politique sociale en France

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

M. Didier Boulaud. Il n'est pas là ! (Sourires - M. le Premier ministre sourit également.)

M. Bernard Piras. Les nombreux mouvements sociaux en cours illustrent le profond pessimisme des Français, fondé en grande partie sur l'incohérence, la nature injuste, l'inefficacité et l'absence de sincérité de la politique conduite par le Gouvernement. (Oh ! sur les travées de l'UMP.) Les Français ne croient plus en vous.

Votre politique est incohérente, car les mesures prises, qui réduisent inéluctablement le pouvoir d'achat des Français, vont à l'encontre du cercle vertueux d'une politique de relance de la consommation et donc de la croissance.

Pensez-vous réellement que le blocage des salaires dans la fonction publique et dans les entreprises, l'augmentation des prélèvements de trois milliards d'euros, la hausse des tarifs du gaz, de l'électricité, de France Télécom, des carburants et autres prix à la consommation favorisent l'augmentation de ce pouvoir d'achat ?

Votre politique est injuste en raison de la répartition inéquitable des sacrifices. La récente étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques souligne que, en 2005, les réformes sociales en matière de retraite, d'assurance maladie, de dépendance coûteront deux fois plus aux ménages qu'aux entreprises, soit 3,4 milliards d'euros contre 1,9 million d'euros.

Par ailleurs, l'ensemble des mesures présentées par le Gouvernement concernant les prélèvements obligatoires, impôts et cotisations sociales conduiront, en 2005, à une augmentation de 2,375 milliards d'euros de la ponction sur les ménages, mais à une baisse de 785 millions d'euros de la ponction sur les entreprises.

Votre politique est inefficace. Loin de donner les résultats annoncés - contrepartie assurée, selon vous, des efforts demandés aux Français -, cette politique aboutit à allumer au rouge tous les voyants socioéconomiques : le chômage, le commerce extérieur, les bénéficiaires du RMI...

M. Bernard Piras. La fracture sociale est d'une ampleur jamais atteinte jusqu'ici !

Enfin, votre politique n'est pas sincère. L'orientation prise lors de la nouvelle phase de décentralisation va conduire inéluctablement à une rupture d'égalité des citoyens pour l'accès aux services publics et à une augmentation importante de la fiscalité locale, laquelle ne se caractérise pas par son équité.

M. Bernard Piras. Monsieur le Premier ministre, quelles conséquences tirez-vous de l'échec de votre politique économique, de l'augmentation de la fracture sociale, de l'angoisse sociale qu'expriment les mouvements sociaux de cette semaine ? Et de grâce, ne me faites pas le coup de l'héritage ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Bien joué !

M. le président. Monsieur Piras, vous avez remarqué que vous avez été écouté silencieusement, sans être interrompu.

M. François Trucy. Pourtant, c'était dur !

M. Didier Boulaud. Parce que c'était une bonne question !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est cela le dialogue !

M. Bernard Piras. C'était consensuel !

M. Raymond Courrière. Qu'on ne nous parle pas de l'héritage !

M. le président. Je demande que chacun fasse un effort pour que le débat se déroule dans la sérénité, comme cela vient d'être le cas.

La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le sénateur Piras,...

M. Raymond Courrière. Non ! Pas l'héritage ! (Sourires.)

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... je parlerai non pas d'héritage,...

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... mais de réalité.

La réalité pour cette année, en termes de revenus, ce sera, en juin prochain et pour la troisième fois, un coup de pouce sur le smic ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) En moins de trois années, le smic aura augmenté dans notre pays de plus de 13  % ! C'est sans précédent !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cet effort représente l'équivalent d'un treizième mois.

En outre, cette année, la fiche de salaire des fonctionnaires marquera une augmentation de 3,1 %.

Mme Hélène Luc. C'est loin d'être suffisant !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Au-delà de ce que vous dites, monsieur le sénateur, le Gouvernement a une véritable réponse globale qui s'appelle le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'est pas financé !

M. Yannick Bodin. Cela, c'est l'héritage !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce texte va entrer maintenant en vigueur.

Il tend à répondre aux grandes préoccupations des Français, lesquelles sont l'emploi, la réduction des inégalités, le logement.

M. Jacques Mahéas. Catastrophique !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'agissant du logement, nous avons d'ores et déjà signé trois conventions, l'une relative au 1 % logement, qui représente un montant de 210 millions d'euros,...

M. Raymond Courrière. Vous n'avez pas un sou !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... une convention avec les sociétés d'économie mixte hier, et une convention avec les organismes bailleurs d'HLM voilà quelques semaines.

M. Didier Boulaud. Rien n'est réglé !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Dans quelques jours, vous constaterez que, en termes de logements construits, les chiffres qui ont déjà été obtenus par le Gouvernement au cours de l'année 2004 ont un visage bien différent de ceux qui étaient affichés en 1999 ou en 2000. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Raymond Courrière. Les violons !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. En matière d'apprentissage, grâce à la mobilisation du secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes, Laurent Hénart, 1 600 euros sont d'ores et déjà versés par apprenti.

M. Raymond Courrière. Vous n'avez pas un sou ! Ce sont les régions qui paient !

M. Jacques Mahéas. Il n'y a aucun volontaire !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. En outre, nous avons signé hier le programme de la mission Lachman-Griset sur l'apprentissage.

Enfin, s'agissant de la réduction des inégalités, souvenons-nous du débat qui s'est tenu dans cette enceinte et de sa qualité ! Dès cette année, la dotation de solidarité urbaine, ou DSU, pour les communes les plus en difficulté dans notre pays, est augmentée de 120 millions d'euros.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qui l'a créée ?

M. Jacques Mahéas. Et la DGF, c'est moins combien ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Si ces mesures ne concourent pas à la réduction de la fracture sociale, que sont-elles, monsieur le sénateur ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Mahéas. Et les compensations ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. A la demande du Président de la République et du Premier ministre, les décrets d'application seront soumis au Conseil d'Etat avant le 10 février, afin que les mesures portant parcours de retour vers l'emploi soient mises en oeuvre.

M. Raymond Courrière. Le taux de chômage augmente !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je suis certain, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous tous, élus des collectivités territoriales, quelle que soit notre appartenance politique, nous nous mobiliserons autour des valeurs de la République, au lieu de nous diviser sur tel ou tel point, car c'est bien à la cohésion de la République que je fais appel aujourd'hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Boulaud. On a rempli la besace de promesses !

Article 55 de la loi « solidarité et renouvellement urbains » (quota de 20% de logements sociaux)

M. le président. La parole est à M. José Balarello.

M. José Balarello. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, ma question s'adresse à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

Monsieur le ministre, lors de votre intervention au Sénat le 9 décembre 2004, vous avez indiqué que vous vouliez développer très fortement l'accession à la propriété, compte tenu du fait que le pourcentage de propriétaires en France n'est que de 57 % alors qu'il est de 82 % en Espagne, de 67 % au Royaume-Uni et de 64 % en Italie, ce qui nous place au dixième rang dans l'Europe des Quinze.

Par ailleurs, l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, ne prévoit pas dans son inventaire des logements sociaux les logements vendus par les organismes d'HLM à leurs locataires, alors que ces ventes constituent un élément très important dans la recherche de la cohésion sociale. En effet, il est avéré que le vandalisme cesse lorsqu'il y a une part importante de propriétaires dans les logements d'HLM.

Nous avons expérimenté cette idée dans les Alpes-Maritimes et, en dépit des critiques de certains - à l'époque, beaucoup s'opposaient à ces ventes -, nous avons vendu près de 700 logements sociaux aux locataires, et ce tant en application de la loi Maziol du 10 juillet 1965, ce que beaucoup ignorent, qu'en vertu de la loi Méhaignerie du 23 décembre 1986, dont je fus le rapporteur dans cette enceinte.

Or, monsieur le ministre, il me paraît important que tous ces logements vendus par les organismes d'HLM à leurs locataires en vertu des lois de 1965 et 1986 soient pris en compte dans le décompte de l'article 55 de la loi SRU.

Monsieur le ministre, comment voulez-vous atteindre rapidement le pourcentage de propriétaires existant dans les autres pays européens si les élus locaux, qui sont souvent administrateurs d'organismes d'HLM et gestionnaires de villes et de communautés d'agglomération, sont contraints de faire payer les pénalités prévues à l'article 55 de la loi SRU par lesdites villes, s'ils désirent vendre les logements d'HLM à leurs locataires ?

Ne pensez-vous pas qu'il serait plus équitable de dire tout simplement dans le texte de loi qui est en préparation que seront pris en compte, pour l'article 55 de la loi SRU, tous les logements vendus en application des lois du 10 juillet 1965 et du 23 décembre 1986 et non pas seulement ceux qui sont vendus depuis cinq ans, comme vous le projetez ? Si vous ne le faites pas, vous pénaliserez alors des départements qui, dès 1965, ont impulsé la politique d'accession sociale à la propriété. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord vous demander d'excuser Marc-Philippe Daubresse, qui est retenu par un engagement.

M. Paul Raoult. Il fait campagne dans le Nord !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mais le pôle de cohésion sociale est un et indivisible ! Je répondrai donc à votre question.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quel festival !

M. Paul Raoult. Un one man show!

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Tout d'abord, je tiens à le souligner, l'accession sociale à la propriété est au nombre des priorités du Gouvernement.

M. Didier Boulaud. Une de plus !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. La rénovation du prêt à taux zéro pour en faciliter l'accès et valoriser ses aspects positifs est l'un des projets que nous allons présenter dans quelques jours au pôle de cohésion sociale - Marc-Philippe Daubresse aura d'ailleurs l'occasion de développer devant vous ses lignes principales -, car faciliter l'accession sociale à la propriété est essentiel, et c'est d'ailleurs l'une des valeurs que le Gouvernement défend.

Monsieur le sénateur, vous évoquez l'article 55 de la loi SRU, article qui prévoyait de manière autoritaire un taux de logements sociaux.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est la loi !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. La mixité et la répartition harmonieuse des logements sociaux conventionnés font bien partie des objectifs du Gouvernement, ...

M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... et c'est, me semble-t-il, un objectif que nous partageons tous ensemble.

Dans le cadre du projet de loi Habitat pour tous, Marc-Philippe Daubresse aura l'occasion de consulter les bailleurs sociaux, l'Association des maires de France et des associations qui sont notamment engagées dans le domaine du logement social, du logement des plus démunis, afin d'atteindre l'objectif de la diversité dans le domaine du logement, de connaître le taux d'effort tant des communes qui s'engagent dans la construction de logements sociaux que de celles qui ne s'y engagent pas, et de revoir un certain nombre de critères relatifs à la typologie des logements classés « logements sociaux ».

Le Gouvernement travaille dans la concertation,...

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... et il a la volonté de parvenir à une diversité dans le domaine du logement et de l'habitat sur l'ensemble du territoire.

M. Robert Bret. Même à Neuilly ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il présentera en conseil des ministres, sans doute au mois de mars, le projet de loi Habitat pour tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Boulaud. Mars de quelle année ?

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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dÉveloppement des territoires ruraux

Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. Nous reprenons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif au développement des territoires ruraux (nos 27, 138).

Art. additionnels après l'art. 20 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au développement des territoires ruraux
Rappel au règlement

Articles additionnels après l'article 20 (suite)

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à la suite des explications de vote sur l'amendement n° 91 tendant à insérer un article additionnel après l'article 20.

Je précise que cet amendement a été rectifié afin de supprimer le gage.

Je suis donc saisi d'un amendement n° 91 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, et ainsi libellé :

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les charges résultant pour les collectivités territoriales des transferts, création et extension de compétences réalisées par la présente loi sont compensées dans les conditions définies par une loi de finances.

La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan, rapporteur. Je souhaite indiquer à notre collègue Michel Mercier, qui est un constitutionnaliste, qu'il n'était peut-être pas nécessaire de réaffirmer ce point dans une loi sur le développement des territoires ruraux. Surtout, il s'agit d'une compétence qui ouvre la possibilité au conseil général d'intervenir dans ces zones. Aujourd'hui, l'Etat n'a pas de compétences spécifiques en la matière.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Au travers de cet amendement, on touche à deux questions essentielles : la confiance et les moyens qui sont mis à la dispositions des collectivités locales pour assumer un certain nombre de responsabilités.

Je me souviens qu'au début de la discussion de l'article 1er de ce projet de loi j'avais, au nom de mon groupe, interrogé le secrétaire d'Etat qui se trouvait au banc du Gouvernement : les exonérations décidées dans les ZRR au bénéfice des entreprises, mais à la charge des communes, étaient-elles compensées à l'euro près pour les communes ? M. de Saint-Sernin m'avait répondu que, depuis les lois Pasqua, les exonérations étaient, de droit, compensées à l'euro près.

Or tous ceux qui, ici, sont maire ou président d'un office public d'HLM savent que, lorsque le Gouvernement décide d'accorder une exonération de taxe sur le foncier bâti et que la loi prévoit une compensation, l'Etat rembourse, en fait, 1,18 % de cette exonération !

Les nouvelles compétences assurées par les communes, les intercommunalités ou les départements doivent être compensées à l'euro près, puisqu'on demande à ceux-ci, notamment aux départements, de se substituer à l'Etat.

Pour ce qui est des exonérations ou des transferts, la règle doit être connue de tous. Si l'amendement qui nous est proposé est adopté, il constituera une garantie à opposer aux plus craintifs des élus des territoires de notre pays, à qui l'on demandera, dès l'adoption de cette loi, d'assumer de nouvelles compétences ; ils ne craindront plus de devoir faire supporter de nouvelles charges par les budgets, soit intercommunaux, soit départementaux, quelques mois après la mise en place des nouvelles compétences.

C'est une question de bon sens ! En outre, un signe de confiance doit être adressé aux élus territoriaux.

M. le président. La parole est à M. Eric Doligé, pour explication de vote.

M. Eric Doligé. Il y a la loi et la réalité. On constate parfois, sur le terrain, des divergences d'interprétation de la loi d'un département à l'autre ; c'est le cas, en l'occurrence, pour la loi du 13 août 2004.

Si nous sommes convaincus que les transferts seront compensés à l'euro près - il y aura un Observatoire de la décentralisation, une commission, un comité... bref, un certain nombre de structures apporteront des garanties -, nous avons le sentiment que, à l'instar du dollar et de l'euro - il faut 1,3 dollar pour acheter un euro -, des écarts de parité peuvent exister dans la décentralisation.

L'amendement n° 145 rectifié ter que j'ai présenté avec un certain nombre de mes collègues est identique, à peu de chose près, à l'amendement n° 91 de Michel Mercier, qui a été modifié par la suppression du gage.

Je retire donc mon amendement au bénéfice de l'amendement n° 91 rectifié, monsieur le président.

Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous assurer que des compensations seront bien prévues ? Nous avons besoin de cette certitude pour déterminer notre vote. En effet, s'il y a la loi du 13 août 2004, il y a aussi toutes les lois antérieures et toutes les lois postérieures, comme celle que nous allons voter ici, lois qui, à chaque fois, créent de nouveaux transferts de compétences, dont on ne sait pas s'ils seront intégralement compensés.

Les créations de nouvelles compétences pour les collectivités locales seront-elles bien prises en compte lorsqu'on fera une analyse a posteriori des « clauses de revoyure », comme cela est prévu dans certains textes ? Vérifiera-t-on alors que les collectivités locales ne supportent pas de charges supplémentaires ?

Notre inquiétude concerne non pas les lois que nous votons, mais la manière dont celles-ci peuvent être appliquées.

Je me permets à nouveau de vous demander, monsieur le secrétaire d'Etat, comme à vos collègues du Gouvernement, de faire passer le message : lorsque nous débattons d'une loi, nous donnons un certain nombre d'orientations, notamment au travers des amendements que nous présentons. Or nous avons parfois le sentiment que les différentes administrations de l'Etat qui appliquent les lois sur le terrain oublient les interprétations que l'on a données aux lois. Les écarts sont assez sensibles ; nous le voyons bien dans les négociations.

Nous souhaitons avoir le Gouvernement à nos côtés pour nous aider dans la négociation auprès des administrations de l'Etat sur le territoire.

M. le président. L'amendement n° 145 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Philippe Arnaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 91 rectifié.

M. Philippe Arnaud. Je souhaite simplement répondre à un argument qui a été utilisé tout à l'heure et qui tendrait à accréditer l'idée que, si nous votions l'amendement n° 91 rectifié, ce serait un acte de défiance à l'égard du Gouvernement. Au contraire, c'est un acte de confiance, et qui est tout à fait conforme à la position du Gouvernement.

Certes, la Constitution pose le principe fondamental de la couverture financière des compétences transférées. Mais ce principe doit être mis en oeuvre par la loi. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement, chaque fois qu'il transfère une compétence, prévoit un article de loi qui en assure le financement. Nul ne peut douter un instant que le Gouvernement n'ait pas confiance en lui-même ! Avec cet amendement, nous adoptons une position cohérente avec celle du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. L'amendement n° 91 rectifié prévoit de renvoyer la définition des conditions de compensation à une loi de finances.

M. Michel Mercier. C'est ce que prévoit la Constitution !

Mme Nicole Bricq. Dès lors, il s'inscrit pleinement dans le débat qui a eu lieu au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2005. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a alors rappelé qu'il s'agissait d'une question de principe : il revient à la loi de finances de prévoir ces dispositions ; cela a été un leitmotiv vis-à-vis du Gouvernement.

Il n'est donc question ni de confiance ni de défiance ! Il faut respecter ce principe ; c'est une préoccupation que nous partageons sur l'ensemble des travées.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Je précise tout de suite que, si j'ai supprimé le gage de l'amendement n° 91, c'est parce qu'il n'avait pas lieu d'être.

Plusieurs amendements quasiment identiques ont été déposés pratiquement par l'ensemble des groupes de cette assemblée. J'invite donc tous les auteurs de ces amendements à se rallier à l'amendement n° 91 rectifié, qui correspond à la formulation que le Gouvernement utilise habituellement depuis 2002 chaque fois qu'une loi crée, transfère ou étend des compétences. Ce n'est pas une querelle d'auteur ! Je souhaite seulement être un bon serviteur de la décentralisation.

Au lendemain de la mise en place, sous la haute autorité de M. le président du Sénat, de l'Observatoire de la décentralisation, il serait bon de rester fidèles aux règles posées par la Constitution et par la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales en matière de financement de la décentralisation.

C'est la raison pour laquelle j'invite l'ensemble des membres du Sénat à voter cet amendement n° 91 rectifié.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Mon propos, en cet instant, s'inscrira dans la ligne de ce qu'a très clairement dit M. le rapporteur tout à l'heure.

Monsieur Mercier, vous proposez de rappeler précisément dans le corps de ce texte le fait que doivent être compensées les charges nouvelles résultant, pour les collectivités territoriales, d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences réalisés en application de ce même texte.

Cependant, il existe maintenant une garantie constitutionnelle, telle que, dans le cas où un transfert de compétence serait réputé non compensé, le Conseil constitutionnel pourrait trancher.

Au demeurant, cette question a été largement débattue lors de l'examen de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

J'ajoute que, aux termes de l'article 36 de la LOLF, c'est bien au sein de la loi de finances qu'est organisée cette compensation.

Sans doute un tel rappel a-t-il été inscrit dans d'autres textes, mais c'était avant que ne soient posés ces différents verrous. Il y a donc un risque de redondance.

Le Sénat va se prononcer, mais je n'ai pas le sentiment que cette précision soit nécessaire. C'est pourquoi j'ai émis tout à l'heure, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.

Vous dites, monsieur Arnaud, que le vote de cet amendement serait un acte de confiance, mais, sans aller jusqu'à dire que ce serait au contraire un acte de défiance, je dois tout de même vous faire observer qu'un tel amendement pourrait être interprété comme la manifestation d'un doute vis-à-vis d'un gouvernement qui, avec sa majorité, a tenu à donner à ces compensations une garantie constitutionnelle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UC-UDF.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 76 :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 310
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 169
Contre 151

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20, et les amendements n°s 246 et 296 n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 146 rectifié quater est présenté par MM. Sido,  de Broissia,  Bailly,  Le Grand,  Leroy,  du Luart,  Dériot,  Doligé,  Vial,  Beaumont,  Fouché,  Faure,  Hérisson,  Émin,  Belot et  Fournier.

L'amendement n° 245 est présenté par MM. Le Cam,  Billout et  Coquelle, Mmes Demessine,  Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 122-4 du code de l'urbanisme, le mot : « exclusivement » est supprimé.

La même phrase est complétée par les mots : « et du Conseil général, à sa demande ».

La parole est à M. Eric Doligé, pour présenter l'amendement n° 146 rectifié quater.

M. Eric Doligé. Cet amendement a pour objet de rendre compatibles les nouvelles compétences avec les schémas de cohérence territoriaux, les SCOT, afin de parvenir à des politiques cohérentes d'aménagement et de protection du territoire.

Les élus des départements suggèrent qu'il leur soit possible de rejoindre leurs homologues communaux et intercommunaux au sein des syndicats mixtes chargés d'élaborer les SCOT.

Compte tenu des nouvelles compétences des assemblées départementales, il serait ennuyeux qu'elles ne soient pas associées à l'élaboration des SCOT et que des politiques différentes soient menées sur une compétence qui échoit au conseil général.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 245.

M. Gérard Le Cam. Je considère que l'amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Cet amendement avait déjà fait l'objet d'un débat au Sénat au moment de la discussion de la loi urbanisme et habitat.

Il semble en effet indispensable que les départements soient associés à l'élaboration du SCOT.

Cette exigence est toutefois prise en compte par le code de l'urbanisme puisque celui-ci prévoit expressément que le département est associé à l'élaboration du projet de schéma à la demande du président du conseil général.

Pourtant, il est vrai que l'importance prise aujourd'hui par les SCOT pose dans des termes renouvelés la question de l'intégration des départements, à leur demande, dans la mesure où ces derniers ont des compétences importantes quant à l'aménagement du territoire.

Je répète à mes collègues présidents de conseils généraux qu'ils ont un avis à donner sur tous ces documents relatifs à l'urbanisme. Ils sont donc bien saisis sur les SCOT.

Les auteurs des amendements souhaitent que les élus départementaux puissent être physiquement présents ; il me semble nécessaire de laisser une certaine liberté aux structures intercommunales qui mettent en place les SCOT, le conseil général étant de toute façon amené ensuite à donner son avis.

C'est pourquoi, et pour ne pas être désagréables à nos collègues, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est défavorable. (M. Eric Doligé s'exclame.) Vous connaissez ma franchise spontanée, monsieur Doligé !

Lors de la discussion de la loi urbanisme et habitat, votée il y a un an, le Gouvernement avait tenu à clarifier les responsabilités dans l'élaboration des documents d'urbanisme : les SCOT sont élaborés par les communes et les EPCI, regroupés dans un syndicat mixte. L'Etat, la région et le département, de leur côté, doivent impérativement être associés par le syndicat mixte à cette élaboration.

Dans ces conditions, il ne serait pas logique que le département ou la région, déjà impérativement associés, soient en même temps membres du syndicat mixte. Je pense que c'est là un argument de bon sens.

Comme l'a dit M. le rapporteur, laissons les communes et les EPCI élaborer leur SCOT, sachant qu'ils doivent de toute façon prendre l'avis de l'Etat, de la région et du département.

De surcroît, je ne suis pas certain qu'il faille changer la loi tous les ans.

C'est ce qui me conduit, tout en comprenant le souci des auteurs de ces amendements, à leur demander de les retirer.

M. le président. Monsieur Doligé, l'amendement n° 146 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Eric Doligé. Le président de la commission a fait preuve d'une grande élégance en donnant son avis et vous, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une non moins grande franchise.

J'ai bien entendu les arguments qui nous ont été opposés, et il me semble que les rappels qui ont été faits tant par la commission que par le Gouvernement n'étaient pas inutiles. Il n'est pas mauvais, en effet, que, sur le terrain, les élus départementaux ou régionaux puissent s'appuyer sur ces commentaires pour bien faire comprendre que des collectivités autres que celles qui sont directement intéressées doivent également être impliquées. Car, une fois les SCOT réalisés, on ne manque pas de solliciter le département et la région afin qu'ils aident les collectivités à réaliser les programmes projetés.

Cela étant dit, je retire l'amendement.

M. Gérard Le Cam. Je retire également l'amendement n° 245, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 146 rectifié quater et 245 sont retirés.

L'amendement n° 212 rectifié, présenté par MM. de Montesquiou et  Goulet, est ainsi libellé :

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la troisième  phrase du quatrième alinéa de l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme, les mots : « cent mètres » sont remplacés par les mots : « deux cents mètres ».

La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. La loi urbanisme et habitat du 2 juillet 2003, qui a mis fin à de nombreuses dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », est venue apporter de substantielles améliorations aux conditions de développement des zones rurales. C'est heureux !

Je rappelle que nous avons eu ici, à ce sujet, de longues discussions, mais que nous avons réussi, notamment, à introduire un volet sur la participation pour voirie et réseaux, la PVR.

Le conseil municipal peut ainsi voter une délibération qui permet de faire prendre en charge tout ou partie de la construction ou de l'extension des réseaux par les propriétaires riverains, l'entretien demeurant à la charge de la commune.

La loi a utilement assoupli la distance aux réseaux, la faisant passer de 80 mètres à une extension comprise entre 60 et 100 mètres, « en fonction des circonstances locales », comme le précise l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme.

Toutefois, si cette limite supérieure est suffisante dans les zones urbaines, il est évident qu'une distance de 100 mètres est bien trop faible dans les zones rurales.

En juin 2002, Aymeri de Montesquiou et moi-même avions déposé une proposition de loi où nous suggérions de faire passer cette distance à 150 mètres.

Après avoir entendu les réactions de nombreux maires, qui ont l'expérience du terrain et vivent ses réalités, il nous est apparu que cette distance était encore insuffisante.

C'est pourquoi, par cet amendement, nous vous proposons d'étendre la distance à 200 mètres, pour permettre de mieux répondre aux réels besoins locaux et contribuer ainsi à un développement à la fois dynamique et maîtrisé de l'urbanisme dans les zones rurales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Le code de l'urbanisme prévoit actuellement que la PVR peut s'appliquer jusqu'à 80 mètres de la voie, cette distance pouvant être portée à 100 mètres en fonction des circonstances locales.

La modification proposée appelle de sérieuses réserves.

Je rappelle tout d'abord que le régime de financement des voiries et réseaux a connu, ces dernières années, de très nombreux changements, qui ont conduit à une situation d'insécurité juridique préjudiciable aux élus. Faut-il le modifier à nouveau, alors que le régime issu de la loi urbanisme et habitat n'est que très récemment entré en vigueur ?

En outre, l'extension jusqu'à 200 mètres pose des problèmes : non seulement cela peut provoquer un mitage supplémentaire, mais il faut aussi considérer la nécessité pour les communes d'assurer l'entretien de la voirie lorsque les constructions sont éloignées.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, sur lequel elle émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Pour prolonger ce que vient de dire très justement M. le rapporteur, je rappellerai que la loi urbanisme et habitat a réformé cette participation pour voies et réseaux afin de la rendre plus opérationnelle.

Le ministre de l'équipement a demandé au conseil général des Ponts et Chaussées une première appréciation de l'application de cette loi un an après sa promulgation. Ce rapport a montré que, dans l'ensemble, sur la base d'une distance de 100 mètres, le nouveau système fonctionne correctement.

Le Gouvernement est prêt à étudier des améliorations qui pourraient éventuellement être encore apportées à la participation pour voirie et réseaux. Je crois cependant qu'un peu de recul est nécessaire. Il faut éviter de modifier la loi immédiatement après le début de son application.

Je propose donc, monsieur Goulet, que nous travaillions ensemble, que nous nous donnions le temps d'étudier de possibles améliorations à cette règle des 100 mètres : je ne sais s'il faut aller jusqu'à 200 mètres ou, plus modestement, à 150 mètres, comme vous l'avez un temps proposé.

Dans cet esprit, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Goulet.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. L'argumentation développée par le rapporteur me surprend. En tant qu'élu d'un département rural, il devrait pourtant connaître la situation que vivent les communes rurales et leurs maires ! J'ai le sentiment qu'il est prisonnier des avis que lui dictent les collaborateurs soit de la commission, soit du Gouvernement.

Monsieur le rapporteur, si vos propos s'appuyaient sur la connaissance que vous avez du terrain - ma remarque vaut d'ailleurs également pour M. le secrétaire d'Etat -, vous reconnaîtriez que la demande de notre collègue Daniel Goulet est tout à fait fondée !

Pourquoi repousser cette décision, alors que nous vivons cette situation aujourd'hui ? Nous sommes un certain nombre de parlementaires, ici ou à l'Assemblée nationale, élus ruraux, maires de communes rurales, conseillers généraux de cantons ruraux, à bien connaître tous ces problèmes pour y être confrontés quotidiennement ! Et ce n'est ni par plaisir ni par désir de surenchère que nous demandons des aménagements de la loi ! S'il faut attendre que soient rendues des études qui prendront plusieurs mois, nous parlerons encore de ces difficultés dans cinq ou dix ans !

Par mon expérience de dix ans de mandat parlementaire, je sais qu'il a fallu parfois intervenir dix fois par voie d'amendements afin que, enfin, telle ou telle demande soit entendue. Faites confiance aux parlementaires, qui sont des hommes de terrain ! Il n'est pas utile de questionner des technocrates ou des fonctionnaires du ministère de l'équipement, encore moins de commander des études savantes pour s'apercevoir que cette demande est justifiée !

Battons le fer pendant qu'il est chaud et votons cette mesure. Non seulement nous rendrons service aux communes rurales, mais nous oeuvrerons pour le bien de tout le pays ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur.

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Mon collègue Alain Vasselle vient de me mettre en cause : selon lui, en tant qu'élu rural, je devrais comprendre certaines choses...

Il le sait, nous exerçons la même profession, mais je suis un peu plus âgé que lui et je connais vraiment la ruralité par coeur ! Au sein d'un conseil général, j'ai eu pendant dix-huit ans la responsabilité de l'ensemble de l'aménagement et de l'équipement rural, qu'il s'agisse de l'eau, de l'assainissement, de l'électrification ou de l'entretien de rivières.

Qu'Alain Vasselle se rassure ! Je fais peut-être montre d'un certain flegme lorsque je présente des amendements, et plus encore lorsque je dois donner un avis défavorable, mais j'ai le sens des responsabilités. Jamais les personnes qui m'entourent, même si je leur demande conseil, ne m'ont dicté mes décisions ! Et je ne suis pas plus sensible à ce que le secrétaire d'Etat peut me dire, quand bien même il appartient à un gouvernement que je soutiens.

Pour chaque amendement déposé, j'ai accompli mon travail de président de commission et de rapporteur, et les collaborateurs qui m'entourent ont travaillé avec ceux du Gouvernement. Mais, à aucun moment, je puis vous l'assurer, je ne me suis laissé influencer.

En outre, mon cher collègue, les avis que je rends ici sont ceux de la commission des affaires économiques, laquelle est la plus importante du Sénat puisqu'elle comprend soixante-dix-huit sénateurs. Et sachez que, quand cette commission s'est réunie pour examiner le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, beaucoup de ses membres étaient présents. J'ajoute que, si les travées sont un peu plus clairsemées aujourd'hui, l'hémicycle comptait hier beaucoup plus de sénateurs que lorsque c'est un texte d'ordre social ou relatif au travail qui est inscrit à notre ordre du jour.

Je ne peux accepter d'être accusé publiquement de me laisser influencer. Je ne reprendrai pas vos paroles, monsieur Vasselle, mais les fonctionnaires qui nous entourent ont, eux aussi, le sens des responsabilités. En proposant une extension à 200 mètres, vous savez très bien, chers collègues, que vous donnez des charges supplémentaires aux communes.

Je signale que, lorsqu'il s'est agi de mettre en place un SCOT dans la communauté de communes que je préside, en Saône-et-Loire, j'ai réussi à trouver un accord avec le maire de la commune la plus importante, qui est devenu depuis ministre de la justice. Les cabinets qui nous ont aidés dans cette mise en place nous ont ouvert les yeux sur ce qu'était véritablement l'environnement dans lequel nous baignons tous les jours. Je vous encourage d'ailleurs vivement, chers collègues maires et présidents de communautés de communes, à suivre une démarche de même nature.

Le mitage est un grave problème, car il dissuade les personnes de venir dans les communes touchées, surtout les touristes.

Pour préserver notre patrimoine, il faut l'organiser et mettre en oeuvre des SCOT sur nos communautés de communes. C'est la meilleure réponse ! En effet, par définition, le SCOT est un document d'orientation, qui ne fixe pas les parties constructibles. Je sais bien que le syndicat de l'électricité ou le syndicat d'alimentation en eau potable peut apporter 50 % ou 60 % du financement, mais le SCOT permet vraiment aujourd'hui aux maires des petites communes d'avoir une approche différente.

En proposant une extension à 200 mètres, permettez-moi de vous le dire, chers collègues, vous ne faites qu'encourager le mitage !

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Pour m'être beaucoup impliqué dans l'examen de la loi urbanisme et habitat, je comprends parfaitement ce que souhaitent obtenir nos collègues Aymeri de Montesquiou et Daniel Goulet en déposant cet amendement. Je comprends également la réaction de notre collègue Alain Vasselle, même si elle était, je le dis très franchement, nettement excessive à l'encontre de notre collègue président de la commission des affaires économiques, qui a indiscutablement une très grande connaissance de ces problèmes.

Il n'en reste pas moins que cet amendement, qui vise le périmètre déterminant l'assiette et le calcul de la PVR, n'a rien à voir avec les problèmes de mitage ou avec un alourdissement des charges. C'est simplement une modulation possible.

L'échange qui vient d'avoir lieu démontre que cette affaire est complexe et qu'il faut bien connaître à la fois le sujet et son terrain pour pouvoir apporter des modifications.

C'est pour cette raison que, lors de l'examen de la loi urbanisme et habitat, nous avions fait voter, avec l'accord du Gouvernement, un amendement imposant au ministre en charge de l'équipement et de l'urbanisme de déposer un rapport devant le Sénat un an après l'application de la loi.

Cette disposition n'est pas restée lettre morte puisque le ministre a commandé cet audit en questionnant des élus départementaux, des parlementaires, des DDE, et tout particulièrement les représentants des départements les plus ruraux et des communes les plus petites. Après que ce rapport aura été présenté officiellement au Parlement, nous pourrons, ainsi que le ministre s'y est engagé, examiner les dysfonctionnement selon une approche réfléchie et globale pour parfaire la loi urbanisme et habitat.

Voilà quelques mois seulement, une proposition de loi a été déposée par nos collègues socialistes pour modifier un des aspects de la loi urbanisme et habitat. En tant que rapporteur de ce texte, j'ai appelé le Sénat à voter contre cette proposition de loi pour le motif que je viens d'exposer. L'ensemble de la majorité sénatoriale et nos collègues socialistes ont compris les raisons qui fondaient ce rejet.

Attendons, je vous en prie, de disposer des résultats de l'audit pour avoir cette approche un peu plus globale et un peu plus réfléchie. Je sais l'impatience de notre collègue Alain Vasselle : je la partage. Mais je sais aussi que le Gouvernement a pris un engagement.

Voilà pourquoi je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Je laisse à Alain Vasselle le soin d'apprécier la manière dont les choses se déroulent au sein de la commission.

Je partage toutefois l'inquiétude des maires de nos communes rurales, qui ne sont pas du tout au fait des subtilités du fonctionnement des assemblées parlementaires. Le développement rural n'attend pas ! Lorsque des opportunités se présentent, il faut les saisir et notre rôle est bien de coller aux réalités. D'aucuns disent les vivre depuis quinze ou vingt ans. Moi, avec cinq mandats à l'Assemblée nationale et deux au Sénat, je les vis depuis trente-deux ans ! Quand je rentre dans mon département, les électeurs me demandent ce que nous faisons : ils attendent et rien ne vient !

Je maintiens donc cet amendement tout simplement parce que je ne veux pas tromper mes propres électeurs.

M. le président. La parole est à M. José Balarello.

M. José Balarello. Je voterai l'amendement qui nous est proposé.

Pratiquement tout le territoire du département dont je suis l'élu se trouve soit en zone littorale soit en zone de montagne. Et je ne parle pas des plans de prévention des risques naturels prévisibles qui concernent, par exemple, la ville de Menton ! Celle-ci est en quelque sorte située précisément à la jonction entre le champ de la loi littorale et celui de la loi montagne. Si l'on applique stricto sensu les dispositions de la loi montagne, ce qui est quelquefois la tentation de l'administration de l'équipement, on ne peut plus rien construire ! On est loin du mitage ! On ne peut même plus restaurer les vieilles ruines qui déparent notre environnement !

C'est la raison pour laquelle nous devons, tous ensemble, avoir le courage de nous pencher sur ces textes-là, notamment sur la loi montagne, et en assouplir les dispositions.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour un rappel au règlement.

Art. additionnels après l'art. 20 (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif au développement des territoires ruraux
Art. additionnels après l'art. 20

M. Alain Vasselle. Je dois reconnaître publiquement que j'ai été excessif dans mes propos à l'égard de Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et rapporteur de ce projet de loi. Je tiens donc à lui présenter mes excuses publiques ainsi qu'aux fonctionnaires de la commission des affaires économiques, dont je reconnais la qualité.

Je dois avouer que j'ai été quelque peu irrité par le résultat du vote sur l'amendement n° 91 rectifié, comme je l'ai été de constater que, trop souvent, il nous est demandé de reporter des décisions que nous pourrions prendre le jour même sous prétexte qu'il faut attendre la remise d'études ou de rapports.

Ma réaction a été un peu vive, je l'admets, mais vous connaissez ma passion et mon enthousiasme, mes chers collègues ! Sachez que j'ai beaucoup de considération et d'amitié pour le président Emorine et, sans revenir sur le fond de mon propos, je le prie de bien vouloir excuser la forme qu'il a prise.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. J'ai le sentiment, je le dis notamment à Alain Vasselle, que nous avons essayé dans ce texte, y compris au cours de cette deuxième lecture, de profiter au maximum des enrichissements du débat parlementaire. De nombreux amendements d'origine sénatoriale ont d'ailleurs reçu un avis de sagesse de la part du Gouvernement.

En outre, monsieur Vasselle, lorsque je propose que nous travaillions ensemble et que nous nous donnions un peu de temps, ce n'est pas dans le dessein de repousser une décision aux calendes ! J'en veux pour preuve l'ensemble des groupes de travail qui ont été créés entre la première lecture et la deuxième lecture de ce projet de loi : sur bien des points qui étaient encore peu clairs dans notre premier débat, leurs réflexions ont eu des résultats tout à fait fructueux. Il n'est que de voir le vote d'hier sur les amendements relatifs aux problèmes du vin et de la publicité collective.

Je fais à nouveau une telle proposition à Daniel Goulet parce que, à peine un an après la mise en application de la règle des 100 mètres, nous avons besoin de travailler sur la base du rapport qui, Philippe Arnaud l'a très bien rappelé, a été diligenté et qui sera présenté ici, comme l'a souhaité le ministre de l'équipement.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi relatif au développement des territoires ruraux
Art. 20 bis A

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 212 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 223 rectifié bis, présenté par MM. Vial,  Faure,  Hérisson,  Émin,  Belot,  Leroy,  Fournier et  Doligé, est ainsi libellé :

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 5211-41-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans l'hypothèse où un syndicat mixte compterait d'autres personnes publiques que les communes, ou établissements publics de coopération intercommunale, celles-ci ne seraient concernées administrativement, financièrement et ne pourraient délibérer que sur les questions relevant d'un champ de compétence commun, et préalablement défini statutairement. »

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé. Cet amendement vise à instaurer une meilleure lisibilité de l'organisation territoriale et à éviter l'écueil de l'empilement des structures, car il est indéniable que la population et même les élus ont parfois du mal à s'y retrouver...

J'aimerais connaître la position de la commission et du Gouvernement sur le syndicat mixte « à la carte », qui répond à un souci de souplesse, sans pour autant remettre en cause les prérogatives de chacun.

Avec cet amendement, une commune pourrait limiter sa participation à un syndicat mixte pour l'exercice d'une seule de ses compétences.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Le statut du syndicat mixte mérite un débat spécifique, qui trouverait mieux sa place à l'occasion de l'examen d'un texte autre que ce projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

La commission est défavorable à cet amendement, dont elle souhaite le retrait. Ce qui est proposé peut apparaître comme une facilité, mais, compte tenu de la grande variété des intercommunalités, une réflexion approfondie mériterait d'être engagée de manière à déboucher sur une solution réellement constructive.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Bien que partageant le souci de clarification et de simplification des auteurs de cet amendement, je me range aux arguments, d'une grande clarté, qu'a fait valoir M. le rapporteur. Pour les raisons qu'il a lui-même invoquées, j'émets un avis défavorable.

Un tel débat doit s'intégrer dans le cadre de l'examen d'un autre texte.

M. le président. Monsieur Doligé, votre amendement est-il maintenu ?

M. Eric Doligé. Ce sujet est d'une complexité extrême et nous ne faisons ici que l'entrevoir : si l'on tire sur un fil de la pelote, nous allons certainement voir se dévider une longue suite de difficultés !

Cela étant, je suis satisfait d'entendre dire qu'il nous faut nous attacher à remédier à l'empilement et à la complexité des structures, qui ne cessent de croître : en effet, au fil des lois, nous ajoutons de nouvelles structures à celles qui existent déjà et il n'est pas d'année où nous n'instaurions de nouveaux systèmes.

Je souhaite donc que nous réfléchissions au sujet. Pour l'heure, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 223 rectifié bis est retiré.