Art. 39
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Division et art. additionnels après l'art. 39

Articles additionnels après l'article 39

M. le président. L'amendement n° 81, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 39, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 441-2 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La commission exerce sa mission d'attribution des logements locatifs dans le respect des objectifs fixés à l'article L. 441 et des priorités définies à l'article L. 441-1 en faveur des personnes défavorisées et de celles qui rencontrent des difficultés de logement. »

La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'inscrire, dans l'article du code de la construction et de l'habitation relatif à la commission d'attribution des logements locatifs sociaux, l'obligation pour cette commission d'exercer sa mission dans le respect de l'objectif de mixité sociale et de l'accueil des publics prioritaires.

Il s'agit, au travers de cet amendement, de rappeler que cette commission qui a quand même pour rôle, au quotidien, de déterminer l'ordre prioritaire d'attribution doit, tout en respectant un équilibre au sein de chaque quartier, de chaque territoire d'habitat, favoriser l'attribution de ces logements au public prioritaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n°81.

Des dispositions existantes qui sont mentionnées dans cet amendement prévoient d'ores et déjà que les logements locatifs sociaux doivent être attribués pour satisfaire les besoins des personnes aux ressources modestes et des personnes défavorisées. Elles prévoient également la prise en compte par les commissions de la diversité de la demande de logements constatée localement. L'extension de ces dispositions aux personnes hébergées ou logées temporairement est prévue à l'article 40 du présent projet de loi.

Toutefois, il peut être utile de rappeler que ces objectifs doivent être effectifs pour toutes les décisions prises par les commissions d'attribution.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Le groupe CRC votera bien évidemment cet amendement, mais il ne permettra pas de régler, tant s'en faut, tous les problèmes que nous rencontrons. Mme le rapporteur le sait pertinemment puisque ces problèmes résultent notamment de l'absence de logements sociaux dans nombre de villes.

Cet amendement n'aura donc aucune efficacité là où les maires se refusent à construire des logements sociaux ou dans les villes où il n'y en a quasiment pas ; je pense par exemple à Neuilly, ville dont M. Sarkozy, ministre des finances, fut le maire. Cet amendement, qui prévoit que la commission d'attribution devra respecter certaines règles et les priorités qui ont été définies, n'aura pas d'effet à Neuilly ; il en aura dans d'autres villes, ce qui n'est déjà pas si mal.

Cela étant, j'aimerais, madame le rapporteur, que vous nous donniez votre sentiment sur un autre point, même si votre réponse n'a aucun caractère normatif.

Nous devons veiller, parallèlement à l'application de manière très ferme et directive des dispositions proposées, à ce que les patrimoines de logements sociaux ne viennent pas grossir les contingents d'immeubles voués à la démolition.

En effet, à un moment donné, les gestionnaires, soit parce qu'ils n'ont pas fait ce qu'il fallait, soit parce que cela s'est imposé à eux, ont vu la gestion de ces patrimoines leur échapper, ce qui s'est traduit par un déséquilibre trop important dans le peuplement de ces mêmes patrimoines. Or on sait combien il est important d'assurer une répartition équilibrée, lors de la construction de logements neufs, entre les PLUS, prêts locatifs à usage social, et les PLAI, prêts locatifs aidés d'intégration, c'est-à-dire le logement d'insertion, parce que c'est un témoignage fort d'une vraie mixité, d'une aide, par le climat qui règne dans l'immeuble, à ceux qui en ont le plus besoin. À l'inverse, lorsque la répartition n'est plus équilibrée, certaines populations quittent ces immeubles, ce qui accélère le déséquilibre de ces patrimoines.

Soyons donc très attentifs à ces questions, qui, en raison de la permanence de la crise du logement social, préoccupent les élus.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Cet amendement me paraît devoir retenir l'attention pour deux raisons essentielles.

Il faut d'abord rappeler l'importance des conditions d'attribution des logements, qui doit s'effectuer dans le respect de la mixité sociale, en lien, bien sûr, avec le PLH, le programme local de l'habitat. Mais il s'agit d'un travail au quotidien, et la mixité évolue au coup par coup, au travers du travail de cette commission. Il faut toujours avoir en tête ce souci d'équilibre qui consiste à permettre qu'une partie de ces logements soit affectée à des populations à faibles revenus mais qui sont moins en difficulté que d'autres qui doivent pouvoir également en bénéficier.

Dans la recherche constante de cet équilibre toujours précaire, les conditions d'attribution sont véritablement en première ligne.

La seconde raison qui a motivé le dépôt de cet amendement, c'est la nécessité, au sein d'une liste de publics tous prioritaires - personne ne peut le contester -, de hiérarchiser les priorités.

Lorsque, en tant que maire - c'est un exemple que j'ai déjà eu l'occasion de citer devant la commission des affaires sociales -, vous devez choisir entre, d'un côté, une personne qui est hébergée en CHRS, et qui a évidemment le droit d'accéder au logement classique, et, de l'autre, une femme qui se retrouve du jour au lendemain sans solution d'hébergement, les foyers étant complets, avec ses enfants en difficulté, ...

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Et cela arrive !

Mme Valérie Létard, rapporteur. ... quel est le public prioritaire ? Celui qui est hébergé en CHRS ou la personne qui n'a pas de toit et ne trouve pas de solution immédiate ?

Cela veut dire que, si tous ces publics sont évidemment prioritaires, la commission d'attribution de logements et le maire ont un rôle essentiel à jouer. Il faut donc rappeler ce souci, et insister auprès des maires sur la nécessité de faire preuve de bienveillance dans la hiérarchisation des priorités. Il n'y pas antinomie entre les deux éléments, je tenais à le rappeler, car c'est important.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 39.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 82, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 39, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 441-2 du code de la construction et de l'habitation,  il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle comprend un représentant désigné par les associations, agréées par le représentant de l'Etat dans le département, dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées et qui mènent des actions sur le territoire de la commune où sont implantés les logements attribués. Ce représentant dispose d'une voix consultative dans le cadre des décisions d'attribution de la commission. »

La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Cet amendement prévoit que les commissions d'attribution de logements comprennent en leur sein un représentant des associations dont l'un des objets est l'insertion et le logement des plus défavorisés et qui agissent sur le territoire de la commune. Ces représentants disposeront d'une voie consultative.

Dans le même esprit que l'amendement précédent, il s'agit non pas d'obérer les prérogatives du maire en matière d'attribution des logements mais bien de porter à la connaissance de celui-ci, au travers d'une représentation des associations qui gèrent les publics qui sont, à un moment donné, exclus du logement, quelles sont les populations les plus en difficultés et de l'aider à hiérarchiser les priorités dont on parlait tout à l'heure. Cela me paraît vraiment essentiel.

M. le président. Le sous-amendement n° 385, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

Au début du texte proposé par l'amendement n° 82 pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l'article L. 441-2 du code de la construction et de l'habitation, après les mots:

Elle comprend

insérer les mots:

, à titre consultatif,

Ce sous-amendement n'est pas soutenu.

Le sous-amendement n° 573, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 82 pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l'article L. 4412 du code de la construction et de l'habitation, après les mots :

personnes défavorisées

insérer les mots :

, à l'exception de tout opérateur,

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Je partage tout à fait les propos de Mme le rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 82, le Gouvernement, dans un souci de transparence en ce qui concerne les procédures d'attribution de logements, est en effet favorable à l'ouverture de ces commissions à un représentant du secteur associatif tout en lui conservant un rôle consultatif.

Grâce à leurs connaissances des publics accueillis dans leurs structures, ces associations apporteront un éclairage utile aux délibérations de ces commissions. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement proposé par la commission des affaires sociales, qui prévoit, comme je viens de le dire, qu'un membre d'une association pourra siéger dans ces commissions à titre uniquement consultatif, sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement n° 573.

M. le président. Le sous-amendement n° 636, présenté par MM. Repentin,  Raoul et  Desessard, Mmes Le Texier et  San Vicente, M. Vezinhet, Mmes Printz et  Boumediene-Thiery, MM. Godefroy,  Lagauche et  Mélenchon, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 82 pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l'article L.  441-2 du code de la construction et de l'habitation, remplacer le mot:

consultative

par le mot:

délibérative

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Pourquoi donner une voix délibérative aux associations qui représentent les plus précarisés de nos concitoyens ? Pour deux raisons.

Tout d'abord, il ne semble pas y avoir de raison objective de traiter de manière différente, notamment dans les offices, les associations d'insertion, à partir du moment où le droit au logement est non seulement un principe à valeur constitutionnelle mais aussi une priorité politique, comme l'affiche le Gouvernement dans ce texte. Si le droit au logement est une priorité absolue, il faut aller jusqu'au bout de la démarche, et qui mieux que ces associations qui oeuvrent au quotidien sur le terrain connaît les difficultés rencontrées par les personnes défavorisées ?

Par ailleurs, il faut effectivement s'assurer que ces personnes puissent disposer en quelque sorte d'un ambassadeur efficace au moment où, malheureusement, l'Etat semble s'affranchir de ses responsabilités en matière de solidarité et de lutte contre la discrimination dans l'accès au logement, comme en témoignent la délégation du contingent préfectoral au maire et le transfert du fonds de solidarité pour le logement au département.

Il faut donc trouver d'autres moyens, d'autres viatiques, pour que l'intérêt des personnes défavorisées soit pris en compte. Il nous semblerait donc de bonne politique que, dans ces commissions d'attribution, figurent effectivement avec voix délibérative les associations qui représentent ces personnes.

Enfin, s'agissant du sous-amendement n° 573, je souhaiterais que le Gouvernement nous précise ce que recouvre la notion d'opérateur. Les associations comme Emmaüs, par exemple, sont-elles visées ?

M. le président. L'amendement n° 310 rectifié bis, présenté par MM. Seillier,  Pelletier,  de Montesquiou et  Mouly, est ainsi libellé :

Après l'article 39, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 441-2 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités selon lesquelles les associations dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées sont représentées dans les commissions d'attribution. »

La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Cet amendement a pour objet de prévoir la présence des associations dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées dans les commissions d'attribution, les modalités de cette représentation étant précisées par un décret en Conseil d'Etat.

M. le président. L'amendement n° 346 rectifié, présenté par MM. Repentin,  Raoul et  Desessard, Mmes Le Texier et  San Vicente, M. Vezinhet, Mmes Printz et  Boumediene-Thiery, MM. Godefroy,  Lagauche et  Mélenchon, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 39, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 4412 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités selon lesquelles les associations dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées sont représentées. Elles disposent d'une voix délibérative.».

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Cet amendement, qui est complémentaire du sous-amendement n° 636 que je viens de défendre, vise à préciser dans quelles conditions ces associations représentatives du monde des exclus peuvent effectivement siéger dans les commissions d'attribution avec voix délibérative.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. Le sous-amendement n° 573 apporte une précision utile. Par conséquent, la commission y est favorable.

En ce qui concerne le sous-amendement n° 636, autant la collectivité, qui est représentée par le maire et l'organisme bailleur, responsables au premier chef, doit disposer d'une voix délibérative, autant - cela me semble important - les associations doivent porter à la connaissance de la commission d'attribution les situations sociales et proposer une hiérarchisation des priorités.

Il sera donc beaucoup plus utile que ces associations, plutôt que d'avoir une voix délibérative, soient véritablement représentées et que cela soit inscrit dans la loi. Grâce à elles, les commissions d'attribution auront une connaissance précise des différents publics en difficulté, et ils sont nombreux, à intégrer dans le logement social et des priorités à accorder.

C'est la raison pour laquelle je suis défavorable au sous-amendement n° 636, même si je partage la préoccupation qui a été à son origine.

L'amendement n° 310 rectifié bis est satisfait par l'amendement n° 82 de la commission. Je propose donc à Bernard Seillier de le retirer. Dans le cas contraire, la commission y sera défavorable.

Enfin, l'amendement n° 346 rectifié s'inscrit dans la même logique. La commission y est donc également défavorable.

M. le président. Monsieur Seillier, l'amendement n° 310 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Bernard Seillier. Cet amendement étant satisfait, je le retire, monsieur le président. Je voterai l'amendement n° 82.

M. le président. L'amendement n° 310 rectifié bis est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Je préciserai tout d'abord à Thierry Repentin que le sous-amendement n° 573 a pour objet d'éviter que les opérateurs oeuvrant dans le logement social soient à la fois juge et partie au sein des commissions d'attribution.

Le sous-amendement n° 636 vise à modifier substantiellement la rédaction de l'amendement n° 82 auquel le Gouvernement est favorable et l'équilibre de décisions qu'elle implique au sein des commissions d'attribution. Si l'expérience des représentants d'associations d'insertion ou de logement peut constituer un apport au sein des commissions d'attribution, le Gouvernement n'a pas entendu leur conférer un pouvoir supérieur à celui, par exemple, des représentants des centres communaux d'action sociale ou des services chargés de l'action sanitaire et sociale que le président peut appeler à siéger. Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ce sous- amendement.

Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° 346 rectifié, le Gouvernement a satisfait, par l'amendement n° 82 sous-amendé, la représentation des associations chargées de l'insertion ou du logement des personnes défavorisées. En conséquence, il est également défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. La commission dont il est question depuis le début de la discussion de ces amendements est bien la commission d'attribution du bailleur social ? (Mme Valérie Létard, rapporteur, acquiesce.)

Même si je comprends le bien-fondé de ces différents amendements, en tant qu'ancien président d'un office public d'aménagement et de construction qui gérait près de 30 000 logements, j'attire votre attention sur la lourdeur que risque d'induire l'augmentation du nombre des membres de la commission d'attribution. Je peux en témoigner : avec une commission d'attribution à six membres qui fonctionnait normalement, le dispositif était déjà bien lourd, ce qui entraînait quelquefois beaucoup de retard dans l'attribution des logements.

Le mieux est souvent l'ennemi du bien. Je crains qu'une telle mesure ne crée encore plus de lenteur et n'aboutisse à l'inverse de l'objectif recherché. (Mme Marie-Thérèse Hermange acquiesce.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. L'amendement n° 82 me satisfait, car il tend à préciser que le représentant ne disposerait que d'une voix consultative dans le cadre des décisions d'attribution de la commission.

Cela étant, Charles Revet a raison de soulever le problème de la lenteur d'instruction des demandes d'attribution de logements.

Par ailleurs, en ce qui concerne le logement des plus défavorisés, tout dépendra du comportement des représentants de l'Etat sur le territoire. Certes, certains préfets font valoir leur contingent pour l'affectation de ces logements, mais d'autres ne le font point. D'autres encore font de l'excès de zèle et ne se préoccupent ni des problèmes qu'une telle attribution posera en termes de mixité sociale ou de recouvrement des loyers au profit de l'organisme logeur ni des conséquences qui en résulteront en cas de non-paiement du loyer.

Aujourd'hui en effet, mais le ministre en a bien conscience et a donné, je l'espère, des instructions aux préfets, de nombreuses familles défavorisées occupent des logements sans en payer le loyer. Je redoute que ce dispositif n'accélère ce phénomène.

Depuis que le ministre a déclaré que les expulsions ne concerneraient plus que les locataires mauvais payeurs de mauvaise foi, lorsque le tribunal prend une mesure d'expulsion à l'encontre de l'un d'eux et que les organismes demandent le concours de la force de police à cet effet, les préfets ne l'accordent quasiment jamais. Et c'est l'Etat qui paie l'addition, ce qui représente aujourd'hui des millions d'euros à l'échelle nationale.

Pour que cette disposition soit équilibrée, il faut que le ministre donne aux préfets des instructions de sorte que le concours de la force publique soit accordé, lorsqu'il est nécessaire de procéder à des expulsions, après une décision de justice.

Sans cet équilibre, le dispositif ne fonctionnera pas. Les commissions d'attribution de logement subiront le lobbying permanent  de ces associations qui feront pression pour que les logements soient systématiquement attribués à ces familles, alors que ce n'est pas toujours justifié.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Le groupe CRC partage l'esprit qui sous-tend cet amendement. Toutefois, à la faveur du débat qui s'est engagé, je souhaite poser une question.

La rédaction de l'amendement précise que la commission « comprend un représentant désigné par les associations, agréées par le représentant de l'Etat dans le département, dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées et qui mènent des actions sur le territoire de la commune où sont implantés les logements attribués ».

Cela signifie-t-il que, lorsque la commission d'attribution de l'office départemental se réunit pour attribuer des logements, le représentant de l'association d'insertion ou de logement change en fonction de la ville concernée ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Forcément !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Vous le savez, les structures associatives oeuvrant dans un même domaine - l'insertion sociale, le logement, etc. - se sont toujours regroupées en unions présentes sur l'ensemble du territoire départemental. Je pense à l'Union régionale des institutions et oeuvres privées sanitaires et sociales, l'URIOPS, à la FNARS, qui sont autant de structures pouvant être agrées par le préfet et représenter le monde associatif connaissant le public prioritaire sur un territoire donné.

Tel est le sens de mon amendement : l'association connaissant le public prioritaire de la commune concernée sera membre d'un regroupement associatif, comme l'URIOPS ou la FNARS.

A la question de Charles Revet sur la lourdeur du dispositif, je répondrai que les commissions d'attribution de logement comptent déjà six membres. Le septième membre qui est prévu n'a qu'une voix consultative : il doit apporter une information sur la priorité à accorder entre les publics en difficulté.

Parallèlement, l'amendement n° 82 tend à bien rappeler le principe de mixité sociale. Des cadres, des professions libérales et des publics en grande difficulté pourront vivre dans un même quartier.

Par ailleurs, les associations d'insertion ou de logement n'ont pas besoin de participer aux commissions d'attribution de logement pour exercer des pressions sur les élus : elles savent même se manifester jusque devant les portes du Sénat ! Ce dispositif n'y changera rien.

En revanche, ces associations ont une très bonne connaissance des publics prioritaires. Toutes les demandes de logement ne peuvent être satisfaites, mais, dans le pourcentage de logements disponibles prévu pour différentes catégories de population, une partie doit être affectée à des publics prioritaires, qui, pour une raison ou pour une autre, sont en grande difficulté.

En outre, les contingents préfectoraux, au choix des établissements publics de coopération intercommunale, pourront être délégués. Les associations n'auront donc plus de contact avec les préfets mais s'adresseront aux élus locaux. Il est d'autant plus important qu'elles puissent porter à leur connaissance leurs priorités. La commission d'attribution agira donc avec le souci de traiter le plus équitablement possible et avec la meilleure connaissance possible ces publics à reloger.

Encore une fois, un tel dispositif n'est pas exclusif : ce n'est pas parce les associations interviendront que seules les familles les plus en difficulté seront relogées. Il faut à la fois rappeler le principe de mixité sociale, dont la définition est claire, et mieux cibler les publics prioritaires. Les associations auront, au sein des commissions d'attribution, une voix consultative, non délibérative : la pression qu'elles exerceront ne sera donc pas plus forte à l'intérieur qu'à l'extérieur. Elles seront sollicitées pour donner une information, non pour décider. Ce sont les six autres membres de la commission qui trancheront.

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier, pour explication de vote.

M. Bernard Seillier. Je voterai, je l'ai déjà dit, l'amendement de la commission, mais l'explication de vote de Charles Revet me pousse à intervenir de nouveau. J'ai beaucoup apprécié la délicatesse avec laquelle il a déclaré comprendre l'esprit de cet amendement, tout en mettant en garde contre un alourdissement du dispositif.

Il ne faudrait surtout pas faire reposer les risques de lourdeur des procédures sur la présence d'un représentant des associations d'insertion ou de logement dans les commissions d'attribution ! Cette présence constitue une dimension essentielle de la lutte contre la misère et la pauvreté, instituée et rappelée dans les nombreuses lois et débats sur ce sujet : les personnes concernées doivent être partie prenante des politiques qui les concernent. C'est le fondement du dialogue social. Il s'agit d'un point très important. Il ne faut pas stigmatiser davantage ces associations et je remercie nos collègues d'y avoir été très attentifs.

L'amendement n° 82 est tout à fait équilibré. Des difficultés subsistent pour concrétiser cette politique et cette philosophie, essentielles dans l'insertion et dans la lutte contre la misère et l'exclusion. C'est notamment le cas dans le domaine du chômage : s'il ne faut pas chercher à institutionnaliser trop lourdement la représentation des chômeurs, il faut donner la parole aux associations. Or, nous n'avons pas encore trouvé aujourd'hui la façon de les intégrer, de leur faire une place dans le dialogue social.

 

 

M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Je souhaite formuler deux observations :

Tout d'abord, l'office public d'aménagement et de construction de Seine-Maritime, dont j'ai été président pendant plus de dix ans, a fait preuve d'innovation, puisque notamment le dispositif de location-attribution qui est envisagé s'inspire pour une part de ce qui a été fait dans ce département - nous reviendrons sur ce point ultérieurement. La Seine-Maritime est, en effet, l'un des seuls départements à avoir lancé les logements d'urgence permettant de mettre à la disposition d'une famille expulsée, ou dont le logement a brûlé, un logement provisoire situé dans la même commune et ce, dans un délai de quarante-huit heures et pour une certaine durée.

Cet OPAC a donc pratiqué la mixité sociale, je vous l'assure, ce qui me paraît être non seulement une très bonne chose, mais une nécessité.

Par ailleurs, madame le rapporteur, je ne vois pas, s'il s'agit d'un responsable d'une association départementale, comment il aura connaissance de la situation à l'échelon local.

Mme Valérie Létard, rapporteur. C'est un membre d'une association !

M. Charles Revet. S'il s'agit d'un représentant d'une association qui intervient à l'échelon local, je crains que les commissions d'attribution ne se trouvent alourdies par le turnover, compte tenu des dossiers à examiner - cela représente, pour les gros OPAC ou organismes bailleurs, 50 ou 100 logements à gérer - et que, en adoptant cette disposition, nous n'allions à l'encontre de l'objectif que vous recherchez.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Je ne suis pas d'accord !

M. Charles Revet. Je souscris totalement à cet objectif, mais, je le répète, le mieux est l'ennemi du bien.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 573.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 636.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 82.

M. Thierry Repentin. Sans vouloir relancer le débat, je souhaite simplement exprimer un regret quant aux positions craintives qui se manifestent à l'égard de la présence, au sein de la commission d'attribution, d'associations disposant d'une voix délibérative.

M. Charles Revet. Non, ce n'est pas cela !

M. Thierry Repentin. A mon avis, la commission d'attribution aurait très bien pu fonctionner avec des associations ayant une voix délibérative.

Cela étant, toute avancée, fût-elle modeste, est bonne à prendre et nous voterons bien évidemment cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 39, et l'amendement n° 346 rectifié n'a plus d'objet.