sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon

1. Procès-verbal

2. Décès d'une ancienne sénatrice

3. Questions orales

Recours par les offices de tourisme aux contrats à durée déterminée d'usage pour l'emploi des guides

Question de M. Louis Souvet. - MM. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Louis Souvet.

Avenir du site industriel d'Imphy Alloys SA

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie ; René-Pierre Signé.

Frais liés au recouvrement de la fiscalité locale

Question de M. Jean-Claude Carle. - MM. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie ; Jean-Claude Carle.

Avenir des petites entreprises artisanales et commerciales en milieu rural

Question de M. Jean Boyer. - MM. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie ; Jean Boyer.

Conséquences du séisme du 22 février 2003

Question de M. Daniel Reiner. - Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes ; M. Daniel Reiner.

Projet d'installation du TGI de Paris sur les sites de l'Hôtel Dieu et de Saint-Vincent de Paul

Question de Mme Nicole Borvo. - Mmes Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes ; Nicole Borvo.

Situation des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS)

Question de Mme Hélène Luc. - Mmes Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes ; Hélène Luc.

Conséquences de la grève des hydrogéologues agréés

Question de M. Bernard Piras. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Bernard Piras.

Manque de moyens dans le domaine de la santé publique dans le Nord-Pas-de-Calais

Question de M. Yves Coquelle. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Yves Coquelle.

4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Nouvelle Zélande

5. Questions orales (suite)

Lutte contre le bruit

Question de M. Georges Mouly. - Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable ; M. Georges Mouly.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

6. Énergie. - Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président.

MM. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Jean-Paul Emorine, au nom de la commission des affaires économiques ; Marcel Deneux.

7. Souhaits de bienvenue à M. Andréas Khol, président du Conseil national autrichien

8. Énergie. - Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement

M. Henri Revol, Mme Marie-France Beaufils.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

MM. Roland Courteau, Yves Détraigne, Jacques Valade, Jean-Pierre Godefroy, Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Plancade, Bruno Sido, Jean-Pierre Vial.

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

M. Jean Bizet.

9. Souhaits de bienvenue à une délégation du Qatar

10. Énergie. - Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement

M. Jacques Blanc.

MM. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie ; Roland Courteau.

Clôture du débat.

11. Communication relative à une commission mixte paritaire

12. Dépôt d'une question orale avec débat

13. Dépôt d'un rapport

14. Dépôt de rapports d'information

15. Dépôts rattachés pour ordre au procés-verbal de la séance du 15 avril 2004

16. Ordre du jour

Compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 15 avril 2004 a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'UNE ANCIENNE SÉNATRice

M. le président. J'ai le regret de vous rappeler le décès de notre ancienne collègue Nelly Rodi, qui fut sénatrice des Yvelines de 1986 à 1995.

3

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

recours par les offices de tourisme aux contrats à durée déterminée d'usage pour l'emploi des guides

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 442, adressée à M. le ministre délégué au tourisme.

M. Louis Souvet. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au tourisme.

« Nous ne sommes qu'au début du chemin », disait récemment M. Léon Bertrand, que je tiens à féliciter ici pour son action tout autant que pour sa modestie et son réalisme. Cette citation est en effet extraite de l'éditorial ministériel présentant les résultats du Comité interministériel consacré au tourisme. M. le ministre délégué précisait à cette occasion que cela fait vingt ans que le tourisme, pourtant première contribution à l'excédent de la balance commerciale française, n'avait pas fait l'objet d'une concertation interministérielle globale.

Les offices de tourisme sont des acteurs majeurs dans ce secteur. Ils doivent, pour dynamiser et étoffer leur action de promotion, avoir recours à des guides. Compte tenu des spécificités du secteur touristique, il est d'usage constant - les chiffres des statistiques sont là pour le prouver - que les offices de tourisme emploient les salariés en question sous contrat à durée déterminée. Lorsqu'un contrat à durée indéterminée est en cause, il s'agit soit d'un contrat à durée indéterminée « intermittent » - forme qui est difficilement applicable par les petites structures d'employeurs dont les offices de tourisme -, soit de salariés ayant d'autres tâches dans l'office et n'exerçant qu'occasionnellement une activité de guide.

Si la France veut conforter, comme c'est l'ambition légitime de M. le ministre délégué, sa place de première destination mondiale, elle pourra le faire grâce à la qualité de son accueil, qui passe par les offices de tourisme et, évidemment, par les guides. Par crainte de ne plus être en conformité avec les règlements, qui sont complexes en matière d'embauche, certains offices envisagent de supprimer des emplois de guide. Seraient ainsi remis en cause - et ce n'est sûrement pas le souhait de M. le ministre délégué - les efforts en faveur du développement du tourisme culturel en France, mais également les journées du patrimoine, pour lesquelles les guides des offices de tourisme sont évidemment mis à contribution.

Or, malgré des demandes réitérées de la Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d'initiative, l'activité de guides salariés de telles structures n'est pas présente dans la liste des secteurs habilités définis au 3° de l'article L. 122-1-1 du code du travail : cet article précise sans ambiguïté que la liste des secteurs d'activité dans lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de l'emploi, est définie soit par voie de convention ou accord collectif étendu, soit par décret.

Je demande donc à M. le ministre délégué si, compte tenu de ses prérogatives ministérielles, il va se joindre aux professionnels de ce secteur pour convaincre ses collègues du Gouvernement du bien-fondé de cette demande. Dans la ville dont je suis le maire, il est en effet de pratique constante qu'un guide effectuant trois visites dans la même journée signe trois contrats à durée déterminée de deux heures.

Au demeurant, je vous renouvelle mon soutien pour les actions entreprises par le ministère, à savoir faciliter, accompagner, adapter. Ma démarche s'inscrit totalement dans cette dernière logique.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, dont je salue la première intervention au Sénat dans ses nouvelles fonctions.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous adresser, en notre nom à tous, nos souhaits de cordiale bienvenue et de parfaite réussite.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, je suis infiniment sensible à vos aimables propos, qui me vont droit au coeur.

Monsieur le sénateur, mon collègue Léon Bertrand appréciera certainement les propos que vous avez tenus à l'instant à son endroit.

En son nom, je rappellerai, comme vous l'avez fait excellemment, l'importance qu'ont les guides au sein des offices de tourisme. Ils forment une composante essentielle de la prestation de qualité de l'activité touristique et permettent de mieux découvrir les sites naturels ou culturels de nos territoires.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage totalement votre sentiment sur la nécessité de stabiliser ces emplois, qui sont une priorité de notre économie touristique. A cette fin, il apparaît indispensable que le contrat à durée déterminée renouvelable pour raisons d'usage soit étendu à cette activité par voie réglementaire.

A ce jour, en matière de travail et d'emploi, le Gouvernement s'est engagé dans deux voies importantes.

Il s'agit, d'une part, de faciliter le dialogue social en entamant la négociation de branche dans les offices de tourisme, ce qui permettrait de trouver un accord pouvant, dès lors, être étendu.

Il s'agit, d'autre part, de simplifier le droit du travail. Comme vous le savez, François Fillon, alors ministre des affaires sociales, a confié à M. de Virville le soin de lui remettre un rapport sur la simplification du droit du travail, dans lequel la question du droit d'usage est abordée. Ce rapport donnera lieu, le moment venu, à des prolongements.

C'est en ces termes que Léon Bertrand a immédiatement saisi de cette question Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale, afin qu'un travail en commun entre leurs services permette de trouver une réponse pratique, opérationnelle et rapide à cette question. Il vous proposera ainsi le plus vite possible une solution susceptible de préserver, mais aussi de développer l'emploi des guides, dont il faut rappeler le caractère absolument indispensable à notre économie touristique.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Monsieur le secrétaire d'Etat, si une négociation s'engage, il ne sera pas difficile, à mon avis, de trouver un accord de branche puisque, comme je vous l'ai dit, la Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d'initiative le demande.

Nous attendons, bien sûr, les conclusions du rapport de M. de Virville, qui iront, je l'espère, dans ce sens. J'espère aussi que le ministre du travail voudra bien trancher. Toutefois, sauf erreur de ma part, je crois savoir que la décision peut être prise par décret. (M. le secrétaire d'Etat opine.)

Par conséquent, si la situation ne s'arrange pas, un décret ministériel devrait pouvoir véritablement accélérer le règlement de ce dossier. Nous en avons besoin, car les offices de tourisme, qui jouent évidemment un rôle très important dans l'activité touristique en France, se découragent quelque peu. De même, les guides, confrontés au problème de renouvellement de contrats, sont un peu comme « l'oiseau sur la branche ».

Il serait donc bon de « passer un coup d'éponge » sur toutes ces difficultés.

avenir du site industriel d'imphy alloys sa

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 457, adressée à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. René-Pierre Signé. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'annonce de la suppression de 94 emplois sur le site industriel d'Imphy Alloys SA, qui feront d'ailleurs pendant aux 73 emplois également supprimés à Firminy.

Dans un contexte de crise mondiale des aciers inox, les groupes industriels mondiaux réalisent des économies de grande échelle et se repositionnent sur des marchés plus étroits, mais le plus souvent au détriment de l'emploi et des territoires.

Dans un département déjà durement touché par la crise économique comme la Nièvre, les suppressions d'emplois annoncées sont à l'évidence difficilement vécues puisqu'elles feront suite à des licenciements au sein de Techphy et d'Ugitech. Il n'y a en effet qu'une poignée de lieux industriels comme celui d'Imphy qui soient capables de travailler aussi finement sur des alliages et inox complexes.

L'activité du site global, qui emploie 1 400 salariés, induit par ailleurs trois fois plus d'emplois dans la région. Tous les acteurs locaux sont donc extrêmement inquiets. Or les réponses précises de l'Etat aux questions déjà posées par plusieurs parlementaires de la Nièvre se font attendre.

Je souhaite donc insister, monsieur le ministre, pour savoir s'il vous est possible, en liaison avec les responsables locaux, d'assurer un suivi attentif de l'évolution de ce dossier. Plus généralement, comment comptez-vous prendre en compte l'avenir de ce bassin d'emplois ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le groupe Arcelor a annoncé, à la fin 2003 et au début de l'année 2004, qu'il envisageait de réduire les effectifs des établissements d'Ugitech et d'Imphy Alloys à Imphy.

Les activités industrielles des filiales concernées - élaboration des alliages, laminage de précision des aciers inoxydables et tréfilage - ont de très longue date contribué au développement de l'économie du bassin d'lmphy. Toutefois, les débouchés de ces activités, notamment dans les secteurs de l'électronique, de l'énergie, de l'automobile et de la mécanique connaissent, hélas ! depuis quelques années une évolution défavorable, en termes tant de demande que de concurrence.

Le Gouvernement est particulièrement attentif à cette évolution et c'est pourquoi il se bat pour la compétitivité de ses grands groupes nationaux. En effet, dans le domaine de l'énergie, sans EDF-GDF, mais aussi sans Alstom ou Aventis-Sanofi, la France ne disposerait pas des chances qu'elle a aujourd'hui.

Cependant, pour répondre à ces contraintes économiques, Arcelor doit aussi impérativement mettre en oeuvre les actions nécessaires en vue d'améliorer les performances des deux filiales, Imphy Alloys et Ugitech, sur les marchés de spécialité qui sont les leurs.

C'est à ce prix, en améliorant sa productivité et en développant les meilleures technologies, que notre pays conservera son avance, condition nécessaire pour maintenir ses emplois industriels.

Arcelor, comme nombre de ses concurrents en Europe, est engagé depuis le début des années quatre-vingt dix dans un cycle permanent d'adaptation de son outil de production, afin de maintenir son niveau de compétitivité et ses positions de leader mondial sur le marché, en particulier sur celui des aciers spéciaux, activité traditionnelle du site d'Imphy depuis l'origine.

Sur le site d'Imphy Alloys, la société intervient sur des marchés de spécialité - les alliages à base de nickel - où la concurrence est mondiale. Aujourd'hui, elle est en outre confrontée à l'envolée des cours des matières premières, le nickel notamment, ce qui porte atteinte à sa compétitivité.

Le groupe a annoncé, au début de mars 2004, qu'il comptait poursuivre les actions conduites depuis plusieurs années afin de maintenir et d'améliorer l'efficacité industrielle du site d'Imphy. Il a donc garanti la pérennité de cette implantation. Un plan d'adaptation devrait en conséquence être mis en oeuvre.

Dans le cadre des procédures fixées par la loi, une information et une consultation du personnel viennent d'être lancées. Conformément aux dispositions prévues dans le livre IV du code du travail, les conditions économiques du plan seront examinées avec le personnel. Les négociations suivent donc leur cours.

Arcelor a démontré ses capacités à maîtriser les conséquences sociales des restructurations qui ont depuis longtemps touché le groupe. Dans le cas d'Imphy, comme par le passé, le groupe est prêt à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour assurer au mieux le reclassement et la reconversion des personnels concernés. Fidèle à une pratique constante au sein du groupe, il s'efforcera notamment de rechercher une solution adaptée à chaque cas particulier.

En ce qui concerne la réindustrialisation du bassin d'emplois, l'expérience acquise par la société lui permettra, le moment venu, de proposer, en concertation avec les autorités locales, les solutions les plus appropriées afin d'engager la nécessaire revitalisation du tissu économique local.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de son côté, en liaison avec les autres administrations concernées, sera particulièrement vigilant en ce qui concerne le respect par la société des obligations que lui impose la législation en vigueur, d'une part, et le développement de ce site pour son caractère industriel, d'autre part.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, bien qu'elle ne m'ait pas vraiment rassuré quant à la pérennité du site d'Imphy.

Je ne reprendrai pas vos propos. Je crois que vous êtes convaincu de la performance de l'outil, de la qualification et du savoir-faire indéniable de la main-d'oeuvre. Il est dommage que des sites comme celui d'Imphy puissent être amputés, ou qu'ils puissent disparaître.

Si vous avez promis la pérennisation du site - et j'en prends acte -, vous avez aussi parlé de plans sociaux, de reconversion, de réindustrialisation. Cela laisse supposer qu'il y aura bien des licenciements et que le site sera largement amputé de ses emplois et de ses productions.

Je regrette cette situation, monsieur le ministre, même si je comprends les arguments développés par la direction : envolée du coût des matières premières, concurrence des entreprises implantées dans des zones dans lesquelles le coût de la main d'oeuvre est moindre. Mais ce sont précisément ces délocalisations qui nous font souffrir...

Le site d'Imphy présente une spécificité que l'on ne retrouvera pas ailleurs et la qualité de la production sera perdue en cas de délocalisation.

Dans tout plan social, les reconversions sont mal acceptées par des salariés qui, pendant des années, ont mis beaucoup de coeur à affiner leur savoir-faire. Or ceux d'Imphy fabriquent des aciers inox reconnus parmi les meilleurs produits en France.

Monsieur le ministre, le Gouvernement devrait prendre acte de cette situation et se battre avec une vigueur et une détermination accrues pour sauver le site d'Imphy qui, si je me réfère à vos propos, est gravement menacé.

frais liés au recouvrement de la fiscalité locale

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 472, transmise à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, ma question porte sur les frais prélevés par l'Etat au titre du recouvrement de la fiscalité locale.

L'Etat assure l'établissement et le recouvrement des impôts directs locaux pour le compte des collectivités locales. En contrepartie, il perçoit une somme égale à 8 % des cotisations.

Ce prélèvement, qui représente une partie substantielle des frais de fonctionnement, est parfois supérieur à la part perçue par certaines collectivités territoriales - la région ou les intercommunalités - sur l'impôt foncier ou sur la taxe d'habitation.

Ainsi, en 2003, pour un foyer fiscal acquittant 1 000 euros au titre de la taxe foncière, la région Rhône-Alpes perçoit 52 euros, tandis que l'Etat récupère 75 euros pour frais de gestion de la fiscalité locale directe.

Sur les 52 euros qui reviennent à la région, 92%, soit environ 47 euros, sont investis dans les politiques régionales - lycées, formation professionnelle, développement économique, transports... - et 5 euros seulement vont au remboursement de la dette ou à la gestion interne de la collectivité. Du moins était-ce le cas avant le mois de mars, lorsque nous conduisions l'action régionale, mais les choses risquent malheureusement de changer.

En revanche, les 75 euros perçus par l'Etat sont essentiellement consacrés à la gestion de la fiscalité locale directe, notamment au recouvrement de l'impôt pour le compte des collectivités, bien qu'une part soit réservée au financement de dégrèvements ou à la compensation de certaines exonérations.

Les collectivités territoriales et locales ont un rôle de redistribution non négligeable dans les domaines du développement économique, de l'éducation, de la formation, de l'action sociale et culturelle ou de l'aménagement du territoire.

N'est-ce pas un véritable contresens économique et politique qu'une assemblée locale, véritable vecteur d'investissement à l'échelle du territoire, perçoive une part de la fiscalité inférieure à celle qui est prélevée par l'Etat pour assurer le fonctionnement de ses services ?

Monsieur le ministre, lors de votre prise de fonctions, M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, a clairement annoncé son intention d'inculquer à ce ministère la même culture du résultat que celle que vous aviez prônée à ses côtés lorsque vous étiez au ministère de l'intérieur.

La culture du résultat, c'est la culture de l'efficacité et de la rentabilité. Elle s'applique au monde de l'entreprise. Tout opérateur économique qui ne respecte pas cette règle est appelé à disparaître.

Toutefois, elle peut également s'appliquer à l'Etat. Cette exigence doit se traduire par une réduction drastique des coûts de fonctionnement au profit de l'application de politiques territoriales. Elles seules sont génératrices de richesses au côté, bien sûr, des opérateurs économiques privés.

On ne peut indéfiniment admettre que, sur la feuille d'imposition des Français, une part aussi importante de la contribution fiscale soit consacrée à la gestion même de son recouvrement.

Notre société a connu, au cours des dix dernières années, un formidable développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Cette évolution offre aujourd'hui des outils qui permettent d'économiser des moyens, aussi bien matériels que financiers.

La cyberfiscalité commence à se développer dans notre pays. Mais il faut aller plus avant pour entrer dans un véritable cercle vertueux de la fiscalité.

Confiant dans votre volonté de réforme, volonté que vous avez déjà démontrée dans l'exercice de vos précédentes fonctions, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer les mesures que vous envisagez de prendre pour réduire ces coûts de prélèvement et de fonctionnement, afin de réserver une part plus importante de l'impôt à l'investissement, à la réduction des déficits ou à la baisse de la pression fiscale.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, l'Etat perçoit des frais de gestion sur le montant des cotisations d'impôts établies et recouvrées au profit des collectivités territoriales.

Ces frais sont non seulement la contrepartie des dépenses que l'Etat supporte pour établir et recouvrer l'ensemble des impôts directs locaux, mais ils servent également à financer partiellement les dégrèvements et les admissions en non-valeur dont ces impôts peuvent faire l'objet.

A ce titre, le coût de la participation de l'Etat pour les seuls dégrèvements et admissions en non-valeur a plus que doublé entre 1992 et 2002, passant de 4,8 milliards à plus de 10,3 milliards d'euros.

Dans le même temps, le montant total des frais de gestion perçus par l'Etat est passé, hélas ! de 2,7 milliards à 4,2 milliards d'euros.

Comme vous pouvez le constater, la participation croissante de l'Etat dans le financement de la fiscalité directe locale au cours de ces dernières années est de nature à expliquer le maintien de frais de gestion à un niveau élevé. L'Etat, je le rappelle, contribue chaque année au financement des collectivités locales à hauteur de 59 milliards d'euros, somme à comparer aux 4 milliards d'euros de prélèvements sur le fruit de la fiscalité locale.

Par ailleurs, l'établissement des rôles et avis ne représente, vous le savez, qu'une partie des travaux de l'administration pour l'émission des impôts directs locaux.

Les services fiscaux sont en effet chargés non seulement du calcul des impôts locaux et de la confection des rôles, mais aussi de la recherche et de l'évaluation de la matière imposable. Ils assurent, en outre, l'information des collectivités territoriales en leur notifiant les bases d'imposition nécessaires au vote de leurs taux d'imposition et une copie des rôles. Enfin, le budget de l'Etat finance les dépenses d'imprimés et de matériels qu'engendre la fiscalité directe locale. La globalité de ces travaux représente donc une charge importante.

Cela étant, la Cour des comptes porte en ce moment son attention sur la question des frais prélevés par l'Etat au titre de la gestion de la fiscalité locale. Nous examinerons avec attention les conclusions de son enquête.

Par ailleurs, et vous l'avez souligné à juste titre, le coût de la gestion de l'impôt est notablement plus élevé en France qu'en Europe. Il est également supérieur à celui d'autres services publics.

Cette situation s'explique par diverses raisons. Je n'en évoquerai que quelques-unes : plusieurs administrations interviennent dans la gestion de l'impôt ; les réseaux locaux ont un maillage très fin, qui est hérité de l'Histoire ; notre législation fiscale est, ô combien ! compliquée ; le raffinement et la modestie de certains impôts les rendent mécaniquement peu «rentables », si cette expression peut être ici utilisée.

Une étude est en cours depuis deux ans pour traiter les principales causes du surcoût. L'accent a ainsi été mis en priorité sur le recouvrement de l'impôt. L'idée qui préside à cette action consiste tout d'abord à remettre en cause la séparation entre la gestion de l'assiette et le recouvrement, à concentrer la perception de l'impôt sur une structure plus définie, à réduire le maillage territorial en fermant, ou plutôt en regroupant les petites structures.

Cette action doit être poursuivie : réduire le coût de gestion de l'impôt est en effet une nécessité absolue. S'agissant de l'impôt sur le revenu, les déclarations par Internet ont connu cette année un grand succès, ce qui est prometteur pour l'avenir.

Monsieur le sénateur, je veux vous assurer de la détermination du Gouvernement à faire la chasse aux dépenses indues et à améliorer la productivité du recouvrement de l'impôt.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous m'avez apportées sur la gestion de la fiscalité locale.

Vous avez distingué la part qui est réservée au dégrèvement et aux admissions en non-valeur et celle qui est consacrée à la gestion locale. Le coût de cette dernière reste très élevé, vous l'avez rappelé. Il a doublé en dix ans et il est supérieur à celui de la plupart des pays européens.

Monsieur le ministre, je me réjouis de votre volonté de réduire ce coût. Il s'agit, vous l'avez indiqué, d'une nécessité absolue. Il est important, dans un climat économique et budgétaire difficile, de concentrer nos efforts sur l'investissement plutôt que sur le fonctionnement. C'est en effet la meilleure façon de préparer l'avenir.

Je vous remercie de mettre en place des mesures qui vont dans ce sens.

avenir des petites entreprises artisanales et commerciales en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 476, adressée à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

M. Jean Boyer. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur l'avenir de notre tissu artisanal et commercial, en particulier au coeur de nos territoires ruraux.

Nous le savons tous, l'Etat ne saurait être le seul acteur du développement local. Néanmoins, il conserve un rôle fondamental et fédérateur afin de garantir en tous points du territoire national une parité de traitement, de chances, et donc de réussite

Nos différentes politiques d'aménagement du territoire doivent prendre en compte non seulement les handicaps naturels, mais aussi le nécessaire maintien des activités privées, dont la grande majorité remplit avec beaucoup de détermination et de volonté des missions qui, normalement, incomberaient aux services publics.

Ainsi, tous les efforts entrepris par l'Etat dans le but de rompre la fracture rurale ne sont pas simplement une nécessité, mais elles sont un droit, je dirais même une parité.

La décentralisation ne doit pas être uniforme, elle doit pouvoir s'adapter au terrain de la pratique locale. Conscient que chaque territoire, mais également la vie, sont liés au travail, je considère que l'un de nos objectifs essentiels est de tout faire pour servir le développement local. Vous le savez, monsieur le ministre, chers collègues, le maintien du travail, c'est aussi le maintien de la vie.

Ainsi, l'agriculture ne peut rester seule dans nos zones rurales, en particulier dans nos zones de montagne et de moyenne montagne. Nous avons besoin de commerces, d'artisans pour donner à l'aménagement de notre territoire tout son sens. Si nous n'y prêtons garde, nos agriculteurs n'auront plus de voisins pour les accompagner dans leur développement, ou simplement dans leur vie quotidienne.

C'est la raison pour laquelle il devient indispensable d'apporter une réponse concrète à tous ceux qui n'ont pas peur d'engager leur avenir professionnel et de prendre le risque d'investir sur ces territoires ruraux.

Choisir de vivre au pays n'est pas toujours un signe de rentabilité, c'est bien plus : c'est l'attachement à l'identité d'une région, mais aussi à la défense d'une certaine conception des services publics.

Comment le Gouvernement entend-il répondre à l'appel de nos campagnes, de ses petites entreprises artisanales ou commerciales pour accompagner notre monde rural dans son nécessaire renouveau ?

Par exemple, la mise en place d'une dotation d'installation en faveur de nos jeunes concitoyens, artisans ou commerçants, ne pourrait-elle pas être envisagée si ceux-ci décidaient de s'installer en zone de revitalisation rurale ? Dans le même sens ne pourrait-on pas instaurer une diminution sensible des charges patronales qui, au cours des premières années notamment, viennent grever littéralement le budget de ces jeunes entreprises ?

La décentralisation doit aussi être le moyen de donner des signes d'encouragement pour l'activité économique et le développement de nos territoires qui, vous le savez, se dépeuplent malheureusement de façon régulière.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous évoquez la mise en place de dotations à l'installation des jeunes en milieu rural pour les activités de commerce et d'artisanat et vous soulignez la nécessité d'un allégement des charges sur les entreprises en milieu rural.

Le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, est l'instrument privilégié de l'action de l'Etat dans ce domaine, en liaison avec les collectivités locales et les chambres consulaires, pour la sauvegarde et le développement des services commerciaux et artisanaux de proximité.

Ses ressources ont été fixées par la loi de finances pour 2004 à 71 millions d'euros. En application de la réforme de 2003, une majoration des taux d'intervention a renforcé l'impact du FISAC en milieu rural pour les communes de moins de 2000 habitants. Le FISAC subventionne en particulier les dépenses d'investissement relatives à l'installation, à la modernisation et à la sécurisation des entreprises et des locaux d'activité, y compris les vitrines.

Pour les opérations conduites par les collectivités publiques, sont également éligibles l'achat de locaux d'activité, hors fonds commerciaux, et l'aménagement des abords immédiats du commerce concerné, notamment pour en faciliter l'accès. Les taux d'intervention varient, suivant les cas, de 20 % à 40 %.

En 2003, 479 opérations en milieu rural ont pu ainsi être financées, pour un montant total de plus de 18 millions d'euros.

En ce qui concerne la baisse des charges patronales, il convient de rappeler que les allégements sur les bas salaires prévus par la loi du 18 septembre 2002 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, ne laissent subsister, au niveau du SMIC, qu'environ 5 % de charges patronales non conventionnelles.

Enfin, la loi pour l'initiative économique, entrée en vigueur en 2003, établit un différé de paiement des charges sociales dues au titre de la première année de création d'une entreprise, et les paiements sont ainsi étalés sur les cinq années suivantes.

Il existe donc un dispositif très important en faveur des petites entreprises en milieu rural, qui sera amélioré par l'action du Gouvernement avec la couverture numérique de l'ensemble du territoire national. Ce sera un instrument d'égalité et de péréquation pour mettre les territoires ruraux à égalité avec les villes.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Je constate, monsieur le ministre, que vous avez une bonne connaissance du message des territoires ruraux, mais je veux simplement vous dire, sans allonger exagérément mon propos, qu'ils ont besoin d'être compris et encouragés !

conséquences du séisme du 22 février 2003

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 468, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Daniel Reiner. Madame la secrétaire d'Etat, ma question est relative aux suites du séisme qui a touché l'est de la France, en particulier le sud de mon département, la Meurthe-et-Moselle, le 22 février 2003. Ce séisme a endommagé un assez grand nombre de bâtiments dans la mesure où, je le rappelle, il a atteint une magnitude de 5,4 sur l'échelle de Richter.

A la suite de ce tremblement de terre, plus de deux cents communes ont sollicité la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Seules vingt-trois d'entre elles ont reçu un avis favorable de la commission interministérielle de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle par des décisions du 28 mai, pour neufs communes, du 16 juillet, pour deux communes, et du 18 septembre 2003, pour douze communes.

De nombreux maires de communes qui ont subi des dégâts se sont étonnés de recevoir un avis défavorable de la commission interministérielle alors que la situation objective de leur commune aurait justifié, en toute logique, un avis contraire. Or, naturellement, cet avis pénalise leurs administrés, qui attendent le classement de la commune en état de catastrophe naturelle pour se faire rembourser par leur compagnie d'assurance, à due concurrence des dégâts subis.

A la lecture de la note préliminaire relative à ce séisme, établie par le Bureau central sismologique français de Strasbourg, il apparaît que l'enquête menée conforte largement cette impression d'incohérence et d'opacité qui préside à la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. La manière dont est établi ce rapport est pourtant primordiale, car les avis de la commission se fondent essentiellement sur ses conclusions.

La cartographie des communes retenues et non retenues est particulièrement inexplicable pour les habitants. Bien souvent, les parties urbanisées des communes sont limitrophes et les bâtiments ont subi les mêmes dégâts. Comment, alors, expliquer aux citoyens qu'à 100 mètres de distance ils seront ou ne seront pas remboursés des dommages qu'ils ont subis ?

Une telle situation ne peut que laisser, au sein des populations concernées, un sentiment de traitement inéquitable pour des situations pourtant comparables et d'une procédure incohérente. Cela conduit les citoyens à mettre en cause la responsabilité de leurs propres élus locaux.

Il apparaît que l'étude réalisée par le Bureau central sismologique français de Strasbourg n'a pas été réalisée de manière suffisamment exhaustive. En outre, les formulaires d'enquête macrosismique remplis dans l'urgence, à la demande de la préfecture, par les maires alors qu'il était encore impossible d'avoir une connaissance totale de l'ensemble des dégâts ont été très certainement déterminants pour fonder l'avis de la commission interministérielle. En effet, très peu de visites d'experts sur le terrain ont été réalisées : à ma connaissance, trois seulement.

Au surplus, les maires de mon département ont été informés de l'avis défavorable de la commission interministérielle par une simple lettre du préfet et n'ont jamais été destinataires de l'arrêté interministériel constatant officiellement l'état de catastrophe naturelle. Or ce document indiquant la liste des communes retenues est seul susceptible de recours devant les juridictions administratives.

Bref, l'information est pour le moins peu transparente, voire déficiente, et la décision finale inéquitable.

Dans un courrier commun avec M. François Guillaume, député de Meurthe-et-Moselle, en date du 3 décembre dernier, j'avais alerté le ministre de l'intérieur sur ce sujet et relayé les demandes des maires, qui souhaitaient au moins rencontrer les experts du Bureau central sismologique français de Strasbourg pour obtenir des explications fiables. Je m'étonne, d'ailleurs, de n'avoir obtenu aucune réponse à cette lettre.

J'ai, par la suite, informé de ces difficultés le président de la commission des affaires économiques de notre assemblée, qui, vu l'importance du sujet, a lui-même saisi les présidents des commissions des lois et des finances.

Ma question est simple, madame le secrétaire d'Etat : s'agissant d'une compétence de l'Etat, j'aimerais obtenir du Gouvernement des éclaircissements sur ce dossier en particulier et, plus généralement, sur ce que le Gouvernement envisage pour améliorer et renforcer la transparence de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. En effet, dans la plupart des cas, ce sont les élus locaux qui apparaissent responsables de ces situations aux yeux de leurs administrés, alors que leurs possibilités de recours sont inexistantes.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les conséquences du séisme qui a touché le sud du département de Meurthe-et-Moselle, le 22 février 2003. Celui-ci m'a chargé de vous apporter les précisions suivantes.

Le rapport du Bureau central sismologique français, le BCSF, sur lequel s'est appuyée la commission interministérielle pour statuer sur les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle a été établi conformément aux règles communément admises en la matière. Les formulaires concernant l'enquête macrosismique ont été adressés à près de 8 500 communes, réparties dans vingt départements. Les services postaux les plus proches de l'épicentre disposaient également de formulaires et l'adresse du site Internet du BCSF a été très largement diffusée par les radios, la presse et les télévisions. Chacun a donc pu faire part de ses observations sur le séisme du 22 février 2003.

Pour des raisons de fiabilité de l'information recueillie, il était important que les observations soient collectées dans les jours qui ont suivi le séisme. Le BCSF a ainsi pu produire un rapport dans des délais raisonnables, permettant alors à la commission interministérielle de statuer sur ce phénomène dès le mois de mai 2003. La rapidité dans le traitement du dossier a permis d'apporter une réponse diligente aux personnes sinistrées et, le cas échéant, d'ouvrir les droits à indemnisation.

J'attire votre attention sur le fait que, sur ces dossiers relatifs au séisme, des recours gracieux sont possibles sur la base d'une étude bâtimentaire établissant le lien direct entre les dommages observés et le séisme. A l'issue de cette expertise, qui pourra être soumise à son examen, le BCSF pourra apprécier s'il convient de modifier l'intensité macrosismique précédemment observée sur l'échelle macrosismique européenne, dite EMS 98.

Plusieurs communes ont recouru à cette possibilité, ce qui, dans un certain nombre de cas, a conduit le BCSF à revoir son évaluation de l'intensité macrosismique et la commission à émettre un avis favorable.

En ce qui concerne les remarques relatives à la transparence de la procédure, il convient de noter que la commission se prononce au vu d'études et de rapports techniques produits par des organismes habilités et compétents. Les critères qui fondent l'avis de la commission sont communiqués à tout élu ou particulier qui en fait la demande.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Voilà une réponse qui laisse particulièrement insatisfait le représentant des quarante maires des communes qui ne comprennent toujours pas cette décision !

En premier lieu, la rapidité est certes souhaitable, madame la secrétaire d'Etat, mais elle a aussi des conséquences négatives.

D'une part, les maires remplissent un formulaire - sans d'ailleurs savoir que ce formulaire va servir à l'information du laboratoire en question - et il est évidemment très difficile de dire si la terre a beaucoup bougé, un peu ou moyennement. Bref, ils agissent dans l'urgence.

D'autre part, la rapidité fait que si des décisions sont intervenues dès le 28 mai, d'autres ont été rendues le 16 juillet, puis le 18 septembre, ce qui prouve que la première étude était tout à fait insuffisante. Sur ce point, je continue donc de penser que la procédure n'est pas satisfaisante.

En second lieu, je pense qu'il faudra améliorer les textes : les maires n'étant en réalité informés que par le préfet, ils ne sont pas saisis de l'arrêté interministériel de manière officielle. Par conséquent, ils n'ont aucune possibilité de recours.

Selon vous, il suffit de faire une expertise. Mais qui va la payer ? La collectivité locale ? Les particuliers ? Et, naturellement, les assurances ne se précipitent pas pour envoyer leurs propres experts et prouver que les dommages constatés résultent du séisme, parce que cela les mettrait en cause directement !

Je pense très objectivement que, dans ce cas particulier - et même d'une manière générale -, nous devons faire beaucoup mieux pour traiter équitablement les populations.

Par ailleurs, je le répète ici, les maires sont très gênés, car ils sont mis en cause par leurs propres concitoyens, qui leur disent qu'ils ne travaillent pas bien, contrairement à leurs voisins qui ont réussi à obtenir l'état de reconnaissance naturelle. Nous sommes aussi là pour défendre nos collègues élus locaux !

projet d'installation du tgi de paris sur les sites de l'hôtel dieu et de saint-vincent de paul

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la question n° 469, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, par courrier du 24 février, le préfet de région a fait connaître au maire de Paris l'intention de l'Etat d'implanter le tribunal de grande instance de Paris sur le site de l'hôpital Saint-Vincent de Paul et sur une partie importante de l'Hôtel Dieu, dans le centre de Paris. Il demande donc que soit prévu dans le futur plan local d'urbanisme de Paris un zonage adapté pour ces emprises.

Si la question d'une extension du palais de justice de Paris se pose depuis très longtemps et si l'on peut comprendre l'intérêt des professions judiciaires pour un site qui se trouve dans le IVe arrondissement, le choix que l'Etat voudrait faire est indécent, car il revient à sacrifier des sites hospitaliers aujourd'hui indispensables.

De plus, l'avenir des structures hospitalières et leur localisation doivent faire l'objet d'une concertation dans la transparence avec l'ensemble des parties concernées - élus, professionnels de santé, population - et aucune décision ne saurait être prise avant négociation et concertation à tous les niveaux.

L'Etat est-il bien au courant des réalités ? Le site de Saint-Vincent de Paul n'est pas libre : un projet concerté a été approuvé par le conseil d'administration de l'AP-HP pour la prise en charge des enfants handicapés. La situation parisienne en ce domaine est catastrophique, et les besoins sont importants. Un travail de concertation a été engagé sur ce sujet et la ville de Paris, la DASS et l'AP-HP ont conjointement diligenté une mission pour préciser le contenu du projet. Il est impensable que l'accord trouvé au terme d'un long processus de négociation et voté par le conseil d'administration de l'AP-HP soit remis en cause par un arrangement entre ministres !

Quant à l'Hôtel Dieu, il est au coeur de toutes les communications d'Ile-de-France, où transite une population considérable chaque jour. C'est dans cet hôpital que sont souvent accueilli les accidentés parisiens. Par ailleurs, il a montré combien il était précieux lors d'événements aussi tragiques que l'attentat du métro Saint Michel.

Il représente 100 000 passages dans le service d'urgences, dont 40 000 urgences médico-judiciaires chaque année, et 3 500 jeunes âgés de quinze à vingt-cinq ans en difficulté sociale et familiale sont adressés par la protection judiciaire de la jeunesse et la médecine scolaire à l'Espace Santé Jeunes.

Faire disparaître cet hôpital serait une honte. Il faudrait, au contraire, développer au coeur de Paris un grand projet médical combinant des structures de santé publique, de soins de proximité et de prévention, projet sur lequel les médecins et les personnels de l'hôpital travaillent depuis longtemps.

Ces deux projets de fermeture se heurtent à une opposition des populations, qui se sont mobilisées.

Par ailleurs, la majorité du conseil de Paris s'est prononcée contre la demande de l'Etat. D'autres localisations sont possibles, vous le savez.

Je vous demande, par conséquent, de retirer sans délai ce projet néfaste pour la santé de tous. Son maintien ne pourrait qu'entraîner des effets désastreux du point de vue tant sanitaire et social que de la crédibilité des engagements pris par les pouvoirs publics.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Madame la sénatrice, le nouveau projet de palais de justice de Paris, pour la mise en oeuvre duquel un établissement public ad hoc a été créé sous l'impulsion du Président de la République, est un enjeu très important pour la justice et pour Paris.

Le ministère de la justice doit aujourd'hui répondre à une situation de dysfonctionnement critique, car le palais de justice actuel ne permet plus d'accueillir tous les services des juridictions parisiennes. Cette situation a conduit à la nécessité de reloger ces services dans des locaux souvent éloignés du palais de l'lle de la Cité.

L'éclatement du tribunal de grande instance sur plusieurs sites est néanmoins préjudiciable à l'accès au service public de la justice. En effet, seule une minorité d'initiés est aujourd'hui capable de se retrouver dans la multiplicité des sites judiciaires parisiens. Cela n'est pas acceptable. Pour garantir un égal accès de tous à la justice, il est important de disposer d'un lieu bien identifié. Comme tous les Français, les justiciables parisiens doivent disposer de locaux à la hauteur des besoins de la justice et de la place qu'elle occupe dans la société française. La capitale a besoin de ce grand projet structurant.

Le Gouvernement est déterminé à faire aboutir ce dossier dans des délais rapides. Compte tenu de l'ampleur des besoins - environ 100 000 mètres carrés -, de la rareté et du coût du foncier à Paris, la méthode la plus efficace pour faire aboutir ce dossier est d'étudier et de comparer toutes les possibilités techniques, sans a priori, en toute transparence et en concertation avec tous les acteurs, en particulier la ville de Paris.

Dès la création de l'établissement public, j'ai moi-même annoncé que cette méthode serait suivie. Sur une douzaine de sites identifiés ces dernières années, un examen technique et des compléments d'études sont en cours. Des contacts réguliers ont lieu entre l'établissement public et la ville de Paris.

C'est dans ce cadre que sont examinés les sites hospitaliers de Saint-Vincent de Paul et de l'Hôtel Dieu, mais il ne s'agit que d'hypothèses parmi d'autres. Aucune décision ne peut être prise aujourd'hui sur le ou les lieux d'implantation ; elle ne pourra l'être qu'à l'issue des premières études techniques et de la réactualisation des besoins du palais de justice. Surtout, cette décision ne pourra être prise qu'au terme de la concertation engagée avec tous les acteurs, au premier rang desquels figure l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.

Aucune décision n'a été prise, dites-vous. J'en prends acte. Je suppose que vous prendrez en considération, dans la concertation, le vote de la majorité du conseil de Paris ! En matière de décisions, les élus parisiens jouent en effet un rôle tout à fait important, et je suis certaine que vous partagez ce point de vue. Va-t-on demander aux Parisiens - moitié justiciables, moitié usagers des établissements de santé - de se déterminer ? Ce serait regrettable.

Je partage évidemment votre souci s'agissant du tribunal de grande instance, mais je considère qu'une solution est possible ailleurs qu'au centre de Paris. Une possibilité existe, vous le savez, notamment dans la ZAC rive gauche.

Aujourd'hui, alors que les hôpitaux de l'AP-HP se trouvent dans une situation difficile après des années de péréquation budgétaire interrégionale et intrarégionale, ils doivent réduire, sous l'injonction de l'ancien ministre de la santé, leurs dépenses de santé de 60  millions d'euros par an pendant quatre années. Il est également demandé à l'institution de vendre une partie de son patrimoine pour 170 millions d'euros, afin d'éponger une partie du déficit.

Il serait absolument indécent de supprimer des sites hospitaliers pour faire droit à la légitime demande des professionnels judiciaires et de la population et il faudrait que le ministre de la santé se réconcilie avec lui-même : la nuit, il se rend aux urgences de l'hôpital Saint-Antoine et s'émeut des difficultés de l'accueil des urgences ; le jour, il prend des décisions en matière de localisation hospitalière.

situation des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives (staps)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 467, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Hélène Luc. Madame la secrétaire d'Etat, sans vouloir être désobligeante à votre égard, permettez-moi de regretter vivement l'absence de M. Fillon. La question que je pose aujourd'hui est en effet très importante.

C'est un véritable malaise qui frappe la communauté éducative de la filière de sciences et techniques des activités physiques et sportives, ou STAPS. L'inquiétude est grande devant un avenir incertain. Elle se traduit par cette forte mobilisation que nous connaissons depuis quelques mois et j'ai personnellement assisté, lors du dernier conseil d'administration de l'IUFM, à une invasion des élèves, qui sont très mécontents des propositions qui leur sont faites pour l'année prochaine.

Je citerai quelques chiffres. Pour l'Ile-de-France, à Marne-la-Vallée, seules 30 places en formation, au lieu de 90, seront offertes aux étudiants. A l'IUFM de Créteil, les effectifs sont en baisse, passant de 306 étudiants en 2002-2003 à 282 étudiants en 2003-2004. Cela équivaut - disons-le clairement - à une sélection.

L'annonce de la baisse du nombre des postes mis au concours externe de recrutement du CAPES - ils devraient passer de 1330 en 2003 à 780 en 2004, soit une baisse de 41% pour près de 10 000 étudiants inscrits -, a fait office de précurseur d'une grogne aux racines bien plus profondes.

Près de 55 000 étudiants en STAPS, tous niveaux confondus, sont confrontés à des perspectives de débouchés trop faibles. Ils s'inquiètent de la baisse des recrutements et des dispositions du futur décret d'application de la loi du 1er août 2003, pris par le ministre de la jeunesse et des sports d'alors, visant à réglementer l'accès aux métiers d'encadrement sportif, autre débouché offert à la filière STAPS.

Sur ce point, M. le ministre de l'éducation nationale a rencontré des étudiants et des professeurs et il semble - il semble, dis-je - que des garanties leur aient été apportées pour que, avec leurs diplômes universitaires, ils puissent avoir accès aux emplois liés au sport. Mais cela n'enlève en rien à la vigilance qu'il faut garder sur ce sujet.

La situation de l'éducation physique et sportive aujourd'hui est la suivante.

Tout d'abord, selon une note de la direction prospective et développement du ministère de l'éduction nationale, il s'agit de la deuxième discipline proportionnellement au nombre des élèves par classe au collège, et, dans les lycées, il s'agit de celle qui possède les effectifs les plus chargés, soit 29,9 %.

Ensuite, la justification de la régression du nombre des élèves dans le second degré, régression qui ne représenterait cependant que 0,2 % d'élèves en moins par section, ne prend pas en compte l'augmentation du nombre d'élèves en primaire, qui seront les futurs collégiens.

Enfin, un appel constant aux vacataires et contractuels, le recours aux heures supplémentaires, le non-remplacement des professeurs malades et la dégradation des conditions de travail sont mis en cause. Or nous savons tous combien l'éducation physique et sportive doit s'accompagner de garanties, notamment en matière de sécurité. Pour cela, il faut des moyens humains et financiers.

La filière de l'éducation physique et sportive doit être considérée comme une discipline culturelle à part entière, elle est essentielle à la formation des enfants. Le développement de l'être humain est un tout, indivisible de l'esprit et du corps.

Qui plus est, dans l'exercice de leurs fonctions, les professeurs d'éducation physique sont confrontés journellement à l'apprentissage en situation de mixité - on en parle beaucoup en ce moment - et ils doivent assurer la réussite de leur enseignement. Il faut susciter l'engagement des jeunes, notamment des filles, dans le sport civil et les inciter à y exercer des responsabilités. C'est ce qui est proposé dans un rapport qui vient d'être remis au ministre de la jeunesse et des sports.

Les cours d'EPS ont une assise pédagogique forte et permettent bien souvent d'aider des élèves en grande difficulté scolaire ou sociale. Pourtant, il faut noter que les enseignements d'EPS en sections d'enseignement général et professionnel adapté, ou SEGPA, sont souvent les premiers touchés.

C'est pourquoi je souhaite que toutes les mesures soient prises afin que le nombre de postes offerts au CAPES 2004 soit au moins égal à celui de 2003. J'espère vivement que les importants gels de crédits annoncés par le ministre des finances n'affecteront pas le ministère de l'éducation nationale, qui n'a vraiment pas besoin de cela. Je vous demande également, madame la secrétaire d'Etat, de me dire, et par là même de dire aux représentants de la filière STAPS qui sont présents dans les tribunes du public, quelles sont les mesures que vous comptez prendre pour revaloriser cette discipline.

Il est essentiel d'agir rapidement si l'on ne veut pas faire de l'EPS une discipline annexe : il faut garantir un rattrapage de l'encadrement pédagogique et scientifique du cursus STAPS, la création de postes correspondants et l'amélioration des contenus de formation.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Je souhaiterais tout d'abord, madame la sénatrice, vous adresser les excuses de François Fillon, qui aurait souhaité vous répondre personnellement sur ce sujet qu'il suit avec une attention toute particulière. Mais, retenu par des rencontres avec les partenaires sociaux de l'éducation nationale,...

Mme Hélène Luc. Je le sais !

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. ... il m'a demandé de vous transmettre les éléments suivants.

Dans ce dossier, il convient de garder à l'esprit l'évolution des effectifs scolaires due aux mutations démographiques. Les faibles taux de natalité des années quatre-vingt dix font qu'aujourd'hui les effectifs d'élèves sont en baisse. Ainsi, la diminution du nombre de postes offerts au CAPEPS reflète cette réalité.

Est-ce à dire que l'avenir des étudiants en STAPS est conditionné par le nombre des postes offerts par l'éducation nationale ? Bien évidemment non : les 50 000 jeunes inscrits dans cette filière n'ont pas tous vocation à devenir professeur d'éducation physique et sportive !

En fait, à quoi prépare le cursus STAPS ?

Il prépare, certes, au professorat, mais aussi à d'autres débouchés tels que l'entraînement au sein d'associations sportives locales, l'encadrement de jeunes, voire le management de clubs sportifs... et cette liste n'est pas exhaustive : nous pourrions y ajouter l'enseignement et l'encadrement de la pratique sportive pour les personnes âgées ou encore l'accompagnement de personnes handicapées, pour qui le sport est à la fois une pratique thérapeutique et une source de bien-être dans un quotidien souvent difficile.

C'est vous dire, madame la sénatrice, à quel point les débouchés sont nombreux.

Je voudrais ici saluer le dynamisme et la créativité de celles et ceux qui encadrent les étudiants en STAPS et qui cherchent à anticiper les besoins futurs en réfléchissant aux nouveaux métiers du sport.

Au-delà des perspectives professionnelles offertes aux étudiants en STAPS, le ministre de l'éducation nationale et le ministre des sports suivent avec attention l'application de la loi du 1er août 2003. Ils ont conscience des inquiétudes que provoque la publication prochaine des décrets d'application.

C'est pourquoi une large concertation s'est engagée la semaine dernière, tant sur ces décrets que sur l'ensemble des problématiques liées aux filières sportives. Nous ne pouvons en préjuger l'issue, puisqu'elle se poursuit encore aujourd'hui. Néanmoins, soyez assurée, madame la sénatrice, de l'esprit responsable et constructif de chacun.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse ne peut me satisfaire entièrement. Cela étant, je prends acte du fait que des discussions sont engagées et j'espère vivement qu'elles apporteront une réponse aux questions que se posent les professeurs d'éducation physique et sportive. Pour bien connaître ces derniers, je sais quelle est leur motivation, et vous êtes d'ailleurs également bien placée pour savoir quelles difficultés ils rencontrent, puisque cela relève en partie de vos fonctions ministérielles.

Ils pensent - et je partage leur souci - qu'il vaut mieux former des professeurs d'éducation physique pour que les jeunes acquièrent le goût du sport et aient envie de continuer ensuite quand ils seront adultes plutôt que de construire des écoles particulières ou des prisons pour les jeunes, voire toutes sorte d'institutions destinées à lutter contre la drogue, etc.

M. le Premier ministre a dit : « Il ne faut pas enlever de crédits dans les ministères qui servent l'avenir des jeunes. » Or celui dont nous parlons est vraiment l'un des plus décisifs pour l'avenir des jeunes !

L'engagement du Gouvernement doit donc être ferme et rapide. Le ministère de l'éducation nationale, qui ne saurait en aucun cas subir de gels de crédits, doit prendre en compte les revendications et répondre aux inquiétudes des étudiants, des enseignants et des élèves.

Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, l'argument selon lequel il y aurait trop de professeurs est un argument fallacieux dans la mesure où il élude tous les autres paramètres liés à la filière du sport. En réalité, nous manquons de professeurs ; il suffit, pour s'en convaincre, de considérer le nombre de contractuels recrutés à temps partiel.

Au demeurant, le malaise ressenti face à l'annonce de la réduction des postes ouverts au recrutement n'est pas la seule dimension du problème. Il convient non seulement, je le répète, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le nombre de postes offerts au CAPES en 2004 soit au moins égal à celui de 2003, mais il faut également entamer une réflexion afin d'améliorer les conditions de travail des étudiants et des enseignants et d'offrir aux élèves un enseignement sportif à la mesure des ambitions que la France assigne à ses enfants.

C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, avec les professeurs et les étudiants d'éducation physique et sportive, je resterai très vigilante quant aux discussions en cours.

conséquences de la grève des hydrogéologues agréés

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 466, adressée à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Bernard Piras. Madame la secrétaire d'Etat, je voudrais, par votre intermédiaire, attirer l'attention de M. le ministre de la santé et la protection sociale sur les conséquences de la grève des hydrogéologues agréés.

En effet, depuis le 14 mai 2003, les hydrogéologues agréés sont en grève afin d'obtenir un statut juridique et financier clair pour les missions d'expertise réalisées en application de la réglementation sanitaire.

Cette situation de blocage a de graves répercussions, notamment pour les élus des communes qui recherchent des points d'eau visant à sécuriser l'approvisionnement de leurs administrés, la sécheresse de l'été 2003 ayant mis en relief les conséquences dramatiques du manque d'eau.

Je souhaiterais donc savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour résoudre ce conflit qui porte préjudice à nos administrés.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur les revendications des hydrogéologues agréés en matière d'hygiène publique, ainsi que sur les difficultés qu'engendre le mouvement de contestation entamé par certains d'entre eux depuis le mois de mai dernier.

Je tiens à souligner que ce mouvement de protestation est suivi inégalement selon les régions et qu'il a perdu aujourd'hui l'un de ses motifs importants du fait de la revalorisation de la rémunération des hydrogéologues agréés, résultant de discussions avec leurs représentants et instaurée par un arrêté interministériel publié au Journal officiel du 19 mars dernier.

Certains points restent cependant à préciser et, compte tenu de l'importance que le Gouvernement attache aux missions assumées par les hydrogéologues agréés pour la protection des captages d'eau destinée à la consommation humaine, il a été demandé aux services d'examiner comment faire bénéficier les hydrogéologues agréés du dispositif applicable aux collaborateurs occasionnels du service public, je pense en particulier aux dispositions du 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale.

En outre, le Gouvernement abordera prochainement les modalités de rémunération des coordonnateurs départementaux, autre revendication des membres de la profession.

L'ensemble de ces actions conduites par mes services devrait être de nature à mettre fin le plus rapidement possible à ce conflit.

Dès à présent, je tiens à préciser que cette situation n'empêche pas les collectivités ayant connu des difficultés d'approvisionnement l'été dernier de rechercher de nouveaux points d'eau. En effet, l'hydrogéologue agréé intervient en aval, dans la procédure d'autorisation d'un captage d'eau, et les travaux préalables indispensables pour vérifier, notamment, la disponibilité d'eau en quantité et en qualité à partir d'un nouveau point de captage sont menés sans son intervention.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Madame la secrétaire d'Etat, je suis partiellement satisfait par votre réponse, car la situation de blocage persiste et je vous demande de faire preuve, avec vos collègues du Gouvernement, de célérité.

En effet, si en 2004 il devait y avoir une canicule similaire à celle de 2003, la situation serait catastrophique pour nos administrés !

manque de moyens dans le domaine de la santé publique dans le nord-pas-de-calais

M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, auteur de la question n° 470, adressée à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Yves Coquelle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la région Nord - Pas-de-Calais, sinistrée par une situation économique et sociale dramatique, avec des taux de chômage qui dépassent souvent la barre des 35%, n'est pas mieux lotie, loin s'en faut, en matière de santé.

Nous sommes dans le peloton de queue des régions pour l'espérance de vie. On vit chez nous six à sept années de moins que dans le reste de la France !

Nous manquons de lits d'hôpitaux, de médecins généralistes, de spécialistes, d'infirmiers, d'aides soignants et, selon les estimations de l'Observatoire régional de la santé, en 2020, la région comptera 20 % de médecins généralistes de moins qu'aujourd'hui, 30% de spécialistes, voire 40% dans certaines disciplines telles que la psychiatrie, et ce malgré une forte capacité de formation des médecins.

En effet, la faculté de médecine de Lille est la quatrième de France en nombre d'étudiants après Paris, Lyon, Aix-Marseille, ce qui en fait un pôle solide et reconnu. Elle dispose pourtant de beaucoup moins d'enseignants en seconde année de médecine : c'est ainsi, par exemple, que, pour encadrer 100 étudiants, la faculté de Lille dispose de 67,4 enseignants en médecine contre 188 professeurs pour la faculté de Toulouse.

Il en résulte que les étudiants de la région réussissent moins bien le concours national de l'internat, dont les places sont prises par des étudiants d'autres régions qui, une fois diplômés, repartent s'installer dans leur région d'origine.

Depuis plus de dix ans, d'éminents professeurs de médecine mettent en avant le déficit croissant de professionnels de santé dans notre région.

C'est le cas du professeur Jean-Louis Salomez, président de l'Observatoire régional de santé, qui déclare : « La moindre médicalisation dans la région est connue depuis le début du xxe siècle, mais cette situation n'a été analysée comme un déficit que depuis une dizaine d'années et depuis peu par les institutions, tant était fort le discours sur l'excès de médecins en France.

Il poursuit : « Il a fallu la conjonction de plusieurs phénomènes pour que ce déficit soit enfin reconnu : les délais de rendez-vous insupportables dans certaines spécialités, les problèmes de fonctionnement des établissements de soins publics et privés ainsi que les difficultés dans le monde libéral pour trouver des remplaçants ou des successeurs. »

Il ajoute : « A priori les déficits actuels devraient se pérenniser, et même s'amplifier dans les vingt ans, malgré le relèvement du numerus clausus.

« Ce déficit devrait toucher les spécialités telles que la psychiatrie, l'anesthésie, l'ORL, l'ophtalmologie, et s'installer dans des disciplines comme l'obstétrique ou la chirurgie générale.

« L'hôpital public devrait également connaître de tels déficits.

« Cette situation est aggravée dans la région par les étudiants qui, une fois leur diplôme en poche, retournent exercer dans leur région d'origine.

« Cette fuite est de l'ordre de 30% et n'est pas compensée, notre région n'attirant que très peu de médecins d'autres régions. »

Madame la secrétaire d'Etat, cette situation est alarmante. En effet, pour seulement combler ce déficit, il faudrait créer d'ici à 2020, c'est-à-dire demain, 25 000 emplois dans le domaine de la santé pour la seule région Nord - Pas-de- Calais.

Je vous demande donc solennellement de me dire ce que compte faire le Gouvernement pour remédier à cette dramatique situation dans les plus bref délais.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est particulièrement sensible aux difficultés rencontrées par certaines régions, et notamment par la région Nord - Pas-de-Calais, face au manque de professionnels de santé.

Dans ce contexte, depuis la rentrée 2002, le Gouvernement a accru très sensiblement les numerus clausus. En particulier, le nombre des étudiants en médecine a augmenté de 18%, avec 850 places supplémentaires ; celui des étudiants en pharmacie de 16%, avec 350 places supplémentaires ; celui des étudiants en odontologie de 16%, avec 129 places supplémentaires ; celui des étudiants sages-femmes de 8%, avec 75 places supplémentaires ; celui des étudiants infirmiers de 14%, avec 3 564 places supplémentaires ; celui des étudiants masseurs-kinésithérapeutes de 19%, avec 269 places supplémentaires ; celui des étudiants en orthophonie de 24%, avec 124 places supplémentaires ; celui des étudiants en psychomotricité de 13%, avec 43 places supplémentaires.

A l'échelon national, le Gouvernement a veillé à répartir ces effectifs en tenant compte des besoins régionaux et des capacités de formation. Dans ce contexte, la région Nord - Pas-de-Calais a bénéficié d'augmentations d'effectifs particulièrement significatives.

Par ailleurs, s'agissant des enseignants en médecine, le centre hospitalo-universitaire de Lille a bénéficié depuis une dizaine d'années d'une augmentation régulière de ses effectifs, qui est supérieure à la moyenne nationale grâce à un plan pluriannuel de redéploiement national des emplois de professeur des universités, qu'il s'agisse des praticiens hospitaliers ou des maîtres de conférences des universités praticiens hospitaliers. Ainsi, depuis la rentrée d'octobre 2003, le nombre de professeurs des universités praticiens hospitaliers est passé à 157, et le nombre de maîtres de conférences des universités praticiens hospitaliers à 71. Parallèlement, le nombre de postes d'assistants hospitalo-universitaires et de chefs de clinique a été augmenté, pour atteindre respectivement 32 et 133.

Pleinement conscient des besoins croissants dans les années à venir, le Gouvernement a la ferme intention de continuer cet effort sans précédent pour les régions en difficulté, en particulier, monsieur le sénateur, pour le Nord - Pas-de-Calais.

M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.

M. Yves Coquelle. Je suis en partie satisfait, madame la secrétaire d'Etat, de votre réponse. J'ai noté que le Gouvernement était sensible aux difficultés de la région Nord-Pas-de-Calais et qu'il a décidé d'augmenter les numerus clausus.

Toutefois, je crains que ces mesures ne soient pas immédiatement visibles, puisque les jeunes qui commencent cette année leurs études de médecine ne les termineront que dans une dizaine d'années. D'ici à cette date, la région traversera encore de nombreuses difficultés.

L'Etat devrait sans aucun doute prendre des mesures incitatives pour faire en sorte que les nouveaux diplômés viennent s'installer dans le Nord - Pas-de-Calais, où, somme toute, la situation n'est pas aussi catastrophique que l'on veut bien le dire, même si nous connaissons des difficultés.

En conclusion, je souhaite rappeler que notre région souffre parce que les entreprises partent, parce qu'elle compte un nombre incalculable de chômeurs, parce que les perspectives sont réduites. Si les problèmes de santé de ses habitants sont liés, sans aucun doute, à une consommation élevée d'alcool et de drogue, ces difficultés ne pourront être résolues que le jour où des moyens supplémentaires seront accordés au Nord - Pas-de-Calais qui, je ne le répéterai jamais assez, a tant donné à la France au lendemain de la guerre et mérite aujourd'hui de bénéficier d'un traitement un peu plus favorable.

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Nouvelle-Zélande

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence dans notre tribune de M. Jonathan Hunt, Président de la Chambre des représentants de Nouvelle-Zélande.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite une chaleureuse bienvenue à M. Hunt et à sa délégation, en espérant que son voyage en France sera couronné de succès et contribuera au renforcement de l'amitié qui lie nos deux peuples. (Mme la secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

5

Questions orales

(suite)

lutte contre le bruit

M. le président. Nous en sommes parvenus à la dernière question orale.

La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 459, adressée à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Georges Mouly. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, la lutte contre le bruit a été, à plusieurs reprises, énoncée comme un objectif premier dans le cadre de la politique de l'environnement. En témoigne le principe d'une charte environnementale voulue par le Président de la République, principe qui vise à faire du droit à l'environnement le troisième pilier sur lequel devrait reposer notre Constitution. En témoignent également les premières rencontres parlementaires « santé et environnement » du 12 décembre 2003.

Je veux attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur les nuisances sonores provoquées parfois par le fonctionnement de discothèques, en l'occurrence à Paris : vie nocturne d'agrément pour les uns, impossibilité d'un repos réparateur pour les autres, « bercés » jusqu'à près de six heures du matin par un bruit parfois tonitruant. A la longue, le sommeil devenant impossible, la santé, en particulier l'équilibre nerveux, qui est mis à rude épreuve, se trouve affectée.

Je connais bien la situation des habitants de deux immeubles parisiens affectés de cette « plaie ». Je ne m'étendrai pas sur leur pétition, restée évidemment lettre morte. Voici plutôt l'essentiel des faits : après dénonciation de la situation, une lettre du commissaire central de l'arrondissement concerné a apporté les précisions suivantes : « Ces établissements ont pu ouvrir au public après le passage de la commission de sécurité de la préfecture de police. De même, conformément au décret n° 98-114 du 15 décembre 1998 visant les établissements diffusant à titre habituel de la musique amplifiée, l'exploitant a produit une étude d'impact acoustique réalisée par un organisme agréé pour chaque établissement. En conséquence, en cas de nuisance sonore, la personne concernée doit appeler les services de police, permettant ainsi aux intervenants de constater une gêne caractérisée et de dresser, le cas échant, un procès-verbal de contravention. »

En fait, il ne s'agit pas de contrôler l'intensité de la nuisance, qui sera minime un soir et excessive un autre soir, mais bien plutôt de savoir si, en amont et «  à la source », lois et règlements ont été respectés. Au passage, cependant, pour ce qui concerne le contrôle, je ne peux pas ne pas citer ce passage d'une lettre du maire de l'arrondissement concerné : « Même s'ils sont verbalisés, les gérants des établissements de ce type ne se soumettent pas facilement aux règles. » Avouez que c'est pour le moins surprenant ! Curieuse irresponsabilité que d'écrire cela !

Mais j'en reviens au fond du problème. Les victimes ont pu avoir connaissance de l'étude d'impact, qui est déterminante. J'en ai pris moi-même connaissance, bien évidemment, et j'ai constaté avec surprise que l'étude a été menée pour un seul immeuble, alors que trois immeubles, qui sont non pas voisins mais contigus, sont concernés. Et les chambres sont parfois adjacentes à la discothèque !

Cette situation a été signalée au service technique des permis de construire de la capitale, mais la lettre est restée sans réponse. La DRIRE, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, n'a pas davantage répondu. Par ailleurs, une question écrite ainsi qu'une lettre accompagnée de l'étude d'impact adressée au précédent ministre de l'écologie n'ont pas reçu plus d'écho.

Je veux croire que vous comprendrez, madame la secrétaire d'Etat, que, dans ces conditions, on puisse se poser la question de savoir si ce type d'établissement peut ne pas respecter les lois et les règlements touchant à son existence même. Dans le cas d'une irrégularité aussi fondamentale, quelle mesure effective doit être prise ? Il s'agit ni plus ni moins, étant donné le préjudice subi - qui touche à la santé humaine - du respect de la personne, je l'affirme sans forcer le trait.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le sénateur, vous avez appelé notre attention sur la lutte contre le bruit des discothèques. Je tiens au préalable à vous indiquer que, comme vous, je considère la lutte contre le bruit comme une priorité d'action du ministère.

Dans ce domaine, un plan national d'action a été présenté le 6 octobre 2003. Nous nous attacherons, bien entendu, à sa mise en oeuvre.

L'article L. 571-6 du code de l'environnement prévoit que les activités bruyantes sont soumises à des prescriptions générales déterminées, pour chaque activité, par décret.

Ces prescriptions précisent les mesures de prévention, d'aménagement, d'isolation phonique, d'éloignement des habitations, ainsi que les modalités dans lesquelles sont effectués les contrôles techniques.

Les établissements ou les locaux qui reçoivent du public et qui diffusent de manière habituelle de la musique amplifiée sont régis, dans ce cadre, par le décret du 15 décembre 1998.

En application des dispositions de l'article 5 de ce décret, les exploitants de lieux musicaux sont tenus d'établir et de mettre à disposition des agents chargés du contrôle une étude de l'impact des nuisances sonores comprenant notamment la description des dispositions prises pour limiter le niveau sonore et les émergences aux valeurs fixées.

Cette étude, effectuée par un organisme professionnel habilité à garantir un résultat en cas de prescription de travaux, contient notamment des renseignements concernant le fonctionnement de l'établissement, des renseignements techniques sur la salle et sur son système de sonorisation, ainsi que des indications sur les dispositions prises par l'exploitant pour lutter contre le bruit.

En cas de nuisances sonores, toute personne s'estimant gênée peut demander que l'infraction soit constatée. Les agents des services de l'Etat commissionnés à cet effet et assermentés, les inspecteurs de salubrité des services communaux d'hygiène et de santé, ainsi que les agents des collectivités locales sont notamment chargés du contrôle de l'application du décret du 15 décembre 1998.

Le non-respect de la limitation du niveau sonore moyen, le défaut de présentation de l'étude d'impact des nuisances sonores, ainsi que, pour les établissements contigus à des locaux d'habitation, le non-respect des valeurs d'émergence, sont sanctionnés par une contravention de 5e classe.

Les exploitants encourent la peine complémentaire de confiscation des dispositifs ou matériels qui ont servi à commettre l'infraction.

Le préfet peut, s'il a constaté une infraction, mettre en demeure l'exploitant de satisfaire aux dispositions prévues par le décret dans un délai donné et, en cas de poursuite de l'infraction après l'expiration de ce délai, faire réaliser d'office les travaux nécessaires aux frais de l'exploitant. II peut suspendre l'activité de l'établissement jusqu'à l'exécution des mesures prescrites et, en ce qui concerne les établissements dépendant du code des débits de boisson, suspendre, le cas échéant, l'autorisation d'ouverture tardive.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, que j'ai écoutée attentivement, en prenant même quelques notes.

A la fin de votre intervention, vous avez précisé que la nature de l'infraction ne concerne pas seulement la nuisance elle-même, mais également l'étude d'impact. Or c'est bien ce point que j'ai soulevé tout à l'heure. En l'occurrence, cette étude, dont le document fait presque un centimètre d'épaisseur et que j'ai lu de la première page à la dernière page, n'a été menée que pour un seul des trois immeubles concernés. Que faut-il donc faire dans cette situation très précise ?

Certes, les textes prévoient tout, je vous ai bien entendu, madame la secrétaire d'Etat. Cependant, concrètement, les personnes qui vivent dans ces immeubles ne savent plus comment s'y prendre.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

6

énergie

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'énergie.

Monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que cette déclaration, annoncée par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, a donné lieu à un débat à l'Assemblée nationale le jeudi 15 avril dernier.

Sur la proposition de M. Jean-Paul Emorine, représentant la commission des affaires économiques et du Plan, j'ai souhaité, lors de la dernière réunion de la conférence des présidents, qu'un débat de même nature puisse également avoir lieu au Sénat, bicamérisme oblige.

Je me félicite que le Gouvernement ait répondu favorablement à cette demande. En notre nom à tous, je tiens donc à remercier pour leur présence M. Nicolas Sarkoky, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui va maintenant prononcer la déclaration du Gouvernement, ainsi que M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, qui répondra tout à l'heure aux orateurs. L'un et l'autre connaissent fort bien notre maison, et je leur souhaite la plus cordiale bienvenue au Sénat, où nous sommes heureux de les accueillir. Ils seront invités à y revenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Le débat qui s'ouvre aujourd'hui au Sénat servira de prologue à la discussion que nous aurons prochainement sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz, qui est actuellement en préparation.

La parole est à M. le ministre d'Etat.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous remercie, monsieur le président, de nous inviter, Patrick Devedjian et moi-même, à revenir au Sénat. Dois-je comprendre que vous nous invitez également à y demeurer ?

M. le président. Pas tout de suite ! (Sourires.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Patrick Devedjian et moi-même voulons vous présenter les orientations de la politique de l'énergie du Gouvernement.

Après un an de débat et de concertation à travers la France, nous venons vous exposer les axes stratégiques de cette politique de l'énergie. Certes, ce débat a permis de commencer à sensibiliser les Français, mais, autant le reconnaître, l'énergie est encore trop souvent une question de spécialistes, dont les termes techniques rebutent les citoyens.

Pourtant, les Français sont à la fois les premiers concernés et les premiers acteurs de cette politique. Car l'énergie les concerne, et dans leur mode de vie et dans leur environnement. Nous devons leur expliquer que tout cela n'est pas indifférent, que l'énergie n'est ni infinie ni gratuite.

Quant au débat sur les moyens de production, pour la plupart des Français, il reste encore trop restreint au seul choix du nucléaire, avec des arguments souvent plus idéologiques que pragmatiques.

Bien souvent, nos compatriotes ne voient pas non plus l'utilité de faire dès aujourd'hui des choix pour les générations futures : ils veulent encore croire que les économies d'énergie ne sont pas indispensables ; ils ne savent pas non plus si les énergies renouvelables sont crédibles.

Il faut encore faire preuve de beaucoup de pédagogie, et c'est à nous, responsables publics, que revient cette tâche. Il importe que les Français comprennent nos choix, que ce soit pour les contester ou pour y adhérer. On ne doit plus pouvoir croire aujourd'hui, en France, que le nucléaire engendre des gaz à effet de serre, ou bien que le gaz naturel est encore produit chez nous, ou encore que l'énergie solaire pourrait être la solution à tous nos problèmes.

C'est la raison pour laquelle Patrick Devedjian et moi-même allons nous attacher à présenter les priorités de notre politique de l'énergie de la manière la plus claire et la plus transparente possible, une politique au sens profond du terme, car elle exigera des décisions lourdes.

Je souhaiterais d'abord revenir sur notre héritage national, les contraintes mondiales et le cadre de notre action, qui doit être désormais celui de l'Europe.

L'héritage national, c'est d'abord la décision prise par le général de Gaulle de créer, en 1946, Electricité de France et Gaz de France, deux entreprises qui ont permis la reconstruction de notre pays dans les années cinquante et qui l'ont accompagnée tout au long des trente glorieuses. Grâce à cette décision, nous disposons aujourd'hui de deux champions nationaux.

L'héritage national, c'est ensuite la découverte brutale, en 1973, de notre dépendance à l'égard du pétrole et de son impact sur notre économie avec le premier choc pétrolier. Face à ce choc, deux décisions politiques ont été prises.

La première fut la «chasse au gaspi» - le slogan nous est resté - avec la mise en place d'une campagne d'économies d'énergie déterminée, malheureusement délaissée après le contrechoc pétrolier de 1986, qui a vu le prix du pétrole s'effondrer, le baril passant de 30 dollars à 10 dollars ; il est remonté, pour s'établir, en moyenne, entre 33 dollars et 35 dollars.

Le lancement d'un programme nucléaire sans précédent fut la seconde décision politique.

Nous sommes les héritiers de ces décisions nationales, qui marquent encore notre politique et notre pays. Elles ont été prises pour relever des défis, dans des circonstances très difficiles. Elles ont cependant pour l'essentiel survécu aux périodes de crise qui les ont engendrées, en donnant à la France des atouts incontestables, sur lesquels je souhaite insister, car ils ne sont pas assez connus.

Notre premier atout est constitué par un taux d'indépendance énergétique de 50 %. A cet égard, il faut dire aux Français que, combattre le nucléaire, comme certains le font, c'est combattre l'indépendance nationale en matière d'approvisionnement énergétique.

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Le taux d'indépendance énergétique des Italiens est de 16 %, contre 50 % en France, alors que notre pays ne bénéficie ni du pétrole ni maintenant du gaz dont disposent les Anglais ou les Néerlandais, et alors qu'il n'exploite plus de charbon, à la différence de nos voisins Allemands.

Le choix du nucléaire a permis de produire une électricité compétitive : elle est, pour les ménages, 10 % moins chère que la moyenne européenne. Ce choix a également permis de réduire les émissions de CO2 : celles-ci sont inférieures de 40 % à celles de l'Allemagne et de 35 % à celles de la Grande-Bretagne.

Ces atouts sont importants. Ils nous montrent que notre héritage énergétique est de qualité et qu'il nous faut préserver notre avance en la matière. Or nous ne pourrons y parvenir en restant immobiles, et ce pour la simple raison que le monde bouge. Nous devons, à l'image des fondateurs de notre politique énergétique, anticiper les grands choix stratégiques de notre pays.

Des contraintes nouvelles sont apparues pour la France.

Tout d'abord, nous n'avons pas de pétrole et presque plus de gaz sur notre territoire. Certes, le fait n'est pas nouveau, mais les conséquences sont aujourd'hui inédites. Trente ans après le premier choc pétrolier, la sécurité d'approvisionnement énergétique de notre pays est redevenue, avec moins d'acuité mais plus d'ampleur, un véritable sujet de préoccupation.

Quand on sait que la Chine vient de devenir le deuxième consommateur de pétrole au monde, avec un taux de croissance de 10 %, quand on sait que la production de pétrole des pays de l'OCDE stagne, quand on sait que l'OPEP détient 80 % des réserves mondiales de pétrole et que la Russie sera le principal fournisseur de gaz de l'Europe dans vingt ans, on comprend sans peine pourquoi la sécurité d'approvisionnement en énergie de notre pays est un objectif central de notre politique.

La seconde contrainte est plus récente, mais tout aussi préoccupante : il s'agit du réchauffement climatique.

L'effet de serre ne doit pas être considéré comme un sujet ésotérique, sur lequel on ne pourrait pas avoir d'avis autorisé. Même si tous les avis scientifiques ne sont pas convergents, un consensus se dessine autour de réalités simples et palpables : le monde rejette aujourd'hui sept milliards de tonnes de carbone dans l'atmosphère. Ce fait a entraîné un accroissement de la température de la planète de 0,6° C en un siècle. Et cela va continuer, puisque l'on attend un réchauffement compris entre 1,5° C et 6° C d'ici à 2100.

Quelques degrés, c'est peu, mais nous savons que cela peut suffire à perturber gravement l'environnement, à réactiver des maladies tropicales, à susciter des catastrophes climatiques telles que la canicule de l'été dernier, qui pourrait bien devenir un phénomène plus commun qu'on ne l'imagine.

Que pouvons-nous faire ?

Pour stabiliser la température de la planète, l'humanité ne devrait émettre que trois milliards de tonnes de CO2 dans l'atmosphère, soit très exactement deux fois moins qu'aujourd'hui ! Pour nous, pays riches, cela veut dire tout simplement qu'il nous faut diviser par quatre nos émissions de CO2, c'est-à-dire les réduire de 3 % par an durant cinquante ans.

Héritage, contraintes, mais aussi nouveau cadre : le nouveau cadre de notre politique énergétique, c'est incontestablement l'Europe, et ce depuis l'adoption des directives relatives respectivement à l'électricité et au gaz. Le marché domestique de nos entreprises n'est plus la France, c'est l'Europe. C'est l'occasion pour nous d'aller défendre notre modèle dans les pays voisins, mais c'est aussi un défi, car il nous faudra lutter contre une concurrence nouvelle et vouée à se renforcer encore.

Dans quelques semaines - le 1er juillet 2004 - le marché de l'électricité et du gaz sera ouvert à 70 %, ce qui représente plus de trois millions de clients nouveaux. Ce n'est pas l'effet d'une décision de ce gouvernement, mais la conséquence d'une mesure européenne acceptée par nos prédécesseurs. N'y voyez pas une critique, je formule un constat. Il nous faut en tenir compte, le 1er juillet 2004, EDF et GDF seront concurrencées sur leur marché national.

Etant donné qu'EDF et GDF vont perdre des parts de marché en France, il importe de savoir comment leur donner les moyens de gagner des parts de marché en Europe.

M. Jacques Valade. Très bonne question !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Tel est le problème posé : faire d'EDF et de GDF, deux champions français, des champions européens. C'est le défi auquel nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Avec Patrick Devedjian, nous voudrions vous proposer quatre priorités nationales.

La première est la maîtrise de l'énergie

Quel est l'enjeu ? Il s'agit non pas de rechercher l'inaccessible, mais, là encore, d'être très concret : la France doit produire dans dix ans 25 % de richesse de plus avec seulement 9% d'énergie supplémentaires. Dans trente ans, il nous faudra produire deux fois plus de richesses avec la même consommation d'énergie qu'aujourd'hui, ou presque.

Pour y parvenir, nous devrons mobiliser toutes les politiques publiques. Je donnerai cinq exemples concrets.

Il faut mieux informer les Français sur les conséquences de leurs comportements : nous allons lancer, avec Patrick Devedjian, une grande campagne de sensibilisation sur ce sujet dans les mois qui viennent. Il convient d'opérer une véritable rééducation en la matière.

Il faut ensuite s'adresser aux acteurs qui recèlent de vrais gisements d'économies d'énergie ; c'est notamment le cas du bâtiment : nous abaisserons d'au moins 10% les seuils de la réglementation thermique, c'est-à-dire le degré d'isolation et la qualité du chauffage, définie en 2000 pour les bâtiments neufs, avec l'objectif de les diviser par trois à l'horizon 2050. Nous imposerons également à l'industrie du bâtiment, pour la rénovation des logements anciens, de respecter des normes d'efficacité énergétique aussi proches que possible de celles de 2000 pour le neuf.

Dans les transports, nous poursuivrons nos efforts en matière de respect des limitations de vitesse. Je rappelle que, grâce à notre politique de sécurité routière, les consommations d'énergie au titre des transports ont diminué, l'an passé, et ce pour la première fois depuis trente ans ! Ainsi, on enregistre une baisse de 1,8% de la consommation d'énergie en 2003 contre une augmentation de 1,3 % les années précédentes.

M. Paul Raoult. C'est la récession !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Nous imposerons par la loi aux fournisseurs d'électricité, de gaz et de fioul domestique d'aider financièrement leurs clients à investir dans la maîtrise de l'énergie afin d'améliorer, par exemple, l'isolation de leur logement ou l'efficacité de leur chauffage.

Enfin, en tant que ministre des finances, je vous proposerai de faire évoluer la fiscalité énergétique d'ici à la fin de l'année pour qu'elle avantage les Français qui participent à une meilleure protection de l'environnement à travers leur consommation d'énergie.

M. Ladislas Poniatowski. C'est une bonne mesure !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. La deuxième priorité est le développement des énergies renouvelables.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que ces énergies, quelle que soit notre volonté politique, resteront un appoint aux énergies classiques, et ne constitueront jamais un substitut à ces mêmes énergies.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Disant cela, je ne souhaite provoquer personne, je suis simplement réaliste.

Il n'en est pas moins vrai que ces énergies sont réellement importantes pour l'environnement et pour l'emploi. C'est aussi une assurance pour demain, si les prix du pétrole ou du gaz devaient flamber. Ces énergies sont encore marginales - elles ne représentent que 6% de la consommation française -, mais elles croissent rapidement en Europe, et la France doit rester dans la compétition.

C'est pour cela que nous vous proposons deux objectifs.

Il s'agit, en premier lieu, d'accroître de 50% d'ici à 2015 les énergies renouvelables qui produisent de la chaleur, c'est-à-dire le bois, les déchets et le solaire. C'est possible, car ces énergies ont crû de 8% sur la seule année 2003.

Il s'agit, en second lieu, de porter la production d'électricité d'origine renouvelable de 15% à 21% d'ici à 2010. La priorité dans ce domaine est à la préservation et au développement du potentiel hydraulique actuel ainsi qu'au développement de l'éolien, notamment offshore, bien moins pénalisant pour l'environnement que l'éolien à terre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Les filières industrielles concernées ont besoin de visibilité pour se développer en France, mais ce développement ne doit pas non plus donner lieu à des excès : attention aux rentes excessives ou aux rejets par les populations concernées !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Enfin, le Gouvernement continuera d'encourager le développement de tous les biocarburants, comme il le fait actuellement à travers le mécanisme de défiscalisation mis en place dans la dernière loi de finances ou au travers d'autres dispositifs dont vous aurez l'occasion de débattre.

La troisième priorité est, bien sûr, le nucléaire. Là encore, il s'agit non pas d'idéologie, mais de faits.

La moitié de notre parc nucléaire aura en moyenne trente ans en 2011. Trente ans, c'était initialement la durée prévue d'une centrale nucléaire.

Cette durée de vie de trente ans pourra sans doute être prolongée de dix ans, mais, malgré la meilleure volonté en matière de maîtrise de l'énergie et le volontarisme le plus ferme, il est certain que nous devrons choisir entre le nucléaire, le gaz et le charbon pour renouveler notre parc nucléaire. C'est-à-dire qu'il faudra choisir entre les risques associés au nucléaire et les émissions de gaz à effet de serre associées aux autres formes d'énergie. Que ceux qui se présentent comme des opposants au nucléaire disent qu'ils sont favorables aux émissions de gaz à effet de serre ! Il faut, là encore, que les masques tombent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

C'est donc à nous que revient, dès aujourd'hui, la responsabilité de mettre notre pays en mesure, et c'est une décision lourde, de lancer une nouvelle génération de centrales entre 2015 et 2020, en remplacement du parc actuel. Ne pas le faire, ce serait conduire nos successeurs dans une impasse !

Pour cela, nous devons choisir la technologie qui pourra être déployée de manière industrielle dès 2020. Ce n'est pas le cas, de l'avis même des chercheurs, des réacteurs dits « de quatrième génération », qui ne seront au mieux disponibles, au sens industriel du terme, qu'à l'horizon 2045.

Notre choix est donc simple : c'est celui du réacteur européen à eau pressurisée, l'EPR, c'est-à-dire le choix de la modernité et de la sûreté. L'EPR est, en effet, dix fois plus sûr que ce que nous connaissons ; l'électricité produite est, elle, 10% moins coûteuse et le réacteur produit entre 15 % et 30 % moins de déchets.

Le Gouvernement est donc décidé à autoriser la construction prochaine d'un EPR par EDF. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Je dois cependant vous rappeler qu'il faut compter un délai de sept années entre la décision de lancer l'EPR et l'inauguration de la première centrale opérationnelle.

Je précise qu'il ne s'agit pas pour autant de signer un chèque en blanc au bénéfice de la filière nucléaire.

Le nucléaire a des incidences sur notre vie économique et peut en avoir sur notre vie quotidienne ; il doit donc impérativement accroître sa transparence et assumer un devoir d'information du public. C'est l'objectif du projet de loi sur l'information et la transparence nucléaire que vous pourriez examiner avant l'été.

La quatrième et dernière priorité concerne le développement de la recherche dans le domaine de l'énergie.

La lutte contre l'effet de serre consiste, bien sûr, à renoncer à de mauvaises habitudes, mais cela n'est pas suffisant. Il nous faut impérativement recourir à de nouvelles technologies. Les nouvelles technologies de l'énergie doivent devenir des priorités de notre politique de recherche.

M. Philippe François. Tout à fait !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Nous proposerons que soit élaboré un programme d'actions précis et que soient alloués les moyens financiers nécessaires pour préparer l'avenir. Un avenir où l'on pourra capturer et stocker, par exemple dans des champs de gaz, le CO2 émis dans l'atmosphère ; un avenir où l'on devra faire fonctionner nos véhicules avec des biocarburants ou des piles à combustibles, un avenir où l'on saura - pourquoi pas ?- s'éclairer avec le photovoltaïque et consommer de l'électricité et du gaz sans les gaspiller.

Notre politique nationale est donc claire : maîtrise de l'énergie, développement des énergies renouvelables, construction de l'EPR et relance de la recherche.

Ces décisions ne dépendent que de nous, mais elles ne sont pas en elles-mêmes suffisantes car ne pouvons évidemment plus travailler seuls. Il nous faut en même temps avoir une politique énergétique européenne.

Le temps où la France pouvait définir sa politique énergétique sans tenir compte de celles de ses voisins est révolu.

L'Europe de l'énergie doit devenir une réalité, là encore, avec deux objectifs complémentaires : d'une part, faire gagner nos entreprises pour qu'elles portent notre modèle en Europe, d'autre part, faire que notre pays redevienne une force de proposition au service de l'indépendance énergétique de l'Europe.

Il faut d'abord permettre à EDF et à GDF de faire de l'Europe leur marché domestique. Si les deux entreprises sont les réussites que l'on sait, on le doit en premier lieu aux 140 000 hommes et femmes d'EDF et de GDF, à leur savoir-faire et à leur dévouement que je voudrais ici saluer.

Mais les deux entreprises sont devenues fragiles à plusieurs égards, et ce n'est faire insulte à personne que de le rappeler.

Le principe de spécialité lié à leur statut d'établissement public industriel et commercial les empêche de développer les activités de service en France, à la différence de la concurrence européenne, qui pourra vendre demain, chez nous, du gaz et de l'électricité, qui pourra aussi réparer les chaudières et ne s'en privera pas. Dans le cadre du statut actuel, EDF et GDF, du fait du principe de la spécialité, ne peuvent pas proposer une offre commune, alors que leurs concurrents pourront le faire.

Pourquoi mettre ces boulets aux pieds de nos deux champions nationaux ?

Le statut d'établissement public est également, dans la majorité des pays européens, une source de suspicion, comme en Italie ou en Espagne, à l'origine de l'adoption de lois qui interdisent le développement d'EDF et de GDF dans ces deux pays.

La troisième fragilité, et non la moindre, tient au fait qu'EDF comme GDF sont confrontées à de sérieuses difficultés financières : EDF est trop endettée et doit renforcer ses fonds propres.

Je tiens à le rappeler, et sans cruauté aucune, cela fait maintenant vingt-deux ans que l'Etat ne remplit pas son rôle d'actionnaire, car cela fait vingt-deux ans que l'Etat n'a pas mis un centime au service et dans le capital d'EDF et de GDF. Voilà une réalité qui a considérablement contribué à affaiblir ces entreprises.

Nous devons offrir à EDF et à GDF les moyens juridiques et financiers de résoudre cette contradiction en leur donnant une nouvelle forme juridique, celle de la société, et en leur permettant demain d'augmenter leurs ressources et donc leur capital. C'est indispensable pour que ces entreprises puissent investir non seulement en Europe, mais aussi en France, dans l'EPR, par exemple, ou pour desservir en gaz un million de Français supplémentaires.

Comment inviter EDF et GDF à aller conquérir l'Europe ou à se développer dans l'EPR si on ne leur en donne pas les moyens ? L'enjeu est capital.

M. Roland Courteau. C'est à l'Etat qu'il appartient de fournir ces moyens !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Il n'y aura pas de privatisation d'EDF ni de GDF, et ce pour une raison simple : EDF et GDF ne sont pas des entreprises comme les autres.

Mais qui, alors que, pour la première fois depuis 1946, EDF et GDF vont connaître la concurrence sur leur marché domestique, qui pourrait affirmer qu'elles doivent garder la même organisation que du temps du monopole ? Que ceux qui ont laissé entrer la concurrence se posent la question !

M. Roland Courteau. C'est M. Juppé !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Chacun le sait bien : c'est en allant vers la mer que le fleuve est fidèle à sa source.(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Je citais Jaurès, bien que cette référence soit assez inhabituelle dans ma bouche ! (Sourires.)

Si l'on veut qu'EDF et GDF restent des champions, il faut leur donner les moyens de conquérir des marchés en Europe : avec le statut d'établissement public, les deux entreprises ne le peuvent pas.

Voilà la première question posée. Mais il en est une seconde : la Commission a estimé que le statut d'établissement public ouvrait droit à la garantie de l'Etat, élément qui fausse la concurrence. Or, si EDF et GDF perdent leur statut d'établissement public se posera la question de la garantie de leur régime spécial de retraite. Qui pourrait reprocher à ce gouvernement de procéder aux adaptations nécessaires pour garantir scrupuleusement le régime de retraite des gaziers et des électriciens ?

Il n'y aura donc pas de privatisation d'EDF ni de GDF, il n'y aura pas de modification du statut des agents ni de leurs régimes de retraite.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Voilà la réalité des choses, la réalité incontournable.

M. Roland Courteau. C'est totalement faux !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Et si M. Jospin n'était pas d'accord avec la décision du Conseil européen de Barcelone, auquel il assistait en tant que Premier ministre, il fallait qu'il se lève de la table et dise clairement son refus de l'ouverture à la concurrence ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Il l'a acceptée, il faut donc aujourd'hui assumer !

M. Roland Courteau. C'est totalement faux !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Les électriciens et les gaziers le savent bien : ceux qui ont ouvert le marché à la concurrence...

M. Roland Courteau. C'était Juppé, en 1996 !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. ... nous laissent la responsabilité de l'adaptation d'EDF et de GDF. Il est un peu tard pour venir contester ici une décision que l'on a laissé l'Europe prendre à Barcelone ! C'est alors qu'il fallait y penser !

Mme Marie-France Beaufils. Nous ne l'avons pas votée !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Le gouvernement que vous souteniez a fait un choix dont il nous revient maintenant d'assumer les conséquences.

M. Roland Courteau. Tout est faux !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Et qui peut penser que, au 1er juillet 2004, nous pourrions laisser EDF et GDF dans la situation actuelle, c'est-à-dire les vouer à l'immobilisme ?

M. Roland du Luart. Bien sûr !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. La France doit également redevenir une force de proposition pour l'Europe et lui proposer un pacte.

Partager un marché unique, c'est une chance, mais il faut aussi développer des solidarités afin de ne pas courir le risque de voir une coupure généralisée affecter une partie de l'Europe, le risque de voir une politique de production insuffisamment prévoyante dans un pays européen se traduire par des hausses de prix chez ses voisins. Nous ne voulons pas que l'Europe connaisse la même situation que la Californie.

Il nous faut donc maîtriser ces risques collectivement. Pour ce faire, l'Europe doit s'assurer que son parc de production électrique est suffisant et que chacun de ses membres dispose d'un niveau minimum de production par rapport à sa consommation. Tout ne peut pas reposer sur les exportations, le black-out italien de l'été dernier est là pour nous le rappeler.

M. Jacques Valade. Mais oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Nous ne pouvons pas être prévoyants pour 2050 tandis que nos voisins européens ne le seraient pas pour l'été prochain ! Voilà une autre réalité européenne.

Nous devons permettre à nos entreprises gazières, quelles que soient les règles de concurrence, de conserver des contrats d'approvisionnement à long terme avec les pays producteurs pour les inviter, pour les inciter à investir dans les réseaux dont nous aurons besoin demain. Nous devons trouver les moyens de préserver, en leur assurant un bas prix de l'électricité, la compétitivité de nos industries fortement consommatrices d'électricité - je pense à la sidérurgie, à l'industrie du verre et à la chimie.

Prenons l'exemple de l'acier, dont le prix - M. Devedjian et moi-même le savons assez bien ! - a augmenté de 30 % depuis le début de l'année.

L'imprévoyance en matière énergétique conduirait donc à une catastrophe pour nos industries, et donc pour l'emploi des Français.

Il nous faut enfin faire converger progressivement les politiques énergétiques européennes vers un modèle commun : on ne peut partager à long terme un même marché sans se mettre d'accord sur un minimum de règles communes, notamment sur la manière de produire l'électricité ou de diminuer les gaz à effet de serre, sans agir en commun pour, par exemple, supprimer du marché les voitures les plus polluantes.

Je crois que l'Europe doit, en la matière, se fixer des priorités.

L'Europe, comme la France, doit d'abord aller plus loin dans la relance de la maîtrise de l'énergie.

Chaque pays doit engager sérieusement le débat sur l'énergie nucléaire. Cette énergie permet aujourd'hui de produire 34 % de l'électricité européenne ; elle évite un accroissement de nos émissions de gaz à effet de serre équivalant à celles de l'ensemble du parc automobile européen ! En d'autres termes, si la France n'avait pas puissamment investi, au début des années soixante-dix, dans l'industrie nucléaire, les émissions européennes de gaz à effet de serre seraient le double de celles du parc automobile européen.

C'est dire l'importance de l'énergie nucléaire dans la protection de l'environnement, et c'est dire l'importance de la marge de réduction dont disposerait l'Europe si elle décidait d'utiliser le nucléaire comme le fait la France. Un pays comme le nôtre peut-il continuer à investir dans la nouvelle génération de centrales nucléaires, alors que d'autres, parmi ses partenaires européens, persisteraient à combattre le nucléaire et à produire un maximum de gaz à effet de serre ?

M. Jacques Valade. Très bonne question !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Voilà une question européenne majeure.

Nous avons reçu beaucoup de leçons ; nous en avons donné très peu. Le temps est venu de déposer sur la table des Conseils européens les chiffres en matière de protection de l'environnement et d'émission de gaz à effet de serre, et d'en tirer les conséquences.

M. Jacques Valade. Que chacun prenne ses responsabilités !

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Enfin, l'Europe doit se doter d'une véritable diplomatie de l'énergie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Notre sécurité d'approvisionnement en dépend.

Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat que nous ouvrons est, pour Patrick Devedjian et pour moi-même, absolument essentiel.

Naturellement, ce n'est pas dans les mois qui viennent que les Français constateront le résultat des mesures que nous vous proposons aujourd'hui ; mais dans vingt ans, dans trente ans, l'indépendance énergétique de notre pays sera très directement fonction des votes que vous aurez à émettre dans quelques semaines, à l'occasion de la discussion du projet de loi d'orientation sur les énergies puis du projet de loi relatif à la nouvelle organisation des entreprises d'électricité et de gaz.

La question posée est finalement la suivante : serons-nous à la hauteur de ceux qui ont été les géniaux, les remarquables innovateurs de 1946 et de 1973 ?

M. Eric Doligé. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. En 1946, personne ne les a remerciés ; c'est nous qui, dans les années quatre-vingt, avons bénéficié des conséquences de leur action. En 1973, de nombreuses manifestations contre le nucléaire ont eu lieu ; mais où sont-ils, ceux qui manifestaient hier, pour les remercier d'avoir donné à notre pays son indépendance énergétique ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont des décisions de la même importance qu'il vous faudra prendre prochainement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.

M. Jean-Paul Emorine, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques du Sénat suit avec une vigilante attention l'évolution d'un secteur qui est si vital pour la compétitivité de notre pays, si indispensable au bien-être quotidien de nos concitoyens et si précieux pour les déplacements et les échanges dans l'Hexagone. Les interventions de nos collègues Henri Revol, président du groupe d'études de l'énergie, et Ladislas Poniatowski, tous deux spécialistes de ces questions, le souligneront encore, si besoin en était.

Ce débat est particulièrement bienvenu, car la situation actuelle du marché mondial ne laisse pas d'être préoccupante pour la compétitivité de l'industrie européenne en général et de l'industrie française en particulier. Or, c'est précisément dans ce contexte périlleux qu'il nous revient d'assurer le développement des deux opérateurs historiques et d'envisager les modalités d'une politique concertée à l'échelon européen.

Il est donc primordial de définir une stratégie claire qui préserve la compétitivité de la France et un service public de qualité pour nos concitoyens tout en s'inscrivant dans un projet industriel ambitieux pour nos entreprises et une politique européenne volontariste.

Le premier thème que j'aborderai pourrait s'intituler : « énergie, incertitudes et compétitivité ».

Tout comme l'Europe, la France vit, en matière énergétique, dans un confort trompeur qui pourrait être le calme qui précède la tempête. La commission des affaires économiques souhaite que le débat qui s'ouvre marque une nouvelle étape dans la prise de conscience par notre opinion publique d'une réalité indéniable : la dépendance de notre pays par rapport à des sources extérieures pour une part importante de sa consommation.

L'augmentation du prix des matières premières pétrolières qui se fait sentir ne semble pas près de s'interrompre. Les analystes prévoient une hausse lente et régulière des cours du brut au moins jusqu'en 2025. L'accroissement de la consommation, notamment en Chine, aura pour effet de renforcer cette tendance, engagée depuis plus d'un an déjà, même si nous n'en prenons pas toute la mesure, puisque, nos importations pétrolières étant réglées en dollars, nous bénéficions de la dépréciation récente de cette monnaie par rapport à l'euro.

Face aux menaces qui pèsent sur le marché des produits pétroliers, notre politique énergétique ne doit-elle pas assurer la compétitivité de notre pays en modérant la demande et en favorisant une croissance « sobre » en hydrocarbures ? Le souvenir du choc de 1973 et de ses conséquences ne mérite-til pas de guider notre réflexion en la matière ?

Au surplus, la hausse du prix du pétrole se répercute, moyennant un « effet retard », sur les cours du gaz, qui sont donc appelés, eux aussi, à augmenter. En outre, une part essentielle du gaz consommé en France provient ou traverse des zones où se font sentir des risques géopolitiques.

L'avenir énergétique est donc marqué d'incertitudes quant au prix des approvisionnements. C'est pourquoi la politique énergétique ne paraît pas pouvoir être laissée aux seules fluctuations du marché : elle doit aussi reposer sur la signature de contrats de long terme - je pense notamment au secteur gazier -, seuls à même de garantir le financement des infrastructures d'acheminement des matières premières.

Ainsi, la politique française de l'énergie devrait pouvoir s'inspirer avec profit du principe de précaution et s'inscrire dans une stratégie d'approvisionnement à long terme visant à diversifier et à sécuriser nos importations.

Est-ce à dire que nous pourrions nous contenter d'une stratégie d'importation, nous satisfaire d'une logique de dépendance ? A l'évidence, non ! La sécurité d'approvisionnement repose aussi, et peut-être même d'abord, sur une production autochtone. Mais, pour produire, encore faut-il en avoir les moyens.

Riche en technologies, la France demeure pauvre en ressources naturelles. C'est pourquoi elle a choisi, voilà trente ans, de lancer un grand programme électronucléaire qui - on ne le souligne pas assez - a permis aux entreprises et aux particuliers de bénéficier à la fois d'un prix du kilowattheure parmi les plus bas du monde et de conditions de distribution remarquablement fiables.

Les Français n'ont sans doute pas assez conscience de la qualité véritablement extraordinaire du service public de l'électricité dans notre pays. Celui-ci fait bien figure d'exception face à un tiers monde où règne la pénurie et à des Etats développés où l'on subit parfois le rationnement et souvent des prix élevés. J'en veux pour preuve les crises qu'ont subies, voilà quelques mois, des pays comme le Canada ou les Etats-Unis et, plus récemment encore, l'Italie ou la Grande-Bretagne. Non, le risque de black-out électrique n'est pas une hypothèse d'école !

Comment pourrions-nous préserver notre indépendance si nous nous privions de notre outil de production autonome ?

Les travaux auxquels a procédé la commission des affaires économiques font apparaître qu'il est urgent, d'une part, de lancer le premier réacteur de type EPR afin d'assurer la pérennité de la filière nucléaire, dans laquelle notre pays est un des leaders mondiaux, et, d'autre part, d'élaborer la loi sur la gestion des déchets nucléaires qu'attend notre opinion publique.

Ce choix sans équivoque n'est nullement un choix exclusif. Nous sommes également convaincus de la nécessité de développer les énergies renouvelables - je pense ici à toute une palette qui va de l'éolien aux biocarburants, en passant par le photovoltaïque -, même si, nous le savons tous, il est illusoire de croire qu'elles pourraient supplanter le nucléaire en l'état actuel des technologies. M. le ministre d'Etat nous en a dit les limites tout à l'heure.

S'agissant des énergies renouvelables, notre attitude doit, là encore, être nuancée : il nous faut promouvoir aussi bien une diversification des modes de production qu'une action volontariste tendant à faire prendre conscience à nos concitoyens de la rareté de l'énergie. Il y va de l'intérêt de la France.

Cet intérêt est servi depuis près de cinquante ans par les entreprises françaises du secteur de l'énergie, dont je souhaiterais maintenant évoquer l'avenir.

Si la France compte des acteurs majeurs du secteur énergétique, aussi bien dans la branche des produits pétroliers que dans celle des centrales nucléaires, les feux de l'actualité se sont concentrés, ces derniers temps, sur le devenir des deux grands opérateurs historiques français : EDF et GDF.

Il incombe au Parlement, qui définit les grands principes du service public, de s'attacher à leur assurer le meilleur futur possible et de répondre aux préoccupations que manifestent leurs salariés depuis plusieurs mois.

Beaucoup de temps a été perdu dans le traitement de dossiers qui sont finalement devenus brûlants : je pense ici à la question des retraites des industries électriques et gazières dont notre commission, par la voix de notre collègue Henri Revol, demandait en vain le règlement dès 1999. N'eût-il pas été plus sage d'associer l'ouverture du marché à une réforme qui aurait, dès cette époque, assuré la pérennité des systèmes des retraites ? Il nous faut donc régler cette question tout en offrant des perspectives sûres aux salariés.

Mais comment évoquer l'avenir d'une entreprise, fût- elle chargée d'un service public, sans définir un projet industriel ?

Comment donner à EDF et à GDF les moyens de s'adapter à la transformation du cadre concurrentiel des secteurs du gaz et de l'électricité ? L'analyse ne saurait être la même pour nos deux opérateurs historiques.

A l'évidence, la très belle entreprise que constitue GDF bénéficie d'une structure financière saine, qui lui aurait déjà permis de se développer plus rapidement encore en nouant des partenariats afin d'acquérir des capacités de production gazière autonomes si les pouvoirs publics l'avaient transformée en société anonyme publique voilà plusieurs années.

La croissance du marché gazier est le gage de la réussite de l'entreprise. Que les mois à venir nous permettent de lui donner enfin les moyens financiers de son ambition industrielle et commerciale en procédant à cette transformation ! Telle est la voie de la raison politique et du succès économique pour l'entreprise.

Que dire, maintenant, du magnifique outil de production que reste EDF, un des fleurons de l'industrie européenne de par les compétences techniques de son personnel et son parc électronucléaire ?

Force est d'abord de constater que sa situation est grevée par le poids financier de choix d'investissements ambitieux, si ambitieux qu'ils peuvent même être considérés comme hasardeux.

Mais cette entreprise est aussi entravée, corsetée, par un statut d'établissement public qui, en la soumettant au principe de spécialité, lui interdit de s'orienter vers l'offre multiservice et multi-énergie qu'appelle le développement du marché énergétique concurrentiel.

Que nous le voulions ou non, les exigences qui résultent de la constitution du marché unique européen de l'énergie auront raison des logiques monopolistiques. Et, pour une entreprise de la taille d'EDF, l'ouverture du marché européen est une chance, une occasion qu'il lui faut pouvoir saisir grâce à un statut adapté à la nouvelle donne du secteur. C'est la clef de l'avenir d'un service public de l'électricité à la fois rénové et dynamique.

Cependant, il faut aussi donner à EDF les moyens de faire face aux lourdes échéances financières qui l'attendent en 2005, sachant qu'elle aura dû provisionner ses charges de retraites et qu'elle ne bénéficiera plus de la garantie de l'Etat pour ses emprunts. Nous souhaiterions connaître les solutions que vous envisagez sur ce point, monsieur le ministre d'Etat.

Cela étant, la réussite de notre politique énergétique passe par une véritable ambition européenne dans ce domaine. Aussi la France doit-elle faire entendre sa voix dans le concert européen de l'énergie, en ce qui concerne tant les modalités du processus d'ouverture des marchés que le développement des moyens de production, garant de la sécurité de nos approvisionnements.

Or, je le dirai sans fard, si l'on peut souscrire pleinement aux objectifs de l'ouverture des marchés énergétiques, on ne peut guère être satisfait des conditions actuelles de mise en oeuvre de ce processus par Bruxelles. Faute d'avoir été suffisamment préparé, il aboutit, pour le moment, et sans préjudice de ses effets à moyen terme, à une hausse du prix de l'électricité pour certains grands industriels.

Cette hausse présente deux dangers.

Le premier est le risque de délocalisation des industries électro-intensives des secteurs de l'aluminium et du verre en direction de pays où ne prévalent pas les mêmes contraintes environnementales. La Commission de Bruxelles est-elle sensible à cette menace ? A-t-elle pris des dispositions pour y faire face ? C'est là, pour nous, un sujet de vive préoccupation.

Le second danger viendrait de la constitution, non pas d'un grand marché unique de l'énergie, mais d'un marché fragmenté, au sein duquel la France tiendrait parfois, grâce à son producteur historique EDF, le rôle de garant en dernier ressort de l'équilibre du secteur électrique ouest-européen.

La crise de l'été dernier l'a montré : les capacités de production de plusieurs pays frontaliers sont insuffisantes. Dès lors, il faut que l'Europe nous permette de fluidifier nos échanges avec nos voisins immédiats et qu'elle favorise ces échanges grâce à la construction de nouvelles interconnexions.

Il importe aussi, pour l'équilibre global du système européen, que nos partenaires se dotent de capacités de production suffisantes.

En effet, alors qu'ils sont bien heureux de recourir en tant que de besoin aux capacités de production d'EDF, ils ne cessent de jeter la suspicion sur cette entreprise en tirant argument de son poids sur le marché pour prétendre qu'il constitue une entrave à la concurrence ! Il est un peu trop commode de dénoncer le prétendu impérialisme électrique français et de s'appuyer, en cas de pénurie, sur les capacités de production de l'Hexagone !

Dans la perspective de l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz, il convient également de demeurer vigilant quant au maintien des spécificités nationales qui ont permis, grâce à l'action des collectivités locales, de bâtir un réseau de distribution du courant d'une extraordinaire capillarité dans un Etat doté du territoire le plus étendu de l'Union européenne.

La commission des affaires économiques sera particulièrement attentive à ce que le «droit à l'énergie », que nous avons proclamé il y a quelques années, ne soit pas un vain mot et à ce qu'il assure la desserte de tout le territoire dans les conditions d'égalité et de continuité requises, sous le contrôle des collectivités concédantes de la distribution.

La politique énergétique de la France a connu un succès remarquable au cours des trente dernières années. Il nous appartient aujourd'hui de définir les bases d'un nouveau consensus susceptible d'assurer la pérennité et l'efficacité du futur bouquet énergétique français, dont la diversité garantira la réussite.(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.

M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a souhaité que le Parlement débatte sur l'énergie. Cet événement vient après un débat national qui a pris la forme de sept colloques décentralisés et qui a donné lieu concomitamment à un rapport rédigé sous la responsabilité d'un parlementaire en mission, M. Jean Besson, lequel explique dans sa conclusion qu'il s'agit d'aider le Gouvernement à élaborer un projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Je me réjouis donc, au nom du groupe de l'Union centriste, que le Gouvernement nous donne ainsi l'occasion d'exprimer notre avis sur cette affaire importante.

Dans un monde où l'on recherche en permanence la croissance économique, l'énergie est le moteur essentiel du développement.

Il nous a fallu des siècles pour parvenir à la situation actuelle en matière de consommation et de production d'énergie.

Sur la planète terre, seules deux sources d'énergie sont à peu près partout mises gratuitement à la disposition des hommes : le soleil et le vent. Pendant des siècles, l'humanité s'en est accommodée, bornant son développement matériel à ce qu'autorisait l'utilisation qu'elle savait faire de ces deux énergies.

L'application la plus immédiate de l'énergie solaire fut évidemment la biomasse : la croissance des végétaux permettant la nourriture des hommes et des animaux, il en découlait l'énergie humaine comme l'énergie animale. On pouvait en faire d'autres usages aussi, se chauffer, construire des bâtiments, des navires, des outils. Quant à la force motrice pour les usages mécaniques, les moulins à vent ou à eau l'ont longtemps fournie.

Jusqu'au xviie siècle, les choses se passent à peu près ainsi ; le gaz carbonique dégagé est recyclé à travers la biomasse et les puits de carbone que constituent les océans.

C'est alors que la découverte de la machine à vapeur, d'abord, l'utilisation de l'énergie fossile, ensuite - charbon, puis pétrole - changent complètement les données. Débute une nouvelle ère : le développement industriel est né, conforté par les grandes découvertes scientifiques et, jusqu'à aujourd'hui, ce modèle n'a pas été démenti.

Sinon que...

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Nous avions oublié cette règle ! On ne peut pas modifier la capacité des forêts ou des océans à absorber le dioxyde de carbone et l'on s'aperçoit, au milieu du siècle dernier, que la composition de l'atmosphère se modifie.

S'ensuit un long cheminement scientifique, transcendant les théories de Milutin Milankovic, réelles, qui aboutit à une prise de conscience progressive du changement de composition de l'atmosphère, accompagnant un lent réchauffement de la planète.

Après le sommet de Rio de Janeiro, les trois rapports du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat et le protocole de Kyoto, cela s'appelle l' « effet de serre », un thème qui tient aujourd'hui une place éminente dans nos préoccupations.

Si l'effet de serre a des causes naturelles, son caractère irréversible a des causes humaines. Pour ce qui est de l'émission de gaz à effet de serre, il n'est pas évident que l'homme puisse défaire un jour ce qu'il a fait au cours des deux derniers siècles. Au demeurant, il n'est pas certain qu'il en ait la volonté. En effet, réduire les émissions de gaz à effet de serre suppose non seulement de renoncer à continuer de développer les sociétés industrielles selon le modèle qui a fait leur prospérité, mais en outre de refuser ce type de développement aux pays qui aspirent à en bénéficier.

De plus, en supposant cette volonté établie, même si l'homme cessait aujourd'hui d'émettre immédiatement tout gaz à effet de serre dans l'atmosphère, il devrait néanmoins subir durant de très nombreuses années encore les effets de gaz émis depuis cent cinquante ans. Une molécule de gaz carbonique demeure dans l'atmosphère cent vingt ans environ après son émission et certains perfluorocarbures ont une durée de vie de plusieurs milliers d'années.

Après un raccourci un peu rapide, je le concède volontiers, nous voici donc au milieu de la problématique énergétique : quel développement économique pour demain, avec quel type d'énergie et à quel prix ?

Certes, on peut apporter quelques nuances, mais le problème auquel nous sommes confrontés est bien celui-là. Et l'exercice est d'autant plus complexe qu'il y a une solidarité environnementale planétaire évidente, mais des intérêts économiques divergents entre les nations, en tout cas non convergents dans l'immédiat, quand il ne s'agit pas, dans certains cas, de stratégies géopolitiques antagonistes.

La France a une position plutôt enviable par rapport à d'autres pays à développement comparable, et ce grâce à deux grandes décisions - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre d'Etat - qui ont été prises dans le passé.

En 1946 furent crées deux entreprises nationales, EDF et GDF, chargées d'accompagner le développement économique de notre pays. Soixante ans ont passé : nous disposons aujourd'hui de deux très grandes entreprises, championnes dans leur catégorie respective.

En 1973, deux décisions essentielles furent prises.

En premier lieu, un programme nucléaire sans précédent fut décidé, grâce auquel la France a un taux d'indépendance énergétique enviable, une électricité compétitive - 10 % moins chère que celle de ses voisins - et une énergie produite globalement plus propre que celle des autres Etats européens : 55% d'émission de gaz carbonique en moins par rapport à l'Angleterre et 40% en moins par rapport à l'Allemagne. Cette différence est nettement apparue lors des négociations au sein des Quinze, ce qui nous a permis la mise en application du protocole de Kyoto.

En second lieu, une campagne très volontariste fut lancée, « la chasse au gaspi », correspondant, à l'époque, à une prise de conscience forte.

Mais vint 1986, et le prix du baril de pétrole fut brusquement divisé par trois, passant de 30 dollars à 10 dollars. Certains ont cru que l'ère du pétrole cher était révolue.

Néanmoins, cette année 1986 a marqué les esprits et beaucoup de ceux qui ont cru que nos problèmes d'énergie étaient derrière nous s'interrogent aujourd'hui. En effet, il n'en est rien : depuis quinze ans, les différentes péripéties qu'a connues notre environnement international nous ont montré la fragilité de notre situation énergétique.

Pourtant, il ne faudrait pas grand-chose, monsieur le ministre d'Etat, pour que les Français comprennent les véritables enjeux d'une politique d'orientation en matière d'énergie. Il vous appartient de mettre en oeuvre cette politique qui commence par une adhésion du pays avec une explication adaptée. Vous avez su, dans d'autres fonctions, être convaincant.

Rien que ces variations erratiques du coût de nos importations expliqueraient la nécessité absolue d'avoir une politique de l'énergie, bien que notre taux de dépendance soit inférieur à 50%, toutes énergies confondues.

Lorsqu'on dit « politique de l'énergie », il faut avoir le courage de dire à haute voix « politique de maîtrise de la consommation d'énergie », car c'est bien cela l'objectif à moyen terme.

Les Français sont capables de recevoir ce message, s'il est accompagné de mesures et de dispositions qui le rendent crédible. Bien sûr, nos compatriotes n'aspirent pas à tendre vers un taux de croissance négative.

Les perspectives raisonnables de notre développement, c'est, dans dix ans, 20% à 25% de plus de richesse produite avec moins de 10% d'énergie supplémentaire, et la perspective, dans trente ans, d'avoir stabilisé la consommation au niveau atteint en 2015.

La vérité est que nos choix sont limités.

Nous avons, à quinze, ratifié les accords de Kyoto - la France l'a fait en juillet 2000 - qui vont finir par devenir applicables.

Le principal objet de ce protocole est de réduire l'émission de gaz à effet de serre.

L'objectif global de réduction fixé aux pays industrialisés s'élève à 5,2% en moyenne sur la période 2008-2012 par rapport à l'année 1990.

Pour la France, l'objectif de réduction, selon l'annexe B du protocole, était de 8%.

Puis, les Etats européens se sont entendus et ont constitué une « bulle» au sens du protocole. La France est maintenant à 0%, ce qui sera déjà difficile à respecter, mais il s'agit bien de réduction d'émission de gaz à effet de serre, pas nécessairement de réduction équivalente de consommation d'énergie.

Notre consommation d'énergie n'est marquée qu'à 35% par le pétrole, la part du gaz est de 15%, celle de l'électricité, de 42%, celle des énergies renouvelables, de 16%.

La production d'électricité, en 2003, année à climat perturbé, est due pour 78% au nucléaire, ce qui n'est pas rien, pour 12% à l'hydraulique et à l'éolienne et pour 10% au thermique classique. L'hydraulique chute de 16% à cause du climat et le nucléaire augmente de 3,7%.

En 2003, nos exportations d'électricité ont un peu baissé, mais il est intéressant de constater que, depuis dix ans, nous exportons 13% à 14% de notre production nationale, sensiblement ce que nous produisons par hydraulique.

Il faut rappeler l'apport essentiel de la filière nucléaire à notre production d'énergie. C'est le socle permanent de notre politique : sans elle tout serait différent.

Je n'entrerai pas dans la polémique que cela peut susciter. Je considère que la France n'a pas d'autre choix, pour plusieurs décennies, que de maintenir en pourcentage la part actuelle de cette filière. II faut sans doute améliorer l'information et la transparence, et mieux informer le grand public.

Il est nécessaire de rappeler que le contexte économique a changé : il existe les accords de Lisbonne, et le marché européen va très vite être totalement ouvert à la concurrence, ce qui crée une situation inédite pour nos opérateurs.

Notre politique française en matière d'énergie s'inscrit donc nécessairement dans le cadre européen et dans un contexte de « développement durable ». L'énergie qui pose le plus de problèmes, à terme, est le pétrole.

Le rythme d'augmentation de la consommation de pétrole ne ralentit pas. Nous importons 98% de notre consommation en pétrole brut : un tiers de la mer du Nord, 5,5% d'Afrique noire, 18% de l'ex-URSS, et seulement 29% du Proche-Orient. II y a une nécessité absolue de garder une vraie diversification géographique des provenances, c'est-à-dire de continuer l'orientation prise depuis le premier choc pétrolier.

II faut noter la part croissante, à l'importation comme à l'exportation, des produits pétroliers raffinés.

Ainsi, 55% de ce pétrole est destiné au transport, soit, l'année dernière, 50 millions de tonnes d'équivalent pétrole, contre 25 millions de tonnes en 1973.

Il faut conduire une réelle réflexion et mettre en oeuvre les conclusions qui en ressortent pour ce qui concerne les transports.

Vous avez été discret, monsieur le ministre d'Etat, sur les mesures à prendre dans ce secteur.

Les perspectives de solutions techniques apparaissent : pour les marchandises, moins de routier, plus de fluvial et de maritime, et le démarrage du ferroutage ; pour les personnes, il faut faciliter les transports collectifs, et, pour tous les véhicules, il convient de limiter la vitesse et de contrôler la pollution. Quant au transport aérien, il est impossible de ne pas s'interroger sur les limites de son développement.

C'est donc dans le secteur des transports qu'il faut faire porter l'effort en matière de gaz à effet de serre. Il existe de grandes possibilités en matière de biocarburants ; mon collègue Yves Détraigne en parlera tout à l'heure.

Il faut aussi faciliter l'utilisation du gaz naturel. Le gaz naturel pour véhicules est moins polluant que le pétrole.

Le second poste de consommation du pétrole est le « résidentiel-tertiaire ». En matière d'urbanisme et d'habitat, la consommation pourrait être divisée par deux ou par trois en quelques décennies, grâce à une palette de mesures connues, souvent déjà décidées et très mal appliquées.

En matière d'orientation de la politique énergétique, votre marge de manoeuvre et votre plus grande contrainte portent donc sur les énergies renouvelables : la France s'est engagée à faire passer leur part de 15% à 21%.

S'agissant des énergies renouvelables, les mesures prises jusqu'à ce jour sont insuffisantes et manquent d'efficacité.

Pour susciter le développement d'entreprises industrielles et de services capables de concurrencer, à leur place, des entreprises du secteur énergétique traditionnel, il conviendrait d'encourager de façon homogène et, surtout, durable le développement des énergies les moins coûteuses, il faudrait éviter de pénaliser artificiellement, comme aujourd'hui, les avantages naturels de compétitivité de ces énergies dans les zones géographiques où l'accès à l'électricité est plus coûteux qu'ailleurs, dans les îles non connectées au réseau métropolitain et dans les zones rurales peu denses, la Bretagne, notamment.

Il faut également réformer en profondeur les mécanismes incitatifs.

Ainsi, les aides directes de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, sont, comme toutes les aides budgétaires, aléatoires et menacées en cas de régulation. En outre, étant donné l'annualité budgétaire, elles ne peuvent quasiment être que des subventions d'investissement.

Enfin, il n'existe pratiquement aucune aide pour encourager l'utilisation de la biomasse comme combustible, alors qu'elle représente déjà dix millions de tonnes d'équivalent pétrole.

Le même constat vaut pour le solaire thermique, qui, comme cela est souligné dans le rapport Poignant, devrait être beaucoup plus soutenu pour chauffer des habitations et des bureaux.

Lorsque l'on doit choisir de substituer une forme de production à une autre, il faut se rappeler - cela n'a pas été assez dit - que, pour remplacer une tranche de 1000 mégawatts électriques en thermonucléaire, il faut, soit 100 kilomètres carrés de photovoltaïque, soit 3 500 éoliennes de 70 mètres de diamètre, c'est-à-dire de 130 mètres de haut, soit 3 millions d'hectares de forêts, soit 1,4 milliard de mètres cubes de gaz par an. A l'heure du choix, il faudra se rappeler ces chiffres et les soumettre aux Français, car on est alors dans du « vrai » renouvelable.

Une politique cohérente en ce domaine suppose une révision de la fiscalité mieux adaptée à l'objectif recherché, à savoir une fiscalité progressivement plus écologique.

Quelle que soit notre ambition en matière d'énergies renouvelables et de maîtrise de la consommation, nous aurons, demain, à choisir entre nucléaire et gaz, voire entre nucléaire et charbon, les risques de dépendance et de pollution étant tout à fait différents entre les trois, en nous rappelant que le charbon représente 80% des réserves d'énergie connues aujourd'hui dans le monde.

Nous devons assurer l'avenir et réfléchir à une nouvelle génération de centrales électriques entre 2015 et 2020. Il nos faut peser les avantages et les inconvénients de chaque filière : pour le gaz, simplicité de production et de distribution, déchets, réels, mais faibles et sans commune mesure avec les problèmes posés par le pétrole et le nucléaire, origine géographique très diversifiée ; pour le nucléaire, coût raisonnable, absence de gaz à effet de serre, indépendance d'approvisionnement.

Ces choix méritent un véritable débat démocratique en profondeur qui pourra enfin avoir lieu au Parlement.

Pour l'UDF, la question de l'EPR ne doit être examinée qu'au terme du débat, quand aura été définie la place exacte du nucléaire.

Il faut s'interroger : dans la mesure où l'EPR ne permet pas un saut technologique majeur, avons-nous les moyens financiers pour tout faire ? Quelle priorité donnons-nous au financement pour la recherche sur les réacteurs de quatrième génération, qui pourraient peut-être régler le problème des déchets radioactifs ?

Je terminerai en évoquant le changement de statut d'EDF et de GDF.

Nous sommes très attachés à la préservation du service public, qui est au coeur des missions d'EDF et de ses agents, comme nous avons pu le constater lors de la terrible tempête de 1999. Ces missions de service public d'EDF- la péréquation géographique ou le soutien aux énergies renouvelables, notamment - doivent être impérativement garanties.

Il importe également que les personnes les plus défavorisées puissent accéder à ce bien primaire qu'est l'électricité, et que les PME puissent se développer en milieu rural et avoir accès à des services performants.

L'avenir d'EDF ne peut être dissocié d'une réflexion plus large sur celui de l'aménagement de nos territoires.

L'UDF soutient totalement l'ouverture du capital des industries de l'électricité et du gaz, qui, seule, permettra à ces entreprises de conserver leur rang de leader en Europe. Elle est, en revanche, opposée à la privatisation des deux entreprises, ne serait-ce que pour garantir la sécurité de notre parc nucléaire.

Enfin, nous défendons une vision intégrée d'EDF avec le maintien, dans le même groupe industriel, des trois métiers de base : production, distribution et vente.

Pour ce qui est du régime spécial de retraites, il est trop ancien pour pouvoir être supprimé du jour au lendemain sans transition. Selon l'UDF, pour des raisons d'équité même entre les régimes, il conviendrait de le faire s'éteindre progressivement.

Il manque à notre politique des énergies un grand volet consacré à la recherche : c'est pourtant le plus important.

II faut accélérer les programmes en cours sur l'efficacité des différentes filières, et les perspectives des nouvelles technologies, notamment tout ce qui concerne l'utilisation de l'hydrogène et les utilisations plus techniques du charbon, en faveur duquel nous n'avons rien fait depuis un demi-siècle. Il faut également renforcer notre participation aux programmes européens, notamment Castor, en matière de capture et de séquestration de gaz carbonique, domaine dans lequel l'Institut français du pétrole est pilote. Il faut encore encourager tous les grands énergéticiens à conduire des politiques de développement et de marketing compatibles avec la réduction, dans un délai assez court, des émissions de gaz à effet de serre.

Monsieur le ministre d'Etat, les dossiers que vous avez en chantier sont nombreux et complexes. Celui-ci est l'un des plus importants pour l'avenir, à moyen terme, des Français : il s'agit d'assurer la continuité de notre développement économique sans compromettre gravement l'avenir de notre planète. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Souhaits de bienvenue à M. Andreas Khol, président du Conseil national autrichien

M. le président. Monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle de M. Andreas Khol, président du Conseil national autrichien. Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'il porte à notre institution.

M. Andreas Khol est accompagné par notre collègue M. Denis Badré, président du groupe d'amitié France-Autriche.

Au nom du Sénat, je souhaite à M. Andreas Khol la plus cordiale bienvenue et je forme des voeux pour que son séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos deux pays. (M. le ministre d'Etat, M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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énergie

Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. Nous reprenons le débat sur l'énergie consécutif à une déclaration du Gouvernement.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Henri Revol.

M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la parution du rapport sur la politique énergétique de la France, que j'ai rédigé il y a six ans avec M. Jacques Valade, le groupe d'études de l'énergie du Sénat que j'ai l'honneur de présider a activement poursuivi sa réflexion sur un sujet crucial pour l'économie de la nation et le bien-être de nos concitoyens.

Nous appelions de nos voeux un grand débat sur cette politique : il a eu lieu au cours de l'année dernière aussi bien à Paris qu'en province. Nous demandions que ce débat s'achève dans la transparence et la concertation : le Gouvernement rencontre actuellement les organisations représentatives des salariés et nous réunit aujourd'hui pour envisager les grands principes qui détermineront la politique énergétique de notre pays au cours des prochaines années.

La politique énergétique de la France a longtemps fait l'objet d'un consensus ; je souhaite qu'il se perpétue sur les bases qu'il nous appartient aujourd'hui de définir, eu égard aux trois défis que nous devons relever : la préservation de l'environnement, la sécurité de nos approvisionnements, la constitution d'un marché européen de l'énergie.

Le principal défi auquel nous sommes aujourd'hui confrontés tient à l'accroissement régulier des émissions de gaz à effet de serre qui ont pour effet - c'est l'hypothèse la plus probable - d'augmenter la température de la planète. Ce mouvement, qui a vraisemblablement débuté au début de l'ère industrielle, est appelé à se renforcer dans les années à venir du fait de l'arrivée à maturité des économies émergentes, notamment celles de l'Asie. Si nous n'y prenons garde, cette tendance aura des conséquences désastreuses pour l'équilibre écologique de la planète, avec une détérioration des climats, une accentuation des phénomènes naturels violents et une diffusion de certaines maladies infectieuses.

Pour relever ce défi, je ne vois guère qu'une solution : le recours à l'énergie nucléaire, dès lors que toutes les possibilités de recours aux énergies renouvelables, sans aucune exclusive, ont été utilisées. J'observe d'ailleurs que, dans certaines régions de France, souvent les moins bien dotées en matière de production locale de courant, les opposants à l'énergie nucléaire se sont mués en opposants à l'implantation d'éoliennes, à croire que ces professionnels autoproclamés de la protection de l'environnement trouvent là leur fonds de commerce.

J'entends déjà les voix des détracteurs du « lobby nucléaire », censé pousser ses pions dans les antichambres ministérielles pour mieux abuser les élus. C'est oublier que les premiers défenseurs du nucléaire sont avant tout nos compatriotes, c'est-à-dire tous les consommateurs français, auxquels nous serions bien mal inspirés de reconnaître un droit à l'énergie tout en leur refusant le moyen de s'en procurer.

Tant que nous ne disposerons pas de sources d'énergies alternatives, tant que les énergies renouvelables dont j'appelle le développement de mes voeux demeureront d'un apport utile mais marginal, nous ne pourrons pas nous passer de l'énergie nucléaire. La preuve en est que les pays qui ont à grand bruit annoncé la sortie du nucléaire sont aujourd'hui bien en peine de la mettre en oeuvre. Seule la délicatesse à l'égard d'Etats amis m'empêche de les nommer explicitement, mais vous les connaissez tous. Ils se contentent d'effets d'annonce en fermant les centrales obsolètes et importent du courant produit, au mieux, par les centrales nucléaires françaises, dont on a pu mesurer la fiabilité, au pire, par des centrales de l'ancienne Europe de l'Est, dont l'état ne manque pas de susciter des préoccupations, ou bien encore par des centrales au charbon, le charbon utilisé étant d'ailleurs souvent du lignite !

Au demeurant, le choix courageux des Finlandais, qui ont par référendum décidé de construire une nouvelle tranche nucléaire pour assurer leur indépendance, montre bien que ceux qui croient pouvoir se passer de cette filière n'ont pas compris qu'une immense majorité de l'humanité - je songe ici à la Chine - souhaite accéder à l'énergie et recourra à cette technologie.

L'industrie nucléaire est la seule qui permette de produire de l'électricité sans émettre un centimètre cube de gaz à effet de serre. Aussi l'intérêt qu'elle revêt mérite-t-il d'être reconnu sans a priori idéologique comme l'une des bases intangibles de notre politique énergétique. Le consensus qui a prévalu au cours des vingt dernières années et dont je me réjouis qu'il dépasse les clivages politiques traditionnels, mérite d'être renouvelé dans son contenu et réaffirmé dans son expression.

Nous le savons tous, le principal problème auquel nous serons confrontés dans les quinze ans à venir est celui du renouvellement des centrales, ainsi que l'a souligné M. le ministre d'Etat. Chaque année, la seule augmentation de la consommation d'électricité dans notre pays équivaut à une tranche nucléaire. Dans ces conditions, comment renouvellerons-nous notre parc ? D'aucuns disent que nous pouvons attendre que les réacteurs de quatrième génération, qui n'émettront plus de déchets, entrent en fonction... en 2045 ! Cette stratégie me paraît vouée à l'échec, car elle ne permet ni d'assurer la pérennité de la filière industrielle ni de garantir la bonne fin de ce projet : les centrales de quatrième génération n'existent actuellement que sur le papier et nul ne sait quand exactement elles entreront en service.

M. Henri Revol. On n'a jamais produit de courant avec des plans ! Je redis donc ici solennellement mon attachement à la construction d'un démonstrateur de type EPR et je me réjouis que M. le ministre d'Etat ait indiqué que le Gouvernement en retienne la priorité.

Mais la construction de ce nouvel outil a un corollaire : la discussion rapide du projet de loi sur la transparence et la sûreté nucléaire. Comme la loi de 1991 l'a prévu, nous ne pouvons faire l'impasse sur la solution définitive à apporter à la gestion des déchets nucléaires. Comment pourrions-nous dire à nos concitoyens que nous souhaitons progresser dans cette voie sans leur communiquer les termes du problème à résoudre et la solution que nous y apportons ? C'est pourquoi je me réjouis que M. le ministre d'Etat ait annoncé le prochain examen par le Sénat du projet de loi relatif à la transparence et la sûreté nucléaire. C'est bien là le meilleur moyen de montrer que ce secteur n'a rien à cacher.

Monsieur le ministre, je demande solennellement au Gouvernement, face aux campagnes de désinformation relatives au nucléaire - c'est un problème d'actualité -, de tout mettre en oeuvre pour qu'une information scientifiquement validée soit diffusée auprès de nos concitoyens.

Je voudrais aussi rendre hommage à tous les travailleurs du nucléaire, scientifiques, ingénieurs, techniciens, ouvriers, qui ont permis à notre pays d'être leader mondial dans le développement industriel de cette énergie : ils n'ont pas à baisser la tête, ils n'ont pas à raser les murs, ils n'ont pas à avoir honte, comme on voudrait le leur faire croire, ils doivent au contraire être fiers de ce qu'ils ont accompli ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

MM. Jean Chérioux et Jean Bizet. Très bien !

M. Henri Revol. Le deuxième sujet qui me préoccupe est relatif à la préservation de la sécurité d'approvisionnement de notre pays.

Certes, par rapport à d'autres Etats européens, notre taux d'indépendance énergétique, qui s'établit à 50 % grâce aux décisions prises en 1973, nous assure une honnête marge de manoeuvre. Certes, en le multipliant par plus de deux par rapport à 1973, nous avons réalisé des progrès remarquables. Pour autant, la constitution du grand marché européen de l'énergie et les échanges auxquels il donne lieu nous amènent à nous interroger sur la capacité globale du système européen à répondre aux besoins croissants qu'il connaît. J'en veux pour preuve les graves menaces qu'a fait peser sur le réseau français la récente crise survenue en Italie. Nous ne saurions, à nous seuls, assurer la sécurité de l'ensemble de la plaque continentale ouest-européenne. Je crois de mon devoir d'encourager le Gouvernement à solliciter Bruxelles afin que de nouvelles initiatives soient prises en ce sens.

Du reste, comment gérer autrement qu'à l'échelon de l'Union certaines questions intéressant la stabilité globale du système énergétique ? J'illustrerai mon propos par l'exemple du gaz qui, vous le savez, provient pour une large part de Russie et nécessite à ce titre des accords d'importation et de transit dont l'exécution doit être garantie à long terme. L'accroissement prévisible de la consommation de gaz dans la production d'électricité en Europe aura pour effet d'augmenter la part de cette ressource dans le mix énergétique européen et, en conséquence, la sensibilité politique et stratégique de ces importations.

Cependant, la sécurité d'approvisionnement ne saurait être envisagée exclusivement au niveau macroéconomique. Ce serait oublier que les pannes d'électricité et les coupures de courant ont aussi une incidence sociale. En tant que législateurs, nous sommes les garants de la définition du contenu du service public de l'électricité dont les collectivités locales assurent la distribution.

Mais comment allier service public et ouverture des marchés ? C'est là le troisième défi que nous devons relever.

A n'en pas douter, la constitution du marché européen de l'énergie - M. le ministre d'Etat l'a souligné tout à l'heure - s'inscrit non seulement dans une démarche économique qui tend à optimiser l'allocation des facteurs de production, mais aussi dans une perspective politique, pour l'égalité des entreprises et des citoyens sur l'ensemble du territoire de l'Union.

Il nous appartient de nous assurer que l'ouverture progressive du marché, dans les termes de la loi « Pierret » et dans le droit-fil de la directive de 1996 négociée à l'époque par M. Borotra, s'effectue dans des conditions qui préservent la stabilité des prix et la disponibilité de la ressource énergétique.

Comment ne pas évoquer ici la difficile question des transformations auxquelles sont confrontés GDF et, surtout, EDF du fait d'une libéralisation qui ne s'est pas accompagnée d'une gestion de la question des retraites ? Dans le rapport que j'établissais en 1999 sur le projet de loi « Pierret », je me déclarais, au nom de notre commission des affaires économiques, « très préoccupé par le silence du Gouvernement en ce qui concerne les retraites des agents EDF » et déplorais que « l'ouverture du marché à la concurrence n'ait pas pu être mise à profit pour régler à froid un problème qui s'exprimerait de façon aiguë dans les années à venir ». Je craignais alors que le gouvernement de l'époque, en tergiversant, ne se trouve placé devant un problème insurmontable. Et, de fait, il a légué ce dossier à son successeur qui, lui, s'attachera à le résoudre. A cet égard, je salue, monsieur le ministre, la détermination du Gouvernement.

C'est l'ouverture des marchés, et non une quelconque idéologie, qui conduit à modifier, en les transformant en sociétés anonymes à capital majoritairement détenu par l'Etat, le régime juridique des entreprises EDF et GDF pour assurer leur croissance et leur pérennité. Le statut du personnel demeure, quant à lui, inchangé, M. le ministre d'Etat l'a précisé avec force.

Une nouvelle période s'ouvre pour la politique énergétique de la France. A la culture du monopole nous devons substituer celle de la concurrence, à la seule ambition nationale préférer l'ambition collective au sein d'une Europe élargie. Est-ce à dire que les pouvoirs publics n'auraient plus qu'à s'en remettre au libre jeu du marché ? Nous ne le pensons pas. Mieux, nous croyons que l'Etat peut et doit, en fixant des objectifs clairs et en déterminant des moyens appropriés pour les atteindre, permettre le succès de la France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du débat à l'Assemblée nationale, M. le ministre d'Etat affirmait que « en matière d'énergie, la France a la chance exceptionnelle d'être en avance sur ses concurrents. »

M. Jean Bizet. C'est juste.

Mme Marie-France Beaufils. Pour notre part, nous pensons que cette réalité ne doit rien à la chance. Si notre situation est exceptionnelle, c'est parce que notre pays s'est donné les moyens, au sortir de la guerre, d'une véritable politique énergétique. Le gouvernement du général de Gaulle, avec son ministre de la production industrielle, Marcel Paul, mettait en oeuvre le programme du Conseil national de la Résistance et donnait à notre pays les moyens d'engager sa reconstruction ainsi que le développement de son activité industrielle.

Les choix que nous devons élaborer aujourd'hui sont aussi décisifs pour l'avenir que ceux de cette époque ou ceux des années soixante, lorsque la France se dotait de la filière nucléaire au sein du service public pour répondre aux besoins de la population, tout en gagnant en indépendance.

Une politique énergétique pour la France doit déterminer comment répondre aux besoins croissants non seulement en France et en Europe, mais aussi dans le monde, et particulièrement dans les pays en voie de développement, tout en respectant l'avenir de notre planète et en permettant l'accessibilité à cette énergie, indispensable à l'amélioration de la vie, à tous les êtres humains.

En un siècle, la consommation mondiale d'énergie a quadruplé. Mais cette spectaculaire croissance ne concerne qu'un cinquième des êtres humains sur notre planète, vivant essentiellement dans les pays les plus développés, et comporte de grandes inégalités, puisqu'un Américain du Nord consomme deux plus fois plus qu'un Européen ou qu'un Japonais.

Mais les inégalités sont aussi internes à notre pays : 600 000 foyers ont l'électricité coupée chaque année ; un cadre consomme deux fois plus d'électricité qu'un ouvrier, un habitant de Neuilly deux fois plus qu'un habitant d'Aubervilliers.

Pour ce siècle qui commence, c'est un autre défi, puisque ce sont depuis les pays en voie de développement, qui connaissent une forte progression de leur population et de leur activité économique, que vont naître les besoins les plus importants. En 2000, le monde a consommé 9,346 milliards de tonnes d'équivalent pétrole ; pour 2020, l'estimation est de 14,9 milliards de tonnes d'équivalent pétrole.

Aujourd'hui, la consommation mondiale d'énergie repose pour 36% sur le pétrole - contre 46% en 1973 -, pour 24% sur le charbon, pour 24% sur le gaz - contre 15% en 1973 -, le nucléaire et l'hydraulique intervenant respectivement pour 13% et 3%.

La réponse actuelle à cette demande croissante dépend donc à 80% des ressources fossiles de notre planète. Du fait de leur localisation et de leur nature, nous sommes donc face à des problèmes de limites d'épuisement, de risques géopolitiques et de risques environnementaux.

Les risques d'épuisement sont connus, même s'il existe encore quelques débats sur le nombre d'années restantes. Ce sont environ quarante à cinquante ans pour le pétrole, avec un pic de production en 2010 et un risque d'augmentation des prix quand la ressource va diminuer. On voit, d'autre part, les tensions que cela peut faire naître. Il est certain que, si l'Irak ne possédait pas autant de richesses pétrolières, le gouvernement de M. Bush aurait été probablement moins soucieux de l'avenir de ce pays.

On retient généralement soixante à soixante-dix ans pour les réserves de gaz. Ces ressources énergétiques sont essentiellement dans les pays du Moyen-Orient et de l'ex-URSS.

Quant au charbon, l'échéance est plus lointaine : deux cent cinquante ans environ. C'est l'énergie fossile la plus abondante et la mieux répartie entre les continents, celle qui va être la plus utilisée par la Chine. Actuellement, c'est celle à laquelle notre voisin l'Allemagne a le plus recours.

Toutes ces énergies fossiles ont un inconvénient majeur : leurs rejets polluants dans l'atmosphère participent à l'effet de serre, même si c'est dans une moindre mesure pour le gaz, et nous devons en tenir compte.

Réfléchir aux choix énergétiques pour la France nécessite que nous prenions en compte ces éléments. Notre pays a signé les accords de Kyoto, ce que n'ont pas encore fait les Etats-Unis et la Russie. Nous nous devons de respecter la signature de la France. Il y va de l'avenir des générations futures.

Il s'agit donc de valoriser les technologies qui n'utilisent pas la combustion de ces ressources fossiles pour la production de l'électricité et le chauffage dans l'habitat. Mais, en même temps, il faut veiller à ce que les pays qui ont des difficultés à faire d'autres choix, en particulier ceux qui sont en voie de développement, optimisent l'utilisation de ces ressources.

Il nous faut aussi intervenir sur la conception de l'aménagement du territoire, dans notre pays comme à l'échelle européenne. C'est ainsi que les transports à eux seuls représentent 32% de la consommation énergétique, contre 20% en 1973.

Une politique volontariste dans ce domaine doit donc être engagée. Malheureusement, monsieur le ministre, votre gouvernement, comme les deux précédents, va totalement dans le sens inverse. En décidant de supprimer les subventions aux transports en commun en site propre ou celles qui sont affectées au transport combiné, vous refusez de reconnaître la réalité des conséquences environnementales de ces choix. Le transport routier est, en effet, plus facile à développer, mais si nous ne favorisons pas l'utilisation du transport ferré pour les voyageurs comme pour les marchandises, nous n'aurons pas de réduction significative de la pollution. De même, les voies navigables peuvent aussi contribuer à la diminution de la pollution.

Une politique énergétique pour la France doit s'appuyer également sur l'amélioration de l'efficacité énergétique, ce qui nécessite de veiller à ce que l'effort de recherche dans cette direction soit soutenu, particulièrement pour la recherche fondamentale, et que les critères marchands ne freinent pas les progrès technologiques qui en découlent.

La France fait figure de bon élève dans ce concert international de dégradation des conditions environnementales: le citoyen français renvoie quatre fois moins de gaz carbonique dans l'atmosphère que le citoyen américain. Ce résultat est essentiellement dû aux choix effectués pour la production électrique d'origine nucléaire.

En 2001, l'énergie produite en France provenait à 75,8% du nucléaire - tout à l'heure, monsieur Deneux, vous avez rappelé que ce chiffre s'élevait en 2003 à 78% -, à 13,9% de l'hydraulique, à 6,2% du charbon, à 2% des produits pétroliers, à 1,4% du gaz et à 0,7% du solaire et de l'éolien. Sans le parc nucléaire, nous produirions une fois et demie plus de gaz carbonique.

L'Allemagne rejette presque deux fois plus de gaz carbonique par habitant que la France, soit respectivement dix tonnes contre six tonnes.

Répondre aux besoins de nos populations, dont, je le rappelle, une partie importante se situe en dessous du niveau moyen de consommation, suppose que nous gardions un parc nucléaire performant et, en même temps, que nous développions avec hardiesse les énergies renouvelables.

En effet, nous voulons tous créer les conditions pour que les rejets de gaz à effet de serre soient réduits. Or, pour cela, il faut développer des énergies qui n'en produisent pas. Aujourd'hui, la mode est à l'éolien - on peut faire mieux, c'est certain -, mais c'est une énergie qui ne produit pas en continu. Le solaire doit être plus développé également, en particulier pour l'eau chaude sanitaire. J'ai bien lu les propositions que M. le ministre d'Etat a présentées à l'Assemblée nationale, même s'il ne les a pas rappelées tout à l'heure devant nous, c'est-à-dire faire comme à Barcelone et que, lors de l'attribution des permis de construire, on impose aux habitants l'installation de panneaux solaires. Mais cela suppose que le coût d'investissement pour les familles modestes puisse être atténué.

Dans tout ce secteur des énergies renouvelables, y compris l'hydraulique, des capacités de développement existent, mais elles ne sont pas suffisantes pour nous affranchir de l'utilisation du nucléaire.

Aujourd'hui, le problème du nucléaire tient, entre autres, aux déchets. C'est ce à quoi s'attèlent les chercheurs. Mais on ne peut pas laisser les Etats-Unis ou le Japon maîtres de cette technologie.

Nous sommes donc aujourd'hui face à des choix qu'il ne faut pas éluder. Nous avons à franchir une étape intermédiaire pour garder un niveau de fiabilité, de sécurité et de coût dans ce domaine énergétique. C'est pourquoi l'EPR doit être construit.

Cependant, comme toutes les technologies modernes, le nucléaire demande que les compétences individuelles et collectives des acteurs de son développement et de son exploitation passent à un niveau supérieur. Ces technologies doivent donner une place et un rôle aux salariés, à tous les niveaux, au regard de leur sens des responsabilités. A travers de nouvelles formes d'organisation, cette place doit leur être reconnue. La vigilance et l'amélioration de la sécurité passent en priorité par des progrès dans ce domaine dit « des facteurs humains. »

Sans l'énergie nucléaire, nous ne pourrons pas, et pendant longtemps encore, produire une quantité d'énergie suffisante pour faire face aux besoins de notre développement sans mettre en cause celui des pays en voie de développement, ainsi que la réduction de la production des gaz à effet de serre. Ce sont des contraintes qui pèsent sur nos choix.

De tels choix ne peuvent être efficaces à l'échelon de notre société et ne peuvent véritablement répondre aux exigences d'accessibilité des citoyens à l'énergie et de sécurité d'approvisionnement, donc d'indépendance énergétique, que s'ils sont effectués par l'Etat.

Aujourd'hui, si nous avons une certaine sécurité, une qualité de fonctionnement de nos centrales, c'est bien grâce à l'entreprise publique et à ses salariés.

Les énergies renouvelables, comme l'éolien, qui s'installe peu à peu, n'ont de capacité de développement que parce qu'EDF a une obligation d'achat de l'électricité. En agissant ainsi, EDF permet que la revente de l'électricité se fasse au même tarif. Cette péréquation est un outil indispensable pour l'accessibilité du consommateur.

Si, d'autre part, nous voulons progresser dans la diversification des sources de production énergétique, cela suppose des investissements que l'entreprise publique est la seule à pouvoir faire, compte tenu de leur ampleur et de la longueur du temps de retour sur investissement. Elle l'a d'ailleurs démontré au cours des décennies qui viennent de s'écouler et l'Etat ne s'en est pas trop mal ressenti.

Aujourd'hui, débattre de la politique énergétique pour la France, c'est aussi rappeler que l'énergie n'est pas un bien de consommation qui peut être soumis aux règles concurrentielles, sinon, ce serait un renforcement des inégalités, un retour en arrière inacceptable.

L'entreprise publique EDF-GDF a démontré ses capacités. M. le ministre d'Etat a dit à l'Assemblée nationale, et il l'a rappelé tout à l'heure, que le principe de spécialité empêche EDF et GDF de proposer aux clients une offre commune d'électricité et de gaz alors que les concurrents pourront bientôt le faire.

Je pense qu'EDF et GDF peuvent jouer la complémentarité et non la concurrence, mais cette évolution n'impose aucunement l'ouverture du capital ou le changement de statut. Elle pourrait tout à fait être réalisée par la fusion d'EDF et de GDF, ce qui ne serait que mieux pour la cohérence de la politique énergétique et que nous proposions, d'ailleurs, bien avant les gouvernements de M. Raffarin. C'est, en fait, ce qu'ont réalisé les Allemands avec la fusion d'E.ON et de Ruhrgas.

M. le ministre d'Etat soutient également que le Gouvernement entend que les sociétés EDF et GDF restent des entreprises publiques, mais, en même temps, il veut ouvrir leur capital

Nous avons souhaité que soit fait un bilan de toutes les déréglementations, ouvertures du capital et autres formes de privatisation réalisées ces dernières années, en France, en Europe et dans le monde. Nous disposons de suffisamment d'expériences, et proches, comme en Grande-Bretagne, pour tirer les conclusions de ces choix et ne pas nous lancer dans les mêmes processus. Les usagers comme les salariés de ce secteur, mais aussi l'activité industrielle, n'ont rien à y gagner. Souvenons-nous des pannes d'électricité survenues en Californie ou en Italie !

L'autre argument du Gouvernement pour changer le statut d'EDF et de GDF serait l'exigence de Bruxelles relative à la fin de la garantie illimitée de l'Etat. C'est une interprétation que nous ne partageons pas.

La garantie de l'Etat, aujourd'hui, n'apporte pas de ressources à l'entreprise publique ; elle lui permet seulement d'obtenir des prêts pour les investissements dont on sait que l'ampleur restera considérable. De plus, l'Etat a davantage profité de l'entreprise que l'inverse, entreprise qui assure des missions de services publics. L'Etat lui impose d'engager le démantèlement des centrales, ce qui représente plus de 26 milliards d'euros sur trente ans.

Changer le statut, n'est-ce pas plutôt fragiliser l'entreprise, compte tenu de son niveau d'endettement, suite à des investissements pour le moins hasardeux à l'étranger ?

C'est le statut d'entreprise publique industrielle et commerciale qui permet aujourd'hui de répondre aux usagers, quel que soit le lieu où ils vivent, quel que soit le coût de production des ressources utilisées. Monsieur le ministre, si vous vous engagez dans un changement de statut, si vous ouvrez le capital, l'exigence de rentabilité des actionnaires interférera dans des choix qui exigent des investissements lourds.

Les salariés d'EDF et de GDF s'expriment depuis de nombreux mois. Ils vous demandent de retirer le projet de changement de statut, comme celui qui est relatif aux retraites. Vous devez les entendre, comme vous devez écouter l'avis de la population, des élus. Les choix qui doivent être opérés en ce début de XXIe siècle ne peuvent être faits au sein des seules deux assemblées. Un véritable débat public doit permettre à la population de donner son avis.

Nous voulons que la population participe elle aussi à la maîtrise de notre consommation énergétique. Dans ma ville, nous avons décidé, pour y parvenir, de consacrer une semaine à ces questions. L'an dernier, les débats ont porté sur la maîtrise de la consommation, cette année, sur les énergies renouvelables. Dans une commune de 16 000 habitants, plus de 500 personnes ont débattu de ce sujet, ce qui montre à quel point il intéresse.

Le débat public sur la politique énergétique de la France et les outils nécessaires à sa mise en oeuvre doit être engagé au plus tôt avec nos concitoyens.

Le Gouvernement a décidé dans ce domaine une politique ultralibérale, « à la Thatcher ». Les électrices et les électeurs ont exprimé les 21 et 28 mars dernier leur refus du démantèlement de leurs services publics. Ils n'ont aucune envie que l'énergie, qui contribue à la qualité de leur vie, devienne une marchandise comme les autres. Ils savent à quel point les salariés et les clients d'Enron ont vécu cela et le vivent encore douloureusement.

Ce sont donc également les choix européens qui doivent être revus dans ce domaine. C'est sur la base d'échanges et de coopérations entre les différents pays qu'une politique européenne de l'énergie doit se construire.

La politique énergétique de la France concerne bien chaque citoyen comme chaque salarié d'EDF-GDF. Sa définition engage notre avenir, mais également celui des générations futures.

Pour conclure, à la suite des remarques qu'a faites M. le ministre d'Etat tout à l'heure, je dirai qu'il nous faut améliorer la formation scientifique de nos concitoyens, notamment à l'école, de façon qu'ils puissent prendre une part active à tous ces débats. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'énergie est au coeur des responsabilités et des prérogatives de la puissance publique, puisqu'elle concerne l'indépendance nationale.

Elle influe sur l'état de notre économie en contribuant à la compétitivité de nos entreprises. Elle conditionne la qualité de l'environnement. Elle touche à la vie quotidienne de nos concitoyens. Enfin, elle engage les générations futures.

Le moins que l'on puisse dire est qu'il est juste que la représentation nationale débatte d'une question aussi essentielle, d'autant que l'on nous annonce la discussion prochaine, d'une part, d'un projet de loi d'orientation sur les énergies incluant des dispositions relatives à la sécurité et à la transparence en matière nucléaire et, d'autre part, d'un projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. En ce qui concerne ce dernier texte, convenons qu'il est un peu fort de faire figurer dans son intitulé les mots «service public», alors que, de fait, il vise à engager un processus de privatisation d'EDF et de GDF !

M. Roland Courteau. Face à un calendrier chargé et peu précis, je veux espérer, monsieur le ministre, que la politique énergétique de la France pour les décennies à venir ne sera pas examinée au pas de charge au Parlement. L'annonce précipitée du présent débat sur l'énergie nous donne quelques craintes.

Cela étant dit, un véritable débat de société doit avoir lieu. Les défis sont innombrables. C'est donc avec un esprit de responsabilité et de prévoyance que nous devons y faire face, d'autant que notre politique énergétique est sous la contrainte européenne et mondiale.

Quel est le contexte mondial ? De nombreux défis restent à relever afin d'utiliser de façon raisonnée les ressources énergétiques et les technologies disponibles, sachant que la demande mondiale en énergie aura progressé de deux tiers d'ici à 2030, du fait de l'accroissement démographique des pays en développement, tandis que la demande en électricité aura, elle, doublé.

Notre mode de développement actuel peut-il être durable, sachant que les réserves mondiales de pétrole et de gaz sont limitées à trente ans et compte tenu du changement climatique inquiétant, essentiellement dû, cela semble être démontré, aux activités humaines ? Ne faut-il pas changer de mode de consommation et procéder à des ruptures ? Ne faut-il pas aider les pays en développement, qui sont actuellement engagés dans une dynamique de développement intensif en énergie, génératrice notamment de gaz à effet de serre, à concilier leur développement économique et social avec la protection de l'environnement par l'utilisation de technologies dites «propres» ?

La prise en compte de leurs besoins ne doit pas être un voeu pieu. En matière énergétique, elle passe par des solutions de coopération, notamment européennes, avec les pays du Sud. Mes chers collègues, l'ampleur des défis et des enjeux à relever exige donc des politiques volontaristes, non seulement en France, mais aussi en Europe et à l'échelon international.

Or, visiblement, les efforts ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le protocole de Kyoto n'est toujours pas entré en vigueur en raison de l'opposition des Etats-Unis et de sa non-ratification par la Russie, - ces pays émettent à eux deux 39 % des gaz à effet de serre -, alors que certains experts estiment qu'il est déjà presque dépassé.

A ce jour, une vraie politique européenne de l'énergie reste à construire. Si rien n'est fait pour infléchir la tendance actuelle, l'Union européenne verra sa dépendance atteindre 70 % au cours des vingt ou trente prochaines années.

Quant aux mécanismes de transfert des technologies dites «propres» des pays riches vers les pays en développement, ils sont particulièrement insuffisants.

Pour la France, les conséquences d'une augmentation des prix des énergies liée aux effets conjugués de leur raréfaction future, des phénomènes spéculatifs, de la libéralisation des marchés et de l'entrée en vigueur des contraintes imposées par le protocole de Kyoto ne seront pas neutres, loin de là.

Si l'on prend en compte les problèmes géopolitiques et de sécurité de notre approvisionnement du fait de notre dépendance énergétique, principalement en matière de pétrole, on mesure mieux alors l'urgente nécessité de mettre en oeuvre une politique plus ambitieuse en matière d'énergie, que ce soit en termes d'innovations technologiques, de diversification des sources d'énergie ou de tempérance énergétique.

Sur ce dernier point, force est de constater que les politiques actives d'économie d'énergie consécutives au renchérissement des prix de l'énergie dans les années soixante-dix et quatre-vingt ont été considérablement relâchées. Or, en consommant mieux, nous pourrions réaliser 18 % d'économies.

Quant à notre système électrique, s'il a toujours démontré son efficacité, il n'en est pas moins fragile. Qu'il s'agisse de la tempête de 1999 ou de la canicule de l'été 2003, nous avons en France évité le pire, contrairement à ce qui s'est passé aux Etats-Unis, en Italie ou en Espagne. Et si le pire a pu être évité, c'est à porter au crédit de la qualité de l'organisation de notre service public de l'électricité et du sens de l'intérêt général dont ont fait preuve les agents d'EDF, actifs ou retraités.

Cela mérite réflexion, à l'heure où le Gouvernement souhaite poursuivre la libéralisation totale des marchés du gaz et de l'électricité. C'est également à méditer pour qui considère le statut des agents, lequel, loin de constituer un privilège, est de nature à assurer un niveau de qualification et de formation, ainsi que des conditions de travail garantissant la qualité et la fiabilité du service public.

Cette réflexion me conduit à évoquer notre désaccord avec la politique de dérégulation conduite par le Gouvernement qui, le 25 novembre 2002, a accepté que le conseil des ministres européens décide de l'ouverture totale des marchés électriques gaziers, y compris pour les clients domestiques. Ce faisant, le gouvernement de M. Raffarin a fait «sauter le verrou» et a remis en cause les limites que le gouvernement de Lionel Jospin avait, quant à lui, obtenues lors du sommet de Barcelone, les 15 et 16 mars 2002. Il est donc faux de dire que le gouvernement de l'époque avait donné son accord à l'ouverture totale du marché lors de ce sommet. C'est même le contraire ! J'ai d'ailleurs sous les yeux le relevé des conclusions du sommet. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)

M. Roland Courteau. Nous sommes donc opposés à cette libéralisation qui, à terme, conduira mécaniquement à l'accroissement des inégalités entre les territoires et entre les citoyens, et à l'abandon du principe de péréquation.

Trois constantes se dégagent des exemples de libéralisation des marchés à l'étranger. D'abord, le marché tend à organiser la pénurie de l'offre, ce qui se traduit par une augmentation du prix de l'électricité ; ensuite, les moyens de production et les réseaux connaissent un vieillissement accéléré, faute d'investissements et de maintenance suffisants ; enfin, le consommateur particulier est systématiquement lésé. La commission de Bruxelles commence d'ailleurs à parler «d'une libéralisation qui serait à réguler». C'est tout dire !

Quand donc comprendra-t-on que, dans ce monde perturbé du début du XXIe siècle, la sécurité des approvisionnements a largement pris le pas sur les impératifs de libéralisation ?

Nul ne sera donc surpris que le groupe socialiste réaffirme, une fois de plus, son attachement aux valeurs du service public. Le dogme du libéralisme sans contrainte est absolument incompatible avec le maintien du service public. Les caractéristiques physiques du transport et de la distribution d'électricité ne peuvent s'inscrire dans un champ concurrentiel.

M. Roland Courteau. Pour nous donc, le développement durable s'inscrit dans la continuité du service public, seul capable de le garantir à long terme. La logique d'une entreprise privée est en effet, d'abord, d'assurer la rentabilité des capitaux investis par les actionnaires, une rentabilité qui doit être maximale et rapide, quand les investissements énergétiques doivent se faire, eux, à long terme.

Pour nous, EDF et GDF ont donc plus que jamais vocation à exercer, dans le respect de l'intérêt général, les missions essentielles de service public : indépendance énergétique, égalité des citoyens et des territoires en matière d'accès à l'énergie et garanties du droit d'accès pour tous ; lutte contre l'effet de serre et protection de l'environnement ; maîtrise de la demande et des technologies d'avenir.

Ainsi, toute ouverture du capital d'EDF ou de GDF est pour nous exclue. Mieux : nous considérons que l'avenir de la production énergétique repose sur la constitution d'un grand groupe public de l'électricité et du gaz fondée sur l'alliance entre EDF et GDF. Nous tenons, en effet, à réaffirmer la nécessité d'une maîtrise publique de la politique énergétique avec le maintien d'un niveau élevé de sûreté.

Nous entendons, par ailleurs, que soit promu un service public de qualité pour les usagers et un contrôle démocratique de ce secteur associant usagers, élus, collectivités locales et personnels. Nous proposons que, à l'échelon européen, une directive-cadre sur les services publics soit adoptée avec, pour principes de base, la péréquation tarifaire et l'égalité entre les citoyens et les territoires.

Le gouvernement de Lionel Jospin en avait fait acter la création lors du conseil européen de Barcelone. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le gouvernement de M. Raffarin n'a pas fait avancer ce dossier.

M. Raymond Courrière. Pas plus que les autres, d'ailleurs !

M. Roland Courteau. Voilà pourquoi nous sommes fermement opposés au changement de statut des deux opérateurs historiques. M. Sarkozy nous a dit tout à l'heure vouloir maintenir la valeur du service public. Mais que vaudra-t-elle face aux exigences de rentabilité des actionnaires ?

En modifiant le statut juridique d'EDF et de GDF tout en enclenchant un processus d'ouverture du capital, vous vous engagez dans une forme de privatisation, même si vous inscrivez dans la loi que l'Etat détiendra plus de 50 % du capital, avec toutes les répercussions que l'on devine sur le service public, la péréquation tarifaire, l'égalité de traitement des usagers et le statut du personnel.

Or la décision de modifier ou non le statut des deux opérateurs que sont EDF et GDF relève de la seule responsabilité du Gouvernement et de sa majorité. Il est donc inutile d'invoquer Bruxelles, d'autant que la Commission européenne ne privilégie aucune forme de détention de capital. La suppression de la garantie d'Etat que demande la Commission européenne n'implique pas la transformation de ces entreprises en société anonyme. C'est votre choix, monsieur le ministre, assumez-le !

Vous nous annoncez que le statut des agents ne sera pas modifié. Que vaut cet engagement, puisque la garantie du statut pour les agents concernés ne peut se comprendre que si leur régime de retraite n'est pas remis en cause ? Or cela ne sera pas le cas.

Que vaut par ailleurs cet engagement, puisque le changement de statut juridique de l'entreprise porte en germe, de toute manière, le changement prochain de statut des agents ?

M. Raymond Courrière. Voilà la réalité !

M. Roland Courteau. En conclusion de ce chapitre, je citerai un des slogans que l'on pouvait lire sur les affiches placardées lors de la manifestation du 8 avril, qui résumaient assez bien les enjeux d'un projet de loi allant largement au-delà du sort d'une catégorie professionnelle : «Votre énergie, vous la voulez plus chère, comme l'eau ? Moins sûre, comme le rail en Grande-Bretagne ? Ou bien préférez-vous la bougie, comme en Californie ? » C'était à peine caricaturé, et tellement explicite !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquais voilà quelques instants l'urgente nécessité de mettre en oeuvre une politique plus ambitieuse en matière d'énergie et de modifier impérativement nos modes de consommation et de production pour affronter les contraintes présentes et futures. Il faut commencer par favoriser davantage la tempérance et l'efficacité énergétiques.

Ainsi, trois ans après l'adoption du programme national de lutte contre le changement climatique, une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre a été constatée en 2001. Cette diminution dissimule cependant une réalité contrastée, notamment des hausses préoccupantes dans les secteurs des transports - 22 % en dix ans - et du résidentiel-tertiaire, qui enregistre une augmentation de 14 %.

Faut-il rendre plus efficace ce dispositif par un plan Climat plus ambitieux ? Assurément ! Mais le fait de supprimer, dans le budget de 2004 du ministère des transports, les crédits prévus pour financer les transports collectifs en site propre ou encore de donner aux investissements routiers la priorité par rapport aux transports en commun et au ferroutage est en contradiction totale avec les objectifs, affichés dans le Livre blanc, d'une division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050.

M. Roland Courteau. En dehors de quelques moyens d'action, je n'ai noté que peu de propositions sur cette question. Monsieur le ministre, cela aurait mérité plus de corps !

Notre groupe porte la même appréciation sur les crédits budgétaires de l'ADEME, crédits amputés avec régularité depuis deux ans, alors que cet organisme constitue un outil précieux en matière d'énergie et d'environnement.

Et la même appréciation vaut bien évidemment encore concernant la recherche.

En freinant les financements dans la recherche des énergies alternatives, on occulte la perspective de la création d'un nouveau tissu industriel - et par là même la création d'emplois -, et on laisse de surcroît les industriels étrangers prendre d'importantes parts de marché, comme sur le marché éolien, occupé par les Danois.

Pourtant, nous disposons d'un réel potentiel industriel dans les secteurs du solaire thermique, de l'éolien ou de l'architecture bioclimatique. Il est malheureusement en jachère !

La même remarque s'applique aux carburants alternatifs - les biocarburants - pour les transports.

Enfin, n'est-il pas temps de définir une vraie politique industrielle des énergies renouvelables, comme cela a été fait, il y a trente ans, pour le nucléaire ? Une telle politique pourrait être porteuse d'emplois, que les spécialistes estiment au nombre de 20 000.

Monsieur le ministre, en effet, nous ne vaincrons pas les changements climatiques et nous n'atteindrons pas l'objectif d'une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre sans économies d'énergie, sans un bouquet énergétique diversifié et sans ruptures technologiques importantes, ruptures technologiques qu'il faut encourager par de gros efforts de recherche et de développement.

De même, comme l'un de nos collègues le rappelait, nos efforts pour consolider notre système énergétique seront de nul effet sur le changement climatique si notre pays ne se trouve pas à la tête d'un grand mouvement de transferts de technologies sans carbone en faveur des pays en développement.

D'importants moyens financiers devront être consacrés aux technologies du futur : carburants alternatifs comme l'hydrogène ; véhicules électriques et hybrides, capables de générer 50 % d'économie ; séquestration du carbone dans l'atmosphère ; filières de stockage de l'électricité.

Dans le domaine des énergies renouvelables, il n'est pas souhaitable que la France reste sous-développée. Notre ratio par habitant est 43 fois moins élevé qu'en Allemagne et 150 fois moins élevé qu'au Danemark.

Pour atteindre l'objectif de 21 % d'électricité consommée d'origine renouvelable à l'horizon 2010, un immense effort, de l'ordre de plusieurs milliers de mégawatts, devra être réalisé. Or, au rythme actuel de réalisation, il y faudrait plus de cent ans !

Il faut « booster » le développement de l'éolien terrestre, que des contraintes administratives freinent, et faire de même pour l'offshore.

Je prendrai l'exemple du département de l'Aude que Raymond Courrière et moi-même représentons ici. Ce département assure à lui seul 40 % de la production française d'électricité d'origine éolienne.

M. Roland Courteau. Un projet concernant l'offshore a été déposé qui permettrait la réalisation d'une ferme de 40 mégawatts au large de nos côtes.

Il faut, monsieur le ministre, faire avancer ce dossier, le seul, pour l'instant, sur la façade méditerranéenne.

M. Jacques Blanc. C'est à la région de le porter !

M.Roland Courteau. Préservons et confortons également l'hydroélectricité dans le bouquet énergétique. Cette énergie sera indispensable pour accroître la part d'électricité d'origine renouvelable - la faire passer de 15 % à 21 % - et pour atteindre nos objectifs. Sur les trente-trois térawattheures recherchés, l'hydroélectricité peut en apporter six supplémentaires. Ce n'est pas à négliger !

Non seulement l'hydroélectricité participe au développement économique local des pays ruraux, mais elle constitue de surcroît le seul moyen de stockage et de production capable de s'ajuster instantanément aux variations de la demande. Or l'absence d'investissement et les suppressions d'effectifs dans ce secteur semblent traduire l'absence de volonté d'en faire une priorité.

Quant à la filière nucléaire, notre groupe considère qu'elle a sa place dans le bouquet énergétique qu'il défend, mais, compte tenu des capacités de production existantes et des échéances prévues pour le renouvellement des centrales, il estime qu'il n'y a aucune urgence à décider de façon précipitée de la construction de l'EPR.

M. Roland Courteau. Nous proposons d'utiliser le peu de crédits disponibles pour faire porter l'effort sans attendre sur l'étude de faisabilité du nucléaire du futur, c'est-à-dire de la quatrième génération.

Le rendez-vous parlementaire pour 2006, destiné à retenir les solutions relatives à la gestion des déchets radioactifs à longue vie, devra en revanche impérativement être tenu, monsieur le ministre, quitte à amplifier l'effort de recherche.

Sujet plus local, je nourris quelques inquiétudes concernant la pérennité du site Comurhex à Narbonne. En effet, en dépit de perspectives pourtant favorables d'évolution du marché, il n'y a pas d'engagement de la direction en faveur d'une politique d'investissement et d'emploi sur ce site.

Enfin, nous sommes tout à fait favorables à une loi fondatrice garantissant la transparence de la filière nucléaire, qui en manque tout particulièrement. Un texte existait, déposé par le gouvernement Jospin. La culture du secret autour des installations nucléaires n'est en effet pas pour rassurer.

Nous considérons enfin qu'il n'est pas bon que la filière nucléaire représente une part aussi importante dans la production de l'électricité.

Une telle situation, laissant aussi peu place à la diversification, est unique au monde. Elle peut, certes, entraîner une exportation massive d'électricité à l'étranger, mais au prix d'un accroissement des déchets que nous aurons à gérer chez nous ensuite.

Bien évidemment, nous soutenons le projet ITER sur la fusion.

Il est indispensable, à nos yeux, de diversifier nos modes de production pour parvenir à un bouquet énergétique alliant production centralisée et décentralisée d'électricité, regroupant les énergies renouvelables et capable d'intégrer les évolutions technologiques à venir.

Enfin, puisqu'il me faut conclure, je le ferai en reprenant une remarque du Comité des sages, qui indiquait que la politique d'économie d'énergie qu'il appelait de ses voeux était synonyme non pas de restriction mais plutôt de tempérance pour combattre surconsommation et gaspillage.

Notre politique énergétique devra reposer, précisait-il, sur « l'éducation de civilisation », laquelle recouvre l'éducation à la consommation, l'éducation à l'automobile, l'éducation à l'éducation, et appeler à un « éveil citoyen par la prise de conscience des problèmes vitaux qui sont impliqués dans le mot énergie ».

Bref, autant dire qu'il s'agira de réorienter une culture « quantitativiste » vers une culture « de qualité », notamment de qualité de vie.

Rude tâche, mais c'est une raison de plus pour commencer dès maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Yves Coquelle applaudit également.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Et sans attendre !

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviens, après Marcel Deneux, au nom du groupe de l'Union centriste ; je consacrerai mon intervention aux énergies renouvelables, plus particulièrement aux biocarburants.

Tout le monde est aujourd'hui d'accord pour dire qu'il faut lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et réduire notre dépendance à l'égard des énergies fossiles et tout le monde plaide, en conséquence, pour le développement des énergies propres et renouvelables.

Cependant, lorsque l'on examine les mesures concrètes qui sont prises en France pour aller dans ce sens, on s'aperçoit que, si beaucoup est fait pour renouveler notre parc de production d'électricité nucléaire et pour développer l'énergie éolienne, en ce qui concerne le développement des biocarburants, on en est encore largement au niveau des intentions et des discours.

Pourtant, ce n'est pas en développant l'énergie nucléaire ou l'énergie éolienne que l'on réduira les émissions de gaz à effet de serre provenant des transports routiers, qui, je le rappelle, représentent près d'un tiers des émissions totales de gaz carbonique dans notre pays.

Ce n'est pas non plus en misant tout sur l'éolien ou sur le nucléaire que la France, qui a été à l'origine de la relance des biocarburants en Europe, atteindra l'objectif, fixé aux Etats membres par la directive européenne du 8 mai 2003, d'incorporer 5,75 % de biocarburants dans les essences d'ici à 2010.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Yves Détraigne. Pis, si nous ne prenons pas rapidement des mesures concrètes pour permettre le développement de la filière des biocarburants, nous avons toutes les chances d'accroître notre dépendance en matière d'énergie en étant contraints d'importer des biocarburants venant du Brésil, de l'Espagne ou de l'Allemagne, pays qui ont bien compris tout l'intérêt de cette filière.

Ainsi, le Brésil a produit 141 millions d'hectolitres d'éthanol en 2003, quand nous n'en produisions que 1,1 million en France et 4 millions dans l'ensemble de l'Union européenne. Je signale que l'Espagne est devenue l'an dernier le premier producteur européen d'éthanol et que l'Allemagne détaxe, depuis le 1er janvier dernier, ses biocarburants à 100 %.

Si l'on considère que, pour atteindre l'objectif fixé par Bruxelles, la production d'éthanol doit atteindre 14 millions d'hectolitres en France d'ici à 2010 et celle de l'Union européenne 113 millions, il est parfaitement clair que les décisions nécessaires au niveau de l'Etat doivent être prises sans attendre. L'an prochain, il sera trop tard !

Je sais que la situation actuelle des finances publiques ne facilite ni la mise en oeuvre d'une fiscalité adaptée aux biocarburants, ni la substitution ? qui ne serait pourtant que très partielle ? de cette énergie propre aux carburants d'origine fossile qui supportent la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Mais, plutôt que de défiscalisation des biocarburants au regard de cette TIPP, ne devrait-on pas plutôt parler de mise en place d'une fiscalité incitative à la consommation d'énergies moins polluantes que les énergies fossiles ?

La fiscalité pesant sur l'énergie électrique n'a rien à voir avec celle qui pèse sur l'essence ou sur le gasoil. Pourquoi donc voudrait-on à tout prix maintenir la TIPP sur les biocarburants ? Pas plus que l'électricité ils ne constituent une énergie d'origine fossile et ils sont nettement moins polluants que l'essence ou le gasoil ; au surplus, ils sont renouvelables et accroissent notre indépendance énergétique.

Favoriser les biocarburants, ce n'est pas seulement donner de nouvelles chances de développement aux territoires ruraux, qui en ont bien besoin. C'est aussi développer une filière industrielle créatrice d'emplois et de richesses à un moment où notre pays est confronté à un véritable mouvement de désindustrialisation. C'est, en outre, ne l'oublions pas, réduire les émissions de gaz à effet de serre : on les diminue de 75 % chaque fois que l'on substitue un litre d'éthanol à un litre d'essence.

Les biocarburants méritent donc bien de se voir reconnaître dans le futur projet de loi d'orientation sur l'énergie autant d'importance que l'énergie nucléaire ou l'éolien.

A la suite de mesures, « arrachées » avec difficulté au cours des dernières années, telles que l'extension de la défiscalisation actuelle à l'incorporation directe de l'éthanol dans les essences ou l'agrément de 80 000 tonnes de diester supplémentaires, le groupe de l'Union centriste attend désormais des actes forts et concrets qui soient le reflet d'une véritable volonté de développer les biocarburants dans notre pays.

Monsieur le ministre, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Valade.

M. Jacques Valade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à mon tour, apporter ma contribution à ce débat sur l'énergie, pour lequel nous vous sommes reconnaissants, monsieur le ministre, d'avoir sollicité l'Assemblée nationale et le Sénat dès votre entrée en fonction, afin de préparer nos prochains travaux législatifs.

Vous avez le mérite de vouloir mettre en place rapidement, avec courage et détermination, la nouvelle architecture de l'ensemble énergétique français et européen dont nous dépendons. Ainsi, le retard accumulé sur ce dossier par vos prédécesseurs de la « gauche plurielle » sera comblé et le risque de fragiliser l'un de nos secteurs industriels les plus performants sera écarté.

M. le ministre d'Etat a eu tout à fait raison d'affirmer, à l'Assemblée nationale, que, pour un pays moderne, « sans énergie, il n'y a pas de production de richesses, pas de confort et pas de progrès économique ». Il s'agit bien d'un véritable débat de société, auquel il est souhaitable d'associer nos concitoyens, ainsi que cela a été le cas à l'occasion du débat national organisé par le Gouvernement en 2003, alors que 70 %  des Français s'estimaient mal informés sur le sujet.

La méthode que vous avez adoptée est cohérente : état des lieux, mise en perspective des enjeux, concertation, négociation avec les partenaires industriels et sociaux et traduction législative des dispositions souhaitables.

Vous le savez, monsieur le ministre, le Sénat a toujours été extrêmement attentif à ce que la représentation nationale joue totalement son rôle, et l'expérience a montré que le Sénat avait apporté une contribution majeure sur un sujet aussi important pour l'avenir de notre pays. Les travaux de nos commissions, du groupe d'études de l'énergie et de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques l'attestent, de même que l'initiative que j'avais prise, en mars 2001, face aux atermoiements et aux hésitations du gouvernement de l'époque, de faire inscrire à l'ordre du jour réservé de la Haute Assemblée une question orale avec débat sur la politique énergétique de la France.

A cette occasion, nous avions pu mesurer le décalage existant, malgré les déclarations officielles, entre les différentes sensibilités de la « gauche plurielle », dont les composantes avaient des positions pour le moins divergentes.

Aujourd'hui, il nous incombe de rattraper le temps perdu, de prendre les décisions nécessaires, d'agir de manière responsable dans un contexte européen et mondial qui a changé. Nous sommes prêts, monsieur le ministre, à vous y aider.

Notre premier défi est de définir, pour la France et, par conséquent, pour l'Europe, les termes d'une politique énergétique durable, acceptée nationalement et devant déboucher sur une coordination européenne. La deuxième étape de l'ouverture des marchés européens d'électricité et de gaz nous met face à l'obligation de maîtriser les éléments relatifs à la production d'énergie, quelle que soit son origine, et par conséquent la sécurité de l'approvisionnement, le transport de l'énergie et sa nécessaire cohérence au niveau européen.

Pour ce qui est de l'approvisionnement, rien ne peut se faire désormais sans avoir le souci permanent du respect de l'environnement de la planète. Dans ce but, nous avons souscrit aux engagements internationaux, en particulier aux contraintes du protocole de Kyoto, qui a fixé les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Par ailleurs, la directive européenne du 27 septembre 2001 nous impose de porter, d'ici à 2010, la part des énergies renouvelables dans notre production d'électricité à 21%.

Force est de constater que la position des différents pays européens est diverse et que, au plan international, la position des Etats-Unis est singulière. Quant à la Chine - un certain nombre d'entre nous viennent de le vérifier, sur place, la semaine dernière -, elle est parfaitement consciente des efforts à effectuer, y compris pour utiliser les immenses gisements de charbon qui lui apportent une relative indépendance énergétique, à condition qu'ils soient utilisés d'une façon écologiquement supportable : charbon fluidisé ou charbon à l'état critique. Il n'en demeure pas moins que la Chine est dépendante du gaz et du pétrole, qu'elle doit importer, et qu'elle développe un programme nucléaire particulièrement ambitieux.

Quoi qu'il en soit, l'économie mondiale est confrontée à un immense défi, celui de la recherche du meilleur équilibre entre l'offre et la demande, dans un contexte géopolitique incertain, avec une interrogation rémanente : jusqu'à quand la planète pourra-t-elle faire face à une croissance mondiale toujours plus consommatrice d'énergie ?

En fait, d'où peut provenir l'énergie ? Chaque nation, chaque partie du monde possède, ou non, des ressources énergétiques : ici, le pétrole ou le gaz, ailleurs, le charbon ou le lignite, ailleurs encore, l'hydraulique, en plus ou moins grandes quantités. Enfin, le génie de l'homme a permis l'exploitation de matériaux particuliers tels que ceux qui fournissent l'énergie nucléaire.

Pour notre part, notre dépendance à l'égard du pétrole est devenue insupportable à partir de 1973, et le programme nucléaire français, sans précédent dans le monde, a réduit notre taux de dépendance énergétique. M. le ministre d'Etat évoquait des décideurs «  géniaux », et je crois que l'adjectif n'est pas trop fort. Il nous faut, par conséquent, poursuivre dans cette voie !

Dans cette perspective, il me semble que les conclusions de la commission d'enquête sur la politique énergétique de la France, que j'ai eu l'honneur de présider et dont le rapport, établi par notre collègue M. Henri Revol, a été rendu public en 1998, sont toujours d'actualité : l'indépendance énergétique doit rester une priorité et elle exige à la fois la sécurité d'approvisionnement, le respect et la protection de l'environnement et la compétitivité des entreprises.

A cela s'ajoutent deux éléments complémentaires de plus en plus d'actualité : la nécessité des économies d'énergie - rappelons que l'énergie la moins chère est celle que l'on ne consomme pas - et la nécessité des énergies renouvelables auxquelles il est indispensable de faire appel.

A cet égard, il ne faut pas tromper nos concitoyens : il faut, certes, exploiter les énergies renouvelables, mais elles ne pourront, à elles seules, répondre à tous nos besoins.

Pour atteindre ces objectifs, la loi de programmation, annoncée par M. le ministre d'Etat, s'impose. Elle devra intégrer la sécurité de l'approvisionnement énergétique, la maîtrise de l'utilisation, dans les secteurs des transports et du logement notamment, le respect de l'environnement et l'indispensable solidarité au profit de l'ensemble du territoire, tout particulièrement en direction des plus démunis.

Dans ce cadre, nos choix s'orienteront certainement vers un bouquet énergétique plus diversifié dont le pivot restera nécessairement le nucléaire. A ce titre, nous devrons répondre à plusieurs questions. Qu'en est-il du démantèlement des centrales ? Que faut-il penser du renouvellement des équipements et de l'élimination des déchets sur laquelle le Parlement doit se préparer à se prononcer en 2006 ?

L'option de l'EPR, comme cela a été indiqué à plusieurs reprises, nous paraît s'imposer : elle permettra d'assurer une production d'énergie électrique plus sûre et moins chère grâce à la maîtrise technologique de nos entreprises, les plus performantes du monde, préservant ainsi nos choix futurs pour le renouvellement de nos centrales et permettant le développement de nos technologies sur les marchés extérieurs.

Enfin, si nous plaidons pour une approche globale de notre politique énergétique, il est indispensable de faire évoluer le statut d'EDF et de GDF.

Trois points sont essentiels, que nous aurons tout le loisir de développer dans les mois qui viennent : l'élargissement du principe de spécialité, la transformation des EPIC -établissements publics industriels et commerciaux - en sociétés anonymes à capitaux publics et, enfin, la gestion autonome du réseau de transport d'électricité, tant en France qu'en Europe.

Sur ce sujet, plusieurs scénarios semblent envisageables, qu'il convient d'examiner. D'aucuns, par exemple, prônent d'une part, la séparation des activités hors et dans la concurrence et, d'autre part, la constitution d'une entreprise publique de réseaux de transport de gaz et d'électricité. Ce schéma permettrait de séparer des secteurs aux évolutions différentes, d'adosser le fonds de retraite des personnels à cette nouvelle « entreprise des réseaux », d'homogénéiser tout ce qui relève du transport et d'en faire assumer la responsabilité à ceux qui en ont aujourd'hui la charge.

Dans tous les cas, le schéma retenu devra permettre à EDF et à GDF de demeurer compétitives face à leurs concurrents, tout en préservant la situation de leurs personnels.

En conclusion, monsieur le ministre, face aux évolutions du marché de l'énergie, l'immobilisme serait la pire des réponses. Que ceux qui prônent le statu quo en assument clairement les conséquences et qu'ils reconnaissent que ce serait vouer au dépérissement des entreprises et des secteurs de notre économie qui sont aujourd'hui parmi les premiers au niveau mondial. Je n'ose imaginer ce que cela représenterait en termes d'emploi, d'insécurité et d'aménagement du territoire.

C'est pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir des déclarations du Gouvernement et le soutenir dans son action : oui à un mémorandum sur l'Europe de l'énergie, afin que tous les pays agissent de concert ; oui à de nouvelles mesures en matière fiscale ; oui à une loi de programmation énergétique ; oui à une loi sur la sûreté nucléaire ; oui à l'évolution du statut de nos entreprises, dans les termes qui viennent d'être précisés.

Dans ce domaine, la France a de l'avance, grâce à la pertinence des choix de ceux qui nous ont précédés. Reprenons la marche en avant, maîtrisons notre avenir au travers de la certitude de la fourniture d'énergie nécessaire à notre développement.

Au-delà de ce débat, il faut préparer les textes législatifs garants de cet avenir. M. le ministre d'Etat nous a fait part de ses intentions. Sachez dès maintenant, monsieur le ministre, que nous les soutiendrons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

MM. Jean Bizet et Jacques Blanc. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en engageant la France, au lendemain du premier choc pétrolier, dans une politique d'économie d'énergie et de développement du nucléaire, le gouvernement de l'époque a permis à notre pays de conquérir son indépendance énergétique et de se doter d'une électricité compétitive, propice au développement de l'industrie et de l'emploi. Cette politique est, depuis lors, une constante des gouvernements successifs.

Aujourd'hui, la problématique énergétique est double : à la question de l'indépendance, qu'il s'agit toujours de garantir, s'ajoute la préoccupation environnementale ; les changements climatiques et la rupture de nombreux équilibres écologiques, principalement du fait de l'activité humaine, causent des dommages irréversibles à notre planète, donc à son futur.

Tous les choix que nous sommes aujourd'hui conduits à faire doivent intégrer une solidarité générationnelle. La recherche d'un développement durable, qui associe performance économique et respect environnemental, est aujourd'hui une absolue nécessité, une nécessité qui plaide en faveur du développement du mix, ou bouquet énergétique : préserver la filière électronucléaire et développer les énergies renouvelables.

Il est aujourd'hui indispensable de diversifier nos sources de production d'énergie et de développer rapidement et massivement les énergies renouvelables, avec notamment le bois, le solaire et les éoliennes, en particulier offshore. Monsieur le ministre, mes chers collègues, sachant qu'en qualité d'élu d'un département maritime, la Manche, cela fait près de dix ans que je plaide en faveur de ce dossier, vous comprendrez que je ne puisse que regretter le retard manifeste pris dans ce domaine et déplorer notamment le manque de mobilisation de nos entreprises.

Développer les énergies renouvelables implique de promouvoir de véritables filières industrielles en la matière, créatrices d'activités et d'emplois.

Par ailleurs, je suis persuadé que les collectivités territoriales doivent s'approprier ces nouvelles formes d'énergie, notamment en ce qui concerne les éoliennes, qui sont autant de sources d'énergie de proximité.

M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. Si le nucléaire est incontestablement la base de notre réseau national de production d'énergie, les énergies renouvelables doivent constituer un vrai réseau régionalisé de soutien et d'accompagnement.

Développer les énergies renouvelables, c'est donc produire propre. Mais il faut aussi s'efforcer de « consommer propre ». Dès lors, il est incompréhensible qu'on ne lie pas notre politique de production énergétique à une grande politique des transports collectifs, assortie notamment d'un effort très important pour développer le ferroutage.

Nous produisons notre énergie, notamment d'origine nucléaire, utilisons-la pour mener une grande politique des transports ferroviaires. Cette solution, qui sera certainement moins coûteuse que le fioul nécessaire au transport par camions, nous permettra peut-être de réguler aussi le trafic des poids lourds qui empruntent nos autoroutes pour traverser la France sans payer la moindre taxe et, vraisemblablement, sans profiter à l'économie de la nation.

Cette production d'énergie nucléaire a donc son corollaire, le ferroutage, dont je pense de très longue date - certains ici peuvent en témoigner - qu'il constitue un grand chantier à ouvrir et une grande cause nationale pour le XXIe siècle.

Préserver la filière électronucléaire, c'est d'abord tenir compte du vieillissement de notre parc nucléaire : la première centrale, celle de Fessenheim, aura 30 ans en 2007. Même si nous avons de bonnes raisons de penser que la durée de vie de la majorité de nos centrales peut être prolongée d'une dizaine d'années, nous avons l'obligation d'assurer la pérennité de la production d'énergie à base nucléaire jusqu'à l'avènement des réacteurs de quatrième génération, qui, en tout état de cause, ne pourront pas être mis en service avant 2040, au mieux, l'étape intermédiaire étant essentielle pour garantir notre niveau d'indépendance énergétique présent.

Il serait peu raisonnable, mes chers collègues, d'imaginer une durée de vie de quarante-cinq, cinquante-cinq ou soixante ans pour l'ensemble de nos centrales. Ce serait jouer à l'apprenti sorcier, tant pour notre indépendance énergétique que pour la sécurité des sites concernés.

Il est donc nécessaire de prévoir cette transition. Il s'agit non pas d'accroître de façon démesurée notre potentiel de production d'énergie nucléaire, mais d'en préserver la capacité future.

Aussi, à titre personnel, j'estime qu'il est raisonnable de décider de construire le premier EPR pour qu'il entre en service au moment où la majorité des centrales atteindront leur limite d'âge.

J'adopte donc aujourd'hui la même position que celle qui fut la mienne en 1974, et que j'ai maintenue de façon constante pendant toute la période où j'ai été maire de Cherbourg.

M. René Garrec. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il est pour moi indispensable de rappeler que le changement de statut d'EDF-GDF n'est pas, à mon sens, une nécessité.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oh !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela allait trop bien entre nous, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Eh oui !

M. Jean Bizet. Encore un effort ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne peux partager l'opinion de ceux qui estiment que leur statut d'établissement public est aujourd'hui le premier frein à leur développement à l'extérieur de nos frontières. Pour comprendre ma position, il suffit de se référer à d'autres expériences, notamment à celles de GIAT industries ou de la direction des chantiers navals, la DCN, que je connais fort bien aussi et qui sont loin d'être concluantes.

Préserver la filière électronucléaire, c'est aussi prendre en considération la question des déchets.

A cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que, pour l'instant, en tout état de cause, le Gouvernement n'envisage pas de revenir sur la politique de retraitement des combustibles irradiés ? Il apparaît en effet depuis quelque temps que l'ouverture du capital d'EDF-GDF pourrait être une tentation d'abandonner cette technologie afin d'alléger les coûts de production et, par conséquent, le prix de vente du kilowattheure.

Je le dis clairement, ce serait là une erreur : une telle voie serait très risquée car le stockage direct est une solution à retardement qui n'est pas maîtrisée écologiquement ni économiquement.

M. Jean-Pierre Godefroy. De plus, une telle option poserait le problème de la sécurité des contrats commerciaux conclus. (M. le ministre fait un signe d'assentiment.)

Par ailleurs, il serait dommageable à notre industrie, très performante, de se livrer à de simples transferts de technologies vers des pays tels que la Russie, les Etats-Unis ou la Chine.

D'autres formules sont à trouver, certes pour réduire les transports, mais en même temps pour préserver notre activité et notre avance technologique.

Cette question est d'actualité puisque commence actuellement le démantèlement d'UP2-400 aux usines de La Hague et de Marcoule. Ce démantèlement paraît une excellente chose en soi dans la mesure où des réserves financières ont été constituées à cet effet, mais il serait important de savoir si leur montant est suffisant et disponible.

Il convient également de vérifier que nos capacités de retraitement ne se trouveront pas pénalisées par le plan de réorganisation présenté par la direction, qui prévoit de faire fonctionner en alternance les deux usines du site de La Hague, UP2-800 et UP3.

Historiquement, l'usine UP2-800 était réservée au retraitement des combustibles français et l'usine UP3 à celui des combustibles étrangers. Or la COGEMA prévoit, à partir du deuxième semestre de cette année, de faire fonctionner les deux usines en alternance pour retraiter indifféremment des combustibles français ou étrangers sur l'une ou l'autre des usines. La direction justifie ce choix par « une baisse du plan de charge » et par « la volonté de réduire les coûts » dans une proportion de l'ordre de 10 % en frais de personnels et charges externes. Près de 250 emplois sont concernés, monsieur le ministre.

Dans son projet de fonctionnement, la direction envisage de retraiter une centaine de tonnes de combustibles chaque mois dans une seule usine. Or force est de constater qu'il a été difficile de réaliser, ces dernières années, les plans de charge annuels prévus avec deux usines en fonctionnement. La production en alternance ne manquera pas de réduire encore la marge de manoeuvre.

De plus, il est à craindre que les réductions d'effectifs envisagées en matière de radioprotection, de maintenance et de production ne permettront plus d'assurer correctement la sécurité des installations, des salariés et de l'environnement, la maintenance préventive et corrective nécessaire, ni le bon fonctionnement des installations dans les domaines autorisés.

Pourtant, il est parfaitement possible de prévoir le maintien pendant plusieurs décennies d'un plan de charge minimum au niveau actuel de 1200 tonnes par an. En effet, EDF décharge chaque année 1200 tonnes de combustibles de ses réacteurs et n'en fait retraiter que 850. Il faut mentionner également les 9000 tonnes de combustibles entreposées dans les piscines de l'établissement de La Hague couvertes par un contrat de retraitement, les 3000 tonnes de combustibles stockées dans les piscines d'EDF, ainsi que les contrats d'ores et déjà passés avec les clients étrangers.

Ne pas engager le retraitement de l'ensemble des tonnes de combustibles entreposées en piscine conduirait inéluctablement à un stockage direct qui ne dirait pas son nom.

Comprenez mon inquiétude, monsieur le ministre : la COGEMA a d'ores et déjà envisagé des scénarii incluant la mise sous cocon de l'une des deux usines, UP3. Il est important que vous nous donniez rapidement des précisions à cet égard dans le cadre du débat qui s'engage.

S'agissant de la construction de l'EPR, vous comprendrez également, monsieur le ministre, que je revienne un instant à l'échelon local, pour dire que, lorsque la décision de la construction sera prise, le Nord-Cotentin, en raison de sa situation géographique...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est le meilleur site ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy. N'est-ce pas, monsieur le ministre ?

...en raison de ses conditions climatiques très agréables, mais aussi très sécurisantes (M. le ministre sourit), du savoir-faire de ses entreprises locales, de la pratique de la transparence, tout à fait indispensable dans ce domaine, qui est menée au travers de la CSPI, la commission spéciale et permanente d'information, de La Hague, le Nord-Cotentin, dis-je, se porte candidat pour la réalisation à Flamanville du premier prototype.

M. René Garrec. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il convient de noter que cette technologie recueille l'assentiment d'une très large majorité de la population. En outre, la proximité de l'usine de La Hague me semble un élément déterminant pour le choix de Flamanville.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est la raison pour laquelle la communauté urbaine et la ville de Cherbourg-Octeville ont adopté, en novembre 2003, une motion pour l'implantation de cet EPR à Flamanville.

Nous sommes aussi soucieux de notre environnement que les Finlandais et, si ce site devait être retenu, il est tout à fait évident que l'opération devrait se réaliser dans la plus totale transparence et dans un large débat avec toutes les instances décisionnelles, collectivités territoriales, organismes professionnels, agricoles et salariés, Etat, EDF-GDF.

J'espère obtenir des réponses satisfaisantes de votre part, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a pris conscience, au cours de ces dernières années, de la singularité de sa situation sur le plan énergétique. Le consensus qui régnait chez les Français, marqués par le choc pétrolier de 1973 et par la crise qui s'ensuivit, a fait place à de multiples questions. Faut-il rester fidèle à l'option nucléaire ? Le parc de nos réacteurs doit-il être intégralement renouvelé ? Devons-nous stocker nos déchets radioactifs ultimes ? Les énergies renouvelables peuvent-elles sérieusement assurer une partie de nos besoins ? Comment concilier croissance de la demande d'énergie et protection de l'environnement ?

A toutes ces questions nous devons apporter des réponses.

Je suis convaincu que nous devons tenter de nous départir de toute affinité idéologique. Quels sont en effet les problèmes concrets que nous devons résoudre ? Il s'agit de permettre la fourniture de courant à tout usager des Hauts-de-Seine (M. le ministre sourit.) ou de tout autre département de France qui dispose d'un compteur de dix ampères, aussi bien qu'à une usine de production de verre ; il s'agit d'assurer également le chauffage des logements et le transport de nos concitoyens et de nos entreprises, que ce soit par le rail, par la route ou par les airs.

Si les besoins sont clairement identifiables, les solutions pour y répondre font l'objet de contestations. C'est là tout l'intérêt du débat entamé depuis plusieurs années et aujourd'hui relancé par le Gouvernement, qui n'a pas craint de poser le problème des nouvelles orientations de la politique énergétique sur la place publique. Soyez-en remercié, monsieur le ministre.

J'ai pour ma part quatre convictions.

M. Ladislas Poniatowski. Je suis convaincu que le « socle du nucléaire » demeure incontournable.

Je suis également convaincu que seule la diversification des sources d'approvisionnement est garante de la sécurité énergétique de notre pays.

J'ai aussi la conviction qu'il faut renforcer l'efficacité énergétique de notre consommation.

Je suis enfin convaincu que nos opérateurs historiques, EDF et GDF, doivent et peuvent être les fers de lance de notre stratégie énergétique.

En ce qui concerne ma première conviction, dans le « bouquet » énergétique français, quelle alternative pouvons-nous trouver au nucléaire ? C'est la question primordiale que nous devons nous poser.

Pour avoir suivi ce dossier depuis de nombreuses années, je suis convaincu de la nécessité de préserver la filière nucléaire française et de construire, dès que possible, un premier démonstrateur de réacteur à eau pressurisée. Les paroles qu'a prononcées devant nous M. Nicolas Sarkozy tout à l'heure vont dans ce sens et me rassurent. Il s'agit, je vous le rappelle, mes chers collègues, d'un réacteur plus performant, plus sûr, plus économique et plus écologique.

M. Roland Courteau. Tout est relatif !

M. Ladislas Poniatowski. D'ailleurs, tout comme mes collègues de Basse-Normandie, je n'ai pas le « nucléaire honteux ». Je suis même candidat pour que ma région de Haute-Normandie accueille, par exemple à Penly, le prototype de l'EPR.

M. Roland Courteau. Et de deux ! (Sourires.)

M. Ladislas Poniatowski. Mais nous ne sommes pas les seules régions dans ce cas, et je m'en félicite ! Je ne comprends pas ceux qui prétendent s'inscrire dans une logique de sortie du nucléaire qui conduirait, comme l'a rappelé tout à l'heure notre collègue Henri Revol, à une véritable impasse économique.

La récente décision de la Finlande, qui a choisi de recourir à notre procédé, ouvre la voie, j'en suis certain, à une inversion de la tendance dans les médias, car nous avons besoin du nucléaire ; nous ne pouvons nous en passer.

M. Jean Bizet. C'est évident !

M. Ladislas Poniatowski. Il est de notre devoir de rendre les Français conscients de cet état de fait.

J'observe, au demeurant, que les collectivités locales sont, sur ce sujet, moins timorées que l'Etat puisque plusieurs d'entre elles - et pas seulement la Haute-Normandie et la Basse-Normandie - revendiquent, d'ores et déjà, l'installation du premier réacteur EPR sur leur territoire. N'oublions pas cependant que, pour que ce réacteur puisse entrer en production dans dix ans selon l'objectif visé, comme M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous l'a rappelé tout à l'heure, il convient de lancer sa fabrication dès à présent. La décision est à prendre aujourd'hui.

Je tiens à signaler que les perspectives ouvertes par le développement de l'industrie nucléaire dans des pays tels que la Chine suscitent une demande à laquelle nos industriels peuvent répondre, tant pour de grandes centrales de 1.200 et 1.600 megawatts que pour de petites centrales de 200 à 300 megawatts. Encore faut-il que l'Etat s'applique à favoriser le développement de cette filière qui, je vous le rappelle, compte actuellement près de 150.000 emplois directs, auxquels s'ajoutent les sous-traitants.

Or, mes chers collègues, il est paradoxal de constater que nos concurrents allemands, qui ont stoppé leur marché national, se tournent vers l'exportation et sont en train de nous prendre des parts de marché sur le créneau des petites centrales nucléaires.

M. François Trucy. C'est vrai !

M. Ladislas Poniatowski. Mais il serait illusoire de borner le débat sur la politique énergétique à l'aspect de la pérennité du nucléaire.

Ma deuxième conviction est que la diversification des sources d'approvisionnement est garante de la sécurité énergétique française.

C'est la seule garantie dont notre pays peut se doter. En la matière, sans vouloir dresser un inventaire exhaustif, il m'apparaît que nous devons envisager les conditions de la préservation du développement de tous les types d'énergie : le gaz, le pétrole, le charbon et, bien évidemment, l'hydroélectricité et les énergies renouvelables, que vous avez été plusieurs à évoquer avant moi.

Le gaz est trop souvent méconnu, alors même que nos compatriotes ont « un faible » pour cette source d'énergie. Elle est bien acceptée par la population, se prête à des usages divers, au stockage et est source d'émissions relativement modérées par rapport aux autres énergies fossiles.

En tant que rapporteur de la loi relative à l'ouverture du marché gazier, je suis très attaché, comme notre collègue Jean-Paul Emorine, qui est intervenu au nom de la commission des affaires économiques, au devenir de notre opérateur historique national Gaz de France. Je l'ai dit à plusieurs reprises, GDF mérite d'être enfin doté de moyens financiers suffisants pour acquérir les gisements qui garantiront sa compétitivité future et lui permettront de devenir un producteur multiénergie dans le cadre de la diversification de ses activités.

Le pétrole demeure incontournable, lui aussi, eu égard à sa faible « substituabilité » dans le domaine des transports. Je vous rappelle que la demande mondiale de pétrole pourrait progresser de 2 % par an jusqu'en 2025, entraînant une augmentation de 160 % du total consommé. Même si, pour la première fois depuis 1973, la consommation française de pétrole a diminué en 2003, comme le rappelait M. Nicolas Sarkozy, probablement grâce aux mesures prises en termes de sécurité routière, notre pays ne pourra se passer de pétrole et c'est pourquoi nous devons rester attentifs au devenir de cette filière.

J'en viens au charbon, ce qui pourrait surprendre d'aucuns quelques jours après la fermeture de la dernière mine de Moselle.

Je considère que le charbon n'est pas une industrie du passé. Qui en France sait que le charbon est aujourd'hui à l'origine de la production de plus de la moitié du courant électrique en Allemagne ? Nous devons conserver absolument des compétences en la matière.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. A quel prix !

M. Ladislas Poniatowski. Je parle non pas de production, mais de consommation. Nous devons diversifier nos approvisionnements afin de ne pas être soumis au seul jeu du prix des produits pétroliers. Nos centrales à lit fluidisé circulant, situées notamment en Provence, à Gardanne, et en Lorraine, la centrale Emile-Huchet, constituent un exemple exportable pour le monde entier car elles fonctionnent même avec des charbons de qualité médiocre et émettent une quantité minime de gaz carbonique.

J'en viens enfin au développement des énergies renouvelables.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises à cette tribune, la situation de la France en la matière n'est pas satisfaisante. Nous ne pouvons à la fois souscrire à Bruxelles des engagements sur le développement de la production de courant par les énergies renouvelables - atteindre 21% en 2010 de notre électricité par ce moyen - et refuser la construction d'éoliennes. Certes, il convient de les implanter avec discernement notamment en off-shore, mais nous ferions une lourde erreur en donnant à l'opinion publique le sentiment que nous refusons ce qui constitue, aux yeux de certains, une « solution miracle » alors que, nous le savons tous et sauf à ce que des sauts technologiques majeurs soient franchis, les énergies renouvelables ne pourront pas bouleverser la structure de la production d'énergie nationale. Je crois d'ailleurs que rien ne vaut la diffusion des différents types de production d'énergie pour que les Français puissent comparer à la fois leurs mérites et leurs coûts respectifs et constater que les uns et les autres ont leurs avantages et leurs inconvénients.

Je serais tenté de dire : pas d'exclusive !

Ce devrait être le mot d'ordre d'une politique active de soutien à toutes les énergies renouvelables qui fasse aussi sa place à l'énergie photovoltaïque, dont le potentiel demeure important puisque d'autres pays européens, y compris au nord de l'Europe, là où l'ensoleillement est moindre qu'en France, ont une grande longueur d'avance sur nous.

Enfin, dans un esprit d'aménagement du territoire, veillons à développer les biocarburants. Notre collègue Yves Détraigne y a insisté tout à l'heure avec beaucoup de justesse et de pertinence.

Ma troisième conviction est qu'il faut renforcer l'efficacité énergétique de nos consommations.

Dans son programme, le Gouvernement a le mérite de se situer dans la continuité de l'action de son prédécesseur en matière de relance de la politique de maîtrise de la demande d'énergie.

Voilà un sujet bien austère, qui ne porte de fruits que sur le long terme et n'occasionne, à brève échéance, que les doléances des constructeurs de maisons, de logements, lesquels considèrent que les mesures d'économie occasionnent avant tout un surcoût, observé également dans le domaine des transports ou même dans l'industrie. C'est pourquoi je suis convaincu que seule une politique fiscale active - et mon oreille a été assez satisfaite par ce que j'ai entendu tout à l'heure dans la bouche du ministre - permettra d'assurer le succès des actions réalisées en matière de demande de la maîtrise d'énergie.

Ma dernière conviction concerne l'avenir de nos opérateurs historiques.

Rapporteur pressenti du projet de loi qui aura à traiter de la modification du régime juridique des entreprises EDF et GDF, je ne saurais conclure mon propos sans avoir évoqué cette question.

Ma conviction est que nous devons clairement dire aux personnels dont nous entendons les préoccupations notre volonté de définir des solutions qui permettent d'assurer la pérennité de leurs entreprises dans un cadre concurrentiel en transformation.

Voilà quelque temps, le président de l'une de ces deux entreprises indiquait que rien ne serait pire que l'immobilisme : le maintien du statut d'établissement public et du principe de spécialité aboutirait à corseter, voire étouffer, des entreprises qui ne demandent qu'à se développer. On cite souvent, en la matière, le référendum organisé l'an passé par les organisations syndicales, à l'issue duquel, vous vous en souvenez mes chers collègues, 53 % des salariés auraient rejeté les solutions qui leur étaient proposées. C'est, à mon avis, aller un peu vite en besogne dans la lecture de ces résultats qui montrent avant tout, d'une part, l'inquiétude des personnels face à l'avenir et malgré tout, d'autre part, la maturation des esprits puisque47 % d'entre eux, ce qui est loin d'être négligeable, se sont déclarés favorables aux réformes.

Dans ce contexte, j'appelle de mes voeux la solution rapide des questions qui demeurent en suspens, à commencer par celle des retraites car rien n'est pire, pour les personnels, que la prolongation d'une incertitude qui dure depuis le vote de loi Pierret, en 1999.

Il nous faut aussi rassurer les personnels de ces entreprises, fleurons, je vous le rappelle, de l'industrie française, en affirmant qu'ouvrir le capital de leurs entreprises ne signifie en aucun cas baisser la garde en matière de sûreté et ne constitue en aucun cas une remise en cause des missions de service public desdites entreprises.

Monsieur le ministre, rassurer, éclairer, expliquer, tels doivent être les maîtres mots de notre action dans les prochains mois.

Si l'on ne s'en tenait qu'à l'énoncé des problèmes qui se posent à la France en matière de politique énergétique, on ne pourrait être que perplexe, voire inquiet.

En observant, en revanche, les progrès accomplis, les résultats obtenus et les réformes réalisées, on demeure frappé par l'inventivité et le sens de l'innovation qui ont caractérisé l'évolution du secteur de l'énergie. C'est pourquoi je suis convaincu que c'est par la confiance que nous réussirons à mener à bien la nouvelle politique dont nous définissons aujourd'hui même les bases. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile d'intervenir à cette heure tardive compte tenu de la compétence de tous les orateurs qui se sont exprimés sur le sujet. Aussi limiterai-je mon propos en me bornant à évoquer quelques points qui n'ont été que peu ou pas abordés.

Tout d'abord, je rappellerai que l'énergie n'est pas un bien comme les autres. C'est un bien stratégique, une partie intégrante de nos « intérêts vitaux ».

A défaut d'énergie mise à disposition en quantité suffisante, c'est non seulement notre économie qui ralentit et risque la récession, mais c'est tout notre mode de vie qui est rendu impossible ou en tout cas difficile.

Ainsi, la sécurisation des accès aux approvisionnements, des transports de matières premières ou encore des sites de production et de leurs informations a été et demeure une des missions prioritaires de nos forces armées. Cela vaut pour la France comme pour tous les États. Ce caractère « sensible » est accru par l'emploi, spécialement dans le nucléaire mais pas uniquement, de technologies dites « duales ».

Enjeu international, enjeu géopolitique, l'énergie est de ces rares domaines qui peuvent, encore aujourd'hui et malheureusement, décider de la guerre ou de la paix entre les nations. À l'heure où nous nous apprêtons à décider de l'avenir énergétique de notre pays, il ne faut pas l'oublier.

Cependant, cet aspect, si important soit-il, ne suffit pas bien sûr à résumer les problématiques internationales liées à l'énergie.

Le marché de l'énergie à l'échelle de la planète, par les rapports de force et parfois d'exploitation qu'il entretient, est un sujet de grande préoccupation et peut-être même une bombe à retardement. Comment pourrait-il en être autrement alors que 20 % de la population mondiale, dont nous faisons partie, consomme 80 % de la production ! Plus de 2 milliards d'individus n'ont pas accès à l'électricité ; 4 milliards en sont pourvus mais à un niveau encore inférieur à celui de la majorité des pays de l'Europe de l'Est. Et il ne faut pas croire que cette inégalité ne touche que les pays du Sud : même dans les États occidentaux, les exclus se comptent par millions !

Dans ces conditions, nous devons nous demander quels moyens, tant techniques que financiers, les pays du Nord sont prêts à mobiliser pour aider les États du Sud à développer leur production d'énergie. Il y a près de quatre ans, au moment de la ratification des accords de Kyoto, j'évoquais déjà ici la nécessité de mettre en place des politiques de coopération plus adaptées. Or, l'accroissement des inégalités intervenu ces dernières années associé aux prévisions de croissance des émissions de gaz carbonique en provenance du Sud - 58 % des émissions en 2050 contre 29 % actuellement -- rendent la question de l'aide et de la coopération encore plus sensible aujourd'hui. L'un d'entre nous évoquait tout à l'heure la consommation de la Chine, qui est un exemple particulièrement significatif et inquiétant.

Par ailleurs, le débat sur l'énergie ne peut pas s'envisager autrement qu'à la lumière du respect de l'environnement et de la planète. Et pour cela, il nous paraît indispensable de travailler simultanément au rééquilibrage de la répartition des gaz à effets de serre et à la maîtrise de notre consommation, parce que nous savons bien que consommation et pollution sont intrinsèquement liées.

Une fois n'est pas coutume, il y a unanimité parmi les experts. La maîtrise de l'énergie, objectif prioritaire de toute politique énergétique sensée, passe bien sûr par la maîtrise de la production et des risques qui y sont attenants, mais aussi et surtout par la maîtrise de la consommation.

Là est la priorité, spécialement en France, où la consommation énergétique a été multipliée par deux depuis 1970 et où la seule consommation d'électricité a été multipliée par dix ! Actuellement, notre demande en électricité augmente de 2 % par an. Nous sommes, à l'instar des autres pays développés, en pleine escalade.

La maîtrise de la consommation est souvent le parent pauvre des politiques énergétiques. Agir sur la consommation, c'est donc agir directement sur l'ensemble des problèmes que nous rencontrons aujourd'hui.

Dès lors, l'on doit se demander comment agir pour une meilleure maîtrise de la consommation. Trois axes peuvent être combinés : la recherche technologique, les changements de comportements, le travail sur les secteurs sensibles.

Premier axe : la recherche dans les technologies dites de basse consommation. Meilleure optimisation de l'énergie, limitation des pertes, développement de composants plus réceptifs sont autant de directions où la recherche avance mais trop lentement. Nous devons donc stimuler cette recherche.

Deuxième axe - sans doute le plus important - il faut changer les comportements, les habitudes, les pratiques de consommation. C'est un travail difficile, de longue haleine qui prendra du temps mais auquel il faut s'atteler. L'ADEME travaille précisément à cela par ses campagnes de sensibilisation et ses études scientifiques fiables. Or je rappelle, monsieur le ministre, que le budget de l'ADEME vient d'être diminué de 15 %.

Troisième axe : le travail sur les secteurs qui posent aujourd'hui le plus de problèmes, c'est-à-dire les transports et l'habitat. Paradoxalement, alors que ce sont les secteurs dont la production de pollution augmente le plus vite, ce sont les grands oubliés de Kyoto et du dernier Livre blanc sur l'énergie.

Jusqu'à maintenant, les politiques nationales et transnationales de lutte contre la pollution se sont focalisées sur le secteur de l'industrie. Pourtant, depuis une dizaine d'années, les transports, le logement et le tertiaire voient leur part de pollution croître considérablement. En 2003, cumulés, ils représentent 54 % de la production de gaz carbonique. Alors qu'entre 1980 et 2000 nos émissions totales ont diminué de 18 %, les émissions des transports, elles, ont augmenté de 53 % ! À l'échelle européenne, c'est 80% de la croissance des émissions de gaz carbonique qui sont le fait des transports, et presque exclusivement le fait des transports routiers.

La primauté, disproportionnée, accordée aux investissements routiers au détriment du ferroutage et des transports en commun, est clairement responsable de cette dérive.

Il y a quarante ans le ferroutage représentait 40% du fret, contre seulement 22% aujourd'hui. On peut s'étonner de cette évolution puisque la route pollue plus et est plus dangereuse. De plus, grâce à des investissements réguliers dans la recherche ferroviaire, la France est à la pointe de ces technologies du rail. Pourtant, puisque la part de fret utilisant le rail ne cesse de diminuer, il faut croire que nous nous refusons à en tirer tous les bénéfices.

L'impératif environnemental doit présider à notre politique des transports et, à ce titre, l'État et les collectivités locales doivent montrer l'exemple.

Je dois dire mon regret de ne pas voir les collectivités locales plus impliquées dans les politiques énergétiques. Il n'y a rien sur ce chapitre dans la nouvelle loi relative aux responsabilités locales. Pourtant, qui mieux que les collectivités locales, par leur connaissance pratique des situations, sont à même d'estimer les besoins et donc de travailler à diminuer la consommation d'énergie par des politiques de proximité, d'incitation et d'encadrement.

Or, je constate que le Gouvernement vient de supprimer toute une série d'aides aux collectivités locales dans le cadre des politiques de transport en commun ; je pense notamment aux aides accordées aux agglomérations concernant les plans de développement urbains ; il y a là aussi une incohérence.

De même, la nécessaire implication des collectivités locales dans la politique énergétique pourrait passer par l'attribution du statut de service public aux réseaux de distribution de la chaleur comme les systèmes de géothermie ou de récupération de la chaleur émise lors du traitement des déchets. Cela s'inscrirait dans une tendance européenne puisqu'une directive européenne autorise aujourd'hui l'application d'une TVA plus restreinte aux réseaux de chaleur, mesure qui n'est toujours pas appliquée dans notre pays.

Poursuivant ma réflexion, je dirai quelques mots sur la pierre angulaire de la politique énergétique française, à savoir la recherche de l'indépendance nationale face aux évolutions du contexte international.

À la fin de la Grande Guerre, notre niveau de production énergétique avait atteint un niveau si bas qu'il avait fallu réagir de façon structurelle. C'est alors que le concept d' « indépendance nationale » s'est imposé comme ligne directrice de notre politique énergétique. Diversification des approvisionnements, recherches techniques et surtout développement, dans un premier temps, de la « houille blanche », tout fut entrepris pour accroître notre autosuffisance, et c'est bien.

La décision du nucléaire s'est clairement inscrite dans cette dynamique. Le succès a été réel car, bien que certaines voix s'élèvent pour discuter les chiffres, il est généralement admis que nous sommes ainsi passés d'une autosuffisance de 25 % à 50 % aujourd'hui. C'est un seuil très élevé pour un Etat aux ressources naturelles énergétiques plus que limitées. Sachant que le pétrole et le gaz représentent à eux deux 50 % de notre consommation d'énergie et sachant que nous importons la quasi-totalité de ces matières premières, notre niveau d'indépendance énergétique sera difficile à dépasser.

Il y a bien une solution, toujours la même. En effet, en l'état actuel, une politique active de maîtrise de notre consommation d'énergie est la seule option qui peut nous permettre de réaliser et d'ancrer de façon durable et croissante notre indépendance énergétique.

Cependant, il faut considérer notre volonté d'indépendance au regard des évolutions et, bien sûr, des relations entre Etats.

Personne aujourd'hui ne peut affirmer que notre époque n'est pas celle de l'interdépendance. Dans le domaine de l'énergie, c'est vrai à un double titre : d'abord pour l'environnement, lequel ne peut être sérieusement envisagé qu'à l' échelle planétaire ; ensuite à propos des flux marchands des ressources énergétiques naturelles et des imports-exports des énergies fabriquées comme l'électricité, domaine dans lequel l'interdépendance est porteuse de risques. Les crises pétrolières des années soixante-dix et les vastes coupures d'électricité de ces dernières années, en Amérique du Nord notamment, sont là pour en témoigner.

Dans les deux cas, cette interdépendance est plus prégnante encore en Europe.

En ce qui concerne l'environnement, faut-il rappeler que l'Union est à l'avant-garde mondiale de la lutte contre l'effet de serre. La mise en application du protocole de Kyoto et l'harmonisation des politiques environnementales et énergétiques, par les discussions qu'elles suscitent et par les décisions qui sont arrêtées, sont une occasion unique de développer et de continuer à renforcer la construction européenne ?

Sur le second point, il y a urgence. Les crises électriques en Europe se sont multipliées : Danemark, Suède et Italie. Il est urgent d'harmoniser les règles de fonctionnement, de fixer des minima d'autosuffisance pour chaque Etat membre.

Le cas italien nous offre d'ailleurs plusieurs leçons sur les facteurs de risques. L'Italie fait partie des pays développés qui importent le plus d'énergie, ses capacités propres étant très en dessous de ses besoins. La panne a pour origine le circuit électrique Suisse. Or ce circuit n'est pas doté, à la différence de nombreux pays dont la France, d'un Gestionnaire de Réseaux de Transports d'électricité indépendant. Toutes les études montrent que l'indépendance de ces gestionnaires est un facteur de sécurité car cela garantit un meilleur contrôle de l'état du réseau, notamment par une programmation d'investissements plus précise et plus adaptée.

Ces considérations étant posées et avant de conclure, il me faut envisager brièvement la question du choix énergétique en lui-même.

Voilà plusieurs décennies, la France a fait le choix du nucléaire. Comme tout choix, celui-ci présente des avantages et des inconvénients.

Aurions-nous pu atteindre notre niveau d'autosuffisance énergétique actuelle sans le nucléaire ? Je ne le pense pas. Aurions-nous pu produire, par un autre processus, autant d'électricité sans polluer notre environnement ? Là encore, la réponse est non. Toutefois, ce constat dicte-t-il de ne rien changer ? Non, bien sûr.

Le problème des risques, si bien traité soit-il, et il l'est indiscutablement, demeure et demeurera car le risque nucléaire ne peut jamais être ramené à zéro, particulièrement avec un parc de centrales aussi important que le nôtre.

La question des déchets est, elle aussi, persistante et doit être mieux traitée dans l'avenir.

En outre, le nucléaire souffre exagérément du secret et du mystère. II est temps d'y remédier, et ce point a été évoqué tout à l'heure par M. Sarkozy. Ainsi, la loi sur la transparence et l'information du nucléaire doit être débattue au plus vite.

Quelle que soit la réussite du secteur nucléaire, les préoccupations de nos concitoyens sur ce sujet nous imposent de réagir.

S'agissant des énergies renouvelables, la France est en retard et l'objectif européen de 21 % de notre production d'énergie en provenance des énergies renouvelables doit être un impératif prioritaire. Nous savons que l'énergie hydraulique est déjà presque à son niveau optimal. Nous devrons donc nous tourner vers d'autres sources d'énergie pour la production électrique. Je pense aux éoliennes, domaine où l'Allemagne produit cinquante fois plus que notre pays et l'Espagne vingt-cinq fois plus. Si nous atteignons l'objectif des 21 % à l'horizon 2010, ce sont entre 4 millions et 6 millions de tonnes de gaz carbonique qui, chaque année, ne seront plus rejetés dans l'atmosphère.

Il est donc urgent de mieux maîtriser l'énergie et, surtout, sa consommation. Mais il est également urgent de diversifier nos sources d'énergie pour mettre en place un authentique « bouquet énergétique » dans lequel la part des énergies renouvelables progressera régulièrement.

Afin d'atteindre ces objectifs, le soutien à la recherche sera déterminant et la définition d'une feuille de route chiffrée est indispensable.

Mais, au-delà de ces objectifs, c'est toute la structure de la filière énergétique qu'il nous faut transformer. Le système centralisé qui est le nôtre doit être complété par un système plus décentralisé, dans lequel le lien entre niveau national et niveau local sera plus efficace car il aura été renforcé.

Monsieur le ministre, nous savons tous que l'énergie est un bien précieux : la politique énergétique touche directement à la vie de la planète. Nous savons qu'il existe un lien entre développement économique, consommation et pollution, qu'il nous faudra rééquilibrer les dépenses énergétiques entre le Nord et le Sud, qu'il faudra repenser la politique de production d'électricité, laquelle, il convient de le rappeler, engendre 100 millions de dettes en France pour les plus pauvres, qu'il nous faudra offrir un bouquet de réponses et qu'il faudra bien sûr élaborer une loi sur une politique à moyen terme.

Cependant, monsieur le ministre, vous pouvez prendre immédiatement une mesuree, et là je m'adresse à l'Etat, mais je pourrais aussi m'adresser aux collectivités locales. Il s'agit de l'engagement de remplacer dès 2005, au fur et à mesure du renouvellement du parc automobile de l'Etat et des collectivités locales, les véhicules par des bus « propres », par des camions fonctionnant au gazole désulfuré, par des véhicules dotés de filtres à particules ou par des véhicules électriques. Ce serait une mesure concrète et immédiate en faveur de la protection de l'environnement et de nos agglomérations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Avec l'aide des régions, bien entendu ! (Sourires.)

La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la déclaration du Gouvernement relative à l'énergie est d'une importance capitale pour notre économie et pour notre environnement.

La consommation mondiale d'énergie va connaître, dans les années à venir, une croissance très forte. Les efforts d'économie d'énergie que nous devons entreprendre ne doivent pas nous leurrer, le niveau des besoins mondiaux croîtra d'une manière très importante.

En amont, les modes de production de l'énergie évolueront sous les effets combinés de l'épuisement de certaines ressources fossiles, des évolutions technologiques des énergies thermiques ou nucléaires, ou bien encore sous l'effet du développement des énergies renouvelables.

La définition d'une politique énergétique, du «mix énergies» regroupant différents types d'énergies et différents modes de distribution et de consommation est un point de débat important. Nous en convenons tous.

Les éléments constitutifs du débat ont été posés et M. le ministre d'Etat nous a présenté, sur ces points, la politique claire que le Gouvernement entend mener.

Je me suis intéressé, monsieur le ministre, au débat dès sa présentation devant l'Assemblée Nationale le 15 avril dernier et je me réjouis de la qualité des interventions de la plupart de mes honorables collègues députés.

Cependant, j'ai fait une analyse textuelle de tout ce qui a été dit à l'Assemblée nationale. C'est facile avec un ordinateur : il suffit de rentrer un mot-clé pour savoir combien de fois celui-ci a été prononcé. Ainsi, j'ai constaté que le mot « Bure » a été prononcé zéro fois. Il en est de même des mots « laboratoire souterrain », « ANDRA », « couches géologiques ». Le mot « enfouissement » a été prononcé une fois, mais il s'agissait de l'enfouissement des lignes à haute tension. Les mots « déchets radioactifs » ont été prononcés à trois reprises, par M. Dosé, qui attirait l'attention sur le problème des déchets dans les pays de l'Est. Or M. Dosé est député de la Meuse, là où se situe Bure.

M. Eric Doligé. La Meuse, c'est à l'Est ! (Sourires.)

M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, je dois vous faire part de mon étonnement face à cette grande lacune. En effet, le sentiment nous est donné que le problème -  complexe  - des déchets radioactifs est résolu ou est en passe de l'être dans les mois à venir, et vous savez bien qu'il n'en est rien, monsieur le ministre. Si je ne connaissais pas personnellement cette question de l'aval du cycle, je me féliciterais de cet optimisme.

Le Parlement sera appelé à en débattre dans le cadre de l'application de la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, dite « loi Bataille ».

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques s'est saisi de cette question déterminante car les choix relatifs à la production d'énergie sont conditionnés par les choix concernant les déchets, et inversement.

Or, à cette heure, le problème de ces fameux déchets à haute activité et à vie longue n'a pas de solution. Je peux en témoigner en ma qualité de président du conseil général de la Haute-Marne, département qui accueille, avec la Meuse, le chantier de construction du futur laboratoire souterrain de Bure.

Dans le cadre du débat sur l'énergie, l'application de la loi du 30 décembre 1991, et notamment l'axe 2 des recherches sur le stockage en couches géologiques profondes, n'est pas discutée avec la gravité nécessaire.

Il faut poser les termes du problème sans attendre 2006.

Certes, il faut se féliciter du travail effectué par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Mais, en dépit de la confiance et de l'intérêt que nous accordons à l'Office et à ses travaux, nous ne pouvons pas, ici, faire l'économie d'un débat sur l'application de la loi du 30 décembre 1991. Chacun, je crois, admettra qu'il est difficile d'envisager sérieusement des orientations de la politique énergétique sans traiter de la question des déchets et des questions environnementales qui en découlent.

Nos concitoyens ne comprendront pas un nouveau développement de l'industrie électronucléaire sans solutions pour l'aval du cycle.

La technologie la plus poussée, les processus de séparation des radioéléments ou de transmutation les plus ambitieux ne dispensent pas la France, en l'état actuel des connaissances, d'un dispositif de stockage ultime, réversible ou irréversible, selon les possibilités techniques.

La technologie de l'EPR permettra de réduire la quantité de déchets radioactifs,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. De 30 % !

M. Bruno Sido. ... et nous nous en félicitons ; c'est une avancée très précieuse. Reste que nous devons disposer de solutions pour ces déchets à vie longue et à haute activité -pour les 70 % qui demeureront - et pour ceux qui ont été produits depuis les années soixante.

A plus long terme, c'est-à-dire 2045 puisque M. le ministre d'Etat nous a indiqué cette date, les réacteurs de quatrième génération permettront d'envisager des solutions très prometteuses, mais aucune communauté scientifique ne prétend régler l'ensemble du problème des déchets à vie longue en stocks.

Notons que la situation est encore plus caricaturale pour les pays d'Europe qui souhaitent abandonner rapidement leur industrie nucléaire : une seule solution s'offre à eux, le stockage en couches géologiques profondes.

En novembre 2003, j'ai initié, avec l'appui du ministère de l'industrie, les entretiens européens sur les déchets radioactifs. Le cadre strictement hexagonal est, en effet, particulièrement inadapté pour traiter des questions d'énergie et d'environnement.

J'espère, monsieur le ministre, avoir le plaisir et l'honneur de vous associer aux Entretiens européens 2004, que nous organiserons avec Confrontation Europe en novembre.

Cette manifestation internationale a permis de dégager, une nouvelle fois, deux conclusions fortes. La première : le stockage en couche géologique profonde est préconisé, selon des modalités variables, par tous les pays nucléarisés, quelle que soit leur intention sur l'avenir du nucléaire. Seconde conclusion : l'acceptation d'équipements de stockage, notamment par les populations locales, est un point de passage obligé, incontournable.

Or la situation de la France en matière de stockage souterrain est simple : nous n'avons aucun site pour organiser un stockage en couche géologique profonde. Au mieux, nous disposons d'une piste d'étude, une piste unique, à Bure, dans le département de la Meuse, aux confins de la Haute-Marne. Cette piste est très fragile et il est de notre devoir d'en prendre pleinement conscience.

Pour être sérieusement envisagé, un projet de centre de stockage doit répondre à trois séries de critères : des critères technologiques, des critères naturels et des critères humains.

S'agissant des critères technologiques, il s'agit de concevoir un concept de stockage avec des ouvrages miniers qui permettent de déposer des colis de déchets, d'assurer le plus longtemps possible leur confinement, d'assurer les conditions de réversibilité en toute innocuité. L'ANDRA et ses partenaires travaillent activement ces questions sous l'oeil avisé de la commission nationale d'évaluation.

Concernant les critères naturels, il s'agit de vérifier si les couches géologiques cibles, en l'occurrence le callovo-oxfordien pour l'est de la France, ont des caractéristiques physico-chimiques compatibles avec un stockage.

Ce point est plus délicat car il s'agit d'étudier in situ la roche afin de vérifier sa capacité à accueillir l'ouvrage, sa capacité à limiter suffisamment la migration des éléments radioactifs après que l'ouvrage a perdu sa capacité de confinement.

En 1991, à l'heure de la trêve des confiseurs, le législateur, dans sa grande sagesse, a souhaité que des laboratoires souterrains - la loi a retenu le pluriel - soient créés pour étudier des roches en profondeur.

Quelle est la situation de la France en matière de laboratoire de recherche souterrain ?

Là encore, elle est simple : l'ANDRA ne dispose d'aucun laboratoire souterrain qui soit actuellement en activité. Au mieux, nous disposons d'un chantier prometteur - un seul, monsieur le ministre - à Bure.

Certes, l'ANDRA a pris des dispositions pour accumuler au mieux des données sans pouvoir effectuer le programme d'expérimentation in situ.

Le travail réalisé dans les laboratoires étrangers et les forages dirigés menés depuis la surface ont permis d'améliorer notre connaissance de la géologie. Mais ces palliatifs ne correspondent pas à la volonté du législateur, qui a été clairement exprimée dans la loi Bataille : il faut plusieurs laboratoires pour mener des expérimentations in situ.

A ce sujet, je ferai deux remarques qui ne me semblent pas inutiles.

Tout d'abord, l'échec annoncé de la mission Granite, engagée par un gouvernement ancien, fragilise particulièrement l'unique piste dont dispose l'ANDRA sur la commune de Bure.

Ensuite, le cumul d'un mandat législatif et d'un mandat local ne contribue pas à la cohérence des points de vue. On a vu en effet des élus locaux combattre sans vergogne, chez eux, ce qu'ils avaient souhaité en tant que législateur. (M. Roland Courteau s'exclame.)

M. Bruno Sido. Je peux citer des noms !

J'en viens aux critères humains.

En effet, un site dédié au stockage doit remplir des critères humains : l'approbation des populations locales, le soutien des élus locaux.

Là encore, la situation est extrêmement fragile : la France ne dispose que d'un seul site, à Bure, entre la Meuse et la Haute-Marne, et la population y est particulièrement vigilante.

Régulièrement, elle s'interroge et interpelle les élus locaux sur la nature de leur adhésion au projet du laboratoire. Je vous précise, monsieur le ministre, que l'on parle même actuellement d'un référendum d'initiative populaire.

Notre confiance dans la communauté scientifique n'est pas entamée, mais toutes ces questions doivent toujours être débattues dans la plus grande transparence.

La décision de construire un réacteur EPR a suscité de nombreuses candidatures exprimées par des élus locaux souhaitant accueillir, sur leur territoire, cet investissement majeur de la filière nucléaire, naturellement grand pourvoyeur de taxe professionnelle.

A l'inverse, vous constaterez avec moi que les candidatures pour accueillir le second laboratoire souterrain de recherche sur la gestion des déchets radioactifs dans le granite sont inexistantes. Le contraste est donc saisissant.

Au moment d'ouvrir un nouveau dossier du nucléaire civil, que M. le ministre d'Etat a annoncé tout à l'heure, la France doit, à mon sens, être capable de clore le dossier précédent.

L'Etat semble avoir renoncé à implanter un second laboratoire, et la suite donnée à l'échec programmé de la mission Granite est un moratoire de fait.

Concernant le site de l'est de la France aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne, la situation est claire : les collectivités locales et la population ont accepté un programme de recherche qui prendra fin en 2006. Les populations locales n'ont accepté rien d'autre.

Ce programme de recherche n'a pas été sérieusement mis en oeuvre puisque l'outil principal, le laboratoire souterrain, est en cours de construction et ne sera achevé qu'en 2005, année de dépôt des résultats de recherches.

Admettez que la situation est - l'adjectif n'est peut-être pas bien choisi - cocasse, même si nous devons féliciter l'ANDRA et ses partenaires pour les efforts qu'ils ont consentis afin de mener des recherches sans cette installation, notamment à l'étranger.

Pourtant, les éléments qui permettent de s'assurer d'une acceptation raisonnable des populations locales sont simples : transparence et développement économique des territoires.

En application de la loi du 30 décembre 1991, la loi Bataille, des mesures ont, en partie, été mises en oeuvre avec succès par le biais du comité local d'information et de suivi, le CLIS, et par celui des groupements d'intérêt public financés par les producteurs de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, tels qu' EDF, le CEA et la COGEMA par exemple.

Certaines de ces mesures posent des difficultés, comme l'intervention de la SODIE, société de conversion, dont la mission s'achève, dès cette année, sur un bilan notoirement insuffisant.

Dans l'hypothèse où le Gouvernement et le Parlement souhaiteraient autoriser l'ANDRA, en temps utile, à commencer ses recherches dans un laboratoire tout neuf à Bure, ces mesures devront être non seulement maintenues, mais renforcées.

Monsieur le ministre, je vous le dis très solennellement : la population locale n'acceptera pas demain ce laboratoire sans un développement important de l'activité économique de ce territoire.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Bruno Sido. Le Gouvernement et les grands acteurs de la filière électronucléaire doivent en être bien persuadés. J'en ai personnellement parlé à M. le président d'EDF. Il m'a semblé convaincu, mais il n'a rien fait jusqu'à présent.

Il est urgent d'investir sur ce territoire sur lequel des hommes et des femmes ont le courage politique et le sens du devoir pour accueillir un laboratoire, qui est rejeté ailleurs.

M. Bruno Sido. Si un territoire mérite d'accueillir un grand investissement structurant, comme la construction d'un réacteur EPR, c'est bien ce territoire que beaucoup destinent déjà - trop rapidement - à accueillir les produits de l'aval de la filière.

Concernant l'EPR, je tiens à rassurer nos amis de Normandie et d'ailleurs : les conditions hydrogéologiques ne sont pas très adaptées dans notre pays pour accueillir ce type d'équipement grand consommateur d'eau.

Monsieur le ministre, la politique énergétique doit intégrer l'aval du cycle nucléaire ; la loi de 1991 ne réglera pas tout à l'horizon de 2006.

Les échanges qui sont intervenus lors des entretiens européens de 2003, et que j'évoquais précédemment, ont confirmé l'importance de ces enjeux à l'échelon international.

Il se dégage d'ailleurs un consensus sur ce point au sein de la communauté scientifique internationale, de la Commission européenne et parmi les acteurs européens du nucléaire.

Il faut investir, rapidement et surtout concrètement, en Meuse et en Haute-Marne. C'est une condition incontournable du succès de votre politique et de la politique de la France en la matière.

Monsieur le ministre, le Gouvernement souhaite que soit élaboré un programme d'actions, doté des moyens financiers nécessaires, pour développer les recherches dans le domaine de l'énergie. Je m'en félicite et je suis à votre disposition pour accompagner ces efforts, complément logique et très attendu des recherches sur la gestion des déchets à haute activité et à vie longue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a opportunément souhaité que le Parlement débatte de la politique énergétique de la France. Je l'en remercie vivement, car cette politique doit être la source de mesures enthousiastes, prometteuses, mais déterminées. Le moment est venu de faire des choix fondamentaux pour que notre pays dispose d'une vraie stratégie d'énergies diversifiées et complémentaires pour les décennies à venir.

La politique énergétique est avant tout au service des citoyens ; c'est un enjeu stratégique de notre économie et de notre développement.

Durant le premier semestre de 2003, le Gouvernement a organisé un débat national sur les énergies, appelé de ses voeux par le Président de la République dès le printemps de 2002. Pour la première fois, un gouvernement organise un débat sur ce sujet aussi sensible, qui a trop longtemps été réservé à un cercle d'initiés.

Nous entrons désormais dans la seconde phase de cette démarche pragmatique.

Le 7 novembre dernier, le Gouvernement a proposé un Livre blanc sur l'ensemble de la politique énergétique et ses évolutions futures. Aujourd'hui, les concertations et les discussions se poursuivent devant le Parlement, avant le dépôt du prochain projet de loi d'orientation sur les énergies.

L'énergie est une affaire de longue haleine ; cela ne signifie pas pour autant qu'il faille perdre du temps : il faut agir maintenant et pour l'avenir.

Face à la préoccupation de nos concitoyens et aux exigences de développement de notre pays, c'est une réponse responsable qu'il nous faut trouver.

La maîtrise de la croissance de la demande en énergie, la solidarité sociale et territoriale, les obligations environnementales et de sécurité d'approvisionnement, le recours nécessaire aux énergies renouvelables doivent trouver des réponses claires et non équivoques.

Considérons tout d'abord l'indépendance énergétique de la France.

Nul ne peut contester le fait que, si la France parvient à assurer, depuis 1993, 50 % de son indépendance énergétique, contre 26 % en 1973 - elle reposait alors pour une part importante sur ses capacités hydrauliques -, c'est grâce au nucléaire conforté par une politique active d'économie d'énergie. Ce choix stratégique a permis à la France de diminuer régulièrement la facture énergétique, tout en lui permettant de réduire le niveau des émissions contribuant à l'effet de serre.

La France a ainsi l'un des plus bas taux de rejet de CO2 des pays de l'OCDE, avec 1,7 tonne par habitant en 2001 contre 2,3 tonnes pour l'Union européenne et 5,4 tonnes pour les Etats Unis.

Si le débat sur le nucléaire doit être mené dans la sérénité, c'est qu'il est au coeur des enjeux du défi climatique, comme l'ont souligné nos collègues Henri Revol et Jacques Valade dans leur contribution au débat européen sur la stratégie énergétique.

Ce débat doit donc être abordé avec lucidité, sans idéologie, mais aussi sans exclusive par rapport aux autres technologies qui ont vocation à jouer un rôle de plus en plus important.

Si la France dispose d'une situation satisfaisante au regard des autres pays en matière d'émissions de CO2 contribuant à l'effet de serre, il n'en demeure pas moins qu'elle doit encore diminuer par quatre ses émissions au regard des engagements de Kyoto et porter ainsi de 16% à 21% en 2010 la part d'énergie renouvelable.

Pour conclure sur ce sujet, vous me permettrez d'évoquer un sujet d'importance : les effets de la libéralisation de l'énergie au regard de notre industrie.

Notre indépendance énergétique, de surcroît associée à l'un des plus faibles coûts de l'énergie, est le résultat d'une politique volontariste de notre pays et des efforts consentis par la collectivité nationale.

Aujourd'hui, la libéralisation conduit à une augmentation du coût de l'énergie de 30% à 50 %, augmentation que ne peuvent pas supporter certaines industries qui, paradoxe de l'histoire, étaient venues s'installer dans nos vallées alpines pour bénéficier d'une énergie hydraulique de qualité et économique.

Si la libéralisation du marché est une démarche inexorable et nécessaire, il est important, monsieur le ministre, que des dispositions permettent aux industries grosses consommatrices de bénéficier sur la durée d'un engagement de tarification progressif pour éviter de compromettre leur survie. Ce problème a été rencontré par certaines entreprises en Savoie, et il s'agit là de plusieurs centaines d'emplois.

Il faut développer le bouquet énergétique par une politique ambitieuse en matière d'énergies renouvelables.

Si les besoins et l'indépendance énergétique exigent d'avoir recours aux énergies dites classiques, l'enjeu des énergies renouvelables est un vrai défi politique dans lequel notre pays doit s'engager aujourd'hui résolument.

Le constat est assez paradoxal, car la France dispose de nombreux atouts en matière d'énergies renouvelables : des ressources hydro-électriques importantes, une des premières forêts d'Europe, un très bon gisement éolien et un ensoleillement de qualité.

Et pourtant, le potentiel est insuffisamment exploité. Aussi la France est-elle très largement en retard ou menacée dans des domaines essentiels, comme l'énergie solaire et l'hydraulique.

Concernant l'hydraulique, la concomitance des débats sur le projet de loi d'orientation sur les énergies et sur le projet de loi sur l'eau doit être l'occasion d'affirmer les principes fondamentaux de l'hydroélectricité : une meilleure adéquation des débits réservés ; une fiscalité adaptée aux investissements ; l'adaptation des coûts de transport pour les stations de pompage par transfert d'énergie, les STEP.

A ce propos, savez-vous, monsieur le ministre, que le coût du transport a conduit EDF à ne pas souscrire un abonnement au réseau pour l'ensemble des turbines-pompes en France, alors que les STEP sont considérées comme le SAMU du réseau ?

Concernant le solaire dans notre pays, le constat est inquiétant. La France a huit fois moins de capteurs photovoltaïques installés que l'Allemagne. Elle en a même moins que la Suisse.

S'agissant du solaire thermique, la situation est pire. Les chiffres sont également éloquents. En 2001, la France avait 660 000 mètres carrés de capteurs installés quand l'Allemagne en avait 4 millions, l'Autriche 2 millions et le Japon 11 millions.

Il y a en France deux industriels historiques qui fabriquent des capteurs et des installations alors qu'en Allemagne il y en a vingt. L'industrie du photovoltaïque qui occupait, il y a quelques années encore, la quatrième place mondiale est aujourd'hui rétrogradée à la dixième.

Au fil des ans, l'écart se creuse : lorsque la France installe 41 000 mètres carrés de capteurs solaires thermiques, l'Allemagne en installe 677 000 mètres carrés et l'Autriche 168 000 mètres carrés.

Il ne tient qu'à notre pays d'affirmer sa volonté. Certes, les énergies renouvelables, hors hydraulique, constituent aujourd'hui, j'en conviens, un apport marginal. Mais les attentes sont importantes et dépendent essentiellement des programmes de recherche. Je n'évoquerai que les recherches conduites par le CEA sur la pile à combustible, programme fondamental pour l'avenir, notamment en matière de transport.

Le département de la Savoie s'est engagé résolument dans l'énergie solaire depuis plusieurs années aux côtés de la région Rhône-Alpes.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, notre région dispose, à elle seule, de plus du quart du parc solaire national.

Cette volonté, nombre de collectivités et d'acteurs l'ont. Dans une convention signée au Sénat, voilà deux ans, sous la présidence de M. Jacques Valade, le conseil général de la Savoie, la région Rhône-Alpes, l'ADEME, le CEA et le CNRS se sont engagés à créer un institut national du solaire et un pôle pour renforcer la recherche effectuée en France dans plus de vingt laboratoires.

Vouloir une politique énergétique ambitieuse, c'est adopter des mesures volontaristes.

Cela passe par une vraie politique de recherche et développement, à l'image de celle qui est pratiquée au Japon, lequel dépense douze fois plus que la France en recherche et développement. Au demeurant, investir dans la recherche et le développement, c'est investir également dans l'emploi. Ainsi le secteur de l'énergie solaire a-t-il créé un potentiel de 10 000 emplois en Europe, autant au Japon, et seulement 500 dans notre pays. La France est en effet un des rares pays d'Europe à ne pas avoir un centre de recherche d'ampleur en matière d'énergie solaire.

Il nous faut donc dès aujourd'hui travailler selon trois axes : développer la formation et l'information pour renforcer les connaissances techniques de la filière ; investir en recherche et développement pour diminuer les coûts et augmenter l'efficacité ; suivre les projets pilotes et les démonstrations pour valoriser les meilleures pratiques.

Toutefois, le soutien aux énergies renouvelables ne répond pas seulement à un besoin financier. C'est également accomplir une démarche culturelle, un acte de société avec de nouvelles pratiques, à l'instar de ce qui est fait dans de nombreux pays européens.

Une telle politique exige pédagogie, valorisation, démonstration, et je souhaiterais, sur ce point, souligner le rôle majeur que joue et doit jouer encore l'ADEME.

En conclusion, monsieur le ministre, il faut rompre avec les discours incantatoires pour engager une vraie stratégie des énergies, notamment renouvelables, enjeu de nouvelles approches environnementales.

Au lieu de discours généreux, notre pays a besoin d'une politique énergétique volontariste. Je remercie le Gouvernement de bien vouloir relever ce défi à l'occasion de la discussion de la prochaine loi d'orientation sur les énergies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

(M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de l'organisation de ce débat, compte tenu de l'enjeu majeur que représente l'énergie, facteur déterminant en matière de développement, de progrès et de compétitivité économique. Je tiens donc à féliciter le Gouvernement pour cette initiative.

Ce débat va nous conduire à clarifier et préciser nos choix afin, d'une part, de se fixer des perspectives de long terme en ce qui concerne la politique énergétique nationale, et, d'autre part, de conforter la compétitivité des deux grandes entreprises que sont EDF et GDF. Dans un domaine aussi stratégique que celui-ci, nous nous devons à la fois de définir une politique lisible pour nos concitoyens et adaptée au contexte européen et mondial en perpétuelle évolution.

En effet, depuis plus d'un siècle et demi, la croissance résulte de progrès scientifiques fondés sur la maîtrise de nouvelles sources énergétiques qui sont toutes représentatives d'une époque. Que ce soient le charbon, l'électricité, le pétrole ou le nucléaire, chacune de ces énergies a permis de démultiplier la force humaine pour mieux créer, construire, se chauffer, se déplacer, voire communiquer.

Je me permets d'ailleurs, à l'occasion de la récente fermeture de la dernière mine de charbon française, de rendre hommage à l'engagement et au dévouement des différentes générations de mineurs qui ont contribué pendant plusieurs décennies à subvenir à nos besoins énergétiques.

Aujourd'hui, à travers ce débat, nous nous inscrivons dans le prolongement des choix fondamentaux qui ont été pris à la fois en 1946 par le général de Gaulle, lorsqu'il avait créé les deux opérateurs historiques, et en 1973, lors du premier choc pétrolier, à l'époque où notre pays s'était engagé dans le lancement d'un programme nucléaire permettant, à terme, de produire une électricité à un prix compétitif et de limiter les émissions de CO2.

Cette politique, initiée par un Etat fort et s'appuyant au fil des ans sur un véritable consensus de la part des dirigeants successifs, a permis à la France d'assurer son indépendance et sa sécurité énergétiques, de créer un modèle de service public de l'énergie, de bâtir une filière du nucléaire qui s'impose partout dans le monde, et de donner naissance à des entreprises de renom telles que EDF, GDF et Areva.

La politique énergétique de notre pays doit désormais répondre à plusieurs objectifs.

Nous devons d'abord continuer à garantir notre indépendance énergétique alors que la demande va doubler d'ici à 2050 et que la ressource en énergie fossile va se raréfier, d'autant que les besoins en énergie des pays en développement sont immenses. La croissance économique de la Chine et de l'Inde entraînera inéluctablement une augmentation importante de la consommation d'énergie, avec une incidence sur les prix et un accroissement des émissions de gaz à effet de serre.

L'augmentation des cours du pétrole, les tempêtes de 1999 et la canicule de l'été dernier, les pannes d'électricité aux Etats-Unis et en Italie ont mis en évidence la nécessité de garantir la sécurité des approvisionnements en France et en Europe.

Sur le plan intérieur, la demande d'énergie croît en moyenne de 0,7 % par an, sous l'effet des besoins de chauffage des habitations et des bureaux, et de 2,3 %, sous l'effet des besoins en transports. Il nous faut donc faire les choix technologiques permettant de préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité de nos entreprises grâce à une énergie bon marché.

A ces objectifs traditionnels s'en ajoute désormais un autre : assurer un développement durable. Pour cela, il ne faut pas opposer énergie nucléaire et énergies renouvelables. Du point de vue de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre qui ont des conséquences désastreuses, l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables ont précisément la même vertu. Il faut s'attacher à réduire l'utilisation des énergies fossiles, productrices de gaz à effet de serre, et en tout premier lieu de dioxyde de carbone.

C'est pourquoi il nous faut développer notre bouquet énergétique et avoir une politique ambitieuse en matière d'énergies renouvelables, dans le domaine de la production d'électricité certes, mais plus encore dans ceux de la production de chaleur et des transports. Ce sont en effet les secteurs résidentiel, tertiaire et des transports qui émettent le plus de dioxyde de carbone.

L'objectif de satisfaire aux exigences du protocole de Kyoto et de l'Union européenne en produisant, en 2010, 21 % de notre électricité à partir de sources renouvelables est précisément un objectif ambitieux.

Rappelons que, en 1997, à Kyoto, les pays industrialisés se sont engagés à diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre avant 2050. Or le protocole de Kyoto, ratifié par la France, nous impose de ramener en 2010 le niveau des émissions de gaz à effet de serre à celui de 1990. Il faut aujourd'hui prendre des décisions, si possible dans un consensus analogue à celui qui fut réalisé par nos prédécesseurs il y a trente ans et plus.

La France peut et doit faire mieux tant l'apport des énergies renouvelables reste insuffisant. Je souscris à la volonté de développer les biocarburants, le biogaz, le bois énergie, l'énergie éolienne ou l'énergie solaire, tout en continuant à utiliser au mieux l'énergie hydraulique. Il reste que celles-ci ne peuvent se substituer totalement, loin s'en faut, aux autres sources d'énergie. En outre, soyons lucide : si, à l'horizon 2010, 21 % de la production d'électricité doit être d'origine renouvelable, n'oublions pas les 79 % restants !

Enfin, nous ne devons pas négliger les économies d'énergie possibles, et une politique de maîtrise de la demande doit par conséquent être relancée et complétée par des incitations fiscales.

II faut donc se rendre à l'évidence : sur le plan tant économique qu'environnemental, la France ne peut faire l'impasse sur l'énergie nucléaire pour s'en remettre aux seules énergies renouvelables, certes indispensables, mais non suffisantes.

La production d'énergie nucléaire est en effet la plus transparente. Chacun l'a dit et répété, elle ne produit aucun gaz à effet de serre, contrairement au charbon et aux hydrocarbures. En effet, lorsque la sécheresse de l'été dernier a fait chuter la production hydroélectrique et qu'il a fallu mobiliser à outrance les centrales thermiques à charbon et à fuel, les émissions de CO2 ont aussitôt augmenté. De même, nos voisins qui, pour beaucoup, ont choisi de sortir du nucléaire, sont confrontés aujourd'hui à une production très déficitaire.

Le nucléaire est donc bien la filière d'avenir. Il ne faut pas craindre de le dire et de l'affirmer tant à cette tribune que dans le pays.

Cependant, selon les estimations, la modernisation du parc est indispensable à l'horizon 2020. Chacun sait effectivement que nos centrales vieillissent et qu'elles devront être remplacées avant qu'une nouvelle génération de réacteurs ne soit au point, puisque les réacteurs de quatrième génération sont encore bien loin du stade industriel et ne pourront vraisemblablement pas apporter de nouvelles solutions avant 2040.

Nous ne pouvons pas prendre le risque de voir notre production d'électricité nucléaire subitement décroître, faute d'un réacteur de remplacement précisément déjà testé. Il nous faut donc conserver notre avance et consolider l'outil industriel. Cela implique de construire le premier EPR dès maintenant, pour qu'il entre en service en 2012 et soit parfaitement efficace dès 2015 afin d'éviter toute rupture d'approvisionnement.

De conception franco-allemande, l'EPR présente des avantages significatifs : il est plus sûr, il consomme moins de matières premières et produit moins de déchets pour une rentabilité bien supérieure aux centrales d'aujourd'hui. La Finlande vient de le choisir pour son cinquième réacteur nucléaire. Les électriciens allemands ont compris que, sans le nucléaire, l'Allemagne ne pourrait respecter ses engagements de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Les Etats-Unis portent un intérêt nouveau à la filière, alors qu'ils n'ont pas construit de réacteur depuis 1973, et la Chine commence à le considérer comme une solution de remplacement au charbon. Tout cela plaide en faveur de la construction d'un EPR par la France.

A cet égard, vous ne serez pas surpris, monsieur le ministre, que je reprenne à mon compte le discours de mon collègue Jean-Pierre Godefroy en estimant que le site de Flamanville, dans la Manche - j'en suis désolé, cher collègue de la Haute-Normandie ! -, possède de nombreux atouts pour accueillir l'EPR, et ce pour plusieurs raisons : géographiquement, compte tenu de son implantation en zone côtière ; psychologiquement, en raison de la bonne acceptation par la population des différentes structures existantes ; techniquement, grâce à l'existence de couloirs de lignes ; enfin, politiquement, puisque tous les élus, quelle que soit leur sensibilité politique, se mobilisent ou sont prêts à se mobiliser en faveur de ce projet. Sur ce point, je salue la pertinence de vue et le sens de la prospective de Jean-Pierre Godefroy. Dans ce domaine, et je l'espère, demain, dans beaucoup d'autres, il fait de réels progrès ! (Sourires.)

Préparer l'avenir de la filière nucléaire, c'est aussi se préoccuper de la question des déchets nucléaires et maintenir un haut niveau de sûreté, de transparence et d'information du public. Je suis heureux que le Sénat soit saisi prochainement du projet de loi sur l'information et la transparence nucléaires, car ce texte constitue un maillon essentiel en ce qu'il renforcera notre crédit auprès de nos compatriotes.

Il nous faut par ailleurs augmenter nos moyens en matière de recherche. Là encore, n'opposons pas le nucléaire et les énergies renouvelables. Nous devons poursuivre nos efforts dans le domaine nucléaire en travaillant non seulement sur les réacteurs de nouvelle génération, sur les produits de fission, sur les conditions de stockage, mais aussi sur la découverte de carburants propres, de nouvelles sources d'énergie et sur le lancement d'une véritable filière des énergies renouvelables. Les transferts de technologie vont devenir un enjeu important, car cette industrie commence à émerger dans de nombreux pays, et la France doit être présente dans ce secteur. Cela implique des moyens publics, en recherche fondamentale comme en recherche appliquée.

Cela suppose également de coordonner plus efficacement l'action de l'Etat en la matière, en veillant notamment à favoriser une meilleure synergie entre tous les organismes, que ce soit le CEA, le CNRS, l'ANDRA, mais cela suppose aussi d'inciter les acteurs privés à s'impliquer fortement. Nous devons impérativement nous inspirer, comme je l'ai déjà rappelé dans mes propos, de la ligne directrice forte initiée par le général de Gaulle et le président Pompidou il y a quelques décennies, et demeurer vigilants pour ne pas privilégier l'accessoire au détriment du principal, à savoir ne pas encourager le développement des énergies renouvelables par rapport au nucléaire dans le simple but de favoriser une acceptation sociétale. Je le répète une fois encore, loin de s'opposer , ces deux formes d'énergies sont complémentaires.

Enfin, j'en viens à la réforme des statuts d'EDF et GDF. Celle-ci ne peut raisonnablement être envisagée qu'une fois définie notre politique énergétique. Il s'agira, à l'heure où le marché européen s'ouvre à la concurrence, de rendre ces entreprises plus fortes, de permettre au modèle social créé en 1946 de survivre, de se renforcer et d'être exporté ailleurs en Europe, enfin, de réorganiser et de refonder le service public à la française. Pour tout cela, il faut du dialogue social, certes, mais il faut aussi et surtout une volonté politique forte de moderniser nos opérateurs.

Par conséquent, je me réjouis qu'il soit prévu d'examiner dès le mois de juillet le projet de loi sur le statut des industries électriques et gazières, destiné à lever tous les obstacles sur la route de leur modernisation.

Conscient de l'enjeu que représente pour notre pays la réussite de ces réformes, je vous assure, monsieur le ministre, de mon soutien pour vous accompagner dans ces chantiers difficiles, mais si importants pour la vie quotidienne de chaque Français comme pour l'avenir industriel de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

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Souhaits de bienvenue à une délégation du qatar

M. le président. Mes chers collègues, je tiens à saluer la présence dans notre tribune d'une délégation du Qatar composée de personnalités et d'élus membres du Qatari French Business Club, venus participer au colloque sur les Pays du Golfe organisé au Sénat jeudi prochain. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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ENERGIE

Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. Nous reprenons le débat sur l'énergie, consécutif à une déclaration du Gouvernement.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les représentants de la délégation du Qatar peuvent constater que les hommes politiques français préparent l'avenir ! (Sourires.)

A une époque où il est de bon ton d'expliquer qu'il faut faire face aux problèmes du quotidien, je tiens à féliciter le Gouvernement, vous-même et M. le ministre d'Etat, de nous permettre d'engager une réflexion qui débouchera sur des décisions.

Aux dires de certains de nos collègues, ce ne serait pas pas le moment de décider, on peut attendre. Eh bien non, et vous le démontrez, monsieur le ministre. La France ne peut pas s'enfermer dans l'illusion. Elle doit au contraire s'engager résolument, comme l'ont fait le général de Gaulle, puis Georges Pompidou en 1973. J'étais alors jeune député et j'avais été impressionné par cette capacité de décider.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Vous êtes toujours jeune. (Sourires.)

M. Jacques Blanc. Je vous remercie, monsieur le ministre. Je suis en tout cas maintenant un jeune sénateur. (Sourires.)

Vous démontrez, et il faudrait que l'opinion publique y soit plus sensible, que le Gouvernement s'attaque aux vrais dossiers.

Il s'agit en effet d'un vrai dossier, que vous abordez avec courage et intelligence. Pendant trop longtemps, en effet, l'intoxication de certains pseudo-intellectuels a entretenu un mythe autour du nucléaire.

Certes, l'énergie nucléaire pose, chacun le sait, un réel problème : celui de la gestion des déchets et de leur durée de vie. Dans ce domaine, et cela n'a peut-être pas été assez rappelé, la France est à la pointe. N'oublions pas l'usine de La Hague ou le laboratoire de recherche nucléaire de Marcoule. La France est sans doute le pays dans lequel le problème des déchets a été le plus étudié. Il en résulte des interrogations. Je pense au laboratoire souterrain, qui a été évoqué tout à l'heure.

Toutefois, le mérite de l'évolution est de diminuer la quantité des déchets et peut-être, demain, de réduire leur durée de vie. Dans cette optique, le choix de l'EPR doit rassurer. Ces nouveaux réacteurs produiront des déchets en moins grande quantité et d'une durée de vie moins longue.

La recherche peut aboutir demain ou dans plusieurs années. Il fallait donc choisir l'EPR aujourd'hui, sans pour autant fermer la porte à des techniques nouvelles qui devraient déboucher sur des procédés de fusion et sur des réacteurs sans déchets.

Je félicite le Gouvernement pour la bataille qu'il a engagée et que, je l'espère, il va gagner, s'agissant de l'installation d'ITER à Cadarache, avec le rayonnement qui en résulterait. L'ancien président de la région Languedoc-Roussillon que je suis ne saurait oublier que le fonctionnement du site de Marcoule nous conduit à faire un double constat.

D'abord, on a su y développer une compétence reconnue en matière de démantèlement ; je pense notamment à l'EP1. Nous souhaitons donc que l'école nationale de démantèlement soit installée à Marcoule.

Ensuite, l'utilisation de combustibles nouveaux, du type melox, limite la production de déchets puisqu'elle permet le recyclage du plutonium.

Le développement d'une haute technologie et la poursuite de la recherche dans le domaine de la chimie nucléaire constituent un pôle essentiel que je souhaite voir prospérer à Marcoule.

Si nous affirmons l'exigence de choix effectués dans la transparence pour sortir des mythes, parallèlement, le Gouvernement se mobilise pour promouvoir les énergies renouvelables.

J'ai la chance d'être originaire d'une région qui a vu la construction du premier four solaire - à Odeillo, des recherches sont conduites dans le domaine de l'énergie solaire - , une région dans laquelle a été mise en place une politique d'aide à l'installation de systèmes de chauffage utilisant l'énergie du soleil, politique qui je l'espère sera poursuivie. J'ai récemment inauguré le mille cinq centième chauffe-eau solaire installé dans une maison particulière.

Dans le même temps, nous assistons au développement de la technique photovoltaïque et de nouvelles éoliennes à pales horizontales, beaucoup moins traumatisantes sur le plan environnemental. Ce procédé pourrait, depuis Perpignan, répondre à certaines attentes.

Autant je n'approuve pas les propos de notre collègue de l'Aude sur bien des dossiers autant, en matière d'éolien off shore, je suis en parfait accord avec lui.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jacques Blanc. C'est d'ailleurs dans notre région que l'on a expérimenté, avec un fort soutien du conseil régional, l'installation de fermes éoliennes. Aujourd'hui, il faut faire preuve de maîtrise. Nous devons élaborer des schémas régionaux rassurants. L'off shore peut être un secteur très intéressant.

On oublie souvent la géothermie et la biomasse. Je m'arrêterai un instant sur les biocarburants. Dans son intervention, M. Détraigne, qui a parfaitement posé le problème, s'est limité à l'éthanol. Je souhaite pour ma part évoquer les bioesters.

Il existe des possibilités importantes d'introduction, à pourcentage divers, de diester dans les carburants, notamment pour le fonctionnement des moteurs diesel. Ce procédé permettrait d'abaisser le taux de soufre fluidifié présent dans les carburants et ainsi de réduire les émissions de CO2 Personne ne conteste l'intérêt du diester.

Monsieur le ministre, la France doit respecter son engagement d'introduire l'utilisation de 2 % de biocarburant d'ici à 2006 et de 5,75 % en 2010.

Par ailleurs, les contingents défiscalisés sont passés de 38 % à 33 %, soit moins qu'en l'Allemagne. En outre, la France n'a pas encore engagé tous les contingents qu'elle pourrait ou qu'elle aurait dû engager. Le plan climat aurait dû être rendu public au mois de décembre.

Je souhaite, monsieur le ministre, que, conformément aux voeux de M. le Premier ministre, un contingent de 80 000 tonnes supplémentaires soit accordé à Sofiproteol. Cette société, au travers de sa filière, Proléa, et de ses pôles, souhaite installer à Sète, sur une unité de trituration, un pôle de production de diester ayant vocation à devenir le premier pôle méditerranéen. Le canal de Sète au Rhône assurerait la liaison vers les raffineries. Ainsi, des productions de protéines végétales pour l'alimentation du bétail pourraient, via le canal, remonter jusqu'à Lyon et la Bourgogne.

Monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement confirme son intérêt pour les biocarburants, qu'il accorde le plus rapidement possible ce contingent de 80 000 tonnes à Sofiproteol.

Des études très sérieuses, notamment celle qui a été réalisée par la société Pricewaterhouse Coopers, démontrent que la défiscalisation, en fait, ne coûte rien. Ces études se fondent sur une analyse où la valeur économie est affectée à la tonne de CO2, avec la prise en compte des emplois agricoles. Ma région, qui a été la victime d'une politique d'arrachage, compte 120 000 hectares de friches. On pourrait y développer des cultures de colza, en alternance avec le blé dur et avec le soja, d'autant que la Compagnie du Bas-Rhône nous fournirait l'eau dont nous aurions besoin. Nous aurions la possibilité de conduire une politique cohérente, de retrouver un potentiel de production, de promouvoir la création d'emplois agricoles.

Les économies ainsi réalisées, entre autres grâce à la limitation de l'effet de serre, vous permettraient, monsieur le ministre, de récupérer entre 80 % et 105 % du coût de la défiscalisation. Une telle opération serait positive, sur le plan tant économique que budgétaire. Elle aiderait la France à respecter les engagements qu'elle a pris à Kyoto et à montrer qu'elle est en pointe dans ce domaine.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je retiens les 105 %.

M. Jacques Blanc. Le pourcentage oscille entre 80 % et 105 %. Cela dépend des saisons. (M. le ministre délégué sourit.) Eh oui, cela dépend des emplois. Ne vous moquez pas, monsieur le ministre. Ce serait cohérent avec le développement de notre agriculture, qui a une vocation naturelle, désormais reconnue, en matière d'énergies nouvelles.

Donc, oui au nucléaire sans complexe, mais pas au tout nucléaire. N'oublions pas les énergies renouvelables, notamment l'hydraulique. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé, s'agissant des dispositions relatives à la montagne dans le projet de loi relatif aux territoires ruraux, des amendements de nature à favoriser un développement maîtrisé de l'hydraulique.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans ces conditions, il faut laisser passer les lignes à haute tension.

M. Jacques Blanc. Il faut alors que RTE intègre l'exigence du respect du paysage.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela ne sert à rien de faire de l'hydraulique s'il n'y a pas de lignes à haute tension.

M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, on peut utiliser des lignes existantes, notamment dans les Pyrénées, plutôt que de proposer la création d'une ligne à haute tension qui défigurerait un paysage merveilleux du pays catalan. Je souhaite donc que RTE étudie toutes les possibilités. Il n'y a pas de réponse unique. Il faut éviter les a priori, ouvrir les yeux sur la complémentarité des énergies et sur les exigences nouvelles du transport de l'énergie de manière à respecter le développement durable.

Le Gouvernement a montré sa capacité à ouvrir le débat et à engager le dialogue. Nous allons nous prononcer sur des textes forts et montrer que ce qui nous préoccupe, c'est bien l'avenir des Françaises et des Français. Comme l'ont fait le général de Gaulle, puis Georges Pompidou en 1973, aujourd'hui, ce gouvernement engage la France dans la voie de l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier le Sénat de la qualité de ce débat. Les quatorze orateurs qui sont intervenus ont fait preuve d'une grande compétence, de beaucoup d'intérêt pour le sujet, d'un peu de passion aussi, ce qui est naturel s'agissant d'une matière aussi grave. En dépit de quelques divergences, de l'affirmation d'une certaine prudence, d'ailleurs légitimes, j'ai observé que l'énergie nucléaire donnait lieu à un relatif consensus.

A l'exception de M. Courteau, qui s'est montré plus réservé, tous les orateurs semblent considérer que, s'agissant de l'EPR, il était temps de prendre des décisions et que celles que nous avions prises allaient dans le bon sens.

Je vais m'efforcer de répondre à tous les intervenants, car tous ont présenté des arguments intéressants.

Je tiens tout d'abord à remercier M. le vice-président de la commission de son soutien. Vous avez parfaitement su, monsieur Emorine, dresser le tableau de la situation.

Vous avez rappelé à juste titre qu'après avoir annoncé pendant longtemps qu'il y avait un risque à développer une économie avec une énergie rare, nous voyons tout de même aujourd'hui des perspectives de solution.

Vous avez raison de dire que les contrats à long terme sont une garantie. C'est ce qui a été fait pour le gaz. Vous avez soutenu également la nécessité de construire l'EPR ; je vous en remercie.

Vous avez posé la question de la compétitivité de l'énergie pour nos industries électro-intensives. Cela fait partie des questions que je poserai au conseil énergie du 10 juin prochain et pour lesquelles je ferai des propositions. Vous avez aussi souligné la nécessité de développer des interconnexions.

En réponse à vos questions sur EDF et GDF, je vous confirme que la volonté du Gouvernement est bien de leur donner les moyens juridiques et financiers de se développer. Autrement dit, dans le cas d'EDF, il s'agit d'augmenter ses fonds propres au delà des 19 milliards d'euros actuels et de diminuer sa dette, qui est de 26 milliards d'euros, sans compter ce qui est hors bilan.

Quant aux retraites, le système de financement du régime spécial sera modifié pour être pérennisé. Les droits passés des agents seront garantis par des conventions signées avec les régimes de droit commun et par l'Etat.

Enfin, je partage ce que vous avez dit sur l'importance des collectivités locales dans le paysage français : en tant que concédantes du service public de l'électricité et du gaz, en tant que responsables de l'organisation des transports et en tant que promoteurs des énergies renouvelables, elles ont toute leur place et il faudra veiller à le souligner dans la loi d'orientation.

M. Jean-Paul Emorine, au nom de la commission des affaires économiques. Merci !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. M. Deneux a très brillamment rappelé l'histoire énergétique de nos civilisations modernes puisque nous sommes passés d'une période où l'énergie était facile et abondante par rapport aux besoins de l'humanité, à une autre où il nous faut à la fois gérer efficacement les ressources de notre planète, maîtriser nos consommations sans pour autant limiter la croissance économique, le progrès de l'humanité et l'effet sur l'environnement de nos activités. Vous l'avez fort bien démontré, le nucléaire est nécessaire pour la France, mais aussi à l'échelon mondial. D'autres pays, comme la Chine, l'ont bien compris.

Vous avez évoqué la priorité à donner pour les réacteurs de quatrième génération. C'est là l'objet des recherches actuelles du CEA. Mais, vous le savez, il faut aussi limiter les besoins dans les transports. Nicolas Sarkozy a illustré, avec la circulation routière, comment une politique volontaire permettait de réduire les émissions en limitant la vitesse. Il n'y a pas de solution miracle, tout le monde en est conscient et sur tous les bancs, mais il faut de la volonté et une discipline collective.

Il faudra aussi miser sur la recherche et vous savez que les pistes existent, notamment avec l'hydrogène, la pile à combustible et, bien entendu, les biocarburants. Nous ne devons exclure aucune piste. L'horizon est cette fois bien au-delà de l'EPR, nous parlons de 2045 pour la quatrième génération et, à cette échéance, c'est dans un cadre international qu'il faudra faire le choix définitif des technologies, en intégrant aussi bien les aspects énergétiques que les aspects environnementaux.

Je souhaite remercier M. Revol d'avoir dressé un tableau réaliste de la situation. Il a su montrer les dangers d'une politique attentiste qui repousserait éternellement la question de la quatrième génération alors que celle-ci nécessite de très longues études. Il a rappelé à juste titre, non sans un certain humour, la leçon de pragmatisme que la Finlande nous a donné puisqu'elle a su mesurer l'importance et l'urgence des choix à faire.

Quant à la transparence nucléaire, il est urgent de faire adopter cette loi sur la transparence et la sûreté nucléaire. C'est une condition sine qua non, je pense à M. Sido en particulier, pour assurer la pérennité de cette filière. Je ne peux que souhaiter que cette loi soit examinée avant l'été.

En matière de retraite, je me dois de saluer ce qui a été dit sur la nécessité de faire évoluer le financement pour le pérenniser.

Je tiens à remercier Mme Beaufils, qui, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, a cité et rendu hommage au général de Gaulle pour les choix qui ont été faits en 1946. Vous avez également raison, madame, de souligner que le problème de l'énergie est mondial ; la question concerne aussi bien l'Europe que les pays émergents qui ont droit à la croissance et au développement.

Alors, bien sûr, la question des transports est essentielle, la maîtrise de l'énergie est une priorité et toutes les énergies renouvelables sont nécessaires. Mais, vous le reconnaissez, cela ne suffit pas.

Je me réjouis que vous partagiez également le choix du Gouvernement sur le nucléaire.

Madame Beaufils, le Gouvernement et moi-même sommes aussi attachés que vous à ce service public, mais nous sommes en désaccord sur le statut d'EDF et de GDF.

Je crois que l'organisation qui prévalait en 1946 et encore en 1973 n'est plus de mise aujourd'hui. On ne peut pas vouloir l'indépendance énergétique, la qualité du service public, une participation active au développement de l'économie mondiale et des pays émergents et prôner le repli sur soi !

Mmes Marie-France Beaufils et Odette Terrade. Nous ne le faisons pas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais si mesdames !

Le choix du Gouvernement n'est pas idéologique, il est la conséquence d'une évolution que nous devons anticiper dans l'intérêt des salariés d'EDF et de GDF.

Le problème est très simple : comme Nicolas Sarkozy l'a dit, le marché domestique naturel d'EDF, c'est l'Europe.

Pour qu'EDF ait toute sa chance en Europe, il faut qu'elle puisse être acceptée par les autres pays européens et par les autorités de l'Union européenne. Pour cela, elle doit être banalisée et devenir une société comme les autres. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Ainsi, elle pourra prendre des participations dans un certain nombre de sociétés d'autres pays européens qui distribuent ou produisent de l'électricité. Ces pays demanderont que leurs capitaux puissent être investis dans EDF en vertu de la réciprocité.

Ce qui nous est arrivé en Italie est assez éloquent puisque, nonobstant un investissement stratégique intéressant, le gouvernement italien, par un subterfuge juridique, a empêché EDF d'exercer ses droits de vote sur le conseil d'administration d'ENI, parce qu'EDF était un établissement public et non pas une société commerciale. (Mais non ! sur les travées du groupe CRC.)

Mme Marie-France Beaufils. Nous n'avons pas la même conception de la politique énergétique européenne !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le principe de spécialité est également un obstacle. Vous considérez qu'on pourrait abandonner le principe de spécialité sans changer la forme juridique de l'entreprise. Cela n'est pas réaliste.

J'ai remarqué d'ailleurs avec un peu d'amusement que Mme Beaufils parlait de fusion, alors que M. Courteau, pour le groupe socialiste, parlait d'alliance, tandis que M. Godefroy a eu l'honnêteté intellectuelle de dire qu'il présentait une position personnelle.

Le Gouvernement s'interroge sur ce point. Il a souhaité dans ce domaine que la porte reste ouverte. C'est un vrai sujet qui mérite d'être discuté.

Mme Marie-France Beaufils. Nous ne sommes donc pas monolithiques !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Sur cette question, madame, vous êtes partisan de la déspécialisation, ce qui est une position arrêtée. C'est le Gouvernement qui n'est pas monolithique, il est ouvert au débat sur cette question !

Monsieur Courteau, vous avez cherché la polémique. En tout cas, vous avez défendu avec vivacité votre point de vue.

M. Roland Courteau. Non, la vérité !

M. Jean-Pierre Plancade. Il n'est pas le seul !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est votre droit.

Permettez-moi de vous répondre. Il est vrai que, depuis 2000, rien n'avait été décidé sur l'avenir de notre filière nucléaire. Vous dites qu'il n'y a pas d'urgence. Mais, à force de prendre son temps, on en perd !

M. Roland Courteau. Il ne faut pas se précipiter !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Notre Gouvernement, depuis qu'il est en charge de ses responsabilités, a lancé, depuis plusieurs mois, des consultations sérieuses. Les décisions qui sont proposées aujourd'hui sont par ailleurs l'aboutissement d'un long processus.

Vous proposez une politique volontariste, monsieur Courteau, et, pour l'illustrer, paradoxalement, vous demandez de différer le renouvellement du parc nucléaire et d'attendre une quatrième génération, qu'on nous annonce pour 2045, comme l'a dit M. Bataille, député socialiste, que vous connaissez bien et qui est un bon connaisseur du dossier.

M. Roland Courteau. Lui, c'est lui !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est ce qu'on appelle la majorité plurielle, ...

M. Roland Courteau. Vous devez aussi avoir des divergences chez vous !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... qui permet de n'avoir qu'une seule forme d'unité, l'opposition !

Dans les paradoxes, monsieur Courteau, j'ajouterai que les réacteurs de nouvelle génération sont des réacteurs à neutrons rapides. Or, c'est M. Jospin qui a arrêté Super-Phénix,.

M. Jacques Valade. Quelle erreur !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Donc, d'un coté vous nous dites qu'il faut aller dans cette voie et, de l'autre, vous avez interrompu le processus. C'est quand même une contradiction !

À juste titre, vous évoquez le développement considérable des besoins énergétiques de la planète et notamment des pays en voie de développement. Mais finalement, que proposez-vous si ce n'est l'organisation de la pénurie ! Vous demandez aux pays en voie de développement « de mieux concilier leurs exigences de développement et leurs besoins de développement ». Vous leur conseillez cela, c'est malheureux ! Avons-nous fait cela, nous, pays développé ?

M. Roland Courteau. Vous interprétez mal ma pensée.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'ai noté vos propos !

M. Roland Courteau. J'ai parlé aussi de protection de l'environnement par transfert de technologies propres ! C'est différent ! Vous citez partiellement et vous interprétez !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pas plus que vous, monsieur Courteau.

Sur la libéralisation des marchés, je me dois de rappeler la situation que nous avons trouvée en arrivant !

La France était isolée, seule contre quatorze pays, parce que, depuis deux ans, le gouvernement précédent n'avait pas fait voter par le Parlement ce qu'il avait accepté à Bruxelles, tout en demandant à Gaz de France de respecter la directive.

La France était bafouée parce qu'elle avait accepté qu'EDF se développe en Europe sans admettre que les entreprises étrangères puissent venir se développer en France. C'est ce qui a valu à EDF bien des déboires.

Oui, nous sommes sortis de l'hypocrisie. Je cite La Rochefoucauld : « L'hypocrisie, c'est un hommage que le vice rend à la vertu. » (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Nous avons décidé de regarder la vérité en face en négociant une ouverture du marché progressive - 2004, puis 2007- et maîtrisée.

Monsieur Courteau, j'ai repris les conclusions du sommet de Barcelone, qui engage le Conseil et le Parlement européen à adopter, dès que possible en 2002, les propositions en instance concernant la phase finale de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz, c'est-à-dire l'ouverture totale. Les 15 et 16 mars 2002, vous étiez encore au Gouvernement.

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vous en prie.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, avec l'autorisation de M. le ministre.

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je voulais vous citer l'extrait du relevé de conclusions. C'est le point n° 37 : « Dans le domaine de l'énergie, le Conseil européen engage le Conseil et le Parlement européen à adopter, dès que possible en 2002, les propositions en instance concernant la phase finale de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz. »

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est ce que j'ai dit !

M. Roland Courteau. Cela comporte notamment, à partir de 2004, le libre choix du fournisseur concernant l'électricité et le gaz pour tous les consommateurs européens autres que les ménages.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui !

M. Roland Courteau. Cela représentera au moins 60% de la totalité du marché. Les clients domestiques ont donc été exclus de l'ouverture des marchés de l'énergie, monsieur le ministre.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vais continuer la citation.

M. Roland Courteau. Je peux le faire à votre place : « A la lumière de l'expérience acquise et avant le Conseil européen de printemps 2003, une décision sur d'autres mesures tenant compte de la définition des obligations de service public, de la sécurité d'approvisionnement et, en particulier, de la protection des régions reculées et des groupes les plus vulnérables de la population... »

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Voilà, nous sommes d'accord !

M. Roland Courteau. Mais il n'est pas dit qu'il y a ouverture totale en 2007 pour les particuliers.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Courteau, vous êtes un homme averti et vous comprenez bien ce que cela veut dire.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela veut dire que l'encadrement du service public a pour contrepartie l'ouverture aux ménages. Sinon il n'est pas utile d'encadrer le service public.

M. Roland Courteau. C'est vous qui le dites !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je ne dis pas que toutes les responsabilités ont été prises par les socialistes et que nous n'en avons pris aucune. Je dis que la droite comme la gauche ont assumé leurs responsabilités.

On peut essayer d'être honnête dans le débat contradictoire et partisan qui nous oblige parfois à prendre certaines postures. Mais il y a tout de même un minimum : c'est celui des faits au-delà de nos engagements qui sont le triste lot de la démocratie. Il y a le calendrier et les responsabilités de chacun. Si l'on se réfère au calendrier, on se rend compte que la droite et la gauche ont suivi la même politique. D'ailleurs, c'était inévitable pour ne pas être isolé en Europe. Bien entendu, nous aurions été seuls de notre espèce.

Le 19 décembre 1996, à Bruxelles, a été adoptée la directive « électricité » ; c'était alors le gouvernement Juppé.

M. Roland Courteau. C'est exact !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le 22 juin 1998, à Bruxelles, la directive « gaz » a été adoptée.

M. Roland Courteau. Mais entre-temps, en 1992, le Conseil des ministres européens refuse une proposition de directive sur l'initiative du gouvernement de M. Bérégovoy.

Cela, vous ne le dites pas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je ne suis pas remonté aussi loin.

Le 10 février 2000, la loi sur l'électricité a été adoptée - MM. Pierret et Strauss-Kahn étaient alors au gouvernement.

Les 15 et 16 mars 2002 a été prise à Barcelone la position commune sur l'électricité et le gaz. Cela implique l'ouverture à 70% pour 2004 et à 100% pour une date qui reste à déterminer. Les socialistes étaient encore au gouvernement.

Le 4 décembre 2002 a été prise à Bruxelles la position commune du conseil sur le gaz et l'électricité ; nous étions au gouvernement.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Et le 3 janvier 2003 a été adoptée - nous sommes toujours là ! - la loi transposant la directive sur le gaz de 1998.

Monsieur Courteau, les responsabilités entre la droite et la gauche, y compris les communistes qui participaient au gouvernement socialiste, sont continues. Il ne sert à rien de nous reprocher de tirer les conséquences d'actes dont vous avez pris vous-même la responsabilité.

En réponse à M. Détraigne, je veux rappeler que la France a été un précurseur de la production des biocarburants en Europe. Elle est ainsi devenue un acteur européen majeur sur le marché des biocarburants, le second en Europe avec une production de 520 000 tonnes, soit 1% de la consommation en volume, l'objectif indicatif étant de 2%.

Ce résultat a été obtenu grâce à une défiscalisation importante dont le coût s'élève tout de même, monsieur Blanc, à 200 millions d'euros en 2004. Comme vous m'avez dit qu'on allait atteindre les 105%, je vais expliquer à Nicolas Sarkozy qu'il y a peut-être là une voie pour rééquilibrer le budget.

Enfin, il faut rappeler que la production des biocarburants coûte encore très cher : les biocarburants sont deux fois plus chers que l'essence normale. La tonne de CO2 économisé coûte 150 euros contre une moyenne de 10 à 20 euros pour d'autres mesures, notamment dans le logement.

Le Gouvernement est donc favorable au développement des biocarburants. Mais celui-ci doit passer par une amélioration de la productivité de la filière.

Je voudrais remercier M. Valade d'avoir souligné la cohérence de la démarche du Gouvernement qui n'a laissé au hasard aucun aspect de la concertation. Je me réjouis que nous puissions, après plusieurs mois de travaux préparatoires, conclure cette phase de réflexion au Sénat par une discussion approfondie qui permet aux représentants élus de nos concitoyens de s'exprimer pleinement dans un débat essentiel pour l'avenir.

Monsieur Valade, vous avez parfaitement posé les termes du débat : la question de l'énergie, c'est celle de la croissance mondiale, pas seulement de la croissance de l'Europe ou de la France.

Vous l'avez souligné, cette évolution mondiale nous crée une double obligation : participer à la gestion économe des ressources mondiales et à la préservation de l'environnement, mais aussi défendre les intérêts de nos concitoyens, de nos entreprises, de notre économie et de nos emplois.

Je veux vous remercier du soutien que vous apportez aux propositions du Gouvernement. Qu'il s'agisse du nucléaire, de l'indépendance énergétique et de la maîtrise de l'énergie ou encore de l'évolution des statuts de nos entreprises, il est vrai que des choix s'imposent, et vous les soutenez.

Je félicite M. Godefroy pour son courage qui ne m'étonne pas, son honnêteté intellectuelle et sa constance dans le choix de développer la filière nucléaire avec l'EPR. En échange, je lui confirme qu'il n'est pas dans l'intention du Gouvernement ni d'EDF d'abandonner la filière de retraitement. Cette filière est en effet utile pour limiter le volume des déchets ultimes à stocker ou à entreposer de manière durable. Les combustibles usés, issus de la filière, Mox compris, seront pris en charge par les installations actuelles de retraitement, dont la pérennité se trouvera confortée par le maintien de l'option nucléaire.

Je note à cet égard que l'EPR produira moins de déchets - 30% - que la génération actuelle tout en consommant moins de combustible. Mais cette réduction, positive du point de vue environnemental, ne remet nullement en cause la stratégie de retraitement-recyclage dans laquelle s'inscrit l'EPR.

Il est vrai qu'il faudra en revanche traiter de la manière la plus intelligente possible la phase de transition actuelle en gardant tous les savoir-faire et les compétences.

Quant au choix du site, je peux simplement vous dire que les Hauts-de-Seine ne sont pas candidats. Mais je suis heureux de tant d'enthousiasme.

J'ai répondu tout à l'heure à la question du statut. C'était notre différence. Comme vous l'avez dit, monsieur Godefroy, on ne peut pas tout avoir. Votre soutien sur le reste était déjà bienvenu.

Monsieur Poniatowski, j'ai beaucoup apprécié votre manière d'aborder les questions énergétiques. On oublie un peu trop souvent que les choix ne peuvent s'évaluer qu'au regard des alternatives qui nous sont offertes. Les choix se posent non pas dans l'absolu mais par rapport à d'autres, qui sont extrêmement limités.

La dernière mine de charbon de la France, comme l'a justement évoqué M. Bizet, vient de fermer. C'était d'ailleurs assez émouvant parce que l'Etat s'est intéressé aux mines de charbon depuis 1601. C'est Henri IV qui, le premier, a constitué une société d'Etat pour exploiter le charbon. Quatre siècles après, c'est une page d'histoire qui se referme.

On ne peut pas compter sur le charbon. De ce point de vue-là, l'Allemagne a peut-être pris du retard sur nous parce que le coût de la production du charbonnage allemand est très élevé, comme l'était d'ailleurs le nôtre. On ne peut aujourd'hui que parier sur la diversification des sources d'approvisionnement et sur les énergies renouvelables.

Je remercie M. Poniatowski d'avoir soulevé la question des retombées industrielles que nous apporte le développement de l'énergie nucléaire. Il faut le rappeler et se garder de l'oublier, les choix de 1946 et 1973 ont donné à la France, notamment avec AREVA, des champions mondiaux dans les technologies nucléaires. C'est une grande chance pour notre pays. Il ne faut pas avoir le nucléaire honteux ! Vous avez eu raison de le dire. Il nous faut faire mieux. Nous nous y employons. Mais il faut aussi renforcer les atouts que nos choix passés nous ont donnés. Pourquoi serions-nous timides alors que notre désavantage en termes d'approvisionnement en énergies fossiles est aujourd'hui un formidable atout ? On nous a assez dit que la France n'avait pas de pétrole mais qu'elle avait des idées. Le nucléaire est le produit de ses ingénieurs et de ses idées.

Je ne peux donc que partager les remarques que vous avez faites sur le solaire, sur la fiscalité de l'énergie et sur le bâtiment.

Enfin, sur les retraites des agents des industries électriques et gazières, je suis bien d'accord avec vous : il est grand temps de garantir la pérennité du système de financement des retraites. C'est la raison pour laquelle nous ferons rapidement voter la loi sur ce sujet.

Je partage tout à fait la nécessité que M. Sido a rappelée de trouver au plus tôt une solution pour le traitement des déchets nucléaires. Je comprends bien, psychologiquement, le caractère inquiétant de l'absence de solution dans ce domaine. Je note d'ailleurs que cette solution devra être trouvée pour les déchets actuels ; ce choix est donc indépendant de celui qui est fait pour pérenniser la filière nucléaire. Ce choix devra être fait en 2006 conformément aux dispositions de la loi Bataille. C'est ce à quoi l'ANDRA s'emploie afin d'être prêt pour 2006.Nous y veillerons même s'il faut reconnaître que quelques retards ont été pris dans ce domaine.

Une note d'optimisme nous vient de l'étranger puisqu'une solution a d'ores et déjà été trouvée en Suède et en Finlande. Nous ne restons pas confinés sur le territoire national et nous élargissons notre horizon. La France ne doit pas être isolée.

Quant aux questions très pertinentes que vous avez posées sur la nécessité de lancer un second laboratoire, sur l'industrialisation du territoire de Bure, sur la nécessité de poursuivre rapidement les recherches, il faudra y répondre. Je compte le faire très rapidement.

Monsieur Sido, je vous confirme donc ma participation active aux entretiens européens auxquels vous m'avez convié.

Monsieur Vial, s'agissant des gros consommateurs d'énergie, je partage votre souci de préserver leur compétitivité. C'est la raison pour laquelle j'ai lancé une mission d'étude sur le sujet et je poserai ouvertement cette question au Conseil européen de l'énergie du 10 juin prochain.

Quant à vos remarques sur les énergies renouvelables, je partage votre volonté d'en assurer le développement, je pense en particulier au solaire thermique, qui permet de réduire les émissions de CO2.

En ce qui concerne le voltaïque, je ne puis m'empêcher de rappeler que cette énergie coûte huit fois plus cher que le nucléaire et qu'elle pose in fine quelques problèmes de pollution.

C'est pourquoi il nous faut rechercher la diversité des énergies renouvelables. Je propose, pour ma part, que cette politique en matière d'énergies renouvelables s'appuie sur deux axes forts : développer industriellement les énergies proches de la compétitivité - et il y en a, comme l'énergie hydraulique, éolienne et solaire thermique -, et renforcer la recherche pour celles qui ne l'ont pas encore atteint, telles que le photovoltaïque et la biomasse. Mais il est certain qu'il existe des différences de ce point de vue.

Je tiens d'ailleurs, à cet égard, à saluer les recherches menées par le CEA dans le domaine des énergies renouvelables et surtout dans celui du photovoltaïque.

M. Bizet a mis l'accent sur le secteur tertiaire des transports, qui est l'un des facteurs essentiels des émissions de gaz à effet de serre. C'est un domaine dans lequel l'électricité produite par le nucléaire et une politique d'offre ne peuvent pas être la réponse exclusive.

Il nous faut aussi agir sur les comportements microéconomiques de chacun de nos concitoyens dans leurs habitudes de consommation quotidienne. C'est là que la fiscalité sur les carburants, les incitations, mais aussi les solutions technologiques les plus originales sont nécessaires si l'on veut concilier les économies d'énergie, la réduction des émissions polluantes et l'aspiration légitime de nos concitoyens à plus de confort et de croissance.

Le projet de loi d'orientation sur l'énergie qui sera prochainement soumis au Parlement s'efforcera de mettre en oeuvre des solutions innovantes dans ce domaine en donnant aux collectivités locales de nouveaux moyens d'action. Ces efforts seraient vains, comme vous l'avez souligné, monsieur Bizet, si, dans le même temps où nous demandons à nos concitoyens d'importants efforts de changement dans leurs habitudes de consommation, ces efforts étaient ruinés par la chute de notre production d'électricité en base et un recours accru aux énergies fossiles, ce qui, évidemment, ressemblerait à une politique de gribouille.

C'est sans doute pourquoi je n'ai entendu que peu de voix, ce dont je me félicite, s'opposer au lancement d'un EPR. Pour tout dire, il n'y en a pas eu, même si certains propos étaient prudents en la matière.

Je partage pleinement votre souci, monsieur Bizet, que ce choix du nucléaire soit accompagné de la transparence de l'effort de recherche nécessaire pour le traitement des déchets - c'est indispensable - et de la prise en compte des obligations de démantèlement.

Ces efforts de recherche, nous les faisons, et le Parlement sera saisi, en 2006, de propositions précises.

L'anniversaire de Tchernobyl, que nous avons tristement célébré hier, est là pour nous rappeler cette exigence de sécurité. La meilleure protection contre les risques de cette nature est, nous le savons tous, la prospérité de notre économie, la paix et la croissance.

Enfin, monsieur Bizet, j'ai bien noté votre plaidoyer pour Flamanville.

Monsieur Jacques Blanc, vous avez apporté votre soutien déterminé au Gouvernement, soutien qui, de votre part, est tout à fait actif. Cela n'empêche pas une analyse clairvoyante sur les différentes générations de centrales qui vont se succéder : EPR, génération IV et finalement ITER.

Je vous remercie de votre plaidoyer pour la recherche du CEA, que je tiens à saluer

Quant à vos remarques sur les énergies renouvelables, je vous confirme notre soutien aux éoliennes off shore. De la même façon, le Gouvernement est favorable aux biocarburants, même si je ne suis pas absolument certain des 105 % que vous avez évoqués. Je reconnais que vous n'avez pas garanti ce pourcentage ; en fait, vous avez dit : «  entre 80 % et 105 % » et j'ai été plus fasciné par les 105 % que par les 80 % !

Dans ce domaine, la France a déjà fait des efforts importants et elle continuera dans cette voie. Cependant, ces efforts devront s'accompagner, je l'ai dit tout à l'heure, d'une amélioration de la productivité, ce qui, à l'évidence, relève de la recherche. Or, de ce point de vue, les progrès sont encourageants.

En terminant, je voudrais remercier l'ensemble du Sénat de son intérêt éclairé pour ce débat, de la passion qui l'a animé ainsi que de ce goût pour l'avenir, c'est-à-dire pour des questions touchant aux générations futures. On dit souvent que les hommes politiques ne voient que les prochaines élections : ce débat a montré que vous voyiez beaucoup plus loin ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée et distribuée.

11

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

12

Dépôt d'une question orale avec débat

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

Mme Odette Terrade interroge M. le secrétaire d'Etat au logement sur les orientations de la politique publique du logement.

L'actualité la plus récente démontre pleinement l'urgence de définir dans les meilleurs délais des solutions adaptées à la grave crise du logement que connaît notre pays.

Cinquante années après l'appel de l'abbé Pierre, force est de constater que nous sommes confrontés de nouveau à une situation particulièrement dégradée en matière de droit au logement.

La persistance des pratiques des expulsions locatives, la tension particulièrement forte qui s'exerce sur le marché du logement locatif privé ne sont que certains des éléments particulièrement préoccupants de la situation.

C'est pourquoi notre assemblée se doit de réfléchir, dans les délais les meilleurs, aux contours et aux caractères de l'action publique en matière de logement.

Trois grands champs doivent être explorés :

- celui des rapports locatifs, avec les problèmes posés par le surendettement des ménages, la paupérisation des locataires et des demandeurs de logement, la disparition du parc social de fait ou encore le renchérissement des loyers ;

- celui de la relance de la construction sociale, stagnant autour de 40.000 logements en 2002 et 2003, lourdement obérée par des réductions de crédits PLA et PALULOS, tandis que la mise en oeuvre de la politique de rénovation urbaine tarde à produire de quelconques effets sur la situation ;

- celui de l'entourage fiscal de l'ensemble de la filière logement, avec la nécessité d'une amélioration de la situation des bailleurs sociaux, alors même que seuls les investisseurs immobiliers privés ont bénéficié, depuis deux ans, de toute l'attention des pouvoirs publics.

Dans le même ordre d'idées, il est évident qu'il convient de réfléchir à un nouveau circuit privilégié de financement de l'accession sociale à la propriété, tout comme aux conditions de fonctionnement des copropriétés.

C'est donc dans cette optique qu'elle lui demande de bien vouloir lui indiquer quelle sera la politique publique du logement du Gouvernement auquel il appartient. (n° 4)

Conformément aux articles 79, 80 du Règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

13

DÉPÖT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido, rapporteurs pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.

Le rapport sera imprimé sous le n° 274 et distribué.

14

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre MASSERET un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les travaux de la Délégation française à cette Assemblée, au cours de la première partie de la session ordinaire de 2004, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 272 et distribué.

J'ai reçu de M. Jean-Guy BRANGER un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les migrations et l'intégration : un défi pour l'Europe, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 273 et distribué.

15

Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 15 avril 2004

Dépôt d'une proposition de loi

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. le Président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique.

Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 271, distribuée et renvoyée à la commission des Lois Constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88 4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil autorisant la République tchèque et la Pologne à appliquer un taux réduit de TVA sur certains services à forte intensité de main d'oeuvre conformément à la procédure prévue à l'article 28, paragraphes 6 et 7, de la directive 77/388/CE.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2566 et distribué.

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88 4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Conseil adaptant la directive 77/388/CEE, en raison de l'adhésion de la République Tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2567 et distribué.

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88 4 de la Constitution :

- Négociations en vue de la conclusion d'un accord entre l'Union européenne et l'Islande et la Norvège relatif à la procédure de remise en cause entre les Etats membres de l'Union européenne et l'Islande et la Norvège.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2568 et distribué.

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88 4 de la Constitution :

- Proposition d'acte d'adaptation des conditions d'adhésion de la République Unie de Chypre à l'Union européenne.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2569 et distribué.

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88 4 de la Constitution :

a) Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen concernant l'application des articles 7 à 10 de la directive 92/12/CEE.

b) Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/12/CEE relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (Présentés en application de l'article 27 de la directive 92/12/CEE°.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2570 et distribué.

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88 4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil portant suspension des droits autonomes du tarif douanier commun pour certains produits de la pêche originaires de Ceuta et Melilla.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2571 et distribué.

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88 4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires (version codifiée)

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2572 et distribué.

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88 4 de la Constitution :

- Rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application du règlement (CE) n° 2702/1999 du Conseil relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles dans les pays tiers et du règlement (CE) n° 2826/2000 du Conseil relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles sur le marché intérieur.

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2702/1999 relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles dans les pays tiers et le règlement (CE) n° 2826/2000 relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles sur le marché intérieur

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2573 et distribué.

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88 4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/49/CE en ce qui concerne la faculté pour certains Etats membres d'appliquer des périodes de transition pour l'application d'un régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'Etats membres différents.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2574 et distribué.

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88 4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil fixant des règles pour le contrôle du commerce de certaines substances utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2575 et distribué.

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ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 28 avril 2004 à quinze heures et le soir :

Discussion du projet de loi (n° 192, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au développement des territoires ruraux.

Rapport (n° 251, 2003-2004) de MM. Jean-Paul Émorine et M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission des Affaires économiques et du plan.

Rapport pour avis (n° 265, 2003-2004) de M. Pierre Martin, fait au nom de la commission des Affaires culturelles.

Rapport pour avis (n° 264, 2003-2004) de M. Joël Bourdin, fait au nom de la commission des finances, du Ccntrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Question orale avec débat n° 1 de M. René Trégouët à M. le ministre délégué à la recherche sur l'avenir de la recherche ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : Mercredi 28 avril 2004, à 17 heures

Question orale avec débat n° 2 de M. Jean Arthuis à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : Mercredi 28 avril 2004, à 17 heures

Question orale avec débat n° 3 de Mme Gisèle Gautier à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle sur la situation de la mixité dans la France d'aujourd'hui ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : Mercredi 28 avril 2004, à 17 heures

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD