sommaire

présidence de M. Adrien Gouteyron

1. Procès-verbal

2. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Outre-mer

MM. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances ; Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les aspects sociaux ; MM. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements et régions d'outre-mer ; Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie ; Jean-Paul Virapoullé.

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le président.

Suspension et reprise de la séance.

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

3. Souhaits de bienvenue aux présidents d'Assemblées parlementaires des pays de la Méditerranée occidentale

4. Modification de l'ordre du jour

5. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Outre-mer (suite)

M. Adrien Giraud.

présidence de M. Roland du Luart

MM. Robert Bret, Daniel Marsin, Claude Lise, Robert Laufoaulu, Jean-Michel Baylet, Bernard Frimat, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Jean-Pierre Bel, Denis Detcheverry, Serge Larcher, Jacques Gillot.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

Crédits du titre III

M. Bernard Frimat.

Adoption des crédits.

Crédits du titre IV

Mme Jacqueline Gourault.

Adoption des crédits.

Crédits des titres V et VI. - Adoption

Article additionnel après l'article 73 nonies

Amendement no II-14 de Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, MM. le rapporteur spécial, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Retrait.

Suspension et reprise de la séance

Affaires étrangères

MM. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les affaires étrangères ; Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'aide au développement ; Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les relations culturelles extérieures et la francophonie ; Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l'aide au développement ; MM. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations extérieures ; Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie ; Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.

MM. Yves Pozzo di Borgo, Robert Bret, Aymeri de Montesquiou.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

MM. Jean-Pierre Plancade, Jean-Pierre Cantegrit, Mme Hélène Luc, M. Jacques Pelletier, Mme Josette Durrieu, M. Robert Del Picchia, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Louis Carrère, Christian Cointat, Christian Cambon, Mmes Maryse Bergé-Lavigne, Françoise Henneron, MM. Philippe Madrelle, Louis Duvernois, Mme Catherine Tasca, MM. André Ferrand, Bernard Fournier, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Michel Guerry,

MM. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères ; Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.

Crédits du titre III. - Adoption

M. le président de la commission des affaires étrangères.

Crédits des titres IV à VI. - Adoption

6. Dépôt d'un projet de loi

7. Transmission d'un projet de loi

8. Transmission d'une proposition de loi

9. Dépôt de rapports

10. Dépôt d'un rapport d'information

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures quarante-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Etat C - Titres V et VI (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Deuxième partie

Loi de finances pour 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Outre-mer (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73, 74).

Outre-mer

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Outre-mer (interruption de la discussion)

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'outre-mer.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, l'examen des crédits de l'outre-mer est, pour nous, l'occasion de dresser un tableau relativement vaste de l'ensemble des questions spécifiques aux départements et territoires français ultramarins.

Mme la ministre de l'outre-mer a, devant la commission des finances, le 27 octobre dernier, présenté les grandes lignes de son projet de budget. Les éléments très intéressants qu'elle a nous a livrés montrent bien l'ambition qui anime son ministère, sa vision et la place de l'outre-mer dans la République.

Pour ma part, et à titre liminaire, je ne puis que souscrire au programme à la fois ambitieux et réaliste du Gouvernement, et indiquer mon très fort attachement, ainsi que celui de la commission des finances, à une politique résolument tournée vers le développement économique de nos départements et collectivités d'outre-mer, qui - faut-il le rappeler ? - font partie intégrante de la République.

Cependant, avant d'entamer mon analyse strictement budgétaire, j'évoquerai un point qui n'est pas que de détail : il s'agit des réponses aux questionnaires budgétaires.

Pour être clair, les réponses nous sont parvenues avec retard et sont, pour beaucoup d'entre elles, incomplètes. Mon collègue M. Roland du Luart avait, d'ailleurs, fait cette même remarque l'année dernière. Je sais, madame la ministre, que, sensible au fait que nous allons maintenant entrer dans l'ère de la loi organique, vous estimerez, comme nous, que le Parlement doit être parfaitement informé des crédits votés et de leur utilisation.

Mon propos portera sur quatre points : l'évolution du budget du ministère de l'outre-mer, qui est très controversée, les crédits destinés à l'emploi et au logement, la mise en oeuvre de la LOLF du 1er août 2001 et les particularités de l'outre-mer.

Premier point : l'évolution exacte des crédits de l'outre-mer.

Les débats à l'Assemblée nationale ont donné lieu à un jeu assez curieux, puisque, selon les orateurs, l'évolution du budget passait d'une augmentation de 52 % à une diminution de 10 %. Chacun admettra que la différence n'est pas mince. En fait, comme Mme la ministre nous le confirmera, le budget de l'outre-mer a connu de profonds changements de périmètre qui n'en facilitent pas la compréhension, mais constituent des anticipations de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001.

Je crois pouvoir affirmer, car c'est au Sénat que nous avons les meilleurs techniciens budgétaires, que le vrai chiffre traduit une baisse de 2,5 % environ, à périmètre strictement constant. Les défenseurs de l'orthodoxie budgétaire que nous sommes ne peuvent prendre cela en mauvaise part, parce que l'Etat a besoin de faire des économies.

Les différences d'interprétation proviennent de deux points particuliers : la baisse des crédits de la couverture maladie universelle, la CMU, qui apparaît dans le budget correspond, en fait, à une prise en charge par l'assurance maladie et n'entraîne donc aucune conséquence pour ses bénéficiaires ; les crédits du logement, quant à eux, bénéficieront d'une somme que l'on estime à 12 millions d'euros à la faveur de la réforme du prêt à taux zéro.

J'en viens à mon deuxième point : les crédits de l'emploi et du logement.

Les crédits de l'emploi, tout d'abord, représentent un montant total de 1,06 milliard d'euros en 2005. Il convient de relever que 678 millions d'euros proviennent, en fait, du ministère du travail, qui a transféré cette somme au titre des compensations des exonérations de cotisations sociales. Il faut remarquer que ce transfert est chiffré, dans le « bleu », à 719 millions d'euros : il manque donc 41 millions d'euros, qui ont été imputés sur les crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM.

Les crédits du FEDOM connaissent une forte baisse, d'environ 130 millions d'euros : il y aura donc 320 millions d'euros disponibles en 2005, contre 450 millions d'euros en 2004. Le ministère estime qu'une meilleure efficacité de sa politique, notamment par l'expérimentation de la globalisation des crédits en Martinique, devrait conduire à limiter les effets de cette baisse.

Cette expérimentation, qui sera étendue aux trois autres préfectures en 2006, permettra que les crédits soient gérés de manière déconcentrée par les préfets. Il est trop tôt pour en tirer les enseignements, même si les premiers éléments portés à notre connaissance en montrent les effets positifs.

Quant aux crédits du logement, il est extrêmement difficile d'en connaître l'évolution. Au plan budgétaire, on constate une stabilité des crédits de paiement, à 173 millions d'euros, et une faible baisse des autorisations de programme, à 270 millions d'euros en 2005 contre 287,5 millions d'euros en 2004, baisse partiellement compensée par la réforme du prêt à taux zéro.

En effet, alors que ce prêt était, jusqu'à présent, financé par une dotation spécifique, imputée sur la ligne budgétaire unique, la LBU, il fait dorénavant l'objet d'un crédit d'impôt. Or, les sommes correspondantes, soit 12 millions d'euros, n'ont pas été supprimées de la ligne budgétaire unique et viendront donc l'abonder. Ce crédit a été reporté sur l'enveloppe globale des crédits destinés au logement.

Le vrai problème n'est cependant pas là : il provient des gels et annulations de crédits, en nombre extrêmement important, comme le montrent ces quelques chiffres : 26 millions d'euros ont été gelés cette année et 50 millions d'euros les années précédentes.

En commission des finances, notre éminent collègue M. Lise nous a indiqué que, pour la seule Martinique, la perte était de 15 millions d'euros. Toutes ces pertes sont beaucoup trop élevées.

Si aucune mesure n'a été prise dans le collectif budgétaire, 16 millions d'euros ont, cependant, été dégelés pour 2004 et le ministère n'a subi aucune annulation de crédits cette année : sur les 26 millions d'euros gelés, 16 millions sont donc disponibles et 10 millions sont reportés sur l'année suivante.

J'ai eu connaissance de chantiers arrêtés faute de crédits, ce qui met les entrepreneurs locaux en difficulté.

Si nous pouvons comprendre la nécessité de procéder, sur un plan global, à des régulations budgétaires, elle paraît pour le moins surprenante, s'agissant d'une mission prioritaire de l'Etat dans un domaine où les besoins sont immenses.

Le ministère de l'outre-mer a, en quelques années, réalisé des progrès tout à fait remarquables afin d'améliorer la gestion et la consommation de ces crédits, grâce à des procédures et des offices plus efficaces et à un meilleur règlement des problèmes fonciers. Nous regrettons donc que cette baisse des crédits ait entraîné des retards qui n'auraient pas dû se produire.

Ces deux points seront, je le suppose, évoqués par les différents orateurs au cours de cette discussion. Je souhaiterais, pour ma part, que Mme la ministre nous apporte des précisions quant à la manière dont elle entend gérer ces différents mouvements de crédits.

Troisième point : la mise en oeuvre de la LOLF.

Je ne m'étendrai pas sur ce sujet outre mesure. Mes observations à ce propos figurent dans le rapport spécial et j'en ai fait part au ministère de l'outre-mer.

Les indicateurs gagneraient à être affinés, notamment sur les questions de logement, puisqu'ils ne permettent absolument pas de juger de la pertinence de l'utilisation de ces crédits. Sur ce point également, je souhaiterais que Mme la ministre nous informe des mesures qu'elle compte prendre afin d'affiner encore un peu la présentation future de son projet de budget.

Quatrième et dernier point : les particularités de l'outre-mer.

En cette affaire, il faut bien admettre que la situation spécifique de l'outre-mer appelle des réponses spécifiques, qui sortent du cadre dans lequel nous avons l'habitude d'évoluer. Une fois cela dit, je tiens à souligner qu'il convient de lutter contre les systèmes qui ne sont pas contrôlés, les effets d'aubaine et, en général, les abus de toutes sortes, qui sont préjudiciables, non seulement d'un point de vue budgétaire, certes, mais également pour l'image de l'outre-mer.

En tant que rapporteur spécial, je m'engage à étudier très sérieusement la question durant les trois prochaines années.

Je vais illustrer mon propos par trois exemples, qui ont, malheureusement, déjà été évoqués l'an dernier. Mais, la situation n'ayant pas évolué, je vais les citer de nouveau, d'autant que Mme la ministre nous avait fait quelques ouvertures.

Premier exemple : la TVA « non perçue remboursée ». Je vous rappelle que le débat qui avait eu lieu en commission avait été agité. Or, il était dans l'intention de la commission des finances, non pas de nier la nécessité d'aider de manière spécifique l'outre-mer, ni de « faire des économies sur son dos », mais de « moraliser » un système qui défie un peu le bon sens.

Sur certains produits, une TVA qui n'a pas été acquittée est remboursée, avec pour seule base légale une lettre de 1953, qui a été rédigée par un ministre des finances oublié et dont, de surcroît, on nous annonce qu'elle a été perdue !

Lors de son audition, Mme la ministre a proposé une ouverture. Sa proposition, consistant à supprimer le système et à redéployer les sommes correspondantes par une dotation d'un montant équivalent sur son ministère, n'a pas pu être mise en oeuvre cette année. Car inscrire 80 millions d'euros ou 90 millions d'euros de dépenses budgétaires de plus en contrepartie d'un allégement, dans le cadre du magma des exonérations, n'était pas une contrepartie convenable pour le budget.

Par conséquent, il faut réfléchir au sujet en ayant aussi à l'esprit - j'en ai pris bonne note, mes chers collègues - que, sur le plan économique, cette exonération a des effets sur l'équilibre des entreprises. Il convient donc être prudent.

Mme la ministre a indiqué que, si des compensations budgétaires étaient accordées à son ministère, cette formule pourrait être envisagée. Elle nous a rappelé que, l'année dernière, le budget avait été doté de 31 millions d'euros pour que la continuité territoriale soit préservée.

Certains de mes collègues estimaient que, par rapport aux 170 millions d'euros affectés à un département non pas ultramarin, mais insulaire, cela posait quelques problèmes, mais le Gouvernement a proposé une ouverture appréciable, en voulant que la continuité territoriale s'étende aux départements et territoires d'outre-mer.

Certes, il faudra être prudent et veiller à ce que cela ne se révèle pas être un gouffre sans fin.

Je tiens à saluer certaines initiatives prises par le ministère, notamment le versement d'une aide aux jeunes venant se former en France.

Nous étudierons tous ensemble ce problème avec beaucoup de conscience et d'attention, car il est d'une complexité telle que nous ne devons pas, aujourd'hui, nous arrêter à des solutions toutes trouvées.

Deuxième exemple : les compléments de rémunérations, question « structurelle et de longue haleine ». Dans le rapport spécial, vous constaterez que l'effort demandé l'année dernière au titre de l'article 135 de la loi de finances n'a pas été inutile. Nous disposons maintenant de résultats - partiels, certes, mais c'est un début - pour commencer à appréhender la question. Il faut d'ailleurs remercier Mme la ministre et ses services de la grande qualité de ce travail - ce qui n'a pas dû être facile - qui constitue pour le Parlement une source d'information précieuse.

La structure des salaires en outre-mer présente des particularités. Dans la fonction publique, les revenus des fonctionnaires sont supérieurs de 15 % à 20 % à ce qu'ils sont en France. En revanche, dans le secteur privé, les salaires sont globalement inférieurs, c'est un problème qu'il ne faut pas se cacher Il faut donc réfléchir ici et dégager des solutions à long terme dont je sais parfaitement qu'elles ne sont pas faciles.

Troisième exemple : l'indemnité temporaire versée aux fonctionnaires de l'Etat qui choisissent de prendre leur retraite dans les collectivités d'outre-mer et dans le département de la Réunion.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est une vraie question !

M. Henri Torre, rapporteur spécial. Là également, vous avez présent à l'esprit les débats de l'année dernière, qui ont débouché sur l'article 125 de la loi de finances, c'est-à-dire un rapport remis avec un certain retard et incomplet sur le sujet.

Lors de la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce point a été évoqué par notre excellent collègue Dominique Leclerc, qui a rendu hommage à la démarche entreprise l'année dernière par le président et le rapporteur général de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Judicieusement !

M. Henri Torre, rapporteur spécial. Le secrétaire d'Etat, M. Xavier Bertrand, a promis qu'un débat pourrait avoir lieu le moment venu. Nous en prenons bonne note et nous constatons qu'un consensus commence à se dégager au sein de notre assemblée sur ce sujet. Soyez, là aussi, assuré que nous le suivrons avec attention.

Les surretraites, et je m'adresse à mes collègues d'outre-mer et à Mme la ministre, ont un double effet néfaste. D'une part, et cela nous choque, elles accroissent les inégalités sociales et, d'autre part, les études les plus récentes le prouvent, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La Cour des comptes !

M. Henri Torre, rapporteur spécial. ...elles créent une tendance inflationniste qui joue sur les prix de la grande consommation et touche nos concitoyens les plus défavorisés. Notre attention particulière doit aller plutôt, à mon sens, vers ces populations les plus nombreuses et qui méritent le plus notre attention que vers certains privilégiés qui touchent un complément de retraite dont nous devons discuter très sérieusement ici.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et ils paient moins d'impôts !

M. Henri Torre, rapporteur spécial. Ils paient moins d'impôts. Mais, monsieur le président de la commission, je vous en laisse la responsabilité.

Nous voulons aider ceux qui sont les plus nombreux et les moins favorisés contre lesquels la tendance inflationniste joue. Nous devons donc réagir avec beaucoup de fermeté.

Pour conclure, mes chers collègues, je qualifierai ce budget de courageux et de réaliste, dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons tous. Il devrait permettre au ministère de mener les politiques en faveur de l'outre-mer dont il est le garant. Ce ne sont pas les petites mesures que j'ai évoquées qui pourront régler les grands problèmes de l'outre-mer. Il faut trouver des solutions pour le sortir de ses difficultés.

Je terminerai en souhaitant que soit encore plus affirmée la nécessité d'une grande politique pour l'outre-mer, qui prenne en compte ses particularités ainsi que ses atouts et lui donne toute la place qu'il mérite dans la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Lise, rapporteur pour avis.

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous me permettrez, tout d'abord, d'exprimer, au nom de la commission des affaires économiques, toute notre solidarité à l'égard des habitants de la Guadeloupe touchés récemment par un important séisme.

La présentation de l'avis de notre commission étant traditionnellement l'occasion d'évoquer le contexte économique de l'outre-mer, je commencerai par indiquer que l'année 2003, dernière année pour laquelle nous disposons de résultats statistiques complets, a été marquée par une relative amélioration de la situation économique dans les départements et les collectivités d'outre-mer, en dépit d'importantes disparités selon les secteurs concernés.

Ainsi, le secteur du bâtiment et travaux publics, le BTP, semble avoir enregistré un rebond, notamment grâce à la reprise de la commande publique ; l'activité commerciale et le secteur industriel sont partout assez dynamiques.

A la Réunion, le renforcement des liaisons aériennes a permis, malgré la disparition d'Air Lib en début d'année 2003, une progression de l'activité touristique, qui semble malheureusement de nouveau compromise par le tout récent dépôt de bilan de la compagnie Air Bourbon.

En Guadeloupe et en Martinique, le tourisme a continué, par ailleurs, à s'enfoncer dans la morosité, en raison de la concurrence des autres destinations des Caraïbes.

La Guyane a, quant à elle, souffert du ralentissement de l'activité du centre spatial de Kourou alors que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont bénéficié, en 2003, d'une conjoncture internationale favorable et, en particulier pour la seconde, de la très bonne tenue des cours du nickel.

Au-delà de ce bilan plus satisfaisant qu'en 2002, mais qui semble quelque peu s'assombrir en 2004, notre commission met cette année l'accent sur la crise préoccupante qui affecte la production bananière aux Antilles.

Première production agricole de la Martinique et de la Guadeloupe, cette culture souffre aujourd'hui d'un manque de compétitivité par rapport aux « bananes dollars » d'Amérique latine.

En raison de la concurrence et de l'atonie de la demande, les prix de cette production n'ont cessé de baisser depuis dix ans, au détriment des exploitations antillaises dont la situation financière s'est, malgré les aides publiques, considérablement dégradée.

La filière est, par ailleurs, très inquiète face à la perspective de la suppression, au 1er janvier 2006, du dispositif de contingentement à l'importation de bananes des pays tiers et son remplacement par le système dit de « tariff only », système intégralement fondé sur des droits de douane, qui risque d'être moins protecteur pour la production d'origine communautaire.

S'agissant, maintenant, du budget de l'outre-mer, la progression de près de 52 % de ses crédits est, nous l'avons bien noté, essentiellement imputable au transfert sur le budget de l'outre-mer des crédits destinés à compenser les exonérations de charges en faveur de l'emploi dans les DOM et de la dotation de continuité territoriale auparavant financée par le ministère de l'équipement sur le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.

Si ces transferts améliorent indéniablement la lisibilité des crédits destinés à l'outre-mer, ils ne sauraient masquer une baisse des crédits de ce ministère à périmètre constant.

Il est, à cet égard, préoccupant de constater que les crédits destinés au fonds d'investissement pour l'emploi des DOM, le FEDOM, diminuent de 28,4 % par rapport à l'année dernière, alors que le niveau du chômage affectant les ultramarins reste très élevé - 22,6 % en moyenne de la population active en 2003 - et que devront probablement être financées de nouvelles mesures en application du projet de loi de cohésion sociale.

Si la baisse de 6,5 % des crédits du logement social en autorisations de programme et leur simple reconduction, à 173 millions d'euros en crédits de paiement peuvent s'expliquer, selon le Gouvernement, par l'économie budgétaire que permettra le remplacement du dispositif actuel du prêt à taux zéro par un crédit d'impôt, il importe de rappeler que les besoins demeurent, en la matière, tout à fait considérables : c'est plus de 15 000 logements neufs par an pour les quatre DOM et Mayotte qu'il faut considérer comme tout à fait indispensables à réaliser.

Il convient, par ailleurs, d'insister sur les difficultés qu'engendrent, sur le terrain, mais mon collègue rapporteur spécial l'a déjà souligné, les gels des crédits et les annulations imposés sur les crédits du logement, notamment en 2004, le dernier décret d'annulation datant du 27 novembre.

Faute de paiement, certains chantiers sont ou seront suspendus, c'est déjà le cas en Martinique, fragilisant la situation financière des entreprises artisanales qui y sont impliquées et réduisant encore l'offre de logements sociaux déjà tellement insuffisante, sans compter les conséquences sur les entreprises, qui jouent pourtant un rôle très important dans le domaine de l'emploi.

En revanche, notre commission a pris acte de la préservation du volet relatif à l'investissement et à l'équipement destinés à promouvoir le développement économique.

Les crédits qui le concernent et qui servent, notamment, à abonder le fonds d'investissement des DOM, le FIDOM, et le fonds d'investissement pour le développement économique et social, le FIDES, sont quasiment stables. Cependant, pour ces deux fonds, il n'y a stabilité qu'en autorisations de programme. Le FIDOM accuse, en effet, une baisse de 8,4 millions d'euros en crédits de paiement. Le FIDES enregistre également une baisse, mais légère, moins 3 %.

On relève par ailleurs, cette année, un effort particulier en faveur des crédits d'équipement destinés à Mayotte ainsi qu'en faveur des dotations aux collectivités territoriales, parmi lesquelles figure la dotation de continuité territoriale.

Pour conclure sur l'appréciation de ce projet de budget, je vous indique que si le rapporteur pour avis n'a pas manqué d'exprimer ses réserves, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les aspects sociaux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2005, le budget pour l'outre mer s'élèvera à 1,7 milliard d'euros. Nous sommes tous d'accord pour convenir du caractère artificiel de cette progression de 52 % due aux transferts de crédits provenant du ministère de l'emploi et correspondant aux compensations d'exonérations de cotisations sociales.

Nous approuvons votre volonté, madame la ministre, de regrouper ces crédits au sein de votre budget, pour le rendre plus lisible et plus autonome. Par conséquent, si, à périmètre constant, le budget du ministère baisse de 2,5 % par rapport à 2004, il évoluera dans un contexte plus favorable que d'habitude, grâce à l'expérimentation de certains programmes prévus par la LOLF et grâce à la montée en puissance de la loi de programme.

Mon propos se rapportera au volet social de ce budget, et donc aux crédits consacrés à l'emploi et au logement, qui sont, cette année encore, la priorité du budget de l'outre mer.

Les crédits de l'emploi connaîtront une réduction de 24 % en 2005 - et notre commission a regretté ce choix - alors que la loi de programme n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière et que la situation de l'emploi n'est pas encore stabilisée. Certes, l'amélioration sensible de la situation sociale doit incontestablement être mise à votre crédit. En témoignent la progression des effectifs salariés et des créations d'entreprise, le ralentissement de la hausse du nombre de RMIstes et, surtout, la baisse de 7,5 % du taux de chômage.

Mais ces évolutions favorables ne doivent pas faire illusion sur la réalité sociale encore difficile de l'outre-mer : le chômage y reste trois fois supérieur à celui de la métropole ; les contraintes géographiques pèsent sur la fluidité des marchés et sur la continuité territoriale avec la métropole ; le coût du travail dans les DOM y est plus élevé que chez leurs voisins, avec toutes les conséquences que l'on connaît en termes de travail clandestin.

Je crois que votre Gouvernement, madame la ministre, a conscience de cette réalité : c'est la raison pour laquelle j'ai noté, avec satisfaction, qu'il a accepté, dans le cadre des débats sur la cohésion sociale, de reporter d'un an la suppression des contrats emploi solidarité, les CES, et des contrats emplois consolidés, les CEC, qui inquiétaient gravement les ultramarins ces derniers temps, même si la suppression des stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE, et des stages d'accès à l'emploi, les SAE, reste un motif d'inquiétude, dans la mesure où elle risque de réduire, de manière importante, l'offre de formation.

En matière de formation professionnelle, notre commission se félicite, en revanche, de la reconduction des crédits consacrés aux structures telles que l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, et l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer ; mais d'autres financements nous inquiètent, comme celui destiné au service militaire adapté, qui ne progresse guère. C'est d'ailleurs un singulier paradoxe s'agissant du dispositif qui fonctionne le mieux outre-mer. L'année dernière, notre commission avait déjà alerté le Gouvernement sur ce point et j'ai moi-même déposé un amendement en ce sens lors de l'examen du projet de loi de cohésion sociale.

Hormis le service militaire adapté, tous les autres dispositifs utiles à la mobilité professionnelle en métropole des actifs ultramarins ont fait l'objet d'une attention particulière de la part du Gouvernement. Je pense à la reconduction des crédits consacrés au passeport mobilité et au projet initiative-jeunes, le PIJ, dont le succès ne se dément pas, ou au passeport logement, qui fera l'objet d'une expérimentation en 2005.

Les crédits destinés au logement, deuxième poste de votre projet de budget, madame la ministre, viendront accompagner la mise en oeuvre de la loi de programme pour l'outre-mer. Les récents décrets d'application permettront de diversifier l'offre locative, de relancer l'accession sociale, d'améliorer l'aménagement foncier et surtout d'accroître la défiscalisation et de simplifier les procédures, encore trop complexes, pour le financement des opérations de construction.

Sur le plan budgétaire, les crédits destinés au logement sont reconduits à hauteur de 173 millions d'euros en 2005 et devraient, selon vous, madame la ministre, permettre la réalisation de 1 000 logements sociaux supplémentaires. Nous savons bien que la concrétisation des projets prend du temps : les opérations de construction et de réhabilitation des logements sont pluriannuelles et, pour répondre aux besoins répertoriés par le Conseil économique et social, il faudrait 60 000 constructions par an. Cet objectif aura d'autant plus de chances d'être atteint, selon moi, que les crédits programmés seront bien gérés. Je le précise, car, si les crédits de paiement du logement sont reconduits pour l'an prochain, les autorisations de programme baissent légèrement.

Madame la ministre, la commission des affaires sociales comprend votre souci de mieux gérer les dotations et de ne pas ouvrir des enveloppes dont on sait d'avance qu'elles ne seront pas consommées, notamment en raison des retards enregistrés dans le lancement de nombreuses opérations immobilières.

D'ailleurs, tous les professionnels du logement l'affirment, la solution pour résoudre la crise du logement en outre-mer n'est pas seulement budgétaire. Il faut aussi faire sauter un certain nombre de verrous.

Il s'agit, d'abord, par exemple à la Réunion, de ne pas lier l'octroi de la participation à l'aménagement des quartiers, la PAQ, pour une opération d'aménagement, à une participation du fonds régional d'aménagement foncier et urbain, le FRAFU. Faute de modification de l'instruction de votre ministère du 19 juillet 2004, madame la ministre, la PAQ ne pourra pas être mise en oeuvre à la Réunion, qui est pourtant à l'origine de la demande.

Il s'agit de permettre le lancement d'opérations d'aménagement, seul moyen pour produire du foncier équipé à un coût compatible avec le logement social.

Il s'agit d'intégrer la remise à niveau du forfait charges DOM pour rétablir une équité de traitement avec la métropole sur la question des aides à la personne.

Enfin, madame la ministre, la commission des affaires sociales souhaite porter à votre connaissance trois points qui ne figurent pas dans ce projet de loi de finances, mais qui revêtent pourtant une grande importance en outre-mer.

Il s'agit, tout d'abord, de l'offre de soins. Quelques données peuvent en témoigner : par rapport à la métropole, on dénombre, en outre-mer, deux fois plus de cirrhoses et six à sept fois plus de morts par psychose alcoolique, même si la consommation d'alcool a baissé de 22 % en vingt ans à la Réunion par exemple et qu'elle reste inférieure à la consommation métropolitaine. Le développement de l'obésité et du diabète appelle une réponse avant qu'il ne soit trop tard. Or, toujours à la Réunion, le coût des médicaments est de 30 % plus élevé que les tarifs appliqués en métropole et celui des consultations l'est de 15 %. Nous souhaiterions, à cet égard, que le Gouvernement réfléchisse à l'opportunité de lier le relèvement du plafond de la couverture maladie universelle, la CMU, à la hausse des minima sociaux, afin d'éviter les effets de seuil. Dans mon département par exemple, 20 000 personnes âgées ou handicapées restent exclues du dispositif de la CMU.

Ensuite, je souhaite vous sensibiliser, madame la ministre, sur la situation de la restauration scolaire à Mayotte. Mayotte compte actuellement trois services de demi-pension implantés dans trois établissements. Paradoxalement, il y a peu d'inscrits dans ces trois services, alors que la demande est très forte. Ce paradoxe s'explique par l'insuffisance des prestations et le niveau de la participation financière, même très modeste, demandée aux familles pour les repas. Il en résulte que, faute de prestations publiques ou de structures indépendantes de restauration aux abords des établissements, le temps scolaire tend fortement à être concentré sur la matinée, qui devient dès lors très longue et perd en efficacité pédagogique.

A la lumière de ces éléments, nous constatons que la question de la restauration des élèves de Mayotte ne saurait concerner le seul service public de l'éducation. Elle relève également, comme en métropole d'ailleurs, du domaine de la santé publique et du domaine social. Je souhaite donc, madame la ministre, connaître vos projets concernant la restauration scolaire à Mayotte.

Enfin, j'attire votre attention sur l'immigration en Guyane, à Mayotte et à la Réunion. Dans mon département par exemple, la situation est devenue particulièrement préoccupante en raison de la croissance des flux d'immigrés venus des Comores. Collectivité départementale voisine, Mayotte est une victime encore plus grande de l'immigration clandestine puisque, sur 160 000 Mahorais, on compte au moins 50 000 Comoriens. Il est urgent, madame la ministre, de renforcer, par des moyens de police adéquats, la surveillance des côtes mahoraises avec le soutien du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Par ailleurs, n'est-il pas grand temps de donner un contenu concret à la départementalisation de Mayotte prévue pour 2007 ? Cela suppose notamment d'aligner le droit applicable en matière de prestations familiales. Car, contrairement à ce qui se passe ailleurs en France, les prestations familiales y sont plafonnées à trois enfants par allocataire, quelle que soit la composition réelle de la famille. Ce déplafonnement serait justifié sur le plan à la fois constitutionnel et social puisque Mayotte a vocation à devenir un département. Au demeurant, le Président de la République lui-même avait soulevé ce problème lors de sa visite sur place voilà deux ans.

J'insiste d'autant plus sur ce point que l'abrogation, justifiée, de la polygamie à Mayotte, sur l'initiative de notre collègue député Mansour Kamardine, a amené de nombreux maris à prendre prétexte de cette nouvelle disposition, avant même son entrée en vigueur, pour répudier certaines de leurs épouses « au nom de la loi ». Ainsi, de nombreuses femmes se sont retrouvées isolées, souvent avec plus de trois enfants à charge, sans aucune ressource. Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a déposé un amendement tendant à déplafonner les allocations familiales à Mayotte.

En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si elle souhaite être rassurée sur la politique de l'emploi, la commission des affaires sociales a jugé ce projet de budget raisonnable et vous propose de voter les crédits sociaux affectés à l'outre-mer pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. José Balarello, rapporteur pour avis.

M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les départements et régions d'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour prendre acte du changement constitutionnel intervenu à l'égard des collectivités territoriales à statut particulier qui sont désormais rattachées à la catégorie des collectivités d'outre-mer de la République, visée à l'article 74 de la Constitution, le présent avis de la commission des lois ne contient plus de développements consacrés à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'évolution du périmètre de cet avis n'est cependant pas terminée. Sur le plan institutionnel, la consultation des populations de Guadeloupe et de Martinique, ainsi que celles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, intervenue le 7 décembre 2003, a constitué un événement majeur.

En effet, à la suite de la « déclaration de Basse-Terre » du 1er décembre 1999 et de la réunion des élus en Congrès tant à la Martinique qu'à la Guadeloupe le 7 décembre 2003, sur décision du Président de la République après proposition du Premier ministre, et après la tenue d'un débat parlementaire le 7 novembre 2003, les populations de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont été consultées sur l'évolution institutionnelle et statutaire de leur collectivité respective. De telles consultations n'ont pas eu lieu à la Réunion et en Guyane, la Réunion ayant refusé, par un vote sans appel, toute évolution institutionnelle et les élus de Guyane n'étant pas parvenus à un projet commun de réforme pour leur collectivité.

Ces consultations sont intervenues dans le cadre de la mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles relatives à l'organisation décentralisée de la République, issues de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, particulièrement des articles 72, 73 et 74.

Contrairement aux résultats intervenus le même jour dans les îles du nord de la Guadeloupe - Saint-Martin et Saint-Barthélemy -, la consultation s'est soldée par le refus des populations concernées de voir les départements et régions de la Guadeloupe et de la Martinique transformés en collectivités uniques.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, j'avais estimé, dans mon rapport écrit, « qu'un vote favorable des électeurs lors de ces consultations n'était pas nécessairement acquis, certains électeurs pouvant avoir tendance à concevoir une telle évolution comme un "lâchage" de la métropole ».

Contrastant avec les consultations tenues en Guadeloupe et en Martinique, le conseil municipal de Saint-Martin a adopté, les 20 février et 31 juillet 2003, un projet d'évolution statutaire tendant à substituer à la commune de Saint-Martin une collectivité d'outre-mer, au sens de l'article 74 de la Constitution.

Le conseil municipal de Saint-Barthélemy en a fait de même les 30 avril et 8 août 2003.

Dans les deux communes, une très large majorité des électeurs s'est prononcée en faveur de cette évolution statutaire en vue de la création d'une collectivité d'outre-mer sortant du cadre départemental et régional, dans le cadre de l'article 74 de la Constitution.

Devant ce vote positif des électeurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, madame la ministre, vous avez déclaré, lors de votre audition par la commission des lois, que les avant-projets de lois organique et ordinaire portant statut de ces collectivités étaient en cours d'élaboration.

Je vous renvoie à la lecture de mon rapport écrit pour les détails concernant le partage des compétences entre les assemblées locales et la République, sur lesquels je n'insiste pas.

Mais, en réponse à une question de notre commission, Mme la ministre a indiqué que le nouveau statut ne pourra conduire à la création d'un « paradis fiscal », dans la mesure où l'Etat conservera la maîtrise des droits bancaire, commercial et pénal, ainsi que des règles concernant la recherche et la constatation des infractions.

Les deux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin devraient donc disposer rapidement d'une organisation territoriale adaptée à leurs spécificités. Une mission de la commission des lois du Sénat, conduite par son président, Jean-Jacques Hyest, se rendra du 9 au 15 décembre 2004 dans ces deux îles, afin d'évaluer, sur place, la pertinence de l'évolution statutaire envisagée au regard des particularités économiques, géographiques et historiques respectives de ces collectivités.

Je souhaite, monsieur le président de la commission des lois, que, à Saint-Martin, vous soyez attentif au problème posé par les multiples casinos - une quinzaine - situés en zone hollandaise - quand je me suis rendu sur place voilà quelques années, il n'y en avait que sept -, qui risquent de faire tache d'huile, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour nos concitoyens. Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter quelques apaisements sur ce point ?

Dans le rapport écrit de la commission des lois sont également examinées les améliorations apportées à l'exercice des missions régaliennes de l'Etat dans les départements et régions d'outre-mer.

D'abord, dans la lutte contre la délinquance et l'immigration clandestine, des résultats sensibles ont été obtenus avec une diminution globale de la criminalité de 2,23 % et une augmentation de 53,50 % du nombre des reconduites à la frontière ou expulsions, notamment en Guadeloupe, par rapport à 2002. Plusieurs membres de la commission des lois se sont rendus en Guadeloupe et ont pu constater l'importance de l'immigration clandestine.

Ensuite, malgré l'amélioration de la situation des juridictions, la situation dans les prisons outre-mer, où le taux d'occupation moyen dans les établissements pénitentiaires des quatre départements d'outre-mer s'élève à 143,2 % contre 136,1 % l'année précédente - c'est une augmentation notable - reste alarmante. C'est la raison pour laquelle nous vous avons demandé, madame la ministre, de lancer la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, notamment la maison d'arrêt de Doemenjod à la Réunion.

En revanche, nous nous réjouissons que le présent projet de budget encourage la construction de logements sociaux et la résorption de l'habitat insalubre, 10 % des crédits du budget du ministère y sont consacrés, Mme Payet l'a souligné il y a un instant, de même que sont augmentés les crédits destinés à assurer la continuité territoriale dans les DOM.

Le dispositif du passeport mobilité est une réussite : il a bénéficié, en 2003, à 8 170 personnes, pour un coût de 5,4 millions d'euros. Quant à la dotation de continuité territoriale, elle a représenté 21,04 millions d'euros. Le présent projet de loi de finances maintient pour l'ensemble de l'outre-mer 11 millions d'euros de dotation pour le passeport mobilité et 30,98 millions d'euros au titre de la dotation de continuité territoriale, qui s'accroît ainsi de 3,3 % par rapport à l'année précédente.

La commission des lois souligne également dans son rapport l'effort du projet de budget en faveur des collectivités territoriales, les actions en faveur des personnes les plus démunies, ainsi que les mesures de défiscalisation. Elle dresse un tableau des avantages consentis au profit des fonctionnaires dans les départements et régions d'outre-mer, dont a parlé notre collègue Henri Torre. Elle estime qu'une réflexion doit être engagée sur ces différents dispositifs conçus, pour l'essentiel, dans les années cinquante.

Enfin, nous avons également examiné les départements et régions d'outre-mer dans leur environnement régional et communautaire avec l'examen des dispositifs communautaires de l'Union européenne confirmant le régime de l'octroi de mer jusqu'en 2014, comme le Conseil de l'Union européenne l'a décidé le 10 février 2004 à la demande de la France, - je vous rends hommage, madame la ministre, car vous avez effectué un excellent travail auprès de l'Union européenne - étant précisé que l'Europe se dirige vers une nouvelle stratégie communautaire en faveur des régions ultrapériphériques qui, fort heureusement, maintient ce régime spécifique.

Signalons, pour terminer, que le 26 mai 2004 la Commission européenne a présenté une communication intitulée « un partenariat renforcé pour les régions ultrapériphériques », ce document apportant un début de réponse aux observations formulées par les gouvernements français, espagnol et portugais dans leur mémorandum commun remis le 2 juin 2003 à la Commission européenne.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements et régions d'outre-mer dans le budget du ministère de l'outre-mer pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.).

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les collectivités d'outre-mer, comme les départements d'outre-mer, sont autant de prolongements du territoire français tout autour de notre planète et nous pouvons être fiers de la place qu'elles occupent comme du rôle qu'elles jouent dans leur environnement. Elles méritent largement la solidarité nationale et peut-être encore plus que les autres terres de France en raison de leur éloignement et des difficultés qu'elles rencontrent.

Ces collectivités regroupent la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et les Terres australes et antarctiques françaises, en attendant d'accueillir Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Le budget global de l'Etat qui leur est destiné pour 2005 s'élève à un peu moins de 2,5 milliards d'euros alors qu'il se situait à un peu moins de 2,4 milliards d'euros en 2004, ce qui représente pour ces seules collectivités un accroissement de l'ordre de 3,6 % de l'effort global de l'Etat.

Il convient d'ajouter que la part de ce projet de budget qui incombe au ministère de l'outre-mer est relativement réduite puisqu'elle ne s'élève qu'à 14,3 % de l'ensemble avec, de surcroît, un périmètre budgétaire fluctuant d'une année sur l'autre, comme l'ont évoqué les orateurs précédents, ce qui rend difficile les comparaisons.

La première recommandation de la commission des lois est de fixer une bonne fois pour toutes le domaine d'intervention budgétaire du ministère de l'outre-mer afin d'accroître la lisibilité de son budget.

La seconde recommandation découle de cette attente de meilleure lisibilité, que la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ne devrait en aucune manière remettre en cause. En effet, l'approche nouvelle fondée sur des actions transversales qui est prévue à l'avenir risque de se traduire par plus d'opacité dans la répartition des crédits entre les territoires. Il est donc essentiel de veiller à assurer la plus grande transparence et à développer une analyse, à la fois globale et détaillée, des moyens mis à la disposition de chaque collectivité. Madame la ministre, nous comptons sur l'action de votre ministère en ce sens.

Le projet de budget pour 2005 se caractérise essentiellement par un effort soutenu en faveur de l'emploi, un effort en matière de formation professionnelle. Sur ce point, la commission des lois ne saurait trop insister sur l'outil remarquable que constitue le service militaire adapté, qui mérite plus de moyens, comme l'a fort justement souligné tout à l'heure Mme Payet et dont on pourrait encore très certainement développer les potentialités, y compris en métropole.

Ce projet de budget se caractérise aussi par un encouragement à la construction de logements et aux investissements d'équipement, un effort en faveur de la continuité territoriale, une consolidation de l'accès aux soins des plus démunis et, bien entendu, un soutien aux collectivités locales.

Ces actions s'inscrivent parfaitement dans le cadre des orientations fixées par la loi de programme pour l'outre-mer.

Je vais maintenant procéder à un rapide survol de ces différentes collectivités. Mais, monsieur le président, soyez rassuré : je dispose de moyens de survol rapides ! (Sourires.)

La Nouvelle-Calédonie, où le statut semble donner pleine satisfaction, est le troisième producteur mondial de nickel. Sur les trois projets de développement, l'un est terminé, à savoir l'augmentation de la production de la Société Le Nickel qui passe de 60.000 tonnes à 75.000 tonnes. Le deuxième projet entre dans la phase concrète de réalisation, à savoir l'usine hydro-métallurgique du sud à Goro avec le groupe INCO. Reste le troisième projet, celui du nord, avec le Falconbridge, qui est toujours dans la phase des études. Or, ce projet est essentiel pour le rééquilibrage de la province nord et de l'économie calédonienne. Vous le savez fort bien, madame la ministre. Aussi la commission des lois ne saurait trop insister pour que le Gouvernement ne ménage pas ses efforts en vue de la mise en oeuvre aussi rapide que possible de ce projet vital pour la Nouvelle-Calédonie et pour son équilibre provincial.

La Polynésie française, après avoir connu des difficultés dans les domaines de la perle noire et de la pêche, voit se profiler un nouvel essor du tourisme et connaît, grâce aux transferts de l'Etat, un fort niveau d'investissements. Son économie reste, toutefois, fragile et il ne faudrait pas que les événements politiques et statutaires actuels viennent remettre en cause des perspectives positives. Nous ne pouvons donc qu'émettre le voeu que le bon sens triomphe.

Wallis-et-Futuna est la France du bout du monde, où société moderne et respect de la coutume se mélangent harmonieusement : on y dénombre trois royaumes pour une préfecture dans la République. Développement économique et désenclavement, tout particulièrement pour Futuna, dont la piste d'aviation est des plus rudimentaires, doivent être les maîtres mots de notre politique budgétaire.

Mayotte, depuis son statut du 11 juillet 2001, se fond progressivement dans le moule de la République. Je sais que les élus de cette île souhaitent que les choses aillent encore plus vite, et je salue notre collègue Adrien Giraud, qui nous l'a rappelé hier.

D'importants efforts ont déjà été faits pour que le « statut personnel » des ressortissants de cette collectivité départementale devienne pleinement compatible avec les lois fondamentales de notre pays : fin de la polygamie, de la répudiation, de la discrimination entre les enfants de sexe différent. Mais ce n'est pas encore suffisant et la commission des lois se permet d'insister pour que toutes dispositions locales qui restent en contradiction avec nos valeurs républicaines soient rapidement corrigées.

Le développement économique de l'île est bien engagé, notamment par un contrat de plan, mais un effort plus soutenu afin d'éradiquer le paludisme est indispensable pour encourager le tourisme dans cette perle de l'océan. Enfin, la lutte contre l'immigration clandestine doit rester une préoccupation constante, car, comme l'ont précisé les orateurs précédents, elle est préoccupante.

Saint-Pierre-et-Miquelon est confronté à l'importante diminution des quotas de pêche notamment en raison de la raréfaction de la morue, qui risque de devenir une espèce protégée dans cette zone. L'aide de l'Etat est donc indispensable pour permettre une reconversion et une diversification économique, aussi bien dans le domaine agricole, touristique ou pétrolier que dans celui des équipements. Une amélioration de la desserte maritime est prévue mais l'éloignement de Saint-Pierre-et-Miquelon des grands axes de communication reste un problème crucial pour la desserte de l'île.

Les Terres australes et antarctiques françaises, collectivité sans habitants permanents, particularité qui mérite d'être soulignée, regroupant les îles Crozet, Kerguelen, Saint-Paul, Amsterdam et la Terre Adélie, restent des hauts lieux de la recherche scientifique et de la protection des ressources halieutiques dans une zone économique exclusive de 1.750.000 kilomètres carrés. Les efforts financiers de la France sont ainsi utiles à l'ensemble du monde et à l'environnement. Les îles Kerguelen abritent également un pavillon maritime français sous lequel une centaine de navires sont immatriculés.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, il est difficile de développer d'autres aspects de ce projet de budget. Cependant, je veux formuler une dernière remarque sur les prisons en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Mayotte qui ne sont pas dignes de la République. Elles sont surpeuplées. Certains bâtiments sont vétustes et ne sont pas adaptés au monde moderne. Madame la ministre, il convient donc de rénover et d'agrandir rapidement ces centres pénitentiaires.

En conclusion, tout en rappelant la place privilégiée que ces collectivités tiennent dans notre coeur et qui sont, de surcroît, pour les Français expatriés qui résident à proximité, et que j'ai l'honneur de représenter au sein de la Haute Assemblée, des portes de France et autant de ballons d'oxygène, comme peut l'être la métropole pour les Français habitant dans les pays de l'Union européenne, la commission des lois, sous le bénéfice de ces différentes observations, a émis un avis favorable à ce projet de budget. Mes chers collègues, elle vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 30 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 18 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.

Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, Mme Michaux-Chevry m'a prié de vous transmettre ses excuses. Elle souhaitait être parmi nous aujourd'hui, mais elle attend la mission qui sera demain en Guadeloupe. J'en profite pour faire part de la solidarité de la Réunion à l'égard de la Guadeloupe qui a dû faire face à un événement dramatique lors des secousses sismiques affectant les Caraïbes.

L'examen du budget de l'outre-mer est un moment important de la vie démocratique de ces régions, collectivités et départements.

Je vais articuler mon propos autour de trois axes. Le premier concerne le bilan à mi-parcours du mandat du Gouvernement. Le deuxième vise les défis que nous devons relever pour atteindre l'égalité économique avec les régions développées de l'Europe. Le troisième a trait aux chantiers à mettre en oeuvre.

Nous sommes à mi-parcours du mandat du Gouvernement et du Président de la République. Il est bon de rappeler les missions qui ont été confiées au Gouvernement à la suite de l'élection présidentielle. Il s'agissait d'abord de trancher le débat institutionnel qui agite l'outre-mer depuis des décennies et qui fait perdre confiance dans ces départements. Il s'agissait aussi de mettre en oeuvre un plan européen qui précise les actions devant être conduites pour intégrer les régions ultrapériphériques de façon équitable et dynamique à la grande famille de l'Europe des vingt-cinq. Il s'agissait également de stimuler par une loi de programme les investissements productifs et le logement. Il s'agissait enfin, point important, d'inscrire dans la future constitution européenne la place de l'outre-mer français.

Force est de constater, et nous le faisons avec grand plaisir, qu'avec courage et avec le soutien de sa majorité le Gouvernement a mis en oeuvre ces chantiers.

Si l'on mesure le chemin parcouru, on constate que le débat institutionnel est tranché par le peuple en Martinique et en Guadeloupe, par les assemblées locales en Guyane et à la Réunion qui ont souhaité conserver le statu quo.

Une fois le débat tranché et la stabilité institutionnelle retrouvée, condition nécessaire mais non suffisante, les investisseurs pourront reprendre confiance dans nos régions éloignées.

Tous les rapporteurs l'ont reconnu, la loi de programme a « boosté » l'investissement outre-mer. Les grues fleurissent dans tous les quartiers. Le logement est reparti. Comme l'a dit notre collègue Claude Lise, l'économie touristique connaît un nouvel essor à la Réunion. Madame la ministre, j'espère que l'événement douloureux d'Air Bourbon ne contrariera pas ce développement.

Certaines banques ont vu leur volume d'emprunt augmenter de près de 50 % à 60 %. La moyenne de cette hausse se situe à 10 %. C'est vous dire le dynamisme des engagements financiers locaux.

Sur le front de l'emploi, à la Réunion, des jeunes sont sans cesse formés aux métiers du bâtiment et des travaux publics. Ils sont « aspirés » par l'appareil de production. Il en est de même dans le domaine des services.

Tous les rapporteurs l'ont indiqué, mais je tiens à le rappeler, car nous avons mis en oeuvre ensemble ce dispositif : le passeport mobilité est devenu une véritable institution outre-mer. Grâce à cette mesure, tout jeune ou moins jeune qui doit passer un concours en métropole, venir y suivre une formation professionnelle ou qui y a trouvé un travail par le biais de l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT, ou du Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, peut prendre l'avion.

Madame la ministre, c'est une première étape heureuse vers la continuité territoriale. Il faudra la prolonger. Nous verrons ultérieurement de quelle façon.

Sur le plan européen, la victoire du Gouvernement, de sa majorité et de toute cette assemblée est l'aboutissement de l'octroi de mer. La réforme entreprise n'était pas acquise. Madame la ministre, le délai d'un an que vous avez obtenu nous a permis de travailler à vos côtés pour que l'octroi de mer reste un outil de protection de l'économie locale qui est fragile, se situe dans un environnement agressif et dont les conditions de productivité en raison de la distance, de l'insularité, des cyclones, de l'étroitesse du marché sont pénalisantes.

Sur le plan des outils législatifs et réglementaires que l'Europe doit mettre en oeuvre pour appliquer les orientations définies au sommet de Séville, nous souhaiterions, madame la ministre, vous interroger sur la suite qui a été donnée au rapport que vous m'aviez demandé de faire et qui a été repris par les régions ultrapériphériques. Nous voudrions également savoir si la Commission a commencé à prescrire les directives du Conseil sur les adaptations qu'il faudra mettre en oeuvre pour tenir compte de l'éloignement, de l'isolement, de l'insularité, des intempéries et de l'étroitesse du marché et pour atteindre l'égalité économique qui permettra d'avoir un travail dans la dignité.

Tout le temps que les Réunionnais me donneront la parole pour parler en leur nom dans une assemblée parlementaire, je ne sortirai pas de l'axe de développement de l'outre-mer vers l'égalité économique, à savoir éduquer la jeunesse, promouvoir le travail et assurer la dignité. (M. le président de la commission des finances applaudit.) Sinon une politique à court terme, une politique démagogique fera rêver les gens un temps et les poussera à la révolte après.

Je voudrais aussi saluer le travail important qui a été fait pour rétablir les finances des communes de l'outre-mer. Sous votre impulsion, nous avons pu faire adopter par le Parlement un amendement permettant aux communes de récupérer à juste titre la part d'octroi de mer qui n'était pas utilisée par les régions. La réforme des fonds régionaux pour le développement et l'emploi, les FRDE, madame le ministre, nous donnera la possibilité de rééquilibrer nos budgets et de relancer l'investissement.

De même, la majoration de 33 %, au lieu de 10 %, du pourcentage de la population des communes d'outre-mer prise en compte dans le calcul de la quote-part de la dotation globale de fonctionnement qui revient aux communes d'outre-mer constitue non pas un acte de favoritisme, je le dis pour la Haute Assemblée, mais un acte de justice. Il faut savoir, monsieur le rapporteur spécial, que l'outre-mer perçoit 220 euros par habitant au titre des dotations de l'Etat, contre 250 euros par habitant en métropole. Il faudra rattraper prochainement cette différence de 30 euros, en abondant la dotation d'ultra-périphéricité que le Sénat a bien voulu créer dans le présent projet de loi de finances.

Je remercie également le Gouvernement de n'avoir pas remis en cause cette année la TVA non perçue récupérable. Nous attendons le rapport que le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire doit nous présenter. Lorsque nous connaîtrons les tenants et les aboutissants ainsi que les effets de cette mesure, nous prendrons les décisions qui s'imposent.

Toutefois, quelques petites ombres subsistent au tableau.

Tout d'abord, il existe un décalage entre les autorisations de programme votées et les crédits de paiement mis en oeuvre. Cet écart pose problème s'agissant de la mise en oeuvre des crédits européens, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial.

Ensuite, je le dis en toute franchise à la représentation nationale et au Gouvernement, j'ai l'intime conviction que la bonne loi de défiscalisation que nous avons votée a entraîné une spéculation sur le coût du foncier et du logement. Rien ne justifie en effet, comme l'a dit ma collègue Anne-Marie Payet, l'augmentation du coût de la construction. Au cours des cinq derniers mois, il aura augmenté de 18 %. Je sais que les prix du fer, de l'acier et du cuivre ont augmenté, mais les charges sociales ont, elles, diminué, madame la ministre, puisque vous en avez exonéré les entreprises du bâtiment.

Je réclame, non pas une commission d'enquête qui ne servirait à rien, mais une expertise. L'argent des contribuables ne doit pas servir à favoriser la spéculation ni sur le foncier ni sur le prix du mètre carré construit et revendu.

Nous sommes là pour rendre un service public à ceux qui en ont besoin. Nous voulons bien promouvoir le logement à la Réunion et dans les quatre départements d'outre-mer, mais nous n'avons pas à faire la fortune des spéculateurs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bien !

M. Jean-Paul Virapoullé. Voilà rapidement dressé le bilan des actions entreprises.

J'en viens aux chantiers à mettre en oeuvre et aux défis qu'il nous reste à relever.

Pour atteindre l'égalité économique, objectif que le Président de la République lui-même avait fixé, il faut avoir déjà atteint l'égalité sociale faite de l'égalité des droits, mais aussi de l'égalité des devoirs.

Aujourd'hui, nous, élus et populations de l'outre-mer, nous devons nous poser la question de savoir si nous utilisons bien cette égalité des droits et des devoirs pour mettre en oeuvre une nouvelle phase du développement économique, lorsque les dockers bloquent l'économie de la Guadeloupe pendant six semaines, lorsque telles ou telles catégories professionnelles refusent de discuter des moyens d'accroître l'efficacité de leurs services.

Pour relever le défi de l'égalité économique, de la réduction de la fracture numérique, de la valorisation de l'atout qu'est la jeunesse, de la mise en oeuvre d'une politique de développement dans le domaine des nouvelles technologies de la communication et de l'information, de l'ouverture de la Réunion et des autres départements d'outre-mer sur leurs zones géographiques, il nous faut, nous, élus et populations de l'outre-mer, prendre conscience que nous devons procéder à une révolution culturelle.

Lorsque j'ai été élu député en 1986, les DOM-TOM étaient les miséreux de la terre par rapport à la métropole, qui n'avait ni les SDF, ni les banlieues sinistrées, ni les ghettos qu'elle a aujourd'hui. C'est vrai que nous sommes encore plus pauvres que vous, mais la France de 2004 n'est plus la France de 1980. Les défis que nous avons à relever sont également les vôtres en métropole.

Le développement des DOM vers l'égalité économique passera, d'abord, par la volonté des populations d'outre-mer de bien utiliser la solidarité nationale, non pour faire semblant, mais pour faire vraiment.

Je souhaite à ce propos qu'un audit soit réalisé dans toutes les universités de l'outre-mer. En effet, deux tiers des étudiants échouent en première année. Pourquoi gaspiller autant d'argent alors que les cursus locaux aboutissent à des formations sans issue, alors que de si nombreux jeunes sont mis en situation d'échec ? Pourquoi ne pas ouvrir les portes de la connaissance à notre jeunesse, grâce à l'Europe et au monde ? Pourquoi ne pas valoriser la jeunesse pour construire, sur le socle de l'égalité sociale, l'égalité économique qui permettra aux Domiens de vivre de leur travail dans la dignité ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais faire précisément le point sur le déroulement de nos travaux.

Si nous n'avons pu reprendre nos travaux ce matin qu'à onze heures quarante-cinq, c'est parce que la séance a été levée cette nuit à deux heures quarante-cinq.

Nous avons commencé l'examen des crédits de l'outre-mer. Nous examinerons cet après-midi les crédits des affaires étrangères. L'ordre du jour prévoit également l'examen des crédits du tourisme.

Or, compte tenu du déroulement de nos travaux, il est vraisemblable que la séance ne s'achèvera aujourd'hui que vers 2h30 ou 3h00 du matin.

Nous avons posé une règle : ne pas commencer une discussion budgétaire après minuit. Si nos contraintes devaient nous empêcher d'entamer l'examen des crédits du tourisme avant minuit, je propose que nous appliquions cette règle et que nous reportions l'examen de ces crédits à demain matin.

Il ne s'agit nullement de ma part d'un encouragement à la concision. Il ne s'agit pas de brider le débat. Je me permets d'apporter cette précision afin que ceux d'entre nous qui sont intéressés par la discussion des crédits du tourisme puissent prendre leurs dispositions.

J'ajoute que nous n'avons pas prévu de siéger samedi, pas plus que dimanche, mais que, en cas de décalage excessif, nous serions naturellement obligés de siéger au moins samedi.

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter, monsieur le président.

M. le président. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le président de la commission des finances. Pouvons-nous donc considérer que l'ordre du jour de nos travaux est modifié ? Il semble en effet impossible d'entamer l'examen des crédits du tourisme avant minuit.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est ma conviction. Nous devons, me semble-t-il, prendre des dispositions pour modifier l'ordre du jour.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Outre-mer (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Discussion générale

3

souhaits de bieNvenue aux présidents d'assemblées parlementaires des pays de la Méditerranée occidentale

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur et le grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune présidentielle, des présidents d'assemblées parlementaires des pays de la Méditerranée occidentale, à l'occasion de la deuxième réunion parlementaire organisée dans le cadre du dialogue « 5 + 5 ».

Ce dialogue rassemble, pour le Maghreb, l'Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie, et, pour la rive nord de la Méditerranée occidentale, l'Espagne, l'Italie, Malte et le Portugal.

Les présidents des assemblées et des sénats de ces pays ont participé à nos côtés, hier à l'Assemblée nationale et aujourd'hui au Sénat, à des réunions de travail fructueuses, qui s'inscrivent dans le cadre du dialogue informel établi entre les deux rives de mare nostrum.

Le Sénat de la République française est fier et honoré d'accueillir, ensemble, ces personnalités de premier plan. Leur seule présence parmi nous est un signe fort de la solidarité qui unit Méditerranéens du Nord et Méditerranéens du Sud.

Dans un monde plus tourmenté que jamais et alors que le récent élargissement de l'Union européenne peut faire oublier la dimension méditerranéenne de l'Europe, des rencontres comme celles que le Sénat organise aujourd'hui sont de nature à renforcer nos liens et à créer une unité nécessaire pour lutter contre les risques de fossé entre le Nord et le Sud, l'Orient et l'Occident, l'Islam et la Chrétienté.

Il est essentiel que les démocrates que nous sommes s'allient pour garantir la paix et la stabilité de la Méditerranée, indispensables à la sécurité internationale tant notre histoire, notre culture et notre géographie nous placent au coeur du monde et nous confèrent de ce fait une responsabilité particulière.

La présence des nombreuses et prestigieuses délégations que nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui, et auxquelles j'adresse, au nom du Sénat tout entier, mes souhaits de très cordiale bienvenue, montre que nous partageons ensemble cette ambition de créer entre les hommes solidarité et fraternité.

Soyez sûrs que le Sénat de la République française aura toujours à coeur d'entretenir cette flamme et d'enrichir notre dialogue. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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Modification de l'ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, sur la proposition de la commission des finances et en accord avec le Gouvernement, la discussion des crédits affectés au tourisme, qui était prévue à la fin de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui, mercredi 8 décembre 2004, est inscrite au début de l'ordre du jour de la séance du jeudi 9 décembre 2004.

En conséquence, l'ordre du jour de la séance du jeudi 9 décembre 2004 s'établit comme suit :

Le matin, à quinze heures et le soir :

- Projet de loi de finances pour 2005 :

-Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer : IV-Tourisme ;

-Travail, santé et cohésion sociale :

I- Emploi et travail (+ articles 74 à 76) ;

(Procédure de questions et de réponses suivi d'un droit de réplique des sénateurs.)

III- Ville et rénovation urbaine ;

IV- Logement (+ articles 80 et 81) ;

-Ecologie et développement durable.

(Procédure de questions et de réponses suivi d'un droit de réplique des sénateurs.)

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Outre-mer (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Deuxième partie

Loi de finances pour 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Outre-mer

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Outre-mer (suite)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Rappel au règlement

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'outre-mer.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Adrien Giraud.

M. Adrien Giraud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai aucun motif de cacher l'émotion que je ressens au moment de m'exprimer pour la première fois du haut de cette tribune au nom de la population mahoraise.

Mes premiers contacts avec la Haute Assemblée remontent en effet aux années 1974 et 1975, période où le sort et le destin de Mayotte paraissaient bien incertains, et même très compromis.

Je dois dire que, dans notre combat pour Mayotte française avec Marcel Henry, les encouragements et les appuis les plus sûrs nous sont venus de diverses travées de cet hémicycle et de tous bords politiques.

C'est pourquoi je tiens personnellement à rendre un hommage de gratitude à la mémoire de tous ceux qui ont ainsi mérité l'infinie reconnaissance des Mahorais : au président Alain Poher ainsi qu'au directeur adjoint de son cabinet, René Peyrou, au sénateur Baudouin de Hauteclocque, défenseur intransigeant, à la commission des lois, du droit de Mayotte à rester dans la République, à Max Lejeune, à Geoffroy de Montalembert, à Marcel Champeix, président du groupe socialiste au Sénat, qui nous ont aidés, avec quelques autres, à résister à ce que certains appelaient - quelle illusion ! - le « sens de l'histoire » ou le « vent de l'histoire »...

Permettez-moi encore, mes chers collègues, de rappeler très brièvement un ou deux souvenirs qui n'ont rien d'anecdotique.

C'est du bureau de René Peyrou à la présidence du Sénat qu'ont été transmis, par mes soins, les télégrammes adressés aux plus hautes autorités de l'Etat et destinés à placer Mayotte sous la protection de la République et de la loi françaises. C'était, je m'en souviens très bien, le dimanche 6 juillet 1975, le jour même de la proclamation unilatérale de l'indépendance des Comores par les responsables locaux.

Au principe de l'intangibilité de frontières coloniales, nous opposions « le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ».

Mes chers collègues, Mayotte, sur ce point, n'a jamais changé d'opinion ni de discours.

Autre souvenir, un peu plus lointain mais également significatif et combien décisif : l'amendement, adopté le 12 novembre 1974 par la commission des lois du Sénat, substituant au projet de loi organisant une consultation de « la » population un texte prévoyant de consulter « les » populations des Comores.

Cette substitution du pluriel au singulier permettant la consultation île par île de l'archipel comorien résultait de ce fameux amendement, rédigé - avec quelle subtilité ! - par un administrateur de la commission des lois du Sénat, Jean-Dominique Lassaigne. S'il m'entend, qu'il accepte que je le remercie encore une fois !

C'est en s'appuyant sur cette disposition législative et salvatrice que le Conseil constitutionnel a justifié le décompte île par île des résultats et permis d'organiser une nouvelle consultation d'autodétermination à Mayotte.

Depuis lors, les Mahorais n'ont pas cessé, avec le concours de nombreux amis - je songe notamment à M. Didier Béoutis, de l'Association pour Mayotte française, à Me Vallery-Radot, avocat à Paris, ou à M. Pierre Pujo -, de réclamer « l'ancrage » définitif de Mayotte dans la République.

Plus que jamais, les Mahorais souhaitent accéder au statut de département d'outre-mer, qui leur apparaît, à juste titre, comme la plus sûre garantie de leurs libertés et de leurs progrès dans la voie du développement économique, social et culturel.

C'est à ce titre et dans cet esprit, mes chers collègues, que j'aborde maintenant les questions relatives au budget du ministère de l'outre-mer pour 2005, qui est aujourd'hui soumis à l'appréciation et au vote de notre Haute Assemblée.

Ce budget de 1,6 milliards d'euros appelle de ma part deux observations générales et plusieurs interrogations.

Ma première observation a trait à l'évolution affichée de 52 % du montant global de votre projet de budget, madame la ministre, dont vous avez vous-même reconnu, en commission, le caractère quelque peu artificiel.

Une telle hausse est liée à l'intégration dans ce budget de plus de 678 millions d'euros de crédits qui relevaient auparavant du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Certes, les apparences d'un budget en croissance continue sont sauves, mais je crains qu'une telle démarche, si elle cessait d'être exceptionnelle, n'aboutisse au « désengagement » des ministères vis-à-vis de nos collectivités. Mayotte, qui a tant de mal à obtenir l'intervention des services publics d'Etat sur son territoire, serait ainsi lourdement pénalisée.

Ma seconde observation d'ordre général concerne la mise en oeuvre de l'impératif de rattrapage inscrit depuis longtemps dans les diverses conventions de développement signées depuis 1986, dans la convention Etat-Mayotte 2003-2007 comme dans l'actuel contrat de plan.

Le même objectif de rattrapage est affiché dans la loi statutaire du 11 juillet 2001, dont le titre V traite du développement économique de Mayotte tout en prévoyant, à l'article 43, la création d'un « fonds de développement » financé notamment par les concours de l'Etat, de la collectivité départementale et de la Communauté européenne.

Permettez-moi, madame la ministre, de vous rappeler, à cet égard, que ce même article 43 prescrit l'établissement et la remise au président du conseil général d'un rapport annuel sur le développement économique de Mayotte. Or, sauf erreur de ma part, ce rapport n'a pas été déposé : il serait bon que, dans les prochaines années, ce document de synthèse soit établi et diffusé avant le vote du budget.

Quoi qu'il en soit, j'observe que Mayotte a beaucoup souffert, au cours des récentes années, de diverses mesures de suspension, de réductions ou d'annulations de crédits qui ont été justifiées par des contraintes ou des difficultés budgétaires. Si chacun doit, certes, prendre sa part des mesures de restriction imposées à tous, il serait cependant souhaitable, ces décisions étant d'application indifférenciée ou uniforme, que des priorités soient mieux affirmées pour ne pas priver l'exigence de « mise à niveau » de toute signification.

Ainsi, s'agissant du réseau routier, la réhabilitation ô combien nécessaire des routes nationales, inscrite pour 2 millions d'euros, n'a réuni que 800 000 euros en 2003 et n'a reçu aucune dotation en 2004, de même que diverses opérations, prévues depuis longtemps dans le contrat de plan pour la déviation des villages, attendent pour être réalisées que soient versés les crédits de paiement.

Il en va de même pour les grandes opérations d'équipement, qu'il s'agisse du port de Longoni ou de l'aéroport. Pour ma part, je souhaiterais que le Gouvernement nous apporte enfin une réponse claire sur l'allongement de la piste d'aviation, qui fait l'objet, depuis des années, d'interminables études.

Il est important, madame la ministre, de nous accorder sur la définition et le contenu de l'impératif de rattrapage économique et social voulu par le législateur.

Toujours dans le souci de combler, progressivement et par des moyens adaptés, nos retards, j'en viens, madame la ministre, aux trois questions qu'a fait naître dans mon esprit votre projet de budget pour 2005.

La première concerne les fonds structurels ouverts aux régions dites « ultra-périphériques » d'Europe, les RUP. Les départements français d'outre-mer appartiennent à cette catégorie, et c'est notamment, d'ailleurs, ce qui explique notre volonté, ancienne et renouvelée, d'accéder au statut de DOM. Si nous n'y parvenons pas, nous demeurerons tributaires du Fonds économique de développement, le FED, dont la compétence s'étend aux pays indépendants d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et dont les concours financiers varient dans une proportion de un à douze par rapport aux « fonds structurels ».

Le Président de la République, ayant parfaitement admis nos raisons, avait écrit au Président de la Commission Européenne pour nous défendre et souligner tout l'intérêt qu'avait Mayotte à figurer désormais parmi les RUP. J'ignore quelle a été la réponse de la Commission, mais j'avais cru comprendre qu'il appartenait au Gouvernement d'engager avec les Etats membres les négociations préalables à l'intégration de Mayotte dans les RUP.

Les explications que vous avez données récemment à l'Assemblée nationale semblent ouvrir des perspectives plus favorables.

J'ai bien compris que la situation des quatre DOM se trouvait aujourd'hui consolidée dans le cadre du nouveau traité européen. Toutefois, s'agissant de Mayotte et de son éventuel passage du statut de PTOM à celui de RUP, vous avez indiqué, madame la ministre, qu'il serait nécessaire « de consulter tout le monde » en raison de la « souplesse nouvelle » introduite dans le traité. Qu'en est-il exactement ? Vos explications, qui contribueront à clarifier notre situation, seront attentivement écoutées à Mayotte.

Ma deuxième question concerne la Société immobilière de Mayotte, la SIM, qui demeure depuis plus d'un quart de siècle l'instrument essentiel de la politique du logement dans notre collectivité.

Cette dernière a pu notamment créer, au fil du temps, un modèle original d'habitat social, la « case SIM », bien adaptée aux besoins de la population, et développer avec les artisans mahorais, dans les divers corps de métiers, un système cohérent et très efficace de coopération professionnelle et technique, dont les résultats sont probants si l'on en juge par les distinctions et récompenses nationales et européennes conférées à la SIM.

D'aucuns projettent, dit-on à Mayotte, de nous appliquer dès l'an prochain le droit commun de la construction sociale avec les logements évolutifs sociaux, ou LES. Je pense, pour ma part, qu'une transition doit être observée afin de permettre l'adaptation des méthodes, des moyens et des hommes à ces productions nouvelles.

Il faut maintenir et relancer les « cases SIM », dont la construction a fléchi ces derniers temps, et, à cet effet, augmenter de 8 millions d'euros la dotation de la ligne budgétaire unique, la LBU, pour la mise à niveau de la politique de construction à Mayotte.

Madame la ministre, mes chers collègues, ma dernière question me permettra d'exprimer une conviction très ancienne : les Mahorais doivent être les acteurs vigilants et dynamiques de leur propre développement, et non pas de simples spectateurs. Il n'est ni possible ni souhaitable d'installer Mayotte dans une sorte d'assistanat généralisé. Il faut, en revanche, aider les familles et les personnes les plus démunies en raison de l'âge ou des handicaps sociaux.

Il m'est particulièrement agréable de remercier ma distinguée collègue de la Réunion, Mme Anne-Marie Payet, d'avoir accepté, sur ma demande, de présenter au bénéfice des familles mahoraises un amendement étendant les conditions d'accès aux allocations familiales, jusqu'à présent limitées à trois enfants.

Une telle proposition, qui se fonde à l'évidence sur un impératif de justice et d'égalité devant la loi républicaine, vise aussi à apporter à des familles souvent déshéritées le supplément de ressources indispensable à la santé comme à la bonne éducation des enfants.

Cet amendement présente un autre mérite, madame la ministre : celui de chercher à atténuer les conséquences de l'article 68 de votre loi de programme de 2003, qui interdit à l'avenir la polygamie. En effet, certains maris ayant profité de ces dispositions nouvelles pour les appliquer à titre rétroactif, de nombreuses femmes avec des enfants à charge se retrouvent maintenant seules et sans ressources.

C'est pour pallier, autant que faire se peut, les effets et les « dégâts collatéraux » de ces dispositions qu'il est proposé d'aider ces femmes abandonnées, en leur accordant le bénéfice de l'allocation de parent isolé.

En définitive, en dépit de la rigueur de la conjoncture budgétaire et financière, ce projet de budget pour 2005 me paraît, notamment à la lecture de l'annexe « jaune » de la loi de finances, équilibré et réaliste. Même s'il ne représente que 12 % à 15 % de l'ensemble des crédits publics consacrés à l'outre-mer, il nous donne l'occasion, encore trop rare, d'avoir une réflexion sur la situation et les perspectives des économies et des sociétés d'outre-mer. C'est pourquoi, malgré les insuffisances que j'ai signalées, je le voterai. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais, pour débuter mon intervention, aborder la crise politique et sociale que connaît actuellement la Polynésie française.

La campagne électorale de mai 2004 a révélé, comme on le sait, un mécontentement croissant de la population et des élus polynésiens concernant la gestion de M. Flosse.

Le rejet d'un système qui a dominé sans partage les institutions depuis deux décennies et la volonté de changement ont abouti au vaste rassemblement formé autour de M. Temaru, qui dépasse très largement, madame la ministre, la seule mouvance indépendantiste.

Pour sortir de cette situation, il n'y a pas d'autre réponse politique que celle de la démocratie et de la justice sociale.

Après l'annulation par le Conseil d'Etat du scrutin du 23 mai dans les îles du Vent - Tahiti et Moorea -, c'est la voie parlementaire qui est envisagée pour rendre possible une nouvelle consultation. Dans le cadre des négociations conduites à Paris, un accord de principe a été signé entre Gaston Flosse et Oscar Temaru sur la tenue d'élections générales dans les territoires. Mais la proposition de M. Flosse d'attendre dix-huit mois pour les futures élections générales a soulevé, encore une fois, l'inquiétude.

Aujourd'hui, force est donc de constater que la résolution de la crise en Polynésie devra encore attendre. Les discussions entamées à Paris ont, en effet; été suspendues, après le départ de Gaston Flosse pour Papeete.

Face à cette crise profonde, le gouvernement français doit intervenir, madame la ministre, en tant que garant de la démocratie et de la justice. Il doit permettre aux Polynésiens de s'exprimer.

Las de la corruption des dirigeants de Papeete, de l'absence de démocratie et de l'accroissement des inégalités sociales qui ravagent leur archipel, les Polynésiens désirent un changement radical. Il est de notre devoir, madame la ministre, de les aider à opérer ce changement. Il est donc désormais urgent de laisser au peuple polynésien, et à lui seul, le libre choix de sa destinée.

Mais j'en viens, madame la ministre, au budget de votre ministère pour 2005, qui s'élève à 1,71 milliard d'euros et enregistre donc, apparemment, une hausse de 52 % par rapport au budget voté en 2004. Cependant, ainsi que vous l'avez vous-même reconnu, madame la ministre, il ne s'agit que d'une progression artificielle. En effet, cette hausse est uniquement liée, comme l'a rappelé ce matin M. Henri Torre, rapporteur spécial, au transfert sur le budget de l'outre-mer de crédits destinés à compenser les exonérations fiscales de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, lesquels étaient jusqu'à présent inscrits au budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

En réalité, une comparaison à périmètre constant entre le budget 2004 et le budget 2005 permet de constater que ce dernier s'élève à 1,032 milliard d'euros. Il est donc en diminution de 7,9 % par rapport au budget 2004.

De manière générale, les différentes lignes budgétaires accusent une stagnation, voire une régression si l'on prend en considération une inflation prévisionnelle de 1,8 % en 2005. Concrètement, le budget pour 2005 constitue, madame la ministre, un véritable budget de régression sociale et de désengagement de l'Etat.

Plusieurs évolutions inscrites dans ce budget ne peuvent susciter que l'inquiétude.

Ainsi, les moyens des services, qui représentent 8,7 % du budget, devraient être de 148 millions d'euros, ce qui traduit une baisse de 23 % par rapport à 2004. A cet égard, le maintien de personnels et de moyens de fonctionnements suffisants pour mener à bien les missions du ministère semble fortement compromis.

La réduction de près de 90 millions d'euros - donc de presque un tiers - des crédits du FEDOM, le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, est elle aussi très préoccupante. Alors que l'emploi est supposé constituer une priorité du budget 2005, on peut s'alarmer, madame la ministre, lorsqu'on constate la nette diminution qui affecte le FEDOM, sur lequel sont financés les contrats aidés. Cette mesure s'inscrit, conformément à la logique libérale de votre gouvernement, dans le cadre de la diminution des crédits pour l'emploi.

Par ailleurs, il faut relever la diminution sensible des crédits affectés aux activités culturelles, sportives, sociales et aux activités de la jeunesse, ou encore à la subvention au fonds d'investissement des départements d'outre-mer. Il ne s'agit que de quelques exemples, mais il est important de les relever au moment où l'on nous présente un projet de budget qui affiche la volonté de mettre en oeuvre des mesures à caractère social.

Vous avez indiqué, madame la ministre, que, dans le cadre de la politique de l'emploi, la priorité portera sur le développement de l'emploi dans le secteur marchand. Nous refusons, bien entendu, la logique d'un Etat minimal que sous-tend cet objectif. Au contraire, l'Etat devrait occuper une place importante dans l'outre-mer : la politique de l'emploi ne peut pas reposer simplement sur le secteur marchand.

L'essor de l'emploi doit s'effectuer dans le secteur public et le secteur privé, sans quoi il n'y a pas de développement durable possible. Nous regrettons, madame la ministre, que votre projet de budget ne le permette pas.

Le logement est présenté comme le deuxième axe prioritaire de ce projet de budget. Il s'agit, selon nous, plus que d'une priorité, d'une nécessité impérieuse. L'accroissement de la population, la formation de nombreux jeunes ménages et la croissance des villes rendent nécessaire la construction d'un grand nombre de logements. En effet, le parc actuel est précaire et insalubre,

On constate outre-mer à la fois l'insuffisance du nombre de logements et la persistance d'un habitat insalubre, qui prend parfois la forme de véritables « bidonvilles ». Pour remédier à cette situation catastrophique, il est nécessaire de multiplier les efforts en faveur de la construction de logements sociaux et de la résorption de l'habitat insalubre.

Comment atteindre, madame la ministre, l'objectif de 1 000 nouveaux logements sociaux, quand ce budget se contente de maintenir le niveau d'effort des années 2002 et 2003 ?

Le désengagement opéré par l'Etat dans le domaine du logement a un effet encore plus pervers quand les engagements de l'Etat sont brusquement abandonnés.

A cet égard, la commission des finances de l'Assemblée nationale a fait part de ses inquiétudes quant aux difficultés rencontrées avec la gestion des crédits de l'outre-mer en 2003 et 2004 et sur la ligne budgétaire unique consacrée à la politique du logement. En effet, pendant plusieurs années, l'intégralité des crédits inscrits sur cette ligne n'a pas été consommée en fin d'exercice, ce qui a généré d'importants reports. Le ministère a donc choisi, en 2002 et 2003, de concentrer l'effet des mesures de régulation budgétaire sur cette ligne, entraînant des annulations de crédits importantes et brutales.

Aujourd'hui, les crédits de paiement sont devenus insuffisants au regard des engagements ; des factures impayées sont en instance dans les directions départementales de l'équipement pour un montant global de 20 millions d'euros, comme vous le savez, madame la ministre, alors que 26 millions d'euros de crédits sont gelés en 2004.

Vous prétendez que ce projet de budget favorise également la continuité territoriale. Il s'agit en effet d'un enjeu essentiel pour le développement économique de l'outre-mer et pour l'amélioration du sort des ultramarins vivant en métropole.

En réalité, les crédits n'augmentent que d'un million d'euros dans ce domaine et la dotation pour le passeport mobilité stagne. Or la flambée, depuis trois ans, des prix du transport aérien sur les liaisons aériennes ultramarines pénalise fortement le rapprochement des familles ainsi que le tourisme outre-mer, et l'on ne voit pas comment, dans ces conditions, le principe de continuité territoriale pourrait ne pas être privé de toute effectivité.

L'instauration d'une vraie continuité territoriale passe notamment par l'imposition d'un prix plafond des billets d'avion et la mise en place de tarifs sociaux. Nous regrettons, à cet égard, que le dossier des coûts du transport aérien vers l'outre-mer continue de stagner.

Nous sommes également opposés à votre volonté de faire contribuer les collectivités d'outre-mer au financement de la continuité territoriale. Nous considérons que cela va à l'encontre de la solidarité nationale. Il est nécessaire que l'Etat prenne ses responsabilités face aux abus patents des compagnies aériennes en les obligeant à mettre un terme aux pratiques tarifaires abusives.

A cet égard, on sait que le problème, tant pour les ultramarins que pour l'Etat lorsqu'il paie les billets au titre des congés bonifiés, tient à la situation de quasi-monopole dont Air France bénéficie aujourd'hui. Il est désormais indispensable, madame la ministre, d'imposer des obligations de service public à cette compagnie pour instaurer une continuité territoriale effective.

Concernant le système des congés bonifiés, qui permet aux personnes originaires de l'outre-mer travaillant en métropole de bénéficier, tous les trois ans, de billets d'avion et de deux mois de congés bonifiés outre-mer, vous avez indiqué, madame la ministre, que ce système pourrait être prochainement remplacé par un autre système plus soucieux de l'équilibre budgétaire. Lequel ?

Nous refusons que le système des congés bonifiés soit la cible d'une remise en cause plus générale des droits statutaires des fonctionnaires ultramarins.

La réforme projetée par le Gouvernement s'inscrit dans la ligne des rejets massifs par les employeurs publics des demandes de congés bonifiés et du versement des indemnités d'éloignement des agents. Aussi, nous demandons, madame la ministre, que la transparence sur le contenu et les enjeux de cette réforme soit totale.

Ce projet de budget pour 2005 consacre l'accentuation des désengagements de l'Etat. La solidarité nationale se désagrège toujours plus. Certains ont parlé d'un budget courageux : je ne partage pas cette appréciation. Le sentiment d'abandon, ressenti durement depuis deux ans par nos concitoyens, est consacré officiellement avec votre projet de budget.

C'est la raison pour laquelle le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Guadeloupe vit un hivernage douloureux. Des pluies exceptionnelles ont causé des inondations à répétition, particulièrement en Côte-sous-le-Vent, provoquant des dégradations importantes du réseau routier et des habitations privées.

Le 21 novembre 2004, un séisme d'une magnitude rare a frappé la Guadeloupe, particulièrement les Saintes, archipel dans l'archipel, dont les deux communes souffraient déjà des handicaps liés à ce que l'on qualifie désormais de « double insularité ».

Sans une intervention tout à fait exceptionnelle de l'Etat, à la mesure de la gravité des événements, ce séisme pourrait enfermer Terre-de-Haut et Terre-de-Bas dans une troisième insularité. Ces « îles-communes » seraient dès lors menacées à terme de mort.

Madame la ministre, je sais que je parle à une convaincue. En effet, dès le lendemain du séisme, nous étions, vous et moi, ainsi que Mme Michaux-Chevry, sur le même vol transatlantique qui relie Paris à la Guadeloupe.

Je tiens ici à vous féliciter : les habitants de Terre-de-Bas ont apprécié la présence rapide de l'Etat, représenté par votre personne.

Je vous sais également gré de votre décision d'accorder une aide d'urgence exceptionnelle de 200 000 euros aux sinistrés. Mais c'était avant votre visite à Terre-de-Bas et l'évaluation rapide des dégâts à laquelle vous avez pu personnellement procéder à cette occasion, madame la ministre, vous a sans doute montré que nous sommes encore très loin du compte.

C'est d'autant plus vrai que vous n'avez pas pu visiter Terre-de-Haut : des pans entiers du « Pain de sucre » ont été précipités dans l'Atlantique ! Je vous l'assure, le préjudice subi, tant en ce qui concerne les édifices publics que les constructions privées, y est au moins équivalent à celui qui a été subi par Terre-de-Bas.

Madame la ministre, mes chers collègues, avant de poursuivre mon propos, je veux rendre un double hommage, et je suis heureux de pouvoir le faire ici, au Sénat, où je prends la parole pour la première fois, et prendre ainsi à témoin les membres de notre Haute Assemblée.

Tout d'abord, je m'incline respectueusement devant la population des Saintes pour son courage et pour le sang-froid dont elle a fait preuve dans des circonstances qu'on ne peut souhaiter à personne.

Je veux ensuite distinguer deux hommes dont le comportement exemplaire honore tous les élus. Ce sont deux modestes maires : Fred Beaujour et Louis Molinié. Leurs communes font partie des plus petites de l'archipel. Mais je reconnais humblement que, moi-même, maire de la plus grande ville de Guadeloupe, j'aimerais pouvoir affirmer qu'en de telles circonstances, face à une telle adversité, j'aurais su agir avec un égal discernement, avec le même dévouement, avec autant d'efficacité, en somme avec un tel altruisme. Des maires de cette trempe me remplissent d'une légitime fierté, car ce sont les héros républicains d'aujourd'hui.

Si j'en parle en ces termes, madame la ministre, c'est que de tels hommes, de tels élus ne méritent pas qu'on les abandonne sitôt passée l'émotion, les attentions et les bonnes intentions des premiers jours.

C'est pourquoi je demande qu'aux Saintes l'action de l'Etat soit exemplaire, d'autant qu'il s'agit de deux petites collectivités, représentant à peine la population d'un îlot d'immeubles d'un quartier de Paris. Je demande donc que la reconstruction des bâtiments publics les plus symboliques de la République - mairies, écoles - soit prise en charge à 100 % par l'Etat.

C'est avec en mémoire ces images de désolation, mais aussi avec espérance que j'ai examiné, madame la ministre, le projet de budget que vous nous présentez.

C'est aussi avec un esprit ouvert que j'ai étudié ce projet de budget, avec le souci d'y trouver réponse à nos attentes légitimes et à celles de nos populations.

Globalement, madame la ministre, je crois en votre volonté d'établir le meilleur budget possible avec les moyens qui vous sont consentis. Toutefois, en la circonstance, je dois déplorer les limites étroites du possible. En effet, que ce soit en valeur absolue ou en valeur réelle, non seulement votre budget n'augmente pas mais il diminue - on l'a dit avant moi - et, avouons-le franchement, le transfert de crédits venus d'autres ministères provoque une « enflure » qui ne saurait faire illusion.

S'agissant des deux priorités affichées par l'Etat, l'emploi et le logement, si je ne méconnais pas les efforts accomplis depuis quelques années par différents gouvernements, je ne peux, pour autant, être satisfait du résultat.

Tout d'abord, sur la question majeure de l'emploi, il est vrai que nous connaissons un frémissement heureux depuis quelque temps, avec notamment une baisse du chômage outre-mer alors qu'il progressait en métropole.

Mais, hélas ! les taux de chômage recensés par l'INSEE restent très nettement supérieurs à la moyenne nationale. Cela fait si longtemps que cette situation inacceptable dure qu'elle a fini par sembler normale. Non, madame la ministre, 30 % de chômeurs, ce n'est pas normal ! L'affirmer, c'est sans doute la première étape de la lutte qui reste à conduire contre ce fléau.

J'ai noté qu'à défaut de pouvoir augmenter les moyens vous aviez la volonté, madame la ministre, à travers la globalisation des crédits relatifs aux emplois aidés, de renforcer l'efficacité du dispositif général en y introduisant plus de souplesse.

Mais, pour atteindre cet objectif, il faut accroître l'accessibilité aux différentes mesures en intensifiant la bataille de l'information auprès des jeunes, des chômeurs et des petites entreprises. Pour ce faire, il faut notamment exiger une démarche plus volontariste des administrations dans la promotion de ces mesures auprès des publics concernés.

Quant à votre deuxième priorité, le logement, vous savez qu'en Guadeloupe, par exemple, 21 000 habitations, soit 15 % du parc, sont classées insalubres. Cela représente les deux tiers de l'habitat insalubre des départements français d'Amérique. Or je ne trouve pas dans le projet de budget des facteurs susceptibles d'entraîner l'éradication, dans des délais raisonnables, de ce véritable fléau, source par ailleurs d'inégalités supplémentaires de toute nature.

Les efforts en faveur du logement méritent donc d'être renforcés. Des dispositifs tels que la location-accession gagneraient à être davantage promus, car ils s'adressent à des populations de niveau intermédiaire, un peu laissées-pour-compte. De même, on attend encore que le prêt à taux zéro joue le rôle pour lequel il a été instauré.

Ces dispositifs ont le mérite d'exister, madame la ministre, mais il faut se fixer des obligations de résultat dans leur mise en oeuvre.

Toujours à propos d'habitat, je veux exprimer une inquiétude, voire une déception. Elle concerne la régularisation de la situation des ménages habitant dans la zone des cinquante pas géométriques. Cette régularisation, prévue pour la énième fois par la loi du 30 décembre 1996, ne donne pas, une fois de plus, les résultats escomptés. Moins de 1 000 dossiers ont été déposés en Guadeloupe, pour 10 000 cas estimés. Vous avez d'ailleurs avoué que, compte tenu des délais inhérents aux procédures de cession, aucune aide n'a été accordée en 2003 dans le cadre de ce dispositif.

Cet échec repose pour une large part sur l'importance du nombre de refus de validation, que les requérants soient porteurs à titre personnel de leurs titres de propriété ou que leurs droits découlent de ceux de leurs ascendants, acquis depuis parfois plus d'un siècle.

En définitive, après de précédentes opérations de validation ratées- notamment celles qui avaient été engagées par le décret du 30 juin 1955 -, nous sommes restés au point de départ, ou presque, et la précarité reste la règle en Guadeloupe, dans cette zone du littoral déjà bâtie. L'Etat doit donc impérativement reprendre la main dans ce dossier, qui doit fort opportunément prendre le train de la nouvelle loi sur le littoral. Je pense même que notre Haute Assemblée devrait se saisir de ces questions, le cas échéant en créant une mission d'information parlementaire.

Si je reste sur ma faim s'agissant des deux priorités définies par le Gouvernement, vous imaginerez aisément, madame la ministre, que je sois amené à souligner également d'autres motifs de déception pour nous, élus d'outre mer.

Vous savez mieux que quiconque les difficultés financières auxquelles sont confrontés les conseils municipaux des communes d'outre mer. Qu'il me soit permis d'affirmer ici solennellement que l'idée selon laquelle les maires de Guadeloupe et leurs conseils municipaux seraient moins aptes que leurs homologues exerçant sous d'autres cieux à remplir leurs fonctions ne saurait raisonnablement prospérer dès lors que l'on prend en compte la réalité du contexte dans lequel ils évoluent.

Très clairement, dans une situation de chômage massif telle qu'elle a été évoquée tout à l'heure, les maires qui nous ont précédé, voilà vingt ou trente ans, furent des précurseurs dans le traitement social du chômage. En effet, il est bon de rappeler que, à cette époque, l'indemnisation du chômage n'avait pas cours chez nous, le RMI n'existait pas, et il a fallu mettre en oeuvre des recrutements sociaux, qui se traduisent aujourd'hui par des sureffectifs chroniques.

C'est dans un tel contexte que l'Etat, fort généreusement bien sûr, a décidé de réduire la précarité dans l'emploi public, notamment en 1996, 1998 et 2001. Dès lors, comment ignorer les effets mécaniques de ces dispositions légales, qui ont plongé les communes dans une recherche d'équilibre budgétaire frisant la mission impossible, sachant que le passage des agents de la situation de contractuel au statut de fonctionnaire entraîne ipso facto un surcoût de 40 % sur la rémunération des personnels ?

De plus, toutes nos municipalités doivent supporter le choc des frais d'approche sur leurs achats, qui s'élèvent, chacun en convient, à près de 20 %.

Tout cela pour vous dire, madame la ministre, que la détermination de nos dotations globales ne prend pas suffisamment en compte ces éléments discriminants. Et, même avec la réforme projetée de la dotation globale de fonctionnement des communes, le compte n'y sera pas, car le problème de fond demeure : l'inégalité intrinsèque.

Madame la ministre, puisque vous êtes parfaitement informée de ce problème, acceptez-vous de franchir le pas, de mettre la question à plat ? Les élus de la Guadeloupe sont prêts à entreprendre une opération vérité qui ferait la part entre le handicap et d'éventuelles décisions de gestion inadaptées. L'économie et la société guadeloupéennes souffrent des difficultés des communes. Il faut donc traiter ce mal-là aussi.

Voilà qui me conduit à vous dire que les Saintes constituent un condensé de la Guadeloupe tout entière. J'appelle donc votre attention, solennellement là encore, sur l'urgence d'une mise aux normes actuelles des bâtiments publics, une majorité d'entre eux - notamment les écoles, les mairies, les églises - datant de plus d'un demi-siècle. On ne peut pas attendre dans l'inertie que la catastrophe survienne, alors que l'on sait que les communes n'ont pas les moyens de relever le défi de la sécurité de leurs administrés face aux risques majeurs.

C'est un défi que l'Etat doit relever avec nous, et de façon urgente.

Toujours dans le prolongement de la question des dotations financières, vous savez, madame la ministre, que les communes de Guadeloupe ont un contentieux avec l'Etat.

Le bien-fondé de notre revendication est établi puisque, saisie par trois communes, la juridiction administrative a admis cette dernière. Dès lors, pourquoi ne pas commencer par nous rendre ce qui nous est moralement et juridiquement dû ? Là encore, il est urgent que l'Etat agisse en toute équité.

Dans ce même registre, je vous dirai, madame la ministre, que, dans votre projet de budget, vous effleurez la question de la continuité territoriale. C'est bien, et je devrais vous en féliciter, mais les montants affectés sont si faibles que je me demande comment nous allons véritablement avancer. Je pense qu'il n'est pas normal que les régions d'outre-mer soient obligées de faire l'effort !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Marsin. Au total, madame la ministre, nous comptons sur votre volonté de mener une politique qui change réellement la donne en Guadeloupe et dans l'outre-mer en général, une politique qui ne nous laisse pas le sentiment que seules les générations futures auront une chance de voir un jour la Guadeloupe nouvelle que nous appelons de nos voeux.

Vos réponses à toutes ces questions détermineront mon vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE, sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Lise.

M. Claude Lise. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, le budget de l'outre-mer bénéficie d'une présentation beaucoup trop avantageuse par rapport à la réalité. Il paraît en hausse alors qu'il est en baisse,...

M. Robert Bret. En trompe-l'oeil !

M. Claude Lise. ... il affiche des priorités qui correspondent bien aux besoins et aux attentes mais qui ne sont pas dotées en conséquence sur le plan budgétaire !

Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne méthode pour éviter certaines critiques !

Cela dit, je ne vais pas vous chercher querelle sur l'augmentation de 52 % : j'ai bien noté que vous vous démarquiez de ceux qui ont cru que l'on pouvait en tirer quelque avantage.

Je ne vais pas entrer non plus dans le débat sur le pourcentage de diminution de ce budget : la question de savoir s'il s'élève à 8 % ou à 2,5 % n'est pas d'un très grand intérêt.

Mes critiques, vous l'avez compris, porteront beaucoup plus sur le sort réservé aux deux grandes priorités affichées : l'emploi et le logement. Voilà bien deux domaines où l'on attend, en effet, une politique offensive. Mais force est de constater que les moyens ne suivent pas, notamment en ce qui concerne les départements d'outre-mer.

C'est ainsi que l'on voit le fonds pour l'emploi des DOM diminuer - cela a été dit - de 28,4 %, alors même que le chômage repart à la hausse depuis quelques mois.

Il avait, certes, baissé de quelques points depuis 1999, sous les effets successifs et complémentaires de la loi d'orientation pour l'outre-mer, puis de votre loi de programme pour l'outre-mer. Mais, l'année dernière déjà, cette tendance à la baisse a marqué le pas.

En Martinique, le phénomène est d'autant plus prononcé que la crise de la banane, que j'ai évoquée dans le rapport pour avis que j'ai présenté au nom de la commission des affaires économiques, a déjà provoqué la perte de près de 600 emplois depuis le début de l'année.

L'insuffisance de moyens que je viens de dénoncer est, par ailleurs, mise au service d'une conception qui, en matière d'emplois aidés, fait la part trop belle à l'incantation.

Il ne suffit pas de prendre avantageusement parti pour l'emploi marchand, comme s'il y avait, en face, des tenants fanatiques de l'emploi non marchand. L'emploi marchand ne se décrète pas, hélas ! Et vous savez bien que, malgré le dynamisme d'acteurs économiques davantage créateurs d'entreprises et d'emplois que dans l'Hexagone, l'offre d'emplois dans le secteur marchand est loin de se situer, dans les DOM, à la hauteur de la demande.

Dès lors, faut-il, par rigidité idéologique, laisser sombrer des pans entiers de notre population - et surtout de notre jeunesse - dans l'exclusion et la désespérance ?

Je refuse de m'y résoudre, tout simplement parce que j'en évalue bien les conséquences. Et c'est pourquoi je vous demande avec insistance, madame la ministre, de maintenir un volet suffisant d'emplois aidés, qui ont fait leur preuve : je pense notamment aux contrats emploi-solidarité, les CES, aux contrats emplois consolidés, les CEC, et, surtout, aux emplois-jeunes.

Je veux attirer aussi votre attention sur la nécessité d'accentuer l'effort, en matière d'emplois marchands, sur des dispositifs qui sont quelque peu négligés alors qu'ils donnent de très bons résultats lorsqu'ils sont mis en oeuvre : le congé solidarité et le projet initiative-jeune.

La deuxième priorité affichée dans ce budget a trait au logement social. C'est un domaine où un retard considérable doit être rattrapé. Or que révèle l'examen de la ligne budgétaire unique ? Force est de constater une baisse de 6,5 % des autorisations de programme et la simple reconduction des crédits de paiement, alors que les dotations stagnent depuis deux ans et que des gels et des annulations de crédits sont venus brutalement réduire, en cours d'année, les moyens mis à la disposition des opérateurs sociaux.

Je vous ai d'ailleurs adressé une question écrite, madame la ministre, faisant état de la situation en Martinique où, sur 41,7 millions d'euros programmés par le conseil départemental de l'habitat, le CDH, en début d'année - en tenant compte des réductions observées en 2003 -, seuls 25,8 millions d'euros ont été délégués en autorisations de programme.

En outre, il manque toujours, à l'heure actuelle, plus de 8 millions d'euros de crédits de paiement pour payer des entreprises et éviter l'arrêt de certains chantiers.

Il est donc urgent que des crédits supplémentaires soient débloqués pour éviter de réduire encore l'offre de logements sociaux et de pénaliser à la fois un grand nombre de familles en attente et, ne l'oublions pas, un secteur économique éminemment créateur d'emplois.

Peut-on, dans ces conditions, parler de priorité budgétaire ? Nous avons plutôt le sentiment d'être incités à freiner le rythme de réalisation des logements sociaux, alors même qu'il existe - notamment en Martinique, et je peux en témoigner - d'évidentes possibilités d'en construire davantage et que de réels efforts sont consentis dans ce sens.

Mais, là encore, l'insuffisance des moyens est aggravée par la politique menée, qui n'accorde pas toute l'attention nécessaire à la prise en compte des réalités locales.

Ainsi, comment peut-on appliquer sans précaution un dispositif tel que celui qui est prévu pour le logement dans la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales dans des départements qui souffrent déjà d'enchevêtrements de compétences paralysants ?

Multiplier les intervenants dans un domaine où les conseils généraux des DOM avaient fait leurs preuves et avaient vu leurs compétences renforcées par la loi d'orientation ne conduira pas à de meilleurs résultats, bien au contraire. Les frais de fonctionnement s'accroîtront et, surtout, il deviendra beaucoup plus difficile d'obtenir une appréhension globale et une mise en oeuvre cohérente des politiques.

Vous allez m'objecter, madame la ministre, que, s'agissant du logement comme d'ailleurs du transport, des possibilités d'adaptation des textes législatifs sont offertes aux collectivités locales par l'article 73 de la Constitution. C'est tout à fait exact, mais ces adaptations nécessitent, comme vous le savez, l'adoption préalable par le Parlement d'une loi organique, celle-là même que d'aucuns s'étaient amusés à présenter comme un épouvantail voilà un an ! (M. Robert Bret s'exclame.)

A-t-on une chance de voir voter cette dernière courant 2005 ? Il ne s'agirait là que d'une première étape de la résolution du problème, puisqu'il resterait encore à soumettre au Parlement un texte d'habilitation.

D'ici là, je ne suis pas sûr que nous ne serons pas déjà confrontés à une situation catastrophique dans ce domaine.

C'est pourquoi il me paraît beaucoup plus simple que le Gouvernement rattrape son erreur en présentant rapidement au Parlement une mesure législative visant à suspendre l'application de toute une série de dispositions de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, qui posent des problèmes dans les DOM.

Je pourrais encore illustrer le décalage qu'affiche ce projet de budget entre certains objectifs annoncés et les moyens qui sont effectivement prévus par un autre exemple : celui de la politique de continuité territoriale.

Je ne m'attarderai pas sur ce point, mais, dans la mesure où il donne lieu à un appel à contribution de la part des collectivités territoriales, il me permet de faire la transition avec une question que je ne peux passer sous silence, qui concerne précisément la situation des collectivités territoriales dans les DOM.

Vous connaissez l'insuffisance de leurs ressources face à la masse de besoins qu'elles doivent satisfaire et aux charges qu'elles doivent supporter, qui sont beaucoup plus importantes que celles que doivent assumer leurs homologues en métropole. D'où l'intérêt de l'article 47 de votre loi de programme, madame la ministre, qui dispose que : « Les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales d'outre-mer font l'objet de dispositions particulières qui tiennent compte de leurs caractères spécifiques ».

Or, s'agissant de la dotation globale de fonctionnement des communes, les dispositions relatives aux collectivités territoriales qui ont été votées à l'article 29 du présent projet de loi de finances n'en donnent qu'une assez pâle traduction.

Par ailleurs, la situation particulière des collectivités qui se verront transférer des compétences est très loin d'être prise en compte.

En ce qui concerne le RMI, par exemple, en Martinique, le différentiel entre les allocations versées en 2004 et les remboursements effectués par l'Etat dépasse déjà 6 millions d'euros ! Vous devinez les menaces que cette somme fait planer sur le budget du conseil général !

Vous comprendrez aussi que cette expérience nous incite à nous opposer fermement au transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS, de l'éducation nationale.

Madame la ministre, je n'ignore évidemment pas le contexte de restriction budgétaire dans lequel vous avez dû élaborer votre projet de budget pour 2005. Mais vous connaissez trop bien les problèmes, notamment économiques et sociaux, qui se posent dans les départements d'outre-mer pour ne pas comprendre l'insatisfaction que j'éprouve et qui est, en réalité, largement partagée.

En fait, les arbitrages budgétaires - dont je préfère croire que vous avez été victime - ne sont pas équitables et révèlent un singulier manque de clairvoyance.

Ils ne sont pas équitables, dans la mesure où, d'une part, ils ne prennent pas suffisamment en compte le poids de certains handicaps qui relèvent autant de l'histoire - ne l'oublions pas - que de la géographie et où, d'autre part, ils semblent sous-estimer excessivement l'importance des efforts qui sont consentis localement pour surmonter ces handicaps.

Ils traduisent aussi un manque de clairvoyance, parce qu'ils font fi des enjeux réels de développement, en privilégiant ce qu'il faut bien appeler une logique purement comptable.

C'est une logique à laquelle nous ne sommes que trop habitués et qui est faussée, de surcroît, par l'idée que nos départements croulent sous l'assistance.

Cependant, par habitant, les dépenses publiques y sont nettement inférieures à la moyenne française - 9 500 euros contre 12 500 euros en 2000 -, tout comme le montant des prestations sociales - 4 200 euros contre 7 400 euros en 2000.

C'est une logique qui gagnerait parfois à s'appuyer davantage sur des études précises. Je pense, par exemple, au dispositif qui a été évoqué à plusieurs reprises de la TVA non perçue mais récupérable. Cette formule quelque peu amusante désigne une disposition qui mériterait cependant un débat beaucoup plus sérieux que celui que nous avons pour l'instant.

Il devient donc urgent de sortir de cette logique comptable qui ne cesse, dans les faits, de se révéler contre-productive, ainsi que de la logique uniformisatrice que l'on voit encore à l'oeuvre actuellement avec l'application sans discernement du deuxième volet de la décentralisation.

Cela implique évidemment une autre vision des départements d'outre-mer, de leurs réalités, de leurs potentialités, du rôle qu'ils pourraient jouer dans les régions du monde où ils se situent.

Madame la ministre, seule une telle vision peut inspirer une politique cohérente, la politique d'envergure que l'on attend toujours et qu'il est nécessaire de mettre en place si l'on veut changer le cours des choses dans nos départements d'outre-mer et enfin dégager pour leurs peuples de vraies perspectives d'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Madame la ministre, les excellents rapporteurs qui viennent de se succéder à la tribune ont déjà fort bien exposé l'économie générale de votre projet de budget. Aussi me contenterai-je, comme c'est un peu la coutume, de revenir sur certains points qui intéressent au premier chef le territoire des îles Wallis-et-Futuna, et je vous soumettrai quelques questions auxquelles, je le sais, vous ne manquerez pas de répondre.

Avant tout, je souhaite, madame la ministre, rendre hommage à votre action incessante en faveur de l'outre-mer et à la pugnacité avec laquelle vous défendez ses intérêts, ...

M. Jean-Louis Carrère. Et voici les violons !

M. Robert Laufoaulu. ... dans un contexte budgétaire qui est encore et toujours difficile. Ainsi, des efforts importants ont été consentis par le Gouvernement pour favoriser le développement des collectivités ultramarines en général, et des îles Wallis-et-Futuna en particulier.

Ma première préoccupation, en tant qu'élu, concerne la jeunesse, qui est l'avenir de notre territoire. Le ministère de l'outre-mer s'est engagé dans une politique volontariste en faveur de la formation professionnelle, et c'est un élément très positif.

L'opération « 40 cadres » a désormais atteint sa vitesse de croisière ; le premier comité de suivi s'est tenu la semaine dernière à Wallis pour prendre en compte la situation de neuf personnes, dont l'une est rentrée sur le territoire et travaille maintenant dans le délicat domaine de la santé animale.

Le dispositif porte donc déjà ses fruits, et nous souhaitons pouvoir l'utiliser pour répondre aux nombreux besoins recensés pour le développement du territoire, parmi lesquels les besoins urgents exprimés par l'agence de santé, notamment pour ce qui concerne la formation de sages-femmes. En effet, pour exercer cette profession, les étudiants doivent, préalablement à la spécialisation, suivre une première année de médecine. Pourriez-vous, madame la ministre, nous aider à trouver des partenariats avec des établissements universitaires afin que ces jeunes puissent suivre le cursus des sages-femmes ainsi que celui des infirmiers d'Etat ?

Madame la ministre, je tiens également à vous remercier de la convention qui vient d'être signée et qui permet le détachement sur le territoire de Wallis-et-Futuna d'un cadre de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, qui est chargé de la mise en place à Wallis du centre de formation professionnelle pour adultes et de la préparation des candidats stagiaires à l'AFPA et à l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT. Je tiens d'ailleurs à souligner l'action efficace et déterminée de cette dernière agence, qui relève de la tutelle de votre ministère. Elle assure l'accueil, la formation et le suivi en métropole de nombreux jeunes Wallisiens et Futuniens qui ont quitté le système scolaire sans qualification.

En ce qui concerne les bourses d'études accordées par le ministère de l'outre-mer aux jeunes bacheliers désirant poursuivre des études supérieures et qui sont pour cela obligés de quitter le territoire de Wallis-et-Futuna, leur nombre est en nette augmentation : il est de quarante-six depuis la rentrée de septembre de 2004. Soyez-en remerciée, madame la ministre, mais permettez-moi d'exprimer une inquiétude quant à la pérennisation de ce système. La réforme étant « dans les tubes », qu'en sera-t-il lorsque ces bourses seront transférées au ministère de l'éducation nationale ? Pouvez-vous me rassurer sur cette question, madame la ministre ?

Hier soir, lors de l'examen du projet de budget de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. François Fillon m'a répondu qu'il engagerait rapidement une réflexion approfondie sur l'enseignement à Wallis-et-Futuna. Madame la ministre, je tiens à vous dire que nous comptons beaucoup sur l'assistance de vos collaborateurs, que je sais très attentifs à nos problèmes, pour que cette négociation aboutisse aux meilleurs résultats possibles pour la jeunesse de la collectivité.

Par ailleurs, je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour revenir sur deux dispositions qui ont été adoptées lors de l'examen du projet de loi de programme pour l'outre-mer.

Tout d'abord, à l'instar de ce qui avait été prévu initialement pour Mayotte, une prime à la création d'emploi a été instituée à Wallis-et-Futuna. Cette disposition, que j'avais proposée ici même en première lecture et qui a été adoptée par l'Assemblée nationale, entraîne un coût minime pour l'Etat. Toutefois, le montant de la prime a été fixé à un niveau très bas. En réponse à mon collègue député M. Victor Brial, vous avez estimé souhaitable, madame la ministre, de procéder à une première évaluation de la mesure avant d'envisager une modification des taux. Qui la fera, et quand ?

L'article 18 de la loi de programme pour l'outre-mer a également prévu la mise en place d'un dispositif à destination des élèves en grande difficulté scolaire. L'article 55 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, que nous avons tout récemment examiné, permet d'avoir recours à des groupements d'intérêt public pour la création d'équipes de réussite éducative destinées à apporter un soutien éducatif, culturel, social et sanitaire aux élèves des premier et second degrés de l'enseignement. Il est précisé que ces groupements pourront être mis en place à Wallis-et-Futuna. Madame la ministre, comment cette disposition s'articule-t-elle avec l'article 18 de la loi de programme ? Pensez-vous vraiment que la formule juridique du groupement d'intérêt public puisse être appliquée, à Wallis-et-Futuna, à la réussite éducative ?

Dans un tout autre domaine, je tiens à souligner - et je vous en remercie - la grande avancée réalisée dans le domaine de la continuité territoriale avec la métropole, grâce au passeport mobilité, ainsi que les efforts qui sont consentis dans ce projet de budget en faveur de l'agence de santé, dont le budget passe à 16 millions d'euros en 2005, ou de la desserte aérienne entre Wallis et Futuna.

Sur ce dernier point, je tiens cependant à souligner les grandes perturbations entraînées par les pannes fréquentes du Twin-Otter qui assure la liaison entre les deux îles, pannes qui confinent Futuna dans un isolement total pendant parfois plusieurs jours.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est vrai !

M. Robert Laufoaulu. La convention passée entre le territoire de Wallis-et-Futuna et la compagnie Air Calédonie International, Aircalin, doit être revue. Nous souhaitons que l'administrateur supérieur du territoire prenne ce point à coeur, et nous comptons sur le ministère de l'outre-mer pour nous aider dans ces discussions avec Aircalin.

Quant à la desserte extérieure, je ressens de plus de plus un malaise au sein de la population, qui trouve les tarifs excessifs, les horaires peu adaptés et le service insuffisant. En un mot, elle se sent peu considérée. La collectivité, une fois sa dette apurée, doit renouer avec la compagnie pour aboutir à une plus grande transparence et lever les malentendus.

En ce qui concerne la dotation globale de fonctionnement, un amendement a été voté la semaine dernière au Sénat visant à créer une dotation d'ultrapériphéricité ; auparavant, deux amendements avaient été adoptés par l'Assemblée nationale, tendant à prendre en compte les problèmes particuliers de l'outre-mer, d'une part en majorant les dotations de péréquation diverses, d'autre part en faisant bénéficier la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon d'une quote-part de la dotation nationale de péréquation. Je souhaiterais savoir, madame la ministre, si ces dispositions sont appelées à être pérennes.

Enfin, pour terminer, je reviens vers vous, madame la ministre - comme tous les ans, hélas ! - pour appeler votre attention sur des problèmes récurrents pour lesquels nous sollicitons votre appui.

Dans le cadre du contrat de développement de Wallis-et-Futuna, je veux ainsi aborder la question du retard important pris par certains ministères quant au mandatement des dépenses. II s'agit notamment des ministères de l'écologie, de la culture, des sports et de l'équipement. Peut-être pourriez-vous nous aider, madame la ministre, en insistant auprès de vos collègues du Gouvernement pour qu'ils remédient à ces retards qui sont préjudiciables pour le territoire.

Enfin, je dois de nouveau vous signaler que nous souffrons toujours d'un manque de personnel technique pour faire avancer les travaux.

Madame la ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien apporter aux quelques problèmes que j'ai soulevés, et je voterai, bien entendu, votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre, cette année, de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ne facilite pas, c'est sûr, la comparaison des crédits consacrés à l'outre-mer en 2004 et en 2005. Vous l'avez d'ailleurs souligné, messieurs les rapporteurs, en indiquant que la hausse du budget de 52 % résultait surtout des transferts de crédits provenant d'autres ministères.

En réalité, à périmètre constant, les dotations réservées à l'outre-mer pour 2005 diminuent de 2,8 % par rapport à la loi de finances de 2004. Il est donc clair que ce budget ne figure pas parmi les priorités du Gouvernement.

Pourtant, même si les DOM ont amélioré leurs performances en matière d'emploi au cours de ces deux dernières années, l'outre-mer connaît, dans son ensemble, des difficultés économiques plus sensibles qu'en métropole. Nous en connaissons les raisons ; pour la plupart, elles sont structurelles : la question géographique, le dynamisme de la démographie et l'importance des flux d'immigration nécessitent une politique de soutien plus volontariste, notamment en matière d'emploi, de logement et d'aide à la mobilité.

L'amputation de 130 millions d'euros réalisée au sein du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, la stagnation de la dotation pour le logement ou encore la faible progression des moyens consacrés à la continuité territoriale ne sont pas le signe d'une attention soutenue de la part du Gouvernement à l'égard de l'outre-mer. Tout cela est bien regrettable.

Après ce passage obligé sur l'équilibre général du présent budget, vous me permettrez, madame la ministre, - et c'est l'une des raisons pour lesquelles je souhaitais m'exprimer aujourd'hui - de faire une digression sur un problème politique qui agite depuis quelques mois les eaux du Pacifique. Vous l'aurez compris, je veux parler de la Polynésie française et du désordre qui s'y est installé depuis le renversement du gouvernement d'Oscar Temaru par la motion de censure déposée par le camp de Gaston Flosse.

En effet, depuis le 9 octobre dernier, la Polynésie française traverse une crise sans précédent. A l'Assemblée nationale, vous avez déclaré, madame la ministre : « Il n'y a pas de blocage institutionnel en Polynésie. » On joue sur les mots ! Vous le savez, de la crise politique à la crise institutionnelle, il n'y a qu'un pas et ce territoire est aujourd'hui dans une situation critique.

Sous toutes les latitudes, le vote d'une motion de censure est une sanction exceptionnelle. La seule qui ait été adoptée sous la Ve République remonte au 4 octobre 1962. Ensuite, plus personne ne s'y est aventuré !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et sous la IVe République ?

M. Charles Pasqua. Vous n'avez guère de mémoire, monsieur Baylet !

M. Jean-Michel Baylet. En Polynésie française, cette motion de censure est intervenue quatre mois seulement après qu'Oscar Temaru eut pris le pouvoir et, hasard troublant, à l'approche d'un audit sur les finances publiques.

Madame la ministre, que fallait-il de plus pour provoquer des élections générales ?

Aujourd'hui, l'échec de la table ronde - et même, d'une certaine manière, le mépris de certains à l'égard de celle-ci - conduit à des élections partielles aux Iles-du-Vent. Vous vous êtes réfugiée derrière tous les arguments juridiques pour laisser perdurer une situation qui est inadmissible au sein de la République.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comment cela ?

M. Jean-Michel Baylet. Vous êtes restée sourde aux manifestations des Polynésiens ainsi qu'aux appels à la dissolution de l'Assemblée territoriale réclamée par l'union plurielle, soutenue en cela par beaucoup d'entre nous ici en métropole ainsi que par 28 % des électeurs inscrits en Polynésie.

Vous écartez également l'article 157 du statut qui prévoit explicitement que l'assemblée peut être dissoute par décret en conseil des ministres dès lors que le fonctionnement des institutions de la Polynésie française se révèle impossible.

De même, lors de l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et la gestion des services publics, vous avez opposé des arguments techniques très contestables - et d'ailleurs contestés par mes collègues de l'opposition - pour repousser notre légitime souci de transparence.

J'ai eu la faiblesse de croire un moment que le pouvoir exécutif de notre pays se limiterait, dans cette affaire, à une certaine neutralité. Tout démontre, au contraire, qu'existe au sommet de l'Etat une volonté de protéger ce système clientéliste.

M. Jean-Michel Baylet. Or la démocratie ne peut se satisfaire uniquement de la loi du plus fort.

M. Charles Pasqua. Cela n'a jamais été votre cas !

M. Jean-Michel Baylet. Le sens de l'intérêt général doit prévaloir sur l'intérêt particulier. Les Polynésiens ont exprimé le voeu du changement et, d'une façon ou d'une autre et au nom de la paix civile, il vous faudra les écouter.

Madame la ministre, nous attendons que l'on tienne enfin compte des justes revendications démocratiques des Polynésiens. En attendant, très modestement en ce qui me concerne, je censurerai votre budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes amis sénateurs d'outre-mer, Claude Lise il y a quelques minutes, Serge Larcher et Jacques Gillot dans la suite de ce débat budgétaire, ont détaillé et détailleront les considérations que nous inspire votre budget.

En ce qui me concerne, je centrerai mon propos sur la situation en Polynésie, poursuivant ainsi l'échange commencé dans cet hémicycle lors d'une récente séance de questions d'actualité et prolongé lors de votre venue devant la commission des lois.

Cela fait maintenant plusieurs semaines que la question polynésienne est au coeur de la vie politique française et que les événements qui s'y déroulent, du fait de leur forte charge symbolique, trouvent un écho important dans les médias métropolitains.

La crise polynésienne s'est ouverte à l'occasion d'une motion censurant le gouvernement du président Oscar Temaru. Cette motion était consécutive non pas à un renversement d'alliance permettant l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle coalition de partis politiques polynésiens, mais uniquement au changement de camp d'un unique conseiller de l'assemblée polynésienne qui, élu sur la liste d'Oscar Temaru, a décidé de rejoindre les partisans de Gaston Flosse. (M. le président de la commission des lois s'exclame.)

Après cette défection individuelle, les Polynésiens n'ont, à aucun moment, été consultés sur ce changement d'orientation politique, qui leur a donc été imposé.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ils ne l'ont pas été avant non plus !

M. Bernard Frimat. Monsieur Hyest, j'attends du président de la commission des lois qu'il ait un comportement un peu plus calme !

M. Charles Pasqua. Il est très calme !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, je suis très calme !

M. Charles Pasqua. Monsieur Frimat, vous attaquez le président de la commission des lois !

M. Bernard Frimat. En réclamant la dissolution, les participants à l'immense manifestation pacifique du 16 octobre, à laquelle j'ai eu l'honneur de participer, n'avaient d'autre but, madame la ministre, que de demander au Président de la République de faire trancher la question par le peuple polynésien, lui permettant ainsi d'exprimer à nouveau clairement son choix : soit le retour au système Flosse, soit la poursuite du changement intervenu au printemps.

En dépit d'un statut taillé sur mesure, d'un mode de scrutin imposé par amendement au Sénat,...

M. Jean-Louis Carrère. Il y a des spécialistes du coup fourré, au Sénat !

M. Bernard Frimat. ... d'une dissolution de convenance et de la mise à sa disposition des moyens du gouvernement polynésien, Gaston Flosse a subi un échec électoral important dans la mesure où les partis de l'opposition réunis ont obtenu plus de voix que le Tahoeraa.

Cet échec n'a jamais été accepté ni par lui-même, ce qui peut se comprendre, ni par le Gouvernement, ce qui se comprend moins.

J'ai exprimé plusieurs fois, madame la ministre, le profond désaccord des sénateurs socialistes sur la manière dont vous gérez la situation de la Polynésie. Je persiste à penser que la meilleure solution pour mettre fin à l'altération évidente du fonctionnement des institutions de la Polynésie réside dans des élections générales, et qu'il ne faut pas soumettre l'éventualité de ces élections à la réforme du mode de scrutin.

Au moment de la rupture des négociations entre les formations politiques polynésiennes, consécutive au départ de la délégation de M. Flosse, vous aviez semblé marquer votre préférence pour une démarche qui apparaît bien compliquée : d'abord des élections partielles dans les Iles-du-Vent, puis d'éventuelles élections générales dans le délai d'un an, une fois modifiée la loi organique portant statut de la Polynésie pour changer le mode de scrutin.

Or, au-delà des clivages traditionnels, l'immense majorité des forces politiques et certaines hautes autorités de l'Etat se sont prononcées pour un retour rapide devant le peuple et pour l'élection d'une nouvelle assemblée. Cette perspective, je le crois, reste de très loin la meilleure.

L'assemblée de Polynésie ne compte plus aujourd'hui, suite à l'annulation du scrutin dans les Iles-du-Vent, que vingt membres sur cinquante-sept. Quelle valeur politique peuvent avoir les décisions qu'elle serait amenée à prendre ?

L'acceptation d'une modification de la loi organique prévoyant le renouvellement intégral de l'assemblée de Polynésie dans le cas où elle perdrait les trois cinquièmes de ses représentants permettrait d'organiser à brève échéance des élections générales en Polynésie sans modifier le mode de scrutin, comme vous l'avez fait au début de l'année 2004. Mais vous avez refusé, à ce jour, de retenir cette solution facile à mettre en oeuvre et respectueuse du droit, auquel vous vous référez si souvent. Je le regrette.

Sauf initiative contraire de votre part, il est aujourd'hui acquis que des élections partielles se dérouleront au début de l'année 2005 dans les Iles-du-Vent, suite à la décision du Conseil d'Etat et à l'échec des négociations.

De ces élections dépendra, nous le savons tous, le choix de l'homme et de l'équipe qui seront amenés à diriger le gouvernement de la Polynésie. Il est donc indispensable que ces élections se déroulent dans une parfaite régularité et dans la plus grande transparence.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Bernard Frimat. Il y va de l'honneur de la République et de l'image de la France dans le Pacifique.

Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que tout sera mis en oeuvre, compte tenu de l'importance du résultat, pour que des magistrats indépendants puissent opérer dès maintenant tous les contrôles nécessaires, notamment sur la régularité des inscriptions nouvelles sur les listes électorales, et pour que la sincérité du vote soit respectée ?

Le Gouvernement a le devoir d'assurer à nos compatriotes polynésiens le strict respect de la démocratie. M. Oscar Temaru m'a personnellement fait part au Sénat, la semaine dernière, de son désir que cette consultation soit exemplaire. Il a, depuis, lancé de Tahiti un appel en ce sens. Je souhaite, madame la ministre, qu'il soit entendu, tant pour le respect du peuple polynésien que pour celui de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par courtoisie, je ne vous ai pas interrompu, monsieur Frimat...

M. Jean-Louis Carrère. C'est un artifice !

M. Charles Pasqua. M. Hyest a été attaqué !

M. Bernard Frimat. Vous avez parlé très longuement tout à l'heure...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non ! Permettez-moi quand même d'intervenir !

M. Jean-Louis Carrère. Allez-y ! C'est un grand plaisir de vous entendre !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J'ai le droit de parler et, surtout, le droit de dire le droit !

M. Jean-Pierre Bel. N'en abusez pas !

M. Jean-Louis Carrère. Quelle pantomime !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne vous permets pas ! Vous êtes coutumier du fait, vous ne faites que cela !

M. Jean-Louis Carrère. Je vous dis que c'est une pantomime !

M. Charles Pasqua. Demandez la censure !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J'ai donc le droit de dire qu'un gouvernement a été censuré et que des élections ont été annulées par le Conseil d'Etat parce que M. Temaru et ses amis ont vicié le scrutin, qu'ils n'ont gagné, malgré cela, que par 235 voix ; cela, on oublie de le dire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Frimat. C'est incroyable de dire cela !

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez touché là où ça gratouillait, monsieur Frimat !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Demander la dissolution, comme vous le faites depuis longtemps, est juridiquement impossible. La dissolution ne peut avoir lieu que si la vie institutionnelle est bloquée. Or un gouvernement a été élu.

Je rappelle à ce propos le cas de la Corse, que l'on oublie toujours : des élections ont été annulées dans un des deux départements, mais, après l'organisation d'élection partielles, les institutions ont fonctionné normalement.

Nous sommes en présence, en Polynésie, d'un acte administratif qui n'a aucun rapport avec la dissolution de l'Assemblée par le Président de la République telle qu'elle est prévue par la Constitution. Et cet acte peut très bien être contesté devant le Conseil d'Etat.

Dans ces conditions, vous risquez de provoquer un imbroglio juridique alors qu'aujourd'hui la situation est claire. Les élections ont été partiellement annulées ? Eh bien, attendons les nouvelles élections ! La presse est unanime pour dire que c'est la meilleure solution !

M. Jean-Louis Carrère. M. Hyest s'exprime-t-il au nom du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si un consensus est trouvé, rien n'interdit ensuite de modifier le mode de scrutin et de refaire des élections. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Carrère. Vous n'êtes pas membre du Gouvernement !

M. Robert Bret. Ni inscrit dans la discussion !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quand j'entends des arguments contraires au droit, je me crois obligé de rappeler la règle de droit ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Outre-mer
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Deuxième partie

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous réagissons parce qu'il y aurait beaucoup à dire, tant sur la forme que sur le fond, aux explications de M. Hyest.

Il trouve tout à fait normal que ceux qui ont obtenu 55 % des voix soient considérés comme des fauteurs de troubles empêchant les institutions de fonctionner.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Bel. Je crois qu'il est inutile d'aller plus loin. Tout le monde est suffisamment informé aujourd'hui pour que je n'aie pas à m'expliquer.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. Alors, laissez le débat se poursuivre !

M. Jean-Pierre Bel. Nous sommes ici minoritaires, nous en sommes très conscients : entre les rapporteurs, les ministres et les sénateurs de la majorité, le temps est largement suffisant pour que vous puissiez vous exprimer ; mais lorsqu'un sénateur socialiste ou un membre de l'opposition a le malheur d'intervenir à la tribune pour donner un jugement différent de celui que vous portez, cela provoque votre ire au point que le président de la commission des lois se sent obligé de venir au secours de Mme la ministre.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Bel. Il nous reproche de penser ce que nous pensons alors que Mme la ministre sera parfaitement capable de nous répondre, le moment venu. De cette manière, il contribue à une certaine dérive, à un dysfonctionnement de notre assemblée, et pratique un certain abus de pouvoir dans ses fonctions de président de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. C'est scandaleux !

M. le président. L'incident est clos.

M. Jean-Pierre Bel. Il ne faut pas exagérer !

M. le président. Monsieur Bel, je vous en prie ! Tout à l'heure, pour la clarté du débat, je n'ai pas voulu interrompre M. Frimat qui, lui-même, avait été un peu provocateur !

M. Bernard Frimat. M. Hyest m'a interrompu quatre fois !

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV
Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Essayons, mes chers collègues, de faire en sorte que le débat se déroule dans la sérénité.

La parole est à M. Denis Detcheverry.

M. Denis Detcheverry. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne me livrerai pas à une analyse détaillée du budget de l'outre-mer. Cela ne ferait qu'ajouter de l'eau au moulin de la polémique, et cela ne m'intéresse guère.

La grande question pour vous, madame la ministre, est de savoir si votre budget est un bon budget. Or, pour moi, ce n'est pas un bon budget : s'il était possible d'établir un bon budget, cela se saurait ! Un bon budget nous permettrait d'aller au bout de nos idées, de nos projets et, pourquoi pas, de nos rêves. Malheureusement, cela n'existe pas. Toutefois, dans le contexte économique actuel, je ne pense pas qu'il était possible de faire mieux. Je voterai donc le budget que vous nous présentez.

Ayant dit cela, j'utiliserai le temps qui m'est imparti pour plaider la cause de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

J'aimerais tout d'abord faire un bref rappel historique, en remontant aux années 1992 et 1993. L'archipel a en effet subi coup sur coup deux catastrophes économiques avec la délimitation injuste de nos eaux territoriales par le tribunal arbitral de New York et la décision canadienne de moratoire sur la pêche à la morue.

Bien sûr, l'arrêt de la pêche se justifiait par la nécessité de sauvegarder la ressource. Mais nous cantonner dans une zone économique réduite à un mouchoir de poche constituait une véritable spoliation des droits durement acquis par nos ancêtres sur les bancs de Terre-Neuve, ces ancêtres pêcheurs qui étaient venus de toute la côte française de l'Atlantique et de la Manche.

Plus grave encore, ces eaux territoriales ne débouchent même pas en zone internationale, ce qui fait de Saint-Pierre-et-Miquelon une véritable enclave française en Amérique du Nord. C'est, me semble-t-il, contraire au droit international et cela fait de l'archipel un cas d'école, mais dans le mauvais sens du terme, vous l'aurez compris ! Autant j'aimerais que les livres scolaires parlent plus de nous, autant je préférerais que ce soit pour d'autres raisons.

Comment, dans ces conditions, faire valoir aujourd'hui des droits en matière de navigation et de pêche, ou encore dans le domaine de la recherche lorsque celle-ci tend, notamment, à l'exploitation d'hydrocarbures présents dans le sous-sol au large de nos côtes ?

Madame la ministre, je reconnais les efforts d'investissement consentis par l'Etat à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics par exemple, pour nous faire subsister depuis ces terribles décisions. Mais passer son temps à quémander des subventions n'est pas chose valorisante, ni pour l'élu que je suis ni pour la population, qui ne fait que survivre au détriment, parfois, de sa dignité.

La population de Saint-Pierre-et-Miquelon et tous ses élus souhaitent vivre plus dignement que grâce aux seuls subsides de l'Etat, même si, encore une fois, ces subsides les aident bien, et j'en remercie le Gouvernement. Nous tenons vraiment à ce que ce dernier nous vienne en aide d'une autre façon : en nous redonnant vraiment les moyens de travailler et en affirmant la position non seulement de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais aussi de la France, en Amérique du Nord.

Aujourd'hui, on met l'accent sur la consolidation des relations avec notre grand voisin, le Canada. Je suis tout à fait d'accord sur ce principe et je ferai mon possible pour y contribuer. Je me sens d'ailleurs très proche de nos amis canadiens, notamment s'agissant des Acadiens.

A ce sujet, je dois signaler qu'un projet de valorisation de notre histoire et de notre patrimoine commun est en cours. Ce projet avec l'Acadie aboutira au développement d'un réel produit touristique dans l'archipel et dans la région.

Je suis donc favorable à ces bonnes relations. Mais avoir de bonnes relations ne signifie pas tout accepter en bloc, sans jamais faire entendre ses droits légitimes.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Denis Detcheverry. Il ne s'agit pas pour Saint-Pierre-et-Miquelon de se faire assimiler, d'être dilué dans la masse nord-américaine. De véritables négociations ne peuvent exister que quand les deux parties peuvent échanger concrètement, avec transparence et pragmatisme. Tel est le sens que nous devons donner à la coopération régionale.

L'archipel est un avant-poste de la France en Amérique du Nord, et c'est aussi pour cela que le Gouvernement a tout intérêt à défendre ses droits dans la zone.

Outre ces deux événements graves, la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon connaît des difficultés structurelles : l'éloignement et l'enclavement.

Madame la ministre, mes chers collègues, la France connaît en ce moment quelques difficultés économiques et monétaires dues à la puissance de l'euro par rapport au dollar. Ce décalage représente un frein à l'exportation, car les prix européens sont trop élevés pour que les entreprises soient compétitives.

Si cette situation est, nous l'espérons tous, momentanée, à Saint-Pierre-et-Miquelon, elle est structurelle. En effet, les entreprises locales qui exploitent les produits de la mer, de l'aquaculture ou encore de l'agriculture sont confrontées à des coûts de transport démesurés au long de l'année. Si nous voulons leur donner une chance, il est indispensable de mettre en place une politique d'aide à l'exportation. Une telle solution est-elle envisageable ?

Toujours concernant le transport, l'archipel rencontre depuis maintenant deux ans de graves problèmes de desserte maritime des marchandises. Une convention de délégation de service public doit être signée entre l'Etat et un armateur local. Compte tenu de la crise que traverse actuellement le commerce local, pouvez-vous m'assurer, madame la ministre, qu'aucune incidence négative n'en découlera pour le consommateur et pour la profession ?

D'une manière générale, comme nous n'avons plus d'outil de travail, que nous n'avons même plus accès aux eaux internationales, que nous ne pouvons plus servir, comme par le passé, de station-service, de base logistique pour les bateaux étrangers nécessitant du ravitaillement, que les entreprises locales peinent à prospérer, le budget du conseil général est exsangue. De ce fait, les retombées sur les communes le sont également et les trois collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon se retrouvent dans une situation financière désastreuse.

La solution ne réside pas, à long terme, dans la seule attribution continuelle de nouvelles subventions, qui provoque un maintien en vie artificiel. Il nous faut aussi rechercher de manière effective de réels outils de travail pour l'archipel qui puissent redonner au conseil général les moyens de vivre dignement en faisant vivre honorablement les communes.

Je suis sûr qu'il est possible de faire vivre un peu plus dignement cette petite population de 6 500 personnes située aux portes de la plus grande puissance du monde !

Pour conclure, madame la ministre, je dirais que, au-delà de votre budget qui, j'en suis convaincu - et pour le bien de l'outre-mer -, sera adopté, un véritable problème d'avenir se pose à Saint-Pierre-et-Miquelon. Outre son soutien financier, le Gouvernement est-il prêt à apporter un soutien technique et politique dans la recherche de solutions pérennes et adaptées à notre contexte régional ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation actuelle des finances de l'Etat nous interdit d'espérer une augmentation du budget de l'outre-mer, tant nous savons qu'il ne représente qu'une part minoritaire des sommes consacrées par l'Etat à nos pays.

Le chiffre de 1,7 milliard d'euros prévu pour 2005 ne me paraît pas devoir faire l'objet de commentaires approfondis, sachant que le « périmètre budgétaire » de votre compétence, madame la ministre, évolue sans cesse. Cette année, les 678 millions d'euros d'exonérations de charges qui sont désormais sous votre responsabilité conduisent à une augmentation apparente sur laquelle personne ne se trompe.

Une question mérite dès lors de vous être posée, madame la ministre : compte tenu des retards que l'Histoire nous a légués, l'Etat consacre-t-il par habitant plus ou moins d'euros à l'outre-mer qu'à la métropole ? J'ose espérer que c'est beaucoup plus, ne serait-ce que pour tenter de compenser les volumes impressionnants de richesses de toutes sortes qui, dans le passé, ont effectué le trajet de l'outre-mer vers l'Europe. S'il en était autrement, l'évolution que l'on peut souhaiter serait alors claire !

Je suis, par ailleurs, parfaitement conscient que les fonds d'investissement de l'Etat, quel que soit leur volume, viendront de plus en plus en accompagnement des efforts réalisés localement, à la fois par les entreprises, les collectivités locales et les autres acteurs socioéconomiques pour faire reculer notre principal fléau, cause de beaucoup d'autres, qu'est le chômage. La responsabilité des acteurs locaux est donc de premier plan quant à l'élaboration de projets de développement globaux et équilibrés visant à soutenir la croissance économique et la cohésion sociale dans le respect de l'environnement.

Que l'on ne nous demande pas, cependant, l'impossible ! Comment, en quelques années, absorber des compétences décentralisées avec des ressources économiques, et donc fiscales, sans rapport avec celles de la plupart des collectivités métropolitaines pour lesquelles les lois de décentralisation ont été conçues ?

L'Etat n'hésite pas à nous transférer collèges, lycées, transports - c'est bien ! -, mais avec des retards d'équipement criants, reconnus par les autorités européennes elles-mêmes, obligeant ainsi les collectivités locales à mettre dans le béton et le bitume des sommes colossales, au détriment d'opérations innovantes et productives. Alors, comment s'étonner que ces collectivités se trouvent en difficulté financière ?

J'en viens, dans ces conditions, à l'analyse du budget de l'outre-mer pour 2005.

Pour ce qui relève de la ligne budgétaire unique, la LBU, madame la ministre, j'ai eu l'occasion, fin octobre, de m'entretenir avec vous sur les conséquences pour le département de la Martinique du gel des crédits correspondants.

Vous avez promis d'obtenir le dégel de 26 millions d'euros et de puiser dans vos dotations pour aider les entreprises martiniquaises confrontées à des difficultés particulières. Malgré un déblocage partiel, nombre de chantiers en construction sont encore aujourd'hui interrompus. Savez-vous que la Martinique enregistre le plus faible taux de LBU par habitant depuis cinq ans ? Il faut absolument remédier à cette situation.

Aujourd'hui, les professionnels de la construction de logements sociaux sont unanimes à reconnaître que l'aide à l'amélioration de l'habitat et le logement évolutif social constituent des réponses durables pour le logement, mais aussi pour l'emploi. Les opérateurs sociaux et les sous-traitants seront d'autant plus enclins à embaucher qu'ils auront reçu l'assurance du versement des crédits de la LBU. Ce n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui !

Les enjeux en matière d'habitat sont donc considérables. Mais le Gouvernement procède depuis trois ans, par le biais d'annulations et de gels de crédits, à une baisse régulière des financements de la LBU. Cette baisse se traduit par une diminution importante de la production de logements locatifs sociaux, les LLS. Et le phénomène est amplifié par la rareté du foncier aménagé, qui renchérit le coût de la construction. Résultat, le nombre de logements neufs locatifs sociaux financés en 2003 est le plus bas depuis plus de quatorze ans : 687 logements seulement.

La programmation de la LBU doit être pluriannuelle pour permettre à la filière de mieux se structurer. Il convient également d'opérer un véritable rattrapage proportionnel aux besoins réels de nos populations plutôt que de se fonder uniquement sur le montant de la LBU attribué au cours des dernières années.

En conclusion, madame la ministre, je dirai que la LBU joue indéniablement un rôle d'entraînement de la commande dans le bâtiment avec un effet levier sensible, de l'ordre de un à trois en moyenne, sur le plan économique. Nos départements ont donc besoin d'un montant plus important de LBU, tant en autorisations de programmes qu'en crédits de paiement.

En outre, je tiens à ajouter que, compte tenu des difficultés d'accès au logement des ménages de condition modeste dans les DOM, il convient d'améliorer de toute urgence les modalités d'attribution de l'allocation logement.

Il conviendrait, premièrement, de calculer l'allocation logement dans les DOM selon les mêmes conditions que pour les logements relevant de la zone I - il s'agit de la région parisienne - compte tenu des coûts actuels de la construction outre-mer ; deuxièmement, de revaloriser le forfait « charges » à hauteur minimale de 70 % de celui qui est applicable en Métropole ; enfin, troisièmement, de calculer l'allocation logement en tenant compte de la composition effective du foyer, sans limitation du nombre de parts. Là encore, madame la ministre, c'est une question de justice sociale !

En ce qui concerne maintenant la titularisation du personnel communal, les maires sont prêts à assumer toutes leurs responsabilités pour la réaliser. Toutefois, ils demandent à l'Etat de faire de même, par la mise en place d'une dotation spécifique.

Les trente-quatre maires de la Martinique ont déjà accompli dans leur commune des efforts considérables. Ils doivent à la fois résorber les emplois précaires dans la fonction publique territoriale en titularisant le personnel communal - c'est une mesure de justice sociale - et développer les équipements structurants en répondant aux besoins élémentaires de la population, tout en alimentant la commande publique.

Qui peut affirmer aujourd'hui que nos départements n'auraient pas explosé, notamment dans les grandes agglomérations, si les mairies n'avaient pas cherché à assurer un salaire dans un certain nombre de familles particulièrement nécessiteuses ? Sur ce point, il est impératif que la concertation déjà entamée aboutisse et que des solutions équilibrées soient trouvées très rapidement. En effet, il n'existe pas de pire injustice que de traiter uniformément des populations qui sont dans des situations très différentes. Cela contribue à accentuer les inégalités et à renforcer un sentiment d'exclusion de la solidarité républicaine.

Certes, madame la ministre, lors de la journée consacrée à l'outre-mer, le lundi 15 novembre dernier, vous avez annoncé l'indexation de la DGF à plus 3,29 %. J'en prends acte. Cependant, une telle indexation ne permettra pas aux communes de compenser les efforts financiers dus à la titularisation. Je vous demande donc de bien vouloir accélérer les études que vous avez engagées pour justifier la mise en place d'une dotation spécifique outre-mer, qui aurait pour objet principal de compenser les retards d'investissements des collectivités ultramarines.

Permettez-moi, madame la ministre, de vous parler maintenant du financement des offices de l'eau. Ils apparaissent clairement dans les DOM comme de véritables agences de l'eau dans leurs fonctions comme dans leurs relations avec les comités de bassin et les autres acteurs du secteur.

Les défis qu'ils doivent relever sont sans commune mesure avec leurs ressources, car ils sont liés à la spécificité des îles bassins et à l'application tardive de la réglementation et de la politique nationale et européenne de gestion de l'eau.

La première loi sur l'eau de 1964 n'a pas été appliquée aux DOM, ce qui a entraîné un retard de plusieurs décennies dans la gestion de l'eau et des milieux aquatiques, aggravé par une forte pollution des sols en Martinique. Aussi, une diminution des crédits affectés aux offices locaux des DOM est particulièrement inopportune. Or il s'agit, en l'occurrence, d'une baisse de 24 % pour 2005.

Enfin, je ne saurais passer sous silence votre politique d'aide à la création d'emplois. A cet égard, on ne peut que regretter la baisse des crédits affectés à l'emploi alors que, me semble-t-il, l'emploi doit être une priorité de ce Gouvernement. Nous n'aurons de cesse de dénoncer le fait que les dispositifs d'aide à l'emploi existants sont trop nombreux, trop changeants pour être vraiment efficaces, et ce malgré les comparaisons flatteuses avec la métropole auxquelles vous vous livrez, madame la ministre, en termes de créations d'emplois.

Les messages émis par les dispositifs d'aide et d'incitation doivent être beaucoup plus clairs et les agences départementales d'insertion pourraient à ce sujet s'impliquer davantage.

Pour ma part, je crois aussi beaucoup à la mise en route de grands chantiers structurants qui permettraient à la fois d'utiliser les profils de main-d'oeuvre effectivement présents dans les fichiers de l'ANPE et de répondre aux besoins de la population.

En clair, madame la ministre, vous nous proposez un projet de budget en baisse qui non seulement asphyxie un peu plus les collectivités d'outre-mer, mais n'apporte pas les réponses adéquates à nos principales préoccupations que sont l'emploi et le logement.

Le Gouvernement prend également le risque de freiner le rythme actuellement soutenu du rattrapage économique et social entre les DOM et l'hexagone. Pourtant, nous savons tous combien les retards restent importants.

En conclusion, je voudrais vous dire, madame la ministre, que nous sommes toujours, comme l'a souligné M. Claude Lise, dans l'attente de la loi organique prévue à l'article 73 de la Constitution, qui ouvre des possibilités d'adaptations législatives et qui permettrait pour le moins de mettre fin à un certain nombre d'aberrations, notamment dans les domaines du transport, du logement et de l'urbanisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Madame la ministre, à travers ce projet de budget, vous nous soumettez les outils financiers de la politique que vous entendez conduire outre-mer en 2005.

Je ne souhaite pas m'attarder sur le volume des crédits du ministère de l'outre-mer, dont l'insuffisance par rapport aux besoins conduira les collectivités locales à assumer sur leurs fonds propres des responsabilités qui relèvent pourtant des compétences de l'Etat.

En revanche, j'entends attirer votre attention sur des actions précises car, à mon sens, un budget ne vaut que par les politiques à travers lesquelles il se traduit. Si certaines de ces actions relèvent du strict périmètre de votre ministère, d'autres ressortissent à votre capacité d'intervention et d'impulsion auprès de vos collègues du Gouvernement.

La présentation de votre projet de budget, madame la ministre, intervient alors que la Guadeloupe s'efforce de panser ses plaies après le séisme qui l'a secouée le 21 novembre dernier. A cet égard, nous avons beaucoup apprécié la diligence avec laquelle vous vous êtes rendue dans le département afin de constater par vous-même l'ampleur des dégâts.

Naturellement, les collectivités locales - département, région, communes - prendront leurs responsabilités, mais, devant l'ampleur de la catastrophe, elles attendent aussi une manifestation exceptionnelle de la solidarité nationale.

Je tiens ici à mettre l'accent sur l'indispensable assouplissement des modalités d'accès aux aides au logement et à insister pour que la reconstruction et la réparation des bâtiments publics soient prises en charge par l'inscription effective de crédits au chapitre 67-54 intitulé « subventions d'équipement aux collectivités pour les dégâts causés par les calamités publiques ».

Pour en revenir à votre budget, madame la ministre, sachez que j'ai pris bonne note de votre volonté affichée de faire du logement et de l'emploi votre priorité.

Le logement est, en effet, un vecteur incontestable de cohésion social. Pourtant, 19 000 Guadeloupéens sont à ce jour en attente d'un logement de type HLM ! Nous devons donc absolument parvenir à juguler cette demande encore trop importante.

Toutefois, cet objectif ne pourra être atteint que si tous les partenaires se mobilisent de façon solidaire. Or la ligne budgétaire unique, la LBU, a connu des annulations de crédits de l'ordre de 26 millions d'euros en 2004, avec pour conséquence des crédits de paiement qui se situent largement en deçà des engagements, et des factures impayées d'un montant de plusieurs millions d'euros.

J'ai bien pris note, par ailleurs, de votre volonté d'étendre et de diversifier les produits destinés à l'accès au logement. Encore faut-il que l'offre en matière de logements soit à la hauteur de la demande !

A cet égard, ne serait-il pas possible d'abonder la LBU d'une ligne destinée au financement exclusif de l'acquisition de foncier par les collectivités en vue de la mise à disposition des bailleurs sociaux ?

Je souhaite que cette situation fasse l'objet d'une attention particulière de votre part, madame la ministre, afin que les crédits alloués au logement soient à l'abri des gels interministériels qui interviendront en 2005.

J'en arrive à l'emploi.

L'amélioration des chiffres de l'emploi dans nos collectivités n'est pas encore inscrite dans la durée. De surcroît, la réduction des crédits du FEDOM de 90 millions d'euros, conjuguée à la sortie prévue de bénéficiaires d'emplois aidés du secteur non marchand, me préoccupe au plus haut point.

Cette inquiétude est renforcée par les incertitudes concernant les effets de l'entrée en vigueur de la loi de programmation pour la cohésion sociale.

Ainsi, pouvez-vous, madame la ministre, garantir que tous les contrats aidés, même ceux dont la dénomination disparaîtra, seront financés jusqu'à leur terme ?

Je le rappelle, ces emplois ont joué, dans nos départements plus qu'ailleurs, un rôle de régulateur destiné à permettre un traitement social du chômage, en remplissant cependant les missions du service public, notamment dans l'éducation.

A ce titre, le transfert des personnels TOS au 1er janvier 2005 laisse augurer une fois de plus que les collectivités - région et département - devront prendre en charge ceux qui auront été laissés au bord de la route par l'Etat, car seuls les salariés titulaires et contractuels seront pris en compte dans le calcul de la dotation de transfert.

J'aborderai maintenant un autre élément de solidarité et de cohésion sociale : la politique en faveur des personnes âgées.

Dans ce domaine, madame la ministre, je compte sur votre intervention auprès du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie afin de favoriser une prise en compte budgétaire susceptible de répondre à la situation constatée en Guadeloupe.

Enfin, l'archipel recoupe une diversité de préoccupations que je ne saurais ici omettre de préciser.

Tout d'abord, les projets de loi organique relatifs au statut des communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin sont en cours d'élaboration.

Si le processus semble bien engagé pour Saint- Barthélemy, la situation de Saint-Martin requiert, selon moi, la mise en place de dispositifs d'accompagnement au plan budgétaire afin de donner à cette île les moyens d'accéder à la volonté exprimée par les Saint-Martinois.

Ensuite, dans les îles du Sud, votre rencontre avec les socioprofessionnels a suscité de nombreuses attentes qui seront, je l'espère, satisfaites grâce à des mesures budgétaires tangibles, ainsi, bien sûr, que par l'organisation des états généraux de développement des îles du Sud.

Enfin, la sécurisation de nos frontières et la lutte contre l'immigration clandestine soulèvent des questions qui devraient trouver une réponse efficace dans ce projet de budget.

Tels sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelques axes forts qu'il m'importait d'évoquer devant vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord, avant d'aborder le projet de budget de l'outre-mer proprement dit, remercier la Haute Assemblée des gestes de solidarité et de sympathie dont elle a fait preuve à l'égard des populations de la Guadeloupe, en particulier des Saintes, qui viennent d'être très durement touchées par un tremblement de terre. Je vous remercie d'avoir programmé une mission sénatoriale sur place, mission qui vous permettra de mesurer l'ampleur des dégâts que j'ai moi-même pu constater dès le lendemain de ce séisme de forte puissance.

Je tiens à saluer les sénateurs de Guadeloupe ici présents, MM. Gillot et Marsin, et, à travers eux, tous les élus qui se sont dépensés sans compter aux côtés des services de l'Etat pour apporter aide et soutien à nos compatriotes sinistrés. Et je voudrais que nous ayons tous une pensée pour les familles des victimes aujourd'hui dans la peine et dans la détresse.

Bien entendu - j'en renouvelle devant vous l'engagement - l'Etat apportera toute sa part à l'effort de reconstruction en faveur de la Guadeloupe. A cet effet, et au- delà de la mobilisation des crédits d'investissement de droit commun de mon ministère, plusieurs dispositifs spécifiques d'indemnisation sont d'ores et déjà mis en place par l'Etat. Je veux mentionner ici non seulement l'attribution de 200 000 euros de secours d'urgence qui ont été distribués aux familles les plus sinistrées, mais aussi la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, qui permettra l'indemnisation des biens assurés, sans oublier la mise à contribution du Comité interministériel du fonds de secours destiné à indemniser plus spécialement les biens non assurés, au profit tant des particuliers que des collectivités territoriales.

A travers cette mobilisation, il s'agit donc bien pour l'Etat de concrétiser le principe de solidarité nationale, qui se doit de remplir son rôle en pareille circonstance. Vous pouvez compter, messieurs Gillot et Marsin, sur ma détermination dans ce domaine.

Je remercie MM. les rapporteurs spéciaux et pour avis d'avoir enrichi nos débats, par la qualité de leurs travaux et la pertinence de leurs interrogations.

Vous vous êtes montré critique à l'égard de mes services, monsieur Torre, s'agissant de la qualité et de la quantité des réponses fournies aux questionnaires parlementaires. Je vous ai bien entendu. Cependant, je souhaiterais attirer votre attention sur deux points : d'une part, la taille de mon ministère pour faire face à cet exercice difficile - je ne dispose que de 300 agents, ce n'est pas Bercy ! - et, d'autre part, la multitude et la diversité des questions posées.

Lors de la mise en oeuvre de la LOLF, je demanderai bien évidemment à mes services d'améliorer la qualité de l'information due au Parlement. Je me permettrai néanmoins d'émettre le souhait que nous tendions vers une meilleure coordination des services du Sénat dans l'élaboration des questionnaires. En effet, nous recevons souvent des questions portant sur le même sujet mais présentées sous un angle différent et il serait bon que nos efforts conjoints puissent aboutir à une amélioration réciproque de notre information.

Si le projet de budget du ministère de l'outre-mer pour 2005 s'élève à 1,71 milliard d'euros, soit une progression de 52 % par rapport au budget que je vous ai présenté l'an dernier, je reconnais, comme nombre d'entre vous, le caractère artificiel de cette progression. En effet, cette hausse très importante est liée au transfert sur mon budget de 678 millions d'euros de crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, qui étaient jusque-là inscrits sur le budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Par conséquent, comme vous l'indiquez, monsieur Torre, il ne s'agit pas d'une dépense nouvelle, même si j'ai tenu à ce qu'elle figure dès 2005 dans mon budget, par anticipation de la réforme de la gestion publique introduite par la nouvelle loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

En effet, dans le cadre de la nouvelle présentation de la loi de finances au sens de la LOLF, il m'est apparu cohérent de faire figurer dans mon budget l'ensemble des dispositifs visant à relancer l'emploi, dont les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale qui figurent dans la loi de programme. Cela devrait, monsieur Cointat, répondre à votre souci d'une meilleure lisibilité du budget de l'outre-mer.

L'esprit de la LOLF, c'est aussi la globalisation de tous les moyens affectés au fonctionnement des préfectures d'outre-mer, via le transfert des crédits de personnel et de fonctionnement des préfectures au ministère de l'intérieur, qui gère déjà les crédits d'équipement.

A travers ces deux exemples, vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, que des mouvements en sens contraire affectent, comme les années précédentes, le budget de l'outre-mer. En conséquence, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont souligné, il est extrêmement difficile de juger l'évolution des crédits du ministère de l'outre-mer à périmètre constant.

Avec la LOLF, cette notion de périmètre constant n'aura d'ailleurs plus aucun sens, puisque vous vous intéresserez désormais non plus au taux d'évolution des crédits de mon ministère mais bien aux résultats que j'aurai obtenus compte tenu des moyens mobilisés et par rapport aux objectifs fixés.

Pour autant, je n'ai pas à rougir d'une baisse qui traduirait la participation de mon ministère à l'effort national de maîtrise de la dépense publique. Dans vos rapports écrits, madame Payet, monsieur Torre, vous estimez cette diminution à 2,5 %. Je souscris, certes, à votre analyse, mais je tiens néanmoins à faire remarquer que le calcul est fondé sur la loi de finances initiale de 2004, qui ne peut être considérée comme le socle de mon budget à périmètre constant.

Pour autant, cet effort est l'occasion de recentrer les interventions du ministère de l'outre-mer sur les deux priorités qui sont les siennes, à savoir l'emploi et le logement, et qui représentent plus des trois quarts de mon budget.

L'esprit de la LOLF, c'est-à-dire le passage d'une logique de moyens à une culture du résultat, préside à la gestion de ces deux priorités de mon action politique.

La politique pour l'emploi, tout abord, mobilise près de 67 % des crédits. Avec les crédits du FEDOM, dont la complète fongibilité me permettra d'assurer, avec une souplesse et une efficacité accrues, le financement des mesures en faveur de l'emploi et de l'insertion des publics les plus démunis, avec les exonérations de cotisations sociales, qui contribuent à faire progresser l'emploi salarié, avec la formation professionnelle des jeunes, débouchant directement sur le secteur marchand, menée par les unités du service militaire adapté, le SMA, c'est un total de 1,150 milliard d'euros que je vais pouvoir pleinement consacrer à l'emploi.

Par ailleurs, il est envisagé de transférer sur mon budget, en cours de gestion 2005, des crédits destinés au financement des mesures relevant des stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE, et des stages d'accès à l'entreprise, les SAE, gérés jusqu'alors par le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale et supprimés en 2005 par le projet de loi de cohésion sociale.

L'expérimentation effectuée à la Martinique en 2004, qui consiste à globaliser - et donc à rendre fongibles - les crédits des différentes mesures en faveur de l'emploi sera poursuivie en 2005.

Vous vous félicitez, monsieur Torre, de mon objectif de rééquilibrage des dispositifs en faveur de l'emploi dans le secteur marchand, sans lequel il n'y a, en effet, pas de développement durable possible. Il s'agit notamment des contrats d'accès à l'emploi et des dispositifs créés par la loi de programme du 21 juillet 2003 en faveur des jeunes diplômés, très fortement touchés par le chômage, et en faveur des jeunes, à Mayotte et à Wallis-et-Futuna.

Participent également à cette politique de formation et d'insertion des jeunes les unités du service militaire adapté que nous avons maintenues outre-mer. Et je vous rassure à ce sujet, madame Payet : les crédits du service militaire adapté seront intégralement reconduits dans le budget de 2005 et des mesures nouvelles de repyramidage de l'encadrement permettront d'améliorer encore la formation des jeunes ultramarins effectuée au travers de ce dispositif, dont la qualité et l'efficacité sont unanimement reconnues.

En 2004, ce sont ainsi près de 2 000 jeunes qui auront été formés par le SMA, avec un taux d'insertion professionnelle supérieur à 71 %. Ce taux atteint 83 % à la Martinique et de 94 % en Guadeloupe.

Enfin, les nouvelles mesures en faveur de l'emploi créées par le plan national de cohésion sociale de mon collègue Jean-Louis Borloo seront bien entendu mises en oeuvre outre-mer, n'en doutez pas, madame Payet. Il s'agit notamment des Maisons de l'emploi, de la modernisation et du développement de l'apprentissage et du contrat d'avenir, destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation de parent isolé.

De même, un accompagnement renforcé de chaque jeune en difficulté d'insertion sera mis en place et constituera naturellement pour ces jeunes une réelle incitation à utiliser les services de l'ANPE. Je vous précise par ailleurs que le dispositif des contrats-jeunes, dit « Fillon », a profité à 380 jeunes dans les départements d'outre-mer.

De plus, je vous confirme, madame Payet, que les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi consolidé sont maintenus en 2005 outre-mer et que les modalités de leur mise en oeuvre ne sont pas modifiées. L'entrée en vigueur de la loi de cohésion sociale permettra dans tous les cas, monsieur Gillot, la poursuite des contrats aidés en cours.

Pour autant, je vous rassure, madame Payet, le contrat d'accompagnement dans l'emploi, qui a vocation à remplacer les CES, présente les mêmes caractéristiques - même public, même employeur, même type de contrat de travail - mais le service public de l'emploi local pourra le mettre en oeuvre avec plus de souplesse. Il pourra notamment moduler l'aide de l'Etat en fonction des priorités qui auront été définies localement.

Vous m'avez demandé, monsieur Laufoaulu, de vous préciser quand interviendra l'évaluation du dispositif des primes à l'emploi, créé à Wallis-et-Futuna par la loi de programme de juillet 2003. Les services de l'Etat réaliseront la première évaluation en 2006, comme le prévoit la loi. Leurs conclusions, de même que celles qui porteront sur l'ensemble des dispositifs en faveur de l'emploi créés par la loi de programme, seront transmises au Parlement.

J'observe que les résultats de la politique que nous menons sont encourageants, comme l'ont rappelé à juste titre MM. Balarello et Virapoullé.

La mise en oeuvre de la loi de programme appelle trois observations.

Premièrement, l'emploi salarié dans le secteur marchand a augmenté de 2,2 % dans les départements d'outre-mer, alors qu'il a diminué de 0,3 % en métropole.

Deuxièmement, le rythme de création d'entreprises s'est accéléré, notamment dans les secteurs des services, du commerce et des réparations. Ainsi, par rapport au premier trimestre de 2003, les créations d'entreprises ont augmenté, au premier trimestre de 2004, de 24,5 % en Guadeloupe et en Guyane, de 15 % à la Réunion et de plus de 5 % en Martinique.

Troisièmement, à la fin octobre 2004, le taux global de chômage dans les départements d'outre-mer était en recul de 3,2 % par rapport à l'année précédente, alors qu'il a augmenté de 0,2 % en métropole. Le chômage des jeunes a notamment diminué de 0,1 %, alors qu'il s'accroissait de 1,8 % en métropole.

En outre, la défiscalisation constitue un puissant levier pour le développement économique de l'outre-mer. Au 30 septembre dernier, 257 dossiers avaient été déposés auprès du ministère de l'économie et des finances, soit l'équivalent du nombre de dossiers déposés sur l'ensemble de l'année 2003.

Ces dossiers représentent un total d'investissements de plus de 1,3 milliard d'euros. J'y vois l'amorce franche d'une reprise de l'investissement outre-mer en 2004. Je précise que ce montant n'inclut pas l'effort de l'Etat pour les deux usines de nickel de Nouvelle-Calédonie, sur lesquelles vous avez très justement insisté, monsieur Cointat.

Monsieur Virapoullé, vous avez évoqué les effets qu'auraient, selon vous, les nouvelles dispositions en matière de défiscalisation dans le domaine du logement. Je souscris à votre souhait et je demanderai qu'une étude soit menée à ce sujet, tant en termes d'impact sur le prix du foncier que sur celui de la construction.

J'ai, vous le savez, encouragé les monteurs de projets en défiscalisation à mettre en place une charte de qualité, afin de renforcer l'éthique et le professionnalisme de ce type d'activités. Cette charte, signée en ma présence le mois dernier, vise à donner une meilleure image de la défiscalisation et à en renforcer l'efficacité.

En améliorant l'image de la défiscalisation, qui fait encore trop souvent l'objet de critiques injustes, nous améliorons aussi celle de l'outre-mer. En renforçant l'efficacité de la défiscalisation, nous optimisons l'effort de l'Etat.

Mais, au-delà des crédits directement consacrés à l'emploi et à l'insertion sociale, deux dispositifs, pour lesquels nous intervenons en partenariat avec les collectivités locales, contribuent à répondre aux enjeux spécifiques de l'outre-mer en matière de formation et de mobilité professionnelle. Il s'agit de la dotation de continuité territoriale et du passeport mobilité, comme vous l'avez rappelé, monsieur Virapoullé.

Je me félicite avec vous, monsieur Lise, que la dotation de continuité territoriale soit enfin inscrite sur le budget de l'outre-mer, ce qui constitue une véritable mesure nouvelle. C'est un montant de 31 millions d'euros qui est ainsi inscrit dans mon budget pour 2005.

Cette dotation, gérée de façon décentralisée, doit permettre, je vous le rappelle, la prise en charge de tout ou partie du coût d'un billet d'avion entre les collectivités territoriales d'outre-mer et la métropole. Mon objectif est d'aider environ 200 000 passages par an, à hauteur, en moyenne, de 30 % du coût du billet.

Je constate que huit collectivités sur neuf ont délibéré à ce jour. Les premières aides sont délivrées depuis quelques semaines, en particulier dans les trois collectivités du Pacifique, ainsi qu'en Guadeloupe, puisque la Commission européenne a validé le dispositif guadeloupéen, le 20 octobre dernier. Pour la Martinique et la Réunion, la notification est intervenue au début de novembre.

Je pense que l'on pourra tirer un premier bilan pertinent de la mise en oeuvre de ce dispositif à la fin de l'année prochaine.

Le passeport mobilité rencontre, quant à lui, un incontestable succès, et je m'en félicite. On peut estimer à plus de 12 000 le nombre de passeports qui auront été délivrés pour l'année, soit une augmentation de plus de 10 % par rapport à 2003. Les crédits qui y seront consacrés en 2005 sont à un niveau équivalent à celui de 2004.

Autre priorité outre-mer, la politique du logement, qui doit s'inscrire, comme vous le soulignez, madame Payet, dans un contexte de contraintes spécifiques. J'en citerai trois. Tout d'abord, il existe des besoins très importants liés à une croissance démographique forte - 1,6 % par an - ainsi qu'à un revenu moyen moins élevé qu'en métropole. Ensuite, il faut tenir compte de disponibilités foncières limitées, d'un sous-équipement des villes et des quartiers et de l'existence d'un important parc de logements insalubres. Enfin, les collectivités locales connaissent une situation financière difficile.

Pour répondre à l'ampleur et à la diversité des besoins dans les départements d'outre-mer, l'Etat privilégie les aides à la pierre, regroupées sur la ligne budgétaire unique, la LBU. Totalement fongibles, elles laissent des possibilités d'adaptation à l'échelon local.

Les crédits inscrits en 2005 sur la LBU sont stables, à 270 millions d'euros, compte tenu de la réforme en cours du prêt à taux zéro, qui deviendra un dispositif fiscal à compter de l'année prochaine et qui permettra de réduire de 12 millions d'euros les engagements sur la LBU.

Avec ces moyens importants, je me fixe trois objectifs pour l'année 2005.

Tout d'abord, je souhaite que nous maintenions un effort soutenu dans le domaine de la résorption de l'habitat insalubre. Près de 45 millions d'euros auront été consacrés par l'Etat à cette politique en 2004. En outre, le cadre réglementaire des résorptions d'habitants insalubres a été modernisé dans la circulaire du 26 juillet 2004 qui prévoit que, désormais, l'instruction des dossiers est faite à l'échelon local. En 2005, il nous faut poursuivre ces actions.

Ensuite, deuxième priorité, il faut diversifier l'offre de logements sociaux. Il est nécessaire de permettre des parcours résidentiels plus variés et de répondre à la forte demande dans le domaine de l'accession sociale à la propriété. Aussi, pour l'année prochaine, je souhaite que nous maintenions le niveau de 8 000 logements sociaux neufs et que l'on puisse lancer, en complément, la construction d'un millier de logements supplémentaires, à partir des nouveaux produits applicables dans les départements d'outre-mer, à compter de 2005. Le prêt locatif social, le PLS, sera ainsi étendu à l'outre-mer en 2005.

Dans le domaine de l'accession à la propriété, la mise en place du prêt social à la location accession, le PSLA, doit permettre de relancer la politique de location-accession, qui pourra trouver outre-mer un terrain d'expérimentation particulier, compte tenu de la possibilité de couplage de ce produit avec la défiscalisation.

Comme vous l'avez souligné, madame Payet, le LES est un produit essentiel pour l'équilibre social des départements d'outre-mer. Il doit être consolidé ; c'est le sens du travail de refonte du LES que j'ai engagé sur le plan interministériel et qui s'achèvera dans les prochaines semaines.

Enfin, troisième priorité, il faut mettre en place des outils adaptés pour l'aménagement foncier, préalable essentiel à la réussite de la politique du logement outre-mer. Le fonds régional d'aménagement foncier et urbain, le FRAFU, en est l'outil principal, permettant de concevoir une politique d'aménagement impliquant les acteurs locaux. La mise en place du FRAFU en Guyane, en 2003, et la participation du conseil général de la Réunion, dans le cadre de son plan départemental de cohésion sociale pour abonder, aux cotés de l'Etat, le FRAFU secondaire réunionnais, constituent à cet égard des avancées importantes.

Vous avez souligné, monsieur Marsin, la régularisation foncière dans la zone des cinquante pas géométriques.

Comme vous le savez, j'ai mandaté en 2003 une mission d'évaluation, qui a confirmé que le dossier progressait s'agissant aussi bien de la régularisation que de l'aménagement de cette zone. Plus de 300 cessions sont en cours en Guadeloupe, avec l'aide financière de l'Etat. Ce processus doit se poursuivre. Je m'emploie donc à apporter les simplifications nécessaires.

L'Etat a également apporté en 2004 une réponse qualitative en instituant la participation à l'aménagement des quartiers, la PAQ, dispositif qui s'appuie sur des démarches d'aménagement globales et de qualité engagées par les élus locaux afin de mieux insérer le logement social dans la ville.

Enfin, je rappelle que l'Agence française de développement a mis en place, depuis cette année, un produit financier dédié aux opérations d'aménagement qui en facilitera le montage financier.

L'ensemble des départements d'outre-mer souffrent d'un manque de places en matière de logement d'urgence. Le projet de loi relatif à la cohésion sociale a prévu la création de 9 800 places d'ici à 2009 et, dans cette optique, des discussions ont été engagées avec le ministère chargé de la lutte contre l'exclusion pour que la situation des départements d'outre-mer soit particulièrement prise en compte.

Enfin, l'effort budgétaire de l'Etat en faveur de la construction de logements sociaux en accession à la propriété et en location sera renforcé, en 2005, par la montée en puissance des dispositions fiscales de la loi de programme pour l'outre-mer. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a chiffré à 35 millions d'euros la dépense fiscale qui sera ainsi injectée dans le BTP outre-mer.

Au total, les moyens fiscaux et budgétaires pour répondre aux enjeux spécifiques du logement outre-mer seront donc en augmentation de 6 %.

Monsieur Torre, je partage votre souci de voir améliorer les indicateurs qui rendront compte, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, de la pertinence de l'utilisation de l'ensemble de ces moyens. Ces indicateurs, j'en ai reçu l'assurance de la part du ministère des finances, ne sont pas définitifs. Ils pourront en conséquence être améliorés dans le sens que vous souhaitez, et je m'y emploierai.

Vous m'avez interrogée, monsieur Giraud, sur la situation de la Société immobilière de Mayotte, la SIM. Comme vous le savez, cette société traverse actuellement une crise qui nous impose d'engager ensemble une action énergique. Certaines pratiques ont, en effet, été dénoncées, voire portées à la connaissance de la justice par l'Inspection générale des finances. Dans ces conditions, une réforme s'impose.

Une des voies du redressement réside dans la définition d'un nouveau produit de logement social, qui devrait être présenté au début de l'année prochaine.

Il n'est pas question pour autant d'une disparition brutale de la « case SIM » au 1er janvier 2005. Une période de transition devra être organisée pour faire en sorte de répondre aux attentes des Mahorais les plus démunis tout en organisant un redressement durable de la SIM.

Pour ce qui est du passeport logement, complément indispensable au passeport mobilité - vous l'avez rappelé, monsieur Virapoullé -, il est prévu de réserver des places en foyer de jeunes travailleurs afin d'accueillir les étudiants et travailleurs ultramarins dans le cadre d'une convention entre mon ministère et l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT. De nouvelles mesures seront prises en 2005 pour appuyer les initiatives des collectivités d'outre-mer, telle celle du Comité national de l'action des Réunionnais en mobilité, le CNARM, qui va effectuer des réservations dans le parc d'HLM de certaines villes de la métropole.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur le gel des crédits de la ligne budgétaire unique. Comme l'a rappelé M. Torre, j'ai obtenu le dégel de 16 millions d'euros de crédits de paiement et j'ai obtenu l'assurance que 10 millions d'euros seraient débloqués dès le début de l'année 2005. En autorisations de programme, je suis actuellement en discussion avec mes collègues Jean-Louis Borloo et Hervé Gaymard afin de dégager 30 millions à 45 millions d'euros destinés à maintenir l'effort de l'Etat : ils seront notamment affectés à la poursuite de la mise aux normes antisismiques du parc de logements sociaux, en particulier aux Antilles, et permettront d'éviter que certaines sociétés n'éprouvent les difficultés que vous m'avez signalées.

Emploi et logement doivent contribuer au développement économique durable de l'outre-mer, au travers de l'insertion professionnelle des jeunes et du soutien de l'économie. Sans développement économique, il n'y a pas de développement social, sauf à entrer dans une logique d'assistanat que nous réprouvons tous.

Vous avez bien voulu relever, monsieur Lise, que le projet de budget pour 2005 préservait pour l'outre-mer le volet relatif au développement économique, grâce notamment à un effort particulier en faveur des collectivités locales. Comme M. Larcher, vous souhaitez que cet effort soit poursuivi et amplifié.

Le fonds intercommunal de péréquation de la Polynésie française sera financé à partir de 2005 sur le budget du ministère de l'outre-mer, pour un montant de 8,19 millions d'euros.

Un effort particulier est également consenti pour les dessertes des collectivités d'outre-mer les plus isolées, comme la desserte aérienne de Wallis-et-Futuna et la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui bénéficient d'une mesure nouvelle de 1 million d'euros, soit 500 000 euros chacune.

Cette dotation, monsieur Laufoaulu, permettra à la collectivité territoriale de Wallis-et-Futuna d'augmenter les fréquences aériennes. L'Etat, bien entendu, assistera votre collectivité lors des négociations concernant les modalités d'exploitation de la desserte aérienne entre Wallis et Futuna.

Concernant la question de l'enseignement à Wallis-et-Futuna, qui, touchant les jeunes générations, concerne l'avenir du développement de ce territoire, il me paraît indispensable de remettre à plat l'ensemble du dossier et d'étudier les solutions possibles en étroite concertation avec le ministère de l'éducation nationale. Cela nous permettra notamment d'adapter aux spécificités du territoire les dispositifs prévus à l'article 18 de la loi de programme pour l'outre-mer ainsi que ceux qu'autorise l'article 55 de la loi de programmation de cohésion sociale, au bénéfice des élèves wallisiens et futuniens. Cette analyse nous permettra également de mettre en adéquation le nombre de bourses d'Etat allouées pour le territoire avec les besoins réels, en complément des bourses territoriales, dont la réforme est effective depuis le début de cette année.

Enfin, monsieur le sénateur de Wallis-et-Futuna, vous m'avez signalé les retards pris par certains ministères dans leur contribution respective au contrat de développement du territoire. Vous pouvez compter sur moi pour rappeler leurs engagements à mes collègues concernés.

Au sujet du manque de personnel technique sur le territoire, permettez-moi, monsieur le sénateur, de vous annoncer de bonnes nouvelles. Après avoir rencontré quelques difficultés dans le traitement de ces dossiers, nous avons trouvé les deux candidats compétents pour occuper ces postes.

M. Jean-Louis Carrère. C'est Noël !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Les deux agents retenus prendront leurs fonctions prochainement, puisque l'adjoint au chef des travaux publics de Futuna quittera la métropole le 23 janvier 2005 et que le contrôleur principal en charge des travaux routiers rejoindra Wallis le 6 février prochain.

S'agissant de Mayotte, le budget de l'outre-mer, conformément à l'article 65 de la loi du 11 juillet 2001, remboursera la collectivité départementale de ses dépenses de personnel. Une mesure nouvelle de 2,4 millions d'euros est inscrite à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2005.

Quant à la coopération régionale entre les collectivités ultramarines et les pays périphériques, elle sera intensifiée en 2005 et les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2005 permettront d'accroître de 18 % la capacité d'engager des actions nouvelles.

Votre intervention en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon, monsieur Detcheverry, est juste et la situation fragile de l'archipel requiert toute notre attention.

L'accord franco-canadien sur l'exploitation des hydrocarbures, que nous allons signer, permet de faire reconnaître une ouverture des Canadiens sur l'avitaillement des plates-formes pétrolières. Les autorités françaises ont en outre décidé de déposer à la Commission de l'ONU un dossier d'extension du plateau continental.

Sur la pêche, même s'il reste matière à préoccupation, on enregistre aussi des progrès. Ainsi, Saint-Pierre-et-Miquelon a pu récupérer à l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest, l'OPANO, des quotas supplémentaires prometteurs pour l'archipel.

Enfin, les dotations inscrites sur l'investissement au titre du FIDOM, du FIDES et des infrastructures seront assurées en 2005 au même niveau que dans le budget précédent et permettront de poursuivre la contractualisation, avec pour priorité le soutien des équipements publics.

Comme vous le savez, les contrats de plan ont été prolongés d'une année, voire de deux ans dans le cas particulier de Mayotte. Ce délai supplémentaire, monsieur Giraud, devrait permettre à cette collectivité d'accéder au statut de région ultrapériphérique et de bénéficier ainsi des fonds structurels européens dans le cadre du document unique de programmation, ou DOCUP, qui sera établi pour la période 2007-2013.

Vous m'avez interrogée, monsieur Virapoullé, sur les suites du mémorandum - d'ailleurs inspiré par votre rapport - que la France, l'Espagne et le Portugal ont remis à la Commission en juin 2003. La Commission, dans sa communication du 26 mai et dans son rapport du 6 août 2004, a repris les principales suggestions qui y figuraient et a proposé la création d'un fonds spécifique de compensation des surcoûts, doté de 1,1 milliard d'euros. Nous travaillons avec les services de la Commission sur les modalités concrètes d'application de cette décision.

Je vous fais part de ma très grande vigilance sur ce dossier, et je puis vous affirmer que nous travaillons en étroite collaboration avec toutes les collectivités d'outre-mer concernées : en ont témoigné les travaux de novembre dernier sur les accords de partenariat économique qui se sont tenus en Guadeloupe pour les Antilles-Guyane et à la Réunion pour l'océan Indien.

Par ailleurs, le Gouvernement a mené à bien l'importante réforme de l'octroi de mer, confortant ainsi un régime qui était gravement menacé de disparaître. Par cette réforme, que vous avez votée l'été dernier, la part essentielle des ressources des collectivités locales issues de l'octroi de mer est préservée. En outre, une véritable avancée a été réalisée, comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous, en particulier M. Lise : les communes recevront de nouvelles ressources d'investissement, puisque 80 % du montant du fonds régional pour le développement et l'emploi, le FRDE, viendront dorénavant abonder directement la section d'investissement de leurs budgets. Cela représente une recette d'investissement supplémentaire et libre d'emploi de l'ordre de 40 millions d'euros.

Au-delà du budget de l'outre-mer, vous le savez, j'ai demandé et obtenu que soit prise en compte dans le cadre de la réforme de la dotation globale de fonctionnement la spécificité des communes d'outre-mer, conformément à l'article 47 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, qui dispose que « les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales d'outre-mer font l'objet de dispositions particulières qui tiennent compte de leurs caractères spécifiques ».

Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2005, il est tenu compte du critère de la superficie pour le calcul de la DGF des communes. J'ai souhaité qu'il soit introduit notamment pour régler les problèmes particuliers des communes de Guyane. Grâce à l'amendement, soutenu par le Gouvernement, que vous avez adopté dans cette enceinte mercredi dernier, le plafonnement de cette mesure a été élevé au double de la dotation de base. Cette mesure, qui procurera un gain supplémentaire de 3 millions d'euros pour la DGF des communes de Guyane, contribuera à répondre à la préoccupation que m'ont maintes fois exposée les élus de ce département.

Par ailleurs, le coefficient de majoration du ratio démographique permettant de calculer la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement a été majoré. Cette augmentation, grâce à un amendement soutenu par le Gouvernement, passe de 10 % à 33 %.

Enfin, la dotation nationale de péréquation, la DNP, dans le calcul de la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement a été étendue aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, qui jusqu'à présent n'en bénéficiaient pas.

Grâce à un amendement présenté par MM. Virapoullé et Detcheverry et soutenu par mon collègue Jean-François Copé, mon projet de création d'une quote-part « ultrapériphéricité », destinée à compenser une partie des handicaps structurels des communes ultramarines, a enfin pu aboutir. Toutes les communes d'outre-mer, y compris les trois circonscriptions des îles Wallis et Futuna, bénéficieront ainsi d'un abondement supplémentaire tenant compte de leur spécificité, notamment de leur éloignement géographique de la métropole et de leur insularité.

Ainsi, les communes d'outre-mer pourront bénéficier globalement d'un rattrapage qui avait été évalué à environ 30 millions d'euros par le comité des finances locales. Ce montant s'ajoute, bien entendu, aux mesures liées à l'indexation de la DGF, qui représente une augmentation de 3,29 %.

S'agissant de la piste de Mayotte, monsieur Giraud, je peux vous apporter quelques précisions. En effet, en février dernier, le Gouvernement a validé les conclusions de l'étude du schéma directeur comportant la réalisation d'une nouvelle piste dite « convergente » sur le site actuel de l'aéroport. Cette opération est essentielle pour l'avenir de Mayotte et, à la suite des importants travaux d'élargissement de la piste actuelle et d'agrandissement de l'aérogare, 500 000 euros ont été délégués au préfet de Mayotte pour lancer les premières études techniques de l'avant-projet de cette nouvelle piste, conformément au calendrier prévu.

Vous m'avez interrogée, monsieur Gillot, sur la situation budgétaire de la commune de Saint-Martin.

La future collectivité recevra la pleine compétence fiscale ; il lui incombera donc de dégager les ressources qui lui permettront de financer elle-même l'exercice de ses compétences. En outre, elle recevra, à due proportion des publics concernés, les dotations de l'Etat actuellement versées au département et à la région de la Guadeloupe pour l'exercice des compétences départementales et régionales qui lui auront été transférées.

Il appartiendra donc aux élus de la future collectivité d'arrêter les indispensables mesures de redressement financier, en concertation avec l'Etat. Celui-ci sera leur partenaire naturel et attentif dans l'apprentissage de l'exercice des compétences nouvelles ; car, loin d'envisager d'abandonner Saint-Martin, nous entendons l'aider à bien réaliser ce transfert.

A ce propos, je me félicite de la mission prochaine de la commission des lois de votre assemblée dans les îles du Nord, et je souhaite travailler en étroite liaison avec elle à la mise en place des futurs statuts de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Je vous rassure, monsieur Balarello, et je le répète : nous sommes très vigilants, car nous souhaitons éviter toute dérive dans quelque domaine que ce soit.

Vous m'avez interrogée, monsieur Lise, monsieur Larcher, sur l'application des nouvelles dispositions de l'article 73 de la Constitution relatives aux nouveaux pouvoirs normatifs des départements et des régions d'outre-mer.

Je vous confirme qu'il entre bien dans les intentions du Gouvernement de faire adopter les dispositions nécessaires à l'entrée en vigueur de l'article 73, dispositions qui relèvent de loi organique. Elles seront donc incluses dans le projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, qui sera déposé sur le bureau de votre assemblée au début de l'année prochaine. Ce projet de loi organique comprendra également les dispositions statutaires relatives à Saint-Barthélemy et Saint-Martin ainsi que diverses actualisations des statuts en vigueur, qui doivent être mis en harmonie avec la Constitution révisée le 28 mars 2003.

Le problème lié à la décentralisation, que vous avez abordé, monsieur Lise, est une préoccupation que partage également M. Larcher. Il pourrait trouver une solution dans le cadre des potentialités de l'article 73 de la Constitution, dont la rédaction, vous le savez, a été notablement assouplie par la révision du 28 mars 2003. Je suis pour ma part ouverte à toute proposition en ce domaine, et je suis prête à examiner dans quelle mesure vos préoccupations pourront être prises en compte dans le projet de loi que je viens d'évoquer.

Je voudrais, avant de terminer, dire quelques mots de la Polynésie française, puisque plusieurs d'entre vous l'ont évoquée, et faire avec vous le point sur ce dossier à l'issue des négociations qui ont eu lieu récemment à Paris.

Les réunions de travail qui se sont tenues au ministère de l'outre-mer à partir du mardi 23 novembre 2004, auxquelles participaient les forces politiques de Polynésie française, ont permis de dégager des points de convergence entre la délégation conduite par M. Gaston Flosse, président en exercice de la Polynésie française, et celle que dirigeait M. Oscar Temaru. Un communiqué signé le 27 novembre par ces deux leaders politiques a ainsi validé plusieurs points.

Premièrement, le principe d'un renouvellement général de l'Assemblée de Polynésie française était admis par les deux parties, les divergences portant sur le calendrier. En effet, M. Flosse souhaitait que ce renouvellement général ait lieu douze mois après l'élection partielle imposée par l'annulation du scrutin dans la circonscription des Iles-du-Vent, et M. Temaru, pour sa part, souhaitait que cette élection partielle n'ait pas lieu et que le scrutin de renouvellement général s'y substitue.

Deuxièmement, au-delà de ce principe de renouvellement général de l'assemblée, les parties sont convenues que la dissolution de l'assemblée de Polynésie française était impossible.

Que voulez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le droit est le droit ! Après deux mois de débats et de polémiques, tout le monde a fini par comprendre que le Conseil d'Etat risquait, statuant en référé, de suspendre immédiatement, puis d'annuler, un décret de dissolution soumis à la signature du Président de la République. On en serait alors revenu au même point !

Tous en sont donc convenus, la voie menant à des élections générales n'empruntant pas celle de la dissolution, il fallait par conséquent recourir à une loi organique.

La reprise des travaux était subordonnée à la libération des bâtiments publics avant le dimanche 28 novembre, à midi. Cela avait fait l'objet d'un accord, signé à la fois par M. Flosse et par M. Temaru, document dans lequel il était bien précisé que les travaux ne se poursuivraient qu'à la condition que tous les bâtiments publics occupés de façon illégale par les partisans de M. Temaru soient libérés.

Je dis bien « de façon illégale » puisque, au moment où nous discutions, une ordonnance du Conseil d'Etat est intervenue exigeant la libération, dans les soixante-douze heures, de l'ensemble des locaux occupés de façon irrégulière par les militants proches de la mouvance politique de M. Temaru.

Or, malgré l'engagement écrit qu'il avait pris, M. Temaru n'a pas respecté cette condition. Il est donc responsable, et lui seul, de la suspension des travaux que, pour ma part, je suis prête à reprendre avec les deux parties, dès que les locaux occupés auront été libérés.

En tout état de cause, le Gouvernement se doit de respecter les dispositions de la loi organique du 27 février 2004, ce qui implique que l'élection dans la circonscription des Iles-du-Vent doit être organisée dans un délai de trois mois à partir de la date de l'arrêt du Conseil d'Etat du 15 novembre 2004. En conséquence, un décret de convocation des électeurs interviendra prochainement afin d'organiser cette élection partielle le dimanche 13 février 2005.

A partir des déclarations des uns et des autres, je comprends que tout le monde semble maintenant souhaiter ces élections partielles. Dans l'hypothèse où un accord sur le renouvellement intégral de l'assemblée interviendrait, le Gouvernement engagerait les procédures nécessaires afin, notamment, de modifier le calendrier électoral. Quant à la forme du texte, une proposition de loi organique serait plus judicieuse, si l'on veut respecter les délais très brefs qui restent à courir d'ici au 13 février 2005. Mais, je le redis, les conditions de l'accord que tout le monde a signé doivent être respectées et les négociations ne pourront reprendre qu'après libération complète de l'ensemble des bâtiments publics.

En examinant sans parti pris et en toute objectivité ce budget, certes élaboré dans un contexte budgétaire contraint, vous constaterez, ainsi que l'ont relevé vos rapporteurs, que le ministère de l'outre-mer s'inscrit résolument dans la politique de modernisation de l'Etat décidée par le Premier ministre, en anticipant la réforme de la gestion publique mise en oeuvre par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. J'ai souhaité que cette préparation active aux nouvelles expérimentations de la LOLF soit appuyée par un cabinet d'audit et des contrôleurs de gestion que nous sommes en train de recruter.

Soyez persuadés, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en 2005, je consacrerai tous mes efforts pour que mon ministère s'implique dans cette réforme en profondeur de la gestion publique, avec volonté et dynamisme, dans le respect des engagements du Président de la République et de la loi de programme, gage d'un développement social et économique durable de l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Outre-mer
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'outre-mer et figurant aux états B et C.

État B

Titre III : moins 34 404 636 €.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur ces crédits.

M. Bernard Frimat. Cette explication de vote vaudra pour l'ensemble des crédits du budget de l'outre-mer.

Le groupe socialiste votera contre ce budget, pour les différentes raisons que nous avons exposées, parmi lesquelles l'attitude du Gouvernement sur la question polynésienne, qui ne fait que renforcer notre opposition à l'ensemble de la politique menée.

Nos collègues sénateurs de l'outre-mer ont écouté vos réponses à leurs interrogations, madame la ministre. Espérant que le caractère positif d'un certain nombre des perspectives que vous avez ouvertes se confirmera dans les mois qui viennent, ils s'abstiendront.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre IV : 614 094 230 €.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais m'exprimer au nom d'un certain nombre de membres de mon groupe.

Madame la ministre, j'ai entendu votre discours liminaire et les réponses que vous avez apportées aux orateurs. Reprenant ce qu'a dit tout à l'heure M. Claude Lise, à la fin de son intervention, je commencerai cette explication de vote en posant une question qui me semble être essentielle : que veut-on faire des départements et des territoires d'outre-mer ?

Il faut prendre conscience de la gravité des problèmes qui se posent sur place, et cela va bien au-delà de ceux qui ont été évoqués et qui sont strictement d'ordre budgétaire. Car je veux parler en cet instant de la jeunesse, de la drogue, particulièrement dans les Antilles, de l'immigration clandestine - dramatique en Guyane -, du foncier, problème récurrent dans un certain nombre de nos collectivités d'outre-mer.

Je voudrais également replacer, ce que l'on oublie trop souvent de faire, le rôle de l'outre-mer dans le contexte européen. C'est très important non seulement sur le plan économique, mais aussi pour la défense de notre territoire.

Je tenais à faire ce rappel, car, si nous vous remercions, madame la ministre, de répondre par des données chiffrées, comme il est normal, aux questions de tous les représentants de l'outre-mer ici présents, nous attendons également une vision globale de la politique du Gouvernement et du rôle qu'il entend faire jouer à toutes ces collectivités.

Différents consultations ont eu lieu outre-mer. Je citerai le référendum aux Antilles, les élections régionales, les élections en Nouvelle-Calédonie. Si chacun peut interpréter les résultats de ces consultations sur le plan politique, l'aspect que je voudrais personnellement en retenir et souligner est surtout l'attachement de toutes ces populations à la République, et à la métropole.

Il est très important de bien prendre la mesure de cet attachement des collectivités ultramarines à la République, attachement qui est, au reste, mutuel, car il transcende les positions, les inquiétudes, voire les peurs des uns ou des autres, et je pense ici au référendum antillais.

Permettez-moi de revenir, avant de terminer, sur la Polynésie.

Des élections vont donc avoir lieu dans les Iles-du-Vent, à la suite de la décision d'annulation du Conseil d'Etat. En homme de droit, M. Hyest s'est placé tout à l'heure, et on le comprend, sur le terrain du droit. Certes, il nous incombe de faire respecter les lois que nous votons, mais nous ne pouvons pas nous limiter à ce seul aspect. La décision d'annulation est une chose, mais elle ne saurait nous empêcher de considérer l'ensemble de la situation en Polynésie française. Et les faits sont là : on a dénombré 35 000 manifestants ; c'est énorme, pour l'archipel !

Au sein de notre groupe, nous sommes tout à fait disposés à la réforme du mode de scrutin que vous nous avez annoncée, car la situation en Polynésie française exige effectivement, selon nous, plus de vérité et plus de transparence. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du groupe socialiste.)

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. additionnel après l'art. 73 nonies

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État c

Titre V.- Autorisations de programme : 10 500 000 € ;

Crédits de paiement : 3 620 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre VI.- Autorisations de programme : 369 088 000 € ;

Crédits de paiement : 105 332 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion l'amendement n° II-14, présenté par la commission des affaires sociales, tendant à insérer un article additionnel après l'article 73 nonies et qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à l'outre-mer.

Etat C - Titres V et VI
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Affaires étrangères

Article additionnel après l'article 73 nonies

M. le président. L'amendement n° II-14, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 7 de l'ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l'extension et à la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte est ainsi rédigé :

« Art. 7 - Les allocations familiales sont attribuées dans les conditions définies aux articles L. 755-11 et L. 755-12 du code de la sécurité sociale. »

II. En conséquence, faire précéder cet article par une division ainsi rédigée :

                  Outre-mer

La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'ordonnance du 7 février 2002 a mis en place un nouveau régime de prestations familiales dans la collectivité départementale de Mayotte. Mais, contrairement à ce qui se passe ailleurs en France, l'article 7 de cette ordonnance limite la majoration des prestations à trois enfants par allocataire. Au-delà donc de trois enfants, les naissances supplémentaires ne donnent lieu au versement d'aucune majoration.

Il convient de lever ce verrou, en déplafonnant les allocations familiales versées à Mayotte.

L'amendement que vous propose la commission des affaires sociales est guidé par un impératif de justice.

Un tel plafonnement, qui n'existe ni en métropole ni dans les autres DOM, contrevient au principe constitutionnel d'égalité de traitement entre les citoyens inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et dans la Constitution, laquelle dispose que la France « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens ». Ce principe revêt une importance toute particulière s'agissant des citoyens français d'outre-mer.

Le système de plafonnement des allocations remet également en cause les droits de la famille. Le préambule de la Constitution de 1946 affirme par ailleurs que la nation « assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».

Avec l'ordonnance de 2002, on crée pourtant deux catégories de familles, sans prendre en considération les plus nombreuses. Pourtant, l'objectif des allocations familiales est de venir en aide aux familles nombreuses.

De plus, la situation économique, sociale et sanitaire à Mayotte exige des mesures destinées à améliorer l'aide aux personnes en grande précarité. En effet, le PIB par habitant y est dix fois inférieur à celui de la métropole et le taux de chômage cinq fois plus élevé, alors que les Mahoraises et les Mahorais supportent les surcoûts inhérents à l'insularité.

Il faut, par ailleurs, tenir compte du fait que Mayotte a vocation à devenir un département. Toute la législation actuelle tend à un alignement sur le droit commun. Or la politique de rattrapage n'a pas encore concerné les prestations familiales.

Enfin, l'interdiction, justifiée, de la polygamie en 2003 nous incite à soutenir financièrement les mères qui ont été répudiées par leurs époux par anticipation.

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose, chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Torre, rapporteur spécial. Il est exact que c'est par l'ordonnance du 7 février 2002 qu'a été mis en place un nouveau régime de prestations familiales dans la collectivité départementale de Mayotte. Voulant limiter les effets d'une telle mesure sur la démographie, le gouvernement de l'époque en avait limité le bénéfice à trois enfants par allocataire.

Or, après la loi de 2003, qui a interdit la polygamie, certains se sont crus autorisés à « licencier », si j'ose dire, un certain nombre de leurs épouses qui, surtout lorsqu'elles avaient plus de trois enfants, ont connu de ce fait de très graves difficultés.

Si donc, sentimentalement, pourrais-je dire, votre amendement, madame le rapporteur pour avis, est très justifié et n'aurait pas laissés indifférents les membres de la commission des finances s'ils avaient pu l'examiner, il n'en reste pas moins que, juridiquement, il s'agit,dans une certaine mesure, d'un cavalier budgétaire. S'il était adopté, la Caisse nationale d'allocations familiales serait contrainte de supporter un prélèvement d'environ 3 millions d'euros sur ses propres ressources, ce qui n'est pas conforme aux dispositions de la loi organique.

Dans ces conditions, madame Payet, la mesure que vous proposez serait probablement censurée par le Conseil constitutionnel. C'est la raison pour laquelle, tout en souhaitant que cette question soit examinée, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Mon sentiment est très clair, et je ne peux qu'adhérer aux propos de Mme Payet.

Je rappelle que l'ordonnance du 7 février 2002 a été prise par un gouvernement socialiste.

M. Jean-Louis Carrère. « Socialo-communiste » ! Et votre gouvernement, il est quoi : « UMPiste » ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Or il était, à mon sens, particulièrement malvenu de plafonner la majoration de la prestation à trois enfants, et ce au nom d'une prétendue politique de contrôle de la natalité. Je suis d'ailleurs pour le moins sceptique sur le caractère mécanique du lien ainsi établi entre le montant des allocations familiales et le taux de fécondité des femmes mahoraises.

Le texte de l'ordonnance doit donc véritablement être rectifié, car son application provoque des effets pervers, qui sont maintenant bien connus.

Je partage évidemment les objections de nature technique émises par M. Torre. Au demeurant, avec mon collègue Philippe Douste-Blazy, nous avons la ferme intention de régler cette question, mais évidemment dans un autre cadre que celui du budget de l'outre-mer.

M. Jean-Louis Carrère. Compte tenu de votre fécondité intellectuelle et de celle de Douste-Blazy, ça promet !

Mme Brigitte Girardin, ministre. En tout cas, nous sommes tout à fait déterminés à corriger les inégalités et à régler ce dossier dont les élus de Mayotte nous saisissent régulièrement, à juste titre, d'ailleurs.

Par conséquent, compte tenu des réserves purement techniques que nous émettons, je vous demande également, madame Payet, de bien vouloir retirer votre amendement, en m'engageant à ne pas ménager nos efforts, avec Philippe Douste-Blazy, pour faire aboutir le dossier et corriger certaines erreurs.

M. Jean-Louis Carrère. Corriger les erreurs des socialo-communistes... Que c'est dérisoire !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mme Payet nous soumet un problème douloureux. Comme l'a rappelé M. Torre, un certain nombre de Mahorais se sont mis en conformité avec la loi. Depuis, les femmes répudiées sont plongées dans les plus extrêmes difficultés.

Madame la ministre, nous devons donc, en effet, trouver la réponse adéquate pour satisfaire une demande ô combien légitime.

Comme je l'ai déjà dit lors de la discussion générale, la commission des finances a renoncé à reprendre certains thèmes abordés il y a un an, et ce pour des raisons politiques, eu égard à la situation en Polynésie française.

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le président de la commission des affaires sociales a évoqué la possibilité de remettre en cause l'indemnité temporaire versée à des fonctionnaires métropolitains prenant leur retraite dans un certain nombre de territoires.

La situation actuelle est choquante par rapport à l'idée que nous nous faisons de l'équité dans la République, car, la Cour des comptes l'a parfaitement démontré, il y a des abus. En effet, parmi les bénéficiaires de cette allocation, certains ont sans doute des domiciliations « de façade » pour se prévaloir de ces suppléments de pension et du régime fiscal propre à ceux qui résident dans les territoires concernés. Au demeurant, madame la ministre, nous aurons l'occasion d'aborder de nouveau ce problème ensemble.

A l'époque, Mme Payet a combattu la proposition de M. About. Or, si celle-ci avait été adoptée, les économies ainsi réalisées auraient peut-être constitué une source de financement pour venir en aide aux femmes mahoraises qui ont des enfants à charge.

Madame la ministre, il nous faut, en la matière, trouver des sources de financement. J'ai bien noté votre engagement au service de l'efficacité de la dépense publique. S'agissant du problème que je me permets d'évoquer de nouveau, il va falloir trouver une solution, ne serait-ce que pour mettre un terme aux abus.

Nous n'entendons pas remettre en cause des avantages acquis, mais un tel système doit cesser. D'ailleurs, les échos qui nous proviennent de toutes les travées de cette assemblée nous incitent à prendre une mesure volontariste, au nom de l'équité.

Que Mme Payet me pardonne ce rappel, mais peut-être pourra-t-elle, à l'avenir, apporter son appui à l'amendement qu'avait présenté le président de la commission des affaires sociales sur ce thème particulier. Je le répète, l'adoption d'une telle mesure aurait permis de trouver une bonne source de financement.

Dans le même ordre d'idées, je n'évoquerai que pour mémoire la suppression du dispositif de la TVA non perçue récupérable, car elle pourrait dégager une ressource financière non négligeable pour faire face aux nécessités cruellement ressenties aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. Madame le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-14 est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Madame la ministre, j'ai bien entendu vos explications et j'ai pris note de vos engagements.

A ma connaissance, ce problème est soulevé au Sénat pour la première fois, alors qu'il a déjà été exposé à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale par le député de Mayotte, M. Mansour Kamardine.

En 2002, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, notre collègue député avait interrogé le ministre délégué à la famille, qui avait alors exprimé son souhait de régler le problème avant la conférence de la famille prévue pour le printemps de 2003.

M. Robert Bret. Les promesses n'engagent que ceux qui les croient !

M. Jean-Louis Carrère. C'est encore la faute des socialistes !

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Or, aujourd'hui, nous en sommes toujours au même point. J'espère donc que le règlement de ce problème ne sera pas repoussé indéfiniment.

Certes, il faudrait peut-être clore d'autres dossiers concernant Mayotte. Ainsi, l'état civil est loin d'y présenter les mêmes qualités que partout ailleurs en France. Il conviendrait d'effectuer un véritable recensement de la population. De plus, les élus locaux devraient s'engager à attribuer un nom de famille aux personnes qui n'en ont pas. Habituellement, c'est l'un des prénoms qui sert de nom de famille, et pendant un certain temps seulement, puisqu'il est possible de changer de prénom de référence après seulement quelques mois. Cela concerne surtout les Comoriens installés à Mayotte, qui représentent un tiers de la population totale.

Je reconnais aussi que notre amendement est un cavalier et qu'il n'a pas tout à fait sa place dans le budget de l'outre-mer, mais j'ai surtout voulu lancer le débat, car il est nécessaire et urgent de trouver une solution à ce problème.

Quant aux retraites outre-mer, il s'agit, à mon sens, d'un autre débat. Nous en reparlerons !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela concerne aussi les retraites des fonctionnaires métropolitains.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Madame la ministre, je vous fais confiance, et je retire donc mon amendement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° II-14 est retiré.

Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'outre-mer.

Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Affaires étrangères

Art. additionnel après l'art. 73 nonies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.

La parole est à M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2005 témoigne d'une double volonté, d'une double exigence.

La première de ces exigences est de poursuivre la mise en oeuvre des priorités engagée en 2004.

La seconde de ces exigences est de participer à l'effort de rigueur et de réforme souhaité par le Gouvernement et sa majorité.

Ces deux exigences pourraient être contradictoires. Je vais cependant tenter d'expliquer de quelle manière le ministère des affaires étrangères a réussi à résoudre cette apparente contradiction.

Ce ministère est, depuis cette année, à la suite de l'application de la décision du Président de la République, exonéré des mesures de régulation budgétaire. En effet, ces mesures pouvaient nuire à l'image de notre pays à l'étranger, car elles pouvaient entraîner l'annulation d'opérations menées dans le cadre de partenariats avec des acteurs locaux vis-à-vis desquels la France avait engagé sa parole. Ces mesures pouvaient, par exemple, entraîner des retards ou des défauts de paiement, et, de manière générale et à coup sûr, une absence de visibilité pour la programmation des moyens du ministère.

Bien que cette situation ne puisse être totalement imputée aux mesures de régulation budgétaire, je rappelle cependant que le montant des factures impayées pour les investissements immobiliers s'élevait à 11 millions d'euros à la fin de l'année 2003 !

Pour autant, il ne faudrait pas considérer que le ministère des affaires étrangères ne participe pas à la maîtrise des dépenses de l'Etat. En effet, si son budget augmente de 4,3 %, pour s'établir à 4,408 milliards d'euros en 2005, cette progression résulte en grande partie de l'inscription de 150 millions d'euros pour le Fonds mondial de lutte contre le sida et de 15 millions d'euros, en provenance du ministère de l'agriculture, pour l'achat de denrées dans le cadre de l'aide alimentaire, désormais intégralement prise en charge par le ministère des affaires étrangères, conformément, d'ailleurs, aux demandes de la commission des finances.

A périmètre constant, les crédits n'augmentent que de 1,2 %, soit environ 50 millions d'euros, ce qui est nettement inférieur à l'indice prévisionnel de croissance des prix.

Outre cette diminution en volume à périmètre constant du budget des affaires étrangères, on notera que ce dernier est l'un des rares à mettre en oeuvre, de manière stricte, le principe de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, ce qui se traduit par cent suppressions nettes d'emplois pour 2005. Ce principe est d'ailleurs mis en oeuvre pour la deuxième année consécutive.

La part des dépenses de fonctionnement dans l'ensemble des dépenses du ministère diminue, ce qui va dans le bon sens.

Dans ce contexte, le ministère des affaires étrangères finance donc ses priorités, pour l'essentiel, par redéploiement de ses crédits, notamment en réformant son réseau, ce qui mérite d'être souligné.

Quelles sont donc ces priorités ?

Tout d'abord, l'effort porte principalement sur l'aide publique au développement, l'APD, conformément à l'objectif fixé par le Président de la République qui souhaite que les sommes consacrées à ce titre atteignent 0,5 % du produit intérieur brut en 2007. Au regard de cet objectif, la progression des crédits du ministère des affaires étrangères résulte intégralement, et ce depuis plusieurs années, de l'augmentation des crédits consacrés à l'aide publique au développement. Mon excellent collègue Michel Charasse développera tout à l'heure cette partie du budget du ministère des affaires étrangères.

Parmi les autres priorités figure en bonne place la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme du droit d'asile. La subvention versée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, augmente de 18 % et s'établit à 46,3 millions d'euros. Elle a donc été presque multipliée par trois depuis l'année 2000. La remise à niveau des moyens de l'OFPRA, notamment en personnels, a permis, mes chers collègues, de réduire à deux mois en moyenne les délais de traitement des demandes d'asile.

Toutefois, la réforme législative du droit d'asile a conduit parallèlement à une forte augmentation des recours contre les décisions de l'OFPRA auprès de la commission des recours des réfugiés. En effet, sur les neuf premiers mois de l'année 2004, ces demandes de réexamens sont en hausse de 210 % par rapport aux trois premiers trimestres de l'année 2003, ce qui est considérable.

L'augmentation de la subvention versée à l'OFPRA pour 2005 est donc destinée à permettre à la commission des recours des réfugiés de disposer de cent vingt-cinq personnes supplémentaires pour réduire à trois mois, contre onze mois actuellement, le délai moyen de traitement des dossiers d'ici à la fin de l'année 2005.

Des progrès ont indéniablement été réalisés avec la réforme, mais plusieurs questions restent posées. Je me contente de les énumérer.

D'abord, les moyens humains supplémentaires seront-ils suffisants pour atteindre l'objectif de réduction des délais d'instruction des dossiers fixé à la commission des recours des réfugiés ?

Ensuite, la possibilité illimitée de formuler des recours contre les décisions de l'OFPRA devant cette commission n'est-elle pas de nature à favoriser un engorgement de cette juridiction ? Poser la question, c'est, me semble-t-il, y répondre !

Enfin, question fondamentale, comment faire pour éviter que les déboutés du droit d'asile ne s'installent durablement sur notre sol, rendant très difficile, en pratique, l'application des mesures de reconduite à la frontière ?

Il conviendra, à l'issue de l'année 2005, d'évaluer la réforme du droit d'asile, afin de mesurer si celle-ci permet, dans l'intérêt de tous, non seulement de l'Etat et des collectivités territoriales, mais aussi et surtout des personnes - nos concitoyens et les demandeurs d'asile -, de réduire sensiblement les délais et de rendre plus effectives les décisions prises.

S'agissant du rayonnement culturel et linguistique de la France, je relève que le nombre d'étudiants étrangers en France, après avoir connu une diminution importante au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix, a considérablement augmenté au cours des dernières années, puisqu'il est passé, pour les seules universités, de 122 000 en 1998 à 200 000 en 2003.

Il convient sans doute de faire porter nos efforts sur la sélection des meilleurs étudiants plutôt que de chercher à « faire du chiffre ». Mais les progrès réalisés sont tout de même très significatifs, du point de vue tant de la promotion de l'enseignement supérieur français que de la politique d'attribution de visas d'études et de bourses.

Une autre priorité du ministère est l'amélioration de la sécurité des Français à l'étranger, malheureusement plus que jamais nécessaire. Les récentes émeutes en Côte d'Ivoire ont montré l'importance de garantir à nos communautés expatriées une sécurité maximale. A cette occasion, je veux témoigner de ma solidarité avec nos concitoyens de Côte d'Ivoire, qui ont souffert et qui connaissent aujourd'hui encore les peines et les difficultés matérielles liées à un exil forcé.

Le ministère des affaires étrangères poursuit la mise en oeuvre de sa stratégie ministérielle de réforme. Celle-ci prévoit notamment, d'ici à l'année 2006, l'étude d'un regroupement des services du ministère situés à Paris, actuellement répartis sur onze sites, et ce sans coût supplémentaire grâce à la vente des biens dont le ministère est propriétaire dans la capitale. Elle prévoit aussi la modernisation, d'une part, des procédures de gestion et, d'autre part, des services rendus au public à l'étranger, avec le développement de la téléadministration. Tous ces éléments impliquent un investissement important dans les réseaux informatiques et de communication.

Pour financer le coût de sa stratégie ministérielle de réforme, le ministère des affaires étrangères s'engage dans un plan d'aménagement de son réseau à l'étranger.

Il s'agit, d'abord, en vendant les biens immobiliers de l'Etat devenus inutiles ou inadaptés, de disposer de recettes supplémentaires, puisque le produit des cessions reviendra désormais intégralement au ministère des affaires étrangères.

Par ailleurs, le réseau à l'étranger sera modernisé, dans le cadre d'un plan d'aménagement qui devrait aboutir à la suppression de 248 emplois réservés aux expatriés et de 99 emplois réservés aux agents de recrutement local.

L'aménagement du réseau se traduira également par la rationalisation des moyens existants, en s'appuyant sur des fusions de structures, par exemple en créant des postes mixtes remplissant des missions consulaires et culturelles ou en fusionnant des instituts culturels et des Alliances françaises, ainsi que sur la mise en place de formes plus souples de représentation, par exemple des consulats d'« influence », qui seront déchargés des activités consulaires pour pouvoir se concentrer sur leur rôle politique.

Aucune ambassade, bien sûr, ne sera fermée. Seuls quelques consulats seront touchés, notamment en Allemagne. Il s'agit de privilégier la centralisation des activités consulaires, le développement de la téléadministration, ou encore les coopérations avec les autorités locales dans l'Union européenne. Ces réformes toucheront surtout les réseaux les plus importants du ministère des affaires étrangères, alors que les moyens seront renforcés dans les pays jugés prioritaires.

Cette rationalisation du réseau est une initiative que la commission des finances du Sénat soutient sans hésiter. Elle devrait permettre de dégager des moyens financiers et humains pour mettre en oeuvre les priorités du ministère des affaires étrangères.

La commission des finances se félicite de ce que le ministère des affaires étrangères s'engage dans d'importantes réformes et autofinance de cette manière ses priorités, en dehors de l'aide publique au développement. Dans un courrier au Premier ministre en date du mois de mars 2004, le Président de la République avait d'ailleurs suggéré le principe d'un recyclage des économies réalisées par le ministère des affaires étrangères et avait invité ce dernier à souscrire un contrat triennal « de rigueur et de prévisibilité » avec le ministère chargé du budget. C'est une piste intéressante pour l'avenir.

La commission des finances se félicite également de voir s'installer progressivement une culture de gestion et d'évaluation au ministère des affaires étrangères, culture qui, il faut le reconnaître, n'était pas toujours perçue comme compatible avec ses traditions.

La préfiguration de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances se traduit, en 2005, par le développement des expérimentations et par un important travail sur les objectifs et les indicateurs du ministère, que j'analyse dans mon rapport écrit.

Avant de conclure, je souhaiterais poser une question et exprimer trois regrets.

Ma question porte sur la chaîne d'information internationale, au sujet de laquelle on ne comprend plus très bien, monsieur le ministre, si c'est la volonté politique, les solutions techniques ou les moyens financiers qui sont défaillants.

Lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, un amendement du Gouvernement visant à doter cette chaîne de 30 millions d'euros a finalement été retiré. Le flou reste entier sur les modalités de financement et de fonctionnement de cette chaîne et sur le calendrier prévu.

Mon premier regret concerne les services des visas, qui ont été, il est vrai, réaménagés pour partie au cours des dernières années afin d'améliorer l'accueil des demandeurs. Cependant, ils sont toujours insuffisamment dotés en moyens humains, ce qui n'est pas satisfaisant pour une mission aussi sensible sur le plan politique.

Le ministère des affaires étrangères doit prêter une attention soutenue à la collecte des données relatives aux attributions de visas, lesquelles doivent être contrôlées par l'administration centrale.

Mon deuxième regret concerne, comme chaque année, la stagnation des contributions volontaires de la France aux organisations internationales, si l'on excepte toutefois sa contribution exceptionnelle au Fonds mondial de lutte contre le sida.

Enfin, mon troisième et dernier regret concerne l'insuffisance persistante de moyens pour financer les projets immobiliers, malgré une progression très sensible dans le projet de budget pour 2005, puisque les crédits de paiement augmentent de 11,9 % et les autorisations de programme de 11,1 %.

Le ministère des affaires étrangères devrait également confier à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, les moyens juridiques et financiers qui lui permettraient de prendre en charge les établissements scolaires en gestion directe à l'étranger. La possibilité pour l'AEFE de recourir à l'emprunt devrait être de nature à faciliter la bonne gestion de ce patrimoine immobilier.

La commission des finances a proposé au Sénat d'adopter ce projet de budget, qui marque un net engagement du ministère des affaires étrangères de financer les priorités énoncées par le Président de la République, tout en participant à l'effort de rigueur budgétaire et de réforme que la commission des finances appelait de ses voeux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances est heureuse que l'aide publique au développement soit et reste une priorité budgétaire de la France. La réduction de la pauvreté est, certes, très tributaire de l'efficacité de l'aide et de la capacité à ne pas verser les fonds à des Etats que l'on peut parfois qualifier de « kleptocrates ». Mais les besoins fondamentaux à couvrir sont énormes et exigent un volume financier adéquat.

La France est en bonne place parmi les bailleurs internationaux : 10 % environ de l'aide mondiale, troisième contributeur mondial en volume, premier en volume sur le continent européen, premier contributeur au Fonds européen de développement et à l'initiative pour les pays pauvres très endettés. Notre pays respecte le plan de marche correspondant à ses engagements de 2002 : une APD située à 0,5 % du PIB en 2007 et à 0,7 % en 2012. En 2005, nous serons à 0,44 %, légèrement plus qu'en 2004, mais l'exécution actuelle reste préoccupante, car peu d'allégements de dette sont intervenus à mi-année. Messieurs les ministres, qu'en est-il des « mesures correctrices » annoncées pour l'automne au Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, CICID, du 20 juillet dernier ?

Le volume d'APD dans le monde, très inférieur aux besoins - 60 milliards d'euros - a augmenté de près de 4 % en 2003. La Banque mondiale pense qu'il faut le doubler pour espérer atteindre les objectifs du millénaire fixés en 2000. On réfléchit donc aujourd'hui à des financements innovants. Notre pays occupe une place importante dans cette démarche, notamment grâce à ses propositions de nouvelle taxe internationale affectée au développement ou, avec le Royaume- Uni de « facilité de financement internationale ». Nous en sommes pour le moment au stade académique. Mais au moins la France présente des alternatives.

L'aide française reste fondamentalement interministérielle, impliquant une bonne dizaine de ministères, et d'abord les Affaires étrangères et les Finances, qui reçoivent plus de 90 % des crédits budgétaires d'APD. Mais, malgré la réforme de 1998, il n'y a toujours pas de chef de file clairement identifié. Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, les Affaires étrangères élaboreront un « document de politique transversale », soulignant leur vocation à assurer la coordination et le pilotage de l'APD. Mais, dans le même temps, le rôle des Finances est conforté par deux évolutions : la forte hausse des annulations de dettes, et le rôle croissant de l'Agence française de développement, l'AFD, à la suite des conclusions du CICID du 20 juillet dernier. Excusez-moi pour tous ces sigles, mais c'est comme ça !

Certes, l'Agence reste théoriquement sous cotutelle des deux ministères. Mais la tutelle sur un établissement bancaire et financier n'est pas vraiment ce que je pourrais appeler la « tasse de thé » du Quai d'Orsay, sans faire de mauvais jeu de mots. Messieurs les ministres, quels sont les axes du contrat d'objectifs que l'Agence et le ministère des affaires étrangères doivent conclure avant la fin 2004 ?

Au-delà de cette dyarchie et des ambiguïtés du statut de l'Agence française de développement, notre système institutionnel d'aide est rendu plus complexe par les multiples champs de compétence de la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, dont les crédits ne relèvent pas tous exclusivement de l'aide publique au développement. Le développement désordonné de la coopération décentralisée exige lui aussi une véritable coordination, qui tarde encore à venir. Certains ministères prétendent jouer leur carte, en franc-tireur, pour s'imposer davantage à l'international, ce qui complique un peu plus les choses. Je suis cependant heureux de la décision de transférer de l'Agriculture aux Affaires étrangères les crédits d'aide alimentaire. La rationalité que je réclamais depuis longtemps a enfin prévalu.

L'OCDE vient d'examiner l'aide française et aboutit au même constat : trop d'intervenants et d'instruments entraînent un grave déficit de coordination, de lisibilité, de stratégie, et une accumulation de prétendues priorités. La fiabilité du « jaune » budgétaire pâtit de cette confusion - et je voudrais au passage remercier les collaborateurs de la commission des finances pour avoir démêlé le vrai du faux dans un « jaune » dont la première version comportait beaucoup d'erreurs (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit) -, notamment en ce qui concerne les écarts de comptabilisation de l'APD au sens de l'OCDE et au sens budgétaire. Donc, il faudrait essayer, pour l'année prochaine, je le dis au ministre et à ses collaborateurs, de nous présenter un document un peu plus rigoureux ; la deuxième version était meilleure, mais nous avons aidé à la corriger, sans droits d'auteur...

Le CICID du 20 juillet a entrepris de remédier à ces lacunes. Son rôle devrait ainsi être renforcé, des stratégies pluriannuelles de référence dans les secteurs prioritaires seront élaborées, la programmation de l'aide sera plus sélective en fonction de critères de performance, les documents de stratégie pays seront modernisés. Tout cela va dans le bon sens, s'il n'en résulte pas une nouvelle inflation rhétorique et si la plus grande sélectivité de l'aide ne nous conduit pas à abandonner les pays les plus pauvres, qui ne rempliront pas avant longtemps certains des critères de bonne gouvernance que des idéalistes, que j'appellerais nantis ou un peu repus- la commission m'en voudrait si j'ajoutais « quelquefois boutonneux »- veulent prétendre leur imposer.

Donc, notre aide au développement est complexe à décrypter. Hélas ! la future mission interministérielle de la loi organique ne va remédier que partiellement à ce manque de cohérence. La mission imaginée recouvre en effet 85 % des crédits budgétaires de coopération, dont l'essentiel ? mais pas tous ! ? de ceux des Affaires étrangères. La majorité des crédits d'APD notifiés à l'OCDE resteront hors de la mission. Pourtant, cette nouvelle nomenclature budgétaire est plus satisfaisante que le projet assez bancal de l'an dernier, et je dois dire que la commission des finances a d'ailleurs beaucoup insisté, son président est là et peut en témoigner, pour qu'il en soit ainsi. Elle va clarifier les actuelles clefs de répartition, et surtout structurer notre aide selon des objectifs et des indicateurs plutôt pertinents. Cette nécessaire logique de résultats et de performance est pleinement cohérente avec la culture de projet qui préside à l'aide au développement.

Venons-en aux principales caractéristiques du budget 2005.

L'APD française augmente de 10 % en 2005, 7,5 milliards d'euros, soit une progression très nette au regard des contraintes budgétaires. Les crédits budgétaires représentent moins de la moitié de l'aide et augmentent de 7 %, à 3,5 milliards d'euros, mais de plus de 11 % pour les seuls crédits de coopération des Affaires étrangères.

Voici quelques aspects positifs de ce budget.

D'abord, l'aide bilatérale : elle augmente de 16 %, mais l'aide multilatérale diminue de 1,8 %. Monsieur le ministre, vous savez combien la commission des finances est attachée à la visibilité et à la maîtrise des résultats de notre aide, tant sur le plan politique que sur le terrain. L'Afrique subsaharienne reste la priorité de notre coopération : elle a reçu près de 60 % des crédits en 2003, et le continent africain plus de 70 %. Là se situe notre avantage comparatif par rapport aux autres bailleurs, car ce sont les pays les plus nécessiteux. Mais la zone de solidarité prioritaire, la ZSP, est sans doute trop large pour les dons et trop restreinte pour les prêts concessionnels.

Les décaissements du FED, dont j'ai longtemps souligné l'incroyable l'inertie, s'améliorent. La France doit donc effectuer des versements plus importants, 628 millions d'euros en 2005. Cette amélioration est cependant encore insuffisante et, surtout, très artificielle. Elle repose en effet essentiellement sur la nouvelle politique du FED, qui abonde des fonds multilatéraux en devenant une sorte de « sas », ce qui n'est pas sa vocation, et qui fait disparaître complètement de la visibilité l'aide européenne, donc la contribution importante que nous versons.

Sont heureux également l'effort soutenu pour les contrats de désendettement-développement, l'abondement du Fonds mondial de lutte contre le sida, dont parlait mon collègue Adrien Gouteyron il y a un instant, et le relèvement des crédits de paiement du fonds de solidarité prioritaire, le FSP. J'ai en effet constaté, récemment sur le terrain, en Afrique de l'Ouest, que le FSP était « à sec » de crédits de paiement en début d'année, ce qui portait préjudice à la réputation de la France, qui empilait les factures impayées et qui prenait donc une réputation de mauvais payeur. Les choses ont été heureusement redressées au printemps. Mais l'effort budgétaire ne sera que de l'affichage s'il ne s'accompagne pas d'une gestion plus rigoureuse des projets. Soyez sévères, messieurs les ministres, avec les projets trop anciens, vagues, chaotiques ou qui n'avanceront jamais. La DGCID a pris cette année les dispositions que j'attendais pour enrayer cet « acharnement thérapeutique » sur les projets dormants ou sommeillants. D'autre part, l'évaluation interne des projets par les postes diplomatiques devrait s'inspirer de la nouvelle méthode de notation systématique mise en place par l'AFD pour ses propres projets.

Les postes d'assistant technique, qui ont continué à diminuer en 2004, devraient se stabiliser en 2005 grâce à un plus grand recours à la programmation non géographique. La révision à la baisse des effectifs d'assistants techniques était inévitable et sans doute nécessaire. Mais pour ne pas compromettre notre remarquable et original outil de coopération, il ne faut pas descendre sous l'étiage désormais atteint.

Un mot enfin sur les contributions volontaires, dont mon collègue Adrien Gouteyron a également parlé. Leur niveau est parfois jugé très insuffisant au regard de l'influence que la France prétend exercer dans certaines enceintes internationales. Mais notre pays ne peut être fortement présent partout. La comparaison avec les bailleurs considérés comme les plus généreux n'est équitable et honnête intellectuellement que si l'on tient compte aussi de la charge considérable d'un réseau de coopération particulièrement dense, et exceptionnel, et de notre apport énorme aux aides européennes. C'est facile de distribuer des contributions volontaires et de se montrer généreux quand on n'a pas, par ailleurs, à assumer ces charges ! Dans les conditions budgétaires que nous connaissons, la priorité accordée au Fonds mondial de lutte contre le sida semble donc, comme l'a souligné Adrien Gouteyron, réaliste et justifiée.

J'ai par ailleurs noté quelques points plus contestables et de réelles incertitudes.

Les allégements de dette devraient représenter 31 % de notre aide en 2005. Ces annulations sont légitimes : elles sont assorties de conditions et contribuent à restaurer des marges de manoeuvre budgétaires au profit des besoins fondamentaux des populations concernées. Mais elles soulèvent plusieurs questions.

Leur impact réel sur la réduction de la pauvreté est incertain : elles ne contribuent qu'à restaurer temporairement la soutenabilité de la dette. Leur évaluation paraît problématique : elle repose sur la valeur nominale des créances plutôt que sur leur valeur de marché, qui est très inférieure. La transparence des mécanismes d'annulation et l'information du Parlement sont encore perfectibles, malgré des progrès réels souhaités depuis longtemps par les deux chambres du Parlement.

Mais, surtout, ces annulations gonflent notre APD. Or une grande partie est constituée de créances commerciales de la Coface. Ces annulations relèvent aussi d'une logique d'assainissement comptable et ne sont finalement que la contrepartie de prêts octroyés parfois sans discernement dans le passé. Enfin, le principe d'additionnalité qui doit prévaloir n'est pas respecté en 2005 : l'aide hors annulations de dette diminuerait d'un peu plus de 1 %. Messieurs les ministres, les instruments budgétaires plus « classiques » de l'APD pourront-ils vraiment prendre le relais de la future baisse des annulations, pour respecter parfaitement les engagements de la France ?

Outre le poids important des allégements de dette, la dotation en crédits de paiement de l'AFD risque d'être insuffisante, et pourrait la conduire à réduire la part de ses dons et à connaître de réelles difficultés de paiement en fin d'exercice. Les crédits, pas toujours très utiles, des bourses, mais surtout des missions et invitations de la DGCID diminueront l'année prochaine, mais un effort important est consenti sur le soutien aux ONG.

Messieurs les ministres, je me méfie beaucoup de la pensée unique parisienne sur la nécessité d'un fort relèvement de l'appui financier à ces organismes. Certes, leur efficacité est évidente et parfois irremplaçable en situation d'urgence. Mais les ONG profitent parfois trop facilement de certaines rentes de situation dans la mise en place de projets dont les coûts de réalisation et de fonctionnement sont très élevés. Et, de ce point de vue, j'attends avec beaucoup d'intérêt les résultats de l'enquête que la commission des finances a demandée à la Cour des comptes sur ce sujet. Comme pour les contributions volontaires, la part d'APD que la France consacre aux ONG est la conséquence du fait que nos services de coopération sont plus présents sur le terrain et plus chers que ceux d'autres bailleurs bilatéraux. C'est facile d'aider beaucoup des ONG quand on n'a pas à assumer des charges administratives d'un outil de coopération comme le nôtre !

Mes chers collègues, on ne peut pas tout faire à la fois, et, si l'on a choisi de privilégier l'action publique, il faut en tirer les conséquences pour l'action privée car le budget du pays n'est pas indéfiniment extensible.

Enfin, je suis plus que réservé sur l'aide budgétaire affectée, car il vaut mieux appréhender la capacité d'absorption des pays récipiendaires. La France, comme de nombreux autres bailleurs, a décidé d'augmenter cette aide-programme. Mais ses conditions de sécurisation et d'efficacité sont loin d'être toujours réunies, et c'est un euphémisme.

Mes chers collègues, pour conclure, en dépit de quelques réserves, retenons que la France respecte ses engagements dans un contexte budgétaire peu porteur, modernise sa stratégie d'aide, et maintient sa priorité de soutien aux pays les moins avancés, particulièrement en Afrique.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, de voter ce budget de l'aide publique au développement, qui recouvre non seulement, vous l'avez compris, les crédits inscrits au budget des affaires étrangères, mais l'ensemble des crédits qui sont inscrits dans d'autres ministères et qui contribuent à l'action de la France en matière de coopération et de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2005 attribue au ministère des affaires étrangères une somme de 4,4 milliards d'euros, soit une progression de 4,43 % par rapport au budget de 2004.

Cependant, ces crédits doivent être évalués à périmètre constant ; or ils incluent en 2005 deux transferts, portant sur les 150 millions d'euros que la France consacre au Fonds mondial de lutte contre le sida, et sur les 15 millions d'euros affectés à l'aide alimentaire. Ces deux transferts, la commission les apprécie comme il se doit, monsieur le ministre.

Le projet de budget pour 2005, hors transfert, s'accroît donc de 50,51 millions d'euros, soit une augmentation de 1,2 %.

Même si cette croissance est limitée, elle doit être saluée, car elle marque le coup d'arrêt d'une constante dégradation des crédits du ministère des affaires étrangères depuis 1995, date à laquelle il représentait 1,57 % du budget de l'Etat. Après avoir décru jusqu'à 1,25 % en 1999, cette part est remontée à 1,49 % en 2004, et s'établira à 1,53 % en 2005. Il faut se féliciter également du fait que le Président de la République ait souhaité que ce ministère soit exonéré, en 2004, des régulations budgétaires. Il faut dire que ces régulations avaient considérablement perturbé le financement des actions du ministère en 2002 et en 2003.

Ainsi stabilisé financièrement, le ministère des affaires étrangères pourra poursuivre la réalisation de ses priorités, qui consistent en une poursuite de la maîtrise de ses coûts de fonctionnement, dont la part dans le budget global du ministère des affaires étrangères continuera à régresser en 2005. Ainsi, le titre III diminuera, au total, de 20 millions d'euros, en baisse de 1,26 % à 1,5 milliard d'euros en 2005.

Il faut saluer ce remarquable effort de productivité, qui se prolonge par la suppression de cent postes, due au non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite.

La commission des affaires étrangères souhaite, à ce propos, que les effectifs du ministère des affaires étrangères soient désormais stabilisés, après plusieurs années de baisses consécutives.

Par ailleurs, la nécessaire rationalisation de notre réseau diplomatique et consulaire est amplifiée, grâce à des regroupements d'implantations dispersées au sein de grandes capitales, Madrid et Londres, notamment, et le resserrement de notre dispositif consulaire en Europe. De plus, l'usage d'un bâtiment unique ou « co-localisation » pour les deux ambassades française et allemande, déjà effective à Almaty, au Kazakhstan, a été réaffirmé comme une priorité par le dernier conseil des ministres franco-allemand, réuni le 26 octobre dernier à Berlin.

Toutes les actions qui pourront traduire dans les faits la réalité de l'Union européenne, en particulier la communauté d'action entre la France et l'Allemagne, seront les bienvenues.

Il a été annoncé que cette rationalisation porterait, à l'avenir, sur les implantations de l'administration du ministère des affaires étrangères à Paris, dont les onze sites devraient être regroupés en un lieu unique. Cette vaste opération devrait s'opérer à coût nul, puisque le financement sera apporté par la vente d'immeubles aux prix en vigueur sur le marché immobilier.

La hausse des crédits affectés à l'aide publique au développement, dont le montant représentera 0,42 % du produit national brut en 2005, est une autre priorité.

S'agissant des contributions volontaires aux fonds et programmes des Nations unies, la France se situait au treizième rang en 2003, avec 49,62 millions d'euros. Ce montant, un peu réduit, devrait être amélioré lors du prochain collectif.

Cependant, il faut savoir que notre pays n'est pas, contrairement à ce que laissent parfois entendre certains commentaires, un « mauvais élève » au sein du système de l'ONU. La France a, ainsi, intégralement versé sa contribution obligatoire au budget ordinaire de l'ONU, d'un montant de 68 millions d'euros, dès le 16 janvier 2004. Notre pays sera également sollicité, pour un montant prévisible de 164 millions d'euros, pour ses contributions aux opérations de maintien de la paix, qui ne cessent, hélas ! de se multiplier.

La situation de la France vis-à-vis du système complexe des fonds et agences de l'ONU est, donc, globalement positive.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires étrangères et de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2005.

Je tiens, par ailleurs, à vous dire, messieurs les ministres, que j'ai beaucoup apprécié la collaboration de vos services dans l'élaboration de mon rapport. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armée, pour les relations extérieures et la francophonie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour 2005, les crédits du ministère des affaires étrangères dédiés à l'action culturelle extérieure progresseront de 0,6 %, ce qui, en euros constants, l'inflation étant estimée à 1,8 %, représente, en réalité, une diminution des ressources.

Ce n'est malheureusement pas un accident : la tendance à la baisse de ces ressources est, en effet, ancienne, et le passif s'accumule. C'est d'autant plus regrettable que la diplomatie d'influence que vous entendez promouvoir à juste titre, messieurs les ministres, devrait pouvoir trouver, dans les différents instruments de l'action culturelle extérieure, un point d'appui particulièrement adapté.

L'action culturelle est un secteur où il est possible d'atteindre en peu de temps des résultats inespérés.

Tel est le cas de l'accueil des étudiants étrangers en France : il s'agit là d'un outil d'influence fondamental. Depuis le lancement du plan de relance de 1998, grâce à une continuité d'action exemplaire, le nombre d'étudiants étrangers en France s'est accru de 60 %.

Par quelles actions et avec quels moyens budgétaires comptez-vous démultiplier ces premiers résultats ?

Un autre point d'appui pourrait être la renaissance de notre réseau de centres et instituts culturels, complété par celui de l'Alliance française, que votre ministère subventionne.

Ce réseau fait l'objet d'une rationalisation dont certaines orientations sont les bienvenues : il en va ainsi du renforcement des moyens dans des postes prioritaires, l'Algérie, la Chine ou Israël, notamment. De même, la suppression des « doublons » que constitue la présence, dans la même ville, d'un centre culturel et d'un établissement de l'Alliance française, relève du bon sens. La difficulté réside, cependant, dans l'exécution, qui pourrait être fatale aux deux institutions.

Si les moyens nécessaires ne sont pas au rendez-vous, le risque est grand que, dans cinq ans, les centres soient, certes, moins nombreux, mais dans le même état d'inanition que certains de ceux que l'on ferme aujourd'hui.

Or les subventions et les effectifs du réseau sont en diminution régulière chaque année - je tiens à souligner que ce recul ne date pas du changement de gouvernement - d'où ma deuxième question : quelle est la stratégie du ministère des affaires étrangères à l'égard de notre réseau culturel, sachant qu'aucune amélioration de la qualité ne résulte jamais nécessairement d'une réduction des moyens ?

Ma troisième question est relative à l'audiovisuel extérieur, sur l'évolution duquel je tiens à attirer votre attention, messieurs les ministres, car elle nous préoccupe.

Je rappelle, dans mon rapport écrit, les progrès importants réalisés par nos opérateurs dans ce domaine, en particulier par TV5, dont le dernier responsable, Serge Adda, a effectué un travail remarquable. Un mois après sa disparition, je tiens, aujourd'hui, à rendre un hommage ému à ce Tunisien, à ce « juif arabe », ainsi qu'il aimait à se qualifier lui-même, de formation française, qui, au fil de sa vie, partagea sa carrière professionnelle entre les deux pays, et sut donner à TV5 la dimension pluriculturelle francophone qui fait son succès.

Permettez-moi d'en venir au projet de chaîne d'information internationale. Je suis de ceux qui, depuis le début, considèrent que le projet initial, mariant difficilement des secteurs audiovisuels public et privé sans vocation internationale pour une chaîne trop ambitieuse et mal financée, devrait être revu.

Or, Le Figaro d'hier annonçait que cette chaîne serait montée grâce à un financement d'une trentaine de millions d'euros voté dans le prochain collectif budgétaire.

C'est une mauvaise nouvelle, messieurs les ministres : le schéma n'est pas réaliste, ni du point de vue éditorial, ni du point de vue de la commercialisation. Comment, par ailleurs, garantir son financement dans la durée ? Comment garantir TV5 et CFI contre l'effet d'éviction de cette chaîne ? Pourquoi, après tout, faire ce cadeau à TF 1 ?

Il est un quatrième secteur dans lequel il faut progresser : celui de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE.

Sans m'attarder sur la dotation budgétaire de l'Agence pour 2005, qui baisse du fait de la diminution des expatriés et de la réforme des rémunérations des résidents, j'aborderai le plan du Gouvernement pour l'enseignement français à l'étranger, présenté par vous-même, monsieur le ministre délégué, le 3 novembre dernier en conseil des ministres.

Ce plan ambitieux a pour objet de favoriser l'ouverture aux langues et cultures des pays d'accueil, de faire de ces écoles des lieux de formation des futurs citoyens européens : ces grandes orientations sont positives.

Je retiens aussi, toutefois, que ce plan sera réalisé sans mobilisation des fonds publics. Comment, monsieur le ministre, l'Agence pourra-t-elle réaliser les objectifs que vous lui assignez ? N'y a-t-il pas à craindre que le réseau de l'Agence ne s'engage vers une inégalité croissante de la qualité de la pédagogie offerte aux enfants selon les capacités d'autofinancement des écoles ?

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis, j'indique que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2005. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l'aide au développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de dire mon amertume et ma tristesse devant le formidable gâchis dont nous sommes les témoins en Côte d'Ivoire.

Assister en quelques semaines à la ruine de décennies d'efforts pour bâtir un véritable Etat en partenariat exemplaire avec la nation ivoirienne, construire l'une des plus belles capitales d'Afrique, mettre en place une société harmonieuse, une économie productive, ne peut que susciter une immense déception.

La présence française en Côte d'Ivoire se caractérisait par une aide publique massive, fondée sur un lien historique très fort, mais se manifestait surtout par l'attachement et le travail quotidien d'une communauté industrieuse vivant en parfaite harmonie avec le peuple ivoirien et au service du développement du pays.

Nous avions réussi là-bas ce que nous peinons à susciter ailleurs : l'émergence d'un secteur privé dynamique, fort de nombreuses petites et moyennes entreprises, attractif pour les investisseurs et créateur d'emplois.

Malheureusement, des ambitions personnelles à court terme et mal comprises ont pris le pas sur l'intérêt général et ont conduit à une logique de guerre dont nous connaissons, hélas ! trop bien les effets ravageurs sur ce continent.

Entre gestion des crises, réduction de la pauvreté et renforcement des capacités institutionnelles, notre politique d'aide au développement doit définir une stratégie qui réponde à de nombreuses priorités et soit à la hauteur de ses ambitions.

Je me félicite donc que notre pays garde le cap des objectifs fixés par la communauté internationale et occupe une place décisive, par son implication, dans les débats sur le financement du développement.

Je ne reprendrai pas les chiffres de ce budget, chiffres qu'a déjà détaillés, avec son brio habituel, notre collègue M. Michel Charasse, dont je partage la plus grande partie des analyses.

Je me concentrerai sur les mouvements profonds qui caractérisent notre politique de développement et dont ce projet de budget est la traduction.

Notre politique de coopération était fondée sur une tradition d'interventions sur le terrain, au bénéfice direct des populations. Ce qui la caractérise aujourd'hui, c'est d'être de moins en moins immédiate et d'emprunter, le plus souvent, des canaux intermédiaires.

Son caractère multilatéral se renforce sous l'effet principal de la montée en puissance de l'aide communautaire, mais aussi des fonds dédiés, comme le fonds mondial pour la lutte contre le sida.

Notre aide bilatérale, quant à elle, s'oriente aujourd'hui davantage vers le soutien financier aux acteurs locaux, organisations non gouvernementales, entreprises, collectivités territoriales, mais, surtout, aux Etats.

La part prise par les annulations de dettes, l'aide budgétaire directe ou l'aide programme sectorielle en sont le témoignage.

Cela suppose cependant, en préalable, le renforcement des capacités institutionnelles des Etats, faute de quoi la construction de politiques sectorielles paraît pour le moins aléatoire.

Il importe donc que des conditionnalités exigeantes soient établies dans l'attribution des aides budgétaires et fassent appel à la responsabilité des Etats.

Sur ce point, je salue tout particulièrement l'engagement du ministère des affaires étrangères d'établir des conditionnalités entre le respect des accords en matière de versement régulier des pensions de retraite et prestations sociales dues à nos compatriotes à l'étranger, et les concours financiers de la France aux pays concernés.

La commission des affaires étrangères s'en félicite, car c'est un point extrêmement important, pour nous-mêmes, notre dignité et notre crédibilité, pour nos compatriotes, dont nous comprenons l'amertume lorsqu'ils voient leur pays consentir, sans condition, des remises de dettes et des prêts extrêmement importants à des Etats où eux-mêmes ont été spoliés, pour les pays eux-mêmes que nous aidons, avec lesquels s'instaurera alors un véritable partenariat et qui sortiront enfin de l'assistanat, qui n'est acceptable ni pour eux, ni pour nous.

En ce qui concerne l'assistance technique, chacun reconnaît la qualité exceptionnelle de nos coopérants : ils ont toute leur place dans les nouvelles orientations.

Notre pays bénéfice d'un savoir-faire qui permet de valoriser nos assistants techniques, en jouant le jeu du multilatéralisme et je me félicite de ce que certains puissent désormais travailler au service des institutions communautaires.

En ce qui concerne l'aide-projet, celle-ci doit également être confortée. Le CICID a décidé d'en réorganiser le dispositif. J'avais plaidé en ce sens, considérant que le dispositif adopté en 1998 était inabouti et manquait de cohérence.

En effet, notre aide-projet n'a donc pas eu, ces dernières années, les moyens de fonctionner correctement : elle a cumulé les handicaps de crédits insuffisants, de procédures inadaptées, d'une zone d'intervention trop large et d'une multiplicité d'objectifs et de modes d'intervention.

La réussite de la réforme adoptée par le CICID dépendra de la capacité qu'aura le ministère des affaires étrangères de se doter d'une véritable réflexion stratégique incluant tous les opérateurs d'outils de pilotage et d'évaluation, pour mieux définir les priorités géographiques et sectorielles.

La pratique des règles mises en place et notre capacité à donner à l'Agence française de développement les moyens d'une intervention sur dons suffisante, cohérente et prolongée, seront également déterminants.

Je terminerai en soulignant combien la qualité de notre réflexion et notre capacité à être imaginatifs, alliée à l'efficacité de notre action sur le terrain sont primordiales pour le rôle et l'influence de notre pays.

Pour conclure, notre commission des affaires étrangères se félicite que les moyens consacrés au développement, soient, cette année, à la hauteur des enjeux et permettent un véritable débat sur nos priorités.

Elle se félicite également, monsieur le ministre, de voir pris en compte les intérêts de nos compatriotes. Aussi s'est-elle prononcée pour l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -MM. les rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.

M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles extérieures. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m'est imparti, je n'aborderai que deux des principales incertitudes qui caractérisent le projet de budget des relations culturelles extérieures pour 2005.

La première d'entre elles est liée à notre politique d'accueil des étudiants, que ce soit à l'étranger ou sur le territoire national.

L'année 2005 sera ainsi une nouvelle fois marquée par la situation préoccupante de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, sur laquelle repose la quasi-totalité de notre dispositif.

Je souhaite rappeler à cet égard qu'en dépit de la progression régulière du nombre d'élèves scolarisés dans le réseau de l'AEFE, les crédits qui lui seront alloués diminueront de 2,4 % en 2005.

Mais l'actualité de l'AEFE reste avant tout marquée par la réforme de la rémunération des personnels « résidents ».

Chacun d'entre nous reconnaît le bien-fondé de cette initiative : la revalorisation de la rémunération de ces personnels était indispensable, tant était considérable, pour des fonctions souvent identiques, l'écart constaté avec les rémunérations octroyées aux « expatriés ».

Mais, contrairement à l'ambition initiale, cette substitution n'a pas été neutre pour le réseau.

Cette réforme a ainsi accentué les difficultés de recrutement de l'AEFE, car si le nombre de candidats aux postes d'« expatriés » reste supérieur à celui des postes offerts, il n'en va pas de même pour les postes de « résidents ». Dans les pays où la vie est difficile, il n'est pas chose aisée de pourvoir certains postes, la revalorisation des rémunérations n'ayant pas suscité les vocations espérées.

Cette réforme a également provoqué l'augmentation des frais de scolarité. Bien qu'elle ait été voulue « à coût nul pour les établissements », il n'en a pas forcément été ainsi. La majorité des « résidents » étant directement recrutés en France, les établissements ont dû leur consentir divers avantages pour les attirer dans le réseau, entraînant l'augmentation des charges pesant sur les familles.

Mais, au-delà de la réforme des personnels, je regrette l'absence de stratégie cohérente concernant ce réseau. Alors que certains établissements, monsieur le ministre, peinent désormais à accueillir la totalité des enfants français et refusent l'inscription de nombreux élèves locaux, poussés inexorablement vers des écoles anglophones, il est temps de définir des objectifs clairs et de se donner les moyens de les atteindre. Ce choix seul permettra de ne pas laisser la contrainte budgétaire ternir irrémédiablement l'image de notre pays à l'étranger.

Un tel constat est valable sur notre territoire. Bien que le Gouvernement ait proclamé haut et fort son intention d'améliorer l'attraction de notre pays à l'égard des étudiants étrangers, les résultats se font attendre.

Notre pays manque toujours cruellement d'une véritable politique nationale dédiée à l'accueil des étudiants étrangers. Comme l'a souligné dans son premier rapport annuel le Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants, que votre ministère et celui de l'éducation nationale ont mis en place, d'importants efforts doivent être réalisés pour offrir aux étudiants des conditions d'accueil dignes de ce nom. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que ce souhait devienne réalité et que les préconisations de ce conseil puissent rentrer dans les faits.

La seconde incertitude que je voudrais aborder tient à la future composition du paysage audiovisuel extérieur français.

Dans ce domaine, monsieur le ministre, les années se suivent et se ressemblent. En effet, comme l'an passé, vous nous proposez d'adopter un budget de transition caractérisé par la reconduction des moyens mobilisés en 2004. Mais je ne peux m'empêcher de me faire l'écho des interrogations persistantes entourant le lancement de la désormais fameuse chaîne d'information internationale voulue par le Président de la République.

Il vous appartient de nous éclairer, monsieur le ministre, sur l'état de vos réflexions à ce sujet, votre collègue chargé de la culture et de la communication n'ayant pas été très précis, il n'y a pas si longtemps, dans cet hémicycle.

Alors que les ordres de grandeur financiers sont désormais connus, chacun d'entre nous, monsieur le ministre, aurait notamment aimé connaître la nature des ressources appelées à financer un projet dont le coût représente tout de même plus du tiers des crédits consacrés chaque année à l'action audiovisuelle extérieure française.

Lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, un amendement gouvernemental prévoyant une amorce de financement nous a été soumis de façon précipitée avant d'être retiré devant l'incompréhension qu'il suscitait chez les membres de la commission des finances, comme chez ceux de la commission des affaires culturelles. Cet amendement a t-il définitivement été « enterré » ou est-il appelé à réapparaître à l'occasion, par exemple, du collectif ?

Mais au-delà de cet aspect financier, et pour conclure, je souhaiterais faire part de mon scepticisme quant au choix d'associer TF1 qui, selon son président, a pour mission de préparer de l'espace de cerveau humain disponible pour Coca Cola, à France Télévisions pour mener à bien un projet visant à incarner l'exception culturelle française et à contribuer au rayonnement de notre pays.

Apparemment, monsieur le ministre, il n'est pas trop tard pour changer d'avis et revenir sur un choix qui, vous avez pu le constater, est loin de faire l'unanimité. Il est encore temps de saisir la chance qui se présente et d'exploiter enfin les complémentarités des différents organismes de l'audiovisuel public injustement tenus à l'écart. Je pense ici à RFI, à TV5 et surtout à l'AFP, dont la participation au projet pourrait s'avérer décisive.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles, malgré ma demande contraire, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles extérieures pour 2005. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- M. José Balarello applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme chaque année, la discussion du projet de budget nous permet d'évoquer les crédits consacrés par le service des affaires francophones au financement de la francophonie multilatérale, et, à travers lui, de débattre de l'action conduite par les pouvoirs publics en faveur de la langue française.

Les crédits consacrés par le projet de loi de finances pour 2005 à la francophonie s'inscrivent encore dans le cadre des engagements pris par la France au cours du sommet de Beyrouth. Je me réjouis de constater qu'ils ont été fidèlement tenus.

Au cours de cette conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage, qui s'était tenue en octobre 2002, le Président de la République avait annoncé que la France procéderait à une relance de la francophonie.

Celle-ci s'est traduite, avant la fin de l'année, par le vote, en loi de finances rectificative pour 2002, d'une enveloppe de 20 millions d'euros supplémentaires en faveur de la francophonie multilatérale, qui a été répartie entre les exercices 2002 et 2003. Je m'étais alarmé l'année dernière de la mesure de « gel » qui avait touché la tranche de 8 millions d'euros destinée à l'exercice 2003. Je me réjouis que l'inquiétude que j'avais alors exprimée ait été entendue, et que les crédits aient finalement été débloqués.

Le projet de loi de finances pour 2004 avait à son tour prévu 20 millions d'euros de mesures nouvelles, à raison de 10 millions d'euros en faveur des opérateurs de la francophonie transitant par le fonds multilatéral unique, le FMU, et 10 millions d'euros en faveur d'un renforcement de programme de bourses.

Le projet de budget pour 2005 reconduit cet effort à l'identique.

Les crédits inscrits au chapitre 42-32 article 40, en faveur du fonds multilatéral unique s'élèvent à 45,5 millions d'euros ; la légère baisse qu'ils enregistrent est purement optique et correspond au transfert d'une subvention de 1,22 million d'euros au fonds de scolarisation des enfants francophones, désormais géré directement par l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger.

Les crédits consacrés aux bourses dans le cadre de la francophonie - et chacun sait l'importance que nous lui attachons - ne font pas l'objet d'une rubrique individualisée dans les documents budgétaires. Mais vos services m'indiquent - j'espère que vous me le confirmerez, monsieur le ministre - que leur montant sera reconduit en 2005 au même niveau que l'année dernière : un effort me paraît en effet indispensable en ce domaine, si nous voulons mettre notre système universitaire en situation d'attirer les meilleurs étudiants de nos partenaires francophones.

La participation du ministère au fonds multilatéral unique et l'enveloppe de 641 000 euros dont il disposera en 2005 pour subventionner les associations conduisant des actions multilatérales en faveur de la langue française, ne représentent toutefois qu'une partie de l'effort global consenti par notre pays en faveur de la langue française et de la francophonie.

Celui-ci fait l'objet, depuis 1987, d'un état annexe au projet de loi de finances, qui répond à une demande formulée jadis par M. Maurice Schumann, alors président de la commission des affaires culturelles. Ce document évalue à 882,5 millions d'euros en 2005 le montant de cette contribution globale.

Cette contribution globale est stable, ce montant est important ; il faut dire que la France, dans le domaine de la francophonie, maintient actuellement son important effort. Souvenons-nous que les actions de la francophonie sont globalement financées par la France à hauteur d'environ 70 %.

Est-ce à dire pour autant que la constance politique dont nous sommes partie prenante permette pour autant de considérer que tout va bien dans le domaine de la francophonie ?

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. Non !

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Je crois, mes chers collègues, qu'il faut constater que, si l'Etat français fait un effort, l'opinion publique française reste ambiguë lorsque l'on parle de francophonie. J'en prendrai quelques exemples.

Nous nous acharnons à veiller à ce que la langue des jeux Olympiques soit le français, ...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. « Reste » le français !

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. ... et nous l'avons fait encore à l'occasion des jeux d'Athènes, mais, quand nous posons la candidature de Paris pour accueillir les prochains jeux, nous nous croyons obligés de la faire connaître d'abord en anglais, en indiquant de surcroît que, dans le domaine linguistique, nous serons très « ouverts ». Il y a sans doute certains impératifs dans ce domaine, mais la façon de faire signe un certain aveu de faiblesse.

M. Jean-Louis Carrère. Cela va s'améliorer avec Sarkozy !

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. On aurait pu au moins utiliser les deux langues de l'olympisme : le français et l'anglais.

Il est également très important de voir quelle est la politique linguistique de nos grandes entreprises, car pourquoi apprendre le français quand on est un étudiant étranger, si cela ne vous donne pas un avantage significatif pour trouver un emploi, un travail, par exemple, dans les entreprises françaises ou francophones ?

J'avoue que certains signes me surprennent. Un grand constructeur automobile français a fait, dans ses usines en Slovaquie, un effort significatif qu'il faut saluer. Cela a d'ailleurs entraîné un afflux de candidats à l'apprentissage de la langue française dans ce pays.

Mais un autre grand constructeur emblématique français, très présent en Roumanie, pays particulièrement francophone, annonce la sortie de « Logan by Renault ». Je ne suis pas certain que ce « by » fasse vendre beaucoup plus de voitures, mais il est en tout cas un peu surprenant.

Dans le même ordre d'idées, le comportement de certains hauts fonctionnaires dans les institutions internationales, européennes en particulier, nous a surpris, cette année encore

Ainsi, au Conseil de l'Europe, dont les deux langues officielles sont le français et l'anglais et où une traduction simultanée en cinq langues est assurée, voulant rendre compte, il est vrai, de la politique de la Banque centrale européenne, certains, qui avaient donc toute latitude de s'exprimer en français, ont cru devoir le faire en anglais, jusqu'à ce que les parlementaires français présents, surpris, puis indignés, quittent la séance.

Enfin, et ce point est également symptomatique, alors que nous réfléchissons sur la réforme de l'école - nous l'évoquions hier encore avec le ministre de l'éducation - et sur les moyens d'améliorer les performances linguistiques des étudiants, notamment pour que les jeunes français apprennent deux langues étrangères, le rapport de la commission du débat national sur l'avenir de l'école semble préconiser que l'anglais soit la première langue étrangère obligatoire dès l'école primaire ! Pourquoi ?

Or nous sommes actuellement engagés dans un grand combat politique, au sens le plus noble du terme, pour faire reconnaître dans le monde entier la nécessité de respecter la diversité culturelle, laquelle passe bien évidemment par la diversité linguistique. La France ne pourra gagner le combat qu'elle mène à l'UNESCO, un combat capital pour parvenir à endiguer les conséquences de la mondialisation économique dans le domaine culturel, que si elle se montre elle-même exemplaire à l'intérieur de ses propres frontières !

Force est de le constater, mes chers collègues, si notre gouvernement, si nos pouvoirs publics font en ce sens un effort financier incontestable, l'opinion publique est néanmoins traversée d'incompréhensions ou d'incertitudes. Lors du sommet de la francophonie, qui vient de se tenir à Ouagadougou, la France a pu rassembler autour de ce thème. Néanmoins, la volonté politique doit, plus que jamais, continuer à s'affirmer quand il est question de francophonie.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'indique que, compte tenu de l'effort financier qui est maintenu à bonne hauteur, la commission des affaires culturelles du Sénat recommande l'adoption des crédits affectés à la francophonie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les différents rapporteurs ont analysé avec précision les tendances du projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2005, je n'y reviendrai donc pas dans le détail. Je ne formulerai que trois remarques.

La première porte sur le fait que, en 2004, aucune régulation intempestive n'est venue bouleverser la programmation de nos interventions.

La deuxième remarque concerne l'effort consenti en matière d'aide au développement. Cinq ans après la déclaration sur les objectifs du Millénaire, la France montre le bon exemple sur une action qui, à long terme, constitue un investissement décisif, politique et financier, en faveur de la paix.

La troisième remarque a trait à la réorganisation de notre réseau diplomatique, consulaire et culturel, qui impose de conjuguer une contrainte et une ambition.

La contrainte est financière. Le ministère ne peut s'y soustraire, même s'il a été, dans le passé, très, voire trop, sollicité.

L'ambition est celle de la diplomatie d'influence que vous souhaitez conduire, monsieur le ministre, et qui doit pouvoir s'appuyer sur des relais diplomatiques et culturels en situation de fonctionner. Cela signifie qu'il faut des agents motivés, respectés, et des ressources adaptées.

La commission des affaires étrangères a estimé que ce projet de budget était cohérent avec cette stratégie, et a émis, dans sa majorité, un avis favorable à son adoption.

L'année 2005 restera dominée par les conséquences de la guerre en Irak, qui imposent à la communauté internationale de reconstruire tout ce que cette crise a durablement ébranlé. J'évoquerai trois des principaux chantiers de cette reconstruction : d'abord l'Irak lui-même, ensuite l'ONU et le système multilatéral, enfin la relation entre l'Europe et la France, d'une part, et l'Europe et les Etats-Unis, d'autre part.

Premier chantier : reconstruire l'Irak.

Je n'aborderai pas l'indispensable remise à niveau de l'économie de ce pays, bien sûr capitale, mais la reconstruction politique dont le calendrier, très serré, est maintenant arrêté. Cette reconstruction, qui était l'objectif premier de l'opération militaire, paraît bien délicate. Personne ne regrette le régime de Saddam Hussein. Mais qui ne regrette pas la situation à laquelle la population d'une vaste partie du territoire irakien se trouve aujourd'hui confrontée...

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Eh oui !

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. ...entre, d'un côté, un terrorisme aux méthodes épouvantables et une guérilla insaisissable et, de l'autre, les effets d'une action militaire américaine massive ? Et qui n'appréhende pas, pour la période qui suivra les élections de janvier prochain, ce que risque de donner une logique de recomposition politique fondée sur le communautarisme, ethnique ou religieux ?

Cette logique risque bien de mettre aux prises les trois principales communautés du pays, voire de conduire à une partition de l'Irak, comme le redoutait récemment un analyste entendu par notre commission. Les propositions que vous aviez formulées au nom de la France, monsieur le ministre, pour conjurer ces dangers, seront-elles réellement prises en compte ?

Deuxième chantier : l'ONU.

Gravement marginalisée lors du déclenchement de la guerre, on attend pourtant aujourd'hui de l'Organisation des Nations unies qu'elle soit toujours disponible et influente pour maintenir la paix. Cela vaut pour l'Irak, mais aussi pour le Kosovo, l'Afghanistan et pour tant de points de crise, en Afrique et ailleurs... Le secrétaire général, conscient de cette difficulté, a décidé de lancer une réforme importante de l'Organisation. Un comité des sages, au sein duquel notre collègue Robert Badinter a travaillé, vient de remettre à Kofi Annan d'ambitieuses propositions, qui, en 2005, l'année du soixantième anniversaire de la Charte, feront l'objet de négociations délicates, jusqu'au sommet des chefs d'Etat de septembre.

Mais une véritable réforme visant à restaurer la crédibilité de l'ONU, sa légitimité et son efficacité, n'aura de sens que si les Etats-Unis y apportent leur concours actif et loyal. Il faut y croire, même si les actuelles offensives menées ici et là contre l'Organisation et son secrétaire général peuvent nous inquiéter.

Qu'il me soit permis, sur ce point, de souligner la qualité du travail réalisé par les diplomates de notre représentation permanente à New York. Pour avoir participé, voilà un mois, avec certains de mes collègues, à la 59e session de l'Assemblée générale, nous pouvons témoigner que la parole de la France y est attendue, entendue, et son influence, réelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Troisième chantier : les relations entre les deux rives de l'Atlantique; entre la France et l'Europe, d'un côté, entre l'Europe et les Etats-Unis, de l'autre.

Il y a d'abord l'alliance, c'est-à-dire la coopération naturelle entre démocraties inspirées des mêmes valeurs politiques. Cette coopération est indispensable à la solution des crises majeures que sont le conflit du Proche-Orient, la prolifération nucléaire ou, encore et toujours, l'Irak. La visite en Europe du président des Etats-Unis, prévue pour le début de l'année prochaine, s'inscrira, espérons-le, dans cette démarche de reconstruction des ponts entre l'Amérique et l'Europe.

Il y a ensuite l'Alliance, avec un A majuscule cette fois : au sein de l'OTAN, les arrière-pensées et les suspicions réciproques ne manquent pas. Les différends sont fréquents entre certains pays européens, dont la France, et les Etats-Unis, sur le rôle politique de l'OTAN, sur la nature profonde de ses relations avec l'Union européenne, sur sa légitimité ou non à intervenir sur tous les sujets et dans toutes les zones de crise.

Monsieur le ministre, vous participerez demain à une réunion de l'OTAN. Pourrez-vous nous donner la teneur du message que vous y délivrerez au nom de la France ?

La commission des affaires étrangères travaillera l'année prochaine sur cette question des relations à reconstruire entre l'Europe et les Etats-Unis. C'est de leurs nouvelles orientations que dépendra notre capacité conjointe à mettre à profit, par exemple, la transition politique qui se joue en Palestine pour avancer vers la paix ; à conjurer les tensions ethniques toujours à l'oeuvre dans les Balkans, en particulier au Kosovo, à l'heure où se préparent les négociations sur le statut final de la province ; mais aussi à enrayer le cycle des crises qui traversent l'Afrique et où, parfois, notre pays - je pense à la Côte d'Ivoire -, en dépit de l'appui politique d'une communauté internationale unanime, se retrouve finalement bien seul.

Voilà trois chantiers d'importance - mais il en est bien d'autres - sur lesquels je ne doute pas, monsieur le ministre, que notre diplomatie saura prendre des initiatives, contribuer à la cohérence et la réactivité d'une diplomatie européenne, qui s'affirme et se renforce sur des sujets comme le conflit israélo-palestinien ou, tout récemment encore, l'Ukraine.

C'est pour vous donner les moyens d'agir que nous voterons les crédits de votre ministère pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'on me pardonnera de rompre avec les considérations géopolitiques qui précèdent, mais, après tout, nous sommes dans une discussion budgétaire.

Je voudrais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le problème de l'immigration clandestine et de la présence, sur l'ensemble du territoire métropolitain, d'hommes et de femmes dont les conditions matérielles et morales sont extrêmement pénibles. Sur ce sujet, l'attitude du Gouvernement paraît souvent quelque peu ambiguë et contradictoire aux yeux des acteurs locaux.

Lorsque des étrangers sont en situation irrégulière, les préfets, avec des moyens qui sont souvent dérisoires par rapport à l'ampleur de la tâche à accomplir, s'efforcent d'obtenir des reconduites à la frontière. Après que les décisions ont été rendues par les juridictions, que les procédures d'appel et de recours ont été épuisées, il arrive que soit enfin obtenue la mesure de reconduite à la frontière. Mais, pour l'exécuter, l'appui du consul général du pays concerné est nécessaire.

Or un certain nombre de consulats généraux prêtent un concours quelque peu « distant » à ce type de démarche : dossiers modifiés, opérations destinées à s'opposer à l'exécution de ces décisions de reconduite à la frontière... On en vient à s'interroger sur l'action que mènerait votre ministère auprès de ces consulats généraux.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous apaisiez ces craintes et que soit dissipée l'idée que l'Etat pourrait être atteint de schizophrénie, partagé qu'il serait entre, d'une part, un ministère de l'intérieur qui accomplirait toutes les diligences requises en vue de faire respecter la loi et d'obtenir des reconduites à la frontière et, d'autre part, un ministère des affaires étrangères qui resterait insensible aux actions à mener auprès des consulats généraux.

D'un point de vue budgétaire, monsieur le ministre, cela se traduit par l'explosion des crédits évaluatifs dans le projet de loi de finances initiale. A mon avis, ils sont très en deçà de ce que coûtera à l'Etat l'aide médicale d'Etat. Et je vous laisse imaginer ce que doivent financer les conseils généraux au titre de l'aide sociale à l'enfance !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les mêmes considérations budgétaires qui m'ont autorisé à vous interroger sur cette question, monsieur le ministre, me font souhaiter que vous leviez toute ambiguïté afin que chacun sache que le ministère dont vous avez la charge exerce une pression constante auprès des consulats généraux. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 93 minutes ;

Groupe socialiste, 53 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 24 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 17 minutes ;

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en 2005, le ministère des affaires étrangères devrait disposer d'un budget s'élevant, hors transferts, Fonds mondial de lutte contre le sida et aide alimentaire non pris en compte, à 4,4 milliards d'euros, soit une progression de 4,43 % par rapport à 2004.

Ses crédits seront donc stabilisés pour la deuxième année consécutive, comme l'a souligné Jean-Guy Branger dans son rapport, stabilité qui offre au ministère les moyens nécessaires à son bon fonctionnement ainsi qu'à l'accomplissement de toutes ses missions.

Nous ne pouvons que souligner les efforts accomplis par le ministère afin de maîtriser ses coûts de fonctionnement. Il a réussi à supprimer cent postes correspondant au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Il faut poursuivre dans ce sens, après réévaluation et analyse critique des missions en cours.

Cependant, compte tenu de l'importance des efforts qui ont déjà été accomplis de toute part et eu égard aux économies modestes que ceux-ci ont pu procurer au budget de l'Etat, il me semble que nous devons aujourd'hui nous poser des questions d'adaptation.

L'organisation et la distribution des moyens dont dispose le ministère des affaires étrangères sont-elles encore adaptées à ses objectifs ? L'ordre international bouge énormément. Ne devrions-nous pas, dans ce contexte, revoir nos objectifs et mieux organiser nos réponses aux problèmes posés ?

La reconfiguration du réseau des missions économiques ou l'étude de la mise en place de consulats franco-allemands - pourquoi ne pas les ouvrir à tous nos partenaires européens ? - sont autant d'exemples qui nous font penser qu'une réflexion de fond sur la réorganisation de nos réseaux consulaires, dans le monde comme en Europe, est nécessaire. A ce sujet, nous devrons étudier avec précision les conclusions de la mission confiée par le Premier ministre au préfet Le Bris.

Il ne s'agit pas de remettre en cause le maillage diplomatique extraordinaire qui fait la force de la diplomatie française et la présence de la France à travers le monde. Cependant, à la veille de la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, que le centriste que je suis, ...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Personne n'est parfait !

M. Yves Pozzo di Borgo. ... et donc européen convaincu, souhaite massive et positive, ne serait-il pas intéressant de réfléchir à la pertinence de ce réseau ?

Ne serait-il pas nécessaire de raisonner alors en termes de présence européenne plus qu'en termes de présence française ? Cette proposition est, certes, aujourd'hui quelque peu utopique, mais elle résulte d'un constat : l'Europe de la défense est partie d'une utopie ; elle se concrétise aujourd'hui, comme l'a rappelé Mme le ministre de la défense lundi dernier, tant par la mise en place des groupements tactiques que par l'arrivée en Bosnie de l'EUFOR, l'European Union Force, où elle remplace les forces de l'OTAN, mais ne sera rien dans les années qui viennent si une vraie politique étrangère commune à tous les Etats européens ne l'accompagne pas.

A une époque assombrie par une insécurité latente sur la scène internationale, il est nécessaire de souligner la croissance de l'enveloppe consacrée à l'aide publique au développement. Pour 2005, le montant de celle-ci atteindra 0,42 % de notre PNB. Ainsi, la France continue de s'acheminer vers l'objectif de 0,50 % qu'elle s'est fixé. A ce sujet, messieurs les ministres, quand pensez-vous que nous pourrons atteindre cet objectif ?

Comment assurer la sécurité internationale sans procéder à un plus juste partage de la richesse mondiale ? En tant que pays riche, nous nous devons d'assumer nos responsabilités face aux pays les plus pauvres, nombreux, qui sont très souvent au coeur du désordre mondial, ces pays où se développent en réaction le terrorisme, la culture de la drogue ou l'exploitation des plus faibles qui va jusqu'à l'esclavage.

De la même façon, et compte tenu de l'importance de la communauté française expatriée, comme nous l'ont montré les récents événements de Côte d'Ivoire, il est important de souligner la nécessité d'assurer la sécurité et le confort de vie de nos ressortissants à travers le monde. A ce propos, quelles mesures nouvelles compte mettre en place le ministère des affaires étrangères à la lumière des événements que nous venons de connaître ? Quels sont ses objectifs ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la discussion du budget des affaires étrangères intervient dans un contexte international particulièrement lourd, politiquement marqué par la disparition du président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, et par la grave situation en Irak.

On doit également relever les événements inquiétants survenus en Côte d'Ivoire qui conduisent à se poser la question du sens de la présence française, notamment militaire, dans ce pays.

Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mon collègue et ami Robert Hue vous a demandé, par écrit, la création d'une mission d'information parlementaire sur les événements de ces dernières semaines. Plus largement, monsieur le ministre, pourquoi attendre plus longtemps pour organiser un grand débat sur les orientations que doivent prendre les relations entre la France et les peuples africains et sur les conditions de la présence française en Afrique ?

Enfin, cette discussion s'inscrit également dans le débat sur le traité établissant une Constitution pour l'Union européenne.

Avant d'aborder votre budget proprement dit, que nous jugeons peu satisfaisant, monsieur le ministre, permettez-moi de revenir quelques minutes sur les points que je viens d'évoquer.

Pendant un demi-siècle, le président de l'Autorité palestinienne a incarné la Palestine, donnant une crédibilité internationale à l'espoir d'un Etat palestinien. Sa disparition sonne comme un rappel pressant de la nécessité de la reprise d'un processus de paix et met le gouvernement Sharon face à ses responsabilités.

La France et les Européens sont, eux aussi, interpellés. Ils doivent plus que jamais faire face à un devoir d'initiative.

La disparition de Yasser Arafat enlève tout prétexte aux autorités israéliennes et américaines pour refuser le dialogue. Il ne peut plus y avoir de tergiversation ou d'ajournement dilatoire. L'exigence de l'édification d'un Etat palestinien dans le cadre, encore à bâtir, d'une solution politique négociée respectant la justice, le droit et la sécurité pour tous, devra finir par s'imposer. C'est une responsabilité collective.

La France a accueilli Yasser Arafat. Elle a rendu un hommage solennel au président de l'Autorité palestinienne décédé sur son sol. Ces actes, très dignes, ont été appréciés en Palestine, au Proche-Orient et ailleurs. Ils ont honoré la France.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, notre rôle dans la région n'en est que plus attendu. Il ne faut pas décevoir cette attente. Il y a même urgence à agir.

Notre première mission est de créer les conditions pour que les élections en Palestine puissent se tenir dans les meilleures conditions possibles, en particulier l'élection du nouveau président de l'Autorité palestinienne, le 9 janvier. La participation de tous les Palestiniens au processus électoral ainsi que les conditions nécessaires pour un scrutin démocratique digne de ce nom doivent être garanties.

A cet égard, monsieur le ministre, les présidents du comité pluraliste parlementaire, créé le 29 décembre 2003 - et composé de parlementaires des deux assemblées - pour soutenir les initiatives de paix au Proche-Orient vous ont faire part de leur disponibilité pour participer à toute délégation d'observateurs qui serait envoyée sur place pour surveiller le bon déroulement des élections. Nous vous réaffirmons aujourd'hui cette disponibilité.

Les obstacles au bon déroulement des élections ne manquent pas, qu'il s'agisse de l'occupation elle-même, du vote des Palestiniens de Jérusalem-Est, de celui des 7 500 prisonniers privés de leurs droits - je pense à Marouan Barghouti, qui devra bien être libéré -, des obstacles liés à la construction du mur israélien, ou encore des multiples pressions extérieures, en particulier israéliennes, peu compatibles avec l'exigence d'un processus électoral libre.

Il est nécessaire que la France et ses partenaires européens se mobilisent pour obtenir que ces obstacles, d'une façon ou d'une autre, soient levés, et sans tarder. En effet, les élections municipales devant se tenir dès le 23 décembre prochain, tout atermoiement se traduirait par un retard préjudiciable à l'ensemble du processus électoral à venir. Je me permets de le répéter, monsieur le ministre : il y a vraiment urgence !

Si elle le désire réellement, la France peut jouer un rôle efficace dans la résolution du conflit israélo-palestinien. Son action propre et celle de l'Union européenne devraient constituer un élément de rééquilibrage face au poids américain.

Si nul ne croit qu'un règlement puisse être imposé de l'extérieur, personne non plus ne pense que ledit règlement puisse se passer d'un cadre multilatéral. Beaucoup dépend des Etats-Unis, mais aussi de l'Union européenne, du monde arabe et du rôle que l'on attribuera aux Nations unies, dont les résolutions devront bien, un jour ou l'autre, être appliquées, en particulier celles qui touchent à l'exigence de la fin de l'occupation et de la colonisation.

Et je ne parle pas du mur dit « de séparation », qui est aussi un mur d'annexion, considéré comme contraire au droit international par la Cour internationale de justice, et qui doit être démantelé.

C'est dans cet esprit qu'à notre avis l'application de la feuille de route devrait être envisagée, ainsi que toute formule de conférence internationale qui devra apporter solennellement les garanties multilatérales d'un règlement politique.

J'en viens maintenant à la situation en Irak. On le sait, la guerre en Irak a eu lieu en dépit de son illégalité et de son illégitimité. L'appel à la raison et au droit international a été méprisé par George Bush et par son administration. Le concept de « guerre préventive » a révélé sa vraie nature, à savoir une façon des plus brutales de couvrir des ambitions stratégiques par une consternante politique de mensonges.

Le peuple irakien est aujourd'hui débarrassé du dictateur Saddam Hussein. Très bien ! Mais il était en droit d'espérer bien autre chose et de croire les promesses de démocratie, de sécurité et de prospérité qui lui ont été prodiguées. C'est maintenant le chaos qui domine. La guerre américaine n'a fait qu'encourager la déstabilisation et des formes insoutenables de terrorisme.

Loin d'en tirer les leçons qui s'imposent, George Bush tend aujourd'hui à menacer d'autres pays comme l'Iran. S'il est nécessaire que Téhéran s'attache à respecter le traité de non-prolifération nucléaire qu'il a signé, il ne peut y avoir deux poids deux mesures, au Moyen-Orient comme ailleurs. Si la non-prolifération et l'élimination des armes nucléaires devient une condition de la sécurité, alors ces politiques doivent s'appliquer à tous les pays de cette région, y compris à Israël. Une sécurité collective est aussi une responsabilité collective.

Monsieur le ministre, toutes ces questions nous ramènent à la nature et à la légitimité des engagements de la France à l'extérieur. Cela nous rappelle aussi le caractère crucial du débat sur le rôle des Européens et l'attente qui s'exprime aussi à leur égard.

Je souhaite faire en cet instant une seule et brève remarque. Si l'Union européenne et ses Etats membres n'accédaient pas dans l'avenir à l'autonomie, à la capacité de décision politique nécessaire, de façon complémentaire aux Etats, où serait la crédibilité du projet européen ? Force est de constater, monsieur le ministre, que le projet de traité constitutionnel de l'Union européenne ne nous engage pas dans cette voie. Il nous tire, au contraire, dans le sens d'un lien privilégié avec l'OTAN. Le rappel, de pur principe, des Nations unies ne corrige en rien cette dérive atlantiste, dangereuse pour l'avenir. La France n'a évidemment rien à y gagner pour sa crédibilité propre et pour l'efficacité de sa politique étrangère.

J'espère que nous aurons d'autres occasions de débattre de cette grande question qui touche à l'avenir même de l'Union européenne.

M. Robert Hue. Très bien !

M. Robert Bret. Pour ce qui est à présent du budget des affaires étrangères proprement dit, il devrait s'établir en 2005 à environ 4 408,59 millions d'euros. A priori, il progresse donc de 4,43 % par rapport au budget de 2004.

Cependant, lorsque l'on y regarde de plus près, force est de constater que l'augmentation du budget pour 2005 résulte essentiellement de l'augmentation de 14 % des crédits de l'aide publique au développement. Cette hausse correspond principalement à l'annulation de la dette des pays les plus endettés et des contrats de développement-désendettement.

Or nous considérons que cette forme d'aide ne doit pas se substituer aux autres et être la seule variable d'ajustement.

Par ailleurs, l'augmentation du budget, comme à l'accoutumée, ne concerne pas le titre III relatif aux moyens des services. En effet, la nécessaire contribution à la rigueur générale porte principalement sur les moyens et services, qui diminuent de 1,26 %. Il convient de noter, à cet égard, que le projet de loi de finances pour 2004 affichait lui aussi une progression de 2,60 % par rapport à 2003, mais traduisait, lui aussi, une baisse, hors aide publique au développement, de 1,26 % des moyens des services. Doit-on déjà s'attendre, monsieur le ministre, à une diminution de 1,26 % des moyens des services dans le projet de loi de finances pour 2006 ?

Quant à la masse salariale, elle enregistre, elle aussi, une baisse, de 2,73 %. La diminution des effectifs budgétaires s'élèvera à 152 emplois, parmi lesquels 100 suppressions nettes qui correspondent aux taux de non-renouvellement de 50 % des départs à la retraite fixé par le Gouvernement, pourcentage en hausse par rapport à 2004 où 46 % des départs à la retraite n'étaient pas remplacés.

Enfin, le programme de modernisation du réseau 2004-2007 se traduit par la suppression de 106 emplois de catégorie C à l'étranger. La perspective de recruter des agents locaux suscite un grand malaise. Nous déplorons que les nombreux recrutés locaux n'aient ni véritable carrière ni couverture sociale. Il serait temps de mettre fin à l'inégalité qui existe entre ces derniers et les fonctionnaires du ministère.

Par ailleurs, concernant le resserrement de notre réseau à l'étranger, nous nous alarmons de la suppression de consulats, notamment en Europe, alors qu'ils y jouent un rôle diplomatique et administratif important.

La critique majeure que nous vous adressons, monsieur le ministre, porte sur l'inadéquation entre les discours du Gouvernement et les moyens mis à votre disposition. A l'heure où, plus que jamais, les moyens budgétaires devraient être en parfaite harmonie avec l'ambition de la France sur la scène internationale, nous regrettons sincèrement que le projet de budget pour 2005 ne réponde pas à cette attente.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, monsieur le ministre, qu'il soit impossible au groupe communiste républicain et citoyen de voter votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. C'est bien dommage !

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. La France possède, avec le deuxième réseau diplomatique mondial après celui des Etats-Unis, un outil exceptionnel. Le projet de budget des affaires étrangères permet-il d'optimiser cet outil ?

En 2003, la régulation budgétaire avait provoqué une grève inédite à un tel niveau de responsabilité dans les services de la diplomatie française. L'écart était trop grand entre les moyens et les exigences d'un ministère régalien.

Aujourd'hui, la question n'est pas de savoir si, avec 1,53 % du budget de l'Etat, les moyens du ministère des affaires étrangères sont suffisants, mais plutôt de savoir comment tirer le meilleur parti de ces crédits, désormais en légère progression. Faut-il réduire ce réseau pour qu'il puisse être pleinement efficace ? Faut-il le mutualiser notamment dans le cadre européen ? Quelles sont, monsieur le ministre, concrètement, sur le terrain, votre stratégie et vos orientations ?

Les cinq priorités définies dans ce projet de budget constituent une réponse aux deux défis que sont la réussite d'une mondialisation plus juste, d'une part, et d'une construction européenne soumise aux bouleversements de son élargissement, d'autre part.

Pour ce qui est de la mondialisation, vous poursuivez les efforts en matière d'aide publique au développement, de réforme du droit d'asile, d'amélioration de la sécurité des Français à l'étranger, et d'affirmation de notre langue et de notre culture, atouts universellement reconnus.

Vous augmentez ainsi les bourses d'études de 7,5 millions d'euros, mais 51 % des étudiants étrangers sont issus du continent africain, dont l'économie est chancelante, tandis que seulement 17,5 % d'entre eux viennent d'Asie, dont la croissance est incomparable. Monsieur le ministre, continuerez-vous à privilégier l'histoire ou allez-vous enfin faire des choix en fonction des potentialités économiques ? (M.Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

En ce qui concerne la construction européenne, 2005 marquant l'année de la ratification du traité constitutionnel, vous augmentez légitimement les crédits destinés à la promotion de l'Europe et des institutions communautaires.

Ces cinq priorités, qui ont des traductions budgétaires immédiates, appellent des économies sur d'autres postes. C'est l'occasion de rechercher l'efficacité et l'amélioration de notre stratégie.

Je voudrais souligner deux mesures de rationalisation : d'une part, l'instauration du paiement a priori pour les demandes de visas, ce qui a permis d'en réduire le nombre tout en augmentant les recettes de 17,4 millions d'euros; d'autre part, la nouvelle gestion du patrimoine immobilier, comme l'a rappelé M. Gouteyron, avec le regroupement des onze sites parisiens et la vente de biens, en France comme à l'étranger, vente dont le produit revient au ministère.

Je souhaite également insister sur la gestion du personnel et la réorganisation du réseau.

En poursuivant la réduction des effectifs, le ministère des affaires étrangères est l'un des seuls à s'en tenir à l'objectif d'un remplacement pour deux départs en retraite. Monsieur le ministre, la diminution des postes continuera-t-elle à concerner essentiellement les emplois à l'étranger, ce qui pourrait être préjudiciable à moyen terme, les gains de productivité n'étant pas infinis ?

Concernant la mutation de notre réseau diplomatique, il s'effectue en fonction de l'actualité internationale, de l'implantation des communautés françaises et de la construction européenne. Ce troisième critère sera de plus en plus à prendre en compte.

Réfléchir à la restructuration de notre réseau à l'aune de la construction européenne, c'est en premier lieu s'interroger sur le sens de notre présence consulaire au sein des pays de l'Union. Optons pour des choix radicaux en limitant cette présence, par pays, à une ambassade et à sa section consulaire, ou à son consulat général. Vous avez fermé le poste consulaire de Düsseldorf, pourquoi conserver nos antennes à Alicante, à Gênes, à Gibraltar, à Malaga ?

M. Aymeri de Montesquiou. Pourquoi un consulat à Liège, un autre à Anvers, un troisième à Bruxelles, quand nos ressortissants vivent à trois cents kilomètres de Paris ? Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à mettre en oeuvre cette proposition à l'horizon 2007 ?

L'étape ultime serait la suppression de l'ensemble de nos consulats dans l'Union européenne, de plus en plus de formalités pouvant être effectuées auprès des autorités locales. Cependant, s'il incarne parfaitement la notion de citoyenneté européenne, ce transfert intégral des formalités n'est pas encore possible, car un certain nombre d'actes, notamment liés à l'état civil, relèvent strictement de la compétence nationale. Monsieur le ministre, à quelle échéance pourra-t-on envisager un état civil européen ?

Réfléchir à la restructuration de notre réseau, c'est en deuxième lieu s'interroger sur nos modes de collaboration diplomatiques et consulaires en dehors de l'Union européenne, c'est-à-dire à la mutualisation d'une partie de nos moyens avec ceux de nos partenaires européens. Sur le fond, cette collaboration sera fondée sur notre capacité à définir une politique étrangère et de sécurité commune européenne. Cela constitue un jeu d'équilibre : la France reste partagée entre sa volonté de prendre une part active aux relations extérieures de l'Union européenne et son souhait de ne jamais renoncer à faire entendre sa voix quand ses intérêts vitaux l'exigent.

Dans le débat sur la ratification du traité constitutionnel, il nous faudra d'ailleurs préciser ce que peut être une politique étrangère commune, et non pas unique, incarnée par un ministre des affaires étrangères de l'Union européenne.

En nous inspirant de la construction européenne, nous pouvons procéder de manière pragmatique. Le premier degré, qui ne touche pas au fond, sera de développer l'expérience de « co-localisation » dans un nombre grandissant de pays. Celle-ci permet de faire des économies en préservant l'identité de chaque Etat. Ainsi Français, Allemands et Britanniques se partagent-ils au Kazakhstan un immeuble à Almaty. Cette situation peut être dupliquée. A votre avis, à quelle échelle serait-ce possible ?

De manière plus approfondie, il serait intéressant de réfléchir à un renforcement de la coopération entre les consulats, d'une part entre les treize Etats membres de l'espace Schengen, d'autre part entre les Vingt-Cinq, afin de concrétiser une politique commune des visas.

Monsieur le ministre, comment pensez-vous convaincre le Royaume-Uni, l'Irlande, puis les autres Etats membres, d'intégrer l'espace Schengen ? A quelle échéance un visa communautaire pourra-t-il être mis en place ?

Une troisième étape, la constitution d'ambassades véritablement communes, me paraît encore très lointaine et, à vrai dire, peu réalisable. Le débat est ouvert depuis déjà dix ans sur d'éventuelles ambassades communes franco-allemandes. Les collaborations se sont effectivement renforcées : échanges de fonctionnaires, d'informations, projet d'adresser des instructions communes de Paris et de Berlin aux postes diplomatiques, notamment.

Mais imagine-t-on réellement une ambassade franco-allemande dans des pays qui, pour nous, ont une importance particulière, par exemple à Alger, à Rabat, à Abidjan, à Londres, à Moscou, à Pékin, à Tokyo, à Washington ? De plus, cette expérience à deux semblerait mettre en exergue le tandem historique de la construction européenne, ce qui suscite souvent chez nos partenaires une certaine irritation.

Quant au projet d'ambassades communes aux Etats membres, il reste, à ce stade, très théorique. La collaboration entre tous les Etats de l'Union européenne en matière de politique étrangère reste encore délicate, comme le prouve le « Coreu », c'est-à-dire le réseau d'échange des télégrammes diplomatiques entre les Etats membres dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, qui ne comprend pas les éléments jugés les plus sensibles par les capitales.

Enfin, au-delà de la nouvelle donne européenne, il faudra avoir le courage de faire des choix stratégiques pour réussir les évolutions internes de notre réseau.

Tout d'abord, il nous faut continuer à créer des postes mixtes à l'étranger, par exemple entre votre ministère et celui de la culture et de la communication, comme à Alexandrie, à Cracovie, à La Nouvelle-Orléans, ou avec le ministère de l'économie et des finances avec la Direction des relations économiques extérieures, la DREE, à ?saka, à Dubaï, à Bombay, à Atlanta ou à Vancouver.

Enfin, faisons le choix de ne plus être présents dans certains pays. Si la crédibilité de notre réseau repose sur son emprise mondiale, il me semble néanmoins évident qu'il n'est plus indispensable d'avoir 156 ambassades de France et 98 postes consulaires de plein exercice. Ces représentations ne doivent pas être des lieux décidés par principe ou figés par l'histoire. Il existe un seuil en deçà duquel notre présence est même contre-productive. Le manque de moyens et de personnels donne en effet une image négative de la France aux populations et est source de frustration pour nos diplomates.

Les consulats doivent suivre la même logique : vous avez fermé Lausanne, pourquoi conserver Alep - n'est-ce pas une symbolique onéreuse ?-, Majunga et Tamatave? Il faudra avoir le courage de mettre en place des postes diplomatiques et consulaires ayant une compétence régionale dans les zones où nos intérêts sont moindres et, si l'on s'en retire, envisager d'y être représentés par un ou plusieurs Etats membres de l'Union européenne, avec, par exemple, un guichet unique pour les Etats appartenant à l'espace Schengen. C'est la condition nécessaire pour redéployer efficacement notre propre réseau vers les pays émergents.

Monsieur le ministre, dans un monde où les conflits régionaux perdurent, l'Europe tente de créer un pôle de stabilité et de paix. Vous avez la lourde, mais passionnante, responsabilité de faire entendre la voix de la France. La majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, consciente de la profondeur des réformes que vous conduisez pour que notre diplomatie soit à la hauteur de l'ambition et des valeurs de la France, votera le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2005. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère des affaires étrangères.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le ministre, nous en sommes conscients, la fonction que vous occupez n'est pas facile dans un monde qui bouge de plus en plus vite, instable et dangereux : des crises un peu partout, qui déstabilisent plusieurs régions dans le monde, la pauvreté et la maladie, qui continuent de faire des ravages, la baisse du dollar, le coût du pétrole, les interrogations sur le nouveau et dernier mandat de l'administration Bush...

Face à tous ces défis, nous devons continuer à travailler à plus de justice et plus de solidarité, à affirmer que le droit international doit rester notre guide, que la force doit être au service du droit, et non l'inverse, que le multilatéralisme doit présider à nos actions, particulièrement dans notre monde multipolaire.

C'est au travers de votre ministère et, plus simplement encore, du vote de votre projet de budget que peut s'exprimer l'action de la France.

L'examen de ce projet de budget est traditionnellement l'occasion de faire le point sur les questions essentielles de la politique étrangère et sur la façon dont le Gouvernement répond à ces questions.

Aussi, avant d'aborder les chiffres et les orientations de la loi de finances, je tiens à évoquer certains des sujets qui font l'actualité internationale, à commencer, bien sûr, par l'Irak.

Nos pensées vont immédiatement vers nos deux compatriotes journalistes retenus en otage depuis plus de trois mois. Je tiens ici à saluer l'élan de cohésion nationale que leur épreuve a suscité. Peut-être, monsieur le ministre, pourriez-vous faire le point sur la situation.

Nous nous sommes réjouis de voir que la diplomatie semble reprendre peu à peu ses droits. J'en veux pour preuves la réunion de Berlin et celle de Charm el-Cheikh, que vous avez d'ailleurs qualifiée « d'approche constructive ». Le fait qu'une réunion internationale ait pu avoir lieu et que les Etats-Unis aient même accepté que soit mentionné le retrait des troupes dans la déclaration finale est en lui-même positif, même si, et nous en sommes tous conscients, beaucoup de chemin reste à faire.

Concernant l'annulation de 80 % de la dette irakienne, nous pouvons comprendre qu'une dette contractée pendant une dictature ne reste pas à la charge des générations à venir, qui auront, elles, la responsabilité de la reconstruction, dans le cadre, bien sûr, d'un nouveau régime démocratique.

Mais pourquoi, monsieur le ministre, cette clémence à l'égard de l'Irak, qui, rappelons-le, possède la deuxième réserve de pétrole du monde, et non envers d'autres pays d'Afrique et d'Amérique latine bien plus pauvres ? Peut-être y a-t-il eu des contreparties qui nous ont échappé...

S'agissant toujours de la même région, mais un peu plus à l'ouest, je dois dire que la France a bien fait d'accueillir le président de l'Autorité palestinienne.

Une nouvelle page de l'histoire de cette région est à écrire. Je souhaite que le gouvernement israélien puisse conduire jusqu'au bout son désengagement de la bande de Gaza et que sa volonté d'y parvenir favorise la paix. Bien entendu, ce retrait ne peut être considéré que comme une première étape vers le retour aux frontières de 1967 pour que, enfin, ces deux peuples puissent vivre dans deux Etats séparés, sécurisés et viables.

A ce propos, pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, où nous en sommes, qu'il s'agisse du rôle du Quartet ou du retour à la feuille de route, questions que vous suivez, je le sais, de très près ?

Je voudrais souligner le formidable succès que la diplomatie européenne a rencontré en obtenant, grâce aux initiatives allemande, britannique et française, l'engagement de l'Iran à renoncer à l'armement nucléaire.

Toutefois, monsieur le ministre, sachant que ces accords peuvent rester lettre morte, je souhaiterais connaître les mesures que vous compter prendre, de concert avec nos partenaires européens et dans le cadre de l'AIEA, l'Agence internationale de l'énergie atomique, pour veiller à l'application de cet engagement et, surtout, pour arriver à convaincre les Etats-Unis que la voie diplomatique aussi peut et doit réussir.

L'actualité nous amène aussi vers l'Afrique, et bien sûr, vers la Côte d'Ivoire.

J'estime, avec d'autres, que l'armée française a accompli un travail remarquable quant à l'évacuation et à la protection des ressortissants étrangers, notamment français.

Bien sûr, il faudra établir la vérité des faits sur l'ensemble des événements. Cependant, la guerre de propagande qui est menée par le président Gbagbo ne doit pas faire oublier que la priorité est de trouver une solution politique à la crise, comme l'a rappelé le représentant spécial de l'ONU, en espérant que l'accord obtenu par le président Thabo Mbeki sera respecté.

Mon temps m'est compté, mais comment ne pas parler du Rwanda ? Le terrible génocide des Tutsis n'est pas encore effacé de nos esprits que, déjà, les risques d'un nouveau drame, les victimes devenant les bourreaux, se multiplient. La tension monte, en particulier au Congo.

Je voudrais aussi m'arrêter un instant sur la situation du Soudan et de la région du Darfour. On enregistre déjà 70 000 morts au minimum, 1,5 million de personnes déplacées. Je crains, dans ces conditions, que la résolution 1574, adoptée par le Conseil de sécurité le 20 novembre dernier et appelant à l'arrêt immédiat des exactions, ne puisse contribuer au règlement de la crise, faute de contenir une quelconque menace de sanctions.

Monsieur le ministre, ma question sera simple. Je sais quelle importance vous attachez à ce sujet, et votre visite sur place en juillet dernier en est l'expression. Mais enfin, pourquoi ne sommes-nous pas parvenus à élaborer une résolution beaucoup plus contraignante ? On sait le travail remarquable réalisé au Tchad par les soldats français de la mission Epervier qui sécurisent les camps de réfugiés soudanais. La France avait donc la crédibilité nécessaire pour « pousser » le Conseil de sécurité dans le sens d'une décision plus significative. Que manque-t-il aujourd'hui à notre action pour que nous réussissions à soulager ces populations ?

J'en viens au dernier des sujets qui me préoccupent dans ce tour d'horizon partiel de notre politique étrangère. C'est un sujet, mes chers collègues, qui n'est que rarement débattu dans le cadre de nos ordres du jour. Aussi me semble-t-il important de lui accorder aujourd'hui quelques instants.

Entre le 29 novembre et le 3 décembre dernier, la communauté internationale était réunie à Nairobi pour le cinquième anniversaire du traité d'Ottawa interdisant les mines antipersonnel. Si ce premier bilan s'est révélé dans l'ensemble plutôt encourageant, l'Observatoire des mines nous rappelle qu'il y a encore entre 15 000 et 20 000 victimes par an, dont près d'un quart sont des enfants et dont 80 % sont des civils.

Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, la France est indéniablement, et c'est tout à son honneur, à la pointe de la lutte contre ce fléau. Toutefois, monsieur le ministre, notre implication dans ce combat pourrait s'améliorer.

D'une part, le niveau de nos contributions baisse notablement depuis 2002. En 2004, avec un montant de 2,5 millions de dollars, nous sommes seulement au vingt-deuxième rang des donateurs. Quand nous donnons 3 centimes d'euros par an et par habitant, la Norvège, par exemple, apporte près de 5 euros, toujours par an et par habitant.

D'autre part, trois points importants laissés en suspens par le traité d'Ottawa doivent être résolus rapidement.

D'abord, la nomenclature des mines interdites n'inclut pas pour l'instant certaines mines antichars qui présentent pourtant les mêmes dangers que les mines antipersonnel. Je veux parler des mines à déclencheur sensible.

Ensuite, la fixation d'un plafond concernant les stocks de mines conservés à des fins de recherche et de formation n'a toujours pas été arrêtée.

Enfin, la question des opérations militaires communes entre un Etat signataire et un Etat utilisant encore des mines n'a pas davantage été tranchée, non plus d'ailleurs que la question, très préoccupante, des bombes à sous-munitions. Je le rappelle, il s'agit d'engins qui peuvent éclater après coup et qui restent souvent suspendus aux arbres par des fils rouges, verts ou bleus. Prétendument destinés à permettre de repérer les bombes, ces fils sont surtout de dramatiques appâts, et les enfants qui se laissent abuser par leurs couleurs en meurent ou restent mutilés.

Comme pour la signature du traité en 1999, il ne fait pas de doute que, si la France montre l'exemple sur ces questions, d'autres pays suivront. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous éclaircissiez la position de notre pays sur ces points.

Avant d'en venir aux chiffres, je pose une dernière question : doit-on considérer les derniers événements internationaux - les conférences de Berlin et de Charm el-Cheikh, les résolutions sur la Côte d'Ivoire, la résolution 1559 sur le Liban - comme autant de signes favorables au rapprochement des points de vue français et américains ?

J'en viens aux moyens dont le ministère des affaires étrangères sera pourvu en 2005.

Cette année, comme souvent depuis dix ans, avec 1,58 % des dépenses de l'Etat, le Quai d'Orsay demeure, au choix, le « parent pauvre » ou la « bête noire » de Bercy.

J'évoquerai brièvement un sujet déjà abordé par Michel Charasse et sur lequel Mme Monique Cerisier-ben Guiga reviendra : l'aide publique au développement.

Certes, l'APD est en augmentation, mais cette augmentation porte essentiellement sur les allégements de la dette des pays pauvres. Or la part des allégements a été multipliée par 2,5 en quatre ans et, si l'on y ajoute l'effacement de la dette de l'Irak, on peut se demander ce qui va rester de l'APD !

Un dernier point : le montant de nos cotisations dans les grandes organisations internationales de développement est tout à fait insatisfaisant.

Avec nos 16 millions d'euros de contribution au programme des Nations unies pour le développement, nous ne sommes qu'en onzième place, loin derrière le Japon, les Pays-Bas ou encore la Norvège. Nos participations à l'UNICEF et au fonds des Nations unies pour l'aide aux populations sont également limitées. Le total de nos donations pour l'action humanitaire au sein de l'ONU nous place en vingt-troisième position, loin derrière la Grande-Bretagne et même la République de Corée, tout juste devant l'Arabie Saoudite et le Kenya !

Cette situation, qui, je le sais, vous préoccupe, monsieur le ministre, puisque vous l'avez vous-même déplorée en commission, ne permettra pas, en l'état, d'atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement.

Au risque de vous étonner, je suis pourtant d'accord sur le principe des déclarations que le Président de la République a faites au Brésil et reprises à l'ONU, mais, monsieur le ministre, comment peut-on tenir un discours de générosité sans se donner dans le même temps les moyens de la solidarité ?

Sur toutes les travées, nous savons quels efforts vous faites pour défendre le budget de votre ministère, comme d'ailleurs vos prédécesseurs avant vous, et nous savons que vous n'êtes pas resté l'arme au pied, puisque des avancées ont été obtenues. Mais, 1,58 % pour la politique étrangère de la France, cela reste encore pour nous de l'ordre du symbole !

C'est pourquoi le groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime, votera contre ce projet de budget, en espérant que ce vote vous aidera et même vous renforcera...

M. Charles Pasqua. C'est original !

M. Jean-Pierre Plancade. ...pour obtenir les crédits supplémentaires qui permettront à la France de jouer enfin dans le monde le rôle que nous aspirons tous à la voir jouer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce soir, j'attirerai plus spécialement votre attention sur trois points : la situation en Côte d'Ivoire, les retraites africaines acquises par nos compatriotes et l'évolution du fonds d'assistance du ministère des affaires étrangères.

S'agissant de la Côte d'Ivoire, ma collègue Paulette Brisepierre et moi-même avons évoqué ce dossier brûlant lors de la séance des questions d'actualité du 17 novembre dernier, Pour ma part, j'ai abordé plus spécifiquement les problèmes concrets qui se posent aux Français : sécurité physique et sécurité des biens pour ceux qui sont demeurés sur place ; reprise de l'activité pour les entreprises françaises après les pillages et les désordres.

S'agissant de la sécurité, si un calme précaire semble revenu, la reprise de l'activité économique est le sujet dominant qui préoccupe au plus haut point non seulement nos compatriotes, mais également, ce qui est paradoxal, les autorités ivoiriennes.

Quelle est la position de la France en la matière ? La réponse à cette question est déterminante pour le maintien de nos compatriotes restés sur place et le retour de ceux qui ont regagné la France; le tout étant, bien entendu, subordonné aux assurances qui leur seront données quant à leur sécurité physique et celle de leurs biens.

L'accueil de ceux qui ont préféré rentrer en France a été très bien organisé et j'ai eu l'occasion, le 17 novembre, d'en féliciter le Gouvernement, votre ministère, monsieur le ministre, ainsi que tous ceux qui y ont participé. Mais on ne peut qu'être soucieux quant à leur avenir : quelles sont leurs possibilités de se loger et de travailler ? Il est nécessaire qu'en attendant de retrouver un emploi, ils puissent bénéficier des indemnités de chômage et que les partenaires sociaux, comme ce fut le cas pour le « précédent réussi » de 1991, à l'occasion de l'évacuation des Français du Koweït, ouvrent l'accès à ces indemnités à tous les salariés français rentrés de Côte d'Ivoire.

Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que je nourris quelques inquiétudes sur ce point. En 1991, votre prédécesseur, M. Roland Dumas, avait pris ce dossier en main et il avait obtenu que tous les Français du Koweït perçoivent les indemnités de chômage. Votre tâche est plus lourde puisque, d'une part, le nombre de personnes concernées est plus élevé et, d'autre part, le déficit de l'UNEDIC a été évalué à 8 milliards d'euros.. Il n'en reste pas moins que c'est une question essentielle pour nos compatriotes rentrés de Côte d'Ivoire : je vous demande donc de vous en saisir.

Un point s'avère positif : les instructions données par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pour autoriser le change des billets émis en francs CFA auprès des trésoreries générales départementales.

Le président Jacques Pelletier et moi-même avons eu l'honneur d'être reçus ce matin, dans le cadre du groupe d'amitié France-Gabon du Sénat, par le président Omar Bongo et de nous entretenir avec lui de la situation en Côte d'Ivoire. Le président Omar Bongo, qui est l'un des plus anciens chefs d'Etat de l'Afrique, est intervenu sur ce sujet brûlant en s'efforçant d'être un intermédiaire positif.

Au cours de cet échange, nous avons pu mesurer, mes chers collègues, combien ce dossier est complexe : si l'intervention du président sud-africain, que vous avez suivie, j'imagine, avec beaucoup d'intérêt, monsieur le ministre, est importante, nous ne sommes pas convaincus qu'elle soit de nature à régler l'ensemble des problèmes. Le président Pelletier vous donnera son sentiment à cet égard, mais, pour ma part, je suis assez réservé.

Le deuxième point de mon intervention ne nous éloignera pas de l'Afrique : il s'agit des retraites acquises par nos compatriotes auprès des pays d'Afrique noire francophone, mais qui ne leur sont pas payées. C'est là un sujet sensible qui donne lieu, depuis des années, à des protestations, et qui provoque, chez les intéressés, un réel sentiment d'injustice, bien légitime au demeurant.

J'ai donc apprécié, monsieur le ministre, la note que votre directeur de cabinet, M. Pierre Vimont, a adressée à ses collègues du ministère de l'économie et des finances et du ministère de la santé et de la protection sociale.

Pour ma part, le jeudi 30 septembre dernier, lors de la venue de Nicolas Sarkozy, alors ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, devant l'Assemblée des Français de l'étranger, j'ai développé cette question et demandé la création d'un groupe de travail : une première réunion a eu lieu le 24 novembre, à Bercy, en présence de M. Sarkozy.

Une lettre de votre directeur de cabinet, M Vimont, datée du même jour - nous l'avons reçue un peu tardivement -a tenté de fixer l'établissement d'un lien de conditionnalité entre le paiement des retraites de nos compatriotes et les concours financiers de la France aux pays concernés.

Il semble donc, et je m'en réjouis particulièrement, que la France soit décidée à assurer concrètement le paiement des retraites de nos compatriotes qui ont cotisé auprès des caisses africaines, dont certaines, comme celle du Congo-Brazzaville, sont totalement défaillantes.

Si l'on sait que les retraites des Africains ayant travaillé en France sont strictement et régulièrement payées par notre pays, si l'on ajoute que les retraites africaines versées aux nationaux sont, pour une grande part, financées grâce aux cotisations versées par les sociétés d'origine française travaillant sur place, monsieur le ministre, on se dit que trop, c'est trop ! La France ne peut plus accepter cette spoliation indigne de ses ressortissants.

Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que votre directeur de cabinet, de vos prises de position, mais il reste à concrétiser ces déclarations d'intention : quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour régler ce dossier ?

Pour conclure, j'examinerai le chapitre budgétaire 46-94 consacré à l'assistance aux Français à l'étranger. Depuis quelques années déjà, il subit les effets de la rigueur et de la maîtrise des dépenses. Si le total des crédits de ce chapitre est en augmentation de 145 135 euros, s'établissant à 24,2 millions d'euros, c'est parce que la ligne budgétaire consacrée à la sécurité des Français de l'étranger bénéficie d'une hausse de près de 195 000 euros. Bien entendu, je ne peux que m'en féliciter !

J'ai évoqué, précédemment, la crise ivoirienne et les graves préjudices physiques, moraux et économiques subis par nos compatriotes. Malheureusement, ces crédits sont les seuls à connaître une hausse substantielle, tous les autres étant reconduits à l'identique par rapport au budget 2004.

Ainsi, s'agissant du fonds d'assistance de votre ministère, monsieur le ministre, lequel permet d'attribuer des allocations de solidarité aux personnes âgées et aux handicapés français vivant à l'étranger, je constate que les crédits stagnent : ils demeurent fixés à un peu plus de 17,8 millions d'euros, comme en 2004 et en 2003. Je ne critique nullement la manière dont la Direction des Français à l'étranger et des étrangers en France gère ce budget : elle le fait avec beaucoup de rigueur et beaucoup de clairvoyance. Mais je constate qu'elle gère un budget inchangé depuis deux ans.

Il me paraîtrait souhaitable, monsieur le ministre, que les Français de l'étranger ne soient pas tenus à l'écart de cet effort de solidarité nationale que l'on s'efforce d'accomplir en métropole et que M. Borloo développe, à l'instigation du Président de la République.

Les crédits diminuant, nous assistons à une application extrêmement stricte de leurs modalités de répartition. Je vois mal comment il pourrait en être autrement si M. Barry Martin-Delonchamps, directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France, veut boucler son budget. D'ailleurs, lorsqu'il nous réunit en commission pour travailler sur l'attribution de ces crédits, nous sommes conscients qu'il ne peut répartir que les sommes dont il dispose, et cela pose problème.

Au-delà des aides consulaires, je crains que la stagnation des crédits n'entraîne à terme, monsieur le ministre, une diminution des subventions aux sociétés françaises de bienfaisance, même si vos services nous ont indiqué vouloir poursuivre l'action significative qui a été menée en 2004. Ces sociétés de bienfaisance, qui ont parfois été critiquées, jouent un rôle essentiel dans les communautés françaises de l'étranger : quand nos consulats ne peuvent plus aider tel ou tel de nos compatriotes, ils font appel à la société de bienfaisance pour apporter une aide momentanée.

Si un effort de solidarité est entrepris en France métropolitaine, s'il existe une couverture maladie universelle et un RMI, les Français de l'étranger ne disposent, quant à eux, que des aides que je viens d évoquer. Les crédits d'assistance de votre ministère n'augmentent pas suffisamment, monsieur le ministre. Il est donc indispensable que vous vous oeuvriez afin qu'ils progressent dans le prochain budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'augmentation du budget des affaires étrangères repose essentiellement sur l'accroissement de l'aide publique au développement. Cette situation crée inévitablement un déficit budgétaire entre la part allouée aux affaires étrangères, particulièrement les moyens et services du titre III, et celle qui est allouée à la coopération.

Bien évidemment, je ne saurais m'ériger contre toute mesure permettant de prendre en compte le retard pris notamment pour atteindre les objectifs du millénaire, définis à l'ONU en 2000. C'est la raison pour laquelle j'interviens depuis plusieurs années, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, pour plaider en faveur d'efforts supplémentaires.

La France doit être un pilier en matière d'aide aux pays du Sud. Le Président de la République a fait de cette problématique un cheval de bataille hautement médiatisé. Il reste à savoir comment cela se traduira dans les faits ; nous souhaitons évidemment de tout coeur que cela se réalise !

Malheureusement, à y regarder de près, mes espoirs en faveur d'une véritable politique volontariste sont déçus depuis 2002. Des montages financiers, ainsi que des gels et annulations de crédits, viennent troubler la réalité. Cette année encore, la hausse de l'aide publique au développement dépend essentiellement des allègements et annulations de dettes.

Permettez moi alors, monsieur le ministre, de critiquer la méthode employée. Je considère en effet que l'aide publique et la réduction de la dette, bien qu'étant tous deux nécessaires à l'essor des pays du Sud, doivent être deux instruments distincts.

Le secrétaire général des Nations unies, M. Koffi Annan, reconnaît lui-même cette dissociation comme fondamentale en déclarant : « les mesures d'allègement de la dette doivent s'ajouter au montant global des transferts tel qu'il s'établissait avant que ces mesures n'interviennent. »

Qui plus est, c'est une grande opacité qui entoure les allègements et annulations de dette : Bercy a, en la matière, une grande part de responsabilité. A ce titre, il faudra clarifier la mise en oeuvre et l'utilisation de la question de la dette par la France.

Qu'il s'agisse de l'initiative des pays pauvres très endettés, des annulations et réductions de dette ou encore des contrats désendettement-développement, il est grand temps que les parlementaires se saisissent plus concrètement de ce dossier. Il faudrait qu'un débat ait lieu au Parlement sur les questions plus larges de la coopération : la seule discussion du budget ne saurait suffire, d'autant que, l'année prochaine, elle sera modifiée avec l'entrée en application de la LOLF.

A ce propos, la mission budgétaire interministérielle « aide au développement » devrait couvrir un volume très inférieur à la somme totale des crédits de l'APD

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Exact !

Mme Hélène Luc. La lisibilité, semble t-il, ne sera pas encore de mise.

Il faudrait que l'action des quinze ministères concernés par ce volet soit enfin évaluée dans son ensemble. J'attends, monsieur le ministre, que vous m'éclairiez sur ce point.

Je souhaite également obtenir des éclaircissements quant à la proposition du chef de l'Etat d'instituer une taxe sur les transactions financières internationales. Comment allez-vous procéder, monsieur le ministre, pour donner suite à cette proposition, que nous approuvons d'autant plus facilement que les parlementaires communistes ont été parmi les premiers à demander l'application de la taxe Tobin ? Nous sommes satisfaits de voir que le temps donne raison aux bonnes idées, mais il faut rapidement passer aux actes.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Nous ne sommes pas seuls !

Mme Hélène Luc. Quoi qu'il en soit, il faut circonscrire le champ de l'APD. Aujourd'hui, nous sommes en droit de demander une plus grande lisibilité de notre politique en matière de coopération. Nous sommes également en droit de demander que les allégements de dettes viennent s'ajouter à l'aide publique traditionnelle, selon un pur principe d'« additionnalité », et non s'y intégrer, comme c'est le cas actuellement.

Afficher une position est une chose, la mettre en oeuvre en est une autre. Il faut désormais franchir le pas vers la construction d'un monde plus juste socialement et économiquement, égalitaire et en paix. Les pays pauvres en ont assez des déclarations de bonnes intentions. Leurs populations sont dans une souffrance extrême. Nous l'avons vu, lors de missions en Ethiopie, en Erythrée et au Soudan.

L'état du monde ne peut laisser les gouvernements des pays riches inertes ; au demeurant, ce n'est pas le cas de la France : nous sommes loin d'être les plus mauvais ! L'inaction, c'est la mort programmée de millions de personnes chaque année. Face aux fléaux que sont la faim, les épidémies, les guerres, dont les premières victimes sont les enfants et les femmes, des solutions existent : il faut les mettre ne application. Il faut une volonté, il faut des objectifs clairs, il faut débloquer des moyens financiers.

Selon la Banque mondiale, 50 milliards de dollars par an manquent pour que soient les promesses de l'ONU d'ici à 2015. Or on compte aujourd'hui cinquante-quatre pays qui sont plus pauvres qu'en 1990 ! Cela signifie que, au rythme actuel, l'Afrique devra attendre l'année 2129 pour assurer l'accès de tous à l'école primaire et l'année 2156 pour réduire des deux tiers la mortalité infantile.

Voilà quelques jours, se déroulait la journée mondiale contre le sida, triste célébration vu les chiffres et l'état des lieux. En vingt ans, le sida a tué plus de 23 millions de personnes dans le monde, et 40 millions de personnes sont infectées par le virus, dont les deux tiers en Afrique subsaharienne. Dans les pays en développement, seulement 440 000 malades sont traités.

L'ONUSIDA a rendu cette année un rapport des plus alarmistes. L'organisation constate la féminisation de l'épidémie. A titre d'exemple, en Afrique subsaharienne, 75 % des jeunes infectés sont des filles âgées de quinze à vingt-quatre ans. Qui plus est, la propagation du virus s'étend aujourd'hui dans les pays les plus peuplés de la planète, en Europe orientale et en Asie, ce qui annonce, si rien n'est fait, une catastrophe sanitaire sans précédent.

Devant un tel bilan, comment jouer la carte de l'immobilisme, alors que les programmes de prévention du sida touchent moins d'une personne sur cinq et qu'une prévention complète pourrait éviter 29 millions de nouvelles infections dans les années à venir.

La lutte contre le sida et contre toutes les pandémies doit s'intensifier et s'incarner dans une politique audacieuse de l'accès aux médicaments et aux brevets. Il faut accélérer la recherche, redéfinir des stratégies en dehors des impératifs fixés par l'OMC. L'entrée en vigueur, en 2005, des accords relatifs aux aspects des droits de propriété intellectuelle aura des conséquences directes pour des pays importateurs de médicaments génériques comme l'Inde, ce qui suscite de très grandes inquiétudes.

Je tiens à insister également sur l'urgence qu'il y a pour nous à agir si nous ne voulons pas nous rendre complices de désastres et de désordres mondiaux de grande ampleur.

Pour ce qui est de la faim dans le monde, si l'aide n'est pas substantiellement augmentée dans les deux ou trois décennies qui viennent, des tensions alimentaires extrêmes apparaîtront dans des pays fragilisés du Moyen-Orient, du Maghreb, de la vallée du Nil, de l'Afrique de l'Ouest ou de l'Afrique subsaharienne.

D'ores et déjà, nous pouvons constater l'utilisation de la famine comme arme politique et arme de guerre pour disséminer des ethnies entières.

L'eau est aussi source de multiples conflits. Le conflit entre Israël et la Palestine en est un des nombreux exemples, même si l'eau n'est, bien sûr, pas seule en cause. Kofi Annan a même déclaré que le XXIe siècle serait celui de la guerre pour l'eau. Il est certain que cette prédiction se réalisera si rien n'est fait rapidement.

Nous avons là deux exemples flagrants de la relation étroite existant entre la lutte contre les inégalités, la pauvreté et l'essor des pays pauvres, d'une part, la stabilité et la paix mondiale, d'autre part.

En définitive, monsieur le ministre, la hausse apparente des crédits n'empêche pas une diminution des projets. Les pays pauvres attendent plus de nous, et nous sommes encore loin d'avoir un budget à la hauteur des nécessités.

Je ne voudrais pas quitter cette tribune sans féliciter toutes les régions, tous les départements, toutes les communes qui se mobilisent pour participer à l'effort de coopération décentralisée.

M. Josselin de Rohan. Comme les Hauts-de-Seine !

M. Charles Pasqua. Absolument !

M. Gérard Dériot. Et l'Allier !

Mme Hélène Luc. Dans le Val-de-Marne, nous consacrons également des crédits très importants à cette action, et je sais qu'il en va de même dans de nombreuses autres collectivités.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et c'est l'Etat qui en finance une grande partie, avec les contrats de plan !

Mme Hélène Luc. C'est une très bonne chose, mais ces efforts doivent s'additionner pour que, tous ensemble, nous fassions beaucoup plus. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit une nouvelle augmentation de l'aide publique au développement, afin d'atteindre l'objectif de 0,5 % du PIB en 2007. En 2005, l'APD atteindra 0,43 % du PIB, soit 7,3 milliards d'euros.

La France, et j'en suis heureux, reste l'un des leaders mondiaux de l'aide au développement puisqu'elle est le troisième bailleur mondial en montant et le septième en part du PIB.

Notre pays poursuit donc ses efforts pour atteindre les objectifs quantitatifs définis par l'Organisation des Nations unies.

La réduction de la dette des pays les plus pauvres continue de représenter un poids important, très important même, par rapport aux aides projets, et cela n'est pas sans nous inquiéter pour l'avenir.

Depuis 2001, l'APD française a augmenté de 2 869 millions d'euros. Or ce redressement de l'APD s'explique en grande partie par l'augmentation du volume des annulations de dettes. En effet, le montant des allégements de dettes comptabilisé dans l'APD a été multiplié par cinq, soit une augmentation de 1 870 millions d'euros. En 2005, les annulations de dettes représenteront ainsi 30 % de l'APD française.

Autrement dit, si l'APD globale augmente de 679 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, l'APD hors allégements de dettes baisse, quant à elle, de 62 millions d'euros.

La question essentielle, dans une perspective de développement, est de savoir dans quelle mesure ces allégements offrent vraiment des ressources supplémentaires pour les pays en développement. J'ai l'impression que ces annulations de dettes constituent un effacement comptable de créances qui, de toute façon, n'auraient probablement jamais été payées.

En outre, ces allégements sont très peu lisibles. La part budgétaire de l'aide est, quant à elle, inscrite au budget de douze ministères différents : cet éparpillement n'est ni logique ni positif. Les données disponibles ne permettent pas d'identifier clairement l'affectation des fonds dégagés par ces allégements, non plus que le détail de la nature des créances annulées.

La France étant le premier contributeur de l'initiative « pays pauvres très endettés  », et j'en suis heureux, la part des allégements de dettes dans l'APD française est particulièrement élevée en comparaison de celle des autres pays donateurs. Je suis conscient du fait que l'annulation de la dette des pays les plus pauvres constitue une condition sine qua non de leur développement, et je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus. Mais l'inscription intégrale de ces annulations de dettes au titre de l'APD est beaucoup plus discutable, spécialement pour les dettes COFACE, comme l'indiquait déjà très justement notre excellent rapporteur Michel Charasse l'an dernier.

En pratique, la représentation nationale n'a de réel contrôle que sur les 15 % des annulations de dettes qui sont imputés sur des chapitres budgétaires. Il faut vraiment améliorer la transparence de ces annulations de dettes. Pour cela, il serait par exemple souhaitable que des parlementaires puissent faire partie de la commission d'attribution des prêts COFACE : on y verrait dès lors un peu plus clair.

Par ailleurs, l'ONU estime que le niveau actuel de l'APD mondiale devrait au minimum doubler pour permettre d'atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. La Grande-Bretagne, soutenue en cela par la France, a proposé que soit lancé un grand emprunt pour réaliser plus rapidement les Objectifs du millénaire. J'aimerais savoir, messieurs les ministres, ce qu'il en est de cette proposition, qui nous semblait fort intéressante.

La sincérité budgétaire des crédits de l'APD s'est, quant à elle, améliorée en 2004, malgré des retards de paiement très dommageables pour de nombreux acteurs, particulièrement certaines ONG, qui se sont trouvées, de ce fait, pendant de long mois, en grande difficulté.

Jusqu'à présent, les crédits de l'APD ont été heureusement fort peu touchés par les opérations de régulation budgétaire. Mais il convient, messieurs les ministres, de rester très vigilant sur cet impératif de sincérité budgétaire en 2005. Je rappellerai l'ampleur des régulations budgétaires qui avaient, hélas ! frappé les crédits du ministère des affaires étrangères en 2003.

Concernant ce projet de budget, j'ai relevé que l'aide bilatérale devrait augmenter de 16,1 % en 2005, au détriment de l'aide multilatérale, qui diminuerait de 1,8 %, du fait de la baisse des contributions aux banques et à certains fonds de développement.

L'Afrique subsaharienne demeure la priorité de la coopération française, et cela me paraît heureux, puisqu'elle a reçu près de 60 % des crédits en 2003, l'ensemble du continent africain étant destinataire de plus de 70 % de ces crédits.

J'ai également observé qu'un effort soutenu avait été consenti, au sein du budget du ministère des affaires étrangères, au profit des contrats de désendettement-développement, qui constituaient le volet bilatéral additionnel à l'initiative d'allégement de la dette.

Je me réjouis, par ailleurs, que la France contribue au Fonds mondial de lutte contre le sida, à hauteur de 150 millions d'euros, conformément à son engagement de tripler ses versements, ce qui en fait le second donateur.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Oui !

M. Jacques Pelletier. Cet effort est bienvenu et nécessaire, compte tenu des ravages démographiques et économiques que crée cette pandémie, particulièrement en Afrique australe et en Afrique centrale, Mme Luc l'a rappelé avec force à l'instant.

M. Jacques Pelletier. En revanche, je déplore l'insuffisance de la dotation en crédits de paiement de l'Agence française de développement pour 2005 : elle pourrait conduire à réduire la part des dons dans la zone de solidarité prioritaire.

Si nous notons une augmentation relativement importante de notre participation au FED, dont les décaissements s'accélèrent, notre souscription au PNUD reste faible, à hauteur de 16 millions d'euros, et cela depuis quatre ans. De ce fait, la France perd l'influence qu'elle possédait de longue date dans cette organisation internationale, qui, j'ai pu le constater, accomplit un excellent travail.

J'ajouterai quelques mots sur le Haut Conseil de la coopération internationale, le HCCI, qui a été renouvelé début 2003, et que j'ai l'honneur de présider.

L'année 2003 a été une année de travail intense de préparation intense en commission. A ce titre, le HCCI a contribué à de nombreuses concertations entre les acteurs publics et privés, gouvernementaux et non gouvernementaux, de la coopération internationale, dans des domaines très variés.

Désormais, il travaille à plein régime et assure une concertation régulière et apaisée entre les différents acteurs de la coopération internationale pour le développement. Il contribue en outre largement à la sensibilisation de l'opinion publique aux enjeux de la coopération ; c'est même là une de ses tâches essentielles.

Aujourd'hui même, j'ai participé à la remise des prix de la coopération internationale par le Premier ministre, à l'Hôtel Matignon. C'est une bonne initiative pour faire connaître et encourager les actions entreprises par les ONG, les collectivités territoriales.

Enfin, le HCCI formule de nombreux avis et recommandations à l'intention du Premier ministre.

Je suis sûr que, à la fin de l'année 2005, Michel Charasse estimera que le Haut Conseil de la coopération internationale accomplit du très bon travail !

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. C'est ce qu'il nous disait à l'instant !

M. Jacques Pelletier. Du reste, il s'est montré très objectif dans son rapport de 2004, et je l'en remercie.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Jacques Pelletier. Je conclurai en disant que, si la reprise de l'aide amorcée en 2002 se poursuit et atteint des montants globalement satisfaisants, les crédits réservés à l'aide-projet sont, en revanche, en diminution sensible et inquiétante. Notre aide doit renforcer son efficacité et s'adapter davantage à la situation des pays partenaires, en fonction de leur capacité à construire leurs propres politiques publiques.

Quoi qu'il en soit, après avoir bien étudié ce projet de budget, je le voterai, comme la majorité des collègues de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, votre tâche ne sera pas facile et vous aurez probablement du mal à mettre vos ambitions et vos priorités, que nous partageons pour l'essentiel, en adéquation avec vos moyens.

A vrai dire, nous sentons bien, à l'occasion de nos visites dans les différentes ambassades, que l'influence de la France est quelque peu malmenée. C'est dommage !

Quelle place pour la France en Europe et pour l'Europe dans le monde ?

Puisque le débat sur le projet de Constitution est lancé, j'ai envie de dire que, à l'évidence, il n'y aura pas d'Europe politique, pas d'Europe achevée tant que nous n'aurons pas fait une Europe de la défense et de la politique extérieure commune.

J'imagine, monsieur le ministre, que vous avez travaillé à ce projet de Constitution ; peut-être même en avez-vous rédigé l'article 10 dont le paragraphe 7 de l'article I-41, aux termes duquel l'OTAN « reste, pour les Etats membres, le fondement de leur défense collective. »

Cette option me paraît grave au moment où les Américains disent très clairement leur volonté d'imposer leur politique, où ils déclarent que les alliances traditionnelles, Alliance atlantique comprise, sont dépassées et entendent nouer des partenariats à la carte, où ils proclament sans ambiguïté qu'ils n'interviendront plus dans un quelconque conflit régional en Europe.

Face à cela, que doit faire l'Europe ? L'Europe peut-elle, aujourd'hui, émerger comme un véritable acteur ? N'est-elle pas quelque peu condamnée par sa faiblesse militaire, et aussi par ce projet de Constitutionnel, à ne jouer qu'un rôle mineur ?

Je préside la commission de suivi du Conseil de l'Europe et je peux vous dire que les Balkans occupent le plus clair de mon temps. Dans cette région, la situation n'est pas stabilisée, mais simplement gelée. Les Américains eux-mêmes disent que le conflit risque fort de ressurgir.

Lors d'un déplacement que j'ai effectué en Macédoine, la semaine dernière, j'ai constaté que la crise que nous pouvions craindre à l'occasion du référendum a été évitée, ce qui est un signe très positif et inattendu. Les partis albanais, ceux de la coalition au pouvoir comme ceux de l'opposition, ont fait le choix d'aborder la situation de façon responsable.

Cependant, la menace reste grande et la situation économique est dramatique : le taux de chômage atteint 70 % au Kosovo, 40 % en Bosnie comme en Macédoine.

L'issue de cette situation inquiétante dépendra du statut que nous donnerons au Kosovo et de la réponse que nous apporterons à ces pays sur leurs perspectives d'adhésion à l'Union européenne. Ce sera pour eux un élément de stabilité, même si l'échéance leur paraît lointaine.

Monsieur le ministre, s'agissant du Moyen-Orient, quel rôle l'Europe peut-elle jouer aujourd'hui au sein du Quartet ? La feuille de route est-elle toujours d'actualité ?

Vous savez fort bien que seul le plan Sharon est pris en considération par les Américains, les Républicains comme les Démocrates. Que Kerry eût été élu n'y eût rien changé !

Lorsque vous avez rencontré Yasser Arafat, il vous a sûrement posé cette question, à la fois forte et naïve : que fait l'Europe ? Qu'avez-vous répondu et que pouvons-nous répondre à cette interpellation, qui peut avoir une connotation dramatique, sinon que, en réalité, l'Europe n'existe pas ?

Que faut-il penser, aussi, de ce futur ministre des affaires étrangères « hors-sol », dont la mission sera extrêmement délicate tant qu'il n'y aura pas une volonté de définir une politique étrangère commune ?

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger également sur l'Iran, où M. Solana s'est rendu récemment et où je me trouvais moi-même la semaine dernière.

Quelle sera l'issue de l'accord passé sur le programme nucléaire iranien ? Nous saluons ce bel acte diplomatique, même s'il est totalement informel, et je dis bravo à cette initiative de la France, rejointe par l'Allemagne et la Grande-Bretagne, car l'enjeu est majeur : la crise, imminente au moment des élections américaines, demeure latente. La menace est réelle, mais nous en avons à peine conscience.

L'Iran a-t-il, d'après vous, monsieur le ministre, définitivement renoncé à l'enrichissement de l'uranium ? Sachant qu'il s'agit d'une mesure strictement volontaire de sa part, de quelles garanties et de quels moyens de vérification disposons-nous ? Comment la France accompagne-t-elle ce processus ? Quelles sont les possibilités de coopération ?

Depuis la signature de l'accord, il y a eu des reculs : en particulier, l'accès aux sites n'est pas illimité ; l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, en a pris acte. La confiance avait été difficile à établir et la méfiance est maintenant de retour.

Les Etats-Unis veulent, pour leur part, un arrêt total, immédiat et définitif du processus nucléaire. Ils évoquent déjà des programmes « cachés », « parallèles » ou « non déclarés ». Nous savons tous que leur méfiance est grande et que leur volonté reste entière de saisir seuls et directement le Conseil de sécurité de l'ONU.

Le président Bush a déclaré à Ottawa, le 30 novembre dernier : « Cette étape est positive... mais ce n'est sûrement pas la dernière pour lever les craintes des Américains. » Cela sonne un peu comme un avertissement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.

M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux tout d'abord, à cette tribune, avoir une pensée solidaire pour nos compatriotes de Côte d'Ivoire et rendre un hommage solennel à tous les acteurs du ministère des affaires étrangères qui, tant sur le terrain qu'à Paris, ont participé aux opérations de rapatriement et d'accueil en France de nos ressortissants. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Encore les violons ! Ils remettent ça !

M. Robert Del Picchia. Plusieurs collègues, en particulier M. Cantegrit, ont évoqué la situation de nos compatriotes rapatriés.

En France, ils pourront bénéficier crédits annoncés par le Premier ministre pour faciliter leur retour et leur réinsertion.

J'attire cependant votre attention sur le sort de nos compatriotes qui ont trouvé refuge dans d'autres pays africains, comme le Ghana, le Sénégal, ou au Liban, et qui ne peuvent retourner en Côte d'Ivoire en raison, notamment, de la fermeture des écoles.

Les conseillers locaux à l'Assemblée des Français de l'étranger, MM Chappelet et Brette, nous ont alertés sur le problème suivant : les efforts consentis sur place par l'ambassade de Dakar ne suffiront plus si la situation ivoirienne perdure.

Le service social du consulat de Dakar joue en quelque sorte le rôle de guichet unique que l'on met en place dans les préfectures en France. Il serait donc souhaitable qu'une partie des 5 millions d'euros promis par M. le Premier ministre puisse être mise à la disposition de l'ambassade à Dakar, ville où se trouvent près de 10 % des Français qui ont quitté Abidjan ; c'est un chiffre très important. Ces compatriotes ont aussi besoin de cet argent.

Monsieur le ministre, je voudrais vous dire combien nous apprécions l'action que vous menez au Quai d'Orsay : vous avez su relever le défi de la succession. Pourtant, je le reconnais, vous n'avez pas été épargné par l'actualité ; nous ne pouvons que vous féliciter, ainsi que Mme Haigneré et M. Darcos, pour vos engagements et pour vos succès diplomatiques.

Monsieur le ministre, vous souhaitez une diplomatie d'influence. Vous le savez, la Haute Assemblée développe également la diplomatie parlementaire, ...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Quelle horrible expression !

M. Robert Del Picchia. ... et je pense que tout le monde comprend aujourd'hui que les deux sont, non pas en opposition, mais complémentaires.

L'examen du projet de budget des affaires étrangères pour 2005 me donne aussi l'occasion d'exprimer plusieurs préoccupations.

Plusieurs de mes collègues ont évoqué la politique internationale ; Serge Vinçon en a même dressé un tableau parfait.

Pour ma part, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les préoccupations de l'Assemblée des Français de l'étranger, l'AFE.

Je poserai tout d'abord une question technique - je prie mes collègues qui ne sont pas membres de l'AFE de m'en excuser, mais il se trouve que le ministre des affaires étrangères est, de droit, président de cette assemblée - qui n'a pas encore été tranchée officiellement : elle concerne la seconde session plénière de l'AFE.

Le décret du 6 avril 1984 modifié précise, dans son article 5, que « l'assemblée plénière et le bureau se réunissent au moins une fois par an ».

Or, d'une année sur l'autre, les dossiers traînent et l'actualité n'est évidemment plus la même. Bref, les données ont changé et les élus ont oublié quels problèmes étaient restés en suspens.

Nous en avions parlé au sein de la commission de la réforme, une deuxième assemblée plénière au printemps permettrait un meilleur suivi et une plus grande efficacité des travaux des commissions permanentes.

Le coût d'une telle décision serait relativement minime dans la mesure où le bureau et deux commissions se réunissent déjà durant cette période. Votre prédécesseur en avait d'ailleurs accepté le principe. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner votre sentiment à cet égard, voire votre accord ?

Une autre question préoccupe les conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger : le statut, et donc les indemnités, des Français de l'étranger.

On nous rétorquera que nous demandons encore de l'argent. Mais, vous le savez fort bien, monsieur le ministre, les indemnités forfaitaires que perçoivent les élus de l'AFE ne couvrent pas, loin de là, les frais réels qu'ils engagent pour participer aux travaux de l'assemblée à Paris et pour se rendre aux différentes réunions locales.

Le bon exercice du mandat de conseiller ne saurait être réservé aux personnes fortunées et aux bénévoles ; c'est contraire aux principes de la République. Ces conseillers sont élus au suffrage universel direct, et il faut les traiter comme tels !

Je tiens d'ailleurs ici à rendre un hommage appuyé à leur dévouement, car ils réalisent un travail remarquable sur le terrain. Leur action et leurs mérites doivent être reconnus.

Comme tout élu de la République, ces conseillers doivent avoir les moyens d'exercer leur mandat, au même titre qu'un conseiller général ou un conseiller régional.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que l'Etat s'engagera réellement à revaloriser la fonction d'élu au sein de l'Assemblée des Français de l'étranger ? Dans un premier temps, vous pourriez peut-être diligenter une étude sur cette question.

J'aborderai maintenant, mes chers collègues, une question ayant trait à l'Europe.

S'ouvrira très bientôt dans notre pays un grand débat institutionnel sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Le chef de l'Etat a choisi la ratification par référendum. Il semble que l'organisation de ce référendum soit prévue à la fin du premier semestre de l'année prochaine ou à l'automne.

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez des informations ?

M. Robert Del Picchia. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le « danger annoncé » d'une faible participation de nos concitoyens français établis hors de France.

En effet, nos compatriotes de l'étranger se sont déjà malheureusement éloignés des enjeux européens depuis la réforme de l'élection des représentants au Parlement européen, qui ne les a pas pris en compte dans la création des huit nouvelles circonscriptions, ce que nous avons vivement regretté.

Conscient de l'effet de spirale négative de l'abstention à une élection, j'ai déposé une proposition de loi tendant à instituer le vote électronique à distance...

M. Jean-Louis Carrère. Comme aux Etats-Unis ?

M. Robert Del Picchia. ... lors des référendums pour les Français inscrits dans les centres de vote à l'étranger, car les taux d'abstention y sont particulièrement élevés s'agissant des consultations référendaires.

Lors du référendum sur le traité de Maastricht, la participation a été de 42 %, alors que la mobilisation avait été importante ; lors du dernier référendum, le taux est tombé à 14 % ! Si l'on continue ainsi, monsieur le ministre, la participation finira par être négative ! (Sourires.)

Les causes de cette désaffection pour les urnes sont multiples : éloignement du bureau de vote - et il arrive qu'il n'yen ait pas du tout ! -, du fait de l'étendue de certains territoires, manque de culture électorale...

Il faut donc réformer les modalités de vote pour nos compatriotes de façon à rendre le vote possible et attractif.

En juin 2003, l'élection des conseillers à l'AFE pour les Etats-Unis a prouvé l'efficacité du vote électronique à distance : 60 % des personnes qui ont voté ont choisi le vote par Internet. Certes, le taux de participation n'a pas été plus fort, mais il est resté stable, alors que, dans le pays voisin, au Canada, il a baissé de 7 points, passant de 24 % à 17 %.

Le vote électronique à distance, en complément des modes traditionnels, devrait donc favoriser la participation des Français établis hors de France à ce référendum très important sur le traité constitutionnel. Je rappelle que la moitié des Français de l'étranger résident en Europe et qu'ils sont, bien entendu, directement concernés.

Cela constituerait également un galop d'essai pour l'élection à l'Assemblée des Français de l'étranger qui se déroulera en 2006.

Le Président de la République, le Premier ministre et nombre de ministres se sont prononcés en faveur du vote électronique à distance pour les Français de l'étranger ; en France, c'est un autre problème, et il est peut-être encore trop tôt pour y songer. En tout cas, je crois, pour nos concitoyens établis à l'étranger, le vote électronique leur donnerait de meilleures chances d'exercer normalement leur droit de vote.

Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous pourrez apporter à ces questions qui sont importantes pour les conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger comme pour nos compatriotes établis hors de France, et je vous assure de mon soutien sur le projet de budget que vous présentez aujourd'hui devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, je le regrette, mais le projet de budget pour 2005 qui nous est présenté n'enraye pas réellement la décrue des moyens accordés à la politique internationale de la France. A périmètre constant, la hausse réelle des crédits est de 1,20 %, soit un taux inférieur à celui de l'inflation.

Heureusement, l'appréciation de l'euro permettra au ministère des affaires étrangères - et il est la seule « entreprise » française qui puisse s'en féliciter ! - de fonctionner, de remplir ses engagements internationaux et aussi de fournir une aide aux Français de l'étranger. En effet, sans cette appréciation, avec des crédits qui stagnent, le ministère ne pourrait pas continuer à leur apporter son aide.

Monsieur le ministre, on peut dire que vous êtes heureux de n'avoir perdu que cent postes budgétaires. En l'espace de dix ans, ce sont 9 % des capacités du ministère qui ont été perdues. Pourvu que cela s'arrête un jour !

Et pourtant, ce ministère élagué, ébranché, émondé, a gardé de belles ressources humaines. Dans les situations de crise, il se révèle vraiment d'une grande efficacité.

Ainsi, l'organisation du repli en catastrophe de près de 9 000 Français de Côte d'Ivoire a mis en relief ses points forts : réactivité, efficacité et dévouement. Ces qualités sont apparues de manière éclatante dans la mise en oeuvre du plan de sécurité par le consulat à Abidjan, dans l'installation immédiate de la cellule de crise à Paris et dans l'affrètement des avions. Vos fonctionnaires de tous grades ont donné le meilleur d'eux-mêmes, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ces fonctionnaires, si souvent vilipendés par le discours libéral à la mode,...

M. Josselin de Rohan. C'est grotesque !

M. Robert Bret. Il s'est reconnu !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... se sont montrés inventifs, capables de travailler sans compter au service de leurs compatriotes et de la nation.

La valeur du service public s'est manifestée avec éclat.

M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas brillant !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le duc, je vous en prie !

M. Josselin de Rohan. Je l'entends comme je l'écoute !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je le répète, la valeur du service public s'est manifestée avec éclat. J'aimerais savoir quelle entreprise privée, uniquement attachée à maximiser le profit, aurait obtenu un tel dévouement de son personnel dans ces circonstances de crise !

M. Jacques Blanc. Il ne faut pas les opposer !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Que l'on cesse donc de vilipender les fonctionnaires !

M. Robert Bret. C'est très bien ! Elle a raison !

M. Josselin de Rohan. Lamentable !

M. André Trillard. Quel archaïsme !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. J'aimerais m'exprimer dans le calme, monsieur le président !

M. Josselin de Rohan. Alors ne provoquez pas !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, votre administration a des ressources, et nous souhaiterions les retrouver dans son fonctionnement quotidien.

Trois travers anciens expliquent qu'il n'en soit pas toujours ainsi.

Tout d'abord, est fort regrettable cette espèce de cascade du mépris qui rejaillit du haut vers le bas et décourage tout le monde, qu'il s'agisse des agents, des recrutés locaux, les usagers français des consulats, souvent, et les demandeurs de visa, presque toujours.

A ce propos, je vous rappelle la situation des recrutés locaux : ils assument des responsabilités grandissantes. Quelles mesures effectives prendrez-vous, monsieur le ministre, pour qu'ils bénéficient enfin de la considération, de la rémunération et des perspectives de carrière sans lesquelles leur sort restera celui d'une piétaille méprisée ?

Ensuite, le ministère des affaires étrangères continue de trop méconnaître les métiers. Dès lors qu'un fonctionnaire a passé le concours, il est censé voltiger avec élégance et efficacité du consulaire au culturel, de la gestion à la diplomatie, des ressources humaines au multilatéral. Un travail réellement productif supposerait tout de même des compétences dominantes. Au-delà de la bivalence, a fortiori de la trivalence, on sombre dans l'amateurisme !

Enfin, la mobilité des personnes est une nécessité, mais elle est probablement excessive. Le mouvement est trop rapide. A quoi bon s'investir, à quoi bon acquérir de nouvelles compétences si elles ne sont ensuite ni reconnues ni utilisées ?

Je demande donc que le ministère des affaires étrangères se donne les moyens d'être bon dans le quotidien comme il sait être excellent dans l'urgence. Voilà ce que ces agents et les Français de l'étranger qu'il administre attendent de l'impulsion que vous lui donnerez, monsieur le ministre.

J'aborderai maintenant nos interrogations quant à l'avenir de l'aide publique française au développement.

Le CICID du 20 juillet 2004 a confié à l'Agence française de développement, qui reste une banque, l'essentiel de notre aide publique au développement, sur des sujets aussi sensibles que l'éducation et la santé.

Il ne s'agit pas seulement là d'un changement technique, monsieur le ministre : c'est un changement de conception de l'aide. On voit bien quelles sont les racines de ce choix. Le contexte de l'aide publique au développement a changé du fait de la mondialisation.

Pour rester dans le mouvement mondial, pour s'inscrire dans les perspectives du Millénaire, la France aligne sa coopération bilatérale sur les pratiques des bailleurs de fonds multilatéraux, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou du Fonds européen de développement. La France délègue donc son APD à un opérateur-pivot, ce qui est bien, mais cet opérateur fonctionne déjà totalement selon les normes de ces bailleurs, ce qu'il est permis de juger moins bien.

En effet, sans être le moins du monde nostalgique de la coopération de substitution ni de l'aide-projet, j'estime que leurs atouts méritent d'être sauvegardés. Je m'adresse là tout particulièrement à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie : le grand mérite de l'aide-projet, c'est la proximité, la visibilité et le profit qui est directement sensible pour les populations.

L'aide-programme, version Banque mondiale, nous la connaissons aussi, et ses performances ne nous impressionnent pas vraiment : logique d'efficacité essentiellement comptable, mesurée à la quantité et à la rapidité des décaissements, ce qui suppose de ne faire que de gros projets ; coût élevé de la logistique centrale ...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est vrai ! C'est une agence de tourisme !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... et des experts en mission de courte durée ; disparition des relations de proximité entre les partenaires du Nord et ceux du Sud ; absence de visibilité pour les pays donateurs. C'est le cas de la France pour ce qui concerne les programmes Fast Track ou le FED.

A propos du FED, permettez-moi de faire une digression : comment le ministère des affaires étrangères va-t-il faire face au dernier appel de fonds de 2004 et aux appels de fonds de 2005 ? Le compte n'y est pas dans le budget.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Le collectif !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La France devra-t-elle une fois de plus verser des pénalités de retard à un fonds dont elle est le principal contributeur ? J'espère que non.

Je pose maintenant la question de la pérennité du modèle français d'aide au développement et de l'avenir des fonctions de votre ministère dans le système qui va être mis en place.

Dans le nouveau cadre, que reste-t-il au ministère des affaires étrangères et au ministère délégué à la coopération et à la francophonie ? En principe, la tutelle de l'AFD, partagée avec le ministère des finances. Mais je pense, comme M. Charasse, que la tutelle d'une banque... Mais passons !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ce n'est pas vraiment la spécialité de la maison !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il lui reste également, en principe, la responsabilité stratégique des actions de l'AFD et la conduite des coopérations régaliennes.

En réalité, l'AFD, qui n'a pas changé de statut, qui s'est dotée d'une direction stratégique et qui gérera l'essentiel des crédits de l'aide bilatérale non dispensés directement par le Trésor, mènera ses politiques sectorielles, avec un nombre très réduit de projets : une cinquantaine par an. Avec quoi apparaîtrons-nous en face de tous nos partenaires ?

Je ne vois pas très bien une DGCID privée de ses crédits et de ses hommes de terrain indiquer une ligne politique à une AFD devenue toute puissante, ou même la négocier.

Posons clairement la question : en confiant de très importantes prérogatives nouvelles à l'AFD - je ne mets pas en cause ses capacités de banque -, ne rétablit-on pas une espèce ministère de la coopération, sous la forme d'un établissement public, sans assistants techniques, donc sans contact avec les bénéficiaires directs ?

La relation entre le ministère et son opérateur aurait été plus saine si une véritable agence de développement avait été créée à côté de la banque.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Pourquoi une agence ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je crains que, demain, le pouvoir ne soit du côté de l'opérateur et non du côté du donneur d'ordre.

C'est pourquoi j'affirme que le Gouvernement doit régler un certain nombre de difficultés qui résultent de ce choix, opéré sans débat, ni avec les institutions représentatives, ni avec les agents du ministère, ni avec le Parlement.

L'AFD doit changer de statut. En effet, un conflit d'intérêt évident existe entre ses fonctions de banque et ses missions d'opérateur de développement. Erigée au rang d'opérateur-pivot de l'APD, elle ne peut être opérateur au sens de la LOLF.

Par ailleurs, l'AFD doit devenir capable de gérer de petits projets et de faire du qualitatif.

Actuellement, l'AFD sait faire grand, mais, au-dessous d'un décaissement moyen de 6 millions d'euros, elle juge les frais de gestion trop élevés. C'est très bien pour des routes. C'est moins bien pour l'éducation, parce qu'il ne suffit pas de signer des chèques pour construire des salles de classe : il faut former des instituteurs,...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Exactement !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... améliorer leurs conditions de vie et imaginer des alternatives à la scolarisation traditionnelle.

A défaut, monsieur le ministre, on fera du chiffre d'enfants scolarisés sans que, pour autant, les trafiquants d'hommes, les seigneurs de la guerre et du trafic de drogue, ainsi que les religieux fanatiques voient se tarir leur recrutement !

L'AFD saura-t-elle, par exemple, financer un modeste programme de santé comme celui qui est destiné aux femmes de Kollo, au Niger, emblématique d'une coopération triangulaire associant la France, la Tunisie et le Niger ?

Je crains que l'évolution en cours ne signe la fin de l'assistance technique. Qui va sauver ce qui reste de la culture française du développement, une culture qui s'enracinait dans le ministère de la France d'outre-mer et que le ministère de la coopération avait enrichie ?

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cette culture est-elle condamnée à disparaître, dans la mesure où, actuellement, il y a des développeurs, des médecins, des ingénieurs, des urbanistes qui se replient sur un poste en France ou partent à la retraite ?

Le ministère des affaires étrangères doit préserver sa capacité à orienter l'aide publique au développement. La DGCID doit être renforcée et stabilisée : cinq directeurs en six ans, c'est beaucoup ; 450 agents -  par rapport aux 850 de l'AFD -, c'est peu !

Nous réclamons une clarification, la stabilisation institutionnelle et le renforcement des capacités stratégiques de votre ministère. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. « La France garde mal la paix », « L'armée recule sur le front des chiffres », « Images indésirables sur Canal Plus ». C'est, bien sûr, de la situation en Côte d'Ivoire qu'il s'agit. Sujet d'actualité, certes, mais qui ne date pas d'aujourd'hui : c'est un nouveau chapitre d'une vieille histoire qui lie notre pays et notre population à ce pays et à sa population.

Aujourd'hui, messieurs les ministres, le sang a coulé. Je m'inquiète du sort des militaires français en Côte d'Ivoire. Je pense à ceux qui sont tombés et à leur famille. Ils méritent bien l'hommage que nous leur rendons.

Je pense également aux ressortissants français, victimes d'une incroyable violence, mais aussi, dans notre pays, d'un certain abandon.

Je vous donne lecture d'un article d'un quotidien que vous connaissez bien, monsieur le ministre délégué, Sud-Ouest :

« Henri Emmanuelli vient d'écrire au Premier ministre Jean-Pierre Raffarin afin d'attirer son attention sur " les conditions parfois dramatiques d'arrivée en France des réfugiés de Côte d'Ivoire ".

« Dans les Landes, sept familles sont concernées. "L'Etat ne leur a accordé qu'une aide de 150 euros à leur arrivée ; ce montant est insignifiant par rapport à leurs besoins immédiats", souligne le député.

« Le conseil général des Landes a décidé de leur attribuer une aide de 1 000 euros par personne pour novembre et décembre. »

Nous sommes bien obligés de prendre en compte le désarroi et la détresse financière dans lesquels sont plongés ces compatriotes.

Je me dois aussi de parler des civils ivoiriens morts ou blessés. Dans ces situations de guerre, de violence brute, il n' y a pas de victimes qui seraient plus victimes que les autres, il n'existe pas d'échelle qui nous permettrait de distinguer entre les bonnes et les mauvaises victimes.

Toutefois, je le crois, c'est au détenteur de la force, de la plus grande force, en chaque circonstance, de définir l'usage qui doit être fait de cette supériorité possible dans la violence.

Sans chercher la polémique, j'affirme que le maintien de l'ordre ne s'improvise pas. Dans cet hémicycle, il y a des spécialistes de la question !

Vérité en France, vérité à Abidjan ! Pour « traiter », comme on dit, une émeute, une manifestation ou pour réprimer une foule déchaînée, doit-on se contenter d'utiliser la force militaire, avec les méthodes et l'engagement que cela suppose ? Cela peut se révéler nécessaire, dans certaines circonstances, mais, pour ce genre d'action, dont les conséquences peuvent être lourdes et se mesurer en vies humaines, ne vaut-il pas mieux faire appel à des spécialistes ?

Ne nous laissons pas entraîner dans une politique qui tendrait à tout résoudre par la force militaire, sans discernement, sans nuance. Bref, ne faisons pas les mêmes erreurs tragiques que les dirigeants d'outre-Atlantique, qui donnent souvent une réponse militaire à des questions politiques, ce que nous condamnons.

Le Gouvernement semble ne pas toujours vouloir dire nettement à la nation tout ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire. Or, messieurs les ministres, il s'agit d'un dossier complexe, douloureux et dangereux, où l'avenir de milliers de Français est en cause, où nos soldats sont engagés au péril de leur vie. Nous avons le sentiment que, selon les jours, les thèses gouvernementales varient. Ce n'est pas bon signe ! Une commission d'enquête a été demandée à l'Assemblée nationale, une mission d'information a été réclamée au Sénat. Il serait sage d'accepter ces propositions.

Notre politique africaine n'est pas assez lisible. Elle manque, me semble-t-il, de cohérence, et elle conduit parfois à des drames humains comme ceux qui ont été vécus ces jours-ci à la fois par notre armée, par la communauté française et par la population ivoirienne.

Je le dis fermement et clairement, m'adressant ici aux responsables politiques, à ceux qui ont dirigé les opérations diplomatiques et militaires ayant abouti à la situation actuelle. Je parle ici de responsabilité politique !

II ne s'agit pas, ici, de dresser le bilan de la situation ; il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur l'orientation que votre prédécesseur, monsieur le ministre, a imposée lors des accords de Marcoussis. Ce temps viendra sans doute. Aujourd'hui, l'urgence est à la résolution de la crise ; celle-ci passe par une solution politique et non militaire.

La responsabilité du président Laurent Gbagbo est bien entendu centrale. Celle des forces dites « nouvelles » est aussi fortement engagée. Les solutions pour redonner un espoir, un avenir à la Côte d'Ivoire appartiennent désormais à l'Afrique elle-même, à l'Union africaine, sous l'égide des Nations unies. La feuille de route proposée aux Ivoiriens par le président sud-africain, Thabo Mbeki, constitue un motif d'espoir.

Il faut relancer le processus politique de paix. L'adoption de la révision constitutionnelle et la mise en place de réformes législatives auraient dû intervenir, vous le savez, avant le 30 septembre, et le désarmement aurait dû être engagé avant le 15 octobre.

Les principes sont clairs : respect de l'intégrité des territoires et légitimité des gouvernements ; leur application est difficile. Le Conseil de sécurité a réaffirmé, lors de la résolution 1572 du 15 novembre 2004, son ferme attachement au respect de la souveraineté, de l'indépendance, de l'intégrité territoriale et de l'unité de la Côte d'Ivoire.

Il faut que les parties s'engagent à respecter les accords, notamment pour le règlement de la question de l'éligibilité à la présidence de la République, le désarmement des groupes paramilitaires et des milices, sans oublier le démantèlement des groupes de « jeunes patriotes » émeutiers.

De nôtre côté, nous souhaitons que le contenu et la cohérence des missions assignées à la force Licorne soient précisés à la lumière des derniers événements.

En guise de conclusion, messieurs les ministres, je poserai deux questions.

Premièrement, comment la France et l'Europe pourraient-elles contribuer au désarmement indispensable pour le rétablissement de l'intégrité territoriale du pays, qui est une obligation préalable à l'organisation des élections en 2005 ?

Deuxièmement, envisagez-vous, dans le cadre du mandat de l'ONU, la recomposition de la force internationale dans le sens d'un plus grand multilatéralisme ? Est-il possible que les forces françaises soient relayées par une force européenne qui, au côté des forces africaines de la CEDEAO, constituerait l'ossature de l'ONUCI ? Est-il prématuré de l'envisager ?

On ne résout pas une crise aussi grave sans une ligne politique claire, cohérente, donc compréhensible.

Mais au fait, monsieur le ministre, le Gouvernement et le Chef de l'Etat ont-ils une politique pour la Côte d'Ivoire ? Si oui, quelle est-elle ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et où est la caisse du cacao ?

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous allons bientôt vivre une « révolution budgétaire » puisque nous nous apprêtons à discuter, dès 2006, le budget de l'Etat au diapason de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

Nous allons passer d'une logique comptable à une dimension, beaucoup plus politique et performante, d'objectifs et de moyens. Cette culture nouvelle, pour réussir, doit reposer sur des bases saines, et ce projet de budget représente la dernière occasion d'orienter ce « futur » budgétaire. Alors, parlons-en !

Les Français de l'étranger espéraient beaucoup de cette approche moderne. Comme ils sont eux-mêmes spécifiques, ils espéraient bénéficier d'un programme spécifique, où leur identité serait pleinement reconnue, où leur sort budgétaire ne serait plus partagé avec d'autres préoccupations financières. Ils ont toujours demandé des crédits et des structures administratives individualisés, de façon à percevoir clairement l'action des pouvoirs publics à leur endroit.

Comment, en effet, apprécier sérieusement l'effort consenti en faveur de nos compatriotes expatriés, si durement éprouvés ces derniers temps en Côte d'Ivoire et dans d'autres régions du monde, si les crédits qui leur sont affectés sont mêlés à ceux des étrangers en France ?

Or, dans la nouvelle nomenclature, le sort budgétaire de nos compatriotes est confondu avec celui des étrangers en France, lesquels, de surcroît, semblent davantage au centre des préoccupations du Gouvernement. Cette nomenclature correspond à la structure administrative actuelle du ministère, où une même direction est chargée des Français de l'étranger et des étrangers en France.

Toutefois, ce n'est pas la structure administrative qui doit primer dans la nouvelle loi de finances. C'est à elle de s'adapter aux impératifs politiques. La loi de finances est, en effet, monsieur le ministre, un instrument politique, permettant d'élaborer et de concrétiser des politiques bien définies. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, lorsqu'on appartient à la majorité, on vote le budget même si on ne l'apprécie pas !

L'examen du projet de loi de finances devrait donner l'occasion d'aborder le sort des Français de l'étranger dans leur globalité, d'une manière dynamique et novatrice. Il serait donc politiquement judicieux de séparer, sur un plan budgétaire, les Français de l'étranger des étrangers en France, et je ne saurais trop insister pour qu'il en soit ainsi.

Nos compatriotes d'outre-frontière sont des Français comme les autres, des Français à part entière. Ils ne peuvent être confondus avec les étrangers en France. Ils attendent un signal clair en ce sens de la part des pouvoirs publics.

Monsieur le ministre, l'Assemblée des Français de l'étranger demande depuis des années que son budget propre soit individualisé au sein du budget des affaires étrangères. Pourrait-on imaginer, en France, une assemblée élue au suffrage universel direct dont les crédits seraient mêlés à ceux destinés aux étrangers en France et à d'autres organismes publics ou privés ? Pourtant, depuis des années, les crédits de l'AFE sont mêlés à ceux qui financent d'autres besoins.

Si le législateur a accepté de modifier récemment la dénomination de Conseil supérieur des Français de l'étranger en celle d'Assemblée des Français de l'étranger, c'est bien pour souligner le fait qu'il s'agit d'une assemblée bénéficiant de la seule légitimité qui l'emporte sur toute autre dans un Etat de droit : le suffrage universel ! Il ne s'agit pas d'un simple service du ministère des affaires étrangères !

C'est pourquoi, monsieur le ministre, il est indispensable -  et il est encore temps ! - que la réforme budgétaire fasse progresser la démocratie sur ce point.

Dans le document appelé « Préfiguration de la loi organique relative aux lois de finances, "action extérieure" », je me félicite que l'Assemblée des Français de l'étranger soit mentionnée. Deux lignes lui sont en effet consacrées. C'est maigre ! Mais c'est déjà un progrès !

Monsieur le ministre, je vous propose de faire chaque année un peu plus, d'ajouter ligne après ligne, en commençant par une référence explicite aux crédits et aux personnels mis à la disposition de cette assemblée. Nous aboutirons ainsi à un résultat satisfaisant pour tout le monde, y compris pour vous-même, car vous y verrez plus clair dans cette question.

Je tiens à féliciter le Gouvernement - car s'il y a quelques critiques, les félicitations constituent l'essentiel, ne l'oublions pas ! - quant au choix des autres actions figurant dans le programme consacré aux Français de l'étranger, en particulier à un service public de qualité, à l'enseignement et à la sécurité.

Le Gouvernement a affecté une somme importante, 8 millions d'euros, à nos compatriotes de Côte d'Ivoire. Mais quelles sont les actions envisagées en faveur de ceux qui ont tout perdu, en particulier des chefs d'entreprise, de leur reconversion en France ou en Afrique ? Ils avaient investi. Ils ont des dettes, que les établissements français de crédit sont en droit de leur réclamer. Nos compatriotes ne pouvaient s'assurer pour les risques politiques, que les compagnies refusaient de prendre en charge.

Le Gouvernement envisage-t-il donc, dans l'immédiat, un moratoire des dettes, des aides spécifiques et des dispositions fiscales adaptées ? Voilà une question que l'on nous pose tous les jours !

Le Gouvernement prévoit-il surtout une coordination interministérielle, qui permette à nos compatriotes d'avoir un interlocuteur unique pour toutes les difficultés qu'ils rencontrent actuellement, et qui favorisera la liaison entre les organismes existants, lesquels font remarquablement leur travail : le comité d'entraide aux Français rapatriés, qui n'a d'ailleurs pas de moyens suffisants, les associations caritatives qui ont beaucoup oeuvré et les administrations compétentes dans les départements et communes d'accueil.

Je vous félicite également, monsieur le ministre, pour l'intérêt que vous portez à la réforme des comités consulaires visant à les rendre plus proches de nos compatriotes, avec des attributions et des moyens plus substantiels. La mise en place, à titre expérimental, de ces comités consulaires généralistes est bien engagée. Nous souhaitons tous qu'elle aboutisse, au printemps prochain.

Vous le voyez, messieurs les ministres, les attentes de nos compatriotes expatriés sont nombreuses. Les Français de l'étranger et leurs élus espèrent, sur tous ces points, une évolution positive. Elle est possible, elle est souhaitable. Quels changements pouvez-vous nous annoncer ?

Avançons avec audace ! Imaginons une vraie collectivité d'outre-frontière, avec toutes ses lettres de noblesse ! Soyons novateurs ! Comme l'écrit Georges Bernanos, cet authentique Français de l'étranger, « Un grand peuple ne vit pas de son passé comme un rentier de ses rentes »... Alors, monsieur le ministre, allons tous de l'avant ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, le budget de l'aide au développement que vous nous présentez traduit la dynamique dans laquelle la France s'est engagée en faveur des pays en voie de développement.

Nos rapporteurs, M. Michel Charasse, au nom de la commission des finances, et Mme Paulette Brisepierre, au nom de la commission des affaires étrangères, ont souligné avec beaucoup de pertinence tous les éléments positifs de ce budget. Nous ne pouvons, en effet, que nous féliciter de la progression de l'aide publique française au développement, qui nous place au premier rang des pays qui consentent un effort important par rapport à leur PIB et au troisième rang des bailleurs en termes de volume de l'aide.

S'agissant des secteurs d'intervention prioritaires définis par le CICID du 20 juillet 2004, je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur un sujet particulièrement important : la coopération décentralisée en matière d'eau et d'assainissement.

Lors du sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg, en septembre 2002, le Président de la République rappelait avec force que près de la moitié de l'humanité n'a pas aujourd'hui accès à l'eau potable et à l'assainissement. Il appelait, dès lors, à une très forte mobilisation.

Nous le savons, mes chers collègues, les ressources en eau douce disponibles par habitant diminuent de manière dramatique et, au rythme actuel, les deux tiers de l'humanité subiront dans quelques années une situation de pénurie. L'accès à l'eau potable et à l'assainissement est au coeur des problématiques du développement. C'est un enjeu de solidarité, un enjeu de santé publique, mais aussi un enjeu social. C'est enfin une condition essentielle au décollage économique des pays touchés par ce drame.

Lors du troisième forum mondial de l'eau, à Kyoto, en mars 2003, le Président de la République ajoutait qu'une politique de l'eau efficace nécessitait des moyens considérables, provenant, certes, de l'aide publique dans le cadre de la solidarité internationale, mais aussi et surtout de la coopération décentralisée.

En effet, si les besoins sont immenses, les moyens de l'Etat sont, à eux seuls, insuffisants. L'intervention de nos collectivités territoriales et des agences de l'eau est donc indispensable. Il faut l'encourager, non seulement au nom de la solidarité, mais aussi au nom de la diffusion du modèle français de gestion de l'eau et du savoir-faire de nos entreprises.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Christian Cambon. A dire vrai, cet appel, les collectivités territoriales et leurs groupements l'ont entendu : elles mènent depuis longtemps des actions de coopération internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, en leur affectant une partie du produit de leurs redevances, et apportent ainsi une contribution précieuse à la politique de coopération de l'Etat.

Au titre des exemples les plus significatifs et parmi bien d'autres, citons le syndicat des eaux d'Ile-de-France, qui prélève 0,3 centime d'euros sur chaque mètre cube d'eau distribué et participe ainsi au programme européen « solidarité eau ». Depuis 1986, ce sont 8,6 millions d'euros qui ont ainsi été consacrés à des programmes d'aide au développement de réseaux hydrauliques dans des pays d'Afrique et d'Asie francophones. A ce jour, le bilan parle de lui-même : 1,6 millions de personnes ont pu bénéficier de cette aide, à travers 147 projets dans seize pays, grâce à la coopération décentralisée mise en oeuvre par 144 communes de la région Ile-de-France.

Malheureusement, les collectivités territoriales et les agences de l'eau se trouvent aujourd'hui en situation d'insécurité juridique, car il leur manque un cadre légal définitif pour conduire leurs actions.

M. Christian Cambon. En effet, en application du code général des collectivités territoriales, les actions de coopération décentralisée des services d'eau et d'assainissement ne peuvent être financées par les ressources propres de ces services. Or les communes ayant délégué leur compétence à ces mêmes services, elles ne peuvent plus les exercer à l'étranger.

Cette situation expose les collectivités concernées à la menace régulière de contentieux, brandie par un nombre croissant d'associations de consommateurs. Les opérations conduites dans les pays qui en ont le plus besoin peuvent donc, à tout moment, être remises en cause. Cela se produit déjà !

Ainsi, l'agence Seine-Normandie, qui consacrait depuis 1997 1 % de son budget à des formations et à des micro-réalisations d'alimentation en eau potable dans des pays en voie de développement, a été contrainte d'interrompre ces opérations en 2003. Il en est de même pour la communauté urbaine de Lyon.

C'est pour combler ce vide juridique et permettre au acteurs territoriaux de participer clairement, et dans la légalité, à l'effort de solidarité dans leurs domaines de compétence, que notre ancien collègue Jacques Oudin, auquel je souhaite ici rendre un hommage appuyé, avait pris l'initiative de déposer devant notre assemblée une proposition de loi. Ce fut l'honneur du Sénat de l'inscrire à son ordre du jour réservé et de l'adopter à l'unanimité le 22 juin dernier. (M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, acquiesce.)

Cette proposition, qui avait pour objet de permettre aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux agences de l'eau de s'engager dans la coopération internationale en modifiant le code général des collectivités territoriales, n'a toutefois pas encore été discutée à l'Assemblée nationale !

Permettez-moi, monsieur le ministre, de relayer l'attente de tous les élus qui souhaitent pouvoir agir au nom de la solidarité internationale, à l'abri de la menace des recours qui pèsent toujours sur leurs décisions. Je sais qu'il n'est pas de votre ressort d'intervenir dans le domaine réservé de l'Assemblée nationale. Pour autant, ma question sera simple : entendez-vous, d'une part, faciliter l'examen de ce texte dans les plus brefs délais et, d'autre part, cibler votre action vers la sécurisation juridique des opérations de coopération des collectivités publiques et de leurs groupements, car ils demeurent les principaux partenaires de l'Etat ?

C'est à cette seule condition que les élus locaux pourront rester mobilisés, agir efficacement à vos côtés, pour améliorer les conditions de vie et le développement des innombrables populations qui comptent sur notre solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Bergé-Lavigne.

Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quel que soit le regard que l'on porte sur Yasser Arafat et sur son action, nul ne peut nier qu'il a incarné pendant plus de quarante ans le combat des Palestiniens pour leur reconnaissance et pour la création d'un véritable Etat.

Ainsi que le déclarait Kofi Annam, « il a eu le courage d'accepter le fait qu'il devra y avoir deux Etats et que les Palestiniens devront vivre côte à côte avec les Israéliens ».

La disparition de Yasser Arafat ouvre une période nouvelle pour le Proche-Orient, instant fragile où le temps est suspendu, instant que les deux peuples devraient mettre à profit pour reprendre les négociations en vue d'une solution pacifique, juste et durable.

Pour le moment, les premiers jours de la transition se passent bien. Les premières décisions des Palestiniens démontrent la soif de démocratie de ce peuple.

Ami Ayalon, ancien chef de la sécurité intérieure israélienne, déclarait récemment dans Le Monde : « La majorité des dirigeants palestiniens sont très pragmatiques et parlent un langage politique identique au nôtre. J'ai aussi appris que, si la société palestinienne n'est pas une démocratie à l'occidentale, c'est la société arabe la plus démocratique qui soit et que la légitimité de leur responsable vient du peuple. »

Ainsi, bien avant la mort d'Arafat, 75 % des Palestiniens en âge de voter s'étaient déjà inscrits sur les listes électorales.

L'élection du nouveau président de l'Autorité palestinienne aura lieu le 9 janvier prochain. Or, mes chers collègues, en tant qu'élus, nous savons tous que, pour qu'un scrutin soit véritablement démocratique, il faut que les conditions de l'exercice de la démocratie soient respectées.

D'abord, tous les candidats qui le souhaitent doivent pouvoir faire acte de candidature. En Palestine, cette condition est remplie puisque l'on compte une dizaine de candidatures à la présidence.

Deuxième condition : tout candidat doit pouvoir se déplacer librement sur son territoire. Or, comment faire campagne dans des zones quadrillées par plus de 700 postes de l'armée israélienne, où les villes sont encerclées par des murs et des barrières, où circuler d'une agglomération à une autre est infiniment difficile ?

M'étant rendue plusieurs fois dans les territoires occupés, j'ai pu constater que, pour les Palestiniens, aller d'une agglomération à une autre dans des délais normaux est impossible. En effet, les routes directes étant réservées aux colons israéliens, ils doivent emprunter des chemins de montagne caillouteux et patienter parfois de longues heures aux barrages, autant de contraintes qui allongent considérablement la durée des trajets et rendent les déplacements aléatoires.

Organiser des élections libres dans un territoire occupé n'a pas de sens. Il ne saurait y avoir de liberté de vote sans liberté de circuler.

Enfin, et c'est la condition majeure, il faut donner aux Palestiniens une perspective, leur ouvrir un nouvel horizon politique. En effet, quel projet, quel programme crédibles peuvent présenter les candidats à l'élection si leur malheureux peuple n'a d'autre futur que l'enfermement dans des murs sur un territoire occupé et qui, du fait de la colonisation, se réduit comme peau de chagrin ?

Pour Israël et les Etats-Unis, Arafat était « un obstacle à la paix ». Arafat disparu, le prétexte tombe. Mais ne nous y trompons pas ! On ne peut réduire la question palestinienne à une confrontation entre deux hommes et, tant que les Palestiniens, qui ont reconnu Israël, ne recouvreront pas leurs droits, la question du Moyen-Orient ne sera pas résolue.

Pour citer Amos Oz, « les deux peuples savent maintenant que l'autre existe et la plupart des gens des deux côtés savent que l'autre ne partira pas ». Il faut donc réamorcer le processus de paix et, pour ce faire, laisser entrevoir un futur, donner une espérance aux Palestiniens, qui ont besoin de faits concrets et d'objectifs précis.

Feuille de route, accords de Genève, plan de paix du prince Abdallah : les projets ne manquent pas ! Projets élaborés, médiatisés et vite oubliés !

Je m'attarderai quelques instants sur l'accord de Genève, dit « accord Beilin-Abed Rabbo », ainsi que sur le plan du prince Abdallah. A la différence de la feuille de route, cet accord et ce plan ont le mérite d'aborder des points concrets, difficiles, douloureux, pour l'un et l'autre peuple : frontières, continuité territoriale, réfugiés. Il y a donc matière à négociation ; ne manque que la volonté de s'asseoir à la table des négociations.

Israël doit tirer les conséquences de la situation nouvelle créée par la mort de Yasser Arafat, donner des signes tangibles de sa volonté de reprendre les négociations, mettre fin aux décisions unilatérales et repenser « la terre contre la paix ».

Monsieur le ministre, de nombreux obstacles empêchent ces élections de se dérouler dans des conditions optimales : l'occupation, le mur, le problème de la population de Jérusalem-Est, les 7 500 prisonniers politiques, parmi lesquels se trouvent deux députés, dont Marouane Barghouti, candidat à la présidence.

L'Union européenne a montré sa volonté de soutenir le processus électoral par une aide technique ainsi que par l'envoi d'observateurs dont la mission est de vérifier la liberté de vote effective du peuple palestinien.

Monsieur le ministre, respectant les valeurs de notre République, la France s'est révélée exemplaire en accueillant sur son sol le leader palestinien venu finir ses jours dans un dernier exil.

Les élections auront lieu le 9 janvier prochain, donc très prochainement. Je me joins à notre collègue Robert Bret pour vous dire que nous souhaitons voir le Parlement s'associer pleinement à cet engagement. Le comité pluraliste de parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat pour les initiatives de paix au Proche-Orient, qui compte quelque 250 membres, vous a écrit : les volontaires ne manquent pas !

Dès lors, j'aimerais savoir quelles initiatives vous comptez prendre en vue d'apporter l'aide de la France à un processus électoral démocratique, qui conférera une forte légitimité au nouveau président de l'Autorité palestinienne, dans la perspective d'une paix juste dans cette région. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron.

Mme Françoise Henneron. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de la discussion, l'an dernier, du projet de loi relatif au droit d'asile, devenu la loi du 10 décembre 2003, nous étions tous convaincus que le succès de la réforme se jugerait sur le raccourcissement des délais d'examen des demandes d'asile, alors excessivement longs, et donc sur la mise en oeuvre de moyens supplémentaires pour l'Office de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, et pour la Commission des recours des réfugiés, la CRR.

C'est au vu de l'importance de ces délais que M. le Président de la République avait appelé de ses voeux, dans son allocution télévisée du 14 juillet 2002, une réforme immédiate du droit d'asile.

Il est vrai que la longueur de ces délais entraînait le cumul de graves handicaps, source d'iniquité pour les personnes réellement persécutées ou menacées dans leur vie ou dans l'exercice de leurs droits les plus fondamentaux.

Ces délais étaient, en revanche, mis à profit de manière systématique par les étrangers dont le souhait de s'établir dans notre pays ne reposait que sur des motifs économiques.

Ils provoquaient, en outre, une saturation du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile, préjudiciable tant à la dignité des personnes concernées qu'à une gestion attentive des deniers publics. C'est en effet à une véritable dérive des coûts estimés de la prise en charge des demandeurs d'asile que nous assistons depuis quelques années.

Comme vous le savez, mes chers collègues, l'OFPRA est un établissement public placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères, auquel est organiquement rattaché la Commission des recours des réfugiés.

Il peut sans doute paraître étonnant que cette juridiction administrative spécialisée, qui constitue d'ailleurs, avec ses 130 formations de jugement, la première juridiction française au regard de l'importance quantitative de son contentieux - 25 000 à 30 000 décisions annuelles -, ne dispose pas d'un budget propre. En effet, les crédits dont elle dispose sont inclus dans le budget de l'OFPRA, organisme dont elle contrôle les décisions.

Depuis la réforme, le Gouvernement a tenu l'engagement qu'il avait pris de renforcer les effectifs de l'OFPRA et de la CRR, et il poursuivra ses efforts en ce sens en 2005.

Vous déclariez, monsieur le ministre, le 9 novembre dernier, devant la commission des affaires étrangères du Sénat, que le financement de la réforme du droit d'asile constituait l'une des priorités du budget pour 2005, l'objectif étant de faire en sorte que la CRR traite les dossiers en trois mois d'ici à la fin de l'année prochaine, ce qui suppose une augmentation de 18 % des crédits de l'OFPRA.

Il est vrai que, si des progrès considérables ont déjà été accomplis au sein de l'OFPRA, il n'en va pas tout à fait de même pour la CRR. Le délai d'examen devant l'OFPRA, qui s'élevait à sept mois en 2002, a été ramené à deux mois, ce qui coïncide parfaitement avec l'objectif fixé lors des travaux parlementaires.

En revanche, l'objectif de quatre mois affiché par le Gouvernement comme délai d'examen de recours par la CRR est loin d'être atteint et avoisine plutôt un an aujourd'hui. Ne conviendrait-il pas, dans ces conditions, d'intensifier les efforts afin, notamment, d'améliorer l'organisation interne de la CRR et de renforcer le greffe ?

Paradoxalement, l'effort budgétaire en faveur de l'OFPRA et de la CRR entraînera, à terme rapproché, une source d'économie substantielle pour l'Etat. Rappelons en effet que le logement en CADA - centre d'accueil pour demandeurs d'asile - mobilisera, dans le budget des affaires sociales, 175 millions d'euros en 2005, soit 0,5 million d'euros par jour, tandis que l'hébergement en hôtel atteindra 1,3 million d'euros par jour, sans pour autant que le problème soit traité dans des conditions réellement convenables.

Toute diminution des délais aboutit à libérer des places d'accueil disponibles et à multiplier les chances d'accès des demandeurs d'asile aux CADA, ce qui constitue de loin la meilleure solution.

Il n'est pas si fréquent qu'une dépense plus importante au sein d'un ministère entraîne des économies bien plus considérables dans un autre. Gardons-nous donc d'oublier l'unité de l'Etat et celle du contribuable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Messieurs les ministres, mes amis du groupe socialiste vous ont déjà dit ce que nous pensions de votre projet de budget. A mon tour, j'aborderai brièvement un sujet qui me tient à coeur et qui, me semble-t-il, est quelque peu maltraité par la politique gouvernementale.

Il s'agit des crédits du chapitre 42-13 du budget des affaires étrangères, qui sont gérés par la mission pour la coopération non gouvernementale, mais qui ne sont pas tous consacrés à la coopération décentralisée.

Ces crédits, qui progressent de 3,5 millions d'euros, s'établissent à 37 millions d'euros pour 2005. Toutefois, cette augmentation, somme toute homéopathique, est destinée aux organisations de solidarité internationale, qui ont un grand retard à rattraper, et non pas à la coopération décentralisée.

D'ailleurs, les rapporteurs de nos commissions sénatoriales ont pu le vérifier : la diminution des crédits destinés à la coopération décentralisée est une réalité. Il y a, d'un côté, les discours et, de l'autre, une réalité financière un peu maigre. C'est ainsi que les crédits inscrits aux articles 30 et 40 du chapitre 42-13, qui s'élevaient à 7,35 millions d'euros, atteignent difficilement 6,54 millions d'euros en 2005.

Il s'agit là, selon moi, d'une évolution alarmante. Mon expérience au sein du conseil général de la Gironde m'autorise, me semble-t-il, à donner un point de vue réaliste sur l'état de la coopération décentralisée.

Par le biais de notre « mission de coopération internationale et décentralisée », nous avons souhaité développer une politique en matière d'échanges internationaux qui soit d'abord une politique de proximité, un outil destiné à affirmer la solidarité des territoires du Nord avec les régions du Sud, au service du développement local. De cette façon, nous essayons, comme beaucoup d'autres, de donner un sens à l'articulation entre la République, la diplomatie et les territoires.

Nous avons voté, en septembre 2004, la « charte de développement durable pour la coopération décentralisée ». La mission de coopération privilégie ainsi les projets à moyen et à long terme, s'assurant, dès leur conception, de leur fiabilité, de leur viabilité et du bénéfice direct qu'ils procurent aux populations locales.

Cette action s'articule aujourd'hui autour de trois territoires, et ce afin d'éviter un trop grand éparpillement de ses opérations. Il s'agit de la province du Houet, au Burkina Faso - le protocole d'accord de 1993 a été reconduit en novembre 2004 -, de la région de Poméranie occidentale, en Pologne - protocole d'accord signé en juillet 2004 -, et enfin de la wilaya d'Adrar-Timimoun, en Algérie - le protocole doit être signé en mars 2005

Fort de cette expérience, je voudrais, messieurs les ministres, vous faire part de notre inquiétude.

La diminution des crédits de l'Etat risque de mettre en péril les efforts des collectivités locales et d'entraîner une grande désillusion chez nos partenaires à l'étranger. Actuellement, les flux financiers provenant des collectivités territoriales en matière de coopération internationale ne cessent d'augmenter, alors que l'apport de l'Etat ne fait que diminuer. Il est donc à craindre que l'Etat ne se désengage de plus en plus de la coopération.

Je fais aussi remarquer que, au-delà des espèces sonnantes et trébuchantes, la contribution financière de l'Etat aux projets des collectivités représente souvent une « caution » importante aux yeux des autres cofinanceurs.

En réduisant ces crédits, l'Etat affaiblit donc doublement la coopération décentralisée.

Des efforts restent encore possibles en matière de coordination - et non pas de centralisation - des actions des collectivités françaises, lorsqu'elles agissent sur les mêmes territoires ou sur des secteurs d'activité proches. Aussi, les collectivités ont tout à gagner à travailler en « mutualisant » leurs actions, afin de mieux utiliser toutes les énergies existantes.

Si l'action des associations et des collectivités locales se fait en ordre dispersé, elle sera, malgré toute la bonne volonté déployée, très largement improductive.

Voilà pourquoi, messieurs les ministres, pleinement conscient des tâches qui restent à réaliser dans nos collectivités territoriales afin d'accroître notre efficacité, je me permets de vous adresser cet appel : faites en sorte que la coopération décentralisée puisse vivre !

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la réglementation en matière de visas d'entrée et de séjour des étrangers en France.

Cet aspect constitue trop souvent un obstacle sur la voie des partenariats que nos collectivités locales tissent avec des pays étrangers. En effet, et nous avons pu le vérifier dans le cadre de nos projets de coopération décentralisée, le refus d'un visa met sérieusement en danger la poursuite du projet. Nous sommes fréquemment confrontés à de telles situations. Nos partenaires sont alors tentés de s'adresser à d'autres opérateurs, dans d'autres pays, pour faire aboutir leur désir d'échange, d'ouverture et de progrès social. Ils ont parfois l'impression que la France leur ferme la porte.

Puissiez-vous, messieurs les ministres, convaincre certains de vos collègues d'oeuvrer pour que le comportement de la France soit plus conforme à sa tradition de terre d'accueil ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.

M. Louis Duvernois. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, plus de deux millions de nos compatriotes vivent à l'étranger et près de la moitié d'entre eux, hors d'Europe. Il n'est pas inutile de souligner une nouvelle fois qu'ils ne sont pas des citoyens de seconde zone et qu'ils doivent bénéficier des mêmes droits que leurs concitoyens vivant sur le territoire national.

A l'heure où l'Etat recentre ses priorités sur la responsabilisation des élus en leur déléguant des compétences nouvelles de gestion, ne peut-on envisager un même mouvement décentralisateur au profit de notre communauté expatriée, en transférant certaines compétences économiques, sociales, éducatives et culturelles à la toute nouvelle Assemblée des Français de l'étranger, que vous présidez de droit, monsieur le ministre ?

L'Etat ne peut continuer à entretenir l'illusion qu'il existe une égalité de droits entre les Français de l'étranger et les Français de France. Il ne peut pas davantage prétendre avoir accepté la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger, alors que, malgré son changement de dénomination, l'institution, composée de membres élus au suffrage universel direct, reste privée d'un budget autonome. La voix de l'AFE demeure consultative et ses élus sont toujours dépourvus de statut.

Il devient impératif de confier à l'AFE des compétences qui lui permettront d'élaborer des normes, en concertation avec les administrations concernées.

Les Français de l'étranger ne pourraient se réclamer des lois de décentralisation au motif, leur dit-on, qu'ils ne possèdent pas de collectivité de rattachement. Vous avez néanmoins reconnu, monsieur le ministre, qu'il est normal, pour la puissance protectrice de l'Etat, d'être à leurs côtés, comme cela est inscrit dans la nouvelle loi de décentralisation. C'est bien mais, vous le savez, la volonté du législateur reste inopérante si l'intendance ne suit pas et, surtout, si elle n'y est pas incitée par le pouvoir politique.

Dans le domaine de la formation professionnelle, secteur sensible pour nos compatriotes expatriés, nous rencontrons les plus grandes difficultés pour faire admettre la spécificité des Français de l'étranger. Les administrations ont du mal à concevoir l'exercice de cette démocratie de proximité hors du territoire national et l'application subséquente aux Français de l'étranger de la décentralisation, inscrite dans la nouvelle loi et voulue par le Gouvernement.

Ma première question est donc de savoir comment vos services qui gèrent et coordonnent les activités propres aux communautés expatriées appliqueront la réglementation.

Ma deuxième question concerne le souhait, maintes fois exprimé par les élus de l'AFE, d'abonder des 40 millions d'euros annuels nécessaires le budget du ministère de l'éducation nationale, afin de lui permettre de prendre en charge les bourses allouées aux jeunes Français scolarisés dans nos établissements à l'étranger, ce qui était encore le cas voilà quelques années,...

M. Jean-Louis Carrère. Sous la gauche !

M. Louis Duvernois. ...je le rappelle avec insistance, lui transférant ainsi une compétence exercée par l'AEFE, qui est placée sous votre tutelle, monsieur le ministre.

Là encore, nous ne pouvons que déplorer le manque de concertation politique entre les deux ministères. L'administration invoque régulièrement des incompatibilités pour éviter d'avoir à gérer les difficultés inhérentes à un transfert de la compétence relative aux bourses scolaires de l'AEFE au ministère de l'éducation nationale, pourtant gestionnaire des mêmes bourses pour les enfants scolarisés en France.

Vous connaissez, monsieur le ministre, les raisons du souhait d'un tel transfert. L'AEFE doit absolument élaborer une politique d'investissements immobiliers, mais elle n'en a pas les moyens. Les frais de scolarité dans nos établissements sont assumés en grande partie par les familles françaises à l'étranger. Ils augmentent d'année en année et sont de moins en moins supportables par des parents d'élèves à revenus modestes, pénalisés de surcroît par le mode de calcul dans l'attribution des bourses.

Nos établissements scolaires à l'étranger sont déjà financés à plus de 60% par ces familles. Rien ne s'oppose donc à ce que le ministère de l'éducation nationale, qui assure la scolarisation des enfants, gère à l'avenir l'enveloppe destinée aux bourses scolaires attribuées à d'autres familles françaises établies à l'étranger.

Monsieur le ministre, et ce sera ma troisième question, envisagez-vous de mener une concertation sur ce point avec le ministère de l'éducation nationale ? Le moment me semble propice pour entreprendre cette démarche, afin de répondre enfin aux attentes des élus de l'AEFE, dans la perspective de l'application progressive, dans la loi de finances, du format prévu par la LOLF.

En conclusion, je souhaite vous faire part de deux interrogations ponctuelles sur lesquelles je vous remercie de bien vouloir m'éclairer.

En premier lieu, où en est la mise en place du dispositif spécial d'aide à la réinsertion de nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire, récemment annoncée en conseil des ministres et portant sur la création d'un fonds de 5 millions d'euros, distinct de toute mesure d'indemnisation ? Ce fonds sera-t-il géré directement par les préfectures ou sera-t-il géré, en France, par le comité d'entraide aux Français rapatriés, dont j'ai pu mesurer sur place l'efficacité à Roissy, et, à l'étranger, par nos consulats, comme c'est le cas à Dakar, ville d'accueil de nombreux réfugiés, ainsi que l'a rappelé M. Del Picchia ?

En second lieu, après des mois et des mois de tergiversations, il semble que la chaîne d'information internationale, qui associe à parts égales TF1 et France Télévisions, verra le jour en 2005.

Mme Catherine Tasca. A parts égales ?

M. Louis Duvernois. « Chaîne d'influence », selon ses promoteurs, on peut déjà regretter qu'elle ne soit pas aussi destinée au marché européen, afin, semble-t-il, de « ne pas gêner le paysage audiovisuel de l'Union européenne » et de prévenir une éventuelle opposition de la Commission européenne au titre du contrôle des aides d'Etat.

TF1, société privée, n'investit pas un centime dans cette opération. Pourtant, elle refuse que cette nouvelle chaîne soit diffusée sur le territoire national. La construction européenne constituant notre avenir immédiat, la défense de nos intérêts communautaires passe également par cette stratégie audiovisuelle d'influence recherchée.

Monsieur le ministre, n'est-il pas alors paradoxal, voire choquant, que la dimension européenne, qui est vitale, ne soit pas prise en compte dans ce projet audiovisuel international d'envergure, piloté grâce à des fonds publics, à l'heure où vous souhaitez donner à votre ministère une impulsion politique par une européanisation croissante ?

Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des réponses concrètes que vous voudrez bien apporter aux questions précises que je vous ai posées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les occasions d'évoquer la francophonie sont rares. La mode est plutôt de disserter sur la globalisation, sans voir que la première peut être une des réponses, parmi d'autres, aux problèmes que pose la seconde.

Face à la pression de la langue anglo-américaine dans le monde et du modèle économique et juridique anglo-saxon, la France aurait bien tort de négliger son engagement passé et présent dans la communauté des cinquante-six pays francophones, sur les cinq continents.

Le développement de la francophonie institutionnelle, le rayonnement de la langue française à l'étranger, les échanges multilatéraux rendus possibles par une histoire commune et par le partage d'une langue, la défense de la diversité culturelle, ne sont pas des objectifs de second ordre. Ils ne méritent pas le sort que le Gouvernement leur réserve dans son budget.

On voit déjà que, dans le projet de budget des affaires étrangères pour 2005, les moyens consacrés à l'action culturelle à l'étranger stagnent : 1,10 milliard d'euros, comme cette année. Compte tenu de l'inflation, qui est proche de 2 %, les crédits, en euros constants, sont en baisse. Les dotations aux établissements culturels à l'étranger diminuent de 2,5 %. C'est un député UDF, François Rochebloine, qui précise, dans son rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, qu'« après avoir diminué de 6 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2004, la subvention de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui scolarise près de 157 000 élèves, devrait enregistrer, en 2005, une nouvelle baisse de 7,58 millions ». Les établissements culturels de coopération et de recherche à l'étranger voient, quant à eux, leurs crédits amputés de 11 millions d'euros, tous ministères confondus. Cette situation est d'autant plus dangereuse que la détérioration se poursuit depuis 2002.

Or la situation est malheureusement la même pour la francophonie, dont les crédits stagnent à hauteur de 801 millions d'euros, contre 800 millions en 2004, tous crédits confondus, multilatéraux et bilatéraux.

Pour le Gouvernement, c'est clair : la francophonie n'est pas ou n'est plus une priorité.

Vous commettez là une erreur grave, monsieur le ministre !

Par son caractère multilatéral, la francophonie offre à notre pays un rayonnement et une sphère d'action dans le monde entier. Le lien linguistique entre tous ces pays a naturellement suscité d'autres liens, comme la coopération économique, technique et culturelle, le partage de valeurs communes touchant à la liberté, à la démocratie et à l'état de droit.

Au sein de l'espace francophone, se sont ainsi créés de véritables réseaux de solidarité. Vous prenez le risque de les fragiliser, monsieur le ministre.

Le moment est vraiment mal choisi. Dix jours après le dixième sommet de la francophonie, qui s'est tenu à Ouagadougou, il est au contraire impératif de lancer un message clair d'engagement, et non pas de restriction, à l'égard de nos pays partenaires.

Je tiens à cette occasion à saluer l'action du président Abdou Diouf, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie, qui porte avec ténacité sur la scène internationale des objectifs qui nous tiennent tous à coeur, s'agissant notamment des rapports Nord-Sud : paix et développement, solidarité, démocratie.

Depuis des mois, cette organisation et l'Agence de la francophonie ont su rallier de très nombreux pays à l'objectif de diversité culturelle, afin de favoriser l'élaboration, à l'UNESCO, d'une convention internationale destinée à permettre aux Etats qui le souhaitent de soutenir concrètement la diversité culturelle face au marché.

Hier, dans un quotidien du matin, M. Dan Glickmann, successeur de Jack Valenti et représentant des majors d'Hollywood, déclarait : « Il est important que la culture fasse l'objet de discussions internationales. » On peut lui en donner acte ! Il poursuivait : « Mais la position des Etats-Unis a toujours été de dire que cela ne doit pas servir d'excuse pour élever des barrières au commerce et pour empêcher les produits de circuler librement d'un pays à l'autre. »

M. Josselin de Rohan. On verra ce que fera M. Lamy !

Mme Catherine Tasca. Et, plus loin : « Il serait aberrant que l'on renonce au droit d'accéder librement aux marchés étrangers à cause de ces questions d'ordre non commercial... » Nous voilà avertis !

Il ne sera donc pas facile de faire aboutir ce projet de convention, et la France, qui le défend, je dois le dire, avec constance, a bien besoin de l'engagement collectif des pays francophones.

Au-delà de ce qui unit ces pays, cette action sert les intérêts de tous les peuples dans un monde qui doit défendre toutes ses langues et toutes ses cultures.

A ce point de la discussion, je veux vous faire part d'une autre inquiétude, monsieur le ministre. Il est de nouveau question du lancement prochain de la chaîne d'information internationale. Je ne reviens pas sur l'étrange association entre TF1 et France Télévisions.

Mais, telle qu'elle semble se dessiner, cette chaîne ne va-t-elle pas compromettre le développement de deux médias francophones auxquels nous sommes très attachés et qui remplissent admirablement leur mission, TV5 et RFI ?

Je m'associe à Mme Cerisier-ben Guiga pour saluer le magnifique travail qu'avait accompli Serge Adda à la tête de TV5.

Le risque n'existe-t-il pas de priver TV5 d'une partie de ses sources d'images de France 2 et de France 3 ? Ne doit-on pas craindre que le financement de la nouvelle chaîne - on parle d'une trentaine de millions d'euros, ce qui est notoirement insuffisant pour un tel projet - ne se fasse au détriment du développement de la chaîne multilatérale ? Nos amis francophones y verraient certainement un désengagement de la France. Comment comptez-vous les rassurer, messieurs les ministres ?

La France a, dans cet ensemble francophone, une responsabilité particulière. Cela mérite une bien plus grande considération, et donc un réel effort de la nation. Votre projet de budget esquive cet effort. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. André Ferrand.

M. André Ferrand. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je suis certain que je ne vous étonnerai pas en vous indiquant que je souhaite consacrer le temps qui m'est imparti à l'évocation de la question de l'enseignement français à l'étranger. Il y a plusieurs raisons à cela, la moindre n'étant pas que vous étiez vous-même, voilà peu, père d'élèves français à l'étranger et que vous avez porté à ce dossier une attention particulière, vous intéressant personnellement à la mission que m'avait confiée le Premier ministre sur la diversification des moyens de financement de notre réseau d'écoles à l'étranger.

Le 3 novembre dernier, quelque deux semaines après la remise du rapport de la mission au Premier ministre, monsieur le ministre délégué à la coopération et au développement, vous avez vous-même annoncé - et il faut vous en féliciter -, dans une communication en conseil des ministres, des premières mesures et un plan d'action pour les années 2005 à 2007, l'ensemble se situant clairement dans la ligne des orientations de la mission.

Ainsi, grâce au soutien sans réserve du Premier ministre, à l'action de votre département ministériel ainsi qu'au volontarisme de la direction de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, un mouvement vertueux s'amorce en faveur de cette dernière, mouvement renforcé par un esprit nouveau et quelques facilités venues des services du ministère du budget.

Nous attendons maintenant qu'à son tour le ministère de l'éducation nationale apporte son indispensable contribution à cette dynamique, car l'enseignement français à l'étranger a besoin de lui. En effet, vous le savez, l'élan nécessaire à la mise en oeuvre de notre projet passe par des partenariats qui nécessitent l'implication active de tous les acteurs.

Je voudrais donc vous interroger, monsieur le ministre, sur l'état de vos contacts à ce sujet avec votre collègue ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de l'enseignement supérieur, ainsi que sur quelques autres points qui conditionnent les progrès qui restent à accomplir.

Des concertations sont-elles engagées au meilleur niveau afin d'organiser les conditions d'une coopération plus affirmée avec le ministère de l'éducation nationale ? Est-il envisagé, en particulier, de proposer à ce ministère de désigner un vice-président qui siégerait au côté du président de l'AEFE, aujourd'hui le directeur de la DGCID ?

A-t-on engagé une réflexion concernant la création auprès de la direction de l'AEFE d'un comité d'orientation où siégeraient des représentants de l'ensemble des partenaires actuels et potentiels de l'Agence ?

Prévoit-on la mise en place d'un « plan-école » à moyen terme dans chaque pays concerné ?

Comment envisage-t-on de mieux sensibiliser encore nos chefs de poste, ambassadeurs et consuls généraux à leur rôle essentiel et à leur responsabilité dans la modernisation et le développement de nos écoles à l'étranger ? Leur donnera-t-on la consigne précise d'explorer systématiquement les possibilités d'obtenir, sous une forme ou sous une autre, la participation des pays hôtes au financement de nos écoles ?

L'Europe et le partenariat franco-allemand représentent une piste qu'il faut privilégier. Des initiatives concrètes sont-elles envisagées ? Alors que nous avons là, enfin, l'occasion de « faire de l'Europe concrète », pourquoi ne pas avoir encore donné suite à la proposition de la Commission de créer, à ses frais, des sections spécialisées dans nos lycées, lesquels obtiendraient le statut d'« école européenne associée », dans des villes telles Lisbonne, Helsinki ou Stockholm, où sont ouvertes de nouvelles agences européennes ?

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Aux frais de la Commission ? Mais d'où lui vient l'argent ? Elle l'a peut-être gagné au loto ? C'est incroyable !

M. André Ferrand. Enfin, envisage-t-on de faire réaliser par les postes une enquête destinée à déterminer le nombre d'enfants français encore écartés du fait des ressources de leurs parents ? Sur ce point précis, on entend les réponses les plus variées !

Je vous serais très reconnaissant, messieurs les ministres, de bien vouloir répondre à toutes ces questions, même si je reconnais qu'elles peuvent paraître trop précises dans le contexte de ce débat.

Je voudrais encore me féliciter de la décision de procéder en 2005 à un audit qui aidera l'AEFE à se renforcer et à se professionnaliser davantage encore. En fonction des résultats de cette étude, il faudra dégager les ressources nécessaires, en particulier sur le plan humain.

Il nous faut aussi nous réjouir de votre déclaration, monsieur le ministre délégué, selon laquelle notre politique des bourses sera renforcée afin, précisément, de rendre possible à tous les enfants français l'accès à nos écoles de l'étranger.

Messieurs les ministres, j'aurais évidemment préféré, moi aussi, que l'Agence dispose d'un budget plus important. Cependant, je ne puis qu'être satisfait de l'annonce de la stabilisation de ses moyens jusqu'en 2007, stabilisation qui, avec les différentes autres mesures positives déjà annoncées, contribuera à lui permettre de s'engager dans une gestion plus souple et plus responsable et la mettra en mesure de se projeter à moyen terme.

Je conclurai mon propos sur l'Agence par une note un peu plus réservée en évoquant sa place dans le programme « Français à l'étranger et étrangers en France » défini dans le cadre de la LOLF : sans être grand clerc en la matière, il me semble bien que, pour arriver à un tel résultat, il a fallu tordre le bras, sinon le cou, à l'esprit et aux principes qui ont animé les concepteurs de la loi organique. Je n'ai pas ici le temps d'aller plus loin dans cette réflexion, mais je crains que le manque de cohérence d'un tel positionnement ne nous permette pas de tourner aussi simplement cette page.

Avant de quitter cette tribune, je voudrais à mon tour, messieurs les ministres, évoquer la situation de nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire.

Je le redis avec chaleur : il faut féliciter et remercier tous ceux qui se sont tant impliqués, en particulier les collaborateurs du ministère des affaires étrangères en Côte d'Ivoire et en France, mais aussi ceux des autres départements et services concernés, pour que ce retour dramatique s'effectue dans les meilleures conditions possibles, compte tenu de la situation.

Je crois qu'en cette fin de journée a eu lieu à l'Hôtel Matignon une réunion destinée à organiser la forme, le montant et le calendrier de l'aide qui doit être apportée aux différentes catégories de Français de Côte d'Ivoire. Tous doivent être soutenus, sans distinction ; cependant, je me permettrai d'évoquer le cas de ceux que j'ai personnellement eu l'occasion de mieux connaître.

Certains des enseignants recrutés localement sont rentrés en France dans un état de dénuement total : pour eux, l'urgence est particulièrement grande.

Par ailleurs, quelque cent soixante petits entrepreneurs ont tout perdu : locaux, fonds de commerce, matériel, maison, biens personnels. Organisés collectivement, ils souhaitent que nous les aidions, dans un premier temps, à éviter les difficultés qu'ils rencontreront avec les banques et autres créanciers face à des échéances qu'ils sont incapables d'honorer, et, dans un deuxième temps, à trouver les moyens de repartir, de reconstruire une nouvelle vie... sans doute hors de France !

Même si le sort de ceux qui sont rentrés en France n'est plus directement sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères, je crois qu'il nous faut, ensemble, continuer à veiller sur tous nos compatriotes de Côte d'Ivoire, où qu'ils soient aujourd'hui, et nous assurer que la solidarité nationale s'exprimera efficacement jusqu'à la solution de leurs problèmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, vous avez eu la délicate mission de résoudre une équation difficile : maîtriser les dépenses budgétaires et rationaliser les actions du ministère des affaires étrangères tout en veillant, naturellement, à ce que la France continue d'assumer le rôle qui est le sien à l'échelon international.

Ces réformes ont été menées dans un contexte international difficile, à l'évolution rapide, qui a vu la multiplication des crises en Afghanistan, en Irak et en Côte d'Ivoire ; elles se sont accompagnées d'une baisse très importante des coûts de fonctionnement du ministère.

Je souhaiterais, dans le temps qui m'est imparti, formuler trois remarques.

Premièrement, la rationalisation du réseau du ministère des affaires étrangères, avec notamment la réduction du dispositif consulaire et culturel en Europe, me semble être une bonne chose et n'est pas forcément synonyme de moindre qualité ou de perte d'influence.

Elle n'entraîne pas une moindre qualité : la preuve en est que l'article 20 du traité instituant la Communauté européenne établit le concept de « citoyenneté de l'Union » et dispose que « tout citoyen de l'Union bénéficie, sur le territoire d'un pays tiers où l'Etat membre dont il est ressortissant n'est pas représenté, de la protection de la part des autorités diplomatiques et consulaires de tout Etat membre dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat ».

Elle n'entraîne pas non plus de perte d'influence : n'oublions pas que le réseau administratif français à l'étranger se compose aussi des nombreuses implantations des autres ministères, par exemple des attachés d'armement et de défense du ministère de la défense, ou encore du service de coopération technique international de police du ministère de l'intérieur. Face à de nouvelles menaces, face aussi à l'émergence de nouveaux pôles économiques et politiques, nous devons être plus pragmatiques.

Deuxièmement, je voudrais saluer l'effort du ministère pour répondre aux engagements du Président de la République de porter l'aide publique au développement à 0,5 % du revenu national brut en 2007, parce que promouvoir le développement, c'est promouvoir la paix.

C'est un signe clair et fort en direction des pays qui en ont le plus besoin. Il confirme, en partie, les orientations arrêtées par le G 8 à Evian, sous présidence française, en particulier la poursuite de notre soutien au Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, le NEPAD.

Dans le même sens, la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le SIDA atteindra 150 millions d'euros, soit trois fois plus qu'en 2004.

En outre, la France reste le premier contributeur au Fonds européen de développement, avec quelque 628 millions d'euros, ce qui représente 25 % de son financement. Si le rayonnement d'un pays n'est pas toujours lié à l'importance de ses contributions dans tel ou tel organisme ou institution internationale, ne nous leurrons pas, cela y contribue pour une part importante.

Troisièmement, dans un monde où il convient de respecter les diversités culturelles, n'oublions pas que la diffusion de notre langue et la promotion des échanges artistiques, universitaires et scientifiques permettront de réduire les fossés d'incompréhension entre les peuples, sources de tensions et de conflits internationaux.

La diffusion de notre langue, présente sur cinq continents et parlée par 183 millions de personnes en 2003, est, à mes yeux, essentielle. L'année dernière, 82 millions de personnes en faisaient l'apprentissage à travers le monde, notamment grâce au maillage des établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE.

A la lecture des crédits attribués à l'Agence en 2005, d'aucuns vous diront qu'ils sont en baisse et d'autres vous diront que c'est un « effet d'optique ». Ce dont nous pouvons être sûrs, c'est que les effectifs scolarisés sont en légère augmentation ces dernières années et que le projet de loi de finances pour 2004 a permis une augmentation des bourses scolaires d'un montant de 1 million d'euros.

Je me félicite de l'augmentation massive des élèves dans les établissements français à l'étranger en Europe centrale et orientale, augmentation qui s'explique sans doute par l'adhésion de ces pays à l'Union européenne. A contrario, je m'interroge, monsieur le ministre, sur la perte vertigineuse de 50 % des effectifs en Afrique francophone.

Pour terminer, j'évoquerai les très bons résultats des universités françaises, qui drainent un nombre d'étudiants étrangers de plus en plus important. Depuis 1998, leur nombre progresse à un rythme annuel de plus de 12 %. La politique d'allégement des procédures de délivrance des visas pour les étudiants et leurs familles, mise en place par le Gouvernement depuis 1998, y est sans doute pour quelque chose.

Naturellement, ces étudiants deviendront les élites de demain dans leur pays, véhiculant ainsi « l'exception culturelle française », qui nous singularise si bien ! C'est pourquoi, messieurs les ministres, je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans un contexte de rigueur et de restrictions pour l'ensemble des ministères, le budget des affaires étrangères, que nous examinons aujourd'hui, est un budget sérieux et réaliste ; nous ne pouvons que l'approuver.

Toutefois, je ne cacherai pas une pointe de déception pour nous, Français de l'étranger, qui voulons une France forte et rayonnante. (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.) Mais nous n'ignorons pas que cette ambition est aussi conditionnée par les moyens budgétaires que nous pouvons lui consacrer.

Certes, les crédits inscrits à l'action « Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger » sont en légère hausse par rapport à 2004 : 1 million d'euros en plus. Mais, à l'intérieur de cette mission, le service public de l'enseignement à l'étranger voit ses crédits réduits : 324,7 millions d'euros en 2005 contre 332 millions d'euros l'année précédente.

On nous assure que cette réduction n'aura aucun impact sur le fonctionnement de nos établissements scolaires à l'étranger. Mais est-on bien sûr, monsieur le ministre, que les coûts d'écolage ne vont pas grimper malgré tout ? Cela se ferait au détriment des familles françaises, une grande majorité d'entre elles n'ayant pas accès aux bourses scolaires et éprouvant déjà beaucoup de difficultés à prendre en charge les frais d'écolage tels qu'ils existent actuellement.

Par ailleurs, nous regrettons toujours les insuffisances en matière d'investissement et l'absence d'une politique ambitieuse de recrutement et de rémunération des personnels en poste à l'étranger qui soit à la hauteur du travail à accomplir et de l'accroissement du nombre des expatriés dans beaucoup d'Etats de l'Union européenne.

Nous regrettons en particulier les suppressions de postes et les fermetures de consulats, alors que le statut bénévole des consuls honoraires des régions à forte densité de population française - je pense en particulier à la Grande-Bretagne et à ses 350 000 Français - ne correspond pas à leur charge de travail, qui est déjà considérable et qui ne cesse de s'alourdir du fait même de la politique de fermeture des consulats.

Je ne voudrais pas consacrer trop de mon court temps de parole aux répercussions économiques du conflit en Côte d'Ivoire pour nos expatriés, mes collègues en ont tous déjà beaucoup parlé. Mais, à la lumière de ces événements, il nous faut pourtant trouver des solutions afin de rassurer, en ce qui concerne les possibilités d'indemnisation en cas de retour forcé, ceux de nos compatriotes qui ont le courage de s'expatrier dans des pays difficiles.

Pendant des années, sans succès, nous avons demandé un fonds français de garantie. Heureusement - je vous en remercie, messieurs les ministres -, le Gouvernement a débloqué 8 millions d'euros pour les Français rapatriés de Côte d'Ivoire.

Il me semble que nous devons aujourd'hui nous tourner vers l'Europe pour que soit créé un fonds d'indemnisation destiné à ses ressortissants victimes de troubles politiques dans leur pays d'accueil hors Union européenne. En effet, la citoyenneté européenne ne se limite pas aux frontières de notre continent ; elle englobe nos nationaux, quel que soit leur pays de résidence.

Une assistance diplomatique et consulaire est prévue dans le chapitre consacré à la citoyenneté du traité sur l'Union européenne. La France, dont le pourcentage d'expatriés est l'un des plus faibles parmi les grands pays européens mais dont le réseau diplomatique et consulaire est l'un des plus importants au monde, offre l'essentiel de cette assistance, nous l'avons vu en Côte d'Ivoire. C'est aussi la France qui prend en charge la sécurité des ressortissants européens en cas de conflit, ce dont nous ne pouvons qu'être fiers et reconnaissants.

Toutefois, il semblerait normal que la charge d'un fonds d'assurance commun, d'un système d'assistance économique minimal pour les ressortissants les plus spoliés, puisse être assumée par l'Union européenne dans son ensemble. C'est une piste à ne pas négliger, surtout quand on sait que la Commission européenne souhaite faire vivre le concept de citoyenneté, dont la substance est considérée aujourd'hui comme relativement faible car elle a peu d'applications concrètes.

Monsieur le ministre, dans le prolongement de vos premières propositions de plan de coopération consulaire en matière de sécurité et protection des biens au Comité des représentants permanents des Etats membres auprès de l'Union européenne, le COREPER, ne pensez-vous pas qu'il serait à la fois opportun et urgent de demander aujourd'hui la création d'un fonds d'assistance ?

Puisque j'ai évoqué la citoyenneté européenne, je voudrais insister sur les droits et devoirs civiques des Français à l'étranger, sur une citoyenneté qu'ils n'ont, hélas ! que peu la possibilité d'exercer de manière pleine et entière.

Certes, ils disposent du droit de vote. Mais ce droit est obéré par de très nombreux facteurs, en particulier l'éloignement physique des centres de vote et la pratique du vote par procuration, qui a le défaut fondamental de ne pas respecter le principe du secret du droit de vote et qui présente de nombreux autres inconvénients, notamment la difficulté pour certains Français de l'étranger de trouver des mandataires en France.

Ce lien qu'institue le vote est pourtant fondamental, mais rien n'est fait pour l'encourager. Nous assistons même à une certaine régression. En effet, du fait de la régionalisation, les centres de vote à l'étranger ont été fermés pour le scrutin européen, privant ainsi les expatriés de toute possibilité de vote personnel à l'étranger sur un enjeu aussi important pour leur avenir.

Un progrès a été accompli avec l'utilisation d'Internet lors des élections des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger - devenu l'Assemblée des Français de l'étranger - dans la circonscription des Etats-Unis en 2003, suite à une proposition de plusieurs de mes collègues. Cette élection à l'AFE aura lieu au printemps 2006 pour la zone Europe Asie, et l'utilisation du vote électronique devrait se généraliser à tous les pays de la zone.

Pourtant, pas le moindre crédit n'a été inscrit dans le budget pour 2005 pour cette élection, alors qu'une préparation convenable de ce mode de scrutin a été estimée à 800 000 euros, dès cette année. Dans ces conditions, monsieur le ministre, sera-t-il possible, alors que la loi en fait obligation, d'organiser matériellement un vote électronique en 2006 ? Et pourrions-nous l'envisager - c'est ce que nous souhaitons, bien sûr - pour le prochain référendum sur le traité constitutionnel ?

Je regrette qu'aucun crédit n'ait été programmé non plus dans le budget pour 2005 pour l'information électorale spécifique des Français de l'étranger. Comme les années précédentes, cela ne manquera pas d'obérer sérieusement la participation de ces derniers. L'éparpillement géographique de nos communautés entraîne automatiquement un certain déficit d'information qu'il nous faut pourtant compenser par des campagnes d'incitation civique. Je pense en particulier au prochain référendum sur la Constitution européenne, dont nous ne saurions assez souligner l'importance.

L'absence d'information électorale à l'étranger semble également liée à l'absence, en France, d'un cadre juridique sur lequel pourrait s'appuyer le CSA pour organiser une telle campagne d'information civique. Si cela était bien le cas, il nous faudrait réfléchir à la mise en oeuvre d'une mesure législative adaptée.

Pour conclure, monsieur le ministre, connaissant votre attachement à la cause des Français de l'étranger, nous voterons votre budget pour 2005, parce qu'il permettra de poursuivre la politique définie par le Président de la République pour le renforcement de l'action extérieure de la France et pour son rayonnement dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Guerry.

M. Michel Guerry. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le Premier ministre a confié au sénateur André Ferrand - qui vient de vous en parler - une mission sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger et sur les moyens alternatifs de son financement.

Victime de son succès, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger enregistre une augmentation de ses effectifs d'élèves de plus de 1 000 par an et n'a plus les moyens de ses ambitions. A quelques semaines de la présentation de la loi de programmation pour l'école, ce sujet devient donc d'une actualité accrue.

Pour ma part, tout en reconnaissant les apports essentiels de l'Agence, il me semble indispensable de dépasser ses modes de fonctionnement et de financement en cours, et de reposer fondamentalement la nature de ses objectifs.

S'agissant de l'Agence, l'idée consisterait à rendre largement plus autonomes les établissements, tout en conservant un cadre permettant les processus d'homologation, le contrôle et la qualité de l'enseignement.

En premier lieu, il faudrait redéfinir la nature juridique des établissements et leur lien avec l'Agence.

A l'étranger, l'ensemble des établissements doit progressivement prendre la nature juridique d'une véritable entité autonome. Dans ce cadre ainsi défini, les comités de gestion auront à se transformer en conseils d'administration, avec pour tâches la gestion financière, le recrutement, la politique salariale et la gestion du patrimoine. L'Agence donnera son avis et son accord sur le montage des opérations concernant un établissement donné. Elle exercera ainsi un contrôle a posteriori des actes des différents conseils d'administration.

Il faudrait ensuite rechercher un financement plus ouvert.

Beaucoup de familles dont les revenus sont moyens n'ont plus les ressources suffisantes pour envoyer leurs enfants dans nos établissements. II n'y a pas un pays où ce n'est pas le cas ! On en arrive donc à un paradoxe : nos établissements ne comptent plus que les enfants boursiers des familles « pauvres » et les enfants des familles « à l'aise » ! Quelle solution adopter ?

Les élèves étrangers représentent 57 % de notre population scolaire. Pourquoi continuer à prendre en charge leur scolarité et ne pas leur faire payer le coût réel de celle-ci ? Le budget annuel de l'Agence s'élève à plus de 300 millions d'euros pour 160 000 élèves français, soit 1 875 euros par élève et par an.

Si ma proposition est adoptée, chaque établissement scolaire recevra annuellement le montant de cette allocation, multiplié par le nombre d'élèves français inscrits. Responsable de son budget, il calculera les frais de scolarité sur la base du coût de fonctionnement annuel divisé par le nombre d'élèves scolarisés. 

Chaque élève français ou étranger paiera les mêmes frais d'écolage. Les frais de scolarité des Français seront diminués de la part prise en charge par le Gouvernement français.

De la même façon, quand un Etat participera au financement des frais de scolarité de ses nationaux, la même règle pourra être appliquée.

Dans ce nouveau contexte, le budget des bourses scolaires sera un budget à part, géré comme tel par l'Agence.

Les élèves français continueront à bénéficier de l'aide de l'Etat à travers les bourses scolaires, qui viendront en diminution des frais de scolarité par élève.

L'autre réforme à laquelle il faudra s'atteler est celle de la structure des rémunérations des enseignants dans nos établissements.

Toutes les spécificités propres à l'exercice du métier d'enseignant à l'étranger doivent être harmonisées et prises en compte, non seulement en termes de garanties sociales et financières pour les fonctionnaires de l'éducation nationale, mais aussi en termes d'ouverture de la profession, pour permettre un recrutement plus propice aux vocations privées.

Progressivement, « expatriés », « résidents », et « recrutés locaux » seront ainsi recrutés sur un pied d'égalité, dans le cadre d'une négociation salariale avec le comité de gestion, tenant compte de la situation de chaque catégorie et de la situation locale.

Compte tenu des avantages pour leurs collaborateurs que les entreprises françaises retirent de ce projet, il faut qu'elles s'y impliquent davantage. A l'instar des établissements scolaires américains, chaque établissement devrait pouvoir bénéficier d'un mode de financement répondant à une double exigence d'implication, de la part du public et du privé.

Les entreprises seront donc incitées à prendre en charge les frais de scolarité des enfants de leurs collaborateurs expatriés. Il leur sera demandé de s'impliquer d'avantage dans le système des bourses. En contrepartie, des allégements fiscaux devront être trouvés.

Toutes les dispositions qui visent à parvenir à une ouverture ne manqueront pas de demander un véritable changement des mentalités. Il est inutile d'ajouter qu'il s'agit là d'une réforme de taille.

Sauf à voir s'affaiblir considérablement notre réseau d'enseignement, et donc à renoncer à un atout avéré de rayonnement politique, une telle réforme est aujourd'hui incontournable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de toute l'équipe du Quai d'Orsay, avec Claudie Haigneré, Xavier Darcos et Renaud Muselier, je souhaite tout d'abord féliciter Mmes et MM. les rapporteurs, ainsi que leurs collaborateurs, de la qualité de leurs analyses et de leurs contributions.

Pour avoir eu la chance de siéger parmi vous, Xavier Darcos et moi-même gardons du Sénat un souvenir précis, celui d'une assemblée qui va toujours au fond des choses. Vos interventions sur ce budget le démontrent une fois encore.

Je souhaite également souligner le large consensus qui s'exprime autour de la politique étrangère de notre pays, autour des objectifs et des moyens dont notre diplomatie a besoin. Si nous sommes capables de nous retrouver sur l'essentiel, c'est parce que nous sommes attachés à une parole et à une action de la France dans le monde qui soient fortes, crédibles, respectées et solidaires.

Avant de répondre le plus précisément possible à vos questions, auxquelles j'apporterai également certains compléments par écrit, je souhaite présenter le contexte dans lequel s'inscrit ce budget.

Notre action extérieure se développe selon trois axes : la gestion des crises, la maîtrise de la mondialisation et l'adaptation de notre outil diplomatique.

Monsieur Fournier, comme vous l'avez indiqué, les crises se multiplient et sont autant de défis majeurs pour la stabilité du monde et pour la paix : l'Iraq, la Côte d'Ivoire, le Darfour, les Grands Lacs, les Balkans, le Caucase, Haïti. Vous le voyez, il y en a encore plus que vous n'en avez cité vous-même !

Les crises se multiplient et, en outre, se diversifient : les catastrophes naturelles, les accidents de transport aérien, les épidémies, les guerres, le terrorisme, la sécheresse, les criquets, la famine... Quand ce n'est pas, d'ailleurs, un peu tout à la fois, pour certains continents ou certains pays martyrs !

Dans l'action que nous menons face à ces crises, nous restons attachés à des principes d'action : le respect de la règle de droit, la souveraineté des peuples, la volonté de dialogue et d'écoute, la primauté de la démocratie et des élections, le souci de la justice et de la solidarité. Pour nous-mêmes, le principe est celui d'une capacité permanente de mobilisation.

A cette fin, nous avons en effet besoin de moyens : des diplomates bien formés ; des contributions suffisantes au maintien de la paix ; des crédits pour l'aide au développement et l'action humanitaire d'urgence ; des moyens pour nos communautés expatriées et pour nos postes, afin de garantir leur sécurité et l'enseignement français à l'étranger, sur lequel ont insisté André Ferrand et Michel Guerry.

Il nous faut, ensuite, nous atteler à la maîtrise de la globalisation.

Les enjeux sont nombreux, à l'image de la lutte contre la pauvreté et pour le développement durable. Parce qu'il s'agit, pour moi, d'une conviction de longue date, j'ai fait du développement durable la première priorité de l'action extérieure de la France, dans la foulée de l'intervention du chef de l'Etat à Johannesburg.

Il nous faut aussi travailler sur la recherche d'un modèle économique et social équilibré, sur la construction européenne, dont nous parlerons souvent en 2005, et sur la diversité culturelle et la francophonie. N'ayez crainte, madame Tasca, nous ne considérons pas ces sujets comme des objectifs de second ordre.

Naturellement, il faut également aboutir à la maîtrise raisonnée des flux migratoires.

Tout cela exige une présence, des moyens d'action, des contributions aux organisations internationales, le soutien à la francophonie, la rénovation de notre réseau diplomatique, le traitement digne et efficace de la demande d'asile, la modernisation de notre administration consulaire.

Le troisième axe que nous devons envisager est la conséquence des deux premiers : face aux crises et aux grandes problématiques du monde, nous devons en effet parvenir à l'amélioration de nos méthodes de travail.

C'est le message que j'ai transmis à nos ambassadeurs à la fin du mois d'août : il faut développer notre influence à travers le monde, sans arrogance. Comme je l'ai dit à cette occasion : « La France n'est pas grande quand elle est arrogante. La France n'est pas forte si elle est solitaire. » Cela ne doit pas pour autant nous conduire à l'auto-dénigrement ou à l'auto-flagellation que certains pratiquent parfois.

Notre pays a de vrais atouts. Il défend des principes et des valeurs entendues partout dans le monde et qui reçoivent un écho puissant, je l'ai constaté à New York lors de l'Assemblée générale des Nations unies. En outre, en marge de cette réunion, le Président de la République, avec le Premier ministre espagnol et le président brésilien Lula, a proposé des mesures innovantes pour le financement de la lutte contre la pauvreté et pour le développement, lesquelles ont été approuvées par 110 pays.

Il nous appartient ainsi, aujourd'hui, d'être en mouvement, de promouvoir nos idées et d'agir avec conviction et lucidité, de vivre avec notre temps, qui est celui de l'Europe, mais aussi celui de la mondialisation, et qui doit néanmoins rester celui de la France.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de budget pour 2005, nous nous sommes efforcés d'avancer sérieusement et concrètement dans ces directions.

Vos rapporteurs se sont particulièrement intéressés, cette année, à l'organisation et au fonctionnement de notre ministère, ainsi qu'à sa capacité d'adaptation.

Méfions-nous, en effet, des images convenues, alors même qu'il s'agit de l'un des ministères les plus sérieusement engagés dans la réforme de l'Etat. Vos rapporteurs, après le comité interministériel d'audit des programmes de la LOLF et la direction de la réforme budgétaire, ont bien voulu le relever. Je les en remercie.

Oui, la réforme est aujourd'hui au coeur de ce ministère.

Je l'évoquerai sous quatre angles : la maîtrise des dépenses publiques, la stratégie ministérielle de réforme, la LOLF et les relations avec nos opérateurs.

Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a insisté avec raison sur la maîtrise des dépenses, car, depuis 1999, nos crédits de fonctionnement progressent effectivement moins que nos crédits d'intervention.

Cela tient avant tout aux efforts consentis en matière d'emploi et de rémunération. L'évolution des taux de change, la réforme des indemnités de résidence, qui est intervenue en 2003, et surtout, je le reconnais, la baisse de nos effectifs, qui auront diminué de près de 10 % en dix ans, expliquent cette évolution.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. En 2005, la suppression de 100 emplois, que certains d'entre vous ont regrettée, et le transfert de 52 autres emplois aboutiront à une baisse de près de 2 % de la masse salariale du ministère.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à mon sens, il y a pourtant une limite à la rigueur, et il faut en rester là. Je n'ai donc pas accepté une nouvelle révision des indemnités de résidence de nos agents à l'étranger, au moment où, beaucoup d'entre vous peuvent en témoigner, l'expatriation est de plus en plus synonyme d'incertitudes et de dangers. Comment, d'ailleurs, accepter des diminutions supplémentaires d'effectifs, alors que notre assistance technique représente le dixième de ce qu'elle était il y a quinze ans et que nos effectifs d'agents expatriés ont baissé de 18 % en dix ans ?

En citant ces chiffres, vous pouvez constater que je couvre des périodes durant lesquelles de nombreux gouvernements, de gauche comme de droite, se sont succédé. La responsabilité est partagée, et je vous invite l'assumer tous ensemble.

La maîtrise de nos coûts salariaux et, au-delà, de nos crédits de fonctionnement, est intervenue tandis que nos crédits d'intervention, notamment au titre de l'aide publique au développement, progressaient de près de 25 % en cinq ans.

Ainsi, nos coûts de structure sont « descendus » de 33 % du budget du ministère en 2000 à 25 % en 2005. Je remercie Jean-Guy Branger d'avoir salué ce qu'il qualifie de « remarquable effort de productivité » du ministère.

Le deuxième angle de la réforme concerne la stratégie ministérielle de réforme, la SMR. Adoptée en 2003 et actualisée au mois de septembre, elle fixe les lignes directrices de notre action pour l'avenir. Adrien Gouteyron y a d'ailleurs consacré une part importante de son rapport.

Deux volets de cette stratégie ont principalement retenu son attention et celle des autres rapporteurs : notre politique immobilière et la restructuration de notre réseau diplomatique, consulaire et culturel.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique immobilière est l'un des premiers sujets sur lequel je me suis engagé en arrivant à la tête de la diplomatie française. Nos agents et nos services à Paris sont actuellement dispersés sur onze sites différents : quelle organisation moderne peut supporter un tel système de travail ?

J'ai donc proposé aussitôt à l'ensemble de nos agents de travailler sur un projet de regroupement des services de l'administration centrale, à Paris, sur un site unique. Si ce projet est sans doute d'abord « matériel », il est également politique, collectif et mobilisateur pour tous nos agents.

Ce site unique, adapté aux besoins d'une diplomatie moderne, est indispensable. Un tel programme ne peut être adopté, j'y tiens absolument, que dans le cadre d'un dialogue social. Je souhaite que nous puissions lancer concrètement ce programme au printemps prochain, lorsque nous disposerons des études que nous avons demandées sur la valorisation de nos immeubles, sur le coût du programme lui-même et sur les différentes localisations possibles dans la capitale.

D'autres actions immobilières ont été lancées : l'installation des nouvelles archives diplomatiques à La Courneuve, dans le cadre de financements innovants grâce à un partenariat entre les secteurs public et privé ; la construction du campus diplomatique de Pékin, qui sera achevé pour les jeux Olympiques de 2008, et de celui de Tokyo, dans le cadre, également, d'un partenariat avec un opérateur privé.

De même, la relance de nos cessions immobilières a permis de doubler le rythme de nos ventes, qui ont atteint 12 millions d'euros en 2004. Il existe encore un stock de biens, d'une valeur de 50 millions d'euros, qui peuvent être vendus. Nous nous engageons à accélérer ces ventes, en nous assurant que leur produit sera intégralement reversé au budget du ministère des affaires étrangères. Il s'agit bien, comme l'a dit Adrien Gouteyron, d'entretenir notre patrimoine et de permettre à notre réseau diplomatique de respirer, d'évoluer et de se moderniser.

Le deuxième aspect de la stratégie de réforme concerne l'adaptation de notre réseau à l'étranger, qui n'est pas figé. A cet égard, je suis d'accord avec Bernard Fournier et Aymeri de Montesquiou.

Au passage, je tiens à remercier celui-ci de ses propositions audacieuses en matière de « mutualisation » - c'est un terme qui me convient parfaitement - de nos représentations au niveau européen. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison d'affirmer que « ces représentations ne doivent pas être des lieux décidés par principe ou figés par l'histoire ». Au contraire, ce réseau n'a cessé d'évoluer depuis dix ans, passant de 457 à 422 implantations, soit une diminution de 8,2 %.

Certes, le nombre de nos ambassades est passé de 148 à 156, à la suite du démantèlement de l'Union soviétique et de l'ex-Yougoslavie, mais cette hausse s'est accompagnée de fermetures d'établissements culturels. Pour l'avenir, nous allons poursuivre la rationalisation du réseau consulaire en Europe, en procédant, en même temps, à son évaluation. Tout à l'heure, quelques-uns d'entre vous ont exprimé un certain nombre de critiques ou de craintes sur ce point.

Nous voulons éviter les redondances qui peuvent encore exister entre les Alliances françaises et les centres culturels. Nous le ferons avec pragmatisme et dans la concertation.

Enfin, comme plusieurs d'entre vous l'ont souhaité, nous allons rechercher des synergies nouvelles avec nos partenaires européens, en particulier l'Allemagne et l'Espagne. Il s'agit, en effet, d'une forme de mutualisation, comme l'a évoqué M. Pozzo di Borgo.

Enfin, au-delà des services propres au ministère des affaires étrangères, c'est bien l'ensemble des services de l'Etat implantés à l'étranger qu'il faut mieux utiliser.

La réforme de l'Etat passe aussi par la préparation de la LOLF. M. le rapporteur spécial a observé que le ministère des affaires étrangères figure dans le peloton de tête des administrations de cette réforme.

Les quatre programmes et leurs actions, répartis entre deux missions - l'une ministérielle, l'autre interministérielle - sont désormais définis. Jean-Guy Branger et Michel Charasse, notamment, notent que la mission ministérielle « action extérieure de l'Etat » est encore loin de rassembler tous les crédits internationaux de l'Etat. C'est vrai, mais il nous faut dès aujourd'hui lancer cette réforme. J'espère néanmoins que nous aurons l'occasion, au fil de l'expérience, d'apporter des améliorations, afin de progresser dans le sens que vous souhaitez.

La LOLF, c'est l'occasion de rationaliser les compétences budgétaires des ministères. En 2005, les crédits du Fonds mondial contre le sida - M. Pelletier et Mme Luc y ont fait allusion - en provenance du ministère de l'économie et des finances, et ceux de l'aide alimentaire, en provenance du ministère de l'agriculture, seront transférés au budget du ministère des affaires étrangères. A l'inverse, les crédits du budget civil de la recherche qui concernent le CERN passeront à la recherche.

Une première expérimentation de la LOLF, avec des « budget-pays », a été menée en 2004 sur cinq pays. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur la « fongibilité asymétrique » et sur la complexité que tout cela va infliger aux postes. Certes, la maîtrise de cette gestion à l'étranger sera délicate, mais, globalement, il nous semble que la logique « pays » demeure bonne.

En 2005, cette expérimentation sera élargie à dix pays et pour la totalité des crédits des futurs programmes, ce qui a nécessité la création de quatre nouveaux chapitres budgétaires en lieu et place du chapitre expérimental de 2004. Je reconnais que cette création a pu conduire à « brouiller les pistes » et à donner l'impression que certaines dotations en matière culturelle ou de coopération diminuaient.

Au total, nous vous présenterons l'année prochaine, mesdames, messieurs les sénateurs, un projet de budget en format LOLF, fruit d'une véritable expérimentation. Il sera plus lisible et plus dynamique que ceux qui étaient bâtis sur le modèle habituel de l'ordonnance de 1959.

Adrien Gouteyron et Michel Charasse ont souligné nos efforts pour définir des indicateurs pertinents dans la LOLF, malgré la difficulté à mesurer l'impact de l'action diplomatique. Sur leurs conseils et à partir de leurs idées, nous affinerons davantage certains de ces indicateurs.

Enfin, toujours à propos de la LOLF, Christian Cointat a suggéré d'instaurer un programme propre aux Français de l'étranger, distinct de celui des étrangers en France. Le programme « Français à l'étranger et étrangers en France », dans son périmètre actuel, recouvre, me semble-t-il, une véritable mission de service public, de service du public : cela recouvre des métiers spécifiques, bien identifiés au sein du ministère, notamment à la Direction des Français de l'étranger et des étrangers en France.

Ce service public s'adresse également à des « usagers » de l'administration : Français établis hors de France ou de passage à l'étranger, jeunes en âge d'être scolarisés, demandeurs de visas ou demandeurs d'asile. Chacune de ces catégories fait l'objet d'une action clairement identifiée au sein de ce programme.

Ce service public doit pouvoir bénéficier des mécanismes de fongibilité prévus par la LOLF. Monsieur Cointat, il sera toujours plus facile de faire des arbitrages dans un programme de 603 millions d'euros que dans un budget qui serait ramené à 480 millions d'euros. La priorité ira toujours à nos compatriotes expatriés, comme l'ont prouvé les événements récents en Côte d'Ivoire.

Sur cet aspect de notre action en faveur des Français de l'étranger, Paulette Brisepierre et Jean-Pierre Cantegrit ont appelé mon attention sur la situation des pensionnés français des caisses de retraite des pays de l'Afrique francophone qui rencontrent des difficultés pour faire valoir leurs droits à pension.

La France ne saurait se substituer à des Etats souverains pour garantir le versement de prestations qui sont la contrepartie de cotisations versées. Mais elle ne peut pas davantage se désintéresser du sort de ces compatriotes.

Nos interventions réitérées, et les vôtres, auprès des gouvernements concernés, n'ont pas suffi pour parvenir à un règlement global de cette question. C'est pourquoi j'ai fait saisir, le 30 juillet dernier, les autres ministères intéressés, en vue de l'établissement d'un lien entre le paiement de ces retraites et les concours financiers que la France accorde aux pays concernés. Désormais, le soutien de la France dans les négociations de ces pays avec le Fonds monétaire international et le Club de Paris devrait être conditionné à l'existence d'un mécanisme garantissant le paiement des pensions dues à nos compatriotes. (M. Robert Del Picchia. et M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, applaudissent.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est bien, ça !

M. Michel Barnier, ministre. Enfin, la réforme de notre dispositif d'action extérieure, c'est aussi l'adaptation de nos opérateurs. J'en évoquerai quatre.

Mme Henneron et M. Lecerf ont évoqué la question de l'OFPRA. Celui-ci rend désormais ses décisions en deux mois, comme le Président de la République l'avait demandé.

Quant à la commission de recours des réfugiés, je suis d'accord avec Mme Henneron et M. Lecerf, que je félicite pour sa nomination en tant que représentant du Sénat au conseil d'administration de l'OFPRA : elle constitue maintenant la priorité de notre action en matière d'asile et son travail conditionne le succès de la réforme de décembre 2003.

L'augmentation de 18 % des crédits de cette commission a permis son déménagement à Montreuil, dans des locaux fonctionnels que j'ai inaugurés le 8 novembre dernier, ainsi que le recrutement de 125 contractuels pour résorber les dossiers en instance.

Cet effort sera poursuivi en 2005, avec l'inscription de 8,1 millions d'euros supplémentaires au budget qui vous est soumis.

La commission de recours des réfugiés devrait désormais travailler dans des conditions à la hauteur de l'enjeu : 100 000 recours sont en instance ! J'appelle votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que l'accroissement de l'activité de l'OFPRA et la plus grande efficacité de la CRR entraîneront mécaniquement une très forte augmentation du nombre de déboutés.

Adrien Gouteyron a eu raison de dire qu'il y va de l'intérêt de tous de réduire sensiblement les délais et de rendre plus effectives les décisions prises. Ce sera une question majeure que nous devrons traiter ensemble, avec d'autres ministères.

S'agissant de la scolarisation des enfants des Français de l'étranger - c'est une question que je connais bien, monsieur Del Picchia, puisque j'ai été moi-même, pendant cinq années, parent d'élèves scolarisés à l'étranger -, Monique ben Guiga et Paulette Briseprierre ont insisté sur la nécessité de renforcer les capacités d'adaptation de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE.

L'AEFE gérera désormais son patrimoine immobilier, ce qui lui permettra de réagir plus vite, de fédérer des initiatives ou des crédits en provenance de plusieurs partenaires, comme l'ont suggéré Michel Guerry et André Ferrand, de réhabiliter et de sécuriser plusieurs de nos établissements scolaires. Cette agence recevra à cette fin une subvention d'investissement de plus de 9 millions d'euros. De même, les crédits pour les bourses scolaires destinées aux élèves français seront portés à 41 millions d'euros.

Sur ce point, je voudrais rassurer Michel Guerry : la concertation avec le ministère de l'éducation nationale fonctionne bien. J'en veux pour preuve la mobilisation remarquable des académies pour accueillir dans l'urgence les enfants et les enseignants rapatriés de nos écoles de Côte d'Ivoire. Cette coordination doit être renforcée, notamment pour la gestion des affectations et des retours du personnel enseignant.

Enfin, toujours sur l'AEFE, je voudrais rassurer Bernard Fournier : la baisse du nombre des élèves de l'agence en Afrique francophone s'explique par l'effet des premières crises en Côte d'Ivoire et non pas par un courant plus profond de désaffection ou de repli.

MM. Duvernois et Assouline, ainsi que Mmes Cerisier- ben Guiga et Tasca ont évoqué le projet de la chaîne d'information internationale. Le dossier progresse, comme vous l'a dit le ministre de la culture voilà quelques jours.

Ces derniers mois ont été mis à profit pour réfléchir collectivement aux conditions de création de cette chaîne d'information internationale. Plusieurs options ont été examinées, chacune comportant des points forts et des points faibles en raison de la complexité du sujet.

L'une des questions-clés, au-delà du contenu, est celle d'un financement adéquat, qui s'inscrive sérieusement dans une perspective pluriannuelle.

L'autre point-clé, vu de mon ministère, est d'avoir une formule qui s'inscrive en complémentarité, et non pas en concurrence, avec les outils existants de l'audiovisuel extérieur : TV5, RFI, CFI, l'Agence France-Presse ou EuroNews.

Le schéma qui s'esquisse - il n'est pas totalement finalisé, et c'est pourquoi je n'entrerai pas dans le détail -, à l'occasion de réunions que préside le Premier ministre, devrait permettre de financer la montée en puissance de cette chaîne sans affecter le développement des outils existants.

Cela répond à la préoccupation de M. Legendre sur l'importance de TV5 pour nos partenaires francophones ; nous l'avons encore vérifié à Ouagadougou. Cela répond également aux préoccupations de Mme Cerisier-ben Guiga, qui sont aussi les miennes, sur la nécessité, pour le ministère des affaires étrangères, de garder le pilotage de l'audiovisuel extérieur, qui est placé sous sa tutelle en tant qu'instrument fondamental de la présence de la France à l'étranger.

A propos de TV5, qui est le principal outil de l'audiovisuel extérieur, je me permets de rendre un hommage sincère à Serge Adda pour le formidable travail qu'il a réalisé à la tête de cette chaîne avec toute son équipe.

Dans cette rubrique des opérateurs, je dirai un mot sur la subvention du ministère des affaires étrangères à l'Institut du monde arabe, l'IMA, qui préoccupe à la fois le rapporteur général Philippe Marini et Serge Vinçon.

Fixée à 9,15 millions d'euros, cette subvention n'a pas évolué depuis 1988. Les mauvais résultats de l'exercice de l'année 2001 avaient cependant conduit mon ministère à lui verser une subvention exceptionnelle de 2,3 millions d'euros en 2002. Cette année, nous avons de nouveau alloué à l'IMA une aide exceptionnelle de 1 million d'euros. Il avait été souhaité que cette aide soit complétée d'ici à la fin de l'année, mais cela n'a pas été possible.

Pour sa part, l'IMA s'est engagé dans un plan de maîtrise de ses dépenses et s'efforce d'obtenir, avec notre soutien, le versement des arriérés dus par certains Etats arabes. J'ai d'ailleurs effectué un certain nombre de démarches dans ce sens au cours de mes visites, notamment dans les pays du Maghreb.

Nous sommes conscients de la situation difficile dans laquelle se trouve l'IMA. J'espère que nous parviendrons à dégager des marges suffisantes sur le chapitre des contributions obligatoires en 2005, pour pouvoir pérenniser cette aide et, idéalement, parvenir à l'augmentation de 20 % de la subvention que le président Yves Guéna a souhaitée.

Enfin, toujours dans ce développement consacré à nos opérateurs, je me dois d'évoquer la redistribution des rôles au sein de notre dispositif d'aide publique au développement ; Xavier Darcos vous en présentera les grandes lignes tout à l'heure. Pour ma part, je soulignerai la continuité de notre effort de rénovation du dispositif d'aide au développement non seulement pour atteindre l'objectif quantitatif de 0,5 % du PIB en 2007 fixé par le Président de la République, mais aussi pour améliorer la qualité et l'efficacité de notre aide.

Nous poursuivons la logique de la réforme de 1998 en distinguant désormais les fonctions d'impulsion politique et de pilotage stratégique, confiées naturellement au ministère des affaires étrangères, et celles de mise en oeuvre de notre aide.

L'Agence française de développement, l'AFD, va devenir l'opérateur pivot qu'elle n'est pas encore vraiment. Je conviens, avec Michel Charasse, que ses évaluations devront être plus transparentes et effectuées en externe : il est clair que le donneur d'ordre, en l'occurrence l'Etat, doit pouvoir faire appel à ses propres évaluations.

Il est possible d'imaginer, dans un troisième temps, de regrouper encore davantage notre aide publique au développement au sein de la mission interministérielle « APD » qui, comme le regrette Michel Charasse, n'en consolide que la moitié à l'heure actuelle.

S'agissant des crédits dits culturels, je répondrai à Mme Cerisier - Ben Guiga que si les crédits affectés à l'action culturelle extérieure sont, comme tous les crédits d'ailleurs, soumis à des contraintes, il n'est pas juste de dire que ce volet important de notre action serait traité comme une sorte de « variable d'ajustement ». Au contraire, l'action culturelle est clairement identifiée dans le programme « rayonnement » et constitue une part importante du programme « solidarité », car la culture est une dimension essentielle du développement. J'ai souvent dit, et je le répète devant vous, que mon intention est de donner à l'action extérieure de la France, à notre diplomatie, une dimension beaucoup plus citoyenne, plus humaine, en m'appuyant notamment sur sa dimension culturelle.

Le réseau culturel fait l'objet d'une adaptation qui, je crois, est nécessaire et normale. Mais je voudrais insister sur le volontarisme qu'affiche ce budget en matière de bourses, pour inciter les meilleurs étudiants étrangers à venir chez nous, et de coopération universitaire et scientifique, deux volets qui sont fondamentaux pour conforter la compétitivité française.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je voulais apporter sur l'adaptation de notre appareil diplomatique. Je veux vous faire partager la conviction que cette administration des affaires étrangères, que j'ai l'honneur d'animer, est en mouvement, qu'elle est prête aux changements pour rester influente, tout en apportant, bien sûr, à nos compatriotes qui vivent à l'étranger, aux amis de la France, aux organisations et aux associations non gouvernementales - qui sont très importantes pour moi -, aux collectivités territoriales - Christian Cambon et Philippe Madrelle ont souligné l'importance de cette coopération décentralisée, dont j'ai été moi-même l'un des militants et des acteurs lorsque je présidais un conseil général - enfin, aux entreprises, donc à tous ces partenaires, un service public de qualité pour leur action internationale.

Pour 2005, notre ambition est de concentrer les ressources disponibles autour de quelques grandes lignes ; je les citerai en style télégraphique.

L'aide publique au développement ; Xavier Darcos va vous en parler.

Une action d'information et de sensibilisation objective, républicaine, impartiale sur les questions européennes et pour le projet de Constitution ; nous y travaillons avec Claudie Haigneré.

La remise à niveau de nos contributions aux Nations unies - c'est ce que Jean-Guy Branger a souhaité - pour faire face plus rapidement à nos obligations en la matière et sans être toujours obligés, comme nous allons le faire dans quelques jours, de solliciter le budget supplémentaire ou la loi de finances rectificative.

L'accueil en France des jeunes élites étrangères ; je remercie à cet égard Bernard Fournier, qui a rappelé que le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans nos universités augmente de 12 % par an depuis 1998.

Un effort important en faveur des Français de l'étranger, notamment dans le domaine scolaire et dans celui de la sécurité - c'est là que l'on trouve des mesures nouvelles, sur lesquelles s'est interrogé notamment Yves Pozzo di Borgo. Je reconnais, avec Jean-Pierre Cantegrit, que l'on pourrait faire davantage pour la solidarité avec les personnes âgées et les handicapés. Je rappelle toutefois que le fonds d'action sociale du ministère des affaires étrangères a bénéficié d'une revalorisation de près de 20 % en six ans et que nous soutenons près d'une centaine d'associations françaises de bienfaisance et de solidarité à l'étranger. Un effort particulier a été fait cette année en faveur des personnes handicapées : le nombre de bénéficiaires d'une allocation « handicapé » a augmenté de 3 % et les allocations versées aux enfants handicapés ainsi que les aides complémentaires ont été revalorisées de 3 %.

Enfin, une efficacité accrue dans la gestion du droit d'asile et de la circulation des étrangers ; nous en avons déjà parlé.

Vous me permettrez sur ce point de dire un mot à Jean Arthuis, qui m'a posé une question précise sur l'exécution des mesures d'éloignement et de coopération que nous recevons des autorités consulaires. Monsieur le président Arthuis, le Gouvernement veille à ce que le nombre de mesures d'éloignement d'étrangers en situation irrégulière augmente significativement. De fait, les premiers résultats pour 2004, sur lesquels le ministre de l'intérieur pourrait vous renseigner plus utilement, sont en augmentation de 30 % à 35 % par rapport à 2003.

La principale difficulté à laquelle se heurtent les services préfectoraux et de police réside dans l'absence de documents de voyage. On y pallie en demandant un laissez-passer consulaire, un LPC, à l'autorité consulaire du pays de retour de la personne reconduite à la frontière. C'est le cas dans environ 20 % des cas de reconduite à la frontière et c'est là que le ministre des affaires étrangères apporte son concours au ministre de l'intérieur.

Vous avez raison, monsieur le président Arthuis, ces LPC ne sont pas toujours faciles à obtenir. Pour être précis, nous ne les obtenons en temps voulu - car la loi limite le temps pendant lequel l'administration peut retenir les intéressés pour vérifier leur identité - que dans un tiers des cas.

Comment peut-on améliorer cette situation ? D'abord, en signant avec les Etats concernés des accords de réadmission qui facilitent ces reconduites à la frontière. La France en a passé avec trente-six Etats, dont trente extérieurs à l'Union européenne, et nous en négocions actuellement huit autres. Ensuite, en prenant avec les pays de destination des arrangements administratifs pour organiser les reconduites par des voies aériennes. Enfin, en entretenant des relations suivies avec les autorités consulaires pour les pays les plus sollicités par ces reconduites.

La confiance, la persuasion et la conviction sont les clefs de la réussite de ces démarches. Toutefois, si vous avez connaissance de cas précis de comportements anormaux et si vous voulez bien me les signaler, monsieur le président Arthuis, je vous promets de faire procéder aux enquêtes nécessaires.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je le ferai !

M. Michel Barnier, ministre. Les crédits que je sollicite, mesdames, messieurs les sénateurs, sont globalement adaptés à ces lignes directrices. Le budget que je vous soumets est un budget réaliste - « sérieux et réaliste » a même dit Mme Garriaud-Maylam, et je l'en remercie - pour conduire le changement et mettre en oeuvre ces priorités.

Nos dotations pour 2005 progressent en effet de 4,3 % par rapport à l'année précédente. Ainsi, la part du budget des affaires étrangères dans le budget de l'Etat progresse de 1,51 % à 1,58% ; certains ont dit « seulement 1,58 % », mais, objectivement, c'est tout de même une progression.

J'insisterai sur un point essentiel : pour que ce budget reste un bon budget, un budget sérieux et réaliste, un budget honnête, il faut naturellement que les crédits ouverts lui soient garantis.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ah, ah !

M. Michel Barnier, ministre. Vos rapporteurs ont insisté sur cet aspect au regard des régulations passées. Michel Charasse a qualifié d'« éprouvants » les effets de la régulation budgétaire imposée en 2003. Vous observerez que nous avons échappé à la régulation en 2004 par la volonté de chef de l'Etat.

Par ailleurs, un quart de notre budget est soumis au risque de change. Je remercie Adrien Gouteyron de l'intérêt qu'il a bien voulu porter à cette problématique et d'avoir rappelé qu'aucune hypothèse de change n'a été fixée au cours de la négociation budgétaire. Il y a là, c'est vrai, un facteur d'incertitude. Nous voulons intégrer cette préoccupation dans le contrat d'objectifs et de moyens en cours de discussion avec le ministère des finances.

D'ailleurs, pour être honnête, d'autres incertitudes demeurent sur certains chapitres dont les dotations pourraient s'avérer insuffisantes. C'est le cas des appels à contribution du Fonds européen de développement et des opérations de maintien de la paix dans le cadre des Nations unies. J'ai obtenu l'assurance que les moyens nécessaires seraient dégagés le cas échéant en cours d'exercice et sans redéploiement. Je sais aussi que, sur ce point, je pourrai, le moment venu, compter sur votre soutien et votre vigilance.

Un mot, enfin, sur les Français de l'étranger. Je vous ai dit combien nous étions attentifs à leur sécurité. Robert Del Picchia et Louis Duvernois ont posé la question des indemnités versées aux membres de l'Assemblée des Français de l'étranger. Pour l'instant, les membres de cette Assemblée perçoivent une indemnité forfaitaire qui ne couvre pas, en effet, les charges liées réellement à leur mandat, et, comme vous, je considère que cette situation n'est pas normale.

Le Gouvernement n'est pas hostile à une évolution dans ce domaine, car les conseillers des Français de l'étranger sont les seuls élus du peuple auxquels rien n'est versé au titre des frais, importants, qu'ils peuvent engager dans leur circonscription. Cela n'est pas satisfaisant. Je vais donc réfléchir avec vous. Il faudra trouver les moyens de financer cette nouvelle dépense. Je vais également réfléchir, monsieur Del Picchia, à cette idée qui me paraît intéressante d'une deuxième session annuelle de l'Assemblée des Français de l'étranger.

Je sollicite encore quelques instants votre attention pour répondre à quelques-unes des grandes questions de politique internationale que certains d'entre vous ont évoquées, même si j'ai l'occasion par ailleurs, devant la commission des affaires étrangères ou par écrit, ou lors de questions orales, de m'exprimer sur tel ou tel de ces points, que nous allons malheureusement retrouver quelquefois dans l'actualité.

Serge Vinçon a évoqué l'OTAN et son rôle futur. Gardons à l'esprit quelques données essentielles : la France est le troisième contributeur à l'OTAN, et j'aurai peut-être l'occasion de le rappeler demain à Bruxelles, au cours de la session ministérielle de l'OTAN ; des généraux français commandent les deux plus grandes opérations actuelles de l'OTAN, au Kosovo et en Afghanistan.

Même si les relations transatlantiques doivent évidemment être évoquées - elles le seront en effet demain, et ce sera d'ailleurs la dernière réunion de l'Alliance en présence de Colin Powell - , l'OTAN doit avant tout se concentrer sur ses opérations.

Au Kosovo, où il ne faut pas baisser la garde, nous devons maintenir les effectifs de l'OTAN, car les prochains mois seront difficiles. En Afghanistan, où la stabilisation progresse ? Renaud Muselier représentait avant-hier le gouvernement français aux cérémonies d'investiture de Hamid Karzai ? mais où le fléau de la drogue demeure le problème le plus grave - je rappelle que 80 % de l'héroïne consommée en Europe provient d'Afghanistan -, il faudra également maintenir des effectifs nombreux. Dans toutes ces zones de crise, la réponse doit être globale, et pas uniquement militaire.

Josette Durrieu m'a interrogé sur l'Iran. Ce dossier, sur lequel j'ai beaucoup travaillé avec mes collaborateurs et avec mes collègues Jack Straw et Joska Fischer, nous offre un triple motif d'encouragement.

D'abord, trois Etats européens se sont engagés dans cette affaire, avec le soutien de Javier Solana. Ils ont donné l'image d'une Europe unie, d'une diplomatie européenne qui se construit, qui agit et qui convainc. Chacun des trois Etats a apporté ses atouts dans cette négociation, et je peux dire que si nous n'avions pas été ensemble tous les trois, probablement aucun de nous n'aurait pu la conduire seul.

Ensuite, l'Iran a accepté de suspendre ses activités d'enrichissement et de retraitement de l'uranium ; cette suspension est actée dans l'accord signé à Paris le 15 novembre dernier.

Enfin, l'AIEA a confirmé formellement cette suspension. La résolution présentée par les trois pays a été adoptée par consensus. Nous sommes maintenant disposés, comme nous nous y sommes engagés avec l'Iran, à entamer des négociations pour un accord de plus long terme, comportant un volet sur le nucléaire civil, un volet économique et industriel et un volet de dialogue politique et de sécurité.

Cet accord, qui empêche que ne survienne une crise probablement très grave, devrait nous apporter des garanties objectives quant à la finalité exclusivement civile du programme nucléaire iranien. Il s'agit d'un accord important, fragile, et nous devons rester vigilants.

Jean-Pierre Cantegrit, Jean-louis Carrère, Paulette Brisepierre, notamment, ont évoqué la crise en Côte d'Ivoire, qui secoue ce pays ami. Je me suis déjà exprimé ici même, quelques jours après le bombardement de Bouaké. Au nom de l'Union africaine, le président sud-africain Thabo MBeki vient, comme M. Cantegrit l'a rappelé, de se rendre sur place - il l'a d'ailleurs fait à deux reprises -, accompagné de représentants de l'Union européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

Je veux saluer ici l'engagement personnel du président sud-africain, depuis le début puisqu'il était déjà présent à Kléber. Je souhaite également souligner l'engagement indéfectible du président Omar Bongo, qui suit ce dossier sans relâche, depuis le début, lui aussi, avec la sagesse et l'expérience que chacun lui connaît. Je rappelle d'ailleurs qu'en novembre dernier c'est lui qui avait permis de relancer un processus déjà bloqué, à l'occasion d'une réunion à Libreville avec le président Laurent Gbagbo et mon prédécesseur Dominique de Villepin.

De fait, je veux surtout saluer la complémentarité de la communauté africaine sur ce dossier difficile, qui concerne en réalité la plupart des facteurs de crise caractérisant ce continent qui nous est cher.

Les conclusions de la mission du président Thabo MBeki et des initiatives de l'ensemble des dirigeants de l'Union africaine ont confirmé sans ambiguïté la nécessité de mettre en oeuvre tous les engagements pris à Marcoussis et à Accra pour conduire des élections ouvertes à tous et pour engager réellement le désarmement dans un pays réunifié.

C'est une solution exigeante, difficile, et il n'y en a pas d'autre. Elle est appuyée de façon unanime par la communauté africaine comme par la communauté internationale, et, pour notre part, nous maintiendrons sans hésitation notre engagement dans ce sens. Permettez-moi de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'en Afrique la vocation de la France n'est pas d'être un gendarme : elle doit être le partenaire du développement, de la paix, de la stabilité.

Je voudrais également répondre à Louis Duvernois, Jean-Pierre Cantegrit, Jean-Louis Carrère, André Ferrand et Joëlle Garriaud-Maylam, qui ont évoqué les modalités de l'aide qui sera versée à nos compatriotes qui ont tout perdu en Côte d'Ivoire.

Cette responsabilité devrait être confiée à la mission interministérielle aux rapatriés. Aujourd'hui même, en fin d'après-midi, une réunion interministérielle, présidée par le directeur du cabinet du Premier ministre, a préparé un décret étendant aux Français de Côte d'Ivoire le bénéfice de la loi du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer, qui avait été adoptée pour les Français d'Algérie.

Vous me permettrez de m'associer aux remerciements que vous avez été nombreux à exprimer pour tous ceux, fonctionnaires, bénévoles, particuliers, collectivités locales, que ce soit à Abidjan, à Paris, au Quai d'Orsay ou à Roissy, qui ont été formidables lorsqu'ils ont accueilli tous ces Français. Outre les sénateurs représentant les Français de l'étranger, nombreux sont ceux qui sont venus à Roissy. Je tiens à leur dire ma gratitude et mon admiration.

Mme Bergé-Lavigne, MM. Bret et Plancade ont évoqué la situation en Irak et les perspectives du conflit israélo-palestinien après la disparition de Yasser Arafat.

Plus que jamais, l'instabilité au Moyen-Orient est au coeur des problèmes du monde et au coeur de nos préoccupations. J'ai souvent dit que le conflit israélo-palestinien était un conflit central. Il y a, dans cette région, un besoin de paix, de justice et de sécurité, et notre génération à le devoir d'y répondre.

Avec le décès de Yasser Arafat, c'est une situation nouvelle qui se crée. Toute notre action, avec les Européens et dans le cadre de ce que l'on appelle le Quartet - Russes, Américains, Nations unies et Européens - vise à faire en sorte que la transition politique permette la désignation des nouveaux responsables palestiniens dans les meilleures conditions possibles.

C'est pourquoi nous soutenons la tenue d'une élection présidentielle transparente, démocratique, ouverte à tous les Palestiniens ; elle se tiendra le 9 janvier prochain.

La France prendra une part importante aux opérations de contrôle et d'observation de ce scrutin par l'Union européenne. Nous avons proposé à la Commission vingt-cinq candidats - c'est le chiffre maximum pour la France, selon les quotas par Etat membre - pour faire partie de l'équipe qui sera dirigée par l'ancien Premier ministre M. Michel Rocard.

Au-delà, c'est, bien sûr, la relance du processus de paix qui est la priorité. Nous percevons, actuellement, une ambiance plus positive, une plus grande disponibilité au dialogue.

J'évoquerai également le projet de retrait de Gaza, que j'ai qualifié de « courageux » lorsque je me suis rendu à Jérusalem et à Tel Aviv. Toutefois, il ne doit pas s'agir uniquement d'un simple retrait de Gaza : il faut que ce retrait soit réussi et que ce premier territoire duquel les Israéliens se retirent soit un territoire viable, stable, où les jeunes Palestiniens trouveront un avenir.

Enfin, des idées de conférence internationale circulent, pas encore très précises, mais qui correspondent à ce que la France demande depuis longtemps, pour peu qu'il s'agisse véritablement de remettre sur les rails la feuille de route.

J'estime, comme Mme Durrieu, qu'il n'y a pas d'autre alternative à cette feuille de route, hormis la spirale de la violence, qui touche indistinctement les enfants de Palestine et les enfants d'Israël.

Il faut donc saisir une opportunité qui, espérons-le, s'ouvre réellement au Proche-Orient. La France s'y engage pleinement pour que cette chance, la première depuis bien longtemps, soit saisie.

MM. Bret et Plancade ont évoqué la question de l'Irak. A Charm el-Cheikh, le 23 novembre dernier, les pays les plus concernés par ce conflit et la totalité des pays riverains de l'Irak, y compris l'Iran ou la Syrie, qui étaient présents, se sont mis d'accord sur une approche commune pour encadrer, consolider, j'allais dire parrainer le processus de transition politique prévu par la résolution 1546.

Nous nous sommes naturellement associés à ce travail. Comment la France aurait-elle été absente d'une telle conférence, qui vise à réintroduire enfin un peu de multilatéralisme dans l'action internationale ?

Nous avons pesé de tout notre poids pour que les textes adoptés soient le plus possible conformes à nos vues, avec l'ouverture du champ politique irakien, notamment lors des élections programmées pour le 30 janvier, qui doivent être des élections équitables dans lesquelles se reconnaissent toutes les communautés, toutes les forces irakiennes présentes sur l'ensemble du territoire irakien.

Un second point nous tenait à coeur : la perspective réaffirmée du retrait des troupes étrangères d'ici au 31 décembre 2005.

Par ailleurs, nous voulons aider bilatéralement les autorités irakiennes à remettre sur pied leur pays, sans envisager, ni aujourd'hui ni demain, le moindre engagement militaire.

Nous agissons également par le biais de l'Union européenne, qui met en place un ensemble de projets pour l'assistance électorale lors du scrutin du 30 janvier et dans le domaine de l'Etat de droit.

En effet, monsieur Plancade, un effort particulier a été consenti par le Club de Paris pour alléger de façon significative le poids de la dette irakienne. Nous avons d'ailleurs demandé, à Charm el-Cheikh, après avoir accompli un effort à hauteur de 80 % en plusieurs tranches et par étapes, aux autres créanciers - plus des deux tiers de l'endettement de l'Irak ne dépendent pas du Club de Paris - de consentir le même effort que nous.

Nous voulons donc être à la fois constructifs et vigilants. Nous sommes conscients des difficultés considérables que pose la sécurité dans ce pays. Nous restons convaincus que la seule solution durable est politique. Il n'y a pas d'issue par les armes ou par des opérations militaires. Il faut rendre aux Irakiens la maîtrise de leur destin. Nous veillerons donc à ce que les principes arrêtés à Charm el-Cheikh soient effectivement mis en oeuvre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai beaucoup abusé de votre patience, mais vous avez posé de nombreuses questions. Je tiens à vous remercier de votre attention.

L'année 2003 avait été marquée par une vraie inquiétude sociale et budgétaire au ministère des affaires étrangères. La prise de conscience qui en est résultée, sous votre impulsion, sous celle du chef de l'Etat et sous celle de mon prédécesseur, M. Dominique de Villepin, a permis de stopper la décrue des crédits. Nous amorçons aujourd'hui, de manière certes encore très modeste, je le reconnais, la consolidation de nos crédits, alors que chaque jour apporte, malheureusement, de nouvelles crises et de nouveaux défis, qui placent notre diplomatie en première ligne.

J'ai été sensible aux témoignages de reconnaissance et aux remerciements que vous avez été nombreux à adresser à l'ensemble des agents de l'Etat qui sont placés sous mon autorité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour, je tiens à féliciter les rapporteurs pour leur travail de grande qualité, grâce auquel ils ont pu faire ressortir l'essentiel de ce projet de budget.

Je me conformerai strictement à la demande de M. Arthuis, c'est-à-dire que je concentrerai mon intervention sur les réponses aux questions qui m'ont été posées. J'essaierai de les ordonner pour faire ressortir les axes de notre coopération, sa signification et ses intentions.

Je tenterai également d'être le plus précis possible, d'autant que cette assemblée compte de nombreux spécialistes, qu'il s'agisse de la coopération, des finances ou du budget.

Comme l'ont souligné MM. les rapporteurs, la loi organique relative aux lois de finances clarifiera le champ de compétence de mon ministère, puisque, parmi les quatre programmes budgétaires qui regrouperont l'activité de l'ensemble du ministère, deux concerneront plus spécifiquement l'action de coopération : ils seront intitulés « Solidarité à l'égard des pays en développement » et « Rayonnement culturel et scientifique ».

Il faut bien reconnaître que la séparation entre ces deux programmes peut paraître artificielle, puisqu'elle est uniquement géographique. Cependant, je souligne que l'aide publique au développement a un double objet : d'une part, faire en sorte que les pays se développent, d'autre part, accroître l'influence française auprès des pays comme auprès des organisations multilatérales.

S'agissant de l'influence française, je dirai juste un mot, afin de faire écho aux remarques de MM. Fournier et Assouline, sur l'accueil des étudiants étrangers. Leur nombre est en forte augmentation, ce qui montre que la France est capable de coordonner ses différents services pour les visas, pour les bourses, pour la gestion des universités en faveur d'un objectif louable.

C'est, depuis quelques années, l'un des segments en plus forte croissance au sein de notre aide au développement ; c'est aussi l'un des vecteurs importants de notre influence. C'est pourquoi j'approuve tout à fait les propos qu'a tenus tout à l'heure M. Gouteyron, en tant que rapporteur spécial : il faut rester très vigilant sur la qualité des étudiants qui viennent en France. Je suis également ouvert à la proposition de M. de Montesquiou d'accueillir plus d'étudiants issus des pays en forte croissance, notamment asiatiques.

Pour autant, au-delà des deux programmes de la LOLF que je viens d'évoquer, le ministre de la coopération est concerné par bien d'autres programmes du ministère des affaires étrangères, par exemple par les dotations à l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger.

Monsieur Fournier, vous avez raison de souligner qu'il y a bien un effet d'optique dans la dotation allouée à l'AEFE : en fait, elle augmente de 3 millions d'euros si l'on prend en compte une mesure exceptionnelle qui a permis de financer la réforme des emplois.

Je tiens à vous rassurer : l'AEFE est bien dotée en euros. Certes, elle dépense l'essentiel de son budget en devises. Par conséquent, le Gouvernement a été attentif à protéger ses gains de change en 2002, en 2003 et en 2004, ce qui lui a permis d'augmenter considérablement son fonds de roulement en n'amputant pas pour autant son budget pour 2005.

Par ailleurs, je partage tout à fait la préoccupation de M. Guerry et de Mme Garriaud-Maylam de voir évoluer les modes d'intervention de l'AEFE. Bien entendu, ces évolutions doivent être progressives pour éviter de faire table rase du passé, qui a donné des résultats très satisfaisants et pour prendre en compte la situation très diversifiée de nos établissements. J'en veux pour preuve les fortes différences de coûts qui existent entre les lycées des différents pays du monde.

Comme l'a souligné M. Ferrand dans son rapport remis au Premier ministre, nous devons développer des sources de financements alternatives, en complément de ceux de l'Etat, par exemple grâce à un concours renforcé des entreprises.

Ainsi que je l'avais dit lors de ma communication en conseil des ministres sur ce sujet voilà un mois, l'enjeu immobilier est essentiel. L'AEFE devra également se doter de compétences domaniales, lorsqu'un décret en Conseil d'Etat l'aura permis.

Je remercie une nouvelle fois M. Ferrand des encouragements qu'il a adressés à Michel Barnier et à moi-même pour l'action déjà accomplie, et je l'assure de ma détermination à mobiliser également le ministère de l'éducation nationale, que je connais un peu.

M. Ferrand a posé plusieurs questions très précises. Compte tenu à la fois de leur caractère extrêmement sophistiqué et de l'heure avancée, je propose de lui répondre par écrit.

M. Plancade a évoqué le problème des mines antipersonnel. De fait, cette question concerne à la fois le ministre des affaires étrangères et le ministre délégué au développement.

La semaine dernière, je me trouvais à Nairobi pour une réunion consacrée à cette question douloureuse. C'est un fléau terrible, qui fait encore, chaque année, 15 000 à 20 000 victimes. Il faut souligner l'action des ONG dans ce domaine, en particulier celle de Handicap International. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Plancade, l'engagement de notre pays en la matière est ancien et profond, puisque la France est le premier des cinq membres permanents du conseil de sécurité à avoir ratifié la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel. La France y a consacré plus de 13 millions d'euros depuis 1996 et près de quatre fois plus dans le cadre européen.

Les efforts seront poursuivis puisque, comme je l'ai annoncé à Nairobi la semaine dernière, 5 millions d'euros viendront s'y ajouter pour le seul continent africain.

Nous sommes évidemment favorables à une ratification plus large de cette convention. Nous continuerons à faire pression sur les pays puissants et très représentatifs sur la scène internationale, notamment la Chine, les Etats Unis ou l'Inde, pour les inciter à ratifier cette convention.

Mais je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs, concentrer mes propos sur l'aide publique au développement. Comme l'a dit tout à l'heure Michel Barnier, il s'agit bien de la première priorité du budget des affaires étrangères et son augmentation est due, en grande partie, à l'accroissement de l'aide au développement.

Vos rapporteurs Michel Charasse et Paulette Brisepierre ont relevé à quel point cette augmentation reflétait l'engagement pris par le Président de la République de consacrer à l'aide au développement 0,5 % de notre PIB en 2007 et 0,7 % en 2012.

Nous sommes dans la bonne voie puisque nous prévoyons 0,42 % du PIB en 2004 et 0,44 % en 2005.

Cet objectif 2004 sera atteint, monsieur Charasse, sans que soient mises en place des mesures correctrices, parce que certains pays ont déjà bénéficié d'allégements de dettes plus tôt que prévu, ce qui compense le retard des autres, et parce que certains segments de notre aide ont progressé suffisamment vite.

Je vous concède cependant, monsieur Charasse et monsieur Pelletier, que l'augmentation constatée résulte en grande partie d'allégements de dette, qui représentent aujourd'hui 20 % à 30 % de notre aide. Mais ne négligeons pas pour autant les autres actions. Ainsi, l'aide au développement inscrite dans le budget du ministère des affaires étrangères augmentera de 160 millions d'euros pour dépasser les 2,2 milliards d'euros. Cette évolution résulte, pour une grande part, de la décision de contribuer chaque année au Fonds mondial contre le SIDA, à hauteur de 150 millions d'euros, et de la montée en puissance des décaissements du Fonds européen de développement, dont la dotation passe de 565 millions à 628 millions d'euros.

Sur le premier de ces sujets, je voudrais souligner, pour répondre à Mme Luc, à quel point la France est engagée dans la lutte contre le SIDA. Cette seule contribution au Fonds mondial contre le SIDA fait de nous l'un des tout premiers contributeurs. Mais nous menons également de nombreuses actions bilatérales d'accompagnement dans les pays. Car il ne suffit pas de fournir les médicaments, ni d'avoir des ressources importantes : encore faut-il que les systèmes de santé fonctionnent et que les campagnes de prévention soient plus efficaces.

S'agissant du Fonds européen de développement, madame Cerisier-ben Guiga, nous avons prévu une inscription de 42 millions d'euros dans la loi de finances rectificative de 2004 pour financer notre part du FED cette année. En ce qui concerne l'année 2005, il est toujours difficile de prévoir les décaissements avec certitude. Ainsi, la Commission vient de diminuer son estimation des besoins pour 2005 de 30 millions d'euros rien que pour la France. Si l'augmentation substantielle que nous avons prévue pour cette ligne budgétaire entre 2004 et 2005 s'avérait insuffisante, nous chercherions évidemment une inscription en loi de finances rectificative.

Comme le constate Michel Charasse, le FED débourse mieux. Mais ce n'est pas entièrement le fait de contributions à des fonds multilatéraux, qui ne représentent qu'entre 5 % et 10 % des volumes totaux. D'ailleurs, je m'en félicite, car lorsque le FED décaisse, on ne se souvient pas toujours de celui qui a fourni les fonds décaissés. Je note d'ailleurs que, dans les deux cas significatifs - les pays pauvres très endettés, les PPTE, et le Fonds mondial contre le SIDA -, la contribution européenne s'est faite sur l'initiative de la France, amenant d'autres pays de l'Union à se joindre à nos priorités.

Mais Michel Charasse a raison de souligner le défi important qui nous attend dans la perspective de 2006 et 2007, car l'engagement présidentiel en matière d'aide publique au développement représente des montants très importants : cela revient à passer de 5 milliards d'euros en 2001 à 9 milliards d'euros en 2007, au moment où les allégements de dettes auront tendance à diminuer. Il s'agit donc de trouver à décaisser des sommes véritables.

Je tiens au passage à souligner qu'il est parfaitement fondé d'inclure des abandons de créances dans le calcul de l'aide publique au développement, parce que les pays dont la dette est ainsi allégée investissent les sommes économisées dans des politiques de réduction de la pauvreté. Les études de la Banque mondiale montrent que ces pays augmentent très fortement leurs dépenses de réduction de la pauvreté lorsqu'ils bénéficient de l'initiative PPTE.

Il s'agit donc non pas d'un artifice comptable, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure, mais simplement d'un effort budgétaire français à destination des pays les plus pauvres.

M. Plancade a raison de souligner que les importantes annulations de dette que nous venons de décider sur l'Irak auront un impact sur le montant de notre aide : nous avons effectivement prévu 500 millions d'euros à ce titre en 2005. Conscient de ce fait, le Gouvernement a décidé, en juillet dernier, qu'il n'irait pas au-delà de ce chiffre et c'est en grande partie la raison pour laquelle nous avons cherché, et obtenu, un phasage des annulations du Club de Paris.

Je ne vais pas détailler la manière dont cette dette sera échelonnée jusqu'à 2008, année qui marque la fin de l'accord avec le FMI ; j'ai déjà répondu à ce sujet hier, à l'Assemblée nationale.

En matière de dotations aux organisations internationales onusiennes, pour répondre à une question que soulevait Jean-Guy Branger, nous n'avons pas à rougir de notre participation. Néanmoins, un effort complémentaire nous permettrait d'augmenter substantiellement notre influence auprès des Nations unies. C'est pourquoi nous comptons demander une dotation complémentaire de 20 millions d'euros en loi de finances rectificative de 2004.

Nous envisageons bien, comme le souhaite Michel Charasse, de concentrer cette dotation sur quelques organisations sur lesquelles nous souhaitons davantage peser. Bien évidemment, pour répondre à M. Pelletier et à M. Plancade, cela concernera le CNUD.

Au-delà de ces chiffres, Mme Cerisier-ben Guiga a souligné avec justesse l'importance de la réforme que le Gouvernement a engagée pour rendre le dispositif de coopération plus efficace. Elle a rappelé les décisions prises par le CICID, qui s'est tenu le 20 juillet dernier sous la présidence du Premier ministre.

Je vous indiquerai tout d'abord quels en sont les points principaux et je répondrai ensuite à l'objection que vous avez soulevée.

En premier lieu, le ministre chargé de la coopération est désigné comme chef de file de l'aide publique, même s'il agit sous l'autorité du ministère des affaires étrangères, de sorte que tous les acteurs publics concernés, jusqu'ici dispersés, puissent travailler ensemble. J'ai d'ailleurs réuni récemment la Conférence d'orientation stratégique et de programmation de l'aide publique au développement, où tous les ministères étaient représentés. On se demande même comment on pouvait faire lorsque ce dispositif n'existait pas.

En second lieu, le CICID a décidé que notre aide serait plus sélective et plus concentrée. Elle serait également mieux orientée vers les Objectifs du Millénaire, qui visent à réduire de moitié la pauvreté dans le monde d'ici à 2015.

En troisième lieu, nous avons décidé d'établir des documents de référence par pays et par secteur. J'en ai parlé la semaine dernière avec le commissaire européen au développement, M. Louis Michel ; ce sera la base de la coordination entre nos actions et celles de la Commission.

En quatrième lieu, les rôles de chacun dans la mise en oeuvre de l'aide sont clarifiés : au ministère des affaires étrangères, la définition des stratégies des grandes orientations ; à l'AFD, la mise en oeuvre de ces orientations sur le terrain.

Bien entendu, l'Etat conservera un appui institutionnel aux organisations non gouvernementales, tandis que l'AFD pourra travailler avec elles pour des actions concrètes de terrain. (M. Michel Charasse s'exclame.)

Monsieur Charasse, je n'ai pas été insensible aux questions que vous avez posées sur le rôle de l'AFD, qui est à la fois banque et agence de développement. Il n'est pas impossible d'imaginer, si Michel Barnier le souhaite, que nous puissions, au cours des mois à venir, lorsque d'autres CICID se tiendront, soulever à nouveau cette question de la distinction entre la fonction banque et la fonction agence. Votre analyse est tout à fait recevable pour tout esprit raisonnable qui connaît ces questions.

J'ajouterai quelques mots sur le contrat d'objectif. Ce document, qui est encore en cours de discussion, devrait comporter des orientations stratégiques pour l'agence, associées à une mesure de la qualité et de l'impact des opérations et à des prévisions d'activité.

Dans un deuxième grand volet, ce contrat devrait contenir des descriptions des procédures sur les nouvelles relations entre le ministère et l'agence, comme l'obligation, pour celle-ci, de se conformer aux orientations sectorielles et géographiques, puisqu'il s'agit d'avoir autorité sur l'agence.

Ainsi, l'AFD ne sera plus une boîte noire et nous pourrons peut-être connaître son activité prévisionnelle.

Enfin, je rappellerai la cinquième orientation du CICID ; elle est importante pour les relations entre le Parlement et le Gouvernement puisqu'un document de politique transversale sera présenté annuellement en annexe à la future mission interministérielle sur l'aide au développement prévue par la loi organique relative aux lois de finances.

Ce document sera préparé en coordination avec mon ministère et il aura pour objet de clarifier l'aide au développement à la fois dans ses orientations stratégiques et dans ses chiffres. Il se substituera à l'actuel « jaune » budgétaire sur le même sujet.

Pour terminer, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais dire un mot sur les sources innovantes de financement.

Tout à l'heure, Jacques Pelletier a dit que nous soutenions la facilité financière internationale souhaitée par les Britanniques. Soyons plus nuancés : nous ne l'excluons pas, mais, tout emprunt d'aujourd'hui étant l'impôt de demain, nous pensons qu'il faut trouver d'autres sources de financement. M. Plancade avait raison de dire que l'on ne peut pas tenir un discours de générosité et, dans le même temps, ne pas se donner les moyens de la solidarité.

Les propositions du Président de la République concernant l'instauration de taxes internationales, à la suite du rapport de M. Landau, ont reçu un accueil très favorable lors d'une réunion qui s'est tenue à l'ONU, le 20 septembre. L'année qui vient sera décisive Il est en effet techniquement possible, économiquement rationnel et moralement juste de mettre en place de nouvelles taxations internationales qui puissent financer le développement.

A Mme Luc, qui s'interroge sur le calendrier de ces taxes, je répondrai que nous nous plaçons dans la perspective du sommet de l'ONU de septembre 2005, qui dressera un bilan des Objectifs du Millénaire pour le développement. Or, comme le souligne Mme Luc, on sait d'ores et déjà que ces objectifs ne seront pas atteints, en partie par défaut de financement. On parle de chiffres astronomiques : non plus 2 015 mais 2 145. La France compte s'appuyer sur ces analyses pour soutenir la dynamique qu'elle a lancée.

Mais la grande nouveauté - et c'était vraiment inattendu pour les spécialistes de longue date du développement que j'ai pu rencontrer à l'ONU ou à la Banque mondiale - c'est que ce sujet figure désormais à l'agenda international.

S'agissant du financement de l'éducation, voilà une quinzaine de jours, lors d'une réunion à Brasilia sur le financement de l'éducation pour tous, j'ai pu constater une véritable convergence entre l'action de la France et celle de la Banque mondiale sur le Fast Track.

Le président de la Banque mondiale, que j'ai rencontré au début du mois d'octobre, m'a d'ailleurs indiqué qu'il saluait l'action de la France dans ce domaine.

Il ne faut donc pas être trop pessimiste, même si de nombreuses questions demeurent et que beaucoup de chemin reste à parcourir. Grâce à la détermination du Président de la République, à celle du ministre des affaires étrangères, à celle de la France, le sujet de l'aide au développement sera examiné lors du prochain sommet du G8. De la même façon, la Banque mondiale nous fera des propositions au mois d'avril prochain, comme les institutions de Bretton Woods en général s'y sont engagées.

Philippe Madrelle m'a interrogé sur la coopération décentralisée. Bien entendu, elle ne se limite pas au chapitre 42-13, car les collectivités bénéficient de crédits inscrits à d'autres chapitres budgétaires.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est exact !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Très souvent, les collectivités participent aussi avec des dotations assurées par l'Etat : je pense au fonds de solidarité prioritaire ou encore au fonds pour le partenariat universitaire avec les régions, qui est doté d'un million d'euros.

Cependant, nous devons avoir une vision claire, c'est-à-dire pays par pays, de la coopération décentralisée, qui est déployée généreusement, mais de manière dispersée.

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Sans doute sera-t-il utile que se tiennent des états généraux de la coopération décentralisée, soit globalement, soit pays par pays.

Je répondrai maintenant à la question de Jacques Pelletier sur le Haut Conseil de la coopération internationale. Il connaît bien le sujet puisqu'il fut ministre de la coopération et du développement. Nous savons tous quelle est l'importance de ce conseil. J'en recevrai les représentants mardi prochain, afin d'examiner avec eux les perspectives de travail en commun.

Enfin, s'agissant de la francophonie, pour répondre à Catherine Tasca, à Jacques Legendre, ainsi qu'à l'ensemble des orateurs qui ont évoqué cette question, je rappellerai que notre effort en la matière est perceptible : la dotation est en progression - certes légère - puisqu'elle atteint 801 millions d'euros en 2005.

Les enjeux de la francophonie ne sont pas seulement budgétaires, nous l'avons bien vu lors du sommet de Ouagadougou. En effet, plus que d'argent, il y a surtout été question non seulement de créer un cadre stratégique décennal cohérent, où l'éducation prendra la part essentielle, mais également de peser, grâce à la cohésion des pays francophones, sur l'évolution des politiques mondiales.

Par ailleurs, au cours de ce sommet a été annoncée l'ouverture, en 2007, de la Maison de la francophonie, avenue de Saxe à Paris. Nous réfléchissons actuellement à la manière de budgétiser cette installation. Parallèlement, un festival des cultures de la francophonie est prévu à Paris en 2006.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, la francophonie se mobilise aussi en faveur d'une conception du monde et des relations entre les nations : diversité culturelle, protection de la biodiversité. D'une manière générale, comme notre politique étrangère, notre politique de la francophonie est attentive à l'évolution du monde et tente de peser sur elle, afin que ceux d'entre nous qui en ont le plus besoin soient les plus assistés. C'est bien le sens de l'action que je me dois de conduire sous l'autorité de Michel Barnier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

Affaires étrangères
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI (début)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des affaires étrangères et figurant aux états B et C.

État B

Titre III : moins 1 109 570 €.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. J'interviendrai sur un sujet qui vous tient également à coeur, monsieur le président.

Monsieur le ministre, nous avons été attentifs aux propos que vous avez tenus concernant l'Institut du monde arabe. Nous vous remercions de lui permettre d'atteindre ses objectifs, qui visent au rayonnement de la France et à une meilleure connaissance du monde arabe en France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Titre IV : 104 421 477 €.

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI (interruption de la discussion)

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État C

Titre V. - Autorisations de programme : 87 967 000 € ;

Crédits de paiement : 58 819 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre VI. - Autorisations de programme : 279 110 000 € ;

Crédits de paiement : 135 635 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère des affaires étrangères.

Etat C - Titres V et VI (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Discussion générale

6

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-823 du 19 août 2004 portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 108, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 105, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

8

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 107, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

- sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde (ensemble un avenant sous forme d'échange de lettres) (n° 254, 2003-2004) ;

- sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d'extradition (n° 255, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 100 et distribué.

J'ai reçu de M. Didier Boulaud un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 29 janvier 1951 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative aux gares internationales de Modane et Vintimille et aux sections de chemins de fer comprises entre ces gares et les frontières d'Italie et de France. (n° 257, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 101 et distribué.

J'ai reçu de M. André Rouvière un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

- sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention civile sur la corruption (n° 304, 2003-2004) ;

- sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention pénale sur la corruption (n° 305, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 102 et distribué.

J'ai reçu de M. Alain Gournac un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (n° 356, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 104 et distribué.

J'ai reçu de M. Jean Arthuis un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2001 692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (n° 69, 2004-2005).

Le rapport sera imprimé sous le n° 106 et distribué.

10

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de Mme Gisèle Gautier un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les résultats du sondage téléphonique sur la situation professionnelle des femmes au titre du bilan de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, déposé en application de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 103 et distribué.

11

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 8 décembre 2004 à onze heures, quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74, 2004-2005) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).

Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :

- Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer :

IV. - Tourisme :

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 19) ;

M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 76, tome XVI).

- Travail, santé et cohésion sociale :

I. - Emploi et Travail (+ articles 74 à 76) :

M. Serge Dassault, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 34) ;

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (travail et emploi, avis n° 78, tome IV) ;

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (formation professionnelle, avis n° 78, tome V).

(Procédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs)

III. - Ville et rénovation urbaine :

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial (rapport n° 76, annexe n° 36) ;

M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 76, tome XXIII) ;

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (ville et habitat, avis n° 78, tome III).

IV. - Logement (+ articles 80 et 81):

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 37) ;

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 76, tome XIV) ;

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (ville et habitat, avis n° 78, tome III).

Ecologie et développement durable :

Rapport spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation (rapport n° 74, annexe n° 9) ;

M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 76, tome XVII) ;

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 75, tome III).

(Procédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs)

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2005

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2005 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2005

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2005, est fixé au vendredi 10 décembre à seize heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Question orale avec débat (n° 6) de M. Jean-Paul Emorine à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur le service garanti dans les transports publics de voyageurs ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 14 décembre 2004, à dix-sept heures.

Question orale avec débat (n° 9) de M. Robert Bret à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur le devenir de la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 14 décembre 2004, à dix-sept heures.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (n° 356, 2003-2004) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 15 décembre 2004, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 2004, à douze heures.

Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (n° 69, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 15 décembre 2004, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 2004, à seize heures.

Projet de loi de finances rectificative pour 2004 (A.N., n° 1921) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 16 décembre 2004, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 16 décembre 2004, à seize heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 9 décembre 2004, à une heure cinquante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD