sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Situation en Côte d'Ivoire. - Déclaration du Gouvernement

M. le président.

MM. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères ; Jacques Pelletier, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Serge Vinçon, Michel Mercier, Robert Hue.

Clôture du débat.

Suspension et reprise de la séance

présidence de Mme Michèle André

3. Dépôt de rapports du Gouvernement

4. Organisme extraparlementaire

5. Prélèvements obligatoires. - Débat sur une déclaration du Gouvernement

MM. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Aymeri de Montesquiou, Jean-Pierre Masseret, Gérard Longuet, Christian Gaudin, Mmes Marie-France Beaufils, Nicole Bricq, MM. Francis Grignon, Serge Dassault, Daniel Goulet.

MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire ; Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie.

Clôture du débat.

6. Modification de l'ordre du jour

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire ; Mme la présidente.

7. Règlement définitif du budget de 2003. - Adoption définitive d'un projet de loi.

Discussion générale : MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Jean-Jacques Jegou, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-France Beaufils.

Clôture de la discussion générale.

Articles 1er, 2 à 9 (et états A à G et I) et 10 à 14. - Adoption

Vote sur l'ensemble

MM. Daniel Goulet, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat.

Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi.

8. Modification de l'ordre du jour

Mmes Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes ; la présidente.

9. Convention avec Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises. - Adoption définitive d'un projet de loi

Discussion générale : Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes ; M. Didier Boulaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption définitive de l'article unique du projet de loi.

10. Convention internationale pour la protection des végétaux. - Adoption d'un projet de loi

Discussion générale : Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes ; M. Robert Del Picchia, en remplacement de M. Jean Puech, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

11. Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture. - Adoption d'un projet de loi

Discussion générale : Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes ; M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

12. Accord international de 2001 sur le café. - Adoption d'un projet de loi

Discussion générale : Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes ; M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Clôture de la discussion générale.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

13. Dépôt d'un projet de loi

14. Dépôt de propositions de loi

15. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

16. Dépôt d'un rapport

17. Dépôt d'un avis

18. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Situation en Côte-d'Ivoire

Déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur la situation en Côte-d'Ivoire.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, je voudrais dire à nouveau la très vive émotion du Sénat face aux événements dramatiques survenus ces derniers jours en Côte-d'Ivoire.

Comme vous le savez, neuf soldats français ont malheureusement payé de leur vie l'accomplissement de leur devoir sur le front de la paix.

En ce jour de deuil, je tiens à renouveler, en notre nom à tous, nos condoléances profondément attristées et l'expression de notre compassion aux familles des disparus.

Avec plusieurs d'entre vous, je représenterai le Sénat à la cérémonie qui se déroulera tout à l'heure aux Invalides.

Je souhaite également transmettre aux blessés nos voeux d'un prompt rétablissement.

Mes pensées vont aussi à nos très nombreux compatriotes résidant en Côte-d'Ivoire, qui vivent actuellement des jours particulièrement difficiles et éprouvants.

Représentant constitutionnel des Français établis hors de France, le Sénat suit avec vigilance et inquiétude l'évolution préoccupante de leur situation.

Nous devons tous le dire avec conviction : la France doit impérativement assurer la sécurité de tous nos compatriotes.

Je forme aussi le voeu que la mission accomplie par la France au service de la paix sous l'égide des Nations unies porte ses fruits et rencontre l'adhésion de la population. Puisse un autre drame être évité et la paix l'emporter dans les esprits comme sur le terrain.

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, comme vous l'avez dit, dans moins d'une heure sera rendu aux Invalides un hommage solennel national à la mémoire de nos neuf soldats tués en terre ivoirienne, au service de la paix, alors qu'ils ne combattaient pas.

Comme vous l'avez fait vous-même, au nom de la Haute Assemblée, et comme nous le ferons tout à l'heure, monsieur le président, ensemble aux côtés de M. le Président de la République, je veux m'associer à la douleur des familles que nous partageons, et adresser à tous leurs camarades qui ont été blessés, parfois très sérieusement, mes voeux de rétablissement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis deux ans, la France s'est engagée avec détermination, sur le plan militaire, sur le plan politique, sur le plan diplomatique, pour appuyer un processus de sortie de crise extrêmement difficile, une crise qui secoue un pays ami et auquel nous sommes attachés par des liens profonds, anciens, et avec lequel nous partageons notre langue et une partie de notre histoire.

La France a fait tout cela sur la base d'une conviction forte au service de principes clairs, et en adoptant une démarche sans ambiguïté.

Notre conviction est qu'il n'y a pas de solution militaire durable à cette crise dont les racines sont très anciennes, bien antérieures à septembre 2002, et profondes avec des répercussions dans l'ensemble de la région.

Seule une solution politique, fondée sur le dialogue et l'avancée nécessaire du processus de conciliation et de réconciliation, permettra de sortir de ce conflit qui aujourd'hui coupe la terre de Côte-d'Ivoire en deux.

Des principes clairs, ici comme partout ailleurs, fondent notre politique étrangère. Ils sont à la base de notre position en Côte-d'Ivoire comme sur tous les autres théâtres de crise, sur le continent africain et ailleurs.

Nous voulons, d'abord, assurer la sécurité des populations, civiles et étrangères, à commencer, bien sûr, par la sécurité de nos propres ressortissants.

Nous voulons, ensuite, préserver la légitimité de l'Etat et des institutions qui sont à la base de tout régime démocratique, et donc favoriser là où il le faut, et c'est souvent le cas, des élections.

Nous voulons, enfin, respecter l'intégrité du territoire national.

Nous voulons, en outre, conforter la stabilité régionale.

Tels sont les principes sur lesquels nous fondons notre action.

La démarche que nous conduisons est sans équivoque : la crise qui secoue aujourd'hui la Côte-d'Ivoire n'est en aucune manière assimilable à un tête-à-tête entre la France et la Côte-d'Ivoire.

Dès le début de cette crise, nous avons choisi d'appuyer les efforts de la communauté régionale africaine, en particulier de l'Union africaine. Nous avons agi pour mobiliser la communauté internationale, en particulier dans le cadre des Nations unies, mais aussi l'Union européenne et les grands bailleurs.

Aujourd'hui, notre intervention se situe strictement dans le cadre du mandat des Nations unies.

Cette démarche que nous entendons respecter est difficile et exigeante pour la Côte-d'Ivoire comme pour tous ses partenaires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans ce cas comme dans d'autres, il ne s'agit pas, pour nous, de choisir un camp, il s'agit de défendre une solution.

L'objectif de notre pays est simple et il est unique : appuyer un processus de retour à la paix et assurer des conditions durables pour la stabilité régionale. Aujourd'hui, malgré l'extrême difficulté de cette situation, cet objectif demeure et reste le chemin unique pour éviter le pire.

Après avoir dit notre ambition, nos principes et notre démarche, je reviens quelques instants sur ce qui s'est passé ces derniers jours en Côte-d'Ivoire, en particulier à Abidjan.

Face à une situation de blocage du processus de paix issu de Marcoussis et d'Accra qui continuait de prévaloir en Côte-d'Ivoire, une sorte de « panne » du processus de paix, le président Gbagbo a décidé de prendre l'initiative et de tenter de recouvrer unilatéralement l'intégrité de son territoire.

Dès mercredi dernier, je peux en témoigner, M. le Président de la République, à l'occasion d'un long appel téléphonique, a personnellement mis en garde le président Gbagbo contre le risque majeur d'une action guerrière mettant en cause le cessez-le-feu.

Force est de constater que le président de la Côte-d'Ivoire n'a pas tenu compte de cet avertissement et samedi matin, après que d'autres opérations sur le terrain et dans les airs ont été conduites, neuf militaires français qui ne combattaient pas et qui assuraient strictement leur mission de stabilité et de paix ont été bombardés par un avion ivoirien de manière délibérée - je l'ai dit parce que je le pense -, et trente-quatre soldats ont été blessés.

Voilà pourquoi nous sommes alors passés en première ligne. Nous avons immédiatement répliqué militairement pour répondre à une agression militaire et, comme c'était légitime, mettre hors d'état de nuire l'aviation ivoirienne. Nous avons ensuite, presque immédiatement, sécurisé l'aéroport d'Abidjan et renforcé notre dispositif afin d'assurer, dans les meilleures conditions possibles, l'évacuation des blessés et les départs et les arrivées, notamment les renforts de soldats dont nous avions besoin.

Nous avons également voulu renforcer notre dispositif de sécurité pour éviter, autant que faire se pouvait - nous voyons bien que c'est difficile - des débordements incontrôlés de mouvements de foule.

Quel est le sens de notre mission ?

Notre priorité immédiate est d'assurer la protection des populations et de ramener le calme. Au moment où je vous parle, la situation semble se stabiliser, mais elle reste précaire. Voilà pourquoi notre vigilance doit rester intacte.

Au-delà, et en liaison étroite avec nos partenaires occidentaux et africains, nous travaillons à ramener le processus politique sur ses rails. Il faut maintenant chercher à l'accélérer. De cette situation dramatique que nous vivons sortira peut-être un nouveau volontarisme permettant de reprendre le chemin tracé, par l'accord de Marcoussis notamment. Il faut également encadrer plus rigoureusement le processus pour que, cette fois-ci, chacun de ceux qui ont signé à Marcoussis et à Accra soit enfin, de manière responsable, conduit à respecter ses engagements.

C'est dans cet esprit - je parlais de nos partenaires africains, qui jouent un rôle important, là comme ailleurs ; je pense au Darfour et à la région des Grands lacs - que le président de la République d'Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki, a rencontré hier, à Abidjan, le président Gbagbo.

A cet effet, le Conseil de sécurité travaille actuellement sur un projet de résolution que nous lui avons proposé et qui prévoit la mise en place d'un embargo sur les armes ainsi que la possibilité de mettre en oeuvre des sanctions à l'encontre des personnes coupables de crimes contre l'humanité et de celles qui font obstacle au processus de paix.

Notre priorité absolue est la sécurité de la communauté française.

Aujourd'hui, 15 000 de nos compatriotes, dont une grande partie de binationaux, vivent en Côte-d'Ivoire. C'est la communauté française la plus importante de l'Afrique subsaharienne. Installée en Côte-d'Ivoire depuis souvent fort longtemps, elle est composée de personnes qui aiment ce pays dans lequel elles travaillent. Beaucoup y ont fondé des familles, créé des entreprises.

C'est à cette communauté que nous devons penser, car elle est aujourd'hui terriblement secouée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'ailleurs très sincèrement rendre hommage à cette communauté, à son sang-froid, à son courage, et lui dire, au-delà de ces murs, l'attention que les pouvoirs publics, le Gouvernement, comme d'ailleurs chacune et chacun d'entre vous, en particulier ceux qui représentent les Français de l'étranger, continueront de lui apporter.

Les manifestations de ces derniers jours ont été extrêmement violentes. Tous les établissements scolaires ont été détruits. De nombreuses maisons ont été pillées. Des ressortissants français ont été agressés et sont choqués.

Plus de 3 000 personnes sont aujourd'hui regroupées dans le camp militaire de Port Bouet, sur le site de l'ONUCI - l'opération des Nations unies en Côte-d'Ivoire -, et à l'Hôtel Ivoire.

Des avions ont été affrétés par le Gouvernement pour apporter du ravitaillement et permettre, dès aujourd'hui, à ceux qui le souhaitent - ils sont assez nombreux, près de 1 350 - un retour en métropole. Trois avions devraient être ce soir à Paris.

Nous suivons également avec attention ce qui se passe à San Pedro, où habitent 250 ressortissants, et dans le reste du pays, où l'on compte 2 500 ressortissants.

Voilà pourquoi, je le redis après vous, monsieur le président, la situation est très préoccupante.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de vous écouter, je terminerai en disant que tous ceux qui assument aujourd'hui en Côte-d'Ivoire des responsabilités dans le maintien de l'ordre et le processus de paix, à commencer par le président Gbagbo, doivent maintenant se mobiliser pour rétablir durablement le calme et la sécurité.

Cet objectif de paix reste l'unique sens de l'engagement de la République française en Côte-d'Ivoire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que, en application de l'article 39, alinéa 3, du règlement du Sénat, une déclaration du Gouvernement qui ne fait pas l'objet d'un débat ouvre, pour un seul sénateur de chaque groupe, un droit de réponse n'excédant pas cinq minutes.

La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis heureux que le Sénat puisse débattre de ce grave problème de la Côte-d'Ivoire, et je remercie le Gouvernement d'avoir accepté la demande du Sénat et de son président.

Je tiens avant tout à saluer, au nom du groupe du RDSE, la mémoire des neuf soldats français qui sont tombés samedi dernier à Bouaké, victimes d'une attaque que nous condamnons de la manière la plus ferme. Que leurs familles reçoivent l'expression de notre vive sympathie et de notre solidarité.

Nous pensons aussi aux trente-quatre soldats qui ont été blessés, et nous formons des voeux pour leur rapide rétablissement.

Tous ces hommes servaient non seulement leur pays, mais aussi la défense de la paix, dans un pays victime de troubles graves depuis plus de deux ans.

La décision immédiate du Président de la République de détruire les avions ivoiriens était proportionnée aux événements ; elle répondait, je crois, à un objectif mesuré.

La présence de la France en Côte-d'Ivoire est placée sous le mandat légitime de l'ONU et s'articule avec les forces de l'ONUCI, qui émanent des Etats membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO. Elle est donc indispensable.

Le groupe du RDSE soutient la politique du Gouvernement, qui a sagement choisi de ne pas prendre parti, mais seulement de s'interposer, de protéger les populations civiles et de s'assurer qu'aucune exaction ni aucun nettoyage ethnique ne soit commis. Malheureusement, des charniers ont déjà été découverts dans les zones du Nord, sans que les coupables aient pu, à ce jour, être clairement identifiés.

La mission la plus urgente des forces de paix doit demeurer la protection des populations civiles, quelle que soit leur origine C'est à ce titre que doit répondre l'envoi de militaires du 43e BIMA - bataillon d'infanterie de marine -, stationnés au Gabon ou basés à Brive et en Corse.

Ce sont 15 000 à 16 000 de nos compatriotes qui vivent aujourd'hui dans l'inquiétude. Les actes anti-Français se multiplient, conduisant même, parfois, à une véritable « chasse au blanc ». Plusieurs milliers de nos compatriotes ont déjà trouvé refuge dans le camp militaire français, tandis que plusieurs centaines d'autres se sont abrités dans la mission de l'ONU.

Face à ce climat délétère, le dispositif militaire doit s'orienter vers une protection renforcée de nos compatriotes.

Votre Gouvernement, monsieur le ministre, a pris acte de la très grave détérioration de la situation. Il a annoncé, hier, la mise à disposition de plusieurs avions pour rapatrier les Français en détresse qui en expriment le souhait. Ces Français doivent être assurés de trouver aujourd'hui, auprès de nous, le réconfort de la solidarité nationale.

Les différents présidents qui se sont succédé à la tête de la Côte-d'Ivoire depuis la disparition du président Houphouët-Boigny portent une grave responsabilité dans la déliquescence du régime ivoirien. Leur incapacité, ou leur refus conscient, de prendre la mesure des nécessaires évolutions du pays a conduit, de fait, au chaos L'obstination du président Henri Konan Bédié à refuser qu'Alassane Ouattara, pourtant ancien Premier ministre du président Houphouët-Boigny, puisse se présenter aux élections présidentielles de 1995 a contribué à fragiliser la démocratie ivoirienne, en cristallisant les antagonismes.

Le président Gbagbo n'a, jusqu'à présent, pas démontré sa capacité à réconcilier le pays. Sa réticence à mettre en oeuvre les accords de Marcoussis ne pouvait que favoriser la situation actuelle de troubles. Ce texte fixe l'objectif de rétablissement de la paix et de réconciliation nationale. Il souligne, pour se faire, l'impérieuse nécessité de la tenue d'élections libres, transparentes et ouvertes. Il met également en exergue la mise en oeuvre d'un programme de réformes des principaux sujets de fond qui sont à l'origine de la crise actuelle, au premier rang desquels la nationalité et l'éligibilité, gages de concorde nationale.

L'application de ces accords exige au préalable que les interlocuteurs en présence entendent la voix de la communauté internationale et appellent fermement les fauteurs de troubles à mettre fin aux exactions qui compromettent gravement l'avenir de leur pays.

La résolution de cette crise ne peut être que politique. L'action du Gouvernement français est engagée dans ce sens, et le groupe du RDSE lui affirme son soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je viens rendre publiquement hommage aux soldats français qui sont en Côte- d'Ivoire pour sauvegarder la paix.

L'agression aérienne dont ils ont été victimes est inadmissible. Le bombardement du cantonnement des forces françaises de Bouaké doit faire l'objet d'une enquête minutieuse. Les responsabilités doivent être pleinement établies.

Au-delà de nos soldats, nous avons une pensée pour toutes les victimes que ce conflit a faites : les journalistes Jean Hélène et Guy-André Kieffer, disparu, ainsi que celles de ces derniers jours, tous ces manifestants entraînés par des meneurs irresponsables, ces Français, heureusement en petit nombre, dont nous sommes sans nouvelles.

En Côte-d'Ivoire, nous pensons que le rôle de la France est clair.

Il a été d'empêcher une guerre civile qui semblait inéluctable voilà trois ans, de préserver les vies humaines, notamment celles des ressortissants français, nos compatriotes, dont le présent et l'avenir nous préoccupent. En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je m'inquiète toujours de ce qui se passera une fois que les caméras auront cessé de filmer les retours dramatiques à Roissy, car c'est à partir de ce moment-là qu'il y a des problèmes et qu'il faut s'en occuper.

Le rôle de la France a également été, et continue à être, de consolider l'ordre institutionnel ivoirien, afin que des élections ouvertes et sans discrimination aient lieu au moment prévu et apportent l'ordre et la stabilité. Tout le reste est procès d'intention.

La France agit avec un mandat de l'ONU, elle n'est pas en Côte-d'Ivoire pour défendre ses intérêts nationaux.

Il est nécessaire de faire admettre au président Gbagbo et à son gouvernement, ainsi qu'à l'opposition, que les affrontements armés dans lesquels ils s'obstinent entraînent la Côte-d'Ivoire dans une spirale de massacres interethniques dont l'histoire africaine récente donne trop d'exemples.

Il est nécessaire que le président Gbagbo parle clairement et prenne ses responsabilités de chef d'Etat. Or, jusqu'ici, nous estimons que cela n'a pas été suffisamment le cas.

Pour l'avenir, oui, monsieur le ministre, nous en sommes bien d'accord, il faut une solution politique, et non militaire. Mais laquelle ?

La politique menée par la France et que nous avons soutenue est-elle en échec aujourd'hui ?

Les accords de Marcoussis et d'Accra sont-ils encore viables ? Les signataires ivoiriens honoreront-ils un jour leur signature ? N'est-il pas temps de redéfinir les missions de la France dans ce pays ? Le moment n'est-il pas venu d'obtenir que les forces françaises soient relayées par une force européenne, à l'appui de celle de l'ONUCI ? Il est trop facile, pour des agitateurs, de qualifier les forces françaises de forces d'occupation néocoloniales. Des forces européennes seraient probablement moins victimes de ce type d'interprétation.

Nous devons aussi envisager l'avenir de la politique africaine du Gouvernement. Les accords de défense sont-ils encore des outils adaptés ? Ne sont-ils pas des outils d'un autre siècle qui ne contribuent plus à consolider nos relations avec les Africains ? Le Parlement devrait, selon nous, se saisir de cette question.

Pour terminer, j'en reviens à l'ONU.

La déclaration du Conseil de sécurité de dimanche dernier a réaffirmé le soutien de la Communauté internationale à l'action de la France et à celle de l'ONUCI. Il reste à adopter une résolution de l'ONU apportant des précisions sur les moyens de réussir le désarmement et l'embargo général sur les armements, sur le respect des droits de l'homme par toutes les parties en présence et, enfin, - vous l'avez dit hier, monsieur le ministre, et cela nous paraît très important - sur les sanctions internationales encourues par toutes les parties qui violent le droit et les accords internationaux, toutes les parties qui, masquées ou non, commettent des crimes contre l'humanité.

La France joue un rôle important. Monsieur le ministre, nous souhaitons qu'elle continue à le jouer, mais nous pensons que plus des forces internationales agiront, plus nous serons efficaces. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Vinçon.

M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais, au nom de mon groupe, adresser mes premiers mots à la mémoire de nos neuf soldats morts pour la paix, à leurs familles, à leurs camarades blessés et à l'ensemble de nos militaires déployés en ce moment en Côte-d'Ivoire. Au nom de chacun d'entre nous, je souhaite exprimer notre émotion sincère et notre totale solidarité.

Je pense aussi à nos compatriotes vivant et travaillant en Côte-d'Ivoire et qui sont aujourd'hui l'objet de menaces ou de violences inacceptables. Nous partageons ici leur angoisse, en étant convaincus, monsieur le ministre, que tout est mis en oeuvre pour assurer leur nécessaire protection et leur retour, s'ils le souhaitent. Je veux remercier et saluer l'ensemble de nos diplomates, leurs collaborateurs et les bénévoles qui, à Paris ou à Abidjan, facilitent cette sécurisation. (M. Robert Del Picchia applaudit.)

Comment en est-on arrivé là ?

A partir de 2002, pour mettre un terme à l'enchaînement des violences qui affectaient la Côte-d'Ivoire, la France a choisi de promouvoir une solution politique, seule à même d'éviter à ce pays la guerre civile et à la région une déstabilisation certaine. Sans l'intervention courageuse de notre pays, où en serait, aujourd'hui, la Côte-d'Ivoire ? Et où en serait le pouvoir légitime ivoirien ?

L'amorce d'une réconciliation, le désarmement, le partage des responsabilités et le lancement d'un processus de réformes législatives et constitutionnelles ont été au coeur de la démarche lancée à Marcoussis et confirmée ensuite par les accords d'Accra signés par le président Gbagbo. Cette démarche a été validée par les Nations unies, puis par l'Union africaine elle-même.

Toutefois, pour réussir, cette logique de réconciliation supposait, de la part des différentes parties ivoiriennes, un sens des responsabilités et de l'intérêt national, ainsi que le souci de la stabilité régionale. Hélas ! force est de constater que cette attente a été déçue. Les engagements non tenus, le double langage et l'intimidation ont peu à peu réduit à presque rien les fragiles et laborieux acquis de plusieurs mois de négociations conduites conformément aux recommandations de la communauté internationale.

Il n'est pourtant d'autres solutions, aujourd'hui comme hier, que celles du dialogue et d'un processus politique loyalement appliqué et scrupuleusement respecté.

C'est pour permettre ce dialogue que l'ONU a envoyé 6 000 soldats sous casques bleus provenant, pour la plupart, de contingents de pays africains ; c'est pour cette paix nécessaire que la France a envoyé sur place, en soutien des forces de l'ONU, près de 4 000 hommes dont, depuis deux ans, 17 ont payé cette mission de leur vie.

C'est aussi pour cette raison que le Conseil de sécurité des Nations unies travaille sur une résolution qui a pour objet non seulement d'inciter à une reprise rapide du processus politique, mais aussi de dissuader ceux qui tenteraient, une fois de plus, d'y faire obstacle.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui est en débat aujourd'hui, ce que mettent en cause les violences actuelles en Côte-d'Ivoire, c'est, au-delà même de ce pays et plus largement, les chances de voir le continent africain sortir du cercle des crises régionales et des guerres civiles qui le meurtrissent et le ruinent.

Cette logique pernicieuse et contagieuse de la violence est notamment à l'oeuvre au Soudan, dans la région des Grands Lacs, en République démocratique du Congo ou encore dans la Corne de l'Afrique.

Dans ce contexte, qui prête souvent au pessimisme, il est essentiel de tout faire pour préserver la stabilité là où elle peut encore l'être, pour peu que chacun prenne ses responsabilités. Comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, c'est ce que s'efforce de faire la France, avec ses partenaires africains et avec le clair soutien de l'Organisation des Nations unies.

C'est cette action que vous menez, monsieur le ministre, sous l'autorité du Président de la République, et à laquelle nous apportons notre soutien solidaire et résolu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est d'abord à nos neuf soldats décédés que vont nos pensées. Le groupe de l'Union centriste s'associe aux marques de compassion adressées à leurs familles, à leurs amis et à leurs compagnons d'armes.

L'action que mène depuis longtemps la France en Côte-d'Ivoire est courageuse et nécessaire.

Courageuse, parce qu'il n'est jamais facile d'essayer d'apporter à un pays ami tout à la fois des conseils et un soutien humain, tant militaire que civil, afin de l'aider à résoudre des problèmes qui ne sont pas forcément les nôtres et qui ne sont pas perçus, de notre part, comme ils sont vécus sur place. Par conséquent, la politique menée depuis longtemps en la matière me semble extrêmement courageuse. Quelles que soient les difficultés actuelles, il ne faut pas oublier que la Côte-d'Ivoire et les Ivoiriens sont nos amis et qu'ils ont besoin de nous.

Il y a naturellement deux temps dans l'action que mène aujourd'hui la France : l'immédiat et la préparation d'un avenir meilleur.

L'immédiat, c'est garantir la sécurité à l'ensemble des ressortissants de la communauté internationale qui vivent en Côte-d'Ivoire, et notamment à nos ressortissants. Pour en connaître quelquesuns, je peux dire que nombre de Français ont envie de rester en Côte-d'Ivoire. Ils y ont construit leur vie : c'est aujourd'hui leur pays, même si la France reste leur patrie. Nous devons donc faire tout notre possible pour leur permettre à nouveau de vivre en sécurité dans ce pays où ils ont choisi de construire leur vie familiale et leur bonheur.

L'immédiat, c'est également accueillir le mieux possible les 1 350 Français qui, aujourd'hui même, souhaitant retrouver la métropole, vont revenir chez eux, et tous ceux qui suivront. C'est un devoir sacré.

Au-delà de l'urgence qui doit guider notre action, il faut aussi préparer l'avenir de la Côte-d'Ivoire.

A cet égard, nous devons d'abord dire à nos amis ivoiriens que c'est eux qui construiront leur avenir, qu'ils doivent se mobiliser pour dépasser leurs querelles et construire la paix qu'ils souhaitent.

La Côte-d'Ivoire est un beau pays, qui a de magnifiques atouts. Nous devons le rappeler aux Ivoiriennes et aux Ivoiriens, et c'est une tâche immense. Ils doivent comprendre que ce sont eux qui, demain, construiront, ou non, un pays où il fait bon vivre.

Le rôle de la France est très difficile, en raison de ses responsabilités historiques. Aujourd'hui, la France n'agit pas seule ; elle intervient dans le cadre d'un mandat de l'ONU, avec l'ensemble des Etats africains qui essayent de construire les conditions de la paix.

Les accords de Marcoussis et d'Accra nous paraissent évidents. Nous savons qu'ils sont difficiles à appliquer par les Ivoiriens. Au-delà de la sécurité, qui est effectivement essentielle aujourd'hui, il faut leur faire comprendre qu'ils n'ont rien à craindre de leurs amis des autres pays, notamment de la France, et que nous pouvons, ensemble, les aider à construire la nouvelle Côte-d'Ivoire.

Dans cette optique, le travail du Gouvernement et votre action, monsieur le ministre, méritent le soutien du Parlement Français. En tout cas, vous avez le soutien de notre groupe. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, des événements d'une exceptionnelle gravité déchirent la Côte-d'Ivoire. La France y est directement et gravement impliquée.

Permettez-moi, tout d'abord, d'avoir une pensée pour nos soldats, déployés dans le cadre du mandat de l'ONU, victimes du bombardement déclenché par les forces armées ivoiriennes. Comme nous tous ici, je m'associe à la douleur de leurs familles et je transmets mes voeux de rétablissement à ceux qui ont été blessés lors du bombardement du cantonnement français.

Ma pensée va aussi à nos compatriotes qui vivent dans l'angoisse et la peur face aux manifestations et aux violences xénophobes. Je tiens à exprimer également ma tristesse et ma vive inquiétude face aux affrontements de ces derniers jours qui, d'après le Comité international de la Croix-Rouge, ont fait des centaines de victimes ivoiriennes et des dizaines de morts. Chaque heure qui passe apporte son lot de nouvelles tragiques.

Le sang n'a que trop coulé. Maintenant, il n'est d'autre perspective que d'enrayer une escalade aux conséquences incalculables.

La responsabilité de tous est engagée, pour rendre possible l'arrêt des affrontements et pour dégager une issue politique à la crise. Le gouvernement ivoirien doit prendre toutes les mesures en son pouvoir afin que les appels au calme se traduisent effectivement par une baisse des tensions, pour que la sécurité des étrangers soit assurée.

De leur côté, les autorités françaises ont la responsabilité de ne pas se laisser entraîner dans le cycle de la violence. Il est essentiel, en effet, que la France préserve sa capacité de « facilitateur » de la paix et qu'elle continue d'agir dans un cadre multilatéral. Nous sommes très attentifs, aussi, aux efforts de médiation des gouvernements africains, et tout particulièrement au rôle du président de l'Union africaine, M. Thabo Mbeki. C'est également dans ce sens que doivent se situer les décisions de la communauté internationale à l'ONU. Ces décisions doivent s'imposer à tous.

Nous partageons la conviction qu'il n'y pas d'issue dans la violence à la crise qui secoue la Côte-d'Ivoire. Les éléments premiers d'une solution existent : le compromis des accords de Marcoussis, confirmés à Accra par le président Laurent Gbagbo, a été accepté en son temps par toutes les parties, le gouvernement ivoirien comme les mouvements rebelles.

Nous le savons, le désarmement des factions, qui devait intervenir le 15 octobre, est resté lettre morte. Seule une partie des modifications législatives prévues par les accords a été adoptée. Il faut engager une mise en oeuvre sincère des engagements pris solennellement pour ce qui concerne tant le désarmement que les réformes politiques. L'objectif doit être le retour à la légalité sur l'ensemble du territoire et la fin de la division du pays résultant du coup d'Etat de septembre 2002, avec, en perspective, la tenue d'élections dans la période à venir.

Plus que jamais, dans cette situation, la présence française et les initiatives que prendra le Gouvernement français doivent s'inscrire dans la volonté de faciliter ce retour à la paix et à l'unité nationale ivoirienne.

Or la France est elle-même prise dans l'engrenage de la violence. On ne peut ignorer qu'elle est maintenant regardée avec méfiance, et sa présence est parfois présentée et perçue comme marquée par l'héritage colonial.

C'est dire s'il est urgent de redéfinir le sens, la mission de la présence française, notamment militaire. Nous pensons qu'il faudrait envisager, dans le cadre du mandat de l'ONU, la recomposition de la force internationale, dans le sens d'un plus grand « multilatéralisme », en relation avec les organisations africaines comme la CEDEAO et l'Union africaine, sur la base d'un mandat clair des Nations unies. L'objectif est évidemment de déboucher le plus rapidement possible sur une solution politique et sur le désarmement, permettant la pleine souveraineté du peuple ivoirien sur son devenir et le retrait de toutes les forces étrangères.

Pour terminer, j'ajoute, si vous me le permettez, monsieur le ministre, que le débat d'aujourd'hui, poussé par une actualité dramatique, devrait trouver son prolongement dans une réflexion associant la représentation nationale, sur la politique de la France envers et avec l'Afrique, ce continent auquel tant de liens nous rattachent.

Monsieur le ministre, je comprends très bien que vous nous quittiez d'un moment à l'autre. Pour autant, sur l'ensemble de ces points, pourriez-vous nous dire quelles initiatives compte prendre la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 60 et distribuée.

Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Michèle André.)

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

DÉPÔT DE RAPPORTS Du Gouvernement

Mme la présidente. M. le président a reçu de M. le Premier ministre :

- le rapport annuel pour 2003-2004 de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, établi en application de l'article L. 125 du code des postes et des communications électroniques ;

- le 41e rapport de la Commission des comptes des transports de la nation, établi en application de l'article 12 de la loi de finances rectificative n° 2002-1050 du 6 août 2002.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

4

ORGANISME extraparlementaire

Mme la présidente. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national de l'information statistique, en remplacement de notre très regretté collègue Hilaire Flandre.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires économiques à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

5

PRélèvements obligatoires

Débat sur une déclaration du Gouvernement

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, déposé en application de l'article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

La parole est à M. le ministre d'Etat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au cours des débats budgétaires, nous abordons évidemment la question des prélèvements obligatoires, mais avec des limites inhérentes à cet exercice.

La principale de ces limites, c'est que nous traitons séparément les prélèvements de l'Etat et les prélèvements sociaux, et que nous ne parlons pas des impôts locaux. Or, pour le contribuable, peu importe que ce soit la commune, le département, la région, l'Etat ou la sécurité sociale qui opère les prélèvements. Il nous manque donc une appréciation globale sur notre système de prélèvements obligatoires.

L'autre limite de l'exercice, c'est que nous discutons des prélèvements à travers les mesures nouvelles et l'effet qu'elles auront sur l'avenir, mais pas sur ce qui se passe au moment où nous parlons.

Le rapport qui vous a été transmis par le Gouvernement est destiné à pallier ces lacunes, à la fois parce qu'il présente l'ensemble des prélèvements et parce qu'il évalue sur plusieurs années l'effet des mesures votées.

Mais, au-delà, ce débat est l'occasion d'un échange plus général sur la politique fiscale et sur la politique sociale, et c'est d'ailleurs la raison de la présence au banc du Gouvernement de M. Douste-Blazy, ce qui nous permettra en quelque sorte d'embrasser l'ensemble de la matière.

Monsieur le rapporteur général, le rapport préparé par la commission des finances est une contribution précieuse. Vous savez combien le Gouvernement est attentif à ce que pense, écrit et dit la commission des finances du Sénat. (Très bien ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

Tout d'abord, que pouvons-nous dire de l'évolution des prélèvements obligatoires ?

Pour un ministre des finances, il existe une pratique habituelle et commode, qui consiste à se féliciter quand il y a une baisse du taux des prélèvements obligatoires - même si celle-ci s'explique largement par des mesures conjoncturelles - et, au contraire, à expliquer savamment que l'on n'est pour rien dans l'augmentation des prélèvements obligatoires, qui arrive assez spontanément, c'est vrai, en phase de reprise.

Je pourrais donc vous dire qu'en 2004 la bonne politique suivie par le Gouvernement a permis la baisse du taux des prélèvements obligatoires, tandis qu'en 2005 la bonne conjoncture des années 2004 et 2005 entraînera une hausse mécanique mais peu significative en réalité de ce taux.

Je voudrais cependant aller au-delà de cette présentation. Bien qu'elle ne soit pas totalement inexacte, comme M. Lambert le sait, elle mérite une analyse plus fine.

En 2004, le taux de prélèvements obligatoires a reculé de 0,2 point, pour s'établir à 43,6 % du PIB : c'est incontestablement le résultat de la politique du Gouvernement, avec la baisse de l'impôt sur le revenu et la poursuite des allégements de charges. Mais, il faut le dire, c'est aussi le résultat de la conjoncture déprimée de l'année 2003, qui a pesé sur les rentrées fiscales de 2004, en particulier au titre de l'impôt sur le revenu. C'est également le résultat du peu de dynamisme de la masse salariale cette année, qui a pesé sur les rentrées de cotisations sociales.

En 2005, le taux de prélèvements obligatoires augmenterait de 0,1 point, pour atteindre 43,7 % du PIB : c'est, là aussi, l'effet de la conjoncture, qui joue cette fois à la hausse sur les prélèvements obligatoires car le redressement de l'activité se traduit dans un premier temps par une progression encore plus rapide des recettes. Cependant, la conjoncture n'est pas seule en cause. Si le taux de prélèvements obligatoires ne baisse pas, c'est aussi parce que, globalement, les mesures nouvelles décidées cette année ne le permettent pas. Je le dis très sereinement. C'est sur ce point que nous devons engager notre réflexion.

Deux mouvements opposés sont en fait à l'oeuvre.

D'un côté, les prélèvements de l'Etat baissent. Il en est ainsi des prélèvements sur les ménages, en particulier avec la revalorisation de la prime pour l'emploi et le relèvement des abattements sur les droits de succession. Il en est également ainsi des prélèvements sur les entreprises, avec l'élimination, en deux ans, de la surtaxe à l'impôt sur les sociétés et avec les dispositifs contre les délocalisations et en faveur de l'apprentissage.

Il faut y ajouter les baisses de prélèvements au titre de la loi pour le soutien à la consommation et l'investissement. Je pense également aux allégements de charges dans le secteur de la restauration et à un certain nombre de mesures pour soutenir la consommation.

Au total, les prélèvements de l'Etat diminueront de 5,9 milliards d'euros en 2005. Ces faits sont incontestables, et ceux qui voudront les contredire devront nous donner des chiffres.

Mais un autre mouvement est à l'oeuvre, et Philippe Douste-Blazy et moi-même en sommes parfaitement conscients : alors que les impôts de l'Etat diminuent, les prélèvements sociaux augmentent. En disant cela, je ne fais de reproche à personne, je constate simplement une situation. Si on ne pose pas le bon diagnostic, comment on pourra-t-on apporter le remède adéquat.

Par conséquent, en 2005, les prélèvements de l'Etat baisseront de 5,9 milliards d'euros alors que les prélèvements au titre de la sécurité sociale augmenteront de 6,5 milliards d'euros.

Au total et en tenant compte des hausses prévisibles de la fiscalité locale, le taux de prélèvements obligatoires ne diminuera donc pas en 2005. Je dirai très honnêtement que la conjoncture n'est pas seule responsable. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Si l'on organise un débat, c'est pour qu'il serve à quelque chose !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C'est la transparence !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Sinon, c'est inutile !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Nous en sommes les premiers conscients. Si quelqu'un a la recette, qu'il n'hésite pas à nous l'indiquer : bienvenu au club des idées nouvelles ! (Sourires.) De ce point de vue, il n'y a pas à faire preuve d'économie.

Quelles leçons devons-nous tirer de cette situation ?

Première leçon : il faut retrouver des marges de manoeuvre.

A l'évidence, nous devons réduire nos déficits, et personne ne le conteste. Comment y parvenir ? Personne ne peut raisonnablement proposer une hausse des impôts. Résumons : tout le monde est d'accord pour réduire les déficits et tout le monde est d'accord pour ne pas augmenter les impôts. Point n'est besoin d'être prix Nobel d'économie pour se rendre compte qu'il ne reste qu'une seule piste : la maîtrise des dépenses.

C'est la raison pour laquelle, depuis trois ans, le Gouvernement propose de ne pas augmenter les dépenses. Cette année, la croissance devrait s'élever à 2,5  %. Dès lors, si l'on maintient les dépenses à leur niveau actuel, en vérité, on les réduit de 2,5 % par rapport à l'évolution du produit intérieur brut.

C'est pourquoi nous devons respecter nos engagements budgétaires.

Naturellement, poser la question de la réduction des dépenses, c'est poser la question des effectifs dans la fonction publique. Les salaires et les pensions représentent en effet 40 % du budget de l'Etat. S'interdire de toucher à ce poste, c'est faire porter l'ensemble des économies sur les 60 % qui restent.

Lorsque l'Etat engage un fonctionnaire, il ne l'engage pas pour sa seule durée de vie professionnelle, c'est-à-dire sur quarante ans ; il l'engage pour toute sa vie, puisque les retraites sont payées sur le budget de la nation.

La question du non-remplacement des effectifs qui partent à la retraite se pose clairement. J'aurai l'occasion d'en parler longuement lors de la présentation du projet de budget pour 2005.

Il ne faut pas oublier que les prélèvements de l'Etat ne représentent plus aujourd'hui que 38 % des prélèvements totaux, contre 50 % pour les prélèvements des administrations de sécurité sociale et 12 % pour les prélèvements des collectivités locales. Par conséquent, vouloir faire peser la politique de baisse des impôts sur les seuls 38 % ne me semblerait pas raisonnable.

Il ne faut pas oublier non plus que le taux des prélèvements au bénéfice de l'Etat est à la baisse depuis des années.

La tendance lourde, nous le savons, c'est la hausse des prélèvements sociaux, car: la santé coûte de plus en plus cher et nous vivons de plus en plus vieux. Il n'est pas un pays au monde qui ne soit confronté à ce problème.

Lorsqu'on interroge les Français pour savoir si l'on doit diminuer la protection en matière de santé, leur réponse devrait éviter à qui que ce soit de poser la question.

Et comme il existe des raisons objectives à l'augmentation des dépenses sociales, c'est une raison supplémentaire pour maîtriser nos dépenses sociales, afin qu'il n'y ait pas de gabegie. Le ministre de la santé évoquera sans doute ce point.

Au-delà, nous devons réfléchir, compte tenu justement du poids des prélèvements sociaux et de leur impact sur l'emploi, au financement de notre protection sociale.

Est-il raisonnable d'ajuster indéfiniment les recettes aux dépenses ? Non, et ce n'est pas être libéral que de l'affirmer. Je ne suis pas en train de dire - et Philippe Douste-Blazy le sait bien - qu'il faut diminuer la protection sociale. Mais si, pour la financer, on doit augmenter les cotisations et si, du fait de cette augmentation, le nombre d'emplois diminue, en définitive, s'agit-il véritablement d'une protection sociale ? On peut protéger ceux qui travaillent, mais si, à l'arrivée, il y a moins d'emplois, que préservera-t-on et, surtout, comment financera-t-on ?

M. Henri de Raincourt. Très juste !

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Actuellement, 20% de la richesse nationale sont consacrés au financement de la protection sociale : peut-on aller au-delà ?

Enfin, nous devons réfléchir aux finances des collectivités locales et à leur articulation avec l'évolution des finances publiques. Vous connaissez la tradition selon laquelle le ministre ne doit pas aborder la question des finances locales devant la Haute Assemblée. C'est justement parce que l'on est devant la Haute Assemblée qu'il faut en parler ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Mme Hélène Luc. Et comment !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Ce n'est pas parce que les membres du Sénat sont élus par les élus locaux qu'ils ne sont pas conscients des difficultés rencontrées par les collectivités locales. On ne résout pas les problèmes en n'en parlant pas ! La question que je pose est très simple : ne peut-on pas assumer ensemble la liberté fiscale pour les collectivités locales, qui est le fondement de notre système - et j'y suis très attaché - et, dans le même temps, considérer que, sur la base du volontariat, l'effort de réduction des dépenses et de maîtrise des prélèvements obligatoires serait accompli de concert ?

J'ai proposé - et je tiens beaucoup à cette idée, monsieur le président de la commission des finances - une conférence annuelle qui rassemblerait les administrateurs de la sécurité sociale, les gestionnaires de l'Etat et les collectivités locales, afin de définir ce que pourrait être, pour l'année à venir, une politique fiscale raisonnable pour notre pays. Il ne paraît pas invraisemblable que les trois émetteurs, fussent-ils inégaux, d'impôts dans notre pays discutent une fois dans l'année de la stratégie fiscale à retenir.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Il ne s'agit d'empêcher les élus - et j'en suis moi-même un - de voter l'impôt. Il s'agit simplement de discuter entre gens civilisés, qui ne sont pas obligés d'ignorer ce que fait le voisin.

Si nous voulons crédibiliser la politique de diminution des prélèvements au bénéfice de l'Etat, il est préférable que cette politique soit conduite en coordination avec les administrateurs de la sécurité sociale et les élus locaux. En effet, si les prélèvements des uns s'accroissent pendant que ceux des autres diminuent, à l'arrivée, le contribuable pense que tout a augmenté.

Voilà ce que l'on peut dire sur la situation des prélèvements obligatoires.

Quelles pourraient être les grandes orientations de réforme ?

Tout d'abord, la baisse des prélèvements est un impératif incontournable,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Effectivement !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. ...surtout dans une Europe comptant désormais vingt-cinq membres. La politique fiscale agressive menée par un certain nombre de nos partenaires me préoccupe. Je suis allé m'en expliquer en Tchéquie et en Hongrie.

Le Gouvernement vous propose de passer de 34,5 % à 33% le taux de l'impôt sur les sociétés pour résoudre le problème de la surtaxe en deux ans. Mais sachez que cet impôt s'élève à 17 % en Hongrie, à 16 % en Tchéquie, et qu'il est à 0 % en Estonie pour les bénéfices réinvestis.

Par conséquent, si l'on continue d'augmenter les impôts en France alors qu'ils diminuent en Europe, cela risque assez rapidement de nous poser un problème.

Je maintiens - et je me battrai pour faire aboutir cette idée - qu'il n'est pas souhaitable d'instaurer un taux unique d'impôt en Europe, parce que je crois à la concurrence et à la liberté. Mais je maintiens avec la même force que lorsqu'on est assez riche pour porter ses impôts à zéro, on ne peut pas, dans le même temps, être assez pauvre pour demander aux autres de payer des fonds structurels. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Evidemment !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Ce que je dis n'a rien de choquant et ne remet nullement en cause la solidarité avec les autres : nous souhaitons que nos frères européens de l'Est puissent se développer.

Je suis favorable, bien sûr, aux fonds structurels. La France est un contributeur net. Mais que les choses soient claires : si on a une imposition qui est inférieure à la moyenne de l'imposition européenne, on ne devrait pas avoir droit à 100 % des fonds structurels. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Sinon, on dira que l'on perd des emplois parce qu'on a les impôts les plus élevés d'Europe. Dans certaines de nos régions, alors que le taux de chômage est très important, on n'aura plus droit aux fonds structurels. Or, dans le même temps, on va nous demander de payer plus pour financer des fonds structurels qui bénéficieront à ceux-là mêmes qui, par une politique fiscale agressive, auront porté leur imposition à zéro, voire moins.

Cette idée est raisonnable. Certaines démocraties de l'Est sont capables de la comprendre et de la retenir.

Les prélèvements obligatoires en France sont donc trop élevés en comparaison internationale : en 2002, la moyenne des prélèvements obligatoires dans l'Europe des Quinze était de 41 %, la moyenne de l'OCDE s'élevait à 36 % et nous, nous étions au-dessus de 44 %. Cela ne peut durer !

Alors, comment baisser les prélèvements obligatoires ? Je l'ai dit, le poids des effectifs de la fonction publique représente 40 % du budget. Mais les intérêts de la dette s'élèvent à 15 % du budget. Le deuxième budget civil sert à rembourser non pas la dette, mais les seuls intérêts de la dette.

Il est d'ailleurs extravagant que certains aient pu dire, concernant le projet de budget pour 2005, qu'il s'agissait d'un budget de rigueur. Si on parle de rigueur quand on dépense 23 % de plus que ce que l'on a en recettes, que dira-t-on quand on sera à l'équilibre ? Voilà vingt-quatre ans que le budget de la France est déficitaire. Qui peut parler de rigueur ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Cette année, nous remboursons 10 milliards d'euros de dette. Dans l'histoire budgétaire, cela ne s'est jamais vu. D'aucuns disent que l'on pourrait faire mieux. J'en suis persuadé. Mais vous connaissez le proverbe : quand je m'ausculte, je m'inquiète et quand je me compare, je me rassure. (Sourires.) Et quand je me tourne de ce côté (M. le ministre d'Etat regarde à gauche de l'hémicycle), je me réjouis.

M. François Marc. Cela ne va peut-être pas durer !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Voilà, me semble-t-il, ce qu'il faut faire sur le long terme.

La maîtrise des dépenses concerne, bien sûr, les dépenses sociales ; Philippe Douste-Blazy, avec la compétence que chacun lui connaît, évoquera cette question.

M. le président et M. le rapporteur général de la commission des finances ont suggéré d'emprunter la voie de la TVA sociale. Il s'agit non pas d'augmenter ou de baisser instantanément les prélèvements obligatoires, mais, si j'ai bien compris, de basculer des prélèvements qui pèsent aujourd'hui directement sur le travail, donc sur la compétitivité, vers un prélèvement - la TVA - qui pèse moins directement sur le travail, avec à la clef et dans la durée un système fiscal plus efficace, une meilleure compétitivité et plus d'emplois.

Nous partageons d'ailleurs le même diagnostic : il n'est pas un pays où l'on peut créer plus de richesses en travaillant moins. C'est très simple : pour avoir plus de richesses, il faut travailler davantage !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Jacques Blanc. Les 35 heures !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Quand on dit que ce n'est pas populaire, c'est mépriser nos compatriotes, qui sont parfaitement à même de comprendre que, lorsqu'on travaille moins, on gagne moins. (Mme Nicole Bricq s'exclame.).

Ce n'est pas simplement la durée du travail qui est en cause. Je suis de ceux qui pensent qu'il est tout à fait contraire au progrès social d'obliger des personnes de 52 ou 53 ans à partir en préretraite alors qu'elles souhaitent continuer à travailler.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Il est d'ailleurs parfaitement illogique de demander aux Français de cotiser plus longtemps pour leurs retraites et, dans le même temps, de décider que les travailleurs âgés de 52 ans doivent partir en préretraite. La faible activité des quinquagénaires est un problème considérable. Pour ma part, je ne me sens pas du tout concerné parce que je suis encore « quadra » pour deux mois. (Sourires.)

M. Henri de Raincourt. Profitez-en !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Je voudrais aussi souligner que l'insuffisance du travail des jeunes. Comment peut évoluer l'économie de notre pays si les jeunes se mettent au travail de plus en plus tard, ...

M. Henri de Raincourt. Et finissent de plus en plus tôt !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. ...si les moins jeunes sont obligés de partir en préretraite de plus en plus tôt, et si, sur une durée qui se réduit, on applique les 35 heures ? Et l'on s'étonne qu'il y ait plus de chômage en France qu'ailleurs ? C'est cet étonnement qui est étonnant.

On peut très bien conserver les 35 heures comme durée hebdomadaire de travail. Mais au nom de quoi pourrait-on empêcher ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus de le faire ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) On peut très bien décider que ceux qui le souhaitent feront 35 heures -  cela ne pose pas l'ombre d'un problème - et que les autres pourront travailler plus pour gagner plus.

Monsieur le rapporteur général, je vais même avancer une idée, et je sais que je prends un risque.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous le partageons !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Avancer une idée, c'est tout un programme. Je ne vois pas pourquoi on devrait décourager ceux qui veulent faire des heures supplémentaires en surtaxant ces dernières. Il faudrait plutôt remercier les entreprises qui donnent des heures supplémentaires, c'est-à-dire du travail en plus. On devrait d'ailleurs considérer qu'il faudrait économiser les cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Le médecin Douste-Blazy ne me contredira pas : on n'est pas plus malade parce qu'on travaille 39 heures plutôt que 35.

Mme Hélène Luc. Il faudrait aussi que ceux qui sont au chômage aient du travail.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Je suis de ceux qui estiment que le travail est quelque chose d'important.

J'en reviens à la proposition de la commission des finances. Pour avoir un effet significatif, il faut un basculement important : les ordres de grandeur utilisés dans les simulations sont de un point de PIB, 16 milliards d'euros de baisses de cotisations employeurs, 4 points de hausse de TVA. Cela mérite une étude approfondie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Vous avez commencé à le faire. Les services du ministère de l'économie et des finances ont contribué à vos travaux, à travers des simulations tirées de nos modèles macro-économiques.

Qu'en ressort-il ? Je n'ai pas voulu, contrairement à ce qui se fait habituellement, que l'on ferme le débat avant même qu'il soit ouvert. C'est vraiment l'un des problèmes de la démocratie française : cette pensée unique est si conformiste que dès qu'une idée nouvelle est avancée la totalité des experts, ou prétendus tels, commencent par la démolir en disant: « Circulez, il ne faut pas réfléchir ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bravo !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, vous noterez que le Gouvernement n'a pas réagi de cette façon.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous en témoignons !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Je vous propose que nous continuions les études sur le sujet, tranquillement, en prenant notre temps.

Je me méfie des changements trop brutaux. Au moment du passage de la patente à la taxe professionnelle, nous étions partis avec un enthousiasme extraordinaire : on allait voir ce qu'on allait voir. Or, à l'arrivée, tous ceux qui étaient contents se taisaient et tous les mécontents - ils étaient nombreux - s'exprimaient.

Etudier la TVA sociale pour trancher, une bonne fois pour toutes, cette question, pourquoi pas ? Je ne l'écarte pas par frilosité, et cela vaut aussi, monsieur le président de la commission des finances, pour la fiscalité de l'épargne, pour les biocarburants, etc.

Je voudrais que l'on travaille davantage avec une volonté opérationnelle. Je propose aujourd'hui que l'on mette à l'étude, dans le même esprit, la TVA sociale, sans a priori. On décidera ensuite de le faire ou non.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Il faut surtout avoir à l'esprit que rien n'est mécanique : les travaux les plus savants ne suffisent pas et il faudra certainement, si on devait aller plus avant, des évaluations concrètes et des expérimentations.

Les cotisations sociales peuvent être perçues par les Français comme une assurance ou comme un salaire différé, et, pour cette raison, elles peuvent être plus facilement acceptées. La TVA est parfois ressentie, elle, comme un impôt qui réduit le pouvoir d'achat. Si l'on veut remplacer l'un par l'autre, il faut que la finalité soit comprise et acceptée, pour ne pas conduire à des tensions supplémentaires sur le partage des revenus entre salariés et employeurs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. C'est ce que montre, me semble-t-il, l'expérience de la mise en place d'une TVA sociale au Danemark, expérience que M. le président et M. le rapporteur général de la commission des finances sont allés étudier sur place.

Au total, je suis convaincu, comme la majorité d'entre vous, qu'il faut intensifier la baisse des prélèvements qui pèsent sur le travail et le capital productif. Ces prélèvements trop élevés sont une des causes du « déficit » d'emploi dont nous souffrons depuis de trop nombreuses années. Conçus pour protéger les plus fragiles, ils constituent aujourd'hui un véritable handicap pour relever les nouveaux défis collectifs que sont la mondialisation, le vieillissement de notre population et la concurrence des nouvelles technologies.

Nous devons respecter des principes d'action clairs. La baisse des impôts et des charges doit s'inscrire dans une stratégie large, avec, comme préalable, la réduction de nos dépenses publiques et la mise en place de réformes pour réduire les pesanteurs et les réglementations qui freinent notre économie.

Nous devons agir avec pragmatisme, sans préjugé ni tabou, afin de rechercher en permanence les solutions les plus efficaces. En définitive, nous devons sortir le débat fiscal de la discussion absconse entre spécialistes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. François Marc. Il n'y a rien dans le budget !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, notre système fiscal est non pas la cause, mais la conséquence d'un système de valeurs.

J'ai réduit les prélèvements sur les successions parce que, croyant à la famille, je considère qu'il est normal que les parents puissent transmettre à leurs enfants le produit d'une vie de travail.

La fiscalité ne sera comprise et acceptée par nos concitoyens que si elle est le résultat d'un système de valeurs. C'est le système de valeurs qui construit, par conséquence, un système fiscal.

Parfois, on se donne beaucoup de mal pour expliquer un système fiscal. Mais comme on n'y inclut pas les valeurs, les Français ne le comprennent pas. Le système fiscal, c'est la conséquence, et non la cause.

Que voulons-nous pour notre pays, quelle direction voulons-nous fixer et quelles valeurs souhaitons-nous nous approprier ? C'est une grande question politique. La première valeur est le travail ; la seconde, le mérite. Récompenser le travail et le mérite, c'est le cap à fixer pour toute réforme fiscale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, les rapports des deux commissions du Sénat ainsi que l'intervention du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que je salue, ont parfaitement mis en lumière l'importance des enjeux liés à la maîtrise des prélèvements obligatoires.

Le financement de la protection sociale représente - M. Sarkozy vient de le dire - la moitié de ces prélèvements dans notre pays, soit 340 milliards d'euros, c'est-à-dire un cinquième du PIB pour l'année 2004. Chaque année, à l'occasion du débat organisé par le Sénat, le même constat est partagé : il est indispensable d'assurer la maîtrise de l'évolution des dépenses de protection sociale, notamment dans le domaine de l'assurance maladie.

En effet, ne nous y trompons pas, évoquer le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays, c'est aussi et d'abord débattre du niveau de la dépense publique, qu'il s'agisse de celle de l'Etat ou de la protection sociale.

Cependant, permettez-moi, comme ministre de la santé, de dire que nous dépenserons plus pour la santé en 2007 qu'en 2005. Cela est dans l'ordre des choses, en raison des évolutions démographiques et des progrès médicaux que connaissent les pays développés.

Néanmoins, le débat sur les prélèvements obligatoires se déroule cette année dans un contexte profondément renouvelé par la réforme que la Haute Assemblée a approuvée cet été. Conformément à l'engagement pris par le Gouvernement l'an dernier, mesdames, messieurs les sénateurs, une étape majeure a été franchie avec la réforme de l'assurance maladie, après la réforme des retraites en 2003.

Face à une augmentation très rapide des dépenses de santé, face à une situation financière très préoccupante, le Gouvernement a pris ses responsabilités et a mis en oeuvre une réforme pour assurer la pérennité et le développement durable de notre système d'assurance maladie. Le coeur de cette action réside dans la mise en place des outils de maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

La réforme de l'assurance maladie est une étape majeure dans la politique de maîtrise de la dépense publique.

Face au besoin de financement de l'assurance maladie, nous n'avons pas voulu reproduire les erreurs du passé. Nous n'avons pas procédé à une nouvelle réforme comptable. Sans les mesures votées cet été, les hausses inévitables des prélèvements sociaux risquaient de pénaliser fortement notre économie et de mettre en péril, à long terme, la viabilité de notre système de protection sociale. En effet, n'en déplaise à certains, il n'existe pas de ressources que l'on pourrait ponctionner indéfiniment sans que cela entraîne des conséquences dommageables pour la croissance et donc pour les recettes mêmes de l'assurances maladie.

Nous n'avons pas non plus procédé à des déremboursements massifs. C'eût été prendre le parti de la facilité et transférer une partie des dépenses vers les organismes complémentaires.

Face à ces deux tentations, le pire eût été de ne rien faire et de rester dans l'immobilisme. D'autres ont fait ce choix avant nous. Pour notre part, nous avons agi et pris nos responsabilités. Nous avons engagé une politique de long terme, volontariste, pour modifier les comportements et assurer la sauvegarde de notre système de santé.

A l'inverse des plans précédents, nous avons fait le choix de la maîtrise médicalisée. Nous avons parié sur l'avenir et réformé en profondeur les modalités de fonctionnement de notre système de santé. Dans cette perspective, l'enjeu consiste non pas à dépenser moins mais à dépenser mieux.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vous sera présenté très prochainement, nous engageons en 2005 une première étape dans la réduction du déficit de l'assurance maladie. Celui-ci passera de plus de 13 milliards d'euros en 2004 à 8 milliards d'euros en 2005. En l'absence de cette réforme, le déficit aurait atteint près de 15 milliards d'euros en 2005. Chacun mesure ici les conséquences qui en auraient résulté sur les prélèvements obligatoires de demain.

Le choix délibéré que nous avons fait est celui de la maîtrise médicalisée. Je formulerai deux observations à cet égard.

En premier lieu, une part non négligeable des difficultés de financement de la protection sociale est liée à la faiblesse de la conjoncture économique. Les conclusions du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ont mis en lumière la nature de ce déficit. Selon ces conclusions, le déficit serait dû pour deux tiers à des facteurs structurels et pour un tiers à des motifs conjoncturels.

Nous avons suivi les recommandations du Haut conseil en prévoyant un plan de 10 milliards d'euros de moindres dépenses et de 5 milliards d'euros de recettes nouvelles.

En second lieu, ce plan n'est pas une énième réforme comptable, dont on a pu observer par le passé les effets très limités. La réforme de l'assurance maladie est fondée pour une large part sur l'évolution des comportements.

A partir du 1er janvier 2005, sera instauré le médecin traitant. C'est un médecin de famille, qui connaît mieux le malade. Il établira un bilan complet, ce qui permettra d'éviter les dépenses d'assurance maladie redondantes dues aux spécialistes.

Le recours aux génériques sera développé. Aujourd'hui, un médicament « généricable » sur deux est vendu sous forme de générique et 13 % des boites de médicaments vendues en pharmacie le sont sous forme de génériques, contre 50 % en Allemagne.

Il est vrai que nous n'avons commencé qu'en 1996, avec le plan d'Alain Juppé, alors que d'autres avaient commencé dans les années soixante-dix.

Quant aux arrêts maladie, j'ai le plaisir de vous annoncer que, pour la première fois depuis trente ans, ils connaissent une baisse - il en est de même des indemnités journalières -, grâce à l'augmentation des contrôles exercés sur les arrêts maladie de courte mais aussi de longue durée.

Nous avons mis en place des guides de bonne pratique. Il n'y a aucune raison que la durée d'un arrêt maladie pour une grippe puisse varier de trois jours à un mois selon les médecins. Des références médicales concernant les différentes pathologies guideront donc les praticiens, afin d'obtenir des résultats.

En refusant une approche comptable et en optant pour la maîtrise médicalisée, le Gouvernement a souhaité limiter l'effort demandé à nos compatriotes. Augmenter les recettes sans adapter notre système de protection sociale n'aurait servi à rien. C'est le sens du texte voté par le Parlement.

Il s'agit aujourd'hui de responsabiliser tous les acteurs du système de santé en faisant en sorte que chaque euro investi dans le système de soins le soit à bon escient.

Concernant l'hôpital public, il n'y a aucune raison que nous n'appliquions pas de la même manière, sur des pathologies données, la tarification à l'activité en clinique privée et à l'hôpital. Toutefois, bien sûr, compte tenu des missions d'intérêt général que conservent les hôpitaux publics, il me paraît important de mettre en place, dans chacun d'eux, un système de « missions d'intérêt général ». En outre, la tarification à l'activité permettra une meilleure transparence dans les dépenses hospitalières d'assurance maladie.

Concernant les prélèvements supplémentaires, qui sont limités, des efforts équitablement répartis et mesurés ont pu être demandés aux Français car nous avons privilégié, pour notre système de santé, des réformes structurelles.

Tous nos compatriotes, actifs, retraités, entreprises, ont été sollicités : les premiers par la redéfinition de l'assiette de la CSG ; les deuxièmes par une augmentation modérée du taux de cette contribution ; les troisièmes au travers de la contribution spécifique de solidarité sur les sociétés, la C3S. Un souci de justice et d'équité a animé le Gouvernement dans le choix de ces mesures.

Afin de ne pas pénaliser les seuls revenus du travail, nous avons fait le choix d'associer les revenus du patrimoine à l'effort de financement. Nous demandons un effort partagé à tous les acteurs, dans des limites acceptables qui ne remettent en cause ni le pouvoir d'achat des ménages ni les perspectives de croissance de notre économie.

Dans ce plan, la contribution forfaitaire d'un euro par acte ne doit pas être considérée comme un nouveau prélèvement. Elle vise à responsabiliser les assurés sociaux et à leur faire prendre conscience de la valeur des actes médicaux et des soins. Si la santé n'a pas de prix, elle a un coût, ce que certains de nos concitoyens oublient trop souvent.

L'Etat lui-même a contribué à cet effort par l'augmentation, à hauteur d'un milliard d'euros, de la fraction des droits sur le tabac affectée à l'assurance maladie. Je souhaiterais remercier ici M. le ministre d'Etat d'avoir accepté la demande que je lui avais présentée en ce sens.

L'ensemble des mesures portant sur les recettes de l'assurance maladie n'obéissaient qu'à un double objectif : préserver le retour de la croissance et permettre aux Français d'en percevoir les fruits. C'est ce même souci qui nous a guidés dans l'élaboration des mesures destinées à apurer les dettes héritées du passé.

J'en viens maintenant, pour terminer, à une disposition qui vous a été présentée l'an dernier dans le cadre d'un débat identique. Ce qui était apparu alors comme une pure mesure de santé publique s'est également révélé une vraie mesure d'économie de santé.

Lorsqu'elle a été décidée en 2003, l'augmentation des recettes provenant du tabac répondait à un objectif clair de santé publique. M. Lambert s'en souvient sans doute !

Cette augmentation était avant tout motivée par les drames que provoque la consommation du tabac : en effet, mesdames, messieurs les sénateurs, un fumeur sur deux meurt prématurément du fait du tabagisme !

A ceux qui doutent de la capacité de modifier les comportements, je souhaiterais opposer les résultats de notre politique d'augmentation des prélèvements sur le tabac en termes de prévention : avec deux millions de fumeurs en moins, les chiffres actuels de la consommation traduisent les effets tangibles des mesures annoncées en 2003.

Par cette politique, nous avons certes fait le choix de développer la prévention et de réduire les risques, mais, à moyen terme, un tel choix est bénéfique pour la santé de nos concitoyens, ainsi que pour l'équilibre des comptes sociaux. Ce sont autant de pontages aortocoronariens, de cancers du poumon et de cancers de la vessie en moins !

Il s'agit de créer un cercle vertueux. Le changement de comportement est, là encore, au coeur de la maîtrise des dépenses publiques.

Le Gouvernement partage pleinement le souci d'assurer la stabilisation et, à terme, la décrue du niveau des prélèvements obligatoires, souci qui transparaît dans les travaux de vos commissions des finances et des affaires sociales.

L'amélioration du pouvoir d'achat passe également par la maîtrise des prélèvements obligatoires, qui n'est elle-même possible qu'à la condition que l'évolution des dépenses publiques soit maîtrisée.

En matière de dépenses de protection sociale, et notamment dans le domaine de la santé, la question centrale est bien celle de la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie, seule solution pour diminuer le rythme fou de l'augmentation que connaissent ces dépenses.

A ceux qui doutaient que la réforme que je vous ai présentée entraînerait des modifications de comportement, je rappellerai que les quatre derniers mois montrent une inflexion des augmentations des dépenses d'honoraires, une diminution des dépenses d'arrêts maladie et d'indemnités journalières et une stabilisation des dépenses hospitalières. On pourrait alors me rétorquer que c'est l'effet psychologique classique de chaque réforme. Je ne le pense pas et, avec Xavier Bertrand, je vous donne rendez-vous dans un an ou deux pour le premier bilan de la réforme que vous avez votée cet été.

Je suis convaincu qu'une telle réforme nous donne les moyens de relever le défi. Elle constitue une alternative claire face à la logique qui aurait consisté à accroître les prélèvements et à amputer le pouvoir d'achat des Français. Elle permet de donner à l'action du Gouvernement les marges de manoeuvre nécessaires.

En dépensant mieux, il est possible d'investir pour l'avenir, de préserver un système de santé auquel nous sommes très attachés et de maîtriser durablement le niveau des prélèvements obligatoires, et ce sans toucher à la médecine à la française, qui est fondée sur le paiement à l'acte, la liberté d'installation, la liberté de prescription, la liberté de choisir son médecin.

Nous avons fait un choix politique, le tout étant bien sûr que chaque euro public dépensé soit un euro efficace. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat marque l'entrée dans une nouvelle session budgétaire.

Vous savez que les finances publiques se subdivisent en trois sous-ensembles : l'un, dont je ne parlerai pas, concerne les administrations publiques locales, les collectivités territoriales ; les deux autres sont, d'une part, les organismes de sécurité sociale et, d'autre part, l'Etat.

Je cite volontairement l'Etat en dernier lieu car, sur le total des prélèvements obligatoires nationaux, près de 60 % sont affectés aux organismes de sécurité sociale, qu'il s'agisse d'impôts, pour 25 % du financement de la sécurité sociale, ou de cotisations sociales.

Le Sénat, et tout particulièrement sa commission des finances, souhaite aborder globalement cette session budgétaire en faisant ressortir dès le départ les enjeux macroéconomiques de la situation. Nous sommes particulièrement attachés à cette méthode.

Même s'il y a, d'un côté, une loi de finances qui autorise et, de l'autre, une loi de financement qui prévoit, il n'en reste pas moins que le redevable contribuable, la substance économique qui est frappée, sont les mêmes.

M. Alain Lambert. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. A la vérité, il n'y a, si l'on simplifie un peu l'analyse, que trois assiettes fiscales : le travail, le capital ou patrimoine, et la consommation.

Dans mon rapport écrit, je fais figurer un tableau instructif élaboré par les services de la Commission de l'Union européenne et qui dégage, pour l'ensemble des Etats de l'Union, le taux implicite de fiscalité sur chacune de ces trois assiettes. On y voit qu'en matière de consommation la France est en deçà de la moyenne, et qu'en matière de travail comme de capital, elle est bien au-delà : pour le travail de cinq points, pour le capital de huit points !

Cette réalité ne peut que nous interpeller. Nous ne pouvons pas vivre dans le confort des idées acquises ni nous conformer à cette sorte de pensée unique aux termes de laquelle il faudrait se résigner à ne traiter des sujets fiscaux qu'à partir de taux élevés et d'assiettes de plus en plus étroites en raison des déductions, exceptions ou faveurs que l'on consentira à Pierre, à Paul, à Jacques ou à telle ou telle catégorie de clientèle.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Sans oublier les niches fiscales !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons le sentiment, parfois confusément, que l'on est à la fin d'un modèle, peut-être même à la fin d'un monde, et que notre système fiscal et de prélèvements obligatoires n'est que le reflet de ce monde, le reflet des non-choix du passé. La France est, grâce sans doute aux alternances, l'Etat qui sait accumuler toutes les formes de fiscalité possibles sur toutes les assiettes fiscales possibles.

Lorsque l'on procède à des comparaisons internationales, notamment intraeuropéennes, impôt par impôt, taxe par taxe, on constate que la France se situe souvent dans la moyenne, et l'on s'en réjouit presque : nos prélèvements ne seraient donc ni trop élevés ni trop bas ! Mais, lorsque l'on cumule le tout, c'est-à-dire le résultat de cette sédimentation de non-choix ou de demi-choix, on constate alors que notre pays est en tête ou dans le peloton de tête.

Oui, mes chers collègues, parlons des prélèvements obligatoires et de cette problématique globale.

Notre niveau est très élevé par rapport aux autres. Toutefois, plus que le niveau, c'est la structure qui compte : tel est, cette année, l'aspect essentiel du message de la commission des finances.

Nous avons, en quelque sorte, si l'on raisonne à l'échelon national, quatre grandes variables des finances publiques : deux variables de recettes, deux variables de dépenses. Il s'agit des recettes fiscales qui alimentent l'Etat, des cotisations sociales et des impôts qui profitent à la sécurité sociale, des dépenses de l'Etat et de celles de la sécurité sociale.

L'ensemble forme le tableau global qui se conclut par un déficit beaucoup trop lourd, financé par une dette qui continue de s'alourdir. Et, malgré des efforts méritoires, la dette globale de l'Etat comme du secteur public continuera encore d'augmenter en 2005.

Si l'on observe ces quatre variables, il en est une que, vaille que vaille et douloureusement, on arrive à maîtriser : je veux parler de la dépense de l'Etat. Merci en particulier au ministre Alain Lambert ! Il a su réduire les reports, ces épées de Damoclès budgétaires ; il a tenu bon malgré toutes les critiques sur les opérations de gels et d'annulations, ces arrêtés que l'on ne doit jamais signer de gaieté de coeur mais qui sont nécessaires pour faire respecter les autorisations votées par le Parlement.

Du côté des dépenses de la sécurité sociale, il en va bien sûr autrement. Nous écoutions tout à l'heure avec intérêt M. le ministre de la santé nous expliquer le concept de maîtrise médicalisée, expression maîtresse de la réforme que nous avons votée.

Il est clair, mes chers collègues, que les besoins sociaux, l'évolution de la science et de la démographie ou l'anxiété générale de la société ne peuvent que conduire à des hausses de dépenses d'assurance maladie.

Il est de notre devoir tout à la fois de les contrôler, de mieux gérer, de réduire les gaspillages et les frais d'administration. Mais soyons-en conscients : la tendance reste et restera à la hausse.

Par rapport à ces dépenses, il faut considérer comment sont structurées les recettes entre les recettes de l'Etat - le système fiscal, avec toute la variété d'impôts que nous connaissons - et les recettes de la sécurité sociale, pesant pour 75 % sur les entreprises et les salariés au travers des cotisations sociales.

M. le ministre d'Etat chargé de l'économie, des finances et de l'industrie a mis l'accent, avec une grande ouverture d'esprit que je me plais à saluer, sur notre contribution au débat. Oui, mes chers collègues, nous avons voulu quelque peu provoquer la réflexion, sortir des sentiers battus, montrer que, dans l'hémicycle de cette vieille assemblée, on sait anticiper et poser de vraies questions d'avenir relatives au pacte social lui-même.

Il ne s'agit pas seulement d'accorder des avantages ponctuels à des entreprises particulières, mais de savoir comment réformer globalement pour adapter, pour changer la situation que nous connaissons et qui est caractérisée par un taux de chômage structurel très élevé et par une très faible teneur de la croissance en emplois.

Nous avons voulu montrer que nous ne nous résignions pas à cet état de choses et que ni l'accroissement de la dette, qui limite à la vérité notre indépendance nationale, ni un marché du travail rigide et qui fabrique tant d'injustices sociales ne sont des fatalités.

Il est des Etats qui ont su, parce qu'ils avaient sans doute le dos au mur, soulever cette chape de plomb du conformisme et des habitudes, qui se sont remis en cause et qui ont changé de système. Parmi ces Etats - peut-être ne les avons-nous pas suffisamment observés à l'époque - je mentionnerai notamment certains pays scandinaves, dans lesquels la protection sociale est traditionnellement très développée et qui représentent un monde qui est loin d'être cet univers ultralibéral intolérant, dur à l'homme, que ses contempteurs ont tendance à dépeindre avec un peu trop de complaisance à mes yeux.

Oui, au vu des expériences menées par certains de ces Etats, nous nous apercevons qu'ils sont parvenus à faire baisser de manière très prononcée leur taux de chômage structurel. Il en est un, en particulier, auquel nous avons récemment rendu visite : le Danemark a su, grâce à un basculement fiscal global, voire brutal, changer véritablement sa situation économique.

Bien sûr, chaque situation est particulière et il faut savoir relativiser des expériences de cette nature Mais ce sont, mes collègues, des leçons de volonté qu'il n'est pas interdit de méditer, car si de petits pays ont su se remettre en cause, pourquoi diable la France en serait-elle incapable ? Pourquoi se résigner ?

C'est en vertu de cette approche que nous avons tracé la piste de la fameuse TVA sociale. Certes, l'expression « TVA sociale » peut paraître contradictoire dans les termes, puisque la TVA est un impôt proportionnel qui ne tient pas compte des situations de revenus des familles. Ainsi la « TVA sociale », dans notre langage et dans le cadre de l'actuel débat, peut-elle sonner de façon étrange.

Toutefois, la TVA peut être sociale par destination en fonction de ce qu'elle peut financer ; elle peut être sociale si elle participe d'un système fiscal qui favorise l'emploi, qui permet de remettre au travail des couches de la population qui en sont écartées, car est social ce qui fait avancer son pays, qui lui permet de progresser et de rejoindre la compétition.

Or, vous le savez, mes chers collègues, telle est bien l'obsession de la commission des finances : obsession de la compétition, crainte d'être distancé, obsession de la perte d'attractivité, de l'érosion de nos richesses, de la fuite de nos cerveaux, du départ de beaucoup de patrimoines importants qui pourraient servir, au moins pour partie, à faire travailler des gens sur notre sol, obsession, enfin, de la perte de positions en matière de commerce extérieur. Tels sont les sujets qui nous soucient le plus.

C'est à partir de ces préoccupations et de ce sentiment, peut-être un peu confus, que nous sommes à la fin d'un monde et d'un modèle que nous traçons des pistes de réflexion ; à cet égard, la TVA sociale en est une qui nous semble ne pas pouvoir être éludée.

Les macro-économistes, les économètres en discuteront. En effet, il est très difficile d'imaginer les résultats quantitatifs d'une opération de basculement importante portant, par exemple, sur 60 % des cotisations « famille » - c'est ce dont nous parlons - et se traduisant par un relèvement significatif du taux de la TVA. Il y a, on le sait, des effets favorables à la compétitivité, des prix de revient allégés, en même temps que des menaces inflationnistes qui peuvent être à l'oeuvre dans l'économie ainsi que des risques de conflits au sein même de l'entreprise entre les intérêts des différentes parties prenantes. Ainsi, comment le pouvoir d'achat évoluera-t-il ? Comment la « rente », en quelque sorte, va-t-elle être partagée entre le travail, les actionnaires et le niveau des prix facturés au client ?

Il s'agit là de sujets extrêmement complexes et les simulations qui ont été faites - et qui ont au moins le mérite d'exister - ne nous apportent pas, reconnaissons-le, de certitudes. Mais reconnaissons aussi, mes chers collègues, qu'il nous faut véritablement trouver des solutions qui nous permettent de sortir de cette ambiance délétère et anesthésiante dans laquelle nous nous trouvons.

A cet égard, je voudrais dire que, dans les excellents écrits de Michel Camdessus, j'ai été frappé par cette expression : « La France décroche sous anesthésie ».

De quelle anesthésie s'agit-il ? Eh bien, comme Michel Camdessus, je pense que cette anesthésie est celle de l'euro qui, s'il peut être la meilleure des choses, peut aussi se révéler la pire des choses.

Autrefois, compte tenu de l'état de nos finances publiques, notre monnaie eût été attaquée, la spéculation internationale se fût déchaînée...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et nous aurions décroché. Le Gouvernement aurait alors dû, dans la douleur, s'adresser aux Françaises et aux Français, à la télévision, pour leur dire : « Il faut faire des efforts, il faut les partager, il faut se redresser, il faut mettre en oeuvre un plan d'ajustement et le faire parce que c'est nécessaire ». Aujourd'hui, si elle n'est plus aussi pressante, cette nécessité existe encore, même si elle est latente, et elle nous dicte nos devoirs : devoir de réforme, devoir de liberté d'esprit.

Messieurs les ministres, le Sénat croit être dans son rôle lorsqu'il vous invite à innover et à faire preuve de courage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, chacun a pu se rendre compte combien mon collègue Philippe Marini, rapporteur général, était « comme un poisson dans l'eau » concernant les prélèvements obligatoires - je n'aurai certainement pas la même aisance - et en quelque sorte intarissable sur un sujet qu'il maîtrise parfaitement. Il représente, de ce fait, un redoutable débatteur pour les membres du Gouvernement ici présents, et je ne doute pas qu'il en sera de même dans un instant lorsque le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, s'exprimera après les deux rapporteurs.

J'ai noté avec satisfaction - mais ce n'est une surprise ni pour moi ni pour mes collègues - combien notre ministre des finances avait su choisir les mots qu'il fallait pour convaincre la Haute Assemblée de la nécessité de s'engager dans une réforme qui se traduise par des résultats significatifs en matière de prélèvements obligatoires.

J'ai également conscience, en ma qualité de rapporteur chargé des équilibres financiers de la loi de financement de la sécurité sociale, combien la commission des finances et le Gouvernement attendent de la commission des affaires sociales des orientations et des engagements qui puissent se concrétiser dans des résultats tangibles.

Il y a quelques instants, M. le ministre de la santé s'est exprimé sur le sujet et nous a redit dans quelle voie notre pays s'était engagé en ce qui concerne la réforme de l'assurance maladie, déclinant l'ensemble des pistes qui devraient se traduire, nous l'espérons, par des améliorations significatives.

Des premiers résultats ont déjà été constatés à la fin de l'année : M. Douste-Blazy a parlé des quatre derniers mois, période pendant laquelle nous avons pu assister à un très net ralentissement des dépenses. J'espère, comme M. le ministre de la santé, qu'il s'agit là non pas d'un simple impact psychologique de la part de nos concitoyens au regard de la réforme, mais que ce ralentissement de la dépense sera pérenne et qu'il ira même en s'accentuant.

De la sorte, l'effort effectué par le budget de l'Etat au travers des prélèvements obligatoires dans le cadre des prélèvements fiscaux sera accompagné d'un ralentissement - donc d'une progression a minima - des cotisations sociales, étant donné que certains éléments incontournables évoqués par Philippe Douste-Blazy et rappelés à l'instant par Philippe Marini nous laissent à penser qu'il y aura une progression globale des dépenses de santé. L'important est que celles-ci soient contenues à un niveau supportable par nos concitoyens au regard de leurs capacités de financement.

Je ne répéterai pas tout ce qui a été excellemment dit à la fois par MM. les ministres et par notre rapporteur général. Il a été rappelé tout à l'heure que les organismes sociaux bénéficient de 50 % des prélèvements, soit 340 milliards d'euros - cette somme a été avancée par le ministre de la santé lui-même - ce qui représente le cinquième de la richesse nationale.

Il y a donc lieu de se poser la question de savoir comment soutenir à long terme l'évolution constatée sur les vingt dernières années. Au cours de cette période, le budget de l'Etat a réduit les prélèvements qui lui sont affectés, mais il a dans le même temps gonflé son déficit dans des proportions inquiétantes.

La maîtrise des prélèvements obligatoires doit désormais, mes chers collègues, prendre en compte cette équation qui impose que chaque augmentation de prélèvements obligatoires doit être compensée par la diminution d'autres impôts.

Le rapport du Gouvernement sur l'évolution des prélèvements montre bien la difficulté qu'il y a à baisser désormais le niveau de l'impôt. Ainsi, pour compenser 6,5 milliards d'euros de prélèvements sociaux nouveaux, il faut afficher un montant presque équivalent de réductions d'impôts par ailleurs.

Je formulerai maintenant quelques observations sur la réforme des cotisations sociales, à partir d'une mise en perspective historique.

En 1992, vous vous en souvenez sans doute, mes chers collègues, le Gouvernement avait commandé au Commissariat général du Plan un rapport sur les perspectives de financement de la protection sociale. Ce rapport concluait qu'il n'existait pas d'« assiette miracle » et insistait sur la nécessité de maîtriser les dépenses. Il suggérait également de clarifier le lien entre prestations et cotisations, d'élargir l'assiette des financements, de taxer les comportements à risque et, enfin, d'alléger la charge pesant sur le travail faiblement rémunéré.

Qu'en est-il aujourd'hui et quelles suites ont-elles été données à ce rapport ?

Avec le recul, j'observe que l'ensemble des réformes qui ont été mises en oeuvre au cours de la décennie passée a répondu au moins pour partie à ces objectifs.

C'est le cas, d'abord, en matière de financement du non- contributif par la solidarité nationale. Si Edouard Balladur, lorsqu'il était Premier ministre, a créé le Fonds de solidarité vieillesse, c'était précisément pour modifier la répartition du poids de ces dépenses entre solidarité nationale et cotisations.

C'est le même objectif qui a motivé, ces deux dernières années - et cela a fait l'objet de longs débats au sein de la Haute Assemblée, lors de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des projets de loi de finances -, l'augmentation de la fiscalité du tabac, qu'a évoquée Philippe Douste-Blazy voilà un instant, la majoration de la CSG et les allégements de cotisations pesant sur les bas salaires. Ce mouvement, qui avait commencé avec Alain Juppé, a été poursuivi.

Seule la maîtrise des dépenses est demeurée hors de portée, je pense que nous pouvons tous en convenir.

Dans la perspective d'un élargissement de la part patronale du financement de la protection sociale, le plan Juppé proposait, pour sa part, d'étudier la piste d'un élargissement de l'assiette des cotisations à la valeur ajoutée produite par l'entreprise.

Le Gouvernement issu des urnes en 1997 demanda un complément d'expertise à M. Edmond Malinvaud. Le rapport de celui-ci aboutit à une mise en garde : l'augmentation théorique de l'assiette risquait de se révéler finalement contre-productive en raison du caractère manipulable de la notion de valeur ajoutée. Ce basculement risquait en outre de provoquer des transferts de charges massifs entre les différents secteurs d'activité. Enfin, le partage de la valeur ajoutée entre la rémunération du capital et celle du travail étant stable à long terme, un changement d'assiette des cotisations patronales n'aurait pas remplacé la masse salariale par une base beaucoup plus dynamique.

La réflexion théorique sur cette question ne fut donc pas tranchée et aucune réforme ne fut engagée durant cette période, mais les mesures d'exonération et d'allégement de charges se sont multipliées pour atteindre plus de 9 % du montant des cotisations encaissées en 2003. Ces mesures constituent, je pense que vous en conviendrez avec moi, une véritable réforme des cotisations sociales patronales.

Finalement, les pouvoirs publics ont atteint l'objectif initialement fixé à une réforme des cotisations sociales patronales : asseoir la fraction du financement de la protection sociale sur une base plus favorable à l'emploi des moins qualifiés.

Pour autant, l'annonce médiatisée de plans de licenciements et l'engagement de procédures de délocalisation ont jeté le doute sur l'efficacité de cette mesure et remis à l'ordre du jour une solution écartée par le passé, mais que M. le rapporteur général vient de développer, après M. le ministre des finances : la substitution - chère à M Arthuis - d'une TVA dite « sociale » ou de « compétitivité » aux cotisations patronales.

La commission des affaires sociales s'est bien entendu interrogée sur la pertinence de cette substitution. Je prends le risque d'aborder le sujet au-delà de ce qu'en ont dit M. le ministre des finances et M. le rapporteur général.

Des auditions auxquelles j'ai procédées, j'ai retenu que le droit communautaire encadrait strictement la fiscalité pesant sur les prix des produits, et Marie-Thérèse Hermange, ancien député européen, qui est parmi nous cet après-midi, pourrait confirmer mes propos.

La TVA est régie par une série de directives qui fixent un plafond et un plancher différents selon les catégories de produits. La France pratique trois taux, 19,6 %, 5,5 % et 2,1 %. Elle pourrait, à l'extrême, les porter à 25 %, c'est-à-dire le plafond européen admissible, mais elle ne pourrait pas, sans méconnaître les règles communautaires, créer une «TVA additionnelle » affectée aux régimes sociaux.

Dans quelle mesure une telle substitution serait-elle réalisable ?

Nul ne remet sérieusement en question les cotisations d'assurance vieillesse ou de chômage, dont le caractère contributif est la raison d'être.

Du reste, la proposition d'un basculement total des cotisations sociales patronales serait hors de proportion en raison du montant en cause : 178 milliards d'euros, contre 110 milliards d'euros pour la totalité du produit actuel de la TVA.

En revanche, a été évoquée - mais pas par la commission des finances, j'en conviens - la suppression des cotisations d'assurance maladie et des cotisations familiales, qui s'élèvent tout de même à 90 milliards d'euros, soit 80 % du produit de la TVA. M. le rapporteur général a d'ailleurs fait référence à un basculement - cela fait partie des points à étudier - de 60 % des cotisations familiales sur la TVA, ce qui allégerait d'autant la part des cotisations que supportent les entreprises. Il a cependant ajouté qu'il fallait mesurer les éventuels effets pervers de l'adoption de cette mesure, notamment son caractère peut-être inflationniste, et prendre en compte les conséquences qu'elle pourrait avoir sur le climat social des entreprises.

Je n'apprendrai rien aux membres de la commission des finances en rappelant qu'un point de taux normal de TVA représente 5,5 milliards d'euros et un point de taux réduit, 2,1 milliards d'euros. Chacun peut donc mesurer l'ampleur de la hausse du taux qui serait nécessaire à la substitution en cas de basculement de la totalité des cotisations sociales patronales pour le financement de l'ensemble des branches.

En réalité, hors la question du montant, la commission des affaires sociales a estimé que les conditions d'ajustement d'une telle mesure étaient d'une grande complexité.

Le scénario vertueux suppose une répercussion intégrale de la suppression des cotisations patronales sur les prix hors taxes. Dans l'hypothèse inverse, on devrait s'attendre à un fort effet inflationniste résultant de l'augmentation du taux sur un prix hors taxes inchangé, les entreprises préférant améliorer leur marge plutôt que leur compétitivité.

Comment présumer d'un comportement qui relève a priori d'une stratégie variable d'un marché à l'autre ? Il me semble en effet très inquiétant que les conditions d'ajustement d'une telle substitution échappent ainsi aux pouvoirs publics.

Ces conditions dépendent en fait de la qualité du débat social et de la faculté des pouvoirs publics de négocier avec les organisations syndicales pour que l'augmentation des prix à la consommation, notamment des prix importés, ne se traduise pas par des revendications salariales. Les traditions sociales de notre pays ont certes leurs mérites, mais rendent peu problable la réalisation d'un fort consensus social comme en connaissent les pays scandinaves, auxquels Philippe Marini a fait référence.

Par ailleurs, selon les informations qui m'ont été transmises, une telle substitution aurait aussi ses « perdants ».

Il s'agit, en premier lieu, des bénéficiaires d'allégements de cotisations, soit parce qu'ils perdraient un avantage absolu - dans les zones franches urbaines, par exemple - soit parce que cette mesure ne se traduirait pas par un avantage dynamique vis-à-vis de leurs concurrents extérieurs.

M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne va pas leur octroyer des compensations pour des cotisations qu'ils ne paient plus !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale. Nous aurons l'occasion d'en débattre. Toutefois, ne nous berçons pas d'illusions en pensant qu'ils ne demanderaient pas à récupérer d'une autre manière un avantage qu'ils auraient perdu. Je pense notamment aux industries de main-d'oeuvre à faible qualification, auxquelles la substitution de la TVA aux cotisations sociales ne procurerait pas un avantage - elles ne pourraient répercuter la suppression d'une cotisation dont elles sont exonérées ! -, se traduisant seulement une augmentation de leurs prix.

Les services du ministère des finances ont également cité, parmi les perdants, les commerçants implantés en zones frontalières. Si, en matière de taux de TVA, la France se situe dans la moyenne communautaire, elle se trouve géographiquement à proximité de pays à taux bas. Le taux normal en Allemagne, en Espagne ou au Luxembourg est de 15 % à 16 %. Il est vraisemblable que l'augmentation du taux normal français inciterait les consommateurs résidant à proximité de nos frontières avec ces pays à y faire leurs achats, y compris d'ailleurs pour y acquérir des produits français, alors offerts chez ces voisins à prix sensiblement moins élevé que sur le territoire national.

Des compensations peuvent certes être instaurées au bénéfice des commerçants ainsi lésés, mais n'est-ce pas déjà amoindrir la force d'une proposition que de prévoir, dès l'origine, la manière de réduire ses effets pervers ?

Au total, la commission des affaires sociales a considéré comme peu probable un basculement massif de cotisations sociales sur la TVA.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale. Je ne pense d'ailleurs pas que telle soit l'idée du président de la commission des finances ! Le basculement devrait toutefois concerner un montant suffisamment sensible pour produire des résultats sensibles. On pourrait imaginer une substitution pour un montant raisonnable, de l'ordre de 10 ou 15 milliards d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est bien ce dont nous parlons !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale. La somme est déjà considérable. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Voilà une question que nous devrons nous poser.

J'estime pour ma part que la question du coût du travail, en soi complexe à évaluer, dépasse très largement celle des délocalisations. Chaque année, 10 % des emplois disparaissent pour être recréés sous d'autres formes. L'essentiel est de sortir un solde positif de cette confrontation.

Des ajustements sont peut-être nécessaires ici et là. Le Conseil des impôts évoque d'ailleurs dans son rapport la question de certains enjeux liés aux revenus élevés pour la localisation des sièges sociaux et des entreprises à forte valeur ajoutée.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Conseil des impôts, ce n'est ni la loi ni les prophètes !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement prévoit, pour 2005, plus de 2,1 milliards d'euros de mesures fiscales afin d'améliorer l'attractivité de notre économie. Nous ne pouvons que nous en féliciter. En général, les instruments conçus pour ne servir qu'un objectif à la fois sont souvent les plus efficaces.

Je reprendrai à mon compte une inquiétude déjà formulée en 1995 par le Commissariat général du Plan, à savoir que « les partenaires sociaux et les assurés pourraient avoir le sentiment que les problèmes de financement de la sécurité sociale peuvent être facilement résolus grâce à un impôt relativement indolore et que la maîtrise des dépenses est donc moins nécessaire ».

Mon seul souci est de ne pas nourrir un tel sentiment quelques mois seulement après le vote d'une réforme de l'assurance maladie reposant avant tout sur la modification profonde des comportements individuels et collectifs. C'est d'ailleurs ce qu'a voulu souligner Philippe Douste-Blazy à travers le forfait d'un euro sur chaque consultation médicale.

En définitive, la commission des affaires sociales a estimé que la maîtrise des dépenses sociales restait notre seul enjeu véritable. Atteindre cet objectif est une nécessité, car nulle assiette n'est capable de supporter l'évolution des dépenses de santé constatée au cours de ces dernières années.

Ce rappel étant fait, je veux plaider auprès du Gouvernement pour la stabilité du cadre des finances sociales.

Les règles relatives à la gestion des exonérations de cotisations sociales sont d'une grande complexité. Je regrette pour ma part que les engagements pris par le Gouvernement lors du vote de la loi Fillon, en 2003, soient déjà modifiés par le projet de loi de finances et que soit réduit de 1,7 à 1,6 fois le SMIC le montant plafond de l'exonération.

Les entreprises ont besoin de visibilité pour embaucher. Sauf erreur de ma part, Nicolas Sarkozy n'a d'ailleurs pas dit autre chose : il faut avoir une lisibilité dans la durée en ce qui concerne la politique fiscale, la politique d'allégement des cotisations sociales et la politique des prélèvements obligatoires.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore faut-il pourvoir payer !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale. Les entreprises réclament à ce titre des mesures d'accompagnement pérennes à partir desquelles elles pourront construire une stratégie à long terme.

M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne pourra pas toujours payer !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale. Certes, il faudra mesurer l'effort que devront consentir les uns et les autres.

Les progrès réalisés en matière de sécurité juridique, notamment l'introduction du « rescrit social », sont louables, mais ils ne constituent que des instruments destinés à rassurer les employeurs et ne sont pas en soi des instruments de clarification.

La commission des affaires sociales souhaite que la fusion des règles relatives aux exonérations de cotisations sociales soit étudiée dans un dispositif général - celui de la loi Fillon, par exemple -, accompagné d'une prime en fonction des objectifs supplémentaires visés par les pouvoirs publics.

J'espère, messieurs les secrétaires d'Etat, que le Gouvernement pourra me répondre sur ce point. Mais c'est déjà peut-être entamer le débat que nous aurons très bientôt lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de l'examen du projet de loi de finances.

Telles sont les réflexions que ce débat sur les prélèvements obligatoires a inspiré aux membres de la commission des affaires sociales. N'en concluez pas, mes chers collègues, qu'il existe une divergence d'appréciation entre la commission des finances et la commission des affaires sociales sur la démarche qu'il convient d'entreprendre en matière de prélèvements obligatoires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires nous fournit une occasion à la fois unique et indispensable de réfléchir à leur évolution.

La présence du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, du ministre de la santé, du secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire et du secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, tout comme la richesse des rapports d'information de la commission des affaires sociales et de la commission des finances témoignent bien de l'importance de ce débat.

L'usage veut qu'à l'occasion de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances nous ayons un semblant de discussion fiscale. Mais, à la vérité, nous ravaudons, nous rapiéçons,...

Mme Nicole Bricq. Nous bricolons !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... nous rendons plus complexe encore le code général des impôts, et nos amendements ont des effets tout à fait marginaux sur le plan budgétaire : ils correspondent plus à une nécessité optique, à une sorte d'effet d'annonce, qu'à la recherche de l'efficience de l'action.

Sommes-nous capables, mes chers collègues, de réfléchir sur le rôle de l'impôt et, plus globalement, des prélèvements obligatoires dans le pacte républicain ? Car nous touchons là le point le plus aigu et le plus sensible de la relation entre chaque citoyen et l'ensemble des institutions publiques.

Pouvons-nous continuer à distinguer l'impôt que percevrait l'Etat, qui s'établit à 38 % du montant des prélèvements obligatoires - le ministre d'Etat l'a rappelé -, de l'impôt mis en recouvrement par les collectivités territoriales, qui représente 12 % de ce même montant , et des cotisations sociales, qui en constituent à elles seules la moitié ?

L'heure est venue de mettre en discussion simultanément, globalement, les prélèvements sociaux, les impôts que perçoit l'Etat et ceux que perçoivent les collectivités territoriales. Peut-être un jour pourrons-nous même discuter en même temps du budget de l'Etat et du budget de la protection sociale. C'était une heureuse initiative, sans doute, que de prévoir un projet de loi de financement de la sécurité sociale ; mais, à l'épreuve, que de déceptions ! L'ONDAM échappe à tout contrôle et, comme l'horizon, s'éloigne au fur et à mesure que l'on avance !

Nous avons besoin d'être accompagnés dans notre souci de réflexion et de débat par une observation aussi objective que possible. Alain Vasselle a fait référence au Conseil des impôts. J'ai pour ma part une grande considération pour le Conseil des impôts ; mais puis-je rappeler qu'il a été fondé sur une base réglementaire, en 1971, que sa composition est très élitiste puisqu'il ne comprend que des hauts fonctionnaires, et que ses méthodes de travail sont pour le moins étonnantes ? J'avoue avoir été surpris par la tonalité de sa dernière « livraison », qui entrait en contradiction avec un récent rapport de la commission des finances à propos de la délocalisation.

Comment travaille ce Conseil des impôts ? Nous vous ferons, messieurs les secrétaires d'Etat, des propositions destinées à donner une base légale à une institution dont les bases actuelles ne sont que réglementaires. Il faut veiller à élargir sa composition, de telle sorte qu'en son sein puissent être désignées des personnalités qualifiées qui ne soient pas nécessairement des représentants de la haute fonction publique. Il faut aussi que son champ d'investigation soit élargi à l'ensemble des prélèvements obligatoires et ne se limite plus au seul impôt, car il est des prélèvements sociaux qui présentent toutes les caractéristiques de l'impôt. Il faut enfin que cette institution puisse être mise à la disposition du Parlement pour éclairer le débat sur les prélèvements obligatoires.

Nous avons besoin de cet instrument de visibilité, de lucidité, et nous avons besoin qu'il travaille avec la plus grande impartialité possible.

Par ailleurs - et je m'adresse là plus particulièrement à vous, monsieur le secrétaire d'Etat au budget -, il est d'usage de présenter le projet de loi de finances en distinguant ce qui est impôt à la charge des ménages et ce qui est impôt à la charge des entreprises ; et, chaque année, on distingue les mesures en faveur des uns et les mesures en faveur des autres.

A la vérité, cette distinction a-t-elle un sens ? Y a-t-il tant d'impôts réputés à la charge des entreprises qui ne soient pas, en définitive, supportés par les ménages ? Je mettrai à l'écart, naturellement, l'impôt sur les bénéfices des sociétés ou sur les bénéfices des entrepreneurs individuels. Mais les impôts que sont la taxe professionnelle, les cotisations sociales mises à la charge de l'employeur, ces impôts de production sont tous intégrés dans le prix de revient des productions marchandes, qu'il s'agisse de biens ou qu'il s'agisse de services, et, en définitive, ce sont les ménages qui les supportent. Car les entreprises qui ne parviendraient pas à en répercuter le poids dans le prix des services et des biens acquitté par les ménages, ces entreprises-là disparaîtraient, à moins que d'être des entreprises publiques.

Cessons donc, si vous le voulez bien, d'opposer les prélèvements sur les ménages et les prélèvements sur les entreprises, opposition qui relève d'une vision aussi archaïque, aussi datée historiquement que celle que nous avons des charges patronales, que nous avons héritée du temps où il y avait d'un côté les patrons et de l'autre les salariés.

M. Robert Bret. Ce n'est plus comme cela ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais, chers collègues, le monde s'est ouvert, l'économie s'est globalisée, elle s'est mondialisée. A quoi sert-il de maintenir tant d'impôts qui sont des impôts de production ?

J'observe, comme vous, la délocalisation des entreprises. Hier, ces phénomènes pouvaient être jugés marginaux. On ne s'en inquiétait pas parce qu'ils touchaient le textile, la chaussure, l'horlogerie, l'électronique grand public, le jouet. Nous conservions le privilège de la haute valeur ajoutée, de la recherche, du développement, des technologies de pointe. Mais l'efficacité des moyens de transport, l'efficacité des nouveaux moyens de communication et d'information, la numérisation des données, plongent les entreprises dans une concurrence internationale implacable, et l'arbitrage est tôt fait : il y a délocalisation des productions. Car notre système est tel qu'il fait peser sur ceux qui produisent chez nous les contraintes que sont la taxe professionnelle ou les cotisations sociales payées par l'employeur !

En persévérant dans cette voie, nous consacrons une sorte de droit de douane à l'envers : nous ne faisons payer que ceux qui produisent chez nous,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... et nous encourageons le nomadisme économique. Ceux qui vont produire ailleurs échappent à ces contraintes. Quelle est la logique, quelle est la justification, quelle est l'équité d'un tel dispositif ?

Je voudrais, à ce propos, mettre en garde tous ceux qui prônent la lutte contre la vie chère. Lutter contre la vie chère, c'est bien ! Mais la concurrence, aujourd'hui, est implacable, et vient un moment où la lutte contre la vie chère fait obstacle à la recréation de l'emploi.

M. Alain Lambert. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais donc que, sur ces questions, nous fassions preuve de lucidité et de pragmatisme.

Persister à taxer ceux qui produisent chez nous, c'est prendre le risque de programmer la délocalisation d'un nombre croissant d'activités. Ce qui prime, c'est l'emploi, c'est le retour à la croissance. Notre fiscalité, nos prélèvements obligatoires sont-ils compatibles avec le retour à l'emploi et à la croissance ? J'affirme que, si nous maintenons notre système en l'état, nous risquons d'aller dans le mur, mes chers collègues :

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'ai bien écouté les observations qu'Alain Vasselle a formulées au nom de la commission des affaires sociales. Je tiens, pour ma part à souligner combien ce débat est nécessaire et à me réjouir qu'il ait lieu ici, au Sénat, alors que nos collègues députés, pris qu'ils sont par la nécessité d'engager dès le début du mois d'octobre la discussion du projet de loi de finances, ne peuvent pas s'offrir le luxe d'un débat sur les prélèvements obligatoires. Nous avons donc la responsabilité de faire vivre ce débat et de scruter l'horizon.

Je ferai une parenthèse sur la TVA sociale : mes chers collègues, celle-ci existait du temps du BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles ! Comment le BAPSA était-il financé si ce n'est par une ponction sur la TVA ? Les sommes qui, en loi de finances, étaient inscrites en recettes fiscales au budget de l'Etat ne retraçaient pas le produit intégral de la TVA puisqu'une partie en était prélevée pour le financement du BAPSA ! Je referme la parenthèse.

J'ai la conviction que nos partenaires européens, tels l'Allemagne et quelques autres pays d'importance significative, sont confrontés aux mêmes difficultés que nous et qu'il serait sans doute temps que la question des prélèvements obligatoires fasse l'objet d'une discussion à l'échelon européen.

On ne peut pas dire que les directives européennes fassent obstacle à la révision à la hausse du taux de TVA. La seule contrainte réglementaire résulte de l'annexe H de la directive de 1991 : nous sommes tenus d'appliquer un taux normal ; nous avons l'autorisation d'appliquer un taux réduit, dont les bénéficiaires figurent sur une liste limitative ; enfin, quelques exceptions sont prévues pour des produits médicamenteux ou pour la presse. Mais il n'y a pas de prescription formelle portant sur le taux de TVA !

Je voudrais aussi souligner qu'à nos yeux la création d'une « TVA sociale » se justifierait par le fait qu'une partie de son produit servirait à financer la solidarité sociale. Pour autant, il n'y aurait pas deux TVA, une TVA normale et une TVA sociale ! Nous voulons insister sur ce point : la TVA peut être sociale, contrairement à ce que veulent faire croire ces répliques immédiates que l'on s'attire chaque fois que l'on prend le risque d'affirmer que certains allégements d'impôts pourraient être compensés par un supplément de TVA.

Je ne crois donc pas que de telles contraintes existent sur le plan européen.

Bien sûr, Alain Vasselle, il n'est pas question d'aller vers un basculement massif et soudain.

D'abord, je voudrais vous faire observer que l'Etat prend déjà en charge 20 milliards d'euros, correspondant aux exonérations résultant des dispositions relatives aux 35 heures et de la loi Robien de 1996.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale. Il en manque ! Ce n'est pas totalement compensé !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certes, mais le chiffre n'est pas très éloigné !

Il ne s'agit donc pas d'aller vers un basculement massif.

Nous évoquions les exonérations de charges sociales dont bénéficient les employeurs pour les salaires inférieurs à 1,7 fois ou 1,6 fois le SMIC : combien de temps, mes chers collègues, allons-nous maintenir ce système qui enferme nombre de salariés français dans des trappes à bas salaires ?

MM. Aymeri de Montesquiou et Jean-Jacques Jegou. Très bien !

M. Alain Vasselle. Tout à fait d'accord !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si nous perpétuons ce système, il ne sera plus possible d'en sortir, car, dès qu'il dépasse le plafond de 1,6 fois le SMIC, l'employeur subit une rafale de charges.

Le système avait été conçu pour être provisoire, pour durer le temps de franchir un cap difficile. Je vous ferai observer qu'il est en voie de pérennisation, et que c'est là un contresens contre lequel nous devons nous élever.

Je comprends que, momentanément, on puisse l'appliquer. Mais ayons à l'esprit qu'il faudra un jour en sortir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il coûte 18 milliards d'euros ! Il est condamné !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. A propos des risques d'inflation, je ferai remarquer, quoique je ne sois pas là pour prôner l'inflation, que cette espèce de religion de la stabilité des prix va jusqu'à vouloir tirer ceux-ci vers le bas, et que l'on y réussit si bien que les producteurs sont obligés, les uns après les autres, d'aller produire ailleurs.

La concurrence ne joue pas seulement entre les entreprises : elle joue aujourd'hui entre les Etats. Certaines politiques fiscales relèvent véritablement du dumping fiscal, et Nicolas Sarkozy l'a rappelé lorsqu'il a évoqué les taux d'imposition dans plusieurs pays d'Europe centrale qui viennent de rejoindre l'Union européenne. Soyons conscients de ce dumping fiscal et ne tenons pas de propos trop angéliques, ne restons pas figés dans les certitudes, dans la pensée unique qui poussent la direction de la prévision du ministère de l'économie et des finances à camper sur des positions que je ne comprends pas.

A tout cela s'ajoute un élément psychologique : quel discours allez-vous tenir à l'adresse de celles et de ceux qui pourraient entreprendre dès lors que pèsent autant de contraintes sur leur production et qu'il est si facile d'aller faire son sourcing à l'extérieur, en Chine, pour vendre plus efficacement sur le marché français ?

Demandez-vous ce que deviendront, demain, les jeunes diplômés des écoles d'ingénieurs. Auront-ils encore des perspectives de responsabilité importantes ? La France peut-elle encore espérer avoir des activités de production ?

Ceux qui « font de l'argent » sont ceux qui tiennent le marché, qui pèsent lourd avec leurs centrales d'achat, qui sont en mesure d'exercer des positions dominantes, succombant parfois à la tentation d'en abuser.

Je souhaite que l'on évite tout conformisme de pensée et d'action. Si l'on reconnaît que l'emploi dépend de la réussite de l'entreprise, il faut donner des espérances de réussite à ceux qui entreprennent.

J'affirme que le basculement des cotisations sociales vers la TVA n'aurait pas d'effet inflationniste pour les productions de biens et de services en France. En revanche, il est vrai que les produits provenant de pays tiers, commercialisés et consommés en France pourraient voir leurs prix renchéris

M. Jacques Blanc. Tant mieux !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, sur le fondement de quel principe républicain, moral ou d'équité frapperait-on exclusivement ceux qui produisent chez nous, au risque de faire disparaître l'emploi dans le secteur marchand ? Pour quel motif ne supprimerait-on pas ce que j'appelais tout à l'heure ce « droit de douane à l'envers » ?

Telle est la proposition que vous soumet la commission des finances du Sénat. Il ne s'agit pas aujourd'hui de prendre une décision, mais de retrouver notre liberté de débat, de renoncer à tout conformisme et à toute pensée unique, à toute convention préétablie. Dans ce pays, en effet, on semble écarter toute discussion avant même de l'ouvrir. Vous pouvez compter sur la commission des finances du Sénat pour faire vivre ce débat.

Je tiens à saluer et à remercier M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui a bien voulu déclarer tout à l'heure devant le Sénat qu'il était prêt à apporter la contribution de son ministère pendant les quelques semaines où il y exercera encore son autorité. Je ne doute pas que ses successeurs, et notamment Dominique Bussereau, prendront ensuite le relais.

Mme Nicole Bricq. Est-ce un scoop ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce débat doit se dérouler sans a priori : nous devons éviter de prendre des références abruptes. Nous avons besoin d'explorer une voie nouvelle. Votre commission des finances y contribuera avec détermination. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bravo !

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;

Groupe socialiste, 31 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, l'expression d'« ardeur au travail » a pris une connotation vieillotte, car un basculement s'est produit dans notre pays.

Cette ardeur s'est progressivement éteinte en raison de la réduction du temps de travail, de l'accroissement de la précarité de l'emploi, qui découple qualité professionnelle et stabilité, et du sentiment que le fait de travailler plus n'assure pas forcément un avenir meilleur à ses enfants.

Comment redonner envie de travailler alors qu'en 2003 l'Etat a payé 10 milliards d'euros pour que les Français travaillent moins ?

La disparition de cette ardeur au travail est aussi largement imputable à une pression fiscale que les particuliers et les entreprises considèrent comme prédatrice. Je rappelle que la France se situe, dans l'Union européenne, entre le neuvième et le onzième rang en termes de salaire net et que son barème de l'impôt sur le revenu, plus progressif que celui de ses partenaires européens, n'incite pas à rester dans notre pays pour travailler.

Dans ce débat sur l'évolution des prélèvements obligatoires, il ne faut pas se payer de mots, alors même qu'une augmentation de 0,2 % est prévue entre 2004 et 2005.

S'interroger sur l'évolution des prélèvements obligatoires, c'est poser en même temps la question de la compétitivité de nos entreprises et celle de l'attractivité de la France, c'est mettre en lumière le paradoxe suivant : troisième pays au monde de destination des investissements industriels, avec 47 milliards d'euros d'investissements qui participent à nos 2,6 % de croissance, la France a des difficultés à retenir ses propres entrepreneurs sur son sol et à transformer cette croissance en emplois.

La fiscalité devrait être un outil de stimulation de la création de richesse en résolvant deux problèmes : tout d'abord, faire baisser notre taux de chômage, qui s'élève aujourd'hui à 10 % - taux supérieur à la moyenne communautaire -, et ce en corrélation avec une réduction des charges fiscales, mais aussi et peut-être surtout administratives, qui pèsent sur les entreprises ; ensuite, résorber le déficit budgétaire de la France, en diminution certes, mais dont le montant - 45 milliards d'euros - constitue une charge intenable pour notre économie et nos contribuables et nuit à notre crédibilité européenne. Une fiscalité juste et performante doit optimiser la perception et l'utilisation de ces prélèvements.

Mettre la fiscalité au service de l'emploi et de la croissance, c'est avant tout poursuivre la réduction des charges. Je me concentrerai donc sur l'impôt sur les sociétés, avant d'aborder rapidement l'idée d'une TVA sociale.

Avec 35,4 % pour une moyenne communautaire de 29,8 %, la France a le taux nominal marginal d'impôt sur les sociétés le plus élevé de l'Union européenne. Ce taux a augmenté de 2,1 % entre 1995 et 2003, alors qu'il a baissé en moyenne de 5,3 %, durant cette même période, chez nos partenaires de l'Union !

Réduire l'impôt sur les sociétés est bien sûr un élément important pour la compétitivité de nos entreprises, confrontées à la tentation de la délocalisation : rappelons que le nombre de nos partenaires européens les plus réticents devant l'harmonisation fiscale a augmenté, plusieurs nouveaux membres de l'Union pratiquant un dumping fiscal, avec des taux d'impôt sur les sociétés oscillant entre 0 % et 20 %.

Deux orientations, parfaitement complémentaires, sont envisageables.

Au niveau communautaire, l'idée d'une coopération renforcée pour harmoniser l'assiette de l'impôt sur les sociétés avait été envisagée. Les tenants du dumping fiscal ont obtenu le maintien dans la future Constitution européenne de la règle de l'unanimité en matière de fiscalité. Doit-on pour autant renoncer ? Le Gouvernement est-il prêt à défendre l'idée d'une coopération renforcée en matière fiscale auprès de la nouvelle Commission ?

Au niveau national, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit une baisse de l'impôt sur les sociétés, dont le taux serait ramené à 33,3 %, ce que je salue. Néanmoins, il faut ici plus qu'une mesure ponctuelle. Ce dont nos entreprises ont besoin, c'est un cadre fiscal prévisible et encourageant. Leur compétitivité peut-elle être durable si notre taux d'impôt sur les sociétés reste structurellement au-dessus de la moyenne communautaire ?

Dans ces conditions, le Gouvernement est-il prêt à s'engager à ramener d'ici la fin de la législature notre taux d'impôt sur les sociétés sous la barre des 30 %, pour le rapprocher de la moyenne communautaire ?

Cette baisse nécessaire, ajoutée à la simplification administrative et à la réforme du régime d'imposition des plus-values, permettra de renforcer l'attractivité de notre territoire. C'est en effet tout l'environnement administratif qui doit être revu et allégé en faveur des entreprises.

Ne les pénalisons pas dès le départ, ne leur infligeons pas ce qu'elles ressentent comme une sanction préalable. Au contraire, facilitons leur bonne gouvernance et allégeons leurs contraintes en amont afin qu'elles dégagent plus de bénéfices en aval, bénéfices dont la taxation, même moins élevée, générerait davantage de recettes pour l'Etat. Il faut répéter que nos entreprises, les PME et l'artisanat en particulier, sont les seuls gisements d'emplois existants. Notre droit doit aider à préserver l'emploi et non intervenir une fois que les licenciements sont effectués.

L'enjeu est majeur : donner envie aux entreprises d'investir et donner aux Français envie de travailler, de retravailler ou de faire travailler.

Par ailleurs, notre commission des finances a réfléchi à l'instauration d'une « TVA sociale », qui rendrait nos prix plus concurrentiels. Cette idée a été brillamment défendue par M. le président de la commission des finances, Jean Arthuis, et par M. le rapporteur général. C'est une idée simple, de bon sens, qui traduit la volonté de soutenir nos entreprises face à la concurrence internationale en baissant leurs charges. Elle a été développée avec une juste conviction, et je n'y reviendrai pas.

Pour pouvoir revenir à une fiscalité plus optimale et moins contraignante, il faut aussi aborder la question de l'efficacité et de la justice des prélèvements. C'est en ces termes que se pose la question des niches fiscale, de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, et de la fiscalité locale.

J'évoquerai tout d'abord les 50 milliards de « niches fiscales », c'est-à-dire de dérogations : cette obligation de créer des exceptions à hauteur d'un tel montant démontre combien notre système fiscal est mauvais.

Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures comptez-vous prendre pour supprimer les causes de ces niches fiscales ?

S'agissant de l'ISF, l'idéologie doit laisser place au pragmatisme et à l'efficacité. On comprend qu'il soit insupportable pour les 2,4 millions de chômeurs ou les presque 1,2 millions de RMlstes que l'on puisse débattre de sa modification, voire de sa suppression, mais il s'agit d'éviter que, chaque année, 400 contribuables environ quittent la France vers des pays à la fiscalité plus clémente et plus dynamisante.

Au-delà de l'aspect idéologique, voire moral, de cet impôt, interrogeons-nous en termes d'intérêt économique pour le pays : 1 % du total des assujettis à l'ISF, c'est peu, mais le profil de ces exilés volontaires est inquiétant pour nos entreprises, car ce sont des investisseurs et des entrepreneurs créateurs d'emplois.

Selon notre rapporteur général, le montant des capitaux ainsi délocalisés se situent dans une fourchette allant de 10 millliards à 15 milliards d'euros entre 1997 et 2001. Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous confirmer et préciser ce chiffre ? Pouvez-vous, d'autre part, évaluer l'impact économique du départ de ces redevables à l'ISF sur les PME françaises et donc sur le nombre d'emplois perdus, c'est-à-dire le nombre de chômeurs ou de RMIstes supplémentaires ?

L'ISF n'existe plus que dans cinq Etats de l'Union européenne. Ces dix dernières années, quatre pays l'ont supprimé. Il ne se pratique chez aucun de nos grands partenaires européens dont les économies sont comparables à la nôtre et qui sont membres du G8 : ni en Allemagne, ni au Royaume-Uni, ni en Italie. L'Espagne, la Finlande, le Luxembourg et la Suède appliquent certes cet impôt, mais leurs économies ont des caractéristiques différentes.

Pourtant, le Gouvernement n'envisage pas de grand ébranlement de l'ISF dans le projet de loi de finances pour 2005.

Pourquoi ce qui est jugé mauvais dans ces trois pays concurrents pour les investissements et pour nos entreprises serait-il bon en France ?

A la suite d'une décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe de 1995, l'Allemagne a mis fin en 1997 à son équivalent de l'ISF. L'impôt devant être assis sur la faculté contributive des contribuables, attendrez-vous que soit déclaré illégal le prélèvement de l'impôt sur la fortune sur un bien qui n'engendre pas de revenu, comme une résidence principale, par exemple ?

Il faut, bien sûr, prendre en compte l'état d'inquiétude, parfois de désespérance de ceux qui sont en situation précaire, mais il faut aussi être motivé par l'intérêt général.

Enfin, la fiscalité locale n'est pas assez lisible dans les grands discours sur la décentralisation. Un récent rapport du collectif Economistes pour l'action politique, le CEPAP, a ainsi révélé que, entre réductions fiscales et prélèvements, les particuliers paieraient davantage d'impôts. Le solde serait négatif d'environ 1,6 milliards d'euros depuis 2002, en raison notamment d'une augmentation des impôts locaux de plus de 3,5 milliards en trois ans.

Si M. le ministre d'Etat était présent, je lui dirais ceci : « Monsieur le ministre, vous allez quitter votre ministère. J'aurais souhaité que vous eussiez eu le temps d'y montrer le même pragmatisme qu'au ministère de l'intérieur. Avant de partir, mettez donc en place des mesures qui, à moyen terme, atténueront, puis supprimeront nos paradoxes. Notre pays est l'un des plus imposés et pourtant celui où le rendement de l'impôt est le plus mauvais. Optimisez ce rendement et, mécaniquement, les impôts baisseront ! C'est le meilleur souvenir que vous pourrez laisser de votre passage à ce ministère. » (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.

M. Jean-Pierre Masseret. Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, plus que les développements techniques et chiffrés, c'est quand même l'introduction du rapport de Philippe Marini qui donne le ton. Même si l'exercice est nécessairement schématique, je la résumerai ainsi : « La dépense publique est une drogue, l'épargne et le patrimoine doivent être encouragés » - je dirais même « bichonnés » ! -, « la sur-réglementation doit être combattue, les prélèvements obligatoires sont excessifs, on ne peut pas s'opposer à la destruction d'emplois par la voie judiciaire » - c'est vrai -, « les niches fiscales doivent être éliminées. Les Français ont trop le sentiment d'être à l'abri des crises. »

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Masseret. Vous l'avez effectivement écrit, mais peut-être faudrait-il leur demander leur avis. Il me semble que la réponse serait un peu différente.

J'en termine avec la citation du rapport : « La TVA sociale est une bonne piste de travail. »

On pourrait faire de ce débat une simple anticipation de la discussion sur le budget de 2005. Les arguments sont, en effet, à portée de la main.

Après deux années de stagnation, les prélèvements obligatoires vont augmenter. Notre rapporteur cite d'ailleurs à cet égard une série de chiffres convergents. L'assurance maladie réformée alourdira de 3 milliards d'euros les charges des entreprises et des particuliers, sans pour autant permettre le retour à l'équilibre.

Il est évident que ces prélèvements pèseront plus lourdement sur les ménages modestes. Après avoir multiplié en 2004 des mesures ciblées au bénéfice des classes aisées, le Gouvernement récidive dans le projet de loi de finances pour 2005. En outre, des niches fiscales nouvelles sont créées.

Ces mesures vont, à l'avenir, peser sur l'équilibre des finances publiques. La soulte d'EDF est un fusil à un coup. La hausse des prélèvements sociaux, comme celle des impôts locaux, pèsera sur tous les ménages.

Au-delà des chiffres et des tableaux présentés, que faut-il retenir d'essentiel du rapport de Philippe Marini ?

D'abord, qu'il est convaincu qu'une baisse des cotisations sociales ainsi qu'une diminution de l'impôt sont les conditions cardinales de la croissance et de la compétitivité. Le succès de la France dépendrait donc d'une politique centrée sur le moins-disant fiscal et le moins-disant social.

Ce n'est pas notre opinion, vous le comprendrez aisément. Outre que les prélèvements obligatoires sont le prix des services collectifs, ils sont le moyen le plus approprié pour répartir la richesse et corriger les inégalités profondes inhérentes au système de gestion capitaliste dominant.

Ils permettent d'orienter une part de la richesse créée vers des espaces sociaux que le système marchand ignore ou méconnaît.

Nous avons su construire dans ce pays, grâce à des luttes politiques, sociales et syndicales, un type de société qui répondait, certes avec des imperfections, aux engagements républicains inscrits dans notre Constitution.

Cette construction est démontée au prétexte qu'il faut adapter la France aux règles concurrentielles. La compétition existe et nous voulons, nous aussi, que la France se place dans le peloton de tête. Ce n'est toutefois pas par une politique sociale et fiscale déstabilisante, source de divisions pour le pays, qu'on y parviendra.

Dans un monde qui appelle l'adaptation, la remise en cause, la requalification permanente, l'acceptation du risque, le changement d'activité et, parfois, de lieu de vie, la compétition, la réactivité, les prélèvements obligatoires permettent la mutualisation des difficultés.

Affronter tous les changements inhérents à la mondialisation suppose, en effet, le partage des risques et le financement de l'égalité de chances.

De quoi la France a-t-elle besoin ? De recherche, de transferts de technologie, de formation, de qualification, d'infrastructures, d'innovation, de créativité, de solidarité, d'équipements et de cohésion sociale. Cela demande des moyens financiers, dont une grande part ne peut venir que des contributions fiscales et sociales.

Qu'il faille avoir le souci de l'argent public, cela va de soi. Qu'il faille une fiscalité compréhensible, lisible, pertinente, c'est évident.

Aussi la question des prélèvements obligatoires est-elle tout naturellement au coeur du débat politique.

M. le ministre de l'économie et des finances a dit tout à l'heure quelque chose d'important, me semble-t-il. Selon lui, la fiscalité est, non la cause, mais la conséquence d'un système de valeurs, lequel serait la base de l'édifice fiscal.

Quelles sont donc les valeurs dont se réclame M. le ministre de l'économie et des finances ? C'est la récompense du travail - bien sûr ! -, c'est la récompense du mérite- pourquoi pas ? Cela me paraît néanmoins un peu court, un peu juste pour constituer le cadre de toute réforme fiscale.

Pour vous, combattre l'impôt en général est salutaire en raison de la réduction du rôle de l'Etat qui en résulte. En vérité, diminuer l'un, c'est affaiblir l'autre.

Combattre la progressivité de l'impôt, c'est vouloir en finir avec la redistribution. Réduire la redistribution, c'est croire en la toute-puissance de la « main invisible ». Croire en la « main invisible », c'est réduire le champ du débat démocratique. Limiter le débat démocratique, c'est renforcer l'intervention des intérêts privés, c'est conforter l'individualisme, c'est réinventer la compassion.

Autant de convictions figurant dans le rapport sous forme de propositions que je vous rappelle : financement privé des investissements publics -  c'est le partenariat privé-public -, développement des fonds de pension -  voilà qui n'es pas une surprise ! -, recours à la prévoyance individuelle, rôle dévolu aux fondations, financées notamment par des réductions de cotisations à l'ISF.

Ces fondations, si l'on en croit le rapport de Philippe Marini, pourraient financer la recherche, la fourniture gratuite de repas, la fourniture de logements aux personnes en difficulté, la fourniture gratuite de soins à celles et ceux qui n'auraient pas les moyens de recourir autrement à la médecine. La messe est dite, si j'ose dire !

Mme Nicole Bricq. Exactement !

M. Jean-Pierre Masseret. La prochaine étape sera sans doute la réintroduction dans le débat républicain des phénomènes religieux. Un siècle après la loi de 1905, l'esprit républicain paraît particulièrement menacé.

La compétition à la baisse concerne évidemment - et personne, connaissant la pensée linéaire de Philippe Marini, n'en sera surpris - la fiscalité de l'épargne et la fiscalité patrimoniale.

Le rapport traite, bien sûr, de la « problématique de l'ISF », un impôt d'une certaine façon diabolique, d'après lui. Après avoir prôné la suppression par étapes de l'impôt sur les successions, il encourage, naturellement, la détaxation du capital.

J'ai noté deux innovations.

La première concerne l'alternative prélèvement libératoire-impôt sur le revenu. Selon le type de produit et la tranche d'imposition dans laquelle se situe le contribuable, l'un ou l'autre type de prélèvement apparaît donc avantageux.

Il serait opportun, selon le rapporteur, d'ouvrir aux contribuables concernés, l'option la plus favorable. C'est franchement la fiscalité à la carte. Mais, contrairement à la carte de restaurants, ici, le meilleur produit est au plus faible coût !

La seconde innovation concerne la création des organismes de placements collectifs immobiliers, proposition qui, selon notre rapporteur, constituerait une importante contribution à la lutte contre la délocalisation des capitaux. Le temps me manque pour développer mon propos sur cette question.

En vue de lutter contre les délocalisations, il est proposé l'instauration d'une TVA sociale. Cette question occupe une part importante du rapport. Il est toujours intéressant de débattre d'un sujet qui permet d'avancer dans la réflexion.

Notre rapporteur escompte de cette TVA sociale une diminution du coût du travail, une compétitivité renforcée des biens et services exportés.

Les tableaux, études et arguments avancés ne sont pas encore convaincants. Les incertitudes sont grandes. Les conséquences, en matière d'emploi notamment, ne sont ni très significatives ni très positives. Les conditions du succès espéré dépendent de facteurs très divers, relativement complexes et pour le moins hypothétiques : je veux parler notamment du comportement des entreprises, des relations entre employeurs et employés, du risque éventuel d'inflation, de la politique des revenus.

Donc, ce n'est pas gagné d'avance et la copie est à revoir !

Vous le savez, monsieur le rapporteur, les socialistes n'ont jamais assimilé l'augmentation de la TVA à un instrument de justice fiscale.

En outre, le frontalier que je suis connaît trop les disparités de fiscalité pour ne pas partager les interrogations formulées tout à l'heure par notre collègue Alain Vasselle.

Il est d'ailleurs plaisant de constater que le modèle de référence est le Danemark, dont on n'ignore quand même pas la fiscalité : l'impôt sur le revenu représente 53% des prélèvements obligatoires et le taux normal de la TVA est de 25%. Ce pays connaît, je vous l'accorde, le plein emploi et un excédent budgétaire.

M. Jean-Jacques Jegou. Et alors ? C'est sympa !

M. Jean-Pierre Masseret. Je veux bien qu'il y ait là de quoi faire réfléchir toute la classe politique française, même si chaque nation a nécessairement sa propre réalité historique et culturelle. Au demeurant, jusqu'à présent, le Danemark était un pays dans lequel c'était plutôt la social-démocratie qui avait inspiré les choix politiques. Nicole Bricq vous en fera tout à l'heure une démonstration tout à fait évidente.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes pris à revers ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Masseret. On ne saurait conclure un débat au Sénat sans faire état des collectivités territoriales, dans le cas particulier, de leurs interrogations face aux transferts de compétences annoncés.

La première année, comme d'habitude, ça ira. L'Etat affectera aux collectivités concernées le budget dont il disposait pour exercer les compétences transférées. Les années suivantes, comme d'habitude, les départements et les régions devront trouver les financements correspondant aux efforts supplémentaires qu'ils décideront de consentir pour mieux répondre aux besoins exprimés.

Tous les exemples connus jusqu'à présent confirment a priori qu'à partir d'une compétence exercée par l'Etat les collectivités ont tendance à faire plus et mieux, mais rarement, voire pratiquement jamais en mobilisant moins d'argent.

On peut prendre l'exemple des personnels TOS, techniciens, ouvriers et de service, en faisant remarquer que le Gouvernement a astucieusement reporté les conséquences financières de ce transfert sur les années 2006-2007 et suivantes... suivez mon regard ! Pour la région Lorraine, ce sont quand même 2 500 personnels nouveaux qu'il faudra intégrer, pour un effectif actuel de moins de 500 personnes. On mesure ce que cela représente en termes de gestion ! 

L'intégration des personnels TOS dans le cadre de la fonction publique territoriale coûtera forcément plus cher.

D'autres inquiétudes se font jour. On observe que des services susceptibles d'être demain décentralisés se voient affecter des dotations budgétaires plutôt en diminution. C'est le cas pour les crédits des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, de l'ANVAR, du Fonds d'intervention pour les services de l'artisanat et du commerce, des crédits pour l'export... Autant de compétences qui pourraient, demain, revenir aux conseils régionaux, notamment.

Afin de financer une partie des transferts de compétences aux départements et aux régions, vous envisagez de les doter d'une part de la taxe sur les conventions d'assurances et de la TIPP.

Pour la Lorraine, s'agissant de la TIPP, cela posera de sérieuses difficultés puisque 80 000 Lorrains ont un emploi au Luxembourg et que près de 250 000 Lorrains vivent à proximité de la frontière. La différence de prix des produits pétroliers entre la France et le Luxembourg explique que nombreux sont les Lorrains à se fournir dans le pays voisin, ce qui nous renvoie à la question évoquée tout à l'heure par Alain Vasselle. Si la dotation pour la Lorraine se calcule sur la base du volume livré aux distributeurs locaux, il y aura un manque à gagner tout à fait considérable et qui ne pourra être compensé par le jeu de la modulation.

En conclusion, vous l'aurez compris, les prélèvements obligatoires, ce n'est vraiment pas qu'une affaire de chiffres ! Il nous apparaît d'ailleurs que l'approche libérale de M. le rapporteur général ignore trop souvent que, derrière les chiffres, il y a des situations compliquées, vécues par des hommes et des femmes.

Vouloir, par principe, réduire les prélèvements obligatoires, c'est se condamner par avance au renoncement, c'est se condamner à l'immobilisme, au moment même où doit prévaloir la volonté politique.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaitais parler de structures !

M. Jean-Pierre Masseret. Je vous renvoie, monsieur le rapporteur général, à de saines lectures, car c'est M. Sarkozy lui-même qui a déclaré, devant la commission des finances du Sénat, que le laisser-faire, dont vous vous faites parfois le thuriféraire, condamnait au renoncement et à l'immobilisme.

Les nécessaires adaptations liées aux mouvements du monde ne se font pas, on le sait, sans souffrances, sans dommages ni sans tragédies personnelles ou collectives, voire régionales.

Dans ce contexte, les prélèvements obligatoires sont l'un des moyens de maîtriser, d'ordonner et même de dépasser les conséquences économiques, sociales et politiques de la compétition à laquelle nous sommes confrontés.

Le Gouvernement serait sans doute bien inspiré, messieurs les secrétaires d'Etat, de ne pas méconnaître ces quelques observations, qui font surtout écho à la pensée profonde de la majorité des Français. Au rebours de ce que l'on s'imagine souvent ici, pour beaucoup de nos compatriotes, l'impôt n'est pas quelque chose de négatif, c'est au contraire l'expression d'une nécessaire solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Demerliat. Tout à fait ! Il faut le réhabiliter !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, il faut le réhabiliter !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, ce débat sur les prélèvements obligatoires nous donne l'occasion d'une approche globale de la politique. C'est en définitive suffisamment rare au Parlement pour ne pas s'en réjouir.

Cela est d'autant plus vrai que nos rapporteurs, en particulier M. le rapporteur général, ont élevé le débat en formulant des propositions d'ensemble qui méritent naturellement - les échanges de cet après-midi en témoignent - un approfondissement.

Dans votre intervention liminaire, monsieur le rapporteur général, vous avez dit que, au fond, l'étude de la structure des prélèvements obligatoires permettait d'avoir une vision globale du poids de l'Etat. En vérité, ce qui se dessine à travers cette étude, c'est une vision globale de nos décisions politiques telles qu'elles se sont sédimentées au cours des décennies, voire, à certains égards, au cours des siècles.

Mon intervention portera sur deux points très différents.

Je soulignerai d'abord l'importance de ce débat, qui nous donne l'occasion d'élaborer une réflexion d'ensemble sur notre société et sur la forme que l'action publique et la solidarité entre les catégories de Français, d'une part, et les générations, d'autre part, peuvent prendre.

J'illustrerai ensuite mon propos par un exemple tiré de votre rapport, monsieur le rapporteur général, concernant non pas la TVA sociale, mais les biocarburants.

Le niveau des prélèvements obligatoires correspond assurément à une vision politique de ce qu'un pays souhaite se donner comme modèle social. Cela est particulièrement vrai du taux global, et je crois me souvenir que l'on prêtait au président Pompidou la définition suivante d'un pays socialiste : c'est un pays où le taux des prélèvements publics dépasse un certain pourcentage - seuil qui est d'ailleurs franchi depuis très longtemps chez nous. A cet égard, il faut reconnaître que la France a été un peu socialiste ces dernières années et qu'elle a parfois du mal à cesser de l'être...

Plus intéressante est la question de la structure de ces prélèvements et des rôles respectifs, pour une fois confrontés, de l'Etat, des collectivités territoriales et des organismes mettant en oeuvre la solidarité sociale sous toutes ses formes. En effet, pour un taux de prélèvement global donné, lequel n'a qu'une valeur indicative insuffisante, la forme de la démocratie différera selon la répartition des rôles entre ces trois agents. Nous aurions d'ailleurs pu avoir ce débat lors de l'examen d'un texte de décentralisation.

A cet instant, je vous livrerai une anecdote personnelle, mes chers collègues. Ma dernière fille est entrée en classe de terminale cette année, où elle fait de l'économie. On lui a demandé si les prélèvements publics augmentaient ou diminuaient. Elle devait à la fois commenter la diminution des prélèvements de l'Etat et constater que les prélèvements sociaux augmentent, ce qui est une réalité, comme l'a parfaitement démontré dans son rapport M. Marini.

Je voudrais souligner qu'il est également intéressant de distinguer, dans cette problématique des prélèvements obligatoires, ce que j'appellerai les supports. Qui paie ? Il n'est pas si facile de répondre à cette question, qui se trouve au coeur du débat ouvert par M. Jean Arthuis. C'est là notre conception de la démocratie qui est en jeu.

Certes, il y a les producteurs, les consommateurs et les épargnants, mais il est évident qu'ils peuvent être différemment affectés par l'assiette des prélèvements obligatoires.

A cet égard, on voit bien, et ce point fait toute la force du raisonnement de M. Jean Arthuis, que l'on ne peut négliger l'existence d'une différence fondamentale entre le consommateur et le producteur : ce dernier évolue, dans l'immense majorité des cas, dans un espace ouvert. Aujourd'hui, l'ouverture des frontières l'empêche de répercuter la charge des prélèvements, ce qui a longtemps été le cas. Sur ce plan, le rapport Arthuis de 1992 était prémonitoire, hélas ! s'agissant du risque de délocalisation. Votre seul tort, monsieur le président de la commission des finances, est d'avoir prévu avec quelques années d'avance leur caractère massif.

Quant à l'épargne - je préfère pour ma part parler d'épargne plutôt que de capital, car, pour constituer un capital, il faut commencer par épargner -, elle représente une troisième source à côté de la consommation et de la production. Dans un pays où la fortune est taxée lors de son acquisition, lors de sa transmission et lors de la réalisation de la plus-value, les épargnants ont d'ailleurs quelque mérite à persévérer ! L'épargne présente la caractéristique d'être mobile, et cela vaut non seulement pour les grandes fortunes, mais aussi pour les mutualistes de la Préfon, qui gèrent leurs avoirs avec le même réalisme que n'importe quel gestionnaire de fonds de pension de veuves écossaises ou de fonctionnaires californiens.

En ce qui concerne la paix sociale en France, on a cité tout à l'heure M. Camdessus, selon lequel notre pays se trouverait sous anesthésie. Or l'inflation a constitué, dans le passé, une forme d'anesthésie. Au fond, producteurs et consommateurs jouaient alors à se « refiler le bébé », et c'était en définitive l'épargnant qui payait puisque l'inflation rognait ce qu'il avait pu économiser.

Je voudrais conclure mon propos sur ce premier point par une ultime remarque sur le cheminement des prélèvements obligatoires.

En effet, la complexité du système est d'autant plus grande que l'Etat s'est donné pour rôle de priver les collectivités territoriales de certaines recettes, à charge de compensation. Le budget de l'Etat est donc lourd de transferts qu'il a décidés lui-même en privant les collectivités locales d'une liberté à laquelle elles faisaient face avec un certain esprit de responsabilité, rappelées qu'elles sont à la raison par des électeurs qui sont plus proches d'elles, au quotidien, que le ministre chargé du budget...

En abordant maintenant le second point de mon intervention, je m'adresserai plus particulièrement à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, qui nous fait l'honneur non pas de sa présence, car elle est tout à fait normale, mais de son écoute attentive, sur un sujet qu'il connaît bien pour avoir exercé des responsabilités éminentes dans le domaine des transports.

M. le rapporteur général a évoqué avec une très grande pertinence la fiscalité des biocarburants. Ce thème est au coeur de notre débat puisque, cet été, le « plan climat » a été présenté par le ministre de l'environnement, M. Lepeltier, qui a annoncé un décuplement- d'ici à 2010, rassurons-nous ! - de l'utilisation des biocarburants, tandis que M. le Premier ministre, au cours d'un intéressant discours prononcé à Venette, a prévu, plus modestement, le triplement, mais d'ici à 2007, si ma mémoire est bonne, des volumes de biocarburants incorporés à l'essence ou au gazole. Enfin, l'Assemblée nationale, influencée sans doute par le rapport Marleix, a décidé d'accroître les quotas d'exonération partielle de TIPP pour les biocarburants.

A l'écoute de ces annonces, on se dit que le sujet intéresse et que le contexte est très favorable. Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, il existe un problème de fond, que ce débat sur les prélèvements obligatoires, envisagés à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif, nous donne l'occasion de soulever : que s'agit-il de sanctionner ou, plus exactement, de frapper lorsque l'on opère un prélèvement sur les biocarburants ? S'agit-il de frapper les transports ou de frapper les énergies fossiles ? Ce n'est pas tout à fait la même chose !

Certes, la TIPP a pour objet de frapper les énergies fossiles. Elle a été d'ailleurs conçue par l'un de mes prédécesseurs en tant que sénateur de la Meuse. C'est en 1926 que les grandes lois pétrolières françaises ont été élaborées, et, dans leur sillage, s'est mise en place une fiscalité dérogatoire qui s'est alourdie progressivement. Or on en arrive à la situation suivante : on veut frapper les énergies fossiles, mais en réalité on frappe les transports, ou plus exactement un mode de transport particulier - les véhicules mus par un moteur thermique à usage individuel -, le seul auquel peuvent recourir un très grand nombre de nos compatriotes, notamment ceux qui vivent dans le monde rural, dans les petites villes ou les villes moyennes, qui ne peuvent accéder à des moyens de transport collectifs utilisant d'autres types d'énergie, par exemple l'électricité.

Ma question sera donc la suivante, monsieur le secrétaire d'Etat : lorsque vous évoquez une aide aux biocarburants, ne serait-il pas plus prospectif de vous demander ce qu'il convient de frapper, les transports ou les énergies fossiles ?

S'il s'agit de frapper les transports, il faut aussi taxer les véhicules fonctionnant à l'énergie électrique dès lors que la source sera embarquée ! Dans ce cas, évidemment, vous découragerez toute innovation en matière de véhicules électriques, alors que, on le mesure bien aujourd'hui, l'électricité sera sans doute une énergie facilement utilisable dans le secteur des transports d'ici à quelques années, au moins dans l'espace urbain.

Si, au contraire, vous décidez une bonne fois pour toutes qu'il s'agit de frapper les énergies fossiles, alors il ne faut pas frapper les biocarburants, qui ne sont nullement d'origine fossile.

La vérité est entre ces deux options : l'importance de la TIPP ne permet pas de basculer d'un système à l'autre. Cependant, ce n'est pas parce que l'on ne peut pas faire tout, tout de suite, qu'il n'est pas possible de fixer une ligne directrice de bon sens sur le long terme. Ce que je reproche, en l'espèce, aux prélèvements, c'est d'interdire l'émergence d'une filière industrielle viable, faute de signaux stables indiquant la volonté de la collectivité.

En effet, en matière de prélèvements, je ne partage pas l'idée selon laquelle ils seraient nécessairement mauvais. La France peut et doit avoir des projets collectifs, et la force de l'Etat, des collectivités territoriales ou des systèmes sociaux, en tout cas la force de la décision politique, c'est justement d'indiquer, à un moment donné, que, le jeu en valant la chandelle, nous acceptons de consentir un effort particulier. Encore faut-il savoir quelle est l'orientation que la collectivité entend retenir.

Or, au travers de ce débat sur les prélèvements obligatoires, grâce à l'éclairage apporté par M. le rapporteur général sur la fiscalité des biocarburants, nous avons vraiment le sentiment que, à vouloir faire plaisir sans risque et sans fixer d'objectifs à long terme, c'est-à-dire sans décider si les biocarburants constituent un intrant d'un moyen de transport ou s'ils sont un avatar des énergies fossiles, nous risquons d'empêcher la constitution d'une véritable filière agro-industrielle dont notre pays a pourtant besoin et pourrait tirer, au sein d'un espace européen solidaire, le meilleur profit.

Tel est le sens de mon intervention, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le cadre de ce débat sur les prélèvements obligatoires par lequel vous donnez à un sénateur l'occasion de pouvoir enfin s'exprimer sur un sujet général ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, ce troisième débat sur les prélèvements obligatoires s'inscrit dans le droit fil d'une réflexion de fond de plusieurs années sur notre système fiscal, considéré en relation avec l'attrait que présente notre territoire pour l'investissement.

En 2000, la commission des finances du Sénat avait mis en place une mission d'étude présidée par notre collègue Denis Badré sur l'ensemble des questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises. Ses conclusions, exposées dans un rapport publié en juin 2001, étaient claires : le phénomène d'expatriation est bel et bien réel, il est nécessaire d'en tirer profit par l'ouverture de notre pays sur l'extérieur et par une politique globale, cohérente et volontaire, visant à redonner du dynamisme et de l'attrait à notre territoire.

Entre-temps, la situation s'est fortement dégradée.

En effet, voilà un an, la commission des affaires économiques m'avait chargé de présider un groupe de travail sur la délocalisation des industries de main-d'oeuvre. Six mois d'un travail passionnant nous ont permis de confronter les avis et opinions de près de deux cents spécialistes, économistes, industriels, syndicalistes... Le rapport que nous avons établi, présenté par M. Francis Grignon et adopté en juin dernier par la commission, dresse un constat nuancé de la situation et contient plusieurs propositions pour éviter les délocalisations injustifiées.

Ce n'est pas mon propos aujourd'hui d'évoquer toutes ces pistes. Je veux simplement m'arrêter à celle qui paraît la plus intéressante au regard de la problématique : le transfert sur la richesse consommée d'une partie des charges sociales pesant sur le travail, au travers d'une « TVA de compétitivité », dont l'objectif est clairement affiché à travers cette dénomination. Cela est, bien entendu, à rapprocher de la TVA sociale que Jean Arthuis avait imaginée dès 1993.

Nombreux sont les facteurs concourant aux délocalisations ; parmi eux, figurent les coûts de production, en particulier le coût du travail. Vous avez d'ailleurs rappelé dans votre rapport d'information, monsieur le rapporteur général, que ces coûts étaient très élevés en France en raison du poids des prélèvements sociaux, lesquels sont eux-mêmes largement assis sur le travail.

Le financement de notre protection sociale est en effet l'héritage d'un modèle qui, lors de sa création, il y a cinquante ans, alliait nécessité pratique - le facteur travail était le plus abondant -, souci de paritarisme et logique de principe ; les risques à couvrir concernaient principalement l'activité professionnelle : accidents du travail, chômage, retraite.

Aujourd'hui, tout indique que ce système a atteint ses limites. Les déficits abyssaux de la branche maladie et de l'UNEDIC, tout comme les besoins annoncés des régimes de retraite, ont déjà conduit à enfoncer un coin dans la logique d'assurance en y introduisant, par l'impôt, un principe de solidarité.

Dans le même temps, la prise en compte de la nécessaire compétitivité des entreprises a favorisé la multiplication des régimes dérogatoires, permettant d'exempter tout ou partie des charges sociales pesant sur les bas salaires.

Dans ce contexte, seule une transformation radicale des modalités selon lesquelles sont opérés nos prélèvements sociaux semble à même de permettre de dégager les marges de manoeuvre dont nous avons grand besoin.

Nous sommes en effet confrontés à une double contrainte.

D'une part, beaucoup en conviennent, mais la commission des affaires économiques a estimé nécessaire de le rappeler, on ne luttera pas contre la concurrence des pays émergents en déchirant notre filet de protection sociale ou en renonçant à nos standards socioculturels. Je pense, par exemple, à la préoccupation environnementale ou aux services publics. Dans ces conditions, il est inutile d'évoquer des baisses drastiques de salaires, de la fiscalité ou des normes protectrices : notre société n'accepterait pas ce nivellement par le bas.

D'autre part, les politiques d'opportunités fiscales ou sociales, temporaires ou permanentes, se heurtent désormais à une triple limite.

D'abord, on ne le dit pas assez, ces politiques génèrent de la complexité. Or celle-ci a un coût et elle contribue à entretenir un climat général préjudiciable à la marche des affaires. En outre, on le sait, cette complexité est difficilement gérée par les PME et les PMI, vers lesquelles, pourtant, nos efforts doivent tendre sans relâche.

Ensuite, pour être réellement discriminantes, ces politiques doivent être géographiquement ou sectoriellement limitées. Or la concurrence provient aussi de l'extérieur : c'est la fameuse « échelle de perroquet ». Les Etats, chacun à leur tour, organisent, pour une branche, une région ou une période déterminées, un dispositif fiscal ou social attractif ; puis, celui-ci est dépassé par un autre... A bien des égards, cette méthode provoque les comportements de prédateurs ou de « chasseurs de dot » si justement honnis.

Enfin, la dernière limite est bien évidemment celle que posent les déficits publics. Le jeu des exonérations, des niches fiscales, des écrêtements, etc. pèse lourd sur le budget de l'Etat, pour une utilité marginale qui n'est même pas, du reste, toujours évidente.

Face à ce constat, la TVA de compétitivité ouvre de très intéressantes perspectives.

Elle contribue à faire diminuer le coût du travail sans altérer le socle de protection sociale auquel tiennent légitimement nos concitoyens. Je dirai même qu'elle peut garantir à nos régimes sociaux la pérennité de ressources que n'assure pas le mode de prélèvement actuel, la consommation représentant une assiette plus large et surtout plus dynamique que le travail.

De plus, elle s'applique de manière généralisée et permanente à tous les secteurs et à toutes les régions.

J'ai bien évidemment examiné avec attention les objections de la commission des affaires sociales relatives à la suppression des mécanismes actuels de discrimination positive au profit des bas salaires ou aux risques potentiels pour les zones frontalières. Mais j'ai également pris connaissance avec intérêt de l'expérience danoise décrite par Philippe Marini et Jean Arthuis et dont notre groupe de travail avait déjà été averti. Cette expérience démontre que les systèmes simples sont parfois très efficaces, même lorsqu'ils s'inscrivent dans un environnement complexe.

Cette expérience ne peut naturellement, à elle seule, emporter notre décision. Les intuitions de bon sens doivent être validées par des analyses rigoureuses et exhaustives.

Messieurs les secrétaires d'Etat, nous souhaitons précisément que s'ouvre un débat serein sur une réforme structurelle de grande ampleur, évitant les a priori technocratiques ou politiques.

Avec Francis Grignon, nous avons récemment interrogé tous les partenaires sociaux sur le projet de TVA de compétitivité. Nous attendons leurs réponses pour continuer à enrichir notre réflexion.

Nous comptons sur le Gouvernement pour faire vivre, avec le Parlement, ce débat dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat annuel sur l'évolution des prélèvements obligatoires présente, sous de nombreux aspects, la caractéristique d'être profondément idéologique. Son apparence technique empêche trop souvent nos concitoyens de s'en emparer.

Or les prélèvements obligatoires concernent la vie quotidienne. De fait, le débat sur les prélèvements obligatoires est bien celui des choix que le Gouvernement propose, celui de la société que l'on veut construire.

Hier après-midi, chaque groupe a rendu hommage aux élus de l'Assemblée consultative provisoire, qui avaient su s'engager dans la reconstruction de la France. Le général de Gaulle affirmait dans son discours du 9 novembre 1944, à propos de cette reconstruction, qu'il s'agissait d'« entreprendre ces réformes profondes que veut la nation entière, afin que tous ses enfants soient réellement les associés et les bénéficiaires de sa propre activité ». Il déterminait ainsi ce que l'on pourrait appeler l'intérêt général.

La France, au terme de la Seconde Guerre mondiale, a donc fait le choix d'un système solidaire de protection sociale couvrant l'assurance maladie, l'assurance vieillesse et intervenant dans la politique familiale. Elle a aussi fait le choix de le financer par prélèvements sur la richesse créée, au travers des cotisations sociales.

Ce choix a été réalisé pour apporter un niveau de protection et de garantie élevé à chaque assuré social. C'est ainsi la voie d'un retour de la richesse produite vers son créateur qui a été retenue. C'est une forme de salaire différé que notre société a mise en place. Je ne suis pas sûre que M. le ministre d'Etat se soit livré à la même interprétation tout à l'heure.

C'est une conception à laquelle les Français ont raison d'être attachés. C'est en effet un formidable outil de cette cohésion dont vous parlez beaucoup, mais qui reste inexistante pour une part de plus en plus grande de la population.

M. le rapporteur général écrit dans son rapport : « La dépense publique est devenue une véritable drogue, qui engendre des phénomènes de dépendance dont il est difficile de se déshabituer. »

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !

Mme Marie-France Beaufils. Comme vous pouvez le constater, j'ai de bonnes lectures. (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellentes, chère collègue ! (Nouveaux sourires.)

Mme Marie-France Beaufils. Vous ajoutez : « La France ne peut assurément prélever plus sur son économie. » Plus loin, vous écrivez encore : « Depuis vingt ans, nos principaux concurrents ont procédé à une diminution générale des taux de prélèvements obligatoires. »

M. François Autain. Et c'est faux !

Mme Marie-France Beaufils. La situation à l'échelle mondiale est plus contrastée, et je ne pense pas que les Français aient envie d'une politique du type de celle que Mme Thatcher a mis en oeuvre en Grande-Bretagne.

M. Gérard Longuet. Et Tony Blair !

Mme Marie-France Beaufils. Bien sûr ! Elle a été commencée par Mme Thatcher, puis poursuivie.

Avec mes collègues du groupe CRC, nous estimons que le dogme de la réduction des prélèvements obligatoires, comme celui de la réduction - à n'importe quel prix - du déficit public exigée par le traité de Maastricht, n'a de sens que pour ceux qui ont fait le choix d'une société ultralibérale. Ce n'est pas notre cas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Endettons-nous !

Mme Marie-France Beaufils. Un pourcentage de prélèvements rapporté au produit intérieur brut, en tant que tel, n'a pas de sens. Les vraies questions sont plutôt celles de savoir qui prélève, pour quoi faire, et si cela a ou non un impact positif sur la redistribution sociale et la qualité de vie de nos concitoyens.

Quel est l'impact réel des prélèvements sur le financement des dépenses de l'Etat, des organismes de sécurité sociale ou encore des collectivités locales ?

Pourquoi considérer la progression des dépenses de santé uniquement comme un problème ? Ne vaudrait-il pas mieux vérifier si les conditions d'une amélioration de la situation sanitaire de la population ont été effectivement réalisées ?

Je ne rappelle pas nos propositions pour financer autrement les dépenses de santé, car nous les avons présentées lors de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie, au mois de juillet dernier.

En proposant réduire les prélèvements obligatoires, c'est bel et bien la réduction de la part des prélèvements fiscaux directs de l'Etat - avec, pour corollaire, l'accroissement de la part des prélèvements sociaux sur le pouvoir d'achat des salariés - et l'affaiblissement des capacités financières des collectivités territoriales - confrontées depuis plus de vingt ans à la mise en oeuvre de la décentralisation, puis demain à la loi relative aux responsabilités locales, sans ressources suffisantes - qui sont à l'ordre du jour.

Monsieur le rapporteur général, quand vous vous offusquez des augmentations des prélèvements sociaux, nous nous inquiétons, nous, du fait que le financement de la protection sociale par l'impôt est de plus en plus important, et qu'il va d'ailleurs de pair avec une aggravation de la situation comptable de ladite protection sociale.

Nous nous inquiétons du fait que les collectivités sont amenées à prendre une place toujours plus importante dans la sphère de l'intervention publique, avec des compétences élargies, mais sans que les moyens qui leur sont dévolus correspondent aux besoins à satisfaire.

On pourrait d'ailleurs se demander, même si la commission d'évaluation des transferts de charges est en partie là pour le faire, quelle est la part des prélèvements fiscaux locaux imputable aux seules insuffisances de transferts de ressources de l'Etat aux collectivités territoriales.

Vous préférez un système fiscal accordant la primauté à la fiscalité indirecte, au détriment de l'impôt direct et, singulièrement, de l'impôt progressif, et cela de manière durable.

Depuis vingt ans, le niveau d'imposition des entreprises au titre de l'impôt sur les sociétés a été réduit dans d'importantes proportions, à la fois par la baisse du taux d'imposition et sa différenciation, mais aussi par le biais de mesures d'assiette, portant notamment sur le crédit d'impôt.

Dans le même temps, le poids relatif de l'impôt sur le revenu progressif s'est réduit, sous les effets conjugués des mesures de taux, de plus en plus prégnantes, et des mesures d'assiette. Nous pensons ainsi aux multiples niches fiscales qui existent désormais dans la fiscalité des revenus.

La taxe sur la valeur ajoutée, attachée à la consommation populaire, constitue une ponction sensible sur le pouvoir d'achat des salariés et des ménages modestes.

On pourrait y ajouter les multiples taxes, qui pèsent plus lourdement sur ces mêmes ménages. Je pense à la TIPP ou aux taxes qui touchent toutes les énergies. Elles permettent d'alimenter des budgets publics et elles sont porteuses, elles aussi, de recettes pour le budget de l'Etat au travers de la TVA qu'elles supportent.

Certains se plaignent d'une faible consommation populaire. Mais qui peut s'en étonner dans de telles conditions ? Les ponctions sur les ressources sont telles que le pouvoir d'achat des ménages est durement atteint. Or on sait bien que c'est un formidable atout, un élément essentiel pour dynamiser l'économie et l'emploi.

Pour faire face à cette situation, vous nous proposez d'assurer l'attractivité de notre territoire en participant à la course au moins-disant fiscal, qui semble désormais consubstantielle à la construction européenne.

En vertu de quoi, on continuerait de baisser l'impôt sur les sociétés, de réduire la fiscalité du patrimoine et du capital, de diminuer l'impôt de solidarité sur la fortune, d'instaurer une TVA sociale venant se substituer aux cotisations actuelles et de développer les alternatives aux prélèvements obligatoires en matière de santé ou de retraite.

Or vous persistez, monsieur le rapporteur général, malgré les simulations qui montrent que cette TVA sociale n'est pas une solution. Vous allez même, aux pages 97 et 98 de votre rapport, jusqu'à estimer que les hypothèses sur lesquelles on se fonde demanderaient à être relativisées par une réflexion économique réellement pluraliste.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais certainement ! Et vous êtes les bienvenus !

Mme Marie-France Beaufils. C'est bien pourquoi nous participons à cette réflexion !

Au-delà des conséquences pour le consommateur, cette TVA sociale, conçue comme un outil favorisant la compétitivité en matière d'exportation des productions françaises, deviendrait un atout pour les grands groupes, au détriment des PME et des entreprises individuelles.

En fait - et cette idée constitue la constante de votre budget -, vous voulez faire supporter aux revenus du travail des charges de plus en plus importantes, et alléger les charges qui pèsent sur les revenus du capital.

Pour notre part, nous nous fondons - cela n'étonnera sans doute personne - sur une tout autre logique.

Il convient selon nous d'améliorer sensiblement la justice sociale, tant dans la réalité de notre système de prélèvements que dans la réalité de la redistribution du produit de ce système.

Une véritable réforme de la fiscalité nationale s'impose, qui ferait une part plus grande à une progressivité renforcée de l'impôt sur le revenu. Elle doit participer réellement au soutien de l'activité et à la croissance.

Quant à la fiscalité locale, après les diverses annonces faites par le Président de la République, tant sur la taxe professionnelle que sur le foncier, il est temps qu'une vraie réflexion s'engage pour que des ressources pérennes puissent permettre aux collectivités locales d'assumer leurs responsabilités.

J'ai, bien sûr, entendu le propos de M. le ministre d'Etat, qui propose aux collectivités territoriales de discuter chaque année de la façon dont elles pourraient, avec l'Etat, réfléchir à leur participation aux équilibres budgétaires.

Je suis surprise de cet intérêt soudain à l'égard de cette concertation, quand on sait à quel point le Gouvernement est resté sourd aux réactions des collectivités territoriales lors de l'élaboration de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales.

Enfin, dans le domaine de la protection sociale, outre qu'il convient de préserver le lien naturel entre activité économique et financement - c'est le sens des cotisations sociales actuelles -, il convient de renforcer la part de son financement qui découle de la prise en compte des patrimoines et des revenus financiers.

Ce sont là les observations que nous souhaitions exposer dans ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai pu lire, dans une gazette parue aujourd'hui, que M. le rapporteur général souhaite « ouvrir le débat pour faire craquer notre cadre de référence ». (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) Quelle vigueur !

J'ai cependant noté que M. le ministre de l'économie et des finances, dont l'activisme n'est plus à démontrer, était tout à l'heure plus raisonnable : il fixait des limites à notre débat de cet après-midi.

Je voudrais toutefois souligner l'importance d'un tel exercice, quelque limité qu'il puisse être, et je remercie le Sénat d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour, contrairement à l'Assemblée nationale, après nos travaux communs sur la réforme de la procédure budgétaire.

M. Marini, emporté par sa fougue, se livre à une véritable « ingénierie fiscale » dans le rapport qu'il a bien voulu soumettre à la commission.

Je ne suis absolument pas défavorable à l'innovation en matière fiscale : je rappellerai même que la dernière grande innovation en la matière était la contribution sociale généralisée, mise en place par le gouvernement de Michel Rocard.

J'avais également prôné la disparition de la redevance audiovisuelle. Je note aujourd'hui que celle-ci, selon le projet de loi de finances, doit être intégrée à la taxe d'habitation : ce n'était pas mon choix, mais je vous donne acte de cette innovation.

Je ne voudrais pas, en revanche, qu'un goût excessif de l'innovation nous détourne de notre sujet - les prélèvements obligatoires -, même si je comprends la satisfaction intellectuelle que procure cette « échappée belle » vers l'innovation.

Si l'on observe l'évolution des prélèvements obligatoires, en termes de masse comme de taux, on constate qu'après une accalmie ces prélèvements sont à nouveau repartis à la hausse, malgré les habiles artifices qui apparaissent dans les différentes lois de finance qui se sont succédé depuis trois ans et dans celle que nous allons bientôt examiner.

Ainsi, la multiplication des crédits d'impôts répond non à des impératifs d'incitation économique, mais à des raisons politiques, car ces crédits sont comptabilisés comme une réduction d'impôt. Ils contribuent, de ce fait, à la baisse des prélèvements obligatoires, ou, plutôt à leur moindre hausse.

Il est inutile, pourtant, de se quereller au sujet des taux hors de tout contexte : tous, nous serons d'accord pour souhaiter une économie saine, un taux d'emploi élevé et un pouvoir d'achat acceptable. Personne ici ne me démentira !

Force est de constater, néanmoins, que, depuis deux ans, le Gouvernement a multiplié les promesses de baisse d'impôt, baisses qui se sont trouvées immédiatement annulées par des hausses de taxes.

Toutes ces mesures montrent un défaut de réelle orientation économique. En fait, le Gouvernement est pris dans un cercle vicieux. L'augmentation des prélèvements sociaux et la stabilité du chômage ne peuvent que nuire à la confiance et au pouvoir d'achat, et par conséquent mettre en péril toute chance de reprise de l'emploi et de l'économie en général.

De plus, vous soutenez une politique fiscale marquée par l'injustice : les 10 % de baisse de l'impôt sur le revenu profiteront à 1 % des foyers fiscaux ; la mesure sur les droits de succession, que vous voulez emblématique de votre politique, concernera moins de 20 % des ménages et coûtera pourtant 600 millions d'euros ; plus encore, l'augmentation des prélèvements sociaux atteint un record - 6,5 milliards d'euros supplémentaires en 2005 ?, et M. Douste-Blazy, qui n'en peut mais, sait que bien tous les ménages, même ceux qui ne sont pas imposables, subiront ces hausses en 2005.

Aussi, dans un contexte aussi inquiétant pour l'avenir, je comprends que l'exercice d' « ingénierie fiscale » auquel s'est livré notre rapporteur général soit plus satisfaisant pour l'esprit.

M. Marini, à la différence de M. Vasselle, défend l'idée de la TVA sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pas tout à fait ! C'est un vrai débat !

Mme Nicole Bricq. Je l'ai bien noté ! Mais ce débat est intéressant, et il ne fait d'ailleurs que commencer.

Je voudrais à présent revenir aux particularités de notre système de prélèvements obligatoires, qui sont de trois ordres.

D'une part, nous sommes face à un manque de transparence qui est dû à l'importance des prélèvements indirects et aux multiples dispositions en matière d'impôt sur le revenu qui se traduisent par une différence entre les taux annoncés et les taux réels. De plus, les nombreuses « niches » de fuite dont disposent les contribuables aisés accentuent ce manque de transparence.

D'autre part, on note une faible progressivité de ces prélèvements. La part progressive des prélèvements obligatoires ne s'élève qu'à 7 % du PIB, ce qui place la France au dernier rang des pays de l'OCDE. L'impôt est essentiellement proportionnel aux revenus, pour les cotisations, ou à la dépense, pour la TVA.

Enfin, le pouvoir redistributif de l'impôt est très faible. Il ne permet pas une réduction des inégalités aussi importante que dans d'autres pays.

Peut-être faudrait-il étudier également les impôts de second rang, qui atteignent des montants considérables. Je songe ici à la TIPP.

Si une réforme de fond de la fiscalité est souhaitable, elle doit suivre des principes opposés à ceux de la politique qui a été engagée depuis 2002. En effet, la politique du Gouvernement, depuis 2002, ne fait que renforcer les « niches » fiscales et réduire le seul impôt progressif. En réalité, le Gouvernement est piégé par ses promesses de baisse d'impôt. Il ne peut donc que renoncer à une réforme fiscale.

Dans un tel débat, les comparaisons internationales sont toujours bienvenues. Encore faut-il ne pas faire l'impasse sur le périmètre des prestations.

Les groupes de la majorité semblent actuellement très attirés par la Scandinavie. Nous avons connu la mode du Japon, de l'Allemagne, du Royaume-Uni. C'est le tour, à présent, du Danemark, auquel vous avez repris l'idée d'une TVA sociale, dans la louable intention de renforcer la compétitivité de la France et de lutter plus efficacement contre les délocalisations, au moment même où le conseil des impôts, pourtant, relativise le poids de la fiscalité dans les délocalisations.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous allons « revisiter » le conseil des impôts !

Mme Nicole Bricq. J'ai bien noté ce que vous avez dit de la manière de travailler du conseil des impôts !

Mais permettez-moi de revenir sur le « modèle danois », qui semble faire rêver l'UMP.

De même qu'une hirondelle ne fait pas le printemps, une mesure fiscale ne fait pas une économie solide. Il est, ici aussi, nécessaire d'étudier le contexte. Or la structure des prélèvements obligatoires au Danemark est très différente de la nôtre, puisque les cotisations sociales y sont basculées sur la TVA et que le taux des prélèvements obligatoires y demeure plus fort que le nôtre.

Plus important encore, la part redistributive de l'impôt direct y est beaucoup plus grande et, plus significatif encore, la dépense est tournée vers l'activité, vers l'éducation, notamment dans le supérieur, et vers la recherche, où ces dépenses sont supérieures d'un tiers à celles de la France.

Il faut également tordre le cou aux idées reçues au sujet du travail, qu'a encore relayées tout à l'heure M. le ministre d'Etat : le nombre d'heures travaillées au Danemark est sensiblement le même qu'en France. Les Français ne sont donc pas plus paresseux que les Danois : 1475 heures travaillées au Danemark, et 1431 en France ; la différence d'activité ne réside donc pas là.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le système danois est beaucoup plus flexible !

Mme Nicole Bricq. En revanche, le taux d'activité danois est très largement supérieur au nôtre, notamment chez les jeunes et chez les seniors.

Vous déplorez un manque d'activité en France, mais vous n'avez pas, depuis trois ans, infléchi la politique des entreprises. Or de nombreux licenciements s'y font par petits groupes, toujours au détriment des salariés de plus de quarante-cinq ans.

L'économie danoise a été largement « débridée », il est vrai, mais elle comporte un filet de sécurité incomparable pour les salariés qui perdraient leur emploi ou en changeraient : ils perçoivent alors une indemnisation équivalente à 1600 euros sur une durée de quatre ans. Par ailleurs, quand, à l'ANPE, un travailleur s'occupe d'un chômeur, l'équivalent danois de l'ANPE mobilise cinq travailleurs. Le problème n'est donc pas toujours de réduire la dépense publique, mais de la rendre plus efficace.

Se tiennent, de plus, des conférences de consensus entre partenaires sociaux, qui aboutissent à des actions communes. Le résultat de ces mesures est un taux de chômage équivalent à la moitié du taux de chômage français.

En conclusion, je considère que la politique fiscale que vous soutenez n'est pas au service d'une politique économique dynamique qui redonnerait confiance aux Français. Je l'ai dit ce matin devant la commission des finances, aussi longtemps que vous privilégierez les intérêts de la rente au détriment de la solidarité et de l'efficacité, vous vous condamnerez au bricolage.

Notre pays souffre de la faiblesse des revenus du travail, de la destruction d'emplois, d'une faible croissance, d'une perte de confiance. C'est d'une politique alternative que nous avons besoin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais à mon tour intervenir sur le thème particulier de la TVA de compétitivité, afin de compléter les propos tenus tout à l'heure par Christian Gaudin pour soutenir cette TVA.

Je rappellerai d'abord que cette suggestion n'est pas isolée, et que le groupe de travail de la commission des affaires économiques sur les délocalisations n'a pas inventé cette mesure il y a six mois. Chacun sait que Jean Arthuis préconise la TVA sociale depuis plus de dix ans !

Aujourd'hui, sont également convaincus de son opportunité des syndicalistes comme le président de la CGC, Jean-Luc Cazette, des économistes comme Henri Guaino, ancien commissaire général au Plan, ou encore des universitaires qui, à l'instar de Christian Saint-Etienne, estiment qu'il existe « un lien révolutionnaire entre la réforme de la santé et les délocalisations ».

Révolutionnaire ? Je ne suis moi-même pas loin de le penser lorsque j'observe les oppositions définitives que cette suggestion soulève, oppositions qui réunissent au demeurant assez curieusement les contraires.

Ainsi, M. Le Duigou considère, au nom de la CGT, qu'il s'agit d'un piège dont le consommateur sera victime. Mais le véritable piège n'est-il pas que le financement de notre protection sociale pèse si lourdement sur le facteur « travail » ? Qu'il pénalise la production nationale tant sur le marché intérieur, face aux importations étrangères libres de tout droit, qu'à l'exportation, en renchérissant nos produits ? Qu'il conduise les entrepreneurs à accélérer la substitution capital-travail, voire à délocaliser pour se tourner vers des pays où les charges sociales sont moins élevées ? Qu'il oblige l'Etat à mener de coûteuses politiques d'exonérations sociales pour éviter ces décisions ?

Le piège n'est-il pas décidément de maintenir mordicus un système de financement social construit en un autre temps où les frontières étaient étanches, l'économie administrée, la concurrence circonscrite, selon un système devenu inadapté à la globalisation des échanges ? Il est là, le piège, et c'est l'emploi qui en est la victime !

Il faut cesser d'être schizophrène : le consommateur est aussi un producteur qui a certainement à gagner au remplacement d'un système pénalisant le travail domestique par un dispositif plus adapté aux nouvelles conditions de l'activité économique.

L'autre type d'opposition est technocratique.

Les bons esprits tiennent en général deux discours. Selon les premiers, les modèles économétriques actuels « démontrent » que le remplacement de certaines cotisations sociales par de la TVA n'a guère de vertus. Ainsi, monsieur le rapporteur général, votre rapport d'information présente des résultats en les analysant de manière très subtile. Mais vous dites aussi, avec raison, que ces simulations ne prennent pas toujours tous les paramètres en compte, ni n'examinent les conséquences d'un tel basculement sur une longue période. Il y a les modèles et la réalité. L'expérience danoise, à cet égard, paraît assez convaincante.

Le second discours est celui de l'impossibilité technique. Les règles communautaires relatives à la TVA ne permettraient pas de faire ce que vous proposez, l'OMC n'acceptera jamais car c'est un droit de douane déguisé : voilà ce que j'ai entendu depuis la publication de notre rapport d'information sur les délocalisations, au mois de juin dernier.

Est-il besoin de dire que je ne suis pas convaincu ? D'abord, le Danemark l'a fait en 1988 sans que l'Union européenne s'y oppose, et je ne vois pas ce qui justifierait aujourd'hui qu'elle adopte une attitude différente. Ensuite, nul n'est venu jusqu'à présent étayer le fait qu'une telle décision contreviendrait aux règles de l'OMC. L'intérêt de la TVA de compétitivité tient justement au fait qu'elle concerne tous les produits et activités économiques, indépendamment de leur lieu de production : il n'y a là, me semble-t-il, rien de plus conforme à l'esprit comme à la lettre de l'OMC !

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il me semble qu'une partie des oppositions à cette préconisation tient davantage d'un conformisme de la pensée que d'une analyse rigoureuse et approfondie de tous les paramètres de la question.

Je ne nie pas les difficultés potentielles de la mise en oeuvre d'une telle mesure. Je ne mésestime pas les objections qui peuvent être soulevées. Je ne présente pas cette réforme comme la panacée, l'alpha et l'oméga de la lutte contre les délocalisations ou la remise à l'endroit de nos prélèvements sociaux. A cet égard, j'ai bien pris connaissance des arguments de notre collègue Alain Vasselle et je suis par exemple convaincu, comme lui, que l'on ne saurait basculer du jour au lendemain l'intégralité des cotisations familiales et maladie sur la TVA, ne serait-ce que pour des questions de masses financières.

Cependant, je suis tout aussi convaincu qu'il y a quelque chose d'absurde, économiquement, socialement et politiquement, à cristalliser un système aussi pénalisant pour l'emploi national, la production domestique et l'équilibre des finances publiques, sous le simple prétexte qu'il existe.

C'est pourquoi je crois indispensable, comme Jean Arthuis et Philippe Marini, que le débat d'aujourd'hui soit poursuivi et approfondi, au-delà des seuls experts des finances publiques, afin d'examiner et de déterminer les conditions de la réussite d'une TVA de compétitivité.

Soyez assuré, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'avec le président Jean-Paul Emorine, Christian Gaudin et nos collègues de la commission des affaires économiques, nous nous y emploierons ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je tiens à remercier M. Philippe Marini de la qualité de son rapport consacré à l'étude des prélèvements obligatoires et à leur évolution.

Ce rapport montre que la situation de notre pays est très préoccupante du fait de l'importance des prélèvements obligatoires et de la situation économique internationale assez instable, dollar compris, avec pour résultat la perte de notre attractivité.

Il faut remarquer qu'en 2004 la France est l'un des pays les plus imposés de l'Union européenne, avec des prélèvements obligatoires qui atteignent 43,6 % du produit intérieur brut. Près de 48 % des prélèvements obligatoires sont consacrés au financement des administrations sociales, avec un budget social en fort déficit et totalement incontrôlable.

La fiscalité liée au coût du travail est deux fois plus lourde en France que dans le reste de l'Union européenne et nous travaillons moins que les autres - 35 heures -, ce qui n'arrange rien !

Avec un taux d'imposition maximal sur le revenu de 54 %, la France souffre d'une imposition très démotivante pour les acteurs économiques. Cela n'améliore ni notre situation économique ni l'emploi marchand.

L'imposition des sociétés est trop forte : le taux nominal dépasse 35 % en France, soit le deuxième taux le plus fort en Europe, ce qui réduit les investissements nécessaires.

Il convient d'ajouter un impôt sur la fortune et un impôt sur les successions qui affaiblissent notre économie, favorisent le chômage et poussent nos élites à l'expatriation vers les pays où ces mesures ne sont pas en vigueur.

Il faut bien se rendre compte que, dans la zone euro, nous sommes les plus pénalisés et les plus taxés dans tous les domaines. Nous sommes les moins bien placés pour que nos produits industriels restent compétitifs. En particulier, un euro trop fort et un dollar trop faible vont gravement compromettre nos exportations. Avec la monnaie unique, nous ne saurions éviter une harmonisation fiscale européenne sans compromettre gravement notre avenir économique et l'emploi. Nous ne pouvons indéfiniment être les plus taxés de l'Europe !

Il faut aussi se rendre compte que la rigidité de l'emploi est un facteur de développement du chômage et ne constitue en aucun cas une protection. Elle représente une grave menace pour la sauvegarde de nos entreprises, qui risquent de faire faillite ou d'embaucher dans des pays européens plus flexibles, voire de délocaliser. C'est un fait que le mécontentement des chefs d'entreprise augmente devant les contraintes qu'ils subissent et qui rendent nos produits de moins en moins compétitifs.

Il faut savoir que la réalité économique, la concurrence internationale défavorisent de plus en plus nos entreprises et conduisent à l'aggravation du chômage. La concurrence européenne et internationale dans l'Europe élargie avec la Pologne, la Bulgarie, en Afrique avec le Maroc, la Tunisie, ou encore en Extrême-Orient avec la Chine, l'Inde, la Corée, nous inonde de produits beaucoup moins chers et d'aussi bonne qualité que chez nous.

M. Didier Boulaud. Ils osent !

M. Serge Dassault. C'est un fait. Il faudrait donc prendre les mesures nécessaires capables de redresser une situation compromise, même si cela ne plaît pas à tout le monde, car elles seraient d'intérêt national.

Je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, attirer votre attention sur quelques points précis, et en particulier sur les droits de succession, qui concernent un grand nombre de nos concitoyens.

Vous avez pris quelques mesures ; c'est bien, mais peut-être insuffisant. Je rappellerai simplement que l'impôt sur les successions s'élevait à 20 % avant 1981 et que c'est François Mitterrand qui l'a fixé à 40 % dès 1982, pour des raisons idéologiques, afin de pénaliser ceux qui réussissent. Or, depuis 1982, plusieurs gouvernements se sont succédés mais aucun n'a voulu ramener ce taux à 20 %, ce qui aurait été normal et simple. On serait ainsi revenu au niveau antérieur, ce qui n'aurait choqué personne - on peut d'ailleurs encore le faire !

Il faut réaliser que l'impôt sur les successions casse le patrimoine, car les héritiers ne disposent d'aucun moyen financier pour payer cet impôt, surtout lorsqu'il s'agit de biens immobiliers. Ils sont alors obligés de les vendre pour payer les droits.

Quand il s'agit d'entreprises, elles sont démantelées ou elles disparaissent, ce qui aggrave le chômage. Il faut en outre remarquer que, pour les actions cotées, l'impôt porte sur le cours de la bourse le jour du décès et non sur la réalité de la valeur des actions à la vente, qui peut être beaucoup plus faible.

Le fait de savoir que le produit de leur travail sera dilapidé lors de leur décès au détriment de leurs héritiers ne concourt pas à la motivation de ceux qui créent des emplois en développant leurs entreprises.

Pour ce qui est de l'impôt sur la fortune, il faut admettre qu'il est impossible de payer un impôt sur des biens qui ne rapportent rien quand on n'a pas d'autres revenus. Il serait légitime de revenir sur le plafonnement de l'impôt en fonction des revenus. Payer plus que ses revenus est impossible à supporter...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes !

M. Serge Dassault. ...et pousse les intéressés à s'expatrier. C'est aussi un fait. Nos élites partent vers des pays où cet impôt n'existe pas, et ils sont nombreux en Europe.

Enfin, je voudrais citer le cas des retraités qui ne disposent plus de l'outil de travail et qui doivent payer des sommes d'autant plus importantes que le travail de toute une vie a été plus efficace. Ils n'ont aussi d'autre issue que de s'expatrier. Ce n'est pas une façon élégante de remercier ceux qui ont créé et développé durant toute leur vie des entreprises qui ont largement participé au développement de l'emploi et à la croissance de l'économie.

Par ailleurs, n'oublions pas que l'impôt sur la résidence principale est une raison supplémentaire de s'expatrier pour ceux qui n'ont plus de revenus. Comment un retraité qui n'a plus de revenus peut-il payer un impôt sur la maison qu'il habite, sans compter les dépenses d'entretien qu'il doit assurer ?

Je rappelle que l'impôt sur la fortune a été aboli en Irlande, en Autriche, en Allemagne et qu'il n'a jamais existé en Grande-Bretagne, comme dans beaucoup d'autres pays : pourquoi nous distinguerions-nous ?

S'agissant de l'impôt sur le revenu en France, qui est l'un des plus élevés en Europe, je voudrais faire une proposition.

Il serait juste de considérer une famille comme une entreprise, avec des recettes et des dépenses. Les recettes comprendraient les salaires ou les autres revenus mobiliers, tandis que les dépenses relatives au fonctionnement de la famille seraient constituées par les aides familiales, les loyers, les charges du logement, le coût des emprunts, etc. Et la famille ne serait taxée que sur la différence entre les ressources et les dépenses familiales. Cela améliorerait considérablement les revenus nets des contribuables mariés et contribuerait fortement à la croissance et à l'emploi, même si la réduction de recettes fiscales induite par cette mesure devrait être compensée.

Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il faut prendre quelques mesures de bon sens destinées à ne pas pénaliser ceux grâce à qui l'activité économique et l'emploi se développent, et qui sont d'autant plus pénalisés qu'ils réussissent. A défaut, il ne faudra pas s'étonner que les phénomènes de délocalisation et d'expatriation s'accélèrent, privant la France de tous ceux qui contribuent à sa réussite.

Plus grave encore, de jeunes diplômés, en prévoyant ces fâcheuses conséquences sur leur carrière, s'expatrient à la fin de leurs études pour développer ailleurs des activités et des emplois qui vont alors cruellement manquer à la France, et ils sont de plus en plus nombreux.

Mais malheureusement, chaque fois que le Gouvernement veut agir pour réformer, il se trouve contrecarré par des groupes d'irresponsables qui n'ont aucun mandat. (M. Didier Boulaud s'esclaffe.)

Il est regrettable que des intérêts catégoriels compromettent l'intérêt de la France et son avenir ; il est regrettable que les partenaires sociaux ne comprennent pas que l'intérêt des salariés qu'ils sont censés représenter est lié à celui de tous les partenaires du développement de l'activité économique, c'est-à-dire aux entreprises.

La participation est un bon moyen de concilier ces deux intérêts qui sont, en réalité, liés et n'existent pas l'un sans l'autre.

M. Didier Boulaud. J'aurais regretté de ne pas être venu !

M. Serge Dassault. La participation, en associant les salariés aux activités des entreprises, en en faisant des partenaires, en les associant aux résultats, permet d'obtenir l'enrichissement à la fois des salariés et des entreprises. Elle supprime les conflits sociaux.

M. Didier Boulaud. Oui, on y croit ! Et c'est lui qui le dit !

M. Serge Dassault. Tout cela n'est pas difficile à réaliser, encore faut-il le vouloir.

La réalité économique ne répond pas aux visées des idéologies manquant totalement d'objectivité. Il faut faire tout ce qui permet d'obtenir la motivation à tous les niveaux, des salariés aux chefs d'entreprise, afin qu'ils travaillent ensemble dans une même équipe pour satisfaire leurs clients.

M. Serge Dassault. Mais tout ce qui contribue à la démotivation des entrepreneurs, sous prétexte d'égalitarisme social, ...

M. Didier Boulaud. Ça ne risque pas : il y a encore du chemin à faire ! Il y a de la marge !

M. Serge Dassault. ... n'amènera qu'à les contraindre à s'expatrier, laissant les salariés sans entreprise, c'est-à-dire sans emploi.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Serge Dassault. Ce n'est pas le but de la politique économique du Gouvernement. Mais c'est une réalité dont il faut tenir compte pour réussir à atteindre l'objectif fixé par le Premier ministre, à savoir développer l'emploi sans lequel la France s'enfoncer dans la pauvreté.

M. Didier Boulaud. C'est très bien parti !

M. Serge Dassault. Pour terminer, je citerai l'exemple de la Suisse, démocratie du bon sens.

Les Suisses ont compris que l'entreprise reste le meilleur moyen de créer de la richesse. En Suisse, les industriels sont bienvenus et respectés ; en France, ils sont sans cesse soumis à des contrôles fiscaux !

La main-d'oeuvre en Suisse coûte plus cher qu'en France, mais les employés travaillent 42 heures par semaine ! (M. Didier Boulaud s'exclame.)

Les Suisses ont rejeté d'ailleurs par votation la semaine des 37 heures : moralité, les Français vont s'installer en Suisse. Il ne serait d'ailleurs pas inutile de réaliser une votation en France pour savoir si les Français sont vraiment susceptibles de continuer d'être intéressés par les 35 heures.

Pourquoi ne ferions-nous pas comme les Suisses et n'établirions-nous pas également la démocratie du bon sens ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Didier Boulaud. Quel bonheur d'entendre ça : je ne regrette pas d'être venu ! La prochaine fois, on fera venir des ouvriers dans les tribunes : ça va les amuser ! Ils manquaient au décor !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Madame la présidente, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, le débat d'aujourd'hui concerne les prélèvements obligatoires et leur évolution. Autant dire qu'il s'agit d'un sujet majeur pour les finances de la France.

Si l'on connaît l'évidence du lien entre les contributions obligatoires et les dépenses sociales, le débat reste un débat d'initiés.

A ce propos, je précise que mon intervention est celle d'un élu rural, au quotient intellectuel moyen pour un tel thème, mais qui, chaque semaine, dans son département, est contraint de tenter d'expliquer aux entreprises pourquoi les charges sociales sont un facteur pénalisant pour leur développement.

Je suis contraint d'expliquer aussi aux chômeurs, par exemple à ceux de Moulinex - M. le président de la commission des finances en connaît quelque chose - ou à ceux de l'usine MIC d'Argentan, pourquoi leur outil de travail a été frappé par les délocalisations.

Or ces explications ne peuvent rester que primaires tant le sujet est complexe et tend à le demeurer. Par ailleurs, les « il n'y qu'à » ou les « il faut que » n'y ont assurément pas leur place.

Mon intervention risque d'apparaître en marge des deux rapports excellents de MM. Marini et Vasselle. Cependant, c'est délibérément que j'ai décidé de l'articuler autour de trois thèmes qui me paraissent essentiels. J'oserai, comme M. le ministre d'Etat, Nicolas Sarkozy, nous y a invité tout à l'heure avec humour et vérité, avancer quelques idées simples, mais de bon sens sur la dépense publique et la réforme de l'Etat, la présentation des dépenses de santé, les finances des collectivités locales, thèmes significatifs s'il en est parmi bien d'autres.

Ma première observation portera sur la dépense publique et la réforme de l'Etat.

M. le rapporteur estime avec raison que la dépense publique est devenue une véritable drogue, qui engendre des phénomènes de dépendances.

Or si la politique d'économie engagée va dans le bon sens, je dois néanmoins y ajouter un bémol.

Le courage politique, ce n'est pas seulement supprimer des fonctionnaires, en nombre, cela s'entend, sans s'attacher à leurs missions : je pense aux services de santé, messieurs les secrétaires d'Etat, et à la politique étrangère de la France ; je pense également à l'éducation nationale, où les postes d'encadrement ont toute leur place, au calcul purement arithmétique souvent sans lien avec la qualité de l'enseignement ou l'intérêt des enfants, à la carte scolaire qui, chaque année, est suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des élus, notamment des élus ruraux.

Le courage politique, mes chers collègues, c'est aussi examiner sans a priori la structure de nos dépenses.

Je me suis livré à une étude intéressante qui risque d'interpeller un certain nombre d'entre vous. Savez-vous que de nombreux cantons dans nos départements comptent moins de 1 000 habitants ?

En dehors de la question électorale, bassement politicienne, et du seuil des 9 000 habitants fixé pour établir les comptes de campagne, cette situation entraîne une inégalité manifeste entre les candidats, ce que personne ne peut nier.

Ainsi, notre pays compte 672 cantons - soit 15% d'entre eux - de moins de 4 000 habitants ; et je ne parle pas du canton de Barcillonnette dans les Hautes-Alpes qui a 270 habitants !

Sur cette base, j'ai cherché à établir une nouvelle carte de France avec une régulation des cantons représentant environ 4 000 habitants, seuil de viabilité que l'on exige, d'ailleurs, lors de la constitution des communautés de communes.

Il s'agirait alors d'une simple mise en cohérence rendue d'autant plus nécessaire que, sur le fond, le rôle accru des communautés de communes réduit en proportion celui des conseillers généraux si ces derniers ne les président pas eux-mêmes.

Cette restructuration conduirait inéluctablement à une diminution du nombre d'élus, et donc à une économie très importante qui, calculée sur la durée du mandat de six ans et sur la base des indemnités mensuelles actuelles, représente 106 288 000 euros. Messieurs les secrétaires d'Etat, je tiens à votre disposition cette étude que j'ai réalisée avec des étudiants.

A cette somme, viendrait encore s'ajouter la réduction des frais de fonctionnement, qui diminueraient à due concurrence.

Le report probable des élections cantonales en 2008 devrait nous donner le temps de réfléchir à une réforme de fond. Nous adresserions ainsi un signe fort qui témoignerait d'une volonté politique exemplaire, mais non partisane, de la part des élus. Ce serait une simple mesure de bonne gestion en quelque sorte. A tout le moins, mes chers collègues, pourrions-nous former un groupe de travail pour réaliser une étude d'impact sur cette proposition.

J'avais fait part à M. Sarkozy de cette observation voilà quelque temps. Il m'avait alors répondu, en des termes inappropriés, qu'il s'agissait d'un « charcutage électoral ».

Ma démarche n'a rien à voir avec un quelconque charcutage ! Il s'agit tout simplement de rechercher, comme M. le ministre d'Etat nous y invite, des mesures cohérentes afin de réaliser des économies. Il s'agit surtout d'un très bon exemple de réforme courageuse et nécessaire.

Par ailleurs, il faut réintroduire sans crainte des mécanismes de contrôles et donner plus de pouvoirs aux chambres des comptes.

L'émission télévisée « Combien ça coûte », pour anecdotique qu'elle soit, devrait nous donner à réfléchir : elle décrédibilise chaque fois davantage des responsables manifestement incapables de bien gérer les deniers publics. Ces carences rejaillissent sur nous tous !

Ma deuxième observation portera sur la dépense sociale.

M. le rapporteur général, dans la partie de son rapport consacrée à la maîtrise de la dépense sociale - pages 34 et suivantes -, mentionne les réformes entreprises pour la juguler. Les tableaux présentés aux pages 38 et 41 évaluent l'effet financier de cette réforme. Or ces prévisions, mes chers collègues, ne prennent absolument pas en compte les politiques de prévention.

Depuis des années, j'interviens, comme d'autres d'ailleurs, dans le cadre de l'examen du budget du ministère de la santé afin de prôner une véritable politique de prévention, grâce à des moyens simples liés à l'amélioration de l'alimentation. On creuse sa tombe avec sa fourchette, dit-on souvent.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est tout à fait vrai !

M. Daniel Goulet. D'autres disent également que l'alimentation est notre première médecine.

Ces allégations ne sont pas une plaisanterie. Des études récentes attestent du poids des dépenses évitables et de l'importance du nombre de vies qui pourraient être sauvées, notamment dans le cadre de la prévention des maladies cardiovasculaires.

L'obésité et les maladies cardiovasculaires ont, en 1996, entraîné 38 millions de consultations et 36 millions d'ordonnances, pour un coût de 1,5 milliard d'euros.

La Commission européenne, au travers du programme « Europe contre le cancer », a permis de collecter des données incontestables. Les conclusions sont éloquentes. Je me permets donc d'insister sur le financement des mesures de prévention et sur leur prise en compte volontaire.

Obésité, tabac, excès de sel, sont des sujets suffisamment graves et actuels pour que l'on y porte une attention particulière. Nous disposons tous de chiffres éloquents à cet égard !

Il faut absolument, messieurs les secrétaires d'Etat, tabler sur des changements de comportements plus citoyens, plus responsables - voire les imposer -, afin d'être plus efficaces. Nous l'avons fait avec les automobilistes, et les résultats sont au rendez-vous.

Ainsi, les malades avertis de la nécessité pour eux de suivre un régime et ne le suivant pas devraient être pénalisés par le médecin référent nouvellement créé, dont le rôle prendrait alors tout son sens.

De même, pour établir un parallèle osé avec les propos de M. Sarkozy au sujet des nouveaux pays adhérant à l'Europe qui ont les moyens de connaître une fiscalité à taux zéro et qui devraient, de ce fait, renoncer au bénéfice des fonds structurants, les praticiens d'un sport à risque ne devraient-ils pas contracter des assurances particulières, de façon que l'assurance maladie ne soit pas contrainte de couvrir tous les accidents ? La couverture de ces risques particuliers devrait être personnelle et ne devrait pas reposer sur la collectivité.

Ces économies-là seront sans doute mieux comprises et plus légitimes que certaines économies imposées dans nos hôpitaux - on se souvient de certaines dispositions, en d'autres temps, sur la taille des pansements !

Ma troisième observation concerne la lutte contre les délocalisations, et plus généralement les mesures visant la protection des territoires fragiles.

Les territoires ruraux entrent dans cette catégorie dont je suis, comme beaucoup d'autres au Sénat, l'un des représentants. Dans l'Orne, par exemple, nous avons subi, outre le séisme Moulinex, la désindustrialisation de la plaine d'Argentan.

Plusieurs mesures ont été prises : plans sociaux, zone de fiscalité privilégiée, contrat de site, cellules de reclassement, fonds largement abondés et mesures de communications massives.

Je constate que M. le rapporteur général reprend, à la page 68 de son rapport, une formule de M. Sarkozy : « la fiscalité ne constitue qu'un déterminant parmi d'autres des délocalisations ».

Nous parlons ici d'attractivité du territoire. A cet égard, j'attirerai très énergiquement une nouvelle fois votre attention sur une incohérence que je continue à trouver pesante.

L'attractivité du territoire, mes chers collègues, c'est aussi les services publics, les moyens de communication modernes, la carte scolaire. Comment peut-on attirer des entreprises performantes dans les départements ruraux, même au prix d'allégements fiscaux, si les épouses des cadres n'ont pas d'emplois, si leurs enfants n'ont pas d'écoles et s'il n'y a pas de médecins à proximité ? Je mentionnerai également, pour colorer le débat, l'existence de nombreuses zones blanches de téléphonie mobile, dont certaines ne seront couvertes que dans trois ans.

Or l'aménagement du territoire est un ensemble. L'annonce de 900 000 euros pour le contrat de site d'Argentan est fort séduisante, mais les fonds ne seront libérés que sous certaines conditions, ce qui est normal.

Dans le même temps le territoire se paupérise.

Ne trouvez-vous pas qu'il y a là une gestion incohérente des finances publiques et un lien bien évident avec notre débat d'aujourd'hui ?

Ne pourrait-on imaginer que les zones visées par le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, ou par des mesures d'incitations fiscales se voient dans le même temps appliquer un moratoire pour la fermeture des bureaux de poste, des services publics et des écoles, de façon à laisser à ces territoires une chance réelle, et non pas formelle, de renaissance ?

Comprenez-moi bien, il n'est pas question de s'opposer en bloc à une rationalisation des services publics, sans doute nécessaire, ici ou là, en zone rurale : nous avons tous en tête l'exemple de tel ou tel bureau de poste ne recevant qu'une ou deux personnes par jour.

Mais il serait nécessaire de maintenir l'ossature de la présence de l'Etat pour mieux servir la réindustrialisation des zones fragiles, notamment des zones rurales.

De ce point de vue, le texte présenté par Hervé Gaymard atteste d'une avancée certaine, si - et seulement si - le financement des mesures annoncées est provisionné.

Ma dernière observation porte sur les incidences sur la fiscalité des collectivités locales.

M. Marini évoque, en pages 69 et suivantes de son rapport, la fiscalité des collectivités locales. La fiscalité locale est un casse-tête, comme chacun le sait.

Assurer aux collectivités locales les moyens de leurs compétences élargies constitue une précaution naturelle et un devoir de la part du législateur, et du Sénat en particulier.

Sans entrer dans un débat de spécialistes, il me semble, en temps que praticien, que les élus locaux, comme tous les contribuables, qu'il s'agisse de personnes physiques ou de personnes morales, doivent disposer de lisibilité.

Or, utiliser la taxe professionnelle, à géométrie variable, annoncer sa suppression ou annoncer un crédit de taxe professionnelle sans informer corrélativement des mesures compensatoires pour les collectivités ajoutent l'aléa à la complexité.

Les communes, notamment les communes rurales, sont exsangues, tout le monde le sait. Le fait que la fiscalité locale actuelle est « à bout de souffle » est un constat largement partagé, comme l'indique Philippe Marini à la page 71 de son rapport. Je ne peux que le suivre dans son souhait de voir mener une réforme en profondeur de l'ensemble de la fiscalité locale, afin de redonner aux élus locaux la visibilité nécessaire au plein exercice de leur mandat. Mais on le dit si souvent que nous n'y croyons plus, puisque le temps passe sans qu'elle se fasse.

Pour conclure, je crois sincèrement que notre assemblée, en matière de dépenses publiques, doit trouver une nouvelle méthode et un autre esprit, pour mobiliser les énergies et rendre confiance aux élus locaux et aux citoyens dans notre capacité à réformer l'Etat, pour leur redonner à la fois le goût de l'effort, comme on le leur demande si souvent, le goût du travail et celui de la responsabilité, qui sont les fondements de la dignité de l'homme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur général, qui, rappelant parfaitement les enjeux de ce débat, a indiqué que la pression fiscale dans notre pays ne nous laisse plus de marge de manoeuvre. Son idée de débat annuel sur les prélèvements correspond à un besoin ; ce débat est d'ailleurs prévu par la loi organique relative aux lois de finances dès 2006.

La TVA sociale est un sujet important qu'ont évoqué M. le rapporteur général, M. le président de la commission des finances et bien d'autres orateurs.

J'approuve naturellement, comme l'a fait M. le ministre d'Etat tout à l'heure, la démarche de la commission des finances, qui établit un diagnostic, refuse les tabous et observe ce que d'autres pays ont su faire, en prenant l'exemple du Danemark.

Nous partageons cette démarche et une grande partie de l'analyse de la commission des finances. En effet, nous comprenons les avantages que peut apporter une TVA sociale ; mais la commission des finances à aussi identifiée des risques ; l'expérience du Danemark est donc, à mon avis, un encouragement, mais également une incitation à la prudence. Nous sommes donc tout à fait d'accord pour étudier avec vous cette TVA sociale dont Jean Arthuis a été l'un des premiers artisans puisque, comme l'a indiqué tout à l'heure Gérard Longuet, il l'a évoquée dans un rapport de 1992.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. M. Vasselle a émis un avis plus réservé au nom de la commission des affaires sociales. Il a rappelé les contraintes, l'ampleur des montants en jeu, la complexité, et nous avons bien entendu son message qui s'inscrit également dans le sens de l'étude.

Nous avons beaucoup apprécié l'analyse du président de la commission des finances qui se distingue de l'analyse réductrice du prélèvement consistant à comptabiliser ce qui serait payé par les ménages et, de manière totalement distincte, ce qui serait payé par les entreprises. Monsieur Arthuis, vous avez raison de rappeler que cette discussion est illusoire et que beaucoup d'éléments plaident en faveur d'une analyse beaucoup plus économique de nos prélèvements obligatoires, comme le suggère d'ailleurs le rapport de la commission.

Vous avez également évoqué les allégements de charges, et je crois comme vous que nous devons nous méfier de tout ce qui peut devenir un piège à bas salaires. C'est un sujet important.

Quant à votre proposition tendant à modifier la composition et le champ de compétences du Conseil des impôts, j'ai bien compris qu'elle avait pour objet de parvenir, d'une part, à une efficacité plus grande et, d'autre part, à une vision plus globale des prélèvements. Le Gouvernement est naturellement ouvert à vos propositions.

M. de Montesquiou, évoquant le taux trop élevé de l'impôt sur les sociétés, s'est interrogé sur la question de notre système de prélèvements obligatoires en termes d'attractivité et de compétitivité de la France. C'est une préoccupation que nous partageons, puisque, dans le projet de loi de finances que nous vous soumettrons prochainement, nous amorcerons le retour vers le taux moyen européen de l'impôt sur les sociétés.

M. Masseret a évoqué les prélèvements obligatoires en tant que prix des services collectifs. Il a raison, mais cette évidence ne doit pas nous conduire à dépenser toujours plus et à prélever toujours plus. Ce n'est pas notre philosophie, car on peut et on doit faire mieux en dépensant moins ; l'emploi et la justice profitent en effet de prélèvements moindres.

M. Longuet, très brillant comme toujours, a évoqué le problème des biocarburants dont il a beaucoup été question à l'Assemblée nationale, notamment à l'occasion de l'examen d'un amendement déposé par l'UDF et adopté à l'unanimité. Il a réclamé dans ce domaine une ligne directrice, reconnu la complexité du sujet, nous interrogeant sur la nécessité de taxer les transports ou l'énergie fossile, ou un peu les deux comme il le suggère. C'est d'ailleurs ce à quoi doit servir la TIPP ; mais il faut certainement combiner incitation fiscale et dispositif d'incorporation obligatoire. L'examen par le Sénat de la disposition adoptée par l'Assemblée nationale sera l'occasion d'évoquer cette question, soulevée à juste titre par M. Longuet.

M. Christian Gaudin a mentionné la nécessité de lutter contre les délocalisations, ce dont je le remercie. Monsieur le sénateur, vous constaterez dans le projet de loi de finances pour 2005 que, en matière de délocalisations, de relocalisations, de pôles de compétitivité, le Gouvernement proposera un certain nombre de mesures qui, je pense, retiendront votre attention et recueilleront votre appui.

Mme Beaufils a souligné, comme M. Masseret, que le haut niveau des prélèvements obligatoires était la contrepartie d'une forte demande de services publics. Nous ne pouvons que constater cette exigence et être fiers du service public à la française, mais nous devons également être très lucides sur le niveau excessif des dépenses publiques dans notre pays. La réduction des déficits est donc le préalable à toute baisse d'impôt ; c'est la raison pour laquelle nous proposons de stabiliser en volume, pour la troisième année consécutive, les dépenses de l'Etat. Néanmoins, cela ne signifie pas, madame Beaufils, que nous ne souhaitons pas améliorer la qualité et la performance de nos services publics.

Ce sujet a également été évoqué par Mme Nicole Bricq, et je suis au moins d'accord avec elle pour dire que l'immobilisme n'est pas une solution.

M. Grignon a évoqué la TVA sociale ; il veut relativiser les modèles et leurs résultats. Nous en sommes d'accord, et cela fera naturellement partie de l'étude à laquelle procédera le Gouvernement à partir des propositions de la commission des finances.

M. Dassault a dressé un tableau assez sombre, mais malheureusement assez juste, de notre système fiscal. Il a, comme à son habitude, prononcé un plaidoyer pour l'action, proposé des pistes de réformes fiscales.

Je souhaite lui indiquer que nous avons déjà beaucoup progressé en matière de successions, et que, plus généralement, nous devons veiller à tous les risques d'expatriation de nos talents.

M. Goulet, comme M. Dassault, s'est exprimé avec beaucoup de bon sens. Monsieur le sénateur, nous reconnaissons la complexité des questions que vous avez soulevées et ne voulons pas, en effet, nous laisser piéger par le débat d'initiés. Quant au petit canton que vous avez cité, le conseiller général que je suis lira avec beaucoup d'intérêt l'étude que vous avez réalisée et se propose d'en reparler avec vous.

Telles sont les réponses que je souhaitais apporter aux différents orateurs, en les remerciant pour la grande qualité et l'intérêt de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais souligner et saluer une fois encore l'attitude prospective de la Haute Assemblée et le rôle joué par la commission des finances ainsi que par la commission des affaires sociales qui n'ont pas hésité, comme l'a dit M. le ministre d'Etat, à ouvrir un débat sans aucun tabou. Des débats comme celui-là font avancer la réflexion du Gouvernement, voire son action.

Ce débat, surtout pour la partie qui relève de la protection sociale, est un vrai débat qui se pose dès aujourd'hui et qui devra aussi se conclure demain. En effet, nous sentons bien que le problème de l'assiette des prélèvements sociaux est d'actualité ; nous l'avons effleuré à l'occasion de la genèse de la réforme de l'assurance maladie.

Or l'une des pistes avancées aujourd'hui par la commission des finances du Sénat pose un certain nombre de questions. Je ne voudrais pas entrer dans une discussion qui a eu lieu entre les sénateurs, parfois même entre les commissions, mais il existe également d'autres pistes, comme la contribution sur la valeur ajoutée. Mais toutes arrivent à la même conclusion : le système actuel pose un certain nombre de problèmes et nous conduit donc à mener une réflexion.

Ce débat a été particulièrement passionnant ; il est non seulement légitime mais il est aussi porteur d'avenir, car il saura nous apporter des solutions.

Revenons à la protection sociale. Je rappellerai, pour répondre à M. Masseret et à Mme Beaufils, que, comme l'a indiqué Philippe Douste-Blazy lors de son intervention, nous avons effectivement dû augmenter les prélèvements pour faire face à l'enjeu de la réforme de l'assurance maladie ; il fallait en effet trouver des solutions au déficit de 13 milliards d'euros à la fin de l'année 2004.

A la différence du passé, c'est vrai, nous n'avons pas choisi la voie de la facilité qui consiste à mettre en place des prélèvements massifs et des déremboursements massifs ; cela ne règle rien, en effet.

Je constate simplement, sans vouloir engager une polémique, que, si la réforme avait été menée voilà cinq ans, nous n'en serions certainement pas là et nous n'aurions pas eu à prendre un certain nombre de décisions. (M. Didier Boulaud proteste.)

Il est vrai que, sur un plan de 15 milliards d'euros, la partie des recettes ne relève que de 4 milliards d'euros. Nous avons aussi souhaité faire en sorte que cet effort soit équitablement réparti pour que les différents acteurs puissent aussi faire face à ce déficit et soient sollicités.

Cet effort, même s'il peut être jugé trop important, nous semble mesuré et tourne résolument le dos à la voie de la facilité qui consiste à toujours prélever davantage sans pour autant régler le problème.

Enfin, je crois important de ne plus céder à la mauvaise habitude consistant à prélever plus pour dépenser plus ; nous devons nous inscrire dans une logique de qualité. En effet, ce que nous avons voulu faire avec la réforme de l'assurance maladie, c'est avant tout dépenser mieux : chaque euro investi dans le système de protection sociale est mis par les Français, et notre responsabilité est donc d'en faire le meilleur usage possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 61 et distribuée.

6

Modification de L'ordre du jour

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Madame la présidente, le Gouvernement, en accord avec la commission des finances et la commission des affaires étrangères, souhaite que le projet de loi de règlement de la loi de finances de 2003 soit examiné maintenant, et donc avant les quatre conventions.

Mme la présidente. Acte est donné de cette communication.

En application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement, l'ordre du jour du Sénat est modifié en conséquence.

7

 
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
Discussion générale (suite)

Règlement définitif du budget de 2003

Adoption définitive d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
Art. 1er

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2003 (nos 2, 48).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de cette modification de l'ordre du jour.

M. Didier Boulaud. Merci à ceux qui devront attendre !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Monsieur Boulaud, je sais que cette discussion va vous passionner, car tout vous intéresse, comme je l'ai constaté à l'Assemblée nationale et comme je m'en rends également compte au Sénat !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La loi de règlement est un sujet intéressant.

M. Didier Boulaud. Tout comme les conventions !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Comme l'a dit tout à l'heure Philippe Marini, nous sommes réunis pour un « moment de vérité » : celui de l'examen du projet de loi de règlement du budget de 2003, adopté par l'Assemblée nationale le 5 octobre dernier.

Les délais ont été parfaitement respectés. Le projet de loi portant règlement du budget de 2003 aura été déposé avant le 30 juin de l'année suivante. Comme ce fut le cas à l'Assemblée nationale, nous aurons donc aussi débattu de ce texte avant d'engager l'examen du projet de loi de finances pour 2005.

A cet égard, je remercie la Haute Assemblée qui, malgré un ordre du jour parlementaire particulièrement chargé, monsieur Boulaud, nous permet, ensemble, de respecter les nouvelles exigences prescrites par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, dont le Sénat est également à l'origine. Bien sûr, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi organique relative aux lois de finances gouvernera l'ensemble de nos travaux en matière budgétaire dès le 1er janvier 2005.

Avant de franchir ce cap décisif, qui nous conduira à mettre en oeuvre, en 2006, le premier budget en missions et programmes, nous sommes dans une période de transition importante.

Les évolutions de calendrier que je viens de vous rappeler permettent aux deux assemblées de statuer de façon, je l'espère, plus éclairée sur le projet de loi de finances pour 2005, en tirant enseignement de l'analyse de la gestion de l'exercice 2003.

L'exercice reste encore assez rituel ; il faudra, à l'avenir, mais je sais que le président et le rapporteur général de la commission des finances en sont de fervents partisans, que la loi de règlement devienne un temps fort du processus budgétaire, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Absolument !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ...conformément à l'esprit de la LOLF, telle que vous avez voulu la bâtir.

Ce temps fort permettra de vérifier l'exécution chiffrée du budget, mais aussi, ce qui n'est pas rien, d'évaluer l'efficacité de la dépense publique, la performance de l'administration, et, enfin, de disposer en même temps d'éléments sur le patrimoine de l'Etat.

En attendant ce nouveau cadre rénové, la discussion de ce soir est importante, puisque nous passons ensemble de l'exercice de la prévision à celui de l'exécution. Avec ce projet de loi de règlement, le Gouvernement vous soumet ainsi une photographie fidèle de la situation budgétaire du pays à la fin de l'exercice 2003.

Nous examinerons ses forces ainsi que les points sur lesquels des progrès sont indispensables, en particulier, malheureusement, un niveau de déficit élevé qui ne s'explique qu'en partie par la « chute » de croissance des années 2001 à 2003. (M. Didier Boulaud rit.)

Quelle est la photographie de l'exécution budgétaire en 2003 ?

Tout d'abord, nous avons une raison de nous réjouir : la maîtrise des dépenses de l'Etat. Pas un euro de plus n'a été dépensé au regard du plafond voté par votre assemblée de 273,8 milliards d'euros.

Je veux rendre hommage à la détermination d'Alain Lambert et de Francis Mer qui ont été capables, par leur énergie, par leur force de persuasion et par le respect qu'ils ont su imposer à leurs pairs, tenir vaille que vaille ce plafond de dépenses.

Nous mesurons combien il était capital d'atteindre cet objectif.

Nous devons d'abord respecter le Parlement, ce qui veut dire respecter strictement l'autorisation parlementaire

Ensuite, nous devons prouver aux Français que les finances de l'Etat, dans un contexte difficile, sont tenues ; nous y sommes parvenus.

Enfin, pour que notre parole conserve une force en Europe, il nous fallait respecter les engagements pris devant nos partenaires européens.

La stabilisation des dépenses a été permise par la constitution précoce d'une réserve de précaution, portant d'abord sur 4 milliards d'euros de crédits initiaux et sur près de 7 milliards d'euros de crédits reportés.

Des besoins nouveaux et les aléas de gestion ont pu ainsi être financés en puisant dans cette réserve, ce qui s'est traduit par trois mesures d'annulation qui ont été conduites dans la plus totale transparence à l'égard du Parlement

S'agissant des recettes, la conjoncture a pesé sur l'exécution.

Les recettes de l'Etat se sont repliées, pour la seconde année consécutive, à un rythme de 2,8 %.

Les recouvrements de recettes fiscales ont traduit les effets de la chute de croissance, qui a été amorcée à la fin de 2001 et a prolongé ses effets jusqu'à la fin de 2003.

Nous tablions pour 2003 sur une croissance économique de 2,5 %. Cette prévision était corroborée par l'ensemble des économistes. Nous nous sommes tous trompés, la croissance s'établissant in fine à seulement 0,5 %.

La langueur de l'activité économique a eu un effet mécanique sur le produit des recettes fiscales, en moins-values, principalement au titre de l'impôt sur les sociétés, de la TVA et de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

Les recettes fiscales tendancielles, c'est-à-dire avant toutes mesures nouvelles, se sont fortement réduites.

L'atonie des recettes a été particulièrement marquée s'agissant de l'impôt sur les sociétés, en recul de plus de 15 % par rapport au produit de l'année 2001 et revenant à un niveau tout juste supérieur à celui de 1999.

Dans ce contexte difficile, le Gouvernement a clairement tenu le cap de sa politique économique. Comme les économistes aiment à le rappeler, le Gouvernement a tenu à laisser jouer les « stabilisateurs automatiques », c'est-à-dire qu'il n'a pas cherché à compenser les pertes de recettes fiscales en augmentant les impôts ou en coupant dans les crédits.

En agissant de la sorte, nous n'aurions fait que conforter les effets du cycle économique et nous aurions précipité notre économie, qui n'en avait pas besoin, dans la récession. Comme M. Philippe Marini l'indique dans son rapport écrit, il ne fallait pas « rajouter la crise à la crise ». Le contre-exemple des Pays-Bas aujourd'hui illustre les dangers d'une telle politique.

Il apparaît donc que le Gouvernement a fait les bons choix.

Il a fait un choix de raison : c'est vrai, le déficit s'est creusé, pour s'établir en fin d'année à 57 milliards d'euros, mais l'écart par rapport à la loi de finances initiale s'explique intégralement et exclusivement par des moins-values de recettes.

Il a également fait un choix d'efficacité : la France a renoué avec une croissance économique forte et se trouve aujourd'hui dans le peloton de tête en Europe.

Au-delà de cette photographie, quels enseignements peut-on tirer de l'exécution de la loi de finances de 2003 ?

Avant 2003, nos finances publiques étaient structurellement dégradées ; nous en payons encore l'addition. Nous agissons donc pour ne pas répéter ces erreurs de politique économique.

Quelle est l'origine des difficultés rencontrées par notre pays en matière de finances publiques depuis le début des années 2000 ?

La France a connu, à l'occasion de la bulle Internet, la phase d'expansion la plus forte depuis la fin des « Trente glorieuses » puisque la croissance s'est établie à 3,5 % en 1998, et 4,2  % en 2000.

Durant cette période, les recettes fiscales de l'Etat ont augmenté deux fois plus vite que le PIB, engendrant une manne exceptionnelle de recettes fiscales.

Ces recettes exceptionnelles et volatiles auraient dû être affectées à la réduction des déficits ; elles ont en réalité servi à financer des baisses d'impôt permanentes ou des dépenses récurrentes.

Si je prends l'exemple de l'année 2001, la précédente majorité a dépensé l'intégralité de la marge de manoeuvre à sa disposition, soit 20,5 milliards d'euros, par des hausses de dépenses et des baisses d'impôts.

Nos comptes publics étaient donc dégradés au moment où s'est amorcé le retournement conjoncturel de l'hiver 2001-2002 : le passage au-dessus de 3 % de notre PIB était devenu quasi inévitable.

Nous avons donc mis en place - la commission des finances de la Haute Assemblée et vous-même le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs -, depuis plus de deux ans, une politique budgétaire en nette rupture avec celle qui a été conduite sous la législature précédente.

Au-delà de l'exercice formel de constatation comptable, cet examen du projet de loi de règlement nous donne l'occasion de mettre en perspective la politique budgétaire du Gouvernement.

Sans entrer dans les débats que nous aurons à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, je tiens à rappeler que notre priorité va à l'assainissement de nos finances publiques pour réconcilier nos concitoyens avec la confiance qu'ils doivent avoir en les gestionnaires de l'Etat.

Ce sont les raisons qui ont conduit Nicolas Sarkozy et moi-même à consolider la stabilisation des dépenses de l'Etat, qui constitue l'axe fondamental de notre politique budgétaire -nous stabiliserons les dépenses en volume pour la troisième année consécutive -, mais également, contrairement à ce qui s'est fait dans le passé, à consacrer les plus-values fiscales, que nous estimons à 5 milliards d'euros en 2004, au service du désendettement.

A la différence de nos prédécesseurs qui avaient imprudemment converti toutes ces plus-values conjoncturelles en dépenses pérennes, nous consolidons l'avenir en nous donnant des marges de manoeuvre.

Mais je vous le dis en toute franchise : il n'y a pas de trésor caché que nous aurions pu éventuellement dilapider.

M. Jean-Jacques Jegou. On le saurait !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. En effet, monsieur Jegou, on le saurait.

Avec 9 milliards d'euros de moins-values en 2003 et 5 milliards d'euros de plus-values en 2004, la balance demeure déséquilibrée, avec un solde négatif de 4 milliards d'euros.

Nos compatriotes sont témoins que notre politique porte aujourd'hui ses fruits.

Un peu plus de six mois après avoir fait le constat d'une exécution budgétaire 2003 dégradée, avec un déficit de 57 milliards d'euros, le Gouvernement présentera dans quelques jours à la Haute Assemblée un budget pour 2005 qui réduit ce déficit de 12 milliards d'euros, pour l'établir à 44,9 milliards d'euros. Pour la première fois depuis 2001, les déficits publics seront inférieurs à 3 % du PIB.

La précédente législature a dégradé les comptes publics ; le Gouvernement, avec l'aide de sa majorité, les redresse.

En conclusion, ce projet de loi de règlement traduit les résultats d'une année certes difficile pour nos finances publiques, mais au cours de laquelle le Gouvernement, avec le soutien de sa majorité, a amorcé une politique favorable à la France et le redressement financier qui lui était demandé par sa majorité.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, l'esprit du projet de loi de règlement que j'ai l'honneur de vous soumettre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, mes chers collègues, j'ai peu à ajouter à ce qui vient d'être dit par M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, et je me permets de vous renvoyer au rapport écrit de la commission des finances.

Nous avons d'ailleurs eu, en commission, une discussion assez nourrie sur ce projet de loi de règlement. Il ne me paraît pas indispensable de revenir sur l'ensemble des aspects de la politique économique et budgétaire qui a été conduite durant l'année 2003.

Le projet de loi de règlement est arrivé en temps et en heure - il faut le souligner -, éclairé par des commentaires fort utiles de la Cour des comptes ; il nous a permis de formuler une série de remarques qui figurent dans le rapport écrit de la commission.

Vérité des déficits et de la dette, vérité des priorités de l'Etat, vérité de la performance des services de l'Etat : ces trois vérités se trouvent reflétées en quelque sorte par le projet de loi de règlement. Il suffit d'en prendre connaissance dans le détail, ce que je vous invite à faire.

Sous le bénéfice des ces observations, la commission des finances appelle bien entendu à voter le texte présenté par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, je vous remercie de la concision de votre propos.

La parole est à M. Jean-Jacques Jegou.

M. Jean-Jacques Jegou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003 constitue un moment très important dans l'évaluation des résultats relatifs aux choix opérés par l'Etat lors de l'élaboration de la loi de finances initiale pour 2003.

Cette évaluation apparaît d'autant plus cruciale aujourd'hui compte tenu de l'incertitude du contexte économique - prix record du pétrole, euro élevé -, et ce peu de temps avant l'examen par la Haute Assemblée du projet de loi de finances pour 2005.

En effet, rappelons le contexte particulier de l'exécution budgétaire de 2003 : un projet de loi de finances fondé sur une estimation de croissance surévaluée - 2,5 % -, certes volontariste, d'autant que ces prévisions étaient partagées par une grande partie des experts, mais sans doute trop optimiste, le taux de croissance effectif du PIB en 2003 ayant été de 0,5 %.

Il était difficile de prévoir un ralentissement aussi fort, accentué par la réduction récurrente des investissements des entreprises, la morosité de la consommation des ménages, le court de l'euro fortement apprécié par rapport au dollar, mais aussi, et déjà, la hausse du prix du pétrole.

Rappelons que si la charge des dépenses est prévisible, car elle n'est pas fonction de la conjoncture, en revanche, en matière de recettes, la précaution doit prévaloir.

Le résultat, c'est un recul important du montant des recettes - vous l'avez indiqué en pourcentage, monsieur le secrétaire d'Etat -, en diminution de 11,1 milliards d'euros, amplifiant très largement l'augmentation historique du déficit public de 12,3 milliards d'euros, malgré un gel de crédits pour un montant de 10,6 milliards d'euros.

A la fin de 2003, le déficit atteignait 56,9 milliards d'euros et la dette publique, au sens de Maastricht, battait un triste record en s'élevant à un peu plus de 992 milliards d'euros, le ratio de la dette publique rapportée au PIB passant pour la première fois le seuil des 60 % en s'établissant à 63,7 %, malgré des taux d'intérêts réels historiquement bas.

Afin de limiter les effets du ralentissement, les premières mesures mises en place, d'ailleurs consacrées par la loi de finances rectificative, sont des annulations de crédits qui grèvent les interventions économiques de l'Etat, ne lui permettant pas de respecter tous ses engagements financiers à court terme.

Le poids de la dette, ajouté à celui des dépenses de fonctionnement encore mal maîtrisées, ne permet plus à l'Etat de mener une politique d'investissements efficace.

Son désengagement, dans un climat comptable très dégradé, conduit à aggraver la frilosité des investisseurs.

Dès lors, quelles conclusions peut-on tirer de cette situation ?

Il est tout d'abord nécessaire de construire le projet de loi de finances sur des prévisions responsables.

Nos voisins européens fondent leur budget sur des prévisions de croissance toujours inférieures à celles des experts afin de limiter les effets des retournements de conjoncture, lesquels sont très amplifiés du fait de la sensibilité des recettes fiscales aux ralentissements de la croissance.

Par conséquent, il nous faut être prudents en matière non seulement de prévisions de croissance, mais aussi de choix fiscaux, et savoir mesurer les conséquences des mesures fiscales nouvelles.

Ainsi la baisse de l'impôt sur le revenu a diminué les recettes fiscales de 1,168 milliard d'euros, sans réel effet sur la croissance.

Par ailleurs, il semble inconcevable que certaines dépenses récurrentes, dont le montant n'est pas sans conséquences sur le budget de l'Etat, n'apparaissent qu'en loi de finances rectificative. Tel est le cas des dépenses afférentes à la prime de Noël versée aux bénéficiaires du RMI. Mais cette affaire serait semble-t-il réglée.

Dans le contexte actuel, l'Etat n'a plus les moyens de conduire une politique expansionniste visant à relancer la consommation par des facilités budgétaires.

En effet, le budget de l'Etat est désormais, et pour longtemps, lourdement pénalisé par le poids excessif des crédits relatifs à la gestion de la dette.

Comme nous l'avions déjà fait remarquer lors de l'examen du précédent projet de loi de règlement, le déficit a, en exécution, décru régulièrement de 1995 à 2000. C'était d'autant plus méritoire que la croissance était absente ! La conséquence en avait été une baisse du ratio dette/PIB. L'exercice budgétaire de 2003 nous a fait franchir un seuil critique quant à la « soutenabilité budgétaire » de la dette française.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la France vit à crédit. Une fois de plus, à l'instar de ce qui a été voté lors du projet de loi de réforme de l'assurance maladie, ce sont les générations futures qui auront à supporter nos abus.

De plus, comme l'a fort bien souligné Philippe Marini, la consommation est loin d'être l'unique moteur de la croissance. En effet, celle-ci dépend aussi très largement de l'investissement, de la recherche et de l'innovation.

M. Didier Boulaud. Et du pouvoir d'achat !

M. Jean-Jacques Jegou. Sans un changement important et responsable de nos choix budgétaires, les marges de manoeuvre de l'Etat en la matière se réduiront comme peau de chagrin.

Au-delà de cet aspect, c'est bel et bien la crédibilité budgétaire de la France, capable ou non de profiter des fruits de la croissance, qui est remise en cause, ainsi que l'attractivité de notre territoire.

La France doit dès aujourd'hui adopter une position claire en matière de gouvernance économique : économies dans les administrations publiques, stabilisation des dépenses ministérielles, stratégies fondées sur des études d'efficacité économique.

Je viens ici de citer quelques-unes des pistes de réflexion envisageables. Elles sont nombreuses. Espérons seulement qu'elles ne resteront pas lettre morte.

Dans cette perspective, la LOLF, à l'élaboration de laquelle j'ai eu l'honneur de participer à l'Assemblée nationale, nous permettra, je l'espère, de les mettre en oeuvre.

Je tiens à féliciter M. le rapporteur général de la qualité d'un travail dont la présentation fut extrêmement pédagogique.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.

M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d'Etat, que dire de la gestion du premier budget de votre majorité ?

La croissance avait été fixée à 2,5 %. Elle a été de 0,5 %, soit le plus faible taux depuis 1993.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Hélas !

M. Jean-Pierre Demerliat. Les recettes ont été inférieures de 10 milliards d'euros par rapport aux estimations initiales. Le déficit est monté à 3,7 % du PIB, un record. La dette a progressé de cinq points par rapport à son montant de 2002, atteignant 63,7 % du PIB, soit un niveau supérieur à la norme prévue par le pacte européen de stabilité budgétaire.

Croissance en recul, recettes en baisse, dépenses maîtrisées par des artifices, déficit record et dette en hausse. Quel bilan !

Examinons-le de plus près.

L'hypothèse de croissance sur laquelle reposait la loi de finances était irréaliste, le Gouvernement n'ayant tenu compte ni des informations officielles ni des analyses de l'ensemble des conjoncturistes publiées au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 2003 en conseil des ministres.

Le Gouvernement a affiché une croissance forte qu'il savait illusoire, pour pouvoir justifier les cadeaux fiscaux clientélistes qu'il était pressé d'offrir.

M. Didier Boulaud. Très bien !

M. Jean-Pierre Demerliat. En baissant l'impôt sur le revenu, il a fait les yeux doux aux privilégiés, tout en diminuant les capacités d'action et les marges de manoeuvre de l'Etat.

Cela fut d'autant plus handicapant que l'on était dans une période de faible croissance.

Cette attitude, consistant à distribuer des cadeaux fiscaux aux plus aisés tout en attendant le retour hypothétique d'une croissance extérieure, est une faute de politique économique, d'autant plus que, si la croissance a effectivement redémarré au niveau mondial, la France n'en a pas profité.

Le choix de ce taux de croissance illusoire a été non pas un choix volontariste mais un mauvais objectif et, quoi qu'il en soit, un objectif raté.

Examinons les recettes.

Alors que la loi de finances initiale prévoyait des ressources nettes de 231 milliards d'euros, celles-ci n'ont été finalement que de 221,6 milliards d'euros, soit une moins-value d'environ 10 milliards d'euros par rapport aux estimations initiales, dont 7,5 milliards d'euros de recettes fiscales et près de 2 milliards d'euros de recettes non fiscales, le solde provenant d'une augmentation des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne.

La prévision de recettes dépendant directement de l'estimation de croissance retenue lors de la construction du budget, il était évident, compte tenu du caractère complètement fallacieux de la prévision de croissance, que les évaluations de recettes ne pouvaient qu'être faussées.

On ne peut pas se glorifier en annonçant des baisses d'impôts et de charges pour certains, lors de la présentation d'un budget, et se plaindre ensuite d'être obligé de constater la dégradation d'un déficit, qui ne serait imputable qu'aux seules recettes fiscales, et donc à la faible croissance.

II faut cesser de faire croire que vos baisses d'impôts sont sans conséquences pour le budget de l'Etat !

L'analyse de la Cour des comptes est sévère : « en 2003, le produit fiscal, touché par le double effet des mesures d'allégement de la fiscalité et d'une croissance ralentie, a diminué de 0,2 % à 239,8 milliards d'euros, soit 400 millions d'euros de moins qu'en 2002. Il s'agit de la deuxième année de baisse consécutive ». La Cour des comptes poursuit : « les recettes fiscales représentant plus de 85 % des recettes de l'Etat, cette présentation résume bien les choix budgétaires effectués sur la période récente : redistribution sous forme de baisses d'impôts, à hauteur de 60 % à 70 %, des fortes hausses de recettes dues à la conjoncture porteuse des années 2000 et 2001 ; poursuite des baisses d'impôts en 2002 en l'absence de marges de manoeuvre. En 2003, l'absence de marges de manoeuvre s'est confirmée. »

Ce qui est surprenant, c'est que cette baisse des impôts collectés n'a pas fait baisser le taux de fiscalisation des foyers fiscaux. Après la baisse de ce taux constatée au cours des années précédentes, notamment en 2001 et 2002, sous le gouvernement de gauche, le taux moyen d'imposition des foyers fiscaux a été en 2003 de 11,8 %, soit le même taux qu'en 2002. Le taux moyen d'imposition de l'ensemble des contribuables, y compris les foyers non imposables, s'est maintenu également à 9 %.

C'est le résultat paradoxal, vous l'avouerez, d'une politique d'annonces, d'effets d'annonce, d'affichage et de distribution ciblée de « petits » cadeaux à ceux qui n'en ont pas besoin.

C'est pour cela que la stratégie économique de ce gouvernement n'a pas eu les effets qu'elle prétend avoir.

Les baisses d'impôt ciblées n'ont pas plus soutenu l'activité qu'elles ont relancé l'emploi : les baisses d'impôts ciblées sur les ménages les plus aisés n'ont eu aucun effet sur la demande intérieure et, partant, sur la croissance.

J'en viens aux dépenses.

Les dépenses du budget général, quant à elles, ont atteint 278,3 milliards d'euros, hors recettes d'ordre relatives à la dette, et 273,8 milliards d'euros, hors fond de concours, soit une progression optique de 0,1 % par rapport à 2002.

Derrière cette façade, « rafistolée » grâce au procédé peu glorieux des modifications de périmètre des responsabilités de l'Etat, aussi importantes qu'opaques, la régulation budgétaire en matière de crédits a touché aussi bien les crédits de paiement que les autorisations de programme, au point de menacer le respect du rythme des engagements prévus par les contrats de plan Etat-région.

Dès aujourd'hui, dans tous les départements et dans toutes les régions, des projets sont paralysés par les manques de crédits, qu'il s'agisse de crédits de l'Etat ou de crédits européens.

Le Gouvernement a asséché les dépenses d'intervention : il a gelé 4 milliards d'euros de crédits en février 2003 ; puis à nouveau 6,7 milliards d'euros sur les crédits de report en avril 2003. Une partie de ceux-ci ont fait l'objet d'annulations définitives.

Les dépenses d'intervention, qui sont le « nerf de la guerre » en matière d'exécution des politiques publiques, ont particulièrement fait les frais de cette politique d'austérité. Elles ont supporté 24 % du total des mises en réserve et 21 % du total des annulations effectuées en 2003.

Comment voulez-vous, dans ces conditions, que l'Etat puisse respecter le rythme prévu par les contrats de plan Etat-région, même étalés sur six ans, avec une chute nette des autorisations de programme civiles ?

A ce rythme, ces contrats de plan ne pourront pas être réalisés, même étalés sur huit ans. Comment alors réaliser tous ces investissements sanitaires, sociaux, routiers ou ferroviaires, que tout le monde juge aussi urgents qu'indispensables ?

Même les administrations déconcentrées pâtissent de la suppression de crédits qui devaient être mis à leur disposition, laissant notamment les services sociaux démunis sur le terrain.

A l'augmentation du chômage s'ajoute l'aggravation de la précarité sur l'ensemble du territoire : le nombre des bénéficiaires du RMI augmente et, partant, les charges supportées par les départements progressent, puisque ce sont désormais ces derniers qui financent le RMI.

Le coût de ce transfert devait être compensé par l'attribution aux départements d'une partie des recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Alors qu'elles étaient censées augmenter, nous savons en réalité que ces recettes sont en diminution et que les promesses du Gouvernement n'étaient, comme souvent, que paroles verbales.

D'ailleurs, d'une façon générale, tout ce qui avait été promis lors de l'examen de la loi de finances initiale a, dans une large mesure, été remis en cause par la suite.

Quels sont les résultats de tout cela ?

Alors que l'on diminue l'impôt sur le revenu, les collectivités locales se voient contraintes d'augmenter les impôts locaux.

Lorsque vous annoncez que vous allez prendre des mesures, les gens comprennent que vous n'effectuez que des « manoeuvres ».

En fait, l'évolution des dépenses publiques reflète simplement une absence totale de stratégie économique de la part du Gouvernement. Bien plus grave, elle conduit à l'asphyxie des politiques publiques.

Dans le même temps, tous secteurs confondus, la progression de l'ensemble des dépenses publiques a dépassé 2 % en volume. Contrairement au discours officiel, le Gouvernement ne maîtrise pas les dépenses publiques, dont la part dans la richesse nationale connaît une forte croissance depuis 2002. Vous vous contentez de serrer les dépenses de l'Etat, au risque de compromettre son bon fonctionnement.

Quand une mesure annoncée est effectivement financée, c'est au prix de redéploiements qui viennent réduire à néant d'autres politiques pourtant présentées, peu de temps auparavant, comme tout aussi prioritaires et urgentes !

Selon la Cour des comptes - encore elle ! -, « la pratique de la régulation, du fait notamment de l'incertitude dans laquelle sont maintenus les services ministériels, les amène à adopter un mode de gestion dégradé, voire irrégulier : priorité donnée aux actions nouvelles au détriment des dépenses obligatoires ou récurrentes ; allongement des délais de règlement des factures ; entorses aux procédures d'engagement des crédits et de passation des marchés publics ; réalisation de dépenses hors de toute programmation cohérente ou dans l'urgence ».

La Cour poursuit : les reports de charges « ont conduit à des impayés de l'Etat à l'égard de ses créanciers, appelés à supporter la charge en trésorerie de ces retards. De nombreuses situations de ce type ont été identifiées. Il en résulte une dégradation de la situation nette de l'Etat à l'égard d'un certain nombre de ses partenaires, identifiable dans la presque totalité des ministères ».

J'évoquerai maintenant le déficit.

L'audit de juillet 2002 prévoyait un déficit budgétaire égal à 3 % du PIB, soit 48,5 milliards d'euros. En 2003, ce déficit a atteint 3,7 % du PIB, soit 57 milliards d'euros, c'est-à-dire 15 % de plus que prévu par l'audit.

Le déficit de l'ensemble des comptes publics, au sens du traité de Maastricht, a atteint le montant record de 63 milliards d'euros, soit 4,1 % du PIB, c'est-à-dire 60 % de plus que la prévision de l'audit !

Comment donc en est-on arrivé là ? Comment la situation s'est-elle aggravée à ce point ? Comment est-on arrivé à une telle dégradation de nos finances publiques ?

Il n'est pas étonnant que la Commission européenne ait déclenché la procédure concernant les déficits excessifs contre la France, le 2 avril 2003, même si notre pays a bénéficié d'un sursis à la mise en demeure au mois d'octobre.

De fait, tout se passe comme si le Gouvernement avait fait le choix délibéré d'une dégradation du déficit budgétaire, dans le but, affiché sans vergogne, de poursuivre à crédit une politique socialement injuste et économiquement inefficace de distribution de cadeaux fiscaux ciblés.

Cette politique, c'est celle qui est suivie depuis 2002, contraire aux discours tenus auparavant sur la nécessité de procéder à des baisses d'impôts durables, car financées par des réductions de dépenses. Ce n'est pas un hasard si le taux de couverture des dépenses par les recettes s'est dégradé : alors qu'il était resté stable, au-dessus de 88 % de 1999 à 2001, ce taux s'est effondré en 2002 et 2003 pour n'atteindre que 80 %.

Quant à la dette publique, elle a explosé, alors même qu'elle a profité d'une baisse des taux d'intérêt. Elle a atteint 63,7 % du PIB, en progression de cinq points par rapport à 2002.

De fait, par la même occasion, la France s'est affranchie du deuxième des critères à respecter dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance. La dette a ainsi dépassé le montant astronomique de 1 000 milliards d'euros. Sur ce plan, on peut battre le précédent record de la période 1993-1997 !

Elles sont bien loin, les années 1998-2001 pendant lesquelles le solde d'exécution budgétaire était positif - avant paiement des charges de la dette s'entend.

Mes chers collègues, cette loi de règlement du budget 2003 vient malheureusement confirmer nos appréciations de l'époque. Et, bien que nous ne nous en réjouissions pas, reconnaissez que jamais dans aucune loi de finances l'écart entre les intentions affichées et la réalité n'a été aussi grand.

La dégradation sans précédent des comptes publics observée en 2003 est le résultat direct de l'échec du Gouvernement pour relancer la croissance et lutter contre le chômage. Et il ne peut pas en rejeter la faute sur ses prédécesseurs ! La loi de finances pour 2003 a en effet été conçue et exécutée par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin. Mais quelle évolution depuis le « solde de tout compte » qu'était censé représenter l'audit des finances publiques mené à l'été 2002 ! Le bilan est sans appel : la loi de règlement dresse le tableau d'un véritable délabrement des finances publiques.

Parallèlement, nous n'avons pas lieu de nous réjouir de la dégradation concomitante de la sincérité budgétaire à laquelle nous assistons désormais de façon systématique depuis juin 2002, et qui conduit à ce que le budget exécuté n'ait plus qu'un lointain rapport avec celui qui avait été voté.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez aisément, madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que le groupe socialiste ne vote pas le quitus de la gestion budgétaire du Gouvernement en 2003. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors de la discussion de la loi de finances pour 2003, mon collègue Thierry Foucaud soulignait : « Le projet de budget pour 2003 est virtuel, le contexte économique général étant plus qu'incertain, avec tout ce que cela implique pour le niveau des recettes fiscales attendues et pour celui des dépenses. Alors que vous devriez tenir compte du ralentissement de la croissance et accroître les dépenses d'accompagnement social et de fonctionnement du service public, vous ne voulez pas changer de cap. »

Il précisait : « Ainsi, vous entendez persister à décider des baisses d'impôts qui profiteront non pas aux Français en général mais à une petite minorité d'entre eux. La réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu permettra au 1 % des Français les plus riches d'empocher le tiers des 2,6 milliards d'euros que coûte cette mesure à l'Etat. »

Il remarquait également : « Les trois quarts des allégements fiscaux et sociaux contenus dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de financement de la protection sociale concernent exclusivement les entreprises. »

« Quels en seront les résultats ? La diminution de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle accroîtra surtout les profits disponibles que les grands groupes replaceront dans la finance et non pas dans l'emploi. »

Sur le déficit, il précisait : « Vous ne voulez pas remettre en cause l'orientation de la politique monétaire unique de la Banque centrale européenne. En fait, vous accentuez l'orientation libérale et vous serez obligés de couper dans les dépenses. »

Il terminait : « Le projet de budget pour 2003 tel qu'il se présente est un budget de classe en faveur des détenteurs de la fortune et du capital, au mépris des besoins réels de la population de notre pays. »

M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle méchanceté !

Mme Marie-France Beaufils. Que constatons nous à l'examen des données fournies par la loi de règlement ? En grande partie, ce que nous critiquions et annoncions à l'époque. Oui, il y a eu dérapage des finances publiques, puisque le montant du déficit de la loi de finances initiale - environ 46 milliards d'euros - s'est trouvé majoré de 9,5 milliards d'euros dans le collectif de fin d'année 2003, et que la présente loi de règlement porte d'ailleurs ce déficit à un niveau encore plus élevé, proche de 57 milliards d'euros, soit 12,3 milliards de plus que la prévision, niveau jamais atteint dans l'histoire budgétaire de ce pays.

Oui, il y a eu poursuite du mouvement de baisse des impôts en direction des entreprises et des ménages les plus aisés. Il y a eu régulation budgétaire, annulation de crédits dans des domaines essentiels de l'intervention de l'Etat - mon collègue Jean-Pierre Demerliat en a cités quelques-uns - ou glissement organisé vers l'année suivante, une forme totalement organisée de non-dépense, deux points qui touchent à la sincérité même du budget et réduisent notre rôle de parlementaires.

Ainsi, selon les données mêmes fournies par les services du ministère des finances, les dépenses de l'Etat se sont accrues de 0,1 % : environ 360 millions d'euros, soit un montant inférieur à celui qui avait été autorisé en loi de finances initiale.

Dans le même temps, les recettes de l'Etat ont diminué de 2,6 %, une réduction qui affecte notamment les impôts prélevés sur la consommation : ainsi, les recettes de TVA et de TIPP ont respectivement chuté de 2,7 milliards d'euros et de 1,5 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale.

Le même processus s'observe pour l'impôt sur les sociétés qui, par rapport aux prévisions, est en baisse de 2,7 milliards d'euros.

Déperdition de recettes, choix fiscaux sans portée réelle sur le développement de l'activité économique : ainsi, la baisse de l'impôt sur le revenu n'a manifestement pas relancé l'activité, pas plus que la consommation populaire.

C'est aussi par la rigueur budgétaire qu'ont été affectées lourdement les dépenses d'intervention, conduisant au gel de la dépense publique, et ce dès le vote du budget. Tous les critères d'une mauvaise allocation de la ressource publique ont été au rendez-vous de l'exécution budgétaire 2003.

Le problème, chacun le sait pertinemment, c'est que, dans ces cas-là, les choix budgétaires ultérieurs prolongent les conséquences de cette exécution de la loi de finances.

En ce sens, les orientations de la loi de finances de 2004, comme celles du projet de loi de finances pour 2005, dont nous débattrons très prochainement, accusent encore les traits caractéristiques de ces choix politiques. On persiste et on signe dans la réduction de la dépense publique, on organise, dans la foulée de la loi sur les responsabilités locales, le transfert de compétences, sans moyens, sur les collectivités locales, on supprime massivement des postes dans l'éducation nationale, dans les services fiscaux, dans les services de l'équipement, pour n'en citer que quelques-uns, ce qui, comme le disait tout à l'heure l'un de nos collègues, pose des problèmes en matière d'aménagement du territoire.

Le Gouvernement poursuit dans les cadeaux fiscaux aux plus aisés, aux entreprises, qu'il s'agisse des droits de succession, des donations ou encore de l'impôt sur le revenu.

Le vote sur une loi de règlement, qu'on le veuille ou non, présente toujours un caractère relativement formel et purement technique. Ce serait presque une sorte de simple apurement des comptes, et l'on donnerait quitus au comptable public de l'utilisation de l'argent de l'Etat.

Pour autant, nous étions clairement opposés aux choix budgétaires de 2003 et nous avons indiqué à quel point l'exécution avait recouvré une bonne partie de nos analyses. C'est donc tout naturellement que, prolongeant notre vision initiale de la loi de finances de 2003, nous ne pourrons que voter contre ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
Art. 2

Article 1er

Les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2003 sont arrêtés aux sommes mentionnées ci-après :

(En euros.)

 

Charges

Ressources

Solde

A. - Opérations à caractère définitifBudget général

Recettes brutes...................................................................................................

343 156 382 417,00

A déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales et des Communautés européennes.......................................................................................................

52 917 511 092,53

Recettes nettes des prélèvements......................................................................................................

290 238 871 324,47

A déduire :- Dégrèvements et remboursements d'impôts..................................................

66 133 686 903,54

- Recettes en atténuation des charges de la dette...........................................................

2 545 724 810,16

Dépenses ordinaires civiles brutes.............................................................................

299 778 988 993,55

A déduire :- Dégrèvements et remboursements d'impôts..................................................

66 133 686 903,54

- Recettes en atténuation des charges de la dette...........................................................

2 545 724 810,16

Dépenses ordinaires civiles nettes............................................................................

231 099 577 279,85

Dépenses civiles en capital.....................................................................................

16 999 185 991,45

Dépenses militaires.............................................................................................

30 175 894 270,90

Total pour le budget général.................................................................................

278 274 657 542,20

221 559 459 610,77

- 56 715 197 931,43

Comptes d'affectation spécialeà caractère définitif

Recettes............................................................................................................

6 149 983 300,90

Dépenses ordinaires civiles....................................................................................

3 554 914 132,15

Dépenses civiles en capital.....................................................................................

3 008 263 675,49

Total pour les comptes d'affectation spéciale...............................................................

6 563 177 807,64

6 149 983 300,90

- 413 194 506,74

Totaux (budget général et comptes d'affectation spéciale)............................................

284 837 835 349,84

227 709 442 911,67

- 57 128 392 438,17

Budgets annexes

Aviation civile...................................................................................................

1 545 723 017,68

1 545 723 017,68

Journaux officiels................................................................................................

 202 800 128,55

 202 800 128,55

Légion d'honneur................................................................................................

  19 958 366,67

  19 958 366,67

Monnaies et médailles..........................................................................................

  93 150 478,24

  93 150 478,24

Ordre de la Libération...........................................................................................

   872 381,00

  872 381,00

Prestations sociales agricoles...............................................................................

16 150 873 775,49

16 150 873 775,49

Totaux pour les budgets annexes..............................................................................

18 013 378 147,63

18 013 378 147,63

»

Totaux des opérations à caractère définitif (A).........................................................

302 851 213 497,47

245 722 821 059,30

- 57 128 392 438,17

B. - Opérations à caractère temporaire Comptes spéciaux du Trésor

Comptes d'affectation spéciale à caractère temporaire......................................................

 2 007 200,43

   693 852,10

- 1 313 348,33

Comptes de prêts..................................................................................................

2 601 695 430,79

2 018 651 844,62

- 583 043 586,17

Comptes d'avance................................................................................................

69 376 653 767,61

70 032 214 015,97

655 560 248,36

Comptes de commerce (solde).................................................................................

 119 228 853,59

- 119 228 853,59

Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers (solde)..........................................

 »

 »

Comptes d'opérations monétaires (hors FMI) (solde)......................................................

-  230 064 030,37

230 064 030,37

Totaux des opérations à caractère temporaire hors FMI (B)..........................................

71 869 521 222,05

72 051 559 712,69

182 038 490,64

Solde d'exécution des lois de finances hors FMI (A+B)................................................

 »

 »

- 56 946 353 947,53

Solde d'exécution des lois de finances hors FMI, hors FSC.............................................

 »

 »

- 56 946 603 848,21

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
Art. 3

Article 2

Le montant définitif des recettes du budget général de l'année 2003 est arrêté à 290 238 871 324,47 €. La répartition de cette somme fait l'objet du tableau A annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
Art. 4

Article 3

Le montant définitif des dépenses ordinaires civiles du budget général de 2003 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par ministère conformément au tableau B annexé à la présente loi.

(En euros.)

 

Désignation des titres

Dépenses

Ajustements de la loi de règlement

Ouverturesde créditscomplémentaires

Annulationsde créditsnon consommés

I. - Dette publique et dépenses en atténuation de recettes................................................

106 931 238 757,93

2 889 433 768,17

 318 995 010,24

II. - Pouvoirs publics..........................................................................................

 812 873 664,62

 »

  347 959,38

III. - Moyens des services....................................................................................

114 866 997 080,55

 274 574 235,83

 733 721 819,28

IV. - Interventions publiques.................................................................................

77 167 879 490,45

 11 162 808,20

 378 947 813,75

TOTAUX.......................................................................................................

299 778 988 993,55

3 175 170 812,20

1 432 012 602,65

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. 5

Article 4

Le montant définitif des dépenses civiles en capital du budget général de 2003 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par ministère conformément au tableau C annexé à la présente loi.

(En euros.)

 

Désignation des titres

Dépenses

Ajustements de la loi de règlement

Ouverturesde créditscomplémentaires

Annulationsde créditsnon consommés

V. - Investissements exécutés par l'Etat........................................................................

4 081 578 055,57

 »

25,43

VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat.....................................................

12 917 607 935,88

 »

34,12

VII. - Réparations des dommages de guerre...................................................................

 »

 »

 »

TOTAUX............................................................................................................

16 999 185 991,45

 »

59,55

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
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Art. 6

Article 5

Le montant définitif des dépenses ordinaires militaires du budget général de 2003 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis conformément au tableau D annexé à la présente loi.

(En euros.)

 

Désignation des titres

Dépenses

Ajustements de la loi de règlement

Ouverturesde créditscomplémentaires

Annulationsde créditsnon consommés

III. - Moyens des armes et services...............................................................................

18 356 510 791,27

13 865 064,85

67 825 348,58

TOTAUX............................................................................................................

18 356 510 791,27

13 865 064,85

67 825 348,58

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. 7

Article 6

Le montant définitif des dépenses militaires en capital du budget général de 2003 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis conformément au tableau E annexé à la présente loi.

(En euros.)

 

Désignation des titres

Dépenses

Ajustements de la loi de règlement

Ouverturesde créditscomplémentaires

Annulationsde créditsnon consommés

V. - Equipement......................................................................................................

11 664 731 138,79

0,16

12,37

VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat.......................................................

 154 652 340,84

0,31

0,47

TOTAUX..............................................................................................................

11 819 383 479,63

0,47

12,84

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 8

Article 7

Le résultat du budget général de 2003 est définitivement fixé comme suit :

 

Recettes..................................................................................................................................

290 238 871 324,47 €

Dépenses................................................................................................................................

346 954 069 255,90 €

Excédent des dépenses sur les recettes....................................................................................

56 715 197 931,43 €

La répartition des recettes et des dépenses fait l'objet du tableau F annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
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Art. 9

Article 8

Les résultats des budgets annexes sont arrêtés aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau. Ces crédits sont répartis par budget conformément au tableau G annexé à la présente loi.

(En euros.)

 

Désignation des budgets

Totaux égauxen recetteset en dépenses

Ajustements de la loi de règlement

Ouverturesde créditscomplémentaires

Annulationsde créditsnon consommés

Aviation civile......................................................................................................

1 545 723 017,68

54 984 961,88

30 151 139,20

Journaux officiels...................................................................................................

 202 800 128,55

8 010 755,20

4 593 701,65

Légion d'honneur...................................................................................................

  19 958 366,67

1 443 508,97

 491 929,30

Monnaies et médailles.............................................................................................

  93 150 478,24

 »

12 809 683,76

Ordre de la Libération.............................................................................................

   872 381,00

 229 027,85

  1 675,85

Prestations sociales agricoles....................................................................................

16 150 873 775,49

78 300 883,47

140 827 107,98

TOTAUX...........................................................................................................

18 013 378 147,63

142 969 137,37

188 875 237,74

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Art. 8
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
Art. 10

Article 9

I. - Les résultats des comptes spéciaux du Trésor dont les opérations se poursuivent en 2004 sont arrêtés, au 31 décembre 2003, aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits et les autorisations de découverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par catégorie de comptes et ministère gestionnaire, conformément au tableau I annexé à la présente loi.

(En euros.)

 

Désignation

Opérations de l'année 2003

Ajustements de la loi de règlement

Dépenses

Recettes

Ouverturesde créditscomplémentaires

Annulationsde créditsnon consommés

Autorisationsde découvertscomplémentaires

I. - Opérationsà caractère définitif

Comptes d'affectation spéciale........................................

6 332 929 721,13

5 966 322 237,33

 621 075 384,94

5 872 087 708,81

 »

Totaux.....................................................................

6 332 929 721,13

5 966 322 237,33

 621 075 384,94

5 872 087 708,81

 »

II. - Opérationsà caractère temporaire

Comptes d'affectation spéciale.......................................

 2 007 200,43

  693 852,10

 »

  341 258,57

 »

Comptes de commerce................................................

5 692 439 055,22

5 573 210 201,63

 »

 »

 »

Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers........

 »

 »

 »

 »

 »

Comptes d'opérations monétaires....................................

2 379 315 082,53

3 702 400 755,71

 »

 »

8 022 000 846,48

Comptes de prêts.......................................................

2 601 695 430,79

2 018 651 844,62

    0,49

  150 000,70

 »

Comptes d'avances.....................................................

69 376 653 767,61

70 032 214 015,97

11 572 029 020,48

 30 265 252,87

 »

Totaux...................................................................

80 052 110 536,58

81 327 170 670,03

11 572 029 020,97

 30 756 512,14

8 022 000 846,48

TOTAUX GÉNÉRAUX.............................................

86 385 040 257,71

87 293 492 907,36

12 193 104 405,91

5 902 844 220,95

8 022 000 846,48

II. - Les soldes des comptes spéciaux du Trésor dont les opérations se poursuivent en 2004, sont arrêtés, à la date du 31 décembre 2003, aux sommes ci-après et répartis par ministère conformément au tableau I annexé à la présente loi.

(En euros.)

 

Désignation des catégories de comptes spéciaux

Soldes au 31 décembre 2003

Débiteurs

Créditeurs

Comptes d'affectation spéciale : opérations à caractère définitif et à caractère temporaire.................................

 729 862 540,12

Comptes de commerce................................................................................................................

 27 014 195,08

 693 855 981,47

Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers........................................................................

Comptes d'opérations monétaires...................................................................................................

8 022 000 846,48

2 117 026 939,92

Comptes de prêts........................................................................................................................

17 214 042 347,42

Comptes d'avances.....................................................................................................................

14 201 628 870,06

TOTAUX..............................................................................................................................

39 464 686 259,04

3 540 745 461,51

III. - Les soldes arrêtés au II sont reportés à la gestion 2004 à l'exception d'un solde créditeur de 4 249 424,75 € concernant les comptes d'opérations monétaires et d'un solde débiteur de 1 048 895 255,92 € concernant les comptes de prêts qui font l'objet d'une affectation par l'article de transport aux découverts du Trésor.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Art. 9
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
Art. 11

Article 10

Les résultats des comptes spéciaux du Trésor définitivement clos au 31 décembre 2003 sont arrêtés aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits sont modifiés comme il est dit au même tableau.

(En euros.)

 

Désignation

Opérations de l'année

Soldesau 31 décembre 2003

Ajustementsde la loi de règlement

Dépenses

Recettes

Débit

Crédit

Ouvertures

Annulations

I. - Opérationsà caractère définitifComptesd'affectation spéciale

902-00. - Fonds national de l'eau.......................................

221 437 914,12

175 344 497,18

 »

398 949 423,39

0,58

18 384 838,46

902-20. - Fonds national pour le développement de la vie associative..................................................................

8 810 172,39

8 316 566,39

 »

2 745 382,83

 »

0,61

Total I......................................................................

230 248 086,51

183 661 063,57

401 694 806,22

0,58

18 384 839,07

II. - Opérationsà caractère temporaireComptes de règlement avec lesgouvernements étrangers

905-10. - Exécution des accords internationaux relatifs à des produits de base...........................................................

 »

 »

26 317 746,04

 »

 »

 »

Comptesd'opérations monétaires

906-06. - Soutien financier à moyen terme aux Etats membres de la Communauté économique européenne..............................

 »

 »

 »

 »

 »

 »

Total II.....................................................................

 »

 »

26 317 746,04

 »

 »

 »

TOTAL GÉNÉRAL.....................................................

230 248 086,51

183 661 063,57

26 317 746,04

401 694 806,22

0,58

18 384 839,07

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Art. 10
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Art. 12

Article 11

Le solde débiteur des pertes et profits sur emprunts et engagements de l'Etat est arrêté au 31 décembre 2003 à la somme de 94 218 639,60 €, conformément au tableau ci-après :

(En euros.)

 

Opérations

Dépenses

Recettes

Annuités non supportées par le budget général ou un compte spécial du Trésor...............................................

21 768 843,28

Dotations aux amortissements. - Charges financières :- dotations aux amortissements des suppléments résultant des indexations........................................................./.

3 368 795,98

- dotations aux amortissements des décotes...............................................................................................

985 600 721,50

Quote-part des primes sur emprunts et bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN)...........................................

1 218 215 215,48

Pertes et profits sur rachat de dette négociable : - pertes sur obligations assimilables du Trésor (OAT)......................

296 576 157,92

- profits sur OAT..............................................................................................................................

33 130 169,82

- pertes sur BTAN.............................................................................................................................

42 970 551,87

- profits sur BTAN............................................................................................................................

1 405 338,06

Pertes et profits divers sur emprunts et engagements :- pertes diverses...............................................................................................................................

4 281,38

- profits divers.................................................................................................................................

3 319 988,97

TOTAUX.......................................................................................................................................

1 350 289 351,93

1 256 070 712,33

SOLDE..........................................................................................................................................

94 218 639,60

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Art. 11
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Art. 13

Article 12

Est apurée par transport en augmentation des découverts du Trésor, une perte totale en trésorerie de 99 823,26 € détaillée dans le tableau ci-après et correspondant :

- pour 99 616,55 € à la contre-valeur des fonds bloqués de plusieurs régies auprès d'ambassades sur des comptes ouverts dans des banques étrangères ;

- et pour 206,71 € à des avoirs détenus dans la caisse de la Trésorerie générale pour l'étranger (TGE) au titre de la régie auprès de l'ambassade de Monrovia (Libéria).

 

Poste

Banque

Montant des avoirs bloqués

Montantau 31 décembre 2002en euros

Moscou

Russie

MOSBIZNESS

262 484,22 roubles

3 115,46 francs

8 696,58

Bagdad

Iraq

RAFIDAINE

74 850,144 dinars irakiens

 42,79

Belgrade

Serbie

SLAVIJA

237,56 dinars yougoslaves

9 946,58 francs

1 520,41

Freetown

Sierra Leone

IBTI (1)

2 340 331,33 leones

150,70 USD (2)

2 271,64

Monrovia

Libéria

TRADEVCO

97 581,95 USD

87 085,13

Sous-total..............................................................................................................................

99 616,55

Monrovia

Libéria

Avoirs détenus à la TGE

243,90 LRD (3)

0,39 USD

 206,71

Total....................................................................................................................................

99 823,26

(1) IBTI : International Bank for Trade and Industry limited(2) USD : dollar américain(3) LRD : dollar libérien

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Art. 12
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Art. 14

Article 13

I. - Sont reconnues d'utilité publique, pour un montant de 32 029,86 €, les dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de l'Etat, jugée par la Cour des comptes dans ses arrêts des 8 décembre 1993 et 13 décembre 1994 au titre du ministère des affaires étrangères.

II. - Sont reconnues d'utilité publique, pour un montant de 121 959,21 €, les dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de l'Etat, jugée par la Cour des comptes dans ses arrêts des 26 mars 1998 et 9 décembre 1999 au titre du ministère des affaires étrangères.

III. - Sont reconnues d'utilité publique, pour un montant de 25 423,34 €, les dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de l'Etat, jugée par la Cour des comptes dans ses arrêts des 31 janvier 1990, 13 décembre 1994, 24 novembre 1995, 25 janvier 1996 et 10 janvier 1997 au titre du secrétariat d'Etat au tourisme.

IV. - Sont reconnues d'utilité publique, pour un montant de 26 148,38 €, les dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de l'Etat, jugée par la Cour des comptes dans ses arrêts des 22 janvier 1998, 15 avril 1999 et 12 janvier 2000 au titre du ministère de la justice.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Art. 13
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
Etats législatifs annexés

Article 14

I. - Le solde fixé à l'article 7, le solde débiteur mentionné au III de l'article 9 et le solde arrêté à l'article 11 ainsi que les pertes en trésorerie mentionnées à l'article 12 sont transportés en augmentation des découverts du Trésor et récapitulés dans le tableau ci-dessous :

 

- Excédent des dépenses sur les recettes du budget général de 2003....................................

56 715 197 931,43 €

- Remises de dettes aux pays les moins avancés..................................................................

1 048 895 255,92 €

- Pertes et profits sur emprunts et engagements.....................................................................

94 218 639,60 €

- Pertes en trésorerie............................................................................................................

99 823,26 €

Total I à transporter en augmentation des découverts du Trésor....................................

57 858 411 650,21 €

II. - Le solde créditeur mentionné au III de l'article 9 et le résultat net des comptes spéciaux clos visé à l'article 10 sont transportés en atténuation des découverts du Trésor :

 

- Résultat net du compte spécial du Trésor « Pertes et bénéfices de change » soldé chaque année..............................................................................................................................................

4 249 424,75 €

- Résultat net des comptes spéciaux clos au 31 décembre 2003.............................................

375 377 060,18 €

Total II - Atténuation des découverts du Trésor...............................................................

379 626 484,93 €

Total net à transporter en augmentation des découverts du Trésor (I-II)........................

57 478 785 165,28 €

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Art. 14
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
Tableaux A à G et I

ÉTATS LÉGISLATIFS ANNEXÉS

Etats législatifs annexés
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
Explications de vote sur l'ensemble (début)

(TABLEAUX A à G ET I)

Se reporter aux documents annexés au projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003 (n° 1699), sans modification.

Vote sur l'ensemble

Tableaux A à G et I
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Daniel Goulet, pour explication de vote.

M. Daniel Goulet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement nous permet de faire le point sur la situation financière de l'Etat en 2003 et sur son action.

L'objectif du gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin était en effet de rompre avec les tendances héritées de la majorité précédente. Le budget 2003 visait ainsi à assainir les comptes publics grâce à une bonne maîtrise des dépenses.

Cependant, l'exécution de la loi de finances s'est déroulée dans un contexte international très difficile, marqué en particulier par la baisse du dollar et le conflit irakien.

Toutes les prévisions ont été prises en défaut, que ce soient celles du Gouvernement ou celles des conjoncturistes. La France, à l'instar de la zone euro, a ainsi connu une croissance beaucoup plus faible que prévu. Celle-ci n'a finalement été que de 0,5%.

Les recettes de l'Etat ont été directement affectées par la dégradation de la conjoncture, d'autant que les marges de manoeuvre budgétaires étaient limitées par l'effet des dépenses pérennes engagées entre 1997 et 2002.

L'exécution du budget 2003 s'est donc trouvée confrontée à un « état d'urgence financier », pour reprendre l'expression de M. le rapporteur général.

Face à cette situation, et afin de ne pas ajouter « la crise à la crise », le Gouvernement a choisi de soutenir la demande intérieure. Plutôt que de chercher à maintenir à tout prix le déficit voté en loi de finances initiale, il a mené une politique de régulation raisonnée et efficace des dépenses, préfigurant ainsi sa ligne stratégique des années suivantes.

En 2003, l'aide publique au développement a été renforcée et des réformes majeures ont été engagées dans les domaines prioritaires de la défense, de la sécurité intérieure et de la justice.

En contrepartie, et pour compenser le manque de ressources, des économies budgétaires ont été réalisées dans d'autres secteurs, dans un souci de rationalisation de l'action publique.

Cette politique a porté ses fruits, puisque les dépenses ont été maintenues dans la norme fixée par le Parlement en loi de finances initiale, ce qui mérite d'être souligné.

La majorité précédente a dilapidé pendant des années les plus-values fiscales dégagées grâce à un contexte économique très favorable et a multiplié les dépenses pérennes. Au contraire, le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin a su financer ses priorités malgré une croissance très faible, tout en créant les conditions de la reprise qui s'est amorcée en fin d'année et s'est amplifiée en 2004.

Comme cela a été souligné, la baisse des taux du barème de l'impôt sur le revenu ne représente qu'une petite part de la diminution des recettes de l'Etat en 2003. Le déficit budgétaire s'est accru pour des raisons essentiellement conjoncturelles.

Dès 2004, le Gouvernement a pu reprendre sa politique d'assainissement des finances publiques, et cette politique sera poursuivie en 2005.

M. Didier Boulaud. Surtout, ne changez rien !

M. Daniel Goulet. L'année 2003 est donc riche d'enseignements pour l'avenir : elle montre qu'il est possible de maîtriser les dépenses, y compris dans un contexte économique très dégradé. Elle doit donc être regardée en perspective comme la première de trois années consécutives de stabilisation des dépenses en volume, et, nous l'espérons, comme l'avènement d'une nouvelle culture de responsabilité budgétaire, rompant avec les gaspillages du passé. C'est dans cette perspective que le groupe UMP, dont je me fais le porte-parole, votera le projet de loi de règlement définitif du budget de 2003.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Charles Gautier. Il se contente de peu !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. A ce stade de la discussion, je tiens à saluer l'excellente analyse présentée au Sénat par M. le rapporteur général, analyse qui permettra à chacun de se faire une opinion sur ce projet de loi de règlement.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que, dès l'année prochaine, nous puissions consacrer plus de temps au débat précédant le vote de la loi de règlement, en inscrivant si possible cette discussion à l'ordre du jour du Sénat en début de journée, et plutôt pas la veille du 11 novembre...

Je souhaiterais également que nous puissions innover dans le contenu du débat en demandant aux rapporteurs spéciaux de venir rendre compte des contrôles qu'ils ont pu mener sur tel ou tel aspect de la gestion de l'Etat.

Toutes les interventions que j'ai entendues pendant cette discussion ont été passionnantes et très riches ; mais peut-être pourrions-nous innover l'année prochaine en ciblant nos propos sur quelques contrôles diligentés afin de débusquer les dysfonctionnements, contribuant ainsi à une meilleure gestion des fonds publics, et donc à une meilleure efficacité et à une plus grande performance du service public ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a noté avec attention vos remarques.

Monsieur le président de la commission, votre suggestion requiert notre approbation. A partir du 1er janvier, nous serons soumis non plus au régime de l'ordonnance de 1959, mais au régime de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Nous disposerons de toute une série d'indicateurs de performances, et donc non seulement de résultats chiffrés - le nombre d'accidents en matière de sécurité routière, les moyens engagés, le nombre de radars, les fréquences des contrôles, les résultats par département - mais également d'indicateurs qualitatifs.

Le débat que vous proposez redonnera du sens à la discussion de la loi de règlement, qui changera d'ailleurs de nature avec la LOLF : le débat sur la loi de règlement deviendra en effet un débat d'explication et de correction où le Gouvernement devra, si nécessaire, se justifier et où les parlementaires et les rapporteurs spéciaux pourront donner leur avis.

Par conséquent, cette suggestion, dont je vous remercie, sera naturellement suivie d'effet.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 37 :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 197
Contre 125

Le Sénat a adopté définitivement.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2003
 

8

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, le Gouvernement souhaite une modification de l'ordre du jour, afin que soit examinée en premier lieu la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti.

Mme la présidente. Acte est donné de cette communication.

En conséquence, en application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement, l'ordre du jour du Sénat est modifié en conséquence.

9

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti
Discussion générale (suite)

Convention avec Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises

Adoption définitive d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti
article unique (début)

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti (nos 15, 56).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, situé au débouché du Bab el-Mandeb, détroit qui sépare la mer Rouge et l'océan Indien, Djibouti occupe une position stratégique, non seulement dans la Corne de l'Afrique, mais aussi à l'égard du Moyen-Orient.

Initialement constituée autour du port d'Obock, la Côte française des Somalis a pris une importance stratégique avec la création du port de Djibouti et du chemin de fer reliant la nouvelle capitale à Harrar, seul débouché d'un empire éthiopien enclavé. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, ce rôle stratégique a pris une importance accrue, en raison de la lutte internationale contre le terrorisme.

Indépendante en 1977, la République de Djibouti accueille, en vertu du protocole intergouvernemental du 27 juin 1977, la plus importante base militaire française à l'étranger, avec près de 2 700 hommes. Cette implantation française a un impact considérable sur la vie économique de ce pays d'un demi-million d'habitants.

Les dispositions financières du protocole de 1977, contrepartie de la mise à disposition d'installations militaires au bénéfice des troupes françaises, se devaient d'être modernisées, afin de rendre leur montant, qui variait en fonction des dépenses de nos militaires, plus prévisible pour le budget djiboutien. En conséquence, la France et Djibouti ont signé, le 3 août 2003, une convention relative à la situation financière et fiscale des forces françaises stationnées à Djibouti.

La présente convention a pour objet de définir, de façon globale et forfaitisée, le montant que les forces françaises doivent verser à l'Etat djiboutien, afin d'éviter le renouvellement des malentendus et des contentieux fiscaux qui ont pu se produire dans le passé, et simplifier les relations de nos forces avec les autorités fiscales djiboutiennes. En évitant les risques d'interprétation divergente, et donc de contentieux, cette convention simplifie la vie quotidienne à Djibouti des militaires français.

Ainsi, les sommes précédemment versées à différents titres, tels les impôts sur le revenu du personnel, les taxes intérieures de consommation, l'aide au ministère djiboutien de la défense et les actions civilo-militaires réalisées par nos forces au profit de la population, sont désormais globalisées en une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d'euros. Les exonérations fiscales précédemment accordées sont maintenues.

En contrepartie, le Gouvernement djiboutien s'engage à maintenir la qualité des prestations correspondant à certaines de ces taxes. Une évaluation conjointe de la mise en oeuvre de cette convention aura lieu chaque année et permettra, notamment, au Gouvernement français d'obtenir un bilan de l'utilisation de l'aide apportée.

Cette convention, dont la durée est fixée à neuf ans, renforce nos liens avec Djibouti et répond à une demande des autorités djiboutiennes de garantir un montant de ressources budgétaires en contrepartie de la présence française sur son territoire. En cela, cette convention inscrit clairement notre présence militaire à Djibouti dans la durée.

II convient également de se féliciter que, un an après l'ouverture par les Etats-Unis d'une base logistique antiterroriste de 1600 hommes, en contrepartie d'une contribution annuelle de 25 millions de dollars, la France et Djibouti aient renforcé leurs liens par la convention du 3 août 2003. Ce texte s'inscrit dans la continuité des relations de coopération entre les deux pays : la France est le premier bailleur de fonds de Djibouti, avec près de 25 millions d'euros par an.

Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention du 3 août 2003, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Boulaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le protocole du 29 juin 1977 garantissant le soutien militaire de la France en cas d'agression étrangère contre Djibouti a joué un rôle majeur dans la préservation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de ce petit pays situé dans une région particulièrement troublée.

Lors d'une mission effectuée l'an dernier dans la Corne de l'Afrique, une délégation de la commission des affaires étrangères avait pu mesurer l'intérêt de cette présence militaire française pour la stabilité de la région et son rôle important dans notre dispositif de déploiement outre-mer. Djibouti voit aussi sa position stratégique se renforcer du fait des conflits au Moyen-Orient et de la lutte contre le terrorisme, ce qui a conduit les Etats-Unis à y stationner un contingent de plus d'un millier d'hommes.

Notre délégation avait également recueilli des informations sur la dernière phase de négociation de la présente convention, peu de temps avant sa signature le 3 août 2003.

Historiquement, les conditions de notre présence militaire à Djibouti ont toujours obéi à des règles particulières, notamment en raison du régime fiscal dérogatoire appliqué à nos personnels, imposés localement et non en France. Par ailleurs, et indépendamment des crédits de coopération militaire relevant du ministère des affaires étrangères, le budget de la défense fournit une aide au ministère djiboutien de la défense et finance des actions civilo-militaires réalisées au profit de la population civile.

Avec le temps, les formes prises par ces différents transferts ont évolué et les autorités djiboutiennes ont souhaité les remettre à plat. La diminution des effectifs, aujourd'hui ramenés à 2 800 hommes, et la crainte d'une perte de recettes fiscales en résultant étaient en partie à l'origine de cette demande.

La convention du 3 août 2003, conclue pour une durée initiale de neuf ans, consacre une augmentation substantielle de la contribution à la charge du ministère français de la défense, puisqu'elle s'élèvera à 30 millions d'euros par an, soit environ 11 millions d'euros supplémentaires par rapport à celle qui a été versée jusqu'en 2002. Je précise qu'une mesure nouvelle majorant les crédits de la défense à due proportion a déjà été inscrite dans la loi de finances pour 2004.

En contrepartie, la convention présente, pour les forces françaises de Djibouti, l'intérêt essentiel d'englober dans cette contribution forfaitaire une somme libératoire des taxes et prélèvements actuellement acquittés par les forces françaises, le gouvernement djiboutien renonçant à mettre en place toute imposition supplémentaire.

Cette disposition est particulièrement importante. Elle nous garantit face à l'instauration de taxes ou redevances nouvelles et elle supprime de facto celles qui existent actuellement, ainsi que toutes les formalités administratives, souvent très lourdes, qu'elles impliquent. Le gouvernement djiboutien s'engage également à limiter à quarante-huit heures les délais de mise à disposition des produits et matériels importés après leur arrivée en douane, ce qui répond, là aussi, à une attente forte de nos militaires.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a ainsi estimé que les négociations entre nos deux pays avaient abouti à un résultat relativement équilibré. L'augmentation des contributions à charge du ministère de la défense s'accompagne d'une redéfinition, sur des bases claires et simples, de nos accords avec Djibouti, à un moment où l'intérêt stratégique pour la région se renforce.

Pour toutes ces raisons, mais également parce qu'elle permettra d'aplanir certaines difficultés ayant affecté nos relations bilatérales, la convention du 3 août 2003 mérite d'être approuvée. C'est pourquoi la commission vous demande d'adopter le présent projet de loi.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti
article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti, signée à Djibouti le 3 août 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ? ...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti
 

10

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la 29ème session de la conférence de l'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
Discussion générale (suite)

Convention internationale pour la protection des végétaux

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la 29ème session de la conférence de l'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
article unique (début)

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la Convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la vingt-neuvième session de la conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (nos 241 (2003-2004), 44).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation a pour objet d'autoriser l'acceptation par la France des amendements du 17 novembre 1997 à la Convention internationale pour la protection des végétaux, approuvés à Rome par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

Cette convention internationale, adoptée en novembre 1951 et amendée une première fois en 1979, a pour objet, d'une part, de prévenir la dissémination et l'introduction d'organismes nuisibles aux végétaux et, d'autre part, de promouvoir l'adoption de mesures appropriées de lutte contre de tels organismes. Le texte s'applique à la protection des végétaux cultivés, à celle de la flore sauvage et aux dégâts, directs ou indirects, causés par les organismes nuisibles.

Dans les années quatre-vingt-dix, l'importance de la Convention en tant qu'accord international est apparue de plus en plus marquée, et une activité de formulation des normes internationales a été mise en place en son sein.

L'accord sanitaire et phytosanitaire de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, conclu en 1994, a désigné la Convention comme instrument et forum pour l'harmonisation des mesures sanitaires et phytosanitaires en oeuvre dans le cadre du commerce international. Ainsi, les mesures nationales déjà fondées sur des normes internationales sont réputées justifiées. En revanche, en l'absence de ces dernières, elles doivent être fondées sur la base d'analyses des risques phytosanitaires.

L'évolution du rôle de la Convention, notamment ses relations complémentaires avec l'accord de 1994, devait donc être inscrite dans le texte même de la Convention.

Les amendements apportés à ce texte ont pour objet de permettre une adaptation aux évolutions récentes survenues dans le domaine de la santé des végétaux.

Ils instituent le secrétariat de la Convention et établissent comme organe directeur la commission des mesures phytosanitaires pour l'élaboration des normes en la matière. Un mécanisme de règlement des différends a été établi et les dispositions relatives à l'assistance technique ont été renforcées.

Par ailleurs, dans le nouveau texte, l'accent est mis sur la nécessité de coopération et d'échange d'informations entre les pays, et des dispositions ont été intégrées afin de permettre la mise en oeuvre de la certification électronique des envois de végétaux et produits végétaux.

La version révisée de la Convention aura pour effet de renforcer l'harmonisation des mesures phytosanitaires, les moyens des infrastructures et les capacités des organisations nationales de protection des végétaux, notamment dans les pays en développement.

Les pays de la Communauté européenne figurant parmi les plus gros importateurs de végétaux et produits végétaux, il importe donc que la sécurité phytosanitaire des marchandises entrant dans l'Union européenne soit assurée. En effet, la sécurité phytosanitaire des envois importés est un gage de maintien de cette sécurité sur le territoire national et sur le territoire communautaire. La France, pour sa part, importe ainsi chaque année environ 33 500 lots de végétaux et produits végétaux.

Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la Convention internationale pour la protection des végétaux telle qu'elle résulte des amendements adoptés le 17 novembre 1997 et qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Robert Del Picchia, en remplacement de M. Jean Puech, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la protection des végétaux contre la dissémination internationale d'organismes qui leur sont nuisibles n'est pas une préoccupation récente. En effet, comme le précise M. Jean Puech, au nom duquel je prends ce soir la parole, la première déclaration relative à ce problème date de 1889.

Toutefois, compte tenu à la fois des nouveaux moyens de communication, de transport des marchandises et de déplacement des personnes et de l'extraordinaire essor des échanges commerciaux internationaux, les risques de contamination des végétaux se sont considérablement accrus aujourd'hui.

C'est pourquoi, dès 1951, a été adoptée la Convention internationale pour la protection des végétaux, dont les objectifs initiaux étaient d'assurer une action commune et efficace pour prévenir la dissémination et l'introduction d'organismes nuisibles aux végétaux et produits végétaux.

Chaque Etat partie à la Convention établit une liste des organismes dits « de quarantaine » afin de protéger les végétaux sur leur territoire. Il s'agit des organismes susceptibles de provoquer des dommages majeurs aux productions agricoles, de mettre en péril l'appareil de production et, bien sûr, la compétitivité des exploitations.

En la matière, les exemples peuvent être tirés de l'histoire ou de l'actualité récente.

Parmi les exemples historiques, tout le monde connaît le phylloxéra, ou encore le mildiou de la pomme de terre. Plus récemment, nous pouvons citer le capricorne asiatique, ravageur majeur des arbres forestiers, la chrysomèle des racines du maïs, qui peut provoquer une perte de rendement de 80 %, ou le Tomato Yellow Leaf Curl Virus, ou TYLCV, qui est un virus de la tomate.

A ce jour, 350 organismes nuisibles de ce type sont répertoriés.

Les organisations nationales de protection des végétaux ont la responsabilité d'inspecter les végétaux faisant l'objet d'échanges internationaux. Leurs tâches principales sont donc la délivrance de certificats relatifs à la réglementation phytosanitaire de la partie contractante importatrice, l'inspection, la désinfestation ou la désinfection de ces végétaux.

A titre d'exemple, en France, il existe vingt-deux services régionaux de la protection des végétaux. Conjointement avec la direction générale des douanes, la direction générale de l'alimentation a établi une liste officielle des bureaux de douanes disposant de la « compétence phytosanitaire ».

Les produits visés par la Convention ne peuvent entrer sur le territoire qu'après une inspection systématique et rigoureuse de leur état sanitaire par les inspecteurs des services régionaux.

En 1994, l'accord sanitaire et phytosanitaire de l'OMC a désigné la Convention comme cadre pour l'harmonisation des mesures. Cela a conduit à l'approbation, notamment par la France, d'une série d'amendements dont les plus importants traitent des points suivants.

Il s'agit, tout d'abord, de l'accroissement de l'importance des organisations nationales de protection, qui sont responsables de la qualité des inspections et de la délivrance des certificats phytosanitaires. Ces tâches sont confiées à des fonctionnaires techniquement qualifiés et dûment autorisés par l'Organisation nationale de la protection des végétaux.

Il s'agit, ensuite, de l'établissement d'un organe directeur, à savoir la commission des mesures phytosanitaires, en raison de l'intérêt, pour tous les membres de l'OMC, de participer activement au travail d'élaboration des normes internationales.

Il s'agit, enfin, de l'institution d'un mécanisme de règlement des différends. C'est un point essentiel que vous avez souligné, madame la ministre.

Pour accéder à l'OMC, les Etats doivent supprimer leurs barrières tarifaires. Certains d'entre eux pourraient être tentés de les remplacer par des barrières phytosanitaires. Néanmoins, l'accord sanitaire et phytosanitaire de l'OMC, qui reconnaît la Convention comme convention normative, est un « garde-fou » efficace contre de telles réglementations non justifiées.

C'est pourquoi l'article 7 de la Convention précise que seules peuvent être instituées les interdictions ou restrictions d'importations techniquement justifiées et répondant à de réelles nécessités d'ordre phytosanitaire.

Tout manquement à ces principes fonde les Etats parties à porter plainte devant l'organe de règlement des différends de l'OMC, comme le prévoit l'accord sanitaire et phytosanitaire de cette organisation, conclu en 1994.

En conclusion, mes chers collègues, l'adoption de ces amendements à la Convention présente, pour la France et l'Union européenne, des avantages en ce qui concerne tant les importations que les exportations.

Tous les Etats membres de l'Union européenne sont en phase d'approbation de cette Convention.

Vous l'avez dit, madame la ministre, d'un point de vue économique, il convient de rappeler que les pays de la Communauté européenne, notamment la France, figurent parmi les plus gros importateurs de végétaux et produits végétaux.

L'approbation par la France de la Convention révisée ne pourra que contribuer à favoriser son activité en la matière.

En conséquence, au nom de la commission des affaires étrangères, je vous propose d'approuver la Convention internationale pour la protection des végétaux. (M. Philippe Richert applaudit.)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la 29ème session de la conférence de l'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la Convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la vingt neuvième session de la conférence de l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture le 17 novembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la 29ème session de la conférence de l'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
 

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Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, (ensemble deux annexes)
Discussion générale (suite)

Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, (ensemble deux annexes)
article unique (début)

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (ensemble deux annexes) (nos 250 (2003-2004), 19).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le traité du 6 juin 2002 a pour objet la conservation et l'utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, ainsi que, en harmonie avec la Convention sur la diversité biologique, le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation pour une agriculture durable et pour la sécurité alimentaire.

L'évolution depuis des millénaires des espèces vivantes, du fait de leur adaptation aux divers milieux dans lesquels elles se sont disséminées et de leur utilisation par l'homme pour satisfaire ses besoins dans les domaines de l'agriculture, de la médecine et de l'industrie, a donné naissance à une grande diversité biologique et génétique.

Les « ressources génétiques » ainsi constituées jouent un rôle essentiel pour le maintien des équilibres biologiques naturels et pour la satisfaction des besoins actuels et futurs de la société.

Rompant avec une longue tradition, qui qualifiait ces ressources génétiques de « patrimoine commun de l'humanité » et les laissait circuler librement, la Convention sur la diversité biologique, adoptée en 1992 lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro les a placées sous la souveraineté des Etats et a conditionné leur échange international à un partage, entre fournisseur et utilisateur, des avantages résultant de leur exploitation. Or les activités de conservation et de sélection végétales pour l'alimentation et l'agriculture s'accommodent mal de modes d'échange bilatéraux.

Le coeur du traité que nous examinons aujourd'hui est constitué par un système multilatéral d'accès facilité aux ressources génétiques et de partage des avantages découlant de leur utilisation, système qui définit des règles d'échange des ressources génétiques relevant du domaine public ou d'opérateurs privés. L'échange s'effectuera selon un accord type de transfert de matériel. Le partage des avantages est également mutualisé dans le cadre de ce système multilatéral.

Le traité réaffirme le principe de libre accès à la variabilité génétique, qui fonde la tradition de la sélection en Europe et le système de protection des obtentions végétales de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales. Il prévoit que ce système contribue à la conservation de la diversité génétique.

Par ailleurs, le traité reconnaît l'importance du rôle des agriculteurs dans ce domaine, et met l'accent sur la protection de leurs connaissances traditionnelles, sur leur participation aux décisions relatives aux ressources génétiques et sur les avantages découlant de leur utilisation.

La France a joué un rôle très actif dans la négociation de ce traité, qui s'avère, en effet, particulièrement important pour un pays dont le secteur des semences, utilisateur de ces ressources génétiques, est en pleine croissance et mobilise un grand nombre d'acteurs sur l'ensemble du territoire national. En matière de production de semences, la France occupe en effet le premier rang européen et le deuxième rang mondial, derrière les Etats-Unis, et elle est le troisième exportateur mondial.

L'importance du traité va au-delà des bénéfices escomptés en termes d'emploi ou d'exportation, puisqu'il contribue à l'indépendance des politiques agricoles et alimentaires françaises, à la préservation du patrimoine génétique et au renforcement des capacités de la recherche nationale dans le domaine des sciences de la vie.

Enfin, dans un contexte international tendu autour des problématiques de l'environnement et du commerce, il convient de souligner que le traité du 6 juin 2002 propose une articulation équilibrée des objectifs de conservation de la diversité biologique, de protection de l'innovation et de coopération Nord-Sud.

Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture a été adopté le 3 novembre 2001, dans le cadre de la Conférence de l'Organisation internationale des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, et signé le 6 juin 2002 par la Communauté européenne et les Etats membres de l'Union européenne.

Concrètement, qu'appelle-t-on « ressources phytogénétiques » ? Au risque, mes chers collègues, d'être un peu simplificateur, on peut dire que les ressources phytogénétiques sont, tout simplement, les semences ou les boutures, c'est-à-dire le matériel de reproduction utilisé pour ses propriétés héréditaires.

Les questions internationales qui se posent en matière de ressources génétiques concernent, principalement, leur conservation et les conditions de leur échange international. L'objet principal du traité sur les ressources phytogénétiques est donc d'assurer la conservation et l'utilisation durable des variétés élaborées au cours des siècles, selon des modes traditionnels de sélection.

En 1983, la conférence de la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, a adopté un engagement international sur les ressources phytogénétiques censé favoriser la prospection, la préservation, l'évaluation et la mise à la disposition de ces ressources auprès des sélectionneurs et des chercheurs. Cet engagement reposait, vous l'avez rappelé, madame la ministre, sur le principe universellement accepté conférant aux ressources génétiques le caractère de patrimoine commun de l'humanité.

Or, en mai 1992, la Convention sur la diversité biologique a, au contraire, posé le principe de la souveraineté des Etats sur leurs propres ressources et a privilégié l'objectif d'un partage juste et équitable des avantages provenant de l'exploitation des ressources phytogénétiques.

L'adoption de cette dernière convention a donc rendu nécessaire la révision de l'engagement international de 1983. Un régime spécifique, excluant les ressources phytogénétiques de la Convention sur la diversité biologique, est donc justifié : les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture sont en effet la base essentielle pour nourrir la population mondiale, en même temps que la matière première utilisée pour améliorer la qualité et la productivité des cultures. Ainsi, alors que nous réfléchissions sur ces problèmes lors d'une réunion de la commission des affaires étrangères, nous avons réalisé que nous mangerions tous, aujourd'hui, du chou sauvage si les ressources phytogénétiques ne s'étaient pas succédé au fil des siècles !

Les principales caractéristiques du traité sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture concernent tout d'abord, vous avez eu raison de le souligner, madame la ministre, les droits des agriculteurs.

A cet égard, le traité précise que rien ne doit limiter les droits que ces derniers peuvent avoir de conserver, d'utiliser, d'échanger et de vendre des semences de ferme ou du matériel de multiplication. Ainsi, les droits des agriculteurs font contrepoids aux droits à la protection de la propriété intellectuelle actuellement revendiqués par les industriels - je pense au problème des brevets - pour les créations variétales et les autres avancées du génie phytogénétique.

Par ailleurs, le traité institue un système multilatéral qui facilite l'accès aux ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture. A ce jour, la liste établie dans le traité comporte 35 plantes vivrières et 29 plantes fourragères retenues en raison de leur importance pour la sécurité alimentaire, puisqu'elles assurent 80 % des apports caloriques au niveau mondial. Notons que cette liste exclut notamment la vigne, la tomate et le soja.

L'accès facilité aux ressources incluses dans le système multilatéral est accordé lorsqu'il vise uniquement la conservation et l'utilisation à des fins de recherche, de sélection et de formation pour la sécurité alimentaire. Précisons que l'accès à ces ressources est exclu pour les utilisations chimiques et pharmaceutiques ou pour des utilisations industrielles non alimentaires et non fourragères.

Les modalités d'accès seront définies de façon détaillée sous la forme d'un ATM, un accord type de transfert de matériel.

Pour la France, les conséquences de ce traité sont bénéfiques. En effet, la tradition agricole de notre pays lui permet de posséder un potentiel important d'amélioration génétique pour l'agriculture et l'alimentation. Ce potentiel s'appuie notamment sur une très bonne organisation tant de la recherche que de la gestion de la diversité et de la sélection génétiques, organisation à laquelle participent de nombreux acteurs publics ou privés.

L'action de ces divers opérateurs français sera confortée par ce traité car, dans notre pays, la filière des semences, en pleine croissance, joue un rôle de premier plan.

Ainsi, l'ensemble de la production française représente 1,3 million de tonnes et un chiffre d'affaires de 1,72 milliard d'euros. Avec des exportations s'élevant, au total, à 503 millions d'euros, la France se place au troisième rang mondial.

En termes d'emplois, la filière des semences regroupe en France 90 établissements obtenteurs, soit plusieurs milliers de chercheurs et techniciens dans les organismes de recherche publique, 250 établissements multiplicateurs et 24 000 points de vente.

C'est pourquoi, mes chers collègues, j'estime qu'il est souhaitable que ce traité soit ratifié et je vous propose, au nom de la commission des affaires étrangères, d'adopter ce projet de loi.

Mme la présidente. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, (ensemble deux annexes)
article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'approbation du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, signé à Rome le 6 juin 2002 et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, (ensemble deux annexes)
 

12

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord international de 2001 sur le café (ensemble une annexe)
Discussion générale (suite)

Accord international de 2001 sur le café

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord international de 2001 sur le café (ensemble une annexe)
Art. unique (début)

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord international de 2001 sur le café (ensemble une annexe) (nos 277 (2003-2004), 19).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'aide au développement par le biais de la stabilisation du cours des produits de base est un concept qui a été mis en avant par la France dès le milieu des années cinquante. A ce titre, le premier accord sur le café a été mis en oeuvre en 1962.

L'accord international de 2001 s'inscrit donc dans le cadre de l'évolution du système des accords de produits de base, dispositif instauré dans les années soixante-dix, afin d'améliorer les termes de l'échange des pays en développement.

Après une période marquée par l'abandon, à la fin des années quatre-vingt, des politiques interventionnistes au niveau mondial, ce qui a laissé les petits producteurs livrés à eux-mêmes face aux exigences du marché, cette question a connu un nouvel essor.

En effet, le traitement des produits de base constitue le troisième volet de l'initiative pour le développement agricole de l'Afrique, présentée par le président Jacques Chirac en février 2003. De la même manière, il fait l'objet d'un vaste plan d'action mené par l'Union européenne ainsi que d'une attention particulière de la CNUCED, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, redevenant ainsi une priorité de l'agenda international.

Le secteur du café est la seule source de revenu pour des millions de paysans dans les pays en développement. Cette question revêt par conséquent une importance considérable pour l'économie de nombreux pays qui dépendent, dans une large mesure, de ce produit pour leurs recettes d'exportation et, par conséquent, pour la poursuite de leur programme de développement économique et social.

L'accord international de 2001 sur le café est né d'une prise de conscience : une étroite coopération internationale dans le domaine des échanges de café permettrait d'encourager la diversification de l'économie des pays producteurs et contribuerait ainsi, d'une part, à l'amélioration des relations politiques et économiques entre pays exportateurs et importateurs, et, d'autre part, à l'accroissement de la consommation.

Effectivement, tout déséquilibre entre la production et la consommation peut donner lieu à de fortes fluctuations des prix, qui sont préjudiciables au producteur comme au consommateur.

En ce sens, ce texte s'inscrit pleinement dans la stratégie de l'Union européenne, adoptée sous présidence française, qui fait figurer le lien entre le commerce et le développement parmi les six domaines prioritaires de nos relations avec les pays en développement.

Par ailleurs, afin de sortir de la crise et d'améliorer la situation actuelle, il a été jugé nécessaire d'encourager la mise en valeur des ressources productives, de maintenir et d'élever le niveau de l'emploi et des revenus dans l'industrie caféière des pays membres, et d'y obtenir des salaires équitables, un plus haut niveau de vie et de meilleures conditions de travail.

L'accord international sur le café, qui a été signé à Londres le 28 septembre 2000, définit six objectifs principaux.

Tout d'abord, il s'agit de promouvoir la coopération internationale sur les questions ayant trait au café et d'encourager les producteurs à développer une économie caféière durable.

Ensuite, l'accord fixe un cadre pour les négociations sur les moyens de réaliser un équilibre judicieux entre l'offre et la demande mondiales.

En outre, l'accord instaure une instance de consultation avec le secteur privé sur les questions liées au café.

Par ailleurs, il facilite l'extension et la transparence du commerce international du café.

Il organise aussi le recueil, la diffusion et la publication de renseignements économiques et techniques, de statistiques et d'études sur le café.

Enfin, il vise à promouvoir la qualité du café, par le biais de programmes de formation et d'information, afin de contribuer au transfert des technologies appropriées dans ce domaine.

Toutefois, il convient de noter que cet accord de 2001 ne comporte pas de stocks « régulateurs », comme il en existait autrefois dans d'autres accords sur les produits de base. En effet, les volumes de marchandises échangés sur les bourses de Londres et de New York ne permettent plus à un tel instrument de stabiliser les cours.

A l'instar des accords précédents sur le café, l'accord de 2001 vise principalement à promouvoir la coopération internationale dans le domaine de la production et de la commercialisation de ce produit.

Il est de l'intérêt politique, diplomatique et commercial de la France de favoriser cette coopération qui concerne au premier chef des pays de l'Afrique francophone, pour lesquels le café représente l'une des principales, sinon la principale exportation source de devises, et dont la production continue d'employer une main-d'oeuvre très nombreuse.

Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle ce projet de loi autorisant l'approbation de l'accord international de 2001 sur le café qui est aujourd'hui soumis à votre approbation.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le café, production tropicale par excellence puisqu'il doit être cultivé dans des régions exemptes de gel, représente une source essentielle de revenus, de devises et d'emplois pour de nombreux pays en développement.

Vous avez évoqué, madame la ministre, l'accord international de 1962. Depuis la disparition du système mis en place sur la base de cet accord, le marché mondial du café, libéralisé, souffre de surproduction, de détérioration de la qualité et d'une stagnation de la consommation.

Voilà dix ans, la livre de café valait 120 cents sur le marché international ; aujourd'hui, elle s'élève à 50 cents, alors que le niveau de vie a augmenté. Et, dans le même temps, le prix du café vendu pour la consommation s'est accru dans le monde entier.

Mes chers collègues, grâce à ces quelques chiffres, vous pouvez comprendre l'importance de cet accord.

Le secteur caféier traverse une crise aussi grave que durable : les revenus des pays producteurs sont passés de 12 milliards de dollars dans les années quatre-vingt à 5 milliards de dollars aujourd'hui.

La consommation, relativement stable, est concentrée en Europe et en Amérique du Nord, même si des tentatives ont été faites pour créer de nouveaux marchés, par exemple en Chine ou en Russie.

La consommation n'évolue pas en fonction des prix payés aux producteurs, qui ne reçoivent, en effet qu'environ 6 % de la valeur d'un paquet de café vendu dans un supermarché ou une épicerie.

L'effondrement des prix payés aux producteurs a également eu pour conséquence une dégradation de la qualité des soins apportés aux plants et aux récoltes, avec un impact cumulatif sur la baisse des prix, laquelle a des conséquences non seulement sociales et économiques, mais aussi environnementales.

Adopté dans ce contexte de crise, l'accord international de 2001, signé à Londres le 28 septembre 2000 au siège de l'Organisation internationale du café, vise à promouvoir un nouvel équilibre du marché, en développant la coopération internationale sur les questions ayant trait au café et en favorisant la diversification de l'économie des pays producteurs.

L'Organisation internationale du café centralise les informations liées à ce produit. Elle favorise les études et les recherches sur l'économie du café, ainsi que la coopération entre Etats pour en assurer la promotion.

Toutefois, en l'absence de mécanisme régulateur de l'offre sur les marchés, l'Organisation internationale du café ne peut que promouvoir des actions sur la demande, en cherchant à développer la consommation. Elle cherche aussi, bien sûr, à promouvoir une meilleure qualité des produits.

Le plan proposé par l'Organisation obligerait également les grands torréfacteurs à se procurer au moins 2 % de leurs achats sur le réseau du commerce équitable.

Ce projet est difficile à appliquer, dans la mesure où l'Organisation, ne disposant pas de ressources propres, doit mobiliser celles d'autres acteurs. Les intérêts parfois divergents des pays producteurs font donc aussi obstacle à l'émergence d'un consensus.

Pour enrayer la crise, certaines ONG soulignent la nécessité de détruire 5 millions de sacs de café de moindre qualité.

A plus long terme, l'Organisation vise l'équilibre du marché, en encourageant les producteurs à ne pas accroître l'offre et à exporter des produits à plus forte valeur ajoutée, c'est-à-dire du café de qualité qui se vendrait plus cher.

Actuellement, très peu d'activités de transformation et d'emballage ont lieu dans les pays producteurs, qui ne bénéficient, par conséquent, que d'une infime partie de la valeur potentielle du grain de café.

En conclusion, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les mécanismes d'intervention sur les marchés des produits tropicaux ont montré leurs limites, mais le régime qui leur a succédé n'est pas non plus satisfaisant puisqu'il ne permet pas d'atteindre un équilibre par les prix. D'autres types d'action sont donc nécessaires.

L'Organisation internationale du café permet de dégager des consensus et d'apporter un début de solution à une crise qui doit mobiliser tous les intervenants sur le marché du café. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

Mme la présidente. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord international de 2001 sur le café (ensemble une annexe)
Art. unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord international de 2001 sur le café (ensemble une annexe), adopté à Londres le 28 septembre 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Art. unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord international de 2001 sur le café (ensemble une annexe)
 

13

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-825 du 19 août 2004 relative au statut des immeubles à usage de bureaux et des immeubles dans lesquels est effectué le contrôle technique des véhicules et modifiant le code du domaine de l'Etat (partie législative).

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 63, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

14

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi complétant la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 59, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. Roland Courteau une proposition de loi tendant à lutter contre les violences conjugales par un dispositif global de répression, de prévention et d'aide aux victimes.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 62, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

15

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2759/75, le règlement (CEE) n° 2771/75, le règlement (CEE) n° 2777/75, le règlement (CE) n° 1254/1999, le règlement (CE) n° 1255/1999 et le règlement (CE) n° 2529/2001 en ce qui concerne les mesures exceptionnelles de soutien du marché.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2746 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil portant modification des règlements (CEE) n° 3906/1989, (CE) n° 1267/1999, (CE) n° 1268/1999 et (CE) n° 2666/2000, afin de prendre en considération le statut de candidat de la Croatie.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2747 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et la Principauté de Monaco prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 sur l'imposition des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts et à l'approbation ainsi qu'à la signature de la Déclaration d'Intention qui l'accompagne. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Principauté de Monaco prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2748 et distribué.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT

Mme la présidente. J'ai reçu de MM. Alain Vasselle, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (n° 53, 2004 2005).

Le rapport sera imprimé sous le n° 57 et distribué.

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DÉPÔT D'UN avis

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Jean-Jacques Jegou un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (n° 53, 2004 2005).

L'avis sera imprimé sous le n° 58 et distribué.

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ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 16 novembre 2004 :

A neuf heures trente :

1. Dix-sept questions orales.

A seize heures et le soir :

2. Discussion du projet de loi (n° 53, 2004-2005) de financement de la sécurité sociale pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Rapport (n° 57, 2004-2005) de MM. Alain Vasselle, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales

Avis (n° 58, 2004-2005) de M. Jean-Jacques Jegou, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 novembre 2004, à dix-sept heures ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat sur l'assurance maladie : mardi 16 novembre 2004, à dix-sept heures ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat sur les accidents du travail et les maladies professionnelles : mardi 16 novembre 2004, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 15 novembre 2004 à seize heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD