compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

PRESTATION DE SERMENT DE JUGES à LA Haute Cour de justice et de juges à la Cour de justice de la République

M. le président. Les juges à la Haute Cour de justice et à la Cour de justice de la République qui n'ont pu prêter serment lors de la séance du mardi 26 octobre, vont être appelés à prêter devant le Sénat le serment prévu par les lois organiques.

Je vais donner lecture de la formule du serment, telle qu'elle figure dans la loi organique. Il sera ensuite procédé à l'appel nominal des juges. Je les prie de bien vouloir se lever, lorsque leur nom sera appelé, et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure ».

Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat ».

(Successivement, pour la Haute Cour de justice, Mme Nicole Borvo, juge titulaire, M. Claude Saunier, juge titulaire et juge suppléant à la Cour de justice de la République, MM. Jean Faure, Roger Karoutchi et Jacques Peyrat, juges suppléants, se lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite : « Je le jure ».

(Successivement, pour la Cour de justice de la République, Mme Josette Durrieu, juge titulaire, MM. Hugues Portelli, Jean-René Lecerf et Jean-François Picheral, juges suppléants, se lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite : « Je le jure ».)

M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.

MM. Roland Courteau, Georges Othily et Laurent Béteille, qui n'ont pu assister à la séance d'aujourd'hui, seront appelés à prêter serment devant le Sénat ultérieurement.

3

COMMUNICATION D'avis d'une assemblée territoriale

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, par lettre en date du 22 octobre 2004, les rapports et les délibérations relatifs à l'avis de l'assemblée de la Polynésie française sur :

- le projet de loi autorisant l'adhésion à la convention relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central ;

- le projet de loi autorisant l'approbation de la convention relative au renforcement de la commission interaméricaine du thon tropical établie par la convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica.

Acte est donné de ces communications.

Ces documents ont été transmis à la commission compétente.

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le Président a reçu de M. le Premier ministre le rapport d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, en application de l'article 6 de la loi du 9 septembre 2002.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

5

CANDIDATURES À des COMMISSIONS

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe de l'Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger :

- à la commission des affaires culturelles, en remplacement de M. Jean-Pierre Raffarin et de Mme Nelly Olin, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- à la commission des affaires économiques et du plan, en remplacement de M. Hilaire Flandre, décédé ;

- et à la commission des affaires sociales, en remplacement de M. François Fillon, dont le mandat de sénateur a cessé.

Ces candidatures vont être affichées et leur nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

6

Cohésion sociale

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi complété par une lettre rectificative de programmation pour la cohésion sociale (n° 445 rectifié (2003-2004), nos 32, 39, 33, 34 et 37).

Rappel au règlement

Art. 35 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. 36

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour un rappel au règlement.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, je souhaiterais que, dans le cadre du règlement, nous procédions à une seconde délibération concernant une disposition que nous avons votée hier soir.

En effet, lors de la discussion portant sur les contrats d'avenir, nous avons adopté l'amendement n° 60 de la commission, tendant à organiser le financement de ces nouveaux contrats. Or nous n'avons pas obtenu toutes les informations concernant les conséquences, notamment financières, de cette mesure pour les départements.

Nous sommes tous attachés aux contrats d'avenir. Mais pour que ceux-ci fonctionnent correctement, leur financement doit être clarifié.

Or, dans son premier alinéa, l'amendement n° 60 prévoit une disposition aux termes de laquelle le département devra payer l'équivalent de l'allocation de revenu minimum d'insertion garantie à une personne isolée, même si celle-ci percevait antérieurement non pas le RMI mais l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS.

Il s'agit d'une charge supplémentaire pour le département : l'Etat payait l'ASS, le département va payer le RMI.

En outre, une autre charge nouvelle risque d'incomber aux départements : en effet, le RMI perçu par ses bénéficiaires est une allocation différentielle, tandis que l'allocation de RMI prévue pour financer le « contrat accueil » est une allocation forfaitaire donnée une fois pour toutes.

Je souhaite donc que, au cours d'une nouvelle délibération, nous puissions assurer le respect de l'article 72-2 de la Constitution. En conséquence, je demande au Gouvernement de bien vouloir organiser cette nouvelle délibération, avec l'accord de la commission, afin que le contrat d'avenir soit bien défini, tout au moins sur le plan financier, au terme des discussions du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur.

M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Nous nous étions effectivement rendus compte qu'un problème existait concernant cet amendement n° 60.

Si une nouvelle délibération est décidée, le texte de cet amendement sera modifié ; nous y travaillons en collaboration avec les services de M. le ministre délégué.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Mercier, j'ai dit hier soir que le Gouvernement était globalement défavorable à l'amendement n° 60. J'ai d'ailleurs apporté un éclairage supplémentaire, qui peut encore être affiné, sur les conséquences financières de son troisième alinéa.

En moins d'une heure, mes services ont rassemblé les chiffres que vous demandiez, monsieur Mercier, chiffres qui vous ont été communiqués ce matin de bonne heure.

En ce qui concerne le problème du département, qui devrait être la collectivité débitrice, le Gouvernement est naturellement favorable à une nouvelle délibération qui, conformément au règlement du Sénat, devra intervenir à la fin du débat.

M. le président. En effet, monsieur le ministre, le Sénat pourra procéder à cette nouvelle délibération avant le vote sur l'ensemble. M. Mercier obtient donc satisfaction dès le début de la séance. (Sourires.)

Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 36.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. 37

Article 36

Il est inséré dans le code du travail, après l'article L. 322-4, un article L. 322-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 322-4-1 - Les maisons de l'emploi mentionnées à l'article L. 311-10 participent, dans des conditions fixées par décret, à la mise en oeuvre des actions prévues aux articles L. 322-3-1 et L. 322-4.

« Elles peuvent également participer, dans des conditions fixées par voie de convention avec les entreprises concernées, à la mise en oeuvre des mesures prévues aux articles L. 321-4-1 et L. 321-4-2. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 431, présenté par MM. Muzeau,  Fischer,  Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L'article 36 prévoit que les maisons de l'emploi seront habilitées à participer à diverses actions de reclassement au profit de salariés licenciés ou menacés de licenciement.

Très bien ! Mais, comme nous le disions dès l'examen de l'article 1er, nous craignons qu'il ne s'agisse en fait d'utiliser les maisons de l'emploi pour gérer le réservoir des chômeurs et des travailleurs précaires, qui seront au bout du compte conduits à accepter n'importe quel emploi : le patronat a décidément de beaux jours devant lui !

Nous émettons de sérieuses réserves sur l'efficacité de ces maisons de l'emploi. Auront-elles les moyens de proposer des offres diversifiées, de diriger vers de véritables emplois qualifiants dans une région déterminée ?

N'y a-t-il pas un risque que les offres proposées proviennent directement d'entreprises intéressées par une main-d'oeuvre bon marché, offres que les salariés victimes de licenciement ne pourront pas refuser ? Cet article vient à point nommé pour faire accepter des emplois au rabais à des salariés déjà très affectés par une procédure de licenciement.

Il conviendrait de s'assurer que tous les acteurs concernés par la politique de l'emploi auront véritablement les moyens d'agir au niveau local et que les maisons de l'emploi ne traiteront pas directement avec les entreprises.

Le Conseil économique et social insiste d'ailleurs sur ce point dans son rapport : « Pour apporter au plan local une valeur ajoutée, il convient néanmoins de s'assurer que l'institution des maisons de l'emploi résultera bien d'un engagement mutuel des acteurs locaux, afin de soutenir les pratiques innovantes et d'introduire, dans l'esprit du Comité interministériel de lutte contre l'exclusion du 6 juillet 2004, la participation des personnes pour qu'elles trouvent ou retrouvent un emploi avec une prise en compte de leur situation en matière de logement, de santé et de mobilité. »

Nous craignons que ce ne soit pas le cas, comme nous réprouvons le renvoi des modalités de mise en oeuvre à un décret. Encore un !

Nous nous interrogeons également sur les objectifs poursuivis par le Gouvernement, surtout après l'adoption de deux nouveaux types de contrats précaires : le contrat d'avenir et le contrat d'insertion-RMA. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 36.

M. le président. L'amendement n° 566, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 32241 du code du travail, remplacer les mots :

prévues aux articles L. 32231 et L. 3224

par les mots :

de reclassement du Fonds national pour l'emploi prévues aux articles L. 3221 et suivants

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Avec votre autorisation, monsieur le président, je présenterai ensemble les deux amendements nos 566 et 567 afin d'éclairer le débat.

La création des maisons de l'emploi est, je le rappelle, l'une des mesures pilier du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Ces maisons doivent permettre de mutualiser les moyens des acteurs du service public de l'emploi pour une meilleure efficacité du service rendu aux entreprises, comme aux demandeurs d'emploi. Il s'agit aussi - et tel était l'objet de notre débat d'hier après-midi et d'hier soir - d'améliorer l'ancrage territorial du service public de l'emploi en associant étroitement les collectivités territoriales.

L'article 36 du projet de loi précise les compétences de ces maisons de l'emploi. Or, nous souhaitons que, dans les bassins d'emploi confrontés à des difficultés économiques, ces maisons puissent participer à la mise en oeuvre des différentes actions de formation et de reclassement financées par le Fonds national de l'emploi. Tel est l'objet des amendements n°s 566.

Ces maisons pourront, par exemple, abriter des cellules de reclassement interentreprises. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet à l'occasion de l'examen de l'article 37, notamment à propos des bassins confrontés à une crise sectorielle.

Elles seront également associées à la mise en oeuvre de la convention de reclassement - nous en reparlerons lors de la discussion de l'article 37-4 - au profit des salariés employés dans des entreprises de moins de 1 000 salariés qui, il faut bien le dire, sont aujourd'hui les laissés-pour-compte du dispositif.

Plus largement, elles pourraient être mobilisées par les entreprises en restructuration pour la mise en oeuvre des différentes actions de reclassement qui seront prévues dans le cadre des plans de sauvegarde de l'emploi.

Les modalités de collaboration seront fixées au cas par cas par voie de convention, en association avec tous les partenaires locaux ; nous insistons particulièrement sur la participation des partenaires sociaux.

Les deux amendements ont donc pour objet d'élargir le champ du dispositif qui pourrait être mobilisé à cette occasion : congé de reclassement, actions d'évaluation des compétences, Fonds national pour l'emploi.

J'indique d'ores et déjà que le Gouvernement ne peut être favorable à l'amendement de M. Muzeau.

M. le président. L'amendement n° 567, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

A la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 32241 du code du travail, remplacer les mots :

et L. 32142

par les mots :

, L. 321-4-2 et L. 32143

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 431 de M. Roland Muzeau étant un amendement de suppression, la commission n'y est pas plus favorable qu'à tous les autres amendements de suppression.

L'amendement n° 566 est opportun dans la mesure où il vient préciser les compétences des maisons de l'emploi en cas de restructurations d'entreprises. La commission y est donc favorable.

L'amendement n° 567 apporte un complément utile. Il élargit les compétences des maisons de l'emploi aux actions de reclassement pouvant être menées au profit des salariés licenciés par les entreprises de plus de 1 000 salariés. La commission a donc émis également un avis favorable.

Je profite de l'occasion pour relever, moi aussi, que les salariés des entreprises de moins de 1 000 salariés sont souvent laissés pour compte. Je regrette donc que cette modification ne soit pas étendue auxdites entreprises. Il y aurait beaucoup à faire à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia, pour explication de vote.

M. Louis de Broissia. Je m'étonne du dépôt de l'amendement de notre collègue Roland Muzeau.

Mon modeste département, la Côte-d'Or, est soumis, de bassins d'emplois à bassins d'emplois, de Dijon à Beaune, en passant par le Val-de-Saône, à des mutations économiques lourdes. 

En attendant - et avec quelle impatience ! - la maison de l'emploi qui doit s'installer, nous avons lancé une initiative intitulée « Emploi et territoire ». Or, monsieur Muzeau, tous vos amis participent à l'action que nous avons déjà engagée sur le terrain.

Comme j'assisterai après-demain à une réunion du comité pour l'initiative économique dans le Val-de-Saône, je pourrai dire qu'aux propos entendus à Paris répond heureusement une action différente sur le terrain !

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Souvenez-vous de ce que disait Confucius : « Il ne faut jamais tirer la queue du lion qui dort  », et je ne dormais pas ! (Sourires.)

Monsieur de Broissia, l'exemple que vous me donnez ne m'apprend rien. En effet, dans le département que je représente, celui de M. Roger Karoutchi, comme dans les départements voisins, nous, élus communistes, sommes on ne peut plus actifs pour rechercher des solutions en direction de tous les publics. Evidemment, notre action s'adresse plus particulièrement aux jeunes, puisqu'ils sont malheureusement très nombreux à être en recherche d'emploi.

Je crois que les élus communistes ont été parmi les premiers - certes, pas les seuls mais parmi les premiers - à consacrer, dans les villes dont ils ont la gestion, des moyens extrêmement importants pour mettre en place et tenir à bout de bras les missions locales, les PAIO, les permanences d'accueil, d'orientation et d'information, alors même que le Gouvernement ne cesse de rogner les crédits ! En la matière, je peux dire que nous avons fait preuve de responsabilité. Nous continuons dans cette voie, comme nous persistons à demander au département de participer activement à ce type de démarche.

Nous n'adoptons pas une position dogmatique à propos de ce texte. Simplement, nous nous situons par rapport à son intitulé : « Projet de loi de programmation pour la cohésion sociale », alors que nous le trouvons - mais cet avis n'est pas obligatoirement partagé - dangereux pour la cohésion sociale et allant à l'encontre des buts poursuivis. 

Comme je l'ai dit dans la discussion générale, nous aurions pu voter à l'unanimité l'exposé des motifs. Malheureusement, ce qui fait l'objet du vote, c'est non l'exposé des motifs, mais le texte, qui est porteur de dispositions néfastes, pour un grand nombre d'entre elles, aux demandeurs d'emploi et aux personnes en situation de précarité.

L'exemple de la Côte-d'Or est tout à fait intéressant. C'est probablement dans l'esprit auquel j'ai fait allusion tout à l'heure que mes amis participent aux actions engagées, comme ils le font dans d'autres départements et communes.

On pourrait d'ailleurs demander une étude à la commission des affaires sociales, qui excelle en la matière : on y verrait que, dans les villes où subsistent des PAIO ou des missions locales, la couleur politique n'est en rien un obstacle à l'action sur le terrain !

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les municipalités gérées par les communistes sont exemplaires, tout le monde le sait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 431.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 566.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 567.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 36, modifié.

(L'article 36 est adopté.)

Art. 36
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. additionnels après l'art. 37

Article 37

Il est inséré dans le code du travail, après l'article L. 124-2-1, un article L. 124-2-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 124-2-1-1. - La mise à disposition d'un salarié d'une entreprise de travail temporaire auprès d'un utilisateur peut également intervenir :

« 1° Lorsque la mission de travail temporaire vise, en application de dispositions législatives ou réglementaires, ou d'un accord de branche étendu, à faciliter l'embauche de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ;

« 2° Lorsque l'entreprise de travail temporaire et l'utilisateur s'engagent, pour une durée et dans des conditions fixées par décret ou par accord de branche étendu, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 432, présenté par MM. Muzeau,  Fischer,  Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L'article 37 autorise le recours à l'intérim pour l'embauche de personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi ou lorsque l'employeur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.

Autrement dit, il étend encore davantage les possibilités de recours à l'intérim et permet donc aux employeurs d'avoir à leur disposition de la main-d'oeuvre flexible.

Si les motifs indiqués par le code du travail autorisant le recours à l'intérim peuvent éventuellement se justifier si l'entreprise n'en abuse pas, bien évidemment, il s'agit ici de proposer des contrats d'intérim en lieu et place de contrats stables, uniquement parce qu'ils s'adressent à des personnes en situation d'exclusion. Ce n'est évidemment pas leur rendre service !

En ayant recours à l'intérim, le Gouvernement encourage à nouveau l'emploi précaire, ce qui va très certainement satisfaire un patronat - c'est malheureusement trop fréquent - et plus particulièrement les dirigeants des grandes agences d'intérim.

Comment peut-on sérieusement affirmer, comme l'a fait M. Philippe Marcel, président d'Adecco France, dans La Tribune du 11 octobre dernier, que « l'intérim est un facteur de cohésion sociale ? »

Je rappelle que, en 2003, 22 % des missions d'intérim ont été conclues pour une journée. C'est là un fait consternant, qui montre bien que l'orientation donnée à ce texte a un effet tout à fait néfaste sur la cohésion sociale.

Les intérimaires sont les premiers à dénoncer leur statut instable. Ils ont des difficultés sérieuses pour trouver un logement, pour contracter un crédit, pour financer leur déplacement, le lieu de travail étant variable d'une mission à l'autre. Ils ont également des difficultés pour adapter les modes de garde des enfants aux différentes missions proposées. La liste des inconvénients est longue. Probablement y a-t-il des avantages mais les inconvénients sont nombreux. 

En outre, l'idée selon laquelle une formation pourrait- être offerte au salarié par l'entreprise de travail temporaire est inacceptable. Ce n'est pas à une entreprise non qualifiée dans la formation professionnelle et, de surcroît, créatrice d'emplois précaires qu'il faut donner les moyens d'assurer des stages de formation professionnelle. Il aurait mieux valu augmenter les crédits de l'AFPA, organisme habilité, je le rappelle, à assurer une formation professionnelle de qualité. Au contraire, on a pu voir ce qu'il en est advenu dans la loi sur les responsabilités locales et les conséquences qui en sont résultées : des suppressions d'emplois par centaines !

La philosophie de cet article est, une fois de plus, d'inspiration libérale. Le Gouvernement démantèle l'ANPE, prive l'AFPA de sa mission de formateur au profit du secteur privé qui sera autorisé à assurer des missions de service public. Fermez le ban !

C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 37.

M. le président. L'amendement n° 433, présenté par MM. Muzeau,  Fischer,  Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 124211 du code du travail, après les mots :

d'un utilisateur

insérer les mots :

pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire

 

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cette fois, il s'agit non d'un amendement de suppression mais d'une modification substantielle du texte. Peut-être allez-vous le voter ?

M. Roger Karoutchi. Sûrement pas !

M. Roland Muzeau. Précarité du statut d'intérimaire, précarité des horaires, avec une flexibilité aggravée par des amplitudes horaires de plus en plus importantes, précarité des salaires, sans parler des conditions de travail : l'intérim est une machine plus destinée à broyer des individus qu'à les insérer dans la société ; là encore, c'est un constat.

Nous pourrions donc imaginer qu'un projet de loi de cohésion sociale ait pour objectif de réduire ces pratiques. Il n'en est rien avec ce texte, monsieur le ministre.

Alors qu'il faudrait renforcer les sanctions envers les entreprises qui abusent de l'utilisation de contrats de travail intérimaire - rappelons que plus de 10 % des intérimaires travaillent de façon quasi permanente sous ce type de contrat selon une étude de la DARES, la direction de la recherche du ministère de la cohésion sociale - l'article 37 du projet loi banalise le recours à l'intérim.

Nous ne pouvons accepter que des conditions de travail précaires soient proposées comme un pis-aller pour des personnes victimes d'exclusion.

Le travail temporaire favorise l'émergence de travailleurs pauvres et ne permet en aucun cas de sortir de la spirale de l'exclusion.

En revanche, les employeurs savent parfaitement jouer sur cette variable d'ajustement, grâce à laquelle ils peuvent disposer d'une main d'oeuvre flexible et résignée. Beaucoup n'hésitent pas à utiliser des contrats d'intérim en lieu et place de contrats à durée indéterminée.

C'est pourquoi notre amendement de repli vise à insister sur le fait que le recours au travail temporaire ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

M. le président. L'amendement n° 271, présenté par Mmes Printz et  San Vicente, MM. Godefroy,  Repentin et  Raoul, Mme Boumediene-Thiery, MM. Desessard et  Lagauche, Mme Le Texier, MM. Mélenchon et  Vezinhet, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 12421 du code du travail

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. L'article 37 propose deux nouveaux cas d'ouverture au travail temporaire.

Le 2° concerne l'hypothèse de l'engagement réciproque de l'entreprise de travail temporaire et de l'entreprise utilisatrice à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.

Nous sommes bien évidemment favorables à cette disposition qui consacre d'ailleurs les efforts réalisés depuis plusieurs années par la branche du travail temporaire à laquelle les employeurs demandent une main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée et immédiatement opérationnelle. Il s'agit là de l'intérêt bien compris de chacun. Si le salarié peut trouver un bénéfice dans cette mesure, c'est une bonne chose.

En revanche, le 1° est tout à fait nocif, dangereux et inacceptable. Comme bien souvent dans ce texte, une mesure positive en apparence ou une bonne intention affichée dissimulent des dispositions beaucoup moins claires.

Il s'agit, en effet, de faciliter l'embauche de personnes sans emploi confrontées à des difficultés sociales et professionnelles particulières. Comme précédemment, le texte que le Gouvernement nous propose, faute de comporter une définition précise de ces publics en difficulté, ouvre la porte à toutes les dérives.

Cela étant, ce texte pose surtout un problème de principe. L'introduction dans le projet de loi d'un nouveau cas de recours au travail temporaire constitue en fait un exemple supplémentaire de dérégulation du droit du travail, au détriment des catégories de salariés les plus démunies. Si cette disposition est adoptée, elle permettra d'utiliser - j'emploie à dessein le verbe « utiliser » - des personnes en difficulté, sous contrat précaire, pour accomplir des tâches permanentes relevant de l'activité normale de l'entreprise.

Dans ces conditions, est-il encore nécessaire de prévoir une énumération limitative des cas de recours au travail temporaire ? Il suffira de trouver une personne sans emploi depuis quelques mois : elle pourra être embauchée sans aucune garantie. En effet, les salariés dont il est question ici ne bénéficieront d'aucune garantie, le texte ne prévoyant cette fois aucune obligation en matière d'accompagnement ou de formation. S'il y était fait mention de telles garanties, le projet de loi viserait les entreprises de travail temporaire d'insertion.

Cependant, une question surgit immédiatement : souhaitez-vous que les entreprises de travail temporaire d'insertion perdurent, monsieur le ministre, ou cédez-vous aux sirènes de quelque lobby qui préférerait leur disparition et le retour au droit commun de la main-d'oeuvre des personnes qu'elles emploient et, surtout, qu'elles aident à se réinsérer ? Le 2° de l'article 37 sert-il à masquer le 1° ? Ce qui importe dans cette disposition, ce n'est plus le besoin de l'entreprise à un moment donné en vue de l'exécution d'une tâche précise, c'est la caractéristique essentielle du salarié, le fait qu'il soit démuni et en situation de faiblesse.

Ce texte est l'expression de vos intentions réelles, il est la négation même de votre discours sur l'insertion, il laisse supposer que ce qui vous intéresse, c'est, d'une part, le traitement statistique du chômage et, d'autre part, la mise à disposition des entreprises de main-d'oeuvre d'un personnel employé au meilleur coût.

Nous demandons donc que le 1° de l'article 37 soit supprimé et que seul subsiste le 2°, ce qui permettrait aux entreprises de travail temporaire de poursuivre leurs efforts en matière de formation et de démontrer leur utilité sociale, du point de vue non seulement des employeurs, mais aussi des salariés. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis Souvet, rapporteur. La commission n'a pu qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement de suppression n° 432, présenté par M. Muzeau.

En ce qui concerne l'amendement n° 433, qui vise à préciser que les missions d'intérim ont pour objet l'accomplissement d'une tâche précise et temporaire dans l'entreprise, j'indiquerai que l'article L. 124-2 du code du travail prévoit déjà qu'un contrat de travail temporaire ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité permanente de l'entreprise. L'ajout proposé nous a paru redondant avec ces dispositions du code du travail, et la commission a donc prononcé un avis défavorable sur l'amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 271, qui tend à supprimer l'un des deux cas de recours au travail temporaire prévus à l'article 37, à savoir celui qui vise à faciliter l'embauche de chômeurs rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, la commission comprend l'inquiétude de Mme Printz, qui redoute un nouveau développement du travail précaire.

Je voudrais cependant attirer son attention sur le fait que le recours au travail temporaire prévu à l'article 37 sera encadré par décret ou par accord collectif étendu. Je suis d'ailleurs certain que le Gouvernement nous apportera des précisions concernant les garanties dont il souhaite assortir le dispositif. Dans l'esprit de la commission, le recours au travail temporaire doit s'inscrire dans un parcours d'insertion et profiter à des personnes qui ne pourraient occuper immédiatement un emploi durable. L'intérim ne peut être qu'une étape avant l'obtention d'un contrat à durée indéterminée.

Dans ces conditions, la commission jugerait dommage de supprimer l'un des cas de recours à l'intérim prévus à cet article. Par conséquent, elle est défavorable à l'amendement n° 271.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Avant de m'exprimer sur les amendements, je voudrais rappeler un certain nombre d'éléments relatifs à l'intérim et au travail intérimaire.

Ce sujet a été abordé lors du Conseil des ministres européens du travail qui s'est tenu à Luxembourg voilà maintenant dix-huit jours. Au nom du Gouvernement français, j'ai défendu à cette occasion le principe de l'égalité de traitement au premier jour entre les salariés relevant du travail intérimaire et les salariés employés sous CDD ou sous CDI. En outre, nous n'avons pas accepté un certain nombre de propositions soutenues par l'ensemble ou presque des autres pays européens. Sur ce point, nous avons été très clairs et très fermes.

Des études montrent que l'intérim peut constituer un tremplin vers l'emploi durable pour des personnes rencontrant des difficultés sur le marché du travail. Il représente l'un des moyens - parmi d'autres, j'y insiste - permettant une reprise de contact avec le monde du travail et l'ouverture d'une voie d'accès à un emploi permanent.

Les études indiquent également que, un an après leur embauche, près de 30 % des travailleurs intérimaires occupent un emploi stable sous contrat à durée indéterminée ou exercent une activité non salariée : je pense ici aux créateurs d'entreprise, que nous avons évoqués hier soir.

C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'étendre le recours à l'intérim pour les personnes les plus éloignées du marché du travail, sur le modèle des dispositions figurant déjà, je le rappelle, à l'article L. 122-2 du code du travail en matière de CDD.

Cela étant, M. le rapporteur m'a interrogé sur les garanties entourant le dispositif. Le recours à l'intérim ne sera autorisé que dans la mesure où il est prévu par un accord de branche étendu ou, à défaut, dans des conditions fixées par décret. L'encadrement et les garanties que vous souhaitez seront donc apportés, monsieur le rapporteur.

Par ailleurs, les salariés concernés bénéficieront évidemment des garanties et protections prévues par le code du travail, comme je l'ai indiqué tout à l'heure.

Dans ces conditions, je ne crois pas que l'on puisse faire de procès au Gouvernement sur cette question du recours à l'intérim. A nos yeux, il ne s'agit que d'un outil parmi d'autres, dont nous ne souhaitons pas nous priver. Nous avons pris position de façon très claire sur ce sujet à l'échelon européen.

Par voie de conséquence, le Gouvernement ne peut être favorable aux amendements n°s 432, 433 et 271.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 432.

M. Roland Muzeau. Je voudrais revenir sur les propos qu'a tenus M. Souvet.

Nous n'aurions pas présenté un amendement comme celui-ci si nous ne connaissions pas la situation réelle vécue par les salariés dans nombre d'entreprises. Je ferai notamment référence ici à l'industrie automobile, que M. le rapporteur connaît bien : chez Peugeot, chez Citroën, chez Renault et probablement dans bien d'autres entreprises du secteur, des cohortes de travailleurs intérimaires sont employés pour des durées extrêmement longues en lieu et place de salariés sous CDI. Des jugements rendus par les prud'hommes, voire par d'autres instances judiciaires, ont sanctionné un recours abusif à l'intérim de la part de certains employeurs du secteur de l'automobile, en particulier à Rennes, chez Citroën, et, si ma mémoire est bonne, à Sochaux, chez Peugeot.

En tout état de cause, de telles pratiques sont presque coutumières dans l'ensemble de l'industrie automobile : on contourne la loi et l'on emploie des centaines de salariés intérimaires pendant des mois ; la mission est interrompue pendant une huitaine de jours, puis l'on change d'appellation ou de poste, et c'est reparti pour un tour ! C'est bien là un usage abusif de l'intérim.

Notre amendement ne vise donc pas à contester l'intérim en soi, qui constitue un élément de la vie économique et du travail. Cependant, à partir du moment où l'on franchit les bornes, cela devient de l'exploitation éhontée et un contournement du code du travail et des droits des salariés. Comme sur la route, il faut respecter une ligne blanche ! (M. Roger Karoutchi sourit.) Vous avez naguère soutenu, monsieur Karoutchi, un projet de loi relatif à la lutte contre la délinquance routière. Or la délinquance au regard de la législation du travail mériterait quelquefois d'être sanctionnée dans la même mesure !

M. Roland Muzeau. Certes, on ne peut pas installer de radars automatiques dans les entreprises afin de dresser des contraventions pour non-respect du code du travail, mais ce ne serait pourtant pas inutile ! Il faudrait y réfléchir !

Par ailleurs, monsieur le ministre, si vraiment, comme vous nous l'avez affirmé, vous avez résisté voilà dix-huit jours à l'appétit féroce de nos partenaires européens voulant étendre le recours à l'intérim, je vous en félicite. Cela étant, vous vous montrez aujourd'hui un peu moins ferme puisque, par ce texte, vous entendez ouvrir de nouvelles possibilités de recours à l'intérim. Ce sera peut-être « moins pire », comme disent les enfants, que chez nos voisins européens, pour autant je ne crois pas bon d'élargir plus encore le champ du travail intérimaire. Ce ne serait pas rendre service à M. Borloo, qui préconise le renforcement de la cohésion sociale, ni surtout aux centaines de milliers de salariés qui sont contraints d'accepter des missions d'intérim, parfois pour une seule journée, parce qu'ils ne trouvent pas d'autre solution pour gagner leur vie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 432.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 433.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 37.

(L'article 37 est adopté.)