PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Art. additionnels après l'art. 53 (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale

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Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, dispose chacun de deux minutes trente. J'invite chacun à respecter le temps de parole qui lui est imparti.

causes de l'augmentation de la fiscalité locale

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.

M. Josselin de Rohan. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'intérieur.

Depuis le mois d'avril, plusieurs collectivités locales, singulièrement la région et le département, ont entrepris de faire procéder à des audits financiers.

L'un des buts de ces audits est de faire ressortir qu'une augmentation éventuelle de la fiscalité locale dans des délais très proches serait imputable...

M. René-Pierre Signé. A votre décentralisation !

M. Josselin de Rohan. ...aux transferts de compétence qui sont intervenus depuis le vote de la loi de décentralisation.

M. Paul Raoult. Vous êtes responsables !

M. Josselin de Rohan. Or, depuis le mois de mars dernier, un certain nombre de décisions ont été prises par les collectivités que je viens de mentionner.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme la Bretagne !

M. René-Pierre Signé. Bel exemple !

M. Josselin de Rohan. Ces décisions se traduisent, dans une région comme la Bretagne (Ah ! sur les travées du groupe socialiste), par la gratuité des livres scolaires, des boites à outils, des gilets de sauvetage dans les lycées maritimes,...

M. Alain Dufaut. Des préservatifs !

M. Josselin de Rohan. ...par le recrutement d'un grand nombre de fonctionnaires au conseil régional,...

M. René-Pierre Signé. Vous avez été battu !

M. Paul Raoult. Mauvais perdant !

M. Josselin de Rohan. ...ou par la mise en place de diverses agences qui créeront, elles aussi, des emplois publics.

Dans ces conditions, la hausse des impôts locaux n'est pas imputable à la décentralisation.

M. Henri de Richemont. Il a raison !

M. René-Pierre Signé. Et les personnels TOS !

M. Josselin de Rohan. Le SDIS, c'est le gouvernement Jospin ! L'APA, c'est le gouvernement Jospin ! La sortie des emplois-jeunes n'était pas financée quand les collectivités locales en ont hérité !

M. Jacques Blanc. Il a raison !

M. Paul Raoult. Vous avez baissé les impôts !

M. Josselin de Rohan. Les 35 heures, c'est encore le gouvernement Jospin !

M. René-Pierre Signé. Et le chômage qui augmente ?

M. Josselin de Rohan. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous demander à la direction générale des collectivités locales d'établir un bilan...

M. René-Pierre Signé. Il a été fait par les électeurs !

M. Josselin de Rohan. ...des hausses de fiscalité intervenues dans les collectivités locales entre 2002 et 2004...

M. Jacques Blanc. Le record, c'est le Languedoc-Roussillon !

M. Josselin de Rohan. ...afin que l'on puisse imputer à chacun la part qui lui revient ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. René-Pierre Signé. A la porte les mauvais gestionnaires !

M. Paul Raoult. Ceux qui ont été battus !

M. Alain Gournac. A vous aussi, cela vous arrivera !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. René-Pierre Signé. Il a été battu aussi !

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur de Rohan, la réponse est oui ! Je suis bien entendu à votre disposition pour le faire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Il y a un mot auquel les Français sont très attachés, c'est le mot « transparence ». La transparence est cette idée simple selon laquelle on dit ce qu'on fait et on fait ce qu'on dit.

M. Jean-Marc Todeschini. Comme en Polynésie ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Depuis le mois de mars, nous avons tenu nos engagements en matière de décentralisation.

Nous nous étions engagés à prévoir un dispositif d'autonomie financière pour les collectivités locales, c'est fait ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Nous nous étions engagés à mettre en place un système qui garantisse que les transferts de compétence de l'Etat aux collectivités locales soient assurés à l'euro près.

M. René-Pierre Signé. Pas l'année d'après !

M. Paul Raoult. Et le RMI ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur tous ces sujets, nous avons prévu des dispositifs pour assurer la transparence. Je pense notamment à la commission d'évaluation des charges, dont vous serez membres, messieurs de l'opposition.

M. Jean-Marc Todeschini. Il y a des femmes aussi !

M. René-Pierre Signé. C'est vous l'opposition dans les régions, maintenant !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cette commission permettra à chacun de connaître le coût exact de la décentralisation et la manière dont elle est financée. Les régions n'auront absolument pas besoin d'augmenter les impôts pour financer la décentralisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Blanc. C'est l'impôt socialiste !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je suis un peu étonné que la gauche s'oppose à une décentralisation qui, finalement, s'inspire très largement de ce qu'a préconisé M. Mauroy en l'an 2000. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas la même !

Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas une décentralisation, monsieur le ministre, c'est un transfert de charges !

M. René-Pierre Signé. Et c'est le président du Sénat qui le dit !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous avons même veillé à ce que ne puissent plus jamais se reproduire des précédents aussi fâcheux que les 35 heures imposées d'en haut aux collectivités ou l'allocation personnalisée d'autonomie imposée aux départements sans financement suffisant.

Je me suis dit : si la gauche y est opposée, c'est peut-être parce qu'il y a d'autres raisons. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et je les ai trouvées ! La réponse figure dans les programmes électoraux des présidents de région de gauche.

Pour financer la gratuité des ordinateurs et des livres scolaires ainsi que, dans un certain nombre de régions, toute une série de mesures qui n'étaient pas prévues, il va falloir augmenter les impôts.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dans quelques semaines, l'examen des budgets régionaux sera l'occasion d'une belle heure de vérité, monsieur de Rohan. Nous les regarderons de très près, et ce sera l'occasion, pour les uns et les autres,...

Mme Nicole Borvo. Et pour les mécontents !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...de savoir qui fait quoi et qui paie quoi.

Pour ma part, je ne laisserai personne faire croire que, alors qu'elle est financée, la décentralisation est source d'augmentation d'impôts.

Mme Nicole Borvo. C'est pourtant la vérité !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Au besoin, on pourra parler d'impôt Ségolène Royal ou d'impôt Jean-Paul Huchon...

M. Jacques Blanc. Et d'impôt Frêche !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...quand il va financer 10 000 emplois-jeunes, mais certainement pas d'impôt de décentralisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo. J'espère que vos maires vous croient !

M. Paul Raoult. Et les comptes du RMI !

M. René-Pierre Signé. Le président du Sénat est avec nous !

situation en polynésie française

M. le président. La parole est à M. Louis Le Pensec.

M. Louis Le Pensec. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'outre-mer, sous le regard de la délégation polynésienne de la majorité plurielle, que je salue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Madame la ministre, en Polynésie française, par-delà le calme relatif, l'état de crise est avéré. Lorsque deux présidents occupent deux palais différents et clament tous deux leur légitimité,...

M. Christian Cointat. Il n'y a qu'un seul président !

M. Louis Le Pensec. ...il est permis de dire que l'on est en présence d'un blocage des institutions.

M. Dominique Braye. Vous bafouez l'état de droit !

M. Louis Le Pensec. Il faut dire qu'une bonne partie de la majorité du Sénat a pris toute sa part dans le dévoiement des procédures démocratiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Le discours selon lequel les institutions fonctionnent normalement ne convainc personne.

M. Louis Le Pensec. Le parallélisme des formes, auquel vous dites vous tenir, madame la ministre, dans le traitement réservé aux deux délégations polynésiennes n'est qu'une façade.

Qui peut croire, dans ce dossier, à la thèse, que vous proclamez, de l'Etat arbitre ? Depuis trop longtemps, tant à l'Elysée que Rue Oudinot, on a abandonné cette posture pour celle de chefs de clan. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Croyez-vous réellement à ce que vous dites ?

M. Dominique Braye. On ne s'appelle pas Mitterrand !

M. Louis Le Pensec. Cinq années d'exercice de l'éminente responsabilité de ministre des départements et territoires d'outre-mer m'autorisent à dire que ni le Président de la République ni la ministre de l'outre-mer n'agissent selon une éthique républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Blanc. Vos propos ne sont pas acceptables !

M. Josselin de Rohan. Ils sont même scandaleux !

M. Louis Le Pensec. L'appel, hier, du Président de la République au respect de la légalité républicaine est aussi tardif qu'ambigu. Y a-t-il d'ailleurs encore place pour une réponse juridique à cette crise ? II y a en tout cas une réponse politique : redonner la parole au peuple.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Le Pensec.

M. Louis Le Pensec. Monsieur le président, j'ai été interrompu. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Madame la ministre, prenez garde qu'après une victoire électorale confisquée et une volonté d'alternance bafouée, l'accumulation des rancoeurs n'enclenche un processus difficilement maîtrisable.

M. le président. Posez votre question ou je coupe le micro !

M. Louis Le Pensec. Le Président de la République devrait se souvenir que, par manque d'impartialité de l'Etat et d'égale considération pour tous les élus,... (La question ! sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Votre question !

M. Jean-Pierre Bel. On l'empêche de parler !

M. Louis Le Pensec. ...c'est une mission du dialogue qui fut dépêchée dans un autre territoire pour y rétablir la paix civile.

Madame la ministre, allez-vous faire en sorte que cette délégation ne soit pas venue pour rien à Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Monsieur le sénateur, vous avez exercé, il y a quelques années, les fonctions que j'ai l'honneur d'assumer aujourd'hui.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pendant cinq ans !

M. René-Pierre Signé. Et avec succès !

M. le président. Veuillez écouter Mme la ministre ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. Il faut être impartial, monsieur le président !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Vous avez vécu, vous aussi, des crises politiques en Polynésie française et des situations analogues à celle que nous connaissons aujourd'hui.

Je vous rappelle que M. Alexandre Léontieff est arrivé au pouvoir après l'adoption d'une motion de censure, qui a renversé la majorité de M. Flosse. Il s'est maintenu au pouvoir jusqu'en avril 1991 avec une seule voix de majorité. A cette époque, vous étiez ministre des départements et territoires d'outre-mer, et vous n'avez pas jugé nécessaire de dissoudre l'assemblée territoriale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je ne ferai aucun commentaire sur M. Alexandre Léontieff, que vous avez soutenu parce qu'il était opposé à M. Flosse, et qui a successivement été au RPR, à l'UDF, au Tavini huiraatira, parti indépendantiste de M. Temaru, avant d'être condamné à une peine de prison pour corruption. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Frimat. Ce n'est pas la question !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et Vercingétorix ?

Mme Nicole Borvo. Ce sont les Polynésiens qui jugent ! La parole au peuple polynésien !

Mme Brigitte Girardin, ministre. En 1992, monsieur Le Pensec - vous étiez toujours ministre des départements et territoires d'outre-mer -, vous avez vécu une situation de blocage. Pendant neuf mois - neuf mois ! -, le président de l'assemblée a empêché l'assemblée territoriale de siéger, et elle a dû aller se réunir au Conseil économique et social.

Mme Nicole Bricq. La réponse !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Vous n'aviez pas jugé utile, là non plus, de dissoudre l'assemblée territoriale, car vous ne considériez pas qu'il y avait un blocage des institutions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Et il veut donner des leçons !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Monsieur Le Pensec, nous pouvons être au moins d'accord sur un point : en France, il n'y a pas un état de droit qui arrange et un état de droit qui dérange. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Croyez bien que le Gouvernement auquel j'appartiens n'a nullement la volonté d'empêcher les Polynésiens de retourner aux urnes. Nous voulons simplement qu'ils s'y rendent sur une base légale.

Mme Catherine Tasca. Bonne nouvelle !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Je n'ai cessé de dire qu'il convenait d'attendre que le Conseil d'Etat juge de la validité des élections du 23 mai.

J'ai appris hier que M. Temaru lui-même, (Mme la ministre montre un document) -- je tiens ce document à votre disposition - conteste désormais la légitimité et la légalité du scrutin du 23 mai. En effet, il vient de s'associer au recours de M. Flosse demandant l'annulation des élections dans la circonscription des Iles du Vent. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Il reconnaît donc que des pressions graves ont été exercées sur les électeurs dans les bureaux de vote tenus par vos amis indépendantistes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas à la hauteur !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes face à une première. Il n'existe en effet aucun précédent dans l'histoire du contentieux électoral français de voir un élu demander l'annulation de sa propre élection en reprenant à son compte l'argumentation de son adversaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean-Marc Todeschini. Vous n'avez pas répondu !

Plusieurs sénateurs socialistes. Démission ! Démission !

Prime de Noël pour les titulaires du RMI

M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.

M. Jean-Léonce Dupont. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.

La loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité a confié au département la gestion du RMI.

Comme nous l'avions souligné lors de l'examen de ce texte, la réforme en question doit être jugée à l'aune de son financement. Il ne peut y avoir de transfert de compétences sans transfert financier suffisant pour faire face aux charges nouvelles. Aussi avions-nous mis en évidence le laconisme du projet de loi s'agissant des dispositions financières.

Les premières conséquences de la non compensation intégrale de la décentralisation du RMI risquent de se faire jour à l'occasion des fêtes de Noël.

M. René-Pierre Signé. Il s'agit de la décentralisation Raffarin !

M. Jean-Léonce Dupont. Depuis quelques années, l'Etat verse aux bénéficiaires du RMI une prime exceptionnelle pour Noël.

M. Paul Raoult. L'Etat ne peut pas la payer !

M. Jean-Léonce Dupont. Or, comme l'a précisé le préfet du Calvados dans un courrier en date du 21 octobre dernier adressé à la présidence du conseil général, « cette prime exceptionnelle de Noël [...] est juridiquement distincte de l'allocation de RMI.

M. Daniel Raoul. Absolument !

M. Jean-Léonce Dupont. Son coût n'entre donc pas dans le périmètre de la compensation financière déterminé et organisé dans le cadre du transfert de compétence ».

M. Paul Raoult. Il a raison !

Mme Nicole Borvo. Que dites-vous monsieur Copé ? Votre majorité n'est pas unanime !

M. Jean-Léonce Dupont. Pour un département comme le Calvados, la dépense pourrait s'élever à environ 2 millions d'euros, soit plus d'un point de fiscalité.

M. René-Pierre Signé. Raffarin l'avait ignoré !

M. Jean-Léonce Dupont. Dans l'état actuel du droit, les choses doivent être précisées.

De deux choses l'une : ou bien la prime a été décentralisée avec le reste du RMI ou elle ne l'a pas été. Si la prime de Noël n'a pas été décentralisée avec le reste du RMI - et le fait qu'elle soit exclue du périmètre de la compensation intégrale le laisse penser -. dites-nous, madame la ministre, si l'Etat a l'intention d'octroyer une prime aux allocataires du RMI, comme les autres années.

En revanche, si la prime de Noël a été décentralisée avec le reste du RMI, comment comptez-vous compenser cette charge nouvelle des départements ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste. - M. Jacques Pelletier applaudit également.)

Mme Nicole Borvo. Monsieur Copé, on ne vous entend plus !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur Jean-Léonce Dupont, je vous ai écouté avec la plus grande attention.

Pour répondre à vos interrogations, je rappelle que, depuis 1999, la prime exceptionnelle, dite « prime de Noël », est versée par l'Etat aux bénéficiaires du RMI, de l'allocation spéciale de solidarité et de l'allocation d'insertion.

Il s'agit là d'un geste en faveur de nos concitoyens les plus en difficulté à un moment de l'année où le mot « solidarité » revêt un caractère tout à fait particulier.

Il convient néanmoins que cette prime demeure ce qu'elle est depuis son origine, à savoir une aide exceptionnelle de fin d'année dont l'opportunité doit être reconsidérée tous les ans. Comme les années précédentes, cette question sera donc étudiée cette année.

Cette prime, vous l'avez souligné, n'est pas une allocation de RMI. A ce titre, elle n'a pas été prise en compte dans le périmètre de la compensation financière versée aux départements dans le cadre de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI et créant un RMA.

M. Jacques Mahéas. Comme c'est gentiment dit !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Au-delà d'un geste de fin d'année envers nos concitoyens les plus démunis, le Gouvernement entend apporter des réponses durables pour accompagner les bénéficiaires des minima sociaux vers une insertion durable.

Les contrats d'avenir sont un outil essentiel pour atteindre cet objectif. Ils font l'objet de mesures actuellement en discussion au sein de votre Haute Assemblée, dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Dans ce domaine, monsieur le sénateur, la priorité du Gouvernement est bien de rompre définitivement avec la logique d'assistance pour redonner la dignité d'un travail aux centaines de milliers de personnes qui aujourd'hui sont laissées en marge de la société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jacques Mahéas. Est-ce que l'Etat paye ? Telle est la question !

politique de l'emploi (usine en difficulté en Isère)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Ma question, qui porte sur la politique de l'emploi, s'adresse à M. le Premier ministre, car il s'agit d'une question centrale pour toute activité gouvernementale.

Ce n'est pas la première fois que des sénateurs communistes vous interpellent sur ce point. Toutefois, je vous demande de nous répondre réellement, sans faire référence à l'éternelle recherche de compétitivité, au coût du travail, ou encore aux charges excessives. Pouvez-vous nous exposer votre vision de l'avenir industriel en France et de la politique de l'emploi, si bien sûr vous en avez une ?

Depuis deux ans, vous nous affirmez que le chômage va baisser. Il continue inexorablement de progresser, de s'incruster dans la société française, en véritable cancer social. La précarité, qui nourrit l'appauvrissement, l'accompagne. Trois millions de chômeurs, plus de dix millions de salariés en situation précaire, cela nécessite une politique volontariste, un engagement des pouvoirs publics sans précédent.

Trois exemples pris au sein de mon groupe sont significatifs.

Le premier concerne le Pas-de-Calais. M. Yves Coquelle me rappelait la suppression de 10 000 emplois résultant des délocalisations industrielles : 4 000 en 2003 et 6 000 en 2004.

Allez-vous, au-delà des incantations ou des constats attristés prendre des mesures concrètes ? Allez-vous taxer les produits réimportés en France après une délocalisation ? Que pensez-vous de cette mesure de bon sens, réaliste et applicable rapidement ?

Michelle Demessine m'a fourni le deuxième exemple : Arc International, qui vient d'annoncer 2 640 licenciements.

Que pensez-vous de cette contradiction incroyable : d'une part, l'établissement d'Arques propose le départ en préretraite des salariés de plus de 55 ans et, d'autre part, vous reculez l'âge de départ à la retraite ?

Mme Annie David. Cet exemple montre bien que reculer l'âge du départ à la retraite est contreproductif en matière d'emploi et alourdit les charges publiques.

Enfin, troisième exemple, lorsque j'ai évoqué, ici même, le cas de l'entreprise STAHL en Isère, qui ferme son site à Saint-Clair-du-Rhône et licencie 149 personnes pour satisfaire un fonds de pension américain, il m'a été répondu qu'elles obtiendront huit mois de congés de reclassement grâce à la loi Borloo.

Mais que faites-vous pour que l'emploi soit sauvegardé ? L'Etat, la puissance publique n'est-elle plus pour vous qu'un simple spectateur des ravages d'un libéralisme sans frein, un simple infirmier social ? Ou bien, à l'instar de ce qui a fait la force de notre pays durant plusieurs décennies, considérez-vous toujours l'Etat comme un acteur déterminant d'une politique industrielle offensive, seule garantie d'une amélioration de la situation de l'emploi, ce qui nécessite des mesures concrètes, urgentes que vous ne prenez pas ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Madame David, vous vous demandez si l'Etat est spectateur. Vous avez pu voir hier que l'Etat était acteur...

M. René-Pierre Signé. Oui, mais nuisible !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...puisque vous étiez même présente au début de la réunion qui a eu lieu au cabinet du ministère délégué aux relations du travail.

C'est tout simplement parce que l'entreprise STAHL connaît des difficultés, un blocage en son sein, que Jean-Louis Borloo a rencontré ses salariés le 2 septembre dernier. Hier, d'ailleurs sur l'initiative du député M. Jacques Remiller, nous avons reçu les représentants du personnel de l'entreprise STAHL pour tenter de trouver une solution au travers des moyens de l'Etat et pour renouer le fil d'un dialogue social interrompu, le 29 octobre dernier, par la prise en otage du directeur de l'usine pendant trente heures ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Annie David. Il s'agissait d'une invitation, et non d'une prise d'otage. Vous le savez, il vous l'a dit lui-même.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce type d'actions ne constitue pas un élément majeur du dialogue social.

Madame le sénateur, en liaison avec notre collègue néerlandais Aart Jan De Geus, nous avons créé les conditions pour que, demain, se tienne une réunion constructive, pour que le dialogue social reprenne et pour trouver les meilleures solutions d'un plan social dans l'intérêt des salariés.

Quant à notre politique industrielle, Sagem-Snecma en constitue un exemple, l'exemple d'une volonté !

Mme Annie David. Ce n'est pas la question !

MM. Roland Muzeau, Robert Hue et Yves Coquelle. Et la privatisation de la Snecma ?

Mme Nicole Borvo. Et celle des aéroports ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le texte sur les mutations économiques dont nous allons débattre à partir de ce soir est également le signe d'une politique économique et industrielle.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Vous devriez avoir, comme nous, la volonté de vous battre pour l'emploi, pour que nos concitoyens puissent en retrouver le chemin. Je ne doute pas que, demain, vous voterez le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste - Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Dominique Braye. Ils se croient toujours à Moscou !

M. Paul Raoult. C'est la commedia dell'arte !

réseau de la poste en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, représenté au banc du Gouvernement par M. Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.

Le 23 octobre, à Guéret, dans la Creuse, 260 élus locaux, dont 28 maires, ont démissionné de leur mandat pour protester contre la fermeture d'une dizaine de perceptions, fermeture décidée à leur insu et avec une brutalité extrême. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Oui, mes chers collègues, je dis bien « une brutalité extrême ».

Le 8 novembre, devant la même menace, les mairies des cantons de Roujan et Servian, dans l'Hérault, fermeront au public, en signe de protestation.

Un peu partout, dans les départements, des conflits naissent entre La Poste et les municipalités, car l'entreprise publique veut transférer au secteur privé ou aux communes le poids de son réseau.

D'ailleurs, M. le Premier ministre, lui-même, s'en est ému, dès septembre, et 6 000 communes ont délibéré pour protester contre de telles fermetures.

Il faut y ajouter, quoi qu'il en ait été dit tout à l'heure, le transfert non compensé des compétences aux collectivités. Il y a désormais le risque d'un divorce entre l'Etat et les collectivités, et déjà chemine l'idée d'une grève administrative généralisée pour obliger le Gouvernement à respecter la légitimité des élus.

D'où ma première question : êtes-vous enfin prêt, monsieur le secrétaire d'Etat, à engager un vrai dialogue avec les dix associations nationales d'élus locaux qui ont signé, sur mon initiative et en présence de M. le président du Sénat, que je remercie, le manifeste pour des services publics équitables et performants ?

M. Paul Raoult. Il est bien le président !

M. René-Pierre Signé. Il va prendre sa carte au PS !

M. Gérard Delfau. La Poste connaîtra, par étapes, de 2006 à 2009, la fin du monopole du courrier. Pour maintenir sa présence territoriale, elle a besoin que l'entrée des opérateurs privés soit encadrée de règles strictes et il faut qu'elle puisse créer un établissement financier de plein exercice.

Une voix à droite. Litanie !

M. Gérard Delfau. Tel est l'objet notamment du projet de loi de régulation postale qui a été discuté au Sénat en janvier. Pouvez-vous nous assurer que le Premier ministre va inscrire ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avant la fin de cette année, puisqu'il en a le pouvoir et le devoir ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le sénateur, je réponds par l'affirmative à la dernière question que vous avez posée : le texte sera inscrit à l'ordre du jour.

M. Gérard Delfau. Quand ? Avant la fin de l'année ?

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. D'une façon plus générale, s'agissant de la question des services publics, vous avez évoqué les perceptions. Cela m'a permis de me souvenir d'un département que je connais bien : l'Indre. Depuis vingt ans, six perceptions rurales y ont été fermées : cinq d'entre elles sous un gouvernement de gauche, une seule sous un gouvernement de droite. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yves Coquelle. Ce qui arrive ne va pas être triste !

Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas la peine d'en fermer une de plus !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Cela montre bien que nous sommes confrontés à une évolution, à une nécessaire adaptation, à laquelle tous les gouvernements doivent faire face et qu'ils doivent gérer avec un souci de concertation mais également avec pragmatisme.

C'est en tout cas la volonté de ce Gouvernement. En 2003, il a signé un accord national avec les quinze grands opérateurs nationaux de service public, notamment en territoires ruraux. Cela a permis de mettre en place quatre expériences pilotes dans quatre départements différents pour mieux évaluer l'offre et trouver des solutions adaptées.

Sur la base d'un amendement sénatorial, la concertation a été inscrite et renforcée dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. L'Assemblée nationale, en deuxième lecture, vient d'ailleurs de conforter cet élément en donnant au président du conseil général un rôle éminent pour susciter la concertation qui doit être conduite par le préfet.

Vous le voyez, nous devons agir dans la transparence et toujours rechercher plus de concertation mais avec pragmatisme.

S'agissant de La Poste, son président s'est engagé solennellement à maintenir les 17 000 points de contact dans les départements et territoires ruraux.

M. René-Pierre Signé. Chez l'épicier ou au bistrot !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Cela se fait - mais vous le savez bien puisque cela se faisait auparavant - avec pragmatisme.

J'attire votre attention sur le fait suivant : confier le service postal à un commerçant de proximité - et Dieu sait s'ils ont un rôle important dans nos territoires ruraux ! -, c'est aussi étendre les horaires d'ouverture et conforter ce commerce.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et s'il ferme boutique ?

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement entend continuer avec détermination dans la voie de la concertation.

Je vous rappelle également que, dans le cadre de la loi postale, un fonds de péréquation va permettre de conforter cette politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le « Contrat pour 2005 » fixant la feuille de route du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Contre toute attente, je n'évoquerai pas le vin aujourd'hui, me réservant pour plus tard. (Rires.) Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement.

Monsieur le ministre, nous sommes parvenus à la moitié de la législature,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sauf dissolution !

M. Gérard César. ...un bilan s'impose.

M. René-Pierre Signé. Il a été fait !

M. Paul Raoult. Il a été fait aux régionales !

M. Gérard César. Le Gouvernement a tenu la feuille de route tracée par le Président de la République.

Mme Nicole Bricq. La question n'est pas téléphonée ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard César. Malgré la conjoncture difficile, vous avez su tenir bon et engager des réformes nécessaires pour le pays qui n'avaient que trop tardé, en raison du manque de courage politique de vos prédécesseurs ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Marc Todeschini. Les questions sont écrites, maintenant !

M. Gérard César. Je pense bien entendu à la réforme des retraites et à celle de l'assurance maladie, à la décentralisation, dont le financement est désormais garanti par la Constitution.

Mme Nicole Borvo. Dites-le aux maires de votre département !

M. Gérard César. Je pense également à l'augmentation de la prime pour l'emploi, au nouveau départ offert à nos concitoyens surendettés grâce à la loi Borloo, aux 170 000 contrats jeunes en entreprise et aux quelque 250 000 jeunes qui seront en contrat d'activité dès l'année prochaine.

M. René-Pierre Signé. Pourquoi les Français ne comprennent-ils pas ?

Mme Nicole Bricq. La question !

M. Gérard César. Je pense encore à la baisse historique de la délinquance et des accidents de la route, à la volonté de mettre en place le plan dépendance, à la loi sur la laïcité ou à la réforme de la double peine.

Mais nous ne sommes qu'à la moitié du gué...

Mme Nicole Borvo. On est bien bas !

M. Gérard César. ...et il reste encore beaucoup à faire ! Monsieur le ministre, nous aimerions connaître les grands axes que le Gouvernement se fixe pour l'année 2005...

M. René-Pierre Signé. Il n'en a pas !

M. Gérard César. ...afin d'offrir à nos compatriotes une plus grande lisibilité de l'action gouvernementale à venir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. René-Pierre Signé. Conseiller régional !

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur César,...

M. Bernard Frimat. Il est surpris par la question ! (Rires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Petit flash-back à l'attention des socialistes qui auraient la mémoire qui flanche : la France du début du quinquennat, en 2002, était bloquée.

M. Jean-Marc Todeschini. Il faudra changer de registre un jour, monsieur le ministre !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pendant les cinq années précédentes, pas une seule réforme difficile n'avait été engagée. La France était exaspérée par la montée permanente de l'insécurité.

M. René-Pierre Signé. Et par celle du chômage ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Elle était démotivée parce que l'on avait foulé aux pieds la valeur du travail avec les 35 heures. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Elle était, enfin, très endettée. (Et en 2004 ? sur les travées socialistes.)

Premièrement, en deux ans et demi, nous avons fait reculer de manière systématique la délinquance. (Ce n'est pas vrai ! sur les travées socialistes.) Au cours des neuf derniers mois, la délinquance n'a cessé de diminuer, notamment sur la voie publique. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

Deuxièmement, nous avons assoupli les 35 heures et réhabilité le travail, en augmentant le SMIC dans des proportions inédites.

M. René-Pierre Signé. Vous êtes rejetés !

Mme Nicole Borvo. Vous avez créé les prisons pour enfants, monsieur Copé ! Cela, c'est vrai !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Troisièmement, nous avons veillé à remettre un peu d'ordre dans les finances publiques. Le budget pour 2005 comporte une baisse de 20 % du déficit et maîtrise - enfin ! - la dépense publique.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dans ce contexte, nous avons encore beaucoup de travail à accomplir.

M. Jacques Mahéas. Et mars 2004 ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En effet, les réformes de structure que nous avons engagées et que beaucoup n'avaient pas voulu faire avant, je pense en particulier aux retraites et à l'assurance maladie, sont des sujets sur lesquels nous devons continuer d'avancer.

M. René-Pierre Signé. Il n'y a que le chômage qui avance !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Jean-Pierre Raffarin a présenté un « contrat pour 2005 » parfaitement clair, fondé sur des objectifs bien précis. Nous allons investir dans l'avenir...

M. René-Pierre Signé. Vous ne serez pas là !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...en modernisant notre système éducatif et en investissant dans la recherche. Nous allons lutter contre la vie chère...

Mme Nicole Borvo. Cela ne se voit pas !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...tant par la revalorisation des minima sociaux que par la baisse des charges et des coûts au quotidien, qui permettra d'améliorer la situation.

Mme Nicole Borvo. Le prix de l'essence, par exemple ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Enfin, nous allons lutter contre les délocalisations,...

Mme Nicole Borvo. On délocalise tous les jours !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...car il est grand temps de faire en sorte que ce que nous avons accumulé en termes de réserves et de réformes nous permette de lutter pour l'emploi et de profiter au mieux de la croissance, afin qu'aucun de nos compatriotes ne soit laissé au bord du chemin.

M. René-Pierre Signé. Il n'y a aucune réponse de fond !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bref, nous allons continuer à moderniser la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)

situation de la marine marchande

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Avant de poser ma question, je regrette, au nom du groupe socialiste, que Mme la ministre de l'outre-mer n'ait répondu ni aux questions de Louis Le Pensec ni aux attentes des polynésiens. (Protestations sur les travées de l'UMP. - Démission ! Démission ! sur les travées du groupe socialiste.)

De l'outre-mer à la mer, j'en viens à ma question puisqu'elle concerne la situation des équipages français de la marine marchande, question qui s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

L'entreprise France Télécom, par le biais de sa filiale France Télécom Marine, exploitait trois câbliers sous pavillon français. Les deux premiers ont fait l'objet d'un changement de registre d'immatriculation et d'équipage il y a quelque temps. En clair, ils sont sous « pavillon Kerguelen ».

M. Jean-Marc Todeschini. Ce n'est pas bien !

Mme Yolande Boyer. France Télécom Marine vient de transférer son dernier navire et achève ainsi une restructuration dont l'objectif, nous dit-on, est l'équilibre économique, alors que France Télécom affiche des résultats « dans le haut de la fourchette des objectifs que le groupe s'était fixés en début d'année ».

En conséquence, quatre-vingts marins français sont aujourd'hui débarqués sans ménagement et en attente de reclassement. Ils sont déjà remplacés par des marins malgaches, avec un alignement social par le bas. Ces derniers seront payés au SMIC, embarqués six mois d'affilée, auront moins de congés et ne dépendront pas du code du travail français. Cela n'est pas acceptable !

La société Gazocéan s'engage actuellement dans la même voie, mais avec des marins philippins. M. le Premier ministre s'est déclaré hostile aux délocalisations dans les entreprises privées. Ce propos ne s'appliquerait-il qu'à terre ?

M. René-Pierre Signé. Il n'a pas le pied marin ! (Sourires.)

Mme Yolande Boyer. Avec le président du conseil régional de Bretagne et les élus bretons interpellés par les syndicats, je vous pose donc trois questions.

Premièrement, pourquoi l'Etat actionnaire ne réagit-il pas face à une politique de régression sociale ? Cette gestion, uniquement en fonction du profit, est dangereuse pour la sécurité en mer et les conséquences sont dramatiques pour les marins débarqués et leurs familles.

Deuxièmement, quelle action le Gouvernement envisage-t-il de mener pour que des règles claires et soucieuses du sort des marins s'imposent au niveau international, notamment européen ?

Troisièmement, le Gouvernement restera-t-il inerte devant le démantèlement de la marine marchande française ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Madame la sénatrice, François Goulard n'ayant pu être présent, je suis chargé du difficile exercice de vous répondre.

Vous venez de soulever un problème. Nous sommes dans un contexte très concurrentiel. Il faut donc réagir et s'adapter. C'est ce que certains armements ont pu faire - je pense, bien entendu, comme vous l'avez rappelé, à France Télécom Marine. Cet armement a opéré un changement de registre d'immatriculation de trois navires, afin de pouvoir recruter en partie des marins extracommunautaires. Ce choix, je le rappelle, est permis par la législation française.

M. Robert Hue. C'est bien là le drame !

M. Léon Bertrand, ministre délégué. Il est intervenu dans le cadre de négociations qui se sont déroulées pendant plusieurs mois. Au total, le plan social a été approuvé par la très grande majorité des organisations syndicales,...

M. Yves Coquelle. La majorité !

M. Léon Bertrand, ministre délégué. ...ce qui signifie que le dialogue social a existé.

Dans le cas de Gazocéan, des négociations sont en cours entre la direction et les organisations syndicales sur les conditions d'armement des navires, qui doivent entrer en flotte sous pavillon français. Là aussi, le souci du Gouvernement est de permettre à des opérateurs français d'intervenir sur un secteur très concurrentiel. Les conditions d'armement doivent être conformes à la loi et donner à ces sociétés les moyens d'être compétitives.

Vous le constatez, madame la sénatrice, nous devons lutter contre une concurrence. Nous devons bien entendu respecter certaines normes. Nous le faisons bien sûr en respectant le dialogue social, clef de voûte de l'action du Gouvernement que je représente. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Quelle réponse ! Personne n'ose applaudir !

réforme de la loi Galland

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

M. Dominique Mortemousque. Ma question s'adresse à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, représenté par M. Dominique Bussereau.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le Premier ministre a fait de la baisse des prix une priorité de l'action gouvernementale. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dès son arrivée à Bercy, s'est emparé du difficile dossier du dérapage des prix et a réussi à obtenir un accord sur une baisse durable des prix dans la grande distribution, avec, comme point d'attaque, le douloureux problème des marges arrière.

M. Bernard Piras. Oh là là !

M. Paul Raoult. Il a rêvé !

M. Dominique Mortemousque. La croissance des grandes surfaces et leur concentration ont faussé le jeu. Aujourd'hui, il n'existe plus que six centrales d'achat. Devenus des passages obligés, les distributeurs sont en position d'oligopole. Au cours des dernières années, ils ont considérablement augmenté leurs marges arrière. En conséquence, le consommateur subit une inflation atypique des prix, les petits commerces, en centre-ville comme en zone rurale, disparaissent année après année et les producteurs agricoles sont de plus en plus menacés.

Le rapport Canivet, remis voilà quelques jours à Nicolas Sarkozy, suggère une profonde refonte de la loi Galland, qui, depuis huit ans, réglemente de manière très complexe la fixation des prix entre les fournisseurs et les grands distributeurs. Il préconise en fait le retour à la liberté des prix pour les grandes surfaces.

Cette vision très libérale inquiète particulièrement les agriculteurs, les petits producteurs et les PME. (Ah ! sur les travées du groupe CRC), qui se plaignent, à bon droit, de ne pas disposer d'assez de linéaires de vente...

M. Robert Hue. C'est scandaleux !

M. Dominique Mortemousque. ...et de ne pas être en position de force pour négocier avec la grande distribution. Tous redoutent une guerre des prix, peut-être bonne pour le consommateur,...

Mme Nicole Borvo. Les consommateurs ne s'en sont pas aperçus !

M. Dominique Mortemousque. ...mais qui pourrait avoir des conséquences fatales, notamment en termes d'emploi.

Pourtant, afin d'assurer l'avenir de nos productions et de nos producteurs, la spécificité des prix agricoles doit être reconnue et elle doit trouver rapidement sa traduction dans des mesures concrètes.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Mortemousque !

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles orientations seront retenues dans le projet de loi que M. Sarkozy a l'intention de soumettre tout prochainement au vote du Parlement ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Hue. Cette proposition Sarkozy est scandaleuse !

Mme Nicole Borvo. Quelle contradiction !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, le Premier ministre, Nicolas Sarkozy... (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Plusieurs sénateurs socialistes. Ce n'est pas le Premier ministre !

M. René-Pierre Signé. Il a avoué !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je dis bien : le Premier ministre et Nicolas Sarkozy. J'y ajoute Christian Jacob, ministre délégué au commerce. Bref, le Gouvernement a fait un constat : les Français, - vous avez raison de le signaler, monsieur Mortemousque - paient leurs biens de consommation souvent plus cher que les citoyens des autres pays de l'Union européenne. C'est une pénalisation pour les consommateurs et un frein pour la croissance.

Nous avons donc voulu essayer de comprendre les causes de cette situation. C'est le but du rapport de M. Canivet, grand magistrat, lequel a proposé un certain nombre de mesures intéressantes qui font débat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Sur cette base, dans le souci de concertation qui est le sien, le Gouvernement réfléchit à un projet de loi, qui pourrait prévoir un renforcement des moyens de contrôle de la coopération commerciale abusive et de la concentration dans la grande distribution, la réintégration progressive de la coopération commerciale dans le calcul du seuil de revente à perte - ce qui mettrait fin à la fameuse pratique des marges arrière, que vous avez dénoncée - et des dispositions permettant de rééquilibrer le rapport de forces entre les PME et les distributeurs.

M. Paul Raoult. C'est l'économie libérale, la loi du marché !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Naturellement, nous avons entendu les inquiétudes des agriculteurs et des commerçants de proximité. Il faut donc que ces mesures ne portent pas atteinte à leurs intérêts.

M. Paul Raoult. Il faut faire de l'interventionnisme !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Cela signifie, en particulier, que les produits agricoles et les fruits et légumes ne seront pas concernés. Il s'agit de produits spécifiques qui doivent bénéficier d'une réglementation particulière.

Parallèlement, dans le cadre d'autres mesures, le Gouvernement envisage un programme de soutien au commerce de proximité, auquel vous êtes tous très attachés.

Monsieur le sénateur, nous en sommes là,...

M. René-Pierre Signé. Eh oui, nous en sommes là !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ...à savoir une réflexion équilibrée et le souci de défendre les consommateurs et de protéger efficacement notre agriculture. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. C'est maigre !

impartialité des décisions de justice

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Ma question, que je pose au nom des Verts, s'adresse à M. Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

J'espère obtenir une vraie réponse,...

M. Dominique Braye. Pour cela, il faut une vraie question !

Mme Marie-Christine Blandin. ...à la différence de celle qui a été donnée à notre ami Louis Le Pensec devant la délégation polynésienne, qui était attentive mais qui reste sur sa faim. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Lundi 8 novembre, neuf personnes sont convoquées devant le tribunal correctionnel de Toulouse.

M. Alain Gournac. Elles ne l'ont pas volé !

Mme Marie-Christine Blandin. Elles sont poursuivies pour dégradation et destruction de maïs : parmi eux, se trouvent un député et un parlementaire européen.

Mon propos n'est pas ici d'ouvrir un débat sur les organismes génétiquement modifiés, ou sur la pertinence de la désobéissance civile ou civique.

M. Dominique Braye. Mais il s'agit bien de cela !

Mme Marie-Christine Blandin. Ma question concerne le fonctionnement de notre justice.

Parmi quatre cents faucheurs assumant leurs actes, les parlementaires seuls ont été l'objet d'une enquête de flagrance. On ne peut que se féliciter du fait que le bureau de l'Assemblée nationale et son président s'en soient émus et soient intervenus auprès de M. le garde des sceaux.

M. Dominique Braye. Délation !

Mme Marie-Christine Blandin. A ce jour, neuf personnes sur les quatre cents sont convoquées au tribunal. Or les policiers connaissent bien tous les autres ; ils les ont largement photographiés et identifiés ; ceux-ci ont, de plus, fait une démarche auprès des forces de l'ordre de déclaration volontaire de leur présence et de leur action, en y joignant leurs coordonnées. Nous ne sommes pas dans le cas d'une identification par défaut.

M. Dominique Braye. C'est de la délation !

Mme Marie-Christine Blandin. Il y a donc une discrimination dans l'action de la justice envers neuf personnes.

M. Dominique Braye. Bien sûr !

Mme Marie-Christine Blandin. Et le procureur n'ignore pas les circonstances, puisque, au lieu de demander deux ans et 30 000 euros d'amende, il demande cinq ans et 75 000 euros d'amende, pour circonstance aggravante de l'infraction commise « en réunion par plus de quatre cents personnes ».

M. Dominique Braye. Il s'agit de donner l'exemple !

Mme Nicole Borvo. Cela n'existe pas la justice pour l'exemple ! Ce n'est pas un tribunal militaire !

Mme Marie-Christine Blandin. Je sais que la justice française, contrairement à ce qui se passe dans d'autres démocraties, peut se prévaloir de l'opportunité des poursuites.

M. Dominique Braye. La question !

Mme Marie-Christine Blandin. En la matière, l'opportunité semble étrangement ciblée !

J'ai bien noté que M. Perben, ministre de la justice, se faisait représenter par Mme la secrétaire d'Etat aux droits des victimes. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Et alors ? Il a le droit !

M. le président. Veuillez poser votre question, madame Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. En la matière, mon questionnement porte sur les victimes des choix du procureur.

Je vous demande donc, madame la secrétaire d'Etat, de nous préciser les critères qui ont, pour ces neuf personnes, conduit le procureur à mettre en oeuvre une discrimination de poursuites aux aspects peu républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Josselin de Rohan. Oh là là !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Christiane Hummel. Bravo, madame !

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Madame la sénatrice, M. Dominique Perben étant retenu à Troyes cet après-midi, il m'a chargé de répondre à votre question.

En effet, le 24 juillet dernier, un collectif dit de « faucheurs volontaires » a détruit un champ de maïs en Haute-Garonne.

M. Dominique Braye. C'est scandaleux !

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Le parquet de Toulouse a immédiatement engagé une enquête préliminaire, et ce afin de procéder à l'identification des auteurs, sachant que, pour des raisons d'ordre public, il n'a évidemment pas été procédé sur le moment à l'interpellation des auteurs.

Neuf personnes, effectivement, ont été plus aisément identifiées,...

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. ...et il ne peut en aucun cas être question de discrimination.

Mme Nicole Borvo. C'est insupportable, en matière judiciaire, d'entendre ça !

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Ces personnes sont en effet renvoyées devant le tribunal correctionnel de Toulouse, lundi prochain.

Pour les autres, un peu de patience, l'enquête est en cours. L'identification de tous les auteurs sera faite, mais selon les modes de preuve de notre droit, à savoir des preuves formelles.

Mme Nicole Borvo. Parce qu'on a des preuves formelles pour ces neuf personnes et pas pour les autres ? C'est étonnant !

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Je dis bien « des preuves formelles », à l'exclusion de tout autre mode de preuve, et ce à la fois pour l'identification et pour les conditions de participation des différents auteurs.

Lorsque cette enquête aura abouti, ne doutez pas, madame la sénatrice, que ces personnes seront, de la même façon que les neuf premières, poursuivies en correctionnelle.

J'ajoute que l'autodénonciation ne vaut pas preuve. Dans notre droit, il faut appliquer toutes nos règles, qu'il s'agisse de celles qui concernent l'identification ou de celles qui ont trait aux conditions de participation. Il faut que toutes les conditions et que toutes les preuves soient réunies !

M. Bernard Piras. Ce n'est pas facile !

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. En effet, nos règles de preuve et nos règles de droit s'imposent à tous et, pour le cas où vous en douteriez, madame la sénatrice, bénéficient à tous. Pour le moment, attendons la fin de l'enquête. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'Union centriste.)

perspective d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.

La semaine passée a été marquée par deux événements extrêmement révélateurs s'agissant de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Le premier s'est déroulé à Berlin, avec le sommet franco-allemand, où MM. Gerhard Schröder et Jacques Chirac ont réaffirmé, d'une voix commune, que l'objectif des négociations qui s'ouvriront en décembre prochain était bien l'adhésion pleine et entière de la Turquie à l'Union. Dont acte.

Le deuxième événement s'est produit à Rome, avec la signature du traité constitutionnel de l'Union, dont l'acte final a été cosigné par la Turquie.

Le rouleau compresseur est en marche : vous le constatez, chers collègues, c'est toujours la même méthode qui est utilisée, à savoir celle des petits pas, de l'engrenage.

A chaque fois, pris isolément, aucun acte ne nous est jamais présenté comme décisif ou définitif ; mais pris dans leur ensemble, ils forment une chaîne, en tout cas ils ont une signification précise, et suivent la logique de l'irréversibilité.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez ignorer que, dans une large majorité, les Français sont opposés à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, pour des raisons de bon sens.

En effet, la Turquie n'est pas européenne, ni par sa géographie, ni par son histoire, ni même, et à plus forte raison, par sa civilisation et par sa culture.

Mme Nicole Borvo. Sa civilisation !

M. Bruno Retailleau. Cependant, la question turque à un aspect positif : elle nous contraint à déterminer le modèle européen que nous voulons, à dire ce qu'est l'Europe, ce qu'elle n'est pas et jusqu'où va l'Europe.

Or il me semble qu'il existe une incompatibilité flagrante entre le modèle unitaire que l'on est en train de nous construire et l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

Ma question est double.

Premièrement, le Gouvernement ne peut pas continuer à repousser éternellement le débat, car le repousser, c'est déjà le trancher, c'est déjà considérer que l'adhésion de la Turquie est d'abord une affaire de critères, alors qu'il s'agit avant tout d'une affaire de principe. Monsieur le secrétaire d'Etat, quand les Français seront-ils consultés, avant qu'il ne soit trop tard, et quand, dans cet hémicycle, y aura-t-il un débat, avec un vote, je l'espère, contrairement à ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale ?

Deuxièmement, il faut éviter le piège qui nous est tendu ; il faut sortir du dilemme entre exclusion déstabilisatrice et adhésion déstabilisatrice. Le Gouvernement doit ouvrir une troisième voie : celle d'un accord spécifique avec ce grand pays qu'est la Turquie. Il y va de son intérêt, du nôtre, comme de celui de l'Europe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Je tiens tout d'abord à saluer la présence, dans les tribunes, du président de l'Assemblée nationale de la République d'Arménie. (Applaudissements.)

Monsieur le sénateur, vous avez posé une question sur l'absence de débat ou de vote au Sénat s'agissant de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

Je puis vous assurer que le Parlement sera régulièrement informé sur la question de la candidature de la Turquie à l'Union européenne, dans le respect de notre Constitution.

Le Gouvernement veut associer le Parlement, ses deux chambres, à ce processus déterminant pour l'avenir de l'Europe et de notre pays.

Pour autant, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un projet de nature législative, le Gouvernement n'aura pas l'obligation de le soumettre au vote du Parlement.

M. le ministre des affaires étrangères l'a rappelé lors du débat à l'Assemblée nationale le 14 octobre dernier, il y aura un compte rendu, après le Conseil européen du 17 décembre prochain, devant le Parlement.

Si des négociations viennent à s'ouvrir, il y aura, à chaque étape de la négociation, une information régulière du Parlement, dans le respect de notre Constitution.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Par ailleurs, il n'y a pas eu de demande formelle de la conférence des présidents du Sénat pour inscrire un débat sur la Turquie à l'ordre du jour de votre assemblée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. C'est un peu fort !

M. René-Pierre Signé. C'est l'aveu !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Dès que cette demande sera formulée, le Gouvernement se prêtera bien sûr au débat, comme il l'a fait à l'Assemblée nationale. Et vous êtes vous-même, monsieur Retailleau, représenté par M. Adnot à la conférence des présidents.

Quant à une troisième voie entre l'adhésion et la non adhésion, si le Conseil européen du 17 décembre décide d'ouvrir des négociations d'adhésion avec la Turquie, il s'agira d'un long processus dont l'issue reste ouverte. Trois possibilités sont envisageables.

Première hypothèse : les négociations aboutissent, d'ici dix à quinze ans, à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Les Français seront alors consultés par référendum : ils pourront dire oui ou ils pourront dire non.

M. René-Pierre Signé. Heureusement ! C'est une grande vérité ! Vous n'aviez pas besoin de note pour dire ça !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Deuxième hypothèse, qui ne peut être écartée, le processus échoue.

Enfin, troisième hypothèse, pour des raisons tenant à la Turquie ou à l'Union européenne, les négociations d'adhésion sont réorientées vers une autre forme de lien.

Je rappelle que ce processus est soumis à la règle de l'unanimité. Chaque Etat membre pourra faire entendre sa voix à tout moment et arrêter, s'il le souhaite, le processus.

Si ce processus aboutit, les Français seront appelés à se prononcer par référendum, comme le Président de la République s'y est engagé.

Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la représentation nationale et les Français auront le dernier mot : il n'y aura ni dogmatisme ni tabou sur cette question.

Mme Nicole Borvo. Heureusement !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Pour conclure, je veux évoquer un sujet qui me tient tout particulièrement à coeur : le génocide arménien.

La tragédie de 1915 reste très présente dans la mémoire des Français, notamment des nombreux Français d'origine arménienne.

Le projet européen est un projet de paix et de réconciliation : paix entre les pays, réconciliation de chacun avec lui-même et avec son histoire. Il y a donc un travail de mémoire à entreprendre. La perspective européenne l'encouragera, voire le rendra nécessaire.

La question n'est pas préalable à l'ouverture des négociations, mais elle sera un élément important de la discussion.

M. le président. Je vous prie de bien vouloir terminer, monsieur le secrétaire d'Etat

Mme Christiane Hummel. C'est un sujet important !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. La Turquie devra donc faire ce travail de mémoire sur son histoire.

Mon père a été déporté et a donné la croix de Lorraine à la France libre. Nous venons de fêter le soixantième anniversaire de la libération de notre pays et notre continent est en paix. Ce que nous avons pu faire sur notre continent, nous pourrons le faire à nos frontières. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d´actualité au Gouvernement.