compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Question préalable

Cohésion sociale

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi complété par une lettre rectificative de programmation pour la cohésion sociale (n°445 rectifié, (2003-2004), nos 32, 39, 33, 34 et 37).

Je rappelle que la discussion générale a été close hier soir.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo, MM. Ralite,  Muzeau,  Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 394, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale (n° 445 rectifié).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jack Ralite, auteur de la motion.

M. Jack Ralite. Monsieur le ministre, je trouve que vous n'avez vraiment pas de chance !

Voilà des mois qu'il vous est fait réputation d'une politique sociale concernant l'emploi, le logement et l'égalité des chances et, pour ce faire, vous vous déplacez, vous consultez, vous allez même au royaume de Danemark qui, à entendre tous ses visiteurs en cohésion sociale, n'est plus pourri comme au temps d'Elseneur.

Mais demeurent encore des Fortinbras. Je m'explique : vous étiez parvenu à un ensemble dont le Conseil économique et social a dit très fort toutes les limites mais dont personne ne niait l'orientation humanitaire. Je ne dis pas « humaniste ». En effet, votre projet tente de panser des plaies mais ne s'en prend jamais à la racine des choses. Vous parlez du malheur des pauvres mais non pas du mal. Vous traitez le pauvre dans l'homme et non l'homme dans le pauvre.

Eh bien, même cela, les Fortinbras d'aujourd'hui n'en veulent pas ! Ils vous ont encadré par le projet de loi « MEDEF-Larcher », ultradérégulateur pour les licenciements économiques et quasi silencieux sur les licenciements des précaires, et par le rapport Camdessus, qui présente peut-être quelques idées originales, comme votre plan d'origine, mais qui est un document « MEDEF-Camdessus-Sarkozy », un manifeste de politique libérale sur les questions que vous abordez.

Vous avez constaté l'émotion créée, au point que Matignon a enlevé l'aspect le plus provocateur du projet de loi « MEDEF-Larcher » et mis provisoirement dans un tiroir le rapport « MEDEF-Camdessus-Sarkozy ».

Je suis tenté de dire : « les Fortinbras veillent au grain », et les vingt-deux amendements du MEDEF apportés à la commission des affaires sociales avec un blanc que l'on espère voir empli par le nom d'un sénateur le prouvent.

Et pourtant, vous n'alliez pas bien loin au moment où il faut aller jusqu'au bout. Et le « jusqu'au bout » aujourd'hui, c'est l'humain.

Un ami me disait récemment ceci : « l'humanité peut très bien avoir à faire face dans un avenir proche au problème de sa réhumanisation ». Nous y sommes. Ayant participé à la journée du 17 octobre contre la pauvreté dans le monde et rentrant de Stresa, en Italie, où s'est tenu le Forum politique mondial contre la pauvreté, je sais que c'est vrai pour d'innombrables habitants de la planète.

J'ajouterai que ma vie quotidienne à Aubervilliers, où j'habite, où je suis élu, et ma participation aux luttes des techniciens et artistes du spectacle, notamment, me le montrent, dans le cadre de ce qu'il faut bien appeler « le retour de la pauvreté dans les pays riches » dont témoignaient encore, dimanche, les états généraux du social, illustrés par la déclaration d'une participante, professionnelle de la lutte contre la misère sociale : « on nous demande de concilier l'inconciliable, de trouver des solutions qui n'existent pas ».

Soyons clairs, votre projet ne convient pas. Vous ne parviendrez pas à vos objectifs déclarés, parce que vous ne contrez pas la spirale de la pauvreté. Vous irez dans le mur, même en klaxonnant.

Ecoutez ce qu'est pour l'humain la pauvreté dans une banlieue comme celle de la communauté de communes « Plaine-Commune », regroupant huit villes, dont Saint-Denis, La Courneuve et Aubervilliers. Celui qui traverse la Plaine-Saint-Denis, qui se rend au Stade de France, au théâtre de la Commune, à Zingaro, à la basilique de Saint-Denis ou au parc de La Courneuve se dit : ça marche, en tout cas, ça bouge, ça construit, ça travaille, ça se voit.

Un chiffre l'illustre : ces huit communes ont retrouvé, en trois ou quatre ans, pendant lesquels se sont construites ou agrandies 290 entreprises, les chiffres d'emploi de 1970.

Pourtant, qui prend la peine de s'arrêter et d'écouter même les silences découvre ceci : ces huit communes, où les municipalités s'acharnent, souvent de manière novatrice, à développer des politiques sociales, culturelles, éducatives, environnementales, industrielles efficaces, où les responsabilités sont prises à plein, souvent plus qu'ailleurs, sont parmi les 35 dernières des 1 300 communes d'Ile-de-France, si l'on considère la base des revenus imposables des foyers fiscaux, Saint-Denis étant la 1291ème et Aubervilliers la 1299ème, soit l'avant-dernière !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On voit par qui elles ont été gérées !

M. Jack Ralite. Regardons dans le rétroviseur : en 1991, les huit communes étaient dans les 114 dernières. Elles ont donc reculé, même si elles ont retrouvé les emplois de 1970. Il s'agit de chiffres, mais, au-delà, c'est dans ces communes qu'il y a le plus d'enfants prématurés, de scolarités contrariées, interrompues ou inabouties, de saturnisme, de pratiques contraintes, de ruptures affectives, d'immigration de la misère et de décrochements professionnels. (Mme Marie-Thérèse Hermange s'exclame.)

Nous y trouvons un monde multidimensionnel, où la civilisation connaît des fissures liées comme à une « métamorphose », mot plus complexe que celui de « crise ». Cela crée comme un écart lent mais proliférant, une déchirure majeure que nous ne savons pas encore nommer et qui nous met en panne, et le mot « exclusion » est un « mot-sac », qui, pour sembler dire la réalité de ces populations, surfe sur le réel, n'embraye pas, gêne la pensée pour peu qu'on cherche des solutions.

Alors, certains parlent d'« hommes à part », d'« hommes dépréciés », d'« habitants intermédiaires », à propos de qui MC Solar chante :

« A l'heure où la joie laisse place à la douleur,

« Où l'inquiétude laisse place à la peur,

« On abandonne, détruit

« Toute idée de vie.

« Est-ce une philosophie ?  »

En tout cas, ce n'est pas une philosophie de l'humain. La banlieue n'est pas une maladie sociale, c'est la société tout entière qui est malade. Ceux qui y souffrent et galèrent ne sont pas des gens à part, ils peuvent même être source d'innovation à la mesure des déchirements dont ils sont victimes.

Allons chercher au fond du sac « exclusion ».

J'y ai trouvé une phrase de M. Ernest-Antoine Seillière :...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Chacun ses références !

M. Jack Ralite. ... « l'acquis social doit céder devant la nécessité économique ». C'est le règne du profit sans rivage. Cette pratique est galopante à l'ère de la financiarisation dans la mondialisation.

On entend dire, quand les licenciements arrivent : « c'est une page qui se tourne ». Une ouvrière de Daewoo en Lorraine répliquait : « peut-être, mais nous on était sur la page ».

Nous sommes à un « moment brèche » qui nécessite la fonction du refus à l'étage voulu. Dans un livre de François Bon, Temps Machine, un ouvrier déclare ceci : « la maladie qui gagne, c'est celle de notre vengeance de mains noires parce qu'ils ne savent plus quoi faire de nous ». C'est une réaction d'« effacés », d'« engloutis », d'êtres à qui il est demandé de se faire oublier, de rester à quai comme assignés à résidence. Ces êtres se considèrent comme en trop et sont gagnés par une culpabilité profonde jusqu'à la haine de soi. Ils n'ont bientôt plus, pour être indemnisés de leur malheur, que leur vengeance imaginaire. Ils sont entrés dans des histoires closes et privés du « risque de vivre », seul moyen pourtant d'avoir le « risque de guérir ».

La violence est au bout de cette souffrance. Violence contre soi - la drogue et parfois le suicide -, contre autrui - la délinquance et plus, comme à Nanterre, où huit conseillers municipaux ont été tués en séance du conseil municipal. Comment ne pas risquer d'être violent quand on est relégué hors de l'humain ? C'est comme faire disparaître sans tuer. C'est une violence invisible qui trouve sa source non dans une barbarie mais dans la souffrance de celui qui y est acculé.

Ces êtres sont alors suspendus dans le vide, entre « un passé luisant » et « un avenir incolore », disait Apollinaire. Ils cherchent un responsable, et c'est malheureusement souvent celui qui paraît étrange - l'étrange pauvre -, l'étranger - le pauvre étranger -, l'émigré. C'est ainsi que se « racise » la question sociale. Dans le désemparement d'eux-mêmes, les gens se retrouvent dans le « quotidien de leurs haines », et c'est « le dernier jour de se donner la main ». C'est la différence indifférente aux autres différences, c'est l'inhospitalité.

Chacun a des facultés d'étonnement, d'imagination. Or, aujourd'hui, au travail, les conditions mutilent ces capacités et empêchent un dialogue entre les gens et la culture. On peut parler d'« un fantasme patronal rêvant de salariés qui savent, mais qui ne pensent pas », de « boxeurs manchots », pour reprendre l'expression de Tennessee Williams.

Or l'homme est visiblement fait pour penser, c'est toute sa dignité. Là se pose la question centrale du travail - le travail entendu comme activité délibérée de civilisation du réel - et de son traitement, qui ne saurait se limiter à une amélioration du « hors travail ». Il faut pouvoir respirer au travail, sinon ce dernier empoisonne la vie.

Une souffrance est aussi la déliaison du « lien social ». Tout le monde ne peut pas être l'ami de tout le monde, mais le « lien social » n'a jamais nié le conflit ; il en est la conséquence en même temps que le dépassement. Il ne se réduit pas au lien civil ou à la proximité, qui souvent n'est que physique et n'est pas la source d'une proximité sociale.

Dans notre société marquée par le capitalisme international et national, il y a tant d'interdits majeurs que le « lien social » est un immense travail. Il ne saurait s'identifier à la « cohésion sociale », nouvelle tentative de faire consensus, qui, évitant de poser les problèmes, ne fait que les accroître. En fait, la politique du Gouvernement se nourrit par son échec.

A ces êtres, l'Etat et le patronat, avec leur singularité et leur épaulement réciproques, ne proposent que la norme, l'idéal d'un homme dit normal, alors que la normalité, c'est la victoire du moment sur le devenir.

Et l'homme normal existe-t-il ? La vie est mobile et l'on ne peut la mettre entre parenthèses. La norme est devenue l'une des formes majeures de l'exercice du pouvoir dans l'entreprise comme dans la société. C'est un outil essentiel pour la fabrique de subjectivités adéquates au pouvoir.

C'est dessaisir un sujet de son arbitraire qui s'exprime dans ses actes. C'est le refus des actes et l'apologie des protocoles et des schémas de comportement, des évaluations et accréditations, c'est le façonnement manipulateur du « lien social ». C'est l'alignement sur la « performance », dont les illustrations les plus caricaturales, au cours de la dernière période, sont la tentative de l'Etat de contrôler l'intime à travers une organisation rapprochée de la psychanalyse et la déclaration, qu'on ne répétera jamais assez, du PDG de TF1 : « mon travail est de rendre les cerveaux disponibles aux publicitaires ».

A énumérer ces problèmes touchant aux esprits, aux coeurs et aux corps, on est frappé par la corruption du vocabulaire.

La langue devient trompeuse et manipule. Jamais n'ont été inventés tant de mots nouveaux : « insertion par le travail », « emplois inadéquats », « ouvriers employables », « chômeurs à insérer », « chercheurs d'emploi », « activité ».

Les mots deviennent des voiles et facilitent la diffusion opiniâtre de la précarité, de l'insécurité sociale, particulièrement chez les jeunes, c'est-à-dire de la déstabilisation du travail, qui se répercute comme une onde de choc dans toute la vie sociale, jusqu'aux bases même de la vie collective.

Mais la question la plus fondamentale est l'absence, la privation d'avenir, avec ses repliements sur soi, son coin, son pays, sa communauté, et la dérive communautariste.

Il est vrai que, ces dernières années, les chocs internationaux ont été terribles, jusqu'à rendre invisibles les « bougés » sociaux et culturels, qui exigent autant réponse que les attaques et les effondrements.

Si l'on songe aux sans-travail, aux sans-logement, aux sans-papier, aux sans-domicile fixe, aux sans-voix, aux sans-relations, aux sans-espoir, « être au monde », c'est être bousculé, fracturé, parfois bousillé jusqu'à ne plus avoir de terrain commun. C'est le règne de la loterie du marché, de l'arrogance, de l'insensé, de la pollution des rapports humains, de l'analphabétisme social, au mieux d'une pensée restreinte du commun.

Le « commun », ce mot qui a joué un si grand rôle dans l'histoire, est aujourd'hui handicapé, notamment par ce qui est arrivé au mot « communiste », liquidé à la manière du bébé jeté avec l'eau du bain.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les communistes en ont jeté beaucoup avec l'eau du bain ! Des millions !

M. Jack Ralite. Nous avons donc à reconstruire le commun, l'« en-commun », autrement, en le toilettant de ses aberrations possibles - étatisme, communautarisme, nature commune, commun fusionnel -, qui empêchent la reconnaissance des singularités et brouillent le sens à être ensemble pour de l'universel, qui a tant besoin de conscience commune, de « souverain bien » comme disait Spinoza, d' « individualités serviables », de « correspondances avec les autres ».

Nous devons travailler beaucoup plus pour que chacune, chacun puisse faire de nouveaux commencements. Pour cela, s'il faut « se souvenir de l'avenir », s'inspirer du conseil d'un auteur allemand, Heiner Müller - « l'herbe même, il faut la faucher afin qu'elle reste verte » -, il ne faut pas tout évaluer en termes de dégradation, de perte, de déclin, de crise, sources de désenchantement. Il faut surtout oser affronter, avec rigueur et courage, et ne pas dire que le capitalisme est une donnée et non une variable, ce qui nourrit l'impuissance démissionnaire.

On voit ce qu'il en est à l'OMC, à la Banque mondiale, à Bruxelles et dans chaque pays, en France notamment, où l'on est trop souvent adepte du consensus mou ou partisan d'un monde séparé.

René Char avait bien raison : « la réalité ne peut être franchie que soulevée ».

Le RMI, la CMU sont d'excellentes mesures qui concernent des millions de personnes, mais il faut aller beaucoup plus loin.

Je retiendrai l'idée de l'historien britannique Eric Hobsbawm : « le problème politique majeur du monde, et certainement du monde développé, n'est pas comment démultiplier la richesse des nations, mais comment la distribuer au bénéfice de leurs habitants ». « Le sort de l'humanité, dit-il, dépend de la restauration des autorités publiques ».

C'est nécessaire en France surtout, où la politique, qui se faisait essentiellement, et par tradition nationale, dans les institutions et les partis, est aujourd'hui souvent émise par les grandes entreprises financiarisées, imposant leur point de vue, le gouvernement de M. Raffarin obtempérant malheureusement le plus souvent.

C'est un travail inouï de convaincre de cette démarche, mais c'est un travail incontournable et urgent de trajets à tracer, d'actions exploratrices dans ce monde de dédales non repérés, qui connaît le chaos, l'encombrement, la complexité, l'instantanéité, la croyance, la violence, l'impuissance.

Pour cela, la société doit être appréhendée dans son ensemble sans vouloir l'achèvement. On ne joue pas au mécano. L'homme, disait Virgile, est « une pierre vivante dans la construction humaine ».

A Aubervilliers, j'ai trouvé et j'écoute éperdument les cris et les silences, ce qui rassemble et ce qui s'écarte, ce qui se pénètre et ce qui se croise, ce qui fait contact et fait contrat, ce qui efface des certitudes et emporte vers l'ailleurs.

J'ai rencontré de grands déracinements, des lieux de refuge temporaires, le grand écart entre les emplois nouveaux et les populations ancienne et nouvelle, souvent paupérisées.

Comme maire, j'ai été chaque jour une cousette, faisant du tricot social souvent cisaillé l'instant d'après. J'ai essayé - et il faut continuer - tous les microprojets en triant dans la galaxie de trucs prétendument miraculeux.

J'ai refusé de substituer l'utopie technicienne à l'utopie sociale. Je me suis libéré de la manie de l'expertise, qui émiette tout et censure le sens. Je n'ai pas confondu l'humanitaire indispensable au quotidien et l'humanisme incontournable, fondamental. J'ai appris à ne pas revenir mais à venir. J'ai appris que, pour beaucoup de pauvres, le temps et la durée ne sont plus des éléments du raisonnement. J'ai vu le « recul » de la préoccupation de la santé, notamment chez des jeunes. J'ai compris qu'il n'y a pas de petite digue, qu'il faut résister, et que, dans ce mot, se trouvait l'une des sources du construire, ce construire à ne jamais remettre au lendemain.

Il en a été ainsi de la Plaine Saint-Denis, que les villes d'Aubervilliers et de Saint-Denis, dans un vrai partenariat de durée, ont pensée, initiée démarrée, malgré un Etat frileux au début et toujours distant.

Nous avons avancé. Reste une hantise : la coupure, parfois la défiance, qui peut aller jusqu'à une certaine haine silencieuse, entre ceux auxquels cette Plaine Saint-Denis a permis d'aller de l'avant et ceux qu'elle a laissés de côté.

Nous sommes à l'heure exacte de la conscience, et il s'impose à nous de rassembler audacieusement contre la vision commerciale du monde et pour ce que Victor Hugo appelait « la quantité de réel qui est dans ce que les hommes appellent l'impossible ».

M. le président. Veuillez conclure, je vous prie !

M. Jack Ralite. Il s'agit non pas de se clore dans un assemblement mais de vivre ensemble, sans doute de manière conflictuelle, avec des contradictions évolutives, pour fabriquer des processus qui mèneront progressivement, en arrachant le chiendent de l'ignorance de l'autre, vers des bornes que l'on voudrait infranchissables pour protéger « l'irréductible humain », que votre projet de loi ne traite pas à la dimension souhaitable.

J'aurais voulu - mais le temps presse - prendre trois exemples relatifs à l'emploi, au logement et à l'égalité des chances. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Il vous faut vraiment conclure, mon cher collègue !

M. Jack Ralite. Je croyais que la gravité des questions traitées permettait que l'on mordît un peu sur le temps ! (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. C'est très beau mais n'en rajoutez pas ! Cela ne sert à rien !

M. Jack Ralite. Je conclurai ce propos sur la pauvreté, la grande plaie du monde actuel, une sorte de bombe à retardement.

M. Dominique Braye. On voit ce qu'a donné le communisme !

M. Jack Ralite. En tout cas, à travers votre projet et la réalité générale de la pauvreté, la preuve est faite de l'incapacité du libéralisme à piloter humainement le monde.

M. Dominique Braye. Et le communisme ?

M. Jack Ralite. C'est une calamité, mais ce n'est pas une fatalité.

Le mot « désespoir » n'est pas politique et le mot « respect » n'a pas à connaître la pénurie.

Il faut oser sortir dans la rue, la rue d'ici, la rue d'Europe, la rue du monde, et charger sur ses épaules, pour la vérité, la dissonance de la ville.

Il y a là une socialité nouvelle. Nous devons, nous pouvons faire société, une société où le mot « égalité » ne serait plus un gros mot, ...

M. Dominique Braye. Trop, c'est trop !

M. Roland Muzeau. Si c'est trop intelligent pour vous, il faut le dire !

M. Jack Ralite. ... où les « rejetés » et les « maintenus » se retrouveraient enfin comme « individus de l'histoire du monde », conscients d'une « communauté qui vient », avec sa « citoyenneté sociale »...

M. Dominique Braye. Ne donnez pas de leçons !

M. Jack Ralite. ... permettant à chacune et chacun de sortir de la délégation passive, de voir le bout de ses actes, de ne plus se dévaloriser, de prendre la parole, de promouvoir de nouveaux droits et une nouvelle logique sociale dans une nouvelle vie publique.

Nous allons pendant plusieurs jours débattre de ces questions avec nos mots, avec le langage de chacun,...

M. Dominique Braye. Et votre expérience du communisme ! Vous savez de quoi vous parlez !

M. Jack Ralite. ...mais c'est d'actes qu'il est besoin. Le langage est arrivé à ses limites, et moi qui suis passionné de théâtre, ...

M. Roland Muzeau. Très bien !

Mme Bernadette Dupont. Cela se voit !

M. Jack Ralite. ...je pense à Molière, et comme plusieurs de ses personnages immortels, pour retrouver ou plutôt pour trouver le monde, je crie : « j'enrage » !

M. Dominique Braye. S'il y en a un qui ne peut pas donner de leçon, c'est bien vous !

M. Jack Ralite. Telle est la saveur, l'éthique, l'exigence, la volonté politique de la motion tendant à opposer la question préalable que le groupe communiste républicain et citoyen m'a demandé de défendre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. J'ai écouté vos arguments, monsieur Ralite, qui parlent de dégâts et de précarisation de la société. J'ai admiré le ton dramatisant de votre propos.

Cette situation n'est pas apparue voilà deux ans. Le projet de loi que vous dénoncez avec tant d'énergie ne changera rien à la part que le précédent gouvernement doit assumer dans ce bilan.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le résultat de votre politique, mesdames et messieurs de l'opposition !

M. Louis Souvet, rapporteur. Ni la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ni la loi de modernisation sociale n'ont donné les fruits attendus.

La situation est suffisamment préoccupante pour que nous évitions, les uns et les autres, de nous donner des leçons.

Je vous propose donc de débattre ensemble, de manière constructive, pour porter ce texte, car il est dans l'intérêt de tous qu'il soit mené à son terme et qu'il s'applique dans les meilleures conditions.

Ce projet de loi de cohésion sociale part du constat selon lequel notre République n'est plus très sûre de son modèle d'intégration sociale, ainsi que je l'indiquais hier.

En constituant un grand pôle ministériel, dirigé par Jean-Louis Borloo, le Gouvernement a entendu affirmer que la cohésion sociale entre nos concitoyens est certes une priorité sociale, mais qu'elle est aussi intimement liée à l'évolution de la croissance économique.

En trois mois, cette priorité a pris corps. C'est dire la réactivité du Gouvernement. C'est dire, aussi, l'engagement qui est le sien aux côtés de ceux qui peuvent se croire les oubliés de la République.

On nous annonce le retour de la croissance : elle saura, j'en suis convaincu, porter la cohésion sociale.

Vous comprendrez donc, monsieur Ralite, que la commission des affaires sociales, qui ne partage pas votre vision des choses, n'ait pas émis un avis favorable sur cette motion.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale. Je voudrais tout d'abord évoquer les propos tenus hier soir par M. Muzeau, au nom de son groupe. Leur importance justifie en effet que nous y revenions ce matin, reposés et détendus.

Monsieur Muzeau, je souscris à toute la première partie de votre déclaration, puisque vous y avez posé un constat, véritable réquisitoire contre les gouvernements français qui se sont succédé ces vingt dernières années.

Dois-je rappeler que la gauche a été aux responsabilités durant la majeure partie, les trois-quarts de cette période ?

M. Raymond Courrière. L'héritage...

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je vous propose que nous assumions ensemble la responsabilité de ce que vous énoncez dans votre réquisitoire, et que nous examinions les voies et moyens pour en sortir.

Venons-en au deuxième aspect de votre propos, sujet assez récurrent, à savoir les cadeaux aux entreprises.

Mon sentiment, à ce propos, est clair : dans une République qui se respecte, on ne doit pas offrir de cadeaux aux entreprises. Les aides aux implantations doivent être fléchées, surveillées, vérifiées. Elles doivent par ailleurs correspondre aux engagements réciproques qui sont pris : c'est le principe même des conventions.

Mais qui, parmi nous, ne cherche pas à accueillir des entreprises ? Quel serait le taux de chômage dans le Valenciennois, plus grande terre d'accueil industriel, sans les Canadiens, les Japonais, les Américains et les Allemands ?

Vous parlez des 16 milliards d'euros de compensation, monsieur Muzeau, et vous avez raison. Cependant, dois-je vous en rappeler l'origine ? Vous la connaissez ! C'est une loi de gauche qui, en gros, a proposé aux salariés français de faire un très gros effort sur leur pouvoir d'achat et l'organisation de leur travail, effort que la collectivité a compensé par une baisse des charges sociales. Ce sont les compensations Aubry.

M. Roland Muzeau. Il y a aussi des mesures Robien !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Non, ces mesures prendront fin début 2005 ! Mais ce n'est pas une critique à votre égard, monsieur Muzeau ! Il s'agit d'être factuel, et j'ai trop de respect pour vos propos pour ne pas l'être.

Un point cependant relève de notre responsabilité. Il est vrai que le Gouvernement a souhaité alléger fortement l'effort très violent demandé depuis des années aux salariés qui perçoivent le SMIC ou un peu plus, et ce en organisant la convergence des SMIC par le haut.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Cette mesure représente pour les salariés concernés quasiment l'équivalent d'un mois de rémunération supplémentaire. Il s'agit du plus grand effort accompli en faveur du SMIC en France depuis trente ans.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il est également vrai que cet effort, qui aurait été mortel pour l'économie française, est compensé en partie au titre des charges sociales.

Le Gouvernement assume ce coup de pouce majeur et massif en faveur des salariés qui sont au bas de l'échelle des rémunérations et qui connaissaient une situation difficilement tenable. Je ne crois pas, monsieur Muzeau, que, sur le fond, vous puissiez être franchement hostile à une telle mesure.

Enfin, monsieur le sénateur, vous connaissez trop ces affaires-là - c'est de ma part une main tendue dans votre direction -, pour ne pas avoir une réflexion de fond sur les contrats d'avenir. Ceux-ci vont en effet permettre de déboucher sur une augmentation de rémunération, une formation qualifiante obligatoire par le biais de la VAE, la validation des acquis de l'expérience, ou par un diplôme, et sur un véritable travail.

Je suis convaincu que la démocratie aura à s'exprimer un jour sur ces contrats, non pas sur le plan national mais sur le plan local. Je pense pour ma part que les prochaines échéances municipales se joueront en partie sur la capacité des élus à appliquer au mieux ce programme de cohésion sociale dans leurs territoires.

Monsieur le ministre Jack Ralite, on ne peut que partager votre fresque poétique dépeignant une société triste et malheureuse. Certes, elle l'est parfois. J'ai parlé moi-même des oubliés de la République.

Mais enfin, il y a beaucoup d'oubliés de la planète. Et ce phénomène n'est pas forcément lié à un modèle d'organisation étatique, car les Etats ne sont pas la seule forme d'organisation, ou à un problème d'organisation politique, laïque ou religieuse. En effet, vous le savez, il existe une grande diversité d'organisation des groupes humains dans le monde.

Tout en saluant la poésie de vos propos, que je trouve personnellement d'une très grande tenue littéraire, je considère qu'il n'y a rien de nature à nous empêcher d'aborder sereinement le fond du débat qui nous occupe aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. En répondant à M. le ministre, je n'oublie pas qu'il fut maire de Valenciennes. Et si lui-même m'a appelé « monsieur le ministre », il n'oublie pas non plus que j'ai été maire d'Aubervilliers. Nous avons de ce point de vue une expérience quasiment commune : il a connu la crise de la sidérurgie, et j'ai connu la Plaine Saint-Denis en friche.

Incontestablement, monsieur le ministre, dans nos villes respectives, nous avons redressé la situation.

Or, à Aubervilliers, la misère s'accroît - j'ai cité les chiffres -, et ce malgré les solutions que nous avons apportées et qui ressemblent beaucoup aux vôtres.

Nous avons ainsi une Maison de l'emploi, qui travaille en étroite association avec plusieurs organisations, dont une délégation de l'ANPE.

Vous avez dit tout à l'heure que le problème de la santé avait été oublié. Notre Maison Mosaïque reçoit des jeunes qui ne se soignent plus et refusent tout contact en dehors d'un entretien individuel !

De même, notre Maison des pratiques de bien-être et de santé accueille des familles qui ont renoncé à se soigner non pas seulement par manque d'argent, même si c'est le point de départ, mais parce qu'elles ont rayé la question « santé » de leur esprit.

Si toutes ces structures ont permis d'améliorer la situation de ces personnes, ou tout au moins de bloquer son aggravation, elles n'ont pas permis de résoudre les problèmes.

Vous avez parlé, monsieur le ministre, de la poésie de mon propos. Mais si j'« utilise », au bon sens du terme, les mots des artistes, c'est parce qu'en général ils pointent le coeur des problèmes et que leurs métaphores disent le réel comme aucun autre professionnel de l'écriture, un journaliste, par exemple, ne sait le faire.

Ce sont les problèmes fondamentaux qu'il faut régler, sur le plan tant international que national.

Or, sans vouloir être discourtois à votre égard, monsieur le ministre, je constate que votre texte ne règle pas les questions.

Je prendrai l'exemple de l'office HLM d'Aubervilliers. Le 21 août 2000, nous avions signé, avec M. Besson, un très bon contrat, qui a permis à cet organisme de régler ses difficultés financières, et également de traiter un certain nombre de dossiers de PALULOS, les primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale.

Nous avions déposé, à la fin de l'année 2001, vingt-trois dossiers de ce type. Neuf d'entre eux ont abouti. Il en reste donc quatorze en instance, qui concernent 2 700 logements.

Or la direction départementale de l'équipement nous répond que c'est désormais l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU, qui est compétente ! Même les dossiers en cours sont envoyés ailleurs !

Si ces demandes ne répondent pas aux critères de l'ANRU, le risque est que nous retournions au régime du droit commun, et que les 40°% de logements sociaux que nous avions obtenus grâce au plan signé avec M. Besson ne se transforment en 20°%. Et la population d'Aubervilliers dont je parlais tout à l'heure n'y peut mais !

En effet, entrent dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, nos 40°% de logements HLM, mais pas les 40°% de logements sociaux de fait. Ce manque très important pénalise notre ville ! Il y a donc des questions très graves que le projet de loi n'a pas réglées pour le moment.

J'ai peur que vous ne vous limitiez à des mesures « ambulancières », monsieur le ministre, même si je trouve votre représentation des problèmes - je le dis avec respect - presque géniale. Vous possédez d'indéniables qualités psychologiques, voire de juge de proximité.

Or nous avons besoin d'un médecin, d'un diagnostic fondamental, d'une médication « pensée ensemble » et des moyens afférents, car il s'agit d'une question de société qui nécessite plusieurs lectures.

Lorsque tous ces éléments seront réunis, nous pourrons alors commencer à corriger les erreurs, même si nous savons que cela sera long.

Je crains que les mesures caritatives ou redistributives ne soient de courte durée et n'endiguent pas l'exclusion. Il s'agit de réponses a minima, qui proposent une allocation, un travail et un savoir au rabais. Or le droit, comme le respect, ne se divise pas.

Vous savez bien que le « monde du peu » se satisfait finalement de la « démocratie du petit » : un petit peu plus de sous, un petit peu plus de bonheur, un petit peu plus d'égalité, un petit peu plus de liberté, un petit peu plus d'urbain, un RMI urbain ...

Or la banlieue a une autre ambition !

Que veulent les banlieues ? Tout ! Il faut prendre toute la mesure de cette affirmation : c'est en banlieue que se joue l'avenir de la société française !

Je vous communiquerai, monsieur le ministre, le manifeste d'une journée d'étude qui s'est déroulée à Aubervilliers en 1993, réunissant 700 personnes. Mais nous ne parvenons ni à le faire partager ni à le faire comprendre, car il pose des questions de fond qui ne s'arrêtent pas, elles, à la surface des choses.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ralite !

M. Jack Ralite. Je terminerai d'un mot. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Ce débat s'engage dans le style « politique réalité », comme il y a la « télé réalité ». Pour ma part, je souhaite une politique du réel, comme il devrait y avoir une télé du réel. Voilà pourquoi nous voterons contre ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Je regrette vivement que M. Jack Ralite se serve de son immense talent pour s'opposer à ce projet de loi. En effet, nul ne peut penser ici que ce texte ne va pas dans le bon sens. Certes, il ne va pas tout résoudre, monsieur Ralite ! Mais il va dans le bon sens, et je ne comprends donc pas que l'on veuille aller là contre.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 394, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter°?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 12 :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour l'adoption 118
Contre 195

Le Sénat n'a pas adopté.

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Rappel au règlement

M. le président. Je suis saisi, par MM. Godefroy et  Bel, Mmes Printz et  San Vicente, MM. Repentin et  Raoul, Mmes Boumediene-Thiery et  Blandin, MM. Desessard et  Lagauche, Mme Le Texier, MM. Mélenchon et  Vezinhet, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés, d'une motion n° 218, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale (n° 445 rectifié. 2003-2004).

Je rappelle que, en application de l'article°44, alinéa°8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la motion.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord rappeler mes propos d'hier : la nouvelle session du Sénat s'ouvre sous des augures très alarmants.

Je suis sénateur seulement depuis trois ans. C'est peu, mais suffisant pour avoir vu nos conditions de travail se dégrader progressivement. Aujourd'hui, je ne vois pas comment elles pourraient être plus mauvaises. J'oserai dire d'ailleurs, anticipant les critiques que l'on pourrait m'adresser, que, pour ma part, je contesterais de la même façon, le cas échéant, d'éventuels manquements commis dans le passé.

La commission des affaires sociales du Sénat ne chôme pas. C'est tout l'intérêt d'y siéger !

C'est elle déjà qui, fin juillet, avait clôturé les travaux de la précédente session, avec l'examen du projet de loi réformant l'assurance maladie, mais également en participant à plusieurs commissions mixtes paritaires sur la bioéthique ou la politique de santé publique. C'est elle enfin qui, depuis le début du mois d'octobre, entame à marche forcée cette nouvelle session.

Je crois qu'il est nécessaire de rappeler le cours des événements.

Le jeudi 7 octobre, alors qu'un certain nombre de commissaires étaient en phase d'installation, notre commission, à peine constituée, enchaînait avec un rapport de plus de deux heures de M. Dériot sur le projet de loi de simplification du droit dont nombre d'articles la concernait sur des sujets parfois importants : le régime social des indépendants, l'amiante, la modernisation des hôpitaux, etc.

Ce même jeudi 7 octobre, à dix-sept heures trente, la commission des affaires sociales auditionnait longuement Mme Montchamp dans la perspective de l'examen, qui a eu lieu la semaine dernière, du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

La semaine suivante, le 12 octobre, M. le ministre Jean-Louis Borloo, ses ministres délégués et ses secrétaires d'Etat avaient droit à une longue audition salle Médicis devant les caméras.

Les partenaires sociaux ont, quant à eux, été entendus au pas de charge. En trois jours à peine, nos deux rapporteurs, Mme Valérie Létard et M. Louis Souvet, ont procédé à une vingtaine d'auditions chacun, parfois en même temps qu'une réunion de notre commission ou que la séance publique, le projet de loi relatif aux ordonnances, qui nous concernait également, étant alors discuté dans l'hémicycle. Les personnes auditionnées ont juste eu droit à une quinzaine de minutes pour exposer leur point de vue sur ce texte, ce qui nous paraît insuffisant.

Bien évidemment, ces auditions ont été gracieusement ouvertes aux membres de notre commission - j'en remercie les rapporteurs -, mais, de fait, il était très difficile à ces derniers d'y assister. J'ai pour ma part participé aux auditions de M. Louis Souvet, et ma collègue Michèle San Vicente à celles de Mme Valérie Létard.

Je pensais donc retrouver dans le bulletin hebdomadaire des commissions le compte rendu des auditions auxquelles je n'avais pu assister. Le compte rendu de l'audition de M. Borloo y figurait bien, mais pas celui des auditions des partenaires sociaux, ce qui ne me paraît pas tout à fait normal.

De plus, pour ceux d'entre nous qui avaient décidé, étant donné l'importance du texte, d'y consacrer leur peu de temps de sommeil, l'information faisait défaut. Comment dès lors se forger valablement une opinion ?

Il y eut ensuite l'arrivée de la lettre rectificative de M. Larcher.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La lettre du Premier ministre, n'anticipez pas ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Avant d'évoquer le fond des articles proposés dans ce projet de loi, arrêtons-nous sur la forme, sur laquelle il y a beaucoup à dire.

Nous avions interrogé à plusieurs reprises la présidence et le Gouvernement - je l'ai fait pour ma part dans un rappel au règlement, le mardi 19 octobre, et dans une question adressée à M. Jean-Louis Borloo lors de son audition par la commission - sur la rumeur qui annonçait l'arrivée de ces dispositions. Chaque fois, le Gouvernement et la présidence ont rejeté cette hypothèse.

A moins d'une semaine du débat, alors que toutes les commissions saisies au fond ou pour avis avaient rendu leur rapport, pas moins de huit articles modifiant en profondeur notre législation sociale furent ajoutés au texte. Une audition de M. Larcher fut alors programmée en catastrophe le jeudi en début d'après-midi, puis finalement repoussée au mardi martin ; M. Gournac a organisé une série d'auditions des partenaires sociaux ; tous les sénateurs, une fois de plus, y furent conviés, ce dont je remercie M. le rapporteur ; mais ces auditions eurent lieu un lundi, jour où les parlementaires sont censés être dans leur département, leur emploi du temps étant bien souvent fixé plus d'un week-end à l'avance...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il est difficile de réorganiser tout son emploi du temps en moins de trois jours, vous le savez bien ! J'ajoute que les sénateurs ne sont pas tous domiciliés dans la région parisienne et qu'il faut compter les temps de transport.

Il nous est surtout impossible d'annuler les audiences prévues dans nos permanences ; ce lundi, j'ai justement passé la journée à recevoir des partenaires locaux au sujet du texte de programmation pour la cohésion sociale !

Il est regrettable que, sur un texte d'une telle importance, qui ne fera l'objet que d'une seule lecture, la commission n'ait pas pu procédé aux auditions dans les conditions formelles habituelles et que ces auditions n'aient fait l'objet d'aucune publication.

Notre commission travaille dans des conditions de calendrier anormales. Le dernier exemple en date est celui de l'audition de MM. Douste-Blazy et Bertrand sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, jeudi dernier, à huit heures trente du matin.

Monsieur le président de la commission, vous avez été obligé de demander une suspension de la séance publique qui avait commencé alors que la commission était toujours en réunion ! Vous avez vous-même évoqué le respect dû aux ministres, mais aussi aux membres de la commission. On ne peut pas mieux dire, et nous partageons parfaitement vos propos.

Outre ce qui s'est passé en commission, en trois semaines, nous avons dû examiner en séance publique, au pas de charge, une partie du texte de simplification du droit, par lequel le Parlement renonce à une bonne partie de ses prérogatives, le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, en deuxième lecture, très différent du texte de première lecture, et maintenant le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, qui contient déjà plus de soixante-dix articles sur des sujets très divers et pour lequel l'urgence a été déclarée dès le début de la procédure législative. Nous enchaînerons immédiatement avec l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale puis avec celui du budget pour 2005. Il faut, je crois, alerter le Gouvernement et lui demander de ne pas faire preuve d'une telle désinvolture à l'égard de notre assemblée.

On souhaiterait que le Sénat devienne une chambre d'enregistrement que l'on ne s'y prendrait pas autrement : les sénateurs ont à peine le temps de lire les textes, et encore moins les rapports !

Ce n'est pas que nous ne souhaitions pas travailler, bien au contraire ; mais nous sommes amenés à étudier les amendements pendant les suspensions de séances. Ce fut le cas hier soir, ce sera encore le cas au moment du déjeuner et mardi soir. Ce ne sont pas de bonnes conditions de travail et d'étude ! Si l'on veut que l'opposition joue pleinement son rôle, voire accepte un certain nombre de données proposées par le Gouvernement, il faut lui laisser le temps de travailler dans de bonnes conditions.

En agissant ainsi, le Gouvernement contourne les droits du Parlement et, avec eux, les droits de l'opposition. Vous savez bien, monsieur le président, que notre marge de manoeuvre est déjà faible ; dans une telle précipitation, elle se réduit à la portion congrue. Les conditions de travail qui nous sont imposées - à nous sénateurs et à nos collaborateurs à qui chacun se plait à rendre hommage - ne facilitent pas un examen des textes dans la sérénité.

Pour revenir au fond, je dirai, à propos de la lettre rectificative, que nous ne sommes pas dupes de la fausse querelle entre le MEDEF et M. Raffarin. Nous avons parfaitement compris qu'il s'agissait d'un leurre afin de détourner l'attention de l'opinion publique en se donnant une apparence sociale ; nous y reviendrons au cours du débat.

Depuis juin 2002 que le Gouvernement est aux affaires, nous avons déjà eu droit à trois sessions extraordinaires, et tous les textes les plus contestés de sa politique ont fait l'objet d'une déclaration d'urgence : le projet de loi portant réforme des retraites et le projet de loi relatif à l'assurance maladie, bien sûr, mais aussi le projet de loi pour la sécurité intérieure.

Je me souviens que, au tout début de cette législature, le Premier ministre, M. Raffarin, avait annoncé qu'il ne recourrait pratiquement jamais, sinon jamais, à la procédure d'urgence. La précédente session parlementaire s'était déjà achevée sur des critiques sévères concernant les conditions de travail des assemblées, notamment sur le système de la session unique.

Ces critiques viennent non pas seulement de l'opposition, mais aussi de la majorité, en particulier de deux de ses membres les plus importants, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, dont nous souhaiterions qu'ils bénéficient d'une meilleure écoute de la part du Premier ministre.

Dans l'hebdomadaire l'Hémicycle du 20 octobre dernier, le président du Sénat déclarait ceci : « le problème n'est pas de moins légiférer mais de légiférer autrement ». On ne saurait mieux dire, mais ce qui se passe actuellement est à l'opposé d'un tel propos.

Légiférer autrement, est-ce faire travailler la commission compétente dans de telles conditions ? Légiférer autrement, est-ce faire du Parlement une chambre d'enregistrement ? Légiférer autrement, est-ce faire adopter à la va-vite des dispositions qui bouleversent des pans entiers de notre législation sociale ?

Je ne le crois pas, nous ne le croyons pas, et je suis sûr que, sur les travées de la majorité sénatoriale, beaucoup ne le croient pas non plus. Je subodore même que M. le ministre Jean-Louis Borloo doute du bénéfice de procéder de cette façon.

C'est vrai qu'il y a urgence quand, selon des sondages récents, l'opinion publique estime, à 72 %, que le gouvernement de M. Raffarin va plutôt dans le mauvais sens en ce qui concerne le chômage et, à 57 %, en ce qui concerne la cohésion sociale.

S'il est vrai que nous contestons la méthode consistant à déclarer l'urgence sur les textes, nous ne contestons pas l'urgence qu'il y a à prendre des mesures alors que notre pays compte 2,4 millions de demandeurs d'emplois, 1,2 million de RMIstes, c'est-à-dire 10,5% de plus que pendant l'été 2003, qu'1,6 million de nos concitoyens vivent avec moins de 400 euros par mois, que le RMA de M. Fillon a fait un flop tonitruant - à peine 100 contrats signés au mois de juin dernier -, et que le dogme du traitement tout économique du chômage a donc montré sa « réelle efficacité ».

Face à ce bilan social, faut-il rappeler que, pour les entreprises stars du CAC 40, cela se solde par 23 milliards d'euros de profits cumulés sur le premier semestre 2004, soit une hausse de 68 % en un an ?

Nous étions prêts à entamer le dialogue avec vous, monsieur le ministre ; nous le sommes toujours sur tous les points de ce projet de loi, sans détour et avec un état d'esprit constructif, mais nous souhaitons pouvoir le faire dans le calme et avec sérénité.

C'est pourquoi le groupe socialiste vous demande d'adopter cette motion de renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Roland Muzeau. La parole à la défense !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La parole à la défense, je ne sais pas, monsieur Muzeau...

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est vrai, la commission des affaires sociales a un travail considérable, les conditions de travail en son sein y sont rudes, et les commissaires présents - ils ne sont certes pas toujours tous présents, ce que l'on ne peut que regretter - ont l'occasion de beaucoup oeuvrer, avec assiduité et courage.

Mais, monsieur Godefroy, cela plaide en défaveur de votre motion de renvoi à la commission. Si, en effet, une commission travaille beaucoup et se penche sur les textes qui lui sont soumis avec sérieux et assiduité, il n'y a pas lieu de lui renvoyer le travail effectué, car ce serait nier ce dernier ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Or nous partageons l'idée que nous travaillons sérieusement. Pourquoi donc vouloir étouffer cette commission en lui renvoyant le dossier qui nous est soumis ? Cela reviendrait à réduire à néant le travail effectué, et donc à empêcher la commission de travailler à l'avenir.

C'est pourquoi, partageant pourtant la plupart des observations de M. Godefroy, je demande, malheureusement, que la motion de renvoi à la commission soit repoussée.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 218 tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 13 :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 310
Majorité absolue des suffrages exprimés 156
Pour l'adoption 119
Contre 191

Le Sénat n'a pas adopté.

Nous passons à la discussion des articles.

Demande de réserve

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, comme je l'ai indiqué hier, je demande la réserve des articles 37-1 à 37-8 jusqu'après l'examen de l'article 66.

En outre, j'observe que les amendements déposés par le groupe CRC et tendant à insérer une division additionnelle ou des articles additionnels avant le chapitre Ier concernent eux aussi les procédures de licenciement. Dans un souci de cohérence, je demande donc également leur réserve, afin qu'ils puissent être examinés à la suite des articles précités de la lettre rectificative. Il s'agit des amendements nos 396, 397, 398, 403, 402, 401, 399 et 400.

Cela me semble la logique même. En effet, nous avons tous été d'accord pour que la lettre rectificative soit examinée après le projet de loi. Il convient donc de renvoyer après la discussion de l'article 37-8 l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels s'y rapportant.

M. le président. La commission vient de demander la réserve des articles 37-1 à 37-8 jusqu'après l'article 66, ainsi que la réserve des amendements nos 396, 397, 398, 403, 402, 401, 399 et 400 jusqu'après l'article 37-8.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je voudrais m'exprimer sur cette réserve.

M. le président. Il ne peut y avoir de discussion sur ce point, mon cher collègue. Lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

M. Roland Muzeau. Les méthodes de travail s'améliorent ! Je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. le président. Le règlement, en l'occurrence, est appliqué, puisqu'il précise, je le répète, que, lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement. Tout cela est donc parfaitement réglementaire et ne justifie pas que je vous donne la parole pour un rappel au règlement.

M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour un rappel au règlement qui portera non pas sur ce point, mais sur l'organisation générale de nos travaux. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. additionnels avant le titre Ier

M. Roland Muzeau. Je voudrais souligner, à la suite de mon ami Jean-Pierre Godefroy, dont les propos ont été très synthétiques et précis, qu'une véritable anarchie s'instaure dans l'organisation de nos débats.

Cette cacophonie est d'autant plus regrettable que M. le ministre a tenu à rappeler, très longuement et à plusieurs reprises, avec beaucoup d'humanité dans la voix, qu'il fallait prendre le temps de bien étudier ce texte, d'écouter l'opposition, de tenter de déboucher sur un consensus, à tout le moins de se comprendre les uns les autres, de concilier les points de vue.

Or, s'il nous a bien été indiqué hier que la discussion des articles 37-1 à 37-8 de la lettre rectificative serait réservée jusqu'après l'examen de l'article 66, jamais n'a été évoqué le sort des amendements que nous avions déposés tendant à insérer des articles additionnels avant le chapitre Ier. La question que j'ai alors posée sur ce point est restée sans réponse, mais nous constatons ce matin que, sur proposition du président de la commission, il est décidé, sans aucun débat, de reporter l'examen de nos amendements.

Je déplore vivement cette situation, d'autant que MM. Godefroy,  Fischer et moi-même avons exposé à plusieurs reprises, à l'occasion de précédents rappels au règlement, les réelles difficultés que rencontrent les groupes qui souhaitent vraiment travailler et s'exprimer sur ce texte, et non pas se borner à une attitude suiviste, à un comportement de « godillots ». Nous avions, pour notre part, organisé notre travail autour de la défense d'amendements tendant à insérer des articles additionnels avant le chapitre Ier, et je trouve donc lamentable que nous soyons privés dès l'entame de nos débats de la possibilité de développer nos arguments. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Telle est la réalité !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne peut à la fois se féliciter de la réserve des articles 37-1 à 37-8 jusqu'après l'examen de l'article 66 et s'étonner que la discussion d'amendements tendant à insérer une division additionnelle ou des articles additionnels s'y rapportant soit renvoyée au même stade du débat.

Je rappelle que notre demande de réserve ne concernait pas l'ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant le chapitre Ier ou l'article 1er, puisque l'amendement n° 389 rectifié, déposé notamment par M. Charasse, les amendements nos 219 rectifié bis du groupe socialiste et 362 du groupe de l'Union centriste n'étaient pas visés. La réserve n'affecte que les amendements se rapportant aux articles 37-1 à 37-8 de la lettre rectificative.

Par conséquent, il n'y a là aucune volonté de nuire au groupe CRC.

M. le président. Je rappelle qu'il me revient de faire respecter le règlement. En l'occurrence, celui-ci précise, je le répète, que, lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.