SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Décès d'un ancien sénateur (p. 2).

3. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 3).

4. Questions orales (p. 4).

application de la loi sur l'air (p. 5)

Question de M. Philippe François. - Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable.

amélioration de l'habitat dans la manche (p. 6)

Question de M. Jean Bizet. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Jean Bizet.

politique d'investissement sur les voies navigables (p. 7)

Question de M. Francis Grignon. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Francis Grignon.

difficultés des bénéficiaires du logement social (p. 8)

Question de M. Jean-Marc Todeschini. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Jean-Marc Todeschini.

péage autoroutier de vieilleville-carquefou (p. 9)

Question de Mme Gisèle Gautier. - M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Mme Gisèle Gautier.

situation des services de pédiatrie

dans les centres hospitaliers (p. 10)

Question de M. Louis Souvet. - Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Louis Souvet.

conséquences de la loi evin sur la filière viticole (p. 11)

Question de M. Joseph Ostermann. - Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Joseph Ostermann.

réglementation sur le don d'ovocytes (p. 12)

Question de Mme Michèle André. - Mmes Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; Michèle André.

incidence de la suppression de la taxe professionnelle sur les finances des collectivités locales (p. 13)

Question de M. Bernard Murat. - MM. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Bernard Murat.

suppression de services publics dans la nièvre (p. 14)

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; René-Pierre Signé.

gestion du personnel de france télécom (p. 15)

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

affectation de la taxe d'apprentissage (p. 16)

Question de M. Georges Mouly. - MM. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Georges Mouly.

réforme du mode de financement

de l'équarrissage (p. 17)

Question de M. Jean-Claude Carle. - MM. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Jean-Claude Carle.

situation des victimes de l'amiante (p. 18)

Question de Mme Valérie Létard. - Mmes Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice ; Valérie Létard.

protection de l'épave du léopoldville (p. 19)

Question de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Hamlaoui Mekachera, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Jean-Pierre Godefroy.

carte scolaire et enseignement professionnel (p. 20)

Question de Mme Gisèle Printz. - M. Hamlaoui Mekachera, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Mme Gisèle Printz.

Suspension et reprise de la séance (p. 21)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

5. Rappel au règlement (p. 22).

MM. Jack Ralite, le président, Claude Estier.

6. Formation professionnelle et dialogue social. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 23).

Discussion générale : M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Mme Annick Bocandé, rapporteur de la commission des affaires sociales ; MM. Jean Chérioux, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Gilbert Chabroux, Jean-Marie Vanlerenberghe, Joseph Ostermann, Roland Muzeau, Bernard Seillier, François Fortassin, Mme Gisèle Printz, M. Bernard Murat, Mme Annie David, M. Bernard Joly.

Clôture de la discussion générale.

M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 24)

PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon

Exception d'irrecevabilité (p. 25)

Motion n° 75 de M. Henri Weber. - MM. Henri Weber, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; le ministre. - Rejet.

Question préalable (p. 26)

Motion n° 212 de M. Roland Muzeau. - MM. Guy Fischer, le président de la commission, le ministre. - Rejet.

Article 1er. - Adoption (p. 27)

Article 2 (p. 28)

Amendement n° 218 de Mme Annie David. - Mmes Annie David, Annick Bocandé, rapporteur ; le ministre. - Rejet.

Amendement n° 1 de la commission. - Mme Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 29)

Amendement n° 219 de Mme Annie David. - Mmes Annie David, Annick Bocandé, rapporteur ; MM. le ministre, le président de la commission, Jean Chérioux. - Rejet.

Amendement n° 76 de M. Gilbert Chabroux. - M. Gilbert Chabroux, Mme Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 3 (p. 30)

Amendement n° 77 de M. Gilbert Chabroux. - M. Gilbert Chabroux, Mme Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Article 4 (p. 31)

M. Roland Muzeau.

Amendements n°s 220 de Mme Annie David, 78 et 79 de M. Gilbert Chabroux. - Mmes Annie David, Gisèle Printz, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet des trois amendements.

Adoption de l'article.

Article 5 (p. 32)

Amendement n° 2 de la commission et sous-amendement n° 196 de M. Michel Mercier ; amendements n°s 80, 81 de M. Gilbert Chabroux, 221 et 222 de Mme Annie David. - Mme Annick Bocandé, rapporteur ; MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Chabroux, Mme Annie David, MM. le ministre, Paul Blanc. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement n° 2, les autres amendements devenant sans objet.

Amendement n° 223 de Mme Annie David. - Mmes Annie David, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 5 (p. 33)

Amendement n° 82 de M. Gilbert Chabroux. - Mmes Gisèle Printz, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Article 6 (p. 34)

Amendement n° 3 de la commission. - Mme Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Adoption.

Amendement n° 224 de Mme Annie David. - Mmes Annie David, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article 7 (p. 35)

Amendements n°s 4 de la commission, 83 de M. Gilbert Chabroux et 225 de Mme Annie David. - Mme Annick Bocandé, rapporteur ; M. Gilbert Chabroux, Mme Annie David, M. le ministre. - Adoption de l'amendement n° 4, les autres amendements devenant sans objet.

Amendement n° 226 de Mme Annie David. - Mmes Annie David, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article 8 (p. 36)

M. le président de la commission.

Amendement n° 5 de la commission. - Mme Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Adoption.

Amendement n° 84 de M. Gilbert Chabroux. - Mmes Gisèle Printz, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Amendements identiques n°s 85 de M. Gilbert Chabroux et 227 de Mme Annie David. - Mmes Gisèle Printz, Annie David, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet des deux amendements.

Amendements n°s 228 rectifié de Mme Annie David et 86 de M. Gilbert Chabroux ; amendements identiques n°s 87 de M. Gilbert Chabroux et 253 de Mme Annie David. - Mmes Annie David, Gisèle Printz, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet des quatre amendements.

Amendement n° 6 de la commission. - Mme Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Adoption.

Amendement n° 88 de M. Gilbert Chabroux. - Mmes Gisèle Printz, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Retrait.

Amendements n°s 7 de la commission et 229 rectifié de Mme Annie David. - Mmes Annick Bocandé, rapporteur ; Annie David, M. le ministre. - Adoption de l'amendement n° 7, l'amendement n° 229 rectifié devenant sans objet.

Amendement n° 8 de la commission et sous-amendement n° 265 de M. Alain Gérard ; amendement n° 89 de M. Gilbert Chabroux. - Mme Annick Bocandé, rapporteur ; M. Alain Gérard, Mme Gisèle Printz, M. le ministre. - Adoption du sous-amendement n° 265 et de l'amendement n° 8 modifié, l'amendement n° 89 devenant sans objet.

Amendement n° 90 de M. Gilbert Chabroux. - Mmes Gisèle Printz, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Amendement n° 230 rectifié de Mme Annie David. - Mmes Annie David, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Amendement n° 231 de Mme Annie David. - Mmes Annie David, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Amendement n° 9 de la commission. - Mme Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Adoption.

Amendement n° 232 de Mme Annie David. - Mmes Annie David, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Amendement n° 91 de M. Gilbert Chabroux. - Mmes Gisèle Printz, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet.

Amendements n°s 233 de Mme Annie David, 92 de M. Gilbert Chabroux et 10 de la commission. - Mmes Annie David, Gisèle Printz, Annick Bocandé, rapporteur ; M. le ministre. - Rejet des amendements n°s 233 et 92 ; adoption de l'amendement n° 10.

Adoption de l'article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

7. Transmission de projets de loi (p. 37).

8. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 38).

9. Dépôt d'un rapport (p. 39).

10. Dépôt d'un rapport d'information (p. 40).

11. Dépôt d'un avis (p. 41).

12. Ordre du jour (p. 42).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Léon Eeckhoutte, qui fut sénateur de la Haute-Garonne de 1971 à 1989.

Je salue la mémoire d'un parlementaire qui a joué un rôle important au sein de notre Haute Assemblée, notamment pendant dix ans, de 1977 à 1986, comme président de la commission des affaires culturelles.

Au nom du président du Sénat, j'adresse à sa famille toutes mes condoléances attristées.

3

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 janvier 2004, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

4

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

APPLICATION DE LA LOI SUR L'AIR

M. le président. La parole est à M. Philippe François, auteur de la question n° 398, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Philippe François. Madame le secrétaire d'Etat, étude après étude, rapport après rapport, les mêmes conclusions demeurent : la qualité de l'air a un réel impact sanitaire et environnemental.

Si, globalement, depuis les années soixante-dix, la qualité de l'air s'est améliorée dans notre pays, les évolutions sont contrastées selon les composants chimiques. Nous avons encore de grandes marges d'amélioration.

L'été dernier a été calamiteux en matière de qualité de l'air et plusieurs grandes agglomérations ont connu des pics de pollution historiques au mois de septembre.

Toute notre attention doit donc se porter sur ce dossier afin d'améliorer les conditions de vie quotidiennes de nos concitoyens, tant à court terme qu'à moyen terme.

C'est d'ailleurs la voie sur laquelle le Gouvernement s'est engagé.

D'une part, il a lancé, en septembre 2003, un programme de recherche Véhicules propres afin de promouvoir des moyens de transports moins polluants.

D'autre part, Mme Bachelot a présenté une communication sur la pollution de l'air au Conseil des ministres du 5 novembre 2003.

Les mesures proposées sont particulièrement intéressantes.

Mais, madame le secrétaire d'Etat, ma question porte sur des dispositions législatives antérieures, issues de la loi sur l'air de 1996, dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.

Nous avions alors adopté des dispositions qui avaient pour objet d'améliorer la qualité de l'environnement par le recours à des sources d'énergie propres et qui avaient de fortes implications sur le développement de la filière biocarburants.

Il s'agissait, notamment, des articles 21 et 24 de la loi, qui contenaient les dispositions suivantes : fixation d'un taux minimal d'oxygène dans le fioul domestique, le gazole, l'essence et les supercarburants ; la définition des spécifications de ces carburants ; détermination d'une quantité minimale de matériaux en bois dans certaines constructions nouvelles ; enfin, obligation faite aux autorités publiques disposant d'une flotte de plus de vingt véhicules de transport de voyageurs d'utiliser des véhicules dont le taux d'oxygène dans le carburant a été relevé.

Or nous constatons que ces dispositions, votées par la représentation nationale, sont restées lettre morte en l'absence de la parution des décrets d'application nécessaires.

Je souhaiterais donc savoir, madame le secrétaire d'Etat, quelles sont les raisons de ce retard. Des difficultés techniques en sont-elles l'origine ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à cette situation ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le sénateur, nous avons pris connaissance avec intérêt de votre question relative à l'application de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.

La loi sur l'air constitue le texte fondateur de la politique de l'air en France depuis 1996 et, à ce titre, fait l'objet de la plus grande attention du ministère de l'écologie et du développement durable.

Elle contient des dispositions applicables immédiatement, pour lesquelles n'était prévu aucun texte complémentaire. Il s'agit, notamment, des articles relatifs aux lieux où la qualité de l'air doit être surveillée, à l'information du public, aux mesures d'urgence, aux plans de déplacements urbains, ainsi qu'aux documents d'urbanisme et projets d'infrastructures.

Elle contient également des articles qui, pour entrer en vigueur, doivent être précisés par décret ou par arrêté. La quasi-totalité des textes d'application a maintenant été publiée. Quelques textes sont encore en cours de préparation au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi que du ministère chargé du logement.

Vous attirez plus particulièrement notre attention, monsieur le sénateur, sur l'application des articles 21 et 24 de la loi sur l'air.

L'article 24 fait obligation à l'Etat, aux établissements publics, aux entreprises nationales, ainsi qu'aux collectivités territoriales et à leurs groupements d'acquérir, lors du renouvellement de leur parc de véhicules de moins de 3,5 tonnes, au moins 20 % de véhicules fonctionnant à l'électricité, au gaz naturel ou au gaz de pétrole liquéfié. Les entités soumises à cette obligation sont celles qui gèrent une flotte de plus de vingt véhicules.

Les conditions d'application de ces dispositions sont précisées par le décret du 17 août 1998, qui insère deux nouveaux articles, R. 318-7 et R. 318-8, dans la partie réglementaire du code de la route.

Comme prévu par la loi, l'obligation d'acquisition de véhicules propres lors du renouvellement des flottes est entrée en application au 1er janvier 1999.

Une étude réalisée par sondage en 2001 pour le compte de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, a permis d'estimer que la part des véhicules alternatifs dans les flottes publiques est de l'ordre de 11 % en moyenne, les meilleurs résultats étant constatés pour les communes de plus de 100 000 habitants et les conseils régionaux. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre du programme Véhicules propres présenté par le Premier ministre le 15 septembre 2003, il a été décidé de relancer l'action publique sur ce point. Il s'agit également d'un des axes de la stratégie nationale du développement durable.

L'article 21 de la loi sur l'air prévoit, quant à lui, une redéfinition, avant le 1er janvier 2000, des spécifications des carburants et combustibles, avec l'indication d'un taux minimal d'oxygène. Il est à examiner en liaison avec l'article 24, paragraphe III, qui prévoit qu'à partir du 1er janvier 1999, à l'intérieur des agglomérations de plus de 100 000 habitants, les véhicules de transport public en commun de voyageurs doivent utiliser un carburant dont le taux minimum d'oxygène a été relevé.

En raison de nombreuses incertitudes, tant sur les techniques disponibles que sur les coûts associés à l'utilisation des biocarburants, les travaux pilotés par le ministère chargé de l'industrie afin de préparer les textes correspondants n'ont pas encore pu aboutir, d'autant que, parallèlement, se mettait en place une réglementation à l'échelle européenne, avec laquelle il convenait de coordonner les travaux.

La France a ainsi soutenu la proposition de directive présentée par la Commission en juin 2001 visant à fixer de manière réglementaire la part minimale de biocarburants dans les carburants vendus à partir de 2005. Cette directive a été adoptée le 8 mai 2003.

La directive fixe une valeur de référence d'incorporation non contraignante, de 2 % d'ici au 31 décembre 2005 et de 5,75 % d'ici au 31 décembre 2010. Le taux d'incorporation des biocarburants qui sont mélangés dans les carburants traditionnels disponibles à la pompe est actuellement en France de 1,04 %. Il doit donc encore progresser. Des mesures spécifiques sont actuellement examinées dans le cadre du futur plan climat.

M. Philippe François. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat.

AMÉLIORATION DE L'HABITAT DANS LA MANCHE

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 366, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai appelé l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la situation de l'activité liée à l'amélioration de l'habitat dans le département de la Manche qui est actuellement très préoccupante.

L'action conjuguée de contraintes extrêmement fortes pesant sur le budget de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, et d'un retard d'instruction des dossiers déposés en 2001 aboutit aujourd'hui à une situation de blocage qui se concrétise par un nombre important de dossiers éligibles aux aides de l'ANAH, rejetés faute de crédits suffisants.

Concrètement, à ce jour, 153 dossiers déposés par le CDHAT, le Centre de développement pour l'habitat et l'aménagement du territoire, on été rejetés, correspondant à 166 logements, dont 45 vacants ; 410 000 euros de subventions ont été demandés et non accordés pour la réalisation de 2,5 millions d'euros de travaux pour les entreprises artisanales du bâtiment, et le CDHAT enregistre 28 900 euros de perte nette au titre de la rémunération de ses missions de conseil et d'assistance.

Compte tenu de la situation budgétaire, il ne s'agit probablement que d'un début, car cet organisation compte plus de 250 dossiers en attente à la délégation locale de l'ANAH pour la rénovation de 297 logements.

Dans ces conditions, il me semble intéressant de rappeler l'effet de levier des aides à l'amélioration de l'habitat sur : l'activité économique, en particulier dans le secteur artisanal du bâtiment la valorisation du patrimoine ; l'insertion sociale des personnes en difficulté qui peuvent obtenir des conditions d'accueil favorables dans des logements décents ; la dynamique des bourgs, quartiers, villages grâce au maintien à domicile des personnes âgées dans des logements rénovés ; enfin, l'octroi de conditions d'accueil favorables aux familles, consommateurs de services de proximité.

En conséquence, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer quelles solutions concrètes peuvent être envisagées afin d'améliorer cette situation, qui a réellement pris une tournure inquiétante dans mon département.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur Bizet, je vous présente d'abord les excuses de Gilles de Robien, qui était dans l'impossibilité de venir lui-même aujourd'hui et qui m'a chargé de le remplacer.

Au demeurant, cela me permet de répondre à la question que vous m'aviez adressée voilà quelques mois concernant les moutons de pré-salé. Le décret que vous appeliez de vos voeux suit actuellement le dédale des signatures interministérielles, après avoir reçu la mienne, et pourra donc être publié très prochainement, conformément à ce que vous aviez souhaité.

J'en reviens à votre question de ce matin.

Comme vous, Gilles de Robien considère que l'ANAH est un outil indispensable pour améliorer les conditions de logement de nos concitoyens, tout particulièrement en milieu rural.

Dans le contexte budgétaire actuel, le Gouvernement, soucieux d'une bonne maîtrise des dépenses publiques, a demandé à l'ANAH de cibler ses interventions sur les trois domaines qu'il juge prioritaires.

Il s'agit, tout d'abord, de la lutte contre l'insalubrité. Beaucoup d'entre nous ont encore en mémoire les images de l'hiver 1954 et de l'appel de l'abbé Pierre. On ne peut accepter au xxie siècle qu'il existe des logements qui mettent en danger la vie de nos concitoyens.

Il s'agit ensuite du développement d'un parc privé à vocation sociale : nous devons, en effet, savoir mobiliser le parc privé pour loger nos concitoyens les plus modestes.

Il s'agit enfin de la prise en compte du développement durable : c'est un devoir que nous avons envers les générations futures.

Ces trois priorités nationales sont déclinées dans chaque département au travers de programmes d'actions pluriannuels adoptés par les commissions locales d'amélioration de l'habitat.

Dans le département de la Manche, ce programme a été approuvé au mois de mai dernier. Un véritable travail de pédagogie et donc à faire auprès de l'ensemble des partenaires locaux pour expliquer ces nouvelles règles de fonctionnement. Je sais que l'ensemble des partenaires locaux, et notamment les services déconcentrés du ministère, s'y attachent.

Ce travail d'explication permettra aussi d'éviter que des dossiers soient retardés et attendent inutilement une décision de financement.

Parlons « gros sous » puisque tel était, en fin de compte, l'objet de votre question.

Le Gouvernement a particulièrement veillé à maintenir les moyens d'intervention de l'ANAH. Ceux-ci se sont élevés à 413 millions d'euros pour 2003. Le budget du logement prévoit une dotation de 392 millions d'euros, auxquels s'ajouteront les produits de la taxe sur les logements vacants. En 2004, les moyens d'intervention de l'ANAH seront donc équivalents à ceux de 2003.

La dotation du département de la Manche pour l'année 2003 s'est élevée à 3,8 millions d'euros.

Par ailleurs, pour accompagner le développement d'un habitat locatif de qualité dans le milieu rural, le Gouvernement a prévu de bonifier, dans les zones de revitalisation rurale, le nouveau dispositif d'aide à l'investissement locatif. La déduction forfaitaire appliquée aux revenus fonciers sera ainsi de 40 %, au lieu de 6 % dans le régime de droit commun.

Tels sont les éléments d'information que je suis en mesure de vous donner, monsieur Bizet. Si vous étiez conduit à estimer que, dans la Manche, les crédits consacrés à l'amélioration de l'habitat sont insuffisants, je me ferais votre interprète auprès de Gilles de Robien, avec lequel vous pourriez alors réexaminer la situation du département que vous représentez.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir pris une part décisive à l'avancement du dossier de la construction de bergeries en bordure de la baie du Mont-Saint-Michel, qui était bloqué depuis trois ou quatre ans.

En ce qui concerne l'action de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, je note l'accent qui est mis sur les zones de revitalisation rurale ; nous en comptons quelques-unes dans le département de la Manche.

Cela étant, si l'on en reste, pour 2004, aux 3,8 millions d'euros déjà attribués en 2003, il risque fort d'arriver un moment où ces crédits seront insuffisants. Croyez bien que, dans cette hypothèse comme vous m'y avez fort aimablement invité, ce dont je vous remercie, je ne manquerai pas de vous saisir du problème.

POLITIQUE D'INVESTISSEMENT

SUR LES VOIES NAVIGABLES

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 375, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Francis Grignon. Monsieur le secrétaire d'Etat, a été conduite en 2001-2002, sous la présidence de Georges Gruillot, une mission d'information dont j'ai été le rapporteur et qui était chargée d'étudier la pertinence du développement d'un véritable réseau de voies navigables en France.

Sans détailler les conclusions de ce rapport, que vous connaissez fort bien, je résumerai ainsi le fruit de nos observations : les infrastructures routières sur les grands axes européens Paris-Bruxelles, par exemple, ou Marseille-Lyon-Bâle-Strasbourg étant vouées à être rapidement saturées, en particulier dans la vallée du Rhône et dans la vallée du Doubs, la SNCF n'étant pas encore en mesure de répondre, compte tenu de son organisation et de l'état de ses infrastructures, aux formidables besoins en ce domaine, il conviendrait d'envisager la création, à terme, d'un véritable réseau de voies navigables en France. Après tout, c'est ce qui avait été fait du temps de Freycinet.

Soulignons que notre pays dispose, à cet égard, de nombreux atouts, notamment un réseau hydrographique très riche, avec des bassins très intéressants. N'oublions pas qu'il s'agit en outre d'un enjeu économique stratégique puisque nos voisins européens ont développé leurs propres réseaux.

Le dernier comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, a avalisé le projet Seine-Nord, et il faut s'en féliciter. Cependant, de tels projets coûtent cher et mobilisent beaucoup de moyens. Nous avons donc suggéré, dans notre rapport d'information, une solution beaucoup moins onéreuse et qui paraît économiquement viable au regard des besoins des entreprises. Il ne nous semblait pas nécessaire, en effet, de construire sur tout le territoire de grands canaux capables d'accueillir trois barges et un pousseur, par exemple. Ainsi, sur l'actuel canal d'Alsace, 95 % du trafic est réalisé par des automoteurs longs de 100 mètres à 140 mètres.

Il nous avait été indiqué à l'époque que des études plus poussées sur de telles solutions étaient envisagées. Or, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, entre les études préliminaires et la réalisation d'un projet, ce sont parfois des dizaines d'années qui s'écoulent. J'aimerais donc savoir où l'on en est en ce qui concerne ces études relatives à la réalisation de canaux à la fois moins coûteux, ayant moins d'impact sur l'environnement et économiquement viables.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur Grignon, j'ai d'autant plus de plaisir à vous répondre que vous êtes un spécialiste reconnu et un avocat persuasif du développement du transport fluvial.

Il convient de rappeler à la fois l'importance stratégique du transport fluvial et son renouveau. En effet, voilà quelques années, il était de bon ton d'enterrer, si j'ose dire, le transport fluvial. Or, aujourd'hui, il gagne des parts de marché et a connu une croissance de 22 % au cours des cinq dernières années, ce dont nous sommes tous satisfaits. D'ailleurs, le rapport que vous avez réalisé, dans le cadre de la mission d'information présidée par votre collègue M. Gruillot, a joué un rôle important dans cette prise de conscience du renouveau de la voie fluviale.

Lorsque, au printemps dernier a eu lieu, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'ici même, le débat prospectif sur les infrastructures. Gilles de Robien et moi-même avons été frappés par l'intérêt que suscitait ce mode de transport chez les parlementaires.

Sans ce renouveau, sans cette volonté politique dont vous êtes l'un des acteurs, nous n'aurions pas pu obtenir des décisions importantes en faveur du transport fluvial lors du CIADT du 18 décembre dernier.

La volonté du Gouvernement de s'engager avec détermination dans l'essor du transport fluvial a été très clairement exprimée à cette occasion. Qu'il s'agisse de développement économique, d'attractivité des territoires ou de la préservation de l'environnement, le transport fluvial présente d'incontestables atouts.

Au CIADT, il a notamment été décidé de favoriser le développement des trafics de pré-acheminement et de post-acheminement des ports maritimes et du transport de conteneurs ; le port autonome de Paris occupe une place de plus en plus importante dans ce secteur, en liaison avec les ports du Havre et de Rouen. Le transport fluvial est également très intéressant pour la traversée des zones urbaines dont le réseau routier est saturé : à Lyon, à Paris ou dans d'autres grandes agglomérations.

Tout cela suppose que le réseau magistral, c'est-à-dire le réseau à grand gabarit soit modernisé et aussi que de nouveaux investissements soient réalisés.

Au CIADT, nous avons décidé de mener à bien la liaison Seine-Nord Europe, qui a par ailleurs été incluse par le Conseil des ministres dans le réseau trans-européen de transport, et la réalisation de l'écluse fluviale de Port 2000 qui permettra de relier la Seine au nouveau port du Havre. Nous avons d'ores et déjà donné mission à Voies navigables de France d'engager des études sur ces projets.

Cela étant, comme vous l'aviez expliqué dans votre rapport, on peut aussi envisager une meilleure utilisation des infrastructures existantes, avec des chalands automoteurs plus réduits. On voit bien, d'ailleurs, que, sur le grand gabarit, les péniches classiques du réseau Freycinet conservent une certaine utilité. L'hypothèse d'une interconnexion, qui ne donnerait plus lieu aux travaux pharaoniques imaginés dans le passé, mais qui serait beaucoup plus réaliste, entre le bassin rhodanien et le bassin rhénan est tout à fait intéressante.

Dans le cadre des contrats de plan, une étude a déjà été engagée sur l'intérêt d'une liaison entre la Saône et la Moselle, mais nous allons profiter, monsieur Grignon, de cette volonté politique nouvelle en faveur du transport fluvial et des décisions du CIADT pour examiner avec vous et M. Gruillot comment nous pouvons relancer les études sur ce projet qui vous est cher. Compte tenu du développement du trafic sur le Rhône et sur la Saône, de la capacité de faire du transport fluvio-maritime sur cet axe, et donc de l'intérêt de mieux le relier au bassin rhénan, il est certainement judicieux de relancer les études dans ce domaine. Je m'engage à le faire et à vous y associer.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de vos paroles aimables, auxquelles nous sommes très sensibles. Le maire de Marseille sera également très intéressé par ces développements stratégiques. (M. le président sourit.)

M. Gruillot et moi-même, ainsi que tous les collègues qui ont travaillé sur ce sujet, nous sommes à votre disposition pour étudier, avec vous, des solutions alternatives beaucoup plus souples et intégrant mieux les préoccupations environnementales.

DIFFICULTÉS DES BÉNÉFICIAIRES DU LOGEMENT SOCIAL

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 406, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jean-Marc Todeschini. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention sur la situation de paupérisation croissante des locataires du logement social et sur les difficultés que vont rencontrer les organismes qui en ont la responsabilité, en particulier l'OPAC, l'office public d'aménagement et de construction, de la Moselle.

Ce département doit faire face, en matière d'occupation du patrimoine locatif social, à une dégradation de la situation économique des nouveaux entrants. Permettez-moi de vous citer ici quelques chiffres. En 1997, la proportion de locataires dont les ressources étaient inférieures à 60 % du plafond pour l'accès au logement social s'élevait à 52,8 %. Cette proportion est passée à 61 % en 2003. Parallèlement et paradoxalement, le nombre de bénéficiaires en 2003 de l'aide personnalisée au logement, l'APL, est en nette diminution. Ils ne représentent plus que 52,2 %, contre 56,6 % en 1997. Cette baisse s'explique par la non-revalorisation des barèmes de l'APL.

Malgré ce triste constat, l'OPAC de la Moselle a su faire preuve de responsabilité et de solidarité. Ainsi, il a pris la décision de limiter la hausse des loyers à 2 % en niveau, ce qui représente 1% en masse. Mais cet organisme ne pourra pas indéfiniment être le seul à fournir des efforts.

La solidarité nationale doit ici jouer pleinement son rôle, notamment par un relèvement significatif des prestations d'APL. Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement entend-il répondre à cette situation de paupérisation croissante en révisant à la hausse les barèmes de l'APL ?

Par ailleurs, pour faire face à la poursuite de ses réhabilitations et aux grands chantiers de restructurations urbaines, l'OPAC aura besoin d'améliorer ses ressources propres. Or est prévue pour cette année une ponction de 5 euros par logement au profit de l'Agence nationale de rénovation urbaine mise en place par le ministre de la ville.

Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous me précisiez les dispositions qui seront prises pour aider les organismes du logement social à assurer les réhabilitations et les restructurations urbaines qu'ils ont à mener.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. Gilles de Robien, dont je serai ce matin le porte-parole.

Vous avez posé plusieurs questions.

Tout d'abord, je tiens à rappeler que les aides personnelles au logement seront revalorisées avec effet rétroactif au 1er juillet 2003, dans des conditions très proches de celles de juillet 2002. Les paramètres concernant les ressources des ménages seront ainsi revalorisées de 1,8 %, les plafonds de loyer l'étant de 1,2 %, avec un effort particulier pour les familles à Paris et dans la première couronne qui bénéficieront d'une revalorisation des plafonds de loyers de 2,5 %.

L'ensemble des locataires, notamment ceux de l'office public d'aménagement et de construction de la Moselle, vont donc bénéficier de cette revalorisation.

Vous interrogez par ailleurs M. de Robien sur la contribution supplémentaire que les organismes d'HLM vont verser cette année à la Caisse de garantie du logement locatif social.

Cette contribution permettra d'abord d'abonder les financements de l'agence nationale de rénovation urbaine souhaitée par le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, M. Jean-Louis Borloo, agence qui regroupera l'ensemble des moyens financiers de l'Etat, du 1 % logement et des organismes de logement social en faveur des programmes de rénovation urbaine dont notre pays a bien besoin. C'est donc ce guichet unique qui mettra en oeuvre le programme national de rénovation urbaine que le Gouvernement a annoncé l'an dernier. Je rappelle qu'il s'agit d'un programme de grande ampleur puisqu'il comporte la rénovation de 200 000 logements locatifs sociaux, la démolition de 200 000 logements et la reconstruction de 200 000 logements.

Le Gouvernement a mobilisé les partenaires autour de ce grand enjeu et mis les moyens en place pour que ce programme devienne maintenant une réalité.

Monsieur le sénateur, cette contribution permettra de mettre en oeuvre des actions de modernisation des organismes de logement social, de formation de leurs personnels pour qu'ils répondent mieux aux attentes de leurs locataires.

Il s'agit donc d'une véritable mutualisation au profit des organismes qui en ont le plus besoin. Dans cette perspective, nous ne doutons pas - en tout cas, tel est le souhait de M. Gilles de Robien - que l'OPAC de Moselle saura en tirer tout le parti nécessaire et pourra ainsi développer son action.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vous étonnerai pas en disant que vous ne m'avez pas rassuré.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je n'avais même pas essayé, monsieur le sénateur !

M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez évoqué Paris et la couronne parisienne.

Je vous signalerai simplement que le département de la Moselle est limitrophe du Luxembourg et de la Sarre : les loyers y sont très chers, le prix du terrain augmentant de plus en plus en zone frontalière, ce qui rend la situation des organismes d'HLM très tendue. Vous comprenez donc que les difficultés sont devant nous !

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas voulu vous convaincre, et je ne tenterai pas non plus de le faire. Mais je soulignerai que, à l'heure où l'abbé Pierre renouvelle son discours sur les personnes sans logis et est reçu à l'Elysée, les effets de manche ont fait leur temps ! Et là, je vise le ministre de la ville, bien entendu. Vous avez répondu à ma question portant sur les cinq euros ; il est clair que l'on prend dans la poche des personnes les plus démunies, de celles qui ont déjà des difficultés.

A mes yeux, le logement social se porte mal, et les OPAC rencontrent des problèmes pour renouveler le parc, le moderniser et surtout le développer. L'équilibre des opérations et le financement sont de plus en plus délicats et ne se sont pas améliorés, contrairement à ce qu'avait annoncé le Gouvernement au moment de la baisse du taux du livret A.

Vous avez pris l'exemple de la couronne parisienne ou de Paris, monsieur le secrétaire d'Etat, mais des difficultés spécifiques existent aussi ailleurs. Les revalorisations de barèmes que vous avez annoncées seront largement insuffisantes et la population de nos immeubles sera de plus en plus pauvre. En tout cas, il sera impossible de leur offrir des améliorations au niveau du logement.

péage autoroutier de vieilleville-carquefou

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, auteur de la question n° 408, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Mme Gisèle Gautier. L'agglomération nantaise présente la particularité de disposer d'un « périphérique » extrêmement complet, considéré comme l'un des mieux conçus et performants de France, à ceci près qu'il compte une section importante de son itinéraire nord/nord-est à péage.

Cette situation a pour effet non seulement de pénaliser financièrement les usagers locaux qui l'empruntent quotidiennement venant du nord-est de Nantes, du canton de Carquefou ou de l'est de celui de La Chapelle-sur-Erdre, mais aussi d'encourager des recherches d'itinéraires bis gratuits par nombre d'automobilistes, ce qui ne fait qu'encombrer les autres voies et les rendre chaque jour plus dangereuses.

C'est pourquoi, depuis de nombreuses années, riverains et élus locaux dénoncent une situation unique en France pour une agglomération de cette taille.

Les différents ministres de l'équipement ont été successivement interpellés. Début 2003, le préfet de région s'est vu confier la mission d'étudier, en lien avec la société concessionnaire, Cofiroute, la faisabilité du rachat des barrières de péage de Vieilleville-Carquefou. Je souhaiterais donc connaître l'état d'avancement de cette mission, soulignant l'attente légitime des élus à disposer maintenant rapidement des conclusions de cette mission et à avoir ainsi l'occasion d'en débattre.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Madame le sénateur, vous abordez un sujet que j'ai eu l'occasion d'évoquer récemment, à Nantes, avec M. Ayrault, député-maire de la ville, M. Trillard, président du conseil général de Loire-Atlantique, et M. Harousseau, président du conseil régional des Pays de la Loire, et il est vrai que cette problématique du péage urbain de Nantes-Carquefou est assez compliquée.

Par le passé, la question de l'éventuelle suppression des barrières de péage situées au niveau de l'échangeur de Vieilleville-Carquefou a effectivement été évoquée ; c'est donc un dossier ancien !

Comme vous le savez, à l'origine, la décision avait été prise de réaliser sous le régime de la concession ce contournement nord de Nantes en provenance d'Angers en tant que prolongement de l'autouroute A. 11 Paris-Nantes. Depuis, il s'insère dans le périphérique nantais. Pour avoir souvent l'occasion de l'emprunter, j'ai pu observer que la circulation y était plus que dense !

A l'époque, les élus ont considéré que la barrière de péage pleine voie, prévue au niveau de Vieilleville-Carquefou, était trop proche de l'agglomération nantaise et, après négociations, la dernière barrière pleine voie a été reportée plus à l'est, à la hauteur d'Ancenis. Des barrières latérales de péage sur les voies d'accès à l'autoroute ont cependant été maintenues au niveau de l'échangeur de Vieilleville-Carquefou, avec des tarifs réduits.

Il apparaît désormais clairement que la présence d'un péage au niveau de l'échangeur de Vieilleville-Carquefou conduit nombre d'usagers locaux à quitter ou à atteindre l'A. 11 à hauteur de l'échangeur de Boisbonne, ce qui engendre un trafic parasite dans le centre urbain de Carquefou.

C'est pourquoi nous devons, comme vous l'avez indiqué à juste titre, madame le sénateur, rechercher les solutions permettant de supprimer ou, en tout cas, de réduire significativement ce trafic parasite.

C'est dans cet esprit que M. Gilles de Robien a confié à M. le préfet de région la mission d'étudier les solutions propres à atteindre cet objectif, et en particulier d'examiner la faisabilité du rachat des barrières de péage de Vieilleville-Carquefou.

Ce travail a été mené avec l'exploitant, la société Cofiroute, qui, à cette fin, a réalisé une enquête de circulation au printemps 2003, pour disposer d'une analyse précise du trafic et du modèle financier.

Les services de l'Etat ont également été associés.

Madame le sénateur, ces éléments sont aujourd'hui disponibles. C'est pourquoi nous avons demandé au préfet d'organiser dans le courant du mois de février une réunion avec les élus, en présence des représentants de Cofiroute, réunion à laquelle, je l'espère, vous assisterez. Nous aurons alors tous les éléments et nous serons en mesure de prendre enfin les décisions que vous attendez depuis longtemps.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.

Ce dossier, je le rappelle, est un feuilleton à rebondissements depuis plus de quatorze ans. Le premier épisode a été le déplacement du péage alors que le préfet de l'époque nous répondait que c'était une mission impossible sur le plan juridique. En définitive, nous avons réussi à le déplacer hors du centre-ville de ma commune, ce qui fut une bonne chose.

Le deuxième épisode a été la diminution de la taxe de péage, qui est maintenant d'un montant relativement modeste. Malheureusement, vous l'avez rappelé, nous constatons néanmoins que les usagers empruntent la ville de Carquefou pour éviter de payer cette taxe de péage.

M. le député Edouard Landrain et moi-même avons multiplié les rencontres avec les différents ministres concernés, sans obtenir satisfaction. Deux aberrations perdurent en effet.

La première, c'est l'iniquité totale entre les usagers selon leur trajet. C'est selon moi une question de justice qu'il convient de résoudre.

La seconde observation tient, comme vous l'avez dit très précisément, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'engorgement du centre-ville de Carquefou, qui devient intolérable. A cet égard, vous savez que les manifestations se multiplient et prennent de l'ampleur.

Permettez-moi d'insister sur l'engagement que vous avez pris de faire en sorte que M. le préfet réunisse l'ensemble des partenaires que vous avez cités. J'ai en effet reçu voilà un an et demi une promesse analogue qui n'avait pas été suivie d'effet. Je ne voudrais donc pas que, aujourd'hui, on me promette de nouveau la tenue d'une réunion avec le préfet d'ici à la fin du mois de février et que cela ne soit pas suivi d'effet. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur ce point.

situation des services de pédiatrie

dans les centres hospitaliers

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 386, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Louis Souvet. Madame la secrétaire d'Etat, le problème que j'aborde aujourd'hui traduit, comme celui que j'ai développé ici-même voilà quelques jours, une dimension locale. Mais il s'agit aussi d'un problème national auquel tout un chacun, dans cet hémicycle, est confronté à un degré ou à un autre, s'il exerce des responsabilités dans un hôpital de son département : je veux parler de la pénurie de pédiatres et des difficultés à assurer un service d'urgence pédiatrique.

Annoncer la fermeture d'un tel service suscite des craintes légitimes de la part des parents, ainsi que des récupérations politiciennes inévitables. L'exploitation est facile.

Mais que faire, madame la secrétaire d'Etat, quand, comme cela est le cas sur le site de Montbéliard, l'effectif se limite, à la suite de départs pour des motifs divers et variés, à un seul praticien pour quatre postes prévus ?

Heureusement, nous bénéficions d'un positionnement réalisé à titre dérogatoire par l'agence régionale pour l'hospitalisation, qui a fait preuve en l'occurrence de compréhension. Cette dérogation permet l'emploi d'un praticien étranger sous réserve d'une référence médicale que seule peut assurer Mme le chef de service, et ce à titre provisoire.

Cependant, même avec cette dérogation, le service ne peut pas fonctionner dans les conditions de sécurité maximales.

Vous vous rendez donc parfaitement compte, madame la secrétaire d'Etat, de la charge supplémentaire de travail des praticiens en question, de la pression psychologique qu'ils subissent avec, au final, un risque d'erreurs pouvant déboucher sur la mise en cause de leur responsabilité, de leur carrière et de leur situation.

Les parents doivent être conscients de cet état de fait, qui engendre à son tour un contexte relativement pénible et, en tout cas, peu serein pour les équipes médicales et paramédicales.

Il est bien évident, madame la secrétaire d'Etat, que le centre hospitalier a très activement prospecté pour compléter l'équipe médicale et pour éviter la fermeture du service.

Mais c'est à cet égard que l'exemple montbéliardais rejoint la problématique nationale. En tant que responsables du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, nous sommes confrontés à la pénurie généralisée de pédiatres.

La fusion des deux entités de Montbéliard et de Belfort était une décision courageuse qu'il fallait prendre. Nous l'avons fait, Jean-Pierre Chevènement et moi-même. Il s'agissait non pas de deux hôpitaux de campagne, mais de deux centres d'environ huit cent lits chacun, situés à moins de quinze kilomètres l'un de l'autre et rayonnant sur une population de 300 000 à 400 000 personnes, d'où les difficultés que nous avons connues et que nous connaissons encore.

Si nous avons réalisé cette fusion, il nous reste cependant, comme le rappelle M. Schmid, le nouveau directeur, à transformer l'essai. Ce projet médical global qu'il convient de définir et de mener à bien ne doit pas être freiné par l'action de paramètres défavorables tels que la situation du secteur pédiatrique.

Appelons un chat un chat : il y a pénurie sur le site de Montbéliard mais aussi sur celui de Belfort. Nous avons les crédits pour deux postes supplémentaires, mais nous ne trouvons personne et, par ricochet, vous êtes accusée, madame la secrétaire d'Etat, de vouloir réaliser des économies sur la santé des bébés, alors que les postes existent au tableau des effectifs.

M. René-Pierre Signé. C'est vrai !

M. Louis Souvet. Il est indispensable de disposer sur le plan national, notamment dans le domaine de la pédiatrie, de nouvelles compétences médicales, ce qui nous permettrait de pouvoir localement recruter des praticiens. La pénurie nationale engendre d'importantes conséquences sur le plan local. Nous avons dû décider, en raison des impératifs de sécurité, de transférer les prises en charge longues en pédiatrie sur le site de Belfort, ne conservant que les urgences pédiatriques à Montbéliard. Une telle décision a bien évidemment été mal perçue par les parents des jeunes enfants, et cette incompréhension a fait l'objet d'une récupération politicienne, alors que le problème est technique et qu'il y serait mis fin dès l'embauche de spécialistes en question.

« Il faut arrêter de se faire peur » : je souscris à ces propos de M. le directeur de l'hôpital ; en adoptant une telle attitude, nous n'en serons que plus efficaces dans la recherche de solutions, car, quel que soit le problème, il existe toujours des solutions.

Que faire concrètement, madame la secrétaire d'Etat, face à un problème aussi important qui perdure depuis des années ?

M. René-Pierre Signé. Et pas seulement pour les pédiatres !

M. Louis Souvet. Vous aurez noté que la sobriété de mon propos est volontaire afin de mieux mettre en valeur le fond du dossier. Dans l'immédiat, l'urgence commande de nous aider à recruter des pédiatres.

Le Nord-Est comtois, composé, je le répète, de Belfort et de Montbéliard et représentant environ 300 000 à 400 000 personnes, sera bien évidemment attentif à votre réponse, madame la secrétaire d'Etat.

M. René-Pierre Signé. Sochaux a battu l'OM, monsieur le président !

M. Louis Souvet. Mille excuses, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Signé, j'ai pardonné à M. Souvet ! (Nouveaux sourires.)

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous interrogez M. Mattei sur la situation des services de pédiatrie du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, et plus particulièrement sur celle du site de Montbéliard qui connaît aujourd'hui des difficultés de fonctionnement.

En effet, le contexte démographique particulièrement défavorable des pédiatres affectant toute la France n'épargne pas la région de Franche-Comté. Les difficultés de recrutement de pédiatres sur cet établissement, et sur le site de Montbéliard tout particulièrement, sont observées depuis plusieurs années. Si des solutions provisoires ont pu être trouvées ponctuellement, celles-ci n'ont pas permis une organisation pérenne du service. Actuellement, les effectifs médicaux du service de pédiatrie du site de Montbéliard sont réduits à un praticien hospitalier aidé d'un médecin roumain faisant fonction d'interne, qui exerce sous la responsabilité du chef de service.

Les cinq postes de praticiens hospitaliers en pédiatrie vacants sur le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard ont été déclarés à recrutement et à maintien prioritaires et seront prochainement publiés. De nombreuses annonces sont faites par l'établissement dans la presse médicale.

Devant la nécessité de maintenir une offre de soins adaptée aux besoins du bassin de population, en toute sécurité, la direction du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard a décidé de transférer une partie de l'activité de l'hospitalisation sur le site de Belfort. Cette nouvelle organisation permet de maintenir une offre de soins diversifiée et de proximité sur Montbéliard, en continuant notamment à satisfaire aux besoins de la maternité et de l'accueil des urgences de ce site.

Cette situation devrait évoluer avec le projet médical lié à la fusion des centres hospitaliers de Belfort et de Montbéliard qui est en cours de négociation. Parmi les pistes de discussion figure la création d'un pôle mère-enfant unique. La réflexion devrait aboutir avant l'été 2004 de façon qu'un contrat d'objectifs et de moyens puisse être signé dès le projet d'établissement finalisé.

La formalisation rapide du projet médical centré sur le regroupement des plateaux techniques et des activités, en particulier la création d'un pôle mère-enfant, devrait permettre à l'établissement de restaurer l'attractivité de son service de pédiatrie et de mieux faire face à ces difficultés.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de votre réponse, mais elle m'inquiète plus qu'elle ne me rassure.

Vous dites que la démographie médicale est difficile depuis plusieurs années sur le pôle de Belfort-Montbéliard. Pourtant nous disposons d'installations neuves, qu'il s'agisse de la maternité ou du service pédiatrique, très attractives sur le plan hôtelier.

Nous employons un médecin roumain. Le seul fait de publier des annonces pour cinq postes vacants ne va pas créer des pédiatres.

Je suggère donc que nos règles de fonctionnement soient assouplies afin de faciliter l'arrivée de médecins étrangers qui ne demandent qu'à nous rejoindre. Ailleurs, les bébés naissent dans de bonnes conditions et, parfois, en bien plus grand nombre qu'en France. Peut-être y aurait-il là l'amorce d'une solution.

Je suis d'autant plus informé du transfert effectué sur Belfort et de la pratique des lits « kangourous », que nous les avons mis en place et que j'étais, jusqu'à ces derniers jours, le président du conseil d'administration du centre hospitalier.

Vous dites que le projet médical, notamment le pôle mère-enfant unique, va faire évoluer les choses. Cela m'inquiète, madame le secrétaire d'Etat. Nous ne sommes pas mûrs, pas plus dans notre esprit que sur le plan financier, pour construire, dans un lieu unique, un pôle mère-enfant unique, ce qui conduirait les femmes de Belfort à accoucher à Montbéliard et celles de Montbéliard à accoucher à Belfort. Jamais nous ne l'accepterons.

Nous avons de longues traditions. Nous venons, je l'ai dit, de construire sur les deux sites des maternités. Si nous avons 2 000 naissances à peu près par an à Belfort et 1 500 à Montbéliard, il faut savoir qu'il y a à Montbéliard une clinique privée qui tirera profit de cette situation. Premièrement, je ne vois pas comment nous pourrions trouver l'argent nécessaire pour construire un pôle mère-enfant unique. Deuxièmement, je ne vois pas ce que nous ferions des « friches ».

De nombreux médecins rêvent, non pas de construire seulement un pôle mère-enfant unique, mais un hôpital unique, c'est-à-dire d'abandonner les deux hôpitaux actuels et d'en construire un nouveau situé au milieu des deux autres, ce qui, bien évidemment, est complètement irréaliste.

CONSÉQUENCES DE LA LOI ÉVIN

SUR LA FILIÈRE VITICOLE

M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann, auteur de la question n° 409, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Joseph Ostermann. Je souhaite attirer votre attention, madame le secrétaire d'Etat, sur les conséquences de la loi Evin sur la filière viticole.

Comme l'explique un récent rapport sénatorial, la viticulture est fragilisée par la diminution de ses exportations, qui ont chuté de 2,8 % en 2001, par l'érosion de ses parts de marché à l'extérieur et par le ralentissement de la consommation domestique. On constate en effet une baisse cumulée de la consommation intérieure taxée de 6 millions d'hectolitres sur les trois dernières campagnes. Ces tendances se traduisent par un gonflement des stocks, par un fléchissement des cours de 8 % à 10 % par an depuis deux ans pour les vins de pays et les vins de table, et par une dégradation du revenu des viticulteurs.

Ainsi, pour faire face à ces difficultés, tous les acteurs s'accordent sur la nécessité de développer, entre autres mesures, une politique de communication efficace.

Or la loi Evin semble freiner toute communication. Elle interdit en effet les opérations de parrainage, télédiffusées ou non. Ainsi, de grandes manifestations sportives internationales retransmises en France sont sponsorisées par des grandes marques de vins étrangers - ce fut le cas pour le vin australien lors de la Coupe du monde de rugby -, dont le pays d'origine ne dispose pas d'une telle loi, ce qui fragilise d'autant plus la filière française.

Par ailleurs, le tribunal de grande instance de Paris vient d'interdire la campagne publicitaire du bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne pour atteinte à la loi Evin. C'est la première fois qu'une région viticole d'appellation d'origine est attaquée sur sa communication publicitaire depuis la mise en oeuvre de la loi Evin. Il existe manifestement un vide juridique relatif aux campagnes de communication des interprofessions.

Ne conviendrait-il pas, par conséquent, de réformer ladite loi afin de concilier les légitimes préoccupations de santé publique et la nécessaire promotion d'une filière agricole fragilisée ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la réglementation de la publicité des boissons alcooliques en France.

Je vous le rappelle, l'alcool est responsable de 45 000 décès par an et contribue à 14 % des décès masculins et à 3 % des décès féminins. Il s'agit aussi du premier coût social des comportements addictifs, d'après l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, devant le tabac et loin devant les stupéfiants.

Loin de constituer un vide juridique, la réglementation de la publicité des boissons alcooliques en France est clairement fixée par les articles L. 3323-1 à L. 3323-6 du code de la santé publique. Ces textes s'appliquent non pas uniquement au vin, mais aussi à l'ensemble des alcools.

La propagande et la publicité en faveur des boissons alcooliques sont autorisées selon des conditions destinées à protéger les consommateurs, notamment les plus jeunes d'entre eux. Ainsi, une telle publicité est interdite dans les publications destinées à la jeunesse ou encore à la radio, aux heures d'écoute possible pour les enfants et les adolescents.

Si le parrainage reste interdit, la publicité par voie d'affichage est largement autorisée, et le mécénat est désormais permis sans encadrement réglementaire depuis la loi du 1er août 2003.

Face à ce problème majeur de santé publique, le plan de mobilisation nationale contre le cancer devrait donner une impulsion nouvelle, de même que le plan de lutte contre la toxicomanie et la dépendance en préparation à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Par ailleurs, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES, diffuse des campagnes sur les risques pour la santé d'une consommation excessive d'alcool.

M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann.

M. Joseph Ostermann. Madame la secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas vous faire croire que la préoccupation de la santé publique était absente de mon intervention.

Toutefois, sur le plan européen, nous nous rendons compte que les pays limitrophes n'ont pas du tout les mêmes préoccupations ni ne connaissent les mêmes restrictions. Une bonne publicité sur le vin permettrait donc de mettre en exergue non seulement les dangers mais aussi les qualités de ce noble produit.

RÉGLEMENTATION SUR LE DON D'OVOCYTES

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, auteur de la question n° 412, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Mme Michèle André. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées et porte sur la situation ambiguë du don d'ovocytes en France.

Le don d'ovocytes a été reconnu par la loi de bio-éthique du 29 juillet 1994. Gratuit, anonyme, au seul bénéfice des femmes en âge de procréer, il ne peut être pratiqué que dans le secteur public ou privé sans but lucratif, afin d'éviter les dérives mercantiles.

En 1996, un décret a imposé une quarantaine par congélation de six mois des ovocytes pour des raisons techniques et psychologiques.

Ce principe de prudence pose aujourd'hui problème aux centres français, sérieusement concurrencés par des centres belges et espagnols qui, eux, ne pratiquent pas la mise en quarantaine mais transplantent des embryons « frais ». Cette technique garantit un taux de succès quatre fois supérieur à celui des pratiques françaises. Ce constat pousse les femmes françaises dont la fécondité est défaillante vers les centres étrangers.

Il convient de rappeler que, contrairement à la France, où le don est gratuit et anonyme, les centres étrangers rémunèrent les donneuses. Ces dernières sont moins contrôlées qu'en France où la loi oblige à n'accepter que des femmes ayant une vie sociale stable et des enfants.

Le risque sanitaire qui avait poussé à l'instauration du décret de 1996 semble aujourd'hui une mesure de protection exagérée. Au dire du groupe pour l'étude de la fécondation in vitro en France, aucun cas de contamination n'a jamais été rapporté dans le monde, les virus du sida et des hépatites ne sont pas présents dans l'ovocyte, et les risques de contamination suite aux manipulations des différents matériels génétiques sont évalués à un sur un million.

L'Institut de veille sanitaire, la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal, le Comité national d'éthique, les professionnels du secteur demandent aujourd'hui, en conséquence, que la mesure de mise en quarantaine soit arrêtée en abolissant le décret de 1996. Ils souhaitent le rétablissement de l'ancien système avec dépistage, huit jours avant le don. Une information et une acceptation expresse des receveurs sur ce risque purement théorique dont l'éventualité est plus qu'infime pourraient être instaurées.

J'estime que le décret de 1996 pourrait être abrogé, afin que les familles françaises touchées par des problèmes de fécondité ne soient pas contraintes au « tourisme médical ». Je souhaiterais savoir ce que compte faire M. le ministre.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame la sénatrice, vous interrogez M. Mattei sur l'état d'avancement de la révision des textes régissant le don d'ovocytes en vue d'une assistance médicale à la procréation, ou AMP.

Ce don d'ovocytes est soumis à des conditions réglementaires de sécurité sanitaire, édictées par un décret en Conseil d'Etat du 12 novembre 1996 ; il s'agit des articles R. 1211-25 et suivants du code de la santé publique. Ces conditions visent à s'assurer que la donneuse d'ovocytes n'est pas porteuse de maladies infectieuses telles que le VIH ou l'hépatite et ne risque pas de les transmettre à l'embryon et à la femme receveuse.

A cette fin, deux tests sont pratiqués à six mois d'intervalle, l'un au moment du don d'ovocytes, l'autre six mois après ce don. La congélation des ovocytes n'étant pas techniquement possible sans dommage pour ces derniers, il est procédé à la fécondation in vitro des ovocytes. Les embryons issus de cette fécondation sont ensuite cryoconservés pendant l'intervalle des six mois, dans l'attente des résultats du second test. Lors de celui-ci, le praticien vérifie que les résultats des analyses sont toujours négatifs en ce qui concerne l'infection au VIH et à l'hépatite.

Les professionnels de l'assistance médicale à la procréation font observer que les chances de grossesse à partir d'ovocytes donnés sont réduites d'au moins 50 % en raison des pertes embryonnaires au moment des cycles de congélation et de décongélation et d'une baisse des taux d'implantation. Ils réclament unanimement un changement de la réglementation qui conduit les femmes à recourir à ce don dans des pays limitrophes. Par ailleurs, ils mettent en avant l'absence observée de cas de contamination par ovocytes dans les pays qui n'appliquent pas la quarantaine indiquée et procèdent à l'implantation d'embryons « frais ».

Madame André, ces constatations ont amené M. le ministre à demander à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal de se prononcer sur cette question. Son avis conforte l'analyse faite par les professionnels et recommande la révision de la réglementation actuelle.

Comme M. Mattei s'y est engagé lors de l'examen au Parlement du projet de loi relatif à la bioéthique, ses services ont élaboré à sa demande un projet de décret révisant ces dispositions. Le nouveau dispositif proposé supprime la quarantaine de six mois entre les deux tests et préconise la réalisation du deuxième test au début du traitement de la stimulation ovarienne, qui précède elle-même de quinze jours environ le prélèvement ovocytaire.

Ce nouveau dispositif devrait, sans compromettre la sécurité sanitaire, supprimer les pertes embryonnaires dues à la congélation, éviter à la donneuse les contraintes d'une stimulation en cas de tests positifs, et permettre en tout état de cause d'utiliser au mieux les dons d'ovocytes dans la prise en charge des couples infertiles.

Dans le cadre de l'information due aux couples demandant le bénéfice d'une AMP, les couples destinataires du don seront informés, comme c'est le cas actuellement, par l'équipe médicale pluridisciplinaire des conditions du don et des risques inhérents à ce dernier, notamment le risque viral et le risque génétique.

Le projet de décret indiqué, actuellement soumis pour examen au Conseil d'Etat, devrait donc très prochainement paraître et, je l'espère, répondre à vos attentes.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse très complète, qui va dans le sens souhaité par les professionnels et qui pourra peut-être rendre service de façon très significative à des familles en attente de procréation.

M. Georges Mouly. Très bien !

INCIDENCE DE LA SUPPRESSION

DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

SUR LES FINANCES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat, auteur de la question n° 401, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Bernard Murat. Monsieur le ministre, c'est plus en tant que maire et président de communauté d'agglomération que je m'adresse à vous ce matin.

Si l'on ne peut que s'accorder pour soutenir toute mesure tendant à conforter la croissance au service de l'emploi en stimulant l'investissement, l'annonce faite dernièrement par le Président de la République de l'exonération temporaire de la taxe professionnelle et de son remplacement ultérieur par un nouveau dispositif inquiète les élus locaux.

Je n'ai pas besoin de rappeler dans cet hémicycle que la taxe professionnelle représente à elle seule près de la moitié du montant total de la fiscalité locale et demeure le principal impôt direct perçu par les collectivités territoriales.

Le Premier ministre a confirmé ici même que l'exonération de taxe professionnelle pour les nouveaux investissements, pendant dix-huit mois, « serait assimilée à un dégrèvement, et donc intégralement compensée sur la base des taux 2003 ». Excluant l'éventualité du remplacement de cette taxe par « une dotation de compensations », il s'est prononcé pour un nouvel « impôt sur l'activité économique » qui soit « de préférence moderne, localisable et équitable ».

Personnellement, monsieur le ministre, il me semble indispensable que les ressources fiscales appelées à remplacer la taxe professionnelle garantissent, d'une part, un lien solide entre les collectivités territoriales et les activités économiques situées sur leur territoire et, d'autre part, ce qui est peut-être le plus important, une certaine marge de manoeuvre sur les taux.

Mais comment inciter les entreprises bénéficiant d'un dégrèvement ou d'une exonération de taxe professionnelle à renforcer leur participation aux investissements locaux ? Voilà bien la question que se posent tous les élus.

La réforme fiscale ne serait-elle pas l'occasion d'une meilleure valorisation des investissements immatériels, comme la recherche, l'innovation et les ressources humaines, par exemple, de manière à positiver le phénomène de désindustrialisation ?

Différents groupes de travail se sont constitués sur la question. Des pistes sont explorées. Quelles sont celles qui pourraient avoir, monsieur le ministre, la faveur du Gouvernement et qui permettraient de garantir le lien entre fiscalité et développement économique local ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, nous sommes nombreux à être naturellement très attentifs à cette question de la taxe professionnelle, puisqu'elle est un élément des ressources de nos collectivités locales.

Le remplacement qu'a souhaité M. le Président de la République par un nouveau dispositif qui pénalise moins directement l'investissement et prenne mieux en compte la diversité des activités ne doit pas donner lieu, en effet, à une déstabilisation des finances des collectivités locales.

Aussi, pour préparer cette réforme importante, nous voulons préalablement recueillir l'avis de tous ceux qui sont intéressés par le devenir de cet impôt, notamment les contribuables et les collectivités bénéficiaires.

Nous souhaitons que cette réflexion commune puisse être large. C'est pourquoi un groupe de travail, comprenant notamment des représentants des associations d'élus et de l'ensemble des milieux économiques, sera mis en place dans les prochains jours.

Ce groupe de travail aura pour mission de recueillir les propositions d'évolution de la taxe professionnelle, d'en mesurer les effets économiques et d'apprécier les transferts financiers qu'elle engendre entre secteurs économiques, d'une part, et entre collectivités locales, d'autre part. Sur la base des résultats de ce groupe de travail, nous proposerons au Parlement - vous en serez donc saisi - un dispositif qui remplacera progressivement la taxe professionnelle.

Monsieur le sénateur, vos questions sont précisément celles que ce groupe de travail devra examiner. Mais, d'ores et déjà, je peux vous confirmer les principes qui ont été réaffirmés dans cet hémicycle même par M. le Premier ministre. S'agissant de la période transitoire, vous l'avez dit, il faut agir par dégrèvement afin que ce dispositif soit totalement neutre pour les finances des collectivités locales.

Cette réforme sera engagée dans le respect des dispositions constitutionnelles concernant les collectivités territoriales, ce qui implique nécessairement le maintien de leur autonomie financière.

Nous n'avons pas l'intention, je le rappelle, de remplacer plus de 20 milliards d'euros de fiscalité locale par des dotations budgétaires.

Par ailleurs, le nouveau dispositif doit être lié, conformément à votre attente, monsieur le sénateur - vous avez parlé de « liens solides » -, à l'activité économique des territoires. En effet, c'est la contrepartie logique des efforts réalisés par les collectivités locales pour offrir aux entreprises des infrastructures et des services.

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est très inquiétant !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Enfin, le Gouvernement s'attachera également à ce que cette réforme ne constitue pas un frein pour l'intercommunalité puisque cette dernière s'est souvent construite autour de la taxe professionnelle.

J'ai bien noté également votre souhait de marge de manoeuvre sur les taux de taxe professionnelle.

En conclusion, la réforme de la taxe professionnelle ne conduira pas à supprimer un pan essentiel de la fiscalité locale, mais au contraire à moderniser cet impôt, à le rendre plus efficace et à le faire mieux accepter par les entreprises, dont on attend qu'elles créent des emplois sur nos territoires.

M. le président. Nous vous avons écouté avec attentionn, monsieur le ministre, mais cela fait froid dans le dos !

La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. On peut essayer de relever la température ! (Sourires.)

Je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, de la clarté de votre réponse. Il est vrai que nous sommes dans l'expectative ; nous allons donc attendre la création de ces groupes de travail. Même au sein de l'UMP, un groupe doit être constitué : personnellement, j'aimerais bien en faire partie ! (M. le ministre sourit.)

Monsieur le ministre, il serait important, dès aujourd'hui, de bien informer les exécutifs, en particulier les présidents des EPCI, en mettant en oeuvre une communication efficace. Car nous devons bâtir l'avenir. Nous venons de faire voter les budgets de nos collectivités ; les investisseurs sont là, l'arme au pied. Une meilleure lisibilité de cette réforme est donc nécessaire, et ce rapidement.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Vous pouvez compter sur la vigilance du président de la communauté urbaine d'Alençon ! (Sourires.)

M. Bernard Murat. Sur ce point, je vous verrai en tête-à-tête, monsieur le ministre !

En tant que responsable d'exécutifs locaux, et particulièrement engagé dans le développement économique de la Corrèze et du Limousin, je reprendrai à mon compte les propos récents du président de l'Association des maires de France : « il ne faudrait pas que cette réforme mette en péril l'autonomie financière des collectivités locales. Il serait normal de réunir les collectivités territoriales, le Gouvernement et les responsables économiques, soit ceux qui reçoivent, ceux qui décident et ceux qui paient. »

Les communes et les EPCI sont les premières à être impliquées dans l'accueil des entreprises. Quelles seront réellement les conséquences d'un dégrèvement à la place d'une dotation de l'Etat, sur les créations d'emplois ?

SUPPRESSION DE SERVICES PUBLICS DANS LA NIÈVRE

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 403, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les problèmes que pose l'amputation, voire la suppression, des services publics dans la Nièvre, plus particulièrement pour ce qui concerne les trésoreries, puisque, actuellement, six perceptions sont menacées, trois ont déjà été supprimées, et trois autres sont quasiment condamnées pour l'année prochaine. Au total, on prévoit la disparition de douze, voire de treize perceptions, sur trente-deux.

Je n'insisterai ni sur le rôle que jouent les perceptions dans la gestion de l'argent public ni sur le rôle de conseil que les percepteurs remplissent auprès des élus et qui est particulièrement apprécié pour l'élaboration des budgets, le contrôle de légalité et la possibilité d'engager les dépenses.

Malheureusement, monsieur le ministre, ce ne sont pas les seules menaces qui pèsent sur les services publics : bien d'autres secteurs, que je n'énumérerai pas puisque tous les maires les connaissent, sont touchés.

Les maires et les élus nivernais, surpris par l'ampleur des décisions prises, ont manifesté, le 17 janvier dernier, pour demander un gel de toute mesure de fermeture avant qu'une discussion ne s'établisse. Ils ont également rédigé une motion, qui a été transmise au préfet de la Nièvre - ce dernier a d'ailleurs reçu les élus - et qui, je pense, a fini par arriver sur votre bureau, monsieur le ministre, pour confirmer leur souhait de voir toute suppression gelée et réclamer que, dans le cadre du contrat territorial, une définition des services publics permette d'assurer l'organisation sur le territoire de ces services et d'affirmer la solidarité financière de l'Etat.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, la modernisation de notre administration a pour objectif principal non pas des économies d'emplois, mais une adaptation de l'organisation et de l'implantation des services aux besoins des usagers et aux évolutions réglementaires et technologiques.

Je comprends, étant moi-même l'élu d'un département de moins de 300 000 habitants, que les fermetures de postes du Trésor public suscitent une certaine émotion dans quelques départements. Pourtant, reconnaissons-le, un réseau qui compte près de 3 800 postes, si nous voulons le maintenir à un haut niveau de modernité, doit évoluer, sauf à perdre son efficacité au regard des usagers.

Le Trésor public compte près de 1 200 postes de trois agents ou moins, qui ne peuvent plus offrir toute la gamme des services qui sont pourtant légitimement attendus par nos concitoyens. Une partie des fermetures ne fait d'ailleurs qu'entériner des situations de fait.

Je vous rappelle que nous mettons à chaque fois en place de nouvelles modalités de présence du service comportant des engagements à l'égard des élus et des usagers, formalisés dans une « charte de service », qui conforte la présence et le rôle du Trésor public dans la vie locale. Ces opérations font par ailleurs toujours l'objet d'une concertation préalable au niveau local.

S'agissant plus particulièrement du département de la Nièvre, le trésorier-payeur général a présenté en septembre dernier les opérations envisagées.

A terme, la suppression de douze postes comptables, dont cinq à compter du 1er janvier 2004 et sept en 2005, était initialement envisagée. Il est apparu toutefois que le maintien du poste de Pouilly-sur-Loire, au vu de son activité actuelle, pouvait se justifier.

Quelles sont les caractéristiques principales de ces postes ? Ils ont un effectif réduit de trois agents ou moins, ce qui pose des problèmes de maintien des connaissances requises, de sécurité et de continuité du service public en cas d'absence, de maladie ou de congés des agents concernés.

Les guichets de ces trésoreries sont par ailleurs peu fréquentés. Les particuliers ont de moins en moins besoin de se rendre dans les trésoreries : il n'y a en effet plus de comptes particuliers ni de placements CNP, et on paye de plus en plus ses impôts par prélèvements... Certaines trésoreries n'enregistrent, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'une à deux opérations par jour !

Le regroupement des activités sur une trésorerie plus importante permet d'optimiser le fonctionnement des services en constituant une entité dotée d'équipes renforcées où le comptable et ses collaborateurs sont plus disponibles pour tous les usagers. C'est cette logique qui a conduit à décider la fermeture de trois trésoreries au 1er janvier 2004 : celles de Saint-Amand-en-Puisaye, Brinon-sur-Beuvron et Fours.

Devant les réactions exprimées localement, il a été convenu de différer la fermeture effective de ces trois postes : ce délai devra être mis à profit pour examiner la meilleure forme de service à mettre en place, en termes de proximité, pour satisfaire les besoins des usagers.

Pour les huit autres postes - Prémery, Saint-Benin-d'Azy, Saint-Saulge, Moulins-Engilbert, Dornes, Varzy, La Machine et Lormes - la concertation doit bien entendu continuer.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. J'accorde volontiers à M. le ministre que moderniser le service public tout en maintenant la vie sur les territoires n'est pas facile. Mais reconnaissez qu'administrer des territoires sans service public, c'est impossible.

Vous me dites qu'il y aura non pas réduction du nombre d'agents mais simplement suppression des perceptions. Je veux bien le croire, mais vous savez bien que si l'on éloigne un service du public auquel il est destiné, on le rend évidemment moins efficace.

Je souhaite insister, monsieur le ministre, sur la motion que le préfet vous a peut-être transmise et qui vise à mettre en place un contrat territorial d'organisation des services publics, de façon que les élus soient associés à la négociation et qu'ils ne soient pas surpris par des décisions brutales et d'autant plus douloureuses.

Les dispositions du projet de loi sur le développement des territoires ruraux qui sera examiné prochainement par l'Assemblée nationale ne m'ont pas tout à fait rassuré, puisqu'il y est question de réduire le service public au service minimum, de refuser les moyens financiers qui auraient pu libérer les collectivités locales de leurs charges et d'ouvrir le service public au secteur privé, par exemple en plaçant les postes dans les commerces, voire dans les grandes surfaces, ce qui n'est bon ni pour La Poste ni pour les commerces. Cela n'est pas la panacée et ne peut nous satisfaire.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que les élus d'un territoire donné soient consultés sur les perspectives envisagées pour les quatre ou cinq ans à venir.

GESTION DU PERSONNEL DE FRANCE TÉLÉCOM

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 404 adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre délégué, en déposant cette question, j'étais encore loin de me douter de l'ampleur et de la gravité de la crise sociale et sanitaire que connaît France Télécom. Depuis sa publication au Journal officiel et sur mon site Internet, ce sont deux cent cinquante-sept pages de témoignages émanant de syndicats, de délégués aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, d'agents de tous grades et de toute la France qui m'ont été adressées. Des personnels désespérés m'appellent pour relater des situations terribles de détresse.

Monsieur le ministre, tout indique que ce qui se passe à France Télécom en matière de gestion, de gâchis des ressources humaines est très grave.

Le degré de souffrance au travail croît dans des proportions inquiétantes depuis plusieurs années. Le malaise au travail se répand ; la consommation de médicaments explose ; la fatigue physique et mentale gagne, tout comme le découragement et la dépression. Le stress est général : c'est d'ailleurs ce que confirment les rapports annuels de la médecine de prévention.

En 2001, une enquête de l'Observatoire de la santé de la région Poitou-Charentes, réalisée à la demande du CHSCT régional, avait déjà révélé des chiffres significatifs : 40 % des agents souffraient d'insomnie, contre 20 % pour l'ensemble des salariés ; 22 % consommaient des somnifères, contre 11 % ; 77 % déclaraient être nerveux ou tendus au travail, contre 36 % ; 23 % indiquaient n'avoir plus goût à rien, contre 5 % ; 20 % signalaient se réveiller déprimés le matin et 10 % disaient avoir des idées noires...

On commence à additionner avec effroi et révolte les cas de suicides : trois en 2002 dans le Grand Lyon, trois depuis trois ans en Corse où un agent s'est ouvert les veines en pleine réunion, deux en Loire-Atlantique. A Paris, un cadre supérieur de l'unité de réseau de supervision s'est donné la mort il y a quinze jours ; peu de temps auparavant, on découvrait le corps d'un agent de la direction de Daumesnil dans la Seine.

Monsieur le ministre, je parle bien de révolte, car il est impossible de ne pas faire le lien entre ce constat et l'évolution des pratiques de gestion du personnel dans l'entreprise, notamment depuis le début de la privatisation en 1997.

La suppression de 20 000 emplois en France depuis cette date, l'accroissement de la charge de travail et la remise en cause de la qualité du service public ont vivement affecté les personnels. Surtout, le mouvement incessant de restructurations ne cesse de bouleverser leur travail et leur vie. Un quart d'entre eux auraient subi une mutation avec changement de résidence.

Parallèlement à cette politique de mobilité quasi contrainte et déstabilisante, les directions ont progressivement développé une gestion personnalisée des carrières. Prétendument fondée sur la recherche du plus fort rendement individuel, elle aboutit à la mise en concurrence des agents, à leur culpabilisation, et souvent à leur démoralisation. Les témoignages que j'ai reçus évoquent la multiplication des entretiens de « coaching », de « recadrage », de « remotivation », destinés à « mettre la pression ». La mise en place de l'indice de « performance individuelle comparée », le PIC, vise maintenant à stigmatiser ceux qui seraient les moins efficaces.

Les personnels sont invités à « se vendre » au sein même de l'entreprise sous peine de risques de sanctions, de se voir proposer des postes sous-qualifiés ou, parfois, un isolement. Un article du Figaro révélait récemment que 800 cadres étaient ainsi « mis au placard ».

Ces méthodes se doublent de dispositifs de contrôle criminalisant les arrêts maladie et donnant systématiquement lieu à des contre-visites médicales ; des « traqueurs d'économie » extérieurs surveillent tout coût de gestion superflu ; et je ne parle pas de la répression des activités syndicales.

Les syndicats viennent d'ailleurs de découvrir et de dénoncer l'existence de deux systèmes de fichage illégaux des personnels, à Nantes et à Toulouse, collectant des informations confidentielles sur la santé, la situation de famille et les sympathies syndicales des agents.

S'agit-il de la pointe émergée de l'iceberg ? La direction de France Télécom a-t-elle entrepris, comme me l'écrit un agent, d'« éliminer les plus faibles » au moment où son PDG se fixe l'objectif de supprimer 23 000 emplois, dont 8 800 en France, en 2004 ?

Monsieur le ministre, face à ce qui constitue plus que des présomptions de pratiques généralisées de management par le « stress », sinon de harcèlement moral, que comptez-vous faire ?

Envisagez-vous de réaliser rapidement une enquête exhaustive sur l'état de santé des 140 000 agents de France Télécom ? Quelles mesures allez-vous prendre à l'égard de la direction de France Télécom ? Vous l'avez compris, monsieur le ministre, c'est une question d'humanité. Mais il s'agit aussi de garantir l'avenir de ce fleuron de l'industrie nationale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Madame le sénateur, je vous avais parlé de « présomptions ». Il nous faut, en effet, veiller à ne pas imputer aux seules conditions de travail les souffrances nouvelles que les grandes mutations de nos sociétés humaines peuvent engendrer.

Depuis près de quinze ans, France Télécom s'adapte avec succès aux bouleversements technologiques, réglementaires et concurrentiels du monde des télécommunications. Le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que ces évolutions soient réalisées dans le plus grand respect des conditions de travail de l'ensemble des agents de France Télécom. C'est ainsi qu'il a veillé, par la loi du 31 décembre 2003, à préserver l'intégralité des garanties fondamentales qui sont attachées au statut des agents fonctionnaires de l'opérateur. Ces garanties resteront régies par les mêmes règles qu'aujourd'hui, quelles que soient les évolutions réglementaires ou capitalistiques de l'entreprise.

En outre, France Télécom continue, comme elle l'a toujours fait, à adapter ses ressources en privilégiant, notamment, la mobilité interne de ses personnels, alors que la plupart des grands opérateurs européens de télécommunications ont réagi à la crise de ce secteur en procédant à des plans massifs de licenciement. Cette politique a d'ailleurs été consolidée par un accord de groupe pour l'emploi et la gestion prévisionnelle des compétences, qui a été signé le 5 juin 2003 avec quatre organisations syndicales.

Ainsi, les 8 000 départs prévus cette année en France, selon les orientations annoncées récemment par l'entreprise, sont consécutifs à des départs en retraite et au dispositif de congé de fin de carrière, auxquels pourraient s'ajouter des départs liés à la mobilité vers les fonctions publiques. Sont prévues en France en 2004 1 400 embauches, ce qui constitue un doublement par rapport à 2003. Elles concernent majoritairement des jeunes.

S'agissant plus précisément des conditions de travail, le Gouvernement attache une importance particulière au respect des droits individuels des salariés. En l'espèce, la découverte en décembre 2003 d'un fichier informatique comportant des données personnelles dans l'un des établissements de France Télécom, celui de Nantes, appelle la plus ferme condamnation. Il m'a été confirmé qu'il s'agit d'un cas isolé, qui a immédiatement entraîné non seulement la destruction du document en cause, mais aussi l'ouverture d'une enquête interne et d'une procédure disciplinaire.

Un cas de suicide au travail a malheureusement été constaté l'année dernière. Je mesure naturellement la souffrance qu'il exprime. Pour autant, ce drame ne saurait être mis en parallèle avec les orientations générales de l'entreprise.

L'Etat, notamment en sa qualité d'actionnaire, restera - soyez-en sûre - particulièrement vigilant à ce que France Télécom poursuive sa politique active de concertation, d'association des représentants du personnel aux échelons local et national, et d'accompagnement de tous les agents dans les évolutions de l'organisation de l'entreprise.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne peut me satisfaire. En effet, vous n'annoncez aucun audit des pratiques de gestion du personnel à France Télécom ni aucune enquête sanitaire. De plus, vous tentez de justifier la gestion de l'entreprise par des impératifs de rentabilité dans un contexte concurrentiel. Or c'est précisément cette logique de privatisation qui a mis à mal l'entreprise et la menace plus que jamais. La gestion du personnel que j'ai dénoncée lui obéit. Loin de renforcer l'entreprise, et encore moins le service public, elle en sape les fondements.

Voici ce que je lis dans le rapport d'un médecin de prévention de France Télécom : « Le mouvement de mutation a conduit de nombreux agents à la "démotivation" (...). C'est le seul moyen pour eux de ne pas tomber malades (...). La démotivation est une véritable maladie pour l'entreprise, privée de ses compétences individuelles et encore pire des compétences collectives, car la démotivation enferme dans l'individualisme et casse les collectifs de travail. »

Il n'y a pas d'autre moyen pour comprendre, monsieur le ministre, ce véritable gâchis humain et économique, sinon par la marche forcenée vers la privatisation depuis presque dix ans.

Tout d'abord, afin de satisfaire les actionnaires et dégager des marges financières pour la politique de rachats externes, la direction de France Télécom a mis en place une course à la rentabilité à court terme aux dépens des conditions de travail et du service rendu.

Nous ne nions pas la nécessité de procéder à une adaptation, mais celle-ci ne peut avoir lieu au détriment de la santé des agents.

Monsieur le ministre, vous le savez bien, dans le plan TOP de redressement de France Télécom, 15 milliards d'euros d'économie doivent être réalisées par « l'amélioration de sa performance opérationnelle ».

Enfin, pour mener à bien la privatisation totale, le P-DG et le Gouvernement doivent lever l'obstacle que constitue la présence de 106 000 fonctionnaires sur 140 000 salariés en France. C'est pourquoi vous avez fait adopter la loi du 31 décembre dernier perrmettant, en toute inconstitutionnalité, la privatisation, moyennant des dispositions qui menacent, à terme, les garanties fondamentales attachées au statut de fonctionnaire d'Etat des agents.

C'est dans ce cadre qu'il faut replacer les pratiques de gestion des ressources humaines à France Télécom. Les organisations syndicales ont bien l'intention de ne plus laisser faire. Un mouvement de grève à Ajaccio a mis en échec l'établissement d'un système de calcul de la performance individuelle comparée. D'ailleurs, sur le plan national, les organisations syndicales s'efforcent de recenser elles-mêmes les pratiques et les dérives des directions de France Télécom.

Pour ma part, afin de contribuer à atteindre cet objectif, j'ouvrirai, dans les jours qui viennent, un dossier sur mon site Internet pour rendre publics les témoignages qui me seront parvenus.

AFFECTATION DE LA TAXE D'APPRENTISSAGE

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 392, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

M. Georges Mouly. Chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître l'efficacité de la voie de l'apprentissage pour répondre aux besoins des entreprises en rapprochant au plus près la formation de la qualification. C'est évidemment une solution pour de nombreux jeunes qui ne trouvent pas de réponses adaptées dans le système scolaire classique.

Il convient néanmoins de reconnaître qu'il est nécessaire de développer l'apprentissage. Je n'ignore rien du projet du Gouvernement en la matière, mais de nombreuses propositions ont par ailleurs été avancées par les professionnels pour faire évoluer ce dispositif. Et même si le projet du Gouvernement ne couvre pas le champ de la réforme de la taxe d'apprentissage, cet élément ne peut être laissé de côté dans la réflexion en cours.

L'assemblée permanente des chambres de métiers a du reste avancé quelques pistes de réforme, s'appuyant sur le fait que 3 % seulement de la taxe d'apprentissage sont collectés par les chambres de métiers à destination des centre de formation d'apprentis, les CFA, alors que ces derniers assurent la formation de 30 % des apprentis.

L'apprentissage dispose de trois sources de financement : les conseils régionaux, les fonds propres des organismes gestionnaires des centres de formation des apprentis et la taxe d'apprentissage. Cette taxe d'apprentissage, destinée au financement des premières formations technologiques et professionnelles, dont l'apprentissage en tout premier lieu, est constituée de deux éléments : le quota et le barème. Le quota abonde un fonds de péréquation nationale finançant, d'une part, pour partie la politique régionale de formation et, d'autre part, directement les CFA et les sections d'apprentissage. Le barème, quant à lui, sert à financer essentiellement les établissements dispensant des enseignements technologiques à temps complet.

Or le quota, dans ses deux aspects, est fixé à seulement 40 % de la taxe d'apprentissage brute, alors que le barème représente 60 % de cette même taxe. Par ailleurs, l'affectation finale des fonds collectés au titre du fonds national de péréquation de la taxe d'apprentissage n'est pas clairement indiquée dans les budgets régionaux : aucune garantie n'existe quant à leur affectation aux sections d'apprentissage - CFA à recrutement national, CAP ou BEP - auxquelles ils sont pourtant destinés par la loi de modernisation sociale.

Porter la contribution de la taxe d'apprentissage à 50 % du quota au lieu des 40 % actuels serait une mesure de rééquilibrage du dispositif, qui permettrait de recentrer l'objectif initial de la taxe sur la formation des apprentis, relançant par la même occasion cette filière, nécessité que nul ne conteste.

Sous réserve de la nécessaire mise en oeuvre d'une véritable procédure de contrôle de l'affectation finale de ces fonds, ne serait-il pas envisageable d'augmenter la contribution de la taxe à ces fonds de péréquation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, vous avez raison d'insister sur l'apprentissage. C'est en effet un moyen décisif pour les jeunes d'accéder aux connaissances et aux pratiques d'un métier qui débouchent sur un véritable emploi.

Vous avez souligné l'opportunité d'augmenter les crédits du fonds national de péréquation de la taxe d'apprentissage et vous avez souhaité faire passer le quota, c'est-à-dire la part de la taxe d'apprentissage réservée aux centres de formation des apprentis, de 40 % à 50 %.

Le Livre blanc que nous avons présenté le 16 octobre 2003 contenait les propositions qui ont été recueillies auprès des différents acteurs de l'apprentissage. Elles portaient, pour ce qui concerne le financement, sur plusieurs points : l'augmentation progressive du quota de la taxe d'apprentissage de 40 % à 50 % ; l'accroissement du fonds de péréquation ; la révision de la formule de répartition entre les régions pour assurer une meilleure péréquation ; l'amélioration de la lisibilité des priorités d'emploi du fonds, sous le contrôle du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage ; enfin, une augmentation éventuelle du pourcentage de prélèvement de la taxe d'apprentissage, qui est actuellement de 10 %, en faveur du fonds.

Ces propositions font actuellement l'objet d'un examen approfondi, afin d'en mesurer précisément les conséquences.

En outre, grâce au rapport d'enquête sur la taxe d'apprentissage de la mission mandatée par les ministres concernés, des pistes d'amélioration du rendement de cette taxe ont été ouvertes : il s'agit de la simplification de la collecte, de la suppression de certaines exonérations, d'une meilleure transparence des circuits et d'un contrôle plus efficace.

A ce jour, aucune décision n'est arrêtée sur les options à prendre pour renforcer le financement de l'apprentissage. Toutefois, à l'issue des travaux en cours de finalisation - donc, dans quelques semaines -, des mesures ambitieuses devraient être prochainement annoncées en ce sens dans le cadre du plan global de réforme de l'apprentissage, lequel est de la plus haute importance pour l'accès à un réel emploi de ceux de nos compatriotes qui en sont privés.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Je remercie M. le ministre des précisions qu'il a apportées. Nul ne conteste l'importance de l'apprentissage, au point que, dans le texte sur la formation professionnelle que nous allons examiner cet après-midi, figurent quatre mesures le concernant.

Par ailleurs, lors de la présentation de ses voeux, M. Dutreil a annoncé la discussion, au cours des semaines à venir - je ne sais pas si notre ordre du jour déjà chargé le permettra -, du projet de loi relatif à la réforme de l'apprentissage.

Le Livre blanc auquel vous avez fait allusion est paru et il a reçu un accueil tout à fait favorable. Je n'en veux pour preuve que la position des présidents de chambres de métiers. Nombre des mesures que je demande y figurent. Je souhaite que, dans les meilleurs délais et dans les meilleures conditions, un résultat positif soit obtenu, en particulier dans l'intérêt des centres de formation d'apprentis.

RÉFORME DU MODE DE FINANCEMENT

DE L'ÉQUARRISSAGE

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 405, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

M. Jean-Claude Carle. Ma question porte sur la réforme du mode de financement du service public de l'équarrissage.

Afin que notre législation soit en conformité avec le droit communautaire, la taxe sur les achats de viande supportée par la grande distribution a été abrogée par la loi de finances pour 2004. Cette taxe finançait le service public de l'équarrissage, c'est-à-dire l'élimination des cadavres de gros bovins en ferme, le retrait des déchets à haut risque en abattoir et l'élimination des colonnes vertébrales chez les bouchers. Elle a été remplacée par une taxe d'abattage assise sur le poids des viandes et les déchets d'abattoirs. Celle-ci ne sera pas supportée par l'amont de la filière, mais elle sera répercutée en aval sur la distribution. Or la distribution est constituée non seulement de grandes surfaces, mais également d'artisans bouchers, et ces derniers ont déjà à leur charge le test de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, qui n'est plus subventionné aujourd'hui.

Le coût de ce test représente, pour un artisan boucher, 10 centimes d'euro par kilogramme. Le poids moyen d'un boeuf est de quatre cents kilogrammes. L'artisan boucher supporte donc une charge supplémentaire de 40 euros en moyenne par bête.

Par ailleurs, l'obligation d'enlever la colonne vertébrale implique l'investissement dans un matériel spécifique particulièrement onéreux. C'est aussi une opération délicate - elle va du désossement à la désinfection, en passant par le conditionnement - et qui monopolise plusieurs heures de travail.

Ces opérations sont indispensables et comprises par les acteurs concernés au nom de la garantie de la qualité et de la sécurité des consommateurs. Cependant, la perspective de supporter le coût des déchets des autres acteurs de la filière suscite aujourd'hui l'incompréhension.

Si ce dispositif s'inscrit en faveur des éleveurs - et c'est tant mieux, car ces derniers souffrent beaucoup depuis ces dernières années -, prenons garde à ce qu'il ne pénalise pas les autres acteurs de la filière.

Mon propos a pour objet de démontrer que nous risquons de déstabiliser aussi bien l'amont que l'aval de la filière, parce qu'il s'agit d'un secteur dans lequel tous les acteurs sont interdépendants.

Ce nouveau dispositif pourrait avoir des répercussions dramatiques à plusieurs titres. Dans mon département, on dénombre environ deux cents entreprises de boucherie. Elles représentent un réseau de commerces de proximité qui participe à la vie locale. Elles constituent donc un moteur indispensable à l'aménagement harmonieux du territoire. Elles sont créatrices d'emplois, puisque certaines comptent jusqu'à dix salariés. Bien entendu, elles soutiennent la viande française. Les artisans bouchers qui vendent de la viande importée sont encore, fort heureusement, très largement minoritaires.

Les conséquences de ce dispositif sont donc simples et, pour en mesurer l'intensité, il faut en avoir à l'esprit deux aspects. L'artisan boucher sera dans l'incapacité de répercuter la charge supplémentaire qui lui incombera sur le consommateur, ce pour des raisons évidentes de compétitivité par rapport aux grandes surfaces. En raison d'une monoproduction, il n'aura aucune marge de manoeuvre pour compenser cette surcharge.

Par conséquent, fragiliser ce réseau, c'est prendre le risque de fragiliser non seulement la vie de nos villages, l'emploi dans nos territoires, mais aussi le commerce de viande française, donc l'avenir des éleveurs. En effet, le danger est grand de voir les distributeurs développer la distribution de viande importée. Celle-ci arrivant le plus souvent travaillée, elle n'engendre, elle, aucun coût supplémentaire.

Ce nouveau dispositif, qui est censé protéger les éleveurs, risque donc de les desservir et d'être contre-productif à un double titre : il pourrait fragiliser aussi bien l'amont que l'aval de la filière.

Monsieur le ministre, au regard de ces différents aspects, quelles mesures envisagez-vous de prendre en faveur des bouchers, qui se trouvent déjà dans une situation difficile du fait du changement des comportements alimentaires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, il est vrai que nous devons être attentifs à ne pas mettre en danger les artisans bouchers, qui exercent des missions très utiles. Ils favorisent notamment le commerce dans les centres-villes ou dans les bourgs-centres de nos régions. Mais je tiens à insister sur le fait que le nouveau mode de financement du service public de l'équarrissage est plutôt favorable aux bouchers, puisqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe d'abattage, alors que certains d'entre eux, je le rappelle, étaient redevables, jusqu'au 31 décembre 2003, de la taxe sur les achats de viande. J'y insiste, car c'est très important pour l'équilibre économique de leur activité.

Vous avez expliqué les conditions dans lesquelles la nouvelle taxe d'abattage a été instaurée par la loi de finances pour 2004.

La Commission européenne et la Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt rendu le 20 novembre 2003 dans l'affaire GEMO, interdisent - je souligne ce mot - de continuer à faire supporter aux entreprises de la distribution le coût de l'élimination des déchets relevant du service public de l'équarrissage et imposent que ce coût soit supporté par les opérateurs producteurs de ces déchets, conformément au principe établi par le droit communautaire « pollueur-payeur ».

Pour autant, il n'est pas interdit aux entreprises redevables de cette taxe de chercher à en répercuter l'incidence dans leurs prix de vente.

De plus, le Gouvernement a prévu une disposition imposant à tout abatteur d'informer chacun de ses clients du montant des charges dont il s'acquitte au titre du financement du service public de l'équarrissage, à proportion des viandes ou des prestations d'abattage facturées. Cette somme fera l'objet d'une mention particulière au bas de la facture destinée à chaque client.

Cette disposition, qui est incluse dans un projet de décret d'application, est de nature à favoriser la négociation commerciale pour les opérateurs des filières viandes et les industries de transformation.

S'agissant du mode de financement, je vous confirme que les bouchers ne sont pas assujettis à la taxe d'abattage, alors que certains d'entre eux - je pense à ceux dont le chiffre d'affaires annuel était supérieur à 763 000 euros, montant qui était d'ailleurs assez vite atteint - restaient redevables, jusqu'au 31 décembre 2003, de la taxe sur les achats de viandes.

Au total, on ne peut pas dire que le dispositif proposé par le Gouvernement et adopté par le Parlement défavorise les bouchers - nous avons tout fait pour que ce soit le contraire - face à des dispositions communautaires qui interdisent de financer le service public de l'équarrissage par des crédits budgétaires. Le Gouvernement a pris des mesures qui lui paraissent équilibrées. A défaut, c'est le financement du service public de l'équarrissage, donc la qualité de notre viande et la confiance des consommateurs, qui serait mis en question, ce qui serait préjudiciable à tous les éleveurs de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées et du ton très compréhensif de votre réponse, même si je n'en partage pas tous les points.

Certes, c'est le rôle et même le devoir de l'Etat et du Gouvernement de faire respecter le droit, fût-il européen. Mais l'Etat et le Gouvernement ont également pour mission de faire en sorte qu'une réforme, et en particulier celle-ci, ne pénalise pas trop fortement un maillon de la filière, en l'occurrence les artisans bouchers. En effet, vous l'avez dit, ce sont les abatteurs qui supporteront la taxe et je ne me fais pas beaucoup d'illusions : ils la répercuteront sur l'aval de la filière, en particulier sur les bouchers. Or ceux-ci, contrairement à d'autres, puisque leur activité ne concerne qu'un seul produit, n'ont pas une grande marge de manoeuvre : ils ne peuvent répercuter cette taxe que sur le consommateur, ce qui ne me paraît pas être la bonne décision.

Je souhaite, monsieur le ministre, que le Gouvernement engage une concertation avec l'aval de la filière, c'est-à-dire les grossistes, les distributeurs et les artisans bouchers, car il y va de l'avenir de ces derniers, acteurs de notre économie mais aussi acteurs importants de l'aménagement du territoire, en particulier des territoires ruraux.

SITUATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, auteur de la question n° 410 adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'heure où notre région est endeuillée par une épidémie de légionellose dont l'origine est industrielle, alors même qu'elle paie un lourd tribut à l'industrialisation massive qu'elle a connue au xxe siècle et qu'elle en supporte désormais toutes les conséquences négatives en matière de friches industrielles et de dépollution, j'ai souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur l'émotion légitime qu'a suscitée auprès des victimes de l'amiante et de leurs familles l'ordonnance de non-lieu rendue par le tribunal de grande instance de Dunkerque à la suite des plaintes déposées en 1997 par des adhérents de l'Association régionale de défense des victimes de l'amiante du fait des conséquences médicales dramatiques d'une exposition professionnelle à l'amiante.

Ces plaintes datent du 26 avril 1997 ; elles ont donné lieu à l'ouverture d'une information, et l'ordonnance de non-lieu a, pour finir, été rendue le 16 février 2003. Qu'il me soit permis de souligner au passage la durée excessivement longue de cette instruction, pendant laquelle un des plaignants est, hélas ! mort des suites de sa maladie.

Les attendus de cette décision reconnaissent que des erreurs ont été commises dans la gestion du problème de l'amiante dans les trois entreprises mises en cause. Ils rappellent que la connaissance scientifique de la dangerosité de l'amiante est ancienne. Il existe, en effet, un premier rapport d'un inspecteur du travail datant de 1906 sur des décès consécutifs à l'inhalation des poussières d'amiante dans une filature. Il y a de nombreuses années que l'Institut national de la consommation, pour ne citer que lui, a alerté sur la dangerosité de l'amiante. Ce problème est donc largement connu et identifié.

Or, dans sa décision de non-lieu, le juge a estimé, sur la base de la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser les délits non intentionnels, que l'information n'avait pas permis d'établir que les personnes poursuivies avaient « soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ».

Je voudrais me faire le porte-parole dans cet hémicycle de l'indignation qu'a soulevée cette interprétation de la loi du 10 juillet 2000 auprès des personnes concernées. L'intention du législateur, lors de l'adoption de ce texte que mon éminent collègue Pierre Fauchon a eu la courtoisie d'expliciter pour la non-spécialiste du droit pénal que je suis, n'était certainement pas de permettre une exonération de responsabilités sur des questions de santé publique aussi graves que celles de l'amiante.

Cette décision étant la première dans la série des poursuites qui ont été engagées, vous comprendrez, madame la secrétaire d'Etat, que les personnes concernées lui donnent un sens tout particulier après l'avoir attendue si longtemps. Je souhaiterais savoir si cette décision qui se réfère à la loi du 10 juillet 2000 ne devrait pas déboucher sur une nouvelle réflexion sur la notion de délits non intentionnels dans le cadre des problèmes sanitaires tels que celui de l'amiante.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat, à qui vous me permettrez, mes chers collègues, d'exprimer ma considération, mon estime et mon amitié, tout en lui souhaitant la bienvenue dans notre Haute Assemblée.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Je vous remercie, monsieur le président.

Madame le sénateur, je comprends la déception des victimes concernées par ce dossier et de leurs familles ainsi que celle de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante, l'ANDEVA, qui a soutenu leur action.

Comment pourrait-il en être autrement ? Il s'agit, je l'indique pour ceux qui ne connaissent pas cette affaire, d'employés qui ont travaillé pendant plusieurs dizaines d'années sur des chantiers navals, au contact quotidien de fibres d'amiante friable utilisées pour l'isolation et l'étanchéisation de navires en construction. La poussière d'amiante ainsi inhalée a provoqué des affections respiratoires importantes et des cancers pour plusieurs d'entre eux. Deux ouvriers visés par l'instruction sont d'ailleurs décédés des suites d'un mésothéliome pleural, lié à leur longue exposition à l'amiante.

Dans ces conditions, on mesure toute la douleur des familles de ces travailleurs et tout l'espoir qu'elles ont pu mettre dans leur action en justice.

Il ne m'appartient pas de porter d'appréciation sur la motivation juridique de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction dans ce dossier. Ce sera à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, saisie de l'appel des parties civiles, d'apprécier s'il a été fait, en l'espèce, une bonne application des dispositions de la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.

Toutefois, pour répondre à votre question je tiens à rappeler la portée exacte de l'évolution législative réalisée par cette loi, afin que ne subsiste à ce sujet aucune ambiguïté.

L'esprit de la proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Parlement, nous le savons tous parfaitement, était de limiter la pénalisation excessive et stigmatisante des faits causant un préjudice à autrui, mais dus à une simple maladresse, imprudence, inattention ou négligence.

Avec la « loi Fauchon », deux hypothèses de responsabilité pénale sont désormais clairement distinguées en matière d'infractions non intentionnelles : celle de l'auteur direct de l'infraction qu'une faute simple suffit, comme auparavant, à rendre pénalement condamnable et celle de l'auteur indirect dont seule une faute caractérisée peut entraîner la condamnation.

Dans ce dernier cas, l'article 121-3 du code pénal prévoit que « les personnes physiques (...) qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ».

Appliqué au cas de l'amiante, l'une des difficultés juridiques les plus fréquemment soulevées par cet article tient à l'existence assez tardive de la législation et de la réglementation propres à l'empoussièrement et à l'exposition à l'amiante, qui ne remonte qu'à 1977, alors que de nombreux travailleurs victimes, comme c'est le cas dans le dossier cité, travaillaient au contact de l'amiante depuis plus de vingt ans.

Aussi, au-delà de l'obligation légale et réglementaire, peut-on reprocher à un industriel de n'avoir pas anticipé cette réglementation en prenant conscience plus tôt du danger présenté par l'amiante selon l'état des connaissances disponibles ? Je laisse le soin à chacun d'entre vous de se faire son opinion et, bien entendu, aux juridictions celui de se prononcer sur l'analyse juridique des situations concrètes.

Personnellement, il me semble que l'équilibre trouvé avec la « loi Fauchon » entre le risque de condamnation pénale inadéquate et celui de déresponsabilisation des acteurs sociaux est le bon. Il ne me paraît pas souhaitable de revenir dessus.

Les importants dossiers de santé publique dont la justice pénale est désormais saisie soulèvent des problématiques spécifiques tenant pour l'essentiel au nombre de victimes, à l'ancienneté des faits, à l'évolution de la connaissance scientifique, à l'établissement des liens de causalité et à l'administration de la preuve. En revanche, les règles de responsabilité ne me semblent pas devoir être mises en cause et en aucune manière elles n'engendrent une exonération des responsabilités.

Pour conclure, je souhaite insister sur la gravité que constitue pour tous une sanction pénale quelle qu'elle soit. C'est pourquoi, en matière pénale, les conditions de responsabilité sont généralement plus strictes. C'est particulièrement vrai, vous le savez, dans le cas de l'amiante, où la jurisprudence des juridictions civiles et de sécurité sociale s'est fixée en un sens très favorable aux victimes.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de la précision de votre réponse. Nous sommes convaincus de l'intérêt que vous portez aux victimes de l'amiante.

Mon intention était d'attirer une fois de plus l'attention du Gouvernement sur la préoccupation des victimes de l'amiante face à une décision de justice qui est tout de même symbolique puisque c'est la première dans la longue série d'actions engagées depuis 1997.

Certes, il ne s'agit pas de stigmatiser telle ou telle entreprise, et loin de moi une telle intention, mais il ne faudrait pas qu'à l'avenir cette décision soit interprétée dans le sens d'une diminution de la responsabilité des uns et des autres.

De chaque côté, celui des salariés comme celui des employeurs, il y a des droits et des devoirs, mais la prévention en matière de santé dans le travail est aussi un aspect suffisamment important, en particulier dans le cas de l'amiante, pour que le Gouvernement lui accorde tout sa vigilance.

Il s'agit en l'occurrence d'une décision de justice et j'ai bien compris, même si je ne suis pas juriste, qu'elle ne saurait être mise en cause. Cependant, lorsque l'on rencontre les victimes, on ne peut qu'être sensible à leur désarroi. Nous devrions un jour être capables de faire la synthèse entre ces deux aspects.

protection de l'épave du léopoldville

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 399, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur une question qui, à quelques mois des célébrations du soixantième anniversaire du débarquement allié sur les plages de Normandie, prend un caractère plus que symbolique. Elle concerne en effet l'épave du cargo Léopoldville, coulé au large de Cherbourg dans la nuit de Noël 1944, avec à son bord 763 soldats américains venus renforcer le front allié pour bloquer la contre-offensive allemande.

En juillet 2001, un grave accident de plongée révélait que le site était assidûment fréquenté par les amateurs de plongée et que selon toute vraisemblance, des ossements et des objets avaient été récupérés.

Ces actes de profanation - il n'y a pas d'autre mot - avaient provoqué une énorme émotion aux Etats-Unis et dans notre région, la Normandie.

La plongée sur le site est désormais réglementée par un décret du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord qui soumet toute plongée à une autorisation préalable et qui interdit de pénétrer dans le bâtiment et de ramasser des ossements.

L'épave est par ailleurs classée bien culturel maritime.

Mais plusieurs associations, notamment d'anciens combattants américains, souhaitent aller au-delà afin que ce « cimetière marin » soit reconnu et protégé plus efficacement.

La notion de cimetière marin n'existe ni en droit français, ni en droit international. Néanmoins, ces associations souhaitent qu'un statut particulier soit donné à ce site pour le rendre plus officiel.

Fin 2001, j'avais adressé plusieurs courriers au précédent gouvernement à ce sujet. Plusieurs pistes avaient alors été mises à l'étude, notamment au sein de la direction des affaires juridiques du secrétariat d'Etat aux anciens combattants et de la direction de l'architecture et du patrimoine du ministère de la culture.

Lors de votre prise de fonctions en juin 2002, je vous ai également adressé un courrier pour vous faire part de ces démarches, monsieur le secrétaire d'Etat.

Je mesure bien les difficultés juridiques, voire diplomatiques, que peut soulever un tel sujet. Mais, en 2004, la France célébrera le soixantième anniversaire du débarquement allié en Normandie et le naufrage du Léopoldville est un des épisodes dramatiques survenus les mois précédant la Libération. A cette occasion, je renouvelle ma demande, monsieur le secrétaire d'Etat : ne pourrait-on pas transformer ce carré de mer en un véritable lieu de souvenir ?

Par ailleurs, ne serait-il pas envisageable d'organiser une manifestation de recueillement et de souvenir sous l'égide de l'Etat et en accord avec l'ambassade des Etats-Unis le jour de Noël 2004, afin d'officialiser ce site comme lieu de mémoire de ce tragique épisode de notre histoire ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, dans la nuit du 24 au 25 décembre 1944, alors qu'il faisait route vers Cherbourg, le cargo Léopoldville a été torpillé par un sous-marin allemand : 763 soldats américains ont, vous l'avez dit, péri lors du naufrage. Je salue, bien entendu, avec respect leur mémoire.

L'épave du Léopoldville repose à soixante mètres de fond, dans les eaux territoriales françaises. Son parfait état de conservation explique les visites réitérées de plongeurs dont elle a fait l'objet depuis plusieurs années.

Monsieur le sénateur, je suis évidemment sensible à l'émotion des associations de vétérans. Je souhaite souligner que des mesures - manifestement efficaces, nous nous en sommes assurés - ont déjà été prises.

En application de l'article 1er de la loi du 1er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes, le ministre de la culture a pris, le 8 mars 2001, un arrêté classant l'épave du Léopoldville « bien culturel maritime » pour assurer sa sauvegarde.

Afin de prévenir les vols ou les actes de profanation par des particuliers, le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord a, quant à lui, pris le 31 juillet 2001 un arrêté contraignant les associations de plongeurs à demander une autorisation préalable avant toute plongée sur le site.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, la protection des restes humains est réglementée par l'article 225-17 du code pénal, qui prévoit que « toute atteinte à l'intégrité du cadavre, par n'importe quel moyen que ce soit », sera punie d'une forte amende et d'une peine d'un an d'emprisonnement.

Vous suggérez la création d'un « cimetière marin », monsieur le sénateur, mais cette notion n'existe pas en droit, comme vous le soulignez vous-même, et la création d'un précédent ne manquerait pas de soulever d'insurmontables difficultés en raison de l'importance du nombre de navires jonchant, hélas ! le fond des mers.

Je vous informe cependant que la marine nationale, à laquelle nous avons demandé un rapport sur la situation exacte, déclare que les mesures prises ont eu des effets pour l'instant dissuasifs et qu'aucun incident particulier n'a eu lieu depuis plusieurs mois.

Cette information est, je l'espère, de nature à dissiper les inquiétudes des associations représentatives.

Bien évidemment, nous restons d'une vigilance absolue afin de prévenir tout acte répréhensible.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait, et des précisions que vous venez d'apporter.

J'insiste sur le fait qu'une manifestation officielle, à l'occasion de ce soixantième anniversaire, permettrait d'authentifier ce lieu comme « cimetière marin », même si, comme vous l'avez dit, il est délicat d'utiliser ce terme en raison du nombre d'épaves au large des côtes de notre département. Comme il s'agit des eaux territoriales, seul l'Etat pourrait organiser une manifestation commémorative.

CARTE SCOLAIRE ET ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, auteur de la question n° 400, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le secrétaire d'Etat, la rentrée scolaire de 2004 s'annonce morose et pire que la précédente, car elle sera marquée par des restrictions budgétaires et par de nouvelles suppressions de postes.

Pour l'académie de Nancy-Metz, ce sont plus de 600 postes d'enseignants et de personnel IATOS - ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers, de services - qui seront supprimés. Cette nouvelle a été très mal accueillie par les syndicats et les parents d'élèves, qui dénoncent une démarche purement comptable et parlent même d'une « hémorragie historique dans les effectifs ».

La diminution du nombre des élèves ne saurait, à elle seule, justifier la baisse de l'effectif enseignant et IATOS. Il est tout à fait indispensable de tenir compte de la réalité du terrain et des particuliarités des bassins de population. La Lorraine, dont je suis élue, est une région en grande difficulté, qui présente un fort taux de ruralité et un taux de chômage nettement au-dessus de la moyenne.

M. Gérard Longuet. C'est inexact, madame ! Le taux est inférieur à la moyenne nationale !

Mme Gisèle Printz. Ce n'est pas mon avis.

M. Gérard Longuet. Ce sont les chiffres !

Mme Gisèle Printz. Cette diminution d'effectif va poser problème dans de nombreux secteurs, et il est légitime de s'interroger sur le rôle social que l'enseignement public peut jouer dans ces conditions.

Cette mauvaise nouvelle intervient en outre au moment où, sur la demande du ministre de l'éducation nationale, le recteur de l'académie de Nancy-Metz a organisé un plan sévère de restructuration des filières de formation professionnelle et technologique. Nous savons que ce projet se traduira par la suppression pure et simple de plusieurs de ces filières dans de nombreux établissements. A moyen terme, certains d'entre eux fermeront.

L'émotion est très vive, car ce démantèlement restreindra considérablement l'offre de formation dans des bassins entiers d'emplois et de population. Seuls quelques lycées émergeront, ce qui contraindra les élèves à des déplacements supplémentaires qui engendreront des frais importants pour les familles, souvent démunies. Notons aussi que les liaisons, ferroviaires ou autres, ne sont pas toujours assurées d'un bassin à l'autre, d'où l'importance des établissements de proximité.

Au moment où le Gouvernement feint de consulter à travers son grand débat sur l'école et où il nous tient de grands discours sur la nécessité d'une formation compétitive à l'heure de la mondialisation, il organise le démantèlement du service public de l'éducation et de la formation professionnelle et technologique. En effet, dans un cas comme dans l'autre, force est de constater que seule une logique purement comptable et financière prédomine. Veut-on une formation à deux vitesses ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'acceptons pas cette logique et nous ne comprenons pas que de telles décisions puissent être prises unilatéralement, sans tenir compte des particularités locales. La Lorraine est touchée de plein fouet par le déclin de la sidérurgie et par les vagues successives de licenciements qui ont suivi. De nombreux efforts de reconversion industrielle y sont entrepris, mais c'est une région encore convalescente, au sein de laquelle l'éducation nationale joue un rôle primordial.

Nous avons besoin de nos enseignants. Nous voulons le maintien de nos filières technologiques et professionnelles si l'on veut que nos jeunes restent compétitifs sur le marché du travail. C'est pourquoi je vous demande, avant d'entériner toute décision concernant la Lorraine, de tenir compte de sa situation particulière.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Luc Ferry, qui répond en ce moment même à des questions à l'Assemblée nationale.

Les suppressions de postes dans l'académie de Nancy-Metz peuvent paraître importantes. Mais il faut les comparer à la baisse du nombre des élèves, qui est considérable en Lorraine.

Ainsi, à la rentrée de 2003, les effectifs avaient diminué de 3 222 élèves dans le second degré, principalement dans les collèges, et de 1 100 élèves dans le premier degré.

A la rentrée de 2004, cette baisse touchera collèges et lycées, avec 4 330 élèves en moins, dont près de 3 000 dans les collèges.

Le département de la Moselle est le plus touché. Les effectifs y sont en baisse de 2,3 %, contre 1,7 % à l'échelon académique.

De plus, madame la sénatrice, nous devons tenir compte de la nécessité de rééquilibrer les dotations entre académies, l'académie de Nancy-Metz bénéficiant de taux d'encadrement très nettement supérieurs à la moyenne nationale.

Nous avons bien sûr tenu compte des difficultés sociales et des contraintes territoriales pour définir le niveau de prélèvements d'emplois. Le taux de chômage en Lorraine est aujourd'hui légèrement inférieur à la moyenne nationale, comme vous le savez.

Par ailleurs, le recteur poursuit le plan de réorganisation de l'offre de formation professionnelle.

Les filières technologiques et professionnelles seront développées et les pôles de spécialités par lycée renforcés.

La Lorraine dispose de soixante-quatre lycées professionnels et de quatorze sections d'enseignement professionnel. Il convient de les faire travailler en complémentarité et non en concurrence. La réorganisation entamée à la rentrée de 2003 se poursuivra jusqu'en 2006.

Madame la sénatrice, je peux donc vous rassurer : l'ajustement de la carte scolaire a pour objectif de conforter le service public en l'adaptant. Sans cette politique, l'avenir serait catastrophique pour nombre de nos établissements fragilisés par des effectifs de plus en plus faibles, en particulier dans les zones rurales.

Telle est, madame la sénatrice, la réponse que je souhaitais apporter à votre question.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne me rassure pas. Je dispose, quant à moi, d'autres chiffres.

Comme je l'ai souligné au début de mon intervention, la diminution du nombre d'élèves s'explique par des fermetures massives d'établissements. En effet, dans l'académie de Nancy-Metz, on assiste à une hausse des effectifs dans le premier degré. La facture est lourde à payer : nous devons supprimer soixante-seize postes, dont cinquante-six en Moselle. Nos arguments ne sont donc pas les mêmes que ceux du Gouvernement.

En Lorraine et en Moselle, après l'emploi, c'est l'enseignement que l'on s'apprête à casser. L'avenir pour le personnel enseignant, pour les personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service, les IATOS, et pour les élèves, ne se présente pas sous des auspices encourageants, ce que je déplore profondément.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE

DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.

M. Jack Ralite. Dans quelques minutes, nous allons commencer l'examen d'un projet de loi concernant notamment le dialogue social. Or, en ce moment même, se déroule un conflit social à Radio France. Il dure depuis déjà huit jours et semble, pour ne pas dire qu'il est bloqué au niveau gouvernemental par les déclarations de M. Aillagon, ministre de la culture et de la communication, refusant un médiateur.

Que se passe-t-il exactement à Radio France, qui est le premier groupe de radiodiffusion de notre pays et dont la qualité est très appréciée ?

Il existe depuis longtemps une disparité salariale, à fonction semblable, avec la télévision. A la suite d'un mouvement, en 1994, et du plan de M. Servin, qui avait été nommé comme médiateur, la disparité avait été reconnue par la tutelle et un plan de résorption de trois ans avait été mis debout, avec l'engagement qu'à son issue, à partir d'un état des lieux, des dispositions seraient prises pour rattraper les inégalités qui subsisteraient. De fait, ce plan avait été mentionné dans deux autres accords, en 1997 et en 2000. Mais depuis, malgré les engagements de la direction, cela n'a pas été fait.

Par ailleurs, le point d'indice de référence est bloqué depuis sept ans, et il est question, du point de vue de la tutelle, de maintenir le statu quo une huitième année.

On mesure bien ainsi les raisons légitimes du conflit, on mesure bien qu'il faut négocier au niveau de la tutelle. Autrement, cela veut dire que l'on délégitime la démarche ouverte par le plan Servin et que l'on vide de son sens la convention collective.

Ajoutons que, même si ce n'est pas écrit, il se murmure que le projet existe de créer un pôle télévisuel et un pôle radio, ce qui pose la question du devenir du service public. Un éclatement du pôle audiovisuel public français ne serait-il pas envisagé, qui serait comme un rappel de l'éclatement de l'ORTF, avec les conséquences que l'on sait ?

Vraiment, ce mouvement au sein de Radio France illustre bien les limites du projet de loi dont nous allons débattre ! Il faut négocier avec les journalistes de Radio France, leur intersyndicale, et bien entendre la sympathie naturelle qui les entoure et qui s'exprime, notamment, parmi les chercheurs et les médecins des hôpitaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Estier.

M. Claude Estier. Je tiens à associer le groupe socialiste aux paroles que vient de prononcer M. Ralite.

Nous souhaitons, nous aussi, qu'une véritable négociation s'engage très rapidement et se conclue favorablement avec les journalistes de Radio France qui sont en grève depuis plusieurs jours. Leurs revendications sont légitimes. Il serait temps d'en tenir compte afin que Radio France puisse retrouver sa capacité d'écoute et d'audience, qui est très importante pour l'ensemble du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Acte est donné de ces déclarations.

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FORMATION PROFESSIONNELLE

ET DIALOGUE SOCIAL

Discussion d'un projet

de loi déclaré d'urgence

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Exception d'irrecevabilité

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 133, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. [Rapport n° 179 (2003-2004).]

Dans la discussion générale la parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, madame, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis plus de vingt mois maintenant, le Parlement a eu l'occasion de débattre d'un nombre important de réformes sociales.

M. Gilbert Chabroux. Hélas !

M. François Fillon, ministre. Mais en vous présentant aujourd'hui ce projet de loi, j'ai plus que jamais la conviction que nous sommes ici au coeur de la nécessaire modernisation de notre pacte économique et social.

Les deux volets du projet de loi illustrent une même philosophie. En transposant deux accords conclus par les partenaires sociaux, ils témoignent de la responsabilité des acteurs sociaux et font la promotion d'une démocratie plus participative.

Ils illustrent aussi une conscience partagée des défis à relever : développer la formation, relancer la promotion sociale et augmenter le niveau de qualification de tous les salariés, en particulier de ceux qui sont les plus vulnérables face aux restructurations et aux licenciements.

Notre pays a besoin de réformes. Procéder aux ajustements nécessaires dans l'organisation de nos relations sociales, de notre droit du travail et de notre protection sociale est une condition du maintien de notre niveau de développement économique et social au sein des pays de l'Union européenne et dans une économie ouverte sur le monde.

Le deuxième titre du projet de loi porte sur le dialogue social. Comme vous le savez, il s'appuie sur la Position commune sur les voies et moyens de la négociation collective établie par tous les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT, le 16 juillet 2001.

Cette réforme est sans doute la plus importante dans le domaine des relations sociales qu'ait connue notre pays depuis trente ans. Son ambition est de moderniser notre système de négociation collective en adaptant les « règles du jeu » pour les mettre au niveau d'une démocratie sociale moderne.

Cette réforme, bien entendu, bouscule quelques habitudes bien ancrées et remet en cause un certain nombre de positions acquises. Elle n'en est pas moins nécessaire si nous voulons dynamiser le dialogue social dans notre pays et lui donner des règles adaptées aux enjeux du siècle nouveau, à l'image de ce qu'ont fait nos voisins européens.

Chacun doit bien mesurer la portée de ce projet de loi : il s'agit de repenser un système qui date de plus de trente ans et qui, aujourd'hui, est proche de l'essoufflement ! Le taux de syndicalisation n'a jamais atteint des seuils aussi bas, et la faiblesse des corps intermédiaires essouffle et affaiblit notre démocratie sociale.

La culture de la protestation sociale demeure plus prégnante que celle du réformisme social, dont dépend pourtant la sauvegarde et le développement de notre modèle social. L'éclatement des liens sociaux qui affecte notre société nourrit les extrémismes et les comportements poujadistes. A l'évidence, comme la démocratie politique, la démocratie sociale doit tendre vers de nouveaux modes de fonctionnement afin d'être plus participative, plus solidaire et plus cohésive.

Je souhaite par conséquent un dialogue social ouvert et constructif, rassemblant des partenaires sociaux responsables et capables d'assumer, à tous les niveaux de la négociation, des décisions parfois difficiles. Cela passe par un renforcement de la légitimité des accords collectifs négociés ; cela passe aussi par un nouvel équilibre dans les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux, et par la promotion de la négociation collective.

En effet, la négociation collective porte en elle des valeurs qui sont la marque d'une société moderne : la reconnaissance et le respect de l'interlocuteur, même s'il est issu d'une autre culture et porteur d'intérêts différents ; la pratique de concessions au bénéfice de la recherche du compromis et au service de l'intérêt général ; le souci de promouvoir une société de dialogue créatrice de lien social entre les citoyens grâce à des corps intermédiaires représentatifs et légitimes.

Notre démocratie sociale n'en sera que plus apaisée et renforcée. Elle n'en relèvera que mieux les défis de l'avenir, tout en restant fidèle aux valeurs de notre pacte social : la solidarité, l'égalité des chances et de traitement, ou encore un égal accès aux droits et à la promotion sociale.

A travers ces valeurs, la négociation collective porte aussi en elle l'esprit de responsabilité. Parce que les partenaires sociaux représentent ceux qui les mandatent et parce qu'ils agissent en leur nom, ils doivent rendre des comptes sur leurs choix et sur leurs décisions, sur les solutions qu'ils auront su trouver pour régler les problèmes d'emploi dans les entreprises et dans les branches. C'est pourquoi, dans l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement s'est engagé, avant toute réforme de nature législative touchant les relations du travail, à donner la priorité à la négociation collective. Nous proposons en quelque sorte aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités avant que ne soit entreprise une démarche législative.

Une telle démarche peut être rapprochée des mécanismes du traité de l'Union européenne : la Commission européenne, en effet, avant d'adresser toute proposition de directive au Conseil et au Parlement européen, saisit les partenaires sociaux européens et leur laisse, le cas échéant, l'initiative de l'action. Cette pratique n'est d'ailleurs pas totalement étrangère à notre propre tradition. Il n'y a pas si longtemps encore, l'Etat, le législateur et les partenaires sociaux joignaient leurs efforts pour, chacun dans son rôle, forger et mettre en oeuvre les grandes réformes qui ont façonné notre modèle social.

Je ne citerai ici qu'un seul exemple : l'accord interprofessionnel de 1970, suivi par la loi de 1971 sur la formation professionnelle. Cet exemple nous renvoie à l'accord de 2003 sur la formation professionnelle et au projet de loi dont nous allons discuter ces prochains jours.

Des contre-exemples existent également. Ainsi, la réduction autoritaire de la durée du travail, qui a suivi la « journée des dupes » du 10 octobre 1997, illustre ce qu'il faut éviter à l'avenir ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. François Fillon, ministre. L'engagement pris par le Gouvernement ne signifie pas que l'Etat, donc le législateur, abdique ses responsabilités ; au contraire, seul le législateur a la légitimité démocratique. Il signifie simplement une meilleure répartition des rôles entre les acteurs politiques et les acteurs sociaux. Elle est dans l'intérêt des deux parties, car elle devrait permettre d'aboutir à des lois qui soient recentrées sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la fixation des principes fondamentaux, et qui soient facilement applicables dans les entreprises.

Comme vous le savez, le Gouvernement entend poursuivre la réforme en ce domaine. J'ai ainsi demandé aux partenaires sociaux de se saisir du rapport Virville, qui va faire l'objet, dans les prochaines semaines, de concertations approfondies. Ce rapport ouvre des pistes intéressantes, si l'on veut bien se donner la peine de le lire sans isoler telle ou telle proposition à des fins polémiques.

La responsabilité de tous les acteurs sociaux, voilà ce qu'il est de notre devoir d'encourager. Donner aux partenaires sociaux les moyens de trouver les compromis légitimes susceptibles de garantir le progrès social et le développement économique, tel est l'enjeu de ce projet de loi !

Mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme qui vous est proposée afin de renforcer le syndicalisme dans notre pays et de lui faire prendre toutes ses responsabilités est à la fois ambitieuse et équilibrée. Elle vise d'abord à inscrire le principe majoritaire comme condition de validité des accords collectifs et à en affirmer ainsi la légitimité ; elle vise ensuite à tirer la conséquence de ce principe en renforçant l'autonomie des niveaux de négociation et en permettant à un accord d'entreprise majoritaire de déroger aux accords de rang supérieur.

Le principe de l'accord majoritaire - quelle qu'en soit la forme : majorité d'adhésion ou majorité d'opposition - est donc posé au niveau de l'entreprise. Au niveau de la branche, le principe d'une élection de représentativité est affirmé.

La loi pose le principe de l'autonomie de l'accord d'entreprise par rapport à l'accord de branche. Concrètement, cela signifie que les marges de négociation sont accrues à tous les niveaux : au niveau de l'entreprise, pour définir ses propres équilibres, mais aussi au niveau de la branche, en permettant des accords-cadres et des accords supplétifs prenant en compte la diversité des entreprises.

L'accord de branche reste toutefois impératif dans trois domaines : la fixation des salaires minima, les grilles de classification et les mécanismes de mutualisation des financements, par exemple celui de la formation professionnelle. Bien évidemment, l'accord de branche pourra maintenir dans d'autres domaines également un caractère impératif à ses dispositions si tel est le souhait des négociateurs.

Enfin, j'ajoute que ces nouvelles dispositions sur l'articulation des niveaux de négociation n'ont pas de caractère rétroactif. Ainsi se trouve respectée la valeur hiérarchique que les négociateurs avaient entendu conférer à leurs accords.

Le projet de loi correspond donc à un double équilibre : équilibre, d'abord, entre la validité nouvelle des accords liée à l'accord majoritaire, d'une part, et l'autonomie des niveaux de négociation, d'autre part ; équilibre, encore, mais qui reste à trouver au niveau des branches et des entreprises, par la négociation, dans le degré d'autonomie à donner aux accords d'entreprise.

Ce double équilibre correspond pour l'essentiel à la Position commune, n'en déplaise à ses détracteurs, qui semblent avoir oublié ce qu'ils ont signé...

L'ouverture de nouveaux espaces à une négociation collective dont la légitimité se trouve ainsi renforcée a pourtant fait couler beaucoup d'encre. Sur ce sujet, il faut sortir des faux débats et des mauvais procès.

Donner à la négociation d'entreprise la possibilité de développer des équilibres nouveaux et différents, sur tel ou tel aspect, des dispositions prévues par la branche ne va pas à l'encontre des droits des salariés. Affirmer le contraire, c'est méconnaître la responsabilité des partenaires sociaux, c'est mésestimer la maturité des salariés, des entreprises et de leurs représentants, ainsi que leur capacité à régler au plus près du terrain les problèmes d'organisation du travail et de l'emploi... C'est tout simplement faire preuve d'un profond archaïsme. (M. Roland Muzeau s'exclame.)

La réforme des règles de la négociation collective ne peut qu'être progressive. Elle donnera lieu à une véritable évaluation d'ici à 2007.

Dans ce domaine - comme dans d'autres, d'ailleurs -, le Gouvernement a fait preuve de courage et a su dégager une position équitable. Tout en refusant de céder à la tentation du statu quo, nous avons évité la dérive d'un grand bouleversement - qui aurait sans doute été, du reste, le meilleur moyen pour ne rien changer.

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, les bonnes réformes s'inscrivent dans la durée. C'est ce que le Gouvernement vous propose de faire, en ayant confiance dans le dialogue social, conformément aux engagements du Président de la République.

Le projet de loi contient également d'autres propositions, reprises pour l'essentiel de la Position commune, visant à favoriser le développement de la négociation collective : ainsi, dans des conditions strictement encadrées par la branche, des accords pourront être conclus avec les élus du personnel dans les entreprises où il n'y a pas de délégué syndical.

D'autres dispositions visent à faciliter le développement de la négociation dans les groupes d'entreprises ou au niveau territorial.

Les moyens donnés au dialogue social seront renforcés : droit de saisine des organisations syndicales, utilisation des nouvelles technologies de l'information, organisation des carrières des militants syndicaux.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de ce titre sur le dialogue social. Si elles sont si diversement critiquées, c'est sans doute qu'elles remettent en question bien des habitudes, bonnes ou mauvaises ; c'est aussi sans doute qu'elles froissent bien des intérêts.

Mais ce texte novateur est équilibré. Il constitue la condition d'un renouveau de la démocratie sociale dans notre pays. Il va permettre un essor de la négociation, et cela à tous les niveaux, sans contrainte, contrairement aux accords qui ont suivi les lois Aubry, mais en faisant confiance aux partenaires sociaux.

Car tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le mot clé de cette réforme : la confiance !

Ce texte fait en effet confiance aux acteurs sociaux, qui sauront, j'en suis persuadé, le mettre en oeuvre et en dégager toutes les potentialités.

L'accord du 20 septembre dernier, sur la formation professionnelle, constitue en cela un signe encourageant. Au terme d'un dialogue social ouvert et constructif, les partenaires sociaux ont conclu à l'unanimité un accord interprofessionnel sur la formation professionnelle, qu'il appartient désormais au Parlement de traduire dans la loi.

Gage d'épanouissement professionnel pour le salarié, la formation est un outil essentiel du dynamisme économique. Je suis en effet convaincu que, face aux fluctuations accélérées du marché de l'emploi et aux évolutions technologiques qui affectent les méthodes de travail, la compétitivité des entreprises et la protection des salariés dépendront moins d'un foisonnement de textes que de leurs possibilités d'adaptation et d'évolution.

Par ailleurs, la formation professionnelle doit s'inscrire au coeur de notre politique de l'emploi. La possibilité donnée à chacun de se former, c'est la meilleure arme contre le chômage ! C'est la capacité pour chaque salarié de progresser dans son parcours ou de rebondir professionnellement.

A cet égard, les mutations démographiques qui affectent notre pays obligent à inscrire la formation professionnelle dans le cadre de l'allongement des durées d'activité. C'est un enjeu que nous devons relever collectivement. J'ai déjà eu l'occasion de dire combien la responsabilité des entreprises est engagée sur ce sujet. Il faut mettre fin à l'éviction des seniors du marché du travail par une meilleure gestion des âges dans les entreprises.

Enfin, devant les difficultés de recrutement rencontrées aujourd'hui dans certains secteurs d'activité et les pénuries sectorielles et locales que nous rencontrerons probablement demain, nous n'aurons pas d'autres choix que de prendre en compte l'ensemble des ressources en main-d'oeuvre mobilisables : les jeunes et les travailleurs en seconde partie de carrière, en veillant à l'adaptation de leurs compétences aux besoins futurs.

Face à ces enjeux, le dispositif actuel peinait à trouver toute son efficacité. De nombreux travaux conduits ces dernières années ont mis en évidence les lacunes de notre système de formation.

D'abord, l'accès à la formation continue demeure très inégal. Bien souvent, le projet de se former est le propre des personnes déjà formées ou de celles qui travaillent dans les grandes entreprises. Par ailleurs, la formation continue n'a pas su toujours apporter une qualification complémentaire à celle qui a été acquise au cours de la formation initiale. Enfin, le système de formation apparaît cloisonné, peu lisible et particulièrement complexe.

Dès lors, malgré les sommes consacrées annuellement à la formation professionnelle, qui sont de l'ordre de 22 milliards d'euros, les résultats sont parfois, pour ne pas dire souvent, décevants pour les salariés.

Face à ces constats, il était urgent de réagir. Sur la base de l'accord signé par tous les partenaires sociaux, le 20 septembre dernier, le projet de loi prévoit la création d'un droit individuel à la formation de vingt heures par an, cumulable pendant six ans, utilisable avec l'accord du chef d'entreprise. Ce droit individuel sera utilisable en cas de licenciement, sauf s'il y a faute grave et, sous certaines conditions, en cas de démission. Ce nouveau droit, lié à l'individu, permet la mise en oeuvre d'une assurance formation à son bénéficiaire. L'engagement du Président de la République est ainsi respecté !

La deuxième innovation du texte concerne le partage du temps de formation entre le temps de travail et le temps libre. L'accord interprofessionnel, que nous avons repris, prévoit une coresponsabilité entre le salarié, qui pourra développer ses compétences en utilisant une partie de son temps à se former, et l'entreprise, qui lui versera une allocation de formation s'il se forme partiellement en dehors de son temps de travail.

A cet égard, le projet de loi distingue trois catégories d'actions de formation : la formation pour s'adapter à son poste de travail ; la formation pour évoluer ou se maintenir dans son emploi ; enfin, la formation pour développer ses compétences.

Cette nouvelle typologie renvoie à des modalités spécifiques de mise en oeuvre, qui traitent, notamment, de leur déroulement pendant ou en dehors du temps du travail.

Une troisième innovation figure dans ce projet de loi avec la création des contrats de professionnalisation, qui se substitueront aux actuels contrats de formation en alternance. Leur objectif est de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle en permettant d'acquérir un diplôme, un titre ou une qualification. Ils comporteront une période de formation et une autre de travail en entreprise. Ce dispositif modulable relancera la formation en alternance. Afin de permettre aux différents acteurs de s'adapter aux nouvelles exigences posées par la loi, l'Assemblée nationale a décalé du 1er juillet au 1er octobre 2004 la mise en oeuvre de ces contrats.

Le quatrième point important de la réforme est financier : la part de la masse salariale consacrée à la formation passera de 0,15 % à 0,55 % dans les entreprises de moins de dix salariés, et de 1,5 % à 1,6 % dans celles qui comptent plus de dix salariés. Même si, en pratique, beaucoup d'entreprises font davantage que le minimum légal, il résultera de cet effort financier supplémentaire un progrès significatif, en particulier dans les petites et moyennes entreprises.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales innovations relatives à la formation.

Pour accompagner cette réforme, l'effort financier consenti par l'Etat en faveur de la formation sera renforcé. Ainsi, les contrats de professionnalisation bénéficieront d'une exonération de cotisations. De même, l'allocation formation ne sera pas soumise à cotisations.

Par ailleurs, le Gouvernement travaille, dans le cadre de la préparation de la loi de mobilisation pour l'emploi, à la « deuxième chance » ; je veux parler de la formation qualifiante différée pour ceux qui sont sortis sans qualification du système scolaire. Celle-ci sera définie en phase avec les régions - qui disposent, désormais, de nouvelles compétences dans le cadre de l'approfondissement de la décentralisation -, avec l'éducation nationale et avec les partenaires sociaux.

L'un des grands enjeux des prochaines années sera d'ailleurs de développer la coopération entre les branches professionnelles et les régions. Il conviendra de promouvoir et de structurer la concertation sociale à l'échelon territorial, comme il convient de la rénover à l'échelon national pour l'adapter aux réformes en cours.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales orientations du projet de loi qui est soumis à votre assemblée et auquel votre commission des affaires sociales propose, grâce à un travail en profondeur de vos deux rapporteurs, des améliorations justifiées.

J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de dire combien ce texte n'est pas le fruit d'un choix partisan décidé « d'en haut ». Il intervient au terme d'une longue maturation collective, une maturation révélatrice de certains des blocages de la société française : blocage des corps intermédiaires, blocage du débat qui oppose de manière stérile sociaux et libéraux, blocage des gouvernants devant la réforme.

Je suis fier de vous présenter ce texte tant il est conforme à l'idée que je me fais de ma mission : donner à la France, pour le long terme, les outils structurels de son développement et de son adaptation à la modernité.

Il est, par ailleurs, porteur d'une philosophie politique à laquelle je crois : les solutions pour notre avenir sont dans l'alliance entre la liberté d'entreprendre et l'am-bition sociale, une alliance qui repose sur la confiance faite aux acteurs sociaux tant ils savent prendre leurs responsabilités.

Au-delà même de nos clivages respectifs, ce sont les Français eux-mêmes qui contribueront à forger cette alliance, grâce aux instruments que peut leur donner ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur de la commission des affaires sociales. Durant l'été 2002, lors du lancement des nouveaux contrats jeunes en entreprise, certains partenaires sociaux vous avaient reproché, monsieur le ministre, de ne pas prêter une attention suffisante à la formation professionnelle. Vous les aviez alors invités à reprendre les négociations sur la formation, avec l'objectif d'aboutir dans un délai de dix-huit mois, à défaut de quoi vous vous engagiez à déposer un projet de loi. Ce délai n'a finalement pas été nécessaire : le 20 septembre 2003, au terme d'une ultime séance de vingt heures, et après une négociation - un marathon de trois années - souvent âpre, les partenaires sociaux se sont enfin entendus sur la réforme de la formation professionnelle continue.

Cet accord a été signé par l'ensemble des partenaires sociaux, le fait est assez rare pour que l'on ait parlé d'un accord historique.

Certes, depuis la transposition de l'accord national interprofessionnel, l'ANI, en projet de loi, on a pu entendre ici ou là des réserves, des remords ou des inquiétudes, mais sans qu'ils conduisent à sa remise en cause.

Les réactions les plus marquées proviennent des organismes de formation, qui contestent la création des nouveaux contrats de professionnalisation. Depuis le passage du projet de loi à l'Assemblée nationale, on avait pu croire leurs inquiétudes apaisées. Mais elles continuent à dénoncer « la mort annoncée de l'alternance », ce qui doit nous conduire à faire preuve de clarté et de pédagogie pour mieux expliquer nos intentions.

Car, après la signature de l'ANI, il appartient désormais au Parlement d'organiser la transposition législative de l'accord. La méthode nous a paru convaincante. On aurait pu craindre que les progrès du dialogue social n'empiètent sur le champ des compétences sociales que la Constitution donne au Parlement. Je constate qu'il n'en est rien. Pour preuve, l'Assemblée nationale a adopté soixante-cinq amendements à ce projet de loi et a enrichi son volet « formation » de trois articles.

Nous pouvons encore l'améliorer. Mais je crois qu'il nous faut avoir en permanence le souci de préserver l'équilibre du texte signé par les partenaires sociaux qui se sont quittés, au soir du 20 septembre, avec la ferme intention de se réunir, une fois la loi adoptée, pour vérifier sa conformité avec leur accord. C'est en ce sens qu'il faut comprendre la lettre paritaire qu'ils vous ont envoyée, monsieur le ministre, le 13 janvier dernier pour contester certaines évolutions du projet de loi après son examen par l'Assemblée nationale. Nous avons entendu leur appel.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'en viens à présent au contenu des dispositions du volet « formation » qui figurent au titre Ier du projet de loi.

Sa philosophie se résume en un seul mot : responsabilité. Tous les acteurs de la formation professionnelle doivent, en effet, assumer les responsabilités qui leur incombent, dans les limites de leurs compétences respectives et avec un triple objectif : faire de la formation un droit réel, et non plus théorique, pour les salariés ; rompre avec une tendance, vieille de trente ans, qui a vu les inégalités d'accès à la formation se creuser entre les moins qualifiés et les cadres, les hommes et les femmes, les jeunes et les seniors, les petites et moyennes entreprises et les grandes structures ; enfin, favoriser la compétitivité de nos entreprises.

Tout d'abord, les salariés et les employeurs sont fortement incités à mobiliser les nombreux dispositifs de formation professionnelle qui existent et à les mettre au service de leur employabilité pour les uns, de leur compétitivité pour les autres. Les partenaires sociaux y sont parvenus à travers la procédure de la codécision qu'illustrent deux dispositions essentielles de l'ANI : la création d'un droit individuel à la formation, le DIF, et la révision du plan de formation.

Dans le cas du DIF, la codécision joue surtout en faveur des salariés. Certes, les salariés devront désormais accepter de se former plus souvent en dehors du temps de travail et l'employeur se prononcera sur le choix de la formation. Mais, en contrepartie, l'initiative du DIF reviendra exclusivement aux salariés afin qu'ils s'impliquent dans ce dispositif. S'ils se forment pendant le temps de travail, ils continueront de percevoir leur salaire, et s'ils se forment hors du temps de travail, ils se verront attribuer une allocation égale à 50 % dudit salaire.

En conséquence, les entreprises ont accepté de relever leur contribution au financement de la formation de leur personnel. La formation sera désormais un réel investissement, et non une simple dépense obligatoire. Le DIF permettra aux salariés de concrétiser un droit à la formation, trop longtemps resté théorique. On peut en attendre une réduction des inégalités de formation que notre commission a dénoncées à plusieurs reprises, en rappelant qu'aujourd'hui une femme non qualifiée employée dans une entreprise de moins de dix salariés a statistiquement vingt-cinq fois moins de chance de se former qu'un homme ingénieur dans une entreprise de plus de cinq cents salariés.

D'une manière symétrique, la codécision jouera en faveur de l'employeur dès lors que celui-ci mettra en oeuvre un plan de formation. Or, la préservation de ce dispositif a été profondément modifiée à l'Assemblée nationale par rapport au fragile équilibre précédemment défini par les partenaires sociaux. Les députés ont supprimé l'obligation générale de formation qui incombe à l'employeur en vertu du code du travail, au motif que ce plan a désormais été élargi à des formations se déroulant en dehors du temps de travail. Je crois pouvoir dire, mes chers collègues, que supprimer les obligations de l'employeur à l'égard de ses salariés revient à amputer sérieusement le principe de responsabilité que j'évoquais tout à l'heure. C'est la raison pour laquelle les syndicats de salariés en ont demandé le rétablissement, et je crois légitime de répondre favorablement à cette requête ; nous y reviendrons dans un instant.

A côté de la responsabilité des salariés et des employeurs, le Gouvernement a souhaité impliquer davantage les partenaires sociaux dans la gestion de la formation professionnelle, dans la droite ligne de l'accord national du 20 septembre.

Deux dispositions du projet de loi illustrent le principe de responsabilité appliqué aux partenaires sociaux : la rénovation des contrats en alternance et le renforcement de la fongibilité des fonds de la formation professionnelle.

On a longtemps reproché aux partenaires sociaux d'avoir laissé notre système de formation devenir de plus en plus complexe, voire incompréhensible, même pour les plus initiés. L'opacité réside déjà dans les mots : formation continue, formation professionnelle initiale, éducation permanente. Les hésitations du vocabulaire révèlent les incertitudes tenant à la finalité de la formation professionnelle en France : au fil des ans, on a tour à tour mis l'accent sur sa fonction d'intégration dans l'emploi des chômeurs ou sur la nécessité de sa persistance au-delà de l'école, sans jamais trancher définitivement entre ces deux objectifs.

Avec la consécration de la « formation professionnelle tout au long de la vie », on sait enfin de quoi on veut parler, comme le montre la réforme de l'alternance, proposée dans le projet de loi. En effet, les partenaires sociaux ont souhaité créer un nouveau contrat, dit de professionnalisation, qui s'articule autour de trois principes. Il s'agit, d'abord, de simplifier les contrats en alternance, en les remplaçant par ce contrat unique. Il s'agit ensuite, de professionnaliser les formations en alternance, en les ramenant à leur vocation première, à savoir la formation des jeunes sans qualification, donc ceux qui sont les plus en difficulté. Il s'agit, enfin, de personnaliser les contrats en alternance, en autorisant la modulation des formations en fonction des besoins de l'entreprise et des attentes des candidats.

La seconde disposition qui témoigne de cette responsabilisation accrue des partenaires sociaux est la liberté d'affectation des fonds de la formation professionnelle entre l'alternance et l'apprentissage, qui leur est laissée par le Gouvernement. Il a ainsi été décidé de créer un fonds unique de péréquation des fonds de la formation. Il s'agit, là encore, d'un équilibre subtil, qu'il conviendra de ne pas remettre en cause.

En contrepartie de cette liberté nouvelle, les partenaires sociaux devront bien sûr rendre compte de leurs actes. Le projet de loi comporte ainsi de très nombreuses dispositions garantissant la transparence des comptes, des statistiques et des actions de formation menées.

L'Assemblée nationale a estimé que c'était encore insuffisant : elle a fonc alourdi le régime de sanctions applicable aux organismes collecteurs des fonds, ce qui paraît justifié, et elle a par ailleurs rétabli la Commission nationale des comptes de la formation professionnelle, ce qui me semble moins convaincant, d'autant plus que le Sénat l'avait lui-même supprimée lors de l'examen du projet de loi de modernisation sociale.

Enfin, monsieur le ministre, le Gouvernement s'est appliqué le principe de reponsabilité à lui-même, en ajoutant au texte des dispositions qui ne figuraient pas dans l'ANI et qui n'empiètent en rien sur le champ d'intervention des partenaires sociaux.

Vous avez tout d'abord rappelé que l'Etat doit contribuer à l'exercice du droit à la qualification professionnelle. L'Assemblée nationale y a d'ailleurs associé, à juste titre, la région au nom de la décentralisation actuellement en cours d'approfondissement.

Vous avez également rénové le dispositif d'aide au remplacement des salariés en formation dans les PME.

Vous avez intégré la lutte contre l'illettrisme dans le champ de la formation continue, ce qui répond aux préoccupations que j'ai exprimées lors de l'examen du projet de budget pour 2004.

Vous avez considéré la formation professionnelle des personnes handicapées comme une priorité de la négociation, bien qu'elle se limite encore à des actions « spécifiques », alors que la plupart des associations réclament une égalité de traitement avec les personnes valides. Mais j'y reviendrai.

Enfin, vous avez souhaité insérer dans le projet de loi des dispositions relatives à l'apprentissage. Cette insertion a choqué certains partenaires sociaux, qui avaient demandé l'ouverture d'une concertation sur l'apprentissage avant toute initiative législative. Il s'agit là à mon sens d'un faux débat, car les articles « incriminés » ne portent que sur des aménagements techniques, souhaités d'ailleurs de longue date par le Sénat.

Responsabilité des salariés, des employeurs, des partenaires sociaux, de l'Etat : telle est donc la philosophie du premier volet de ce texte ; je la crois satisfaisante.

Cependant, d'autres acteurs sont plus réservés : je pense aux régions, qui s'estiment oubliées, et il est vrai, à cet égard, que la commission des affaires sociales du Sénat déplore l'absence d'articulation entre ce projet de loi et celui tendant à décentraliser la formation au profit des régions, dont l'examen est aussi en cours ; je pense également aux représentants de la filière interprofessionnelle qui ont critiqué la « consécration des branches » ; je pense enfin aux organismes de formation qui demandent sinon un moratoire de plusieurs années, du moins un report à 2005 de la date d'entrée en vigueur des nouveaux contrats en alternance.

C'est pour répondre à ces inquiétudes que je propose de compléter le travail accompli par l'Assemblée nationale. Nous préserverons les grands équilibres du texte signé par les partenaires sociaux, mais, sur certains points dont la lecture ne paraît pas claire, il nous faudra parfois trancher. En effet, pour être applicable, le droit doit être précis, sous peine d'actions contentieuses en série. Notre mission est d'y veiller.

Au travers de la quarantaine d'amendements que je soumettrai à l'approbation du Sénat, six objectifs apparaissent.

Premièrement, nous avons souhaité clarifier les dispositions du projet de loi que nous avons jugées obscures, par exemple pour ce qui concerne la durée de formation des titulaires de contrat de professionnalisation ou la date d'entrée en vigueur du relèvement de la contribution financière des entreprises.

Deuxièmement, nous pensons qu'il est indispensable de rapprocher autant que possible les termes du projet de loi du contenu de l'accord qu'il vise à transposer. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons revenir sur la suppression, par l'Assemblée nationale, de l'obligation de formation des salariés par l'employeur.

Les partenaires sociaux ont souhaité redéfinir les actions de formation qui composent le plan de formation autour d'une typologie ternaire : les actions d'adaptation au poste de travail ; les actions de formation liées à l'évolution des emplois et contribuant au maintien dans l'emploi ; enfin, les actions de formation ayant pour objet le développement des compétences des salariés.

Comme je l'indiquais, l'Assemblée nationale a considéré que, dès lors que certaines des formations pouvaient être effectuées hors du temps de travail, cela imposait ipso facto de supprimer l'affirmation de l'obligation générale de formation à la charge de l'employeur.

Il y a là, je le crois, un malentendu, monsieur le ministre. Vous vous êtes déclaré favorable à cette suppression, mais, dans le même temps, vous avez précisé que cette suppression « ne remet nullement en cause les obligations de l'employeur en matière de formation. Celui-ci a l'obligation d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs emplois. Il lui incombe en effet, dans l'intérêt de l'entreprise, d'entretenir leurs qualifications au titre de l'exécution loyale du contrat de travail. Sur cette base, et grâce à la loi qui permet d'effectuer certaines formations en dehors du temps de travail, par le mécanisme intelligent de la coresponsabilité défini par les partenaires sociaux, l'accès réel à la formation des salariés sera facilité et démultiplié. »

Or cette explication n'a pas rassuré les syndicats de salariés, qui y ont vu un déséquilibre grave par rapport à l'ANI et une remise en cause d'un principe qu'ils souhaitaient ne pas voir contester.

C'est la raison pour laquelle nous proposerons le rétablissement de l'obligation de formation des salariés par l'entreprise, tout en adaptant cette obligation à la nouvelle typologie des actions qui composent le plan de formation. C'est là une solution intermédiaire qui, je le crois, satisfera les partenaires sociaux.

Troisièmement, la commission des affaires sociales du Sénat s'est montrée soucieuse de donner un contenu effectif au principe de l'égalité d'accès à la formation professionnelle. Elle a donc souhaité ouvrir ces dispositifs à des publics peu ou pas intégrés dans le champ de l'ANI. Nous n'avons voulu oublier ni les personnes inactives, femmes ou hommes, qui ont cessé leur activité pour s'occuper de leurs enfants ou de leur conjoint ou ascendants en situation de dépendance, ni les salariés employés sous contrat à durée déterminée, ni les professions agricoles, ni les personnes illettrées, ni les travailleurs handicapés. Il nous est apparu légitime qu'ils soient associés à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Quatrièmement, la commission s'est attachée à préserver les PME, qui ont déjà consenti un effort financier important pour la formation, afin qu'elles puissent surmonter les nouvelles formalités administratives prévues dans ce projet de loi. Nous proposerons donc de créer un « titre-formation », sur le modèle du ticket-restaurant, qui leur permettra de s'acquitter des frais de formation de manière simplifiée.

Cinquièmement, la commission s'est préoccupée de la manière dont notre système de formation professionnelle est aujourd'hui organisé. Nous avons observé qu'il était en grande partie financé par les branches professionnelles, en particulier dans l'industrie, au détriment de la voie interprofessionnelle et avec une prise en compte insuffisante du secteur des services. Certains ont même parlé d'une « consécration des branches » dans l'ANI. Il s'agit non pas ici de remettre en cause la légitimité ou l'action des branches, mais de redonner un espace à la négociation interprofessionnelle dans la mise en oeuvre et le financement des actions de formation.

Enfin, la commission a souhaité renforcer le contrôle des prestataires de formation. Nous présenterons donc des amendements tendant à permettre une application plus stricte du principe de transparence et à renforcer le régime des sanctions prévues en cas d'infraction aux règles de droit.

Toutefois, nous avons été unanimes pour refuser le rétablissement de la commission nationale des comptes de la formation professionnelle, proposé par l'Assemblée nationale. Il ne s'agit pas de nier la nécessité de contrôler un système qui brasse aujourd'hui 22 milliards d'euros chaque année, mais cette solution, déjà envisagée par le passé sans résultat, ne nous a pas convaincus. Nous avions déjà supprimé cette commission lors de l'examen du projet de loi de modernisation sociale parce qu'elle ne s'était réunie qu'une seule fois en sept ans d'existence : à quoi servirait de l'instituer à nouveau dans les termes qui ont provoqué son échec ? Son rétablissement symboliserait une certaine défiance vis-à-vis des partenaires sociaux et irait de surcroît, me semble-t-il, à contre-courant du mouvement historique de décentralisation qui est en marche. En revanche, nous vous demandons, monsieur le ministre, de renforcer les effectifs et les moyens alloués à la sous-direction de contrôle qui fait partie des services de votre ministère et dont la mission est précisément de remplir cette fonction de contrôle.

Monsieur le ministre, en enrichissant l'accord conclu par les organisations syndicales et patronales le 20 septembre dernier, la commission a voulu n'oublier personne et concilier des exigences en apparence contradictoires, mais pas toujours incompatibles. Je pense que c'est à cette condition que le dialogue social et la démocratie parlementaire se compléteront efficacement. Les représentants des syndicats que nous avons reçus nous ont tenu les propos suivants : « Aussi supérieure que puisse être la légitimité du législateur à celle du négociateur, il ne faut pas qu'il décourage le négociateur. » Qu'ils sachent bien que, pour notre part, nous avons entendu ce message.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre soutien à ce projet de loi ambitieux et novateur, dont nous préconisons l'adoption sous réserve de celle des amendements que nous présenterons. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Chérioux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le second volet de ce texte concerne, vous le savez, le dialogue social.

Il s'inscrit dans la continuité d'un mouvement qui remonte à plus de trente-cinq ans et qui a été inauguré par le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas. La mise en place de la « nouvelle société » que celui-ci appelait alors de ses voeux passait, en effet, par l'émergence d'une nouvelle autonomie des acteurs sociaux.

M. René-Pierre Signé. C'est Delors !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Ce mouvement a été marqué par l'adoption de deux lois fondamentales pour l'approfondissement du dialogue social : la loi du 13 juillet 1971 et la loi « Auroux » du 13 novembre 1982. Elles correspondaient à une même ambition : il s'agissait de favoriser le développement de la négociation collective en élargissant sa place, en permettant sa décentralisation au plus près du terrain et en renforçant la légitimité des accords.

Le présent projet de loi constitue une nouvelle étape de ce mouvement, car si l'on ne peut nier que le dialogue social se soit progressivement enrichi et étendu depuis 1971, cette évolution reste aujourd'hui encore inachevée.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est clair !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Cela tient, pour beaucoup, à la frilosité - oserais-je dire à la défiance ? - qu'ont manifestée certains gouvernements à l'égard des partenaires sociaux et de leur sens des responsabilités. Cela tient aussi à l'arrogance hautaine de certains dirigeants patronaux nostalgiques d'un ordre révolu et à l'attitude de certains responsables syndicaux, dont le discours demeure encore imprégné de la notion périmée de lutte des classes. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et sur les travées socialistes.)

M. Roland Muzeau. Non, elle n'est pas périmée !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Cependant ; il faut surtout imputer cet état de choses à une inadaptation croissante de notre droit de la négociation collective, qui reste aujourd'hui figé dans la forme qu'on lui a donnée voilà plus de vingt ans et qui a ignoré l'évolution des comportements, désormais, et c'est heureux ! plus empreints de réformisme.

Je ne reviendrai pas sur l'état actuel du dialogue social. Je rappellerai seulement que les partenaires sociaux déplorent les entraves qu'il subit et son essoufflement, ainsi que nous avons pu le constater lors des auditions auxquelles nous avons procédé.

Les facteurs de blocage sont, en effet, nombreux : poids des mutations économiques et sociales, interventions toujours plus larges et plus pointilleuses du législateur, fragilité des organisations syndicales, carence du dialogue social dans les petites entreprises.

Toutes ces évolutions soulignent, si besoin était, la nécessité de donner aujourd'hui un nouvel élan au dialogue social.

J'observe, à ce propos, que nos principaux partenaires européens ont, pour la plupart d'entre eux, d'ores et déjà engagé une réforme de leur droit de la négociation collective. La tendance est partout au renforcement et à la décentralisation de cette dernière à l'échelon de l'entreprise.

Une « nouvelle donne » n'est néanmoins possible qu'à une double condition : que la réforme en cours se fonde sur une initiative des partenaires sociaux, qui seront à l'avenir chargés de la faire vivre ; que le projet de loi vise effectivement à réduire les blocages qui ont progressivement conduit à figer le dialogue social dans notre pays.

J'ai la conviction que ces deux conditions sont aujourd'hui réunies, monsieur le ministre.

D'abord, le présent texte est lui-même le fruit du dialogue social, puisqu'il s'appuie, pour l'essentiel, sur la Position commune du 16 juillet 2001 signée par l'ensemble des organisations syndicales représentatives, à la seule exception de la CGT.

M. Roland Muzeau. Quand même !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Ensuite, il s'attaque directement aux trois principaux points de blocage identifiés : la légitimité incertaine des accords, l'articulation trop contraignante des différents niveaux de négociation et les failles de la couverture conventionnelle.

En conséquence, le premier axe du projet de loi vise à modifier les règles de conclusion des accords collectifs pour renforcer la légitimité de ceux-ci.

Il introduit, à ce titre, le « principe majoritaire » à tous les niveaux et pour tous les accords. Ce principe majoritaire peut prendre une double forme : soit la majorité d'engagement, soit le droit d'opposition, selon des modalités spécifiques pour chaque niveau de négociation. Ces nouveaux modes de validité seront déterminés par les partenaires sociaux eux-mêmes, puisque ce seront des « accords de méthode », conclus au niveau de la branche et qui préciseront le régime applicable aux accords professionnels et aux accords d'entreprise. En l'absence d'accord, c'est le droit d'opposition qui s'appliquera.

Je ferai trois observations sur ce dispositif.

D'abord, il ne concerne que la légitimité des accords et non celle des acteurs. Il ne tend à revenir ni sur le monopole syndical pour la négociation ni sur les règles de représentativité des syndicats. Ce dernier point soulève incontestablement des interrogations, comme nous avons pu le constater lors de nos auditions, et devra être étudié dans l'avenir. Pour ma part, je considère qu'il était raisonnable de ne pas ouvrir, parallèlement au projet de loi, ce second chantier, au risque d'engendrer de nouveaux blocages.

Ensuite, ce principe de légitimité renforcée ne constitue pas, il faut y insister eu égard à ce que l'on a pu lire et entendre, une nouveauté. La loi du 13 novembre 1982, dite « loi Auroux », avait déjà introduit un droit d'opposition lors de la conclusion d'accords dérogatoires, que la loi du 31 décembre 1992 a élargi aux cas de révision « à la baisse » des accords. Dès lors, le texte ne fait que généraliser cette exigence.

M. René-Pierre Signé. Eh bien voilà ! Vous aviez de bonnes bases !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Enfin, j'observe que la mise en oeuvre du principe majoritaire dépendra, en définitive, de ce qu'en feront les partenaires sociaux. En l'état actuel des choses, c'est évidemment le droit d'opposition qui sera privilégié, comme le prévoyait d'ailleurs la Position commune. Il aurait été sans doute prématuré de généraliser immédiatement la majorité d'engagement, mais le projet de loi, en posant le principe d'une élection de représentativité de branche, ouvre la voie à des évolutions plus profondes. En cela, il me paraît équilibré et constitue un juste compromis.

M. René-Pierre Signé. C'est votre point de vue !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Le second axe du projet de loi concerne la nouvelle articulation des normes du droit du travail.

Les partenaires sociaux ont souhaité, toujours au travers de la Position commune, clarifier cette articulation pour renforcer l'autonomie de chaque niveau de négociation.

Actuellement, elle est régie par le principe de faveur, qui vise à concilier deux principes pourtant contradictoires : d'une part, celui de l'autonomie de chaque échelon de négociation, puisqu'il est possible de négocier sur tout et à tous les niveaux ; d'autre part, celui d'une hiérarchisation des normes assurant la cohérence de l'ordre juridique.

Ce principe de faveur est actuellement organisé par la loi. Cependant, il s'avère, en pratique, difficile à appliquer : comment apprécier ce qui est plus favorable, compte tenu de la diversité des aspirations des salariés et des besoins des entreprises ? De fait, le législateur l'a déjà largement adapté. Ainsi, l'ordonnance du 16 janvier 1982 ...

M. René-Pierre Signé. La belle époque !

M. Jean Chérioux, rapporteur. ... a introduit la possibilité de conclure des accords dérogatoires à la loi, et donc, le cas échéant, moins favorables. Depuis lors, le champ de ces dérogations s'est sans cesse étendu.

M. René-Pierre Signé. Vous aviez voté contre !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Le projet de loi prévoit pour sa part une nouvelle articulation entre les différents types d'accords.

Les dispositions des articles 36 et 37 tendent à confier aux partenaires sociaux le soin d'aménager la portée de la règle la plus favorable en ouvrant elles aussi des possibilités de dérogation.

Le dispositif a suscité, ici ou là, certaines craintes, parfois même de vives critiques.

Selon certains, il conduirait à vider de sa substance la négociation de branche et aboutirait à faire de l'entreprise le seul échelon effectif de régulation sociale.

Selon d'autres, il mettrait à mal le principe de faveur et entraînerait de facto une systématisation de l'application de la règle la moins favorable au niveau de l'entreprise.

Ces critiques s'appuient sur une lecture erronée du projet de loi, lequel comporte plusieurs verrous de nature à prévenir de telles dérives. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. On va y revenir, oui !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Cela étant, je rappelle que ces nouvelles dispositions ne remettent pas en question la valeur hiérarchique des accords conclus avant l'entrée en vigueur de la loi.

M. Roland Muzeau. Mais si !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Ce principe de non-rétroactivité me paraît constituer l'un des points d'équilibre du texte. Il permet d'éviter de donner ex post à ces accords une portée qu'ils n'avaient pas dans l'esprit de leurs signataires.

M. René-Pierre Signé. C'est à voir !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Surtout, ces critiques se fondent sur une vision inexacte de la réalité du dialogue social.

M. René-Pierre Signé. Le dialogue social, vous ne le connaissez pas !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne peut pas dire cela à M. Chérioux, tout de même !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Vous parlerez lors de la discussion des articles, monsieur Signé, et je vous écouterai alors avec beaucoup d'intérêt !

Que constate-t-on ?

D'abord, dans un certain nombre de branches, on observe un appauvrissement progressif de la négociation de branche, au profit des accords d'entreprise. La branche n'est donc plus, aujourd'hui, toujours en mesure de jouer son rôle régulateur.

Ensuite, comme je l'ai déjà souligné, on constate des difficultés d'application du principe de faveur. Dans les faits, il est devenu possible, dans le cadre d'un accord d'entreprise, par une ingénierie juridique assez simple, d'écarter certaines clauses ponctuellement plus favorables de la convention de branche, dès lors que l'accord d'entreprise est globalement plus favorable.

En définitive, la commission a la conviction que le projet de loi apporte une réponse pragmatique aux difficultés actuelles d'articulation entre accord de branche et accord d'entreprise. La solution proposée consiste à confier aux partenaires sociaux eux-mêmes la responsabilité d'organiser les conditions d'autonomie de l'accord d'entreprise, dans les limites fixées par la loi. Ce seront les négociations de branche qui auront à décider de l'effet impératif des accords conclus à ce niveau.

Finalement, on passe donc d'une autonomie de l'accord, strictement et uniformément encadrée par la loi et difficile à mettre en oeuvre, à une autonomie régulée par les partenaires sociaux eux-mêmes.

M. René-Pierre Signé. La flexibilité !

M. Jean Chérioux, rapporteur. En posant le principe de l'autonomie de l'accord d'entreprise, cette nouvelle articulation permettra d'adapter l'accord au plus près des exigences du terrain, sans devoir forcément respecter les stipulations d'un accord de branche qui ne peuvent pas toujours apporter des solutions appropriées à la diversité des situations.

M. René-Pierre Signé. On sait ce que cela veut dire !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Nous y viendrons tout à l'heure, et vous comprendrez mieux, du moins si vous le voulez, ce qui n'est pas évident !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a pas lu le texte, il ne peut pas comprendre !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Le projet de loi, en revanche, n'aborde qu'à la marge la question de l'articulation entre la loi et l'accord. Cette question est étudiée non sous l'angle de leur hiérarchie - le principe de l'ordre public étant bien entendu maintenu -, mais sous l'angle de leur complémentarité, dans le prolongement direct des propositions de la Position commune.

Cette complémentarité est nécessaire pour l'élaboration de la norme. L'expérience a d'ailleurs montré qu'une collaboration constructive entre le législateur et les partenaires sociaux permet d'améliorer la qualité et, surtout, la stabilité de la loi. A cet égard, l'idée d'une « charte de méthode », proposée dans l'exposé des motifs, me paraît de bonne politique. Il était d'ailleurs difficile d'aller plus loin dans une loi ordinaire, n'est-ce pas, monsieur le ministre ? (M. le ministre acquiesce.)

Mais une meilleure complémentarité s'impose également pour l'application de la loi. Le projet de loi répond à la demande des partenaires sociaux pour que « les modalités d'application des principes généraux fixés par la loi soient négociées, au niveau approprié, par les interlocuteurs sociaux ». L'article 38 tend alors à généraliser les possibilités existantes de mise en oeuvre des dispositions législatives par accord d'entreprise.

Le dernier axe du projet de loi s'attache à favoriser le développement du dialogue social à tous les niveaux et sous toutes ses formes.

De fait, les deux premiers axes n'auront de sens et ne permettront un réel développement de la négociation collective que si les obstacles qui freinent encore l'exercice du dialogue social à tous les niveaux sont levés.

Le projet de loi, se fondant, là encore, sur la Position commune, prévoit d'abord de renforcer les moyens donnés au dialogue social. Je pense ici notamment à la reconnaissance d'un « droit de saisine » pour les organisations syndicales, à l'organisation des carrières des militants syndicaux ou à l'accès aux nouvelles technologies de l'information.

Il ouvre aussi de nouveaux espaces à la négociation collective, par exemple lorsqu'il reconnaît l'accord de groupe ou qu'il institue des commissions paritaires territoriales. (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste.)

C'est surtout le cas lorsqu'il introduit de nouvelles possibilités de conclure des accords dans les PME dépourvues de délégué syndical. L'article 36 prévoit ainsi que des accords pourront être conclus avec les élus du personnel ou avec des salariés mandatés, dans des conditions encadrées par la branche. Cette disposition reprend très largement les clauses de l'accord interprofessionnel de 1995, qui avaient déjà été transposées par la loi du 12 novembre 1996, mais seulement à titre expérimental.

M. René-Pierre Signé. MEDEF !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Sa généralisation favorisera utilement, à mon sens, la conclusion d'accords dans les petites entreprises.

En première lecture, l'Assemblée nationale n'a que peu modifié le texte qui lui était soumis ; il est vrai qu'il repose sur un équilibre fragile ; puisqu'il est largement issu de la Position commune, elle-même le fruit d'un compromis.

Pour sa part, la commission des affaires sociales ne vous proposera pas non plus de revenir sur l'équilibre du projet de loi.

J'ai, en effet, la conviction que cet équilibre est à la fois pragmatique et satisfaisant. Le mérite essentiel du texte est, selon moi, de favoriser la responsabilité des partenaires sociaux, notamment au niveau des branches, en leur donnant de nouvelles facultés pour organiser la négociation collective dans les limites fixées par le projet de loi.

M. René-Pierre Signé. Monsieur Chérioux, un peu de sérieux !

M. Jean Chérioux, rapporteur. C'est donc à eux qu'il appartiendra de faire vivre ce texte qui ouvre le champ des possibles.

Aussi la commission a-t-elle souhaité « coller au plus près » à la Position commune, qui est assurément un texte négocié et signé par les partenaires sociaux et qui constitue une adresse formelle aux pouvoirs publics.

Dans cet esprit, je vous présenterai essentiellement des amendements que l'on peut qualifier de « techniques ». Ils visent à permettre la mise en application de la future loi dans les meilleures conditions possibles avec un triple objectif.

Il s'agit, d'abord, de garantir la portée de la loi en s'assurant de son effectivité sur le terrain ; ensuite, de compléter le texte, parfois excessivement bref, en lui apportant certaines précisions indispensables pour sa mise en oeuvre ; enfin, de s'assurer de la sécurité juridique pour prévenir, en amont, toute difficulté d'interprétation.

Au-delà, votre commission vous proposera - mais vous n'en serez pas étonnés - de compléter le projet de loi par un volet relatif à la participation. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Cela, c'est du gaullisme !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Cela nous a paru important, compte tenu du rôle que la participation a joué, et joue encore, dans le développement du dialogue social dans notre pays. Je crois, d'ailleurs, que l'on n'insistera jamais assez sur sa fonction pédagogique.

Ces propositions ne visent pas, loin s'en faut, à engager une réforme d'ensemble de la participation. Il est, en effet, encore trop tôt pour dresser un premier bilan de la loi dite « Fabius » du 19 février 2001. J'observe, d'ailleurs, que cette loi a repris l'essentiel des propositions qu'avait formulées la commission des affaires sociales dès 1999. C'est un bel hommage du gouvernement de l'époque aux travaux du Sénat !

Les amendements viseront, plus modestement, à lever les quelques obstacles législatifs qui entravent encore le développement de la participation, en particulier dans les petites et moyennes entreprises, et à encourager plus avant la négociation collective en la matière.

1 Au total, le projet de loi constitue donc une nouvelle étape dans la constitution d'une société plus participative et plus décentralisée.

En faisant le choix du réformisme et le pari de la responsabilité des acteurs sociaux et en refusant les conflits idéologiques stériles, ce texte répond, en définitive ; à la noble exigence formulée par le général de Gaulle : « En notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l'homme. » Et, dans le cas présent, celle de l'homme au travail.

La commission des affaires sociales vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter les titres II et III et les amendements qu'elle vous présentera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 82 minutes ;

Groupe socialiste, 44 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 18 minutes.

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. René-Pierre Signé. Ce n'est plus le MEDEF que nous allons entendre !

M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez comprend deux volets, en fait deux textes qui auraient mérité un examen séparé ; vous les « couplez » pour que le premier, qui porte sur la formation professionnelle, joue un rôle de levier et permette de faire voter le second qui, lui, concerne le dialogue social.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah !

M. Gilbert Chabroux. Le texte global est hémiplégique.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ne le votez que d'une main !

M. Gilbert Chabroux. En effet, le premier volet pourrait bien fonctionner, moyennant quelques améliorations ; tandis que le second suscite une réaction de rejet unanime de la part des organisations syndicales de salariés, ce qui est un lourd handicap ; mais aussi un paradoxe, puisqu'il s'agit de rénover le dialogue social.

M. Charles Gautier. La ficelle est un peu grosse !

M. Gilbert Chabroux. Le problème, qui n'est pas nouveau, est celui du rapport entre la loi et le contrat. On prête souvent à Lacordaire la maxime selon laquelle c'est la liberté qui opprime et la loi qui protège. Avec ce projet de loi, qui met en place une « machine à découdre » le droit du travail, c'est la loi qui opprime !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh !

M. Gilbert Chabroux. Vous poursuivrez ainsi, monsieur le ministre, votre oeuvre de déconstruction sociale, après la suppression des emplois-jeunes, la réduction drastique des contrats aidés, après la remise en cause des 35 heures et le coup porté au processus de réduction du temps de travail, après la suspension des articles de la loi de modernisation sociale relatifs aux licenciements économiques, après la réforme de l'allocation spécifique de solidarité, qui envoie 150 000 personnes de plus au RMI ou au RMA - ce RMA qui est un petit chef-d'oeuvre de contrat précaire quasiment gratuit pour les employeurs -,...

M. Guy Fischer. Deux pour le prix d'un !

M. Gilbert Chabroux. ... bref, après tous ces coups portés à la politique de l'emploi du gouvernement précédent, et alors que le bilan de votre action est accablant...

M. René-Pierre Signé. Et nous sommes accablés !

M. Gilbert Chabroux. ... - 138 000 chômeurs de plus en un an,...

M. René-Pierre Signé. Ouh là là !

M. Guy Fischer. Du jamais vu !

M. Robert Bret. Vraiment pas de quoi être fier !

M. Gilbert Chabroux. ... soit une augmentation de 6 %, et 100 000 emplois industriels détruits - alors que les annonces de plans sociaux se succèdent tous les jours et que les chiffres des licenciements font frémir (Exclamations sur les travées de l'UMP),...

M. Joseph Ostermann. C'est à cause des 35 heures !

M. Jean-René Lecerf. Oui, c'est le bilan à en tirer !

M. Gilbert Chabroux. ... vous poursuivez votre oeuvre de déconstruction sociale, sans relâche, j'allais dire imperturbablement, comme si de rien n'était, dans cette voie qui ne mène qu'à la régression sociale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dites-le aux partenaires qui ont signé vos accords !

M. Gilbert Chabroux. Il est vrai que le Président de la République ne peut que vous inspirer, lui qui prône « l'allégement des procédures inutiles et des charges excessives ».

Il vous faut donc continuer le « détricotage » du code du travail et offrir de nouveaux cadeaux aux entreprises.

Nous attendons avec une certaine inquiétude la loi de mobilisation pour l'emploi qui est annoncée, car nous redoutons qu'elle ne fasse que renforcer la flexibilité et la précarité des salariés, par exemple avec la création du contrat dit « de mission ».

M. René-Pierre Signé. Très bien !

M. Gilbert Chabroux. Il est vrai que vous avez, monsieur le ministre, exprimé des réserves sur ce type de contrat.

M. Louis Souvet. Pas du tout !

M. Gilbert Chabroux. Mais il y a bien d'autres propositions dans le rapport de Virville, et le débat n'est certainement pas clos.

M. Guy Fischer. Il ne manque plus que les 35 heures !

M. Gilbert Chabroux. Que veut dire le Président de la République lorsqu'il proclame que l'année 2004 sera « l'année de l'emploi » ? Jusqu'où veut-il aller dans l'allégement des charges sociales des entreprises, sachant tout ce que vous avez déjà fait ? Sur qui se reportera l'effort financier ?

M. Simon Sutour. Ce sont des emplois fictifs !

M. Gilbert Chabroux. La politique qui se dessine et qui ne fait que prolonger celle que vous avez mise en oeuvre rejoint les voeux du MEDEF. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Chérioux, rapporteur. Ce sont les Français qui la souhaitent !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. S'il y avait plus de patrons, il y aurait plus d'employés !

M. Gilbert Chabroux. Faut-il s'en étonner, le MEDEF, lors de sa dernière assemblée générale, mardi 20 janvier, à Lille, vous a adressé ses félicitations en souhaitant évidemment que de nouvelles réformes « interviennent avant la fin du premier semestre, par exemple l'introduction du service minimum dans les transports publics ».

M. Gérard Braun. C'est bien, on en a besoin !

M. Gilbert Chabroux. L'âge d'or du MEDEF se profile !

Laurence Parisot, présidente de l'IFOP et membre du comité exécutif du MEDEF, a résumé assez bien, paraît-il, à Lille, l'état d'esprit des patrons. Elle a estimé que les chefs d'entreprise pouvaient être « pour ce siècle ce que les instituteurs ont été pour la IIIe République ». Et elle s'est exclamée : « L'école était à cette époque chargée de former le citoyen : n'est-ce pas à nous, à l'entreprise d'aujourd'hui, de lui apprendre le nouveau monde ? »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela met en cause les enseignants !

M. Gilbert Chabroux. Après les hussards noirs de la République, les patrons ? Il faut oser !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas de honte à être patron ! Il faut avoir du courage, il faut prendre des risques.

M. Gilbert Chabroux. Puisque le MEDEF a des références historiques, il doit aussi se souvenir du programme qu'a défini, le 15 mars 1944, le Conseil national de la Résistance, pour la Libération. Nous allons en célébrer le soixantième anniversaire dans quelques semaines. On y trouve des objectifs d'une troublante actualité, par exemple, « l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l'éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie » ; on y trouve aussi le « droit au travail et au repos » et « un plan complet de sécurité sociale ».

M. Robert Bret. On en est bien loin !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Où est la formation professionnelle, là-dedans ?

M. Gilbert Chabroux. Mais je reviens à la place de la loi et à celle du contrat.

Le Président de la République a, lors de la présentation de ses voeux, rappelé son attachement au « dialogue social » et au contrat.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quand même !

M. Gilbert Chabroux. Le Président de la République avait déjà déclaré, le 14 juillet dernier, qu'il fallait « en finir avec la vieille culture de l'affrontement ».

Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, le 3 juillet 2002, s'était déjà engagé à « s'ouvrir à la démocratie sociale », au « dialogue social, qui est le préalable nécessaire au règlement de nos dossiers majeurs ». Que s'est-il passé sur ces grands dossiers ? L'école, les retraites ? On peut ajouter les intermittents du spectacle. Y a-t-il eu une réelle volonté de dialogue de la part du Gouvernement ?

M. René-Pierre Signé. Non !

M. Gilbert Chabroux. Qu'en sera-t-il sur le dossier de l'assurance maladie, le Gouvernement ayant annoncé par avance qu'il recourra à des ordonnances pour mettre en oeuvre sa réforme ? Il pourra même ainsi contourner l'obstacle parlementaire, qui n'est pourtant pas insurmontable !

M. René-Pierre Signé. Vive la démocratie !

M. Gilbert Chabroux. Je voudrais maintenant examiner rapidement les deux volets du projet de loi.

Le premier est censé transcrire l'accord national interprofessionnel signé le 20 septembre dernier par l'ensemble des confédérations syndicales et patronales. Cet accord, que vous avez qualifié d'« historique », représente effectivement un très grand progrès et la loi devrait avoir pour objectif de lui permettre de porter tous ses fruits.

Chacun doit pouvoir progresser dans son niveau professionnel ; la formation est un mode d'accomplissement personnel et collectif. C'est non seulement un problème de justice sociale, mais aussi un défi économique : les entreprises ont intérêt à avoir des salariés mieux formés. L'Etat doit aussi jouer pleinement son rôle, en premier lieu pour lutter contre le chômage. La formation est, nous le savons tous, la meilleure garantie contre le chômage : 35 % des personnes qui ont arrêté l'école à seize ans passent plus de deux ans au chômage, alors qu'elles sont moins de 15 % lorsqu'elles ont poursuivi leurs études jusqu'à vingt et un ans.

Or l'Etat, dans ce projet de loi, ne s'engage pas à la hauteur de ses responsabilités ; son rôle n'apparaît pas clairement, sans doute en raison du transfert prévu aux régions des compétences en matière de formation professionnelle, dans le cadre de la loi relative aux responsabilités locales, loi qui n'est pas encore votée. Y aura-t-il encore une politique nationale, un pilotage national ? (Oh non ! sur les travées du groupe CRC.) Quelle sera l'offre publique de formation ? De quel avenir peut-on augurer pour l'Association pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, qui est actuellement le bras armé de l'Etat dans ce domaine ? Ne risque-t-elle pas d'être démantelée ? Ne peut-on pas imaginer qu'au gré des convictions politiques de chaque exécutif régional la formation professionnelle pourrait être ou non entièrement déléguée à des organismes privés ?

C'est pour éviter ou pour limiter ce risque que nous insistons pour que des engagements clairs soient pris par l'Etat, notamment au niveau budgétaire. Pour être garanti, le droit à la formation tout au long de la vie ne doit pas être financé uniquement par les employeurs et par les salariés. En dehors des allégements de charges, des exonérations de cotisations dont vous avez parlé et qui ne constituent pas réellement des mesures positives, quel est l'effort de l'Etat, quelle est la réalité de sa participation financière ?

M. Roland Muzeau. Rien du tout !

M. Gilbert Chabroux. L'Etat pourrait être partie prenante, en renforçant l'accord du 20 septembre. Il pourrait le faire en inscrivant dans le texte le droit à une formation qualifiante différée, ce qu'on appelle une deuxième chance de formation. Vous avez dit, monsieur le ministre, que cette mesure viendrait plus tard, mais c'était l'occasion à saisir ! (Mme Annick Bocandé, rapporteur, proteste.)

Les partenaires sociaux, dans l'article 12 de l'accord, ont exprimé très fortement le souhait que ces formations de la deuxième chance soient mises en place avec le soutien financier de l'Etat. Ce droit à une formation de la deuxième chance, garanti par l'Etat à toute personne ayant quitté le système scolaire sans qualification, aurait dû aller de pair avec le droit individuel à la formation. Mais cette mesure suppose évidemment un abondement financier des pouvoirs publics. Or il n'y a rien ou presque rien dans votre texte, monsieur le ministre, qui permette de répondre à un besoin pourtant très largement ressenti. Votre texte est donc forcément boiteux, monsieur le ministre.

Bien d'autres points auraient pu être améliorés, par exemple la transférabilité du droit individuel à la formation, qui pourrait être étendue, mais nous y reviendrons au cours de la discussion des articles.

Puisque vous dites vouloir transcrire fidèlement l'accord du 20 septembre 2003, comment envisagez-vous de répondre aux organisations syndicales de salariés qui vous ont demandé le retrait de plusieurs dispositions du texte qui a été voté par l'Assemblée nationale, ces dispositions leur apparaissant comme non conformes à l'esprit et à la lettre de l'accord ? Mme Annick Bocandé y a d'ailleurs fait allusion. Il en est ainsi, à l'article 10, de la suppression du premier alinéa, qui précisait, et cela avait toute son importance : « L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et à l'évolution de leur emploi. Il participe en outre au développement de leurs compétences. » Cette rédaction avait le mérite d'être très claire, elle ne souffrait d'aucune ambiguïté, mais peut-être est-ce pour cela qu'elle a été supprimée. Il s'agit bien, je le répète, d'un principe essentiel. Il y a d'autres discordances encore.

Lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous avez parlé, monsieur le ministre, de « malentendus ». Je ne mets pas en doute vos propos, mais vous aviez, à l'Assemblée nationale, émis un avis favorable sur des amendements qui ont, aussi fâcheusement, modifié le texte.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Gilbert Chabroux. Je le répète : le rôle du législateur ne devrait-il pas être, par rapport à un tel accord "historique", d'enrichir le socle de droits qu'il constitue et non de le réduire ou de le dénaturer ?

M. Bernard Frimat. Très bien !

M. Gilbert Chabroux. Alors que le texte relatif à la formation professionnelle se réfère à l'accord national interprofessionnel, le texte relatif au dialogue social prétend s'appuyer sur la Position commune de juillet 2001 des partenaires sociaux, à l'exception notable de la CGT, sur "les voies et les moyens de la négociation collective". Il s'agit en fait d'une supercherie, car les dispositions les plus importantes que vous voulez faire voter sont contraires à l'esprit et à la lettre de la Position commune, à tel point que ce projet de loi censé s'appuyer sur l'unanimité des partenaires sociaux n'a recueilli, du côté syndical, qu'une franche et totale hostilité.

Il est vrai que ce texte ne vise rien d'autre que le renversement complet de la hiérarchie des normes en donnant la priorité aux accords d'entreprise par rapport aux accords de branche et aux accords interprofessionnels. Nous nous dirigeons ainsi vers une immense régression, dans l'esprit d'une mondialisation libérale qui ne connaît comme dialogue social que celui qui se limite à l'entreprise.

Toutes les organisations de salariés ont exprimé leur hostilité. La CFTC, syndicat pourtant modéré, parle de « folie douce ». La CFE-CGC, également modérée, a claqué la porte en s'exclamant : « Plus qu'une erreur, une faute ! » FO a dénoncé vigoureusement un « texte scandaleux » qui va permettre « la dérogation à tous les étages ». La CFDT manifeste « un désaccord de fond sur le rôle et la place de chaque niveau de négociation ». La CGT a déclaré que « le Gouvernement a clairement choisi le camp du MEDEF ». Elle a ajouté : il est temps « que le Gouvernement prenne conscience que son parti pris en faveur du MEDEF devient indécent et provocateur ». L'UNSA, la FSU, SUD ont eu également des mots très durs.

Même l'Union professionnelle artisanale s'inquiète du transfert de compétences de la branche à l'entreprise.

Seul le MEDEF est satisfait.

M. Jean-Pierre Bel. Et voilà !

M. Gilbert Chabroux. Le MEDEF, champion du « tout à l'entreprise », triomphe. Il tient sa refondation sociale. Un journal a affirmé que vous avez revu votre texte au dernier moment pour y insérer deux articles additionnels écrits « sous la dictée moins-disante du MEDEF ».

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Gilbert Chabroux. Dans la nouvelle rédaction, les entreprises pourront négocier librement des accords, y compris « moins-disants », sauf en cas d'interdiction formelle des branches, autant dire très exceptionnellement, puisque cela suppose l'accord des patrons.

Le MEDEF peut se montrer satisfait, lui qui stigmatisait « la négociation de branche où les syndicats sont représentés par des permanents puissants et bien argumentés », alors que « dans l'entreprise, il y a une réalité : les commandes qui arrivent ». Cette réalité, nous la connaissons : c'est celle d'un rapport de forces bien moins favorable aux salariés. Ainsi, il sera possible de remettre en question des éléments de salaire, le treizième mois, les congés payés, les congés pour événements personnels, les durées de travail à temps partiel, le contingent d'heures supplémentaires...

M. Joseph Ostermann. N'importe quoi !

M. Gilbert Chabroux. La durée maximale hebdomadaire du travail, les dérogations au repos quotidien, sans oublier les indemnités de licenciement, les durées de préavis... Ce n'est pas rien !

M. Bernard Piras. C'est une régression sociale !

M. Gilbert Chabroux. Une étude serrée montre non seulement que ce projet de loi met à bas les règles essentielles qui régissaient la négociation collective en France, mais qu'il ouvre la voie à un éclatement du droit du travail et à son émiettement : autant d'entreprises, autant de droits !

Face à ce texte de régression sociale, le groupe socialiste présentera, au cours de la discussion, ses propositions pour renforcer la démocratie sociale.

M. François Fillon, ministre. Nous sommes curieux de les connaître !

M. Gilbert Chabroux. Je ne ferai dans l'immédiat que les citer. Nous les développerons lors de la discussion des articles.

Tout d'abord, la base de la démocratie étant l'élection, il est fondamental d'organiser dans toutes les entreprises, et au même moment, des élections permettant à tous les salariés, qu'ils travaillent dans une grande ou dans une petite entreprise, d'élire les délégués du personnel et d'affirmer leur préférence syndicale.

M. François Fillon, ministre. C'est intéressant !...

M. Gilbert Chabroux. Cela permettrait d'établir une juste évaluation de la représentativité des syndicats, qui ne peut pas rester figée indéfiniment. Le paysage syndical s'est profondément modifié depuis l'arrêté de 1966.

M. Jean Chérioux, rapporteur. C'est pourquoi le Gouvernement a déposé ce texte !

M. Roland Muzeau. Pour faire plaisir au MEDEF !

M. Gilbert Chabroux. J'en viens à ma deuxième proposition.

Il faut inscrire dans la loi le principe majoritaire sur lequel se fonde la démocratie. Il faut reconnaître les seuls accords majoritaires en précisant bien qu'il doit s'agir de l'accord des syndicats représentant une majorité des salariés concernés et non pas de l'aval de trois syndicats sur cinq jugés représentatifs.

Notre troisième proposition concerne l'exigence d'égalité. Il faut garantir à tout salarié un droit à la représentation et à la négociation. Il est grand temps de permettre aux salariés des PME et PMI d'élire des délégués du personnel inter-entreprises à l'échelon des branches ou des sites, leur assurant ainsi une égalité avec ceux des grandes entreprises.

M. Louis Souvet. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Gilbert Chabroux. Enfin, l'objectif à atteindre doit être, évidemment, le progrès et l'intérêt général, ce qui est incompatible avec des accords d'entreprise dérogatoires qui pourraient être moins favorables pour les salariés que les accords de branche. La reconnaissance des accords de branche est indispensable pour la cohésion sociale. Renvoyer chacun à l'échelon de l'entreprise revient à accepter un dumping social à haut risque pour les salariés, mais aussi pour nombre de PME, en particulier les entreprises sous-traitantes qui seront encore davantage mises sous pression par leurs donneurs d'ordre.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, si votre texte nous heurte et si nous nous y opposons, car il est lourd de conséquences pour les salariés et les entreprises de notre pays, nous ne nous contentons pas de le dénoncer. Nous faisons des propositions, qui sont pour nous autant de priorités,...

M. François Fillon, ministre. C'est tardif !

M. Gilbert Chabroux. ... afin de rénover le dialogue social et promouvoir une véritable démocratie sociale capable d'engager de nouveaux progrès collectifs. L'objectif que nous nous fixons est de développer une citoyenneté sociale, ce qui ne peut se faire qu'en accordant aux salariés des droits collectifs, facteurs d'émancipation de la personne humaine dans un univers trop largement dominé par les seuls intérêts des actionnaires. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui est un texte ambitieux du point de vue tant de la formation professionnelle que du dialogue social. Il comporte des avancées sociales certaines auxquelles nous sommes sensibles. Toutefois, celles-ci nous interpellent sur certains points, qu'il vous faudra clarifier, monsieur le ministre.

Le volet formation professionnelle du projet de loi reprend un accord que beaucoup ont pu qualifier d'historique. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail accompli par les partenaires sociaux qui, à l'issue de trois années de négociations, souvent difficiles, sont parvenus à la signature de cet accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003. Cette réussite témoigne de la vivacité d'une démocratie sociale que d'aucuns s'accordaient à juger moribonde.

L'accord national interprofessionnel n'a cependant pas pour seul mérite d'exister et de faire l'unanimité. Il porte aussi une réforme majeure de notre dispositif de formation professionnelle. Dans un contexte économique incertain et tendu, l'adoption d'un tel texte peut s'avérer une providence. Face à la nécessité d'adapter sans cesse notre outil de production aux fluctuations du marché, la formation professionnelle doit, plus que jamais, être placée au coeur de nos politiques offensives et défensives de l'emploi.

Or le présent projet de loi et l'accord qui le sous-tend transforment la formation professionnelle pour en faire un outil véritablement efficace au service de la croissance et des salariés.

La formation tout au long de la vie devient un droit réel des salariés. La création du droit individuel à la formation à l'initiative du salarié est, à cet égard, emblématique.

De même, le développement de la formation tout au long de la vie implique une simplification et un assouplissement des structures.

C'est ce que prévoit le projet de loi en matière d'alternance, avec le remplacement des contrats d'orientation, d'adaptation et de qualification par un contrat unique de professionnalisation. C'est aussi ce que prévoit le projet de loi en matière d'apprentissage, en permettant l'entrée dans un tel dispositif alors que l'intéressé est en CDI ou qu'il a dépassé l'âge de vingt-cinq ans.

Cette simplification se traduit également par la création d'un fonds unique de mutualisation des fonds affectés à la formation professionnelle, mais aussi par la création, suggérée par la commission, d'un titre spécial de paiement des formations.

L'un des grands apports du texte qui nous est soumis est aussi de permettre un accès effectif de chacun à la formation professionnelle : il répond ainsi à l'attente de personnes qui jusqu'ici souffraient d'un système qui ne leur accordait qu'une seule chance avant l'âge de vingt-cinq ans. La période de professionnalisation sera susceptible de redonner un second souffle à nombre de carrières.

Dans le même ordre d'idée, je tiens à rendre hommage au travail réalisé par Mme Annick Bocandé. Les aménagements au texte qu'elle suggère vont dans le sens d'une meilleure garantie et d'une concrétisation du principe d'égalité d'accès de tous à la formation.

Ainsi, le recours subsidiaire à la négociation interprofessionnelle qu'elle propose pour déterminer les modalités d'application du droit individuel à la formation et des contrats et périodes de professionnalisation est de nature à assurer une couverture conventionnelle de tous les salariés.

En outre, il est important, comme le propose la commission, d'ouvrir aux personnes handicapées tous les dispositifs de formation de droit commun, en plus des actions spécifiques initialement prévues par le texte.

De la même façon, il doit être possible d'augmenter le temps de formation au sein des contrats de professionnalisation pour les jeunes les plus en difficulté.

Enfin, la formation professionnelle tout au long de la vie doit aussi prendre en compte le cas des personnes qui ont interrompu leur activité pour s'occuper de leurs enfants ou de leurs ascendants. Dans l'esprit des aménagements proposés par la commission, nous vous proposerons de compléter le dispositif existant par la reconnaissance à ces personnes d'un droit spécifique à la formation.

Toujours dans la même logique, nous présenterons un amendement tendant à développer la formation professionnelle en prison afin que l'incarcération ne soit plus seulement l'école de la délinquance.

Le projet de loi qui nous est soumis emporte une véritable réforme, il est naturel qu'il soulève un grand nombre de questions relatives aux modalités de sa mise en oeuvre. Une telle réforme ne peut être appliquée qu'avec souplesse et réalisme. Il conviendrait, monsieur le ministre, de lever le flou sur un point crucial et d'assouplir le calendrier prévu pour l'entrée en vigueur des contrats de professionnalisation.

Le point crucial sur lequel la représentation nationale pourrait être éclairée concerne l'articulation qui sera faite entre le texte sur la formation professionnelle et la loi relative aux responsabilités locales, qui accorde aux régions la pleine maîtrise des politiques de formation. C'est par souci de cohérence, et à juste titre, que l'Assemblée nationale a associé la région à la mise en oeuvre du droit à la qualification professionnelle. Mais nous sommes toujours globalement dans le vague.

Par ailleurs, les organisations représentatives de l'offre de formation font légitimement valoir que la réforme ne pourra pas être appliquée facilement du jour au lendemain. C'est la raison pour laquelle nous vous proposerons que la date d'entrée en service des nouveaux contrats de professionnalisation soit déterminée ultérieurement par décret en prenant en compte la nécessaire adaptation de l'offre de formation. Nous aimerions en outre avoir l'assurance que les actions d'évaluation, d'accompagnement et les enseignements professionnels que les entreprises décideront de mettre en oeuvre elles-mêmes, le soient par des services de formation identifiés, structurés et déclarés comme organismes de formation.

En ce qui concerne le dialogue social, le texte du projet de loi, en dépit du fait qu'il repose sur un socle conventionnel moins solide que celui de la formation, n'en est pas moins novateur. Ici encore une véritable réforme structurelle est projetée.

Cette réforme s'appuie sur une véritable volonté des partenaires sociaux, exprimée dans la Position commune du 16 juillet 2001, de relancer la négociation collective. Parce que cet effort de démocratie sociale est réel, il importe plus que tout de respecter l'esprit et la lettre de la Position commune. Or si le texte du projet de loi reste globalement fidèle à la volonté des partenaires sociaux, il s'en écarte sur deux points fondamentaux.

Je tiens cependant, tout d'abord, à saluer les grandes lignes du volet dialogue social. En effet, il contient des avancées significatives propres à redonner un dynamisme certain à la négociation collective, sans laquelle le terme même de démocratie sociale ne serait qu'un vain mot. Il était important d'étendre le principe de négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Mais l'avancée la plus significative est sans aucun doute le réaménagement complet du droit de l'opposition. Ce droit, tel qu'il est présenté dans le texte, est de nature à augmenter la légitimité des accords et conventions professionnels.

En revanche, sur deux points fondamentaux, le projet de loi me paraît en contradiction avec l'esprit de la Position commune, et l'interprétation faite de ce texte me semble des plus dangereuses. En effet, le projet de loi introduit la possibilité d'appliquer au niveau de la branche et de l'entreprise les règles de l'accord majoritaire, au détriment du principe d'opposition, pour la conclusion des conventions collectives.

D'une part, cette nouveauté n'est pas conforme à la volonté des partenaires sociaux. D'autre part, les règles de l'accord majoritaire ne sont pas réalistes, non seulement parce qu'il est illusoire de penser pouvoir consulter en même temps tous les salariés d'une même branche, mais aussi parce que l'analyse des élections au comité d'entreprise ne paraît pas pertinente.

Leur mise en oeuvre pourrait aboutir à l'effet inverse de celui qui est escompté et paralyser ainsi le dialogue social.

Par ailleurs, la subsidiarité de principe de tout accord de branche et la possibilité ouverte de droit d'y déroger par simple accord d'entreprise fait courir de gros risques à la démocratie sociale. Une telle règle, encore une fois étrangère à la Position commune, pourrait également paralyser le dialogue social et s'avérer très préjudiciable aux salariés, comme le soulignent unanimement toutes les organisations syndicales.

Alors que l'objectif affiché était la revitalisation du dialogue social, le législateur pourrait in fine apparaître comme le dernier recours des salariés. C'est pourquoi nous vous proposerons d'adopter des amendements visant à supprimer toute référence aux principes de l'accord majoritaire et à inverser le principe de subsidiarité, une convention d'entreprise ne pouvant déroger à un accord de branche que si ce dernier l'a expressément prévu.

Au demeurant, je salue la volonté qu'a manifestée le Gouvernement de ne présenter au Parlement le projet relatif à la formation professionnelle et au dialogue social qu'après la clôture des négociations entre partenaires sociaux. Toutefois, compte tenu des divergences importantes qui existent entre le présent projet de loi et la Position commune de 2001 sur le dialogue social, j'aimerais, monsieur le ministre, entendre vos explications ; elles seront essentielles au groupe de l'Union centriste pour déterminer sa position. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann.

M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez cette remarque liminaire : je fais partie des rares collègues encore engagés dans l'entreprise et les critiques sans concession émises à l'encontre des responsables d'entreprises me touchent, surtout au moment où les 35 heures et diverses contraintes administratives incitent nombre d'investisseurs à tourner leur regard vers des pays qui feront bientôt partie de l'espace européen. Des propos comme ceux qu'a tenus M. Chabroux ne peuvent qu'accélérer cette évasion économique.

Je me demande d'ailleurs pourquoi M. Chabroux ne crée pas sa propre entreprise : il pourrait ainsi mettre ses idées en conformité avec les réalités du moment ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur le banc de la commission.)

M. Gilbert Chabroux. C'est un peu facile !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais c'est bien vu !

M. Joseph Ostermann. J'en viens maintenant au projet de loi qui est aujourd'hui soumis à notre examen.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne pourrai, à mon grand regret, évoquer le volet du dialogue social, me contentant de dire, monsieur le ministre, que je partage totalement votre point de vue à ce sujet, tel que vous l'avez exposé dans votre propos introductif. Je centrerai donc mon intervention sur la situation des petites entreprises, notamment celles de l'artisanat et du commerce, secteurs que je connais bien, au regard de la formation professionnelle.

Il me semble en effet que ces entreprises sont concernées au premier chef par ce qui est ici en jeu du fait de la pénurie de main-d'oeuvre dont elles souffrent. Les chiffres sont à cet égard très éclairants : 12 millions d'emplois de niveau V et IV, soit 55 % des emplois, ne sont même pas envisagés comme perspective professionnelle par les jeunes, alors que 415 000 sont à la recherche d'un emploi.

Mme Gisèle Printz. A qui la faute ?

M. Joseph Ostermann. Ce phénomène risque encore de s'aggraver à partir de 2006 avec le départ à la retraite des générations du baby boom.

La formation professionnelle constitue une voie indispensable pour résoudre ce problème.

Or, là encore, les chiffres sont alarmants : d'une part, seuls 6 % des salariés des entreprises de moins de vingt salariés bénéficient de la formation continue, contre 32 % des salariés de l'ensemble des entreprises ; d'autre part, l'apprentissage, qui connaissait une croissance régulière depuis plusieurs années, est maintenant en repli. Ainsi entre février 2001 et février 2002, la proportion d'apprentis ayant retrouvé un emploi non aidé sept mois après avoir quitté leur centre de formation baisse de deux points.

Il paraît, par conséquent, urgent d'agir sur deux leviers : celui de la formation continue et celui de l'apprentissage.

En ce qui concerne la formation continue, les difficultés rencontrées par les petites entreprises pour favoriser l'accès de leurs salariés à la formation ne font qu'aggraver leur manque croissant d'attractivité par rapport aux grandes entreprises, notamment à la suite du passage aux 35 heures.

Par ailleurs, le très faible taux d'accès des petites entreprises à la formation est particulièrement inquiétant du fait de la mobilité des salariés de ces entreprises et de leur rôle déterminant dans la professionnalisation de très nombreux jeunes.

Le projet de loi présente à cet égard un certain nombre de mesures qui vont incontestablement dans le bon sens. Je citerai notamment la création du droit individuel à la formation et la mise en place d'une période de professionnalisation, mesures qui vont contribuer à réduire le fossé existant entre petites et grandes entreprises.

Saluons également deux dispositions visant à concilier ces droits individuels nouveaux du salarié avec les spécificités du fonctionnement de la petite entreprise : d'une part, la possibilité pour l'employeur de différer le départ en formation s'il entraîne l'absence simultanée de plus de deux personnes dans les entreprises de moins de cinquante salariés ; d'autre part, l'aide au remplacement des salariés en formation prévue à l'article 6.

Il me semble, en revanche, que, en prévoyant le versement des sommes correspondantes à un organisme collecteur, ce texte ne permettra pas de lutter contre la tendance croissante des entreprises à se libérer de leur obligation de formation par un versement à un organisme paritaire collecteur agréé, ou OPCA. La collecte de ces organismes est, en effet, en hausse de 6 % sur 2001 et de 12 % sur 2000.

En ce qui concerne l'apprentissage, il convient de réagir à la récente baisse du nombre d'apprentis et à la désaffection des jeunes pour ce type de formation. Face à cette situation, des actions doivent être menées en direction de trois catégories d'acteurs.

Elles doivent d'abord viser les entreprises artisanales elles-mêmes.

Ainsi le projet de loi prévoit un certain nombre d'assouplissements tels que le retour à huit heures, contre sept actuellement, en ce qui concerne la durée journalière de travail applicable aux apprentis et aux jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il s'agit d'une disposition de bon sens. Les apprentis doivent, pour être véritablement impliqués dans la vie de l'entreprise, en suivre les rythmes, qui peuvent être particuliers dans certains secteurs tels que le bâtiment ou l'hôtellerie-restauration.

Le présent texte ne constitue cependant qu'une infime partie de la grande réforme annoncée de l'apprentissage.

En tant que membre du groupe de travail créé l'été dernier sur ce point par Renaud Dutreuil, j'ai pu interroger une centaine d'artisans de mon canton sur ce projet de réforme. Ils ont unanimement exprimé un grand nombre d'attentes qui me paraissent d'ailleurs recouper des actions qu'il conviendrait de mener en direction du deuxième type d'acteurs, à savoir les jeunes.

En effet, lorsqu'on les interroge sur les difficultés qu'ils rencontrent lors de l'embauche d'apprentis, les artisans mettent en avant la faiblesse du niveau de formation générale, des problèmes d'orientation, d'intérêt pour le métier et, enfin, de discipline et d'absentéisme.

S'agissait du niveau de formation générale, la tendance amorcée depuis dix ans est à l'élevation du niveau scolaire des apprentis. On observe effectivement un développement de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur. En 1999-2000, environ 45 700 jeunes ont préparé un diplôme d'enseignement supérieur par la voie de l'apprentissage, soit une augmentation de 11 % en un an, qui faite suite à celle de 19 % enregistrée l'année précédente.

Il convient de soutenir cette tendance. C'est ce que fait le présent projet de loi en permettant des dérogations à la limite d'âge pour la signature d'un contrat d'apprentissage.

Quant aux problèmes de discipline et d'absentéisme, on peut les rapprocher des chiffres relatifs aux ruptures du contrat d'apprentissage qui font malheureusement apparaître une fréquence assez élevée : de l'ordre de 25 % en moyenne et jusqu'à 50 % dans l'hôtellerie.

La responsabilité semble partagée entre les jeunes et les entreprises. Les jeunes, pour leur part, n'ont bien souvent pas suffisamment intégré la culture du travail. Une action devrait être menée dans ce sens par l'éducation nationale.

Le Gouvernement, monsieur le ministre, en est manifestement conscient puisque votre collègue Luc Ferry a déclaré voilà quelques semaines : « Le travail est la valeur qui a été la plus mal traitée dans cette maison au cours de ces dernières années. »

M. Daniel Reiner. Oh là là !

M. Joseph Ostermann. Il ajoutait : « Il faut réhabiliter la pédagogie du travail chez les élèves. »

M. Jean Chérioux, rapporteur. Très bien !

M. Daniel Reiner. On se croirait à un meeting !

M. Joseph Ostermann. Du côté des entreprises, deux types de mesures devraient à mon sens être prises afin que des conditions de travail décentes soient offertes et que les apprentis ne soient pas cantonnés dans des tâches subalternes ou sans lien avec la formation suivie.

Tout d'abord, pour s'assurer de la qualité et des compétences des formateurs en entreprise, qui jouent un rôle précieux dans la transmission du savoir, il conviendrait de créer un statut reconnu de maître d'apprentissage. Chacun de ces maîtres d'apprentissage devrait répondre à des conditions de qualification et d'expérience professionnelle minimales dans le métier et, notamment, posséder un diplôme équivalent au métier préparé.

En contrepartie, il semblerait naturel que les entreprises formatrices soient indemnisées pour l'investissement en temps qu'elles engagent, sous forme de crédit d'impôt, par exemple.

La prévention des risques professionnels constitue, par ailleurs, un enjeu majeur. Une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, sur les accidents du travail, publiée en mai 2002, montre en effet que les apprentis sont, avec les intérimaires, plus exposés que les autres travailleurs.

Enfin, une amélioration du système de rémunération devrait être mise en place. Les artisans que j'ai interrogés estiment qu'elle devrait être liée au diplôme et pas uniquement à l'âge.

Des mesures de ce type devraient être intégrées à la grande réforme tant attendue du statut de l'apprenti, afin de le mettre au même niveau que celui des étudiants. Il devient en effet urgent que l'apprentissage soit considéré pour ce qu'il est, à savoir une filière d'excellence et non une voie de garage.

Là encore, une action importante devrait être menée en direction des jeunes, mais aussi et surtout en direction du monde enseignant, qui influence bien souvent les choix professionnels des élèves. Ainsi, ne pourrait-on pas envisager, entre autres mesures, dans un contexte de départs massifs à la retraite, d'élargir le recrutement des professeurs au monde de l'entreprise ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bonne idée !

M. Joseph Ostermann. Car il faut bien avouer que l'immense majorité d'entre eux sont issus de l'université et sont donc enclins à favoriser le parcours qu'ils ont eux-mêmes suivi.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. Joseph Ostermann. Le Livre blanc rédigé par votre collègue Renaud Dutreil en octobre dernier contient une série de propositions intéressantes et suscite de très vives attentes. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer le résultat des contributions qui ont suivi sa publication ainsi que le calendrier de mise en oeuvre de cette réforme de l'apprentissage ?

Même s'il constitue un pas dans la bonne direction, le présent projet de loi ne peut suffire pour répondre aux besoins des commerçants et artisans, qui sont très attachés à ce système de formation.

Sous réserve de ces éclaircissements et en remerciant nos rapporteurs de leur excellent travail, nous voterons bien entendu le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi a la particularité de comporter deux volets qui auraient mérité d'être examinés séparément.

S'il n'en est pas ainsi, c'est tout simplement parce que vous avez choisi, monsieur le ministre, de profiter d'un accord national unanime des partenaires sociaux sur le volet « formation professionnelle » pour masquer les très graves dispositions contenues dans le volet « dialogue social ».

Pour ce qui concerne la formation professionnelle, mon amie Annie David exprimera notre opinion en insistant sur l'exigence du respect de cet accord national interprofessionnel et en développant les propositions d'amélioration que fera le groupe CRC.

Pour justifier les dispositions relatives au dialogue social, votre leitmotiv est qu'il faut être « moderne », prendre en compte la société et l'économie mondialisée, que ce qui se justifiait hier est obsolète aujourd'hui...

M. Jean Chérioux, rapporteur. Cela vaut mieux que d'être ringard !

M. Roland Muzeau. M. Gautier-Sauvagnac ajoute, pour le MEDEF, qu'il faut faire autrement !

Bref, tous ceux qui ne pensent pas comme la droite gouvernementale et le MEDEF sont, au mieux, taxés de ne rien comprendre, au pis, de vouloir la perte de notre économie et de notre pays !

La pensée unique a ses porte-parole : vous en êtes, monsieur le ministre, un des plus éloquents.

Ce qui a échoué avec les travaux du MEDEF sur les chantiers de la refondation sociale, vous l'imposez pas à pas, projet de loi après projet de loi.

Votre projet ne peut se comprendre hors du contexte que je viens de rappeler. Alors que la situation des salariés ne cesse de se dégrader, vous condamnez la hiérarchie des normes, vous condamnez le principe de faveur, vous balayez la règle de l'ordre public social.

Toute l'histoire du monde du travail démontre que luttes et progrès social sont inséparables. Les acquis des uns ont, à un moment donné, construit les droits de tous, qui ont eux-mêmes créé les conditions de nouveaux progrès portés par les revendications sociales.

Face aux critiques unanimes, vous avancez la « garantie » qu'offrirait l'introduction de l'accord majoritaire.

Nous sommes de ceux qui sont favorables à ce que les règles de validité des accords collectifs tout comme les critères de représentativité des organisations syndicales soient modifiés en profondeur.

Tout salarié doit pouvoir participer à l'élection de représentants syndicaux, quelle que soit la taille de son entreprise, et le principe majoritaire, fondement de notre démocratie politique, doit également s'appliquer en matière sociale. Un tel progrès permettrait que soit porté un regard nouveau sur les syndicats et, par conséquent, favoriserait une meilleure intervention des salariés.

Dans ces conditions, un accord majoritaire devrait, comme les communistes le proposent depuis 1982, pour être valide et légitime, avoir été signé par des syndicats ayant recueilli la majorité des voix aux élections.

Il y avait donc de quoi élaborer une vraie loi porteuse de progrès social ; tel n'a pas été votre choix.

Entre le dispositif actuel et un système reposant sur la signature d'organisations représentant une majorité des salariés concernés, vous avez choisi l'ambiguïté.

Au niveau interprofessionnel et de la branche, un accord pourra être validé si une majorité de syndicats ne s'y oppose pas, mais cette majorité s'appréciera en nombre d'organisations et non en voix.

Au lieu de la possibilité de n'avoir qu'une organisation minoritaire qui signe, vous donnez la possibilité à trois syndicats de signer contre deux, même si les deux représentent plus de salariés que les trois réunis. C'est une conception pour le moins curieuse de la démocratie, qui met à l'écart des milliers de salariés !

C'est un peu comme si, au moment des votes, à l'Assemblée nationale et au Sénat, on comptait le nombre de partis représentés au lieu du nombre de voix !

Certes, une branche sera libre d'organiser, pour légitimer ses accords, une élection de représentativité et permettre à ses entreprises de fonder leurs accords sur l'approbation de syndicats majoritaires aux élections professionnelles. Mais c'est une ouverture virtuelle puisqu'elle est conditionnée par le feu vert d'une majorité de syndicats, en nombre, de la branche. Or, tout le monde le sait, trois centrales, sur les cinq présentant une présomption « irréfragable » de représentativité, y sont totalement hostiles !

Sont virtuelles également les « garanties » que vous affirmez apporter concernant le caractère non rétroactif des dispositions sur l'articulation des niveaux de négociation.

Vous prétendez garantir la sécurité du système par deux garde-fous, ce qui indique bien que vous êtes conscient des risques.

D'une part, la dérogation par accord d'entreprise ne serait possible que si l'accord de branche ou interprofessionnel ne s'y oppose pas. C'est une mauvaise plaisanterie dans la mesure où ceux de ces accords qui sont actuellement en vigueur, c'est-à-dire conclus sous le régime actuel, n'ont jamais eu à prévoir - et pour cause, puisque la question ne se posait même pas ! - une telle interdiction.

D'autre part, la valeur hiérarchique des accords déjà signés ne pourrait être remise en cause. C'est encore une mauvaise plaisanterie tant il est vrai qu'un accord déjà signé peut être dénoncé à tout moment.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a des risques !

M. Roland Muzeau. Nombre de salariés dont la convention collective a été dénoncée sont bien payés pour le savoir ! L'exemple des banques et assurances l'a demontré, et sans diaboliser le MEDEF, j'ai la conviction que celui-ci se complaira dans cet exercice.

C'est ainsi que les entreprises pourraient « négocier » sous la pression patronale la révision des 35 heures, véritable objectif de cette loi.

La possibilité d'un accord d'entreprise dérogatoire à l'accord de branche signifie incontestablement la réduction des droits des salariés, en particulier des millions d'entre eux - les plus nombreux - qui travaillent dans les TPE-PME, où la représentation syndicale est faible, voire inexistante.

Le risque d'atomisation des droits des salariés est avéré. On ne peut pas affirmer vouloir réformer le dialogue social et maintenir des règles permettant de contourner l'opinion majoritaire des salariés ou en persistant à refuser de reconnaître l'existence de nouvelles organisations syndicales qui sont pourtant incontournables.

Plus grave encore : au niveau de l'entreprise, en privilégiant un droit d'opposition élargi, vous mettez en place, monsieur le ministre, une logique de contestation et d'affrontement entre syndicats, souvent déjà divisés, plutôt qu'une logique de responsabilisation et de construction commune, permettant de leur donner la possibilité de se mettre d'accord, dans l'intérêt des salariés et avec eux.

La totalité des syndicats de salariés, pour des raisons certes quelquefois différentes, condamne votre projet de loi, monsieur le ministre.

Lorsque, en commission des affaires sociales, je vous ai interpellé sur ce rejet unanime, vous m'avez répondu que les syndicats CFDT, FO, CGC et CFTC, signataires de la Position commune, approuvaient votre texte... « lorsqu'ils sont en tête-à-tête avec moi », avez-vous ajouté.

Cette réponse est pour le moins surprenante ! Car, que vous le vouliez ou non, tous, sans aucune exception, ont désapprouvé votre projet. Les comptes rendus officiels de la commission en témoignent. Ils témoignent également, s'agissant de la trop fameuse Position commune, texte adopté en 2001 par le patronat et quatre syndicats et dont vous répétez que votre projet est la fidèle reprise, que les mêmes signataires syndicaux vous accusent d'en avoir détourné le sens, au profit de l'interprétation qu'en fait le MEDEF !

M. François Fillon, ministre. Il faut le prouver !

M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, faire de cette déclaration la pierre angulaire, l'alpha et l'oméga d'une nouvelle construction sociale ne résiste pas à l'examen attentif des défis auxquels des millions de salariés sont confrontés, pas plus qu'aux immenses dégâts consécutifs à la mise en place de la politique économique que mène le gouvernement auquel vous appartenez.

En matière de dialogue social, vous manquez un peu de crédibilité : je me souviens qu'un de vos premiers actes à la tête de ce ministère a été, en décembre 2002, de casser un accord majoritaire dans la restauration sur les 35 heures, lésant du même coup 750 000 salariés !

Vous avez également piétiné un vote et une opposition majoritaires à EDF, conclu un accord ultraminoritaire sur les retraites, entériné l'accord minoritaire sur les intermittents du spectacle, pris un décret affaiblissant encore la médecine du travail contre l'avis majoritaire des syndicats.

Bref, monsieur le ministre, ce gouvernement n'a de cesse, depuis qu'il est en place, de réduire les droits des travailleurs et de donner satisfaction aux exigences du patronat.

Vous voulez faire disparaître l'idée qui s'est peu à peu imposée dans notre droit, idée de bon sens, selon laquelle la liberté contractuelle devrait être encadrée par une loi protectrice.

Monsieur le ministre, jusqu'à votre nomination, je pensais naïvement que tout le monde estimait juste la célèbre phrase du père Henri Lacordaire, catholique libéral, élu à l'Académie française au fauteuil du comte Alexis de Tocqueville : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »

Demain, la politique des accords d'entreprise dérogatoires deviendra la règle, ce qui plongera les négociateurs syndicaux, confrontés à plus de quatre cents branches professionnelles, dans les plus grandes difficultés.

Vous ouvrez ainsi une nouvelle porte à la concurrence entre les entreprises qui auront obtenu un maximum de reculs sur la seule variable d'ajustement reconnue par l'actionnaire : la valeur travail.

Réformer le dialogue social est indispensable. Mais, je le rappelle, cela suppose de prendre en compte plusieurs éléments, dont la représentativité des organisations, la garantie d'un exercice du droit syndical sans entrave. Il faut également mettre un terme à la chasse aux délégués du personnel, garantir le droit à l'expression syndicale sur le lieu de travail et créer les conditions d'une représentation syndicale dans les entreprises de moins de cinquante salariés, y compris dans celles de moins de onze salariés.

Enfin, monsieur le ministre, nos débats se déroulent quelques jours après la publication du rapport que vous avez commandé à M. Michel de Virville et qui, au travers d'une cinquantaine de propositions, s'attaque à un siècle de conquêtes sociales, tout en suggérant de refondre le code du travail par voie d'ordonnances !

Vous comprendrez, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, toute l'attention que le groupe CRC porte au projet qui nous est soumis et, compte tenu du contexte dans lequel il nous parvient, notre totale opposition au volet « dialogue social », une opposition que nous manifesterons tout à l'heure en défendant, par la voix de mon ami Guy Fischer, la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite à la fois souligner dans le projet de loi que nous allons examiner la volonté courageuse de faire du droit du travail un droit vivant au service du progrès de nos sociétés, et rappeler les objectifs à atteindre pour qu'il en soit bien ainsi.

Appuyé sur des piliers incontestables que sont le principe majoritaire, la liberté contractuelle et le principe de participation, le droit du travail doit affermir son ancrage dans l'aspiration de tout un chacun à jouer un rôle positif dans l'organisation de son propre travail.

Lors de la dernière conférence internationale du travail, le directeur général du Bureau international du travail a intitulé son rapport : S'affranchir de la pauvreté par le travail.

Qui ne voit que cette finalité fonde toutes les autres et constitue la valeur originelle du travail humain ? La réforme de nos pratiques et de notre législation en ces matières n'aura toute sa légitimité que si elle peut favoriser la réalisation de cet objectif universel.

Ce rapport présenté à Genève fait référence aux documents stratégiques de réduction de la pauvreté qui ont été proposés aux Etats du monde entier et qui ont déjà été adoptés par soixante pays émergents.

Il conclut à la nécessité de mobiliser la communauté de travail pour vaincre la pauvreté.

Je me plais à constater que les différents volets identifiés par le BIT dans le programme pilote sur le travail décent sont en phase avec la philosophie du projet de loi qui nous est soumis.

Le premier d'entre eux est celui de l'emploi et de la promotion de l'entreprise. Il s'agit, pour le BIT, d'encourager les intiatives locales, les possibilités de développement endogène. Pour cela, l'entreprise doit être le siège d'une capacité d'adaptation à la réalité locale, que ses caractéristiques soient sociales, technologiques, institutionnelles, financières, humaines. Le siège de la vitalité est enraciné dans le terrain, dans l'entreprise. Les grandes entreprises nationales et des investisseurs étrangers doivent être appelés à y contribuer, en respectant cette logique territoriale.

Le deuxième volet concerne la protection sociale. Je le cite pour mémoire, car le texte d'aujourd'hui ne se situe pas à proprement parler sur ce plan de la solidarité nationale. Il n'y est cependant pas étranger puisque ce volet est indissociable des accords partenariaux, ne serait-ce qu'à travers les questions de sécurité et de santé au travail.

Le troisième volet souligné par le BIT est celui de la modernisation du code du travail et de la promotion de la négociation collective. Il se trouve au coeur de la réforme d'aujourd'hui. Derrière la redistribution des compétences entre les différents niveaux d'accord et la nécessaire souplesse génératice d'innovation, se fait clairement jour le besoin de dégager des principes et des droits fondamentaux du travail humain. Pour y parvenir - et c'est une nécessité mondiale -, il faut articuler deux catégories de mécanismes juridiques : d'une part, ceux, qui, tels des interdits, doivent constituer une protection absolue pour tous les hommes à la surface de la planète, et, d'autre part, ceux qui, à l'inverse, libèrent les initiatives à la base, permettant à chacun de participer concrètement à la construction de sa propre vie.

Mal synchronisées ou mal régulées dans leur logique propre, ces deux dimensions peuvent soit se retourner contre ceux qui pensaient y trouver protection, soit accentuer le dramatique fossé qui existe entre les pauvres et ceux qui ne le sont pas. Mais il est impossible de ne recourir qu'à une seule des deux logiques. Elles doivent être combinées.

Le quatrième volet identifié par le BIT est relatif au dialogue social. Le champ qu'il lui assigne est très vaste et dépasse le simple dialogue entre organisations professionnelles et syndicales classiquement appelées « partenaires sociaux ». Il doit inclure d'autres organisations collectives représentatives, notamment dans l'optique du développement économique local. Les organisations présentes dans l'économie solidaire, et même dans l'économie informelle, selon le BIT, doivent y trouver leur place. Il est bon d'avoir une telle perspective à l'esprit pour élargir notre horizon hexagonal.

L'enjeu est considérable. La stabilité des économies locales et mondiale en dépend, et bien sûr la paix.

« Le travail décent est une aspiration fondamentale des individus, des familles, des collectivités et des nations, quelles que soient leur histoire et leur culture », écrit le directeur général du BIT.

C'est bien cet horizon qui justifie à mes yeux l'intérêt le plus profond du texte que nous allons examiner, mais qui doit également servir, à l'avenir, de critère pour mesurer son efficacité et son utilité.

Grâce à l'architecture qu'il contribue à clarifier entre les différentes autorités sources du droit du travail, grâce à la voie participative qu'il confirme comme la seule qui corresponde à l'aspiration humaniste, il doit permettre de progresser de manière significative vers la mobilisation de la communauté de travail tout entière pour vaincre la pauvreté, sur le plan tant national qu'international.

Je veux, en conclusion, rendre hommage aux acteurs de ce projet de loi : d'abord aux partenaires sociaux qui, par la position commune du 16 juillet 2001, comme par leur accord « historique » de 2003, ont mis le sujet de l'approfondissement de la négociation collective et de la revitalisation de la formation professionnelle à l'ordre du jour ; ensuite, au Gouvernement, qui a eu le courage d'engager sans tarder les moyens des indispensables rénovations sociales au dialogue social ; enfin, à nos rapporteurs, Annick Bocandé et Jean Chérioux, qui ont réalisé un travail de grande qualité où il m'a plu de retrouver la trace de cette voie participative inséparable de la dignité de la personne humaine, à travers tant la formation professionnelle que le dialogue social.

Je soutiendrai donc avec conviction ce texte assorti des amendements adoptés par la commission, parce qu'il doit permettre au monde du travail, s'il le veut bien, de se mobiliser pour faire reculer les situations d'exclusion ou d'indécence dans le travail et pour vaincre la pauvreté. Soyez assuré, monsieur le ministre, de mon soutien déterminé dans ce combat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de dire à M. Ostermann que, moi aussi, je suis un modeste patron. J'ai appliqué les 35 heures sans états d'âme, et mes entreprises ont néanmoins poursuivi leur bonhomme de chemin, leurs effectifs augmentant même. Voilà peut-être ce qui fait la différence entre un patron ancré à gauche et un autre qui l'est sans doute un peu moins. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste).

M. Jean Chérioux, rapporteur. Cela dépend aussi du domaine !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela dépend du secteur !

M. Bernard Murat. Un compte d'exploitation reste un compte d'exploitation !

M. François Fortassin. On en discutera quand vous voudrez !

« Dialogue social », « concertation », « confiance », « relance syndicale » : dans un premier temps, je me suis demandé, monsieur le ministre, dans quel courant d'air de gauche vous étiez passé ce matin ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Puis, vous vous êtes ravisé, taxant d'« archaïsme » ceux qui sont en désaccord avec les orientations du projet de loi.

M. Jean Chérioux, rapporteur. C'est seulement la constatation d'un fait !

M. François Fortassin. Ce qui m'intéresse le plus, monsieur le ministre, c'est ce dont vous n'avez pas parlé dans votre intervention, que j'ai écoutée avec beaucoup d'attention. En particulier, il n'échappe à personne que la formation professionnelle coûte cher. Si l'on ne peut regretter l'argent que l'on y consacre, je souhaiterais néanmoins que l'on s'interroge sur son efficacité.

Par ailleurs, ne serait-il pas judicieux d'associer le plus étroitement possible la formation initiale, la formation professionnelle et la formation continue ?

Enfin, monsieur le ministre, vous n'avez rien dit sur le problème de la taxe d'apprentissage. On peut certes être amnésique ; néanmoins, si on ne l'est pas, on sait que, la perception de cette taxe d'apprentissage donne lieu à des situations tout à fait anormales : elle est perçue par des organismes qui ne subissent que des contrôles fluctuants, pour ne pas dire extrêmement épisodiques, des organismes qui jouent les banquiers en percevant la taxe en début d'année pour la réutiliser à compter du mois d'octobre ou de novembre.

Quant au contrôle de son utilisation, s'il est peut-être très important, il n'est cependant pas démocratique ; en effet, mes chers collègues, je mets au défi les élus que vous êtes de recueillir des données exactes à cet égard.

S'agissant des organismes de formation, il en est d'excellents, et d'autres qui le sont moins... Sur quels critères les formateurs sont-ils recrutés ? Pour ma part, je ne le sais pas.

Est-il judicieux que la majeure partie de ces organismes de formation dépendent des chambres de commerce et d'industrie ? Sans porter nécessairement un jugement négatif sur ce point, je pose tout de même la question.

Par ailleurs, l'oubli principal de ce texte concerne les jeunes sortant du système scolaire sans aucune formation, à la suite d'un échec ou du dépassement de la limite d'âge. Or, c'est bien de ceux-là dont il faut se soucier !

Enfin, il me semble que l'Etat doit être garant de ces équilibres et non pas choisir son camp. Monsieur le ministre, vous aviez la possibilité de donner véritablement du souffle à ce projet de loi. Mais, pour cela, il aurait fallu être totalement impartial et ne pas faire un arbitrage à la maison. Chacun sait d'ailleurs qu'un tel arbitrage ne satisfait personne : ceux qui perdent la partie à cause de l'arbitre sont mécontents, et les vainqueurs trouvent que l'on n'en a pas fait assez ! Je crains que telle soit la position du MEDEF ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vous avez situé les responsabilités. Encore faudrait-il rappeler celle qui incombe aux employeurs : on ne peut en effet demander à un salarié d'être performant dès la première semaine !

En conclusion, votre projet de loi ne me paraît pas bon ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est à désespérer des formateurs !

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la formation professionnelle et le dialogue social sont deux volets essentiels de notre droit du travail, et leur adaptation à l'évolution de la société est une nécessité que nul ne conteste. Pour cela, monsieur le ministre, vous nous proposez un texte unique, fondé sur deux accords conclus entre les partenaires sociaux, et nous ne pouvons que regretter que ces deux volets n'aient pas fait l'objet d'un projet de loi séparé et d'une discussion autonome.

Ce sont en effet deux sujets bien distincts, issus de deux accords différents.

L'accord du 20 septembre dernier relatif à la formation professionnelle a fait l'unanimité des organisations syndicales représentatives des salariés et du patronat. Cet effort mérite d'ailleurs d'être salué.

Quant à la Position commune du 16 juillet 2001 sur « les voies et les moyens de la négociation collective », elle n'a pas fait l'unanimité, et plusieurs de ses points nécessitaient encore une clarification.

M. le ministre, nous sommes assez déçus par le volet formation de votre projet de loi, qui ne reprend pas tout à fait les termes de l'accord, plusieurs points méritant, à notre avis, un engagement plus fort de la part du Gouvernement. J'aurai l'occasion d'y revenir, car mon intervention portera essentiellement sur la formation professionnelle.

En revanche, nous sommes consternés par le volet dialogue social, nous demandant comment vous pouvez encore faire référence à un quelconque accord tant ce texte est inacceptable et contesté par toutes les organisations syndicales. Il est l'émanation pure et simple des voeux du MEDEF !

Ce texte est dangereux et revient sur des acquis fondamentaux : alors que, jusqu'à présent, les partenaires sociaux ne pouvaient négocier dans une entreprise que des dispositions plus favorables aux conventions collectives de branche, désormais, les résultats de leur négociation pourront être moins favorables. Que va-t-il advenir des horaires de travail, des congés, des modalités de licenciement, du treizième mois ? Les salariés ont du souci à se faire, surtout dans les petites entreprises où il n'y a pas de délégués syndicaux. En fait, ce texte s'inscrit tout à fait dans l'ère du temps du gouvernement Raffarin, caractérisée par de nombreux licenciements, des droits sociaux en régression permanente et l'amorce d'une nouvelle tendance, celle du salarié serviable et corvéable à merci, traité comme quantité négligeable.

De même, nous ne sommes pas persuadés que la fin de l'accord minoritaire tel que vous nous le proposez change quoi que ce soit à la situation actuelle. Nous approuvons une révision des règles de la négociation collective, mais nous aurions préféré que la représentativité réelle des syndicats soit prise en compte, plutôt que le nombre de signataires.

Etant moi-même une ancienne salariée de la sidérurgie lorraine, n'ayant jamais pu bénéficier d'une quelconque formation professionnelle,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez pourtant plutôt réussi !

Mme Gisèle Printz. ... je suis particulièrement attentive à ce volet, et, malgré mon désaccord sur certains points que je vais maintenant expliciter, je tiens à rendre hommage, pour leur travail, aux deux rapporteurs, et tout particulièrement à Mme Annick Bocandé, chargée de la formation professionnelle.

Les mesures issues de l'accord apporteront sans doute des améliorations, mais il ne faut pas en rester là. Tout d'abord, le droit individuel de formation, principale innovation de l'accord, est une bonne chose ; mais vingt heures par an constituent un minimum, et nous aurions aimé que le Gouvernement s'engage pour aller plus loin. C'est un droit qui doit profiter à tous les salariés, qu'ils travaillent dans une grande ou dans une petite entreprise.

Il faudra donc veiller à la bonne application de ce droit sur le terrain. Monsieur le ministre, nous souhaiterions connaître les mesures que vous allez prendre pour inciter les salariés, notamment ceux des petites entreprises, à faire valoir ce droit. En effet, nous savons que le patronat compte beaucoup sur le fait que ce crédit d'heures ne soit pas demandé par les salariés dans les petites entreprises, par méconnaissance ou par peur d'être mal considérés par le patron.

M. François Fillon, ministre. C'est faux !

Mme Gisèle Printz. C'est donc au Gouvernement qu'il incombera de faire connaître ce nouveau droit aux salariés et de les déculpabiliser. Avez-vous prévu de lancer une campagne de communication à ce sujet ?

Le DIF étant cumulable sur cinq ans, il nous paraît indispensable de tenir compte de la mobilité des salariés car aujourd'hui, comme vous le savez, au moins 20 % des salariés changent d'emploi en cinq ans. Le salarié doit pouvoir continuer de bénéficier des droits et avantages acquis en matière de formation et ce, quel que soit le nombre d'employeurs qu'il a eus au cours de cette période. Nous pensons donc que, pour perdurer, le DIF doit absolument être transférable, et nous proposerons un amendement en ce sens.

Par ailleurs, il est important que l'offre de formation réponde au surcroît de demande prévisible et, à cet égard, monsieur le ministre, nous ne pouvons que regretter que les régions, qui jouent un rôle essentiel et ont une expérience concrète dans le domaine de la formation, n'aient pas été associées à la préparation de ce projet de loi : à l'heure de la décentralisation, cela paraît incroyable ! Beaucoup d'interrogations persistent ; c'est pourquoi nous souhaiterions savoir comment les régions seront associées au nouveau dispositif.

Sur le terrain, des problèmes sont à attendre dans la mise en oeuvre de ce dispositif et nous savons que tout ne sera pas généralisé en quelques jours, ni même en quelques mois. Il sera donc nécessaire d'évaluer régulièrement cette mise en oeuvre pour obtenir une généralisation du dispositif, afin que chacun bénéficie d'une formation adaptée à ses besoins.

La formation doit aussi être un vecteur d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, et nous souhaitons que l'évaluation qui sera faite ne soit pas uniquement quantitative mais qu'elle tienne compte de la place réservée aux femmes dans le nouveau dispositif. Les femmes ont trop souvent été écartées de la formation professionnelle ; c'est pourquoi la parité doit être prise en compte dès la mise en place du DIF, afin de partir sur de bonnes bases et de ne pas reproduire les erreurs du passé.

S'agissant des salariés les plus précaires, nous regrettons qu'ils soient traités avec si peu d'égard par votre projet de loi. Je pense notamment aux salariés sous contrat à durée déterminée ou à temps partiel, qui bénéficieront d'un crédit de formation calculé au prorata de leur temps de travail. Vingt heures annuelles, ce n'est déjà pas grand-chose ; alors, que leur restera-t-il ? C'est un comble quand on sait que ce public aurait besoin davantage d'heures de formation pour être compétitif sur le marché du travail. Nous proposerons donc des amendements contre le prorata temporis, particulièrement discriminant.

Plus le public est précaire, moins il semble concerné par ce projet de loi. A aucun moment, par exemple, il n'est question des populations bénéficiaires du RMI ou du RMA. Pour des cas aussi précis, le projet de loi aurait dû aller plus loin que l'accord et le Gouvernement aurait dû s'engager financièrement, plutôt que de s'en remettre uniquement aux entreprises.

En ce qui concerne le contrat de professionnalisation, ce n'est pas une mauvaise chose, car il remplace les multiples contrats existants et simplifie un dispositif très complexe. Il pourra aussi profiter à des salariés plus âgés ou à des femmes ayant interrompu leur carrière, ce qui leur sera bénéfique.

Toutefois, ce contrat comporte aussi des dispositions inquiétantes.

En effet, le projet de loi indique que la durée de ce contrat sera de six à douze mois avec une possibilité d'allongement à vingt-quatre mois, alors que cette durée est de droit commun actuellement. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter la garantie que tout jeune désireux de suivre une formation de deux ans pourra le faire ? Nous n'en sommes pas persuadés et nous y reviendrons dans la discussion des articles.

Un autre aspect de ce contrat nous préoccupe, puisque le plancher du temps passé en formation passera de 25 % à 15 %, sauf dérogation par accord de branche. Selon nous, cette disposition revient à dévaloriser la formation au profit du travail en entreprises et à donner à ces dernières une main-d'oeuvre bon marché, même si une augmentation des salaires est prévue par rapport aux actuels contrats d'alternance. Nous aurions donc préféré que ce plancher reste fixé à 25 %, afin que le contrat de professionnalisation, qui se veut formateur, le soit véritablement.

Dans ce texte fixant des règles pour la formation professionnelle tout au long de la vie, nous regrettons qu'il n'y ait pas plus de mesures en faveur de la seconde chance. Alors que l'accord contenait des mesures concrètes, vous ne faites que mentionner un droit à une qualification différée, sans en fixer ni le contenu, ni les objectifs, ni le financement, ce qui revient éventuellement à y renoncer.

En effet, alors que les partenaires sociaux vous invitaient à définir, en concertation avec eux, les conditions de la participation financière des pouvoirs publics à la formation différée, vous auriez pu prévoir des mesures concrètes et cohérentes. Vous avez cependant choisi de reporter la question sine die et de la renvoyer à une négociation ultérieure entre les partenaires sociaux, les régions et l'éducation nationale, ce qui s'avérera long et difficile. On peut donc s'interroger, monsieur le ministre, sur votre volonté de voir ce dispositif aboutir un jour. C'est pour nous une grosse déception.

Au chapitre des dispositions de l'accord qui n'ont pas été reprises dans le projet de loi figure aussi le « passeport formation », sorte de document personnalisé qui devrait recenser les diplômes obtenus par le salarié au cours de sa formation initiale, ses expériences professionnelles, ses actions de formations ultérieures, les évaluations, les bilans et les validations dont il a pu bénéficier. Pouvez-vous nous dire de quelle manière vous souhaitez intégrer ce dispositif dans le droit du travail ?

Nos interrogations portent aussi sur le devenir de l'AFPA, qui remplit une mission essentielle, et dont la qualité des programmes et la compétence des formateurs sont reconnues sur tout le territoire. Il s'agit d'une des organisations les mieux structurées dans l'offre publique de formation actuelle. Nous souhaiterions avoir des garanties quant à l'avenir de son personnel, de son fonctionnement et de ses missions en faveur du public à « bas niveau de qualifications ».

Nous aimerions également avoir des garanties précises sur d'autres points très importants.

Tout d'abord, en ce qui concerne le contrôle des organismes de formation, comment procédera-t-on afin d'empêcher toute dérive sectaire ?

Ensuite, sur l'accès de la formation aux handicapés, ceux-ci devront avoir accès comme l'ensemble des personnes aux dispositifs du droit commun de formation. Avez-vous prévu, pour tenir compte de leur situation, des actions spécifiques qui pourront leur être proposées ?

Enfin, nous souhaitons que la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux soit assurée, au même titre que celle de tous les autres salariés.

Légiférer sur la formation professionnelle, c'est apporter une réponse concrète à toutes celles et à tous ceux qui, au cours de leur carrière, désirent acquérir de nouvelles compétences, valoriser leurs acquis, rattraper leur retard de qualification, progresser dans leur parcours et même accéder à un nouveau métier. A cet égard, l'accord interprofessionnel du 20 septembre 2003 était un excellent compromis, mais la retranscription que vous en avez faite, monsieur le ministre, demeure incomplète.

Comme je l'ai dit au début de mon intervention, il est regrettable que formation et dialogue social aient été englobés dans un seul projet de loi. Le premier volet, bien qu'incomplet, reste toutefois acceptable, mais le second est tout à fait inacceptable. Il est dangereux pour les salariés, voire pour les entreprises.

Nous vivons dans une société où une partie des gens qui travaillent sont dans une situation de précarité telle qu'ils ne peuvent pas vivre décemment de leur activité. Ce projet de loi n'est pas fait pour arranger leur situation. Les salariés doivent être traités avec respect, comme des collaborateurs, des partenaires à part entière, car c'est avec eux que les entreprises créent des richesses, ce que l'on a tendance à oublier.

M. Jean Chérioux, rapporteur. C'est la participation !

Mme Gisèle Printz. Le général de Gaulle lui-même l'avait bien compris en instaurant la participation des salariés aux bénéfices, ce qui était un réel progrès social. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Jean Chérioux, rapporteur. Merci de le rappeler, madame Printz !

Mme Gisèle Printz. Avec le gouvernement Raffarin, c'est surtout de recul social qu'il est question. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. André Lejeune. Malheureusement !

M. Guy Fischer. C'est la réalité !

Mme Gisèle Printz. Ce texte en est une belle illustration, ce que nous refusons de cautionner. Une loi est bonne lorsqu'elle favorise l'intérêt général, ce qui n'est pas le cas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le manque évident d'un lien entre la formation et l'insertion professionnelle et l'échec de la politique de développement continu des compétences appelaient à différentes réformes en matière de politique d'apprentissage, d'orientation et de formation tout au long de sa vie afin, tout simplement, de favoriser le progrès social au sein de l'entreprise.

C'est dans ce cadre que la réalité de votre projet de loi s'est imposée, monsieur le ministre : le dispositif de formation professionnelle, qui avait besoin d'un second souffle, y a trouvé une nouvelle dimension, avec notamment l'objectif de « casser » la précarité.

En effet, si les moyens consacrés à la formation professionnelle sont considérables - près de 22 milliards d'euros -, les systèmes légaux et conventionnels ainsi que les dispositifs publics et professionnels créés jusqu'à présent n'ont pas atteint pleinement leurs objectifs et ne sont pas encore à la hauteur des espérances nées.

J'en veux pour preuve le paradoxe existant entre le nombre considérable de chômeurs et celui des emplois non pourvus.

En trente ans, les dépenses dans ce domaine n'ont pourtant pas cessé d'augmenter. La majorité des entreprises dépassent d'ailleurs largement les taux minima fixés par la loi. Mais les nouvelles donnes imposées par la mondialisation et l'évolution des technologies rendent obsolète notre dispositif. Son fonctionnement ne permet plus de mettre en adéquation les attentes actuelles des salariés et celles des entrepreneurs en matière de qualification.

Pourtant, le plein emploi, nous le savons tous, ne pourra être atteint qu'avec des salariés mieux formés, et ce tout au long de leur carrière. Une rénovation des processus de formation continue s'avère donc indispensable.

Il est évident, aujourd'hui, que la formation professionnelle n'est, en aucun cas, une fin en soi. Elle est un outil, un investissement essentiel permettant à un actif de maintenir et de développer ses compétences pour devenir plus performant dans son emploi ou pour préparer une reconversion réussie, mais aussi - et je crois que cela n'a pas été suffisamment souligné dans cet hémicycle - tout simplement pour avoir le droit de vivre heureux au sein d'une famille.

La formation professionnelle constitue donc un enjeu majeur pour les actifs, mais également pour les entreprises qui doivent valoriser leurs ressources humaines afin de se développer économiquement et de devenir de plus en plus rentables. Je le disais tout à l'heure à notre collègue, que l'on soit un patron de gauche ou un patron de droite, le chiffre d'affaires et le compte d'exploitation, eux, ne sont ni de gauche ni de droite.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout le monde ne vend pas du vin de Gascogne ! (Sourires.)

M. Bernard Murat. Notre collègue étant, lui aussi, d'un pays de rugby, je lui pardonne ! De fait, l'investissement formation sera bien, au xxie siècle, un levier central du progrès : progrès de l'entreprise, mais aussi progrès social.

M. Roland Muzeau. Parlez-en au MEDEF !

M. Bernard Murat. J'ai entendu à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, évoquer le nom du général de Gaulle. Le gaullisme, en effet, c'est d'abord une idée libérale en matière de développement économique, mais avec une forte conscience sociale.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !

M. Henri Weber. Le gaullisme, c'est aussi le Plan !

M. Bernard Murat. Monsieur le ministre, c'est par référence à ce principe que vous avez délivré votre message. Il ne peut y avoir, aujourd'hui, de développement harmonieux de l'entreprise s'il n'y a pas, en même temps, le progrès social et l'épanouissement des employés.

Partant de ces constats, dans le projet de loi que vous nous présentez ce soir, monsieur le ministre, qui est la transposition législative de l'accord signé en septembre dernier par l'ensemble des partenaires sociaux, vous nous proposez une rénovation complète de notre dispositif de formation professionnelle.

S'inscrivant pleinement dans la démarche de mobilisation pour l'emploi engagée par le Gouvernement, ce projet de loi répond à une double exigence : se projeter vers l'avenir en adaptant notre système de formation professionnelle à une économie en mutation et assurer la solidarité en se concentrant sur les salariés ayant le plus besoin de formation, c'est-à-dire les plus fragilisés.

Lutter contre les inégalités d'accès à la formation qui touchent les salariés les moins qualifiés et ceux qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises est l'un des objectifs de ce texte. Nous ne pouvons que saluer cette initiative.

Trop nombreux sont encore ceux qui n'ont pas acquis le noyau de compétences fondamentales leur permettant de devenir des professionnels qualifiés et aptes à évoluer, et pour qui obtenir une deuxième, une troisième, voire une quatrième chance reste illusoire tant l'accès à la formation professionnelle dépend, entre autres choses, du niveau de formation initiale, de la taille de l'entreprise, de la culture familiale, du secteur professionnel dans lequel ces personnes exercent leurs activités ou, tout simplement, de la nature de leur contrat de travail.

Mme Bocandé l'a déjà dit, statistiquement, une femme non qualifiée dans une TPE avait, en 2001, vingt-cinq fois moins de possibilités d'accéder à une action de formation continue qu'un homme ingénieur travaillant dans un entreprise de plus de cinq cents salariés.

Au-delà du constat qui veut que « la formation aille à la formation », la déperdition énorme qu'entraînent inévitablement ces inégalités en termes de motivation et d'efficacité ne peut qu'être préoccupante.

Il était donc nécessaire de s'intéresser aux plus fragiles et de les aider en leur donnant les outils afin qu'ils puissent bénéficier de l'ascenseur social.

Les dispositions inscrites au titre Ier du présent projet de loi sont, à ce titre, fondamentales et innovantes.

Tout d'abord, la mise en place d'un droit individuel à la formation permettra aux salariés de concrétiser un droit à la formation trop longtemps resté théorique, véritable premier pas de la mise en place d'une « assurance-formation » individualisée. Un nouvel employé à peine sorti de formation ne sera pas performant à 100 % quand il arrivera dans l'entreprise. Aussi faut-il lui laisser le temps de s'adapter. Mais il faut en contrepartie que la formation soit vraiment adaptée aux besoins de l'entreprise. Il est prévu, ensuite, la modernisation du plan de formation précisant les obligations de l'employeur et, enfin, la rénovation des contrats en alternance afin d'accroître le nombre des bénéficiaires et de professionnaliser le dispositif.

Je n'entrerai pas dans les détails, mais je souhaitais simplement souligner, monsieur le ministre, que les dispositions proposées permettront de créer les conditions d'une modification profonde de certains comportements en matière de formation continue, avec la responsabilité comme philosophie générale : responsabilité de l'employeur quant à l'adaptation et l'élévation des compétences de leurs collaborateurs ; responsabilité des salariés quant au maintien ou au développement de leur niveau de qualification.

Pour conclure, je tenais à saluer la présence dans ce texte de quelques dispositions, prémices d'une réforme de l'apprentissage que nous attendons tous et que le Gouvernement devrait nous présenter prochainement. En effet, malgré un bilan positif, le système de l'apprentissage semble toujours marquer le pas en France. La mise en place d'une série de mesures est donc envisagée.

Personnellement, il me semble primordial d'encourager les jeunes à s'orienter davantage vers les filières de formation en alternance, d'en assouplir le dispositif actuel tout en améliorant les conditions matérielles des apprentis. Ces actions devraient permettre d'accroître sensiblement le nombre des apprentis au cours des prochaines années. N'oublions pas que l'apprentissage peut devenir dans certains cas la voie royale pour les jeunes qui veulent s'en sortir, une voie choisie, un investissement individuel pour leur avenir au sein de l'entreprise. Par l'apprentissage, ces jeunes pourront être incités à devenir des chefs d'entreprise, voire à créer leur propre entreprise.

Le jeune, la famille, l'éducation nationale et les chefs d'entreprise doivent être les acteurs d'un apprentissage à la française, moderne, compétitif et surtout décomplexé.

Permettez à l'ancien chef d'entreprise issu de l'apprentissage que je fus, monsieur le ministre, d'affirmer que ce projet de loi aidera les employeurs et les salariés à prendre l'initiative de la formation. Il libérera les énergies et favorisera les créativités par sa méthode de mise en oeuvre au niveau de l'entreprise. Il ouvrira enfin des espaces nouveaux à la formation, en replaçant l'homme au centre de l'entreprise, et des horizons probablement insoupçonnés pour la compétitivité de l'entreprise France et pour un meilleur accomplissement personnel des hommes et des femmes qui la font vivre.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le soutien de l'UMP, car votre projet de loi représente une avancée significative de la politique contractuelle que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la représentation nationale est saisie pour examiner un projet de loi comportant deux parties distinctes dont les appréciations ne sont en aucun cas équivalentes, comme l'a déjà dénoncé mon ami Roland Muzeau.

Le Gouvernement peut se prévaloir du fait que le texte, en ce qui concerne la formation professionnelle, émane d'un accord national interprofessionnel signé entre les représentants du patronat et toutes les confédérations syndicales. Nous savons tous ici que les négociations ont duré trois années, que l'ANI, l'Accord national, interprofessionnel, qui a été signé, est un accord normatif, qui constitue un socle commun à tous les salariés, mais qu'il est un texte plancher, non pas un plafond, et qu'il a fait l'objet de quelques désaccords importants dont témoigne l'insatisfaction des acteurs du terrain.

Par ailleurs, les députés de la majorité ont modifié, avec votre assentiment, le contenu et l'esprit de cet accord. L'engagement gouvernemental de transférer intégralement dans la loi un accord ayant recueilli l'approbation de l'ensemble des partenaires sociaux aurait-il fait long feu pour qu'une lettre vous soit adressée, monsieur le ministre, à ce sujet, par les organisations syndicales ?

Aussi, par le dépôt d'amendements, mon groupe tentera de revenir au plus près de l'ANI et avancera des propositions pouvant d'ores et déjà l'améliorer, notamment en ce qui concerne le travail à temps partiel et l'aspect discriminant qui en découle, comme l'a expliqué Gisèle Printz.

Les applications de la recherche entrent aujourd'hui dans nos vies à des rythmes bien plus rapides que celui du renouvellement des générations. Ainsi, la transmission des savoirs et des savoir-faire ne s'opère plus par les seules imprégnation et transmission familiale ou corporatiste. La nécessité de s'adapter aux avancées scientifiques et techniques s'impose à tous, en permanence, et tout au long de la vie. C'est à mes yeux tout le sens de la proposition du parti communiste, à savoir la création d'une sécurité sociale de la formation professionnelle.

Le patronat, et notamment le MEDEF, répond à cette nécessité et à cette obligation contemporaines par un principe opportuniste selon lequel la productivité et la rentabilité des entreprises passent par une main-d'oeuvre formée et qualifiée. Il lui faut promouvoir la qualification des salariés et la fidéliser pour mieux la rentabiliser dans les secteurs porteurs, sans pour autant donner à ces derniers la possibilité de connaître une réelle évolution professionnelle, et encore moins une évolution personnelle.

Pour notre part, nous défendons une vision humaniste et à long terme de la formation professionnelle tout au long de la vie : un droit individuel, attaché à la personne, quel que soit son contrat de travail, qu'il s'agisse d'un temps plein ou d'un temps partiel, un droit garanti collectivement, transférable et opposable - c'est ce que j'appelle une sécurité sociale de la formation professionnelle - accompagné d'un nouveau statut progressiste du travailleur, permettant à chaque salarié ayant suivi une formation d'obtenir une promotion professionnelle et sociale et une reconnaissance par l'employeur, en termes de qualification, de classification, de rémunération ou de conditions de travail.

La concentration sur l'adaptation au poste de travail et la difficulté de s'inscrire plus largement dans des logiques de développement professionnel et personnel, deux aspects présents dans votre texte, sont autant de dérives qu'il faut aujourd'hui combattre, s'agissant notamment des salariés les moins stables ou les plus vulnérables, des salariés privés d'emploi, des plus de cinquante ans, des femmes, des jeunes sans qualification, des saisonniers, ou encore des intermittents.

C'est ainsi que la formation professionnelle tout au long de la vie, mise en avant lors du Conseil européen de Feira, a été définie comme « toute activité d'apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le but d'améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences, dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à l'emploi ».

Les pratiques consécutives à l'Accord national interprofessionnel de juillet 1970 et à la loi de 1971 ont révélé le constat suivant : « La formation va à la formation », comme vient de le souligner M. Murat. En outre, elle n'est pas vecteur de réinsertion professionnelle et de productivité, et elle aurait trop tendance à se réduire, sur le court terme, à l'adaptation du salarié à l'évolution de son poste de travail.

Le Livre blanc diffusé par le secrétariat d'Etat à la formation professionnelle au mois de mars 1999 tire les enseignements de l'évolution d'un système qui ne répondait plus à ses objectifs initiaux. Aussi, ce Livre blanc avait défini quatre axes majeurs pour le refonder : le développement de la validation des acquis de l'expérience, la mise en place d'un droit individuel à la formation, la reconfiguration des dispositifs de professionnalisation des jeunes et la clarification du rôle des acteurs de la formation continue.

Après l'adoption de la loi de janvier 2002 relative à la validation des acquis de l'expérience, l'accord interprofessionnel et ce projet de loi constituent une étape importante de la concrétisation de la réforme.

Le compromis ne saurait malgré tout cacher la stratégie du patronat français : d'un côté, l'individualisation des relations de travail et des parcours de travail ; de l'autre, l'inversion de la hiérarchie des normes. Cette stratégie doit servir à donner à chaque employeur toute latitude pour gérer son entreprise et son personnel, selon les orientations qu'il aura lui-même définies, en faisant porter au salarié la responsabilité, sous prétexte du droit à la formation, de son « employabilité » ou de son « inemployabilité », termes très souvent utilisés par le MEDEF, c'est-à-dire la culpabilité de son inadaptation au marché du travail et de l'emploi.

Il faut que l'individu devienne acteur de sa progression professionnelle. Et notre philosophie, je vous l'annonçais voilà un instant est celle d'un droit inscrit dans le cadre d'une sécurité sociale de la formation sociale professionnelle et d'un statut progressiste du salarié.

Or, sur ce point, notre position diffère de celle des auteurs du projet de loi. La formation ne deviendra un véritable droit que si elle est effectuée pendant le temps de travail et si elle débouche sur une véritable qualification choisie en toute lucidité.

Nous tenons à défendre avec force le critère de la libre initiative du salarié, qui doit être renforcé par la loi. Comment ne pas percevoir que cette initiative renverra inéluctablement à une opposition entre l'intérêt à court terme de l'entrepreneur et l'intérêt à long terme du salarié ? Pourtant, le double impératif de perfectionnement professionnel et social de l'individu par la formation et de contribution collective au développement économique, à la croissance et à l'équilibre social par la mise en oeuvre de nouvelles compétences ne devrait pas être contradictoire.

Enfin, l'engagement actif des salariés dans la formation tout au long de la vie n'est possible que si le marché de l'emploi cesse de se « destructurer » et si le capital se risque à des politiques de production ambitieuses pour notre pays.

La conciliation était déjà au coeur du consensus idéologique qui avait permis à la loi de 1971 de voir le jour. Il s'agit aujourd'hui de ne pas annuler les valeurs inscrites dans notre Constitution et de respecter pleinement l'Accord national interprofessionnel dans ce nouveau texte de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.

M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la formation professionnelle et au dialogue social constitue un nouveau départ pour la démocratie sociale.

On trouvera toujours quelques esprits chagrins, rétifs à toute réforme. Il n'en demeure pas moins que ce projet revitalise une démocratie sociale menacée d'essoufflement.

En vérité, ce texte demeure un mouvement d'équilibre, qui doit permettre de relancer une dynamique de négociation. Or le parlementaire - et qui pourrait le lui reprocher ? - entend apporter sa pierre à l'édifice. C'est sa légitimité, sa raison d'être. Mais il doit aussi savoir, me semble-t-il, se montrer sage, afin que l'équilibre trouvé par les partenaires sociaux ne soit pas mis à mal.

Le grand juriste René Capitant, s'inspirant de Léon Blum, avait déclaré en 1948 : « Mais que le Parlement soit souverain, cela ne signifie pas qu'il ne puisse pas se limiter lui-même. Cela signifie que, dans tout domaine, il peut intervenir, que dans toute matière il peut légiférer [...] mais également que, dans tout domaine et dans toute matière, il doit se limiter aux principes et, dans sa pleine souveraineté, renoncer pour lui-même aux mesures d'application. »

Bref, il nous faut, mes chers collègues, nous montrer très attentifs au point d'équilibre trouvé par les partenaires sociaux, qui ont longuement travaillé et, finalement, signé un compromis qui est devenu la « Position commune » du 16 juillet 2001 sur le développement de la négociation collective.

Du reste, monsieur le ministre, votre projet de loi est une assez fidèle transposition de cet accord qui, faut-il le souligner, a été signé par la quasi-totalité des partenaires sociaux : le MEDEF, la CGPME et l'UPA pour les organisations patronales ; la CFDT, FO et la CFTC pour les organisations syndicales.

Je dis « assez fidèle », car, sur certains points, il s'écarte de la « Position commune ». A titre personnel, j'aurais souhaité que l'on clarifiât davantage le domaine de la loi et celui de la négociation collective.

Pour autant, cette fidélité à l'accord de juillet 2001 est exemplaire d'une démarche qui doit être poursuivie : respect de la signature des partenaires sociaux, action concrète qui redonne du sens au dialogue social en modifiant l'espace, à l'évidence trop étroit, réservé jusqu'alors à la négociation collective.

Mais il existe aussi, monsieur le ministre, dans cette attitude, une dimension politique à laquelle le groupe du RDSE reste extrêmement sensible : il s'agit de bâtir une démocratie de proximité. Vous avez parlé vous-même de « refonder la démocratie sociale », c'est-à-dire de revitaliser la négociation collective, en s'appuyant sur des acteurs sociaux responsables. Cette réforme nous paraît d'autant plus urgente que les sirènes de l'extrémisme se font une nouvelle fois entendre. Faire confiance aux Français, préserver le champ social, bref faire naître une société plus participative et plus solidaire, constituent autant de principes qui devraient contribuer à limiter les tentations poujadistes.

S'agissant du volet « formation professionnelle », votre texte est respectueux et responsable. Il est respectueux de l'accord signé le 20 septembre 2003 par la totalité des organisations patronales et syndicales et qui réforme un système instauré il y a trente-trois ans. Il est responsable, car la mise en place d'un droit individuel à la formation concilie la possibilité pour chaque salarié d'être acteur de son évolution professionnelle et la nécessité pour l'entreprise de développer sa compétitivité. Ce jugement est partagé par la commission des affaires sociales du Sénat, qui soulignait avec raison que la réforme « répondait aux engagements du Chef de l'Etat pendant la campagne présidentielle en posant le principe du droit à la formation professionnelle tout au long de la vie ».

S'agissant du volet « dialogue social », nous venons de le voir, votre projet de loi constitue une très utile adaptation de notre droit à l'évolution économique et sociale. Pour être clair, il modifie les « règles du jeu » de la négociation collective, pour assurer une meilleure efficacité sociale. D'une part, les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux seront mieux délimités. D'autre part, l'autonomie des niveaux de négociation sera affirmée. Enfin, la légitimité des accords sera renforcée, puisqu'ils seront soumis à l'obligation majoritaire. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter, vous nous le confirmerez sans doute, monsieur le ministre, de ce que certains présentent déjà comme une dérogation généralisée au droit du travail, et donc comme un affaiblissement des garanties offertes aux salariés.

Le champ de la négociation collective dans l'entreprise s'est certes élargi. C'est une bonne chose, car c'est dans la réalité du terrain que l'on pourra retrouver la diversité et les modalités qui conviendront à chacun. Mais, dans le même temps, les branches conservent en certaines matières des compétences exclusives qui ne peuvent faire l'objet d'une dérogation ; c'est le cas par exemple de la fixation des salaires minima de branches.

Bref, c'est un texte équilibré, largement négocié en amont par les partenaires sociaux. C'est là, monsieur le ministre, une grande différence avec les lois sur les 35 heures, dont les résultats sont diversement appréciés, ou avec la loi dite de modernisation sociale, à peu près impensable dans la plupart des pays de l'Union européenne dans lesquels les relations du travail sont réglées, non pas par la loi, mais par la négociation collective, avec des conséquences heureuses sur la richesse du dialogue social, la vitalité des syndicats et la paix sociale.

Il n'en demeure pas moins, monsieur le ministre, que ce projet reste une marche, certes considérable, vers un modèle économique et social que vous appelez et que nous appelons tous de nos voeux. Ce modèle vers lequel nous tendons suppose, là encore, un équilibre réussi entre la nécessaire protection des salariés et la non moins nécessaire compétitivité des entreprises, gage de l'emploi.

A cet égard, un rapport, que vous avez cité, ouvre des pistes intéressantes pour moderniser notre code du travail. Or, moderniser ce dernier, c'est faire « sauter les verrous » à l'embauche, tuer dans l'entreprise la peur de l'embauche. J'espère que le fameux « contrat de projet » dont on parle tant pourra trouver place parmi les propositions que vous soumettez au Parlement. Il s'agit non pas, bien évidemment, de remettre en cause le contrat à durée indéterminée, mais de trouver une solution adaptée pour tous ceux qui pourraient en avoir besoin.

Pour ces derniers, nécessairement limités en nombre, préfère-t-on les voir en contrat de projet ou tous au chômage ? En l'occurrence, c'est non pas l'idéologie qui doit nous guider, mais le pragmatisme. Si le contrat de projet peut utilement contribuer à résoudre ces problèmes d'adaptation, pourquoi s'en priver ?

Faut-il rappeler qu'au 31 décembre dernier on comptait 2 446 500 chômeurs dans notre pays ? N'avons-nous pas l'obligation de faire oeuvre d'imagination, sans a priori aucun, pour remédier à cette situation ?

En somme, monsieur le ministre, ce contrat de projet doit être l'inverse du traité de Versailles, dont Bainville avait souligné à juste titre « qu'il était trop dur pour ce qu'il avait de mou, trop mou pour ce qu'il avait de dur ». Il doit donc être dur - je parle du contrat de projet - quant à ses effets et à sa durée liée à l'exécution d'une mission, et mou tout à la fois, c'est-à-dire flexible, utile pour lutter contre ce mal du siècle, mal français, qui se nomme le chômage. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais remercier le Sénat pour ce débat riche et finalement relativement serein, en particulier grâce à l'excellent travail qui a été accompli par les deux rapporteurs.

Je souhaiterais tout spécialement remercier Mme Bocandé, dont le rapport est très convaincant. Avec beaucoup de finesse, elle propose des ajustements au projet, qui tiennent compte des échanges qu'elle a pu développer avec les partenaires sociaux. Ses suggestions, en particulier sur les obligations de l'employeur en matière de formation, respectent l'équilibre voulu par les partenaires sociaux et j'y souscrirai, pour l'essentiel, bien volontiers.

Je la remercie également d'avoir souligné la dimension et l'importance d'une telle réforme de la formation professionnelle, dont le Gouvernement attend beaucoup, pour la qualité des emplois futurs et pour la compétitivité de nos entreprises.

Je voudrais rendre hommage à M. Chérioux pour la qualité de son rapport, qui est clair, argumenté et nourri d'une très grande expérience. Non seulement il a résumé en termes simples et compréhensibles des questions juridiques extrêmement complexes, mais il a aussi souligné que les audaces du texte en matière de dialogue social sont bien encadrées et, j'ose le dire, calculées.

A juste titre, il a mis en évidence les possibilités offertes par le texte pour que le dialogue social occupe tout l'espace que lui donne la loi, dans les entreprises par exemple, y compris dans les entreprises de taille modeste. J'ai la conviction que l'avenir confirmera ce pari en faveur de la démocratie sociale.

Par ailleurs, il a rappelé la force de son engagement en faveur de la grande idée de la participation, à laquelle je suis, tout comme lui, extrêmement attaché. Je veux lui dire que le Gouvernement examinera avec beaucoup d'intérêt, dans le cours de la discussion, les suggestions qui lui seront faites à ce propos.

J'en viens à la première intervention de l'opposition, celle de M. Chabroux, à qui je rappellerai d'abord que les douze derniers mois du gouvernement de M. Jospin s'étaient soldés par 156 000 chômeurs supplémentaires, et ce malgré les emplois-jeunes et les 35 heures.

Nous n'avons bien entendu pas l'intention, monsieur Chabroux, de nous contenter du retour de la croissance, car nous savons qu'il ne nous permettra pas de rattraper le retard que nous avons pris depuis des années en matière d'emplois par rapport à nos voisins européens. J'ai donc engagé avec les partenaires sociaux la semaine dernière une concertation qui me permettra de vous présenter au printemps un projet de loi relatif à la mobilisation pour l'emploi.

Ce texte a pour objectif à la fois d' assurer une meilleure formation des salariés, en poursuivant le travail que nous entamons ici avec ce texte sur la formation professionnelle, et de lever toute une série de freins à l'emploi, constatés au cours de ces dernières années par de nombreux rapports, quels qu'ils soient, mais qui se sont toujours heurtés finalement à l'immobilisme des gouvernements.

En fait, le parti socialiste semble avoir si peu à dire sur le projet de loi dont nous discutons... (M. le président de la commission s'exclame) que M. Gilbert Chabroux a consacré l'essentiel de son temps de parole à des considérations polémiques sans rapport avec le sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !

M. Henri de Raincourt. Il a raison. M. Chabroux est coutumier du fait.

M. François Fillon, ministre. Je vais néanmoins répondre aux quelques questions précises qu'il a posées.

L'AFPA, je le répète, gardera son statut, mais la commande publique sera décentralisée, comme le Sénat l'a d'ailleurs décidé lors de l'examen de la loi relative aux responsabilités locales. Je m'étonne que le parti socialiste s'en inquiète, alors que ce sont des gouvernements socialistes qui ont fait les premiers pas en matière de décentralisation (M. Gilbert Chabroux s'exclame)...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !

M. François Fillon, ministre. Ne vous exclamez pas quand je vous rends hommage, monsieur Chabroux !

... notamment en matière de formation professionnelle qui, je vous le rappelle, a été attribuée, par des textes votés par la majorité de l'époque, en grande partie aux régions.

S'agissant de la lettre des syndicats et de la transposition de l'accord sur la formation professionnelle, monsieur Chabroux, ne vous inquiétez pas : les ajustements rédactionnels souhaités seront examinés lors de la discussion des articles.

Quant à la Position commune transposée par le titre II du projet de loi, il est regrettable que M. Chabroux ait nourri son propos de citations reprises ici ou là dans les journaux sans vraiment s'intéresser au fond du débat.

L'expression « régression sociale » est utilisée pour tenir lieu d'argumentation. Elle sera appréciée par les partenaires sociaux qui ont signé la Position commune et dont les termes sont ici transposés. (M. René-Pierre Signé s'exclame.)

Quant aux propositions esquissées par le parti socialiste, elles ne peuvent pas ne pas être rapprochées du souvenir que nous avons de son inaction au temps où il était aux affaires. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilbert Chabroux. Un million de chômeurs en moins !

M. François Fillon, ministre. M. Chabroux nous parle d'accord majoritaire, mais sous le règne du gouvernement de M. Jospin, les accords étaient minoritaires ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Il nous parle d'élections de représentativité, mais avez-vous vu un seul projet du parti socialiste permettant de mettre en place des élections de représentativité ?

M. René-Pierre Signé. On verra les régionales !

M. François Fillon, ministre. Il nous parle de modification des équilibres en matière de dialogue social, alors même qu'aucune initiative n'a été prise dans ce domaine.

M. Vanlerenberghe a eu raison de souligner que, depuis plus de dix-huit mois, la négociation a repris de la vigueur et que le pari du dialogue social est justifié par les résultats déjà obtenus. Je citerai l'accord sur la formation professionnelle, naturellement, l'accord sur les retraites complémentaires, mais aussi les discussions déjà très avancées sur l'égalité professionnelle ou encore sur les restructurations.

Nous voyons bien que l'appel à la négociation et à la responsabilité que le Gouvernement a lancé en direction des partenaires sociaux donne aujourd'hui ses premiers résultats.

S'agissant de la date d'entrée en vigueur des dispositions législatives relatives au contrat de professionnalisation, je ne pourrai pas répondre aux souhaits émis par certains organismes privés de formation professionnelle. En effet, l'accord dont nous discutons date du mois de septembre 2003 et son entrée en vigueur est désormais fixée, à la suite d'un amendement voté par l'Assemblée nationale, au 1er octobre 2004. Un an s'écoulera donc entre la conclusion de l'accord et sa mise en oeuvre, ce qui me paraît suffisant pour préparer l'adaptation de l'offre de formation. Entre le moment où la loi pourrait être promulguée et le 1er octobre, il s'écoulera plus de six mois et les organismes de formation professionnelle sont naturellement informés, depuis plusieurs mois déjà, des orientations de l'accord signé par les partenaires sociaux.

Enfin, j'entends respecter le plus possible la volonté des partenaires sociaux, qui avaient choisi la date du 1er juillet 2004. L'idée était que la nouvelle année scolaire puisse se dérouler sous le nouveau régime. Si l'on repoussait au-delà du mois d'octobre la date d'entrée en vigueur de la loi, cela signifierait que l'on vise en réalité la rentrée scolaire de 2005 et que deux ans s'écouleraient entre la signature de l'accord et sa mise en oeuvre.

S'en remettre au bon vouloir des organismes de formation reviendrait à différer sans justification l'application de la réforme, ce qui desservirait leurs intérêts. En effet, la formation en alternance, tels les contrats de qualification, n'est plus aussi attractive, la décroissance enregistrée d'une année sur l'autre dépassant 12 %. Or la mise en oeuvre de la réforme relancera, j'en suis convaincu, les formations en alternance et, par là-même, le chiffre d'affaires des organismes privés qui sont aujourd'hui si inquiets. Tout le monde y gagnera, à commencer - et c'est bien l'essentiel - par les jeunes qui auront reçu une formation.

M. Ostermann a eu raison de souligner l'importance de l'apprentissage. Le Gouvernement entend bien aller au-delà des premières dispositions qui vous sont soumises dans ce texte. Le travail de réflexion auquel M. Ostermann a bien voulu contribuer doit déboucher sur une réforme ambitieuse. Nous avons engagé à ce propos une concertation approfondie avec les partenaires sociaux pour faire de l'apprentissage une filière d'excellence.

La conception classique développée par M. Muzeau reprend l'idée selon laquelle le progrès social est indissociable de la lutte et du conflit. C'est justement le contraire de ce que croit le Gouvernement, qui estime qu'il faut fonder le progrès social sur le dialogue social. (M. Roland Muzeau s'exclame.) Il est temps, de notre point de vue, monsieur Muzeau, de rompre avec une conception de la politique sociale héritée du xixe siècle.

M. Guy Fischer. Vous poussez un peu loin !

M. François Fillon, ministre. Nous avons besoin de réconcilier l'économique et le social ; nous avons besoin de sortir de fausses antinomies et d'accepter l'idée qu'un bon accord peut résulter d'un vrai dialogue dans lequel l'intérêt général se compose d'avantages réciproques.

M. Seillier, de par son expérience en matière de lutte contre l'exclusion, a apporté un témoignage très utile sur l'importance du travail dans le progrès social. Ses références aux travaux du Bureau international du travail élargissent la réflexion en rappelant les références internationales, dont nous ne tenons jamais suffisamment compte.

La formation, le dialogue social sont ainsi reconnus comme des outils de lutte contre la pauvreté.

Je m'associe, monsieur Fortassin, à votre exigence d'efficacité à l'égard du système de formation. Un meilleur contrôle est en effet toujours souhaitable, et ce texte y contribuera.

Quant au terme d'arbitrage, j'y souscris volontiers : le rôle de l'Etat est bien d'arbitrer. Mais je reconnais qu'au travers de ce texte l'Etat se fixe pour objectif premier de respecter l'équilibre trouvé par les partenaires sociaux. Il m'a semblé, en effet, qu'un accord unanime valait considération et qu'en renonçant à l'équilibre de l'accord on rendrait un très mauvais service à la démocratie sociale, ainsi que finalement à l'efficacité sociale. Je fais le pari - et je vous invite à le faire avec moi - que ce texte tiendra ses promesses. Je me permets d'ajouter que l'incitation forte que nous avons donnée, avec le Président de la République, à la conclusion de la négociation, a compté pour beaucoup dans son issue. Sans doute le Gouvernement précédent n'avait-il pas fait le même choix, puisque en 2001 cette même négociation avait échoué.

Madame Printz, s'agissant du DIF, je vous rassure : ce droit a bien vocation à bénéficier autant aux salariés des PME qu'à ceux des grandes entreprises. Le texte prévoit que le salarié sera informé de ses droits régulièrement, chaque année. Contrairement à ce que juge Mme Printz, le DIF est un outil permettant de promouvoir l'égalité réelle des salariés dans l'accès à la formation.

Quant au « passeport formation », cet aspect de l'accord n'est évidemment pas abandonné, madame Printz. Simplement, le sujet ne peut pas être traité au niveau de la loi. Il fera l'objet d'un nouvel accord, que les partenaires sociaux ont prévu de conclure d'ici au mois de juin 2004.

M. Murat a souligné avec raison les grandes inégalités qui existent aujourd'hui en termes d'accès à la formation. De ce point de vue aussi, il serait bon qu'à la suite de tous les syndicats l'opposition reconnaisse que le projet du Gouvernement représente un authentique progrès social.

Mme David se plaît, comme d'autres, à présenter une vision archaïque du patronat. Il me semble que ce n'est pas à propos de l'accord sur la formation ni à l'occasion de ce texte qui le transpose que la démonstration est le mieux fondée. Si un consensus s'est dessiné au sein des partenaires sociaux, ce n'est pas un hasard, madame David. Cela traduit une conception humaniste de l'entreprise dans laquelle l'intérêt de l'entreprise rapproche l'employeur et les salariés. De fait, nous ressentirons toujours plus à l'avenir que la principale richesse de l'entreprise c'est la qualité des hommes et des femmes qui y travaillent. L'investissement dans la formation est donc bien le plus rentable et le plus nécessaire. Nous devons l'accompagner par ce texte.

Enfin, M. Joly a souligné, à juste titre, l'intérêt d'un bon équilibre entre la loi et l'accord collectif. L'un et l'autre se confortent, mais l'un doit aussi respecter la compétence de l'autre. Tel est le sens de l'exposé des motifs du projet de loi. Telle est bien la signification d'un champ largement ouvert à l'accord collectif. C'est une nécessité en matière sociale, comme en témoigne la rédaction de l'article 34 de la Constitution : elle invite le législateur à inscrire dans la loi les principes fondamentaux et à laisser à l'accord collectif la souplesse et la capacité d'adaptation nécessaires.

Au-delà de ces réponses à quelques-unes des questions qui ont été soulevées par les orateurs au cours de la discussion générale et avant d'en venir, après les motions de procédure, à l'examen des articles, je voudrais faire deux commentaires.

Le premier concerne nombre d'interventions émanant notamment de l'opposition qui, d'une part, reproche au Gouvernement certaines incohérences dans la transposition du texte, liées en particulier à des amendements votés à l'Assemblée nationale - je m'en suis expliqué et celles-ci feront l'objet de corrections - et, d'autre part, propose à chaque instant de modifier profondément l'équilibre trouvé par les partenaires sociaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Muzeau. Il s'agit de l'enrichir !

M. François Fillon, ministre. Cela n'existe pas ! Un équilibre a été trouvé ! Ou bien l'on transcrit cet équilibre dans la loi, ou bien l'on ne considère pas le travail des partenaires sociaux comme essentiel et le législateur assume alors ses responsabilités. C'est une question très importante, car si nous voulons à l'avenir, avant chaque décision en matière sociale, demander aux partenaires sociaux de se mettre d'accord sur des équilibres, il faudra naturellement que le Parlement apprenne à les respecter.

M. Roland Muzeau. Absolument !

M. François Fillon, ministre. En effet, dans le cas contraire, pourquoi les partenaires sociaux prendraient-ils le risque de faire naître une certaine incompréhension au sein même de leurs propres organisations, lors de la signature d'un accord entre le patronat et les syndicats de salariés ? A l'évidence, nous adresserions un message très négatif aux partenaires sociaux si nous leur disions que tous les efforts qu'ils ont accomplis pour trouver un équilibre ne valent rien, puisque, au motif d'enrichir l'accord, c'est-à-dire en réalité afin de répondre à une partie des demandes formulées par ailleurs, nous allons remettre profondément en cause les équilibres.

M. Henri Weber. C'est ce que vous avez fait !

M. François Fillon, ministre. Absolument pas, vous le savez très bien !

D'ailleurs, si vous le souhaitez, je pourrai vous lire les commentaires qui ont été faits par les partenaires sociaux dans les réunions qui ont permis la retranscription de l'accord.

M. Roland Muzeau. Vous en avez rajouté !

M. Henri Weber. Et le deuxième texte ?

M. François Fillon, ministre. Quant au deuxième texte, nous aurons l'occasion, tout au long des débats, de reprendre mot à mot le texte de la Position commune. Du reste - et je réponds là à M. Vanlerenberghe -, vous constaterez que, sur chaque point de la Position commune, le projet de loi qui vous est proposé reprend les équilibres, souvent ambigus, souvent difficiles, je le reconnais...

M. Roland Muzeau. Ah, quand même !

M. François Fillon, ministre. ... mais qui étaient le fruit d'un travail mené par les partenaires sociaux.

M. René-Pierre Signé. Pas tous !

M. François Fillon, ministre. Ce texte permet aujourd'hui de progresser en matière de dialogue social.

On nous dit que la gauche, notamment le parti socialiste, est favorable à l'accord majoritaire. Nous nous dirigeons vers cet accord majoritaire, en totalité dans les entreprises et avec une étape s'agissant des accords de branche. Comme je le disais tout à l'heure, je n'ai pas eu connaissance, dans le passé, du moindre projet du gouvernement précédent pour aller dans le sens d'un accord majoritaire.

Nous proposons des élections de représentativité dans les branches.

M. Roland Muzeau. Non !

M. François Fillon, ministre. Je reconnais qu'il aurait fallu aller plus loin en imposant ces élections de représentativité,...

M. Roland Muzeau. Absolument !

M. François Fillon, ministre. ... mais, cette mesure ne figurait pas dans la Position commune. En outre, cette question ne faisait pas l'objet d'un accord suffisamment large entre les syndicats de salariés, qui sont loin d'être unanimes à cet égard, et les syndicats patronaux. Néanmoins, nous montrons le chemin. Pour ma part, j'appelle de mes voeux des élections de représentativité (M. Roland Muzeau s'exclame), car elles fonderont, à l'avenir, la légitimité des organisations syndicales. Là encore, on ne peut pas trouver dans l'histoire récente, voire ancienne, la moindre trace d'un projet de l'actuelle opposition visant à mettre en place des élections de représentativité.

Enfin, si vous aviez eu envie de reconnaître de nouvelles organisations syndicales, vous aviez tout loisir de le faire. Tel n'a pas été le cas ! Il est vrai que la question se pose aujourd'hui pour plusieurs d'entre elles. D'ailleurs, certaines organisations syndicales ont porté cette question devant les juridictions compétentes et nous verrons comment faire évoluer notre droit.

En réalité, avec ce texte, nous faisons faire un progrès considérable à la formation professionnelle en créant un nouveau droit pour les salariés : le droit individuel à la formation. Il faudra le compléter par la « deuxième chance », dans le cadre du texte relatif à l'emploi qui viendra en discussion au printemps prochain.

Quant au dialogue social, je reconnais bien volontiers que nous ne sommes pas allés aussi loin que je l'aurais voulu, mais nous mettons en mouvement des règles qui étaient figées depuis la Libération. L'embarras de l'opposition vient, pour une large part,...

M. René-Pierre Signé. Nous ne sommes pas embarrassés !

M. François Fillon, ministre. ... du fait que c'est la majorité actuelle qui met en mouvement ces règles en matière de dialogue social. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Gilbert Chabroux. C'est une marche arrière !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par MM. Weber et Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, d'une motion n° 75, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n° 133, 2003-2004). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commision saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Henri Weber, auteur de la motion.

M. Henri Weber. Monsieur le ministre, le patronat français - aujourd'hui le MEDEF, hier le CNPF - a depuis vingt ans un objectif majeur : faire de l'entreprise, et non plus de la branche ni du niveau interprofessionnel national, le lieu privilégié de la négociation entre les partenaires sociaux.

La raison de cette volonté est facile à comprendre. Dans notre pays, le taux de syndicalisation est faible : 8 %, en incluant les effectifs de la fonction publique, contre 40 % en Grande-Bretagne, 60 % en Allemagne, 80 % dans les pays scandinaves. Dans beaucoup de petites et moyennes entreprises et même dans beaucoup de « grosses moyennes » entreprises du secteur privé, il n'y a pas de sections syndicales.

Le patronat est beaucoup plus à même d'imposer des compromis favorables à ses intérêts au niveau de l'entreprise qu'aux deux autres niveaux. Là réside la raison de sa volonté de déplacer vers l'entreprise le centre de gravité des relations contractuelles, au nom, bien entendu, de « l'autonomie des partenaires sociaux » et de la liberté de négociation.

Cette volonté se heurtait jusqu'à présent à deux obstacles de taille, notre hiérarchie des normes et le « principe de faveur ». En vertu de la hiérarchie des normes, aucun accord d'entreprise, de branche ou interprofessionnel ne peut contrevenir à la loi et au droit du travail, l'Etat et la justice étant les garants de notre « ordre public et social ».

En vertu du principe de faveur, les conventions collectives d'entreprises peuvent déroger aux conventions passées au niveau de la branche seulement si elles sont plus favorables aux salariés concernés, et non si elles sont moins favorables.

Cette hiérarchie des normes et ce principe de faveur exercent deux effets vertueux.

En premier lieu, ils protègent les salariés des petites et moyennes entreprises et, plus généralement, ceux des entreprises où les syndicats sont inexistants ou très faibles, en imposant aux chefs d'entreprise d'appliquer au moins les accords de branche étendus. Grâce au présent projet de loi, ils pourront désormais négocier des accords collectifs moins avantageux que ceux de la branche, quand le rapport de force le leur permettra. Le marché de l'emploi, caractérisé par un chômage reparti à la hausse - avec 200 000 chômeurs supplémentaires depuis votre arrivée au gouvernement, monsieur le ministre - et la faiblesse des syndicats les y autoriseront malheureusement assez souvent.

En second lieu, la hiérarchie des normes et le principe de faveur empêchent, ou au moins limitent le dumping social, le nivellement social par le bas : les entreprises qui négocient le contrat de travail le plus défavorable pour les salariés ne peuvent pas le généraliser aux autres au moyen de la concurrence.

Ces deux effets, votre projet de loi les affaiblit, voire les anéantit, monsieur le ministre. Telle est la raison de l'accueil que les partenaires sociaux lui ont réservé. Le MEDEF se réjouit bruyamment de voir satisfaite, une fois de plus, une de ses revendications historiques, mais tous les syndicats de salariés, sans exception quoi que vous ayez dit, protestent dans les termes les plus vifs, tout comme l'Union professionnelle artisanale, et même la CGPME, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises.

Vous prétendez simplement retranscrire la Position commune des syndicats du 10 juillet 2001. S'il en était ainsi, comment expliquez-vous les protestations très fermes de toutes les confédérations, y compris celles qui sont réputées les plus constructives, les plus positives ?

M. François Fillon, ministre. C'est une bonne question !

M. Henri Weber. En effet, monsieur le ministre, et j'écouterai avec intérêt votre réponse !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle sera plus nuancée, monsieur Weber !

M. Henri Weber. Puisque fort imprudemment vous êtes revenu sur ce point dans votre réponse à notre collègue Gilbert Chabroux, permettez-moi ces quelques citations.

Je cite la CFDT : « Nous avons un désaccord de fond sur le rôle et la place de chaque niveau de négociation. Le Gouvernement a satisfait les demandes patronales en accordant une place excessive à la négociation d'entreprise. C'est une mesure libérale qui risque de conduire à l'appauvrissement de la branche. Celle-ci doit au contraire rester le pivot de la négociation collective. » Il ne s'agit ni d'Arlette Laguiller ni d'Olivier Besancenot, mais de la très paisible et très constructive CFDT !

Je cite la CFTC : « Les réalistes que nous sommes prédisent un démantèlement du droit du travail, appelé de ses voeux depuis longtemps par le MEDEF. »

Je cite la CGC : « Est-il utile de revenir sur cette loi scélérate au titre mensonger de "loi sur le dialogue social" ? »

Monsieur le ministre, je n'invente rien. Vous connaissez d'ailleurs mes références : toutes les centrales de salariés et l'Union professionnelle des artisans sont hostiles au présent projet de loi, et l'ont fait savoir en termes extrêmement vifs.

Faire figurer dans l'intitulé de votre projet de loi l'expression « dialogue social », alors que tous les syndicats manifestent une telle hostilité, c'est, dans le meilleur des cas, de l'humour involontaire et, dans le pire, du cynisme.

Ce mauvais coup explique aussi pourquoi vous avez refusé d'organiser un vote séparé sur chacune des deux parties de votre texte, comme vous l'ont demandé nos collègues socialistes de l'Assemblée nationale, en vertu de l'article 63-3 du règlement de celle-ci.

Vos conseillers en communication vous ont sans doute convaincu que la première partie de votre loi, traduisant sur le plan législatif l'accord interprofessionnel sur la formation, occulterait la seconde partie, celle qui porte atteinte au principe de faveur. Vous comptiez sans doute sur la technicité de ces questions pour que l'opinion publique se laisse abuser par vos considérations rassurantes et enveloppantes, mais c'était compter sans la fonction d'alerte des défenseurs naturels des salariés que sont les confédérations syndicales et les partis de gauche.

Après avoir remis en cause la loi sur les 35 heures en sous-payant les heures supplémentaires, après avoir nivelé notre système de retraite par le bas, après avoir jeté hors de la solidarité nationale des centaines de milliers de chômeurs en leur supprimant le bénéfice de l'allocation spécifique de solidarité et en créant une nouvelle catégorie de sous-salariés ou de travailleurs à contrats atypiques, quasi gratuits, par le biais du RMA, après avoir mis à bas la législation adoptée en 2001 et destinée à protéger les travailleurs exposés aux comportements des patrons-voyous que vous avez vous-même, d'ailleurs, à certains moments, dénoncés, vous vous apprêtez aujourd'hui à faire voter une loi qui permettra de passer certains principes fondamentaux de notre droit du travail par pertes et profits.

Au-delà de ces considérations, l'examen des articles, et notamment des articles 36, 37 et 38, a conduit le groupe socialiste du Sénat à présenter une motion de procédure tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

En effet, le présent texte va à l'encontre de quatre principes généraux du droit à valeur constitutionnelle. J'ai nommé le principe de la compétence du législateur, celui d'exigence de clarté de la loi et de la sécurité juridique, celui d'atteinte à la sécurité des personnes et celui d'égalité du droit des salariés à déterminer collectivement leurs conditions de travail.

Le premier motif d'inconstitutionnalité, la remise en cause de la hiérarchie des normes entre les accords d'entreprise et d'établissement, les accords de branches et les accords professionnels et interprofessionnels, aboutit à un dessaisissement excessif du législateur, ce qui est contraire à l'article 34 de la Constitution.

L'article 37 de ce projet de loi prévoit qu'un accord d'entreprise peut déroger aux dispositions d'une convention supérieure, sauf spécifications contraires de l'accord de branche. Cet article confie donc aux partenaires sociaux non seulement la possibilité de contrevenir au principe de faveur, reconnu comme un principe fondamental du droit du travail, mais aussi et surtout le soin d'énoncer et de délimiter le champ ouvert aux dérogations. Or l'article 34 de la Constitution prévoit que c'est la loi qui fixe les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est ce que nous faisons !

M. Henri Weber. Il revient donc au législateur d'exercer pleinement sa compétence en définissant plus précisément les domaines où les dérogations seront possibles. Il peut y avoir délégation de compétences, à condition que la loi énumère et précise les sujets pouvant donner lieu à cette dérogation. Dans le cas contraire, c'est-à-dire dans le cas qui nous occupe, force est de constater un dessaisissement excessif du législateur, une incompétence négative du législateur, que le Conseil constitutionnel ne pourra que censurer.

De toute évidence, cette difficulté n'a pas échappé au rapporteur de l'Assemblée nationale puisqu'il a déposé un amendement - retiré à la demande du ministre - proposant que des parlementaires soient désormais membres de la Commission nationale de la négociation collective afin d'« associer le Parlement le plus en amont possible aux évolutions du droit du travail ».

D'un côté, cet article court-circuite le Parlement, de l'autre, le rapport de Virville propose de réformer le code du travail par voie d'ordonnance.

M. François Fillon, ministre. C'est faux !

M. Henri Weber. Si ces dispositions répondent aux souhaits réitérés du MEDEF, je doute qu'elles fassent l'unanimité, même au sein de la majorité gouvernementale.

Deuxième moyen d'inconstitutionnalité, ce projet de loi viole l'exigence de clarté de la loi et de sécurité juridique des citoyens face à la loi, en multipliant les possibilités de dérogations aux accords structurant les relations sociales.

L'article 38 ouvre aux accords d'entreprise la possibilité, jusqu'alors réservée aux accords de branche, de déroger à la loi. La décision d'augmenter la durée du temps de travail peut, par dérogation, être prise par un accord de branche, mais elle doit être accompagnée d'un décret. Si l'article 38 était adopté, un accord d'entreprise stipulant l'augmentation de la durée du travail devrait par conséquent être accompagné d'un décret. Le ministère va-t-il passer son temps à faire des décrets pour chaque entreprise qui prendrait cette décision dérogatoire ? Manifestement, cette disposition n'est pas applicable.

Troisième moyen d'inconstitutionnalité, le présent projet de loi porte atteinte à la sécurité des personnes. Il permet en effet aux entreprises de conclure des accords en matière de repos hebdomadaire et quotidien ainsi que de durée maximale du travail hebdomadaire. Le Conseil constitutionnel a pourtant affirmé que ces dispositions concernaient directement la sécurité des personnes.

A ce jour, ces dispositions peuvent être conclues par accord de branche étendu, garantissant ainsi une égalité de traitement des salariés dans toute la branche. En outre, les accords doivent être accompagnés d'un décret, dans la mesure où seule la puissance publique peut justifier l'existence d'une inégalité des règles touchant à la santé et à la sécurité des travailleurs. Le projet de loi institue une dérogation généralisée sur ces domaines, en violation avec le principe de notre Constitution.

Le quatrième moyen d'inconstitutionnalité est la violation du droit des salariés à participer à la détermination collective des conditions de travail, ainsi qu'à la gestion de l'entreprise, droit contenu dans le préambule de la Constitution de 1946 et confirmé dans la Constitution de 1958, qui confère à la loi le soin de fixer les conditions dans lesquelles ce droit s'applique.

Et il revient à la loi de préciser pour chaque niveau - interprofessionnel, de branche ou d'entreprise - les conditions de la négociation. Or l'article 38 laisse le soin à la branche de déterminer, pour l'entreprise, le mode de conclusion des accords collectifs ! Il me semble pourtant que le principe de participation implique que tous les salariés puissent l'exercer dans les mêmes conditions. Ce n'est pas le cas puisque l'accord collectif de branche aura le choix entre trois modes de conclusion pour les accords collectifs dans l'entreprise

Ces accords seront valides s'ils ont été signés par des organisations syndicales représentant la majorité des salariés, s'ils n'ont pas fait l'objet d'une opposition des organisations syndicales représentant la majorité des salariés, s'ils ont été conclus par les représentants élus du personnel et validés par une commission paritaire. Cette inégalité de traitement n'est pas acceptable.

Mes chers collègues, ces dispositions sont dangereuses et elles contreviennent à des principes du droit à valeur constitutionnelle. C'est pourquoi le groupe socialiste vous demande de voter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Weber soulève quatre griefs, mais aucun ne semble valablement fondé.

Le premier grief concerne l'article 34. La délégation de compétences que consentirait le législateur ne porterait pas sur un sujet limitativement défini et selon des modalités clairement encadrées.

A mon sens, il n'y a aucune « incompétence négative » du législateur. Le sujet est clairement défini : c'est celui des conditions de validité des accords. Il est également clairement encadré. Le projet de loi pose le « principe majoritaire » sous deux formes possibles, la majorité d'engagement ou le droit d'opposition, qu'il décline à tous les niveaux. L'accord de branche jouera, certes, un rôle pour préciser les modalités d'application du principe majoritaire, mais celles-ci sont encadrées par la loi.

Le deuxième grief concerne les possibilités de dérogation. Or je vous rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 janvier 2003, a considéré, sans ambiguïté, que le principe de faveur n'a pas valeur constitutionnelle, mais qu'il s'agit d'un « principe fondamental du droit du travail », qui relève de la compétence du législateur.

En outre, le projet de loi vise à garantir la sécurité juridique du dispositif proposé : l'article 39 permet ainsi que la nouvelle autonomie en matière d'accords ne porte pas atteinte à l'économie générale des accords précédemment conclus.

Quant à la clarté de la loi, elle me semble pleinement assurée, notamment grâce à l'amendement n° 50 que la commission a déposé sur l'article 8, qui vise à réécrire entièrement ledit article pour en améliorer la clarté.

Le troisième grief a trait à la sécurité des travailleurs. Or celle-ci relève, pour l'essentiel, de la loi et du règlement. Elle n'est donc pas directement concernée par le présent texte.

Certes, le projet de loi prévoit que certaines dérogations seront possibles par accords collectifs. C'est ainsi le cas en matière de repos quotidien. J'observe cependant qu'il est déjà possible d'y déroger par accord de branche et que les éventuelles dérogations resteront encadrées par des limites fixées par décret. Quant à la durée maximale hebdomadaire du travail, elle n'est en rien visée par le projet de loi. Celui-ci l'exclut même explicitement.

Le dernier grief repose sur l'idée que la possibilité de déterminer dans les accords de branche des modalités différentes de conclusion des accords d'entreprise serait contraire à l'égalité de droit des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail.

Pour ma part, j'ai plutôt l'impression que le présent texte renforce ce droit des salariés...

M. Roland Muzeau. Ah non !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... notamment en permettant aux partenaires sociaux de se prononcer sur les conditions de validité des accords.

Si ces modalités peuvent différer selon les branches en vertu de l'article 34 ou de la taille des entreprises, conformément à l'article 41, c'est du fait de l'expression même de ce droit. A quoi sert donc une règle uniforme si elle est inapplicable ? J'observe d'ailleurs que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 novembre 1996, a explicitement reconnu la possibilité de prendre en compte la diversité des situations dans le droit de la négociation collective.

Au total, les quatre griefs présentés sont sans fondement. C'est pourquoi la commission des affaires sociales vous propose de repousser cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. M. le président de la commission des affaires sociales vient de répondre avec beaucoup d'efficacité à M. Henri Weber sur les motifs d'inconstitutionnalité. Je ne répéterai donc pas les arguments qu'il vient d'invoquer, car je partage sa position. Je formulerai toutefois deux remarques à l'intention de M. Henri Weber, que je remercie de sa brièveté.

Ma première remarque concerne la position unanime des organisations syndicales contre le texte sur le dialogue social. J'ai bien entendu ce qu'ont dit les organisations syndicales. Je me contenterai de vous lire le texte de la Position commune qu'elles ont toutes signé, à l'exception de la CGT.

M. Roland Muzeau. C'était en 2001 !

M. François Fillon, ministre. Oui, mais lorsque l'on signe des accords...

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas un accord, c'est une déclaration !

M. François Fillon, ministre. ... c'est sans doute qu'il y a à cela de bonnes raisons !

Permettez-moi de vous lire ce texte : « Dans ce cadre, pour faciliter le développement de la négociation collective à tous les niveaux, chaque niveau de négociation, national interprofessionnel, de branche, et d'entreprise, doit pouvoir négocier de telle sorte que les dispositions conclues à un niveau plus ou moins centralisé (interprofessionnel ou de branche) s'imposent aux niveaux décentralisés (entreprise) en l'absence d'accord portant sur le même objet. Mais chaque niveau doit respecter les dispositions d'ordre public social définies par la loi »...

M. Roland Muzeau. Ah !

M. François Fillon, ministre. C'est bien ce que nous proposons !

... « et les dispositions des accords interprofessionnels ou de branche auxquels leurs signataires ont entendu conférer un caractère normatif et impératif qui peuvent être constitutives de garanties minimales. Cette disposition ne remet pas en cause la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux accords conclus avant son entrée en vigueur. »

C'est très exactement cette phrase que le Gouvernement a traduite dans le projet de loi qui vous est soumis et qui fait l'objet de tant de critiques.

Ma seconde remarque a trait à l'accusation qu'ont portée à deux reprises, ce soir, les sénateurs de l'opposition à l'encontre du Gouvernement, qui aurait la volonté de réformer par ordonnances le code du travail. Il n'en est pas question ! D'ailleurs, dans son rapport, M. de Virville ne le propose absolument pas !

Il suggère simplement - et le Gouvernement n'a pas pour le moment pris une telle décision -...

M. Roland Muzeau. C'est vrai.

M. François Fillon, ministre. ... de procéder à un travail de codification pour remettre en ordre un code qui ne l'a pas été depuis 1973. Il s'agit simplement d'un travail de réécriture juridique d'un texte pour le simplifier et en supprimer les incohérences. Ce n'est pas une réforme du code du travail !

Encore une fois, pour l'heure, le Gouvernement n'a pas fait sienne cette proposition de codification par ordonnances. Je souhaiterais donc que nous puissions, ce soir, clore ce débat.

M. Roland Muzeau. Même l'UDF est sceptique, c'est tout dire !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 75, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Art. 1er

M. le président. Je suis saisi, par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 212, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n° 133, 2003-2004). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minute, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai que très brièvement sur l'habileté avec laquelle le Gouvernement a su mêler au sein d'un même projet de loi deux réformes majeures répondant à des aspirations profondes des organisations syndicales et des salariés, qu'il s'agisse du droit à la formation professionnelle tout au long de la vie ou de la nécessaire modernisation des rapports sociaux.

Je déplorerai, une fois de plus, cet habillage servant à lier encore davantage les mains du Parlement et à nier les partenaires sociaux.

Si vous mettez en avant, monsieur le ministre, la transposition des deux textes, issus de compromis, et dont, par conséquent, l'équilibre est fragile, c'est pour mieux brider les débats et n'accepter que des modifications à la marge du présent projet de loi.

Si vous affichez l'accord historique, dans lequel est notamment reconnu un droit individuel à la formation, c'est pour mieux faire avaler aux forces sociales une nouvelle pilule beaucoup plus amère : le renversement de la hiérarchie des normes entraînant la négation d'une partie de l'histoire collective de la France.

A trop chercher en apparence à contenter tout le monde - les syndicats minoritaires, les organisations favorables à la règle majoritaire à tous les niveaux, le patronat travaillant à l'avènement d'une nouvelle constitution sociale qui garantirait le respect du contrat par la loi - votre projet de loi, monsieur le ministre, dans son volet sur le dialogue social, ne satisfait plus personne, excepté le MEDEF. Ce résultat était prévisible dans le contexte actuel, cette organisation patronale constituant, à n'en pas douter, et malgré vos dénégations, le fer de lance du réformisme guidant votre action.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris notre attitude sans concession à l'égard du texte défendu aujourd'hui par M. Fillon, en l'occurrence le dépôt d'une motion tendant à opposer la question préalable, ne doit pas être intréprétée comme la traduction d'un rejet de l'accord signé par cinq organisations syndicales et déclinant le concept de formation professionnelle tout au long de la vie.

Depuis de nombreuses années déjà, dans le cadre de notre proposition « sécurité-emploi-formation », nous donnons la priorité à l'accès de chacun, tout au long de sa carrière et quels que soient les heurts de cette dernière, à la formation, entendue non comme un outil de nature à assurer l'employabilité, mais comme un « droit créance » pour le salarié, relevant de la responsabilité de l'entreprise.

Mon amie Annie David l'a souligné lors de la discussion générale, ce volet de votre texte, monsieur le ministre, ne soulève pas d'objections majeures. Il n'en demeure pas moins, dans la mesure où cet accord est le fruit de longues discussions et d'un compromis, que si nous devons veiller à ne pas déséquilibrer l'ANI, rien ne vous empêche de tenter de l'enrichir, de le parfaire.

Le but est bien sûr de réunir toutes les garanties pour que, demain, ce droit à la formation soit effectivement accessible aux salariés les moins qualifiés, aux jeunes, aux accidentés du travail, sans discrimination tenant à la nature du contrat, qu'il s'agisse d'un CDD ou d'un contrat à temps partiel, notamment.

Monsieur le ministre, l'ensemble des signataires de l'accord de septembre 2003 vous ont demandé de respecter l'esprit de la lettre du texte qu'ils ont paraphé.

Concernant notamment la question centrale de l'obligation d'adaptation des salariés à leur poste de travail, les auditions ont démontré, s'il en était encore besoin, que ce point, objet d'un long débat - les employeurs cherchant évidemment à atténuer ce principe essentiel consacré par la jurisprudence - ne saurait être traité à la légère, au détour d'un amendement, comme s'y est risquée l'Assemblée nationale, sauf à donner une fois encore raison au MEDEF, militant depuis longtemps déjà en faveur de l'exclusion des périodes de formation du temps de travail effectif.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous serons particulièrement attentifs aux suites données aux propositions faites pour rétablir clairement cette obligation.

C'est pourquoi également nous ne pouvons laisser dire qu'il s'agit là « pour l'essentiel de malentendus ».

Autant, comme je viens de l'indiquer, nous sommes en mesure de nous impliquer de façon constructive dans la discussion des mesures inscrites au titre Ier, autant nous entendons nous opposer résolument aux dispositions du projet de loi relatives au dialogue social. En effet, le principe dit de l'accord majoritaire se révèle être une fausse avancée, et le nouvel ordonnancement juridique présenté constitue sans conteste un véritable recul.

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous faire observer que vous vous apprêtez à « ouvrir la voie à une révision des acquis sociaux », selon l'analyse de Delphine Giraud dans La Tribune, à remettre en cause des protections acquises après de longs et durs combats, simplement pour libérer le marché, sans exiger du Gouvernement qu'il prenne le soin d'apporter des éléments probants quant aux véritables causes de l'essoufflement du dialogue social.

La démarche est exactement la même que celle qui a été suivie pour la réforme des retraites ou de l'assurance chômage. Vous affirmez avec force l'urgence des réformes, la faillite d'un système, le caracère inéluctable de vos choix régressifs, mais vous démontrez rarement. Vous n'admettez pas que l'on puisse vous opposer une contre-réforme, traitant ses initiateurs de conservateurs ou d'archaïques rétifs à l'adoption de règles adaptées à notre siècle.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Pour ne pas dire de ringards !

M. Guy Fischer. Merci, monsieur Chérioux, je vous rendrai la pareille au cours des débats ! (Rires.)

Décidément, nous ne nous accordons pas sur le sens à donner à la modernité.

Vous cherchez à définir une nouvelle économie des rapports sociaux, non pas pour pleinement asseoir la démocratie sociale, mais simplement pour la singer en mettant tout en oeuvre afin que surtout rien ne change, tout en vous assurant du caractère bienveillant, moins contraignant de la réglementation.

Qui comptez-vous tromper, lorsque vous vous référez, monsieur le ministre, au « réformisme social » dont dépendrait la préservation des principaux acquis ?

Dans un point de vue fort intéressant, publié dans Le Monde, Robert Castel, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, relevant à regret que « le terme de réforme a été récemment affecté d'une inversion de sens », montre ce qui distingue un réformisme de gauche d'un réformisme de droite : « La place qu'une politique entend donner au droit et à l'Etat, en tant que garants des conditions nécessaires à l'exercice d'une citoyenneté sociale. (...) C'est dans une large mesure ce qui différencie une conception minimaliste d'une conception exigeante des protections sociales. Les réformes d'inspiration libérale décousent les systèmes généraux de couverture des risques garanties par l'Etat. »

Que veut le MEDEF ? Une affirmation législative et constitutionnelle de la primauté de la négociation collective, au plus près du terrain, dans les entreprises ; s'affranchir de la convention collective, censée tirer la loi vers le haut en accordant plus de droits aux salariés.

N'abondez-vous pas dans ce sens, monsieur le ministre, en faisant de la négociation d'entreprise la pierre angulaire des négociations sociales, en posant la liberté de faire, en l'occurrence celle de déroger à ce niveau aux droits applicables à tous, dans un sens moins favorable aux salariés ?

Rien ne sert de vous cacher derrière la prétendue « inadaptation du droit de la négociation collective aux exigences nouvelles de la vie économique et sociale », ou d'invoquer, comme certains juristes - je pense notamment ici à un avocat, Philippe Langlois - défenseurs des patrons, « la grande incertitude qui a fait naître la combinaison contre nature du principe hiérarchique et du principe de faveur ».

Nous savons pertinemment quelles sont ces « exigences nouvelles » : elles se nomment compétitivité, mobilité, adaptabilité, flexibilité, autant d'exigences de la pensée libérale auxquelles vous répondez en priorité, monsieur le ministre, faisant écho au discours dominant actuel, selon lequel trop de protection sociale, trop de solidarité nuiraient à la fluidité du marché du travail et engendreraient du chômage !

Beaucoup, y compris la CFDT, qui s'est exprimée vertement sur ce point, ont reproché au Gouvernement de ne pas avoir de politique de l'emploi. A contrario, nous pensons pour notre part que cette politique existe, qu'elle est pensée, structurée autour de l'axe majeur de l'allègement des « pesanteurs » en tous genres, y compris juridiques, au mépris des besoins constamment exprimés en matière de sécurisation, des exigences en termes de protection renforcée des salariés, tant il est vrai que la relation de travail demeure profondément inégalitaire, cette situation étant aggravée par un chômage de masse persistant.

Ce texte relatif au dialogue social ne s'inscrit pas dans un contexte beaucoup plus général de mobilisation pour l'emploi. Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous entendez faire sauter un verrou supplémentaire, en décidant la mort de l'ordre public social. Demain, vous allégerez davantage encore, si cela est possible, le code du travail, vous généraliserez les contrats de missions, vous reverrez les règles en matière de licenciement économique.

Nous ne vous suivrons pas dans votre entreprise de démolition. Nous refusons d'adhérer à votre conception particulière des rapports sociaux.

Certes, vous n'êtes pas allé jusqu'à remettre en cause ouvertement la place prédominante de la loi par rapport au contrat, en reconnaissant constitutionnellement, comme l'ont proposé les députés de l'UDF, de nouvelles règles de nature à garantir la primauté du contrat sur la loi.

Toutefois, je rappelle que le présent texte vise à affecter indirectement, mais de façon effective, l'articulation entre la loi et l'accord. Ainsi, l'article 38 tend à généraliser le recours à l'accord d'entreprise comme moyen susceptible de permettre la mise en oeuvre de la loi, même dans les matières où les dérogations sont possibles.

Je rappelle également l'engagement du Gouvernement, traduit dans l'exposé des motifs du projet de loi, de donner la priorité à la négociation collective avant toute réforme de nature législative touchant aux relations de travail.

Enfin, je soulignerai que, en présentant un précédent texte, visant à laisser aux partenaires sociaux le soin de définir le régime des heures supplémentaires, matière qui relevait jusqu'alors du législateur, vous avez déjà bien entamé les règles de l'ordre public social.

M. Roland Muzeau. Oui !

M. Guy Fischer. Ajoutées aux dispositions combinées des articles 36, 37 et 38 du présent projet de loi, révisant, pour ne pas dire révolutionnant, les relations entre les conventions et accords collectifs de niveaux différents, toutes ces mesures mises bout à bout s'inscrivent dans l'évolution voulue par le MEDEF. Ce dernier, dès la première réunion des partenaires sociaux sur les voies et moyens de la négociation collective, posait ses desiderata, parmi lesquels « le renversement de la pyramide de garanties, en faisant de l'entreprise, voire de l'établissement, la base légale élargie du système », « la fixation des modalités d'application des principes fondamentaux du droit du travail relevant de l'accord », « l'affirmation du principe selon lequel l'accord de branche ne s'appliquerait qu'en cas d'absence d'accord d'entreprise »...

Aujourd'hui, monsieur le ministre, ne donnez-vous pas à l'accord d'entreprise sa pleine autonomie par rapport à l'accord de branche ? Ne conditionnez-vous pas le caractère impératif de l'accord de branche au souhait exprès exprimé par les négociateurs ? Pourtant, vous tentez quand même de nous faire croire que cette nouvelle articulation ne remet aucunement en question les éléments essentiels de la hiérarchie des normes, qu'elle n'est pas mortifère pour les droits des salariés !

En fait, c'est là un recul sans précédent, la systématisation de l'application de la règle la moins favorable à l'échelon de l'entreprise. Vous dissimulez vos intentions derrière l'inscription du prétendu principe majoritaire comme condition de validité des accords.

Nous ferons la démonstration, lors de l'examen des articles 34 et 41, que, en réalité, c'est le droit d'opposition, dont chacun d'entre nous connaît les limites et les difficultés pratiques d'application, que vous généralisez, et non pas l'adhésion à l'accord par une ou des organisations syndicales majoritaires en voix, ce qui conduit Force ouvrière, notamment, à vous reprocher de privilégier « une mécanique d'opposition à la négociation ».

Vous prenez le risque d'amoindrir encore le rôle des syndicats en posant la règle de la négociation par des représentants élus du personnel. De surcroît, votre texte est étrangement muet sur la question des critères de représentativité, qui datent des années soixante. Il est également peu disert concernant la négociation dans les petites entreprises, dépourvues de délégués syndicaux. Je pourrais continuer l'énumération...

Je préférerais conclure mon propos en reprenant une critique exprimée par l'unanimité des syndicats, qui, loin d'adhérer à votre projet, monsieur le ministre, voient plutôt dans celui-ci la menace d'un blocage de tout dialogue social.

Cependant, puisque vous restez sourd aux argument du front du refus des partenaires sociaux, attitude on ne peut plus paradoxale quand il s'agit de redéfinir un pacte social, je vous livrerai une analyse émanant, quant à elle, de juristes dont on ne peut craindre qu'ils soient acquis au prolétariat et qui devrait vous toucher.

Jean-Emmanuel Ray et Gérard Lyon-Caen rappellent que la convention de branche est une régulation économique autant que sociale du secteur concerné. A permettre de déroger, par le biais d'accords d'entreprise, aux accords de branche, ne risquez-vous pas d'« introduire de nouvelles formes de concurrence sociale », fatales évidemment aux salariés, mais aussi aux entreprises ?

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen plaident aujourd'hui en faveur du rejet d'un texte en trompe-l'oeil, porteur de tous les dangers pour les salariés et la démocratie sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si j'en crois son exposé des motifs, cette motion est fondée sur une double argumentation, que M. Fischer n'a que partiellement développée.

S'agissant en premier lieu des modes de conclusion des accords, on nous objecte que la légitimité de ces derniers serait actuellement insuffisante. Or le projet de loi vise précisément à porter remède à cette situation. Par conséquent, pourquoi refuser de débattre ?

Certes, on prétend que la réponse proposée n'est pas suffisante. Le texte pose pourtant déjà le principe d'une élection de représentativité de branche.

En la matière, je crois que le mieux est l'ennemi du bien. Le projet de loi présente différentes solutions ; il appartiendra aux partenaires sociaux de retenir la plus adaptée. Les représentants de la CFDT nous ont d'ailleurs indiqué, lors des auditions auxquelles nous avons procédé, qu'ils estimaient que « ce texte constitue une avancée, un texte d'étape, bien qu'il soit inachevé ». On est donc loin du rejet qui était évoqué tout à l'heure !

M. Roland Muzeau. Nous n'avons pas dit que cela !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela figure dans le texte de l'intervention.

M. Roland Muzeau. Vous vous êtes arrêté trop tôt dans votre citation !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Alors j'essaierai d'aller plus loin ultérieurement ! (Sourires.)

On nous dit aussi que les dispositions visant à favoriser le développement de la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégué syndical vont bloquer le dialogue social. Mais dans ces entreprises, il n'y a aujourd'hui aucun dialogue social ! En outre, les organisations syndiales continueront bien entendu à jouer un rôle au travers des commissions paritaires de branche de validation.

J'observe d'ailleurs que ce dispositif est celui-là même qui avait été proposé par les partenaires sociaux dans la Position commune. On imagine aisément que, s'ils avaient partagé ces craintes, ils n'auraient pas signé ce document.

S'agissant en second lieu de la nouvelle articulation des niveaux de négociation, nous en avons déjà longuement débattu à l'occasion de la discussion générale.

Je considère que le présent texte comporte des avancées significatives par rapport à la situation actuelle, qui n'est satisfaisante ni au niveau de la branche ni à celui de l'entreprise : au niveau de la branche, la négociation se sclérose progressivement pour laisser une place à la négociation d'entreprise ; au niveau de l'entreprise, l'espace de dialogue est encore trop étroit pour permettre des réponses adaptées à la diversité des situations.

A cet égard, le projet de loi présente une solution équilibrée, qui repose sur trois principes : une plus grande autonomie de l'accord d'entreprise pour prendre en compte les réalités du terrain ; un rôle de régulation de la négociation confié à la branche ; une sécurisation des accords déjà conclus. Je connais vos arguments sur ce point, mes chers collègues !

Cette solution n'est ni un « recul » ni « mortifère ». Elle vise simplement à renforcer le rôle des partenaires sociaux et à redonner toute sa place à la négociation collective dans notre pays, alors que celle-ci est encore réduite à la portion congrue. Ce n'est pas en ne changeant rien ou en ne faisant pas confiance au sens des responsabilités des partenaires sociaux que l'on redonnera au dialogue social ses lettres de noblesse.

C'est pour ces raisons que la commission des affaires sociales propose au Sénat de repousser cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement a peu de choses à ajouter à la brillante argumentation de M. le président de la commission.

Je tiens à remercier M. Fischer des nombreux compliments qu'il a adressés au Gouvernement, en guise d'hommage à son habileté et à la solidité de sa politique de l'emploi.

M. Guy Fischer. Je n'ai pas dit cela ! (Rires.)

M. François Fillon, ministre. Toutefois, je ferai remarquer qu'il ne doit guère croire à l'adoption de la motion tendant à opposer la question préalable qu'il a présentée, adoption qui me priverait du plaisir de débattre avec lui sur le fond, puisqu'il a indiqué que son groupe entendait mettre en évidence les dangers que recélerait, selon lui, ce projet de loi à l'occasion de l'examen des articles 37 et 41 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 212, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

TOUT AU LONG DE LA VIE

Chapitre Ier

Dispositions générales

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Art. 2

Article 1er

L'intitulé du livre IX du code du travail est ainsi rédigé : « De la formation professionnelle continue dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie ».

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Art. 3

Article 2

L'article L. 900-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« La formation professionnelle continue a pour objet de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel et à leur promotion sociale. »

M. le président. L'amendement n° 218, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le 2° de cet article pour le deuxième alinéa de l'article L. 900-1 du code du travail, après les mots : "la qualification professionnelle," insérer les mots : "de s'ouvrir largement à la culture et à la vie sociale,". »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement vise en fait à réparer un oubli, qui me semble incompatible avec le concept de formation tout au long de la vie.

Le nouvel intitulé du livre IX du code du travail que nous venons à l'instant d'approuver par l'adoption de l'article 1er reflète la nécessité qu'il y a, pour une société de progrès des technologies et des droits de l'être humain, de permettre à l'individu de s'épanouir pleinement, non seulement dans le cadre de la société et de la production, mais aussi dans la vie culturelle et sociale.

On ne saurait d'ailleurs oublier que cette référence à la culture et à la vie sociale figurait dans la loi de 1971 ; elle reste d'ailleurs inscrite dans les objectifs visés au travers du dispositif du congé individuel de formation.

L'article 5 de l'accord national interprofessionnel prévoit que la formation tout au long de la vie doit permettre au salarié « de développer, de compléter ou de renouveler sa qualification, ses connaissances, ses compétences et ses aptitudes professionnelles » par toute action de formation professionnelle, quelle qu'en soit la nature.

On peut donc supposer que les parties signataires avaient bien présentes à l'esprit, à l'instar du législateur de 1971, la culture et la vie sociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement étant pleinement satisfait au travers de l'objectif de développement économique et culturel visé à l'article 2, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 218.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« 3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle vise également à permettre le retour à l'emploi des personnes qui ont interrompu leur activité professionnelle pour s'occuper de leurs enfants ou de leur conjoint ou ascendants en situation de dépendance. »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement vise à élargir les objectifs assignés à la formation professionnelle, qui devra permettre le retour à l'emploi des personnes ayant interrompu leur activité professionnelle pour s'occuper de leurs enfants ou de leur conjoint ou ascendants en situation de dépendance.

Ni le projet de loi ni l'ANI n'ont prévu de mesures en faveur de ces personnes, pour la simple raison que les syndicats ne représentent que les actifs.

L'article 14 du projet de loi, relatif aux périodes de professionnalisation, comporte bien des dispositions en faveur des femmes ou des hommes de retour d'un congé parental, mais ces personnes restaient liées au monde de l'entreprise par un contrat de travail, seulement suspendu.

Nous savons que les femmes actives accèdent moins que les hommes actifs à la formation professionnelle. Pour les femmes inactives, la situation est encore plus grave : 79 % des femmes au foyer, soit deux millions de femmes, ont quitté leur emploi pour s'occuper de leurs enfants. Les trois quarts d'entre elles souhaitent par la suite retrouver un emploi. Or plus longtemps elles sont restées éloignées du marché du travail, plus leur qualification s'est amenuisée. Lorsqu'elles veulent intégrer le marché du travail, elles se heurtent à des obstacles insurmontables, n'étant pas considérées comme un public prioritaire par l'ANPE. De fait, elles tombent souvent dans le chômage de longue durée, en attendant que l'on veuille bien s'occuper de leur sort.

Le 6 avril 2000, à l'occasion de l'inauguration de la caisse d'allocations familiales de Nantes, le Président de la République avait déclaré que « la situation des femmes qui étaient sans emploi au moment de la naissance de leurs enfants demeure très mal résolue. Ni l'Etat ni les partenaires sociaux ne se sont vraiment préoccupés d'accompagner le parcours difficile des mères qui souhaitent reprendre un emploi après un temps plus ou moins long d'interruption. »

J'ai été sensible à cet appel. Il m'a donc semblé primordial d'étendre aux femmes inactives le bénéfice des mesures de formation présentées à l'article 2.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Art. additionnel après l'art. 3

Article 3

I. - Le troisième alinéa (2°) de l'article L. 900-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« 2° Les actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés. Elles ont pour objet de favoriser l'adaptation des salariés à leur poste de travail, à l'évolution des emplois, ainsi que leur maintien dans l'emploi, et de participer au développement des compétences des salariés ; ».

II. - Au septième alinéa (6°) du même article, les mots : « , dans le cadre de l'éducation permanente, » sont supprimés.

M. le président. L'amendement n° 219, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II de cet article :

« II. - Au septième alinéa (6°), les mots : "dans le cadre de l'éducation permanente" sont remplacés par les mots : "dans le cadre de la formation tout au long de la vie". »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La formation professionnelle tout au long de la vie est un concept nouveau, plus large que le concept d'éducation permanente, car il ouvre le droit à la formation aux personnes quel que soit leur niveau de formation initiale et développe néanmoins l'idée d'éducation permanente.

Par ailleurs, l'éducation permanente a une signification historique très forte et nous aimerions que son expression soit prolongée par le sens donné à la formation tout au long de la vie.

L'idée d'une extension de l'éducation tout au long de la vie des individus a donné lieu, dans différents pays et au sein des organisations internationales, à une abondante réflexion depuis la fin des année soixante concernant l'idée d'éducation permanente. Cette réflexion touche à d'autres approches du champ de l'éducation des adultes, à ses implications dans le développement des apprentissages au sein d'une société éducative, et pas seulement productive. L'histoire de l'éducation permanente développée depuis une cinquantaine d'années est loin d'avoir livré tous ses secrets sur l'éducation des adultes, sur l'évolution de ce concept et sa mise en pratique ; je tiens à rappeler la contribution de la Ligue de l'enseignement et de l'éducation permanente à sa promotion. Un service public de la formation est un formidable atout pour notre patrimoine humain et pour notre économie. Aussi, je vous demande, madame le rapporteur, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement rédactionnel a une certaine pertinence puisqu'il intègre dans l'article L. 900-2 du code du travail, qui n'en faisait pas mention, la notion de formation professionnelle tout au long de la vie à la place de la notion d'éducation permanente. C'est pourquoi la commission émet un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement,...

M. Roland Muzeau. Et voilà !

M. Guy Fischer. Quel sectarisme !

M. François Fillon, ministre. ... qui est redondant avec l'intitulé du livre neuvième du code du travail, dont je rappelle les termes : « De la formation professionnelle continue dans le cadre de la formation tout au long de la vie ».

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Compte tenu de la réponse de M. le ministre, les auteurs de l'amendement ont satisfaction. L'adoption de cet amendement n'aurait donc pas d'intérêt. C'est pourquoi, afin de ne pas avoir à voter contre cet amendement, je demande à Mme David de bien vouloir le retirer, pour maintenir la courtoisie qui caractérise les débats du Sénat.

M. le président. Madame Annie David, l'amendement n° 219 est-il maintenu ?

Mme Annie David. La notion d'éducation permanente est importante. Il s'agit de faire référence à cette notion qui a toute une histoire dans notre pays. Aussi je maintiens cet amendement.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, contre l'amendement.

M. Jean Chérioux. Je suis étonné. Nos collègues de gauche disent souvent que nous n'acceptons pas les amendements qu'ils présentent. Lorsqu'un de leurs amendements est satisfait, ils devraient, par définition, en tirer les conséquences ! Or ils ne le font pas. Nous ne pouvons donc les suivre. En l'occurrence, cet amendement est redondant. Aussi, je ne comprends pas leur attitude. Ils devraient être fair-play, reconnaître qu'ils ont satisfaction, remercier M. le ministre et retirer leur amendement.

M. Gilbert Chabroux. Nous sommes des archaïques ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. - Après le septième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les actions d'accompagnement : elles ont pour objet d'assurer la continuité du processus de la formation tout au long de la vie et d'assurer à tous une insertion professionnelle durable. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Cet amendement vise à inscrire dans le code du travail une huitième action de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle, à savoir l'accompagnement. Je rappelle que sept actions sont déjà mentionnées : les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle, les actions d'adaptation, de promotion, de prévention, de conversion, d'acquisition, d'entretien et de perfectionnement des connaissances, auxquelles s'ajoutent les formations relatives à la radioprotection des personnes.

Nous proposons d'y ajouter les actions d'accompagnement. L'accompagnement est une forme d'action qui s'est développée ces dernières années. Il est en effet apparu que l'importance des mutations technologiques et économiques nécessitait, pour certains publics, fort nombreux en vérité, que la formation ne soit pas réduite à de simples séquences isolées. Il faut, si j'ose m'exprimer ainsi, remplir les interstices, c'est-à-dire permettre que les salariés les moins bien formés bénéficient d'un suivi qui les aide à bâtir une formation à longue portée et à se construire un avenir professionnel.

Cette proposition participe aussi de notre volonté de réduire l'écart d'accès à la formation entre les salariés les plus favorisés de ce point de vue, qui ont aussi reçu la meilleure formation initiale, et tout les autres.

Il est de notre responsabilité de donner des perspectives et un espoir à nos concitoyens les moins favorisés, de faire en sorte qu'ils ne soient pas laissés de côté dans cette course à la qualification et au diplôme, et qu'ils ne se sentent pas exlus du progrès. Nous avons été d'ailleurs sensibles à la préoccupation exprimée par le rapporteur, Mme Annick Bocandé, sur cette inégalité d'accès à la formation professionnelle.

Il nous appartient, en tant que législateur, de répondre à cette préoccupation que nous partageons en prévoyant cette sorte d'aide à l'itinéraire pour les salariés. L'accord des partenaires sociaux marque cet effort. Le bilan de compétences, la validation des acquis de l'expérience, que nous sommes heureux d'avoir mis en place, en sont des éléments clés. Mais cela ne suffit pas si l'on veut mettre en oeuvre une formation tout au long de la vie, ce qui représente un véritable défi.

Il nous semble que l'accompagnement est une forme d'action qui devient inséparable de ce concept « tout au long de la vie », que vous venez de rappeler, si nous voulons qu'il se concrétise et, surtout, qu'il profite à tous ceux qui n'en bénéficient pas encore.

Je me permets d'insister car de nombreux salariés sont démunis devant les démarches à entreprendre, parfois tout simplement parce qu'ils ne savent pas comment se renseigner, à qui s'adresser, parce qu'ils n'ont pas confiance en eux et ne croient pas en leurs chances, parce qu'ils n'ont pas la pratique des études et la capacité acquise presque naturellement par d'autres à s'évaluer et à s'orienter. C'est pour eux que l'accompagnement est le plus important, et est un facteur clé de réussite.

Je renouvelle donc notre demande : il faut inscrire l'accompagnement dans les actions de formation. D'ailleurs, monsieur le ministre, l'article 13 du projet de loi fait explicitement référence à ces actions d'accompagnement dans le cadre du contrat de professionnalisation. Ce n'est donc pas une expression révolutionnaire que j'emploie. Il s'agit d'un besoin déjà reconnu par l'accord des partenaires sociaux et même par le gouvernement qui nous présente ce texte. Nous proposons simplement de lui donner toute sa place dans la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'accompagnement fait déja partie des actions de formation. On imagine mal une action de formation qui n'intégrerait pas une dimension liée à l'accompagnement. C'est la raison pour laquelle il est repris à l'article 13 et fait l'objet d'un financement à l'article 15 du projet de loi.

En outre, cet amendement pourrait avoir un effet contraire à celui qui est recherché. En effet, reconnaître l'accompagnement comme une action de formation en tant que telle reviendrait à restreindre la portée de la formation, dont le contenu est plus large que l'accompagnement, c'est-à-dire l'évaluation, les enseignement généraux, professionnels, technologiques, etc.

L'amendement nous paraît donc satisfait. C'est pourquoi, mon cher collègue, je vous demande de le retirer. A défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement a le même avis que la commission.

Il comprend et partage l'objet de l'amendement, mais, tel qu'il est rédigé, cet amendement introduit une confusion. En effet, s'il s'agit, par cet amendement, de viser des actions d'accompagnement liées au déroulement d'un projet de formation, le texte du projet de loi le prévoit déjà. En revanche, s'il s'agit d'actions d'accompagnement qui ne sont pas liées à un projet de formation, elles ne relèvent pas de ce texte-là, c'est-à-dire de cette partie du code du travail. L'introduire au début de ce texte créerait une confusion, et ce n'est pas ce que recherche M. Chabroux.

Je souhaite donc que puisse être retiré cet amendement ; sinon je proposerai au Sénat de le repousser.

M. le président. Monsieur Chabroux, l'amendement n° 76 est-il maintenu ?

M. Gilbert Chabroux. Je ne comprends pas très bien le raisonnement qui est tenu. Cela demande réflexion, mais je ne crois pas qu'elle aboutisse au retrait de cet amendement qui est tout à fait complémentaire. Il est inscrit effectivement dans le texte, à l'article 13, mais dans le cadre des contrats de professionnalisation exclusivement, que des actions d'accompagnement sont prévues. Cet amendement tend à introduire une généralisation dans le cadre, évidemment, d'actions de formation. Je demande que soit complétée la liste des actions de formation par des actions d'accompagnement. Cela entre bien dans le cadre d'une formation, cela ne vient pas en dehors, cela ne vient pas ailleurs, cela vient avec la formation.

Je ne comprends donc pas que nous ne fassions pas preuve de cohérence. Encore une fois, les partenaires sociaux sont sensibles à cette idée d'accompagnement. Il faudrait qu'elle puisse être reprise et être intégrée pleinement à ce texte.

Aussi, je maintiens cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. 4

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'Etat garantit à chaque personne l'accès à la formation tout au long de la vie. Cette garantie s'applique dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue au moyen du droit d'accès à l'éducation et à la formation.

« Toute personne ayant quitté le système éducatif de la formation initiale sans qualification reconnue peut prétendre à ce droit d'accès entre l'âge de vingt-cinq ans et l'âge de cinquante-cinq ans. Ce droit d'accès à l'éducation et la formation garanti par l'Etat ouvre droit à la formation d'une durée maximale de deux ans, soit 3 200 heures utilisables de façon modulaire.

« Pour les personnes ayant une qualification reconnue, la durée de formation dans le cadre du droit d'accès à l'éducation et à la formation fixée par décret est inversement proportionnelle à la durée de formation initiale. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Cet amendement vise à préciser les conditions de mise en oeuvre de la formation pour les personnes sorties du système éducatif sans qualification, et à remédier à l'inégalité persistante d'accès à la formation au détriment des personnes déjà peu formées. J'ai déjà soulevé ce problème d'une formation qualifiante et diplômante. Cela fait partie de l'accord du 20 septembre 2003. Je souhaiterais donc que nous puissions reprendre les termes de cet accord.

Je ne vais pas vous lire in extenso l'article 12 de l'accord. Néanmoins, il rappelle que : « dans un souci d'équité, les salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant ou au terme du premier cycle de l'enseignement supérieur, et en priorité ceux qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue et qui souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d'une promotion sociale devraient avoir accès à une ou des formations qualifiantes ou diplômantes d'une durée totale maximale d'un an, mise en oeuvre notamment dans le cadre d'un congé individuel de formation. »

Il est vrai qu'une négociation devait s'engager parce qu'il y a des aspects financiers que l'on ne peut pas sous-estimer. Les partenaires sociaux ont demandé qu'une concertation ait lieu pour définir avec eux, et en accord avec le Gouvernement, les conditions dans lesquelles les pouvoirs publics participeraient au financement du droit à la formation différée.

Nous savons bien que ces aspects financiers ne sont pas négligeables. Où en est cette concertation, cette négociation ? Vous devriez y associer les régions puisqu'elles vont avoir des responsabilités plus larges en matière de formation professionnelle. Pouvez-vous nous indiquer un calendrier prévisionnel pour cette concertation, nous dire quels moyens vous comptez apporter exactement et si vous avez retenu une échéance pour la mise en oeuvre ? Nous avons entendu dire qu'une proposition serait peut-être faite dans le cadre de la loi de mobilisation pour l'emploi. Nous aimerions savoir de façon plus précise où vous en êtes. Nous vous invitons à poursuivre et à amplifier votre effort.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons cet amendement, qui vise particulièrement les publics les moins formés. Il faut aller dans le sens de l'équité réclamée par les partenaires sociaux, afin que les personnes sorties du système éducatif sans qualification reconnue bénéficient d'une formation dont la durée maximale pourrait aller jusqu'à deux ans en différents modules.

Il est surtout primordial que l'Etat apporte sa garantie, et pas seulement une promesse de contribution. Nous avons déjà fait part de notre grande inquiétude sur l'avenir du service public de formation professionnelle et notamment de l'AFPA. Vous nous avez apporté des éléments de réponse, mais nous ne sommes pas pleinement rassurés.

L'éclatement programmé de cet organisme, tel que nous l'avons constaté dans le projet de loi de décentralisation, et le désengagement budgétaire de l'Etat avéré par vos lois de finances successives renforcent nos inquiétudes.

Aujourd'hui, est évoquée la possibilité de mettre en oeuvre des passeports formation qui seraient laissés à la libre appréciation des régions. Nous nous interrogeons. Nous redoutons une mise en application inégale - question de volonté ou de moyens - de ce genre de dispositif.

Sans vouloir rouvrir le débat que nous avons eu à l'automne, je dirai que l'égalité territoriale entre nos concitoyens n'en sera pas nécessairement renforcée. Nous avons, je le répète, des inquiétudes à ce sujet.

Il importe donc que l'Etat s'engage vraiment dans la formation tout au long de la vie, particulièrement, comme c'est sa vocation, en faveur des moins formés. Nous souhaitons obtenir un certain nombre d'informations complémentaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Aux yeux de la commission, cet amendement est entièrement satisfait.

D'abord, par l'article 2 du projet de loi, puisque le texte proposé pour l'article L. 900-1 du code du travail dispose que la formation professionnelle tout au long de la vie reste une obligation nationale pour l'Etat, principe énoncé depuis 1966 et qui n'est nullement remis en cause par ce texte. De plus, ce même article indique que l'ensemble des collectivités publiques concourent à assurer l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, leur maintien dans l'emploi, le développement de leurs compétences.

Ensuite, cet amendement est satisfait par l'article 4, qui réaffirme clairement le droit à la qualification professionnelle, que l'Etat contribue, avec les régions, à mettre en oeuvre, notamment pour les personnes n'ayant pas acquis de qualification reconnue dans le cadre de la formation initiale.

Par ailleurs, tout au long de ces débats, votre commission vous présentera une série d'amendements portant sur la formation des publics en difficulté.

Enfinn en focalisant sur le rôle de l'Etat, votre amendement ignore le rôle des régions qui, je le rappelle, ont vocation à prendre en charge la formation des adultes sans qualification, après l'adoption du projet de loi relatif aux responsabilités locales. Il ignore également la demande exprimée par les partenaires sociaux dans l'ANI, à savoir l'ouverture d'une négociation tripartite avant toute initiative de l'Etat.

Cet amendement étant donc satisfait, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Tout à l'heure, lors de son intervention dans la discussion générale, M. Chabroux avait évoqué cette partie de l'accord interprofessionnel d'une manière quelque peu elliptique. Il a été beaucoup plus précis dans la présentation de son amendement, et je l'en remercie. En effet, il a bien rappelé que les partenaires sociaux avaient demandé, à l'occasion de cet accord, l'ouverture d'une concertation avec les pouvoirs publics sur la mise en place d'un dispositif de deuxième chance. Cette concertation débute la semaine prochaine. Autour de la préparation du projet de loi de mobilisation pour l'emploi, nous avons mis en place trois groupes de travail avec les partenaires sociaux, dont l'un porte spécifiquement sur cette question de l'emploi des jeunes et de la deuxième chance.

Aux partenaires sociaux s'ajouteront les représentants des régions, puisqu'il n'est pas possible aujourd'hui de bâtir un dispositif efficace de deuxième chance sans associer les régions compte tenu de leur rôle.

Telles sont les raisons pour lesquelles je n'ai pas pu insérer dans le présent texte un dispositif de deuxième chance qui serait parfaitement satisfaisant, puisque je n'ai pas eu le temps d'organiser la concertation, ni avec les partenaires sociaux ni avec les régions. C'est donc au mois d'avril que le Sénat et l'Assemblée nationale seront saisis du projet d'organisation d'un dispositif de deuxième chance dans le cadre du projet de loi de mobilisation sur l'emploi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 3
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Art. 5

Article 4

L'article L. 900-3 du code du travail est ainsi modifié :

Supprimé ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« - soit enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles prévu à l'article L. 335-6 du code de l'éducation ; » ;

3° Les trois derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« L'Etat et la région contribuent à l'exercice du droit à la qualification, notamment pour les personnes n'ayant pas acquis de qualification reconnue dans le cadre de la formation initiale. »

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.

M. Roland Muzeau. Je profite de l'examen de l'article 4, qui vise à modifier les modalités de mise en oeuvre du droit à la qualification professionnelle et à donner à l'Etat et aux régions la possibilité de contribuer à l'exercice de ce droit, pour aborder une question étrangement absente de ce débat, comme l'accord national interprofessionnel d'ailleurs, à savoir la décentralisation.

Comme vous, madame le rapporteur, je regrette l'examen simultané de deux textes, en l'occurrence le présent projet de loi sur la formation professionnelle et le projet de loi relatif aux libertés locales portant sur la même matière.

Indiscutablement, le Gouvernement prend le risque, je vous cite : « de multiplier les incohérences dans le dispositif final ».

Par ailleurs, réitérant une remarque de fond qui a déjà été formulée à l'occasion du débat et qui concerne le volet formation professionnelle, je continue de m'interroger sur le transfert aux régions de l'entière responsabilité de l'apprentissage et de la formation professionnelle. En droit comme en fait, la région s'impose déjà comme un partenaire incontournable. De l'avis de tous, c'est autour de cette collectivité que se structure le tissu économique local.

S'il convient en conséquence de ne pas nier cette réalité, pour autant, l'Etat, dont la responsabilité première en matière de politique de l'emploi ne saurait être discutée, doit-il se retrancher derrière la nécessaire réponse aux besoins au plus près du terrain pour se désengager corrélativement de la formation des demandeurs d'emploi ?

Comment lutter efficacement contre le chômage, décider d'élever le niveau général de qualification, réinsérer durablement sur le marché de l'emploi les publics les plus fragiles que sont les jeunes, les chômeurs de longue durée, les personnes handicapées si l'Etat se départit de tous les outils dont il disposait jusqu'alors ?

La frontière entre les politiques de l'emploi et les politiques de formation est ténue.

L'Etat, dans ces domaines, ne saurait se contenter de compétences résiduelles, mal définies, sauf à voir demain les difficultés des personnes les plus éloignées de l'emploi s'aggraver encore, sauf à s'accommoder du creusement des inégalités dans l'accès à la formation tout au long de la vie.

Ces risques sont d'autant plus forts que, parallèlement, le Gouvernement a décidé de décentraliser la commande publique de l'AFPA, acteur majeur du service public de l'emploi.

Je rappelle, comme l'ont fait certains syndicats auditionnés par la commission des affaires sociales, dont la CGT et la CFDT, que « l'AFPA assume un rôle qui n'est pas assuré par les acteurs privés parce que non rentable, à savoir prendre en charge les publics en difficulté ».

De ce fait, il lui sera difficile de se situer sur un marché concurrentiel de la formation professionnelle. Puisque vous en êtes conscient, monsieur le ministre, ne craignez-vous pas, en laissant faire, de tuer l'AFPA à petit feu ?

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 220, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 900-3 du code du travail :

« L'Etat et la région sont garants de l'exercice du droit à la qualification, du droit à la validation des acquis de l'expérience et du droit à l'acquisition d'un diplôme. »

L'amendement n° 78, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 900-3 du code du travail, après les mots : "droit à la qualification", insérer les mots : "du droit à la validation des acquis de l'expérience ou du droit à l'acquisition d'un diplôme". »

L'amendement n° 79, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 900-3 du code du travail, par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Les salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant ou au terme du premier cycle de l'enseignement supérieur, et en priorité ceux qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue, et qui souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d'une promotion sociale, ont accès en priorité à une ou des formations qualifiantes ou diplômantes d'une durée totale maximale d'un an, mise en oeuvre dans le cadre du congé individuel de formation.

« Pour que cette ou ces formations permettent aux salariés un accroissement sensible de leur qualification professionnelle, ils pourront bénéficier :

« - d'un concours à l'élaboration de leur projet professionnel, avec l'appui d'un accompagnement dans ou hors de l'entreprise et un bilan de compétences ;

« - de la validation des acquis de l'expérience avant de suivre la formation qualifiante correspondant à leur projet.

« Les coûts des actions d'accompagnement, de bilan de compétences et de validation des acquis de l'expérience sont alors pris en charge par l'organisme paritaire par l'Etat au titre du congé individuel de formation. »

La parole est à Mme Annie David, pour défendre l'amendement n° 220.

Mme Annie David. Cet amendement vise à redéfinir, ou à définir, les responsabilités de la région et de l'Etat.

Nous tenons à affirmer que l'Etat et la région doivent s'engager moralement sur le principe du droit individuel à la formation et, par conséquent, contribuer financièrement et matériellement au bon exercice de ce droit.

Le droit à la validation des acquis de l'expérience doit automatiquement découler d'un bilan de compétences effectué dans un organisme agréé pour déboucher sur le droit à l'acquisition d'un diplôme et à la qualification, notamment pour les personnes n'ayant pas de formation initiale aboutie.

Par ailleurs, cet article 4, en modifiant l'article L. 900-3 du code du travail, tend à supprimer la notion de crédit formation et donc les actions qui en découlent, notamment ce fameux bilan de compétences qui, pourtant, est un acte important pour les salariés avant tout départ en formation.

Il me paraît donc nécessaire que l'Etat et la région s'engagent à assumer ce qui relève de leur responsabilité pour l'exercice du droit individuel à la formation, c'est-à-dire l'aide financière et matérielle pour toutes ces formations, pendant que le salarié, lui, assumera la sienne, à savoir suivre tranquillement sa formation.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter les amendements n°s 78 et 79.

Mme Gisèle Printz. L'amendement n° 78 prévoit d'insérer dans le projet de loi une précision qui n'a pas seulement une portée sémantique. En effet, le droit à une qualification pour les personnes sorties de formation initiale sans qualification reconnue est un point important ; toutefois, il n'épuise pas le sujet.

L'accord des partenaires sociaux est d'ailleurs très précis sur ce point. Les formations éligibles au droit individuel à la formation sont en effet, outre les actions de promotion, d'acquisition, d'entretien et de perfectionnement, des actions de formation ayant pour objectif « l'acquisition d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle, d'une qualification professionnelle établie par la commission paritaire ou reconnue par une convention collective de branche ».

Il est préférable de se tenir au plus près de cette formulation pour éviter toute difficulté. L'accord interprofessionnel consacre un article entier à la validation des acquis de l'expérience. Il est essentiel que l'Etat et la région apparaissent dans le texte de la loi comme contribuant à cette action en faveur des moins bien formés.

Par ailleurs, on doit constater que, dans certains secteurs, le changement de qualification implique de passer un diplôme. Les salariés doivent alors suivre des formations, soit en région, pendant leur temps de travail ou en dehors, soit par le biais de l'enseignement à distance, notamment avec le CNAM, le Conservatoire national des arts et métiers. Il va de soi que par l'intermédiaire du CNAM l'Etat contribue à la possibilité d'acquérir un diplôme.

Nous demandons simplement que ces quelques précisions soient inscrites dans le projet de loi afin de mettre un terme aux inquiétudes qui se font jour sur la pérennité de l'existant.

Quant à l'amendement n° 79, il constitue en quelque sorte une synthèse de nos positions sur cette question primordiale de l'accès à la formation tout au long de la vie pour les moins chanceux des salariés. Nous proposons donc, encore une fois, de reprendre le texte de l'accord signé par les partenaires sociaux, comme le Gouvernement s'était engagé à le faire, sans ajout ni omission qui en dénaturerait la portée.

Cette transposition directe aurait le mérite de la clarté, tant à l'égard des signataires de l'accord, qui demeurent perplexes devant certaines modifications de leurs intentions introduites dans le projet de loi, qu'à l'égard des salariés.

En acceptant cet amendement, le Gouvernement manifesterait une intention ferme de diffuser réellement l'effort de formation, par la formation tout au long de la vie, auprès de ceux qui en ont besoin. Pour le moment, qu'il s'agisse du texte issu de l'Assemblée nationale ou de nos débats, on en demeure, sur ce point, à des déclarations d'intention. Reste la question de savoir si ceux qui sont actuellement aux affaires ont une vraie volonté en la matière.

Nous nous étions efforcés d'avancer en direction de ces populations avec le bilan de compétences et la validation des acquis qui ont permis de donner un nouvel élan.

En présence de cet article 4, nous avons le sentiment que cet élan est retombé et que l'on en revient à une conception plus étroite de la formation. J'entends par là non seulement une optique de rentabilité immédiate pour l'entreprise - ce qui a sa légitimité -, mais une optique dans laquelle on approfondit la formation de ceux qui ont déjà des diplômes.

Il n'est pas certain, alors que l'on parle beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs où prédominent les PME et l'artisanat, que cette conception soit la plus appropriée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Je rappellerai d'abord aux auteurs des amendements n°s 220 et 78 que, comme je l'ai dit dans mon propos introductif, notre devoir à nous, législateurs, est d'avoir le souci constant de clarifier le droit applicable.

Or, en proposant de consacrer un droit à la qualification, un droit à la validation des acquis de l'expérience et un droit à l'acquisition d'un diplôme, vos amendements n'apportent rien de plus aux dispositifs existants, sinon le risque de surcharger un code du travail déjà bien épais.

Le droit à la qualification reconnu à l'article 4 vise, bien évidemment, au-delà des qualifications professionnelles, la VAE et les diplômes. Faut-il comprendre, mes chers collègues, que, pour vous, la VAE et les diplômes ne sont pas un moyen de concrétiser ce droit à la qualification ? C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à ces deux amendements.

J'en viens à l'amendement n° 79. Monsieur Chabroux, vous avez raison : les dispositions contenues dans votre amendement figurent à l'article 12 de l'accord national interprofessionnel.

Elles s'inspirent même du dispositif de la deuxième chance défendu par M. le Président de la République.

Vous faites bien de citer l'article 12 de l'accord, mais, si vous l'aviez lu jusqu'au bout, vous auriez lu la phrase suivante : « A cette fin, les parties signataires du présent accord demandent l'ouverture d'une concertation avec les pouvoirs publics. »

M. Gilbert Chabroux. Je l'ai dit !

Mme Annick Bocandé, rapporteur. J'ai précisé, lors de mon intervention liminaire, que nous retournerions à l'accord chaque fois que nécessaire et que les avis de notre commission n'étaient motivés que par le souci de respecter l'accord des partenaires sociaux. Ainsi, comme ils ont demandé une concertation préalable à l'installation des formations différées, nous souhaitons que ce voeux soit respecté.

Ils ont également demandé un abondement financier des pouvoirs publics pour le financement du dispositif ; dans le cas contraire, le dispositif que vous proposez de mettre en place n'aurait aucun effet.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur votre amendement, monsieur Chabroux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement a le même avis que Mme le rapporteur sur les amendements n°s 220 et 78. Ces amendements sont en effet inutiles, puisque le code du travail prévoit que l'Etat est garant du droit à la qualification, du droit à la VAE et du droit à l'acquisition d'un diplôme.

Quant à l'amendement n° 79, j'ai dit à l'instant à M. Chabroux qu'il avait été parfaitement honnête en rappelant que les partenaires sociaux avaient demandé l'ouverture d'une concertation sur ce sujet. Toutefois, je n'avais pas vu l'amendement n° 79, qui, lui, fait l'impasse sur cette demande des partenaires sociaux. Je pense que le Sénat sera soucieux de respecter les partenaires sociaux et de renvoyer à la négociation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 220.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
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Art. additionnel après l'art. 5

Article 5

I. - Il est inséré, dans le code du travail, un article L. 900-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 900-5-1. - Les personnes mentionnées à l'article L. 323-3, notamment les personnes handicapées, bénéficient d'actions spécifiques de formation qui visent leur accès à l'emploi, leur maintien dans l'emploi et leur promotion professionnelle. »

II. - L'article L. 900-6 du même code est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« Les actions de lutte contre l'illettrisme et l'apprentissage de la langue française font partie de la formation professionnelle tout au long de la vie. » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « les actions de lutte contre l'illettrisme » sont remplacés par les mots : « ces actions ».

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 900-5-1 du code du travail :

« Art. L. 900-5-1. - Les personnes mentionnées à l'article L. 323-3, notamment les personnes handicapées, ont accès à l'ensemble des dispositifs de formation prévus dans le présent livre dans le respect du principe d'égalité de traitement, en prenant les mesures appropriées.

« Elles bénéficient, le cas échéant, d'actions spécifiques de formation ayant pour objet leur insertion ou leur réinsertion professionnelle, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle et de contribuer au développement économique et culturel et à la promotion sociale. »

Le sous-amendement n° 196, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2 pour l'article L. 900-5-1 du code du travail, après les mots : "notamment les personnes handicapées", insérer les mots : "ainsi que les détenus dans des conditions déterminées par décret,". »

L'amendement n° 80, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après les mots : "personnes handicapées", rédiger ainsi la fin du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 900-5-1 du code du travail : "ont accès à l'ensemble des dispositifs de formation prévus dans le présent livre dans le respect du principe d'égalité de traitement, notamment en prenant des mesures appropriées".

« La règle qui précède ne fait pas obstacle à l'intervention d'actions spécifiques de formation en faveur de ces personnes en vue de remédier aux inégalités de fait les affectant en matière de formation.

« Ces actions spécifiques de formation ont pour objet de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle de ces personnes, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel et à la promotion sociale. »

L'amendement n° 221, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après les mots : "les personnes handicapées", rédiger ainsi la fin du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 900-5-1 du code du travail : "ont accès à l'ensemble des dispositifs de formation prévus dans le présent livre dans le respect du principe d'égalité de traitement, notamment en prenant des mesures appropriées".

« La règle qui précède ne fait pas obstacle à l'intervention d'actions spécifiques de formation en faveur de ces personnes en vue de remédier aux inégalités de fait les affectant en matière de formation.

« Ces actions spécifiques de formation ont pour objet de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle de ces personnes, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de s'ouvrir largement à la culture et à la vie sociale, de contribuer au développement économique et culturel et à la promotion sociale. »

L'amendement n° 81, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 900-5-1 du code du travail, par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes handicapées qui ont atteint un âge minimum fixé par décret peuvent également bénéficier d'actions spécifiques de formation qui visent à leur réinsertion professionnelle, leur maintien dans l'emploi, le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle. »

L'amendement n° 222, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 900-5-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes dont l'âge est au moins égal à celui de quarante-cinq ans peuvent également bénéficier d'actions spécifiques de formation qui visent à leur réinsertion professionnelle, leur maintien dans l'emploi, le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle. »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement concerne plus particulièrement la formation des personnes handicapées, auxquelles il ouvre l'accès aux formations de droit commun en vertu du principe de non-discrimination.

L'article 5 indique en effet que des actions de formations spécifiques sont ouvertes aux personnes invalides ou handicapées.

Pour les associations représentant les personnes handicapées, cela ne suffit pas. Ainsi, avant même que cette précision ne soit introduite, la commission des affaires sociales avait souhaité qu'il soit indiqué dans le code du travail que les formations de droit commun devraient être ouvertes à ces personnes. Or cela ne figure nulle part dans le projet de loi.

Il faut bien avoir présent à l'esprit que le taux de chômage des personnes handicapées est trois fois supérieur à celui de la population active française : il s'élève à 26 % de la population totale, contre 9,7 %. Il est donc indispensable de préciser, dans le code du travail, que les personnes handicapées ont accès aux mêmes formations que l'ensemble des citoyens, ce qui n'exclut pas des formations plus spécifiques lorsque c'est utile.

Nous aurions pu choisir d'intervenir dans le cadre du projet de loi relatif au handicap qui vient d'être déposé ; toutefois, en procédant ainsi on n'aurait pas répondu à la demande des associations qui déplorent que le sort des personnes handicapées soit systématiquement traité dans des textes à part.

Nous pensons donc qu'il est important de leur adresser ce signal fort en abordant la question de leur formation dans un texte ordinaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour présenter le sous-amendement n° 196.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce sous-amendement vise à prendre en compte la situation des détenus au regard de la formation professionnelle.

La formation professionnelle est l'un des aspects les plus importants d'une politique pénale cohérente. En effet, toute politique criminelle a pour objectif de permettre à ceux qui ont payé leur dette à la société de pouvoir s'y réinsérer. Il s'agit là d'un impératif nécessaire à atteindre, tant pour l'individu que pour la protection de la société elle-même.

Aujourd'hui, les personnes incarcérées n'ont qu'un accès restreint à la formation professionnelle. Pour que la prison ne soit pas que l'école de la délinquance ou du crime, il faut élargir et systématiser cet accès ; et c'est particulièrement vrai pour les jeunes détenus. Un grand nombre d'entre eux entrent en prison sans aucun diplôme. Incarcérés dans des conditions parfois discutables, voire effroyables, stigmatisés aux yeux du public, ils en ressortent sans aucun savoir-faire. Que veut-on qu'ils fassent une fois libres ? Un jeune qui sort de prison sans formation est presque condamné à récidiver.

Le sous-amendement n° 196 vise à faire en sorte qu'une offre de formation professionnelle, spécifique ou non, soit faite à certaines catégories de détenus de façon systématique. Ces catégories pourraient être déterminées par décret. Selon nous, ces offres de formation devraient s'adresser en priorité à une population carcérale jeune, sans qualification, et condamnée à des périodes supérieures à six mois de prison ferme.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 80.

M. Gilbert Chabroux. Nous pensons rencontrer l'unanimité du Sénat en disant qu'en vertu du principe de non-discrimination et d'égalité de traitement les personnes handicapées doivent avoir accès à l'ensemble des dispositifs de droit commun de formation. C'est une question d'égalité en droits, mais aussi en dignité. Il est donc particulièrement important, non seulement d'affirmer ce principe, mais aussi de le mettre en oeuvre.

Il est absolument anormal et même scandaleux que, dans notre pays, 12 % seulement des personnes handicapées aient un diplôme de l'enseignement supérieur, contre 26 % de la population active. Un tiers des personnes handicapées n'a aucun diplôme, contre 15 % de la population active totale.

Malgré cela, le pourcentage des orientations en formation prononcées par les COTOREP reste faible : 12 % environ. Par ailleurs, les demandes d'orientation en formation des personnes ayant dépassé quarante-cinq ans sont rejetées, ce qui est un non-sens alors que, dans le même temps, on préconise le développement du travail des seniors. Les personnes handicapées doivent-elles être, à cet égard également, traitées différemment.

La formation des personnes handicapées doit donc être développée par l'application d'un égal accès aux droits.

Toutefois, la gravité de leur situation, en termes d'emploi et de formation professionnelle, appelle aussi, de la part de la solidarité nationale, des mesures spécifiques.

Tel est l'objet de notre amendement, qui reprend d'ailleurs les termes de l'accord pour ce qui concerne l'énumération des catégories de formation accessibles par le DIF.

Je rappelle que ces dispositions sont conformes à l'article 7 de la directive européenne du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement. Il est évident que la réalisation de l'égalité de traitement pour les personnes handicapées suppose qu'en amont les mesures appropriées soient prises pour que ces personnes soient en mesure de pleinement faire valoir leurs possibilités et leurs talents.

Sans doute, monsieur le ministre, allez-vous nous répondre que la discussion du projet de loi présenté par Mme Boisseau, qui doit venir devant le Sénat dès le 24 de ce mois, sera l'occasion de revenir plus opportunément sur cette question. Certes ! Mais, parce que nous tenons beaucoup à l'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées, nous souhaitons présenter un amendement concernant ces personnes dans un texte qui traite du droit commun de la formation et de tous les citoyens.

J'observe que Mme le rapporteur partage cette préoccupation ; nous parviendrons sans doute à un terrain d'entente. Ce serait une bonne chose, non seulement pour les personnes handicapées, mais aussi pour nous tous qui sommes ici ce soir.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 221.

Mme Annie David. Cet amendement est pratiquement identique au précédent. La seule différence, c'est que nous mettons l'accent sur l'ouverture à la culture et à la vie sociale.

Il est vrai que la formation continue ne constitue que trop rarement un passeport pour l'intégration professionnelle - il en va ainsi pour les détenus, les personnes handicapées, celles qui possèdent une formation initiale faible - alors qu'elle devrait permettre le maintien et l'évolution des compétences.

De plus, la formation professionnelle devrait constituer une véritable deuxième chance pour tous ceux dont la formation initiale est insuffisante ou pour tous ceux qui, en raison de leur âge, ont besoin d'adapter leurs compétences ou d'en acquérir de nouvelles.

Comme l'ont rappelé Mme Bocandé et M. Chabroux, le niveau de formation initiale des personnes handicapées est inférieur à celui des autres personnes, et seulement 12 % d'entre elles ont un diplôme de niveau supérieur. Je ne reprendrai pas les chiffres de M. Chabroux, mais il est vrai qu'il s'agit là d'une injustice que l'on peut sans doute réparer grâce à la formation professionnelle, laquelle reste pourtant d'un accès limité pour ces personnes.

Nous savons aussi que le pourcentage des salariés handicapés orientés en formation professionnelle reste faible. Pourtant, parce que nous sommes conscients des insuffisances de ce système pour favoriser l'accès et le maintien dans l'emploi des personnes handicapées, nous vous proposons cet amendement n° 221, qui, par rapport aux amendements précédents, prévoit, pour les salariés, une large ouverture sur la culture et la vie sociale.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 81.

M. Gilbert Chabroux. Cet amendement tend à faire bénéficier d'actions spécifiques les personnes handicapées vieillissantes, c'est-à-dire celles qui ont atteint un âge minimum fixé par décret - ce pourrait être quarante ou quarante-cinq ans.

C'est un amendement d'appel tendant à demander au Gouvernement, notamment à M. le ministre des affaires sociales, d'inciter fortement les services concernés à prendre conscience des problèmes spécifiques des travailleurs handicapés que l'on dit « vieillissants ». Nous reviendrons sans doute sur ce point lors de la discussion du projet de loi d'égalité des droits et des chances pour les personnes handicapées, qui débutera le 24 février prochain.

Nous souhaiterions toutefois connaître dès à présent les intentions du Gouvernement quant à ce dossier concernant d'abord le travail, dont les personnes handicapées ne doivent pas être exclues.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 222.

Mme Annie David. Cet amendement devrait réjouir M. le ministre puisqu'il prend en compte la réforme des retraites et l'allongement du temps de travail. Mais nous nous préoccupons aussi de la désorganisation du marché de l'emploi.

L'expérience et la compétence des salariés de quarante-cinq ans n'est plus un argument suffisant d'embauche et les licenciements concernent avant tout cette tranche d'âge !

Mais il faudra bien, compte tenu de la situation démographique et du vieillissement de la force de travail, que les entreprises commencent à revoir un certain nombre de préjugés traditionnels vis-à-vis des travailleurs vieillissants, les seniors, tels que la sous-estimation de leur capacité à apprendre, à s'adapter aux nouvelles technologies, tout comme le prétendu illettrisme numérique des personnes qui ont fait leurs études pendant les années cinquante ou soixante est un mythe. Il existe encore très peu de politiques d'entreprise en faveur des personnes agées, que ce soit en termes de formation, de rémunération, d'évolution de carrière... Pour les entreprises, valoriser les travailleurs vieillissants, les seniors, consiste à ne pas leur réserver un traitement différencié par rapport aux populations plus jeunes. Or là ne devrait pas se situer la question au sein de l'entreprise. Tous les salariés doivent être traités et considérés comme des individus, quels que soient leur âge, leur sexe ou leur origine. Le mot d'ordre des directeurs des ressources humaines devrait donc être : « L'âge ? Connaît pas ! »

Souvent, les efforts d'amélioration des conditions de travail concernent l'ensemble du personnel. Et ce sont avant tout le professionnalisme, les compétences et les qualifications des salariés qui doivent être valorisés, indépendamment de leur âge. On pourrait dire alors que l'entreprise qui continue d'investir sur ses salariés les plus âgés, en termes de formation, de mobilité interne, de développement de carrière, ne leur accorde aucun traitement de faveur.

La génération du baby boom transformera-t-elle la deuxième partie de la vie, comme elle a bouleversé, avant et après 1968, l'école et la famille, les loisirs et les moeurs ? Verra-t-on se profiler enfin une société sans âge, la fin du poids de la vieillesse et le début d'une complémentarité parfaite entre des individus non stigmatisés par le vieillissement ?

Le système de retraite du xxie siècle, adapté à l'économie fondée sur la connaissance et la société de l'apprentissage, devra probablement aborder le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie comme une nécessité incontournable de l'épanouissement individuel, jusqu'aux limites de l'existence humaine.

C'est pourquoi je vous demande d'adopter cet amendement, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. J'entends bien les raisons exposées par Jean-Marie Vanlerenberghe, qui ont sous-tendu le dépôt du sous-amendement n° 196. Cependant, il ne nous a pas semblé opportun d'allonger la liste des catégories de personnes visées à cet article.

En effet, d'une part, la formation dispensée aux détenus ne répond pas à la même logique que celle qui est dispensée aux personnes handicapées ou aux personnes illettrées, en particulier celles qui sont actives. Avec les militaires en reconversion, ou encore les réfugiés, les détenus font partie de ces publics spécifiques dont l'Etat a la charge.

D'autre part, les détenus bénéficient déjà d'actions de formation dans le cadre du programme IRILL, relatif à l'insertion, à la réinsertion et à la lutte contre l'illettrisme. C'est pourquoi la commission vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre sous-amendement.

Les amendements n°s 80 et 221 sont satisfaits par l'amendement n° 2 de la commission, et j'invite donc leurs auteurs à bien vouloir les retirer.

L'amendement n° 81, dont je comprends et partage la philosophie, est satisfait par l'amendement n° 2 de la commission ainsi que par le projet de loi. L'amendement de la commission n'exclut en effet pas les travailleurs handicapés vieillissants ni des dispositifs de formation de droit commun ni des actions spécifiques. De plus, rien dans la rédaction de l'amendement n° 81 ne permet de considérer qu'il s'adresse aux travailleurs handicapés vieillissants puisque l'âge sera fixé par décret. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer, monsieur Chabroux.

Il en va de même pour l'amendement n° 222, même si un âge est précisé dans ce dernier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Je tiens à indiquer que l'accord a une portée générale et s'applique à tous les publics. Il n'est donc à mon avis pas nécessaire de réserver un sort particulier à telle ou telle catégorie, d'autant que l'on risque ainsi d'en oublier et de donner le sentiment que la liste est limitative. Le Gouvernement aurait donc préféré que l'on en reste à sa rédaction.

Néanmoins, j'ai bien entendu les arguments avancés par Mme le rapporteur et M. Chabroux concernant les handicapés. Je vois bien qu'il s'agit là plus d'un geste politique que de la mise en oeuvre d'un droit qui, une nouvelle fois, est reconnu par ce texte.

Naturellement, le Gouvernement est d'accord pour qu'il soit fait mention des personnes handicapées, même si les arguments que je viens d'évoquer auraient pu conduire à ne pas retenir ces amendements. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 2.

Le sous-amendement n° 196 prévoit une énumération de publics qui me paraît dangereuse. Je préciserai à M. Jean-Marie Vanlerenberghe qu'il existe un protocole d'accord entre le ministère de la justice et le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité qui répertorie les dispositifs dont peuvent bénéficier les détenus, mesures qui s'appuient autant que possible sur les dispositifs de droit commun, mais aussi sur des actions spécifiques si des contraintes propres à ce public le justifient. Il serait donc souhaitable, selon moi, que M. Jean-Marie Vanlerenberghe retire son sous-amendement, qui me semble pleinement satisfait.

Quant aux amendements n°s 80 et 221, le Gouvernement émet un avis défavorable, car ils sont superfétatoires au regard de l'amendement n° 2.

Les amendements n°s 81 et 222 sont satisfaits par les articles 13 et 14 du projet de loi qui prévoient déjà des dispositions spécifiques pour les personnes de plus de quarante-cinq ans. Le Gouvernement y est donc défavorable.

M. Gilbert Chabroux m'a interrogé sur la mise en oeuvre des politiques destinées à allonger la durée de travail. D'une part, j'ai appelé les partenaires sociaux à entamer les négociations qui avaient été prévues sur ce thème dans la loi sur les retraites. D'autre part, s'agissant du projet de loi de mobilisation pour l'emploi, nous allons consacrer une partie du travail qui est engagé avec les partenaires sociaux à cette question précise.

Si nous parvenions à réduire le taux de chômage des jeunes et à allonger la durée d'activité dans notre pays, nous serions très proches du taux moyen de chômage des pays européens. Les plus grandes difficultés que nous rencontrons concernent, en effet, les jeunes et les salariés les plus âgés.

M. le président. Monsieur Vanlerenberghe, le sous-amendement n° 196 est-il maintenu ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J'ai écouté les arguments avancés par Mme le rapporteur et M. le ministre.

Notre sous-amendement visait à attirer l'attention sur la population des détenus, pour lesquels les dispositifs spécifiques, s'ils existent certes, sont cependant particulièrement inefficaces : un accompagnement social, notamment une formation professionnelle, nous semble nécessaire dans les prisons.

Mais ce problème relève sans doute d'un autre ministère. (M. le ministre acquiesce.)

Je retire donc le sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 196 est retiré.

La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.

M. Paul Blanc. Bien entendu, je suis tout à fait favorable à l'amendement n° 2 de la commission. J'y suis d'autant plus favorable que j'y vois une occasion de mettre en quelque sorte en concordance cette loi relative à la formation professionnelle et au dialogue social avec ce qui existe déjà dans la loi de 1987 et qui sera, je crois, repris dans le projet de loi sur la compensation du handicap que présentera Mme Marie-Thérèse Boisseau : le fonds spécifique AGEFIPH, l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, qui est justement destiné à financer la formation professionnelle pour les travailleurs handicapés. Peut-être faudra-t-il aller plus loin s'agissant de la formation des personnes handicapées, mais cela fera sans doute l'objet d'amendements lors de la discussion du projet de loi de Mme Boisseau.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 80, 221, 81 et 222 n'ont plus d'objet.

M. le président. L'amendement n° 223, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé par le 1° du II de cet article pour la première phrase du premier alinéa de l'article L. 900-6 du code du travail :

« Les actions visant la maîtrise des compétences de base telles que notamment les actions de lutte contre l'illettrisme et l'apprentissage de la langue française font partie de la formation professionnelle tout au long de la vie. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L'accès à l'information et la capacité à communiquer activement, oralement et par écrit, sont les clés d'une autonomie individuelle indispensable à la réussite de chacun et au progrès de tous.

Or, en France, aujourd'hui, deux millions de personnes au moins n'arrivent pas à lire et à écrire les messages de la vie courante ou ne le font que partiellement et avec de grandes difficultés. Elles ont quitté l'école en ayant peu ou mal acquis les bases de la communication écrite et se trouvent, à l'âge adulte, en situation d'illettrisme.

Il est certes possible de vivre sans savoir lire et écrire, mais le prix à payer est très lourd parce que cela entraîne l'individu vers une marginalisation masquée. De plus, lorsque l'illettrisme s'agrège à d'autres difficultés, il renforce la spirale de l'exclusion et aggrave la fracture sociale.

C'est pour résoudre ce problème et, en amont, pour éviter son apparition que la lutte contre l'illettrisme doit être une priorité nationale, tant en France métropolitaine que dans les collectivités d'outre-mer où l'illettrisme est un phénomène d'une ampleur particulièrement préoccupante.

L'article 149 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, précise ceci : « Cette priorité est prise en compte par le service public de l'éducation ainsi que par les personnes publiques et privées assurant une mission de formation ou d'action sociale. Tous les services publics contribuent de manière coordonnée à la lutte contre l'illettrisme dans leurs domaines d'action respectifs. »

L'amendement n° 223 vise donc à intégrer pleinement et concrètement la maîtrise de l'écriture et de la lecture comme l'apprentissage de la langue française dans le service public de la formation professionnelle tout au long de la vie. Je vous demande donc de l'approuver.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Même si je comprend la philosophie qui a inspiré cet amendement, je répondrai à Mme David que ce texte est entièrement satisfait par la rédaction même de l'article 5 du projet de loi et par l'amendement que propose la commission à l'article 16. C'est pourquoi j'y suis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. 6

Article additionnel après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 900-7 du code du travail, est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - La formation économique et sociale, ainsi que la formation syndicale organisée dans le cadre du congé de formation économique, sociale et syndicale prévu à l'article L. 451-1 du présent code font partie de la formation continue tout au long de la vie professionnelle. »

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement tend à faire reconnaître que la formation syndicale fait partie de la formation continue tout au long de la vie professionnelle.

Nombreux sont en effet les salariés qui, par l'engagement syndical et la formation acquise à partir de cette fonction, ont connu une progression personnelle importante. C'est une prise de responsabilité qui n'est certes pas toujours sans risque, mais qui représente une ouverture aux autres et un élément d'enrichissement de la vie sociale, primordial dans une vraie démocratie. C'est un élément de la vie citoyenne dont il convient de soutenir le développement.

Par ailleurs, nous examinons actuellement un projet de loi comportant un volet relatif au dialogue social. Nous devons donc, logiquement, permettre à ce dialogue social de vivre, que dis-je ?, de s'épanouir dans de bonnes conditions. C'est encore plus vrai dans un univers de dérogations généralisées à chaque entreprise, de droit diversifié, si l'on peut dire. Le dialogue social, dans ces conditions, nécessitera dans chaque entreprise de véritables spécialistes.

Monsieur le ministre, sans doute l'une des conditions de la réussite de votre projet réside-t-elle dans une formation solide des représentants du personnel. Il est à craindre que ce ne soit vrai aussi pour les employeurs.

C'est pourquoi nous souhaitons que l'on profite de ce texte sur la formation professionnelle pour prévoir dès maintenant l'introduction de la formation syndicale dans la formation tout au long de la vie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. La formation professionnelle tout au long de la vie concerne les travailleurs ou ceux qui souhaitent reprendre un emploi, perfectionner leurs compétences, s'adapter à leur poste de travail.

La formation syndicale ou économique et sociale relève d'une tout autre logique, et il ne faut à mon avis pas tout mélanger.

D'ailleurs, les organisations syndicales signataires de l'accord n'abordent absolument pas ce point et ne nous ont même pas présenté de demande particulière à cet égard.

Sur le fond, ces types de formations ne sont absolument pas remis en cause par le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Le congé pour formation syndicale et le congé pour formation économique et sociale restent un droit pour les salariés, ainsi que le prévoit l'article L. 451-1 du code du travail.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les raisons que vient d'indiquer Mme le rapporteur.

Il n'y a eu aucune concertation avec les partenaires sociaux sur ce sujet. Or nous touchons là à une question absolument fondamentale, celle de la formation des représentants syndicaux et, donc, du financement de cette formation.

Vous savez que ce dernier est assuré aujourd'hui pour une très large part par les pouvoirs publics. C'est une des manières que notre pays a trouvées de financer la vie syndicale, mais elle n'est pas parfaitement satisfaisante pour de multiples raisons que je n'ai pas besoin d'évoquer ici. J'ai donc commencé un tour d'horizon avec les organisations syndicales afin de mener une réflexion sur le financement de la vie syndicale.

Ce n'est donc pas aujourd'hui, à l'occasion de l'examen de ce texte, que l'on peut, sans concertation, avancer sur un tel sujet. Je souhaite donc que cet amendement soit rejeté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 5
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Art. 7

Article 6

I. - Le chapitre II du titre IV du livre IX du code du travail est abrogé.

II. - La section 2 du chapitre II du titre II du livre III du même code est complétée par un article L. 322-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 322-7-1. - Afin d'assurer le remplacement d'un ou plusieurs salariés en formation, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l'Etat accorde aux employeurs une aide calculée sur la base du salaire minimum de croissance pour chaque personne recrutée dans ce but ou mise à leur disposition par des entreprises de travail temporaire ou des groupements d'employeurs définis au chapitre VII du titre II du livre Ier du présent code.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le premier alinéa du II de cet article :

« Il est créé au chapitre II du titre II du livre III du même code une section 2 ter intitulée : "Aides de l'Etat au développement de l'emploi et des compétences", comprenant un article L. 322-9 ainsi rédigé : »

« II. - En conséquence, au début du deuxième alinéa du II de cet article, remplacer la référence : "Art. L. 322-7-1" par la référence "Art. L. 322-9". »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui vise à modifier l'emplacement dans le code du travail du dispositif d'aide prévu à l'article 6 en l'intégrant dans une nouvelle section du code portant sur le placement et l'emploi.

Cet emplacement nous a paru plus adéquat dans la mesure où il y est question de la politique d'aide à l'emploi. Du même coup, le titre de la section est ainsi modifié : « Aides de l'Etat au développement de l'emploi et des compétences », car tel est bien l'objectif recherché par le Gouvernement dans cet article.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 224, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 322-7-1 du code du travail, après les mots : "recrutée dans ce but", insérer les mots : "notamment sur proposition de l'ANPE". »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement a pour objet de souligner la nécessité de réinsérer dans la vie professionnelle les salariés privés d'emploi.

La formation professionnelle tout au long de la vie donne l'occasion de pourvoir des emplois. Elle rapproche l'offre et la demande de travail dans le cadre du remplacement nécessaire des salariés en formation.

La nécessité est donc impérative de mobiliser toutes les entreprises et l'ensemble des branches professionnelles autour de l'objectif de retour à l'emploi des chômeurs, notamment des salariés qui ont été licenciés pour cause de délocalisation, faillite ou plan de réduction du personnel.

Le service public de l'emploi, à travers l'ANPE, doit être l'interlocuteur privilégié des entrepreneurs et des services des ressources humaines dans le cadre des embauches spécifiques liées au remplacement des départs en formation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'adoption d'un tel amendement n'aurait pas les effets escomptés par ses auteurs dans la mesure où cela pourrait empêcher les entreprises d'embaucher des personnes dont le profil correspond aux postes à remplacer. Or l'adéquation entre l'offre et la demande d'emploi n'est pas toujours assurée.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 8 (début)

Article 7

Il est inséré, avant le chapitre Ier du titre III du livre IX du code du travail, un article L. 930-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 930-1. - L'accès des salariés à des actions de formation professionnelle continue est assuré :

« 1° A l'initiative de l'employeur dans le cadre du plan de formation mentionné à l'article L. 951-1 ;

« 2° A l'initiative du salarié dans le cadre du congé de formation défini à l'article L. 931-1 ;

« 3° A l'initiative du salarié avec l'accord de son employeur dans le cadre du droit individuel à la formation prévu à l'article L. 933-1. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Au début du texte proposé par cet article pour l'article L. 930-1 du code du travail, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

« L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences. »

Le sous-amendement n° 193, présenté par M. Souvet, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 4 par une phrase ainsi rédigée :

« En ce qui concerne les salariés temporaires des entreprises de travail temporaire, l'adaptation au poste de travail s'entend de l'adaptation à un emploi. »

L'amendement n° 83, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Au début du texte proposé par cet article pour l'article L. 930-1 du code du travail, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

« L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences. »

L'amendement n° 225, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Au début du texte proposé par cet article pour l'article L. 930-1 du code du travail, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

« L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur poste de travail. Il doit veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences des salariés. »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'Assemblée nationale a décidé de supprimer l'obligation de formation des salariés par l'employeur au motif que, certaines actions de formation pouvant se dérouler en dehors du temps de travail, la formation relèverait désormais de la responsabilité exclusive du salarié.

Or les partenaires sociaux n'ont jamais souhaité la suppression de ce principe, comme en témoigne la lettre paritaire qu'ils ont adressée à M. le ministre le 13 janvier dernier. L'envoi d'une lettre commune par les cinq organisations syndicales est extrêmement rare. Cela prouve que cette question revêt pour eux une importance capitale. D'ailleurs, les organisations patronales entendues par notre commission lors de la table ronde qu'elle a organisée le 22 janvier dernier n'ont pas contesté le bien-fondé de la revendication syndicale.

En effet, les partenaires sociaux ont souhaité redéfinir les actions de formation qui composent le plan de formation autour d'une typologie ternaire : les actions d'adaptation au poste de travail, les actions de formation liées à l'évolution des emplois et participant au maintien dans l'emploi, et les actions de formation ayant pour objet le développement des compétences des salariés.

Cette nouvelle typologie remet-elle en cause l'obligation de formation de l'employeur à l'égard de ses salariés ? Avec l'extension du plan de formation à des actions se déroulant hors du temps de travail, l'Assemblée nationale, répondant positivement à cette question, a supprimé ce principe au motif que l'obligation ne peut s'appliquer à des formations se déroulant en dehors du temps de travail.

Monsieur le ministre, lors de l'adoption de cet amendement de suppression à l'Assemblée nationale, vous aviez tenu à préciser qu'il ne remettait nullement en cause les obligations de l'employeur en matière de formation, celui-ci ayant l'obligation d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs emplois.

Notre commission ne peut pas défendre la suppression de l'obligation de formation, et ce pour deux raisons : d'une part, cette suppression n'est pas conforme à l'esprit de l'ANI et en déséquilibre gravement l'économie ; d'autre part, elle est lourde de conséquences en ce qui concerne la responsabilité de l'employeur dans la formation de ses salariés.

Issue de la jurisprudence « Expovit », en date de 1992, l'obligation de formation est un principe fondamental de notre droit du travail selon lequel, en contrepartie de l'engagement du salarié à travailler pour l'employeur, celui-ci doit, à son tour, proposer régulièrement au salarié une adaptation de ses qualifications au poste de travail occupé par des formations réalisées dans le temps de travail effectif.

Or, à aucun moment, ni les organisations de salariés ni les organisations patronales n'ont souhaité remettre en question une telle obligation. C'est la raison pour laquelle nous proposons le rétablissement de l'obligation de formation des salariés par l'entreprise tout en adaptant cette obligation à la nouvelle typologie des actions qui forment le plan de formation.

Je précise bien, pour lever toute ambiguïté sur cette question, que l'obligation de formation ne porte que sur l'adaptation au poste de travail, étant entendu que cette obligation n'est pas requise pour les autres types de formation, à savoir les actions liées à l'évolution des emplois, celles qui participent au maintien dans l'emploi et celles qui ont pour objet le développement des compétences. C'est une solution intermédiaire qui satisfera, me semble-t-il, les partenaires sociaux.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. Le sous-amendement n° 193 n'est pas défendu.

La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 83.

M. Gilbert Chabroux. Nous rejoignons la position de la commission, en présentant un amendement pratiquement identique au sien. Nous demandons le rétablissement d'une formule qui figurait à peu de choses près dans le code du travail et qui avait été reprise dans le texte initial du projet de loi.

Malheureusement, à la suite de l'adoption d'un amendement tout à fait regrettable, cette disposition a disparu du texte qui nous a été transmis, à la suite d'un malentendu, avez-vous dit, monsieur le ministre. Notre rapporteur nous en propose maintenant le rétablissement, même si nous aurions préféré que ce soit à l'article 10, ce qui prouve que ce n'est pas un débat entre la droite et la gauche. Nous sommes en fait au coeur des enjeux de la formation professionnelle pour le salarié.

Il n'est en effet pas possible que le chef d'entreprise s'exonère de sa responsabilité d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail, ni de son obligation de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard des diverses évolutions, notamment en matière de technologies et d'organisation du travail.

Nous avons été particulièrement alertés par certains arguments qui ont été développés à l'Assemblée nationale sur ces thèmes. La formation - il est important d'être clair sur ce point - devrait être reconnue comme étant un droit pour le salarié. Il est ainsi écrit à plusieurs reprises dans le code du travail que « le refus du salarié de participer à des actions de formation ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. »

Tout semblerait donc clair. Néanmoins, la suppression de la mention de l'obligation de l'employeur décidée à l'Assemblée nationale conduit tout naturellement à se demander qui sera désormais obligé de faire quelque chose.

Sans citer le nom de notre collègue député UMP qui s'est exprimé ainsi, et sans vouloir insister plus qu'il ne faut, je veux reprendre certains de ses propos que j'ai pu lire à la page 12320 du Journal officiel : « Si, aujourd'hui, le devoir de formation est impérieux, il s'impose à la fois à l'entreprise et au salarié. L'entreprise a le devoir de former, le salarié le devoir de se former de façon à toujours trouver sa place sur le marché du travail. » Ce même collègue a également prononcé cette phrase que ne renieraient ni Alfred Jarry ni M. de Virville : « Aujourd'hui, le meilleur moyen pour un salarié de conserver un emploi, c'est de pouvoir en changer. »

Au total, si le salarié n'a pas trouvé sa place sur le marché du travail, c'est qu'il ne s'en est pas donné tous les moyens. Nous savions déjà que les chômeurs étaient responsables de leur sort, qu'ils ne cherchaient pas vraiment un travail, et qu'ils profitaient honteusement du système. Sans doute pour les encourager à retrouver du travail, le Gouvernement a pris les mesures qui s'imposaient pour priver plusieurs centaines de milliers d'entre eux de leurs allocations.

Désormais, nous savons que, s'ils sont chômeurs, c'est aussi parce qu'ils n'ont pas accompli en temps et en heure tous les efforts pour se former. S'ils sont chômeurs, ce serait donc doublement de leur faute, à cause d'une incurie de longue date, et cela, bien sûr, alors que le marché des offres d'emploi est pléthorique, comme chacun d'entre nous peut le constater avec les plans sociaux qui se succèdent dans nos régions.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. N'en faites pas trop, monsieur Chabroux !

M. Gilbert Chabroux. Ecoutez, il faut bien que je donne quelques arguments !

Après tout, nous n'avons eu en 2003 que 137 900 chômeurs de plus, et 431 500 jeunes âgés de moins de 25 ans sont recensés au chômage. M. le ministre a parlé des deux bouts de la chaîne, les jeunes et les chômeurs de longue durée. Or je rappelle que les chômeurs de catégories 1 et 6 sont maintenant au nombre de 2 870 000.

Il est temps d'arrêter cette folle dérive, non seulement celle du chômage, bien sûr, mais aussi et surtout celle qui traduit la volonté de faire peser sur les salariés et sur les chômeurs la responsabilité de la situation, comme si c'étaient eux qui prenaient l'initiative de fermer les entreprises. Les salariés ne sont pas responsables des délocalisations. Ils sont plutôt les victimes collatérales de la misère qui règne sur les autres continents et qui est honteusement exploitée.

Si la formation est une obligation, c'est d'abord une obligation pour l'Etat et la région qui aura désormais une compétence pleine, et c'est une obligation de moyens. Je ne reviens pas sur les questions de désengagement budgétaire de l'Etat et d'inégalités entre régions. C'est aussi, comme la loi doit le préciser, une obligation pour l'employeur dans son entreprise.

M. François Fillon, ministre. Cela n'a rien à voir avec l'article !

M. Gilbert Chabroux. Pour le salarié, c'est un droit reconnu par la loi depuis 1971, renforcé par ce projet de loi, et il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur ce point.

Nous soutiendrons donc l'amendement de Mme Bocandé, mais nous avons souhaité présenter également le nôtre.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 225.

Mme Annie David. Cet amendement est quasiment identique à ceux qui ont été présentés par Mme le rapporteur et par M. Chabroux. Je ne puis donc que reprendre à mon compte les différentes argumentations que je viens d'entendre, notamment celle de M. Chabroux, que je partage complètement.

L'amendement n° 225 vise à rendre conforme le projet de loi à l'ANI qui a été signé le 20 septembre dernier, et donc à définir le périmètre des obligations pesant sur l'employeur en matière de formation.

En soumettant cet amendement à votre vote, je veux attirer votre attention, mes chers collègues, sur le rôle et la responsabilité de l'employeur, lequel a le pouvoir de freiner l'accès au droit affirmé du salarié à la formation professionnelle tout au long de la vie. L'initiative de l'employeur, dans la constitution d'un environnement formateur, est fondamentale. En effet, 58 % des salariés ayant reçu une ou plusieurs formations entre janvier 1999 et mars 2000 indiquent que leur initiative n'a pas été impulsée ou encouragée par leur employeur.

Or le contexte professionnel devrait avoir une influence pertinente sur l'initiative individuelle. Un plan de formation dans l'entreprise est une expérience cruciale pour ceux qui n'ont jamais eu de formation continue. Pouvoir consulter sur ce sujet au sein de l'entreprise est important pour entamer les démarches d'un vrai projet de carrière.

Toutefois, l'employeur doit intégrer cette simple logique économique selon laquelle une vraie modernisation de l'organisation du travail et une véritable gestion du personnel par rapport au poste occupé et à la productivité tiennent non pas aux seuls investissements matériels, mais bien dans la capacité de mutualiser des connaissances, des savoir-faire et des intelligences humaines de façon stable, mais exponentielle, dans son entreprise.

Comme vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le ministre, il faut que les entreprises puissent compter sur les femmes et sur les hommes qui y travaillent pour pouvoir obtenir la plus grande rentabilité possible.

Aussi préférons-nous inscrire dans le texte l'obligation de l'employeur d'assurer au salarié le droit d'accéder aux différents types de formations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. La commission demande aux auteurs des amendements n°s 83 et 225 de bien vouloir les retirer, puisque ces derniers sont satisfaits par l'amendement n° 4 de la commission.

S'agissant de l'amendement n° 226, je rappellerai à Mme David que celui-ci n'est absolument pas conforme à l'ANI ni au projet de loi, puisque son article 8 dispose très clairement que l'accord de l'employeur est nécessaire pour le choix de l'action de formation dont le salarié a l'initiative.

Ce dispositif correspond à la procédure de codécision sur laquelle les partenaires sociaux se sont entendus, alors qu'il s'agissait sans doute là de l'un des points les plus discutés de la négociation. Le remettre en cause reviendrait à perturber toute l'architecture de l'ANI.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Je veux tout de suite dire, avant de développer mes arguments, que le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 4 présenté par Mme Bocandé.

Cela étant dit, monsieur Chabroux, autour de cet amendement, vous vous êtes livré à une sorte de procès d'intention qui n'a rien à voir avec la réalité des faits. (M. Gilbert Chabroux s'exclame.) Lors du débat à l'Assemblée nationale, nous avons rencontré un problème de rédaction juridique. Il était impossible de maintenir la rédaction initiale du code du travail, compte tenu de l'accord signé par les partenaires sociaux. La rédaction proposée par l'Assemblée nationale ne remettait pas en cause - comme Mme le rapporteur a bien voulu le rappeler, je l'avais indiqué expressément à l'Assemblée nationale - cette obligation d'adaptation des salariés.

L'arrêt « Expovit », rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 25 février 1992, prévoit que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés. L'obligation pour l'employeur d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs emplois, qui figurait à l'article L. 932-2 du code du travail, ne correspondait plus à la nouvelle typologie d'actions de formation définie par l'accord et reprise dans le projet de loi.

Par l'amendement n° 4, Mme le rapporteur nous propose une rédaction satisfaisante, qui explicite utilement la responsabilité de l'employeur au regard des nouvelles catégories d'actions de formation et permet de lever ce que j'ai appelé un malentendu, car il s'agit bien d'un problème de rédaction juridique et en aucun cas d'une volonté de l'Assemblée nationale de mettre un terme à cette obligation.

Je rappelle d'ailleurs, pour la petite histoire, que plusieurs députés du groupe communiste ont voté cet amendement en toute bonne foi lorsqu'il a été présenté à l'Assemblée nationale.

En outre, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 226. En effet, le droit individuel à la formation est un dispositif de formation concerté entre l'employeur et le salarié. Or ce qui est proposé dans cet amendement n'est absolument pas conforme à l'accord des partenaires sociaux, et il existe d'ailleurs d'autres dispositifs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 83 et 225 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 226, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 930-1 du code du travail, supprimer les mots : "avec l'accord de son employeur". »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Bien que M. le ministre ait indiqué à l'instant que l'objet de cet amendement n'était pas conforme à l'ANI, je vais malgré tout le défendre !

En effet, préciser dans le dernier alinéa (3°) de l'article 7 que le droit individuel à la formation est soumis à l'accord de l'employeur me paraît redondant avec les dispositions de l'article L. 933-3 du code du travail. Ajouter cette précision dans le corps de l'article me semble également réducteur. Il s'agit, sinon d'une entrave, du moins d'une pression supplémentaire sur le salarié pour qu'il renonce à faire valoir son DIF.

Je ne souhaite pas remettre en cause le fait que le DIF soit soumis à l'accord de l'employeur. Mais le texte proposé à l'article 8 pour l'article L. 933-3 du code du travail est très clair : « La mise en oeuvre du droit individuel à la formation relève de l'initiative du salarié, en accord avec son employeur. » Il est donc inutile d'en faire mention à l'article 7 du projet de loi.

M. le président. La commission s'est déja exprimée sur cet amendement.

La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Je reprends mon argumentation malgré les explications de Mme David, car la rédaction de l'article 7 est due à une raison essentielle. Cet article décrit la typologie des actions de formation : celles qui sont à l'initiative de l'employeur, celles qui sont à l'initiative du salarié et celles qui sont à l'initiative du salarié et de l'employeur. Supprimer simplement la mention « avec l'accord de l'employeur » au 3° viderait l'article 7 de tout son sens. L'une des innovations de ce projet de loi consiste précisément à proposer trois sortes de formations différentes, avec les conséquences que cela peut avoir sur le temps pendant lequel ces formations peuvent avoir lieu.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse. Effectivement, l'article 7 prévoit différentes initiatives permettant l'accès à des actions de formation professionnelle. Mais si vous prévoyez l'accord de l'employeur dans le 3° de l'article 7, il faudrait également le mentionner dans le 2° du même article, qui concerne le CIF. En effet, pour pouvoir partir en formation dans le cadre d'un CIF, le salarié doit obtenir l'accord de son employeur. S'il quitte l'entreprise sans l'accord de son employeur, c'est une faute grave et une cause de licenciement très fréquente. Du reste, cela fait très souvent l'objet de recours devant le conseil des prudhommes.

Il n'y a pas de raison que l'accord de l'employeur soit nécessaire pour le DIF et pas pour le CIF.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Madame David, votre explication sur le CIF n'est pas exacte. Le CIF est une formation à l'initiative du salarié. L'employeur a la possibilité de différer le CIF, mais en aucun cas la décision de suivre une formation dans le cadre du CIF ne nécessite une autorisation de l'employeur. Il s'agit de l'article L. 931-6 du code du travail, dont je vous donne lecture : « Le bénéfice du congé demandé est de droit, sauf dans le cas où l'employeur estime, après avis du comité d'entreprise ou, s'il n'en existe pas, des délégués du personnel, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l'entreprise. En cas de différend, l'inspecteur du travail contrôlant l'entreprise peut être saisi par l'une des parties et peut être pris pour arbitre. »

Ce n'est pas du tout le cas du DIF, qui, lui, est bien lié à un accord préalable du chef d'entreprise.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Chapitre II

Le droit individuel à la formation

Art. 7
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Art. 8 (interruption de la discussion)

Article 8

I. - L'article L. 932-3 du code du travail est abrogé.

II. - Les chapitres III et IV du titre III du livre IX du même code deviennent respectivement les chapitres IV et V et les articles L. 933-1, L. 933-2, L. 933-2-1, L. 933-3, L. 933-4, L. 933-6 et L. 934-1 deviennent respectivement les articles L. 934-1, L. 934-2, L. 934-3, L. 934-4, L. 934-5, L. 934-6 et L. 935-1.

III. - Le chapitre III du titre III du livre IX du même code est ainsi rétabli.

« Chapitre III

« Du droit individuel à la formation

« Art. L. 933-1. - Tout salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, à l'exclusion des contrats prévus au chapitre Ier du titre VIII du présent livre, disposant d'une ancienneté d'au moins un an dans l'entreprise qui l'emploie, bénéficie chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de vingt heures, sauf dispositions d'une convention ou d'un accord collectif interprofessionnel, de branche ou d'entreprise prévoyant une durée supérieure. Pour les salariés à temps partiel, cette durée est calculée pro rata temporis.

« Art. L. 933-2. - Une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut prévoir des modalités particulières de mise en oeuvre du droit individuel à la formation, sous réserve que le cumul des droits ouverts soit au moins égal à une durée de cent vingt heures sur six ans ou, pour les salariés à temps partiel, au montant cumulé des heures calculées chaque année conformément aux dispositions de l'article L. 933-1, dans la limite de cent vingt heures. Les droits acquis annuellement peuvent être cumulés sur une durée de six ans. Au terme de cette durée et à défaut de son utilisation en tout ou partie, le droit individuel à la formation reste plafonné à cent vingt heures. Ce plafond s'applique également aux salariés à temps partiel, quel que soit le nombre d'années cumulées, sur la base des droits annuels acquis pro rata temporis. Chaque salarié est informé par écrit annuellement du total des droits acquis au titre du dispositif du droit individuel à la formation.

« Une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut définir des priorités pour les actions de formation mises en oeuvre dans le cadre du droit individuel à la formation. A défaut d'un tel accord, les actions de formation permettant l'exercice du droit individuel à la formation sont les actions de promotion ou d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances mentionnées à l'article L. 900-2 ou les actions de qualification prévues à l'article L. 900-3.

« Art. L. 933-3. - La mise en oeuvre du droit individuel à la formation relève de l'initiative du salarié, en accord avec son employeur. Le choix de l'action de formation envisagée est arrêté par accord écrit du salarié et de l'employeur.

« Une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut prévoir que le droit individuel à la formation s'exerce en partie pendant le temps de travail. A défaut d'un tel accord, les actions de formation se déroulent en dehors du temps de travail.

« Art. L. 933-4. - Les heures consacrées à la formation pendant le temps de travail ouvrent droit au maintien de la rémunération du salarié dans les conditions définies au I de l'article L. 932-1. Lorsque les heures de formation sont effectuées hors du temps de travail, le salarié bénéficie du versement par l'employeur de l'allocation de formation définie au III de l'article L. 932-1. Le montant de l'allocation de formation ainsi que les frais de formation correspondant aux droits ouverts sont à la charge de l'employeur et sont imputables sur sa participation au développement de la formation professionnelle continue. Pendant la durée de cette formation, le salarié bénéficie de la législation de la sécurité sociale relative à la protection en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

« Art. L. 933-5. - Lorsque durant deux exercices civils consécutifs, le salarié et l'entreprise sont en désaccord sur le choix de l'action de formation au titre du droit individuel à la formation, l'organisme paritaire agréé au titre du congé individuel de formation dont relève son entreprise assure par priorité la prise en charge financière de l'action dans le cadre d'un congé individuel de formation sous réserve que cette action corresponde aux priorités et aux critères définis par ledit organisme. Dans ce cas, l'employeur est tenu de verser à cet organisme le montant de l'allocation de formation correspondant aux droits acquis par l'intéressé au titre du droit individuel à la formation et les frais de formation calculés conformément aux dispositions de l'article L. 933-4 et sur la base forfaitaire applicable aux contrats de professionnalisation mentionnés à l'article L. 983-1.

« Art. L. 933-6. - Le droit individuel à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié, sauf pour faute grave ou faute lourde. Dans ce cas, le montant de l'allocation de formation correspondant aux heures acquises au titre du droit individuel à la formation et n'ayant pas été utilisées est calculé sur la base du salaire net perçu par le salarié avant son départ de l'entreprise. Les sommes correspondant à ce montant doivent permettre de financer tout ou partie d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation, lorsqu'elle a été demandée par le salarié avant la fin du délai-congé. A défaut d'une telle demande, le montant correspondant au droit individuel à la formation n'est pas dû par l'employeur. Dans le document mentionné à l'article L. 122-14-1, l'employeur est tenu, le cas échéant, d'informer le salarié qu'il licencie de ses droits en matière de droit individuel à la formation, notamment de la possibilité de demander pendant le délai-congé à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. En cas de démission, le salarié peut demander à bénéficier de son droit individuel à la formation sous réserve que l'action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation soit engagée avant la fin du délai-congé. »

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, sur l'article.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je saisis l'occasion de l'examen de l'article 8 pour rappeler notre réticence de principe aux opérations de dénumérotation et de renumérotation auxquelles il est de plus en plus souvent procédé, au fil des textes. Nous avions d'ailleurs formulé la même observation lors de l'examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

Or le paragraphe II de l'article 8 procède à une renumérotation de deux chapitres et de sept articles du code du travail. Il faut bien se rendre compte que cette pratique rend la loi complètement impraticable et qu'elle crée une insécurité juridique pour ceux qui tentent de s'y référer.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle conduit à laisser au futur lecteur de l'article L. 933-1 du code du travail, par exemple, le soin de s'apercevoir qu'il a changé d'objet et qu'il faut désormais rechercher son contenu précédent au nouvel article L. 934-1.

M. Roland Muzeau. C'est un jeu de piste !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le citoyen, lecteur amateur ou professionnel du code du travail, qui fera les frais de telles renumérotations. Sans se décourager, croyez-le, la commission des affaires sociales persiste à souhaiter qu'à l'avenir soit trouvée une solution alternative à la pratique de renumérotation des articles du code.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-1 du code du travail, remplacer les mots : "à l'exclusion des contrats prévus au chapitre Ier du titre VIII du présent livre" par les mots : "à l'exclusion des contrats mentionnés au titre Ier du livre Ier et au chapitre Ier du titre VIII du présent livre". »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. C'est un amendement de précision qui vise à réparer un oubli. En effet, le présent aticle précise que le DIF n'est pas ouvert aux titulaires de contrats d'insertion en alternance, en vertu du principe selon lequel les salariés ne peuvent parallèlement suivre deux formations aux finalités différentes. Si les contrats en alternance ne sont pas concernés, je ne vois pas la raison pour laquelle les contrats en apprentissage le seraient davantage.

Le présent amendement prévoit donc que les titulaires de contrats en apprentissage n'ont pas accès aux DIF.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour indiquer à M. le président de la commission des affaires sociales que c'est bien dans cet esprit que le rapport Virville propose la recodification du code du travail.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Voilà un bon rapport, que l'on attend avec impatience !

M. François Fillon, ministre. Il s'agit donc, non pas d'une réforme du code du travail qui est proposée au travers de la codification, mais d'une réécriture...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. François Fillon, ministre. ... permettant une meilleure lisibilité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-1 du code du travail, remplacer les mots : "dans l'entreprise qui l'emploie, bénéficie" par les mots : "au 1er janvier 2004 dans l'entreprise qui l'emploie, bénéficie à compter de cette date et". »

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement a pour objet d'instituer une date de mise en oeuvre du droit individuel à la formation. Sans originalité, nous proposons le 1er janvier 2004, comme le font les partenaires sociaux dans l'accord interprofessionnel du 20 septembre 2003.

Pour éviter un risque de contentieux sur la rétroactivité des dispositions de cet article, il convient de définir un point de départ aussi précoce que possible du dispositif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Je me demande si Mme Gisèle Printz a bien mesuré la portée de son amendement. Je n'ai vu nulle part dans l'ANI que le DIF devait être mis en place à partir du 1er janvier 2004. Par ailleurs, je vous rappelle que l'entrée en vigueur du DIF nécessite l'intervention d'accords collectifs préalables.

Un seul exemple suffira peut-être à vous convaincre, ma chère collègue. Il est prévu qu'une convention ou un accord collectif puisse préciser que le DIF se déroule pendant le temps de travail et que, à défaut d'un tel accord, le DIF s'exercera hors du temps de travail. Si vous fixez l'application du DIF au 1er janvier 2004, vous risquez d'empêcher la conclusion de ces accords, donc de faire en sorte que les actions de formation se déroulent de facto en dehors du temps de travail.

Vous connaissant, ma chère collègue, je suis sûre que ce n'est pas ce que vous souhaitez. Je vous demande donc de retirer votre amendement et de laisser aux partenaires sociaux le temps de conclure ces accords.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement suit l'excellente argumentation de Mme le rapporteur.

M. le président. Madame Printz, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Gisèle Printz. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 85 est présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 227 est présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer la dernière phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-1 du code du travail. »

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 85.

Mme Gisèle Printz. L'acquisition d'une compétence ou d'une qualification pour un salarié requiert la même durée de formation, qu'il soit employé à temps plein ou à temps partiel. Les formations sont calculées en fonction de nécessités pédagogiques, et non du temps de travail des salariés qui les suivent. Certains salariés à temps partiel ne pourront donc pas suivre une formation complète. Cela peut avoir des conséquences très négatives dans certains secteurs économiques qui connaissent des évolutions technologiques rapides, comme l'informatique ou les biotechnologies. Le salarié risque de devoir attendre plus longtemps pour bénéficier d'une formation, donc de ne pas pouvoir suivre l'évolution des techniques, ce qui menacera son « employabilité ».

Par conséquent, il n'est pas logique d'appliquer cette disposition de pro rata temporis aux salariés à temps partiel. Au demeurant, un employeur, que ce soit pour un emploi à temps plein ou un emploi à temps partiel, sur un même poste, va requérir la même qualification.

Outre cette incohérence, nous ne devons pas oublier que les salariés à temps partiel sont le plus souvent des femmes, qui subissent le temps partiel plus qu'elles ne le souhaitent. Or elles sont peu formées et ont donc davantage besoin d'une formation. Cela est particulièrement important si elles veulent avoir une chance d'occuper un emploi plus intéressant, mieux rémunéré et surtout à temps plein. Leur appliquer cette disposition, c'est un peu, toutes proportions gardées, comme les condamner à une double peine, et qui serait définitive.

Nous savons que Mme le rapporteur est très attachée, et à juste titre, à l'équilibre de l'accord. Mais cet équilibre ne doit pas seulement être financier. Qu'elle nous permette de lui faire observer qu'il y a là, à l'encontre des femmes en particulier, un déséquilibre sérieux.

Nous demandons que cette disposition qui nous semble dépourvue de bon sens soit retirée du projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 227.

Mme Annie David. Cet amendement vise à supprimer la notion de pro rata temporis qui est attachée au droit à la formation.

Je voudrais, comme ma collègue Gisèle Printz, vous faire remarquer que, très souvent, les salariés qui travaillent à temps partiel dans les entreprises sont des femmes ou, tout au moins, des personnels fragilisés : des titulaires du RMA ou d'autres catégories de personnels, tels les travailleurs handicapés ou ceux qui bénéficient d'un mi-temps thérapeutique. En général, ce temps partiel leur est imposé et ne correspond pas à un libre choix de leur part.

En revanche, la durée de formation est la même pour tous, que l'on soit un travailleur à temps partiel ou un travailleur à temps complet. Cela signifie que le travailleur à temps partiel devra acquérir plus d'années d'ancienneté dans l'entreprise pour avoir droit au même temps de formation et à la même possibilité d'évoluer, soit en fonction de son poste, soit même en fonction de sa volonté personnelle, vers un poste plus intéressant, comme vient de le dire Gisèle Printz.

Ce serait une grave erreur que d'introduire cette notion de temps partiel attachée à la formation. Une telle disposition serait en outre discriminatoire, car elle viserait des populations déjà fragiles et en difficulté.

Pour avoir travaillé bon nombre d'années en entreprise dans la métallurgie à temps partiel, je sais ce que cela veut dire, surtout lorsque l'on a besoin d'une formation et que l'on travaille dans de telles conditions.

Eu égard à notre volonté d'assurer l'égalité des droits pour tous les salariés, cette notion de temps partiel attachée au temps de formation est vraiment inacceptable. L'article 8, qui crée le DIF, lequel représente une avancée incontestable pour les salariés, ne doit pas être entaché par cette notion de temps partiel, qui priverait de leurs droits beaucoup de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Mme Printz et son groupe nous ont présenté une série d'amendements motivés par le souci d'appliquer l'ANI. Or l'amendement n° 85 prend à contre-pied tout l'esprit de cet accord.

Si les partenaires sociaux ont choisi un système de proratisation, il nous faut respecter leur choix. Sinon, nous risquons de bouleverser toute l'architecture qu'ils ont mise en place.

Sur le fond, je ne sais pas si un employeur accepterait de financer, comme pour les salariés à temps complet, la formation d'un salarié à temps partiel dans son entreprise. En outre, si ce salarié à temps partiel occupe plusieurs emplois de même nature, il pourra cumuler des droits à formation qui lui permettront de bénéficier d'un DIF comparable à celui dont disposent les salariés à temps complet.

Vous ne serez donc pas étonnée, madame Printz, que la commission émette un avis défavorable sur votre amendement.

Cette réponse vaut également pour l'amendement n° 227 de Mme David.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

Ces sujets sont au coeur des équilibres qui ont été trouvés entre les partenaires sociaux. Certes, rien n'empêche les branches de négocier pour mettre en place des dispositions plus favorables si elles le souhaitent. Mais le législateur doit avoir à coeur de respecter l'équilibre de cet accord. On ne peut en effet se féliciter d'obtenir un accord unanime et ensuite en rompre les équilibres essentiels.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 85 et 227.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 228 rectifié, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du Groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« I. - Après les mots : "six ans", supprimer la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-2 du code du travail.

« II. - Supprimer l'avant-dernière phrase du premier alinéa du même texte. »

L'amendement n° 86, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après les mots : "six ans", supprimer la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-2 du code du travail. »

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 87 est présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 253 est présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer l'avant-dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-2 du code du travail. »

La parole est à Mme Annie David, pour défendre l'amendement n° 228 rectifié.

Mme Annie David. Le présent amendement tend à corriger le texte de loi présenté conformément à l'Accord national interprofessionnel. Le DIF, comme je ne cesserai de m'en faire l'écho, est un acquis pour l'ensemble des salariés, sans distinction, ce quel que soit le type de contrat passé avec leur employeur.

La responsabilité de la précarité de l'emploi n'incombe pas aux salariés et la formation doit bénéficier à tous les travailleurs, qu'ils soient en emploi précaire, à temps partiel contraint ou privés d'emploi.

Le monde du travail a besoin de résister et d'imposer une nouvelle logique de développement économique et social à l'heure de l'économie de la connaissance.

Le changement passe par l'individu qui, au retour de formation, exprime le besoin de la matérialiser dans un emploi et l'entreprise performante est celle qui conçoit la formation comme un investissement pleinement consenti. Pourtant, dans ce domaine, rien ne va de soi. Car si valoriser l'humain, le capital humain, l'intelligence humaine, n'est pas un acte naturel de notre société actuelle, pourquoi nos entreprises favoriseraient-elles la promotion de ceux qui les font exister ?

Pour en revenir à l'ANI, le présent texte de loi se doit d'effacer toute discrimination à l'encontre d'une quelconque catégorie de salariés et de créer une véritable dynamique de dialogue social.

Pour en revenir aux arguments qui ont été avancés par Mme le rapporteur quant aux personnels à temps partiel, on sait très bien que, lorsqu'il s'agit d'un temps partiel contraint, il est très difficile pour les salariés de compléter ce temps partiel par un autre emploi, surtout pour les emplois postés ou les emplois à trois quarts de temps. En effet, un employeur accepte difficilement de prendre un salarié pour un quart de temps ; de ce fait, le droit individuel à la formation se verrait amputé d'autant.

J'insiste donc vraiment sur ce point : associer le DIF au temps de présence, donc le calculer au pro rata temporis du temps travaillé pour les salariés à temps partiel est vraiment inacceptable et discriminatoire pour les travailleurs qui se trouvent dans cette situation.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter les amendements n°s 86 et 87.

Mme Gisèle Printz. L'amendement n° 86 est un amendement de cohérence avec l'amendement que nous avons déjà défendu au sujet des salariés à temps partiel.

Nous rappelons que l'obtention de droits suffisants pour réaliser une formation diplômante, par exemple, risque d'être trop longue pour le salarié, ce qui peut mettre en péril son employabilité.

L'amendement n° 87 est également un amendement de cohérence.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour défendre l'amendement n° 253.

Mme Annie David. Nous insistons sur le fait que l'acquisition au pro rata temporis du droit individuel à la formation pour les salariés à temps partiel est inacceptable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Ces amendements procèdent de la même philosophie que l'amendement n° 85, sur lequel je me suis longuement expliquée tout à l'heure. Pour les mêmes raisons, la commission émet sur ces quatre amendements un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 228 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 87 et 253.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission.

L'amendement n° 189 est présenté par M. Etienne.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Rédiger ainsi la première phrase du second alinéa du texte proposé pour le III de cet article pour l'article L. 933-2 du code du travail :

« Par convention ou accord collectif de branche ou d'entreprise ou, à défaut, par accord collectif conclu entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés signataires d'un accord constitutif d'un organisme collecteur paritaire des fonds de la formation professionnelle continue à compétence interprofessionnelle, des priorités peuvent être définies pour les actions de formation mises en oeuvre dans le cadre du droit individuel à la formation. »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement est important, puisqu'on le retrouvera dans plusieurs autres articles du texte. Son objectif est d'encourager la négociation interprofessionnelle uniquement lorsque l'accord d'entreprise ou de branche prévu n'est pas intervenu.

Lors de mon introduction, je vous ai rappelé que certains avaient dénoncé ce qu'ils appellaient la « consécration des branches » dans ce projet de loi, non pas parce que la légitimité ou l'action des branches est contestable, au contraire, mais parce qu'elle laisse peu de place à la négociation interprofessionnelle. J'ai été sensible à cet argument.

Aujourd'hui, la collecte des fonds de la formation professionnelle est surtout effectuée par les organismes collecteurs créés par les syndicats représentatifs des branches ; ce sont les principaux financeurs de la formation. Les organismes de branche sont 72 à collecter les fonds, pour l'essentiel ceux du plan de formation, de l'alternance et du congé de formation. Leurs ressources sont donc très importantes. C'est la raison pour laquelle une règle datant de 1985 les oblige à reverser une partie de leurs ressources aux organismes interprofessionnels.

Les organismes collecteurs interprofessionnels sont constitués par les représentants des syndicats sans considération liée à la branche, soit parce que les entreprises qu'ils regroupent ne sont pas représentées dans une branche - c'est le cas de 5 % des entreprises françaises -, soit parce que les branches auxquelles elles appartiennent à l'origine sont trop déficitaires pour survivre. Face aux 72 OPCA de branches, il existe 26 OPCA interprofessionels, dont 2 nationaux et 24 régionaux. C'est ce qui conduit à dire que les organismes collecteurs interprofessionnels sont plus adaptés à la problématique du territoire que ne le sont les branches. Or, le projet de loi supprime cette solidarité financière, ce qui a de nombreux avantages par ailleurs mais présente l'inconvénient d'affaiblir financièrement ces organismes.

C'est la raison pour laquelle il m'a semblé important de rééquilibrer l'architecture du système de collecte en associant les organismes collecteurs interprofessionnels aux nouvelles actions de formation. Actuellement, les priorités de formation sont définies par la branche ou l'entreprise. Pourquoi ne pas également prévoir qu'à défaut d'un accord de branche ou d'entreprise un accord constitutif d'un OPCA interprofessionnel pourra définir ces priorités ?

M. le président. L'amendement n° 189 n'est pas défendu.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?

M. François Fillon, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-3 du code du travail par les mots : "en tenant compte éventuellement des priorités définies par la convention ou l'accord collectif de branche ou d'entreprise prévu au deuxième alinéa de l'article L. 933-2". »

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement de précision vise à reprendre une disposition de l'accord du 20 septembre 2003.

La mise en oeuvre du droit individuel à la formation doit tenir compte, le cas échéant, des priorités définies par la convention collective ou l'accord de branche ; clairement, il faut donc pouvoir aller au-delà des limites horaires proposées dans le projet de loi. Nous sommes ici en accord avec Mme le rapporteur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'amendement n° 88 ayant un objet identique à celui de l'amendement n° 7, la commission vous demande, madame Printz, de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, rapporteur. Le Gouvernement étant favorable à l'amendement de la commission, il est favorable à l'amendement n° 88.

M. le président. Madame Printz, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Gisèle Printz. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 88 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-3 du code du travail, après les mots : "formation envisagée", insérer les mots : ", qui peut prendre en compte les priorités définies au deuxième alinéa de l'article L. 933-2,". »

L'amendement n° 229 rectifié, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-3 du code du travail, après les mots : "formation envisagée", insérer les mots : ", qui peut prendre en compte des priorités définies conformément au deuxième alinéa de l'article L. 933-2,". »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement porte sur une disposition du projet de loi qui a été très discutée par les partenaires sociaux. Outre l'obligation de formation dont on a parlé plus haut, il s'agit du second point abordé par les organisations syndicales dans leur lettre du 13 janvier.

Les syndicats craignent que la liberté de choix de la formation par le salarié et l'employeur ne soit affaiblie si ce choix doit prendre en compte les priorités définies par la branche. Ce n'est certainement pas ce que les négociateurs ont souhaité. Il me semble que la mise en oeuvre du DIF doit relever de la procédure de codécision entre le salarié et son employeur. Après tout, dès lors que les deux parties se sont entendues sur le choix de la formation, je ne vois pas ce que la branche pourrait y trouver à redire. La codécision, que les organisations patronales n'ont eu cesse de mettre en avant lors des négociations, doit absolument être préservée, si on veut que le DIF soit un vrai droit individuel et soit appliqué.

L'amendement que je vous propose vise à atténuer cette querelle en rapprochant la rédaction de l'article 8 de celle de l'accord national.

Je souhaite qu'il soit précisé que le choix de l'action de formation décidée par l'employeur et le salarié peut prendre en compte les priorités de la branche, lorsqu'elles existent : il n'y aura donc de ce point de vue aucune obligation.

M. le président. La parole est à Annie David, pour défendre l'amendement n° 229 rectifié.

Mme Annie David. Cet amendement est presque identique à l'amendement n° 7.

Chaque salarié en CDI pourra exiger de son employeur que, sur une période de six ans au moins, cent vingt heures lui soient attribuées pour pouvoir se former sans que soient remis en cause ses autres droits existants comme le CIF, le congé individuel de formation, le bilan de compétences et la validation des acquis de l'expérience.

Le DIF, ce nouveau droit créé dans l'article 8, suppose une démarche personnalisée du salarié, mais pas forcément une démarche étroitement individuelle, puisque cette liberté peut s'enrichir d'une concertation franche avec l'employeur.

Les salariés n'ont rien à craindre d'une responsabilisation individuelle, dans la mesure où elle s'accompagne des garanties collectives correspondantes que sont le maintien de la hiérarchie des normes et la garantie face aux aléas économiques.

Notre amendement va dans le sens d'une protection du droit individuel du salarié à la formation et d'une clarification, entre le salarié et son employeur, des priorités auxquelles est soumis ce droit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement étant satisfait par celui de la commission, j'en demande le retrait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Il s'agit du deuxième sujet évoqué dans la lettre, souvent citée, notamment sur les travées de l'opposition, des partenaires sociaux, et la très grande distance entre l'interprétation qu'a voulu en donner l'opposition et la réalité apparaît bien.

Le premier sujet, on l'a vu, a donné lieu à un problème de rédaction juridique ; sur le deuxième sujet, le texte du projet de loi est parfaitement conforme à l'accord interprofessionnel.

De notre point de vue, il n'y avait pas d'ambiguïté quant à la possibilité pour le salarié, en accord avec son employeur, d'utiliser son DIF pour suivre une action de formation s'inscrivant éventuellement dans les priorités définies par une convention ou par un accord collectif de branches ou d'entreprises.

L'amendement proposé par la commission permet toutefois de satisfaire tout le monde et lève toute interprétation erronée de la loi. Le Gouvernement y est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 229 rectifié n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 8, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-3 du code du travail par deux phrases ainsi rédigées :

« Ce dernier dispose d'un délai de quinze jours pour notifier sa réponse lorsque le salarié prend l'initiative de faire valoir ses droits à la formation. L'absence de réponse de l'employeur vaut acceptation du choix de l'action de formation. »

Le sous-amendement n° 265, présenté par M. Gérard, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 8 pour compléter l'article L. 933-3 du code du travail, remplacer les mots : "de quinze jours" par les mots : "d'un mois". »

L'amendement n° 89, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-3 du code du travail par deux phrases ainsi rédigées :

« Ce dernier a quinze jours pour notifier sa réponse, à compter de la réception de la demande écrite du salarié de faire valoir ses droits à la formation. Une non-réponse de l'employeur a valeur d'acceptation de sa part du choix de l'action de formation. »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'article 8 prévoit la possibilité d'un désaccord entre l'employeur et le salarié sur le choix de l'action de formation. Lorsque ce désaccord se prolonge deux années de suite, le salarié est autorisé à se former dans le cadre non plus du DIF, puisque l'employeur le refuse, mais d'un autre dispositif, le congé individuel de formation.

Toutefois cet article 8 n'indique pas dans quel délai l'employeur doit faire connaître son accord sur la formation envisagée par le salarié. L'amendement n° 8 tend donc à lui accorder un délai de quinze jours pour y répondre, son silence valant acceptation.

L'objectif est d'éviter que l'employeur ne donne pas suite à la demande du salarié et que celui-ci ne puisse effectuer les démarches nécessaires auprès de l'organisme de formation concerné pour obtenir le congé de formation.

M. le président. La parole est à M. Alain Gérard, pour présenter le sous-amendement n° 265.

M. Alain Gérard. Ce sous-amendement a pour objet d'harmoniser le délai de réponse de l'employeur avec celui qui lui est applicable pour les demandes de départ en formation dans le cadre du congé individuel de formation.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 89.

Mme Gisèle Printz. Nous voici à nouveau en accord avec Mme le rapporteur : nous voulons revenir au texte des partenaires sociaux, dans un souci d'équilibre, et afin de ne pas laisser perdurer une ambiguïté qui pourrait être défavorable au droit du salarié et donc limiter la portée pratique de l'accord du 20 septembre dernier.

L'amendement n° 89 est peut-être un peu plus précis que celui de la commission, mais nos intentions sont les mêmes, et je ne doute pas que nous allons parvenir à un accord.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. A mon grand regret, je ne peux émettre un avis favorable sur le sous-amendement n° 265, car il est incompatible avec l'amendement de la commission, laquelle a considéré que le délai de quinze jours était suffisant.

Je demande donc à M. Gérard de bien vouloir retirer son sous-amendement.

Quant à l'amendement n° 89, dont Mme Printz a elle-même reconnu qu'il était très proche de celui de la commission, il est en effet satisfait et j'en demande également le retrait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 8 de la commission, sous réserve toutefois que le Sénat adopte le sous-amendement n° 265. En effet, comme l'a indiqué M. Gérard, il est cohérent que le délai applicable aux employeurs soit le même pour l'ensemble des dispositifs.

Le sous-amendement de M. Gérard et l'amendement de la commission ne sont pas incompatibles. Ils ont le même objectif, la seule différence étant que l'un prévoit un délai de quinze jours alors que l'autre retient un délai d'un mois, délai qui me paraît raisonnable, qui correspond à l'usage et qui est cohérent avec celui qui est prévu pour le CIF.

Le Gouvernement est donc favorable au sous-amendement n° 265.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission se rallie à la position du Gouvernement !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 265.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 89 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 90, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-3 du code du travail, après les mots : "s'exerce" insérer les mots : "en totalité ou". »

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement apporte une précision et tend à rapprocher le projet de loi du texte de l'accord du 20 septembre.

Ce dernier indique en effet que l'objet du DIF est de permettre aux salariés de bénéficier d'actions de formation réalisées en dehors du temps de travail, conformément aux dispositions de l'accord de branche ou d'entreprise dont ils relèvent.

Il semble donc préférable de laisser cette option ouverte et de ne pas faire injonction aux partenaires sociaux de suivre, dans la pratique quotidienne, une loi qui serait plus restrictive que l'accord auquel ils sont librement parvenus.

Nous ne sommes d'ailleurs pas en mesure de savoir à l'avance si des entreprises ne souhaiteront pas, pour des raisons liées à leur métier, que la formation soit réalisée en totalité pendant le temps de travail. Au demeurant, on nous demande trop souvent de laisser les partenaires sociaux négocier pour que nous ne respections pas, dans ce cas précis, leur liberté (M. le président de la commission des affaires sociales sourit), qui ne porte en rien atteinte aux prérogatives du Parlement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'amendement de Mme Printz ne peut être présenté comme un simple amendement de précision : il est contraire à l'esprit et, surtout, à la lettre de l'ANI. Nulle part je n'y ai lu que les formations peuvent se réaliser en totalité pendant le temps de travail.

J'émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Il est totalement défavorable : il s'agit là d'une innovation acceptée par l'ensemble des partenaires sociaux et qui, d'ailleurs, aurait déjà dû faire l'objet d'une intervention du législateur sous la législature précédente. Nous voyons en effet qu'avoir ignoré complètement les possibilités de formation lors du débat sur le projet de loi relatif à la réduction du temps de travail a été une grave erreur.

Le groupe socialiste est prêt à refaire cette même erreur en ignorant sciemment un accord dans lequel les partenaires sociaux ont fait preuve d'innovation.

Le Gouvernement souhaite donc que le Sénat repousse cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 230 rectifié, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Remplacer la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-3 du code du travail par deux phrases ainsi rédigées :

« Une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut prévoir que le droit individuel à la formation s'exerce en partie hors du temps de travail. A défaut d'un tel accord, les actions de formation se déroulent pendant le temps de travail. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L'amendement n° 230 rectifié vise à éviter les inégalités liées à l'impossibilité pour certaines personnes, en particulier pour les femmes, de suivre une formation hors des horaires de travail. Il respecte ainsi le principe de la réduction du temps de travail.

Cet amendement vise également à encourager le dialogue dans les entreprises.

Monsieur le ministre, vous venez d'indiquer que les accords de branche pourraient donner satisfaction aux salariés à temps partiel. Je vous propose de faire de ces accords des accords généraux. Les partenaires sociaux dans les entreprises pourraient ainsi décider si le temps de formation est ou non pris sur le temps de travail.

En l'absence de partenaires sociaux au sein de l'entreprise, et faute d'accord, les actions de formation doivent se dérouler pendant le temps de travail.

L'employeur doit être conscient de ce que la formation tout au long de la vie relève pour la plus grande part d'investissements qu'il se doit de faire s'il veut que son entreprise reste compétitive et qu'elle acquière de la valeur ajoutée. C'est pourquoi je défends l'idée que les salariés se forment en priorité pendant leur temps de travail.

Ce seront très souvent les salariés les plus fragiles qui auront des difficultés pour se former. Je prends une nouvelle fois l'exemple des femmes qui, on le sait, malgré l'évolution de notre société, se consacrent très souvent de manière traditionnelle à leur famille, parfois à leurs ascendants défaillants ou encore aux tout petits enfants privés d'une place en crèche. Elles peuvent ainsi passer deux années ou plus sans bénéficier d'aucune formation.

Parmi les personnes qui rencontreront des difficultés pour se former en dehors de leur temps de travail figurent également tous les salariés postés, c'est-à-dire travaillant en faction de nuit, de jour, de matin. Et il faudrait que, dans le cadre de leur CDI, ces salariés, qui travaillent sept heures trente ou huit heures, parfois la nuit, parfois la journée, parfois le soir, trouvent le temps en plus de suivre une formation ? De nombreuses conditions sont réunies pour qu'ils ne puissent pas bénéficier d'une formation.

On sait par ailleurs que les femmes sont plus concernées que les hommes par les contrats à durée déterminée ou par le travail à temps partiel. Leur accès au droit à la formation est plus limité. C'est donc un problème récurrent depuis la loi de 1971, portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente. De ce point de vue, ce projet de loi n'améliore pas leur situation et creusera les inégalités socioprofessionnelles entre les hommes et les femmes.

Après votre réforme sur les retraites, monsieur le ministre, dont les femmes sont parmi les premières victimes, vous nous présentez à nouveau un texte qui porte atteinte au droit des salariées dans l'entreprise.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car il n'est pas conforme à l'ANI.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 230 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 231, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Remplacer les deuxième et troisième phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-4 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :

« Les frais de formation correspondant aux droits ouverts sont à la charge de l'employeur et sont imputables sur sa participation au développement de la formation professionnelle tout au long de la vie. »

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 231.

Mme Annie David. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec notre opposition à la formation en dehors du temps de travail.

Selon le MEDEF, le salarié devrait participer financièrement à sa formation professionnelle, en l'effectuant en dehors de son temps de travail.

Au-delà de l'aspect juridique et financier de la prise en charge de la formation, votre notion de « co-investissement » vise à nous convaincre du bien-fondé de votre idéologie « paternalisante », selon laquelle le salarié doit mériter son emploi.

D'après une enquête récente, un tiers des personnes qui n'ont pas pu bénéficier d'une formation évoquent celle-ci comme un rêve impossible, soit parce qu'ils n'ont reçu aucune proposition, soit parce que leur début de démarche auprès de l'employeur, de l'ANPE ou d'un organisme public ou privé s'est soldé par une fin de non-recevoir, soit parce qu'ils connaissent des problèmes financiers ou d'emploi du temps, soit parce que leur contrat d'intérim, leur CES ou leur emploi à temps partiel ne leur ouvre pas de droits. Nombreuses sont les raisons.

L'accord national interprofessionnel devrait tenir compte de tous les freins subjectifs ou environnementaux susceptibles d'entraver l'accès à la formation.

Tel est le sens de cet amendement, que je vous demande, bien évidemment, de voter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, contraire à la philosophie et à la lettre de l'ANI.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après la troisième phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-4 du code du travail, insérer deux phrases ainsi rédigées :

« L'employeur peut s'acquitter de ses obligations relatives aux frais de formation par l'utilisation d'un titre spécial de paiement émis par des entreprises spécialisées. Sa mise en oeuvre par accord de branche s'effectue dans des conditions fixées par décret. »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Pour simplifier les formalités administratives liées au DIF, notamment pour les PME, je vous propose de créer un « titre-formation » sur le modèle du ticket-restaurant : ce titre-formation devrait permettre à l'employeur de s'aquitter de ses obligations relatives aux frais de formation. Il lui suffira d'acheter ces titres auprès d'entreprises spécialisées, qui fourniront une liste d'organismes de formation fiables, et de les remettre aux salariés qui souhaitent se former. Ceux-ci transmettront ce titre pour paiement à l'organisme de formation. L'entreprise est ainsi libérée de toute formalité administrative.

Le dispositif du titre-formation permettra ainsi aux entreprises de simplifier les formalités administratives qui pèseront sur elles, d'être certaines que les sommes versées sont bien affectées à des coûts pédagogiques et de mieux gérer leur budget de formation.

Il permettra aussi aux salariés d'accéder à une offre plus ciblée de formation parmi les quelque 67 000 organismes de formation affiliés.

Il permettra également aux organismes de formation de bénéficier d'un accès facilité à la clientèle individuelle, de limiter les difficultés liées à la solvabilité et aux délais de paiement.

Il permettra enfin aux partenaires sociaux d'utiliser cet outil au service d'une politique de formation au niveau de chaque branche professionnelle, en promouvant des titres-formation dédiés à l'activité concernée.

Ce dispositif sera évidemment neutre pour le budget de l'Etat puisqu'il ne crée aucune exonération.

Afin d'associer les partenaires sociaux à la mise en place de ce titre, je vous propose de confier sa mise en oeuvre aux accords collectifs dans des conditions fixées par décret.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 232, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la première phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-5 du code du travail :

« Lorsque durant deux exercices civils consécutifs, l'entreprise n'a pas donné son autorisation d'absence pour que le salarié puisse bénéficier du droit individuel à la formation, l'organisme paritaire agréé au titre du congé individuel de formation dont relève son entreprise assure par priorité la prise en charge financière de l'action dans le cadre d'un congé individuel de formation. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement vise à rétablir, pour le salarié, la liberté de choisir sa formation. Le droit individuel à la formation implique en effet pour le salarié une liberté de choix. Si le DIF est soumis à l'accord de l'employeur, le désaccord de celui-ci sur la formation choisie ne peut justifier qu'il empêche un salarié de se former.

Notre amendement vise à établir que, si un salarié est dans l'impossibilité de bénéficier du droit individuel à la formation parce que son employeur ne le lui accorde pas, la responsabilité en incombe à ce dernier, et non au salarié, qui ne refuse pas de suivre une formation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. La question des formations prioritaires a été précisée par l'Assemblée nationale par voie d'amendements, rendant ainsi le présent article plus conforme à l'ANI. L'amendement proposé par Mme Annie David est en retrait par rapport au souhait exprimé par les partenaires sociaux.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter la dernière phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-5 du code du travail par les mots : "et au salarié, dans la limite de l'intégralité des frais liés à la mise en oeuvre de son congé individuel formation, le montant de formation correspondant à ses droits acquis au titre du droit individuel". »

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Le texte de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 prévoit que l'employeur doit verser à l'organisme de formation des frais afférents à cette dernière et au salarié le montant de l'allocation.

Or, dans sa rédaction actuelle, l'article L. 933-5 prévoit le versement de ces deux montants à l'organisme de formation.

On discerne mal la logique qui préside à cette modification du texte de l'accord. De plus, il n'est pas précisé si, après le versement des deux sommes à l'organisme de formation, celui-ci devra verser le montant de l'allocation au salarié. Si tel était le cas, cela alourdirait considérablement sa gestion ; dans le cas contraire, cela signifierait que le salarié en formation est considéré comme une sorte de mineur sous tutelle. Il ne semble pas que cette conception soit celle qui a permis d'aboutir à la signature de l'accord par les partenaires sociaux.

Ainsi, nous souhaitons que l'esprit de l'accord soit strictement respecté. L'employeur doit adresser, d'une part, à l'organisme de formation le montant des frais calculés conformément aux dispositions de l'article L. 933-4 du code du travail et sur la base forfaitaire applicable aux contrats de professionnalisation mentionnés à l'article L. 983-1 du même code, d'autre part, au salarié l'allocation correspondant à ses droits acquis au titre du DIF.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'article 8 du projet de loi prévoit qu'en cas de désaccord entre le salarié et son employeur sur le choix de l'action de formation, l'employeur est tenu de verser à l'organisme collecteur des fonds du CIF le montant de l'allocation de formation, ainsi que les frais de formation correspondant aux droits acquis au titre du DIF.

Cette disposition ne diffère en rien de l'ANI, si ce n'est que les sommes versées le sont directement à l'organisme, sans passer par l'intermédiaire du salarié. Que l'entreprise verse le montant dû au salarié ou à l'organisme, je ne vois pas ce que cela changerait : en tout état de cause, la formation du salarié sera rémunérée. Je pense que c'est bien ce qui importe aux auteurs de l'amendement.

D'ailleurs, lors de notre table ronde, aucun des partenaires sociaux, y compris les syndicats, n'ont fait de propositions particulières sur ce point. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, car, s'il était retenu en l'état, il aurait pour effet de conduire l'employeur à verser deux fois les mêmes sommes : une première fois à l'organisme paritaire, une seconde fois au salarié.

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas mal ! (Sourires.)

M. François Fillon, ministre. Dans la mesure où, en cas de refus de prise en charge d'une formation dans le cadre du droit individuel à la formation, c'est à l'organisme paritaire, agréé au titre du congé de formation, de prendre en charge les frais qui y sont liés, il est apparu plus logique et plus opérationnel que cet organisme soit destinataire des sommes dues au titre du droit individuel à la formation. C'est de cette manière que le texte a été présenté aux partenaires sociaux lors de la commission permanente de la formation professionnelle. Ces derniers n'ont alors émis aucune réserve à cet égard.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 233, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-6 du code du travail :

« Art. L. 933-6. - Le droit individuel à la formation est transférable. En cas de licenciement du salarié, le montant de l'allocation de formation correspondant aux heures acquises au titre du droit individuel à la formation et n'ayant pas été utilisées est calculé sur la base du salaire net perçu par le salarié avant son départ de l'entreprise. Les sommes correspondant à ce montant doivent permettre de financer tout ou partie d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. A défaut de leur utilisation, le montant correspondant au droit individuel à la formation doit être versé automatiquement au salarié par l'employeur. Dans le document mentionné à l'article L. 122-14-1, l'employeur est tenu, le cas échéant, d'informer le salarié qu'il licencie de ses droits en matière de droit individuel à la formation, notamment de la possibilité de demander pendant le délai-congé à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. En cas de démission, le salarié peut demander à bénéficier de son droit individuel à la formation sous réserve que ses démarches visant à l'action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation soit engagées avant la fin du délai-congé. »

L'amendement n° 92, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-6 du code du travail, supprimer les mots : "sauf pour faute grave ou faute lourde". »

L'amendement n° 10, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 933-6 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :

« En cas de départ à la retraite, le droit individuel à la formation n'est pas transférable. »

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 233.

Mme Annie David. Je vous ferai grâce de la lecture de la nouvelle rédaction, qui est un peu longue, proposée pour l'article L. 933-6 du code du travail, à travers cet amendement.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Contentons-nous de l'objet de l'amendement !

Mme Annie David. A cette heure, il n'y a plus beaucoup de personnes attentives !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr que l'on écoute !

Mme Annie David. En effet, M. le ministre écoute !

Le droit individuel à la formation est transférable. Cette caractéristique du DIF se justifie pleinement à une époque où la mobilité du salarié, d'une entreprise à l'autre et d'un métier à un autre, est devenue une pratique courante.

Dans le contexte d'une économie nationale et mondiale mouvante, la formation demandée ne peut exclusivement viser l'adaptation à un seul poste de travail ; le salarié devra à un moment de sa vie utiliser son droit à la formation pour se reconvertir.

Cette transférabilité du DIF pourrait se concevoir comme une épargne-temps s'il était calculé dans le respect des textes légaux concernant la durée du travail, mais nous savons que, pour des raisons dites comptables, les employeurs préfèrent le monnayer. Une sécurité sociale de l'emploi et de la formation, telle que je l'envisageais tout à l'heure, n'est malheureusement pas à l'ordre du jour.

Il faut absolument insister également sur le devoir qu'a l'employeur de tenir le salarié informé de ses droits à différentes formations et sur le fait que les sources d'information doivent être facilement accessibles afin de susciter et de faciliter les démarches des salariés.

Le droit à la formation compense la peur de l'avenir professionnel.

Les délocalisations sur le sol national et à l'étranger, les concentrations du capital international et des entreprises laissent sur le bord d'anciens sites industriels des salariés dont les savoirs sont localement inutilisables.

Puis il y a des métiers, des secteurs, des branches entières qui disparaissent. Il y a également les accidents du travail et de la vie...

Enfin, pour des raisons personnelles, à un moment donné de sa vie, on peut ressentir le besoin de réaliser un rêve et de changer d'orientation professionnelle.

Les raisons pour lesquelles, au cours d'une vie, une personne évolue sont multiples. C'est cette liberté d'évoluer qu'a pour objet de traduire le présent amendement.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour défendre l'amendement n° 92.

Mme Gisèle Printz. La transférabilité du droit individuel à la formation est une question primordiale pour l'ensemble des salariés, qui n'a pu être résolue lors de la négociation. La transférabilité n'est apparue au cours de la discussion du projet de loi qu'en première lecture à l'Assemblée nationale, grâce à un amendement du rapporteur.

On nous permettra de faire observer que, pour cette première partie du texte au moins, la discussion au Parlement et les interventions tant des rapporteurs que des orateurs des divers groupes auront indéniablement permis de progresser vers l'équilibre. Cela en est un nouvel exemple.

En l'occurrence, j'ai envie de dire que nous avons fait une bonne partie du chemin, mais qu'il reste encore quelques pas à accomplir.

La transférabilité du DIF est donc acquise, ce qui était indispensable compte tenu de l'instabilité du marché du travail. Sans qu'il soit même besoin d'évoquer le développement de la précarité, on comprend bien qu'un salarié sous contrat à durée indéterminée, licencié après avoir occupé son emploi pendant trois ou quatre années, ne saurait perdre les droits qu'il a acquis. Le droit individuel à la formation est attaché au salarié et non pas à l'employeur. Ce point est tout à fait fondamental. Encore une fois, le salarié n'est pas un mineur sous tutelle, comme une frange du patronat aurait manifestement tendance à le penser.

Sur le plan pratique, il est bien évident que la non-transférabilité signifierait, dans le contexte d'instabilité que j'évoquais, la fin du DIF avant même qu'il ait été mis en place. Ce serait transformer un espoir pour les salariés et une chance pour notre économie en un simple effet d'annonce. Cela susciterait une immense déception et serait certainement perçu comme une véritable « arnaque » par l'opinion. Je ne crois pas que les circonstances se prêtent à une telle manoeuvre.

Notre amendement vise à supprimer la mention : « sauf pour faute grave ou lourde ».

Sur le plan du principe d'abord, comme je viens de le dire, le salarié n'est pas un mineur sous tutelle. Il n'y a donc pas lieu de le punir en le privant de formation parce que l'employeur estimera qu'il a commis une faute grave ou lourde. La formation n'est pas une « friandise », c'est une nécessité économique. Elle ne doit pas être associée à l'appréciation que l'employeur porte sur le salarié ; elle est un droit inhérent à la qualité juridique de salarié.

Sur le plan pratique ensuite, nombre de licenciements pour faute grave ou lourde donnent lieu à un contentieux. Ils sont assez souvent requalifiés à l'issue de la procédure. Dans quelles conditions le salarié retrouvera-t-il alors son droit à la formation ?

La formulation actuelle du texte ne tient pas compte de ces deux éléments, même si elle constitue un progrès par rapport à la rédaction initiale. Nous demandons qu'elle soit modifiée pour mieux tenir compte du statut juridique et de la situation réelle du salarié.

M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 233 et 92.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'amendement n° 10 vise à reprendre une disposition qui figurait dans l'ANI et qui semble si évidente que le Gouvernement ne l'a pas insérée à l'article 8. Toutefois, il n'est pas rare de voir des salariés partis à la retraite reprendre une activité, notamment à temps partiel. Il importe donc de préciser que, dès lors qu'ils auront quitté l'entreprise pour partir à la retraite, les droits acquis au titre du DIF par les salariés ne pourront pas faire l'objet d'un transfert.

En ce qui concerne l'amendement n° 233, madame David, même si la commission partage votre souci de prévoir une transférabilité plus complète du DIF, elle a émis un avis défavorable sur votre proposition. Celle-ci est contraire à l'esprit de l'ANI qui, je le rappelle, est un compromis et constitue la première étape d'une réforme qui se poursuivra dans les mois à venir.

Il convient, par conséquent, de laisser aux partenaires sociaux le temps de mener à bien les négociations complémentaires avant d'instituer une transférabilité totale du DIF.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 92.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 233 et 92. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 10.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 233.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Art. 8 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Art. additionnels après l'art. 8

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TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique fédérale d'Ethiopie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole).

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 184, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 185, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République islamique d'Iran sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 186, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relative aux lycées franco-allemands et au baccalauréat franco-allemand (ensemble une annexe).

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 187, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres concernant le statut fiscal et douanier des établissements culturels et d'enseignement complétant l'accord de coopération culturelle, scientifique et technique entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 188, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification des protocoles au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Bulgarie, de la République d'Estonie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la Roumanie, de la République slovaque et de la République de Slovénie.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 189, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'annexe V à la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est sur la protection et la conservation des écosystèmes et de la diversité biologique de la zone maritime (ensemble un appendice 3 sur les critères de détermination des activités humaines aux fins de ladite annexe).

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 190, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion de la France au protocole d'amendement à la convention internationale pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers (ensemble trois appendices).

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 191, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au développement des territoires ruraux.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 192, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION

DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Lettre de la Commission européenne du 23 janvier 2004, relative à une demande de dérogation présentée par la République fédérale d'Allemagne conformément à l'article 27 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires. Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2496 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Conseil portant modification de la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le lieu des prestations de services.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2497 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche pour la période 2004-2006.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2498 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/49/CE concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'Etats membres différents.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2499 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil accordant une aide macrofinancière à l'Albanie et abrogeant la décision 1999/282/CE.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2500 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre le Communauté économique européenne et le Gouvernement de la République de Guinée concernant la pêche au large de la côte guinéenne, pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2008.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2501 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Communication de la Commission sur la mise en oeuvre des grandes orientations de politique économique pour 2003-2005.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2502 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet de position commune du Conseil modifiant et prorogeant la position commune 2002/145/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre du Zimbabwe.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2503 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil concernant les taux de conversion entre l'euro et les monnaies des Etats membres adoptant l'euro.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2504 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier Ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique intensifiant et élargissant le champ d'application de l'accord de coopération douanière et d'assistance mutuelle en matière douanière du 28 mai 1997 afin d'y inclure la coopération relative à la sécurité des conteneurs et aux questions connexes.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2505 et distribué.

9

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Xavier Pintat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification des protocoles au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Bulgarie, de la République d'Estonie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la Roumanie, de la République slovaque et de la République de Slovénie (n° 189, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 193 et distribué.

10

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de Mme Valérie Létard, MM. Hilaire Flandre et Serge Lepeltier un rapport d'information fait au nom de la mission commune d'information « La France et les Français face à la canicule : les leçons d'une crise ».

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 195 et distribué.

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DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Léonce Dupont un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire (n° 164, 2003-2004).

L'avis sera imprimé sous le n° 194 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 4 février 2004, à quinze heures et le soir :

1. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes.

2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 133, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Rapport (n° 179, 2003-2004) fait par Mme Annick Bocandé et M. Jean Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole

et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification des protocoles au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Bulgarie, de la République de l'Estonie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la Roumanie, de la République slovaque et de la République de Slovénie (n° 189, 2003-2004).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 4 février 2004, à dix-sept heures.

Question orale avec débat (n° 24) de M. Yves Coquelle à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur l'épidémie de légionellose.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 9 février 2004, à dix-sept heures.

Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Jacques Pelletier, Henri de Raincourt et Xavier de Villepin actualisant le tableau de répartition des sièges de sénateurs et certaines modalités de l'organisation de l'élection des sénateurs (n° 156, 2003-2004).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 février 2004, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 9 février 2004, à dix-sept heures.

Débat sur les travaux de la mission d'information commune : « La France et les Français face à la canicule : les leçons d'une crise ».

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 9 février 2004, à dix-sept heures.

Projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions de droit communautaire (n° 164, 2003-2004).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 11 février 2004, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 février 2004, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 4 février 2004, à zéro heure quarante.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

NOMINATION DE RAPPORTEURS

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. Daniel Goulet a été nommé rapporteur du projet de loi n° 136 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Surinam pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a été nommée rapporteur du projet de loi n° 137 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. Xavier Pintat a été nommé rapporteur du projet de loi n° 189 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification des protocoles au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Bulgarie, de la République d'Estonie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la Roumanie, de la République slovaque et de la République de Slovénie.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Paul Blanc a été nommé rapporteur du projet de loi n° 183 (2003-2004) pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)

Situation de l'imprimerie des timpres-poste

et des valeurs fiduciaires

418. - 30 janvier 2004. - M. Bernard Cazeau attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la situation de l'imprimerie des timbres-poste et des valeurs fiduciaires située à Boulazac, en Dordogne. L'ITVF maîtrise sur le même site, ce qui est unique en Europe, une grande diversité de technologies d'impression, associant les plus rares (comme la taille-douce) aux plus modernes (telles que l'offset, l'héliogravure, le numérique). A ce parc exceptionnel s'ajoutent des équipements de clicheries adaptées dont une exclusivité mondiale : la gravure numérique en taille-douce. L'ITVF a une tradition de qualité qui lui vaut d'être certifiée à la norme ISO depuis 1995. Enfin, l'ITVF est dotée d'un système de protection anti-intrusion et d'une organisation interne de surveillance conforme aux règles R 8 de l'APSA. De plus, la sécurité des produits répond à des normes précises et contrôlées avant production, au niveau du support papier, au niveau des encres, et bien sûr durant les travaux d'impression. Mais l'ITVF doit impérativement adapter ses effectifs et ses organisations pour : coller à la réalité de son trafic, en baisse sensible et régulière (de 4,5 milliards de timbres-poste Marianne en 1995 à 2,8 millards en 2003) ; rentabiliser les investissements que La Poste y a réalisé (4,5 millions d'euros par an en moyenne depuis 1995) ; saisir les opportunités commerciales du marché. Au vu de ces difficultés, il l'interroge sur les dispositions qu'elle entend prendre pour assurer les productions artistiques ou (et) de haute sécurité à l'ITVF, laquelle est connue et reconnue pour ses valeurs.

Contentieux sur les créations d'officines en milieu rural

419. - 2 février 2004. - M. Georges Mouly appelle l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur les contentieux qui persistent en matière de création d'officines de pharmacie en milieu rural alors que les nouvelles règles de création, de transfert et de regroupement des officines de pharmacie introduites par l'article 65 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle ont eu notamment pour objet de simplifier les règles antérieures de création d'officine dans les communes rurales en autorisant l'ouverture à condition, d'une part, que la commune d'implantation s'intègre au sein d'une zone géographique formée d'un ensemble de communes contiguës qui ne sont pas ou ne sont plus prises en compte pour la création d'une officine dans une autre pharmacie et, d'autre part, que la population totale de cette zone soit au moins égale à 2 500 habitants. A l'exemple du contentieux créé autour de l'ouverture d'une pharmacie à Saint-Chamant, en Corrèze, il lui demande s'il est possible de prendre des mesures qui permettent, en cas de recours _ systématiquement introduits par les professionnels du secteur ou leur chambre syndicale _ au pharmacien contesté d'exercer tant que la procédure n'est pas close et d'introduire la notion de recours abusif pouvant entraîner le versement d'une « amende » au cas où le tribunal confirme la légalité de l'autorisation préfectorale.

Taxe à l'équarrissage

420. - 30 janvier 2004. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les difficultés engendrées par la création d'une nouvelle taxe à l'équarrissage prévue par la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003). Cette taxe remplace celle créée par la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs, qui était acquittée par la distribution, et qui est devenue contraire aux règles européennes. Il est à présent prévu que la nouvelle taxe soit collectée sous la responsabilité des abattoirs, alors qu'aucun texte d'application n'est venu préciser quel maillon de la filière doit en supporter le coût. Au cours des débats parlementaires, le ministre de l'agriculture a fait état de « l'assurance écrite du ministère de l'économie et des finances que ce coût figure en pied de facture, de manière à ce qu'il soit répercuté vers l'aval », c'est-à-dire vers la distribution et les consommateurs, dans la logique du système précédent. Or, il s'avère que des tensions sont apparues, certaines enseignes de la distribution refusant de s'acquitter de cette taxe ; les abattoirs, qui doivent avancer au trésor public les sommes correspondantes sous peine de se voir infliger des pénalités de retard, et de voir l'équilibre de leurs budgets gravement menacé, sont donc tentés de répercuter le coût de la taxe vers l'amont de la filière, c'est-à-dire vers les éleveurs. Ceux-ci, déjà grandement fragilisés depuis la crise de la « vache folle », refusent à juste titre de supporter le coût de l'équarrissage. Il lui demande donc que des règles claires soient établies pour l'application de la nouvelle taxe d'équarrissage, de manière que la filière ne soit pas déstabilisée, et que les prix de vente au détail n'augmentent pas.

Création d'un service de petites urgences

sur la rive droite à Bordeaux

421. - 2 février 2004. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le projet de création d'un service public « petites urgences » sur la rive droite de Bordeaux. Il souligne l'importante croissance d'accidents domestiques qui se produisent en fin de soirée ; les victimes sont alors contraintes d'aller à Bordeaux sans compter les embouteillages, ce qui signifie au moins une heure de trajet jusqu'au centre hospitalier régional (CHR). Il lui rappelle qu'à partir de 19 h 30 il est impossible de pouvoir faire effectuer une radio qui permettrait de rassurer la victime ou de diminuer la douleur. Ces accidents domestiques entraînent des traumatismes ; c'est ainsi qu'à la suite de radio, la pose d'attelle, de points de suture ou de soins adéquats permettent de diminuer les conséquences de la blessure. De tels gestes de petite et première urgence devraient pouvoir être réalisés dans un établissement hospitalier de la rive droite. Le quotidien « Sud Ouest » relatait récemment le même type de problème survenu au sein d'une famille de Créon, commune située à une vingtaine de kilomètres de Bordeaux. Entre le premier appel et l'arrivée aux urgences de l'hôpital Saint André de Bordeaux, plus de deux heures se sont écoulées... Compte tenu de l'importance de l'évolution démographique de la rive droite de la Garonne, des difficultés et de l'intensité du trafic, il lui demande de bien vouloir lui préciser dans quels délais le projet de création d'un service public d'accueil des petites urgences de 20 heures à 8 heures va être réalisé afin de répondre à un besoin vital de ces populations.

Organisation de la poste en Gironde

422. - 2 février 2004. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur les menaces qui pèsent sur de nombreux bureaux de poste en Gironde. Il souligne le caractère paradoxal d'une telle situation au moment où le Gouvernement prône le rôle du service public de proximité. La direction de La Poste affirme que « ses 100 000 facteurs et ses 17 000 points de contact contribuent chaque jour au maintien du lien social, à l'aménagement du territoire ». Toujours selon La Poste, « l'engagement sociétal est une valeur centrale du groupe La Poste qui s'engage à maintenir un lien social fort en milieu rural ». Compte tenu de l'importance du rôle de proximité joué par les bureaux de poste en zone rurale en faveur des personnes âgées et au moment où les collectivités locales et plus précisément les communes et les conseils généraux contribuent fortement à préserver ces services publics, il lui demande de bien vouloir mettre tout en oeuvre pour assurer le maintien de ces bureaux de poste.

Interdiction de certains insecticides

423. - 2 février 2004. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire à nouveau l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur la destruction du cheptel agricole subie depuis plus de huit ans par les agriculteurs et son refus de prendre des mesures sérieuses et conséquentes contre les insecticides Gaucho et Regent-TS dont les laboratoires publics et de recherche ont apporté des preuves irréfutables de l'hyper-toxicité sur la vie de l'abeille et la faune auxiliaire. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures d'interdiction qu'il doit envisager compte tenu que Gaucho et Regent-TS s'ils tuent les abeilles, sont également incompatibles avec les principes d'une agriculture dite raisonnée et contraires au concept de développement durable dont l'agriculture est l'actrice incontournable et qui pourrait conduire à un véritable désastre écologique.

Réforme de la politique agricole commune

424. - 3 février 2004. - M. Marcel Deneux attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les conditions de la réforme de la politique agricole commune. Cette réforme doit être mise en oeuvre dans les Etats membres de l'Union européenne entre le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2007. Elle prévoit d'une manière générale de subventionner l'agriculture non plus seulement en fonction de la production agricole, mais par le procédé du découplage, sur la base des aides perçues pour les années 2000 à 2002, en laissant toutefois des possibilités d'adaptation aux Etats membres avec le découplage partiel. Ainsi, le Gouvernement a un double choix à faire : d'une part, la date de mise en application de la réforme en France et, d'autre part, la méthode de mise en application de la réforme, par un découplage total ou partiel. L'absence d'annonce de la date et de la méthode de mise en oeuvre depuis le mois de septembre 2003 crée un véritable vide juridique, source d'inquiétudes et d'incertitudes. En effet, tant que les modalités de la réforme ne sont pas connues, les propriétaires-exploitants sont tentés de ne pas céder leur exploitation, attendant d'obtenir leur prime qui valorisera leur exploitation. Ainsi, si la réforme n'entre en vigueur qu'en 2007, on assistera à une crise due au gel des transferts fonciers. Pour ceux qui vendent, les actes de cession contiennent maintenant des clauses suspensives qui ont pour objet la transmission des droits futurs. En outre, les droits étant détachés de l'exploitation, une personne primable peut bloquer pendant trois ans le montant de l'aide alors même qu'elle n'exploite plus de terres. Si la réforme n'intervient qu'en 2007, les droits pourraient être bloqués jusqu'en 2010. Il souhaiterait donc savoir quand le nouveau régime entrera en application et dans quelle mesure le découplage sera appliqué. Devant la recrudescence des clauses suspensives dans les actes de vente, les nombreux contentieux qui pourraient voir le jour et les risques de gel de transferts fonciers empêchant les jeunes de s'installer, il se demande s'il ne serait pas souhaitable de mettre en place un régime transitoire reconnaissant l'attachement des primes au fonds et non à la personne de l'exploitant.