre avait reçu une délégation de la filière du cognac conduite par le Bureau national interprofessionnel du cognac, le BNIC. Il s'était engagé à mettre en application les conclusions du rapport de M. Zonta, ancien directeur régional de l'agriculture de la région Poitou-Charentes et ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts.

Dès 1998, les professionnels avaient engagé une réflexion sur l'adaptation nécessaire du vignoble qui se traduisait par des mesures de reconversion et par l'abandon de 8 000 hectares.

Le constat de l'inadéquation des surfaces par rapport aux débouchés est également mis en exergue dans le rapport précité qui préconise l'arrachage de 3 500 à 5 000 hectares.

Cependant, l'idée innovante dudit rapport réside dans la volonté d'assurer un niveau de revenu décent en introduisant un lien entre les surfaces et l'identification des produits qui en seront issus, c'est-à-dire la fin du système de cépage à double fin.

La Commission européenne prévoit une modification de l'OCM vin à l'horizon 2006. Les conclusions du rapport de M. Zonta, notamment celle qui préconise l'arrachage, prennent ainsi toute leur valeur.

Toutefois, l'expérience passée montre que les mesures structurelles ne peuvent aboutir que si des dispositions d'accompagnement incitatives leur sont associées.

Or, il apparaît qu'un niveau d'aide élevé ne constitue pas en soi une mesure incitative suffisante.

Ainsi, monsieur le ministre, j'aimerais savoir si les autorités françaises sont prêtes à demander à Bruxelles la mise en oeuvre de mesures de soutien pour accompagner les adaptations préconisées par le plan de M. Zonta - l'aide au départ ou d'autres dispositions de cette nature -, pour accompagner la réussite de ce plan.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le sénateur, je voudrais remercier M. de Richemont d'avoir posé cette question. Il est un des parlementaires qui connaît le mieux le problème du cognac, sur lequel nous avons souvent travaillé ensemble.

Nous avons mis en place un plan national pour la viticulture, qui répond à tous les problèmes des vignobles. Ce plan n'est donc pas adapté aux besoins de votre région, j'allais dire de notre région ; il comprend des mesures sociales, conjoncturelles, spécifiques à chaque bassin, des mesures de soutien à l'exportation. Nous pouvons en mettre en oeuvre certaines dans la région des « deux Charentes », mais il faut examiner la situation avec plus de précision.

Mon objectif, monsieur de Richemont, si vous voulez bien le partager, serait que, à un moment où la crise du cognac est moins prégnante, nous mettions en oeuvre le plan Zonta, qui, vous l'avez rappelé, avait reçu l'assentiment des professions et des grands élus, toutes tendances politiques confondues, des deux départements Charentais. Cela est assez rare ! Auparavant, quand un plan était proposé, on rencontrait généralement, à l'intérieur d'un département ou d'une région, des difficultés plus ou moins grandes à l'appliquer.

Ce plan doit nous permettre d'atteindre une production régulée du cognac et de développer de véritables stratégies d'entreprises sur les autres produits tels que les vins de pays, le pineau et le jus de raisin.

Ma volonté, partagée par l'ensemble des protagonistes réunis en 2003 autour du Premier ministre, est donc bien de mettre en oeuvre rapidement le rapport Zonta ; par ailleurs, vous avez raison de le dire, des mesures d'arrachage définitif ou d'aide au départ pour les exploitants plus âgés peuvent être utiles en accompagnement de ce plan général d'adaptation.

Pour ce qui concerne l'arrachage définitif, en plus de la prime communautaire à l'arrachage, que vous avez rappelée, une prime complémentaire nationale peut être financée, notamment par les collectivités territoriales. La mise en place de cette prime complémentaire nécessite une notification pour accord à la Commission européenne. Cet accord a été obtenu, vous le savez, pour le vignoble charentais depuis la campagne 2001-2002. La Commission a également donné son aval, pour 2003 et 2004, à un complément supplémentaire, financé par le Bureau national interprofessionnel du cognac.

Je suis prêt, en application du plan Zonta, à prendre des mesures supplémentaires, comme vous le suggériez dans votre question.

Les exploitants âgés peuvent bénéficier d'aides à la préretraite financées à 50 % par l'Etat et à 50 % par le budget communautaire, dont le montant peut être également majoré par les collectivités territoriales. De même, pour 2005, j'ai obtenu le financement de 500 préretraites.

Si des moyens supplémentaires étaient nécessaires pour les besoins spécifiques de votre région et la mise en oeuvre du plan Zonta, je suis prêt comme à l'habitude, monsieur de Richemont, à travailler avec vous pour trouver une solution.

Mais, pour une fois où nous ne sommes pas dans une crise conjoncturelle, même si la situation n'est pas aussi merveilleuse que nous pourrions l'espérer, profitons-en pour faire les réformes que nous avons tous souhaitées depuis un certain nombre d'années.

Je saisis au vol votre message pour indiquer que nous allons avancer dans la mise en application du plan Zonta.

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont.

M. Henri de Richemont. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos et de l'engagement que vous avez pris de prendre les mesures qui conviennent pour que le plan Zonta soit une réussite.

Je pense qu'il est également important d'entreprendre une démarche auprès de la Commission européenne pour que celle-ci, en application de l'OMC vin, prenne les mesures nécessaires en parallèle à celles qui ont été prises par le Gouvernement français pour que ces réformes structurelles réussissent.

Vous avez raison de le dire, monsieur le ministre, c'est au moment où le marché est au mieux qu'il faut le faire, car demain il sera peut-être trop tard.

pérennité de la filière économique et sociale de l'enseignement scolaire

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 636, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'inquiétude légitime des enseignants de sciences économiques et sociales concernant le maintien de l'enseignement de leur discipline dans le cadre du projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école.

Alors que la filière économique et sociale, la filière ES, anciennement appelée B, a rencontré un succès incontestable auprès des élèves et de leurs parents en raison de la qualité de la formation proposée et des débouchés offerts, les enseignants de cette filière craignent que la suppression de la seconde de détermination, prévue dans le rapport annexé au projet de loi d'orientation, ne conduise à la disparition programmée de cette filière des sciences économiques et sociales.

En effet, la réforme annoncée de la seconde au lycée, en limitant le choix des élèves à un seul enseignement de spécialisation, aurait pour conséquence l'abandon de l'enseignement des sciences économiques et sociales, car le choix d'une deuxième langue vivante s'imposerait de fait aux élèves qui voudraient poursuivre leurs études en série générale. Les sciences économiques et sociales seraient alors réduites à une simple option facultative, ce qui conduirait à terme à un appauvrissement du recrutement de la filière ES, puis, logiquement, à celui des classes préparatoires économiques et commerciales.

En conséquence, je souhaiterais savoir si vous entendez conserver toute sa place à cet enseignement - dont la contribution à l'ouverture des élèves sur le monde, au développement de leur sens critique et à la formation de futurs citoyens est essentielle - en maintenant la présence des sciences économiques et sociales dans le tronc commun dès la classe de seconde générale, en préservant les dédoublements indispensables à la mise en oeuvre d'une pédagogie active et, enfin, en garantissant l'identité et l'attractivité de la filière ES des lycées.

Sur un plan plus général, la réduction du choix à un seul enseignement de spécialisation en classe de seconde, au lieu des deux options actuellement obligatoires et des options facultatives au lycée, touchera des disciplines comme les arts plastiques ou le théâtre, ce qui inquiète l'ensemble de la communauté éducative.

Les annonces faites la semaine dernière ont commencé à rassurer les enseignants : pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui les décisions prises ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Madame la sénatrice, je voudrais tout d'abord vous demander de bien vouloir excuser François Fillon, qui, actuellement retenu par d'autres obligations, m'a demandé de le remplacer.

Vous faites écho, madame la sénatrice, aux craintes des professeurs de sciences économiques et sociales de voir moins d'élèves choisir cet enseignement en classe de seconde, lui préférant la deuxième langue vivante, et ce au risque d'un affaiblissement de la série ES.

François Fillon connaît cette inquiétude des professeurs de sciences économiques et sociales qu'il a rencontrés récemment lors d'un colloque au Conseil économique et social et qu'il a eu l'occasion de rassurer.

Dans le rapport annexé au projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école, il est en effet prévu que la classe de seconde conservera son caractère général. Les élèves pourront, en dehors du tronc commun, choisir un enseignement de spécialisation et deux options facultatives alors qu'actuellement il y a en seconde deux enseignements de détermination au choix parmi lesquelles figurent la deuxième langue vivante et une option facultative.

Naturellement, les sciences économiques et sociales auront toute leur place en tant qu'enseignement de spécialisation et il est évident qu'un élève souhaitant se diriger vers la série ES aura tout intérêt à explorer cette nouvelle discipline.

De plus, il est à noter qu'un tel choix ne sera pas en concurrence avec la deuxième langue vivante. En effet, la priorité donnée par François Fillon à l'apprentissage des langues l'a conduit à intégrer l'enseignement de la deuxième langue vivante au tronc commun de la classe de seconde.

Ce qui vient d'être dit pour les sciences économiques et sociales, madame la sénatrice, est bien entendu valable pour les autres enseignements que vous mentionnez, tels que les arts plastiques ou le théâtre.

Enfin, pour dissiper tout motif d'inquiétude sur l'avenir de la série économique et sociale, à laquelle les parents et les élèves sont très attachés, je dirai que cette série est non seulement maintenue par le projet de loi sur l'avenir de l'école, mais qu'elle sera renforcée pour continuer à offrir une formation généraliste ouvrant sur une pluralité d'orientation dans l'enseignement supérieur.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

J'ai noté avec satisfaction les évolutions de ces derniers jours, notamment l'annonce faite par le Gouvernement d'amender son texte initial, à la suite de la mobilisation des enseignants de sciences économiques et sociales que M. François Fillon a rencontrés, en réintégrant la deuxième langue vivante dans le tronc commun de seconde, ce dont je me réjouis.

J'en profite pour valoriser cette filière d'excellence, puisque plus de 63 % des bacheliers titulaires du baccalauréat ES poursuivent des études supérieures.

Je voudrais toutefois attirer votre attention. Les représentants de cette discipline, que nous avons auditionnés en commission des affaires culturelles la semaine dernière, ont manifesté une certaine inquiétude, notamment en ce qui concerne la réduction annoncée du nombre des classes dédoublées au lycée. Ils insistent sur le fait que ces dernières permettent de dispenser une pédagogie différenciée, adaptée en tout cas à cette matière, ainsi d'ailleurs qu'à d'autres.

Par ailleurs, je voulais également attirer votre attention sur l'idée d'introduire dans la filière ES un enseignement de droit et de gestion des entreprises qui risque de créer une confusion avec la filière « sciences et techniques de gestion » de l'enseignement technique.

participation des agents territoriaux aux commissions compétentes pour les délégations de services publics

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, auteur de la question n° 643, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Christian Gaudin. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, concerne la participation des agents territoriaux aux commissions compétentes pour les délégations de service public.

La cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 15 juin 2004, a annulé une procédure de délégation de service public au motif que la présence d'agents territoriaux au sein de la commission d'ouverture des plis constituait une irrégularité substantielle.

Cet arrêt confirme ainsi les modalités de mise en oeuvre d'une délégation de service public, définies par l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales.

En effet, si le code des marchés publics autorise expressément la participation de certains personnels administratifs dans les commissions d'appel d'offre, l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales ne prévoit que la présence d'élus et de représentants de l'Etat au sein de la commission compétente pour les délégations de service public.

Pourtant, la procédure relative aux délégations de service public est en général plus complexe, sur le plan tant juridique que technique, que la procédure relative aux marchés publics. C'est d'ailleurs pour cette raison que, dans les faits, de nombreux élus souhaitent la présence de fonctionnaires territoriaux à leurs côtés.

C'est pourquoi il paraît nécessaire, pour répondre à une attente légitime des élus, de modifier rapidement l'article L. 1411-5 du code général des collectivités locales, afin de permettre aux fonctionnaires territoriaux d'assister tout au long de la procédure les élus qui le souhaitent.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Dominique de Villepin, qui, actuellement retenu par d'autres obligations, m'a demandé de vous répondre.

Comme vous l'avez fort justement souligné, l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales ne prévoit que la présence d'élus et de représentants de l'Etat, en l'occurrence le comptable de la collectivité et le représentant du ministre chargé de la concurrence, au sein de la commission compétente en matière de délégation de service public.

Ces agents de l'Etat sont membres de droit de la commission et disposent de voix consultatives. Dans la pratique, afin de leur apporter une aide juridique et technique, des commissions ont cependant autorisé des fonctionnaires territoriaux à assister aux séances. Aux termes d'une jurisprudence constante, les juridictions administratives ont jugé que, lorsqu'une personne étrangère à la commission avait assisté aux réunions de celle-ci, l'irrégularité de la composition de la commission d'ouverture des plis et d'avis était caractérisée et que, par conséquent, tous les actes pris par ladite commission étaient frappés de nullité.

Les règles applicables aux commissions d'appel d'offres pour des marchés publics sont en revanche différentes. Si le comptable public et un représentant du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent, sur invitation de son président, participer avec voix consultative aux réunions, le décret du 7 janvier 2004 portant nouveau code des marchés publics permet de faire appel au concours d'agents de la personne publique délégante compétents en matière de droit des marchés publics.

Le ministre de l'intérieur est totalement conscient de la complexité juridique et technique grandissante des dossiers examinés par les commissions compétentes en matière de délégation de service public.

Aussi, monsieur le sénateur, en se fondant sur le modèle de ce qui est applicable en matière de marchés publics, le ministre de l'intérieur engagera une réflexion pour permettre, dans le cadre d'une délégation de service public, aux agents de la collectivité délégante d'apporter leur aide aux élus de la collectivité lors des séances de ces commissions.

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Je vous remercie, madame la ministre, de l'éclairage que vous avez apporté.

Je suis satisfait que M. le ministre de l'intérieur engage une réforme pour faire évoluer l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, car la complexité des dossiers est telle qu'il est nécessaire que les élus soient assistés de leurs fonctionnaires territoriaux dans ces commissions.

Recrudescence de l'immigration clandestine en Guadeloupe

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, auteur de la question n° 642, transmise à Mme la ministre de l'outre-mer.

M. Jacques Gillot. Madame la ministre, ma question porte sur les moyens affectés au contrôle et à la maîtrise de l'immigration en Guadeloupe.

A ce jour, on estime que le nombre de personnes vivant clandestinement en Guadeloupe se situe entre 10 000 et 30 000 ; les immigrés clandestins seraient entre 12 000 et 18 000 à pénétrer chaque année dans le département.

Le départ vers la Guadeloupe s'explique essentiellement par les difficultés économiques et politiques que connaissent des îles telles que Haïti ou la République dominicaine.

Quant aux demandes d'asile, elles sont passées de 130 en 2003 à 3 600 en 2004 et concernent en majeure partie des individus installés irrégulièrement sur le territoire et souhaitant régulariser leur situation.

La multiplication des incidents liés à l'immigration clandestine, notamment les naufrages répétés le long des côtes, les reconduites à la frontière et les arrestations d'étrangers en situation irrégulière, suscite une inquiétude grandissante dans l'opinion publique.

Afin d'éviter que cette situation ne soulève des manifestations de xénophobie, des mesures de contrôle et de maîtrise de l'immigration clandestine s'imposent.

Madame la ministre, j'ai pris note du renforcement de l'action dans ce domaine que vous avez indiqué. Je vous demanderai toutefois de m'apporter quelques précisions.

Vous n'avez pas manqué de souligner que ces questions relevaient des compétences régaliennes de l'Etat. Il vous appartient donc d'apporter des indications pour confirmer que la lutte contre l'immigration clandestine demeure une priorité en Guadeloupe.

Ainsi, pouvez-vous m'indiquer précisément les moyens humains, matériels et juridiques que vous entendez affecter au contrôle de l'immigration ?

Les négociations avec la Dominique et Sainte-Lucie prévoient-elles un volet de coopération judiciaire et policière ?

Enfin, êtes-vous en mesure de me communiquer le calendrier de mise en oeuvre des dispositions annoncées ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous estimez que le nombre accru des reconduites à la frontière effectuées en Guadeloupe, qui, pour l'année 2004, s'est élevé à 1 083, résulterait d'une pression migratoire en augmentation. J'y vois surtout le résultat de l'action déterminée menée par le Gouvernement dans la lutte contre l'immigration clandestine.

Vous reconnaissez d'ailleurs vous-même qu'une part importante des demandeurs d'asile recensés à la préfecture en 2004 est constituée d'immigrants irréguliers installés de longue date en Guadeloupe et qui cherchent ainsi à régulariser leur situation.

Pour ma part, je vois donc dans cette évolution la traduction d'une efficacité renforcée de l'action des services de police et de gendarmerie, action qui incite tous ces clandestins se sentant plus menacés qu'auparavant à régulariser leur situation.

Face à la situation que vous décrivez et que je ne conteste absolument pas, le Gouvernement a déjà adopté des mesures concrètes et il a l'intention de renforcer encore son action.

D'abord, l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a déjà effectué deux missions spécifiques en Guadeloupe, se rendra désormais une fois tous les deux mois dans ce département, ce qui permettra d'auditionner plus rapidement les demandeurs d'asile et d'éviter que ces derniers ne puissent se maintenir durablement sur le territoire alors même que leur demande ne serait pas fondée.

Ensuite, la surveillance maritime de la passe des Saintes, qui est déjà une priorité, sera renforcée.

Le bateau de la direction interrégionale des douanes a assuré une présence de 1 220 heures en 2004, de jour et de nuit, mais cela n'exclut pas l'intervention des autres moyens nautiques de l'Etat, qu'ils relèvent de la PAF, la police aux frontières, de la gendarmerie ou de la marine nationale.

J'ai donné des instructions écrites au préfet de la Martinique, qui, comme vous le savez, est chargé de l'action de l'Etat en mer sur toute la zone des Antilles, pour que la présence des moyens nautiques de l'Etat soit très sensiblement augmentée en 2005 aux abords des côtes de la Guadeloupe.

De même, une mission d'experts évalue en ce moment l'intérêt d'installer un radar de surveillance de cette zone qui connaît une intense circulation maritime.

Enfin, les accords de réadmission sont, de mon point de vue, le moyen le plus approprié pour mener une action efficace de coopération avec les Etats voisins dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine.

A ma demande, des instructions ont été données par le ministre des affaires étrangères afin que les négociations engagées depuis plus d'un an avec la Dominique soient menées à leur terme rapidement.

Je rappelle que des accords de réadmission ont déjà été signés avec plusieurs Etats de la région et qu'ils ont déjà fait la preuve de leur efficacité. J'en ai signé un avec le Surinam en novembre 2004 ; je signerai, lors d'un prochain déplacement en Martinique, l'accord qui a été négocié avec Sainte-Lucie. Je veux d'ailleurs souligner que la négociation avec Sainte-Lucie a été rendue beaucoup plus difficile en raison des mesures prises par le précédent gouvernement, qui avait dispensé les Saint-Luciens de visa sans avoir obtenu de contrepartie.

Par ailleurs, je me félicite que vos collègues députés, Joël Beaugendre et Gabrielle Louis-Carabin, aient déposé une proposition de loi pour que les mesures dérogatoires qui sont actuellement uniquement applicables à Saint-Martin soient étendues à toute la Guadeloupe, en particulier le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière.

Je rappelle que le caractère non suspensif s'attachait auparavant à ces recours dans l'ensemble des départements d'outre-mer ; je déplore que, par la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, dite loi « RESEDA », le gouvernement de M. Jospin ait supprimé, sauf pour la Guyane et pour Saint-Martin, ce dispositif qui permet de donner une pleine efficacité à la procédure de reconduite à la frontière.

Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement répond par des mesures concrètes aux préoccupations que vous exprimez dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine.

Vous avez eu raison de rappeler que ce sujet relève de la seule compétence de l'Etat, qui n'a absolument pas l'intention de faire preuve du moindre laxisme dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, car il y a en Guadeloupe une inquiétude grandissante.

Vous avez, certes, annoncé un certain nombre de mesures, mais vous n'avez pas répondu à ma question sur le calendrier, au sujet duquel il serait intéressant que vous nous donniez des précisions.

Si j'interviens aujourd'hui et si des actions concrètes sont annoncées par le Gouvernement, c'est parce qu'il existe un réel problème. Nous souhaitons donc, madame la ministre, que vous nous rassuriez afin que la population ne tombe pas dans une dérive xénophobe qui se dessine.